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Paraboles de Luc 14 à 18
Christian Briem
Traduit de l’allemand : 2 volumes — « Il les enseignait en beaucoup de paraboles »
Table des matières abrégée :
1 La tour et les deux rois — Luc 14:25-33
3 L’économe [ou : administrateur] injuste — Luc 16:1-13
5 L’esclave qui revient des champs — Luc 17:7-10
7 Le pharisien et le publicain — Luc 18:9-14
Table des matières détaillée :
1 La tour et les deux rois — Luc 14:25-33
1.1 Être un disciple du Seigneur : ce que cela implique
1.3 Les deux rois — Luc 14:31-32
2.1.2 Le ch. 15 : la joie de Dieu, le cœur de Dieu. Toute la Déité cherche les perdus
2.2.1 Une réponse aux pharisiens et aux scribes
2.2.2 Diverses sortes de brebis. Jean 10
2.3.1.2 La personne qui cherche
2.4.2 La responsabilité de l’homme — Luc 15:11
2.4.2.1 L’origine de l’homme, c’est Dieu
2.4.2.2 Responsabilité de l’homme vis-à-vis de Dieu
2.4.3 Le caractère du péché — Luc 15: 12-13
2.4.4 Dans le pays étranger [éloigné] — Luc 15:14-16
2.4.5 La bonté de Dieu qui pousse à la repentance — Luc 15:17-19
2.4.6 Conversion, repentance et confession — Luc 15:18-19
2.4.7 La grâce surabondante de Dieu — Luc 15:20
2.4.8 La joie de Dieu — Luc 15:22-24
2.4.10 Le propre-juste — Luc 15:25-32
3 L’économe [ou : administrateur] injuste — Luc 16:1-13
3.1 16:1-2 — Destitué de son administration
3.2 16:3-7 — La prudence de l’économe
3.3 16:8 — fils de ce monde, fils de lumière
3.4 16:9-12 — Quand les richesses injustes [ou : le Mammon] viennent à manquer
3.4.1 Ne pas se tromper dans l’interprétation — Parallèles et contrastes
3.4.2 16:9 — Les richesses injustes — Les amis qui reçoivent
3.4.3 16:9 — Quand les richesses manquent
3.4.4 16:10 — Ce qui est très petit — Ce qui est grand
3.4.5 16:11 — Les vraies richesses
3.4.6 16:12 — Ce qui est vôtre
4.2 Un changement significatif dans les voies de Dieu
4.3.2.1 Qu’est-ce que le hadès ?
4.3.2.3 Une prière qui arrive trop tard
4.3.2.5 Caractère définitif de ce qu’il y a après la mort
4.3.2.6 La Parole de Dieu : seul moyen de salut
5 L’esclave qui revient des champs — Luc 17:7-10
5.1 La foi comme un grain de moutarde
5.4 N’y a-t-il donc aucun salaire ?
6.2 Double signification de la parabole
6.3 Le Résidu Juif dans l’avenir
6.3.1 La veuve et son adversaire
6.3.2 Une requête qui n’est pas chrétienne
6.4 Quand le Fils de l’homme viendra
7 Le pharisien et le publicain — Luc 18:9-14
7.3 Une prière qui parvient à Dieu
8.2 La mission confiée par l’homme noble à ses esclaves
Après la parabole du ‘grand souper’ de Luc 14:16-24 — déjà considérée dans le livre sur les paraboles à l’occasion de l’image du ‘roi qui fit des noces pour son fils’ en Matt. 22 — à la fin de ce même chapitre de Luc 14 figure une petite parabole double : la parabole de la ‘tour’ et la parabole des ‘deux rois’. Le Seigneur s’en sert pour souligner l’enseignement précédent, adressé à une grande foule : être un vrai disciple, ça « coûte » quelque chose.
C’était relativement simple de Le suivre au sein d’une foule, lorsqu’Il allait d’un lieu à l’autre (14:25). Mais être un vrai disciple est une affaire personnelle, qui implique un renoncement à soi-même. Les gens étaient-ils vraiment prêt à Le suivre personnellement ? Assumeraient-ils les conséquences qui s’y rattachent ? ou préféreraient-ils leurs propres intérêts, comme ce que l’homme fait précisément ? Mais cela, ce ne serait pas être un disciple.
C’est pourquoi le Seigneur Jésus répète trois fois dans ce paragraphe l’expression « … ne peut pas être mon disciple ». Il met par là l’accent sur le sérieux de la décision d’être Son disciple, et Il montre que Le suivre ne peut pas être uniquement une profession creuse, mais qu’elle doit avoir, et aura, une influence sur
· les sentiments du cœur : « si quelqu’un vient à moi et ne hait pas son père et sa mère et sa femme et ses enfants et ses frères et sœurs, et même sa propre vie, il ne peut être mon disciple » (14:26)
· la conduite dans notre vie personnelle : « quiconque ne porte pas sa croix, et ne vient pas après moi, ne peut être mon disciple » (14:27)
· l’usage des possessions personnelles : « ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il a, ne peut être mon disciple » (14:33).
Les disciples du Seigneur auront aussi à endurer, à cause de Son nom, séparation, souffrance et privation. C’est à cette pensée qu’Il sensibilisait les foules d’alors, et qu’Il nous sensibilise aujourd’hui. En un sens, il est nécessaire pour cela de commencer par évaluer les coûts. Les deux paraboles vont montrer maintenant que ceci doit se passer d’une double manière.
« Car quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne s’asseye premièrement et ne calcule la dépense, pour voir s’il a de quoi l’achever ? de peur que, en ayant jeté le fondement et n’ayant pu l’achever, tous ceux qui le voient ne se mettent à se moquer de lui, disant : Cet homme a commencé à bâtir, et il n’a pu achever » (Luc 14:28-30).
L’image est simple. Si quelqu’un veut construire une tour, il ne commence pas la construction avant de s’être assuré qu’il est en mesure de la mener jusqu’au bout. Autrement il deviendrait la risée de tous ceux qui apprendraient son comportement.
C’est ainsi que tous ceux qui veulent devenir Ses disciples doivent au préalable en calculer la dépense. Suivre un Christ rejeté dans ce monde ne représente pas une simple joie frivole. Bien sûr, des joies sans mesure s’y rattachent, mais ce qu’on trouve sur le chemin où l’on suit Christ, ce n’est pas seulement la joie. Beaucoup de choses mettront le disciple à l’épreuve, lui causeront de l’affliction et lui demanderont du renoncement. Mais c’est justement ce à quoi il doit penser dès le commencement ; il lui faut se familiariser avec cette pensée. Il ne s’agit pas du tout de manquer de foi, ou de faire peur, mais bien d’être pragmatique et réfléchi.
Pourtant, quand la vraie foi manque, la peur de s’attirer les moqueries de ses compagnons l’emporte, et on n’ose même pas se mettre en route. Beaucoup ont reculé devant le chemin de suivre Christ par peur des moqueries de leurs amis. Mais le Seigneur montre que la seule moquerie à craindre, c’est celle qu’on mérite effectivement : quand, ayant jeté le fondement, on ne peut aller au-delà — quand on se contente d’une profession sans réalité — quand on commence et qu’on n’achève pas.
En même temps, être disciple n’est pas une affaire minime ou médiocre. C’est ce qui ressort clairement des paroles prononcées par le Seigneur. Il ne parle pas de construire une maison ordinaire, ou seulement une baraque, mais une tour. Une tour se dresse bien haut, et on la voit, elle impressionne. Suivre le Seigneur Jésus en vérité, c’est comme élever une tour puissante, ou comme triompher d’un ennemi bien plus fort que soi (14:31). On ne peut pas commencer une entreprise aussi audacieuse à l’aveuglette ; on ne se jette pas dans un tel projet avec précipitation. Car à quoi sert de poser le fondement, puis de voir qu’on n’est pas en état de faire plus ? On ne ferait que se livrer à la risée de tous, comme on l’a déjà remarqué.
Mais par ailleurs, il faut faire attention que le Seigneur ne dit pas que l’homme en question ferait mieux de ne pas bâtir de tour. Certes, c’est comme cela qu’on résume souvent ces paroles du Seigneur, mais elles ne supportent point une telle interprétation. Le Maître ne veut-Il pas que nous devenions Ses disciples ? Bien sûr que si ! Mais personne ne peut accomplir pareille tâche par sa propre force, et les ressources de la nature humaine n’y suffisent pas : après avoir jeté le fondement, on n’arriverait pas à aller plus loin ; autrement dit : il ne suffit pas de se borner à une profession de foi extérieure, à n’avoir avec Christ qu’une relation extérieure.
D’où obtient-on le capital nécessaire pour bâtir une tour ? Seule la grâce de Dieu peut accorder tout le nécessaire pour le chemin du vrai disciple, vraiment la grâce seule. Nous nous voyons, en quelque sorte, nous asseoir et calculer la dépense, et si nous constatons que notre « capacité » à assumer la grande tâche envisagée est trop maigre, alors nous élevons nos regards vers le Seigneur, pleins de confiance, car ce n’est que de Lui seul que vient toute l’aide : « Seigneur, donne-nous Ta grâce pour le chemin à Ta suite » — Ne devons-nous pas apprendre cette leçon de cette parabole ?
La parabole de la ‘tour’ nous a montré qu’il fallait évaluer les coûts pour devenir ou pour être Son disciple. La parabole qui suit maintenant, celle des ‘deux rois’, nous enseigne combien il est important d’évaluer le coût qu’il y a à ne pas devenir Son disciple.
« Ou, quel est le roi qui, partant pour faire la guerre à un autre roi, ne s’asseye premièrement et ne délibère s’il peut, avec dix mille [hommes], résister à celui qui vient contre lui avec vingt mille ? Autrement, pendant qu’il est encore loin, il lui envoie une ambassade et s’informe des conditions de paix » (Luc 14:31-32).
Dans cette parabole, il n’est pas question de construire, mais de faire la guerre, de triompher d’un ennemi. Ce n’est pas le côté positif, mais au contraire négatif : un ennemi puissant se dresse devant nous. Or être disciple a aussi à faire avec cela, et il faut y être attentifs.
Le Seigneur ne laisse planer aucun doute sur le fait que ‘l’autre roi’ est plus puissant que nous. De quel roi ennemi parle-t-Il ? Je suis certain qu’il s’agit du diable, et de rien moins que lui. Or si nous ne voulons pas rendre les armes d’emblée devant cet ennemi puissant, il ne reste aucun autre chemin que de devenir et d’être disciples du Seigneur. Si nous ne le devenions pas, ou ne l’étions pas, il ne nous resterait qu’une solution, celle de conclure la paix avec Satan en acceptant ses conditions.
Tel est l’enseignement de cette parabole, et dans ce sens, nous devons ici évaluer les coûts. Si la première parabole nous laisse peut-être dans l’hésitation, la seconde nous montre que nous n’avons pas d’autre choix. Nous devons être Ses disciples si nous ne voulons pas être terrassés par l’adversaire, ou si nous ne voulons pas qu’il nous dicte ses conditions de paix. Cela ne signifierait rien d’autre que la ruine éternelle. Le coût d’être un vrai disciple peut paraître élevé, mais le coût de ne pas être un disciple du Seigneur est à perte de vue : être un vrai disciple peut signifier la perte de maintes choses dont nous faisons grand cas ici-bas, mais ne pas être disciple du Seigneur garantit la perte de tout ultérieurement.
Le Seigneur conseillait-Il aussi de ne pas accepter le combat et de rechercher plutôt les conditions de paix ? Comment le pourrait-Il ! Il veut le combat, Il veut avoir des disciples qui mènent ce combat. Mais Il leur fait aussi savoir qu’ils ne peuvent pas sortir vainqueurs d’un tel ennemi par leurs propres forces. Il ne le leur dit pas davantage que dans la première parabole ; mais même si cela n’est pas exprimé, l’invitation est quand même bien dans l’air : faire confiance à Lui et à Sa grâce, y compris pour le combat de la foi. Ce n’est que plus tard dans le Nouveau Testament que nous apprenons que Dieu fournit une armure pour ce combat (Éph. 6:10-17).
Avec la phrase « ainsi donc, quiconque d’entre vous ne renonce pas à tout ce qu’il a, ne peut être mon disciple » le Seigneur résume l’enseignement qu’Il vient de donner. Il montre encore une fois le coût qui s’attache au fait d’être un vrai disciple. Et quel est ce coût ? c’est se livrer sans réserve à Celui qui nous a aimé et qui s’est livré Lui-même pour nous. Est-ce vraiment un coût trop élevé pour nous ?
La manière dont l’évangéliste Luc, sous le contrôle et la direction complets du Saint Esprit, a, dans son évangile, regroupé des événements détachés et des enseignements du Seigneur, est déjà étonnante. La suite chronologique est couramment entièrement mise de côté, et on trouve, à la place, des connections morales. Je veux dire par-là qu’il dépeint des tableaux qui nous donnent des leçons importantes pour le cœur et la conscience, non seulement quand on les prend isolément, pour eux-mêmes, mais aussi dans leur succession et leur regroupement. De cette manière, nous apprenons à voir des relations qui autrement nous seraient restées entièrement fermées.
Le passage du ch. 14 au ch. 15 en est un exemple particulièrement instructif. Dans la parabole du « grand souper » (Luc 14:16-24), le Seigneur Jésus montrait la réponse que donnaient les gens (ici les Juifs en premier lieu) à l’invitation de Dieu de venir à Lui. Tous, sans exception, trouvaient une excuse. L’un avait acheté un champ, l’autre avait acheté cinq paires de bœufs, et l’autre avait épousé une femme ; et ainsi ils ne venaient pas. Le mal ne résidait pas dans les choses elles-mêmes qu’ils donnaient comme excuse, mais dans le fait qu’ils y trouvaient une excuse pour pouvoir ne pas donner suite à l’invitation de bonté. En bref, ils n’avaient ni le temps ni le cœur pour la grâce de Dieu. « Je te prie, tiens-moi pour excusé ». N’est-ce pas le langage de beaucoup de gens aujourd’hui ? « Pas de temps » ! pas de temps pour Dieu, et pas de temps pour réfléchir au message de Sa grâce.
La section suivante de Luc 14 (v. 25-35), brosse un tableau contraire : de grandes foules allaient à Jésus ; Il ne rencontrait plus ouvertement le rejet, mais au contraire un certain intérêt pour Lui. Les gens se sentaient extérieurement attirés par Lui, et L’accompagnaient. Il leur semblait facile de Le suivre. Mais savaient-ils seulement où Il allait, et où Il les conduisait ? Le Seigneur ne les laissa pas dans le flou ; Le suivre, cela signifiait renoncer à tout ce qui a de la valeur pour l’homme naturel ici-bas. C’est pourquoi chacun d’eux individuellement devait évaluer le coût, — le coût d’être Son disciple et le coût de ne pas l’être. Il fallait donc une décision de cœur et la conscience profonde que Dieu seul peut donner la grâce et la force de renoncer au monde et de suivre Christ de tout cœur. Nous avons considéré cela à l’occasion des deux petites paraboles de la « tour » et des « deux rois ».
Immédiatement après suit le ch. 15 avec ses trois paraboles merveilleuses, celle de la « brebis perdue », celle de « drachme perdue », et celle du « fils perdu » [fils prodigue]. Elles sont la réponse au murmure des pharisiens et des scribes contre le fait qu’Il recevait les pécheurs et mangeait avec eux.
Effectivement les publicains et les pécheurs s’approchaient de Lui pour l’entendre (15:1). Au « grand souper », les invités ne venaient pas (14:15-24), et les foules (14:25) allaient avec Lui, sans même vraiment Le connaître ni se connaître elles-mêmes. Mais ici (15:1) les pécheurs venaient en sachant leur état ; ils venaient au Sauveur des pécheurs. Leur cœur était attiré par Sa Personne, et ils voulaient entendre Sa Parole, Parole de grâce et de vérité. J’ai souvent pensé : quelle grâce il a fallu que le Seigneur montre ici-bas sur la terre pour que les gens dépravés soient attirés si puissamment par Lui, qu’ils surmontaient toute honte et s’approchaient de Lui !
Nous arrivons par-là au grand sujet de ce chapitre : la joie de Dieu — Sa joie de manifester la grâce et d’accueillir les pécheurs perdus. Les trois paraboles parlent toutes de cette joie, et nous verrons quelque chose de merveilleux : chaque Personne de la Déité est active dans la recherche de ce qui est perdu. Dans la première parabole, nous voyons Dieu le Fils ; dans la deuxième Dieu le Saint Esprit, et dans la troisième Dieu le Père. Dans toutes ces trois paraboles, c’est Dieu qui cherche, non pas l’homme ; car « il n’y a personne qui recherche Dieu » (Rom. 3:11).
Le thème de ce chapitre n’est donc pas tant de montrer comment l’homme est sauvé, mais plutôt pourquoi il est sauvé. Les pharisiens murmuraient de ce que Jésus recevait les pécheurs. Or c’est justement ce dont le Seigneur se glorifiait, et Il montrait qu’Il ferait encore bien plus, et que même toute la Déité participait à cette recherche des pécheurs qu’ils étaient. Quel domaine merveilleux se découvre ici : le cœur de Dieu, l’amour de Dieu pour les perdus !
Si nous gardons à l’esprit ce fil conducteur, nous ne serons pas étonnés que certaines vérités concernant le salut de l’âme ne figurent pas dans ces paraboles. Ainsi par exemple elles ne parlent pas de foi, ni de rédemption, ni de propitiation, ni d’un Rédempteur, ni de sang versé. C’est que, dans les paraboles, il n’y a pas à chercher tous les côtés de la vérité. Il s’agit ici de la révélation du cœur de Dieu, et cela envers des gens qui ne sont rien d’autre que des perdus.
Les pharisiens et les scribes avaient raison quand ils disaient de Jésus : Il reçoit les pécheurs et mange avec eux. Bien sûr eux-mêmes n’auraient fait ni l’un ni l’autre. Mais Lui faisait les deux. Sans le vouloir et sans en avoir l’intention, ils devenaient des propagateurs de Sa grâce illimitée.
Le Seigneur Jésus répond à leur objection par trois tableaux tirés de la vie journalière. Le premier provient de la vie d’un berger, le deuxième de la vie à la maison, et le troisième de la vie familiale.
« Et il leur dit cette parabole, disant : Quel est l’homme d’entre vous, qui, ayant cent brebis et en ayant perdu une, ne laisse les quatre-vingt-dix-neuf au désert, et ne s’en aille après celle qui est perdue, jusqu’à ce qu’il l’ait trouvée ? et l’ayant trouvée, il la met sur ses propres épaules, bien joyeux ; et, étant de retour à la maison, il appelle les amis et les voisins, leur disant : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis perdue. Je vous dis, qu’ainsi il y aura de la joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance » (Luc 15:3-7).
Cette parabole est empreinte d’une grande simplicité. Le Seigneur dit à ces pharisiens et scribes orgueilleux et propre justes, qui continuaient à mépriser la bonté de Dieu, qu’en définitive ils feraient la même chose que Lui faisait. À partir du plus petit, Il conclut sur le plus grand, à partir de la brebis, Il conclut au sujet de l’homme. Si même l’un d’entre eux ferait ce qui est esquissé ici pour une brebis perdue, le Seigneur ne devait-Il pas agir de manière analogue pour un homme perdu ?
Cette question à laquelle, intérieurement, ils ne pouvaient répondre que positivement, ce tableau tout simple, suffisait au Seigneur pour les désarmer et pour trancher la question en Sa faveur. Les questions sont dans Sa main des outils puissants ; Il s’en sert pour viser et atteindre directement les cœurs et les consciences de Ses auditeurs. Elles manifestent une sagesse infiniment plus qu’humaine. Le Seigneur n’a besoin pour ainsi dire que de lever le doigt, et voilà ses contradicteurs qui tombent, et qui tombent sous leur propre jugement. Quelle personne grandiose est Celui à qui nous avons affaire !
Pour comprendre correctement cette parabole et les deux qui suivent, il faut garder à l’esprit que le Seigneur répond par leur moyen au reproche des conducteurs religieux du peuple juif. Il les compare ici avec les 99 brebis au désert, tandis qu’Il présente les publicains et les pécheurs sous l’image de la brebis perdue. Ils étaient tous des « brebis », les uns comme les autres. Même si les pharisiens et les scribes regardaient de haut les publicains et les pécheurs, et les méprisaient, ils étaient tous des brebis du même troupeau. Car le peuple d’Israël est souvent considéré dans l’Ancien Testament comme un « troupeau » (voir Ps. 77:20 ; 78:52 ; 95:7 ; És. 40:11 ; 63:11 ; Jér. 13:17, 20).
Ni dans cette parabole ni dans les deux suivantes du même chapitre, il n’est fait référence aux différences, comme celles qui distinguaient les Juifs d’avec les nations selon les pensées de Dieu.
Au sens national, les publicains et les pécheurs étaient sur le même terrain de privilèges extérieurs que les pharisiens et les scribes. Si le Seigneur avait reçu des « païens » et avait mangé avec eux, il est vrai que les pharisiens et les scribes auraient eu en un certain sens un motif valable d’accusation contre Lui. Mais il n’en était pas ainsi.
Comme nous allons le voir, le Seigneur, en Jean 10, parle aussi de brebis, mais non pas dans un sens national, seulement dans un sens moral. Sous ce point de vue, les pharisiens n’étaient pas de Ses brebis (Jean 10:26). Seuls ceux d’Israël qui croyaient en Lui et Le suivaient, étaient en vérité Ses brebis. Il leur donnait la vie éternelle. Il est important de se rendre compte de ces différences.
Or si une brebis du troupeau d’Israël s’égarait, si des gens attirés par le Seigneur étaient effectivement des pécheurs, quelle raison pouvait-on donner pour ne pas s’en occuper ? Car quand une brebis du troupeau s’égare, le berger ne met-il pas toute son énergie à la retrouver, ne concentre-t-il pas là-dessus toutes ses pensées ? C’est ce que le Seigneur présente dans cette parabole.
Naturellement l’image de la brebis perdue est applicable à n’importe quel pécheur. Nous le savons bien : si une brebis s’égare, c’est selon sa nature de ne pas être capable de retrouver le chemin. Il faut aller à sa recherche si on ne veut pas qu’elle périsse. Par nature il en est ainsi de tout homme, si on veut bien en convenir tant soit peu. Mais le Seigneur Jésus, le bon Berger, est prêt à chercher et sauver ce qui est perdu.
Certaines particularités méritent qu’on y regarde de plus près. Dans cette parabole, il y a un pour cent de perdu, et la valeur en est vue proportionnellement. Dans la parabole suivante, il y a un sur dix de perdu, et la valeur croit proportionnellement. Et finalement le perdu représente un sur deux, et la valeur atteint son maximum. Mais même s’il n’y a qu’un pour cent des brebis qui s’égare, le berger part à sa recherche. Pour Lui, ça vaut toujours la peine.
Parce que le Seigneur répond à Ses contradicteurs religieux, et qu’Il compare Sa manière d’agir, avec ce qu’eux feraient, en définitive, en pareil cas, Il ne dit pas dans Sa sagesse : « Si J’avais cent brebis… ». Il évite même d’utiliser le mot de « berger ». C’est nous qui utilisons ce terme quand nous parlons de cette parabole, et nous avons raison de le faire ; mais Lui ne se nomme pas ainsi ici, bien qu’Il soit naturellement le bon Berger et qu’Il parle de Lui-même.
Le bon Berger va devant les brebis, et les brebis le suivent (Jean 10:4). Mais quand la brebis ne veut pas Le suivre, Il faut qu’Il aille après elle. Quelle immense différence entre les brebis de Jean 10 et celles de Luc 15 ! En Jean 10 elles sont en sécurité, et en Luc 15 il y a un grand danger. En Jean 10, le bon Berger meurt pour les brebis, en Luc 15 Il cherche la brebis. Les deux tableaux se complètent de manière admirable.
Bien sûr, les brebis appartiennent au berger, comme les drachmes à la femme. Mais le Seigneur ne fait pas ressortir ce point dans ces paraboles. Il montre avant tout le caractère de la grâce et de l’amour insurpassables de Dieu. Quand une de Ses brebis se perd par sa propre folie, le Berger va après la brebis pour la chercher. Quel qu’en soit le coût pour Lui, — honte, mépris, moquerie, opprobre, travail, peine, renoncement à soi-même et abnégation, — Il a à cœur les objets de Son amour, et Il fait tout pour les chercher et les sauver. Que cela inclue aussi la mort du Bon Berger, nous l’avons déjà dit. Cependant, ce n’était pas les brebis des pharisiens, mais c’était Ses propres brebis. Nous devons d’abord penser, comme déjà vu, que cette expression se réfère aux brebis perdues de la maison d’Israël. Mais Il a aussi « d’autres brebis », celles des nations (Matt. 10:6 ; Jean 10:16).
Oui, l’amour de Dieu cherche. C’est son caractère dans cette parabole et dans la suivante. Il reçoit aussi : c’est la troisième parabole qui le présente.
Tout parle ici de l’activité et de l’œuvre du Berger, notre Seigneur. C’est Lui qui laisse les 99 brebis au désert ; c’est Lui qui va après la perdue jusqu’à ce que Lui la trouve. Et quand Lui l’a trouvée, c’est Lui qui la met sur Ses épaules, tout joyeux, et la ramène à la maison. La brebis ne fait pas un seul pas en direction du Berger ; tout ce qui est fait n’est fait que par Lui.
Au sujet de la brebis, il nous est seulement dit qu’elle s’était égarée et s’était perdue. Il ne nous est pas dit un seul mot sur ce qu’elle a éprouvé quand elle a été trouvée. Ce n’est pas le sujet que le Seigneur veut nous présenter. L’attention est attirée seulement et uniquement sur la joie du Berger. C’est aussi une joie qui se communique et qui ne cesse jamais, du moins dans le cadre de la parabole. Car quand Il rentre à la maison, Il appelle Ses voisins et Ses amis et les invite à se réjouir avec Lui « car j’ai trouvé ma brebis perdue » (Luc 15:6).
N’est-ce pas une pensée impressionnante que le Seigneur Jésus se réjouisse du salut des perdus ? À chaque « brebis » qu’Il a pu arracher à la perdition, Il éprouve de la joie. Elle fait partie de la joie dont parle l’épître aux Hébreux (12:2) : « À cause de la joie qui était devant Lui, Il a enduré la croix, ayant méprisé la honte ». Les pharisiens murmuraient tandis que le Seigneur Jésus se réjouissait. « Il verra du fruit du travail de son âme, et sera satisfait » (Ésaïe 53:11) ; « Il se reposera dans son amour, il s’égayera en toi avec chant de triomphe » (Sophonie 3:17).
Comme on l’a déjà indiqué, le Seigneur fait participer d’autres à Sa joie, et Il la leur communique. Ce que représentent les « amis » et les « voisins » se voit clairement par les paroles finales de cette parabole et de la suivante : ce sont les saints anges qui demeurent dans la présence de Dieu. Ils respirent l’atmosphère de la présence de Dieu et entrent dans Sa joie. C’est ainsi que s’exprime ici le Seigneur : « Je vous dis, qu’ainsi il y aura de la joie au ciel pour un seul pécheur qui se repent, plus que pour quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance » (Luc 15:7).
Méditons cela : Si un pécheur se repent sur la terre, se juge devant Dieu, alors les anges dans le ciel s’en réjouissent ! Y avons-nous pensé ? Pourtant c’est là la manière de voir du ciel, l’état d’esprit du ciel. Le ciel prend part au fait que, sur la terre, un seul homme donne à Dieu la place qui Lui revient, et prend lui-même la place qu’il mérite. Voilà le sujet de joie du ciel. Il n’y a pas de murmures là. Nous apprenons plus loin dans le Nouveau Testament (Éph. 3:10) que l’assemblée de Dieu sur la terre est le « livre d’instruction » des anges, où ils peuvent apprendre la sagesse si diverse de Dieu. Les paroles du Seigneur ici nous préparent à l’avance pour cette grande vérité.
Pourtant, je ne peux m’empêcher de penser que, sous l’image des « amis » et des « voisins », nous les rachetés du Seigneur sommes aussi inclus. Il arrive souvent que dans Son explication, le Seigneur dépasse le cadre strict des termes de la parabole. Nous l’avons déjà vu à plusieurs reprises. Or Christ n’est-Il pas notre vie ? N’appartenons-nous pas déjà au ciel, même si nous sommes encore sur la terre ? La manière de voir du ciel n’est-elle pas la nôtre ? Ne nous réjouissons-nous pas quand un pécheur se repent ? Oui, nous sommes rendus dignes d’avoir communion déjà maintenant avec Sa joie. Et cette communion nous conduira nécessairement à l’adoration de Celui dont l’amour qui cherche nous est déjà connu par expérience.
Mais il y a alors un rajout particulier : « … plus que 99 justes qui n’ont pas besoin de repentance » (Luc 15:7). Eux, les pharisiens et les scribes, qui se tenaient pour justes, et estimaient donc ne pas avoir besoin de repentance, — ils n’avaient pas encore donné au ciel de sujet de se réjouir ! Si mon lecteur pensait encore qu’il peut se tenir devant Dieu avec sa propre justice, qu’il réfléchisse un moment à ceci : pas un seul ange, parmi les myriades d’anges saints qui demeurent dans le ciel, ne s’est jamais réjoui au sujet d’un pareil « juste ».
La parabole de la « drachme perdue » est un complément à la parabole précédente de la « brebis perdue », mais elle comporte des traits qui lui sont propres.
« Ou quelle est la femme, qui, ayant dix drachmes, si elle perd une drachme, n’allume la lampe et ne balaye la maison, et ne cherche diligemment jusqu’à ce qu’elle l’ait trouvée ? et l’ayant trouvée, elle assemble les amies et les voisines, disant : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé la drachme que j’avais perdue. Ainsi, je vous dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu pour un seul pécheur qui se repent » (Luc 15:8-10).
Cette parabole est tirée de la vie à la maison. Il ne s’agit pas ici d’un berger qui part à la recherche d’une brebis perdue, mais d’une femme qui a perdu une drachme sur les dix qu’elle avait, et qui se met alors à la chercher. Elle allume une lampe, balaye la maison et cherche diligemment jusqu’à ce qu’elle la trouve. Tout cela est tout à fait naturel.
Pourtant, quelle peine, quelle application pour trouver une pièce d’argent ! Si le berger se donne autant de peine pour la brebis perdue, si la femme se donne autant de peine pour une pièce de monnaie perdue, est-il étonnant que le Seigneur et Sauveur s’occupe de pécheurs, de créatures immortelles dont la valeur dépasse de beaucoup celle d’une brebis ou d’une drachme ?
Je pense que c’est là l’enseignement simple de ces deux paraboles, un enseignement que même les pharisiens et les scribes devaient comprendre. Par contre, il est certain que certaines subtilités que le Seigneur y a insérées devaient leur rester cachées (comparer Matt. 13:10-15). Elles ne peuvent être reconnues que dans la puissance du Saint Esprit et que par les Siens.
Les deux paraboles ont le même sujet principal : les pécheurs comme objets de la grâce de Dieu qui les cherche. Mais quand on en vient aux détails, on voit des différences qui ne sont certes pas sans importance. On trouvera plutôt que nous avons besoin des deux paraboles pour avoir une vue complète de cet objet grandiose. On pourrait même interpréter les deux tableaux des dix premiers versets comme ne formant qu’une parabole. Le premier tableau est rattaché directement au second par le simple mot « ou » du verset 8 (« Ou quelle est la femme… »), et cela parlerait en faveur de ce point de vue de ne voir qu’une parabole dans les deux tableaux. Il manque ici de façon très nette une introduction formelle du genre de celle qu’on a avec la troisième parabole au verset 11 (« Et il dit… »). Mais comme nous pouvons le voir les deux premiers tableaux ou paraboles vont bien de pair, et même de façon particulièrement étroite. Voyons maintenant quelques différences.
Dans le premier tableau, il s’agit d’une brebis vivante, qui est perdue. Maintenant dans le deuxième, ce qui est perdu est une pièce de monnaie morte. Le Seigneur ne montre-t-Il pas par là deux caractéristiques essentielles du pécheur ?
Comme la brebis s’en va de son propre mouvement loin du troupeau et de son berger, et se met dans une situation sans espoir, ainsi le pécheur s’est éloigné de Dieu par sa propre faute, et vit maintenant dans ses péchés « sans Dieu dans le monde » (Éph. 2:12). C’est la vision que nous en donne particulièrement l’épître aux Romains. Il a une certaine vie, la vie naturelle, mais cette vie est utilisée à pécher. Il ne s’enquiert pas de Dieu, ni de Sa volonté, il ne cherche pas Dieu, il ne L’honore pas, il n’a pas de crainte de Dieu. Aussi est-il tombé sous le jugement de Dieu et il n’atteint pas à la gloire de Dieu (Rom. 3). C’est en fait une situation sans espoir, pour autant que cela dépende de nous !
Mais la pièce de monnaie est morte, poussiéreuse, dans l’obscurité. C’est aussi une image de l’état du pécheur, selon la vision qu’en donne l’épître aux Éphésiens. Couvert de la poussière du péché, il est par nature mort dans ses fautes et dans ses péchés (Éph. 2:12). Non seulement il s’est égaré, mais bien que physiquement vivant, il est mort spirituellement, mort pour Dieu, et par conséquent absolument sans force pour venir à Dieu. Et comme la drachme perdue gisait cachée quelque part dans les ténèbres, ainsi le pécheur se trouve dans les ténèbres spirituelles, c’est-à-dire qu’il est dans l’ignorance de Dieu, « ayant leur entendement obscurci, étant étrangers à la vie de Dieu à cause de l’ignorance qui est en eux » (Éph. 4:18).
Ce sont aussi deux états que l’Écriture nous montre à propos des pécheurs : vivant dans le péché, et morts dans les péchés. Par le premier, l’homme se rend coupable devant Dieu, tandis que le second état est fondamentalement son état devant Dieu. Ces caractéristiques sont d’ailleurs le propre de tous les hommes selon la nature, non pas seulement de certains « spécimen » particulièrement mauvais, comme on l’admet souvent.
Dans la parabole du « fils perdu » [prodigue], les deux côtés seront joints. Le plus jeune fils vivait dans le péché (Luc 15:13) et était mort pour le père (Luc 15:24). — On ne peut pas s’empêcher de s’émerveiller devant la sagesse et la profondeur qui se trouvent dans ces paroles du Seigneur Jésus qui paraissent si simples.
Dans le premier tableau c’est l’activité de la grâce divine qui nous était présenté avec le berger. Nous avons reconnu facilement la Personne et l’œuvre de notre Seigneur, le Fils de Dieu. Maintenant c’est une femme qui déploie une vive activité pour trouver ce qui est perdu.
Or à plusieurs reprises dans l’Écriture Sainte, la femme est utilisée comme une image de l’assemblée de Dieu. Dans cette assemblée le Saint Esprit habite et agit, et Il agit par elle.
Elle est en même temps l’instrument, l’outil du Saint Esprit pour ce qu’Il veut opérer dans les hommes. Or quoi que ce soit qui soit opéré par elle, tout a proprement sa source en Dieu seul, le Saint Esprit. Et ainsi sous l’image de la « femme » dans cette parabole, le Seigneur Jésus semble ramener toute activité à cette Personne de la Déité, le Saint Esprit, et même ne s’en tenir qu’à Lui.
Si nous voyons les choses ainsi, quelle image impressionnante se déploie sous nos yeux ! L’Esprit de Dieu prend une grande peine à trouver le pécheur perdu. En premier lieu, par le moyen de la « lampe », par le moyen de la Parole de Dieu, Il apporte la lumière au milieu des ténèbres de ce monde, au milieu des ténèbres de l’âme. Il applique la Parole au cœur et à la conscience des hommes, pour faire naître une nouvelle vie. Personne ne peut être né de nouveau autrement que justement de cette manière : « d’eau et d’esprit » (Jean 3:5).
Le diable met beaucoup d’obstacles sur le chemin des hommes, pour les empêcher de saisir le salut. Sous la figure de ce « balayage de la maison », le Seigneur n’indique-t-Il pas que le Saint Esprit peut justement éliminer ces innombrables obstacles ? Ce deuxième côté de l’activité de l’Esprit de Dieu est plein de consolation.
La femme avait perdu la pièce de monnaie, et parce qu’elle lui était précieuse, elle allume la lumière, balaye la maison et cherche l’argent diligemment, aussi longtemps qu’il est nécessaire pour le trouver. Aujourd’hui aussi, l’amour de Dieu est actif par le Saint Esprit pour se donner la peine de chercher par la vérité ce qui est perdu. Quel travail cela représente, de ramener le cœur de l’homme à Dieu !
Dans cette parabole le Seigneur montre aussi que les sentiments au ciel sont la joie, des sentiments auxquels participent les rachetés. Nous l’avons déjà vu. Mais tandis que dans la première parabole notre communion est avec le Fils, dans la deuxième parabole la communion est celle du Saint Esprit. C’est la troisième parabole qui montre que nous avons aussi communion avec le Père. Quel privilège d’être apte à la communion avec les trois Personnes de la Déité, de participer aux sentiments, à la joie de Dieu !
On est aussi frappé de ce que le Seigneur s’exprime un peu différemment de la première parabole au sujet de la joie. Dans la première il est dit : « Ainsi il y aura de la joie au ciel… » ; dans la deuxième : « Ainsi, je vous dis, il y a de la joie devant les anges de Dieu… ». Dans la première parabole, nous avions compris que les anges de Dieu qui demeurent au ciel se réjouissent de ce qu’un seul pécheur vient à la repentance. Mais maintenant il est question de joie « devant les anges de Dieu » ; cela semble signifier que le Seigneur Jésus n’a pas seulement en vue en général la joie des anges, mais spécialement la joie de Dieu Lui-même, à laquelle les anges participent.
Quel contraste le Seigneur place par-là devant les pharisiens et les scribes : en présence des anges qui se tiennent devant Dieu, il y a de la joie pour chaque pécheur qui se repent ; par contre les gens religieux orgueilleux sont étrangers à de tels sentiments.
Note Bibliquest : bien que l’appellation usuelle de cette parabole en français se réfère au « fils prodigue », nous gardons ici l’appellation de « fils perdu » utilisée par l’auteur.
La troisième parabole de Luc 15 est la parabole du « fils perdu », ou des « deux fils » comme on pourrait aussi la nommer. Elle fait suite aux paraboles de la « brebis perdue » et de la « drachme perdue ». Ces trois paraboles sont toutes une réponse du Seigneur au reproche des pharisiens propres-justes, selon lequel Il recevait les pécheurs et mangeait avec eux. Dans la parabole de la « brebis perdue », le berger va après la brebis jusqu’à ce qu’il la trouve. Dans la parabole de la « drachme perdue », la femme prend la lampe et cherche jusqu’à ce qu’elle la trouve — une image de l’activité du Saint Esprit. Et dans la parabole du « fils perdu », le père attend le fils perdu jusqu’à ce qu’il revienne, et il l’accueille d’un cœur ému. Ainsi le Seigneur montre une vérité capitale dont nous ferons bien de nous rappeler encore une fois : Toute la Trinité divine — Dieu le Fils, Dieu le Saint Esprit et Dieu le Père — est occupée en grâce au salut des pécheurs. Dans les trois paraboles le résultat en est la joie : la joie au ciel au sujet d’un pécheur qui se repent.
Cette parabole part de la vie de la famille. Elle comprend deux parties comme on peut aisément s’en rendre compte en comparant les versets 24 et 32. Dans la première partie il est question du comportement du plus jeune fils (15:11-24), et dans la seconde partie il s’agit du comportement du fils aîné (15:25-32). Dans chacune de ces parties, on voit le père : dans la première partie, il reçoit le fils perdu, et dans la seconde, il supplie instamment le fils propre-juste.
« Et il dit : Un homme avait deux fils » (Luc 15:11)
Cette phrase introductive de la parabole indique l’origine de l’homme en tant que créature : c’est une créature de Dieu, et il a son origine en Dieu. Je dis « indique » parce que nous n’avons pas ici d’enseignement, mais bien une allusion à ce sujet. La doctrine elle-même sur le sujet se trouve dans l’épître aux Éphésiens (4:6) : « un seul Dieu et père de tous, qui est au-dessus de tous et partout et en nous tous ». Ce que veut nous dire ce passage, c’est que, comme Créateur, Il est Dieu et Père de tous les hommes. C’est aussi dans ce sens que Paul disait à l’Aréopage d’Athènes : « et il a fait d’un seul sang toutes les races des hommes… car en lui nous vivons et nous nous mouvons et nous sommes, comme aussi quelques-uns de vos poètes ont dit : Car aussi nous sommes sa race. Étant donc la race de Dieu… » (Actes 17:26-29). En Luc 3:38, l’origine d’Adam est rattachée directement à Dieu : « d’Adam, de Dieu ».
Le fait que nous provenions de la main de Dieu en tant que créature de Dieu, qu’Il ait jadis soufflé dans les narines de l’homme une respiration de vie (Gen. 2:7), ce n’est pas du tout une question secondaire. Si elle était si secondaire, le diable ne l’aurait pas tant combattue par la théorie de l’évolution, par laquelle il cherche à mettre Dieu de côté en tant que Créateur, aux yeux des hommes. Effectivement, notre responsabilité vis-à-vis de notre Créateur réside dans le fait que nous avons été créés à l’image de Dieu et selon Sa ressemblance (Gen. 1:26), et que nous sommes ainsi des créatures de Dieu douées d’intelligence et de raison. Nous ne sommes pas seulement responsables directement et personnellement vis-à-vis de Dieu parce que, dans Sa bonté, Il nous a confié en tant que Ses créatures, des dons et des capacités, — mais parce que, ayant été formés à Son image, nous sommes responsables de manifester Dieu dans ce monde par le moyen de ces capacités ; car l’« image » signifie la « représentation ». C’est pourquoi tout homme Lui doit l’obéissance.
L’homme peut ne pas comprendre grand-chose de la Bible, et même ne rien avoir entendu au sujet de Christ ; mais le fait reste qu’Il a un Créateur qui lui a fait connaître Sa puissance éternelle et Sa divinité par le moyen de la création visible, et ce fait rend l’homme responsable devant Dieu, et le rend inexcusable (lire Romains 1:18-25).
Encore un point pour prévenir des pensées erronées : Ces deux fils du père ne représentent pas des enfants de Dieu déjà « nés de nouveau » par la grâce de Dieu, mais des hommes naturels dans leur position et leur responsabilité devant Dieu, à qui ils doivent leur existence. L’homme né dans ce monde n’est pas du tout « né de Dieu », bien qu’il ait Dieu pour Créateur. Ni le fait d’avoir des parents chrétiens, ni le fait d’avoir été baptisé chrétiennement, ne fait de lui un enfant de Dieu, c’est-à-dire quelqu’un né de Dieu. Il faut en plus la conversion, le fait de se tourner vers Dieu en croyant, comme nous le verrons au cours de notre parabole.
« et le plus jeune d’entre eux dit à son père : Père, donne-moi la part du bien qui me revient. Et il leur partagea son bien. Et peu de jours après, le plus jeune fils, ayant tout ramassé, s’en alla dehors en un pays éloigné ; et là il dissipa son bien en vivant dans la débauche » (Luc 15:12-13).
Le principe et le secret du péché sont mis ici très fortement en relief : Le plus jeune fils voulait s’en aller loin du père pour pouvoir faire entièrement sa propre volonté. Le principe du péché n’est pas proprement une vie de débauche ; elle en est plutôt le résultat. Mais s’éloigner de Dieu pour ne faire que sa propre volonté, c’est le principe du péché ; c’est l’iniquité (une marche sans loi, sans frein) selon le langage de 1 Jean 3:4. Le premier acte du jeune homme est la source de tout son malheur ; il tourne le dos au père pour disposer de sa vie sans lui, et être heureux sans lui.
En fait, c’est le chemin, l’histoire de tout homme. Depuis que le péché est entré dans le monde par le premier homme, l’homme va son chemin, comme Caïn, loin de la face de Dieu, pour faire ce qui lui plait (Gen. 4:16). N’est-ce pas extrêmement sérieux ? Où qu’on regarde dans le monde, on voit ce principe à tout bout de champ, c’est lui qui régit le monde. Combien de jeunes gens, aujourd’hui, répudient littéralement tout lien avec le foyer paternel, et le quittent dès que possible pour avoir leur indépendance, c’est-à-dire pour faire leur propre volonté. Ce principe d’indépendance de Dieu et de propre volonté imprègne le monde tout entier, à tous les niveaux et dans tous les domaines. C’est le péché au sens propre.
Nous sommes profondément meurtris si nos enfants nous traitent comme le plus jeune fils a traité son père. Mais, l’avons-nous mérité de leur part ? Avons-nous négligé de leur apporter beaucoup d’amour et de soins ? Et voilà maintenant qu’ils nous tournent froidement le dos ! Le père de notre parabole était-il un homme dur, sans amour, dont on cherchait à s’enfuir au plus vite ? Le reste de l’histoire montre tout le contraire. Cependant le jeune homme était très pressé de partir loin. « Peu de jour après » dit l’Écriture. Le père n’a-t-il pas dû souffrir de cette situation ? Nous sommes tous allés, chers amis, sans exception, par ce triste chemin ; nous avons tous péché contre Dieu, et nous Lui avons pour ainsi dire tourné le dos, pour nous en aller notre propre chemin. « Nous nous sommes tournés chacun vers notre propre chemin » (Ésaïe 53:6). Le psalmiste David nous éclaire, pour ainsi dire, sur ce « peu-de-jours-après », en disant que « les méchants se sont égarés dès la matrice » [= dès le ventre de leur mère], qu’« ils errent dès le ventre » (Ps. 58:3). Y avons-nous déjà pensé ? Avons-nous déjà eu sur ce sujet les sentiments convenables pour Dieu ?
Nous arrivons maintenant à un autre point. En tant qu’hommes, nous faisons des différences entre les pécheurs, et ces différences existent effectivement. Nous n’avons pas tous vécu dans la débauche, bien que quelques-uns d’entre nous, nous étions tels (1 Cor. 6:11). D’autres ont eu une conduite extérieurement tout à fait honorable. Mais si nous regardons la racine de notre péché, et si nous considérons le cœur de l’homme, ces différences disparaissent totalement. En ce qui concerne l’état de l’âme du plus jeune fils, il n’était pas un plus grand pécheur lorsqu’il désirait manger des gousses des pourceaux que quand il tournait le dos à son père. Le mal réside dans le cœur qui voulait être heureux sans son père.
Il en est ainsi pour tout homme par nature : Son cœur, et par suite sa volonté, sont aliénés de Dieu. Répétons-le : Chacun ne s’est pas livré pareillement à la débauche, mais nous sommes tous allés dans un pays éloigné pour vivre loin de Dieu. Et le Seigneur Jésus prend justement en exemple ce jeune fils dégradé pour montrer jusqu’où la grâce de Dieu peut aller.
Le père n’avait pas défendu à son plus jeune fils de s’en aller. Au contraire nous lisons : « il leur partagea son bien » (15:12). C’est ainsi que Dieu n’empêche pas l’homme de choisir sa propre volonté. Toutefois, Il le met à l’épreuve en lui remettant son bien : on allait voir ce qu’il en ferait. L’homme est responsable de ses actes.
En un sens, Dieu permet à l’homme de faire ce qu’il veut de ce qu’Il lui a confié. Mais cela ne fera que manifester où se dirige son cœur. Combien cette pensée nous sonde ! Le sage prédicateur l’exprime de cette manière : « Seulement, voici, j’ai trouvé que Dieu a fait l’homme droit (n’est-ce pas un grand « bien » ?) ; mais eux, ils ont cherché beaucoup de raisonnements [« machinations » selon la traduction allemande] » (Ecclésiaste 7:29).
Le jeune homme se figurait être tout à fait bien dans le « pays éloigné » — éloigné de Dieu. Mais était-il heureux ? Il avait du bien, et il le dilapidait. Quand on vit au-dessus de ses moyens, on parait riche et heureux aux autres. Mais l’est-on réellement ? Cela ne tarde pas à mal tourner.
J’ai dit que les hommes ont emporté un « bien » provenant de leur Créateur, et qu’ils Lui en sont redevables et qu’ils en sont responsables vis-à-vis de Lui. Dieu les a dotés d’un esprit, d’une âme, d’un corps avec des capacités qui font clairement voir que tout cela provient de la main d’Un bien plus grand qu’eux. Et maintenant Dieu veut qu’ils utilisent ces capacités à Le glorifier « de peur que tu ne donnes ton honneur à d’autres, et tes années à l’homme cruel ; de peur que des étrangers ne se rassasient de ton bien… et que tu ne gémisses à ta fin, quand ta chair et ton corps se consumeront ; et que tu ne dises : Comment ai-je haï l’instruction, et mon cœur a-t-il méprisé la répréhension ? » (Prov. 5:9-12).
Or les hommes sans Dieu ne tiennent pas compte de ces avertissements et gaspillent leurs forces à des buts de propre volonté, à des projets vains, en bref pour le péché. Il leur arrive dans cette situation de dégager une certaine gaîté et une certaine insouciance, en sorte qu’on pourrait presque croire qu’ils sont vraiment heureux. Ils se hâtent de passer de joie en joie, d’aventure en aventure.
Mais c’est justement ce qui montre qu’ils sont dans le « pays éloigné ». Ils sont à la chasse au bonheur justement parce qu’ils ne l’ont pas encore trouvé. Pauvres gens ! Ils papillonnent de fleur en fleur. Ils ornent leurs fêtes et leurs maisons, mais quant à leur âme, ils vivent au-dessus de leurs moyens, et ils se minent eux-mêmes. Laissez-les donc seuls ne serait-ce qu’un jour, et vous verrez combien ils sont dans le creux et le vide. Il suffit que Dieu porte un peu atteinte à leur santé, et leur âme éprouve tout le néant et la vanité de leurs efforts.
Les hommes de ce monde sont très sensibles quand on leur parle de leur bonheur ; car leur bonheur n’est pas réel, leur gloire n’est pas authentique et leur joie est passagère. Tout est creux et ne supporte pas la réflexion. Les plus grands comiques et farceurs, qui font rire des milliers de gens, si l’occasion est donnée de voir derrière leur façade extérieure, ce sont les plus tristes et les plus solitaires des gens. Ils dilapident « leur bien » avec leurs fans, et quand vient la « famine » pour eux, ils se trouvent soudain seuls. C’est ce que décrivent les versets suivants :
« Et après qu’il eut tout dépensé, une grande famine survint dans ce pays-là ; et il commença d’être dans le besoin. Et il s’en alla et se joignit à l’un des citoyens de ce pays-là, et celui-ci l’envoya dans ses champs pour paître des pourceaux. Et il désirait de remplir son ventre des gousses que les pourceaux mangeaient ; et personne ne lui donnait rien » (Luc 15:14-16).
L’homme qui tourne le dos à Dieu, malgré toute sa prétendue sagesse, malgré tout son savoir et ses efforts, toute sa chasse aux plaisirs et au bonheur, le voilà qui se dégrade moralement toujours plus. Il s’appauvrit dans son âme. Tôt ou tard, comme le plus jeune fils, il commence à être dans le besoin, et il se retrouve finalement auprès des « troupeaux de pourceaux ». Le diable ne donne rien, il ne fait que prendre. C’est pourquoi il n’y a aucune satisfaction réelle dans le « pays éloigné ».
N’as-tu encore rien éprouvé de semblable ? Tu t’étais représenté une soirée très belle, et à vrai dire tout avait été gai et charmant. Mais ce qu’il en est resté, c’est l’insipide, un sentiment de vide, même si le péché ne s’y rajoutait pas pour charger la conscience. Non, ce monde n’a rien qui peut réellement satisfaire ton âme, ou la rassasier. Tout est vanité et poursuite du vent (Eccl. 2:17).
Je suis convaincu que c’est Dieu qui a suscité la famine dans le pays éloigné pour que le plus jeune fils « revienne à lui-même ». Mais celui-ci ne repense pas encore à son père, quand le besoin ne se fait encore sentir de manière trop sensible. Non, il se tourne vers l’homme pour avoir de l’aide : il se joint à l’un des citoyens de ce pays-là. Ce citoyen le connaît bien, car il a beaucoup contribué à lui faire gaspiller son bien. Certainement celui-là l’aidera, car il est lui-même tombé dans le besoin. Ah ! le diable et le monde sont de mauvais rémunérateurs, et même extrêmement mauvais ! Ils font tout payer très cher, ils ne donnent rien, et ils ne rendent jamais. Ils exigent un prix élevé pour leurs demi-mesures, pour leurs solutions de remplacement, pour leurs semblants de bonheur : c’est le prix de l’âme, et ensuite ils abandonnent l’homme nu et affamé. « Il désirait remplir son ventre des gousses que les pourceaux mangeaient ; et personne ne lui donnait rien » (15:16). C’est une expérience cruelle : « personne ne lui donnait rien ». Ne l’as-tu pas faite, toi aussi ? Il n’y en a qu’UN qui peut réellement donner, qui veut donner : c’est Dieu. Mais on ne veut pas de Lui.
On se dit heureux tant que tout va comme on veut, tant qu’on est en bonne santé et qu’on a du succès. Mais que vienne la « famine », la maladie, la détresse, les revers, et le prétendu bonheur s’écroule comme un château de cartes. Ce qui est bouleversant, c’est que même la « famine » n’amène pas les hommes à Dieu. « Tu les as frappés, mais ils n’en ont point ressenti de douleur ; tu les as consumés, ils ont refusé de recevoir la correction ; ils ont rendu leurs faces plus dures qu’un roc, ils ont refusé de revenir » (Jérémie 5:3). L’homme cherche refuge auprès de l’homme, auprès de la chair, mais non pas auprès de Dieu. Le tout dernier auquel on pense, c’est Dieu. Y a-t-il quelque chose qui montre mieux à quel point l’homme est éloigné de Dieu ? Oh, il n’y a rien de plus de misérable, rien de plus pitoyable, hormis la damnation éternelle, que d’habiter dans le « pays éloigné » !
« Et étant revenu à lui-même, il dit : Combien de mercenaires de mon père ont du pain en abondance, et moi je péris ici de faim ! Je me lèverai et je m’en irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi ; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi comme l’un de tes mercenaires » (Luc 15:17-19).
Nous arrivons ici à un tournant significatif dans la vie du jeune homme : il revient à lui-même. C’est sans aucun doute l’œuvre de Dieu dans Sa bonté. C’est la bonté de Dieu qui pousse à la repentance, non pas la peur de Dieu (Rom. 2:4). C’est Dieu Lui-même qui fait naître chez lui la conscience de son véritable état. Maintenant il ne voit pas seulement qu’il est dans le besoin (cela ne suffit guère pour conduire à Dieu), mais qu’il périt. C’est là qu’il faut en arriver dans le pays éloigné : se rendre compte qu’on périt de faim.
Mais la bonté de Dieu fait encore autre chose, quelque chose de très précieux : elle réveille dans l’âme la conscience qu’heureusement il y a du pain, assez de pain, dans la maison du père à laquelle il a autrefois tourné le dos avec tant d’ingratitude, et même il y en a plus qu’assez pour les ouvriers [mercenaires]. La bonté de Dieu attire le cœur de celui qui sait qu’« il périt ici ». Et ainsi la grâce produit dans le cœur le désir d’aller à Dieu. « Je me lèverai et je m’en irai vers mon père ».
Le fils perdu ne prend pas la bonne résolution de s’améliorer avant de pouvoir se présenter devant son père. Nombreux, malheureusement, sont ceux qui font l’inverse. Ils ne commencent pas par reconnaître leur état misérable, et quand ils le reconnaissent, ils veulent d’abord se sauver eux-mêmes, pour pouvoir se présenter devant Dieu avec leurs propres forces. Ils devront tous apprendre un jour la vérité du proverbe selon lequel « le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions ».
Non, le fils perdu est venu à bout de lui-même, sa conscience est réveillée et son cœur attiré. La bonté de Dieu a éveillé la confiance en son père dans son for intérieur, et il est tout à fait prêt à s’en aller vers son père, comme il dit. Il exprime pour ainsi dire les mêmes paroles qu’Éphraïm : « Car, après que j’ai été converti, je me suis repenti ; et, après que je me suis connu, j’ai frappé sur ma cuisse ; j’ai été honteux, et j’ai aussi été confus, car je porte l’opprobre de ma jeunesse » (Jér. 31:19). C’est le point auquel il faut tous que nous en arrivions un jour, si nous ne voulons pas rester éternellement loin de Dieu ; et c’est ce que le Seigneur Jésus veut nous enseigner ici.
Se lever et s’en aller vers son père, c’est ce que l’Écriture appelle en bien des passages, la conversion. « Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés » (Actes 3:19) dit Pierre à ses compatriotes juifs. L’apôtre Paul annonce aussi aux hommes « de se repentir et de se tourner vers Dieu, en faisant des œuvres convenables à la repentance » (Actes 26:20). On se convertit de quelque chose vers ou à quelque chose :
« pour qu’ils se tournent des ténèbres à la lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu ; pour qu’ils reçoivent la rémission des péchés » (Actes 26:18),
« comment vous vous êtes tournés des idoles vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai » (1 Thes. 1:9).
Nous voyons ce principe présenté dans l’histoire du fils perdu d’une manière qui se grave facilement dans nos mémoires. Jusqu’à présent il avait tourné le dos à son père, et son visage s’était tourné de son père vers les choses du monde. Mais maintenant il se détourne du monde, et son visage se dirige vers son père. Il n’a pas encore le père, il ne sait pas encore comment il le recevra ; autrement dit, il n’a encore aucune paix, mais il veut aller à lui. « Et se levant, il vint vers son père » (15:20). C’est la conversion.
La conversion, si elle est authentique, est toujours accompagnée de la repentance. La repentance ne veut pas dire des exercices de repentance. La repentance est un changement de sentiments, et elle est toujours accompagnée d’une tristesse d’âme selon Dieu en rapport avec son propre état et ses propres voies. Aussi lisons-nous : « Car la tristesse selon Dieu opère une repentance à salut dont on n’a pas de regret » (2 Cor. 7:10). Il ne s’agit pas non plus d’un changement purement logique de ses sentiments, comme on change de chemise, mais on a honte de soi-même, on a honte d’avoir déshonoré Dieu si profondément.
Cette tristesse d’âme conduit tout à fait naturellement à une confession du péché devant Dieu : « et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et devant toi ; je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi comme l’un de tes ouvriers [mercenaires] » (15:18-19). Qu’il est difficile pour l’homme de faire une confession pareille ! Combien il faut souvent de temps, combien d’expériences amères il faut d’abord traverser, avant d’en arriver finalement à se condamner soi-même et à avouer sa culpabilité !
Mais le chemin du salut passe par la confession de la culpabilité ; cette confession est le fruit qui convient à la repentance.
« Quand je me suis tu » a dû confesser David, « mes os ont dépéri, quand je rugissais tout le jour… Je t’ai fait connaître mon péché, et je n’ai pas couvert mon iniquité ; j’ai dit : Je confesserai mes transgressions à l’Éternel ; et toi, tu as pardonné l’iniquité de mon péché » (Ps. 32:3, 5). Le fils de David, le sage Salomon exprime cette vérité par le Saint Esprit de la manière suivante : « Celui qui cache ses transgressions ne prospérera point, mais celui qui les confesse et les abandonne obtiendra miséricorde » (Prov. 28:13).
« De la bouche on fait confession à salut » (Rom. 10:10) dit l’Esprit de Dieu par le moyen d’un autre homme de Dieu, l’apôtre Paul. Et combien est précieuse et assurée la promesse de Dieu que nous trouvons dans la première épître de Jean : « Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1:9) !
Même si nous n’avons pas encore épuisé toute la plénitude de ces versets, retenons-en déjà ceci : Ce qui suit la confession des péchés, c’est la rémission [le pardon] des péchés, de tous les péchés. Dieu est fidèle et juste quand Il nous pardonne les péchés.
Il y a un point que je dois souligner ici, même s’il dépasse le cadre de notre parabole : le chemin vers Dieu passe par Golgotha.
Le Père pardonne [remet] les péchés à cause du nom de Son Fils (« par son nom » — 1 Jean 2:12), qui a accompli l’œuvre d’expiation de notre culpabilité à la croix. Et Il ne pardonne qu’à celui qui croit en Son Fils, Jésus Christ : « crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta maison » - « Tous les prophètes lui rendent témoignage, que, par son nom, quiconque croit en lui reçoit la rémission des péchés » (Actes 16:31 ; 10:43). Christ est le chemin vers Dieu, et personne ne vient au Père que par Lui (Jean 14:6). La rédemption ne se trouve que dans le Christ Jésus (Col. 1:14). « Et il n’y a de salut en aucun autre ; car aussi il n’y a point d’autre nom sous le ciel, qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés » (Actes 4:12). « Ce n’est rien moins et rien d’autre que le sang de Jésus Christ qui nous purifie de tout péché » (1 Jean 1:7).
Revenons maintenant à la confession du plus jeune fils ; elle comprend plusieurs points auxquels il n’y a rien à redire ; c’était une confession authentique, une preuve de la foi et de la vie nouvelle, et le père la reçoit. Cela devrait encourager tous ceux qui sont repentants. Les sentiments du fils ne vont pas encore très en profondeur, car non seulement il n’était effectivement plus digne d’être appelé son fils, mais il avait mérité de rester éloigné pour toujours de la maison du père, et d’être jeté dans les ténèbres de dehors. Il n’était plus « digne » de rien d’autre.
Le plus jeune fils ajoute encore : « Traite-moi comme l’un de tes ouvriers [mercenaires] » ; ceci montre que dans une mesure il était encore rempli d’un esprit légal, car en vérité il ne se connaissait pas lui-même, ni ne connaissait son père et son amour. Il n’en avait pas entièrement fini avec lui-même, et il n’était pas encore arrivé à reconnaître que seule la grâce, et rien d’autre que la grâce ne devait et ne pouvait remédier à sa situation. Mais au fond de son cœur, il y avait une véritable conscience de son péché et de sa culpabilité, même si cette conscience était encore bien faible ; et comme il se confiait en la bonté du père, il se mit en route pour venir devant son père avec la confession de sa culpabilité.
Cher lecteur, dis-moi si tu as déjà parcouru ce chemin ? Le diable veut à tout prix te retenir de t’y engager. Il veut exciter ton orgueil ; il te dit qu’il n’est pas nécessaire de t’incliner : si seulement les gens étaient tous aussi bons que toi ! Ou bien il cherchera à insuffler le doute en toi pour que tu ne sois pas sûr si Dieu veut vraiment t’avoir et te recevoir. Pourtant, regarde combien le père rend facile au fils de venir à lui. Regardons cela d’un peu plus près.
« Et se levant, il vint vers son père. Et comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et, courant à lui, se jeta à son cou et le couvrit de baisers » (Luc 15:20).
Il n’est pas dit du fils qu’il « courut ». Son pas était peut-être plutôt hésitant maintenant qu’il était en chemin vers son père. L’incertitude et la honte devaient se mêler à l’espérance, et son pas se ralentir. Mais le père « courut », courut en avant vers son fils, qui venait à lui en haillons. Il l’avait déjà vu quand il était encore loin. Manifestement, il l’attendait depuis longtemps. L’état misérable de son fils dégradé n’était qu’une raison pour lui d’être ému à son sujet. Ni rancune, ni colère ni le moindre reproche !
« Il ne reproche rien » — à l’occasion de maintes défaillances plus tard sur son chemin, combien l’auteur de ces lignes a souvent expérimenté et goûté la grâce « que le Seigneur est bon » (1 Pierre 2:3). Non, le père ne fait pas le moindre reproche au fils, mais il se jette à son cou, alors qu’il est revêtu de haillons, et le couvre de baisers. Il l’accueille tel qu’il est, et l’aime malgré tout.
Merveilleuse grâce, amour merveilleux de Dieu dont nous avons ici l’esquisse ! « Dieu est riche en miséricorde à cause de son grand amour dont il nous a aimés » (Éph. 2:4). Cet amour de Dieu envers nous, a été démontré en ce que « Christ, alors que nous étions encore pécheurs, est mort pour nous » (Rom. 5:8). Nous nous souvenons instinctivement des paroles précieuses du même chapitre (Rom. 5:20) : « Là où le péché abondait, la grâce a surabondé ». C’est une vérité infinie que nous ne pouvons jamais saisir en entier, mais que nous pouvons croire : DIEU EST POUR NOUS (Rom. 8:31). Que Dieu, dans toute Sa grâce, soit aussi juste, beaucoup de passages de l’Écriture en rendent témoignage (par exemple Rom. 3:21-26 ; 1 Jean 1:9).
Notons bien : avant que le fils ait pu tant soit peu commencer la confession qu’il avait prévue, son père se jette à son cou, et le couvre de baisers. C’est un amour vraiment immérité, la grâce ! Alors le fils dégage sa conscience : « père, j’ai péché contre le ciel et devant toi, je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ». Ne sommes-nous pas frappés de ce qu’il ne dit pas « traite-moi comme l’un de tes mercenaires » ? L’aurait-il pu en face d’un tel amour ? Impossible ! Cela aurait été une sous-estimation de l’amour de son père.
Apprenons cependant ceci dans notre cœur : Dieu nous traite selon l’amour de Son cœur, parce qu’Il est amour, non pas parce que nous sommes aimables ! Nous pensons souvent que Dieu devrait agir selon ce que nous comprenons de Lui, selon ce que nous ressentons de Lui. Et si nous pensons à notre misère, nous disons volontiers : « traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Cela a bien une apparence d’humilité, mais cela restreint la grandeur de Dieu dans Son amour d’une manière insupportable.
Les gens, et même les vrais enfants de Dieu ont souvent de la difficulté à propos de la grâce de Dieu, parce qu’ils se mettent sur un terrain légal, et qu’ils jugent ainsi de Dieu et de Ses actes d’après eux-mêmes. Ainsi par exemple, beaucoup de vrais chrétiens se contenteraient tout à fait d’un « petit coin au ciel », de n’importe quelle petite place modeste, là. Or celui qui a de telles pensées méconnaît Dieu, et il ne sait pas encore ce qu’est réellement Son amour. Dieu agit d’après ce que Lui ressent et pense, oui, d’après ce que Lui est.
Un « petit coin au ciel » correspond-il à la merveilleuse grandeur de Sa grâce et de Son amour ? Une place modeste, pour ne pas dire médiocre, ne témoignerait-elle pas continuellement à l’encontre de Son amour, comme cela aurait été le cas si le père avait donné à son fils à son retour la place d’un ouvrier [mercenaire] ?
« Mais le père dit à ses esclaves : Apportez dehors (*) la plus belle robe, et l’en revêtez ; et mettez un anneau à sa main et des sandales à ses pieds ; et amenez le veau gras et tuez-le ; et mangeons et faisons bonne chère ; car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils se mirent à faire bonne chère (*) » (Luc 15:22-24).
(*) note Bibliquest : Il y a ici et ailleurs deux variantes de traduction entre l’allemand et la traduction JND française: « vite » au lieu de « dehors » — et « être gai » au lieu de « faire bonne chère ».
C’est la joie de Dieu de ramener le pécheur et de le recevoir. C’est Sa joie de pardonner tous ses péchés. Certes le pécheur a besoin du pardon des péchés, il l’obtient par la foi en Christ et en Son œuvre, et il a toute raison de s’en réjouir. Or ici, comme dans les deux paraboles précédentes, il ne s’agit pas tant de la joie du pécheur, mais de la joie de Dieu Lui-même. « Il fallait faire bonne chère et se réjouir » lisons-nous un peu plus loin. C’est le père lui-même qui se réjouit, et il se réjouit avec ses serviteurs. Le retour du fils perdu ne produit pas seulement de la joie au ciel, mais aussi sur la terre, dans la maison du père. Car nous ne devons pas déplacer cette scène au ciel. Elle n’est pas une image de ce que nous vivrons au ciel ; mais c’est plutôt l’esprit du ciel, si l’on peut dire, que nous pouvons déjà respirer ici-bas sur la terre, et qui aboutit à l’adoration. C’est la joie de Dieu de nous avoir dans Sa présence.
Nous chrétiens, combien nous sommes peu souvent en état de nous élever à ces pensées ! Nous sommes beaucoup occupés de ce que nous étions, et de ce que nous sommes maintenant par grâce. C’est correct en soi ; la confession du fils, aussi, était correcte ; mais l’amour du père l’empêche de parler davantage, et c’est Lui, le père, qui parait au premier plan, c’est Lui qui parle et qui agit. Il ne parle pas au fils, mais aux serviteurs : « Apportez la plus belle robe, et l’en revêtez ». C’est la joie du père de donner, et de donner sans mesure. Maintenant rien n’est trop bon pour le fils de retour. La plus belle robe, l’anneau, les sandales, tout est apporté (nous allons le voir bientôt) à celui qui est encore dehors, à l’extérieur de la maison, là où son père l’a rencontré.
C’est incontestablement très significatif. Le père ne fait pas apporter la plus belle robe, pour ne se jeter à son cou et le couvrir de baisers qu’après l’en avoir revêtu. Non, il court à sa rencontre et l’embrasse alors qu’il est encore dans ses haillons. La grâce et le cœur de Dieu sont donc parfaitement ouverts au pécheur repentant, sans qu’il y ait à attendre aucune prestation préalable. Ah ! que tout lecteur de ces lignes puisse se réfugier dans les bras grand ouverts du « Père », sur Son cœur ! Et qu’il le fasse maintenant, immédiatement ! Lui aussi sera alors reçu sans condition, et il pourra vivre dorénavant ce qu’on va maintenant voir en image avec le fils perdu, mais retrouvé.
Cet amour qui a reçu le fils perdu dans son état de misère, l’amène maintenant dans la maison du père. Mais quelque chose d’autre doit se passer. « Apportez vite la plus belle robe, et l’en revêtez, et mettez un anneau à sa main, et des sandales à ses pieds ». Maintenant qu’il ne s’agit plus seulement de l’accueil et du pardon des péchés ; maintenant que le fils doit être amené dans la maison du père, c’est-à-dire dans la communion intime avec lui et avec son foyer, il faut le revêtir de la plus belle robe que le père a pour lui. Le plus jeune fils n’avait jamais porté auparavant cette plus belle robe ; comme l’anneau et les sandales, ce que seuls les enfants de la maison portaient, cette plus belle robe est un témoignage de la relation de grâce dans laquelle il est maintenant introduit. Il ne doit pas se trouver dans la maison du père comme un serviteur : ce serait un rappel continuel de son péché. Non, c’est comme fils qu’il doit y être. Il doit être, dans la maison du père, un témoignage continuel à ce que sont l’amour et la grâce du père, à ce que celui-ci pense de son fils retrouvé, et à la joie qu’il a de l’honorer ainsi.
Merveilleuse grâce de Dieu ! Elle nous revêt de Christ. Non seulement elle nous libère de nos haillons, mais elle nous revêt de Christ. La plus belle robe que Dieu a pour nous, c’est Son propre Fils (Gal. 3:27), c’est Christ qu’Il a livré à la mort pour les pécheurs. Dieu ne nous a pas seulement pardonné par le (à cause du) nom de Son Fils (1 Jean 2:12), mais nous sommes devenus « justice de Dieu » en Lui (2 Cor. 5:21). Ce sont en fait des vérités infinies, et, faisons-y attention, elles ont finalement pour but la glorification de Son Fils.
Mais ce n’est pas tout, et ce n’est pas suffisant. « Amenez le veau gras, et tuez-le, et mangeons et faisons bonne chère ». Le veau gras est aussi une image de Christ, comme nourriture de Son peuple. Dieu a Sa joie profonde dans la Personne et dans le sacrifice de Son Fils, notre Seigneur ; et nous sommes rendus dignes de participer déjà maintenant à cette joie. C’est ce dont nous avons une image ici dans ces paroles « mangeons et faisons bonne chère ».
Naturellement, la joie du Père en Son Fils Jésus Christ est parfaite. La notre, du point de vue de la jouissance pratique, est très déficiente. Mais quant au principe, c’est la même joie : la joie du Père au sujet de Son Fils. En fait, c’est la communion dont nous pouvons nous réjouir dans la maison du Père, ce domaine de bénédictions où la grâce de Dieu nous a introduits. « Or notre communion et avec le Père, et avec Son Fils Jésus Christ » dit l’apôtre Jean, à quoi il ajoute « nous vous écrivons ces choses afin que votre joie soit accomplie » (1 Jean 1:3, 4). Dans notre parabole aussi, la joie est le résultat de la communion avec le Père et avec Son Fils : « et ils se mirent à faire bonne chère ». C’est une joie commune, c’est la joie de la communion.
Il est parlé du commencement de cette joie, mais nous n’entendons pas dire qu’elle ait une fin. Nous apprenons la raison de cette joie et son point de départ, mais c’est tout ce qu’il en est dit. C’est comme si le Seigneur voulait laisser à notre foi et à notre intelligence spirituelle le soin de conclure qu’elle n’aura jamais de fin. Effectivement, elle ne finira jamais. Elle trouvera son plein accomplissement au ciel quand nous verrons et adorerons l’« Agneau comme immolé » (Apoc. 5).
« Car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé. Et ils se mirent à faire bonne chère. » (Luc 15:24)
Notez l’expression du Seigneur : le fils était « mort ». J’insiste spécialement là-dessus parce que nous l’avons déjà vu avec la « drachme perdue ». Bien que vivant, le fils était mort — mort pour le père. Ainsi l’homme loin de Dieu est mort pour Dieu. Mais par la grâce de Dieu le fils est éveillé à une vie nouvelle, il est « passé de la mort à la vie » (Jean 5:24).
La joie et la gaîté remplissaient la maison du père. Mais aux v. 25-32 de notre parabole, le Seigneur Jésus montre une autre scène où l’on voit au dehors des nuages noirs s’amonceler à l’horizon.
Le frère aîné revient des champs à la maison et entend la musique et les danses. Il s’informe de la raison, et on lui dit : « Ton frère est venu, et ton père a tué le veau gras, parce qu’il l’a recouvré sain et sauf » (15:27). « Ton frère », « ton père », ces expressions auraient éveillé des sentiments heureux, mais voilà le contraire qui arrive : colère et opposition surgissent chez lui. Il se fâche et ne veut pas entrer. Pourquoi donc ?
C’était un propre-juste. Le Seigneur Jésus s’en sert comme image de tous ceux qui n’ont pas de relation vivante avec Dieu, mais qui pensent qu’ils peuvent se présenter devant Dieu avec leur propre justice.
Ce fils aîné murmurait contre la grâce dont le père avait usé en faveur du plus jeune fils. Les pharisiens et les scribes étaient le même genre de gens. Eux aussi s’étaient scandalisés de ce que le Seigneur recevait les pécheurs et mangeait avec eux. Eux-mêmes n’entraient pas dans le royaume des cieux, et ils ne laissaient pas entrer ceux qui le voulaient (Matt. 23:13). « Et il se mit en colère et ne voulait pas entrer » (15:28) : cela a toujours été l’attitude des Juifs propres-justes. Quand plus tard, l’apôtre Paul annoncera la parole de la grâce de Dieu, ce seront les Juifs qui seront ses opposants continuels. En voici un exemple tiré des Actes (13:45) : « mais les Juifs, voyant les foules, furent remplis de jalousie et contredirent à ce que Paul disait, contredisant et blasphémant ».
Le propre-juste n’a aucun cœur pour la bonté de Dieu envers les perdus. Il a de la haine pour la grâce parce qu’il ne la veut pas et ne la connaît pas, et parce qu’il pense ne pas en avoir besoin. C’est pourquoi il n’aucune part à la joie de la grâce ; elle lui est insupportable.
Par le fait que le fils aîné était « aux champs », le Seigneur Jésus indique que l’homme religieux, propre-juste, n’est pas seulement loin de la maison du Père, mais qu’il est aussi actif, et qu’il veut mériter le ciel quelle qu’en soit la manière. La parole du fils aîné le souligne encore plus : « Voici tant d’années que je te sers, et jamais je n’ai transgressé ton commandement » (15:29). Toutes les nombreuses personnes qui se vantent d’une profession chrétienne, et qui cherchent à satisfaire Dieu par toute la peine qu’elles se donnent, sont sur ce terrain de l’autosatisfaction et de la propre justice.
Les Juifs sous la loi se mettaient aussi sur ce terrain-là. Comme nation, ils avaient été mis au bénéfice d’une rédemption extérieure et d’une relation extérieure avec Dieu, et c’était la seule nation sur la terre à avoir une telle position. C’est aussi la raison pour laquelle le père dit au fils aîné qui personnifie cette nation : « Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi » (15:31). Ce fils aîné représente aussi tous ces gens qui, de manière déplorable, pensent ne pas avoir besoin de la grâce de Dieu, et pouvoir se tenir devant Dieu sur la base de leurs propres œuvres.
Malgré la bonté du Père et son insistance, il n’a pas été possible de le décider à changer d’attitude. Enflé de sa bonne opinion de lui-même, il est en colère et reproche au père de ne jamais lui avoir donné un chevreau pour faire bonne chère avec ses amis. « Avec ses amis », non pas avec son père ! Combien cela est caractéristique ! L’amitié du monde n’est-elle pas inimitié contre Dieu (Jacq. 4:4) ? Ainsi le propre-juste a l’audace de prendre la parole contre Dieu, de condamner ce qu’Il fait, et de L’accuser d’injustice. Il se considère lui-même comme quelqu’un qui L’a servi depuis déjà de nombreuses années, et qui n’a jamais transgressé aucun commandement de Dieu.
Un de mes lecteurs se trouverait-il encore sur ce terrain ? Serais-tu d’avis que Dieu peut se satisfaire de toi parce que tu fais tant de bonnes œuvres « sur le champ » de l’amour chrétien du prochain, parce que tu t’efforces tant d’être « noble, secourable et bon » ?
Oh ! alors tu n’as pas besoin d’un Sauveur. Pas TOI ! Car le Seigneur Jésus n’est pas venu appeler des justes, mais des pécheurs (Luc 5:32). Réfléchis bien à ce que le fils aîné, propre-juste, selon le tableau dressé par notre parabole, n’est jamais entré dans la maison du père. Préfères-tu rester dehors, dehors pour toujours ? « Dehors sont les chiens, et les magiciens, et les fornicateurs, et les meurtriers, et les idolâtres, et quiconque aime et fait le mensonge » (Apoc. 22:15).
Certes, le Seigneur Jésus ne parle pas ici de jugement, parce que dans cette parabole, Il décrit le jour de la grâce. Mais soyons assurés que quiconque refuse la grâce, sera condamné au jour du jugement. Il faut que tu en viennes à voir tes prétendues justices comme Dieu les voit, comme un « vêtement souillé » (Ésaïe 64:6) !
Nous préférons détourner les regards du fils aîné, et les porter encore une fois sur le plus jeune fils, autrefois perdu, et maintenant retrouvé. Revêtu de la plus belle robe, il est entré dans la maison du Père, pour ne plus la quitter jamais.
Un bonheur sans fin en partage : être amené du pays éloigné jusque dans la maison du Père où il y a une plénitude de joie, et cela pour l’éternité !
Après les trois paraboles de Luc 15 vient tout de suite la parabole de ‘l’économe [ou : administrateur] injuste’ au ch. 16. Ce que nous devons apprendre dans cette parabole est confirmé ensuite dans l’histoire de ‘l’homme riche et du pauvre Lazare’. Dans cette dernière, le Seigneur tire quelque peu le voile pour permettre un coup d’œil sur le monde invisible — le monde des esprits des trépassés.
Contrairement aux trois paraboles précédentes de Luc 15, le Seigneur dépeint en Luc 16 un tableau d’atmosphère typiquement mondaine. On ne cherche pas ici des perdus, que ce soit dans le domaine d’un berger, ou celui d’une maison ou d’une famille, mais il est montré à quoi doit ressembler dans ce monde la vie des trouvés — ou, dit plus précisément, comment les disciples du Seigneur doivent s’y prendre avec des possessions terrestres.
Selon 16:14 et 15:1-2, il est clair que toutes les paraboles de ces chapitres 15 et 16 ont été prononcées devant un auditoire bien mélangé. Outre un certain nombre de disciples, il y eut aussi des scribes et des pharisiens pour entendre les paroles du Seigneur Jésus, et aussi beaucoup de publicains et de pécheurs.
« Et il dit aussi à ses disciples : Il y avait un homme riche qui avait un économe ; et celui-ci fut accusé devant lui comme dissipant ses biens. Et l’ayant appelé, il lui dit : Qu’est-ce que ceci que j’entends dire de toi ? Rends compte de ton administration ; car tu ne pourras plus administrer » (Luc 16:1-2).
Que le Créateur ait confié à l’homme des ‘biens’, la parabole du ‘fils prodigue’ l’a déjà montré. Outre l’esprit, l’âme et le corps, Dieu l’a pourvu de capacités qu’il doit utiliser pour glorifier son Créateur. Dans cette mesure il est un administrateur [ou : économe] de Dieu ; mais il n’a pas répondu à ce devoir. Le fils prodigue gaspilla (ou : dissipa) son bien, tout comme l’administrateur injuste le fit avec l’avoir de son maître. L’un l’a fait dans un pays éloigné, l’autre dans la maison de son Maître.
Cette dernière indication laisse penser qu’outre le point de vue général, l’administrateur injuste est aussi en particulier une image d’Israël. Dieu avait donné la loi à ce peuple dans un domaine établi par Lui, et avec elle les promesses et le service divin (Rom. 9:4-5). Mais ce peuple a, lui aussi, été infidèle vis-à-vis des biens extraordinaires qui lui avaient été confiés.
Au lieu de transmettre aux peuples de la terre la connaissance qu’ils avaient reçue du seul vrai Dieu, ils violèrent la loi de Dieu, tombèrent dans l’idolâtrie et tuèrent finalement leur propre Messie, alors qu’Il était venu à eux comme une lumière pour la révélation des nations et la gloire du peuple d’Israël (Luc 2:32).
À la suite de cela, ils furent destitués de leur administration. Dieu ne les a plus considérés comme Ses administrateurs. Déjà le prophète Osée avait dû crier au peuple : « vous n’êtes plus mon peuple, et moi, je ne suis plus à vous » (Osée 1:9). Mais ce n’est pas seulement Israël en particulier que Dieu ne considère plus comme Ses administrateurs, mais aussi l’homme en général. Il a perdu cette position par sa propre infidélité. Malgré tout, sa responsabilité subsiste vis-à-vis de son Créateur, car Dieu l’a encore laissé en possession des biens terrestres.
Même si dans notre parabole, la destitution de l’administrateur injuste de son poste d’administrateur est imminente pour lui, comment va-t-il agir entre temps avec les biens qui appartiennent à son maître, non pas à lui ? Comment va-t-il utiliser les possibilités et capacités qui lui restent ? C’est alors qu’intervient une application de la parabole à laquelle nous ne nous serions pas attendus de cette manière.
« Et l’économe dit en lui-même : Que ferai-je, car mon maître m’ôte l’administration ? Je ne puis pas bêcher la terre ; j’ai honte de mendier : je sais ce que je ferai, afin que, quand je serai renvoyé de mon administration, je sois reçu dans leurs maisons. Et ayant appelé chacun des débiteurs de son maître, il dit au premier : Combien dois-tu à mon maître ? » Et il dit : Cent baths d’huile. Et il lui dit : Prends ton écrit, et assieds-toi promptement et écris cinquante. Puis il dit à un autre : Et toi, combien dois-tu ? Et il dit : Cent cors de froment. Et il lui dit : Prends ton écrit, et écris quatre-vingts » (Luc 16:3-7).
Tandis que les paroles introductives de la parabole sont fort brèves, la prudence de l’administrateur est largement dépeinte. On entend ses réflexions, et on voit sa décision rapide et comment il l’a aussitôt traduite dans les faits. Il n’a pas non plus perdu beaucoup de temps pour échapper aux conséquences amères de sa destitution de fonction. Il est vrai qu’il exclut d’emblée deux possibilités. Il n’envisage pas de gagner sa vie en bêchant, car il n’a pas la force pour un travail aussi dur. Il a honte d’avoir tout juste de quoi vivre en mendiant. Finalement, il occupait jusqu’alors une positions influente ; devrait-il maintenant avouer qu’il a sombré si bas ? Non, il ne se pose même pas la question !
N’avons-nous pas ici un tableau de l’homme naturel ? D’un côté il est entièrement sans force pour répondre aux exigences de Dieu — « alors que nous étions encore sans force » (Rom. 5:6). C’est une des constatations les plus humiliantes que l’homme, qu’il soit Juif ou païen, ne possède aucune force pour faire le bien et pour laisser le mal. D’un autre côté, il a honte d’admettre son véritable état. Sa fierté lui interdit d’adopter une attitude de demandeur. Ce sont là les deux raisons principales pour lesquelles les gens refusent l’évangile et haïssent la grâce de Dieu. Car la grâce met en relief que nous sommes sans force, et qu’on ne peut la recevoir qu’en tant que suppliant, sans la mériter.
Mais l’administrateur arrive alors à une décision qui n’est pas typique de tout le monde. C’est pourquoi on peut parler d’un virage inattendu. Pour la plupart, les gens ne s’engagent justement pas dans les réflexions sur lesquelles l’administrateur a médité dans sa prudence. Ils vivent beaucoup plutôt dans l’insouciance du jour, sans réfléchir à ce qui arrivera au moment où les richesses [le Mammon] viendront à manquer (16:9(*)).
(*) note du traducteur : Le v. 9 est traduit ainsi par l’auteur en allemand : « Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec le Mammon injuste, afin que, quand il viendra à manquer, vous soyez reçus dans les cabanes éternelles ». J.N. Darby traduit : « Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, afin que, quand vous viendrez à manquer, vous soyez reçus dans les tabernacles éternels » (16:9). — Le mot traduit par J.N.D. par « tabernacle » signifie proprement « cabane » (voir note de la traduction J.N.D. à Lév. 23:42).
Pourtant l’administrateur, aussi injuste fût-il, pensait à ce qui allait se passer « après ». Que fallait-il faire, réfléchissait-il, pour que les gens le « reçoivent dans leurs maisons » quand il serait destitué de son administration ? C’est cela qui constituait sa prudence : il ne s’occupait pas du présent, mais dirigeait ses pensées vers l’avenir. Sans aucun doute, il aurait pu s’enrichir sur les biens de son maître tant qu’il en avait encore le pouvoir, mais il ne l’a pas fait. Il a plutôt cherché à transformer les débiteurs de son maître (il devait y en avoir beaucoup), en ses propres débiteurs, pour assurer son propre avenir. Il fit donc un usage des biens de son maître qu’on ne peut bien sûr pas qualifier de juste, mais de prudent.
Il n’est cité que deux exemples de débiteurs. Il semble qu’il s’agissait dans la parabole, non pas d’un fermier responsable de terres, mais d’un marchand — une sorte de commerçant en gros — devant des sommes d’argent considérables à son maître pour des quantités correspondantes d’huile et de blé fournies par ce maître. Autrement on ne peut guère expliquer que l’un ne devait à son maître que de l’huile, et l’autre que du blé (ou : froment). En outre 100 baths d’huile correspondent à environ 4000 litres et 100 cors de blé à environ 40 mètres cube. L’administrateur remit « libéralement » à ces deux débiteurs une partie considérable de leur dette. Il fit la même chose avec « chacun des débiteurs de son maître ».
« Et le maître loua l’économe injuste parce qu’il avait agi prudemment. Car les fils de ce siècle (*) sont plus prudents, par rapport à leur propre génération, que les fils de la lumière » (Luc 16:8).
(*) Note du traducteur : l’auteur traduit « fils de ce monde ».
Que le comportement de l’administrateur ait été injuste, cela n’est nullement passé sous silence. Il est expressément appelé, selon la traduction littérale, ‘administrateur de l’injustice’, ce qui ne signifie naturellement rien d’autre ‘qu’administrateur injuste’ ; mais cette expression insiste spécialement sur l’injustice de cet homme et de ses agissements.
Mais pourquoi son maître le loue-t-il, et à quel sujet le loue-t-il quand il apprend la réalité de toute l’affaire ? En fait, il ne peut s’empêcher de reconnaître la prudence de son administrateur injuste. Celui-ci avait finalement sacrifié le présent à l’avenir, ce qui n’est pas banal du tout, et est pour cela digne de louange. On remarque bien que l’administrateur n’est pas loué pour son injustice, mais « parce qu’il avait agi prudemment ». Il avait su se faire des amis avec ce qui ne lui appartenait pas en vue du temps qui arriverait « après ».
Les gens n’agissent-ils pas en général de manière diamétralement opposée, et ne sacrifient-ils pas l’avenir au présent ? Leurs pensées ou leurs visées sont surtout tournées vers des événements et des évolutions présents, et si quand même ils se soucient de l’avenir, ce n’est alors qu’en vue d’un avenir dans ce monde. Leur prudence ne va pas plus loin. Ils vivent pour ce monde, et ce qui vient après ne les intéresse pas. C’est pourquoi ils sont appelés ‘fils de ce monde’. L’homme riche dans le dernier paragraphe du chapitre sera comme un ‘fils de ce monde’, tandis que le pauvre Lazare était un vrai ‘fils de la lumière’. Mais une fois morts, qu’arriva-t-il ? Nous le verrons en son temps.
D’habitude on tire de ceci que la parabole se termine par la louange du maître au sujet de l’administrateur injuste. Pourtant ce n’est qu’à partir du v. 9 que le Seigneur Jésus applique la parabole à Ses disciples. Entre deux, il y a cette remarque de 16:8b « car les fils de ce siècle [ou : monde] sont plus prudents, par rapport à leur propre génération, que les fils de la lumière » ; elle appartient encore à la parabole.
Certes cette phrase n’ajoute rien au récit, mais la parabole est ainsi replacée dans son ensemble dans une juste lumière pour les auditeurs. Elle parle de la prudence des fils de ce monde par rapport à leur « génération ». Ils s’entendent à obtenir des avantages pour eux-mêmes, et ils ne s’embarrassent pas de scrupules de conscience ou de questions morales. En cela ils sont sans aucun doute supérieurs aux fils de la lumière.
Le personnage principal de notre parabole, l’administrateur, est directement la personnification de l’injustice, du début à la fin. Ce n’est pas par hasard que son injustice a donné son titre à la parabole, la parabole de ‘l’économe injuste’. Et pourtant le Seigneur profite de la prudence de cet homme pour nous communiquer des enseignements importants.
« Et moi, je vous dis : Faites-vous des amis avec les richesses injustes, afin que, quand vous (*) viendrez à manquer, vous soyez reçus dans les tabernacles éternels. Celui qui est fidèle dans ce qui est très-petit, est fidèle aussi dans ce qui est grand ; et celui qui est injuste dans ce qui est très-petit, est injuste aussi dans ce qui est grand. Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les vraies ? Et si, dans ce qui est à autrui, vous n’avez pas été fidèles, qui vous donnera ce qui est vôtre ? » (16:9-12).
(*) note du traducteur : l’auteur traduit « quand il [Mammon] viendra à manquer », comme la traduction anglaise de J.N.D. et selon une variante signalée par J.N.D. en français. La traduction française de J.N. Darby a retenu « quand vous viendrez à manquer ». — Quoi qu’il en soit, la pensée est la même, car il s’agit dans tous les cas du fait que les richesses se mettent à manquer.
Il n’y a guère de parabole qui ait donné lieu à plus de commentaires contradictoires que celle-ci : comme si on pouvait s’acheter le ciel avec des richesses injustes ! Les exposés fantaisistes et se contredisant souvent les uns les autres proviennent pour la plupart de ce qu’on oublie à qui le Seigneur s’adressait avec cette parabole. Le v. 1 dit expressément « et il dit aussi à ses disciples », ce qui veut dire que les paroles du Seigneur ne concernent pas la manière dont on devient disciple, mais elles s’adressent à des gens qui le sont déjà. Nous ne devons donc pas interpréter de travers les explications du Seigneur comme si elles traitaient de la manière dont on parvient à la vie éternelle, dont on accède au ciel.
Ensuite, on fait souvent l’erreur de prendre tel ou tel détail de la parabole comme base de son interprétation, au lieu de voir la parabole comme un tout. Considérons encore une fois la ligne de la parabole, et traçons à côté une deuxième ligne parallèle — la ligne de l’application à nous les enfants de Dieu ! La correspondance est manifeste.
En image, cette correspondance s’exprime sous forme de deux flèches parallèles dirigées dans le même sens.
L’homme est l’administrateur — nous le sommes aussi. Des biens lui sont confiés — à nous aussi. Il s’agit de richesses [ou : Mammon] injustes — c’est aussi notre cas. Il s’en fait des amis avec — c’est aussi ce que nous devons faire. Elles viennent à manquer — pour nous aussi. Mais alors un contraste apparaît : les fils de ce monde recherchent des maisons terrestres — les fils de la lumière recherchent des tabernacles éternels, des habitations célestes. Cela retourne la flèche en sens contraire. En fait, les uns sont motivés par l’injustice, les autres au contraire, par la justice. Dans ce cas, en image, cela fait symboliquement deux flèches parallèles dirigées en sens contraire.
Entrons maintenant d’encore plus près dans les paroles du Seigneur. Il parle de ‘Mammon injuste’ [richesses injustes], l’expression littérale étant ‘Mammon de l’injustice’, comme il avait parlé précédemment ‘d’administrateur de l’injustice’. Autrement dit, ‘Mammon’ comme désignation (dévalorisante) des richesses et des biens terrestres est caractérisé par l’injustice. L’explication de ce qualificatif ne réside pas seulement dans ce que la possession terrestre peut facilement conduire à l’injustice ; ce serait certainement un sens trop faible. L’argent et les richesses ne sont-ils pas marqués par la tache d’avoir circulé dans les mains d’hommes déchus et pécheurs, et d’avoir servi d’une manière pécheresse à des desseins de péché ? — sans parler de ce qu’ils ont souvent été acquis de manière injuste.
Ils ne perdent pas ce caractère d’injustice quand ils arrivent dans les mains d’enfants de Dieu. Pourtant ils peuvent et ils doivent nous servir précisément à nous faire des amis. Comment cela ? en se servant de ce qui ne nous appartient pas à nous-mêmes pour la bénédiction des autres, dans un esprit de grâce. Cela ne devrait-il pas nous être facile à faire quand nous pensons que nous ne sommes que des administrateurs de ce que Dieu nous a confié comme biens et capacités ? Quand, au lieu de nous y attacher et de les garder pour nous, nous les utilisons pour le bien des autres, alors nous nous faisons des ‘amis’, — mais non pas au sens « qu’une main lave l’autre », ou que nous nous rendons les gens du monde dociles et bien disposés. Non, les ‘amis’, pour nous, sont au ciel. Cela échappe souvent. Puis le Seigneur continue : « … afin que, quand vous viendrez à manquer, vous soyez reçus dans les tabernacles éternels ». Seul Dieu peut nous recevoir au ciel. Certes l’expression « afin que … vous soyez reçus » est très imprécise, même pour une parabole ; mais personne d’autre que Dieu Lui-même n’est envisagé pour recevoir.
Pour chacun de nous tous, il arrive un moment où les richesses [le Mammon] viennent à manquer. Ce peut être à l’heure de la mort ou à celle de l’enlèvement. En tous cas, on passe à l’heure de la vérité. Si nous avons parcouru notre chemin les regards fixés sur la patrie céleste ; si par la foi nous avons sacrifié le temporel à l’éternel ; si nous n’avons pas considéré nos biens comme notre propriété, mais que nous nous en sommes servis comme étant la propriété de Dieu, avec la libéralité qui Lui est propre — alors, oui alors, Il nous recevra dans les tabernacles éternels.
Exprimons-le encore autrement : il y en aura qui sont sur le chemin du ciel, et qu’Il recevra aussi là-haut, le moment venu. Certes on ne peut pas s’acheter ni se mériter le ciel. Ce n’est nulle part l’enseignement de l’Écriture. Mais l’Écriture sainte enseigne qu’un usage juste de nos biens tournera en bien pour nous dans le monde à venir. On peut amasser des trésors pour le ciel et amasser un bon fondement pour l’avenir (Matt. 6:20 ; 1 Tim. 6:19). Si nous ne pouvons certes pas être justifiés par des bonnes œuvres, — si elles sont accomplies par la foi, elles peuvent être une preuve de la grâce de Dieu opérant en nous. Et par cela nous sommes affermis dans le chemin de la foi.
Il y a aussi de sérieuses exhortations pour nous dans les paroles du Seigneur. Il sait combien les Siens pensent légèrement à leurs intérêts dans notre époque si superficielle, au lieu de penser aux tabernacles éternels. On est aussi frappé de ce que, dans l’application de la parabole que le Seigneur fait à nous, Il ne parle plus directement de la prudence de l’administrateur injuste, mais Il met l’accent sur l’injustice de son comportement. Dans les v. 9 à 12, le mot ‘injuste’ revient quatre fois, et deux fois l’expression ‘ne pas être fidèle’.
« Celui qui est fidèle dans ce qui est très-petit, est fidèle aussi dans ce qui est grand ; et celui qui est injuste dans ce qui est très-petit, est injuste aussi dans ce qui est grand » (16:10). Aux yeux du Seigneur, Mammon (= les richesses) n’est que ce qui est très petit, et nous devons apprendre à partager Son estimation. L’administrateur injuste était injuste dans ce qui est très petit, et par conséquent aussi dans tout ce qui s’ensuivait. À l’inverse, nous devons être fidèles dans ce qui est très petit, et nous devons gérer fidèlement pour Lui ce que nous possédons, nos capacités, notre temps, notre force et notre santé. C’est souvent justement la fidélité dans les petites choses qui nous met à l’épreuve. Si nous le réussissons, la porte nous sera ouverte pour ce qui est ‘grand’, dont parle le Seigneur. Dans cette expression « ce qui est grand », Il inclut tout ce dont, comme enfants de Dieu, nous pouvons nous réjouir dans le Seigneur, tout le domaine spirituel de notre vie. Nous ne nous attendions certainement pas à ce que les richesses (Mammon) temporelles et les bénédictions éternelles soient liées de cette manière.
Une deuxième comparaison suit. Les richesses (= le Mammon) injustes ne sont pas seulement ce qui est ‘très petit’, mais elles sont aussi fausses, superficielles, fugaces, trompeuses ; c’est pourquoi le Seigneur les met maintenant en contraste avec les ‘vraies’ : « Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les vraies ? » (16:11). Il arrive un moment où les richesses (le Mammon) viennent à manquer (16:9) : quelle folie, dès lors, d’y mettre son cœur ! Notre vraie richesse est spirituelle, elle est dans le ciel. Tout ce qui est en rapport avec Christ glorifié, c’est les ‘vraies [richesses]’.
Quand nous n’utilisons pas le privilège accordé par grâce de nous servir des biens terrestres pour la bénédiction des autres, il n’y a plus aucune raison pour que le Seigneur nous confie les vraies richesses. Non seulement nous nous enlevons la joie à nous-mêmes, mais nous ne sommes même pas en mesure d’en redonner à d’autres. C’est pourquoi le Seigneur attend en premier lieu de nous la fidélité dans ce qui est ‘très petit’, la fidélité dans les ‘richesses (Mammon) injustes’.
En troisième lieu se rajoute la fidélité dans ce qui est ‘à autrui’ : « Et si, dans ce qui est à autrui, vous n’avez pas été fidèles, qui vous donnera ce qui est vôtre ? » (16:12).
Nous sommes administrateurs, et ce que nous possédons sur la terre appartient à Un autre. Si nous l’utilisons au gré de notre Seigneur et Maître — et en outre des milliers d’occasions se présenteront — Il nous donnera ce qui est ‘nôtre’. Tout ce qui appartient à Christ est à nous (1 Cor. 3:21-23). Voilà ce qui est ‘nôtre’, et Il nous le donnera pour notre joie — ici-bas dans le temps présent, et là-haut dans la gloire éternelle.
Ce qui est ‘vôtre’ au v. 12 est naturellement identique à ce qui est ‘vrai’ au v. 11 et à ce qui est ‘grand’ au v. 10. Cette triple répétition donne un grand poids à ce qui est dit — au vrai caractère des richesses (Mammon) ; à la fidélité de les administrer justement ; à la vraie possession des croyants. Ce sont trois points que nous devons apprendre ici.
Le Seigneur achève Ses enseignements avec les paroles suivantes :
« Nul serviteur ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre : vous ne pouvez servir Dieu et les richesses » (16:13).
Il nous arrive trop souvent de nous illusionner en croyant qu’on peut ménager la chèvre et le chou. C’est un grand danger de nos jours, de penser que d’un côté on pourrait servir le Seigneur, et de l’autre nos intérêts mondains. Le Seigneur dit que nous ne pouvons pas servir deux maîtres, que nous ne pouvons pas servir Dieu et les richesses (Mammon).
Croyons-nous vraiment que Dieu nous a donné la vie éternelle pour gagner le plus d’argent que possible ? N’oublions-nous pas parfois que nous avons été achetés à un prix très élevé, le prix de Son sang (1 Cor. 6:20) ? Nous ne nous appartenons plus à nous-mêmes. C’est pourquoi notre maître ne peut être qu’unique.
Si nous n’y prenons pas garde, les richesses (Mammon) vont croître facilement pour devenir l’élément dominant dans notre vie, sans que nous n’en ayons bien conscience. On comprend bien que nous devons répondre à nos obligations terrestres avec fidélité et soin, mais c’est toute autre chose que de diriger nos pensées sur la multiplication de notre avoir terrestre. Prenons au sérieux la parole de notre Seigneur et Rédempteur ! Si nous servons les richesses (Mammon) sous une forme ou sous une autre, nous ne pouvons pas servir Dieu.
‘Servir’ signifie ‘servir comme esclave’. Nous ne pouvons pas être esclave de Dieu et en même temps esclave des richesses (Mammon). Le Seigneur explicite cela du point de vue d’un esclave, car deux maîtres pourraient arriver à s’entendre sur l’usage partagé d’un même esclave. Mais il est impossible à un esclave ou un domestique, de servir deux maîtres. Ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Autrement dit, dans son cœur et ses pensées il n’y aura qu’un seul des deux maîtres qu’il considérera comme son maître réel, et c’est à lui qu’il consacrera son service de cœur. L’autre ne sera servi qu’extérieurement ; ce ne sera qu’un service apparent.
Effectivement, dans notre cas, il ne peut y avoir qu’un Seigneur et Maître dans notre cœur. Nous nous imaginons certes souvent en train d’accorder le service apparent à l’autre maître, Mammon, tandis que nous servirions Dieu en réalité. Cependant le danger se trouve exactement en sens inverse : que nous servions Mammon de cœur et que nous cherchions à cacher cela par un service apparent vis-à-vis de Dieu.
L’histoire de ‘l’homme riche et du pauvre Lazare’ est une confirmation extrêmement sérieuse de ce que nous avons vu dans la parabole de ‘l’économe injuste’ au commencement de ce même chapitre. Je dis bien ‘histoire’ et non pas ‘parabole’, car le Seigneur ne parle pas directement de parabole. En outre, l’une des deux personnes porte un nom, ce qui, pour une parabole, est totalement inhabituel.
Si nous nous occupons de cette histoire malgré le cadre fixé [l’étude des paraboles], c’est avant tout parce qu’elle est une sorte de continuation de la parabole de ‘l’économe injuste’. En outre, elle comporte des aspects absolument typiques de paraboles, au moins dans la deuxième partie où le Seigneur soulève quelque peu le voile du monde invisible. Cependant, le Seigneur parle tout du long de faits, Il ne présente pas seulement des images. Il s’agit d’un épisode qui a réellement eu lieu.
Tandis que les paraboles de Luc 15 sont une réponse aux murmures des pharisiens, nous voyons au ch. 16 qu’ils vont un pas plus loin, et qu’ils se mettent à se moquer de Lui. Parce qu’ils aimaient l’argent, ils se sentaient condamnés par la parabole de ‘l’économe injuste’ ; c’est pourquoi ils se dressèrent contre Lui.
Mais Dieu connaissait leurs cœurs, et Il savait ce qui avait, en vérité, de la valeur pour eux. Aussi le Seigneur ajoute : « car ce qui est haut estimé parmi les hommes est une abomination devant Dieu » (16:15). Le tableau dressé ensuite par le Seigneur dépeint ces deux choses clairement, mais avec gravité.
« Or il y avait un homme riche qui se vêtait de pourpre et de fin lin, et qui faisait joyeuse chère, chaque jour, splendidement. Et il y avait un pauvre, nommé Lazare, couché à sa porte, tout couvert d’ulcères, et qui désirait de se rassasier des miettes qui tombaient de la table du riche ; mais les chiens aussi venaient lécher ses ulcères » (16:21).
Dans la parabole de Luc 12, nous avons déjà vu un ‘riche cultivateur de blé’. Être riche n’est pas en soi une honte. Abraham lui-même, dont le Seigneur parle juste après, avait été un homme riche, et même très riche ; mais il avait été un homme de foi, et pendant sa vie, il avait habité dans des tentes. Par contre l’homme riche de notre chapitre se donnait du bon temps dans ce monde, mais sans Dieu. Non seulement il se vêtait des meilleurs habits — la pourpre et le fin lin (byssus) se retrouvent nommés ensemble en Esther 1:6 et Apocalypse 18:12 — mais il faisait joyeuse chère chaque jour, splendidement. Il était certainement hautement considéré parmi les hommes, car « on te louera si tu te fais du bien » dit la Parole de Dieu (Ps. 49:18) ; mais devant Dieu, sa manière de vivre était une abomination.
Ne faisait-il pas précisément ce contre quoi la Seigneur mettait en garde dans la parabole de ‘l’économe injuste’ ? Il ne vivait que pour le temps présent, que pour le temps avant l’au-delà, que pour lui-même. Il ne souciait pas le moins du monde du temps de l’au-delà, « quand les richesses (le Mammon) viendraient à manquer ».
Sa manière de penser était celle de beaucoup de gens aujourd’hui, à savoir que l’avenir prendra soin de lui-même. Quelle folie ! Sur ce plan, ‘l’économe injuste’ était plus prudent. Il se révéla donc que ce riche, malgré toute sa vie splendide et toute sa gaieté extérieure, n’était qu’un ‘fils de ce siècle’ [de ce monde]. Il ne faisait pas partie des ‘fils de la lumière’. Redisons-le encore une fois : devant Dieu, cette manière de vivre était une abomination.
Cela ressort encore plus clairement quand nous donnons un coup d’œil sur le pauvre dont le nom était Lazare. Plein d’ulcères, il était couché à la porte du riche. Cela situe la relation entre le pauvre Lazare et l’homme riche. On avait jeté le pauvre à la porte du riche, et maintenant il gisait là, incapable même de se déplacer sur des béquilles.
Cette porte qui rayonnait certainement d’une blancheur éblouissante, le riche devait la passer avec ses amis, et il devait voir la misère du pauvre, et entendre sa voix qui quémandait. Il lui était impossible d’échapper à cette main suppliante tendue vers lui, pour qu’il donne quand même quelque chose de ce qui tombait de sa table. N’était-ce pas là l’occasion de faire du bien ?
Or il n’est pas dit qu’il l’ait fait. Le riche se détournait avec dégoût. Aucun des commandements de l’Ancien Testament d’aider les pauvres ne lui venait à l’esprit. Les chiens errants avaient plus de miséricorde que lui. Ils léchaient les ulcères du pauvre. Ils étaient ses seuls « amis ». Ce que les gens ne faisaient pas, les chiens le faisaient.
Or malgré tout, ce pauvre portait un nom : Lazare (Dieu est le secours). C’est comme si le Seigneur Jésus lisait dans le livre de vie et y voyait le nom inscrit, alors que celui du riche manquait. Le Seigneur connaît ceux qui sont Siens. Lazare était manifestement quelqu’un sur qui l’œil de Dieu reposait en bonté, malgré toute sa pauvreté et sa misère — quelqu’un qu’Il connaissait par nom. La suite de l’histoire le confirme.
Arrivés à ce point, il est nécessaire de souligner un changement significatif dans les voies de Dieu avec les hommes – un changement qui est à la base de tout ce qui est dit. Si nous ne le saisissons pas, l’enseignement du Seigneur dans ce récit nous restera largement incompréhensible. Car nous pouvons nous poser à juste titre la question suivante : la richesse n’était-elle pas un signe de la bénédiction de Dieu — justement pour les Juifs — et la pauvreté une punition ?
Oui, quand Israël était encore le peuple de Dieu, dans la dispensation de la loi, il en avait été ainsi. Mais l’homme en général s’est montré entièrement corrompu, et Israël en particulier n’a pas satisfait à sa responsabilité. Ils ont plutôt rejeté Dieu et Son Christ. Un des résultats en est qu’ils sont déchus de tout droit aux bénédictions terrestres.
Mais à cause de la miséricorde de Dieu et sur la base de l’œuvre rédemptrice de Christ, une nouvelle époque, le temps de la grâce, devait prendre la relève de l’époque de la loi. Le Seigneur Jésus avait parlé de ce changement devant les pharisiens, et Il avait dit : « La loi et les prophètes ont été jusqu’à Jean ; dès lors le royaume de Dieu est annoncé et chacun use de violence pour y entrer » (16:16). Le temps du gouvernement de Dieu sur la terre était par conséquent passé. Il reviendra un jour, mais entre temps, tout est une question de foi ; « nous marchons par la foi, non par la vue » (2 Cor. 5:7). Le royaume de Dieu n’existe pas sous forme visible aujourd’hui, mais sous une forme invisible, morale (Rom. 14:17 ; 1 Cor. 4:20).
En accord avec cela, le Seigneur donne maintenant, par ce récit, un enseignement révolutionnaire pour l’époque, selon lequel les circonstances extérieures de quelqu’un ici-bas et maintenant, ne sont pas le reflet de ses relations avec Dieu. Le bien-être et la richesse ne sont nullement la preuve que la personne concernée est juste ; elles ne sont absolument pas un signe de la faveur de Dieu. C’était une leçon nécessaire pour les Juifs d’alors, et l’est aussi pour nous aujourd’hui, justement parce que dans l’Ancien Testament les biens et la richesse étaient promis au juste. « La génération des hommes droits sera bénie. Les biens et la richesse seront dans sa maison » (Ps. 112:2, 3). Ailleurs, le psalmiste dit : « je n’ai jamais vu le juste abandonné, ni sa semence cherchant du pain » (Ps. 37:25).
Tout cela est maintenant changé fondamentalement, et l’exemple en est ce pauvre Lazare, souffrant et mendiant. Ni la richesse ni la santé ne lui ont été accordées dans cette vie, et pourtant son nom est inscrit dans le ciel. Aux jours de l’Ancien Testament, la pauvreté et la maladie était des signes du jugement de Dieu sur le péché. Mais le Nouveau Testament nous enseigne qu’il n’en est absolument plus de même. Au contraire, les enfants de Dieu de nos jours n’ont absolument aucune garantie de santé et de bien-être. « Vous avez de la tribulation dans le monde » (Jean 16:33), dit le Seigneur Jésus à Ses disciples au moment de les quitter.
C’est pourquoi il est tellement important de bien distinguer entre l’ancienne dispensation (époque) et la nouvelle. Sous l’ancienne dispensation, Dieu répondait à l’obéissance à Son égard par des bénédictions et des biens terrestres. Sous la nouvelle dispensation, ce sont des bénédictions célestes qui sont la part de l’enfant de Dieu (Éph. 1:3), tandis que Dieu utilise souvent les circonstances extérieures et toutes leurs afflictions pour éduquer Ses enfants et les purifier pour qu’ils portent plus de fruit pour Lui (Héb. 12:4-11 ; Jean 15:2).
Pour les croyants, il est profondément réjouissant qu’après tout ce qu’offre la terre, il y ait un « au-delà », ou comme Jean l’exprime dans l’Apocalypse, un « après ces choses » (Apoc. 4:1). Pour l’incrédule cependant, c’est un sujet d’effroi au plus haut point. L’un comme l’autre arrivent à la fin de leur course terrestre, d’une manière ou d’une autre. Et là où l’arbre tombe, là il est (Eccl. 11:3).
Le Seigneur dirige d’abord le regard sur le pauvre, et montre ce qui lui est arrivé. Il soulève par là le voile recouvrant le monde invisible. Il est seul à pouvoir le faire. N’attendons pas, comme certains disent en se moquant, que quelqu’un revienne de là pour nous dire ce qu’il y a. Jésus le Fils du Dieu vivant nous le dit.
« Et il arriva que le pauvre mourut, et qu’il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Et le riche aussi mourut, et fut enseveli » (16:22).
Oui, les enfants de Dieu meurent aussi, quand Dieu le veut et qu’ils ne sont pas appelés à vivre l’enlèvement. Ils ont vécu « au Seigneur » [ou : « ayant égard au Seigneur »], et de même, ils meurent « au Seigneur » [ou : « ayant égard au Seigneur »]. « Soit donc que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes du Seigneur » (Rom. 14:8). Parole de triomphe ! Aussi avilissantes et humiliantes qu’aient pu être les circonstances dans la vie et dans la mort, nous sommes du Seigneur.
C’est ce qui arrive clairement dans le cas du pauvre Lazare d’une manière si grandiose. Pour lui aussi, « il arriva » qu’il mourut ; il n’est pas parlé une seule fois qu’il ait été enterré. Vraisemblablement son corps fut simplement jeté dans quelque trou sombre. Mais son âme fut transportée par les anges de Dieu dans le lieu de la félicité céleste ; c’est ce dont parle le ‘sein d’Abraham’. Il n’avait pas eu la possibilité de se faire des amis dans le ciel avec les richesses injustes, et pourtant c’est bien là qu’il arrive.
Réfléchissons à cela : les anges de Dieu, les habitants naturels du ciel s’intéressent vivement quand un des enfants de Dieu meurt ! Je suis profondément convaincu de ceci, que les critiques incroyants ont toujours cherché à éliminer par leurs explications : si un jour je meurs (bien que je n’attende pas cela, mais j’attends le Seigneur Lui-même), les anges de Dieu entourerons mon lit de mort et porteront mon âme au ciel.
Il me revient un souvenir qui m’a profondément impressionné, bien que je n’eusse alors qu’une dizaine d’années. Il y avait à Berlin une conférence de trois jours pour étudier la Parole de Dieu. Le sujet était alors le livre des Juges. Je vois encore clairement un très cher serviteur du Seigneur se lever et faire un développement qui touchait les cœurs sur la parabole de Jotham, le fils de Gédéon. Et voilà que soudain il s’arrête, se rassied rapidement et penche la tête en arrière. Il était mort. De jeunes hommes le portèrent sur un brancard à travers la foule des frères et sœurs jusqu’à l’hôpital le plus proche, où on ne put que constater que la mort avait fait son œuvre. Nous étions tous bouleversés, et remplis de tristesse quand nous reçûmes la nouvelle. Comment pouvait-on continuer la conférence ? Alors le frère Paul Schwefel se leva et dit d’une voix affectueuse et douce, que nous ne devions pas être effrayés. Nous avions vécu quelque chose de tout à fait extraordinaire : des anges étaient venus parmi nous et avaient porté l’âme de notre frère au ciel…
« Et il arriva que le pauvre mourut, et qu’il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham. Et le riche aussi mourut, et fut enseveli. Et, en hadès, levant ses yeux, comme il était dans les tourments, il voit de loin Abraham, et Lazare dans son sein » (16:22-23).
Quand le riche dut aussi quitter cette terre, il eut droit à un ensevelissement probablement splendide. Des centaines d’amis devaient se trouver là, on prononça de grands discours en son honneur. Mais il n’est pas question d’anges. Et alors le Seigneur Jésus mentionne une circonstance qui est vraie de quiconque meurt sans être réconcilié avec Dieu. À l’instant où il ferme les yeux ici-bas, il les ouvre en hadès, et Il ajoute : « comme il était dans les tourments ».
Le hadès n’est pas encore l’enfer. L’Écriture différencie clairement ces deux endroits et ces deux états. L’enfer est le lieu du séjour éternel de ceux qui meurent sans être réconciliés avec Dieu — l’étang de feu, embrasé de feu et de soufre. Ce n’est qu’après leur résurrection et leur jugement devant le grand trône blanc qu’ils seront « jetés dans l’étang de feu » (Matt. 5:22, 29, 30 ; 10:28 ; Marc 9:45 ; Apoc. 20:11-15 ; 21:8).
Le hadès, par contre, n’est qu’un état intermédiaire, le lieu invisible des esprits des trépassés. Dans plusieurs passages du Nouveau Testament, le ‘hadès’ est pris simplement comme l’équivalent grec du ‘Shéol’ hébreu (Matt. 11:23 ; 16:18 ; Luc 10:15 ; Apoc. 2:27, 31). Il traduit le séjour des morts, sans vouloir dire plus, et il correspond à peu près au terme ‘l’au-delà’ que nous utilisons souvent. Le ‘Sheol’ dans l’Ancien Testament s’applique aussi bien aux justes qu’aux injustes. L’Ancien Testament ne fait pas de distinction.
Ce n’est que dans notre passage que le Seigneur Jésus donne plus de lumière sur le hadès, et montre qu’y accèdent tous les gens qui meurent sans être réconciliés avec Dieu. C’est là que le riche ouvre les yeux alors qu’il était mort. De Lazare, par contre, il n’est pas dit qu’il ait été en hadès. Il est vu dans le sein d’Abraham. Cette distinction est encore plus claire en Luc 23, dans cette promesse merveilleuse que le Sauveur, crucifié et mourant, fait au brigand sauvé à Son côté : « En vérité, je te dis : Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (23:43). Être « avec Christ » est la part bienheureuse de tous ceux qui meurent dans le Seigneur (Phil. 1:23).
Le passage déjà mentionné d’Apoc. 20 fait une distinction supplémentaire remarquable entre la ‘mort’ et le ‘hadès’ : « Et la mort et le hadès rendirent les morts qui étaient en eux » (Apoc. 20:13). Cette expression ne décrit rien d’autre que la résurrection des morts pour le jugement, à savoir la réunion d’éléments de l’homme, jusque là séparés, le corps et l’esprit. La mort s’est emparée du corps et le hadès de l’esprit ou de l’âme des gens. Cela confirme que le hadès n’est qu’un état intermédiaire, mais aussi un endroit où se trouvent les esprits des trépassés. Quand la dernière résurrection a lieu, la mort et le hadès sont dès lors tous les deux dépourvus de signification, et ils sont symboliquement jetés dans l’étang de feu (20:14).
Nous avons déjà abordé la question que le hadès est un lieu de tourment. Le riche ouvre les yeux en hadès « comme il était dans les tourments ». Il aperçoit immédiatement Lazare, de loin, dans le sein d’Abraham.
« Et s’écriant, il dit : Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare, afin qu’il trempe dans l’eau le bout de son doigt, et qu’il rafraîchisse ma langue, car je suis tourmenté dans cette flamme » (16:24).
Ce passage nous apprend d’abord ceci : Avant même de recevoir son jugement définitif devant le grand trône blanc et d’être jeté dans l’étang de feu, l’injuste, quand il meurt, vient dans un lieu de tourment et souffre d’une grande douleur. La résurrection des impies n’a certes lieu qu’après les mille ans de règne de paix de Christ, mais leur sort immédiat après la mort est le tourment et la douleur.
C’est le Seigneur Jésus qui nous fait cette description, et pas un seul des termes qu’Il utilise ne laisse entendre qu’il y ait une échappatoire à cet état. Bien au contraire ! Certains parlent d’un ‘purgatoire’, mais c’est une invention de Satan, et beaucoup de gens ont déjà été victime de cette tromperie. Si nous ne recevons pas les paroles du Fils de Dieu par la foi, nous Le faisons menteur, et la vérité n’est pas en nous.
Il n’est parlé pas moins de quatre fois au cours de cette description, de tourment ou de douleur :
« Et, en hadès, levant ses yeux, comme il était dans les tourments, … » (16:23),
« … car je suis tourmenté dans cette flamme » (16:24),
« maintenant lui est consolé ici, et toi tu es tourmenté » (16:25),
« … de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de tourment » (16:28).
Quand un homme meurt, son sort éternel est fixé une fois pour toutes. Que beaucoup de gens prennent à cœur ce fait sérieux avant qu’il ne soit éternellement trop tard pour eux ! Il est bien vrai que « il est réservé aux hommes de mourir une fois, et après cela le jugement » (Héb. 9:27). Tout n’est pas fini après la mort. Le diable peut bien le susurrer aux hommes, mais le Seigneur Jésus témoigne du contraire ; et Son témoignage concorde entièrement avec tout le reste du témoignage de l’Écriture sainte. Ne vaut-il pas mieux écouter Christ, le Fils de Dieu, plutôt que le diable, le père du mensonge (Jean 8:44) ?
Dans ses paraboles, le Seigneur Jésus, le grand Maître qui enseigne, donne des exemples de différentes sortes de prières, ou de négligences quant à la prière. Voilà une série de ces passages :
· Chez la veuve de Luc 18 nous avons une prière pressante pour un besoin personnel
· Chez l’ami de Luc 11, nous avons une prière pressante pour les besoins des autres
· La prière du pharisien de Luc 18 n’est en réalité même pas une prière
· Chez le publicain de Luc 18, nous trouvons une prière qui justifie
· Le fils prodigue de Luc 15 commence par une prière de travers
· Plus tard, chez le fils prodigue, nous trouvons un projet de prière, que de toute façon il n’a jamais exprimé sous cette forme
· Chez le fils aîné de Luc 15, nous ne trouvons aucun sujet de prière
· Les cinq vierges folles de Matt. 25 arrivent avec une prière qui est trop tard.
C’est dans cette dernière catégorie que tombe la demande de l’homme riche en hadès. Sa supplication pour qu’on ait pitié de lui est venue absolument trop tard. S’il avait prié pour cela pendant sa vie, sa prière aurait certainement été entendue ; mais quand on quitte cette terre sans être réconcilié, il n’y a plus de miséricorde de Dieu. Il avait eu assez de temps pendant sa vie pour la rechercher, mais ses pensées n’étaient qu’à être rempli de « ses biens » (v. 25). Une prière qui vient trop tard n’est pas écoutée.
Remarquez bien comment cet homme est devenu sans prétentions ! « Père Abraham, aie pitié de moi et envoie Lazare, afin qu’il trempe dans l’eau le bout de son doigt, et qu’il rafraîchisse ma langue, car je suis tourmenté dans cette flamme » (16:24). Comme descendant d’Abraham, il s’adresse à lui en le qualifiant de « père Abraham ». Mais il n’avait jamais été un vrai fils d’Abraham, le père de tous les croyants (Rom. 4:11-18 ; Gal. 3:7). Et lui dont la langue pouvait goûter autrefois les vins fins et les mets savoureux, il ne désirait maintenant que le rafraîchissement apporté par quelque gouttes d’eau au bout du doigt de Lazare.
Il connaissait cet homme. Jour après jour, il était couché à sa porte en train de mendier. Lui avait-il montré de la miséricorde ? Non, et c’est lui-même maintenant qui demande cette miséricorde : « père Abraham, aie pitié de moi ».
Il y a encore un point remarquable : cet homme en hadès ne met pas en doute la justice de Dieu qui l’a mis dans ce lieu de tourment. Aussi ne demande-t-il pas d’en être délivré. Ce qu’il demande, ce n’est qu’un peu de soulagement à sa douleur. Mais même cette requête, comme nous allons le voir, n’est pas satisfaite.
Avant de se tourner vers la réponse significative d’Abraham, occupons-nous encore quelque instants de la manière dont le Seigneur Jésus parle ici. Il utilise maintenant partout des symboles, des expressions imagées, qui sont tirées du monde que nous connaissons : le sein d’Abraham, le rafraîchissement de la langue avec de l’eau, la souffrance dans la flamme, le grand gouffre que personne ne peut traverser. Mais Il décrit par là des choses qui se passent et des états dans ce monde qui nous est entièrement fermé et sur lequel nous ne savons rien. Il décrit donc l’insaisissable avec un vocabulaire qu’on peut saisir.
C’est effectivement la seule façon de susciter en nous quelques représentations de ce qui caractérise ce monde des trépassés. C’est une grande grâce que le Seigneur condescende à nous parler ainsi. Car s’Il avait parlé de manière absolue, nous ne comprendrions rien du tout. C’est comme quand des parents veulent parler à leur petit enfant sur des choses qui sont encore bien au-delà de ce qu’un enfant peut se représenter. Ou bien ils doivent prendre leurs distances, ou bien ils doivent se servir d’un langage infantile avec des mots simples monosyllabiques.
Cela rend aussi clair que nous ne puissions pas transposer un à un les éléments de ce que le Seigneur nous communique sur le monde des trépassés, dans le cadre du monde sensible où nous sommes. Nous pouvons recevoir tout, juste comme Il l’a dit, et alors nous sommes du bon côté, du côté sûr. Mais nous ne pouvons pas en tirer de conclusions allant plus loin, et qu’il ne nous appartient pas de tirer.
C’est ainsi que la question de savoir si, en principe, les incroyants en hadès peuvent voir les saints dans le paradis, ne peut pas être tranchée définitivement, à mon avis. Bien sûr, à cela s’oppose l’idée que les injustes aient alors une certaine représentation du bonheur des rachetés. Mais la conscience qu’ils auraient pu avoir eux-mêmes ce bonheur céleste et qu’ils ne l’ont pas voulu (comparer Apoc. 22:17) multipliera leur souffrance ; elle ne les lâchera pas pendant l’éternité. Cela me paraît être, ici, l’enseignement du Seigneur.
Encore un point que nous pouvons tirer des paroles du Seigneur. Les âmes des trépassés ont en fait quelque chose comme des « yeux », avec lesquels ils peuvent voir et reconnaître. Sur ce point, il est aussi juste de dire que nos chers endormis dans le Seigneur Jésus peuvent voir maintenant Celui en qui ils ont cru autrefois.
Et encore, nous apprenons que la personnalité des gens reste inchangée, même après la mort. L’homme riche pouvait reconnaître Abraham, bien qu’il ne l’ait jamais vu — tout comme Pierre, Jacques et Jean pouvaient reconnaître Moïse et Élie sur la montagne de la transfiguration. Dans l’autre monde, il n’est pas nécessaire de « se présenter » l’un à l’autre.
Nous entendons maintenant la réponse faite à l’appel et à la supplication de l’homme qui était riche autrefois :
« Mais Abraham dit : [Mon] enfant, souviens-toi que tu as reçu tes biens pendant ta vie, et Lazare pareillement les maux ; et maintenant lui est consolé ici, et toi tu es tourmenté » (16:25)
Abraham reconnaît que l’homme riche fait partie de sa descendance naturelle, et c’est pourquoi il s’adresse à lui en utilisant ce terme ‘enfant’. Mais il confirme que les rapports de l’un et de l’autre ont évolué en sens opposés. Il peut arriver, et c’était le cas ici, que l’homme le plus pauvre de ce monde obtienne après la mort les bénédictions célestes les plus élevées, et que l’homme le plus riche de ce monde arrive dans les plus grands tourments, sans fin.
Mais cela ne dérive pas de ce que, dans sa vie, l’un a été si pauvre ici-bas et l’autre si riche. Abraham ne le dit pas, et ce n’aurait pas été la vérité. Non, le cas se situe autrement : si un homme en hadès demande de la pitié, ou si des personnes vivantes en arrivaient à penser que la souffrance en hadès, voire en enfer, pourrait être changée, ou adoucie, par quelque chose, alors qu’ils se rappellent ce qu’Abraham dit à l’homme riche en hadès : « tu as reçu tes biens pendant ta vie ». Sur Lazare, il ne dit d’ailleurs pas : « … ses maux ».
Oui, cet homme riche avait reçu dans sa vie ses biens. C’est ainsi qu’il les avait considérés, sans considérer Dieu. Il ne s’était pas soucié des trésors spirituels et célestes, les circonstances favorables de ce côté-ci de la vie lui avaient suffi. Vivre tous les jours joyeusement et splendidement, c’était le « bien » qu’il avait apprécié et aimé. Il avait richement savouré cela, comme étant « ses biens » — sans Dieu. Il n’est pas présenté directement comme quelqu’un de méchant, enivré du péché. Il est bien plutôt le type de ceux qui sont satisfaits de circonstances terrestres agréables et qui cherchent à en jouir à pleins traits, sans s’intéresser à la foi. L’un de mes lecteurs se reconnaîtrait-il peut-être dans cette description ?
En ce qui concerne Lazare, il avait reçu les maux pendant sa vie. Non pas « ses maux », comme déjà remarqué ; car ce n’étaient que des circonstances éprouvantes envoyées pour purifier sa foi, et diriger sa confiance entièrement sur Dieu. Il avait reçu les maux que Dieu lui avait envoyés, et les avait supportés avec patience. Cela avait peut-être même été l’occasion de sa conversion, de ce qu’il se tourne vers Dieu. Son espérance n’était en tout cas pas dirigée vers la terre, mais vers le ciel, et c’est là qu’il était maintenant, et qu’il était consolé avec les biens du ciel. Inversement, l’homme riche devait maintenant faire sans ses biens — et souffrir la douleur en hadès.
Répétons-le encore : ce n’était pas la pauvreté ni le besoin qui rendaient Lazare juste, pas plus que la richesse et la splendeur n’avaient fait du riche un injuste. Le Seigneur Jésus ne montre pas ici (pas plus que dans la parabole précédente de ‘l’économe injuste’) comment l’on devient juste devant Dieu, et comment on parvient au ciel. Pour l’apprendre, ce sont d’autres passages de la Parole de Dieu qu’il faut ouvrir. Ce qu’il nous faut apprendre ici, c’est beaucoup plutôt de reconnaître ce qui caractérise ce monde et le monde à venir. Les principes de l’un et de l’autre ne sont pas compatibles.
L’un des principes du monde invisible est formulé maintenant encore plus clairement par Abraham :
« Et outre tout cela, un grand gouffre est fermement établi entre nous et vous ; en sorte que ceux qui veulent passer d’ici vers vous ne le peuvent, et que ceux qui [veulent passer] de là ne traversent pas non plus vers nous » (16:26).
Il y a donc un grand gouffre entre les saints endormis (« nous ») et ceux qui sont morts dans leurs péchés (« vous »). Le verbe « est établi » est en réalité dans l’original au temps « parfait », ce qu’on peut exprimer ainsi : Le grand gouffre entre les deux domaines a été une fois établi, et maintenant il est établi et le reste.
L’expression ‘ceux qui veulent passer d’ici vers vous’ ne dit pas qu’il y aura vraiment des gens qui le voudront ; c’est plutôt l’inverse qu’on peut penser. Mais la signification réelle de cette affirmation est autre, et est extrêmement sérieuse : la mort décide pour toujours où on passera l’éternité, dans le ciel ou en enfer. Un passage de l’un de ces domaines à l’autre est et demeure impossible.
Si quelqu’un ne laisse pas ces déclarations comme elles sont, il rejette le témoignage du Fils de Dieu et il présume qu’Il n’a pas dit la vérité. Quand ce Fils de Dieu fait le constat qu’ils ne peuvent pas passer [d’un domaine à l’autre], voulait-Il dire qu’il y aurait un moment où on pourrait quand même passer ? On ne doit jamais manipuler ainsi les paroles de quelqu’un d’intègre : combien moins la Parole de Dieu ! Dieu dit toujours ce qu’Il veut dire, et Il veut dire ce qu’Il dit. La souffrance sera « éternelle », c’est-à-dire « non temporaire », « sans fin ». En rapport avec le jugement des vivants, le Seigneur Jésus confirme ceci : « Et ceux-ci s’en iront dans les tourments éternels, et les justes, dans la vie éternelle » (Matt. 25:46).
En face de déclarations aussi claires de l’Écriture sainte, comment ose-t-on encore prier pour les morts ? — cela reste incompréhensible, et c’est aussi inexcusable. Car cela suscite dans le cœur des gens des espérances qui ne s’appuient sur rien du tout dans l’Écriture sainte. La prière pour les morts est autant une invention de Satan que le purgatoire dont on sort purifié à un certain moment. Nous devons nous tenir absolument loin de telles pensées et de telles pratiques !
Quand Abraham ne peut pas donner suite à la demande d’adoucissement du tourment, l’homme riche exprime alors une autre demande qui concerne non pas son sort, mais celui de ses frères.
« Et il dit : Je te prie donc, père, de l’envoyer [Lazare] dans la maison de mon père, car j’ai cinq frères, en sorte qu’il les adjure ; de peur qu’eux aussi ne viennent dans ce lieu de tourment » (16:27-28).
À première vue, cette requête semble présenter un caractère presque évangélique, car il voudrait que ses cinq frères n’aillent pas eux aussi dans ce lieu de tourment, mais dans le lieu de la félicité. Ils menaient manifestement une vie fort semblable à la sienne du temps où il était encore sur la terre. Bien qu’il soit maintenant en hadès, il revoit toujours que c’est son incrédulité qui l’a amené dans ce lieu de tourment.
En hadès, il n’y a en fait ni foi ni repentance ; c’est trop tard pour cela. Au lieu de reconnaître son incrédulité, l’homme riche invente un nouveau « moyen de grâce » pour ses frères. Si Dieu l’appliquait, ses frères se détourneraient de leurs voies. Oui, il résonne dans ses paroles quelque chose comme une accusation contre Dieu qui n’a pas agi dans son propre cas selon la méthode proposée, sinon il ne serait pas aujourd’hui dans ce lieu de tourment.
Indirectement, il fait le reproche à Dieu qu’il savait mieux que Lui comment ses frères sur la terre pourraient être sauvés — discours outrecuidant de quelqu’un qui est déjà lui-même sous le jugement de Dieu !
La réponse d’Abraham nous amène au point culminant de son entretien avec l’homme riche, et par là au point culminant de toute cet épisode :
« Mais Abraham lui dit : Ils ont Moïse et les prophètes ; qu’ils les écoutent » (16:29).
Avoir Moïse et les prophètes, signifie avoir toute la Parole de Dieu de l’Ancien Testament. Ce privilège avait été accordé au peuple d’Israël, spécialement à ses conducteurs, les pharisiens et les scribes. Mais bien qu’ils tinssent Moïse en grande estime, et que celui-ci avait écrit de Christ, ils ne croyaient pas son témoignage (Jean 5:46). Certes ils construisaient des tombeaux aux prophètes (Luc 11:47), mais ils ne croyaient pas leur témoignage.
L’homme riche, qui paraît être une personnalisation de l’incrédulité d’Israël, s’était ainsi comporté. Lui aussi s’était refusé à « écouter » Moïse et les prophètes, c’est-à-dire à recevoir dans son cœur ce qu’ils disaient. C’est la raison pour laquelle il était maintenant en hadès. Le même sort attendait aujourd’hui le peuple incrédule et ses conducteurs s’ils n’écoutaient pas ce que le Seigneur Jésus leur présentait.
Ces paroles-ci ne sont-elles pas aussi valables aujourd’hui : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu’ils les écoutent » ? À nous qui vivons au temps de la grâce, nous est confiée toute la Parole de Dieu, l’Ancien et le Nouveau Testament. Et cette Parole est le seul moyen dans la main de Dieu qui puisse amener au salut des hommes pécheurs. « La foi est de ce que l’on entend, et de ce que l’on entend par la Parole de Dieu » (Rom. 10:17).
Ce qu’on avait besoin en ce temps-là et ce qu’on a besoin aujourd’hui, c’est d’écouter cette Parole. Ce terme ne se limite pas à entendre les sons, mais il signifie écouter avec foi, une réception par la foi de ce qui est dit.
C’est justement ce qui avait manqué à l’homme riche. Son égoïsme sans cœur et toute sa vie en étaient la preuve. Et cet homme, déjà en hadès et dans les tourments, osait maintenant contredire Abraham avec un « non » déterminé (cela ressort du mot grec) :
« Mais il dit : Non, père Abraham ; mais (ou : c’est le contraire) si quelqu’un va des morts vers eux, ils se repentiront » (16:30).
En contredisant Abraham, il contredisait aussi Moïse et les prophètes. Mais par là il déclinait la Parole de Dieu comme moyen de salut. Peut-on encore aller plus loin dans cette dureté de cœur ? Il voit Abraham dans le ciel ; il sait que Moïse et les prophètes y sont ; et malgré tout, à toute leur raison d’être, il dit : « non ». Il a l’audace d’avoir une opinion personnelle et de l’exprimer, à savoir que la résurrection d’un mort exercerait un meilleur effet sur ses frères que la Parole de Dieu.
N’est-ce pas aussi la pensée de bien des chrétiens de notre temps ? Ils paraissent plus se confier en des signes et des miracles qu’en la Parole de Dieu. Mais Abraham corrige cette pensée erronée :
« Et il lui dit : s’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seront pas persuadés non plus si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts » (16:31).
Si quelqu’un n’écoute pas la Parole que Dieu a prononcée par Ses serviteurs et ne la prend pas à cœur, alors il ne sera pas non plus convaincu par un miracle aussi puissant que celui d’une résurrection de mort. Il ne sera jamais convaincu de ce que l’homme est réellement ressuscité des morts. Nous pouvons nous représenter de façon vivante ce que des gens d’aujourd’hui penseraient et répondraient en entendant la nouvelle que un tel ou un tel est ressuscité des morts. S’ils ne le tenaient pas simplement pour une blague, ils trouveraient mille raisons certaines pour affirmer qu’il n’avait pas été réellement mort, mais que ce n’était peut-être qu’une apparence d’être mort ; que tout cela n’est que symbolique, qu’il faut le comprendre spirituellement, etc…
Au temps où le Seigneur Jésus fit ce tableau du pauvre Lazare et de l’homme riche, il y eut peu après un homme effectivement ressuscité d’entre les morts, un autre Lazare. Quel en fut le résultat ? Bien que les conducteurs spirituels du peuple n’aient pu nier la résurrection, ils « tinrent conseil, afin de faire mourir aussi Lazare, car, à cause de lui, plusieurs des Juifs s’en allaient et croyaient en Jésus » (Jean 12:10-11). Et que se passa-t-il encore peu de jours après, quand Lui-même, le crucifié, ressuscita d’entre les morts ? Cette fois-là aussi, les souverains sacrificateurs possédaient un témoignage crédible, celui de la garde romaine qu’ils avaient eux-mêmes mise en place, et qui leur fit le récit de tout ce qui s’était passé. À nouveau ils tinrent conseil avec les anciens, soudoyèrent les soldats avec de l’argent, et leur commandèrent : « Dites : ses disciples sont venus de nuit, et l’ont dérobé pendant que nous dormions ; et cette parole s’est répandue parmi les Juifs jusqu’à aujourd’hui » (Matt. 28:11-15). — Pouvait-on confirmer de manière plus manifeste les paroles que le Seigneur Jésus mettait dans la bouche d’Abraham ?
Nous arrivons ainsi à la fin de cet épisode si remarquable de ‘l’homme riche et du pauvre Lazare’. Le Seigneur nous accorde un aperçu sur le temps de « l’au-delà ». Dans sa description du monde invisible, Il se sert d’un langage imagé, parabolique, pour que nous puissions bien comprendre ce qui nous est, en soi, inaccessible.
Combien Son enseignement est simple, mais extrêmement sérieux : c’est que l’homme, s’il ne veut pas aller dans le lieu de tourment, doit écouter la Parole de Dieu, pendant cette vie. Après, aucun changement n’est plus possible.
Cette parole, et la foi qui s’y rapporte, est le seul moyen du salut. Dieu Lui-même n’en a pas d’autre plus efficace, sinon Il l’aurait donné.
Si des gens offrent d’autres moyens qui ne font pas appel à la foi en la Parole de Dieu, mais la mettent de côté, ne serait-ce qu’en partie, ils ne sont pas de Dieu, et conduisent immanquablement dans l’égarement, dans l’éloignement éternel de Dieu.
Si quelqu’un, ici-bas, est pauvre ou riche — seule la foi en la Parole de Dieu et en Celui que Dieu a envoyé, lui ouvre le chemin de la vie éternelle.
Mais cela ne devrait-il pas aussi nous marquer d’une sainte gravité — si nous pensons au sort éternel des perdus — pour leur montrer le chemin du salut aussi longtemps qu’il est dit « aujourd’hui » ? (Héb. 3:13).
Christian Briem
ME 2004 p.104 (Traduction revue et complétée par Bibliquest pour être plus proche de l’original)
Nous trouvons là une courte parabole que le Seigneur a prononcée seulement devant ses disciples, juste avant son dernier voyage vers Jérusalem. Au premier abord, sa relation avec les versets précédents n’est pas évidente, mais elle existe pourtant.
Comme le montrent les premiers versets du chapitre, les apôtres éprouvaient, pour marcher dans le chemin que le Seigneur venait de placer devant eux, qu’ils avaient besoin de plus de foi qu’ils n’en avaient alors — un sentiment que nous connaissons certainement tous. C’est ainsi qu’ils lui ont demandé : « Augmente-nous la foi ! » (v. 5). À cette prière certainement juste, le Seigneur a donné la réponse : « Si vous avez de la foi comme un grain de moutarde, vous diriez à ce mûrier : Déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait » (v. 6).
Ces paroles du Seigneur sont en effet mal comprises et mal interprétées de plusieurs manières.
C’est ainsi, par exemple, que certains commentateurs estiment que le Seigneur parle ici d’une « foi charismatique » — d’une foi donc par laquelle on peut opérer des guérisons, accomplir des miracles et transporter des montagnes (1 Cor. 12:9, 10, 28 ; 13:2). D’autres comprennent qu’il s’agit d’un sérieux blâme envers la petitesse de la foi des disciples.
Je ne crois pas cependant que ces explications soient satisfaisantes. Car pour les premiers, peut-on vraiment déduire de ce passage que les apôtres priaient à ce moment-là pour avoir plus de foi, afin de pouvoir opérer de plus grands miracles ? Était-ce là le genre de foi nécessaire pour ce dont le Seigneur Jésus avait parlé ? S’ils devaient ne donner lieu à aucun scandale, s’ils devaient prendre garde à eux-mêmes, s’ils devaient montrer de la grâce envers les autres et toujours pardonner à leurs frères, avaient-ils besoin, en plus, d’une « foi charismatique » ?
Quant aux autres, le Seigneur ne blâmait pas la petite foi, mais il fortifiait les disciples dans leur foi, si petite pouvait-elle être, et ainsi il l’augmentait. Ils devaient apprendre, comme nous aussi, à faire intervenir Dieu en toute circonstance — c’est là ce que fait la foi — et ils seraient en mesure d’accomplir des œuvres de foi qui, pour l’entendement humain, semblent impossibles. Dieu répond à la plus faible foi, pour autant qu’elle soit réelle, même si elle petite « comme un grain de moutarde ». En tous cas, Dieu est souverain, et n’est pas limité dans sa grâce. Et si, dans sa grâce, il répond à une foi encore aussi petite, nous ne pouvons en déduire aucun droit d’aucune sorte pour nous. Nous avons là précisément la pensée à la base de la parabole qui suit, et qui la relie aux versets précédents.
« Mais qui est celui d’entre vous, qui, ayant un esclave labourant ou paissant le bétail, quand il revient des champs, dise : Avance-toi de suite et mets-toi à table ? Ne lui dira-t-il pas au contraire : Apprête-moi à souper et ceins-toi, et me sers jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ; et après cela, tu mangeras et tu boiras, toi ? Est-il obligé à l’esclave de ce qu’il a fait ce qui avait été commandé ? Je ne le pense pas » (v. 7-9).
Le Seigneur présente la parabole sous forme interrogative, ce qui la rend plus expressive. Il place ainsi les disciples dans une situation qui les oblige à répondre eux-mêmes aux questions posées.
Ils devaient se mettre à la place d’un homme qui a un esclave. Tout le temps et le travail de celui-ci appartiennent au maître. Ainsi, quand l’esclave revient des champs après avoir labouré ou avoir fait paître le bétail, le moment de se reposer n’est encore nullement venu pour lui. Auparavant, il doit encore apprêter le souper de son maître et le servir à table. Le dur travail aux champs et le service à la maison sont-ils considérés comme quelque chose de spécial ou formidable ? Non, ils font partie du travail d’un esclave. Il ne reçoit peut-être pas même de remerciement pour cela. Le maître « est-il obligé à l’esclave de ce qu’il a fait ce qui avait été commandé ? Je ne le pense pas », dit le Seigneur.
En faisant l’application de la parabole aux apôtres et à nous-mêmes, il faut faire attention aux activités de l’esclave dans les champs : labourer et paître. Le Seigneur ne les a certainement pas choisies sans intention. « Vous êtes le labourage de Dieu », écrira plus tard l’apôtre Paul aux Corinthiens, en prenant l’image de la mise en état d’un champ (1 Cor. 3:9). L’apôtre avait planté et Apollos avait arrosé (v. 6), ces deux activités étant précédées du labourage, du brisement et de la préparation de la terre des cœurs — un dur travail en effet ! Est-il aujourd’hui moins difficile et moins important qu’alors ? Accomplissons-le si le Seigneur nous y a appelés ! Et souvenons-nous à ce sujet que seul le soc de la charrue de la parole de Dieu peut opérer le résultat désiré dans les cœurs et les consciences. Toutes les ressources humaines sont sans effet à cet égard.
Le Seigneur parle aussi de paître. Cela nous rappelle le service confié à l’apôtre Pierre (Jean 21:15-17). Paître et veiller sur le troupeau de Christ est d’une valeur inestimable ; mais c’est aussi un service difficile qui ne peut être accompli qu’en regardant au Seigneur et dans la puissance du Saint Esprit.
Ainsi, par ces deux activités de l’esclave, le Seigneur fait allusion à deux services chrétiens fondamentaux : la préparation du cœur pour recevoir la parole de Dieu et les soins à ceux qui lui appartiennent.
Le service d’un esclave est donc quelque chose qui va de soi et qui ne nécessite pas même un remerciement. Alors le Seigneur Jésus applique la parabole à ses disciples :
« Ainsi, vous aussi, quand vous aurez fait toutes les choses qui vous ont été commandées, dites : Nous sommes des esclaves inutiles ; ce que nous étions obligés de faire, nous l’avons fait » (v. 10).
Considérons d’abord ce que le Seigneur dit à ses disciples, puis nous porterons notre attention sur ce qu’il ne leur dit pas. La clé de cette parabole réside précisément en ce que le Seigneur parle de notre attitude envers lui, et non pas de son attitude envers nous.
Même si notre foi a été beaucoup augmentée, et même si nous avons été par là rendus capables d’accomplir l’œuvre du Seigneur, cela ne nous autorise nullement à revendiquer quelque chose pour nous. Même si nous avons fait tout ce qui nous a été commandé, nous devons garder l’intime conviction que ‘nous sommes des esclaves inutiles’. ‘Inutile’ ne signifie pas ‘dont on peut se passer’. Car la parabole montre que le Seigneur veut utiliser ses esclaves, et non pas qu’il peut faire sans eux. Nous devons nous considérer comme des esclaves inutiles parce que nous n’avons fait que ce que nous étions obligés de faire, et par conséquent nous ne pouvons rien revendiquer auprès du Seigneur. Nous n’avons pas acquis de droit particulier auprès du Seigneur par notre service ; cela est vrai même pour le serviteur le plus estimé et le plus fidèle. La pensée souvent nourrie secrètement dans nos cœurs que le Seigneur nous est redevable en quelque chose à cause de notre service, est dépourvue de tout fondement. Et en outre, l’amour pour le Seigneur ne va-t-il pas dépasser la pure obligation, et ne va-t-il pas faire aussi ce qu’Il n’a pas commandé directement ?
Il est bien clair que le Seigneur ne parle pas ici d’un esclave paresseux — de quelqu’un de négligent et nonchalant dans l’œuvre du Seigneur ; s’il ne fait pas ce qui lui est demandé, il n’est pas alors un esclave inutile, mais un esclave paresseux.
Nous n’avons pas non plus à soulever la question de savoir s’il y a jamais eu un serviteur du Seigneur qui ait « fait toutes les choses » qui lui avaient été commandées, effectivement et sans exception. Il n’y en a pas. Même un serviteur aussi fidèle que l’apôtre Paul était convaincu qu’il n’était pas justifié par le fait qu’il n’avait rien sur la conscience (1 Cor. 4:4). Le Seigneur présente en tous cas un cas qui était parfait à cet égard. Et malgré cela, l’esclave ne reçoit aucun remerciement particulier.
Les raisons pour lesquelles nous avons été placés dans la position d’esclave du Seigneur, et avons par conséquent le devoir de faire tout ce qu’il nous commande, ne nous sont pas présentées dans cette parabole, mais on les trouve ailleurs dans le Nouveau Testament. Par exemple : « Car vous avez été achetés à prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps » (1 Cor. 6:20). « Il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui pour eux est mort et a été ressuscité » (2 Cor. 5:15).
Jusqu’ici, nous avons considéré notre côté — ce que nous devons dire : « Ainsi, vous aussi, quand vous aurez fait toutes les choses qui vous ont été commandées, dites : Nous sommes des esclaves inutiles ; ce que nous étions obligés de faire, nous l’avons fait ». C’est la manière dont nous avons à parler. Il n’est pas dit que le Seigneur parle de cette manière.
C’est réjouissant de le constater. Car cela laisse place à la pensée que notre Seigneur et Maître est infiniment bon et que justement, il n’agira pas comme l’homme de cette parabole. C’est pourquoi aussi le Seigneur Jésus ne commence pas la parabole en disant : « Un homme avait un esclave... ». Par la question : « Qui est celui d’entre vous, qui, ayant un esclave... », il nous montre plutôt comment nous sommes portés à agir envers ceux qui travaillent pour nous. Cependant LUI agira différemment, chers amis.
D’autres passages de la parole de Dieu le montrent très clairement. Si nous n’avions que cette parabole, nous devrions en conclure que notre travail pour le Seigneur demeure non rémunéré. Nous trouvons ainsi une confirmation de ce que nous avons déjà dit au début de nos explications sur les paraboles : de façon générale, une parabole ne comprend qu’une seule pensée principale, une seule ligne d’enseignement. Nous avons vu quel est l’enseignement ici : notre service est quelque chose qui va de soi, et il nous faut en rester toujours conscients. Nous n’avons aucun droit à faire valoir auprès du Seigneur.
Mais il y a certainement aussi le côté du Seigneur. Et si nous nous en tenons simplement aux paraboles, nous y voyons clairement que le Seigneur récompensera la fidélité dans le service et le travail fait pour lui. C’est ce que nous trouvons dans la parabole des ‘ouvriers loués pour la vigne’, de même que dans les paraboles des ‘talents’ et des ‘mines’ (Matt. 20:1-16 ; 25:14-30 ; Luc 19:11-27). Toutefois, sa récompense sera pure grâce, nous n’avons rien à revendiquer. Il agira ainsi parce qu’il demeure fidèle à lui-même et que sa bonté est infinie. C’est pourquoi, de notre côté, l’amour pour notre Seigneur est le seul vrai mobile pour le service pour Lui — non pas le désir d’être rémunéré.
En comparant les trois paraboles que nous venons de mentionner avec celle qui nous occupe, on arrive à une constatation supplémentaire : il y aura un temps de repos de tout le travail que nous avons fait pour le Seigneur ici-bas sur la terre. Un jour, l’esclave « reviendra des champs ». Alors même qu’il aura encore à faire à la maison — car nous ne serons certainement pas inactifs au ciel, mais nous servirons éternellement le Seigneur (Apoc. 22:3) — le travail aux champs avec toute la peine qui s’y rattache aura cessé pour toujours. Bienheureuse certitude !
Comme si ce bonheur ne suffisait pas, nous pouvons faire encore une autre comparaison. Dans notre parabole, le Seigneur Jésus fait dire au maître de l’esclave : « Ceins-toi, et me sers jusqu’à ce que j’aie mangé et bu ». Mais que dire, quand nous entendons le Sauveur parler de ces esclaves qui l’ont servi fidèlement et qui l’ont attendu : « Bienheureux sont ces esclaves, que le maître, quand il viendra, trouvera veillant. En vérité, je vous dis qu’il se ceindra et les fera mettre à table, et, s’avançant, il les servira » (Luc 12:37). Quand le travail aux champs sera terminé pour les esclaves et que le Maître sera de retour dans sa maison, alors il montrera son amour et sa condescendance incomparables en se ceignant et en servant ceux qui l’auront servi. Il nous fera jouir de la gloire de la maison de son Père. Quelle grâce qui dépasse ce que nous pouvons comprendre ! Combien cela est digne de Toi, Seigneur Jésus !
Après la parabole de ‘l’homme travaillant au champ’ de Luc 17, il ne nous reste plus que trois paraboles à considérer dans cet évangile. Ce sont la parabole du ‘juge inique’ (Luc 18:1-8), celle du ‘pharisien et du publicain’ (18:9-14) et celle des ‘mines’ (19:11-27). Immédiatement après la dernière de ces trois paraboles, le Sauveur monta à Jérusalem, et comme Il s’approchait de la ville et la vit, « Il pleura sur elle » selon ce que rapporte cet évangéliste. Nous avons déjà eu l’occasion de considérer les autres paraboles qu’Il a enseignées pendant Son séjour à Jérusalem.
Les trois paraboles mentionnées ci-dessus ont une pensée en commun : il est indiqué dans chacune d’elles le dessein ou la raison pour lesquels le Seigneur Jésus l’a prononcée. La parabole du ‘juge inique’ est introduite pas ces mots : « Et il leur dit aussi une parabole, pour montrer qu’ils devaient toujours prier et ne pas se lasser » (18:1). La parabole du ‘pharisien et du publicain’ qui suit immédiatement, commence par : « Et il dit aussi cette parabole à quelques-uns qui se confiaient en eux-mêmes comme s’ils étaient justes, et qui tenaient le reste des hommes pour rien » (18:9). Dans la troisième parabole, un double but est donné : « Et comme ils entendaient ces choses, il ajouta et leur dit une parabole, parce qu’il était près de Jérusalem, et qu’ils pensaient que le royaume de Dieu allait immédiatement paraître » (19:11). Bien sûr, le Seigneur n’a jamais rien dit sans raison, et dans chacune de Ses paraboles Il poursuivait toujours un but bien déterminé ; cependant la triple répétition de cette pensée dans ces paraboles lui confère un grand poids.
Comme nous avons déjà eu l’occasion de le remarquer, les paraboles ont très souvent une double signification : l’une spirituelle ou pratique, et l’autre prophétique. Cela est particulièrement et clairement mis en relief dans la parabole du ‘juge inique’. Mais écoutons d’abord ce qu’elle dit :
« Et il leur dit aussi une parabole, pour [montrer] qu’ils devaient toujours prier et ne pas se lasser, disant : Il y avait dans une ville un certain juge qui ne craignait pas Dieu et qui ne respectait pas les hommes ; et dans cette ville-là il y avait une veuve, et elle alla vers lui, disant : Venge-moi de mon adversaire. Et il ne le voulut pas pour un temps. Mais après cela, il dit en lui-même : Quoique je ne craigne pas Dieu et que je ne respecte pas les hommes, néanmoins, parce que cette veuve m’ennuie, je lui ferai justice, de peur que, revenant sans cesse, elle ne me rompe la tête. Et le Seigneur dit : Écoutez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et il use de patience avant d’intervenir pour eux ? Je vous dis que bientôt il leur fera justice. Mais le fils de l’homme quand il viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? » (Luc 18:1-8).
La première phrase souligne la signification spirituelle et pratique de la parabole. Le Seigneur la dit à Ses disciples pour qu’ils prient toujours et ne se lassent pas. Par contre, les paroles du Seigneur qui terminent cette parabole ne peuvent être comprises que de manière prophétique.
Comme beaucoup d’autres paraboles, celle-ci a donc à la fois un sens spirituel et un sens prophétique. C’est intentionnellement que le Seigneur relie ensemble ces deux significations, reliant par là le temps de Son absence avec celui de Son retour. Une telle parabole est déjà une preuve de ce que les paraboles du Seigneur contiennent plus qu’un niveau d’enseignement, et qu’elles ne doivent pas seulement être comprises de manière pratique, mais aussi prophétique.
Le côté pratique de la parabole nous a déjà occupé en relation avec la parabole des ‘trois amis’ de Luc 11. Elle ne nécessite guère plus d’explication. Ici, nous ne devons garder présent à l’esprit que ce que nous devons apprendre du contraste : Dieu agit sur la base de motivations entièrement différentes de celles du juge inique. Ce juge n’est pas une image de Dieu. La force de la parabole réside justement dans le contraste entre le juge inique et le Dieu juste. Même quand le juge a finalement cédé aux instances de la veuve, c’est sans crainte de Dieu qu’il agissait (18:4) ; il demeurait un « juge inique » (18:6). Mais par le fait qu’il a finalement quand même fait justice à la veuve, même sans dire ses vrais motifs, le Seigneur veut encourager les Siens à venir à Dieu en tout temps et avec persévérance pour présenter leurs demandes. Même si la réponse peut se faire attendre, et que le mal peut paraître prendre le dessus, Dieu fera justice en son temps à Ses élus, et Il l’exécutera rapidement.
Il y a plusieurs raisons pour se tourner maintenant vers le côté prophétique en détail. L’une est que cette parabole se trouve directement dans un contexte prophétique ; l’autre est que la plupart des détails de cette parabole n’ont de sens que prophétiquement ; enfin et troisièmement, il est extraordinairement important de s’approprier le point de vue prophétique de l’Écriture. Nous devons apprendre à distinguer entre les Juifs, les nations et l’assemblée de Dieu (comparer 1 Cor. 10:32). La Bible devient un livre tout nouveau pour nous quand nous apprenons à connaître les différentes voies de Dieu qu’Il adopte avec les uns ou avec les autres, aujourd’hui et dans le futur. D’un autre côté, il n’est guère de pire entrave à la compréhension des pensées et des voies de Dieu que de ne pas voir les différentes dispensations, ou de les mélanger.
Que notre parabole ait une forte empreinte prophétique, cela apparaît tout de suite clairement quand on la considère en rapport avec ce qui précède. Le Seigneur Jésus avait parlé de Lui comme le Fils de l’homme, et d’autre part des jours du Fils de l’homme. Il devait au préalable souffrir beaucoup et être rejeté du peuple Juif. Mais alors en ce jour-là, « Son jour », Il viendrait à eux de manière visible pour tous, — pour amener les uns en jugement, et pour introduire les autres dans le royaume. Les uns, les impies, seraient « pris » pour le jugement, tandis que les autres, les Juifs croyants, seraient « laissés » pour entrer dans le royaume terrestre de paix de Christ (17:22-35). Le Seigneur ne parle ici ni de la destruction de Jérusalem par les Romains (car il n’y avait pas le choix), ni de l’enlèvement de l’église de Dieu (c’est juste l’inverse qui aurait lieu), mais Il parle de « Son jour », qui serait précédé de la période courte, mais extrêmement dure de la détresse de Jacob. ‘L’aigle’ (les porteurs du jugement de Dieu) atteindrait le ‘corps mort’ (Israël dans l’état de mort) sûrement et rapidement (17:37).
On voit dès lors combien est appropriée l’exhortation adressée au Résidu d’Israël opprimé, mais craignant Dieu, de prier en tout temps et de ne pas se lasser (18:1) ! Le Seigneur souligne cette exhortation, mais aussi cet encouragement, par le moyen de la parabole du ‘juge inique’.
Il y a donc dans la ville une veuve qui a un adversaire. Selon toute apparence, il a porté atteinte à son bien. Or dans la même ville se trouve aussi un juge, auquel la veuve s’adresse pour demander qu’il lui soit fait justice contre son adversaire. Le juge ne se soucie pas des intérêts de la veuve, et ne fait rien pour elle : il est un juge inique. Ce n’est que parce que la veuve le tourmente par ses interventions et requêtes incessantes, que finalement il l’aide à obtenir justice.
La veuve est une image d’Israël souffrant sous l’emprise de son adversaire. Autrefois, le peuple était en relation avec l’Éternel en tant que fiancée, épouse (Jér. 2:2) ; l’Éternel avait été son mari (Ésaïe 54:5). Mais suite à son infidélité, elle était devenue vis-à-vis de Lui une veuve (Lam. 1:1). Et maintenant elle crie à Dieu — maintenant même que la nation est encore dans l’incrédulité. Ce fut exactement pareil autrefois quand les fils d’Israël crièrent à l’Éternel de la maison de servitude en Égypte, avant qu’Il se révèle à eux. Il dit donc Lui-même aujourd’hui d’Israël : « Je connais son affliction » (Exode 3:7). Et quand le temps prédéterminé par Dieu sera venu, Il se tournera de nouveau avec miséricorde vers Jérusalem — cette « ville » nommée deux fois dans la parabole. Il sera irrité contre les nations insouciantes et orgueilleuses, avec une grande colère parce qu’elles ont « aidé au mal » (Zach. 1:14-17).
Quand la veuve demande qu’il lui soit fait justice, cela vise au premier chef qu’on lui rende sa propriété. Deux histoires de l’Ancien Testament l’illustrent et le confirment.
Quand la Sunamite revint au pays de ses pères après avoir fui au pays des Philistins, « elle sortit pour crier au roi au sujet de sa maison et de ses champs » (2 Rois 8:3). Le roi lui rendit justice, et lui envoya un fonctionnaire de la cour auquel il dit : « Rends-lui tout ce qui lui appartient, et tout le revenu des champs, depuis le jour où elle a quitté le pays, jusqu’à maintenant » (2 Rois 8:6).
La deuxième histoire a à faire avec une autre veuve qui avait besoin d’aide pour récupérer la propriété et l’héritage de son mari — il s’agit de Ruth.
Cette veuve aussi est une figure du Résidu Juif croyant des jours futurs. Nous apprenons de son histoire comment elle vint finalement à Boaz, le libérateur / rédempteur (celui qui rachète) et comment cet homme puissant, et proche parent de sa belle-mère, entreprit, avec une grâce éclatante, tout ce qui était nécessaire pour relever le nom du défunt sur son héritage (Ruth 4:1-12).
Nous voyons donc comment les élus de Dieu qui crient à Lui nuit et jour, le font selon une triple relation : comme avec leur roi, comme avec leur rédempteur (celui qui rachète) et comme avec leur juge. Leurs cris seront entendus. Mais il y a encore plus à tirer de ces récits.
Disons d’abord que, dans le Nouveau Testament, l’assemblée de Dieu n’est jamais vue comme une ‘veuve’. C’est ‘Babylone’, la chrétienté apostate, qui se vante dans son cœur de ne pas être veuve et qu’elle ne verra pas le deuil (Apoc. 18:7). Mais l’assemblée est l’épouse (céleste), la femme de l’Agneau (Apoc. 19:7 ; 21:2, 9 ; 22:17). Même si elle subit la tribulation dans le monde, elle a quand même la paix dans le Seigneur Jésus (Jean 16:33). Il ne nous a pas laissé orphelins (Jean 14:18), mais il a envoyé l’autre consolateur (ou : agent d’affaires), l’Esprit de vérité qui nous conduit dans toute la vérité (Jean 14:16, 26 ; 15:26 ; 16:7, 13). Être déjà aujourd’hui enfants de Dieu et fils de Dieu, héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ (Rom. 8:14-17), est-ce là la part d’une veuve ?
Qui faut-il comprendre sous le terme d’adversaire, — celui à cause duquel la veuve crie continuellement au juge : « venge-moi de mon adversaire » ? Apocalypse 12 nous donne une information sur ce sujet. Nous y apprenons là que « le grand dragon, le serpent ancien, qui a nom diable et Satan, celui qui séduit la terre habitée toute entière » sera précipité du ciel sur la terre. Nous entendons le ciel éclater de joie : « Maintenant est venu le salut et la puissance et le royaume de notre Dieu et le pouvoir de son Christ, car l’accusateur de nos frères, qui les accusait devant notre Dieu jour et nuit, a été précipité » (Apoc. 12:10). L’expression ‘nos frères’ n’a pas trait en premier lieu à nous chrétiens, mais aux Juifs croyants du Résidu. Ce sont eux que le diable accuse continuellement devant Dieu. C’est lui, à proprement parler, l’adversaire, celui qui se tient derrière tous les autres ennemis d’Israël et qui les incite contre ce peuple.
Pour confirmer que nous n’avons pas l’assemblée dans cette parabole, mais que nous avons à faire avec les Juifs des jours à venir, je reviens encore une fois sur la requête de la veuve. Elle porte un caractère strictement juif. La veuve demande qu’il lui soit fait justice, qu’elle soit vengée de ses ennemis. Le mot grec signifie en effet à la fois « faire justice » et « se venger », « venger ».
Pour nous, rachetés du temps de la grâce, une telle demande serait absolument hors de place. Nous n’avons pas à rechercher nos droits ici-bas (1 Cor. 6:7), et au lieu d’appeler la vengeance sur nos ennemis, nous devons bien plutôt les aimer, prier pour ceux qui nous font du tort ou nous persécutent (Matt. 5:44). Étienne, le premier martyr chrétien, n’en est-il pas le grand exemple pour nous ? Fidèle à l’exemple de son Maître et Sauveur Jésus Christ (Luc 23:34), il priait pour ceux qui le lapidaient : « Seigneur, ne leur impute pas ce péché » (Actes 7:60).
Mais pour les Juifs croyants oppressés par leurs ennemis, l’appel à la rétorsion est tout à fait selon la volonté du Seigneur.
En Apoc. 6 nous entendons les âmes des martyrs Juifs crier à Dieu à haute voix : « Jusques à quand, ô Souverain, saint et véritable, ne juges-tu pas et ne venges-tu pas notre sang sur ceux qui habitent sur la terre ? » (Apoc. 6:10). Une telle demande, venant de bouches juives, exprime la pensée de Dieu pour ce peuple. C’est pourquoi Il satisfera cette demande, et Il viendra en aide au Résidu. Car le peuple d’Israël ne trouvera salut et repos, et ne parviendra à la bénédiction terrestre du royaume, que par le jugement de ses ennemis. Ce n’est aussi que de cette manière que la gloire du Seigneur pourra être obtenue sur cette terre. En harmonie avec cela, nous trouvons à de multiples reprises dans les psaumes la parole prophétique du Résidu — le « jusques à quand ? » poignant d’un peuple souffrant (Ps. 90:13 ; 94:1-3 ; 119:84). Il désirera la venue du Seigneur comme juge de la terre.
Pour nous chrétiens, il en est tout autrement. Nos bénédictions se situent dans le ciel, et notre salut n’arrive pas par le Seigneur chassant nos ennemis, mais par le fait qu’Il nous éloignera complètement de cette scène terrestre, et qu’Il nous prendra auprès de Lui dans la gloire. Par quoi le Seigneur va-t-Il donc nous « garder de l’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée toute entière, pour éprouver ceux qui habitent sur la terre » ? par le fait qu’Il nous prendra et nous sortira absolument de cette ‘heure’ ou époque ! Bienheureuse certitude !
« Je viens bientôt » — C’est de cette manière, c’est-à-dire par Sa venue pour nous, par l’enlèvement, que nous ferons l’expérience du salut final et complet (Rom. 13:11 ; 1 Thes .4:15-18 ; Apoc. 3:10, 11). C’est aussi pour cela que nous ne demandons pas la vengeance de Dieu sur nos ennemis, mais que nous supplions « Amen, viens Seigneur Jésus ! »
Rappelons-nous encore une fois les paroles dont le Seigneur se sert à la fin de la parabole, ainsi que Son explication et l’application qu’Il en fait aux élus.
« Et le Seigneur dit : Écoutez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit, et il use de patience [avant d’intervenir] pour eux ? Je vous dis que bientôt il leur fera justice. Mais le fils de l’homme quand il viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? » (Luc 18:6-8)
À plusieurs reprises nous avons déjà vu ceci, que quand le Seigneur Jésus explique ou applique une parabole, Il ne parle pas nécessairement exactement des mêmes personnes que dans la parabole elle-même. La parabole et son explication ne coïncident pas toujours exactement. C’est le cas ici. Dans la parabole Il parle de la ‘veuve’ et dans l’explication de ‘Ses élus’. La veuve représente Israël, et ‘Ses élus’ représentent le Résidu d’Israël qui a la crainte de Dieu — ces ‘frères’ que le diable accuse continuellement devant Dieu. Dans la parabole, la veuve vient avec ses requêtes incessantes auprès du juge qui se révèle être un juge inique. Dans l’explication ce sont les élus de Dieu qui crient à Dieu nuit et jour.
Le prophète Ésaïe parlait déjà de façon si saisissante de ces cris des élus de Dieu : « Sur tes murailles, Jérusalem, j’ai établi des gardiens ; ils ne se tairont jamais, de tout le jour et de toute la nuit. Vous qui faites se ressouvenir l’Éternel, ne gardez pas le silence, et ne lui laissez pas de repos, jusqu’à ce qu’il établisse Jérusalem, et qu’il en fasse un sujet de louange sur la terre » (Ésaïe 62:7).
Oui, Dieu fera justice à Ses élus qui crient nuit et jour, même si le temps pour y arriver paraît bien long à ceux qui sont dans la détresse. Pour le Seigneur, mille ans ne sont que comme un jour (2 Pierre 3:8). Mais quand le moment d’intervenir sera venu pour Dieu, Il agira rapidement. Il nous a déjà été dit quelque chose de la rapidité et de la précision d’action de ‘l’aigle’.
À la fin, le Seigneur pose encore une question qui doit nous faire réfléchir : « Le fils de l’homme quand il viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? ». Il ne répond pas Lui-même à cette question, mais la laisse à Ses auditeurs. Or la forme de la question laisse attendre un « non » comme réponse.
J’ai déjà fait la remarque au commencement que cette phrase ne peut être comprise qu’au sens prophétique, c’est-à-dire que nous devons la prendre en rapport avec Israël. Quand le Seigneur Jésus reviendra pour enlever les croyants de la grâce, ce sera alors avec le caractère d’époux, car « l’Esprit et l’épouse disent : viens ! » (Apoc. 22:17). Mais sa venue future comme Fils de l’homme a à faire avec Israël et avec le jugement sur toutes les injustices. Comme nous l’avons vu, c’est selon cette dernière manière de venir que le Résidu croyant d’Israël L’attendra.
Il est pourtant étrange que, quand Il viendra, le Seigneur aura pour ainsi dire de la peine à trouver de la foi sur la terre. D’un côté cela peut signifier qu’en ces jours-là, la foi sera rare — aussi rare qu’aux jours de Noé et de Lot (Luc 17:26 et suiv.). Comme dans ce temps-là, on mangera et on boira, on se mariera et on sera donné en mariage, on achètera et on vendra, on plantera et on bâtira. Mais avec tout cela, le jugement de Dieu sur le point de s’abattre sur eux subitement, est suspendu sur eux comme par un fil de soie, et la masse des gens ne s’en rendra pas compte, pas plus qu’aujourd’hui. Peu nombreux sont toujours ceux qui en savent quelque chose — ce sont les élus — et qui conduisent leur vie en conséquence.
Mais d’un autre côté, même la foi des élus dans ces jours difficiles sera bien faible. N’avons-pas aussi vécu cela nous-mêmes, — nous avons crié à Dieu dans la détresse, et nous ne comptions même pas sur une intervention si opportune de Sa part ? On peut faire appel à Dieu dans l’amertume de l’âme, et pourtant manquer de la confiance vraie et calme qui résulte de la communion avec Lui. Cette question interpellante du Seigneur est donc aussi importante pour nous.
Finalement nous pouvons encore remarquer que la parabole du ‘juge inique’ remplit encore deux fonctions. D’un côté c’est une prolongation de ce que le Seigneur avait dit auparavant (Luc 17:22-36). D’un autre côté, cette parabole sert d’introduction et de transition pour la parabole suivante du ‘pharisien et du publicain’ (18:9-14). Dans les deux paraboles l’objet de la prière est le même. La prière persévérante sera la ressource du Résidu juif souffrant des jours qui viennent, et c’est aussi déjà la ressource des croyants aujourd’hui, — et de fait c’est la ressource des croyants de tous les temps.
Christian Briem
ME 2004 p.346 (Traduction revue et complétée par Bibliquest pour être plus proche de l’original)
La parabole du pharisien et du publicain suit immédiatement celle du juge inique. Toutes deux touchent le sujet de la prière. La première (celle du juge inique) nous dit quand nous devons prier, la seconde comment nous devons prier. La première met l’accent sur la persévérance dans la prière, la seconde sur l’humilité nécessaire.
Ces deux paraboles se différencient par une caractéristique : Tandis que la parabole du ‘juge inique’ met fortement le point de vue prophétique au premier plan, dans la parabole du ‘pharisien et du publicain’, le Seigneur n’offre pas une image des voies de Dieu envers les Juifs et envers les nations, mais Il dépeint des comportements moraux, et Il montre ce que Dieu apprécie chez ceux qui s’approchent de Lui ; autrement dit, nous apprenons les caractères moraux qui conviennent au royaume de Dieu, et ceux qui ne lui conviennent pas — qu’il s’agisse du royaume de Dieu dans le temps présent ou plus tard.
La propre justice déplaît à Dieu ; par contre Il trouve son plaisir dans un esprit brisé. Cette parabole n’enseigne pas la manière dont l’homme est justifié devant Dieu. La doctrine de la justification par la foi ou de l’expiation des péchés ne saurait se trouver dans de tels passages, au début du Nouveau Testament.
Luc introduit la parabole du Seigneur de la manière suivante :
« Et il dit aussi cette parabole à quelques-uns qui se confiaient en eux-mêmes comme s’ils étaient justes, et qui tenaient le reste des hommes pour rien... » (Luc 18:9).
Le Seigneur parle comme Celui qui connaît toutes choses. Il lit dans les cœurs des hommes et sait ce qu’ils pensent d’eux-mêmes et des autres. Lui choisit Ses expressions en conséquence.
Il y avait et il y a des gens qui se confient en eux-mêmes et qui s’estiment justes. Un des résultats de la propre justice, c’est le mépris des autres. Selon leur estimation orgueilleuse d’eux-mêmes, ils ont atteint un certain niveau devant Dieu et devant les hommes, et cela les amène nécessairement à avoir les autres en petite estime.
Ces quelques mots d’introduction à la parabole visent-ils les pharisiens d’autrefois ? Certainement oui, mais non pas eux seulement. La description qui suit s’applique tout à fait à eux, même si Luc ne les nomme pas directement. Cela laisse place pour tous ceux qui sont animés du même esprit qu’eux. La parabole vise donc nettement ceux-là aussi. L’esprit pharisaïque manifeste en effet un sectarisme de la pire espèce. Il s’est maintenu jusqu’à nos jours, comme il est facile de le constater, si seulement nous nous connaissons nous-mêmes tant soit peu. J’ai souvent pensé : « ne se cache-t-il pas en chacun de nous un petit ‘pharisien’ ? » Il faut donc nous appliquer la parabole aussi à nous-mêmes.
« Deux hommes montèrent au temple pour prier, l’un pharisien, et l’autre publicain » (Luc 18:10).
La scène se passe au temple à Jérusalem. À l’heure habituelle de la prière, deux hommes y montent pour prier. Les deux sont Juifs et ont ainsi les mêmes privilèges. Mais il y a un contraste visible entre eux, et au point de vue juif, il n’en est guère de plus grand. L’un est pharisien, l’autre publicain. Les pharisiens sont décrits au chapitre 5 de Luc, à partir du verset 17, et les publicains au chapitre 3, versets 12 et 13. Les premiers sont au sommet de la dévotion ; les seconds en sont aussi éloignés que possible, ce sont des pécheurs bannis de la société juive.
Il est facile de saisir les contours du tableau dressé ici par le Seigneur Jésus. L’homme religieux et le pécheur avéré sont là devant nous. Tous deux reconnaissent le Dieu d’Israël, tous deux ont une requête à Lui présenter. Car pourquoi aller au temple sinon pour y prier ? Mais leurs cœurs sont dans des états aussi différents que possible, comme on va le voir. Celui qui lit dans les cœurs, celui qui voit ce qu’il y a derrière la façade extérieure — Celui-là sait ce qui se passe au-dedans de l’un et de l’autre. Il ne se laisse pas tromper par l’apparence extérieure. À l’inverse, combien nous sommes facilement éblouis par des gens du type ‘pharisien’, alors que nous n’attendons fondamentalement rien de bon de ceux du type ‘publicain’ ? Mais le classement à la fin de la parabole est exactement inversé.
« Le pharisien, se tenant à l’écart, priait en lui-même en ces termes : Ô Dieu, je te rends grâces de ce que je ne suis pas comme le reste des hommes qui sont ravisseurs, injustes, adultères ; ou même comme ce publicain. Je jeûne deux fois la semaine, je donne la dîme de tout ce que je possède » (Luc 18:11, 12).
Le pharisien « se tient à l’écart », il adopte une position particulière correspondant à sa dignité. Cette expression est absente pour le publicain. Celui-ci ‘se tenait loin’ — ‘se tenait’ est un terme en contraste avec ‘être assis’. Le pharisien commence alors à prier. Le texte grec à l’imparfait signifie ici : il commence et continue à prier, ce qui donne à entendre qu’il a utilisé dans sa prière beaucoup plus de paroles que celles qui sont rapportées — paroles tirées peut-être des psaumes et des prophètes, ainsi que les pharisiens en avaient coutume ; car ils aimaient les longues prières. Ce qui est dit ici, c’est la substance de sa prière. Son état intérieur est manifesté par les quelques paroles que la parabole place dans sa bouche.
L’expression « priait en lui-même » ne désigne pas une prière silencieuse, inaudible. Le terme grec peut tout à fait signifier « pour lui-même », « en vue de lui-même ». Il me semble que c’est le sens ici. Il voulait que ceux qui pouvaient l’entendre soient émerveillés de sa dévotion ; C’est pourquoi il priait « pour lui-même ».
En quoi consistait cette prière, si tant est qu’on puisse l’appeler une prière ? Ce n’était pas la présentation d’un besoin, ni une demande, soit pour lui-même soit pour d’autres ; mais c’était une expression de remerciement. « Je te rends grâces », dit-il, mais ce n’est que pour la forme. Il n’y a pas un mot pour dire ce que Dieu a fait pour lui, pas un mot non plus sur la grâce de Dieu. Mais attention : Il ne met pas Dieu de côté puisqu’il Le remercie ; mais il ne remercie pas Dieu de ce que Dieu est, mais de ce qu’il est lui-même — à ses propres yeux. Il se compare au « reste des hommes » qu’il range en trois groupes : « ravisseurs, injustes, adultères », et auxquels il ajoute « ce publicain ». Ils étaient tous des pécheurs. Mais non pas lui.
Dieu n’avait-il pas de quoi être satisfait de lui, car il faisait même plus que ce que la loi demandait ? Il jeûnait deux fois par semaine, alors que la loi n’avait prescrit qu’un jour de jeûne dans l’année, le grand jour des propitiations, où l’on affligeait son âme (Lév. 16:29 et suiv. ; 23:27 et suiv.). Il donnait aussi la dîme de tout ce qu’il possédait. La force de l’expression est même ‘tout de quoi que ce soit’. Il ne faisait pas les exclusions habituelles, mais il incluait tout ce que le Seigneur avait mentionné à une précédente occasion : « la menthe et la rue et toute sorte d’herbe » (Luc 11:42). N’était-il pas un homme exemplaire ?
Le Seigneur Jésus n’en dit pas plus sur sa « prière ». Ce qui était dit suffisait pour montrer la vérité de ce qu’Il avait dû reprocher précédemment aux pharisiens : ils se justifiaient eux-mêmes — ils se présentaient eux-mêmes comme justes — devant les hommes (Luc 16:15). En vérité, cet homme, si religieux qu’il ait été, ne se tenait pas devant Dieu, mais devant les hommes. Pas un mot d’une vraie prière ne sort de sa bouche. Ses paroles ne sont que des félicitations adressées à lui-même. Il ne demande rien et ne reçoit rien. Extérieurement, il adresse bien la parole à Dieu, mais il ne Lui parle pas vraiment. De telles prières ne dépassent pas le plafond.
N’en va-t-il pas de même aujourd’hui pour beaucoup de prières ? Oui, et il y a tout lieu de craindre que bien des gens religieux de la chrétienté n’aient la même attitude de propre justice que celle du pharisien, et soient perdus pour l’éternité. Quand on ne justifie pas Dieu, mais qu’on se justifie soi-même et ses propres actions, quand on n’a rien à Lui dire sur ses propres péchés, où le chemin peut-il se terminer sinon dans l’éloignement éternel de Dieu ?
« Et le publicain, se tenant loin, ne voulait même pas lever les yeux vers le ciel, mais se frappait la poitrine, disant : Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur ! » (v. 13).
La prière du publicain fait le plus grand contraste avec celle du pharisien. Il se tient dans le temple, selon l’habitude, mais non pas ‘à l’écart’, ne prenant pas une position particulière. Le Seigneur ajoute qu’il se tenait « loin ». Il n’osait manifestement pas s’approcher, mais restait aussi éloigné que possible du sanctuaire.
Dans certains livres de l’Écriture Sainte, il est remarquable de voir la répétition de certains mots, comme si l’écrivain avait une préférence pour eux. Naturellement tout est donné par l’Esprit Saint, mais la circonstance est quand même remarquable. Pierre, par exemple, aime le mot ‘précieux’, tandis que l’écrivain de l’épître aux Hébreux aime le terme ‘meilleur’. Dans l’évangile de Luc, nous rencontrons souvent la pensée de l’éloignement, exprimée par les mots ‘loin’ ou ‘près’.
C’est au ch. 11 qu’on trouve une première mention de cela, avec la reine de Shéba, venue « des bouts de la terre » pour entendre la sagesse de Salomon (Luc 11:31). Dans l’Ancien Testament c’est le terme ‘pays lointain’ qui est utilisé (1 Rois 8:41 ; 10:1). Dans la parabole des ‘deux rois’, le roi en position d’infériorité envoie ‘pendant qu’il est encore loin’ une ambassade pour s’informer des conditions de paix (Luc 14:32). Tous les publicains et les pécheurs ‘s’approchaient de Lui’ (Luc 15:1). Le fils prodigue partit volontairement dans un ‘pays éloigné’ où il vécut dans la débauche (Luc 15:13) ; son père le vit ‘lorsqu’il était encore loin’ et courut à sa rencontre (Luc 15:20). Quand l’homme riche leva ses yeux en Hadès, il vit Abraham ‘de loin’, et Lazare dans son sein (Luc 16:23). Les dix hommes lépreux s’arrêtèrent ‘de loin’ à cause de leur lèpre (Luc 17:12). Ici le publicain se tenait ‘loin’ à cause de ses péchés (Luc 18:13). Dans la parabole des ‘dix mines’, l’homme noble s’en va dans un ‘pays éloigné’ pour recevoir un royaume et revenir (Luc 19:12). Dans la parabole des ‘vignerons’, le propriétaire alla pour longtemps ‘hors du pays’ (Luc 20:9). Pierre suivit son Maître prisonnier ‘de loin’ (Luc 22:54), et quand le Sauveur fut crucifié, tous les Siens se tenaient ‘loin’ (Luc 23:49 ; comp. Ps. 38:11 ; 88 :8, 18). À la fin de l’évangile, nous entendons encore ces belles paroles : « Et il arriva, comme ils s’entretenaient et raisonnaient ensemble, que Jésus lui-même, s’étant approché, se mit à marcher avec eux. » (Luc 24:15).
Tous les ‘loin’ et les ‘près’ de ces passages ont leur propre histoire, touchante, sur lesquelles il vaut la peine de méditer.
Le publicain ne se tenait pas seulement loin, mais il ne voulait même pas lever les yeux vers le ciel devant le temple, tant il avait honte devant Dieu. En signe de contrition et de tristesse, il se frappait la poitrine. Et il laissait s’exhaler sa prière, une prière concise : « Ô Dieu, sois apaisé envers moi, pécheur ! »
Si courte qu’elle soit, cette prière mentionne cependant l’essentiel — qu’on cherche en vain dans la prière du pharisien : le péché et la grâce de Dieu. Le publicain commence sa prière de la même manière que le pharisien, en s’adressant à Dieu : « Ô Dieu ! », mais ici c’est un cœur étreint qui s’adresse réellement au Dieu vivant.
Cet homme se considère comme « le pécheur » (voir la note dans la version JND). Notons cet article « le » devant le mot ‘pécheur’. Il signifie quelque chose comme ‘le pécheur connu’, ‘le pécheur de notoriété publique’. Le pharisien tenait les autres pour des pécheurs. Le publicain ne considère que lui-même comme pécheur, il ne pense pas aux autres. C’est là un signe d’une réelle humiliation devant Dieu. On ne trouve aucune consolation dans le fait qu’il existe beaucoup d’autres gens pécheurs, parmi lesquels plusieurs ont peut-être fait pire. On ne voit que soi-même devant Dieu ; on se voit comme « le pécheur », dans l’incapacité de rendre compte devant Lui ne serait-ce que d’un seul de ses péchés. Une tristesse sincère quant à soi-même se traduira toujours par une confession loyale devant Dieu. C'est pourquoi il est parlé plus loin, dans le Nouveau Testament, de ‘repentance envers Dieu’ (Actes 20:21).
Le publicain sait qu’il n’a rien mérité d’autre que le jugement. C’est pourquoi il se réfugie dans la grâce de Dieu : « Sois apaisé envers moi ! ». Le terme grec pour ‘apaisé’ se retrouve en Héb. 2:17 où il est traduit par ‘faire propitiation’. Nous ne devons pas en déduire que le publicain faisait référence au propitiatoire du tabernacle ou au grand jour des propitiations, car un tel langage serait évidemment étranger à la bouche d’un publicain. Il ne pouvait encore rien savoir de l’œuvre expiatoire de Christ à la croix ni de Christ comme ‘propitiatoire’ (Rom. 3:25), car tout cela était encore à venir. Mais ce pour quoi il supplie et implore, c’est que Dieu soit apaisé envers lui et qu’il veuille lui pardonner. La grâce de Dieu était apparue dans le Seigneur Jésus, apportant le salut à tous les hommes (Tite 2:11). Pour nous qui vivons après l’œuvre de Christ à la croix, il est facile de saisir cela par la foi. Mais nous ne devons pas attendre des personnes qui vivaient avant la croix la connaissance de ce qui n’a été révélé que plus tard.
« Je vous dis que celui-ci descendit en sa maison justifié plutôt que l’autre ; car quiconque s’élève, sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé » (v. 14).
Avec les mots « Je vous dis », nous percevons la voix de l’autorité, la voix du Juge qui prononce maintenant la sentence : le publicain est descendu en sa maison justifié plutôt que le pharisien [ou : de préférence au pharisien].
Il est ici évident que le Seigneur ne parle pas encore ici d’une justification judiciaire devant Dieu, comme l’apôtre Paul pourra le faire plus tard ; car l’évangile de la grâce de Dieu n’était pas encore connu. C’est seulement après la mort et la résurrection du Seigneur Jésus que la précieuse vérité nous a été annoncée qu’il « a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification » et que la justification est « sur le principe de la foi » (Rom. 4:24 à 5:1).
Cependant la question est soulevée ici de savoir lequel est juste, lequel a l’attitude correcte. Le pharisien pensait que c’était lui et il condamnait le publicain. Mais la sentence divine — la seule déterminante — est que le publicain a été « justifié plutôt que l’autre » ; c’est lui qui était juste dans ce qu’il disait et faisait.
Pour confirmer que c’est bien là la signification de ce passage, soulignons que la justification par la foi, telle que Paul l’enseigne, ne connaît pas des degrés différents. Sous ce rapport, personne n’est justifié plus qu’un autre. Ou bien on est justifié par la foi, ou bien on ne l’est pas. Comme j’ai déjà dit au début : nous ne devons pas chercher la doctrine de la justification par la foi ou de la propitiation en rapport avec notre culpabilité dans de tels passages, tout au commencement du Nouveau Testament.
Finalement, le Seigneur attire encore l’attention sur un principe général : « Quiconque s’élève sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé ». C’est l’art et la manière dont Dieu agit envers nous en fonction de notre comportement. Le pharisien s’était élevé mais le Seigneur le met à la dernière place. Le publicain s’était abaissé et le Seigneur le met à la première place.
Le Seigneur Jésus avait enseigné le même principe à ceux qui avaient été conviés dans la maison d’un des principaux des pharisiens (Luc 14:7-11). Il avait observé comment les invités choisissaient les premières places — selon l’importance qu’ils s’attribuaient. Il leur avait fait remarquer qu’il est plus honorable de s’asseoir à la dernière place et d’entendre de la part du maître de la maison l’invitation : « Ami, monte plus haut », que de devoir faire place à un plus honorable que soi et d’être contraint de reculer à la dernière place. Et il avait ajouté aussi : « Car quiconque s’élève sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé » (Luc 14:11).
Au sens absolu, un pécheur ne peut évidemment pas s’abaisser. Il occupe déjà la place la plus basse. Mais il peut prendre cette place consciemment, et c’est cela que le Seigneur met en évidence par l’exemple du publicain.
Les enfants de Dieu peuvent et doivent s’abaisser eux-mêmes. C’est là l’enseignement que nous devons retirer de la parabole. Nous en trouvons le parfait exemple dans l’abaissement du Seigneur Jésus, Lui qui, étant en forme de Dieu, s’est anéanti lui-même et s’est abaissé Lui-même. Quelle a été la réponse de Dieu à cette attitude ? Dieu L’a haut élevé et Lui a donné un nom au-dessus de tout nom (Phil. 2:6-9).
Nous sommes exhortés à agir selon Son exemple : « Qu’il y ait donc en vous cette pensée... » (Phil. 2:5). Il est de la plus grande importance, pour notre vie pratique, de tirer pour nous-mêmes les justes conclusions de la parabole du pharisien et du publicain. C’est ce qui me paraît être le plus important : Ne nous justifions jamais nous-mêmes. Laissons à Dieu le soin de nous « élever » — s’Il le juge bon — en nous abaissant nous-mêmes ! C’est de loin le meilleur chemin, celui que notre Sauveur a suivi.
La parabole des mines de Luc 19 est distincte de la parabole des talents de Matt. 25, comme on l’a déjà remarqué, même si elles se ressemblent beaucoup. Non seulement le Seigneur les a données à des moments différents et en des lieux différents (Jéricho, montagne des oliviers), mais elles diffèrent aussi quant à leur contenu.
Le Seigneur Jésus a prononcé cette parabole des « mines » avec l’intention précise de corriger l’espérance prématurée des disciples. Le fait d’être près de Jérusalem les renforçait dans l’idée que le royaume de Dieu allait bientôt paraître. Or si le Seigneur était près de Jérusalem, c’était qu’Il était près de la croix, et non pas près du règne de 1000 ans.
« Et comme ils entendaient ces choses, il ajouta et [leur] dit une parabole, parce qu’il était près de Jérusalem, et qu’ils pensaient que le royaume de Dieu allait immédiatement paraître. Il dit donc : Un homme noble s’en alla dans un pays éloigné, pour recevoir un royaume et revenir » (Luc 19:11-12).
Au début de cette parabole, le Seigneur Jésus dépeint un tableau qui Le représente, comme Il le fait à plusieurs reprises. Il se décrit comme un homme noble, et effectivement Il était fils de David, de lignée royale par Joseph selon la loi (Matt. 1:16), sans même parler de ce qu’Il était Fils de Dieu par Son origine. La dignité de Sa Personne donne à la parabole son caractère spécial.
Il s’agit donc d’un homme noble parti dans un pays lointain pour y recevoir un royaume et revenir. Ce voyage dans un pays lointain est sans aucun doute une allusion à la résurrection et à l’ascension de Christ. Bien que ces deux grands événements ne soient jamais positivement nommés dans les paraboles, ils figurent néanmoins dans beaucoup d’entre elles, et en sont même à la base, sous des expressions variées, qui parlent de quitter sa maison, ou de s’en aller, ou comme ici, d’entreprendre un voyage dans un pays lointain. En Luc 10, il est dit du bon samaritain qu’il « allait son chemin » — une allusion à ce que Christ est devenu Homme. Ce « chemin » allant du ciel vers la terre s’accorde avec ce qu’Il exprime en Héb. 10:9 : « Voici je viens, pour faire ta volonté ». Mais dans notre parabole, le sens du voyage est inversé. Le Seigneur quitte la terre et va au ciel, ce qui s’accorde avec Sa parole de Jean 17:11 : « Je viens à toi ».
Beaucoup de paraboles, comme celle des mines, décrivent l’état de choses en l’absence du Seigneur — des événements qui auront lieu avant l’établissement du règne sur la terre. L’intervalle de temps entre le rejet du Roi et l’établissement final du règne de paix jusqu’alors différé, est de la plus grande importance pour nous. Sept paraboles parlent de ce temps intermédiaire, chaque fois sous un point de vue différent :
1. dans la parabole de la « semence qui croit », la semence est jetée sur la terre, tandis que le propriétaire est absent jusqu’au temps de la récolte. Entre-temps, la semence germe, et croît, « sans qu’on sache comment » (Marc 4:26-29)
2. dans la parabole du « Roi qui fit des noces pour son fils » (Matt. 22:2-14) et dans la parabole parallèle du grand souper (Luc 14:16-24), on ne voit ni le Roi ni l’hôtelier parmi les invités. Le Roi ne vient à eux que quand la salle des noces est remplie d’invités
3. Le « bon samaritain » laisse l’homme tombé entre les mains des voleurs pour un temps dans l’hôtellerie, mais non pas sans avoir pourvu à tout le nécessaire pour lui (Luc 10:30-37)
4. En Marc 13:34-37, un homme quitte sa maison et voyage à l’étranger après avoir donné leur travail à ses esclaves, et les avoir appelés à la vigilance
5. Les compagnons de l’époux (ou : fils de la chambre nuptiale) sont préparés à ce que l’époux leur soit ôté (Matt. 9:15)
6. À la base de la parabole des « dix vierges », il y a l’absence de l’époux ; toutefois il est en chemin (Matt. 25:1-13)
7. Les paraboles correspondantes des « talents » et des « mines » nous montrent le maître des esclaves absent pour longtemps. Les esclaves ont assez de temps pour trafiquer (Matt. 25:14-30 ; Luc 19:12-27).
Il n’y a pas d’incertitude sur le fait que l’homme noble aura un royaume, mais seulement sur le moment de sa réapparition. Il est allé au ciel pour y recevoir en propre un royaume de la part de Dieu. Il ne le reçoit pas de la part des hommes ni dans ce monde. Ayant trouvé une croix ici-bas, il est dans les pensées de Dieu qu’Il soit premièrement honoré au ciel avant de recevoir aussi sur la terre l’honneur qui Lui revient. « Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père » (Luc 1:32). Tout ceci est en accord avec la prophétie de Daniel 7 où nous voyons quelqu’un « comme un fils d’homme » venir vers l’Ancien des jours. « Et on lui donna la domination, et l’honneur, et la royauté » (Daniel 7:13-14).
Cette introduction établit ainsi clairement trois points :
1. Le Seigneur Jésus aura un royaume visible, mais « maintenant Son royaume n’est pas d’ici » (Jean 18:36) ; il est encore à venir ;
2. Il reçoit ce royaume dans le ciel de la part de Dieu ;
3. Le Seigneur reviendra et alors aura lieu Son apparition en puissance et en gloire. Car Il viendra comme Celui qui a reçu le royaume, c’est-à-dire comme prince des rois de la terre (Apoc. 1:5).
Venons-en maintenant à ce qui se passe durant le temps intermédiaire entre Son départ au ciel et Son retour sur la terre.
Deux groupes de personnes sont identifiés, d’abord les esclaves du maître, ensuite les citoyens du pays. Le Seigneur ne consacre qu’une phrase à chacun de ces groupes, mais le peu qu’Il en dit est extrêmement important.
« Et ayant appelé dix de ses propres esclaves, il leur donna dix mines, et leur dit : Trafiquez jusqu’à ce que je vienne » (Luc 19:13).
« Dix esclaves », « dix mines ». Ce n’est pas seulement le contexte, mais aussi le nombre dix qui parle de responsabilité (« dix vierges », « dix commandements »). C’est ici la pensée principale : la responsabilité des esclaves vis-à-vis de leur maître. Chacun des esclaves reçoit une mine de la part du maître, avec la mission de « trafiquer jusqu’à ce qu’il vienne ». Dans la parabole des talents de Matt. 25 la pensée dominante est celle de la souveraineté de Dieu ; et le maître donne alors quelque chose de différent à chaque esclave, mais la même récompense. Ici le maître donne pareil à tous, mais récompense différemment. Le point de départ est le même pour tous les esclaves, et la récompense se détermine selon la mesure avec laquelle chacun a fait face à sa responsabilité.
Le Seigneur attache manifestement à la « mine » une pensée différente de celle du « talent ». Les « talents » sont les dons spirituels que le Seigneur a conférés à Ses serviteurs selon leur capacité. Mais ici chaque esclave reçoit la même chose : une mine. On a considéré la « mine » comme une image de la Parole de Dieu. Dans ce sens, chaque croyant a reçu tout autant, et il doit trafiquer avec cette Parole de Dieu comme instrument de Sa grâce. Cette pensée a quelque poids. Mais il me semble encore mieux de voir dans la « mine » la révélation ou la connaissance de Dieu en Christ — une connaissance qui, il est vrai, découle pour nous de la Parole de Dieu. Cette révélation de Dieu en Christ est en fait un « capital » inestimable confié au même degré à chaque disciple du Seigneur. Sommes-nous bien conscients de la valeur de ce « capital » aux yeux du Seigneur ? En tout cas Il nous a remis quelque chose entre les mains, ce qui n’avait encore jamais eu lieu dans ce monde dans des temps précédents. N’y a-t-il pas là pour nous un puissant stimulant à remplir la mission du Seigneur, en nous y consacrant pleinement ?
« Trafiquez jusqu’à ce que je vienne ». Il n’est pas question de dons de grâce spirituels. Non, Dieu s’est pleinement révélé en Jésus Christ, Son Fils, et Il veut que cette révélation de Sa grâce dans le monde gagne toujours plus en extension. Quand le Sauveur était ici-bas, Il a fait connaître Dieu, Lui le Fils unique (Jean 1:18). C’était une nouveauté absolue. Maintenant que le Fils séjourne au ciel, Dieu veut utiliser Ses esclaves dans le même but. Il s’est fait connaître à eux, et ils connaissent Ses pensées. Dès lors ils doivent trafiquer avec la « mine » dans le sens de la faire se multiplier.
C’est aussi le but propre, la grande tâche de notre vie. Nous ne devons pas seulement garder pour nous la révélation de la grâce de Dieu qui nous a été confiée, ni même simplement la garder correctement, si bon que cela soit. Que Dieu fasse que ce qui est de Lui se multiplie, chez nous et chez les autres. C’est une tâche merveilleuse que nous pouvons tous remplir de plusieurs manières. Une mère, par exemple, qui parle du Seigneur Jésus à son enfant, fait exactement ce dont il est question dans la parabole : elle trafique avec sa « mine ». À l’« école maternelle » ou à la « grande école », l’enfant n’a rien d’aussi précieux à apprendre. La mère a une « mine » ; tu en as une, j’en ai une. Qu’en faisons-nous ? N’est-ce pas quelque chose de grand que d’aider un autre à comprendre quelque chose de plus au sujet de Christ ?
« Jusqu’à ce que je vienne ». L’expression en grec est différente de celle de 1 Cor. 11:26, et elle signifie ici « pendant que je viens ». Tout le temps de l’absence de l’homme noble est considéré comme une seule époque pendant laquelle il vient, parce qu’il est attendu à chaque instant. Nous faisons notre travail dans la conscience heureuse qu’il puisse prendre fin à chaque instant par la venue de notre Seigneur.
La scène de la parabole s’élargit maintenant pour englober « ses concitoyens ».
« Or ses concitoyens le haïssaient ; et ils envoyèrent après lui une ambassade, disant : Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous » (Luc 19:14).
« Ses esclaves », « ses concitoyens ». Cette juxtaposition peut étonner. Les uns doivent servir leur Maître, les autres le haïssent, et malgré tout, il est dit de chacun d’eux qu’ils sont siens. Le texte grec requiert ici une explication pour une petite difficulté. Avec l’expression « ses esclaves » du v. 13, il y a une construction réfléchie signifiant « ses propres esclaves » ; au v. 14 il n’y a pas cette construction : « ses concitoyens ». Le v. 13 décrit donc une attitude plus intérieure que le v. 14. En outre, nous ne devons pas oublier que l’homme noble était supposé avoir un royaume. « Ses concitoyens » sont donc les Juifs, qui sont nettement distingués des disciples du Seigneur.
Or ces « concitoyens » haïssaient l’homme noble, et même « continuaient à le haïr » comme l’exprime la forme à l’imparfait. C’est en crucifiant leur Messie que les Juifs ont montré clairement à quel point ils haïssaient le Seigneur Jésus. Aucune raison n’en est donnée, car il n’y en avait point : « Ils m’ont haï sans cause » (Jean 15:25). Bien que comme homme Il fût de leur peuple et de la lignée royale, ils haïssaient Jésus. Bien que selon Sa nature, Il fût Dieu, et qu’Il fût par là le plus noble et le plus élevé de tous ceux qui demeuraient parmi eux, ils Le haïssaient.
Mais ils firent plus. Ils envoyèrent une ambassade après Lui pour dire : « nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». Ceci s’est passé quand ils rejetèrent le témoignage qu’Étienne rendit au Seigneur glorifié, et qu’ils lapidèrent le fidèle témoin de Dieu (Actes 7). Ils envoyèrent pour ainsi dire Étienne après Jésus. Le message de refus ne pouvait être plus clair.
À ce moment-là, le Seigneur était prêt à revenir encore vers eux. Avant Étienne, Pierre avait justement encore appelé les Juifs à la repentance, et avait promis des temps de rafraîchissement pour le cas où ils auraient suivi son invitation et se seraient convertis ; Pierre avait ajouté que Dieu leur enverrait Jésus Christ qui leur avait été préordonné. « Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés : en sorte que viennent des temps de rafraîchissement de devant la face du Seigneur, et qu’il envoie Jésus Christ, qui vous a été préordonné, lequel il faut que le ciel reçoive, jusqu’aux temps du rétablissement de toutes choses dont Dieu a parlé par la bouche de ses saints prophètes de tout temps » (Actes 3:19-21).
Cependant les Juifs rejetèrent le témoignage de Pierre comme celui d’Étienne. Non, ce peuple ne voulait pas que Jésus règne sur eux, et il ne le veut toujours pas aujourd’hui. Ils continuent à le haïr. Que va-t-Il faire finalement avec ces « concitoyens » ?
« Mais ceux-là, mes ennemis, qui n’ont pas voulu que je régnasse sur eux, amenez-les ici et tuez-les devant moi » (Luc 19:27).
Le Seigneur les désigne ici comme étant « Ses ennemis ». Ils seront jugés devant Lui quand Il reviendra en gloire et en puissance.
« Et il arriva, à son retour, après qu’il eut reçu le royaume, qu’il commanda d’appeler auprès de lui ces esclaves auxquels il avait donné l’argent, afin qu’il sût combien chacun aurait gagné par son trafic. Et le premier se présenta, disant : Maître, ta mine a produit dix mines. Et il lui dit : Bien, bon esclave, parce que tu as été fidèle en ce qui est très-peu de chose, aie autorité sur dix villes. Et le second vint, disant : Maître, ta mine a produit cinq mines. Et il dit aussi à celui-ci : Et toi, sois [établi] sur cinq villes » (Luc 19:15-19).
Oui, « l’homme noble » recevra le royaume et reviendra. À ce moment-là, il ne se bornera pas à juger Ses ennemis, mais Il récompensera aussi Ses esclaves. Ce sera un moment sérieux et sublime quand le Seigneur « fera les comptes » avec Ses esclaves. Comme nous nous sommes déjà occupés de cela en détail à l’occasion de la parabole des « talents », nous ne nous arrêterons ici que sur quelques particularités intéressantes.
« Maître, ta mine a produit dix mines » — on ne peut s’exprimer ainsi que si la mine se rapporte à la révélation de Dieu dans le Christ Jésus, et non pas à dons de grâce conférés. La mine a, pour ainsi dire, produit quelque chose d’elle-même. L’esclave le reconnaît humblement. Il ne dit pas : « j’ai gagné ».
Dans Sa réponse, le Seigneur parle de ce qui est « très-peu de chose » : « parce que tu as été fidèle en ce qui est très-peu de chose… ». S’agissant de notre responsabilité, c’est le plus petit côté de ce qui est considéré. Cela ne signifie nullement que ce soit une chose sans importance. Notre parabole enseigne juste le contraire. Mais par comparaison au décret divin et à la position bénie où nous sommes placés grâce à ce décret, ce que nous, nous pouvons faire par fidélité est très petit. Ce qui est grand, c’est ce qui est dans le cœur de Dieu, et ce que Lui a fait et fait encore dans Son Fils. Cependant dans la mesure où la grâce infinie de Dieu remplit notre cœur, nous sommes stimulés à être fidèles dans notre petit domaine.
Les deux esclaves dont la fidélité différente s’est exprimée par le gain de dix et de cinq mines n’entendent pas la même parole d’approbation. Seul celui qui a les dix mines reçoit la parole de reconnaissance « Bien, bon esclave » ; et le Maître l’établit sur dix villes, — l’autre seulement sur cinq. Les deux conservent ce qu’ils ont acquis et en jouissent (il n’est pas parlé qu’ils aient à rendre les mines ; pensée consolante !). Mais la position des esclaves dans le royaume sera différente selon la fidélité avec laquelle ils auront travaillé. Ce côté n’est pourtant pas le plus élevé comme on l’a déjà remarqué. C’est pourquoi il n’y a pas ici l’invitation : « Entre dans la joie de ton Maître ». Partager Sa joie au ciel et en jouir sera quelque chose de plus grand que de régner avec Lui sur la terre.
Après les deux esclaves fidèles, nous voyons paraître un esclave d’une « autre » sorte.
« Et un autre vint, disant : Maître, voici ta mine, que j’ai gardée déposée dans un linge ; car je t’ai craint, parce que tu es un homme sévère : tu prends ce que tu n’as pas mis, et tu moissonnes ce que tu n’as pas semé » (Luc 19:20-21).
Quelle honte qu’auprès d’un homme si bon et si noble, il y ait aussi cet autre esclave ! Il utilise les mêmes expressions que les précédents : « Maître », « ta mine », — mais quelle différence de ton dans ses propos ! Qu’a-t-il fait de l’argent que le Maître lui a confié pour trafiquer avec ? Rien. « Voici ta mine ». Pendant tout le temps écoulé, il a enfermé sa mine dans un linge, et il s’est comporté ensuite comme s’il n’avait jamais reçu de « mine ». Quel mépris de son Maître cela exprime !
Si nous nous souvenons de ce dont la « mine » parle, nous voyons alors toute la portée de ce que le Seigneur Jésus présente ici. Il ne parle pas d’un esclave qui a été infidèle dans ce qu’on lui a confié, ou qui a volé, ni de quelqu’un qui rejette ouvertement la révélation de Dieu (ce serait un rebelle). Non, c’est quelqu’un qui professe L’avoir pour Maître, et qui accepte extérieurement la connaissance de Dieu qui lui a été accordée, mais qui n’en fait rien, ni pour lui ni pour les autres. Pourquoi n’en fait-il rien ? Parce qu’il n’y attribue aucune valeur. Le « linge » pour s’essuyer, qu’il aurait du tremper de sa sueur au travail, reste sec pour envelopper la mine : c’est un capital mort !
L’esclave fait valoir qu’il craint le Maître, qu’il vivait dans une crainte perpétuelle (le verbe est à l’imparfait) de Lui. Ah ! si cela avait été vrai qu’il ait eu de la crainte ! Alors il aurait au moins été obéissant. Mais il ne craignait pas de refuser l’obéissance à son Maître, et il ne craignait pas de ne tenir aucun compte de la mission du Maître. La crainte qu’il prétend avoir, n’était qu’une crainte hypocrite, non pas la vraie crainte de Dieu.
En outre, il se plaint d’avoir un Maître si sévère, qu’Il prend ce qu’Il n’a pas mis, et qu’Il récolte ce qu’Il n’ pas semé. Ces paroles sont autant hypocrites que fausses. Le Maître ne lui avait-Il pas remis la « mine » en main propre ? Comment pouvait-il prétendre qu’Il n’avait rien « mis » ? La vérité était que cet esclave ne connaissait ni n’aimait son Maître. Il n’a éprouvé à aucun moment la noblesse que ce Maître montrait en voulant faire de lui un administrateur de ses biens, en sorte qu’il aurait pu agir avec comme s’il avait été le Maître Lui-même.
Avec cette fausseté et cet égoïsme, cet esclave est l’image de tous ceux de la chrétienté qui certes professent être à Christ, et prétendent le servir, mais qui ne Le connaissent ni ne L’aiment.
L’art et la manière dont on fait face à sa responsabilité manifeste si on L’aime ou pas. C’est le moyen de tester la véracité de ce qu’on professe. « Celui qui a mes commandements et qui les garde, c’est celui-là qui m’aime » (Jean 14:21).
Avoir reçu la grâce de Dieu en Christ et n’y trouver aucun stimulant encourageant à travailler avec cette « mine » selon Sa pensée, cela montre clairement qu’on relève de cette catégorie d’« esclaves ». De tels gens (chrétiens) peuvent être fortement engagés dans les questions de droits de l’homme, de justice sociale et de ce qu’on appelle l’éthique chrétienne. Mais la « mine » ne représente rien pour eux, pas plus que le Seigneur Lui-même.
« Il lui dit : Je te jugerai par ta propre parole, méchant esclave : tu savais que moi je suis un homme sévère, prenant ce que je n’ai pas mis et moissonnant ce que je n’ai pas semé ; et pourquoi n’as-tu pas mis mon argent à la banque, et quand je serais venu je l’eusse retiré avec l’intérêt ? » (Luc 19:22-23).
Ce que dit cet esclave ne fait que révéler qu’il est un méchant esclave. En même temps il se condamne par ses propres paroles. Il en est toujours ainsi. Quand les hommes se trouvent des excuses devant Dieu, leurs motifs pour s’excuser fournissent généralement la base de leur condamnation. Leur prétendue logique n’est qu’une illusion grossière qu’ils se font à eux-mêmes, et par laquelle ils prononcent leur propre jugement. « Je te jugerai par ta propre parole, méchant esclave ».
Le Maître se place sur le terrain du méchant esclave et de son argumentation. Si les suppositions d’où prétend partir le méchant esclave avaient été vraies, il aurait agi tout autrement, il aurait au moins mis l’argent du Seigneur à la banque. Le Maître, à Son retour, aurait pu alors récupérer l’intérêt en plus de Son argent.
Mais dans ces paroles du Seigneur n’y a-t-il pas une leçon pour nous tous ? Peut-être nous sentons-nous incapables de travailler nous-mêmes avec les biens qui nous ont été confiés. Ne devrions-nous pas alors au moins penser que d’autres peuvent travailler avec ? Il y a beaucoup de manières de le faire et d’aider. Et se tenir en prière pour les autres serviteurs n’est-il pas justement le meilleur moyen de le faire ?
« Et il dit à ceux qui étaient présents : Ôtez-lui la mine et donnez-la à celui qui a les dix mines. — Et ils lui dirent : Seigneur, il a dix mines. — Car je vous dis qu’à quiconque a, il sera donné ; et à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté (Luc 19:24-26).
Le Maître fait ôter sa mine au méchant esclave. Il n’en est pas dit plus ici. Cela s’accorde bien avec l’évangile de Luc, qui met la grâce de Dieu au premier plan. C’est pourquoi le sort et le jugement de cet esclave ne sont pas détaillés davantage. Il en était de même avec le fils aîné de la parabole du fils prodigue. Néanmoins, être dépouillé de sa mine ne signifie rien moins qu’être jeté pour toujours dans la mort et les ténèbres.
Le jugement de ceux qui sont ouvertement des ennemis est quand même indiqué ici (Luc 19:27).
On peut être surpris que la mine ôtée au méchant esclave doive être donnée à celui qui avait déjà dix mines. « Ils lui dirent : Seigneur, il a dix mines ». Mais là-derrière se cache un principe divin général, qui est aussi à appliquer aux enfants de Dieu : « À quiconque a, il sera donné ; et à celui qui n’a pas, cela même qu’il a lui sera ôté ».
Quand la grâce et la révélation de Dieu ont suscité en nous une réponse d’amour, alors ce que nous avons et dont nous avons joui, non seulement ne nous sera pas ôté, mais il y sera ajouté de la grâce supplémentaire. Cela est déjà vrai aujourd’hui, et ce sera aussi vrai quand nous entrerons dans la gloire du royaume. Ce que nous avons gagné ici-bas ne sera pas perdu pour nous dans l’autre monde.
D’un autre côté, il se peut qu’une vérité divine qui a été placée devant nos cœurs ne suscite aucun mouvement de notre foi. Peut-être que nous nous en occupons, mais ce n’est pas mêlé de foi. Alors nous n’avons pas réellement Christ devant nous ; ce n’est qu’une connaissance sans effet sur notre conscience. Tôt ou tard, le Seigneur ôte une telle connaissance. Ainsi non seulement nous ne devenons pas plus riche, mais nous perdons même ce que nous croyons avoir.
L’enseignement de la parabole des « mines » peut bien se résumer par la parole de 2 Cor. 6 : « Or, travaillant à cette même œuvre, nous aussi, nous exhortons à ce que vous n’ayez pas reçu la grâce de Dieu en vain » (2 Cor. 6:1).