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À LA RENCONTRE DE L’ÉPOUX
[Gen. 24 — Se préparer au retour du Seigneur]
Philippe Laügt
ME 1979 p. 291
La plupart des grands thèmes de l’Écriture se trouvent déjà esquissés dans le livre de la Genèse. C’est le cas en particulier pour le grand mystère, maintenant révélé, de l’union de Christ et de son Assemblée. Adam et Ève, Isaac et Rebecca, Jacob et Rachel, Joseph et Asnath en présentent différents aspects. Car aucun type, si beau soit-il, ne peut faire ressortir toutes les perfections de Celui en qui habite la plénitude de la déité corporellement. Ainsi Jacob, faible image de Christ, acquiert dans la souffrance et par un dur service l’épouse tendrement aimée. Isaac, lui, figure de Christ ressuscité, reçoit celle que le père lui destine, amenée par le serviteur. Arrêtons-nous un moment sur ce dernier récit (Gen. 24), si riche en instructions.
Près du terme d’une vie de foi, Abraham se trouve abondamment béni par l’Éternel, «son bouclier et sa très grande récompense», mais son plus cher trésor, c’est son fils unique, offert un jour sur l’autel. Il avait estimé, par la foi, que Dieu pouvait le ressusciter même d’entre les morts, d’où aussi en figure il l’avait reçu (Héb. 11:19). Maintenant Isaac, le fils bien-aimé, doit recevoir une épouse digne de lui. Combien de fois dans ces versets revient cette expression : «mon fils... pour mon fils !» Et dans ce but il envoie en Mésopotamie celui «qui avait le gouvernement de tout ce qui était à lui» (v. 2) mais par deux fois il lui enjoint : «Garde-toi d’y faire retourner mon fils». L’épouse sera amenée en Canaan, vers Isaac, resté auprès du père.
Ce serviteur obéissant, constamment attentif à rechercher la volonté de Dieu, sans jamais se laisser distraire de sa mission, apparaît comme un beau type du Saint Esprit, envoyé sur la terre après que Jésus ressuscité se fut assis à la droite de Dieu dans la gloire.
Le Père, le Fils, le Saint Esprit sont également Dieu. Mais le Fils a trouvé ses délices à accomplir ici-bas la volonté du Père jusqu’à la mort, et le Saint Esprit prend plaisir à servir les conseils du Père touchant la gloire de son Fils bien-aimé. «Celui-là me glorifiera — disait le Seigneur à ses disciples — car il prendra de ce qui est à moi et vous l’annoncera» (Jean 16:14). Le Consolateur appelle l’Épouse hors du monde, invite instamment les rachetés à le suivre, attire leurs coeurs vers Christ.
Que de leçons le serviteur d’Abraham peut nous enseigner ! Il ne connaît personne dans cette ville étrangère ; homme de prière, il demande : «Fais-moi faire, je te prie, une heureuse rencontre aujourd’hui... Que la jeune fille... soit celle que tu as destinée... à Isaac» (v. 12, 14). Une telle requête, expression d’une réelle dépendance, ne peut que recevoir une réponse immédiate (1 Jean 5:14 — És. 65:24).
Rien ne soutient autant dans la prière qu’un oeil simple fixé sur un seul objet : Christ ; un coeur qui désire l’accomplissement des conseils du Père. Mais si nous cherchons à satisfaire notre propre volonté, pouvons-nous nous attendre à une réponse ? (Jacq. 4:3). La foi, elle, peut être mise à l’épreuve, la patience peut être exercée, mais tout est simple quand on s’attend à Dieu.
Rebecca est trouvée près d’un puits d’eau, figure constante de la vérité révélée comme une réalité vivante pour l’âme. À la requête du serviteur, «vite, elle abaissa sa cruche sur sa main et lui donna à boire». Heureux empressement, digne de retenir notre attention et de nous servir de modèle (Rom. 12:11). Et dans son dévouement, elle dépasse de beaucoup le service demandé. Elle répond ainsi, sans le savoir, au signe attendu de Dieu seul. Il en résulte aussitôt pour elle une première bénédiction, les dons, que fait le serviteur. Si nous sommes attentifs aux sollicitations pressantes de l’Esprit de Dieu, il nous révélera peu à peu les richesses insondables de Christ. Les yeux de notre coeur seront éclairés pour discerner l’espérance de notre appel.
Puis le serviteur s’enquiert : «De qui es-tu fille ?» Question primordiale : l’épouse ne saurait être prise ailleurs que dans la parenté d’Abraham. Quels sont maintenant ceux que le Seigneur reconnaît comme faisant partie des siens ? «Quiconque fera la volonté de Dieu» (Matt. 12:50 — Marc 3:35), et : «ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent» (Luc 11:28). Pour faire partie de l’Épouse de Christ, il faut que notre filiation soit bien établie (Jean 1:12 — Rom. 8:14, 17).
L’envoyé du père demande encore : «Y a-t-il pour nous dans la maison... un lieu pour nous loger ?» (v. 23). Sommes-nous disposés à laisser le Saint Esprit nous remplir, occuper toute la place ? (Éph. 5,18 ; 4:30).
Rebecca, maintenant, court vers sa famille. La Parole nous met souvent en garde contre l’indolence. Cette hâte, cet empressement parlent d’un coeur saisi par la grâce, animé par le Saint Esprit. Entré à son tour dans la maison et malgré les fatigues du voyage, le serviteur déclare : «Je ne mangerai pas avant d’avoir dit ce que j’ai à dire» (v. 33). Il n’aura pas de repos avant d’avoir délivré son message. Écoutons son fidèle témoignage : son maître est grand, il a été abondamment béni, et surtout il a un fils unique auquel il «a donné tout ce qu’il a» (voir Jean 3:35). C’est ainsi qu’aujourd’hui encore le Saint Esprit fait connaître et le Père et le Fils.
Dieu a disposé les coeurs (Prov. 21:1). «Voici Rebecca devant toi : prends-la, et t’en va ; et qu’elle soit la femme du fils de ton seigneur» (v. 51). Elle reçoit aussitôt des dons plus précieux encore, avant-goût de ce qui l’attend si elle accepte de devenir l’épouse de l’héritier des promesses. Ces trésors lui parleront de lui tout au long du voyage.
Mais le serviteur diligent désire hâter l’heure du départ : «Ne me retardez point» (v. 56). L’amour pour son maître passe avant toute autre considération.
L’un des secrets de la vie du chrétien, dès qu’il a discerné la volonté de Dieu, c’est d’accomplir aussitôt son service, sans rechercher ses aises ou son avantage (Ps. 119:60). Ce sera l’effet et le signe d’un travail opéré en lui par le Saint Esprit. Mais nous montrons trop souvent notre faiblesse, épargnant la chair et négligeant ce qui est dû à Dieu.
Le frère et la mère insistent : «Que la jeune fille reste avec nous quelques jours, dix au moins». Ils sont toujours nombreux ceux qui tiennent un tel langage. Les plus grands obstacles spirituels aux progrès d’une âme se manifestent souvent au sein de sa famille, à l’heure où il s’agit de se décider résolument pour Christ.
Mais quelle simplicité dans la foi de Rebecca ! Elle a écouté le récit de l’envoyé du père. Elle a cru, et elle a contemplé par la foi celui auquel elle était destinée (voir 1 Pier. 1:8). Si un Hobab, plus tard, refusera d’aller (Nomb. 10:29), si un Lot s’était attardé tandis que sa femme regardait en arrière (Gen. 19:16, 26), Rebecca, elle, comme Ruth longtemps après, est prête à oublier son peuple et la maison de son père, à se séparer des idoles. Quand Dieu prépare un coeur, il est réellement préparé. Désormais Isaac occupe la première place dans les affections de la jeune fille. Elle répond sans détours : «J’irai». Son coeur est pour ainsi dire déjà parti, ses pieds ne pourront manquer de suivre.
La même fermeté devrait animer l’Église, celle qui a été fiancée à un seul mari, pour être présentée à Christ comme une vierge chaste (2 Cor. 11:2). Il faut joindre à la foi, la vertu. Prendre avec le secours d’en haut, un bon départ. La coupure doit être nette avec tout ce qui nous liait auparavant (2 Cor. 5:17). Ne nous attachons pas à ce qui, nous le savons bien, n’a pas de valeur. Sinon notre course sera hésitante, le Saint Esprit constamment attristé. Infatigable, l’Ennemi cherche toujours à corrompre ce qu’il ne peut détruire autrement (2 Cor. 2:11). Il voudrait détourner les regards de l’Épouse, entraver sa course... Mais si nous nous sommes enfuis pour saisir Christ, l’espérance proposée, «nous avons comme une ancre de l’âme, sûre et ferme, et qui entre jusqu’au dedans du voile, où Jésus est entré» (Héb. 6:19, 20). Nous partageons désormais l’amour et l’espérance du peuple de Dieu, nous partageons aussi ses souffrances. Mais les expériences, les épreuves du désert, reçues de la main de Dieu, deviennent tout autant d’occasions de le glorifier. La patience, le support mutuel, la douceur d’esprit ont si souvent lieu de s’exercer (Col. 3:12, 13).
«Rebecca se leva»... Il lui appartenait à elle seule de le faire. Mais quelqu’un était prêt aussitôt à la prendre entièrement en charge. Le serviteur «prit» Rebecca et s’en alla. Il a gagné son coeur pour Isaac et il va poursuivre ses soins. Il la conduira avec intelligence et sans doute l’instruira des trésors qu’elle va partager dans la maison paternelle. Heureux entretiens pour une âme qui a besoin d’encouragements (Héb. 10:36, 37). N’y a-t-il pas une grande distance à franchir, un désert à traverser, des dangers de toutes sortes ? Elle ne connaît ni la durée du voyage ni l’heure de la rencontre avec l’époux. Mais elle persévère (comp. Phil. 3:14), se confiant en celui qui bientôt va l’introduire dans la plus précieuse des relations. Isaac occupe ses pensées ; en paix elle avance vers Canaan. Et plus elle s’éloigne du pays de Laban, cet homme gouverné par ses propres intérêts, et plus elle approche des tentes d’Isaac, qui vit près de ce puits du Vivant qui se révèle.
Retirée du présent siècle mauvais, selon la volonté de Dieu, l’Épouse de Christ avance, elle aussi, à travers ce monde, pour appartenir sans retour à Celui qui est du ciel. Quant au voyage, il devrait nous suffire de savoir que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes d’être comparées avec la gloire à venir qui doit nous être révélée. Notre vie doit être désormais gouvernée par le Saint Esprit de la promesse, qui est les arrhes de notre héritage (Éph. 1:13). Il veut, douces prémices, occuper nos coeurs de l’amour de Christ. Seule la jouissance d’un tel amour a le pouvoir de nous détacher de la terre. Fermons l’oreille à tout vain bruit, sinon, comme il arrive trop souvent, le travail de l’Esprit sera accompagné de répréhension.
L’Épouse doit cheminer sans relâche, les yeux fixés sur le but proposé à la foi même si, à vue humaine, toute progression paraît vraiment impossible (Ex. 14:15). Ne faisons pas de halte inutile, craignons de nous endormir, de laisser la chair entraver elle aussi nos pas (Héb. 12:1). Plusieurs étaient bien partis, mais ils se sont assis découragés au bord du chemin, d’autant plus exposés aux assauts de l’ennemi (Deut. 25:17). La vie spirituelle est parfois si végétative que seul peut-être le Seigneur la discerne-t-il encore. Heureux sommes-nous si plutôt nous pouvons dire avec l’apôtre : «Ayant donc reçu le secours qui vient de Dieu, me voici debout jusqu’à ce jour» (Act. 26:22).
À l’approche du soir, la caravane va atteindre le but. L’attente de Rebecca se fait plus vive. Avec cette promptitude qui est le fruit de l’amour, Isaac lève les yeux le premier et regarde. Rebecca de son côté aperçoit cet homme qui marche dans les champs à sa rencontre. Elle pressent que c’est Isaac, interroge son fidèle conducteur. Il confirme : «C’est mon seigneur». Alors, comme il approche, en toute révérence et humilité elle descend du chameau. C’est la fin du désert, des pièges du chemin et de la fatigue qui a pu l’atteindre (Nomb. 20:14). Elle prend aussi son voile et se couvre. Car «elle était très belle, vierge, et nul ne l’avait connue». Elle sait qu’elle ne doit appartenir qu’à Isaac, elle désire qu’il en soit ainsi. Nul autre ne doit pouvoir jouir de sa beauté. Alors à son tour Isaac prend Rebecca, lui donne une place de choix dans l’intimité de la tente. Seule compte désormais la joie du fils et la satisfaction des désirs de son coeur.
Depuis longtemps déjà le cri a retenti : «Voici l’époux ; sortez à sa rencontre !» L’Église, gagnée par l’influence délétère de ce monde, était tombée dans un profond sommeil. Mais sous l’impulsion puissante du Saint Esprit, de nombreux croyants, arrachés à leur torpeur, se sont levés, ont apprêté leurs lampes pour éclairer la nuit. Rendus attentifs à la parole : «Quiconque a cette espérance en lui se purifie comme lui est pur» (1 Jean 3:3), ils se détachèrent de tout ce qu’une communion réelle avec le Seigneur ne saurait sanctionner (Phil. 3:7, 8). Ils attendaient constamment Sa venue (Matt. 25:13) et leur marche en rendait témoignage. Mais une nuit plus épaisse encore s’est étendue sur ce monde. Parvenus si près du but, demandons-nous si l’espérance de la venue du Seigneur n’a rien perdu de sa fraîcheur et de sa puissance dans nos âmes et sur nos vies. L’attendons-nous plus que les sentinelles n’attendent le matin (Ps. 130:6) ? C’est la dernière étape. Comment sera-t-elle fournie ? Christ trouvera-t-il chez son Épouse une attitude semblable à celle, si remarquable, de Rebecca ? Il nous fait entendre dans le secret de nos coeurs les mêmes paroles que Ruth autrefois (3:3) : «Lave-toi donc, oins-toi et mets sur toi tes habits». C’est la veille d’un jour de fête ! Il convient de s’y préparer. La grâce sera faite à l’Épouse de revêtir bientôt sa robe nuptiale de fin lin éclatant et pur (Apoc. 19:8). Or cette robe se tisse, point par point, jour après jour, avec les justes actes des saints. Quelle part prenons-nous à cet ouvrage ? (1 Cor. 3:13-15). Sous la conduite du Saint Esprit, conscients de la place d’intimité qui nous est réservée, ce sont les traits de la sainte humanité de Jésus que nous devons refléter. Ainsi il y aura dans nos vies plus d’humilité et de sérieux, plus de cette sainte séparation du monde suggérée par le voile.
Les yeux de la bien-aimée du Cantique, derrière son voile, pouvaient se comparer à ceux de la colombe (4:1). Notre oeil est-il simple, tout empreint de pureté et de fidélité à Christ ? Pourrons-nous lui dire : «Tous les fruits exquis, nouveaux et anciens : mon bien-aimé, je les ai gardés pour toi» (7:13) ?
Christ est pour les siens l’étoile brillante du matin. «L’Esprit et l’Épouse disent : Viens», et, prélude aux délices prochaines, Il répond : «Je viens bientôt». Dans un instant, peut-être, il se présentera l’Épouse à lui-même et son amour divin en sera satisfait. Sommes-nous prêts ?
Mais à nos coeurs ton Esprit fait entendre
Que des hauts cieux déjà revient l’Époux !
Avec ferveur nous désirons l’attendre :
Réveille-nous, Seigneur, réveille-nous !