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ÉLIE ET ABDIAS — 1 Rois 18:1-16
Philippe Laügt
ME 1980 p. 155-162
Plan de lecture :
2 Un roi frivole assisté d’un serviteur qui craint l’Éternel
4 Fruits d’une fausse position et d’une conscience mal à l’aise
5 Le serviteur obéissant, dépendant, fidèle et sans crainte
Le mal avait rongé comme une gangrène, l’idolâtrie la plus affreuse était assise sur le trône avec le roi d’Israël. Elle était même devenue la religion officielle et les fidèles cachés se taisaient. Le désordre complet régnait au sein du peuple de Dieu. Alors, pour « ramener leur cœur » (1 Rois 18:37), Dieu, dans sa grâce, suscite encore un prophète « car il avait compassion de son peuple » (2 Chron. 36:15).
Faible et pauvre en lui-même, avec des passions semblables aux nôtres, Élie paraît soudain dans toute la hardiesse d’une foi qui s’appuie sur Dieu seul. D’où lui venait donc cette puissance ? La main de l’Éternel était sur lui. Comme tous les serviteurs, à commencer par l’Homme parfait, ce prophète a d’abord été longuement façonné, seul avec Dieu, dans le secret. Il a appris que la fervente supplication du juste — de celui que Dieu a justifié — peut beaucoup (Jacq. 5:16) et aussi longtemps qu’il vivra ainsi, sans prétention personnelle, l’œil fixé uniquement sur son Dieu, il sera dans Sa main à l’abri de tout mal. Séparé de l’apostasie, il se tient devant Lui, attentif à saisir l’appel : « Va, montre-toi » ou au contraire : « Va, cache-toi ». Dieu l’envoie ainsi un jour devant Achab puis le cache durant des années au torrent du Kerith ou à Sarepta. Nous dirions volontiers : Quel temps précieux perdu, combien Élie aurait été plus utile au milieu du peuple ! Mais les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées, ses voies ne sont pas nos voies. Il faut que nous passions plus de temps à nous laisser instruire en secret qu’à agir en public. Là, dans ces retraites cachées, Dieu lui enseigne la dépendance, simple, totale. Il emploie pour le nourrir des instruments surprenants : des corbeaux naturellement voraces, une veuve sans ressources. Rien ne manque à ceux qui Le craignent, mais la mise à l’épreuve de la foi est souvent nécessaire, sinon nous serons des théoriciens au lieu d’être des témoins. « Être mis de côté est une position infiniment pénible à la chair, qui se trouve ainsi privée de tout ce qui l’alimente, mais facile à la foi, car la foi trouve son bonheur dans l’obéissance » (H. R.).
Comme plus tard un autre serviteur, Élie est nourri de la Parole et dirigé par elle (Dan.9:2, 3). Il comprend quelle est la volonté de Dieu et sa prière s’adresse à lui en un temps agréé (Ps. 69:13). À sa requête, pendant trois ans et six mois, le ciel sera d’airain et la terre de fer. Terrible épreuve, ni pluie ni rosée ! Dieu visite son peuple en jugement. Va-t-il enfin s’humilier, écouter la verge et Celui qui l’a décrétée (Mich. 6:9, 16) ? Se tournera-t-il vers le Saint, Celui qui affirme : « J’habite le lieu haut élevé et saint, et avec celui qui est abattu et d’un esprit contrit » (És. 57:15) ?
Dieu commence toujours le jugement par sa propre maison, mais il corrige les siens avec mesure. Élie s’adonnait à la prière, aussi discerne-t-il le moment où Dieu veut déployer publiquement sa gloire. Alors, à Son appel, il est prêt à affronter une fois encore Achab, qui pourtant cherche sa vie.
La Parole ne nous laisse aucun doute sur l’état moral du chef visible de l’apostasie. C’est un être faible, égoïste, toujours prêt à se trouver des excuses, jouet d’une femme idolâtre et volontaire, Jézabel, une des plus sinistres figures de l’Écriture. Achab, dans sa voie de péché, a surpassé ses pères (1 Rois 16:30 ; 21:25, 26). Apparemment indifférent aux souffrances de son peuple, il est loin de l’inciter à crier à Dieu avec force, en revenant chacun de sa mauvaise voie, comme le fit le roi de Ninive (Jonas 3:8). Il rappelle encore moins David, qui, reconnaissant ses fautes, cherchait à épargner à son peuple la juste colère de Dieu (2 Sam. 24:17). Achab poursuit sa vie frivole, la recherche de ses intérêts, la satisfaction de ses plaisirs égoïstes. Comme Élie, cet homme du monde est en voyage. Cependant sa grande préoccupation n’est pas de soulager la misère de son peuple affamé, mais de trouver de l’herbe pour conserver en vie ses chevaux, objets de son orgueil... et témoins de son mépris pour la loi de Dieu (Deut. 17:16). Il partage avec Abdias, préposé sur sa maison, cette vaine occupation. Comment ce dernier, homme pieux, pouvait-il rester si étroitement associé à Achab et vivre habituellement dans une atmosphère aussi corrompue ? La Parole de Dieu relève pourtant qu’il craignait beaucoup l’Éternel. Retenons cette appréciation : « beaucoup ». Dieu note toujours avec soin ce qui a du prix à ses yeux. Ainsi lors de la reconstruction de la muraille de Jérusalem, il est précisé de Baruc seul, qu’il répara « avec zèle » une seconde portion (Néh. 3:20). Plus tard, l’apôtre Paul distinguera Tryphène et Tryphose qui travaillent dans le Seigneur, mais il souligne que Persis, la bien-aimée, a « beaucoup travaillé » dans le Seigneur (Rom. 16:12). Celui qui a ses yeux comme une flamme de feu, met aussi d’abord en évidence tout le bien qu’il discerne au sein d’une assemblée, avant de reprendre ce qui doit l’être (Apoc. 2 et 3). Qu’aimons-nous à faire d’abord ressortir dans la vie de nos frères ? Ce qui nous paraît boiteux ou les fruits de la grâce de Dieu en eux ?
L’Écriture rappelle aussi qu’un jour Abdias avait osé cacher et nourrir cent prophètes que Jézabel voulait faire périr. Précieux dévouement manifesté à l’égard de ces croyants persécutés (Matt. 25:37, 40). Mais ce qu’Abdias faisait ainsi pour l’Éternel, il le faisait en secret, sans pour autant rompre avec l’idolâtrie et s’associer ouvertement à ceux qui traversaient une telle affliction (Héb. 10:33). Or si la crainte du Seigneur est la sagesse, se retirer du mal est l’intelligence. La Parole de Dieu dit clairement : « Crains l’Éternel et éloigne-toi du mal » (Prov. 3:7 ; Job 28:28).
Il est facile de relever une contradiction humiliante entre les exercices cachés d’Abdias et sa marche. Mais en nous parlant de lui, Dieu veut nous amener à considérer sans complaisance notre propre conduite et la réalité de notre christianisme pratique. Demandons-nous chacun si, au lieu d’attendre le Seigneur, à quelque moment qu’il vienne, en réalisant notre position d’étrangers, nous ne sommes pas, dans une mesure plus ou moins grande, devenus les amis du monde ? Est-il possible de craindre Dieu et de se conformer au monde, ce vaste système caractérisé par l’impiété et la corruption, et qui gît entièrement dans le Méchant (1 Jean 5:19) ? Et pourtant trop souvent nous adoptons sa manière de vivre, de parler, de se vêtir, gouvernés que nous sommes par les raffinements de la mode. Ses habitudes religieuses ne nous ont-elles pas souvent envahis ? N’avons-nous pas été parfois séduits par ses inventions, qui exaltent l’homme et voudraient exclure Dieu ? Notre cœur ne s’est-il pas facilement attaché à ses objets d’art agréables qui contribuent à masquer son véritable état ? Ne sommes-nous pas volontiers attirés par les spéculations de son esprit étranger à la vie de Dieu ? Que de chrétiens dont la vie devrait être un témoignage pratique contre tous ces éléments du monde y restent attachés, amorcés par leur propre convoitise !
On peut soupirer et gémir à cause des abominations qui se commettent dans ce monde, être compté à ce titre par Dieu comme faisant partie des siens (Ézéch. 9:4) et pourtant manquer de « vertu » pour n’avoir « rien de commun avec les œuvres infructueuses des ténèbres », dans l’obéissance à la volonté de Dieu (Éph. 5:11). Lot était assis à la porte de Sodome, place de considération et d’autorité, et pourtant ce juste « les voyant et les entendant, tourmentait de jour en jour son âme juste à cause de leurs actions iniques » (2 Pierre 2:8). Mais par ce contact délibéré le cœur s’attache, le discernement s’émousse, de sorte que, lors du jugement final, les anges durent saisir Lot par la main, car il tardait (Gen. 19:16). À Pergame, le Seigneur dira : « Je sais où tu habites, là où est le trône de Satan » (Apoc. 2:13). « Il nous faut sans doute traverser la scène où Satan déploie sa puissance, mais y habiter ! Les saints à Pergame aimaient-ils donc à être près d’un trône, à y demeurer alors même que c’était celui de Satan ? Recherchaient-ils la protection de l’éclat du pouvoir humain ? » (W.K.) Il y avait bien des avantages terrestres à vivre ainsi à la cour d’Achab. Si quatre cent cinquante prophètes des ashères mangeaient habituellement à la table de Jézabel, c’est sans doute que la famine se faisait moins sentir dans le palais. Un certain bien-être, le confort d’un lit de repos sont-ils sans attrait pour nos cœurs ? (Amos 6:3-6) Ne sommes-nous pas gravement en danger de chercher nos aises, notre prospérité matérielle, les honneurs ou le pouvoir, ces « mets délicats » du Prince de ce monde ? Mais la satisfaction de nos convoitises nous fera toujours tomber sous la coupe de Satan, et comment pourrions-nous alors vraiment mener deuil sur la ruine du peuple de Dieu ?
Abdias n’était pas, n’était plus, au service de l’Éternel. Placé sous un joug mal assorti, son état spirituel s’était affaibli (2 Cor. 6:14-18).
Alors qu’il était en chemin pour servir les desseins d’Achab, « voici, Élie le rencontra ». Mais leur entrevue est marquée par la réserve plutôt que par la communion. Abdias reconnaît le prophète, il est troublé, il tombe sur sa face. « Est-ce bien toi, mon seigneur Élie ? » Ses paroles confirment bien qu’il ne peut que s’incliner, tout ministre du roi qu’il est, devant la dignité morale qui émane de ce serviteur de l’Éternel.
Élie se montre froid et distant. Quelle communion peut-il y avoir entre l’homme de Dieu et le ministre d’Achab ? Nous ne pouvons pas servir le monde, suivre plus ou moins ouvertement son train et avoir des relations d’intimité avec ceux qui se tiennent habituellement près de Dieu. Peut-être Abdias estime-t-il comme tant d’autres qu’Élie va trop loin, qu’il a pris une position trop intransigeante, trop dangereuse.
Achab hait le prophète, mais pour Élie le fait d’être ainsi détesté par un homme qui porte le caractère du méchant, est un bon signe (Luc 6:22). Par contre, Achab ne hait pas Abdias, car ce dernier sert ses intérêts. Celui qu’il a préposé sur sa maison n’est pas un témoin gênant, jaloux de la gloire de Dieu, car pour échapper à la folie meurtrière de Jézabel, Abdias a choisi de se taire. Aussi n’est-il aux yeux du prophète que le serviteur d’un roi impie. Élie lui répond donc : « C’est moi, va, dis à ton seigneur : Voici Élie ! » Parole sérieuse, propre à toucher la conscience. Nul ne peut servir deux maîtres. Nous faut-il aussi reconnaître : « Éternel, notre Dieu, d’autres seigneurs que toi ont dominé sur nous » (És. 26:13) ?
Abdias répond par un flot de paroles. Il voudrait bien échapper à cette périlleuse mission. Trois fois il affirme qu’Achab va le tuer. « Quel péché ai-je commis que tu livres ton serviteur en la main d’Achab pour le faire mourir » ? dit-il, et pourtant le danger était autrement grand pour Élie. Il se hâte de rappeler l’hospitalité accordée aux prophètes, gage irrécusable à ses yeux de sa fidélité. Mais lorsqu’un serviteur de Dieu aime à faire valoir ses travaux, il y a tout lieu de craindre qu’il ne soit dans un mauvais état spirituel. Nous ne voyons rien de tel chez Élie et pourtant il avait accompli, avec le secours de Dieu, de grandes choses.
L’attitude d’Abdias est un exemple humiliant des conséquences désastreuses que la crainte de l’homme peut avoir sur un croyant (Prov. 29:25). Son témoignage vis-à-vis du monde, sa vie spirituelle tout entière, ne peuvent manquer d’en souffrir. Abdias reconnaît les soins particuliers dont Élie a été et sera l’objet. Mais il le fait de telle manière qu’il semble avoir perdu toute sa confiance personnelle en Dieu jusqu’à mettre en doute Sa parole, dont Élie est porteur. Tristes fruits d’une fausse position et d’une conscience mal à l’aise. Aussi devant son incrédulité, Élie doit-il employer pour s’adresser à lui les mêmes paroles dont il use par deux fois à l’égard d’Achab. Abdias s’acquitte alors de son message.
La condition morale d’Élie est tout autre. Il n’y a pas trace de crainte dans cette page de sa vie, mais des signes manifestes de son entière dépendance de la volonté de Dieu et de son zèle pour Lui. Rempli de foi, il dénonce le mal quand il est en présence d’Achab, par un témoignage clair et sans compromis. Puis il s’adresse solennellement au peuple rassemblé au Carmel : « Combien de temps hésiterez-vous entre les deux côtés ? Si L’Éternel est Dieu, suivez-le ; et si c’est Baal, suivez-le ! » (v. 21). Abdias va-t-il sortir des rangs, comme autrefois la tribu de Lévi, pour rejoindre Élie, du côté de Dieu ? Non, « le peuple ne lui répondit mot ». Il fallait, hélas, l’œil de Dieu pour discerner les sept mille hommes, « tous les genoux qui n’ont pas fléchi devant Baal, et toutes les bouches qui ne l’ont pas baisé » (1 Rois 19:18).
Cette page de la vie d’Élie, conservée pour notre instruction, doit porter nos regards sur Celui qui, venu du ciel, est au-dessus de tous (Jean 3:31). Élie a eu plus tard un moment de défaillance mais le Serviteur parfait, jamais. Le Seigneur seul a pu dire, durant les jours de sa chair : « Je fais toujours les choses qui Lui plaisent » (Jean 8:29). À chaque instant s’exhalait vers Dieu le parfum précieux de l’amour, de l’obéissance et du renoncement. Sa marche a témoigné de l’impossibilité d’unir le service de Dieu et l’amitié du monde. À la fin de son ministère, avant de monter à la croix, il pouvait dire : « Le chef du monde vient, et il n’a rien en moi » (Jean 14:30).
Les rachetés de Jésus, acquis au prix de son sang versé et possédant sa vie, doivent aussi porter le même caractère de sainte séparation qui a brillé en lui. Si nos affections sont liées à un Christ céleste, nous tiendrons pour une honte toute marque sur nous de ce monde qui l’a rejeté. C’est une chose grave si ceux qui nous entourent peuvent à bon droit penser que nous suivons le même chemin qu’eux, avec les mêmes désirs, les mêmes buts. Nous devons reconnaître alors que nous avons perdu les caractères de ce que nous sommes expressément : sel de la terre et lumière du monde, ce que le Seigneur nous demande de manifester (Matt. 5:13, 14).
« Quelle est ton occupation » ? demandaient un jour à Jonas, serviteur infidèle, des hommes de ce monde. Enfants de Dieu, quelle est la nôtre ? Donnons chacun avec droiture la réponse au Seigneur. Travaillons-nous pour la viande qui périt ou pour celle qui demeure en vie éternelle ? (Jean 6:27). Nos jours, nos biens, nos corps, nos cœurs sont-ils à l’entière disposition de Celui auquel nous appartenons ? La nuit est fort avancée, le jour s’est approché. Demandons-lui la grâce, durant cette dernière heure, de lui plaire à tous égards, étant « sans reproche et purs, des enfants de Dieu irréprochables, au milieu d’une génération tortue et perverse » (Phil. 2:15). La gloire en sera pour Lui. Que cette pensée soit précieuse à nos cœurs !