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Méditations sur la Parole de Dieu

 

Luc

 

 

Louis Chaudier

 

 

Table des matières :

1      Les rencontres du Seigneur avec une âme — Luc 5:1-11 ; 7:36-50 ; 18:39-43

2      Pécheur et adorateur — Luc 7:35-50

3      Face à face avec Jésus — À propos de Jean 3 ; 4 ; 11 ; Luc 10:38-42

4      Marthe et Marie — Luc 10:38-42 ; Jean 11:1-2, 17, 20-26, 28-29, 32-35, 39-44 ; 12:1-3, 7-8

5      Désirer ardemment — Jacques 4:2 ; 1 Pierre 2:2-3 ; 1 Corinthiens 12:31, 14:1, 39 ; 1 Timothée 3:1 ; Psaumes 84:2 ; Philippiens 1:23 ; 2 Corinthiens 5:2 ; Luc 22:15

6        Défaillances — Luc 22:31-34, 54-62 ; Jean 21:15-19 ; Galates 2:6-14 ; 2 Pierre 1:13-14

7      Le brigand sur la croix — Matthieu 11:25-30 ; Luc 23:39-46

8      La mort et la résurrection de Jésus — Luc 24:1-6, 10-16, 28-32, 36-53 ; Matthieu 28:1-10, 16-20 ; Jean 20: 1-5, 10-12, 14-17, 19-23 ; Marc 16:19-20

9      Demeure avec nous ! — Luc 24:29-35

 

 

 

Le texte de ces méditations a été révisé par Bibliquest dans sa forme, par rapport à diverses éditions papiers précédentes. Les révisions ont été limitées à ce qui était nécessaire à une expression et une compréhension correctes. Le texte reste marqué par son caractère oral, non révisé par l’auteur. Dans certains cas d’expressions au sens discutable, l’imperfection de celles-ci a été laissée de peur d’en perdre une certaine vigueur.

Certains textes ont été repris de l’ouvrage «Méditations sur la vie chrétienne» édité en 1995 par F.R., et sont notés comme tels. Ces textes ont fait l’objet (par F.R.) d’une révision un peu plus poussée.

 

 

1   Les rencontres du Seigneur avec une âme — Luc 5:1-11 ; 7:36-50 ; 18:39-43

 

[LC n° 47]

21 décembre 1947

 

Dans l’évangile de Luc, le Seigneur est présenté comme homme. À plus d’un égard, cet évangile rappelle l’offrande de gâteau, la perfection de Jésus homme. Ses beautés comme homme, par contraste avec le premier Adam, se lisent à chaque page, dans cet évangile.

Nous avons ici trois rencontres de Jésus avec trois personnes, deux hommes et une femme, dans des circonstances toutes différentes. Le premier est un homme qui a été rencontré dans les circonstances ordinaires de sa vie. Il travaillait ; il gagnait sa vie. Cela nous arrive à tous, et c’est une chose excellente, selon la Parole, d’avoir à gagner sa vie ; le contraire est même repris par la Parole. Seulement, puisque gagner sa vie est un devoir pour l’homme dans ce monde, l’homme, volontiers, veut faire croire que c’est le seul devoir ; et c’est ce qu’on entend dire tous les jours : il faut bien faire son travail ; il faut bien faire ses affaires ! Oui, tant qu’on n’a pas rencontré le Seigneur. Lorsque le chemin du Seigneur croise le chemin de quelqu’un, c’est toujours un changement profond qui est produit. Pierre était jusque-là un homme sans histoire, un homme quelconque, comme on en trouve à chaque pas. Voilà que sa rencontre avec Jésus va bouleverser entièrement l’existence de Pierre, et de quelle manière !

Dans cette première scène, point sur lequel je voudrais insister, nous voyons que le Seigneur rencontre Pierre et lui parle en s’adaptant, pour ainsi dire, à sa condition. Le Seigneur applique la vérité à la condition de chacun, et il prend Pierre en le saisissant dans son activité même. C’est en rapport avec l’activité de Pierre que Pierre est saisi par la présence du Seigneur. Il en est toujours ainsi. Le Seigneur nous touche là où nous sommes. Il y a là une leçon très importante pour tout enseignement, quel qu’il soit. Il faut qu’un enseignement touche une âme là où elle est. Si un enseignement n’est pas adapté à l’état d’une âme, il n’y a rien de fait ; le service est perdu. C’est pourquoi le Seigneur parle à Pierre en l’arrêtant dans un domaine que Pierre connaissait très bien. Il se sert même de l’activité de Pierre pour le saisir, introduire un fait inouï qui frappa Pierre. Ce n’est pas par un fait spirituel, un développement de doctrine, non, mais dans l’exercice de son travail. Le principe est général. C’est pourquoi aussi il est de toute importance que nous lisions toutes les portions de la Parole de Dieu, parce que nous ne pouvons pas savoir d’avance celle qui va nous aider. Et il est de toute importance que l’enseignement de la Parole de Dieu soit présenté dans la dépendance du Seigneur, pour qu’Il saisisse les âmes là où elles sont. On trouve d’autres exemples de ce fait, dans le Nouveau Testament.

Lorsqu’un pécheur est dans son péché, il ne s’agit pas d’aller l’enseigner sur les vérités les plus élevées. Il faut lui dire ce qu’il est à même de comprendre, qu’il est un pécheur dans son péché. Il faut lui dire : Voilà ce que tu es. Quand un chrétien est en mauvais état, il ne faut pas lui parler comme s’il était en bon état… Le Seigneur ne le fait pas.

Voilà donc Pierre qui est saisi par le déploiement de la puissance du Seigneur.

Un second fait à signaler est le suivant, un fait que nous trouvons toujours. C’est que, lorsqu’une âme rencontre Dieu, elle ne tient compte de personne. Une preuve infaillible du fait que l’âme a rencontré Dieu, c’est qu’elle ne s’occupe de personne. Pierre se jette à genoux et dit : Je suis un homme pécheur. C’est le doigt de Dieu. On ne forcera pas, hormis Dieu, une âme à parler ; mais Dieu force une âme à parler contre elle-même. Il y a des personnes qu’on pourrait martyriser jusqu’à la mort sans leur faire desserrer les lèvres. Lorsque Dieu saisit une âme, il touche le ressort caché qui met en mouvement et le coeur et les lèvres. De sorte qu’une preuve — et c’est d’une importance pratique — que Dieu agit, c’est cet aveu, cette droiture devant Dieu et devant les hommes, qui fait qu’une âme scellée, fermée comme un tombeau, s’ouvre, parle et dit : Voilà ! Elle parle à Dieu ; elle dit ce qu’elle est. Cela ne veut pas dire que cela se fasse toujours en public, ou en tout cas totalement en public ; mais voilà le principe. Toutes les fois qu’on trouve une âme qui se récuse, qui s’abrite, se cache, qu’il s’agisse d’un inconverti ou d’un croyant, on peut dire qu’au moment même où elle fait cela, cette âme n’est pas dans la présence de Dieu. C’est important. J’espère que celui qui exprime ces paroles le sent pour lui-même. Il n’y a pas de vérité en dehors de la présence de Dieu. Il peut y avoir apparence, mais c’est la grande différence entre tous les pharisiens du monde et ceux qui ont la foi.

«Retire-toi de moi…» ; c’était un brave homme. Il s’écrie : Je suis un homme pécheur. Il arrive qu’on rencontre même des frères ayant de pareils sentiments, et si nous ne veillons pas, nous tous en sommes capables ; nous avions une mauvaise opinion de nous hier et aujourd’hui nous en aurons une bonne ! Nous tous, nous devons vivre avec ce sentiment que nous sommes entièrement vils.

Ce pauvre Pierre n’a pas tout appris en une fois ; la suite le montre. Il a eu à se faire reprendre par le Seigneur. Il s’est fait traiter de «Satan» par le Seigneur, parce que Pierre a eu peur de la croix. Quand le Seigneur se présentait comme Messie, Pierre était le premier, se mettait au premier rang. Mais quand Il se présente comme Fils de l’homme qui doit être crucifié, au visage de qui on va cracher : «Seigneur, Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera point» (Matt. 16:22). Est-ce que nous ne faisons pas comme Pierre, bien des fois ?

La réponse du Seigneur, elle est pour nous : «Va arrière de moi, Satan, tu m’es en scandale» (Matt. 16:23).

Je désirais souligner ces deux points : d’abord, que le Seigneur prend une âme au point où elle en est ; en second lieu, que la présence de Dieu produit cette ouverture d’une âme, une âme jusqu’alors plus scellée, plus fermée qu’un tombeau !

Le doigt de Dieu, d’un geste sûr, touche exactement le ressort qu’il faut. Cela échappe à toute analyse ; tout ce qui est de Dieu échappe à l’analyse. C’est un fait ; c’est ce qui fait que, dans les conversations, quand on rencontre une âme, il arrive fréquemment qu’on a le sentiment que cette âme n’est pas devant Dieu. Ou, si elle y a été, elle s’en est allée, elle a oublié !

Un autre point à signaler, à côté de cette ouverture de l’âme, c’est la droiture devant Dieu. C’est important, la droiture, devant Dieu ; devant les hommes, c’est très important, mais devant Dieu, cela l’est davantage : «sa face regarde l’homme droit».

Ce n’est pas facile d’être droit devant Dieu. Il est plus difficile d’être droit devant Dieu que devant les hommes. Les deux sont peut-être liés ; que chacun médite sur ce point. Mais être devant Dieu avec un coeur ouvert ! Est-ce qu’il n’y a pas, dans notre coeur, une partie, une zone, obscure, interdite ? Quand nous prions, dans notre secret, dans notre vie, n’y a-t-il pas une tranche de notre vie, une portion de notre activité, ou bien je ne sais quelle retraite des affections, au sujet desquelles nous n’osons rien dire à Dieu ? Si oui, nous ne sommes pas droits.

Être droit devant Dieu est d’une importance capitale, pour l’incrédule en qui Dieu travaille et, pour le chrétien, pendant toute sa vie.

«Nous avons été manifestés à Dieu…» (2 Cor. 5:11). Être droit devant Dieu !

Nous savons ce qu’on appelle, dans le monde, un homme droit : droit dans les affaires, etc. L’homme droit, dans le monde, c’est un homme qui se cache. Dans le monde, un homme droit, c’est un descendant d’Adam ! Est-ce que nous n’avons rien de caché pour Dieu, dans notre vie ? Les motifs qui nous font agir, les choses que nous faisons, est-ce que tout cela est ouvert devant Dieu ? Est-ce que la lumière de Dieu y plonge ? «Sonde-moi, ô Dieu ! et connais mon coeur… Et regarde s’il y a en moi quelque voie de chagrin (ou d’idole), et conduis-moi dans la voie éternelle» (Ps. 139:23-24).

Est-ce notre désir de tous les jours, frères et soeurs ?

Les voies tortueuses sont le résultat du manque de droiture de l’âme. Ce n’est pas toujours facile, d’aller droit ; c’est quelquefois plus pénible, et cela coûte plus cher ; mais c’est le seul chemin.

Voilà déjà quelques points que l’attitude de Pierre nous montre.

«Je suis un homme pécheur». Il n’a pas toujours marché droit, après, puisque Paul l’a repris devant tous. Il louvoyait ; nous voyons cela dans Galates. Il n’allait pas droit, et il risquait d’entraîner dans un mauvais chemin les croyants. Aussi Paul, quand il sent que le bien du peuple de Dieu est en question, ne transige pas. Il le reprend devant tous ; c’est une forme de discipline comme une autre. Nous le trouvons d’ailleurs signalé dans un autre passage. Paul a senti que le salut du troupeau devait l’empêcher de reculer devant la discipline publique à exercer à l’égard de Pierre.

Plus on va — en tout cas, je dis ce que je sens dans ma petite mesure — plus on sent l’importance de la droiture devant Dieu. Et la droiture devant Dieu, c’est l’aveu à Dieu de tout ce qu’on a fait. Une chose qui n’a pas été avouée et réglée avec Dieu, elle reste. Dieu la connaît ; c’est une ombre. On dit dans le monde, et même chez les chrétiens : le temps arrange tout. Il n’arrange rien.

Pierre a eu à apprendre à se connaître ; et c’est une leçon que nous avons tous à apprendre, toute notre vie. Pierre était très brûlant, il aimait le Seigneur. Il est tombé très lourdement, parce qu’il ne s’est pas méfié de lui-même.

On se rend compte, quand on présente l’évangile — et ceux qui le présentent ont à s’en souvenir — qu’on doit rencontrer le Seigneur. Une fois ne suffit pas ; il faut se tenir toujours devant lui. On peut avoir une belle conversion, authentique, et puis très mal marcher.

Ensuite vient la femme de Luc 7. Dans cette scène, il s’agit d’une femme. Son histoire est marquée dans ce passage, sans bruit. Cette femme, on ne l’entend pas ; on la voit agir. On parle d’elle ; le Seigneur parle d’elle ; le Seigneur lui parle. Voilà la scène. Il y avait eu, du côté de cette âme, un outrage à Dieu, connu de tout le monde ; cette âme avait outragé Dieu. Il faut répéter ici qu’un péché, quel qu’il soit, est, avant tout, contre Dieu.

Nous nous préoccupons beaucoup plus de nos voisins, quand nous péchons, et cela prouve que nous ne sommes pas devant Dieu. Mais quand nous sommes devant Dieu, nous nous préoccupons beaucoup plus de l’offense à Dieu qu’à nos voisins. Pourquoi nous préoccupons-nous plus de nos voisins ? Parce que nous avons peur de leur réaction ; tandis que Dieu, dont nous ne réalisons pas la présence, ou très lointainement, nous effraie moins. Nous nous soucions moins de la réputation de Dieu que de la nôtre ! On ne met pas un homme en prison parce qu’il a offensé Dieu. Un homme peut injurier Dieu sur la place, on le laissera tranquille. On le mettra plutôt en prison parce qu’il aura prêché Christ. Voilà l’ordre, dans le monde. Le Seigneur rétablit le vrai ordre moral.

Cette femme n’aurait jamais osé venir dans cette maison, la maison d’un pharisien ! Elle ne dit rien. Elle sait que Jésus est là. Elle s’avance ; elle va droit à Jésus, ne voit personne. Nous retrouvons le fait que nous disions tout à l’heure, que lorsqu’une âme est touchée par Dieu, elle ne voit que Dieu, que le Seigneur ; les circonstances sont annulées. Quand nous avons rencontré le Seigneur nous-mêmes (et même dans d’autres circonstances), nous savons très bien que, lorsque nous réalisons la présence de Dieu, rien ne compte. Nous ne voyons que Dieu ; nous ne voyons que le Seigneur. Cette femme a le courage de la foi. Qu’elle sente le mépris retenu, c’est probable ; mais elle a trouvé le chemin vers Dieu, et s’y dirige sans hésitation.

Trouvons-nous dans cette âme un caractère analogue à celui de Pierre ? Parfaitement ; c’est un point que je voulais signaler. Nous trouvons ici la droiture et l’aveu, la confession publique. Mais comment ? Elle ne parle pas ! Elle a une attitude qui est plus puissante que des paroles. C’est un point à signaler, parce que, certainement, nous sommes en danger d’oublier que Dieu est lumière : «il n’y a en lui aucunes ténèbres» (1 Jean 1:5). Cette femme n’a pas un mot pour sa défense. Elle n’a pas un mot pour se plaindre de toutes les moqueries dont elle a pu être l’objet. Elle prend sa place, se soumet à tout, se met devant Dieu à la place qui est la sienne. Elle justifie Dieu.

«Mon fils, donne gloire à Dieu», dit Josué à Acan (Jos. 7:19). Que de fois cette expression m’a frappé ! Comment donner gloire à Dieu ? En disant la vérité que tu as cachée. «Mon fils, donne gloire à Dieu». Et lorsque cet aveu est réalisé, Dieu ne demande rien de plus.

Dans 1 Jean, nous voyons que «si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité» (1:9), mais pas si nous ne les confessons pas. Et «nous», dans l’épître, ce sont des chrétiens.

Un enfant qui est en mauvais rapports avec son père, qui a péché contre son père, ne retrouvera pas la liberté avec lui, s’il ne lui a pas ouvert son coeur. Dieu serait-il moins difficile qu’un père selon la chair ?

Demandons-nous dans quelle mesure cet oubli de la nature de Dieu est à la base de la privation des bénédictions dont nous pouvons souffrir, les uns ou les autres, ou tous ensemble.

Quand nous jouissons de la présence de Christ dans notre vie privée, ensemble, alors nous n’avons pas tant de souci de savoir comment nous paraissons aux autres. Ce souci disparaît complètement. Mais alors, nous pouvons jouir de l’amour de Dieu, de la sainteté de Dieu, de la présence de Dieu. Ah, si tous nos coeurs étaient bien ouverts, si nous savions dire à Dieu tout ce qui marque notre marche, nous serions bien plus heureux que nous ne sommes dans nos réunions, et en particulier au culte ! J’en suis persuadé, l’entrave, c’est cela ! Nous ne pouvons pas forcer la main de Dieu ; nous ne la forcerons jamais. Mais, regardez, quand une âme a pris cette place, le Seigneur bénit toujours. Une autre femme, dans un autre endroit, demande à être guérie. Le Seigneur lui dit : Je ne suis venu que pour les brebis d’Israël, pas pour les chiens. «Les chiens ramassent les miettes qui tombent» (Matt. 15:27). C’est tout. Elle a pris sa place ; elle est bénie. Le Seigneur paraissait très dur, de dire cela à cette femme ; quelle dureté apparente ! Mais le Seigneur ne peut pas nous bénir dans nos mensonges, dans les ténèbres. Nous voulons la bénédiction ? Déchirons notre coeur. Il y a de l’interdit dans notre vie ? Il y a peut-être quelque chose qui vous cache la face de Dieu ? Il faut aller aujourd’hui devant Dieu : Voilà, j’ai quelque chose que je ne t’ai jamais dit. C’est cela, la vie chrétienne. Nous disons que Jésus est notre meilleur ami, et nous lui fermons notre coeur. Notre meilleur ami, c’est celui à qui nous parlons et qui nous parle, à qui nous disons nos peines, nos défaillances ; et il nous parle. Réalisons-nous cela, ou bien avons-nous un manquement, peut-être des péchés, une idole ? Vous croyez que Dieu va vous bénir, avec une idole ?

Ce qu’il y a de beau dans cette femme, c’est qu’il n’y a pas de pénombre, rien de caché. Nous pouvons être sûrs que le Seigneur, ici, «boit du torrent dans le chemin» (Ps. 110:7). Combien c’est important, pour les jeunes, de les habituer, de les encourager, à ne rien cacher à Dieu. Il y a des choses qu’ils ne peuvent même pas dire à leurs parents ; mais à Dieu, ils peuvent tout dire. Que les frères aussi le fassent. Rien n’échappe à Dieu. Une pensée mauvaise a-t-elle traversé notre coeur ? Elle est devant Dieu. Mais vous direz : Impossible de vivre, alors ! Mais plus on jouit de Dieu, plus on est exigent, pour jouir de Dieu. C’est pourquoi, lorsqu’il y a de l’interdit dans une réunion, plus un chrétien est sérieux et spirituel, plus il souffre. Il dit : Seigneur, nous ne pouvons pas tenir ; c’est la chair qui règne ; nous ne pouvons pas vivre ainsi, Seigneur.

Oh, que le Seigneur nous accorde la grâce d’être toujours dans l’attitude de ces âmes, et de cette femme en particulier ! Nous avons tous beaucoup le souci de notre réputation. Mais, devant Dieu, ce souci disparaît. C’est la chair qui a ce souci ! Alors, nous savons la réaction de Simon le pharisien. Nous savons ce que c’est qu’un pharisien. Le sentiment d’un pharisien n’est, au fond, étranger à personne. Mais nous devons veiller à ne pas être dans un état de pharisien. Cet homme, qui ne connaissait pas Dieu, mais avait une certaine confiance dans le Seigneur, a des pensées ; et le Seigneur répond aux pensées qu’il a dans son coeur : «Simon, j’ai quelque chose à te dire». «Maître, dis-le» ; il ne se dérobe pas.

Quand le Seigneur nous arrête, qu’il dit : J’ai quelque chose à te dire, il ne faut pas dire : Seigneur, demain, ou oublier ce qu’il nous a dit. Si le Seigneur nous dit : Aujourd’hui, il faut couper ta main droite et la jeter loin de toi, il ne faut pas attendre demain pour le faire. Il nous le dit aujourd’hui ; c’est aujourd’hui qu’il faut le faire. Sinon, nous manquons peut-être l’occasion de le faire.

Le Seigneur établit un parallèle entre le pharisien et cette femme, et dit à Simon : Voilà ce que tu n’as pas fait, et voilà ce qu’elle a fait. Et il s’arrange pour que le pharisien lui-même juge son propre coeur, tranche la chose.

Un verset est très important. C’est quand le Seigneur dit : Cette femme, il lui a été beaucoup pardonné.  Quelle est la leçon à tirer de ces paroles ? Cette femme n’avait pas de connaissance, aucune. Mais elle aimait le Seigneur, et le Seigneur tranche sur le cas d’une âme qui, sans connaissance, aime Christ. Il dit : Va, ta foi t’a sauvée ; va-t’en en paix. Partout dans le monde où une âme aime Christ véritablement, elle peut n’avoir aucune lumière, aucune connaissance, mais son cas est tranché par le Seigneur. Le pharisien Simon savait sans doute pas mal de choses sur le Messie, sur l’Ancien Testament. Voyez l’usage qu’il en fait ! Et nous, nous avons à faire attention, nous aussi, à ne pas faire un mauvais usage des connaissances étendues que le Seigneur nous a données. Il est dit dans un Psaume : «Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé» (51:17). Un atome d’esprit brisé vaut mieux que toute la connaissance du monde ; c’est vrai. Il est plus facile d’acquérir la connaissance que d’obéir. Rien n’est si difficile qu’obéir.

Et nous trouvons, dans cette âme, un aveu, une confession de ce qu’elle a fait ; son attitude le montre. Et notre attitude à nous, chrétiens, frères, soeurs, montre-t-elle toujours que nous portons sur nous-mêmes, sur ce que nous avons fait, le jugement que Dieu porte ? C’est bien ce qu’on aime à voir, en particulier chez les jeunes qui se disent croyants, et non pas tant la connaissance ! La connaissance ne mène pas quelqu’un bien loin. Mais plutôt, ce cachet de crainte, d’humilité, de réserve, que seule donne la présence de Dieu, voilà quelques reflets de cette présence ! Et en même temps, cette âme a trouvé le repos ; elle a trouvé le port, elle a trouvé un refuge. Lorsqu’une âme jouit du Seigneur, les hommes tiennent beaucoup moins de place dans ses pensées. Elle a trouvé un refuge ; elle a trouvé celui qui ôte le péché, celui qui fait paraître devant Dieu sans conscience de péché !

C’est quelque chose, quand nous pensons à nos péchés ! Nous sommes ici, ce qu’on appelle, dans le monde, de braves gens. Eh bien, chacun de nous sait ce que c’est, un brave homme, dans le monde. Chacun sait ce qui bouillonne dans le coeur d’un brave homme, dans ce monde !

Cette femme a trouvé celui qui bénit.

Il ne nous faut pas toujours parler du péché comme d’une chose lointaine, et de la croix comme d’une chose lointaine, mais du péché comme d’une chose qui nous caractérise : Je suis pécheur ; je suis entièrement pécheur ; moi, je suis tel. Ce n’est pas mon frère, ce n’est pas mon voisin ; je suis pécheur, entièrement pécheur.

Et ensuite, nous avons cette scène du chapitre 23.

On est étonné de voir quels témoins le Père a choisis pour le Fils, au long de sa carrière. On est étonné des témoins que le Père a suscités, le long du chemin du Fils : un pêcheur pauvre, le voilà qui se lève pour se prosterner devant le Seigneur ; cette femme, une pécheresse, la voilà qui se prosterne pour rendre hommage au Seigneur. Et puis, tout à la fin, Dieu a choisi les pécheurs les plus évidents, ceux pour qui il n’y avait pas de manteau moral ! Il les a choisis pour honorer son Fils. Entre ce pauvre pêcheur, cette femme et ce brigand dont l’attitude brille à la croix, et puis tous les personnages importants du peuple, il n’y avait, aux yeux de Dieu, aucune différence. Mais la présence de ces pécheurs parlant ou s’inclinant, agissant en rencontrant le Seigneur, met en évidence la mission dont le Seigneur était chargé. On pouvait voir que le Seigneur n’était pas venu pour rien, que de toute évidence il était venu pour des pécheurs. Il met de côté, d’une façon définitive, la sagesse des sages, l’intelligence des intelligents, et la sainteté des pharisiens.

Voilà encore un témoin. Le Seigneur est sur la croix. C’est avant les trois heures. Il a épuisé l’opprobre de la part des hommes. Le coeur de l’homme s’est ouvert, à la croix. Il s’était plus ou moins caché, le coeur de l’homme ; mais, à la croix, il s’est ouvert. Est-ce que votre coeur, chers amis, s’est ouvert devant la croix de Jésus ? Est-ce que votre coeur s’est ouvert de telle manière que tout le monde puisse bien lire que vous êtes celui qui avez craché au visage de Jésus, qui l’avez frappé, cloué sur la croix, que vous êtes celui qui a pris la lance et percé le côté de Jésus mort ?

Nous aimons à penser qu’il n’y en a pas un seul qui pense qu’il n’est pas capable de ces choses. Nous en sommes tous capables. C’est notre main qui s’est portée sur Jésus ; c’est notre bras qui l’a frappé ; c’est notre coeur qui a montré ce qu’il était. C’est tellement vrai, chers amis, que même parmi les chrétiens aujourd’hui, même parmi les frères quelquefois, on dirait : Oh, il ne faut pas trop dire sur Jésus, il ne faut pas trop demander ! Ne nous demandez pas tout notre coeur ! Des chrétiens diraient : Ne me demandez pas tout mon coeur ; je veux en garder un peu pour moi. Est-ce cela, oui ou non ? Est-ce que nous ne voulons pas garder un peu de notre coeur pour nous, et en donner le moins possible à Jésus ?

Est-ce que Jésus est votre seul objet ? S’il n’est pas votre seul objet, une autre chose risque, demain, d’être votre seul objet. Si vous voulez, dans votre coeur, emporter deux objets, l’un Jésus et puis un autre, Jésus sera chassé de votre coeur.

Regardez l’expérience des chrétiens, qui sont partis vrais chrétiens, enthousiastes pour le Seigneur, et qui n’ont pas veillé. Il y a eu conflit. Le diable leur a présenté un objet autre que Christ. Il y en a beaucoup. Il y a des objets pour lesquels des hommes deviennent célèbres. Il y aura beaucoup d’hommes célèbres, dans les ténèbres de dehors ; il n’y aura pas que des brigands. Mais, chers amis, parlons pour nous. Est-ce que nous veillons tous les jours à ce que notre saint et unique objet, Jésus, ne soit chassé de notre coeur, par rien ni personne ? Est-ce que nous sommes malheureux lorsque, pendant une heure, nous perdons la communion avec le Seigneur ? Ah, je n’ai pas fait attention ! Est-ce que nous sommes malheureux ? Si nous sommes malheureux, très bien ; si nous ne sommes pas malheureux, nous sommes déjà en chute.

Voilà le coeur de l’homme mis à nu. Notre coeur, le mien, il n’est pas brillant !

Vous savez ce que la chrétienté, et nous aussi, risquons de faire : se parer de la croix comme d’un ornement. Il y a même des personnes qui portent la croix sur elles comme un objet d’art, ou comme une amulette. Quelle iniquité ! Et il arrive qu’on voie cela chez un chrétien. Est-ce là la façon de porter la croix de notre Seigneur Jésus-Christ ?

Ah, combien nous avons de défaillances, tout au long d’une semaine, certainement ! Mais ce qui plaît au Seigneur, c’est un coeur qui pleure et qui souffre lorsqu’il a eu une défaillance, et qui dise : Seigneur, ce n’est pas possible ; je ne peux pas vivre dans ce monde sans toi. Est-ce notre désir ? Voilà ce qui devrait caractériser les frères et les soeurs. Ils ont pris une position extérieure avancée, une position d’avant-garde dans le christianisme. Cette position d’avant-garde ne peut être tenue qu’avec des affections sans reproche pour Christ. Et on ne pensera jamais que c’est par amour pour Christ que nous avons deux objets dans notre coeur.

À la croix, le monde a bien montré ce qu’il était. Le coeur de Dieu et le coeur de l’homme sont face à face, à la croix. Ils l’ont été dans d’autres circonstances ; mais l’un et l’autre se sont pleinement ouverts à la croix. C’est ce qui fait de la croix une heure unique.

Pour ne dire qu’un mot du brigand, voilà cet homme qui a insulté Jésus. Est-ce que vous vous glorifiez, est-ce que nous nous glorifions, de notre Seigneur Jésus Christ pendu sur la croix ? Est-ce que, quant au monde, c’est notre sujet de gloire, ou est-ce que nous nous glorifions des grands hommes de ce monde ? On en honore, de ces immortels, comme on les appelle — qui sont immortels par leurs péchés. Oh, chers amis, une affliction et une indignation mêlées nous saisissent, quand on voit que le monde honore ceux qui se sont même servi du nom de Jésus pour faire leur volonté jusqu’à la mort.

Quand donc le Seigneur mettra-t-il de l’ordre dans ce monde ? Nous soupirons après ce moment-là. Quand donc notre Seigneur aura-t-il sa place dans ce monde, et ceux qui couvrent d’opprobre son nom prendront-ils la leur ? Mais qu’en attendant, notre coeur soit comme un royaume de Dieu où règne, par de saintes et puissantes affections, notre Seigneur Jésus Christ.

Il ne nous a pas chargés de mettre de l’ordre dans le monde ; et c’est ce que nous disions : Lorsque les chrétiens se mêlent de la politique du monde dans le détail, c’est une très grave infidélité à Christ ; ils renient l’époux. Mais il y a un royaume, un domaine, qui est du ressort de notre responsabilité ; c’est notre propre coeur. Êtes-vous aussi jaloux de tenir votre coeur en ordre que de voir l’ordre régner dans le monde ? Vous n’avez pas à dépasser cette limite ; et cela suffit à nos exercices et à nos labeurs.

La croix de notre Seigneur Jésus Christ !

«Quel bonheur, toujours tu seras

Ma gloire et mon Sauveur !»

Est-ce cela d’un dimanche à l’autre, chers amis ?

Tout le monde était d’accord, sauf quelques croyants timides, pour rejeter le Fils de Dieu : «Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous» (Luc 19:14) ! Nous comprenons bien cela, parce qu’il nous arrive, à nous, que Jésus nous gêne. On voudrait bien l’écarter. On comprend qu’il ait gêné ce monde. Dans cette scène, avant les trois heures, Dieu a réservé pour son Fils un homme. Et voilà ce brigand, qui, avec l’autre, avait insulté Jésus, transpercé par Dieu, et qui ouvre sa bouche en se tournant vers son compagnon. Nous voyons, chez cet homme, ce que nous avons vu chez les autres : une confession, une droiture parfaite. Il dit : Nous sommes à notre place ; on ne s’est pas trompé en nous condamnant ; les hommes m’ont mis là, c’est juste. Mais il dit : Je me fais le garant que celui qui est au milieu de nous n’a rien fait qui ne se dût faire. C’est la voix du brigand qui s’élève, pour justifier Jésus.

L’aveu de cet homme prouve que la lumière est dans son âme ! Il se tourne vers Jésus : «Souviens-toi de moi…». C’était un roi couronné d’épines. Mais ce brigand voit la gloire qui repose sur Jésus. Il n’a peut-être pas beaucoup de foi, mais il ne se trompe pas. Il se condamne ; il justifie Dieu.

Nous avons vu, dans les trois cas, la porte de la bénédiction. Cette âme reçoit la parole : «Aujourd’hui, tu seras avec moi dans le paradis».

C’est, après Jésus, un brigand qui est entré dans le paradis. Voilà le cortège qu’a préparé le Père pour le Fils. Bien-aimés, il vaut mieux être un brigand, qui se voit devant Dieu ce qu’il est, que quelqu’un qui se croit sage, saint et vertueux.

Je désire laisser devant nous tous, au moins, l’enseignement que nous donne cet exemple. À nous tous chrétiens, chers amis, ou à un inconverti s’il y en a un, quelqu’un qui marche peut-être avec beaucoup de bagages et beaucoup de choses pour se cacher à la vue de Dieu et à sa propre vue, je désire laisser cette pensée, au moins. Que Dieu nous donne de ne rien laisser de caché dans notre vie, aucune ombre, de tout dire à Dieu, et de remonter où il faut remonter ! Il faut vider notre coeur devant Dieu, si nous voulons la bénédiction.

Que le Seigneur nous donne de nous souvenir que ce qui est précieux devant lui, c’est la droiture, la vérité dans l’homme intérieur. C’est le secret de la bénédiction pour l’inconverti qui vient à Dieu ; c’est le secret de la bénédiction dans la marche et la vie chrétienne de tous les jours.

Nous avons à tenir notre coeur ouvert, et la lumière de Dieu y demeurera sans cesse. Alors, de quoi est faite notre vie ? De dépendance d’abord, de joie, de bonheur, de puissance dans la présence de Dieu. Que le Seigneur nous donne aussi, à nous tous ensemble, comme corps de Christ, d’avoir ce même exercice et ce même souci d’une parfaite droiture devant Dieu.

 

2   Pécheur et adorateur — Luc 7:35-50

 

[LC n° 48]

22 juillet 1957

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 110

 

Si on nous demandait notre jugement, nous aurions sûrement de l’estime pour le pharisien et des blâmes pour la femme pécheresse. Mais, heureusement, nous ne sommes pas abandonnés à notre propre appréciation, et nous pouvons tabler sur le jugement d’un plus juste que nous. «Et la sagesse a été justifiée par tous ses enfants» (Luc 7:35). La sagesse, c’est la sagesse de Dieu ; les enfants de la sagesse, ce sont les enfants de Dieu. Justifier cette sagesse, c’est se mettre d’accord avec Dieu. Le nom du pharisien nous est connu — Simon — mais pas celui de cette pécheresse, tandis qu’au chapitre 16 nous avons le nom du pauvre — Lazare — et pas celui du riche ; le nom de cette femme, c’est aussi son titre : «enfant de la sagesse».

Le pharisien a une certaine estime pour Jésus ; il l’a invité en qualité de prophète. Aujourd’hui, il y a des gens qui ont une certaine estime pour Jésus, et qui le mettent devant les autres, mais au même rang. Ce n’est pas ce que Dieu veut. Dieu l’a oint d’une huile de joie au-dessus de ses compagnons (Ps. 45:7). Jean le baptiseur disait : «Celui qui vient d’en-haut est au-dessus de tous. Celui qui est de la terre est de la terre, et parle comme étant de la terre. Celui qui vient du ciel est au-dessus de tous». C’est pourquoi : «Il faut que lui croisse, et que moi je diminue» (Jean 3:30-31). Est-ce que Jésus peut croître ? Est-ce que je puis diminuer ? Car, après l’apôtre Paul, nous pouvons répéter que nous ne sommes rien : «Moi, j’ai planté, Apollos a arrosé… celui qui plante n’est rien, ni celui qui arrose» (1 Cor. 3:6-7). Jean le baptiseur veut dire : il faut que lui croisse à vos yeux, qu’il devienne toujours plus grand dans votre estime. L’estime que le pharisien avait pour Jésus a baissé. Il ne le tenait plus pour un prophète. Il dit en lui-même : «Celui-ci, s’il était prophète, saurait qui et quelle est cette femme qui le touche, car c’est une pécheresse» (Luc 7:39). Cette femme, au contraire, témoigne par ses actes une estime qui va croissant pour la personne du Seigneur. Elle savait que Jésus était là ; elle était venue, comme Zachée, pour voir «quel il était» (Luc 19:3). Son premier acte est d’apporter «un vase d’albâtre plein de parfum». Le parfum est le symbole de l’adoration, et les éléments de l’adoration se trouvent chez le pécheur. Le Père n’a pas cherché des adorateurs en esprit et en vérité chez les anges ; ils sont adorateurs de Dieu, mais pas du Père. Nous avons une relation avec Dieu plus intime que les anges. Les adorateurs ne se recrutent ni chez les propres justes, ni chez les êtres qui ne sont pas tombés, mais chez les pécheurs, en qui une oeuvre de Dieu s’est opérée après celle qui a été opérée pour eux.

Aux pieds de Jésus, cette femme pleure. Elle ne prononce pas un mot. Ce ne sont pas seulement les mots qui comptent. Il est bien dit : «Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé» (Act. 2:21), mais aussi «Ce ne sont pas tous ceux qui me disent : Seigneur, Seigneur, qui entreront dans le royaume des cieux… Plusieurs me diront en ce jour-là : Seigneur, Seigneur, n’avons-nous pas prophétisé en ton nom, et n’avons-nous pas chassé des démons en ton nom, et n’avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom ? Et alors je leur déclarerai : Je ne vous ai jamais connus» (Matt. 7:21-23). C’est l’état du coeur qui compte.

C’est la marche de Jésus dans ce monde qui a fait sentir sa culpabilité à cette femme. «Si une femme a une longue chevelure, c’est une gloire pour elle» (1 Cor. 11:15). Elle prend ce qu’elle a de plus glorieux pour essuyer les pieds de Jésus, la partie la plus humble de sa personne ; puis elle les couvre de baisers, lui témoignant ainsi tout son amour. Le pharisien ne comprend rien à cette scène. Au lieu d’imiter sa foi et sa repentance, il la blâme, et il blâme Jésus. «Celui-ci, s’il était prophète, saurait qui et quelle est cette femme qui le touche, car c’est une pécheresse», comme si lui n’était pas un pécheur. Beaucoup d’hommes sont assez ignorants pour croire qu’ils ne sont pas aussi pécheurs que les autres. «Un créancier avait deux débiteurs» — le créancier, c’est Dieu, les débiteurs ce sont les pécheurs — «l’un lui devait cinq cents deniers, et l’autre cinquante» (7:41). Y a-t-il des hommes qui ont une grande dette et d’autres une petite dette envers Dieu ? Non. Il n’y a pas de grands pécheurs et de petits pécheurs. Il y a, bien sûr, des différences de culpabilité, mais elles sont minimes pour Dieu. Parmi les hommes, il y en a qui reconnaissent qu’ils sont de grands débiteurs envers Dieu et d’autres qui se croient de petits débiteurs. Le pharisien a compris que celui à qui il a été beaucoup quitté est celui qui aime le plus, mais il ne se reconnaît même pas dans le petit débiteur. Le Seigneur ne lui adresse pas un mot de louange, et il n’adresse que des louanges à la femme. Il en sera ainsi au jour du jugement de Dieu, devant le grand trône blanc, parce que là on verra plus que jamais que, devant Dieu, il n’y a pas de petits débiteurs. Les hommes les meilleurs, amenés dans la présence de Dieu, se reconnaissent-ils comme de petits débiteurs ? Job était «un homme parfait et droit, craignant Dieu et se retirant du mal» (Job 1:1) ; il faisait beaucoup de bien : il pleurait «sur celui pour qui les temps étaient durs», et son âme était «attristée pour le pauvre» (Job 30:25), il faisait «chanter de joie le coeur de la veuve» (Job 29:13), il était «les yeux de l’aveugle» (Job 29:15). Amené dans la lumière de la présence de Dieu, se reconnaît-il comme un petit débiteur ? «J’ai horreur de moi, et je me repens dans la poussière et dans la cendre» (Job 42:6). Heureux ceux qui sont dans cet état-là !

Jésus veut un amour ardent de notre part. Il n’est pas possible d’être un disciple de Jésus si on ne l’aime pas plus que tout : «Celui qui aime père ou mère plus que moi, n’est pas digne de moi ; et celui qui aime fils ou fille plus que moi, n’est pas digne de moi» (Matt. 10:37) ; et «si quelqu’un vient à moi, et ne hait pas son père, et sa mère, et sa femme, et ses enfants, et ses frères, et ses soeurs, et même aussi sa propre vie, il ne peut être mon disciple» (Luc 14:26). Il a droit à notre amour suprême. C’est pourquoi les tièdes, qui professent être chrétiens, seront rejetés du Seigneur. Celui qui n’a pas adoré Jésus dans ce monde, comment l’adorerait-il dans l’autre monde ?

Lorsque Jésus demande au pharisien : «Dis donc lequel des deux l’aimera le plus», Simon répond : «J’estime que c’est celui à qui il a été quitté davantage». L’amour est la conséquence du pardon. Mais au verset 47, l’amour est la cause du pardon : «Ses nombreux péchés sont pardonnés, car elle a beaucoup aimé». Comment expliquer cette apparente contradiction ? Jésus veut montrer à la femme que son amour résulte de sa foi et au pharisien que le pardon des péchés résulte de l’amour pour sa Personne. «Et il dit à la femme : Ta foi t’a sauvée, va-t’en en paix». Où l’envoie-t-il ? Nulle part. Cette femme était en route pour l’éternité, en paix avec son Sauveur.

 

3   Face à face avec Jésus — À propos de Jean 3 ; 4 ; 11 ; Luc 10:38-42

 

[LC n° 56]

12 août 1962

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 123

 

Si nous ne faisons pas la connaissance de Jésus dans ce monde-ci, nous ne la ferons pas dans l’autre monde. L’occasion ne nous est offerte que dans celui-ci. Nous pourrions nous considérer comme désavantagés par rapport à ceux qui ont connu Jésus vivant dans ce monde. Nous ne sommes pourtant nullement frustrés ; nous sommes même beaucoup mieux placés qu’eux pour le connaître, parce que nous avons la Parole de Dieu tout entière et le Saint Esprit pour nous éclairer ; eux n’avaient ni l’un ni l’autre. La dispensation est différente.

Ne soyons pas soucieux avant toute chose du sort de ceux qui sont dans le paganisme ! Pensons premièrement à notre état personnel ; ensuite, Dieu pourra nous donner de penser aux autres. Chacun doit avoir affaire à Dieu comme s’il était le seul sur la terre. Dieu ne nous a pas chargés de gouverner le monde, ni de le sauver. Il peut employer des évangélistes, il en emploie, mais il peut s’en passer. Le travail du bon serviteur consiste à mettre les âmes en contact avec Dieu. Mais le serviteur n’est rien, rien du tout.

Le Seigneur apprend à Nicodème cette vérité de base que «si quelqu’un n’est né de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu» (Jean 3:3). Il faut dire cela dans les assemblées, aujourd’hui. Nul ne peut se prévaloir de son ascendance pour posséder le salut, même si cinq ou six générations l’ont précédé dans l’assemblée. Ne nous amusons jamais avec la vérité de Dieu ; n’en faisons pas un jouet pour nos esprits ! Ne cherchons pas à l’adapter à l’erreur par un calcul humain ! La nouvelle naissance, c’est une vie nouvelle. La conversion n’est pas l’amélioration du vieil homme, c’est le don d’une nature nouvelle, divine. Nous devenons participants de la nature divine (2 Pierre 1:4). «L’Esprit lui-même rend témoignage avec notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu» (Rom. 8:16). Les frères, qui m’ont enseigné autrefois, m’ont montré le chemin, mais ils ne m’ont pas donné la vie. C’est l’Esprit qui rend témoignage avec notre esprit.

Nicodème vient de nuit à Jésus. Quand une âme est travaillée par le Seigneur, elle sent inconsciemment qu’elle va s’attirer l’inimitié du monde ; un instinct spirituel le fait sentir. La piété aussi sent que, dans ce monde, elle n’est pas chez elle. Elle est dans le domaine de l’ennemi. Le chrétien mondain ne s’en rend plus compte ; il a piétiné les frontières. Mais un chrétien fidèle sait qu’il doit vaincre ou mourir : la lutte avec le monde et avec son prince n’est pas toujours violente, mais permanente et sans merci. Il ne faut pas non plus décourager une âme troublée, une conscience labourée ; aidons-la, mais ne la flattons pas ! Suivons l’exemple du Seigneur ! Voyant Nicodème, n’importe qui se serait dit : «Voilà un personnage considérable ; il faut l’enrôler dans notre groupe !». Tous ceux qui cherchent à faire des recrues pensent à eux, à leur clan. Nicodème, «docteur d’Israël», veut traiter le Seigneur comme son égal, bien que frappé quand même par ses paroles. Ne nous laissons pas non plus troubler par la fanfaronnade de gens plus instruits que nous ! Avec la Parole de Dieu, nous avons la lumière, la vérité, nous avons Dieu lui-même.

Les rencontres avec Jésus sont souvent solitaires, toujours personnelles ; même au milieu de la foule, Jésus remarque une femme qui le touche ; elle a la foi. Un homme est souvent tiré de la foule pour venir à Jésus. Nous ne trouvons pas les mouvements de masse au début de l’Église, sauf en Actes 2:41 : «En ce jour-là furent ajoutées environ trois mille âmes». On reçoit la Parole chacun pour soi. «Afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle» (Jean 3:16), une autre vie, une autre nature.

À une autre occasion, le Seigneur rencontre une femme. Nicodème faisait partie de l’élite sociale, mais pas cette femme. Le Seigneur la prend au milieu de ses occupations. Il ne va pas lui donner des enseignements. Elle est malheureuse, parce qu’elle vit un problème moral. Jésus lui dit : «Je vais te donner de l’eau vive. Si je te donne de cette eau, tu n’auras plus soif à jamais». La soif est l’expression d’un état d’insatisfaction créé par la chute. L’homme n’est jamais content. Lorsqu’il a obtenu un objet désiré, aussitôt il en veut un autre, et il n’étanche pas sa soif. Nous connaissons des joies familiales, sociales, mais elles ne conduisent jamais à un état définitif. Et, par dessus tout, plane l’épouvantable ombre de la mort. Comment peut-on être tranquille avec une telle menace ? Jésus nous offre l’eau vive, celle qu’il fait jaillir dans l’âme du croyant : il n’a plus soif à jamais. La femme lui dit : «Donne-moi cette eau, afin que je n’aie pas soif» (Jean 4:15), comme nous demandons d’avoir le contentement de l’âme dans le désert de ce monde où tout est opposé à la foi. Un frère disait : «C’est le désert partout, mais j’ai une source chez moi». Avec une source, on peut traverser le désert ; mais avec une outre, comme Agar, on ne va pas loin.

Au fond, tout le monde voudrait bien aller au ciel, mais il y a des problèmes à régler. Le Seigneur ne peut pas ouvrir la porte du bonheur à cette femme sans lui avoir dit, en grâce, la vérité. Elle venait au puits en cachette, quand personne n’y était. Mais, après que Jésus lui eût parlé, elle laisse sa cruche et va trouver les gens : «J’ai trouvé un homme qui m’a dit tout ce que j’ai fait». Le chemin du bonheur passe par la conscience. Tout le monde a des problèmes de conscience à régler. Personne n’aimerait que toute sa vie soit produite en public. Pour que Dieu nous bénisse, il faut qu’il voie tout, entre partout, déploie tous les replis de notre vie. Des fautes pèsent parfois lourdement sur la conscience et sont un obstacle pour la réception de la foi. Il faut venir à Jésus et tout lui dire ; il peut tout entendre, même les choses les plus épouvantables. Il les connaît, mais il faut que nous nous mettions d’accord avec lui pour les condamner. Vous n’apprenez rien à Dieu en confessant vos fautes, mais la valeur de la confession, c’est la confirmation de votre accord avec lui quand il vous condamne. La fraude a disparu du coeur. Toute la vie chrétienne se joue au-dedans de l’âme ; l’extérieur, les faits eux-mêmes, ce que vous paraissez, ne comptent pas.

Qu’est-ce que votre vie ? Quelle en est la signification ? Quel est votre passé, votre présent, votre avenir, votre raison d’être ? À quel espoir vous accrochez-vous ? Il n’y a pas d’explications à la vie humaine en dehors de Christ. Christ est la clé de l’énigme de ce monde. En dehors de lui, en dehors de la Parole, la vie n’a pas de signification. Tout est provisoire ; Dieu seul nous donne ce qui est définitif, inaltérable, absolu. Il nous place devant les problèmes éternels, et lui seul en donne la solution dans l’Écriture.

En Luc 10, nous voyons Jésus dans une scène familiale, dans la maison de Béthanie, la seule où il était à l’aise. Un des trois personnages sort de sa place : Marthe fait un reproche au Seigneur, comme s’il ne savait pas ce qu’il avait à faire. «Marthe était distraite par beaucoup de service» (v. 40). Le service ne doit pas passer, dans notre coeur, avant le Maître. «Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera pas ôtée» (v. 42). Pour bien servir, il faut bien écouter. Un bon serviteur vit près de Jésus, et il sait ce qu’il doit faire. Pour servir, il faut cultiver la communion avec le Seigneur tous les jours avec un grand soin. Rester tranquille avant d’agir, pour agir en obéissant. Le Seigneur en donne l’exemple en Jean 11. On le harcèle : «Seigneur, Lazare est malade», et il ne bouge pas. Il reste dans la dépendance de son Père, même si tout le monde est contre lui. Il attend, et Lazare meurt. En apparence, il avait eu tort d’attendre. Et quand le moment est venu, il se lève, il part, et, au lieu de guérir un malade, il ressuscite un mort, chose plus extraordinaire encore à la gloire de Dieu.

Il faut suivre le Seigneur, et non pas le précéder. Marie a appris cela aux pieds de Jésus :

— aux pieds de Jésus, pour apprendre de lui ;

— aux pieds de Jésus, pour pleurer dans l’épreuve ;

— aux pieds de Jésus, plus tard, pour répandre le parfum et adorer.

Nous sommes souvent paresseux, égoïstes, enfoncés dans nos propres pensées; c’est vrai : nous manquons de dévouement, mais nous manquons aussi de dépendance. La préoccupation de soi-même, et même la préoccupation du service, peuvent éloigner du Seigneur ; voilà la subtilité de l’ennemi. Aller avec le Seigneur, mais le faire passer, lui, le premier. Quand nous devons rester tranquilles, restons tranquilles ; quand nous servons, servons avec lui ! «Pour moi, vivre c’est Christ», disait l’apôtre Paul. Ce n’est pas prêcher, cela, et il a pourtant prêché toute sa vie. Ceci peut expliquer beaucoup la faiblesse actuelle des frères ; ils manquent de dépendance et de communion avec le Seigneur. Ceux qui entreprennent trouvent les autres paresseux ; mais l’excès des uns ne corrige pas l’excès des autres. L’équilibre, c’est à la fois la dépendance dans le secret, la ferveur dans son coeur et, comme fruit, le dévouement à l’extérieur. Quand nous avons été paresseux onze mois de l’année, ces onze mois sont perdus ; quand nous avons été actifs sans le Seigneur, la perte est la même. Paul, avant sa conversion, dépensait de l’énergie jusqu’à mettre à mort les membres de Christ. Il pouvait dire : «Quant à la justice qui est par la loi, étant sans reproche» (Phil. 3:6). Une fois sa volonté brisée, il a dit : «Que dois-je faire, Seigneur ?» (Actes 22:10) ; il n’avait pas perdu son énergie, mais il la mettait au service de son Maître. Si nous n’apprenons pas avec le Seigneur, il peut permettre qu’on apprenne par le mal ce qu’il y a dans notre coeur : c’est l’école de Satan. Apprenons plutôt avec Dieu !

Que Dieu grave sa Parole dans nos âmes à tous ! Que le débordement d’activité inouï de nos jours ne détourne pas notre attention de l’essentiel ! Le monde est un grand fleuve qui va se jeter dans le cours de l’éternité.

 

4   Marthe et Marie — Luc 10:38-42 ; Jean 11:1-2, 17, 20-26, 28-29, 32-35, 39-44 ; 12:1-3, 7-8

 

[LC n° 49]

10 février 1957

 

Il y a toujours, pour nous, une très grande instruction à considérer comment le Seigneur, lorsqu’il est avec les foules ou dans une maison, parle, agit, ou garde le silence, à s’arrêter sur la façon dont le Fils de Dieu, l’homme parfait, s’est comporté en toutes circonstances, à l’égard du pauvre, à l’égard du pharisien superbe, peu disposé à recevoir de lui quoi que ce soit ; en présence de toutes les douleurs, aussi. Les passages que nous avons lus nous décrivent précisément l’attitude du Seigneur, dans des circonstances elles-mêmes bien instructives.

Nous avons tout d’abord deux états d’âme, représentés par deux soeurs de la même famille, Marthe et Marie, les sentiments de chacune étant manifestés par la présence du Seigneur. Car ce que nous sommes, notre état spirituel ou moral, se révèle en présence de Jésus. L’attitude de chacune de ces deux personnes est dépeinte en des traits d’une très grande simplicité, des traits qui peuvent définir nos attitudes de tous les jours, celles qui remplissent notre vie quotidienne. Les passages lus décrivent d’ailleurs des actes et des attitudes très simples. Les grands sentiments sont toujours simples, et se traduisent toujours par des actes simples, mais qui parlent.

Marthe représente un état que nous connaissons tous beaucoup trop. Le Seigneur reprend Marthe. On peut penser qu’elle a forcé le Seigneur à la reprendre, parce qu’elle a trop parlé. Si elle n’avait fait que trop agir, sans parler, le Seigneur ne l’aurait peut-être pas reprise. Mais elle parle ; et, si on ose dire, elle fait un reproche indirect au Seigneur : «Dis-lui donc qu’elle m’aide» (Luc 10:40). Chers amis, c’est tellement bien notre portrait !

Marthe était remplie de qualités. Elle était certainement supérieure à beaucoup. Mais la voilà qui, remplie de zèle, va jusqu’à inviter le Seigneur à parler de telle et telle manière à sa soeur ; comme s’il existait, au monde, dans quelque situation que ce soit, un chrétien à même de dire au Seigneur, notre Maître, notre Sauveur, celui qui sonde les reins et les coeurs, ce qu’il doit dire à quelqu’un : «Dis-lui donc qu’elle m’aide».

Le Seigneur met le doigt, d’une façon douce et avec une précision divine, sur ce qui devait être repris. Comme c’est clair, comme c’est simple ; comme c’est bien ce que nous avons à entendre tous les jours : «Marthe, Marthe, tu es en souci et tu te tourmentes de beaucoup de choses, il n’est besoin que d’une seule» (10:41-42) ! Que de fois, chers amis, dans notre service — car ici il s’agit du service accompli proprement pour le Seigneur ; et il fallait bien que le Seigneur fût ce qu’il est, pour reprendre ainsi Marthe, qui se dépensait pour lui — nous nous dépensons pour le Seigneur d’une façon telle que nous encourons son reproche. Et il est trop fidèle, et il nous aime trop, pour ne pas nous le faire entendre. Marthe voyait son service et, par cela même, perdait de vue son Maître. Elle avait oublié que la source de l’énergie et de la grâce, pour un service quelconque, n’est pas en soi, mais n’est qu’en Christ. Et c’est pourquoi le Seigneur lui dit : «Mais Marie a choisi la bonne part, qui ne lui sera point ôtée» (10:42). Cette bonne part, nous ne la saisissons jamais trop. Marie était assise aux pieds de Jésus, écoutant sa Parole. Elle avait compris ce qui, a priori, parait bien simple (mais qu’est-ce que la logique, lorsqu’il s’agit de nos égarements, de nos pensées et de nos sentiments ?). Marie avait compris qu’elle avait besoin du Seigneur plus que le Seigneur n’avait besoin d’elle ; tandis que Marthe croyait que le Seigneur avait plus besoin d’elle qu’elle n’avait besoin du Seigneur. La différence est fondamentale, foncière. Puissions-nous méditer cela, qui explique le caractère et la nature du service et de la vie entière des serviteurs et des témoins du Seigneur.

Marie est la figure de l’heureux état qui plaît au Seigneur, parce que son attitude confesse et proclame que le Seigneur lui est nécessaire par-dessus tout. Le Seigneur n’a besoin de personne. S’il nous accorde de le servir, c’est une grâce ; mais il ne peut recevoir le service que si celui-ci est produit par lui-même dans le coeur des siens. Il n’a besoin de personne.

«Marie était assise aux pieds de Jésus, écoutant sa parole». C’est un verset qui nous a été, pour ainsi dire, légué par tous ceux qui nous ont enseignés et qui se sont arrêtés, profondément et sérieusement, sur la scène qu’il présente, parce qu’ils ont éprouvé — et nous l’éprouvons après eux — le danger très grand de remplacer la dépendance par l’activité, de remplacer le sentiment de la nécessité absolue d’avoir le Seigneur dans son coeur par du travail pour le Seigneur. Le travail accompli de cette manière ne pèse pas lourd, dans la balance de Dieu. Et il nous prive de notre seule source de joie et de force, qui est l’approbation du Seigneur.

Qu’il soit donné aux jeunes chrétiens, frères et soeurs, qui ont à coeur de servir le Seigneur, de s’arrêter devant cette scène, et de méditer la Parole sortie, à cette occasion, de la bouche de celui qui est leur Maître comme il est le nôtre, et comme il était celui de Marthe et de Marie.

Dans la vie ordinaire, nous pouvons avoir, avec le Seigneur, l’attitude de Marthe ou celle de Marie. Mais ce qui l’honore vraiment, c’est l’attitude qui consiste à rester aux pieds du Seigneur et à écouter sa Parole, c’est-à-dire, aujourd’hui, qui consiste à lire et à méditer l’Écriture. Il nous est impossible d’avoir l’intelligence du service et la grâce nécessaire pour le faire, ni le zèle et l’énergie selon Dieu, si nous ne sommes pas dans cette attitude, aux pieds du Seigneur. Que de fois chacun de nous n’a-t-il pas fait l’expérience, qu’après avoir oublié cette parole du Seigneur à Marie, il a fallu que, dans le secret avec lui, il s’humilie pour lui déclarer, lui dire, que sa Parole ne pouvait mentir, et que, pour avoir oublié que la bonne part, c’est de rester assis aux pieds du Seigneur, en voulant le servir autrement, il l’avait desservi.

Qu’il nous soit donné de peser cela. Ce n’est pas un encouragement à la paresse, mais un encouragement positif à l’activité dans l’obéissance, qu’il est si difficile d’apprendre ; ce qui explique pourquoi, dans le cours du temps, et en particulier dans la chrétienté, les deux attitudes de Marthe et de Marie se sont, l’une comme l’autre, retrouvées. Des milieux chrétiens ont concrétisé dans leur activité et leur caractère le portrait moral que Marthe offre ; tandis que d’autres ont reproduit, d’une façon vivante, le portrait moral de Marie. Qu’il nous soit donné, chers amis, de peser cela, afin que nous ne manquions pas notre service.

Il fut pénible, pour Marthe, de recevoir le reproche du Seigneur. Supposons que ce soit notre nom qui soit écrit à la place du sien. Le nom de Marthe est inscrit là, et l’univers connaît cette scène ; les anges la connaissent. Supposons que ce reproche nous soit donné publiquement, avec notre nom inséré dans l’Écriture, qui ne peut être anéantie : nous recevrions la leçon d’une manière bien plus sensible. Qu’il nous soit donné de la recevoir comme si c’était notre nom qui était écrit là (c’est toujours ainsi qu’il nous faut recevoir l’Écriture). Dieu fasse qu’en avançant dans la vie chrétienne, nous nous rendions compte d’une façon croissante que ce dont nous avons besoin, pour le service en particulier, c’est d’avoir le coeur rempli de Christ lui-même, de ses paroles. On n’est pas à même de recevoir les paroles de Jésus, si on est affairé, fût-ce au sujet du service, ou si on ne pense qu’à prêcher ou à s’occuper des autres. Au contraire, on risque d’être dans un état d’âme personnel mauvais et qui est, en outre, très dangereux. C’est aux pieds du Seigneur qu’on est heureux, qu’on est fort aussi, parce qu’on a une force qu’on reçoit à tout moment, et on est en sécurité.

Notre activité ordinaire et quotidienne offre le même danger que le service proprement dit. Si nous sommes très affairés par nos occupations, nous ne saurons évidemment rien de ce que c’est que d’être aux pieds de Jésus pour écouter la Parole. La Parole glissera sur nos coeurs.

Voulons-nous avoir une vie bien remplie, ayant le moins de vide possible ? Le secret d’une telle vie, c’est d’avoir l’âme remplie de ce que Jésus nous apporte. Jésus n’a besoin de personne, pas plus pour évangéliser que pour édifier. Personne n’a jamais, au monde, converti un pécheur ; cela n’existe pas. Personne ne pourra se lever dans le ciel et dire : Voilà celui que moi j’ai converti — je ne dis pas sauvé (bien sûr), mais converti. Et, même quant à l’édification ou à la consolation que nous pouvons apporter à un chrétien, personne ne peut accomplir lui-même cette merveille (car c’en est une), d’apporter à un chrétien la paix, la consolation, l’encouragement, quand il est tout à fait abattu.

Souvent, le Seigneur se sert de tel ou tel comme d’un canal pour communiquer une bonne parole. Mais c’est le Seigneur qui le fait ; l’instrument n’est rien qu’un instrument.

Dans l’état d’esprit de Marthe, l’instrument est quelque chose. Dans celui de Marie, prête à servir (et elle a servi, et tout à fait selon la pensée et la gloire de Dieu), l’instrument n’est rien. Heureux état d’âme, merveilleux état d’âme ! Le secret d’un vrai service, c’est de ne voir que Christ. Quel heureux état que celui de Marie !

Je pense, à ce sujet, aux disciples et à Paul. Deux disciples, à un moment donné, disent au Seigneur : Seigneur, donne-nous d’être l’un à ta droite et l’un à ta gauche, quand tu viendras dans ta gloire (Marc 10:37). Ils demandent la première place, ces disciples qui ont un nom justement honoré ! Ils s’appellent Jacques et Jean. Pourtant, Jacques est mort pour son Maître, et Jean, certainement, a terminé sa carrière d’une façon très brillante, selon Dieu. Finir brillamment sa vie, qu’est-ce que cela veut dire, dans le royaume de Dieu ? C’est, par exemple, finir comme Jean le Baptiseur, qui a eu la tête tranchée et emportée sur un plat. Oui, il a fini brillamment, celui dont le Seigneur, son Maître et le nôtre, disait : «il était la lampe ardente et brillante, et vous vous êtes réjouis pour un temps à sa lumière» (Jean 5:35). Désirons-nous une fin semblable, dans notre coeur ? Désirons-nous un tel honneur ? Ou bien un honneur d’une qualité et d’une nature opposées ?

Lorsqu’ils disent : l’un à ta droite, l’autre à ta gauche, Jacques et Jean ressemblaient plutôt à Marthe qu’à Marie. Paul n’a pas parlé ainsi. Il ressemble beaucoup plus à Marie qu’à Marthe. Dans un passage bien connu de l’Écriture, il ne dit pas : Seigneur, j’ai fait la perte de toutes les choses en ce monde (et il avait beaucoup de choses à perdre, lui qui avait toutes sortes de qualités exceptionnelles, intellectuelles et morales) pour que, Seigneur, tu me donnes la première place à ta droite ou à ta gauche ; mais il dit : «j’ai fait la perte de toutes choses pour le connaître lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances» (Phil. 3:8-10). L’objet qui était dans son coeur et dans son âme, c’était Jésus lui-même. Est-ce cet objet-là qui nous gouverne, chers amis ? Est-ce que c’est Jésus lui-même qui est le désir, la faim et la soif, de notre coeur ?

Après cette scène, au cours de laquelle Jésus, entrant dans la maison, révèle, et pour toujours, l’état dans lequel Marie et Marthe étaient à ce moment-là, nous trouvons une autre scène de la vie de Marthe et de Marie, dans un jour qu’on pourrait dire extraordinaire. Mais on hésite à le dire, parce que ce n’est pas chose exceptionnelle que la mort. Elle entre dans une maison ; elle entre dans toutes les maisons. Elle ne demande la permission à personne. Elle se promène dans le monde ; elle peut entrer partout. Donc, ce n’est pas un fait exceptionnel. Tous les hommes, à l’oeil de Dieu, portent le signe de la mort, qui a été marqué par le doigt de Dieu, pour ainsi dire, sur les premiers de tous, sur Adam et sur Ève. Ils ont pu croire que Dieu avait oublié la sentence, quand ils ont vu qu’ils arrivaient à des âges très avancés. Mais le temps est arrivé où ils sont morts. Et toute leur descendance porte le signe de la mort. L’enfant qui naît, plein de promesses, porte ce signe de la mort. D’ailleurs, plus d’une fois, cet enfant n’aura pas une longue course, et la mort le retirera bientôt de la terre. Disons, en passant, que lorsqu’il en est ainsi pour les enfants, ceux-ci n’ont rien perdu, parce que tous les enfants qui meurent sont au bénéfice de l’oeuvre de Christ : «Jésus est venu sauver ce qui était perdu» (Matt. 18:11). Le Seigneur a dit cette parole à propos des enfants. Pour les adultes, il a dit : «le Fils de l’homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu» (Luc 19:10). Un adulte incrédule est égaré ; c’est pourquoi il doit être cherché. Un enfant est pécheur, mais il n’est pas égaré, car il n’a rien fait avec responsabilité.

La mort a régné dans ce monde, mais son règne est fini. Celui qui avait le pouvoir de la mort, c’était le diable. Dieu le lui avait donné, en gouvernement à l’égard de l’homme, à cause de l’offense de la chute. Mais Christ a vaincu la mort : «il a annulé la mort et a fait luire la vie et l’incorruptibilité par l’évangile» (2 Tim. 1:10).

Dans la scène de Jean 11, c’est la même maison qu’en Luc 10. Mais un voile de deuil est étendu sur elle, et sur Marthe et Marie : leur frère est mort. Cette scène est courante, universelle, mais elle ne peut être banale. La mort n’est jamais une chose banale, jamais ; elle garde toujours ce caractère d’être la reine des terreurs. Que Dieu nous garde de jouer avec ce mot : «la mort». Que Dieu nous garde de toute légèreté en présence de la mort ; ce serait se moquer de Dieu. Mais, d’autre part, que Dieu nous garde, nous croyants, d’être découragés par la mort même, puisque la mort a été vaincue. Pour le croyant, la mort n’a rien d’une condamnation. Elle est, pour le chrétien, une messagère qui lui ouvre la porte des félicités ineffables. Elle est une servante au service du chrétien : «Toutes choses sont à vous… soit vie, soit mort» (1 Cor. 3:21-22). Elle garde son caractère de solennité, d’autant plus que la souffrance y est généralement liée. Mais la mort a perdu son aiguillon. L’aiguillon de la mort, c’est le péché ; et pour le chrétien, la question du péché est réglée. Ses péchés sont ôtés par le sang de Christ.

Dans cette scène de Jean 11, nous trouvons encore que Marthe est pressée de parler et d’agir, tandis que Marie, qui reste tranquille jusqu’à ce qu’on l’appelle, a le calme, l’assurance et l’intelligence que la foi manifeste toujours. Tandis que, lorsque la chair et la foi sont mélangées, chez un chrétien, celui-ci pense à faire plutôt qu’à écouter et à apprendre. La chair n’agit pas autrement. Marie est tranquille. On l’appelle ; elle pleure, se jette aux pieds de Jésus, et lui exprime sa souffrance. Elle est toujours aux pieds de Jésus. Puissions-nous, chers amis, faire des progrès dans la réalisation de cette attitude : aux pieds de Jésus. Quand nos affaires vont bien, comme dans la scène de Luc 10, est-ce que nous restons aux pieds du Seigneur, nous attachant à la lecture de la Parole ? Ou bien sommes-nous occupés du service, sans cultiver avec beaucoup de soin la communion avec le Seigneur ?

Que le Seigneur nous garde de cela, chers amis, de sorte que nous sachions, lorsque la douleur et la peine nous rendent visite, nous réfugier aux pieds du Seigneur. Que ce ne soit pas un chemin peu connu que celui qui nous conduit à cette attitude ! Que ce soit plutôt notre chemin, j’allais dire, «habituel» ; mais je le dis, non pas dans le sens d’une habitude prise, mais celui d’un besoin quotidien de notre coeur.

Dans la troisième scène, celle du commencement de Jean 12, nous trouvons Marie à sa place, toujours la même, aux pieds du Seigneur. Et là, elle accomplit un service d’un prix immense pour le Seigneur. Si elle ne l’avait pas fait en cette occasion-là, elle n’aurait jamais plus pu le faire. Elle a compris que le Seigneur allait mourir. Aucun disciple ne l’a instruite. Aucun disciple n’était à sa hauteur, personne. Au contraire, les disciples sont contre elle, quand elle répand aux pieds de Jésus le parfum de nard pur de grand prix qu’elle avait préparé ; mais elle ne s’en préoccupe pas. Elle a appris, aux pieds de Jésus, à connaître Jésus. Son coeur est rempli de Jésus et, au moment où Jésus va mourir, elle répand le nard pur sur ses pieds. «Et la maison fut remplie de l’odeur du parfum» (v. 3).

Le Seigneur a été tellement sensible à cet acte, qui est peut-être la seule expression de sympathie qu’il ait trouvée à ce moment-là, qu’il dit ailleurs : «en vérité, en vérité, je vous dis qu’en tout lieu où cet évangile sera prêché, on parlera aussi de ce que cette femme a fait en mémoire d’elle» (Marc 14:9).

L’occasion nous est aussi donnée, chers amis, non pas seulement de faire l’expérience que le Seigneur est avec nous dans nos difficultés, dans nos douleurs, dans nos deuils, mais aussi de lui rendre hommage pendant que nous sommes encore dans ce monde, en répandant notre coeur devant lui qui est mort sur la croix pour nous arracher au péché, à la mort, et nous amener dans la présence de Dieu pour l’éternité.

Quelqu’un ici n’aurait-il pas encore une telle part ? C’est aujourd’hui le jour du salut. Demain, où serons-nous, les uns et les autres ? Si ce n’est demain, d’ici peu de temps, où serons-nous ? Le Seigneur peut venir aujourd’hui chercher tous ceux qui sont à lui ; et ceux-là seuls entreraient avec lui dans le repos, le bonheur, les félicités de la maison du Père.

 

5   Désirer ardemment — Jacques 4:2 ; 1 Pierre 2:2-3 ; 1 Corinthiens 12:31, 14:1, 39 ; 1 Timothée 3:1 ; Psaumes 84:2 ; Philippiens 1:23 ; 2 Corinthiens 5:2 ; Luc 22:15

 

[LC n° 147]

5 août 1962

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 286

 

«Vous convoitez, et vous n’avez pas ; vous tuez et vous avez d’ardents désirs, et vous ne pouvez obtenir» (Jacq. 4:2). Les désirs de nos coeurs naturels sont ceux de la vieille nature que nous avons tant de peine à considérer comme morte, du vieil homme qui a été crucifié avec Christ. Cette vieille nature est la source de toutes les guerres, entre des frères, dans une famille, au sein d’une assemblée. Elle nous conduit, dans l’exercice même de la prière, à demander mal, non pas pour le développement de notre vie spirituelle, mais pour satisfaire les désirs du coeur naturel. Ainsi, des bénédictions spirituelles nous échappent, parce que notre nouvelle nature n’est pas en activité : «Vous n’avez pas, parce que vous ne demandez pas» (4:2). La vieille nature a d’ardents désirs, posséder des biens matériels ou jouir d’une certaine autorité, par exemple. Ces désirs ne devraient pas exister chez le croyant ; ce sont ceux de la chair. Que Dieu nous en garde et que nous sachions leur imposer silence.

«Désirez ardemment, comme des enfants nouveau-nés, le pur lait intellectuel» (1 Pierre 2:2). Rejetant les produits de la vieille nature, qui sont un obstacle au développement spirituel, nous pourrons croître et prospérer spirituellement. Le pur lait intellectuel est, dans ce passage, la nourriture qui convient à tous les stades du développement du croyant ; en revanche, en 1 Cor. 3:1-2 et en Héb. 5:12-14, il est la nourriture des petits enfants en contraste avec la nourriture solide, avec la viande, qui convient à des croyants déjà avancés dans la vie chrétienne. Le pur lait intellectuel que nous sommes exhortés à désirer ardemment, c’est la Parole qui nous présente Christ, nourriture excellente sans laquelle il n’y a pas de développement spirituel possible. Cette nourriture doit rester pure, non frelatée, non mélangée avec les pensées naturelles de l’homme. Le ministère doit dispenser cette nourriture qui vient de Dieu, qui est le travail de l’Esprit de Dieu, qui est en accord avec la Parole de Dieu. Est-ce que notre coeur brûle du désir de s’emparer de cette nourriture ? Ou bien se nourrit-il de lectures sans utilité pour la vie spirituelle ? Plus un croyant vit près du Seigneur, plus il sera nourri de la nourriture excellente dont il a besoin.

«Si toutefois vous avez goûté que le Seigneur est bon» (1 Pierre 2:3). Voilà pourquoi nous avons si peu cet ardent désir. Nous savons si peu apprécier la fidèle bonté du Seigneur dans toutes les étapes du chemin, dans les jours de joie comme dans les jours de peine. Formant une maison spirituelle, une sainte sacrificature (1 Pierre 2:5), nous pouvons alors nous approcher de Christ comme d’une pierre vivante pour offrir des sacrifices spirituels agréables à Dieu par lui. Nous serons des adorateurs dans la mesure où nous avons désiré ardemment le pur lait intellectuel. Si nous n’avons pas été chaque jour aux pieds du Seigneur, nous viendrons devant lui avec des corbeilles vides le dimanche. Toutes les réunions d’assemblée ont un caractère collectif ; c’est donc l’assemblée toute entière qui adore.

«Désirez avec ardeur les dons de grâce plus grands» (1 Cor. 12:31). «Désirez avec ardeur les dons spirituels, mais surtout de prophétiser» (1 Cor. 14:1). «Désirez avec ardeur de prophétiser» (1 Cor. 14:39). Les instruments que Dieu emploie sont précieux à leur place, mais le secret de la bénédiction dans une assemblée, c’est l’exercice profond de tous les frères, de toutes les soeurs, pour la prospérité spirituelle de l’assemblée, et non pas l’exercice même des dons, si éminents soient-ils. Prophétiser, c’est mettre les âmes en rapport avec Dieu, par la Parole, au moment du besoin. Quelquefois, cinq paroles peuvent suffire pour faire du bien à tous. Désirons-nous ce don avec ardeur, ou manifestons-nous une paresse coupable en laissant la charge aux autres ? Le manque d’un exercice secret avec le Seigneur est la cause de beaucoup de faiblesse. La vie individuelle d’abord, ensuite seulement il peut y avoir accroissement dans l’assemblée.

«Si quelqu’un aspire à la surveillance, il désire une oeuvre bonne» (1 Tim. 3:1). Voilà un désir qui devrait être dans le coeur de quelques frères dans l’assemblée, par amour pour les saints et pour l’assemblée, pour servir les saints et l’assemblée. La charge de l’ancien se rapproche de beaucoup du ministère pastoral, mais le surveillant connaît les circonstances et les besoins personnels, il connaît les brebis du troupeau. Il discerne aussi ce qui peut nuire au bon ordre : il pressent le danger ; il doit avertir, retenir. Mais il lui faut des qualités morales, une autorité morale. Que de maux dont on aurait pu être préservé s’il y avait eu, en temps opportun, l’intervention d’un ancien !

«Mon âme désire, et même elle languit après les parvis de l’Éternel» (Ps. 84:2). Une âme, en route pour la maison, en savoure déjà les félicités. Le pèlerin fait l’expérience de celui qui pouvait dire : «Le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête» (Matt. 8:20). Cette âme n’a qu’un but en traversant la terre : «Tes autels». Cette âme ne s’attache à rien d’autre ici-bas qu’à la personne dont la Sulamithe pouvait dire : «Toute sa personne est désirable» (Cant. 5:16).

«Ayant le désir de déloger et d’être avec Christ» (Phil. 1:23) ; c’est le désir de l’apôtre Paul. Pourtant, il était prêt à rester, à lutter encore, si cela était avantageux pour les Philippiens. Mais son désir ardent était d’être avec Christ.

«Désirant avec ardeur d’avoir revêtu notre domicile qui est du ciel» (2 Cor. 5:2). Dans le corps, qui est souvent une entrave au développement spirituel, nous gémissons, étant chargés. Ce corps n’est pas à la mesure de la vie divine qui est en lui. Bientôt, nous allons prendre possession de la «maison qui n’est pas faite de main, éternelle, dans les cieux» (2 Cor. 5:1).

«J’ai fort désiré de manger cette pâque avec vous» (Luc 22:15). Devant le désir si fortement exprimé par le Seigneur, pouvons-nous dire : «le désir de notre âme est après ton nom et après ton souvenir» (És. 26:8) ?

Que Dieu produise lui-même en nous ces saints désirs pour la paix de nos âmes, pour notre enrichissement spirituel, pour une vie individuelle plus nourrie de Christ, plus vraie, et aussi pour la prospérité de l’assemblée !

 

6   Défaillances — Luc 22:31-34, 54-62 ; Jean 21:15-19 ; Galates 2:6-14 ; 2 Pierre 1:13-14

 

[LC n° 50]

Dimanche après-midi 11 janvier 1948

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 115

 

«Finissez-en avec l’homme, dont le souffle est dans ses narines, car quel cas doit-on faire de lui ?» (És. 2:22). Si cette pensée habite notre coeur, quelle délivrance ! Nos conducteurs sont souvent revenus avec insistance sur cette déclaration fondamentale qu’il n’y a rien de bon dans un homme, rien ; et ils disaient cela sans nuances, mettant sur le même pied les actions d’éclat des hommes et les crimes des plus grands pécheurs. Avaient-ils raison ? Parfaitement ; devant Dieu, parfaitement. Il faut dire et redire cela aujourd’hui ; c’est une vérité qui n’est pas à corriger ; elle devrait marquer de son empreinte l’éducation donnée aux enfants des chrétiens. La mesure suivant laquelle cette vérité est saisie par l’âme marque toute la vie du chrétien. Il vaut mieux partir lentement dans la vie chrétienne, mais partir avec cette connaissance-là de l’homme. On peut être en contact avec les choses de Dieu sans être en contact avec Dieu ; notre propre histoire quotidienne le prouve.

Le Seigneur a arrêté Pierre au milieu de son travail. La présence de Dieu a produit dans cet homme le sentiment de son péché : «Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur» (Luc 5:8). C’est ce que Dieu fait qui compte, et il veut nous amener dans sa présence. Prêcher l’évangile, ce n’est pas parler de ses propres sentiments, c’est proclamer que Christ est mort parce que tout le monde est pécheur, que la croix a une vertu intrinsèque — elle montre que tout homme est pécheur — que Dieu a tué l’homme, que la croix est la fin de l’homme et, en même temps, le commencement de l’homme nouveau dans le Christ Jésus. Pour Dieu, il y a deux hommes : le premier Adam et le dernier ; on est rattaché à l’un ou à l’autre.

Après la rencontre initiale avec Dieu, le pécheur, placé devant Dieu, doit y rester. Pierre a appris à connaître le Seigneur ; il doit encore apprendre à se connaître lui-même. Simon aimait son Maître, mais il y avait beaucoup de sentiments naturels en lui et un zèle selon la chair. Lorsque le Seigneur parle de la croix : «Seigneur, Dieu t’en préserve !» (Matt. 16:22), dit-il. Simon, fils de Jonas, était comme nous, il voulait bien tous les avantages de la foi, mais pas les inconvénients ; régner, oui, tout le monde veut bien régner. Mais si Jésus lui montre qu’il sera livré aux principaux sacrificateurs et qu’il sera mis à mort : «Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera point !… Va arrière de moi, Satan» (Matt. 16:22-23). Le Seigneur nous le dit toutes les fois que nous lui disons : «Te suivre, mais pas à ce point-là».

La croix s’approche ; le Seigneur dit à Pierre : «Simon, voici, Satan a demandé à vous avoir pour vous cribler comme le blé ; mais moi, j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille pas» (Luc 22:31-32). Il avertit Simon : Satan a demandé et Dieu permet. Dieu se sert souvent de Satan pour exercer la discipline, sous quelque forme que ce soit. Il ne faut jamais prendre une discipline à la légère, mais discerner l’intention de Dieu. Il veut dépouiller une âme pour l’enrichir : «Ne méprise pas la discipline !» (Héb. 12:5) : rien dans la vie du chrétien n’est à négliger. Dieu est un Dieu très proche de nous.

«Cribler comme le blé» : ce sont d’abord les pleurs, puis une poignée de bon froment pour le grenier de Dieu. Quand un homme est passé par une discipline, il n’est pas le même après, s’il l’a traversée avec Dieu ; sinon, elle est à recommencer sous une forme ou une autre. Nous sommes en danger de mépriser la valeur de la vie chrétienne. Dieu n’a pas condamné le péché dans la chair pour ressusciter la chair dans les siens, même si nous le souhaiterions souvent. Christ est mort et nous, nous sommes morts ; la foi réalise cela, et elle a la pensée de Dieu. À la croix, Dieu a fait passer la mort sur toute l’humanité, et la foi devance le moment où cette mort sera réalité. Dieu ne cherche plus rien de bon dans l’homme, l’homme est tué : c’est le point de départ de la vie nouvelle du chrétien.

Quel est le but de la discipline ? Dieu veut peu, mais il veut du vrai. Il veut voir son Fils dans les siens, peu d’activité peut-être, peu de signes extérieurs sans doute, mais Christ. Marcher avec le Seigneur, marcher comme lui, est-ce que c’est notre souci chaque jour, même si nous ne le réalisons pas toujours ? Ou bien les soucis de ce siècle, l’amour des choses du monde, ou même l’activité dans les choses de Dieu, nous font-ils perdre de vue l’état de notre âme ? Jamais Dieu ne nous dit de chercher une bonne chose dans un mauvais chemin.

Le Seigneur a prié pour Pierre ; c’est une anticipation du service sacerdotal du Seigneur. Il prie continuellement pour les siens dans la présence de Dieu ; il y a un homme à la droite de Dieu, dans la gloire, qui prie continuellement pour chaque chrétien, afin qu’il ait «du secours au moment opportun» (Héb. 4:16), c’est-à-dire pour qu’il ne pèche pas. C’est un service préventif. Jésus connaît chacun des siens ; il les porte, devant la gloire de Dieu, sur son coeur et sur ses épaules, sans cesse. En même temps, il s’occupe des siens sur la terre pour qu’ils aient communion avec le Père et avec lui dans la gloire. Et il prie avant que Pierre ne le sache, et avant qu’il ne tombe. Pierre a fait comme nous souvent : «Avec toi, je suis prêt à aller en prison et à la mort» (Luc 22:33). Que de fois nous chantons ce cantique : «Seigneur, toi qui pour nous t’offris en sacrifice…» ! Et nous affirmons : «Pour moi, vivre c’est Christ» (Phil. 1:21). Le Seigneur dit : «Ah ! Vous chantez ce cantique ; eh bien, on va voir !». Il permet alors une circonstance qui manifeste l’état réel du coeur.

Le Seigneur a été tenté, et nous sommes tous tentés. Mais les tentations auxquelles a été soumises le Seigneur ont montré son inattaquable perfection ; l’Ennemi n’avait rien en lui, «ayant accompli toute tentation» (Luc 4:13). Nous, nous disons : «Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller et en prison et à la mort» (Luc 22:33) ; et l’expérience de Pierre montre si les paroles sont en accord avec l’intérieur du coeur. C’est la vie intérieure qui importe. En voyant les gens passer dans la rue, on en mettrait beaucoup au ciel, mais Dieu ne fait pas comme cela ; il ira plutôt chercher quelqu’un en prison, quelqu’un qui aura dit : «Voilà ce que j’ai fait, j’ai péché, je suis coupable».

Nous connaissons bien ce qui est arrivé à Pierre, et Pierre, c’est nous. Il s’avance plus loin que les autres dans son zèle charnel, et un tel zèle prépare une chute, toujours ; c’est pourquoi il ne faut jamais pousser personne à un service ; nous ne savons pas quelle est la mesure de sa foi, et nous pouvons l’entraîner dans une chute. Il faut prier pour que sa foi augmente ; il faut aller du dedans au dehors. Pierre renie son maître par trois fois. Dans la vie chrétienne, il ne faut pas montrer extérieurement une mesure de foi supérieure à celle qu’on a.

Au moment de la chute, le Seigneur regarde Pierre ; son coeur est fondu, il pleure. Si le Seigneur n’avait pas prié pour lui, c’était le désespoir, comme pour Judas. Nous jouons facilement avec les choses saintes, Dieu ne joue jamais. Mais il n’y a pas de situation sans issue pour le chrétien ; Dieu a les moyens de tirer quelqu’un d’une situation de chute, souvent par la souffrance ; «il ne retire pas ses yeux de dessus le juste» (Job 36:7).

Le Seigneur rencontre Pierre une nouvelle fois, en tête-à-tête, et son coeur retrouve la paix. Trois fois, il le sonde : «Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu ?», «m’aimes-tu plus que ne font ceux-ci ?». Pierre ne dit plus : «Je te suivrai en prison et à la mort», mais : «Seigneur, tu connais toutes choses, tu sais que je t’aime» (Jean 21:17). Le Seigneur relève son serviteur et lui confie un service ; mais, avant de bénir Pierre comme il ne l’a jamais été, le Seigneur touche le fond de son coeur. Il veut la vérité, il veut une confession totale. Pierre n’a rien de plus à cacher : peu de paroles, mais tout est réglé.

Plus tard, sous l’influence des Juifs, Pierre a été tenté de ne pas marcher droit. Un homme fidèle, l’apôtre Paul, se lève et dit : «Non, Pierre, ce n’est pas ainsi qu’on marche devant Dieu». Paul aurait pu reculer devant Pierre, qui avait vu le Seigneur, qui était l’un des douze, le plus éminent peut-être. Mais il s’agissait du bien du peuple de Dieu. Quand il vit qu’il ne marchait pas droit, il le reprit devant tous (Gal. 2:14).

  Il n’y a pas de situation individuelle ou collective que Dieu ne connaisse par le menu détail ; un fait qui n’est pas jugé, qui remonte même à dix ans, est toujours présent. Nous voulons la bénédiction de Dieu ? Laissons la Parole sonder notre âme jusqu’au fond ! «Tu veux la vérité dans l’homme intérieur» (Ps. 51:6). Dieu ne panse pas une plaie à la hâte, ni à demi. Aujourd’hui, non seulement on craint de laisser la Parole de Dieu sonder son âme par l’Esprit, mais on n’en sent même plus la nécessité : c’est un des signes les plus sûrs du déclin. Nous pouvons tromper nos frères, nous pouvons arriver à nos fins à force de patience et d’habileté, mais tôt ou tard il y aura un règlement sous le gouvernement de Dieu.

  Que le Seigneur nous accorde à tous de marcher dans la lumière de sa présence !

 

7   Le brigand sur la croix — Matthieu 11:25-30 ; Luc 23:39-46

 

[LC n° 38]

3 février 1957

 

Chacun a remarqué que l’évangile de Luc, tout en suivant le plan général des deux premiers évangiles, en diffère sensiblement. Par exemple, la partie centrale (et essentiellement morale) de Luc, les paraboles (dont la plus connue est celle du fils prodigue), ne se trouve pas ailleurs. Il y a d’autres choses qui ne se trouvent que dans Luc. Le Saint Esprit nous présente, dans Luc, les faits moraux, et la bénédiction morale présente apportée par le Seigneur, avec des révélations morales projetant une vive lumière sur l’état de l’homme. C’est dans Luc seulement qu’on trouve, après la parabole des outres et du vin nouveau, une remarque finale, trait vif de lumière morale révélatrice de l’état du coeur de l’homme : «il n’y a personne qui ait bu du vieux, qui veuille aussitôt du nouveau ; car il dit : Le vieux est meilleur» (Luc 5:39). Ce trait nous dépeint l’inéluctable tendance du coeur de l’homme à préférer ses propres pensées, à se préférer lui-même, à ce que Dieu lui apporte d’entièrement nouveau, d’essentiellement différent. Cette déclaration du Saint Esprit est applicable à des positions religieuses. Mais, dans Luc, nous trouvons surtout le côté moral des faits (bien que tout se tienne).

Nous savons, hélas, par notre propre expérience, avec quelle ténacité notre coeur naturel se tourne vers ce qu’il a toujours aimé, et se détourne de ce qu’il a toujours, également, invariablement haï ! Ce que notre coeur naturel a toujours aimé, c’est lui-même ; et ce qu’il a toujours haï, c’est Dieu. Ces traits brillants de lumière morale que nous trouvons dans Luc donnent à la vérité éternelle des expressions beaucoup plus fortes, beaucoup plus puissantes que tous les développements qu’on pourrait imaginer. Nous trouvons aussi, dans Luc, ce récit merveilleux, tant de fois lu et tant de fois médité, de cette pauvre femme du chapitre 7, qui dépeint exactement la façon dont une âme, sous l’effet du travail divin, arrive à la connaissance du Seigneur. Cette scène, qui fait ressortir la confession muette mais combien touchante de cette femme, nous donne par là une instruction profonde quant aux indices sûrs du travail de Dieu dans une âme qui a trouvé le Seigneur Jésus.

Chacun, d’ailleurs, peut trouver du profit à rechercher, dans la lecture de l’évangile de Luc, ce qui le distingue des autres évangiles, en particulier dans la scène de la croix. Il en est parlé dans Luc avec des détails qu’on ne trouve dans aucun des trois autres évangiles. Seul Luc rapporte un fait d’une immense importance, en nous parlant des deux hommes qui ont été les compagnons de Jésus quand le Seigneur connaissait l’opprobre et l’outrage, dans ce spectacle qui s’offrait à tout l’univers, à tous les hommes, au cours des siècles — et, ne l’oublions pas non plus, aux anges.

Partout où il a passé, notre Seigneur Jésus Christ a manifesté ce qu’on ne trouve et qu’on ne peut trouver qu’en lui. À chacun des pas qu’il fait, nous voyons toujours jaillir des rayons de grâce et de lumière, qui montrent que celui qui passe, là où il passe, est toujours supérieur à tout ce qu’il rencontre.

La croix a abaissé Jésus comme rien d’autre ne pouvait l’abaisser. Il a accepté cet abaissement. Il a accepté la honte sans nom d’être présenté comme il l’a été sur la croix, d’être présenté comme le dernier, à la dernière place. Du point de vue de l’homme, c’était la dernière place. Il l’a prise. Il savait ce que c’était que de prendre la dernière place. Il n’a disputé la place à personne, et personne ne pouvait lui disputer la sienne ; car les hommes ne se précipitent pas vers la seule place qui soit toujours vide, la dernière.

Notre Seigneur Jésus Christ est le même partout où il passe, que ce soit dans la crèche, que ce soit dans sa vie d’homme obscur — car il a été cela, un homme ignoré, un homme obscur (nous pouvons nous demander où était sa demeure), un homme inconnu, un homme dont le secret de la vie était connu de lui seul, et qui trouvait à faire la volonté de Dieu des délices ininterrompues —  où qu’il soit. Et il est le seul merveilleux, le seul qui puisse éblouir les yeux de la foi.

Arrêtons-nous sur cette scène de la croix qui est placée devant nous. Nous avons tous fait tout notre possible pour que Jésus soit accablé par une honte telle qu’il refuse de l’accepter, tous fait notre possible pour qu’il refuse d’accepter la croix. On a fait tout ce qu’on a pu pour cela. Et nous sommes tous coupables de cette réjection de Christ, tous. C’était une épreuve à laquelle il était soumis, que d’avoir à rencontrer la honte, la honte publique, la honte qu’il était obligé de confesser, mais à laquelle le coup le plus dur allait se rajouter, celui dont Dieu lui-même devait le frapper. Combien il est nécessaire que, dans toutes nos réunions, et nos méditations aussi, nous ne perdions pas de vue ce fait essentiel : la mort de Jésus sur la croix, et les conditions dans lesquelles cette mort s’est réalisée.

Nous sommes tous très fiers, très vaniteux, très susceptibles, quand il s’agit de notre réputation. Et combien d’hommes, par souci pour leur réputation, iront en enfer ! Ils auront préféré leur réputation à l’approbation de Dieu. Il n’y a rien sur quoi l’homme soit plus difficile que sur sa réputation. «C’est pourquoi mon peuple se tourne de ce côté-là, et on lui verse l’eau à pleins bords», dit le psaume 73 (v. 10), psaume prophétique et historique en même temps, qui montre que ceux qui flattent la réputation du peuple de Dieu (ou de tout homme) ont facilement l’oreille et le coeur de ceux qu’ils flattent.

Ah, la flatterie, comme nous l’aimons ! Nous l’aimons tellement que, lorsque personne ne nous flatte, nous nous flattons nous-mêmes, dans le temple secret de nos coeurs. Cela n’est-il pas vrai, chers amis ? Il y a là une emprise indéfinissable du mal sur le coeur naturel, et à laquelle chacun est sensible. D’ailleurs, la société humaine, la société en chute, est fondée sur cela.

Chers amis, frères et soeurs, chers rachetés du Seigneur, que Dieu nous soit en aide, pour détruire dans nos propres coeurs ce mal intérieur qui nous égare et nous emporte loin de Dieu. Mais nous qui connaissons le Seigneur Jésus, dont nous pouvons dire qu’il est notre Sauveur et notre libérateur — Sauveur dans le sens de libérateur, de substitut, car il a porté nos péchés en son corps sur le bois, mais aussi dans le sens de libérateur, de rédempteur qui délivre — sachons que la première de toutes les puissances dont nous avons à être délivrés, c’est celle-là : l’emprise sur nous-mêmes de notre propre moi.

Quelle merveille que la croix par laquelle vient cette délivrance ! Aussi ne demandons pas la réalisation de la délivrance de soi-même à un inconverti, et ne la demandons guère à un jeune chrétien. Mais nous, qui avons des années de vie chrétienne, ne l’avons-nous pas un peu apprise ? Autrement, c’est bien dommage et bien triste.

Il n’y a rien de plus subtil que le moi, chers amis. Mais ne jetons la pierre à personne, car c’est un mal universel, et qui fait que, lorsqu’on ne veille pas, lorsqu’on ne jouit pas du Seigneur, lorsqu’on ne cultive pas des rapports avec Dieu et avec le Seigneur, et qu’ainsi le coeur est vide de Christ, voilà qu’il se remplit à flot de ce qui est de la terre.

Quel bonheur d’avoir la Parole qui jette sa lumière divine, absolue, implacable, sur notre coeur, pour nous bénir.

Mais notre Seigneur Jésus Christ n’a pas pensé à sa réputation. Il n’avait pas cela devant lui. Souvenons-nous qu’on lui disait en face : «Ne disons-nous pas bien que tu es un samaritain» (Jean 8:48), et qu’on disait de lui : «il a un démon et il est fou, pourquoi l’écoutez-vous ?», et encore : «il chasse les démons par Béelzébul, le chef des démons» (Luc 11:15). Pensons un peu à cela, nous qui sommes si susceptibles. Celui qui désire défendre la gloire du Seigneur saura d’ailleurs, mis à l’épreuve, combien cette épreuve est dure.

Remarquons qu’il était bien facile d’insulter le Seigneur. C’était un charpentier. «Charpentier» et «fils de charpentier» : on trouve ces deux qualificatifs, dans l’Écriture.

Quelle merveille que la vie de notre Seigneur Jésus Christ ! Comme Jésus met tout à sa place, non pas dans les faits, mais quant aux vérités morales. Et il veut mettre de l’ordre dans notre coeur. Quelle merveille de grâce, chers amis ! C’est merveilleux, cela ! Nous pouvons bien dire, à l’exemple du brigand repenti : Ah, mon Maître, mon Sauveur, celui dont je me glorifie, c’est lui qui est là, sur la croix ; voilà celui dont je me réclame, celui qui pour moi est plus que tout le monde entier ! Mais soyons gardés de le dire sous l’effet d’une exaltation, ou parce que d’autres le disent !

Ce brigand sur la croix est un homme peu ordinaire ! Lequel d’entre nous n’envierait pas de faire ce qu’il a fait par la foi, quand il était cloué sur la croix, devant tout le monde ! Quelle leçon pour nous, qui aimons tellement à paraître et à avoir une très bonne place, une place chrétienne, ou une bonne place dans ce qu’on appelle l’échelle sociale ! Il confesse le nom du Seigneur quand il n’y avait, extérieurement, aucune raison de le faire. Il ne pouvait espérer des autres aucun secours, et tous se moquaient de Jésus… Eh bien, ce brigand (son nom, nous le saurons un jour ; nous saurons le nom de cet homme) a fait, à ce moment-là, ce que nous pouvons, de tout notre coeur, désirer imiter. Et il est tout seul à l’avoir fait. Autour de lui, dans la foule, tous les éléments sociaux et religieux se trouvaient réunis. Et voilà la merveille de la foi, l’intelligence de la foi, l’énergie de la foi, la certitude de la foi : il ne s’occupe de personne. S’il avait tenu compte du jugement qu’on a rendu sur Jésus, il aurait dit : Jésus est condamné par des juges, par des hommes qualifiés extérieurement, des hommes officiels (car le pouvoir civil et le pouvoir religieux ont ensemble condamné le Seigneur). Il aurait pu dire : Moi, je suis moins compétent que tous les juges pour porter un jugement sur Christ. Mais ce témoignage jaillit de son coeur : «Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire» (23:41). Voilà ce qui sort du fond de son coeur. Il est à l’encontre de tous les autres. Il dit l’inverse de ce que tout le monde a dit !

Avons-nous, parfois, fait comme ce brigand, l’avons-nous imité ? Hélas bien peu, chers amis !

Il y a un autre point qui brille, dans son attitude. Cet homme souffrait de toutes manières, physiquement et aussi moralement, sous le poids de la honte d’être rejeté par la société. Est-ce qu’il pense à ses souffrances ? Non : «celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire». En pensant à lui, il confesse : «Nous recevons justement ce que méritent les choses que nous avons faites» ! Il reprend son compagnon. Merveilleux effet de la grâce, il parle de lui pour dire : Moi, je suis justement condamné !

On passe souvent cette confession sous silence. Mais remarquons la vérité de l’Écriture. On présente le cas du brigand sur la croix comme une merveille de grâce — c’en est une. Mais c’est une merveille de vérité non moins grande. Cet homme, devant tous ceux qui l’ont condamné, au lieu d’être rempli de ressentiment et de haine, et au lieu d’être accablé par ses souffrances, dit : «Nous recevons justement ce que nous méritons». C’est la confession de ce qu’il a fait ! La femme de Luc 7 nous enseigne tout pareillement, car toute son attitude était une confession — muette sans doute, mais combien éloquente. On en trouve d’autres exemples. La confession est un signe qui démontre que Dieu est en train de bouleverser une âme, de fouiller une âme jusqu’au fond. Il la fait parler, et non pas avec un langage de convention ! Ce que dit le brigand glorifie Dieu bien mieux que n’importe quel discours de théologien. Pourquoi ? Parce qu’il accepte sa sentence ; il proclame ce sentiment profond qu’il a manqué, qu’il est un pécheur. En même temps, il déclare que Jésus, qui est là, est juste, bien qu’il soit en apparence plus abaissé même que lui, parce qu’aux insultes des autres se sont encore ajoutées celles des deux brigands, celui-ci avant qu’il fût touché par Dieu, et l’autre. Ce qu’il dit a le cachet et la puissance de la vérité. Quand Dieu fait parler un homme, on sent que c’est Dieu qui le fait parler.

Que Dieu nous donne d’avoir affaire à lui tout le temps, à lui d’abord, et souvent à lui seul !

Quelle scène ! Voilà deux hommes exactement dans la même condition, tous les deux brigands. L’un ne voit pas ; l’autre voit. Il voit, sur la tête de Jésus meurtrie par la couronne d’épines, une autre couronne. «Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume». «Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire». Et puis il voit le roi que Dieu a par devers lui. Quelle foi, chers amis !

On nous demande : Vous croyez en Jésus ? Mais vous ne l’avez pas vu ! «Quoique nous ne l’ayons pas vu, nous l’aimons ; et, croyant en lui, quoique maintenant nous ne le voyions pas, nous nous réjouissons d’une joie ineffable et glorieuse» (1 Pierre 1:8).

Le christianisme, et toutes les interventions divines, se moquent de nos pauvres appréciations humaines. Quand Dieu entre en scène, tout ce que l’homme fait, ses jugements, ses traditions, ses conventions, son éducation, tout cela est jeté par terre !

C’est ainsi qu’être converti, cela ne veut pas dire s’être rangé dans sa vie. Il y a beaucoup de personnes qui se sont rangées. D’ailleurs, le seul souci de sa réputation peut faire qu’on se surveille. Il y aura des gens très intègres, honnêtes, braves gens, qui seront dans les ténèbres de dehors. Cela ne veut pas dire qu’il faille devenir un criminel pour être converti, car il y aura aussi des multitudes de criminels dans les ténèbres de dehors. Mais lorsque la foi agit — c’est l’action de la Parole et du Saint Esprit dans l’âme — elle se manifeste aussi bien dans le brigand sur la croix que dans l’homme bien élevé, et dans le jeune homme ou la jeune fille qui a reçu une éducation chrétienne et biblique très scripturaire.

Peut-être que certains ne sont pas satisfaits d’avoir pour compagnon de foi un brigand ! Pourtant, parmi ceux qui ont confessé le Seigneur, c’est un des plus brillants exemples de la foi, du salut et de la façon dont le Seigneur peut être honoré par les siens ! C’était un brigand ! Mais si le Seigneur n’a pas repoussé la compagnie de cet homme et a répondu à cette foi à laquelle il ne peut jamais ne pas répondre, nous, nous pouvons être heureux de compter parmi ceux que nous verrons dans la gloire de Dieu ce brigand, et d’autres, et de plus coupables que tous ceux-là : chacun de nous-mêmes. Comme c’est heureux, chers amis, de nous arrêter devant les sources éternelles de la vérité, de cette vérité que l’activité de notre esprit et de notre coeur voile et obscurcit ! La vérité brille dans l’Écriture, toute nette, absolue, merveilleuse. Qu’on est heureux, chers amis, de lire la Parole ! Jamais on ne s’en lasse ! Dans ce monde, vous ne pouvez pas marcher avec vous-mêmes sans être fatigué en dix minutes. Avec le Seigneur, on ne se fatigue pas. Avec lui, nous goûtons déjà les joies pures, éternelles et toujours nouvelles, qui seront le partage des élus.

«Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis» (23:43). Ce n’est pas, comme on a voulu le dire : Je te dis aujourd’hui : Tu seras avec moi dans le paradis, plus tard. Mais : «Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis». Il est parti dans le paradis de Dieu le même jour que le Seigneur. Est-ce que ce n’est pas merveilleux et glorieux ?

Si Dieu est Dieu, il doit s’occuper de tout le monde. Il ne peut pas choisir un roi plutôt qu’un brigand. Il est écrit, d’ailleurs : «il n’y a pas de différence, car tous ont péché et n’atteignent pas à la gloire de Dieu» (Romains 3:22). Est-ce que, chers amis, nous ne sommes pas parfois aveuglés par les différences établies dans le monde ? Rendons honneur à qui l’honneur — c’est écrit — et sans peine, sans arrière-pensée. Honorons qui nous devons honorer et, d’une façon générale, tous les hommes. Mais, quand il s’agit de la présence de Dieu et du Seigneur, il n’y a pas de différence. Et c’est la grâce du Seigneur seule qui peut répondre aux besoins du pécheur.

Un mot sur le passage que nous avons lu en Matthieu 11. Il rassemble en quelques phrases des déclarations d’une portée et d’une profondeur exceptionnelles. Dans ce chapitre 11, un changement se réalise dans la position du Seigneur. À partir de ce moment-là, il est le Messie rejeté. Eh bien, au lieu d’être accablé par son rejet — pourtant il en souffrait infiniment — il trouve son réconfort et sa joie dans la communion avec son Père : «Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre». C’est le langage du Messie rejeté.

Est-ce que nous, chrétiens, frères et soeurs, nous trouvons, au milieu de nos souffrances, notre réconfort dans la communion avec le Seigneur et avec le Père ? Nous pouvons, il est vrai, être encouragés par la sympathie chrétienne. C’est une fleur qui croît et se développe dans le coeur qui cherche Jésus, qui vit près de Jésus. Mais, avant tout, cherchons les ressources qui sont dans le coeur de Jésus. Alors, au lieu de se fermer, de s’isoler, de se protéger contre ce qu’il ne peut pas ne pas trouver autour de lui dans ce monde, notre coeur s’ouvrira, comme le coeur de Jésus l’a fait : «Je te loue, ô Père». Mais le Seigneur ne s’arrête pas là, et c’est une merveille. Il ajoute, alors même qu’il est méprisé et rejeté : «Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos». Il n’y a pas un coeur semblable à celui de Jésus ! Que le Seigneur nous donne de boire à la source qui en jaillit éternellement.

 

8   La mort et la résurrection de Jésus — Luc 24:1-6, 10-16, 28-32, 36-53 ; Matthieu 28:1-10, 16-20 ; Jean 20: 1-5, 10-12, 14-17, 19-23 ; Marc 16:19-20

 

[LC n° 51]

21 décembre 1952

 

Les évangiles se terminent d’une manière en rapport avec le caractère propre de chacun d’eux. Je n’ai pas la pensée d’entrer dans le détail d’une comparaison, mais de placer devant notre coeur à tous cette simple pensée, que le Seigneur n’a pas quitté la terre sans se faire connaître des Siens, sans parler aux Siens.

Il a quitté la terre d’une façon inconnue du monde. Une fois que les hommes ont cloué le Seigneur sur la croix et Lui ont percé le côté, à partir de ce moment-là, ils n’ont plus mis la main sur Lui. Nous savons comment le Seigneur a été descendu de la croix ; c’est Joseph d’Arimathée qui paraît. Dieu a préparé des serviteurs. Joseph d’Arimathée était un homme riche. Dieu, quand Il a besoin d’un homme riche, l’emploie, à sa place, comme Il emploie un pauvre quand Il en a besoin aussi. Il fait surgir Joseph d’Arimathée, qui va demander le corps de Jésus.

On prend le corps de Jésus ; et nous sommes invités, par la Parole même, à nous en tenir au langage de l’Écriture, et à ne pas entrer dans les détails que la Parole ne nous donne pas, soit pour la crucifixion, soit pour l’ensevelissement du Seigneur. Il ne nous appartient pas de donner des précisions sur ce que Dieu enveloppe Lui-même, revêt Lui-même, d’une décence, d’une convenance appropriées à la grandeur de Celui qui avait consenti à s’abaisser. Si le Seigneur s’est abaissé, c’est parce qu’Il était grand ; et si le Seigneur s’est anéanti, c’est parce qu’Il était Dieu.

Une créature qui sort de sa place, serait-ce même pour s’abaisser, pèche. La perfection pratique d’une créature consiste à rester où elle est, où Dieu l’a mise. Tandis qu’étant Dieu, il appartenait au Seigneur, selon que Philippiens 2 nous le dit (passage que nous connaissons très bien), qui est Dieu et homme, qui était Dieu, de s’anéantir ; c’est une prérogative divine. Et si on demandait des preuves de la déité du Seigneur, il ne faudrait pas oublier celle-là : le fait que le Seigneur a pu s’anéantir. La gloire du Seigneur brille en tout, quand Il s’élève, quand Il s’abaisse.

Donc, les actes qui ont marqué l’ensevelissement du Seigneur, du seul Juste, sont des actes très sobrement dépeints, dans l’Écriture. Il nous convient, là comme ailleurs, de nous en tenir strictement à cette sobriété, dictée par le Saint-Esprit. D’ailleurs, cette sobriété elle-même revêt les choses d’une grandeur qui convient à la personne du Seigneur.

L’humanité du Seigneur était absolument réelle. Elle est inexplicable, inscrutable : «Nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père» (Matt. 11:27). On ne peut pas séparer en Lui les deux natures ; c’est impossible. Le vouloir, c’est déjà pécher ; l’essayer, c’est pécher. Sans compter que c’est — comme l’expérience l’a montré — s’engager sur un chemin si glissant que, sans doute, personne qui ait essayé d’y entrer n’en est sorti indemne et ne s’est pas rendu coupable de quelque blasphème à l’égard de la personne du Seigneur.

Il est Dieu ; Il est homme. Mais il n’appartient pas à l’oeil humain de séparer les deux natures en Lui. C’est le Seigneur, Dieu manifesté en chair.

D’ailleurs, les deux caractères, humain et divin, brillent dans tout ce que les évangiles nous en disent. On nous a rappelé, il n’y a pas bien longtemps — au culte, je crois — la description du voile du temple, dont nous avons le droit de dire qu’il représente Christ dans son humanité, puisque la Parole le dit. Eh bien, nous voyons que ce voile était tissé d’éléments divers, chacun parlant — à nous certainement beaucoup plus qu’aux Juifs — de quelque trait glorieux, soit humain, soit divin, du Seigneur.

Je fais, remarquer en passant, à cet égard, que dans le voile, il n’y avait pas d’or. C’est davantage le Seigneur sur la terre, davantage son humanité, que dans le vêtement sacerdotal, qui est constitué des mêmes éléments que le voile, mais avec, en plus, l’or, parce que le Seigneur est sacrificateur dans la gloire, dans la présence de Dieu.

Voilà donc l’ensevelissement d’un homme, bien-aimé Fils de Dieu, qui vient de passer par ce moment inexprimable des trois heures de la croix. Dans ces trois heures, où l’homme disparaît, tout ce qu’est Dieu, toute la nature de Dieu, tous les droits de Dieu, toute la gloire de Dieu, tout cela a eu son déploiement, dans son action, et son action judiciaire : Dieu sorti de son lieu et frayant un chemin à sa colère, comme il est écrit, donnant libre cours à sa colère, et seulement à cela. Dieu n’avait pour cela qu’un objet devant Lui, un point sur lequel s’est concentrée l’activité de sa colère. Pendant ces trois heures sombres de la croix, il n’y a eu aucune atténuation à sa colère. L’objet de son délice parfait était devenu l’objet de sa colère totale. Et si le Seigneur a accepté de prendre en main le salut du pécheur et de prendre sur Lui les péchés du pécheur, de la créature, des hommes pécheurs (bien entendu, de ceux qui ont cru), il fallait qu’Il fût traité sans aucune miséricorde. C’est là le mystère de l’offrande du Seigneur Jésus, insondable mystère devant lequel nous ne nous arrêterons jamais avec assez de révérence, insondable mystère de cette rencontre où Dieu le Fils, le Seigneur Jésus, s’est placé là, pendant les trois heures, pour supporter, pour épuiser, une fois pour toutes, tout le déploiement de la colère de Dieu, et accomplir une chose qui ne devait pas se renouveler, mais ne pouvait pas être arrêtée. C’est pourquoi l’Écriture dit : «une fois», «une fois».

Ce que cette scène de la croix évoque en nous, croyants, par l’Écriture, comme pensée et source de méditation, c’est infini. Nous sentons là qu’il s’agit de la gloire même de Dieu, de ce qu’est Dieu, et de ce qu’est Dieu en face du mal. Il s’agissait que Dieu rencontre le mal, une fois pour toutes. Et cette rencontre a eu lieu sur la croix. Nous pensons au Seigneur ; nous le voyons, par la foi, et que ce soit avec révérence, sans sortir des limites que l’Écriture nous donne et des termes qu’elle emploie, et hors desquels nous glissons sur le terrain humain, soit de l’irrévérence, soit du rationalisme. Nous pensons à ce que l’Écriture nous dit. Nous voyons, par la foi, par l’Esprit, par la Parole, son corps sanglant, le corps sanglant de Jésus, son corps percé ; le sang de Jésus, ce sang qui crie et qui parle, car il fait les deux, le sang sorti de son corps, un corps semblable au nôtre. L’oeuvre que Jésus a accomplie, Il l’a accomplie au regard des hommes, au regard des êtres moraux aussi, des anges ; Il l’a accomplie dans la honte. Nul d’entre nous ne voudrait être offert en spectacle de cette façon-là. Je ne parle pas de l’expiation, mais simplement du spectacle humain selon lequel le Seigneur a été offert dans des conditions pareilles, devant les regards de tous les hommes, et devant le diable et ses anges, dans la honte. Aucun opprobre ne Lui a été épargné, aucun. Dieu le permettait ; Dieu gardait le silence, pour ainsi dire. «C’est ici votre heure», est-il écrit, «et le pouvoir des ténèbres» (Luc 22:53), a dit le Seigneur. C’était l’heure : «Je suis venu pour cette heure». «Père, si tu voulais me délivrer de cette heure, mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure» (Jean 12:27).

Chers amis, que nos coeurs s’arrêtent, nos coeurs remplis de folie, nos coeurs qui pensent bien plus volontiers et qui s’arrêtent bien plus volontiers — ils ne font pas qu’y penser — à la moindre bagatelle, plutôt que de s’arrêter devant le spectacle du Fils de Dieu, du saint Fils de Dieu, du Juste. C’est son titre ; c’est le titre que Dieu lui donne. Et c’est le titre que Dieu a fait proclamer même par un homme du dehors : «En vérité, cet homme était juste» (Luc 23:47) C’est son titre : Jésus Christ, le Juste ; «vous avez mis à mort le Juste : il ne vous résiste pas» (Jacq. 5:6). Nous n’avons pas l’idée, chers amis, de ce qu’est le Seigneur, de ce qu’est le Juste, parce que nous sommes tissés d’injustices. Le péché ne pèse pas lourd, à notre conscience ! Une mauvaise pensée, nous avons vite fait de l’oublier, en passant à une autre, chers amis ! Mais tout cela a pesé sur le coeur du Seigneur ; et tout cela a pesé sur le Seigneur dans son âme, lorsque, pour tout cela, et pour la moindre pensée légère qui a jamais traversé l’esprit, le coeur, d’un croyant, le Seigneur a dû répondre devant la majesté de Dieu déployée. Il a dû répondre pour la moindre de ces pensées légères, si on peut qualifier quelque chose de moindre, dans ce qui est péché.

Ah, chers amis, notre mesure des choses divines est très basse. Un des succès de l’ennemi, c’est de l’abaisser toujours plus. Mais Dieu n’en change pas pour autant. Eh bien, nous avons devant nous cette scène de notre Seigneur Jésus Christ pendant les trois heures des ténèbres ; et, après les trois heures, le corps sanglant du Seigneur. Il remet son esprit : «Père, entre tes mains, je remets mon esprit» (Luc 23:46).

Et puis, Dieu a dirigé les uns et les autres, Joseph d’Arimathée et d’autres, pour s’occuper du corps de son Fils bien-aimé. Quelle scène, chers amis ! Qu’est-ce qu’il y avait, dans le coeur du Père, quand son Fils était frappé par les coups de Dieu ? Qu’est-ce qu’il y avait, dans le coeur du Père, de la troisième à la sixième heure, lorsque le coeur de l’homme s’est ouvert, sans honte, sans retenue ? «L’inique ne connaît pas la honte» (Soph. 3:5), dit le prophète. Le coeur de l’homme s’est ouvert et a déversé tout son fiel à l’égard du Fils de Dieu. Qu’est-ce qu’il y avait, dans le coeur du Père, dans le coeur du Fils, chers amis ? Il est bon de refaire ce chemin, de s’y arrêter, car nous prenons là la mesure divine du bien et du mal ; et c’est une chose excellente pour nos consciences et pour nos coeurs.

Eh bien, quand la scène est passée, Jésus, d’une forte voix, remet son esprit. Il avait le pouvoir de laisser sa vie. Il la laisse ; on ne la Lui a pas ôtée. Pas plus que le Seigneur ne pouvait mourir de maladie, ce n’était pas possible, de la même façon, il avait le pouvoir de laisser sa vie. L’oeuvre d’expiation était faite. Pourquoi a-t-Il laissé sa vie ? Parce qu’Il avait entrepris notre salut, et que nous sommes des êtres qui meurent. Nous mourons ; nous sommes voués à la mort. Eh bien, Il a passé partout où nous étions, pour nous délivrer de tout ce à quoi nous étions assujettis. Il n’a rien laissé. Il n’y a plus rien à revoir ; c’est un travail très bien fait, parfaitement achevé.

Mes péchés, nos péchés à nous, croyants, Il les a portés pendant les trois heures. Mais ne soyons pas remplis d’une allégresse légère, en pensant que le Seigneur a porté nos péchés, pour ensuite faire nos quatre volontés, comme si nous ne savions pas que nous sommes lavés de nos péchés dans le sang de Jésus ! Que Dieu nous en garde ! D’ailleurs, nous aurons à en répondre. Et la scène, à ce moment-là, même si elle n’est pas une scène de jugement, n’en sera pas moins solennelle pour autant. Mais, à la fin des trois heures, la mort n’était pas encore vaincue. Le diable avait le pouvoir de la mort ; il avait reçu ce pouvoir de Dieu même. C’est un droit que le diable a. L’homme s’est livré, pieds et poings liés, au diable. Les hommes se moquent ; ils prennent le nom du diable dans leur bouche tant de fois par jour ! Il faut espérer que personne, ici, ne le fait, en tout cas pas de cette façon-là. Les hommes sont esclaves et ne s’en rendent pas compte. Ils sont esclaves du diable, et ils se disent très libres. On parle de liberté, d’affranchissement, de supériorité, de progrès du vingtième siècle. L’homme se croit très en avance, et l’homme n’a jamais été si esclave. Jamais l’homme n’a eu autant de jouets mis par le diable entre ses mains. Aujourd’hui, avec un jouet, il mène une âme en enfer. Il multiplie les jouets ; beaucoup de ces jouets sont des jouets criminels, qui font mourir beaucoup de monde. Voilà tout ce monde qui va en enfer. Voilà le progrès vu du côté de la Parole de Dieu. C’est un très grand progrès du diable. Il n’a pas fini ; il ira encore plus loin ; l’Écriture nous l’apprend ! Est-ce que quelqu’un serait emporté par ce tourbillon-là ? D’abord dans ses pensées, dans ses illusions et peut-être dans ses voies, peut-être dans son coeur ! C’est très sérieux, très solennel !

Eh bien, le Seigneur est entré dans la mort. Il est mort ; Il a laissé sa vie ; Il a traversé le tombeau. C’est une chose maintenant traversée. Il est sorti du tombeau ; nous le voyons, c’est notre lecture. Le tombeau est une chose connue ; la mort a été visitée. L’Ancien Testament nous donne des figures ; le Nouveau Testament nous donne des choses réelles. L’Ancien Testament nous dit : Regardez au fond du Jourdain. Qu’est-ce qu’on y voit, et qu’est-ce qu’on voit de l’autre côté du Jourdain ? Il y a douze pierres au fond du Jourdain. C’est un fleuve unique au monde, unique. L’eau a recouvert les pierres ; elles y sont, dit l’Écriture, jusqu’à ce jour. Que sont-elles devenues ? Dieu le sait. Peu importe. N’allons pas nous égarer, comme le font tant de personnes — et c’est une victoire de l’ennemi sur les esprits des chrétiens, souvent, de les égarer dans des considérations historiques et géographiques. Ce n’est pas pour cela que Dieu nous parle. S’il a traité en à peine plus d’un chapitre la création, ce n’est pas pour nous inviter à aller nous perdre dans ces choses-là. S’il avait voulu nous en dire plus, Il l’aurait fait, et nous en savons assez. Et la plupart du temps, nous en savons beaucoup plus que beaucoup de gens qui croient en savoir beaucoup. Qu’est-ce qu’il y a, au fond du Jourdain ? Douze pierres. Que signifient-elles ? À un moment donné, le Jourdain a été à sec. Quelqu’un a passé ce fleuve. Il regorgeait par dessus tous ses bords. Une puissance est intervenue ; le fleuve s’est arrêté, et le peuple a passé. Pendant ce temps se tenait au fond du Jourdain l’arche de Dieu Lui-même, puissance vivante, vivifiante, puissance suprême de Dieu Lui-même. Son peuple a passé parce que son Dieu était là, et que la mort a été visitée. Le pouvoir de la mort a été ôté des mains de celui qui tenait ce pouvoir, et à qui aucun homme ne pouvait le ravir. Et le Seigneur est sorti de l’autre côté du Jourdain. Il y a aussi des pierres tirées du fond du Jourdain, et qui sont les témoins que quelqu’un a été au fond du Jourdain et en est sorti ; c’est la résurrection.

Quand nous lisons ces passages (il faut les lire avec prière et crainte, et y trouver la pensée de Dieu), nous éprouvons que ce sont des choses très belles, et non pas seulement pour étonner les gens ou susciter la révolte de tous les incrédules de tous les temps, de tous les rationalistes (qui veulent nous faire croire que Dieu n’était pas là quand Dieu était là, et qui nous feraient croire de la même façon que la mort n’a pas été vaincue quand elle a été vaincue, que l’expiation n’est pas faite quand elle est faite, et que Dieu n’ouvre pas ses bras à quiconque vient à Lui par Jésus, et qu’il y a d’autres chemins que celui-ci). Tous les rationalistes de cette espèce sont des gens du diable.

Nous savons ce que c’est que d’être incrédules. Nous ne sommes pas nés chrétiens. Nous savons tous ce que c’est que de discuter, de rejeter, d’expliquer, de détruire, dans l’Écriture, les passages les plus beaux et les plus forts, de chercher à détruire ce qui est de Dieu, pour ramener toutes choses au niveau de l’homme. Cette page est tournée, pour le croyant, Dieu soit béni ! Est-elle tournée pour tout le monde, ici ?

La mort est vaincue, et le Seigneur a les clés de la mort et du hadès ; personne d’autre ne les a, personne.

Quand on nous raconte qu’on fait revenir les esprits des morts, nous ne trouvons pas cela, dans l’Écriture. Dieu a pu le permettre, certaines fois, comme dans le cas de Samuel. À ce moment-là, la mort n’était pas encore vaincue, mais peu importe, Dieu est souverain. Mais les esprits des morts sont dans la main du Seigneur ; Il tient les clés de la mort et du hadès. Ne confondons pas les ruses du diable avec son pouvoir, qui lui a été maintenant ôté. Qu’il y ait une réalité, oui, mais dans l’activité de la séduction du diable ; et que de mal a-t-elle fait ! C’est pourquoi nous avons à nous garder de tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à cela. Et peut-être faut-il le dire aux chrétiens aujourd’hui.

Le Seigneur est ressuscité. C’est un jour illuminé. Un soleil s’est levé, quand le Seigneur est ressuscité, jour semblable à nul autre.

Le Seigneur est resté quarante jours avec les Siens, après être ressuscité. Il y a deux faits qui marquent la vie du Seigneur après sa mort : sa résurrection, le troisième jour, et ensuite son ascension. Non seulement le Seigneur est ressuscité, mais Il a été élevé au ciel. Il est à la droite de Dieu.

«Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ?» (Luc 24:5). Il est monté au ciel en bénissant. Ce geste est valable pour nous. Il pouvait bénir ; rien ne L’empêchait de bénir. Pourquoi ? Parce qu’Il avait accompli son oeuvre, au sujet de laquelle il disait : «J’ai à être baptisé d’un baptême ; et combien suis-je à l’étroit jusqu’à ce qu’il soit accompli» (Luc 12:50).

Avant la mort du Seigneur, Dieu a béni autrefois un Abel, un Abraham, et beaucoup d’autres. Mais Il avait devant Lui la croix, comme nous l’apprend l’épître aux Romains, lorsqu’elle parle «du support des péchés précédents» (3:25). Sans la croix, Il ne pouvait pas nous bénir.

On a présenté, dans nos temps dits modernes — mais qui sont d’une très ancienne incrédulité — un évangile qui prétend que Dieu pouvait bénir l’homme tel qu’il est, sans qu’intervienne la mort de Christ, et en ne présentant le Seigneur que comme modèle ! Si quelqu’un enseigne une chose pareille, qu’il soit anathème. «Quand un ange venu du ciel vous évangéliserait outre ce que nous vous avons évangélisé, qu’il soit anathème» (Gal. 1:8). En effet, c’est couper la vérité de Dieu dans sa racine. Il n’y a pas de réconciliation possible de Dieu avec l’homme sans la mort de Jésus, sans que la mort passe, sans le sang versé. Jésus n’est pas un modèle, pour un pécheur. S’il y a ici un pauvre pécheur, qui n’est pas converti et qui s’applique à imiter le Seigneur, nous lui disons qu’il fait entièrement fausse route. Le Seigneur n’est pas un modèle pour le pauvre pécheur ; cela n’existe pas, dans l’Écriture. Nous trouvons : «Il est un modèle afin que nous suivions ses traces» (1 Pier. 2:21) ; qui, nous ? Les croyants. Dieu serait cruel de dire à un pauvre pécheur inconverti : Imitez mon Fils bien-aimé. Nous avons déjà de la peine, nous, vrais croyants, qui avons la nature divine, à imiter le Seigneur. Un pauvre pécheur, Dieu ne le tient pas dans une erreur pareille. Dieu lui dit : Croyez que le Seigneur est le Sauveur. S’il y a ici quelqu’un qui n’est pas converti, nous lui prêchons Jésus comme Sauveur. Mais pour nous tous, croyants, Il est aussi notre modèle. Pourquoi ? Parce qu’Il est notre vie, la vie de chaque croyant. Ce qui a été lu en lui doit se lire en nous. C’est beaucoup dire, mais c’est Dieu qui le dit.

Le Seigneur est resté quarante jours avec les disciples ; puis Il a été élevé au ciel, bénissant les Siens. Cette phase de la vie du Seigneur, de son existence éternelle, cette phase qui a commencé à la crèche et fini au tombeau, est passée. Elle est finie ; mais le Seigneur est homme pour toujours.

Eh bien, quel enseignement nous donnent les scènes du tombeau ! En Matthieu, quel enseignement nous donne l’attitude de Marie de Magdala et de l’autre Marie ! Nous, quand nous venons à la réunion, il suffit bien souvent, hélas, de peu de choses pour nous distraire ; on regarde ceci, cela, et même, on est distrait quelquefois sans rien regarder. Mais Marie de Magdala, au tombeau, dans Jean 20 et ailleurs, voilà une femme qui va au tombeau, et elle ne cherchait que le Seigneur ! Là où le Seigneur n’était pas, son coeur était vide. Elle savait ce qu’elle devait au Seigneur. Elle avait eu sept démons ; nous n’en avons pas eu autant, mais nous sommes autant redevables au Seigneur. Lequel d’entre nous oserait donner la liste de ce qu’il a fait, liste sur laquelle le sang de Jésus a passé ? Est-ce que nous y pensons un peu ? Alors chacun de nous peut dire : Mon Seigneur, mon Sauveur, a effacé cela ; son sang a effacé cela ; il y a longtemps que cela a été fait ; Il m’a aimé au point d’effacer cela, cette tache ! Il y en a Un qui m’a aimé et qui a blanchi cette page de ma vie. Est-ce que je n’ai pas à l’aimer ?

Marie de Magdala ne disait pas qu’elle aimait le Seigneur ; elle le montrait. On ne pouvait pas l’arracher à son Sauveur. Elle va au sépulcre ; il est vide. Voilà cette pauvre femme qui ne sait plus où aller. La terre sans Jésus, c’est un sépulcre vide. Est-ce ainsi, pour nous ? Sommes-nous malheureux, si nous n’avons pas Jésus dans notre coeur ? Avons-nous envie d’aller de droite, de gauche, peut-être de faire de grands et beaux voyages pour nous distraire ? Cela ne remplira pas notre coeur. Et puis, deux anges apparaissent, deux anges brillants. Si deux anges apparaissaient ici, devant nous tous, nous ne verrions qu’eux, nous n’aurions de regards que pour eux, d’oreilles que pour ce qu’ils disent, de regards que pour ce qu’ils sont. Cette femme, non, pas du tout. Elle n’est pas arrachée à ses affections. Cette âme-là n’est pas distraite de ses affections, pas le moins du monde. C’est de toute beauté, cela ! Il y en a une qui la dépasse, mais probablement pas deux. C’en est une qui, elle-même, n’est pas là, au tombeau, qui ne venait pas chercher parmi les morts celui qui est vivant. C’était celle qui, au moment voulu, quand l’instant a passé, quand l’occasion d’un instant s’est offerte, avait un vase pour oindre le Seigneur, et l’a fait.

Marie de Magdala dit aux anges : «Je cherche mon Seigneur et je ne sais où on L’a mis». Est-ce que notre coeur en est là ? Dites-moi ce que vous voulez, présentez-moi ce que vous voulez, mon coeur ne peut être satisfait que par Celui qui m’a aimé. Ce ne sont pas des paroles, car Marie parle peu, ici ; elle agit. Les discours, ce sont choses faciles ; mais notre coeur, où est-il ? Est-il pour ce monde, notre coeur ? Voilà, chers amis, ce que ces femmes nous disent.

Pierre, c’était un apôtre, le premier des douze, incontestablement — même aux yeux des douze. Où est-ce qu’il va ? Chez lui. Cela nous arrive souvent, d’aller chez nous. Il avait un chez lui ; Marie de Magdala n’en avait pas, quand elle ne savait pas où était son Seigneur.

Chers amis, que de choses passent avant le Seigneur. Et Il nous met à l’épreuve tous les jours. Tous les jours, Il nous dit : Tu préfères cela à moi-même ; nous le savons bien. Il nous met à l’épreuve tous les jours, et tous les jours nous sommes, ou comme Marie de Magdala dont le coeur est fixe, ou comme ceux dont le coeur est distrait.

C’est écrit pour l’éternité. Pendant l’éternité, on saura que Marie de Magdala était là et que, sans être distraite par les deux anges, c’est son Sauveur qu’elle voulait. Pendant l’éternité, on saura que Pierre, qui aurait dû être le premier dans cette scène, ainsi que Jean qui, pourtant, est appelé le disciple que Jésus aimait, n’étaient pas là.

Qu’est-ce qui passe avant Jésus dans notre coeur, chers amis ? Si nous ne veillons pas, beaucoup de choses. Mais si nous veillons, nous disons : Seigneur, aide-moi à ce que tu aies véritablement, jour après jour, la première place.

Dans Matthieu, le Seigneur ressuscité se présente en Galilée. La Galilée, c’était la partie pauvre du pays. La partie religieuse, le foyer religieux, et aussi le foyer de l’inimitié, c’était Jérusalem. Tous ces scribes, tous ces anciens, tous ces «officiels», leur siège était Jérusalem. C’étaient les grands ennemis du Seigneur. Ils étaient là, concentrés dans cette ville. La plus grande partie de son ministère se passe en Galilée ; et, à la fin (Il y est venu d’autres fois), Il s’approche de Jérusalem, et se heurte à tout ce qui est établi, qui se prévalait des déclarations anciennes. Et quelle rencontre que celle du Seigneur avec tous ces pharisiens et ces scribes, tous ces anciens qui sont là et qui sont, au premier chef, les coupables de la mort du Seigneur !

Le Seigneur annonce qu’Il verra les apôtres en Galilée. Il s’est présenté en Galilée, et plus tard Il s’y présentera aussi. Mais en attendant, Il nous apprend ici : «toute autorité m’a été donnée» (Matt. 28:18). Il a toute autorité ; et c’est pourquoi Il envoie baptiser pour le nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. C’est la formule du baptême chrétien, puisque la trinité s’est révélée dans le christianisme. Les Juifs, responsables de maintenir le témoignage à un seul Dieu en présence des multitudes d’idoles, s’élèvent contre le Seigneur. Ils se sont révoltés contre Lui. On a souvent remarqué qu’une vérité divine nouvelle met à l’épreuve ceux qui possèdent une vérité ancienne. C’est le don, par Dieu, d’une vérité nouvelle, qui met la foi à l’épreuve. On l’a vu au siècle dernier.

Dans l’évangile de Jean, l’envoi que le Seigneur fait de ses disciples est en rapport avec sa personne : Je vous envoie. Ici, c’est plutôt en rapport avec le lieu, la Galilée. Ils partent de là, et sont envoyés évangéliser les nations, chose qui a été faite. Beaucoup de nations ont été baptisées pour le nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Aujourd’hui, il y a beaucoup de chrétiens. Sur eux a été invoqué le nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, ce qui est la définition du chrétien, ce qui établit la frontière entre le christianisme et les paganismes divers. Les Mahométans, par exemple, même s’ils connaissent une partie de l’Ancien Testament, n’invoquent pas le nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. C’est propre au christianisme professant. Si les vrais croyants seulement étaient baptisés, il n’y aurait pas de profession chrétienne, embrassant également des âmes qui n’ont pas la vie. Or il y a une telle profession chrétienne.

Dans Luc, nous voyons que les disciples devaient attendre d’être revêtus de puissance d’en-haut, et que le Seigneur leur ouvre l’intelligence pour entendre les Écritures. Par cette intelligence, ils ont appliqué l’Écriture pour le choix du successeur de Judas. Mais la puissance qu’ils devaient recevoir avant de quitter Jérusalem, c’est le Saint Esprit venu à la Pentecôte.

Dans Jean 20, nous trouvons quelque chose de semblable. Il souffla en eux et leur dit : «Recevez l’Esprit Saint». Mais ce n’est pas la personne du Saint Esprit, qui ne devait venir qu’à la Pentecôte.

Heureux sommes-nous d’être en rapport avec quelqu’un qui peut nous bénir, nous ouvrir son coeur et ses mains qui ont été percées, quelqu’un qui a été mort, mais qui est ressuscité et assis au-dessus de tous les cieux, toute autorité Lui ayant été donnée. Cette autorité — nous sommes heureux de le savoir — nous la partagerons, dans une mesure, avec Lui.

Combien nous sommes heureux de savoir qu’Il est puissant, plein de grâce pour nous aimer tels que nous sommes, et puissant aussi pour opérer en nous tels que nous sommes.

 

9   Demeure avec nous ! — Luc 24:29-35

 

[LC n° 52]

24 août 1961

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 121

 

Le coeur des disciples d’Emmaüs était très attaché au Seigneur : son départ avait fait une grande brèche dans leurs affections. Le Seigneur aimerait voir dans nos coeurs le sentiment pieux d’une vraie tristesse selon lui pendant son absence, comme nous le chantons : «et pourtant, ici-bas, nous sentons ton absence» (Hymne 34), d’autant plus que celui qui est absent est celui qui a souffert de la part des hommes : il a été rejeté ; il n’a pas été aimé ; il ne l’est pas plus aujourd’hui. Un chrétien montre qu’il aime celui que le monde n’aime pas.

Mais les disciples d’Emmaüs ont eu une faiblesse : qu’allaient-ils faire loin de Jérusalem ? Le Seigneur se présente lui-même à eux et les enseigne avec douceur. Alors les disciples lui demandent : «Demeure avec nous, car le soir approche et le jour a baissé» (Luc 24:29), et ils le forcèrent. Ils ne l’avaient pas encore reconnu, mais leur coeur brûlait de sa présence. Le Seigneur accède à leur demande et se manifeste à eux dans la fraction du pain. Il les remplit de joie par sa présence, alors qu’ils étaient absorbés par leur tristesse, et ils deviennent ses témoins. Que de fois les défaillances et les peines de la vie se placent entre nos coeurs et Christ, et la force s’en va. Mais la présence du Seigneur restaure l’âme. Il met de l’ordre dans notre coeur, comme il le fait dans un rassemblement des saints, où sa présence est réalisée.

Si nous n’y sommes pas attentifs, la présence du Seigneur nous échappe. Il ne nous abandonne pas, mais il est obligé de retenir sa bénédiction, quand nous ne nous comportons pas comme il convient dans sa présence ; il la retient en partie, mais il peut aussi la retirer entièrement. Ne confondons pas sa fidélité à ses promesses avec une quelconque sympathie à notre manque de piété, de foi, de séparation ! Il peut y avoir de grandes difficultés dans les assemblées : si la présence du Seigneur est réalisée, il y a, avec lui, tout à la fois patience, sagesse, intelligence, grâce, fidélité, fermeté. Pour retrouver cette présence, quand nous l’avons perdue, il faut juger nos manquements, lui demander de nous aider dans les peines et dans les détresses qui nous accablent et nous font perdre la joie de sa présence. «Fixant les yeux sur Jésus», pour rejeter deux choses : «tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si aisément» (Héb. 12:1-2). Une âme qui chérit sa douleur a besoin de rejeter ce fardeau. «Mon âme refusait d’être consolée» (Ps. 77:2).

Réalisons cette présence divine dans notre vie personnelle comme dans celle de l’assemblée, la présence même du Seigneur, lequel, quoique ne l’ayant pas vu, nous aimons, et nous nous réjouissons en lui d’une joie ineffable et glorieuse !