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NOTES sur L’ÉVANGILE de LUC
prises à des conférences de J. N. Darby
Table des matières abrégée :
19 Chapitre 18:35 à Chapitre 19
Table des matières détaillée :
19 Chapitre 18:35 à Chapitre 19
Luc nous présente le Sauveur dans son caractère de Fils de l’homme, manifestant la puissance de l’Éternel en grâce au milieu des hommes. Les premiers chapitres nous présentent, sans doute, Jésus en relation avec Israël, auquel il avait été promis ; mais, plus loin, des principes moraux s’appliquant à l’homme comme tel, dans quelque position qu’il se trouve, sont mis en évidence. Ce qui caractérise avant tout le récit de Luc et lui donne un charme et un intérêt particuliers, c’est qu’il nous présente, non pas la gloire officielle du Christ comme Matthieu, ou sa mission et son service comme Marc, ou la révélation particulière de sa gloire divine comme Jean, mais Christ lui-même, Jésus lui-même, tel qu’il était, un homme sur la terre marchant au milieu des hommes journellement.
Plusieurs avaient entrepris de raconter ce qui était historiquement reçu au milieu des chrétiens, comme le leur avaient transmis ceux qui en avaient été les témoins oculaires ; mais quelque bonne qu’eût été l’intention des auteurs de ces récits, leur oeuvre était une oeuvre entreprise et exécutée par des hommes. Luc avait une exacte et intime connaissance de tout dès le commencement, et il trouve bon d’en écrire « par ordre » à Théophile, afin que celui-ci connût la certitude des choses dont il avait été instruit ; ainsi Dieu a pourvu aux besoins de l’Église par l’enseignement renfermé dans la peinture vivante de Jésus dont nous sommes redevables à cet homme de Dieu ; car Luc, quoiqu’il ait pu être personnellement déterminé par des motifs chrétiens, n’en était pas moins, je n’ai pas besoin de le dire, inspiré du Saint Esprit pour écrire.
Le récit de Luc nous place au milieu d’institutions, de pensées et d’espérances juives. C’est d’abord un sacrificateur de la classe d’Abia, l’une des vingt-quatre classes établies par David (voyez 1 Chron. 24), et sa femme qui était des filles d’Aaron. « Et ils étaient tous deux justes devant Dieu, marchant dans tous les commandements et dans toutes les ordonnances du Seigneur, sans reproche. » Tout en eux était selon la loi de Dieu au point de vue judaïque ; mais ils ne jouissaient pas de la bénédiction si ardemment désirée par tout Juif : ils n’avaient pas d’enfant. Il est dans l’ordre des voies de Dieu de bénir, tout en manifestant la faiblesse de l’instrument dont il se sert. Le temps était venu où Dieu ne devait plus retenir la bénédiction si longuement désirée et demandée : quand Zacharie entre dans le temple pour offrir le parfum, l’ange de l’Éternel lui apparaît. Zacharie est troublé à sa vue ; mais l’ange lui dit : « Ne crains pas... parce que tes supplications ont été exaucées, et ta femme Elisabeth t’enfantera un fils, et tu appelleras son nom Jean », c’est-à-dire « la faveur de l’Éternel » ; et plusieurs se réjouiront de sa naissance, et il sera grand devant le Seigneur et sera rempli du Saint Esprit dès le ventre de sa mère. « Et il fera retourner plusieurs des fils d’Israël au Seigneur leur Dieu. Et il ira devant lui dans l’esprit et la puissance d’Élie... pour préparer au Seigneur un peuple bien disposé. » — « L’Esprit d’Élie », c’est un zèle ferme et ardent pour la gloire de l’Éternel et pour le rétablissement, par la repentance, des relations d’Israël avec Lui. Le coeur de Jean s’attachait à ce lien du peuple avec Dieu, et c’est dans la force morale de son appel à la repentance que le Précurseur est comparé ici à Élie.
Mais la foi de Zacharie, comme il arrive, hélas ! souvent, n’était pas à la hauteur de sa requête. Il ne sait pas marcher sur les traces d’Abraham et il demande encore comment ces choses arriveront (v. 18). La bonté de Dieu répond à l’incrédulité de son serviteur par un châtiment profitable pour lui et qui servait en même temps de preuve, pour le peuple, qu’il avait été visité d’en haut. Zacharie reste muet jusqu’à ce que la parole de l’Éternel soit accomplie.
Elisabeth, avec le sentiment qui convenait si bien à une sainte femme, se souvenant de ce qui, ayant été un opprobre pour elle en Israël, n’était rendu que plus sensible par la bénédiction surnaturelle qui lui était accordée, se cache en reconnaissant en même temps la bonté du Seigneur envers elle. Mais ce qui peut nous dérober à la vue des hommes a un grand prix devant Dieu.
Luc nous transporte maintenant ailleurs, afin d’introduire le Seigneur lui-même sur la scène merveilleuse qui se déploie devant nos yeux. À Nazareth, ville méprisée, vivait une jeune vierge, inconnue du monde : son nom était Marie. Elle était fiancée à un homme nommé Joseph qui était de la maison de David ; tout était dans un tel désordre en Israël que ce descendant d’un roi était charpentier. Mais qu’est-ce que cela pour Dieu ? Marie était un vase d’élection ; elle avait trouvé grâce devant Dieu.
Il faut remarquer qu’il s’agit ici de la naissance de l’enfant Jésus comme né de Marie. Il n’est pas autant question de la nature divine du Sauveur, la Parole qui était auprès de Dieu et qui fut faite chair (bien qu’assurément ce soit toujours la même précieuse Personne), que de Jésus réellement et véritablement homme, né d’une vierge. Son nom devait être appelé Jésus, c’est-à-dire l’Éternel le Sauveur ; « Il sera appelé le Fils du Très-haut ; et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ». L’Esprit parle ici en le considérant toujours comme homme né dans le monde. Mais il était Dieu aussi bien qu’homme. Saint par sa naissance, conçu par la puissance de Dieu, ce Sauveur précieux qui, même en tant que né de Marie, est appelé cette « sainte chose », devait être appelé le « Fils de Dieu ».
L’ange annonce ensuite à Marie la bénédiction qui a été accordée à Elisabeth. La merveilleuse intervention de Dieu avait rendu Marie humble au lieu de l’élever ; elle avait vu Dieu et non pas elle-même dans ce qui était arrivé. Le moi lui était caché, parce que Dieu avait été amené si près d’elle, et elle se soumet à sa sainte volonté : « Voici l’esclave du Seigneur ; qu’il me soit fait selon ta parole ».
Marie s’en va visiter Elisabeth, car son coeur aime à voir et à reconnaître la bonté du Seigneur. Elisabeth, parlant par l’Esprit, reconnaît Marie comme la mère de son Seigneur et annonce l’accomplissement de la promesse de Dieu son Sauveur dans la grâce qui la remplit d’une telle joie, en même temps qu’elle reconnaît son propre néant ; car quelle que puisse être la sainteté de l’instrument que Dieu emploie, et c’était le cas de Marie, — celle-ci n’était grande qu’aussi longtemps qu’elle se cachait, car alors Dieu était tout. En s’estimant quelque chose, Marie eût perdu sa place ; mais elle ne le fit pas : elle fut gardée, afin que la grâce de Dieu fût pleinement manifestée.
Le caractère des pensées qui remplissent le coeur de Marie est juif. Son cantique nous rappelle celui d’Anne (1 Sam. 1) qui parle prophétiquement de cette même intervention de Dieu. Mais Marie remonte aux promesses faites aux pères et embrasse tout Israël.
Après être demeurée trois mois avec Elisabeth, Marie s’en retourne dans sa maison attendant humblement que les voies de Dieu s’accomplissent. Rien n’est plus beau à sa place que le tableau des rapports de ces saintes femmes, inconnues du monde, mais qui étaient des instruments de la grâce de Dieu pour l’accomplissement de ses glorieux desseins. Elles se mouvaient dans une sphère où rien n’entrait que la piété et la grâce ; mais Dieu était là lui-même, aussi inconnu du monde que l’étaient ces pauvres femmes, mais préparant et accomplissant ce que les anges désirent regarder de près.
Ce qui n’est connu que de la foi dans le secret, est finalement accompli devant tous les hommes. Le fils de Zacharie et d’Elisabeth naît et Zacharie, à qui la parole est rendue, prononce la précieuse prophétie rapportée dans les versets 68-80. La visitation d’Israël par l’Éternel dont cette prophétie parle, embrasse toute la bénédiction millénaire liée à la présence de Jésus sur la terre. Toutes les promesses sont oui et amen en Lui. Toutes les prophéties l’entourent d’un cercle de gloire qui sera réalisé alors. Nous savons que, depuis sa réjection et en son absence, l’accomplissement de ces choses est nécessairement renvoyé à son retour.
Lorsqu’il plaît à Dieu de s’occuper de ce monde et de prendre une part à ce qui s’y passe, il est merveilleux de voir comment il agit et quelle instruction il donne. Il n’y a aucun accord, mais une complète opposition entre ses voies et les voies des hommes : l’empereur et son décret ne sont que d’insignifiants instruments entre ses mains. César Auguste agit en vue de ses sujets ; mais, sans le savoir, il est le moyen dont Dieu se sert pour accomplir la prophétie qui annonçait que Jésus devait naître à Bethléhem. Le courant tout entier de ce monde est en dehors du courant des pensées de Dieu. Le point capital pour Dieu et pour son royaume ici-bas, c’est la naissance de l’enfant de Bethléhem : mais l’empereur ne s’en doute nullement. Son décret met le monde en mouvement, et Dieu accomplit ses pensées ici-bas. Qu’elles sont admirables les voies de Dieu ! Tout le monde doit se faire enregistrer, afin qu’il arrive, comme cela était nécessaire pour l’accomplissement de la prophétie, que le pauvre charpentier avec Marie, la femme qui lui avait été fiancée, se trouve dans la cité de David et que l’héritier de David y naisse à ce moment-là. Ce fait est d’autant plus remarquable que le recensement lui-même n’eut lieu que quelques années plus tard, lorsque Cyrénius était gouverneur de la Syrie. Dieu accomplit ses desseins d’amour ; mais l’homme n’a pas d’yeux pour les voir ! Qui prenait garde au pauvre Juif, bien qu’il fût de la maison et de la lignée de David ? Les choses qui sont absolument indifférentes à l’homme remplissent le coeur et le regard de Dieu.
L’atmosphère est toute juive ici : des promesses s’accomplissent, l’enfant doit naître à Bethléhem, dans la ville de David (verset 4 ; comp. Matt. 2:1 et suiv.). « La ville de David » n’est rien pour le chrétien, sauf comme témoignage de l’accomplissement de la prophétie : pour nous, le Fils vient du ciel. Sur la terre, l’enfant Jésus est l’objet des conseils de Dieu : les anges et le ciel sont occupés de sa naissance ; mais, dans le monde, il n’y a point de place pour Lui ! Allez où le vaste monde enregistre chacun, entrez dans le petit monde d’une hôtellerie où l’oeil exercé du maître d’hôtel estime chacun et lui assigne sa place, de la mansarde au premier étage... : il n’y a point de place pour Jésus ! Et la crèche, quand le temps est venu, aboutit à la croix !
Quelle leçon pour nous relativement à ce monde ! Quelle différence aussi entre laisser le monde ou être laissé par lui ! Nous disons adieu au monde avec une certaine facilité peut-être ; mais quand il nous méprise comme il a méprisé Christ, nous découvrons, à moins que Lui ne remplisse et ne satisfasse notre coeur, que nous tenions à son estime sans nous en douter. Si l’obéissance est pour nous, dans notre mesure, aussi importante qu’elle l’était pour Christ, nous poursuivrons notre course, quelque obstacle que nous ayons à rencontrer sur notre route, sans nous inquiéter du monde : non que nous soyons insensibles, mais quand on a Christ devant soi comme objet, on n’est occupé que de Lui.
Toute intelligence des choses de Dieu vient de sa révélation et non pas des raisonnements des hommes. C’est pourquoi les pauvres en esprit avancent davantage dans l’intelligence spirituelle que les sages et les prudents de la terre. Dieu agit ici de manière à mettre de côté toute apparence de sagesse humaine. Heureux celui qui a assez saisi l’intention de Dieu pour être identifié avec elle, et n’avoir besoin de personne si ce n’est de Lui ! Tels étaient les bergers : ils connaissaient peu la pensée qui avait présidé à l’enregistrement ; mais ce fut à eux, et non aux sages, que Dieu se révéla. Notre vraie science est produite par ce que Dieu révèle ; mais nous n’arrivons jamais à la possession des pleines bénédictions de Dieu sans que notre chair soit abaissée et annulée ; je parle ici de la marche. Nous ne pouvons entrer dans la joie simple et la puissance de Dieu sans avoir pris une place d’abaissement et d’humiliation, sans que notre coeur soit dépouillé de ce qui est contraire à l’abaissement de Christ. Les bergers qui reçoivent le message de Dieu étaient paisiblement occupés de l’accomplissement de leur humble devoir : c’est là qu’est la place de la bénédiction. Celui qui transige avec le monde ne marche pas avec Dieu ; car Dieu n’est pas là avec lui. De la crèche à la croix, tout en Christ était simple obéissance. Combien autre était Theudas, qui se disait « être quelque chose ! » Christ faisait tout selon que Dieu l’enseignait ; il faut que nous en venions là, nous aussi.
La gloire du Seigneur resplendit autour des bergers ; l’ange leur parle ; il leur indique le signe auquel ils reconnaîtront l’enfant ; et quel signe ! « Vous trouverez un petit enfant emmailloté et couché dans une crèche » (v. 12). « Et soudain il y eut avec l’ange une multitude de l’armée céleste, louant Dieu », — et pourquoi ? À cause du mystère de la piété : « Dieu a été manifesté en chair »... (1 Tim. 3:16). L’espérance d’Israël est révélée aux bergers, — la bonne nouvelle d’une grande joie pour tout le peuple (v. 10), car Jésus est le pivot de tous les conseils de Dieu en grâce. Adam lui-même n’était qu’une figure de Celui qui devait venir (Rom. 5:14). Christ était toujours dans la pensée de Dieu. Il n’est pas donné tous les jours à des yeux mortels de contempler de pareilles manifestations de gloire, mais Dieu les place devant nous dans sa Parole ; et chaque jour il nous faut considérer le signe donné de Dieu, Jésus, l’enfant dans la crèche. Si Lui remplissait l’oeil, l’oreille et le coeur, quels n’en seraient pas les effets sur notre personne, notre esprit, notre conversation, nos vêtements, nos maisons, nos richesses ! ...
Le signe que Dieu donne de l’accomplissement de sa promesse et de sa présence dans le monde, c’est un « enfant emmailloté et couché dans une crèche », — ce qu’il y a de plus petit et de plus humble ! Mais c’est là qu’on trouve Dieu, quoique ces choses dépassent l’homme, qui ne peut ni marcher avec Dieu ni comprendre sa gloire morale : mais le signe de Dieu est à portée de la foi, signe de faiblesse parfaite, un petit enfant qui ne peut que pleurer. Tel est, né dans ce monde, Christ le Seigneur ; telle est la place que Dieu choisit : la dernière place ! L’intervention de Dieu est manifestée et reconnue par un signe comme celui-là. Jamais l’homme n’eût eu cette pensée. Les armées du ciel louent Dieu, et disent : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ; et sur la terre, paix ; et bon plaisir dans les hommes » (v. 13, 14) ; car rien n’est plus merveilleux, sauf la croix, pour ceux qui ont la pensée du ciel. Le choeur céleste voit Dieu, Dieu manifesté en chair, et loue Dieu dans les lieux très hauts. Les anges se réjouissent de ce que ses délices sont avec les fils des hommes (comp. Prov. 8:30, 31). Aux jours d’autrefois Dieu s’était révélé à Moïse dans une flamme de feu qui ne consumait pas le buisson (Ex. 3) ; mais ici, d’une manière bien plus merveilleuse, il se révèle dans l’objet le plus faible sur la terre : pensée moralement infinie, quoique le monde puisse la mépriser ! Qu’il est difficile d’accepter que l’oeuvre de Dieu et de son Christ s’accomplît toujours dans la faiblesse ! Les chefs du peuple voyaient en Pierre et Jean des hommes ignorants et illettrés. La faiblesse de Paul à Corinthe était l’épreuve de ses amis, la joie de ses ennemis, mais ce dont lui se glorifiait (2 Cor. 12:7-10 ; 1 Cor. 2:3-5). La puissance du Seigneur s’accomplit dans la faiblesse. L’écharde dans sa chair jetait du mépris sur Paul, et il pensait qu’il vaudrait mieux que l’écharde fût ôtée. Il avait besoin de cette leçon : « Ma grâce te suffit ». Il fallait qu’il apprît que Dieu choisit les choses faibles pour confondre les fortes. Il faut que tout repose sur la puissance divine, sinon l’oeuvre de Dieu ne peut se faire selon la pensée de Dieu. On se persuade difficilement qu’il faille être faible pour faire l’oeuvre de Dieu, mais Christ a été crucifié en faiblesse, et la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes (1 Cor. 1:17-29). Pour faire l’oeuvre de Dieu, il faut que nous soyons faibles, afin que la puissance soit de Dieu (2 Cor. 4:7 et suiv.), et cette oeuvre demeurera quand la terre aura passé.
À côté du témoignage additionnel que la mère de Jésus rend par son offrande aux circonstances dans lesquelles le Seigneur de gloire naquit ici-bas, nous pouvons voir que Dieu qui, à travers tout l’Évangile, place l’homme dans une nouvelle position devant Lui, n’oubliait pas son ancien peuple. Oui, Dieu, on le voit ici, était là pour répondre à toute pensée de tout coeur d’homme touché par la grâce, en Israël ; son coeur était spécialement tourné vers ceux qui menaient deuil sur les péchés et la désolation de son peuple, et qui attendaient la délivrance, criant à Lui du milieu des ténèbres : « Jusques à quand, Seigneur ? » — Dieu accomplira en puissance ce en quoi l’homme a failli au point de vue de sa responsabilité. Serait-ce une raison de nous tenir pour satisfaits lorsque le peuple de Dieu ne le glorifie pas ? — Non, assurément : la foi n’est pas insensible, elle mènera deuil, mais se confiera en Dieu et attendra que le temps de Dieu soit venu ; car Celui qui a promis est « fidèle, qui aussi le fera » : il saura accomplir ses propres desseins.
Siméon « attendait la consolation d’Israël » ; Anne ne quittait pas le temple, mais servait Dieu en jeûnes et en prières, nuit et jour (v. 36, 37) ; ainsi faisaient tous ceux qui attendaient la délivrance, à Jérusalem. Il y avait « ceux qui attendaient » ; et Anne les connaissait et leur parlait. Les autres sans doute étaient occupés de l’oppression romaine ; mais ces quelques-uns attendaient le Christ, courbés sous la main de Dieu qui juge le mal, mais attendant sa délivrance.
Je pense qu’il y avait dans l’âme de Siméon quelque chose de plus que la joie de tenir dans ses bras le petit enfant, le Messie désiré : Siméon sentait qu’il avait Dieu ; et il était satisfait. C’est pourquoi, sans même porter ses regards en avant jusqu’à la gloire, il dit : « Maintenant, Seigneur, tu laisses aller ton esclave en paix selon ta parole ». Au chapitre 5, verset 11, de l’épître aux Romains, l’apôtre, après avoir dit que nous nous réjouissons dans l’espérance de la gloire de Dieu, ajoute : « Et non seulement cela » (car . il y a même plus que cette espérance), « mais aussi nous nous glorifions en Dieu ». Les yeux de Siméon ont vu le salut de Dieu, et il demande au souverain Maître de le laisser maintenant aller en paix.
Nous voyons souvent quelque chose de semblable au lit de mort des chrétiens qui jouissent profondément de l’amour du Seigneur pour les siens, et de la proximité de sa venue pour eux. Quelqu’un dira peut-être : Quelle consolation peut apporter la proximité de la venue de Christ à ceux qui meurent et qui s’en vont auprès de Lui ? — La voici : Plus nous sommes près de Dieu, plus nous attachons de prix à toute sa vérité et à tout ce à quoi Lui attache du prix. Ainsi, aux versets 30-32, Siméon se réjouit en contemplant l’étendue de la délivrance de Dieu : elle était pour la révélation des nations, qui avaient été jusqu’alors cachées dans les ténèbres de l’idolâtrie et de l’impiété, aussi bien que pour la gloire d’Israël. Mais l’âme de Siméon est satisfaite, parce qu’elle possède Christ et qu’elle anticipe l’effet de sa présence dans le monde entier : Siméon a tout EN LUI, et désire s’en aller en paix. Si un homme marche avec Dieu et qu’il ait achevé sa course, il sait que son oeuvre est accomplie, et il a le sentiment que le temps du Seigneur est venu ; il est associé et en communion avec le Seigneur, avec lequel il a marché. Si, au contraire, il est simplement placé sur un lit de maladie, il ne sera pas, à ce moment-là, prêt à s’en aller, non pas qu’il craigne, mais Dieu lui apprend autre chose. Mais lorsque le temps de Dieu est venu, tout est joie et l’âme est prête ; elle sent et dit comme Siméon : « Maintenant tu laisses aller ton esclave en paix ».
Lorsque Siméon bénit Joseph et Marie, l’Esprit lui donne d’annoncer les résultats immédiats de la présence de « l’Enfant » en Israël : Jésus devait être une pierre de touche pour plusieurs coeurs, un sujet de chute, aussi bien que de relèvement pour plusieurs en Israël ; un signe auquel on contredirait, et l’âme de Marie devait être transpercée, quelle que fût d’ailleurs la joie présente ou la gloire à venir.
Israël, en effet, était tombé bien bas, mais Israël ne le savait pas et il fallait que Dieu le lui fît connaître. Nous aussi, nous avons besoin que Dieu nous enseigne à cet égard, car Christ a dû descendre dans le sépulcre et ressusciter d’entre les morts. Il faut que les pensées du coeur soient révélées, quelle que soit l’apparence extérieure de l’homme ; mais Christ est celui qui manifeste aussi les pensées de Dieu. S’il est le Christ, la gloire du peuple de Dieu, il est aussi Celui qui abaissera la chair et qui rencontrera et humiliera l’homme dans son orgueil ; il est Celui qui nous fera connaître si dans sa réjection il est plus précieux que toute autre chose.
Quand ils eurent tout accompli selon la loi, les parents de Jésus s’en retournèrent en Galilée, à Nazareth. Jésus ne serait pas le Christ dont nous avons besoin, s’il avait reçu quelque gloire de Jérusalem : partout en Israël sa place est au milieu des pauvres du troupeau.
« Et l’enfant croissait et se fortifiait, étant rempli de sagesse ; et la faveur de Dieu était sur lui. » Luc nous fournit plus de détails que les autres évangiles sur la réalité de l’enfance du Sauveur. Il n’en a pas été de Jésus comme d’Adam qui a été créé homme fait.
Si quelqu’un lit seulement, sans commentaire, ces pages que Dieu nous a données, combien il en sent l’indicible prix ! Quand nous voyons qui est Celui dont elles nous parlent, nous voyons la nature humaine en Lui remplie de Dieu, pour ainsi dire. Il ne s’agit pas d’une distinction officielle ; mais le coeur sent que Dieu s’est approché de lui, et le charme et la beauté intrinsèque de l’enfant le remplissent.
L’incident lié à la Pâque, alors que Jésus avait douze ans, n’est pas moins profondément instructif que ce qui précède. Le vrai caractère du Seigneur y apparaît, quoique Jésus ne fût pas encore appelé à agir selon ce caractère. Il vint pour être un Nazaréen, pour être aux affaires de son Père, Luc nous le dit positivement avant que Jésus entre dans son ministère public, afin qu’il soit bien évident que ce caractère se lie à sa personne et ne dépend pas seulement de son office. Jésus était le Pasteur du troupeau, en esprit et en caractère. Le troupeau était à Lui. Il était le Fils du Père, quoiqu’il attendît pour le manifester le temps déterminé de Dieu.
« Et il descendit avec eux, et vint à Nazareth, et leur était soumis. » Quelle majesté dans toute la vie du Sauveur ! Le fait qu’il était Dieu assurait sa perfection comme enfant et comme homme ici-bas. Il avait toujours conscience de sa relation avec son Père ; il était un enfant obéissant, mais ayant conscience d’une gloire qui était indépendante de tout assujettissement à une parenté humaine. Il était à Marie et même à Joseph ; mais, dans un autre sens, il n’était pas à eux. Il avait pleine conscience de sa relation comme Fils de Dieu, quand d’autre part son obéissance à ses parents était absolument juste et parfaite.
« Et Jésus avançait en sagesse et en stature, et en faveur auprès de Dieu et des hommes » : son intelligence humaine se développant, il devenait ainsi — quoique toujours parfait — parfait dans un sens plus complet : l’enfant parfait devenait l’homme parfait. La plante pleine de beauté et de grâce croissait et s’épanouissait devant Dieu et devant les hommes.
Les deux chapitres précédents nous ont donné le caractère général de l’évangile de Luc ; ils nous ont montré comment les pensées de Dieu descendent vers l’homme. Si nous considérons son évangile dans son ensemble, Luc est spécialement occupé de ce qui n’est pas juif ; toutefois la partie qu’on peut appeler juive nous est donnée d’abord avec beaucoup de détails, parce qu’Israël, vu son incrédulité et sa dépravation morale, sera mis de côté pour ouvrir la voie à de nouvelles relations, fondées sur la révélation de ce que Dieu est pour l’homme en Jésus, vrai et seul Médiateur. Mais si le chapitre 1 nous a montré la fidélité de Dieu aux promesses faites à Abraham, à son alliance et à son serment, le chapitre 2 nous met en présence du gouvernement actuel du monde, du pays et du peuple du Seigneur, sous la quatrième « bête », qui est l’empire romain. Quelle confusion le péché ne crée-t-il pas ? Les Juifs sont assujettis aux nations : Joseph et Marie, de la maison royale de David, vont se faire enregistrer et taxer ! Mais les voies de Dieu brillent d’un éclat d’autant plus grand qu’elles s’accomplissent au milieu des ténèbres. « Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même » (2 Cor. 5:19). Cependant Israël allait être mis à une nouvelle épreuve morale par le fait que Dieu se présentait ainsi aux regards des hommes. Hélas ! on devait voir bientôt que si les Juifs n’avaient pas gardé la loi, ils haïssaient la grâce. « Voici, celui-ci est mis pour la chute et le relèvement de plusieurs en Israël, et pour un signe que l’on contredira. »
Au chapitre 3, Dieu intervient par un prophète, comme jadis il était intervenu par le ministère de Samuel : « La parole de Dieu vint à Jean, le fils de Zacharie, au désert ». — Ce n’est pas sans motif que l’Esprit mentionne ici la quinzième année de Tibère César : toute la terre jouissait en apparence du repos sous son maître païen ; la parole de Dieu trouvait dans le désert la sphère qui lui convenait. La loi et les prophètes étaient jusqu’à Jean ; au milieu d’un tel état de choses, quel lieu pouvait convenir à celui-ci, sinon le désert ? Pouvait-il reconnaître moralement l’état d’Israël ? Dieu ne veut pas que son messager soit à Jérusalem.
La « prophétie » est l’intervention souveraine par laquelle Dieu peut communiquer avec son peuple, quand il est déchu et s’est détourné de Lui. Jean le comprend et prêche le baptême de repentance pour la rémission des péchés. Ésaie le prophète, bien des siècles auparavant, lui avait assigné cette place. Il ne servait de rien à Israël de mettre en avant ses droits et ses privilèges : son état tout entier était mauvais, et le Juge était à la porte. Jean ne rappelait pas le peuple à la loi ; il préparait le chemin du Seigneur. En cela il différait des prophètes aussi bien que de la loi, ou plutôt il allait plus loin ; car le temps de Dieu était venu pour faire un pas en avant. Les prophètes ramenaient le peuple en Horeb ; Jean parle autrement, quoique son père fût un sacrificateur, et lui-même un descendant d’Aaron. Il ne cherche pas à rétablir ce qui était terminé ; il annonce le royaume. Il n’introduit pas l’Église, ni même les bonnes nouvelles de la grâce de Dieu, car toutes deux attendaient l’accomplissement de l’oeuvre de la rédemption ; mais il laisse la loi et montre que le dessein de Dieu, c’est « le royaume ».
La citation d’Ésaïe met de côté Israël, non pas les gentils seulement, mais Israël, comme de l’herbe séchée dans laquelle il n’y a plus un seul brin vert. Cependant la parole de Dieu demeure à jamais ; et elle demeure quand tout espoir du côté de l’homme s’est évanoui. Israël peut avoir failli, mais la parole de Dieu demeurera. De plus, puisque c’est le Seigneur qui vient, « toute vallée sera comblée, et toute montagne et toute colline sera abaissée... » ; et non seulement les Juifs, mais « toute chair verra le salut de Dieu ». Si le péché plonge tout le monde dans une commune ruine et sous un même jugement, Dieu peut satisfaire aux besoins de l’homme ainsi déchu ; mais sa gloire ne sera pas renfermée dans les limites étroites d’Israël.
Mais, pour être béni, il faut que l’homme se repente. Dieu veut de la réalité et non pas seulement un peuple nominal ; il veut des faits qui conviennent à des coeurs sentant et jugeant leur condition morale et qui par conséquent se tournent d’eux-mêmes vers Lui. Des ordonnances, des droits formels, qui auraient dû être des moyens de bénédiction, n’étaient nullement un abri contre la colère qui vient, et Dieu ne permettrait pas à ceux qui se prévalaient de ces droits, d’empêcher qu’il créât de vrais enfants de la promesse, si la génération présente devait reprendre le caractère d’Ismaël. Le jugement doit commencer par la maison de Dieu (voyez 1 Pierre 4:17).
De fait, nous le savons, Jean fut décapité, le Seigneur crucifié, et le royaume présenté en Lui et par Lui, rejeté par Israël ; mais bientôt, le royaume sera établi visiblement et en puissance (*). En attendant l’Église est formée, parce que le royaume n’est pas encore établi sous cette forme visible ; et ceux qui maintenant prennent leur place avec le Seigneur partagent sa réjection. Ils sont membres de son corps, l’Église ; ils partageront sa gloire ; mais ce sera une gloire céleste et non pas terrestre. En un autre sens, nous sommes dans le royaume maintenant. Pour la foi, les cieux règnent à présent, et nous le reconnaissons et nous le savons ; mais Satan est actuellement prince et dieu de ce monde ; et ainsi, ceux qui sont faits rois pour Dieu (car c’est là notre vraie place en tant que chrétiens) sont appelés à souffrir. C’est pourquoi Paul allait partout, prêchant le royaume de Dieu, aussi bien que Christ et l’Église. Nous avons ce en vertu de quoi nous régnerons avec Christ ; mais nous avons une part bien plus glorieuse encore qui est d’être avec Christ, son corps et son épouse. Pour peu que notre pensée s’arrête sur la personne de Christ, nous comprendrons facilement que, lorsque Lui est retranché, tout est fini pour ce qui concerne la terre. Il est le centre de tout ; et lorsqu’il est rejeté, c’en est fait de ce que la prophétie annonçait et de ce qui semblait sur le point de s’accomplir. Mais Christ rejeté ressuscite et monte au ciel, entrant dans une gloire qui est au-dessus des cieux ; et là, dans les cieux, les saints trouvent leur place avec Lui (comp. Ps. 2 et 8).
(*) Remarquez que Matthieu seul se sert de l’expression de : « royaume des cieux ». Cette expression peut souvent, dans un sens général, être confondue avec celle de « royaume de Dieu », comme nous le voyons par la comparaison avec Luc ; cependant les deux termes ne peuvent pas toujours se remplacer mutuellement, et Matthieu dit : « royaume de Dieu », dans quelques passages où il ne pouvait pas dire : « royaume des cieux » (voyez Matthieu 6:33 ; 12:28 et 21:43).
Ainsi le « royaume de Dieu » était présent lorsque Christ, le roi, était présent ici-bas ; le « royaume des cieux » commença lorsque Christ monta dans les cieux. Le jour vient où Satan cessant de gouverner, le « royaume des cieux » (et « de Dieu » aussi, sans doute) prendra une autre forme, non plus en mystère, mais en manifestation. Le « royaume de Dieu » a aussi un sens moral que le terme de « royaume des cieux » n’a pas ; et dans ce sens, l’expression est fréquemment employée par Paul dans ses écrits et elle convenait particulièrement au dessein de l’Esprit dans Luc (voyez Actes 20:25 ; Rom. 14:17 ; 1 Cor. 6:9, 10 ; 15:50 ; 2 Thess. 1:5 ; Luc 6:20 ; 8:1 ; 9:62 ; 13:18, 20, etc.).
Jean s’adresse aux Juifs, demandant la repentance et la justice qui en est le fruit. Il leur montre que si, extérieurement, ils sont plus rapprochés de Dieu que les nations, ils doivent d’autant plus tôt attendre le jugement : il insiste sur le fait que, si le Seigneur venait, il devait trouver ce qui convient au Seigneur. Même alors la cognée était mise à la racine des arbres ; chaque arbre, s’il ne portait pas de bon fruit, devait être abattu et brûlé. Repentance ou colère : choisissez ! Le Seigneur n’admettra pas vos prétentions comme descendants d’Abraham, si vos voies renient Abraham : le Seigneur veut de la justice. C’est le Seigneur qui vient ! Et il faut qu’il ait un peuple préparé pour Lui ; sinon des pierres mêmes il se formera un peuple selon ses pensées.
Évidemment, la parole de Jean n’est pas une voix de miséricorde pour le pauvre pécheur ; Jean présente Dieu comme juge, et non pas comme agissant dans la souveraineté de sa grâce ; il ne dit pas et ne pouvait pas dire : « Venez à moi », parce que Jean n’était pas Christ. Christ seul a pu dire : « Venez à moi ». Jean venait dans les voies de la justice.
Les versets 10-14 renferment un témoignage moral. Jean entre dans les détails et s’occupe de l’iniquité pratique de chacune des classes dont se composait la foule qui l’entourait. Même lorsque la question du Christ est soulevée, dans les versets 15-18, Jean dit : Il en vient un « plus puissant que moi » ; il pense particulièrement à la puissance de Celui qui vient, — à sa puissance morale aussi bien qu’extérieure. Celui-là « vous baptisera de l’Esprit Saint et de feu. » Il s’agit ici de la puissance du Saint Esprit et de son jugement consumant. Jean ne pouvait parler de la grâce de l’Évangile tel que nous le connaissons maintenant ; il annonçait un glorieux personnage qui venait après lui, non pas un salut actuel. Tout ce qui ne pouvait pas endurer le feu devait être brûlé ; car « il a son van dans sa main, et il nettoiera entièrement son aire et assemblera le froment dans son grenier » (comp. És. 21:10 et suivants). « L’aire de Dieu », — c’était Israël : là Dieu trouvait son froment, s’il y en avait ; mais il avait son van dans sa main et il allait faire une oeuvre abrégée. Titus finalement a mis de côté l’aire de Dieu sur la terre ; le péché d’Israël avait fait perdre moralement sa place au peuple, lorsqu’il rejeta Christ ; mais à la destruction de Jérusalem, Israël perdit entièrement cette place pour le présent.
Le mode d’enseignement de Luc mérite d’être remarqué ici en passant : Luc montre que Jean avait prêché et exhorté au point de vue moral ; — et puis il dispose de Jean, l’éliminant pour ainsi dire de la scène, afin d’y introduire Christ. Ce n’est pas que, historiquement, Jean ait été emprisonné à ce moment-là par Hérode le tétrarque, car cet événement n’eut lieu que beaucoup plus tard ; mais nous avons ici un exemple de la manière de Luc ; il revient au Seigneur prenant sa place au milieu du résidu d’Israël, car le Seigneur ne s’identifie pas avec la nation ; mais dès qu’il y a un pauvre résidu, il s’identifie avec lui.
Nous trouvons le récit de ce fait dans les versets 21 et suivants. Qu’elle est merveilleuse et pleine de grâce cette entrée de Jésus au milieu de ceux que la voix de Jean-Baptiste avait rassemblés ! « Et il arriva que, comme tout le peuple était baptisé, Jésus aussi étant baptisé et priant, le ciel s’ouvrit ; et l’Esprit Saint descendit sur lui sous une forme corporelle, comme une colombe ; et il y eut une voix qui venait du ciel : Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai trouvé mon plaisir. » — Quelqu’un eût pu contempler et écouter avec tristesse ce que nous lisons au sujet de Jean-Baptiste et de son témoignage ; nous eussions pu, en entendant le glas funèbre de l’humanité, nous écrier : Qu’est-ce que l’homme ? Mais maintenant notre oeil se repose sur Jésus : nous trouvons le Seigneur venu du ciel, un homme ! Tout est à recommencer. Si je demande encore : Qu’est-ce que l’homme ? — aussitôt Christ apparaît. Si je regarde à moi-même, à tout ce qui m’entoure, que vois-je ? — assez pour briser le coeur, s’il y a un coeur qui puisse être brisé. La seule chose qui empêche qu’on ne soit entièrement accablé par la vue de l’état des choses ici-bas, c’est qu’on n’a pas de coeur pour sentir les choses comme elles sont. Mais ici il y a du repos ! J’ai trouvé maintenant un homme qui a satisfait Dieu, un homme sur la terre dans la présence de Dieu, regardant vers Dieu, et étant un objet pour Dieu ! — non pas le Messie purifiant son aire, mais Celui en qui toutes les pensées et tous les conseils de Dieu sont renfermés ; — non pas l’homme et sa beauté détruits par la teigne, mais Jésus, le Fils de l’homme, non seulement le descendant d’Abraham et de David, mais Celui dont la lignée remonte jusqu’à Adam et jusqu’à Dieu, — « fils d’Adam, fils de Dieu », le second homme, le dernier Adam, l’Esprit vivifiant ! Quelle consolation ! — car qu’est-ce que l’homme ? Qu’est-ce que le « moi », quand le péché du coeur est connu ? — ce « moi » qui, depuis le commencement jusqu’à maintenant abandonne Dieu pour le fruit d’un arbre ? Mais ici un homme apparaît, un homme béni « et priant ». Nous ne trouvons pas ce détail ailleurs. Et pourquoi nous est-il donné ici ? — Parce que Luc présente l’homme dans sa perfection, l’homme dépendant ; car la dépendance est l’essence d’un homme parfait. Sans doute, nous voyons Dieu briller en Jésus, mais en Jésus, l’homme dépendant, à la place et dans la condition de perfection comme homme. La racine du péché en nous c’est la volonté propre, l’indépendance ; ici, en Jésus, mon coeur trouve du repos ! — un homme dépendant au milieu de la misère et de la ruine, mais parfaitement avec Dieu en tout ! (comparez aussi le récit que Luc nous donne de la transfiguration). Dans l’humiliation ou dans la gloire, il n’y a point de différence quant à ce point : l’homme parfait est toujours l’homme dépendant.
Et lorsque ce coeur exprimait ainsi sa dépendance, ne reçut-il aucune réponse ? « Le ciel s’ouvrit. » Est-ce que le ciel s’ouvre ainsi sur moi ? Il est ouvert pour moi, en vérité, sans doute ; mais moi, je prie parce qu’il est ouvert ; — il s’ouvrit, parce que Lui priait. Mais, je viens et je regarde en haut, parce que les cieux furent ouverts sur Lui.
Quel attrayant tableau de la grâce, un tableau dont nous pouvons dire avec hardiesse, que le Père aimait à le contempler. Oui, le Père aimait à regarder d’en haut sur la terre, au milieu de tout ce péché, sur son Fils. Rien que de divin ne pouvait ainsi attirer le coeur de Dieu ; et cependant l’homme humble et parfait, Jésus, ne prend pas la place de sa gloire éternelle comme Créateur, Fils de Dieu : il s’abaisse et il est baptisé ; il dit à Dieu : En toi « je me confie ». Il dit à l’Éternel : « Tu es le Seigneur, ma bonté ne s’élève pas jusqu’à toi » ; et il dit au résidu fidèle en Israël, c’est-à-dire aux saints qui sont sur la terre et aux excellents : « En eux sont toutes mes délices » (Ps. 16). Jésus n’avait pas besoin de repentance, et cependant il est baptisé avec eux, précisément comme plus tard il met dehors ses brebis et va devant elles. Il s’identifie en grâce avec Israël, c’est-à-dire avec ceux qui avaient le coeur pur ; et le Saint Esprit descend sur Lui comme une colombe, — vrai emblème de cet homme sans tache, — vrai lieu de repos pour l’Esprit dans le déluge de ce monde ! (comp. Gen. 8:9). Combien aussi il est précieux pour nous que Jésus nous soit désigné comme l’objet de Dieu. Nous savons quels sont les sentiments du Père à son égard ; nous sommes initiés aux pensées du Père et admis à l’entendre exprimer son affection pour son Fils, à voir les liens se reformer entre Dieu et l’homme. Le ciel est ouvert, non pas sur quelque chose qui soit en haut, mais sur un homme qui est sur la terre. Ainsi je trouve du repos ; et mon coeur entre en communion avec Dieu au sujet de son Fils bien-aimé. Il n’y a que le croyant qui en jouisse ; mais le lien est là ; et si j’ai en moi et autour de moi ce qui trouble mon âme, j’ai en Lui ce qui est une joie et une consolation qui ne pourront défaillir.
La généalogie dans Luc s’accorde avec la pensée que Dieu agit en grâce dans l’homme et envers l’homme. Jésus, le Fils bien-aimé de Dieu, a une généalogie qui remonte jusqu’à Adam et jusqu’à Dieu. Jésus est Fils de l’homme ; il est héritier dans ce sens et vient revendiquer l’héritage que Dieu donna à l’homme. Quelle vérité ! De quel côté le coeur se tournerait-il pour trouver du repos, s’il n’avait pas Jésus pour se reposer en Lui ? Avec Lui, que le ciel et la terre soient renversés, j’ai cependant un repos ! Quel bonheur pour le coeur d’avoir l’objet dont Dieu lui‑même est occupé ! Que nos coeurs aussi soient de plus en plus tournés vers Lui et occupés de Lui.
Le Seigneur ayant pris la place de serviteur au milieu des « excellents » d’Israël, le ciel s’était ouvert sur Lui, et il avait été reconnu par le Père comme son Fils bien-aimé. Ses plaisirs étaient avec les fils des hommes ; aussi sa généalogie n’est-elle pas retracée seulement jusqu’à Abraham, la racine et le dépositaire des promesses juives, mais jusqu’à Adam et à Dieu lui-même. Indépendamment de sa propre gloire divine comme Fils du Père, Jésus devait être appelé le « Fils du Très-Haut », le « Fils de Dieu ». Comme homme sur la terre, il fut scellé du Saint Esprit. Il prit la forme d’un serviteur et fut fait à la ressemblance des hommes. La plénitude de sa perfection était maintenant d’accomplir comme serviteur la volonté de Celui qui l’avait envoyé ; car un serviteur qui fait sa propre volonté est un mauvais serviteur. La dépendance, la patience et l’obéissance étaient les traits caractéristiques de la place qu’il prenait, et se trouvent en Lui au plus haut degré. C’est pourquoi le Psaume 40, qui nous le présente prophétiquement, dit : « J’ai attendu patiemment l’Éternel ». Il ne demande pas la puissance, mais il s’attend à Dieu : « Penses-tu que je ne puisse pas maintenant prier mon Père, et il me fournira plus de douze légions d’anges ? » (Matt. 26:53). Mis absolument et foncièrement à l’épreuve, il n’a jamais rien voulu si ce n’est faire la volonté de son Père. Il fallait qu’il apprît l’obéissance (comp. Héb. 5:8). Ayant pris la place de serviteur, il garde cette place jusqu’au bout, non pas dans un acte, mais en faisant l’expérience de la force de cette expression : apprenant « l’obéissance », sans qu’il ait eu aucune consolation ici-bas, avec des ennemis tout autour de Lui, des chiens l’entourant, de puissants taureaux de Basan qui l’environnaient. Il dut apprendre l’obéissance, là où l’obéissance était toujours la souffrance, même jusqu’à l’abandon de sa vie. Chacun de ses pas était un pas dans l’humiliation, jusqu’à ce qu’il vînt au terme de sa course, à la croix, où il porta la colère de Dieu en amour pour nous. Sans doute il trouva dans sa réjection des champs blancs « pour la moisson », et nous aussi, dans notre mesure, nous en trouverons, si nous marchons dans le même chemin ; mais la croix (tout ce qui pouvait arrêter un homme) était toujours devant Lui ; cependant il poursuivit sa route, attendant patiemment et ne demandant pas de délivrance. Il présente ainsi le Dieu parfait à l’homme, et l’homme parfait à Dieu.
Dans ce chapitre, Jésus entre publiquement dans le chemin de patiente obéissance. La première chose que nous ayons à remarquer ici, c’est que, plein du Saint Esprit, le Seigneur est conduit par l’Esprit au désert, où il est tenté par le diable. L’ennemi est puissant de deux manières : il tente, ou il effraie. Dans le premier cas, il agit par nos convoitises, présentant ce qui, est calculé pour attirer et ainsi il domine sur nous naturellement ; — dans le second cas, il a la puissance de la mort. Ainsi Judas, étant un homme avare et qui n’avait pas la foi qui purifie le coeur, Satan fait naître l’occasion et s’empare de lui, non pas que Satan ait aucun droit de dominer sur les hommes, mais il acquiert la domination sur eux par les convoitises de la chair ; — d’un autre côté, il effraie par les terreurs de la mort. Il assaillit le Seigneur de ces deux manières, mais ne trouva rien en Lui (comp. verset 13 et Jean 14:30).
Ici donc le diable se rencontre avec l’homme, l’homme dans la puissance de l’Esprit de Dieu ; tenté non dans le paradis, mais dans le désert. Jésus ne dit pas « Je suis Dieu, et toi, tu es Satan ; va arrière de moi » — Dieu n’aurait pas été glorifié ainsi et nous n’en aurions tiré aucun profit. Mais comme le Seigneur avait été conduit dans le désert, non par la convoitise (penser cela serait un blasphème !) mais par le Saint Esprit, ainsi dans sa grâce il se place lui-même là où l’homme se trouvait. Il ne reçoit de secours de personne, pas même de Jean-Baptiste ; bien au contraire, il est entouré de tout ce qui l’aurait fait broncher, si cela avait été possible : il passe au travers de tout comme homme. Il faut qu’il soit tenté, et qu’il soit vainqueur là où l’homme, non seulement avait failli, mais où il gisait sous la puissance du mal.
Il n’y avait pas de mal à avoir faim : ce n’était pas un péché. Jésus eût pu commander que les pierres devinssent du pain : mais faire ainsi, sauf à la parole de son Père, c’eût été faire sa propre volonté, et Jésus n’aurait pas été l’homme parfait. Satan cherche à introduire dans le coeur de Jésus un désir qui ne fût pas dans la parole de Dieu : il avait réussi à insinuer une convoitise dans le coeur d’Adam ; mais ses traits sont impuissants contre Jésus, quoique ce dernier soit quarante jours exposé à sa présence et à sa puissance. Jésus dut apprendre par l’expérience ce que c’est que d’être sans secours d’aucune part, sans amis, dans une affreuse solitude, n’ayant autour de Lui que les bêtes sauvages, exposé aux attaques du diable ! Il mesura ainsi la puissance de Satan. L’homme fort était là devant Lui, usant de toutes ses armes ; mais Celui qui était plus fort que lui le vainquit. Jésus lie l’homme fort. Il fut en dehors de la condition humaine quarante jours, — non pas comme Moïse, pour être seulement avec Dieu, mais comme Celui qui était toujours avec Dieu pour être exposé aux attaques de Satan. Aucun autre homme n’a besoin de sortir de sa condition pour être tenté, il n’a qu’à poursuivre sa route avec les hommes ; mais en Jésus cette séparation extraordinaire avait lieu pour qu’il fût avec le diable. Pour être avec Dieu, Jésus n’avait besoin de rien en dehors de son chemin de tous les jours, car sa place naturelle était d’être avec Dieu ; mais pour être avec Satan, il avait besoin de cette séparation extraordinaire dans laquelle nous le voyons ici. D’autres sont étrangers à Dieu et familiers avec Satan ; Lui, dans les choses les plus adverses, est un étranger pour Satan, et demeure dans le sein du Père. Mais il s’anéantit lui-même comme Dieu, pour devenir un serviteur comme homme ; et étant en figure comme un homme, un homme dépendant, il s’attend à la parole de Celui qu’il servait. Le Père qui est vivant l’avait envoyé, et Lui vivait à cause du Père (voyez Jean 6:57) : il était comme homme sous l’autorité de Celui qui l’avait envoyé, et sa viande, c’était de faire sa volonté. « Par la parole de tes lèvres je me suis gardé des voies de l’homme violent » (Ps. 17:4).
Jésus se sert toujours de la Parole écrite, et Satan est sans puissance. Quelle importance extraordinaire il donne aux Écritures ! Dieu agit maintenant par la Parole, et on résiste moralement à Satan par ce moyen. Satan ne peut toucher un homme qui garde simplement la Parole : « Celui qui est né de Dieu se conserve lui-même, et le méchant ne le touche pas » (1 Jean 5:18). Ce n’est pas par un acte de son autorité divine que Jésus renvoya Satan, mais l’ennemi est démontré impuissant devant l’obéissance à la parole de Dieu. Si le diable ne peut pas faire sortir du chemin de l’obéissance, il n’a point de puissance. Qu’est-ce qu’il peut y avoir de plus simple ? Tout enfant de Dieu a le Saint Esprit agissant par la Parole pour le garder.
Jésus ne raisonne pas avec Satan. Un simple texte le réduit au silence, quand on s’en sert dans la puissance de l’Esprit. Tout le secret de la force dans la lutte consiste en un juste emploi de la parole de Dieu. Quelqu’un dira peut-être : Je ne suis pas comme cet homme parfait. Il pouvait en être ainsi pour Christ, mais comment moi puis-je espérer le même résultat ? En effet, nous sommes ignorants et la chair est en nous ; mais Dieu est toujours le souverain Seigneur, et il est fidèle et ne permettra pas que nous soyons tentés au-delà de ce que nous pouvons supporter. La tentation peut être simplement une épreuve de notre obéissance comme elle le fut pour Abraham, non pas un piège pour nous détourner du droit chemin. Satan présente ce qui n’a aucune apparence de mal. Le mal serait, pour quelqu’un, de faire sa propre volonté. Or ce qui résout toute difficulté, c’est de se demander non pas : quel mal y a-t-il à faire ceci ou cela ? mais : pourquoi est-ce que je fais ceci ou cela ? Est-ce pour Dieu ou pour moi-même ? Quoi, direz-vous peut-être, je devrais avoir toujours ce pénible frein ? Le secret de notre nature est ainsi mis en évidence : nous n’aimons pas être dans l’obligation de faire ce que Dieu approuvera. C’est un frein pour nous que de faire la volonté de Dieu ! Nous voulons faire notre propre volonté. Agir seulement parce qu’il le faut, c’est la loi, et non pas la direction de l’Esprit. La parole de Dieu était le motif de Christ, et c’est de la même manière que Christ dirige les siens. Notre sauvegarde contre Satan ne consiste pas à mettre au vieil homme une barrière mais elle est dans le nouvel homme, vivant de toute parole qui sort de la bouche de Dieu.
La première tentation est un appel fait aux besoins du corps ; la seconde (dans Luc, non pas dans Matthieu) est la tentation de la gloire du monde ; la troisième (dans cet évangile) est la tentation religieuse par la parole de Dieu, et par conséquent au point de vue moral, la plus subtile de toutes pour quelqu’un qui apprécie cette Parole. C’est pour cette raison que Luc s’écarte ici de l’ordre historique des événements, pour grouper ceux-ci moralement, selon son habitude. Le tentateur s’attaque d’abord au Seigneur Jésus en rapport avec la vie de l’homme ; ensuite, en rapport avec la puissance donnée à l’homme, et troisièmement, en rapport avec les promesses faites à Christ lui-même.
Le Seigneur eût pu raisonner avec le diable ; il ne lui dit pas même que de toute manière le règne du monde Lui appartiendrait un jour. Il se tient sur un terrain qui met tout à sa vraie place, et où il est un exemple parfait pour nous : il s’en tient à la parole et au culte de Dieu. Il s’attend à la parole de Dieu, rend hommage à Dieu, le sert Lui seul. Que tout cela est simple et beau ! C’était le lien direct avec Dieu d’un coeur obéissant, une question de relation avec Dieu. Ainsi jadis, Éliézer fut béni ; mais avant de commencer à jouir de la bénédiction, il rend grâces (Gen. 24:26, 27, 52) : il eut d’abord la parole, ensuite la bénédiction. Que vient-il après ? Il courbe la tête pour adorer. Dieu est la première pensée de son coeur. Il en est de même ici du Seigneur, mais d’une manière bien plus complète. La dernière et la plus subtile des tentations était fondée sur les promesses faites au Messie (v. 9-11). Si tu es le Fils de Dieu, pourquoi ne pas essayer ? Mais pourquoi Jésus aurait-il mis Dieu à l’épreuve, Lui qui savait que Dieu était pour Lui ? Pourquoi aurait-il été présomptueux comme Israël autrefois lorsque, désobéissant à Dieu, il voulut monter sur la montagne afin d’éprouver si Dieu était au milieu de son peuple ? Même lorsque Lazare est malade, Jésus ne fait pas un pas jusqu’à ce que la volonté de son Père soit manifestée, quoique tout ce qui est « nature » se fût ému, et qu’il connût bien l’affliction de cette maison qui était son refuge ; car « Jésus aimait Marthe, et sa soeur, et Lazare ».
Le Seigneur n’écouta pas Satan. Qui l’eût écouté, direz-vous peut-être ? Mais vous écoutez Satan à chaque jour de votre vie où vous cherchez même la plus insignifiante chose de ce monde. N’y avait-il donc pas une promesse pour Jésus ? Assurément ; mais pourquoi se serait-il jeté du haut du temple en bas pour s’assurer si Dieu vaudrait sa parole ? Ne savait-il pas que Dieu était avec Lui ? Il en est de même pour nous : appliquons-nous seulement à avoir la Parole derrière nous, sans nous inquiéter de ce que nous pouvons avoir devant nous. Nous ne devrions jamais soulever la question de savoir si Dieu est avec nous. S’il ne nous envoie pas, tenons-nous tranquilles, mais ne mettons jamais en doute sa présence. Si nous sommes dans le simple chemin de sa volonté, le Saint Esprit agira en nous pour nous guider, et non seulement sur nous pour nous redresser.
Ainsi donc, dans l’ordre non pas historique, mais moral, suivi par Luc, nous trouvons les exercices d’âme progressifs d’un homme : d’abord, ce qui est relatif aux convoitises naturelles, ensuite, aux convoitises mondaines (*), et enfin, les tentations spirituelles. Le Seigneur Jésus a été tenté ici-bas, dans le monde dans lequel nous nous trouvons, non pas en Eden. Il se plaça, par la volonté et la sagesse de Dieu, là où l’homme se trouve dans ce monde, lieu de nos difficultés. Il a traversé toutes celles qui entourent un fidèle. Qui a besoin de son secours ? Non pas un pécheur, car un pécheur a besoin de salut, mais un saint, car un saint a besoin d’aide et de sympathie dans sa course. Nous avons à maintenir pratiquement notre premier état, en tant qu’hommes renouvelés. Satan ne peut toucher le nouvel homme ; mais il essaie de nous entraîner hors du chemin de la piété. Nous avons besoin de secours pour marcher comme des enfants d’obéissance là où Christ a marché.
(*) La parole de Satan (Luc 4:6) : « Je te donnerai toute cette autorité... ; car elle m’a été donnée, et je la donne à qui je veux »... était fausse en droit, mais vraie en fait par les convoitises des hommes. Aussi loin que vont celles-ci, Satan donne cette autorité ; mais Dieu, après tout, est au-dessus de lui et gouverne en providence.
« Et Jésus s’en retourna en Galilée, dans la puissance de l’Esprit ; et sa renommée se répandit par tout le pays d’alentour. Et lui-même enseignait dans leurs synagogues, étant glorifié par tous. » En toutes choses son obéissance est manifestée. Invulnérable à Satan, il s’avance avec une puissance que rien n’arrête, et, dans notre mesure, nous le ferons aussi, si comme Lui nous passons par la tentation, de manière à ne pas être touchés par l’Ennemi.
« Et il vint à Nazareth où il avait été élevé », — à Nazareth, ville humble et méprisée, mais lieu de la puissance spirituelle. N’en a-t-il pas toujours été de même ? Quand est-ce que la puissance spirituelle se trouve alliée aux choses grandes de ce monde ?
« Et on lui donna le livre du prophète Ésaïe ; et... il trouva le passage où il était écrit : L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a oint pour annoncer de bonnes nouvelles aux pauvres... » C’était le trait caractéristique de la grâce : elle venait pour les pauvres, les malades, etc. La grande affaire de Christ était de prêcher, c’est-à-dire de présenter Dieu. Le Saint Esprit fournit la parole convenable au temps convenable et de la manière convenable. Le Seigneur ne raisonne pas ; il dit : « Aujourd’hui cette écriture est accomplie, vous l’entendant » (v. 21). Dieu a pour manière de faire de présenter ce dont nous avons besoin. Vous avez besoin de salut : le voici ; de miséricorde : la voici. Dieu seul peut descendre ainsi par grâce jusqu’où le pécheur se trouve. Tous s’étonnaient, car les paroles de Jésus étaient précieuses. Mais bientôt ils demandent : « Celui-ci n’est-il pas le fils de Joseph ? » Avait-il honte d’être le charpentier ? La grâce descend jusqu’à la misère la plus profonde et elle prend la dernière place. Mais l’homme en prend occasion pour la mépriser, parce qu’elle se revêt d’humiliation : il ne peut pas ne pas voir Dieu, mais il s’en détourne pour regarder à l’humiliation, montrant ainsi la haine de son coeur. L’homme méprise la grâce de Dieu, et hait sa souveraineté. Dieu ne méprisait pas Nazareth ; mais l’homme méprise Jésus, parce qu’il vient de Nazareth. Nathanaël même, l’Israélite sans fraude, demande : « Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ? » (Jean 1:47). Combien peu même l’homme pieux sait discerner les voies de la grâce ! Christ s’abaisse jusqu’à la misère de l’homme et le trouve où il est. Un ange eût-il pu faire cela ? Non ; il se tient où Dieu l’a placé, faisant les commandements du Seigneur et écoutant la voix de sa parole (Ps. 103:20). Un ange ne devait pas descendre jusqu’à moi dans mes péchés ; Dieu seul, dans sa grâce, pouvait le faire. Et l’homme — le malheureux ! — méprise l’abaissement dans lequel la grâce a amené Dieu !
Israël résista toujours à la grâce, et cependant la grâce fut toujours la voie du bon plaisir de Dieu, témoins la veuve de Sarepta et Naaman le Syrien. La grâce dépassait les limites d’Israël (v. 25-27). Les Juifs pouvaient s’en irriter, mais cela n’empêchait pas la grâce de déborder par-dessus leurs limites. Ils se levèrent, et ayant chassé hors de la ville et mené sur le bord escarpé de la montagne celui qui avait nié leurs privilèges, ils voulaient l’en précipiter ; mais Lui passant au milieu d’eux, s’en va renouveler ailleurs l’oeuvre de la grâce (v. 28-32). Cette contradiction des Juifs n’émeut pas Jésus ; elle l’éprouve et brise son coeur, mais ne l’émeut pas. Le mépris de l’homme le tourne vers Dieu ; la volonté de son Père est sa consolation, dans sa réjection : « Oui, Père, car c’est ce que tu as trouvé bon devant toi ». C’est la perfection sur la scène de la grâce, comme précédemment, sur la scène de la tentation.
Mais il y avait aussi la manifestation de la puissance ; c’était plus qu’une simple promesse, c’était l’accomplissement de la promesse pour la délivrance de l’homme en puissance, aussi bien que la grâce ; et ceci demeure vrai pour nous qui connaissons le Seigneur comme homme ressuscité et élevé à la droite de Dieu. La simple promesse ne fournit pas un centre pour les affections : Christ lui-même est ce centre, Christ, l’objet de la promesse. Il éveille en nous des pensées et des sentiments divins qui ne trouvent aucune réponse ou satisfaction quelconque dans ce monde. Tel est Christ : lorsqu’il se présente Lui-même, il apporte avec Lui la paix et la grâce ; et, en communion avec Lui, l’âme peut se réjouir avec actions de grâces en ce qu’il est.
Cette grâce s’adapte à toutes les difficultés, de manière à amener l’homme à la paix avec Dieu. Les démons mêmes savaient qui était Jésus ; l’homme seul était sourd et aveugle. Le diable le tenait captif, mais une simple parole de Jésus met en liberté le captif. Jésus était là, — non pas seulement une promesse, mais une puissance opérante, la puissance vivante du Seigneur au milieu des hommes, la puissance de Dieu dans l’homme, remportant la victoire sur Satan. Tel était Jésus dans la synagogue de Capernaüm devant l’homme qui avait un esprit immonde.
Jésus est le même quand il sort de la synagogue et qu’il entre chez Simon : la maladie disparaît ; la malade faible est rendue forte. Il se penche sur la belle-mère de Simon qui était prise d’une grosse fièvre, « et à l’instant s’étant levée, elle les servit ».
Qu’est-ce qui peut résister à cette puissance libératrice présente dans la personne du Seigneur Jésus ? « Et comme le soleil se couchait, tous ceux qui avaient des infirmes atteints de diverses maladies, les lui amenèrent ; et ayant imposé les mains à chacun d’eux, il les guérit. Et les démons aussi sortaient de plusieurs » (v. 40 et suiv.). Il allait de lieu en lieu faisant du bien et guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance (comp. Actes 10:38). C’est pourquoi quand les foules le retiennent pour qu’il ne s’en aille point, il leur répond que sa mission est de prêcher aussi ailleurs : il est toujours l’homme obéissant.
Il est intéressant de connaître la puissance progressive de la parole de Dieu. Le Seigneur prêchait, comme nous l’avons vu à la fin du chapitre 4, et en faisant ainsi, aussi bien que dans les miracles qu’il accomplissait, il manifestait la puissance de la bonté. Ces miracles qu’il opérait avaient un double but ; savoir : la confirmation du témoignage rendu, et la délivrance actuelle de la puissance de Satan. Mais la grande oeuvre du Seigneur était de prêcher le royaume de Dieu. Il établira bientôt le royaume en puissance ; mais son grand objet était alors comme aujourd’hui de mettre les coeurs en rapport avec Dieu ; or la Parole est plus efficace pour cela que les miracles.
En une certaine mesure, même les hommes inconvertis sont sensibles à la présence de Dieu. Adam ouït la voix de l’Éternel Dieu et chercha à se cacher parmi les arbres du jardin. Quand l’Évangile est prêché avec puissance, il rassemble des foules, touchées peut-être par une chose nouvelle, mais sans qu’il y ait de fruit. Il en était ainsi de la prédication et des miracles du Seigneur : les foules se pressaient autour de Lui, attirées souvent, nous le savons, par des motifs égoïstes ; mais Lui poursuivait son chemin en dépit de tout. Descendu ici-bas pour la bénédiction de l’homme, il voulait associer d’autres hommes avec Lui dans cette oeuvre de grâce ; mais il les appelle d’une manière qui ne laisse aucune gloire à l’homme : « Il vit deux nacelles qui étaient au bord du lac. Or les pêcheurs en étaient descendus et lavaient leurs filets. — Et montant dans l’une des nacelles qui était à Simon, il le pria de s’éloigner un peu de terre ; et, s’étant assis, il enseignait les foules de dessus la nacelle. Et quand il eut cessé de parler, il dit à Simon : Mène en pleine eau, et lâchez vos filets pour la pêche » (v. 2-4). La parole avait de l’autorité sur la conscience. Pierre et André avaient déjà vu Jésus avant ce moment-là ; mais ils n’étaient pas demeurés avec Lui ; leur foi n’avait pas eu assez de puissance pour les attacher à Christ. Beaucoup de personnes, maintenant comme toujours, reconnaissent l’autorité de la parole divine sans être attachées par sa puissance à la personne du Sauveur ; un grand nombre d’entre elles sont absorbées par leurs préoccupations de tous les jours, la Parole n’ayant pas pris possession de leurs âmes de manière à les faire marcher entièrement avec Christ. Entendre simplement la parole de Christ quand elle nous est adressée, est une chose tout à fait autre que d’avoir le coeur atteint par cette parole, en sorte qu’elle devienne la source et le mobile de toutes nos voies. C’est ce que nous voyons dans le cas de Pierre et d’André : ils avaient passé quelques heures avec Jésus ; ils l’avaient entendu parler, et l’avaient reconnu pour le Messie ; ici encore, nous les voyons obéir à la parole de Jésus : à sa parole ils prennent le large, et à sa parole ils lâchent leur filet.
Le miracle accompli par le Seigneur était propre de toute manière à agir sur ceux auxquels il s’adressait. Simon et ses compagnons répondent : « Maître, nous avons travaillé toute la nuit, et nous n’avons rien pris ». L’homme était impuissant dans une circonstance comme celle où ils se trouvaient. Si Jésus pouvait y apporter remède, c’était parce que tout était à sa disposition : « Mais sur ta parole », dit Simon, « je lâcherai le filet » (v. 5).
« Et ayant fait cela, ils enfermèrent une grande quantité de poissons, et leur filet se rompait. Et ils firent signe à leurs compagnons... ; et ils vinrent et remplirent les deux nacelles, de sorte qu’elles enfonçaient. » Ils n’avaient pas même la force de recevoir par eux-mêmes. « Et Simon Pierre, ayant vu cela, se jeta aux genoux de Jésus, disant : Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur. » Si la parole de Jésus n’avait pas atteint le coeur de Pierre, il eût simplement obéi en usant de cette parole pour un secours temporel ; mais Pierre reconnaît Jésus comme le Seigneur, entendant bien plus que les paroles ne paraissaient dire. Sa conscience est atteinte ; le Seigneur lui-même lui est révélé, et il est ainsi placé dans la lumière pour se voir tel qu’il est. Quand l’oeil de Dieu repose sur nous et que nous en avons conscience, nous voyons en nous-mêmes ce que Lui voit : c’est ce qui arriva à Pierre ; amené en présence de Dieu, il découvrit qu’il s’était séduit lui-même.
C’est là que la grâce commence ; mais nous ne sommes pas encore au bout. Ainsi Paul fut aveuglé trois jours, et son âme fut si profondément travaillée qu’il ne put ni manger, ni boire. Ici, Pierre tombe aux pieds de Jésus. — Il en est de même pour nous : quand nous sommes réellement amenés en présence de Dieu, nous faisons la découverte de notre état de péché. Les moyens dont Dieu se sert pour nous amener là peuvent être divers, les circonstances de la vie, des événements providentiels, un orage, par exemple, comme dans le cas de Luther, mais quand nous sommes convaincus de péché, Christ lui-même est révélé à l’âme, et, partout où il est, il prend dans l’âme la place qui Lui appartient. Ce n’est pas seulement alors qu’un homme soit sauvé : mais cet homme n’est plus heureux si Dieu n’a en lui la place qui Lui appartient.
Pierre ne fuit pas le Seigneur comme Adam qui s’était caché de Lui ; il est attiré vers Lui. En même temps il est là, un homme pécheur, jugé et convaincu dans sa propre conscience, et prenant le parti de Christ contre lui-même : « Retire-toi de moi », dit-il ; mais il dit ces paroles prosterné devant Jésus. Il peut sembler qu’il y ait là une contradiction. L’acte de Pierre était réellement le témoignage d’un amour vrai et d’un souci réel pour la gloire de Christ, parce que la parole qu’il avait entendue avait révélé Christ à son âme. Son coeur n’était pas parfaitement en paix ; mais Christ en avait pris possession. La grâce attire vers Christ ; mais l’homme reste encore sous le sentiment de sa propre indignité jusqu’à ce que l’oeuvre de Christ soit connue dans toute sa portée pour la paix de l’âme. Dieu voit les pensées et les intentions du coeur, et nous sommes amenés à les voir comme Lui les voit : la justice est implantée dans la conscience : Dieu et l’homme se rencontrent. Ce n’est pas que Pierre pût être heureux ailleurs qu’aux pieds de Jésus, mais Pierre sentait pendant tout ce temps, combien il était impropre à se trouver en pareille société.
Mais le Seigneur agit en grâce ; il ne laisse pas Simon Pierre. Il connaissait tout son péché avant qu’il entrât dans la nacelle, et il lui dit : « Ne crains pas ; dorénavant tu prendras des hommes » (v. 10). Jésus était entré dans la nacelle pour montrer à Pierre qu’il n’avait rien à craindre. En vérité, « l’amour parfait chasse la crainte » (1 Jean 4:18). La crainte porte avec elle du tourment, jusqu’à ce que la grâce soit pleinement révélée ; elle l’était maintenant avec autant d’autorité que la parole qui opérait des miracles : « Lâchez vos filets pour la pêche », « Ne crains pas », telle était la parole de Christ pour le coeur de Simon. Si Pierre se confiait à cette parole pour le poisson, pourquoi pas pour sa frayeur ? Il avait dit : « Retire-toi de moi » ; mais au lieu de se retirer, Christ était déjà venu, sachant tout ce que Pierre était mieux que Pierre lui-même. Il était venu comme un Sauveur ; il fait plus encore, en annonçant à Pierre qu’il allait faire de lui un instrument pour rassembler d’autres objets de sa grâce. Chacun de ceux dans le coeur desquels l’amour de Dieu est versé par le Saint Esprit, devient lui-même un vase de grâce vivante : il n’est pas la source, mais l’eau qui . vient de la source se répand par lui, en sorte que d’autres puissent venir et boire. Vases de la grâce, nous sommes associés à Christ dans l’activité de l’amour. Il n’est pas question ici de don extérieur, mais de ce grand fait qu’il y a communion vivante entre les membres du corps de Christ et le Chef dans le témoignage de sa grâce et de sa puissance.
Les effets de tout cela apparaissent dans les disciples. Les voilà maintenant absorbés par Christ. Ils ne regardent plus à Lui seulement pour le salut, mais ne pensent plus qu’à Lui seul pour la vie, pour parler ici d’une manière générale, à part tout manquement particulier : « Ils quittèrent tout et le suivirent » ; Christ devient leur vie. C’est un courant tout nouveau, et non plus l’obéissance à un commandement exprès, avec la réserve, peut-être, qu’il n’y a pas de mal à ceci ou à cela. Christ n’a pas cherché sa propre satisfaction (Rom. 15:3) : son motif pour agir était la volonté de son Père, non pas l’absence d’une défense ; et nous, nous sommes sanctifiés pour l’obéissance de Jésus Christ et l’aspersion de son sang (1 Pierre 1:2). « Ils quittèrent tout » ; et là où Christ allait, ils allèrent. Ils sont associés à leur Seigneur dans son amour pour les âmes et dans la conduite de la vie ; c’est la liberté. Puissions-nous, ayant Christ pour vie, l’avoir aussi pour seul mobile de toute activité, détachés de tout pour être liés à Lui, et devenus des canaux pour toute la bénédiction et la grâce que nous avons nous-mêmes goûtées en Lui ! Il y a en Christ une puissance qui attire, qui délivre de toute la corruption environnante et place l’âme dans le courant des pensées et des voies de Dieu par la révélation de Christ lui-même.
Christ était la manifestation sur la terre de la puissance et du caractère de Dieu — de la grâce. L’histoire du lépreux en est un témoignage frappant ; car la lèpre était un mal que nul ne pouvait guérir, si ce n’est Dieu seul. Mais Dieu était là, présent en grâce en Christ. La lèpre est la figure du péché dans son caractère de souillure. Un homme plein de lèpre, voyant Jésus, se jeta sur sa face et le supplia, disant : « Seigneur, si tu veux, tu peux me rendre net ». Le lépreux reconnaît la puissance divine en Jésus ; mais il n’a pas pleine confiance en sa grâce ; il semble découragé par la misère, et presque désespéré, il dit : « Si tu veux... » Mais Celui qui seul sur la terre avait le droit de parler ainsi, dit : « Je veux ». Dieu seul pouvait dire cette parole, et il le faisait, non dans le ciel, mais descendu sur la terre, dans l’homme et au milieu des hommes. Christ était là, qui seul, pouvait toucher le lépreux et la lèpre sans en être souillé. Il fallait la puissance divine assurément, et les sacrificateurs même ne pouvaient que reconnaître les résultats de son intervention ; mais c’était l’amour divin et parfait qui touchait le lépreux, en même temps que c’était la main d’un homme, d’un homme qui né sous la loi reconnaissait les ordonnances de Dieu (comp. Gal. 4:4). Ainsi la guérison du lépreux « leur fut un témoignage » ; car le lépreux devait se montrer au sacrificateur. Et qu’est-ce que celui-ci devait penser ? Qui est-ce qui avait visité Israël ? Il fallait que l’Éternel fût venu, car Lui seul pouvait guérir le lépreux.
Que voyons-nous maintenant ? Jésus se retira dans le désert ; et il « priait ». Quelque grande et manifestement divine que soit la puissance exercée par Lui, Jésus est l’homme dépendant, et c’est en ce point précisément que nous, nous manquons.
Une autre scène se présente (v. 18 et suiv.). Il ne s’agit plus de la puissance de Satan, comme au chapitre 4: ni de la souillure du péché telle qu’elle est figurée par la lèpre, mais de la coulpe du péché. Les hommes introduisent le paralytique devant Jésus, parce qu’ils avaient le sentiment de sa misère ; et il y avait chez eux la persévérance de la foi qui ne voulait pas être renvoyée à un autre jour : et Jésus apporte le pardon des péchés, aussi bien que la purification de la souillure. C’est là ce qui nous est présenté dans le cas du paralytique. Le premier, le grand point, c’est que Jésus déclare les péchés de cet homme. pardonnés. L’autorité de pardonner était venue dans la personne du Fils de l’homme sur la terre, quoique les scribes et les pharisiens pussent en penser. Dieu était là, le Seigneur l’Éternel ; mais, en même temps, le Fils de l’homme ayant sur la terre le pouvoir de pardonner les péchés, et usant de ce pouvoir. C’est de cette manière que, le moment venu, Israël trouvera le pardon de ses péchés (comp. Ps. 103:3). C’est pourquoi aussi le Seigneur donne ici la preuve de cette autorité qu’il a de pardonner, en guérissant la maladie du paralytique : « Or, afin que vous sachiez, etc. » (v. 24). L’homme devait avoir conscience, dans sa relation vis-à-vis de Dieu, que la coulpe de son péché était ôtée. Dans sa grâce infinie, Dieu nous a donné plus même que cela, car nous avons la justice de l’homme accepté devant Dieu, étant faits la justice de Dieu en Lui (voyez 2 Cor. 5:21). Le paralytique guéri par Jésus est un exemple de ce qui, dans l’avenir, sera la portion d’Israël. Jésus pardonnait les iniquités et guérissait les infirmités. Il avait montré son pouvoir de faire la première de ces choses ; il allait montrer qu’il pouvait faire aussi la seconde. La joie de Dieu est de faire l’une et l’autre. Vous pouvez ne pas croire qu’un tel don soit votre partage ; mais il est vôtre en Christ. L’homme parfait est venu avec une autorité parfaite dans sa personne. Dieu opérait dans la scène que nous avons ici ; mais il opérait aussi comme homme rempli du Saint Esprit. Le croyant aussi, dans sa marche, est une preuve, non pas tant pour lui-même que pour les autres, que Dieu a été là. Il ne devrait pas mettre en question s’il pourra marcher ? S’il a de la foi, il se lèvera et marchera.
Nous trouvons ici deux choses : d’abord, immense et glorieuse grâce ! que le Seigneur est venu, la puissance de Dieu dans la sphère de la misère humaine, qui, tout extrême qu’elle soit, ne fait que rendre évidente cette puissance. Si je regarde autour de moi comme homme, je ne puis résoudre l’énigme de l’histoire du monde. Je vois des abominations commises au nom de Christ, — Christ lui-même rejeté par son peuple d’Israël, crucifié par ces gentils auxquels Dieu avait confié le gouvernement du monde ; je vois le mahométisme, le paganisme... ! Quelle espèce de Dieu avez-vous, dit le coeur raisonneur de l’homme, si le monde est ainsi fait ? Mais ici, je trouve le Seigneur descendu sur la terre au milieu de la misère, de la maladie et du péché ; mon coeur se détourne des plaisirs et des peines pour se tourner vers Lui. Qu’il est beau de voir un coeur après l’autre attiré à Lui, le seul vrai centre, à Lui, qui bientôt allait être le Chef ressuscité de la nouvelle création, à Lui, l’objet qui éveillait dans les coeurs des sentiments et des affections dont seul il était digne, qui par son excellence communiquait l’excellence et qui, par ses pensées de grâce envers nous, produit et met en activité des pensées de grâce en nous.
En second lieu, nos coeurs pour être fixés ont besoin d’un objet ; — ils ne sont fixés selon Dieu que lorsque nous avons Christ lui-même devant nous. Comment puis-je aimer, si je n’ai rien à aimer ? Un homme est ce qu’il sent et aime et pense. Si mon âme vit et se nourrit de ce qui est vraiment excellent, de Christ le pain de Dieu, alors, dans un sens pratique, Christ est formé dans mon coeur. En Lui, l’homme Christ Jésus, Dieu a trouvé tout son plaisir, et aussi la manifestation de ce qui le satisfait parfaitement.
Dans ce que nous avons vu jusqu’ici, la puissance divine dans la personne de Jésus, le Fils de l’homme, s’exerce au milieu d’Israël. Au chapitre 4 : versets 31-41, Luc nous a montré le triomphe de cette puissance sur celle de l’ennemi dans les maladies et les possessions démoniaques, puis le témoignage du royaume, dans lequel tous les effets semblables de l’oeuvre de Satan disparaîtront. Ce dernier point ouvre la voie à la plus positive et plus profonde bénédiction des âmes, celles-ci étant mises en rapport avec Dieu. C’est pourquoi, depuis les versets 1-26 du chapitre 5, comprenant l’appel de Pierre, la purification du lépreux et le pardon du paralytique, il s’agit de l’état de l’âme, quelles que soient les circonstances accessoires, de l’autorité de la Parole sur le coeur, de la foi, et de la gloire personnelle de Christ. Cependant c’était toujours la grâce agissant envers Israël, la grâce en rapport avec le gouvernement de Dieu. Dieu avait dit à Israël qu’il ne ferait pas venir sur lui les plaies d’Égypte, sinon pour le châtier de ses péchés. Israël était un peuple extérieurement élu et racheté, mais sous le gouvernement de Dieu. C’est pourquoi le châtiment, dont la lèpre et la paralysie étaient des cas particuliers, tomba sur lui. Jésus montre qu’il est « l’Éternel qui te guérit » (Ex. 15:26). Au milieu d’Israël, quoique le laissant maintenant, il passe à une manifestation plus étendue de puissance et de bonté. Il aurait pu guérir tous les Israélites, lépreux ou paralytiques ; il aurait pu les délivrer de toutes les maladies qui étaient, hélas ! tombées sur eux, mais dans les cas qui nous sont présentés ici, ceux qui sont les objets de la grâce qui visitait Israël, viennent à Jésus, en Lui demandant qu’il les guérisse, et c’est en réponse à leur foi que Jésus agit ; Jésus était là présent, manifestant la puissance et la grâce divine en guérissant.
Mais cette grâce étant de Dieu et souveraine ne pouvait pas être bornée par les circonstances humaines. Partout où un besoin se montrait devant Lui, Jésus pouvait-il renier sa puissance ou son amour ? — Remarquez maintenant comment ce fait se lie avec ce qui suit. Dieu en Christ apportait une pleine délivrance pour tous ceux qui en Israël, se confiaient en Lui ; mais il ne pouvait ni ne voulait limiter sa grâce. La loi limitait ; mais quand Lui-même vint, le Dieu qui avait donné la loi, quiconque avait besoin de Lui était le bienvenu : sa maison était une maison de prière pour toutes les nations (comp. Marc 11:17). C’est pourquoi il appelle un publicain, — un Juif sans doute, mais détesté par les Israélites, et en un sens avec raison, le service des publicains étant une marque de la servitude nationale du peuple de Dieu. Un publicain était un homme tirant profit de l’oppression des gentils qui extorquaient des tributs à Israël ; il était donc naturellement haï, mais Jésus appelle un de ces hommes nommé Lévi assis au bureau de recettes ; il l’appelle à être un apôtre ! Il faut que la grâce agisse selon ses droits. Si Dieu a été bon envers vous et envers moi, cela empêche-t-il sa miséricorde et son amour de s’étendre à d’autres ? La grâce crée l’instrument dont elle a besoin, et se répandra bien au-delà du publicain, pour atteindre même le plus éloigné des gentils. Sans doute Israël avait des promesses et le gentil, à proprement parler, n’en avait point ; mais par cela même, la grâce s’étendant aux gentils, était plus purement la grâce ; elle voulait se répandre sur les gentils. Le Seigneur lui-même, Dieu, était présent sur la terre ; et Israël ne pouvait être ni le centre, ni le temple, Lui étant là, le Seigneur méprisé et par Israël et par les gentils. Il est la porte, le nouveau centre et le nouveau point de départ de la bénédiction : non pas un simple sarment du vieux cep, mais lui-même « le vrai cep ». Comme Juif, il était soumis aux ordonnances ; comme le Seigneur, il est au-dessus d’elles, et passe par-dessus toutes les anciennes restrictions.
« Et Lévi lui fit un grand festin dans sa maison et il y avait une grande foule de publicains et d’autres gens qui étaient avec eux à table. Et leurs scribes et les pharisiens murmuraient... » Voir le Seigneur Jésus en pareille compagnie était, en effet, un terrible coup pour ces hommes. Mais Jésus répondant, leur dit : « Ceux qui sont en santé n’ont pas besoin de médecin, mais ceux qui se portent mal. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs à la repentance ». Ils se méprenaient complètement sur le compte du Seigneur : il était venu montrer comment la grâce pouvait se déployer envers ceux qui n’avaient point de justice.
Le Seigneur franchit pour ainsi dire les limites de l’ancien ordre de choses : il est fidèle envers Israël ; mais il met fin à cet ordre de choses-là. Comment auraient-ils pu jeûner, ceux qui reconnaissaient la présence du Messie, du divin époux d’Israël ? Le temps approchait où il faudrait prendre la croix : mais l’Époux présent, jeûner n’était pas de saison.
De plus, le vieux vêtement ne pouvait être rapiécé avec du drap neuf ; Jésus ne voulait en aucune manière accorder le christianisme avec le judaïsme. La chair et la loi vont ensemble ; mais la grâce et la loi, la justice de Dieu et la justice de l’homme ne se mêleront jamais. On ne peut pas davantage, sans perte des deux côtés, mettre le vin nouveau, la puissance de l’Esprit, dans le vieux vaisseau des ordonnances légales. Un homme accoutumé aux formes, aux arrangements humains, à la religion des pères et autres choses semblables, n’aime jamais le nouveau principe de la puissance du royaume ; il dit : « Le vieux est meilleur ». La nature est ainsi faite : la grâce l’offense. L’homme non plus ne se perfectionne pas dans les choses divines : il peut se dégrader et abandonner ce que son coeur ne savoura jamais, et nous voyons cela s’accomplir rapidement de nos jours.
Ce chapitre s’ouvre par un sujet des plus importants, le sabbat, — sujet qui agite souvent les esprits des hommes et qui avait alors une signification particulière, parce que les relations juives allaient prendre fin. On se rappelle que c’est précisément là que le Seigneur en était moralement arrivé à la fin du chapitre précédent : les droits de sa personne et sa grâce, toujours plus rejetés par les zélateurs de la religion des pères en Israël, franchissaient les limites étroites de ce peuple orgueilleux ; et là-dessus Dieu annonçait par degrés les desseins futurs de sa miséricorde. Son salut, le moment venu, sera envoyé aux gentils ; eux entendront, si le Juif se juge lui-même indigne de la vie éternelle. Dieu veut se satisfaire lui-même en sauvant des âmes quelque part.
Il est évident que l’incident des épis que les disciples arrachèrent le jour de « sabbat second-premier » (v. 1-5) rentre tout à fait dans le sujet dont l’Esprit est occupé ici. « Le fils de l’homme est seigneur aussi du sabbat. » La gloire de sa personne lui donne droit à la suprématie sur ce qui était le signe de l’alliance de la loi ; et dans la guérison de l’homme qui avait la main sèche (v. 6-10), il affirme son droit de faire du bien les jours de sabbat, alors que ses adversaires montrent le même jour leur envie de détruire. En quelque sens que ce soit, l’homme avait absolument perdu le sabbat, et n’était même jamais entré dans les pensées de Dieu au sujet du repos. Le sabbat était le repos de Dieu ; et si le péché n’eût pas tout gâté, l’homme aurait joui de ce qui était le résultat, non pas de son propre travail, mais du travail de Dieu. Tel est le vrai caractère distinctif de ce repos qui appartient à l’homme ; mais le péché était entré dans le monde, il est devenu nécessaire que Dieu travaille de nouveau, si l’homme doit jamais avoir part au repos de Dieu (voyez Héb. 4). En attendant Christ est apparu et a achevé l’oeuvre que Dieu Lui a donnée à faire ; et ainsi, nous qui croyons, nous trouvons le repos en Christ, comme Dieu lui-même le trouve. En vertu de l’oeuvre accomplie et agréée de la rédemption, nous avons en Lui notre sabbat spirituel.
Le jour du sabbat fut mis à part et sanctifié dès le commencement (Gen. 2). Plus tard il fut d’abord donné en grâce à Israël, reconnu par la cessation de la manne, et par l’ordonnance d’en recueillir une double portion pour ce saint jour (Ex. 16). Ensuite, il fit partie de la loi de Sinaï et de chaque nouvelle et spéciale intervention de l’Éternel (Ex. 20 ; voyez aussi 31:13, 14 ; 33:14 ; 34:21 ; et 35:2). Le sabbat fut dès lors un mémorial de la délivrance d’Égypte (Deut. 5:15). Les prophètes, par conséquent, traitent le sabbat comme un signe de la séparation d’Israël pour Dieu d’entre toutes les nations, et de l’alliance de l’Éternel avec Israël (Ézéch. 20:12-20 ; 22:8 ; 23:38 ; 44:24 ; És. 56 ; 58 ; Jér. 17:24). Israël, pécheur dans le passé, avait donc reçu le sabbat comme une ordonnance légale, qui le condamnait comme tout le reste.
Où est maintenant cette alliance avec Israël ? Elle est abolie à cause de l’iniquité du peuple, qui, par suite, a été livré entre les mains des gentils et est devenu esclave : « Voici, nous sommes aujourd’hui serviteurs ; et quant au pays que tu donnas à nos pères pour qu’ils en mangeassent le fruit et les bons produits, voici, nous y sommes serviteurs ; et il rapporte beaucoup aux rois que tu as établis sur nous à cause de nos péchés ; et ils dominent à leur gré sur nos corps et sur notre bétail, et nous sommes dans une grande détresse » (Néh. 9:36, 37). S’ils eurent un temple après la captivité, ce fut uniquement par la bienveillance des Perses qui dominaient sur eux. Comme emblème extérieur il demeura sans doute, mais devint l’occasion de déshonorer Dieu qui l’avait donné comme signe de son oeuvre ; mais qu’était devenue sa réalité quand Jésus était sur la terre ? Hélas ! Jésus était couché dans le tombeau durant le jour que ses meurtriers gardaient comme un jour consacré à l’Éternel, — « car ce sabbat-là était grand », — effrayant témoignage de la position où les Juifs se trouvaient. Leur Messie mis à mort par eux, son propre peuple : elle était la vérité que le jour du sabbat proclamait à celui qui avait des oreilles pour entendre. Israël n’entra jamais dans le repos de Dieu ; car si Josué lui avait donné le repos, Dieu n’eût pas parlé après ses choses d’un autre jour : « il reste donc un repos sabbatique pour le peuple de Dieu » (Héb. 4:9), mais il faut auparavant qu’il reconnaisse Jésus.
Or Jésus rejeté était le fils de l’homme ; et le fils de l’homme était seigneur même du sabbat, vérité de la plus haute gravité et qui doit être proclamée avec toute puissance : ceux qui confondent le jour du Seigneur avec le sabbat sont en danger de l’oublier. C’était là précisément le sujet de la controverse entre Jésus et les Juifs, qui voulaient que le sabbat fût supérieur au Seigneur. Mais Jésus montre qu’un principe nouveau était entré en scène, principe qui dépassait complètement l’ancien, et que rester dans l’ancien, c’était renoncer à toute délivrance, car il est impossible qu’une créature qui a des convoitises demeure, sans être condamnée, sous un commandement qui condamne la convoitise. Mais la grâce étant venue par un Christ rejeté, il y a maintenant un repos pour nous qui croyons, non pas pour ceux qui sont sur le principe de la loi.
C’est pour cela que les chrétiens gardent le premier jour de la semaine et non pas le septième qui est le sabbat. Le repos fut acquis par la puissance de la rédemption accomplie par Christ ; et « le premier jour » dans lequel il ressuscita d’entre les morts, proclama ce repos pour la foi, en dépit de la culpabilité et de la ruine de l’homme. Le septième jour sera le repos de l’homme sur la terre ; le premier jour célèbre notre élévation par Christ et en Lui dans le ciel. Christ étant ressuscité, la vie d’entre les morts était la vie en abondance — la liberté dans l’affranchissement du joug de la loi et de toutes les conséquences du péché — en un mot, la victoire de la grâce. C’est pourquoi le premier jour de la semaine est le privilège spécial du chrétien, car il dépend et témoigne de l’oeuvre achevée de Christ, et introduit en conséquence le repos céleste. Le premier jour de la semaine est en contraste avec le dernier, qui appartient à la sphère du travail du premier homme et du Juif sous la loi, sphère dans laquelle Adam et Israël succombèrent. Le premier jour est emphatiquement le jour du Seigneur ; il rend ainsi témoignage du triomphe de la parole de Christ et de la gloire de sa personne : il n’est pas le jour dont une coupable incrédulité aurait voulu faire une preuve de l’infériorité du Seigneur et un moyen de l’entraver dans son oeuvre. Il est une bénédiction directe et positive pour celui qui le reconnaît et l’honore, non comme étant le terme du travail légal, mais parce qu’il est le commencement de l’espérance chrétienne, le jour de la résurrection où nous commençons notre vie spirituelle et où nous regardons en avant vers ce qui en sera le couronnement.
Ici, dans Luc, ce dont il s’agit principalement, c’est du maintien des droits et de l’autorité du Fils de l’homme. Il est impossible, selon Dieu, de revendiquer jamais les droits du sabbat vis-à-vis du « Seigneur du sabbat ».
Que fit David, l’oint du Seigneur, lorsque Saül le persécutait et en voulait à sa vie ? Eût-il été selon Dieu de maintenir l’ordonnance en faisant périr l’homme selon le coeur de Dieu ? Non, assurément, les fondements étaient renversés et tout devenait « commun » en Israël, quand le roi élu était méchamment rejeté. Mais un personnage plus glorieux que David et un péché plus grave étaient maintenant au milieu du peuple. Oui, « le Fils », mais aussi « la Racine » de David, Dieu lui-même était là. Celui qui institua le sabbat, le Seigneur du sabbat, était là présent dans la personne du Fils de l’homme.
Mais si Dieu est au milieu de son peuple, reniera-t-il sa bonté, ou retiendra-t-il son pouvoir en présence de la misère humaine, parce que « les scribes et les pharisiens l’observent pour voir s’il guérira un jour de sabbat » ? Non, il faut que l’amour divin agisse et guérisse la main sèche, même si l’homme dans sa misère cherche à y trouver un motif d’accusation. « Et ils en furent hors d’eux-mêmes, et s’entretenaient ensemble de ce qu’ils pourraient faire à Jésus » (v. 11). Mais Jésus, « en ces jours-là... s’en alla sur une montagne pour prier » (v. 12) : il s’approche de Dieu afin de s’entretenir avec Lui de ce qu’il devait faire pour eux. À Lui appartenait l’activité de la grâce, de l’amour qui se manifestait saintement et puissamment au milieu du mal.
« Et quand le jour fut venu, il appela ses disciples » et il en choisit douze. Dans cet appel des douze, le Seigneur montrait que lui seul pouvait communiquer à d’autres la puissance de rendre aussi ce témoignage ; en même temps, ici comme dans tout ce que nous avons vu jusqu’à présent, Jésus est l’homme humble et dépendant, l’homme parfait, aussi bien qu’il est Dieu. Il était dans une parfaite et ininterrompue communion avec son Dieu et Père, quoiqu’il fût lui-même Dieu manifesté en chair. Combien tout cela le rapproche de nous, quoique toujours si infiniment au-dessus de nous ! Nous devrions aspirer à ce qu’il faisait, quelles que soient d’ailleurs notre mesure et notre petite sphère d’activité. En Lui nous voyons l’homme parfait dans cette position de puissance dans laquelle il vint.
Il savait qui étaient ceux qu’il avait choisis ; Il savait que l’un d’entre eux avait un démon ; néanmoins il les envoie. Il en choisit douze spécialement, qu’il nomma aussi apôtres, ou « envoyés ». Ce terme était important et significatif, bien distinct et de la loi et des promesses. La loi n’envoya jamais personne ; mais Dieu est actif ; il envoie son Fils, et le Fils envoie des apôtres. L’amour de Dieu est actif pour rassembler des âmes. Ce premier « Envoyé » est un homme, réellement et véritablement un homme. L’oeuvre de la grâce de Dieu doit être accomplie par le Fils de Dieu, non par des anges, mais par son propre Fils, l’homme Christ Jésus ; Lui envoie des hommes d’auprès de lui. Le point de rassemblement c’est l’Homme, — Lui-même assurément. Dieu a tout remis entre les mains de l’Homme. Il faut que ce soit Dieu qui montre de la grâce ; mais c’est le Fils de l’homme qui apporte la mission de l’amour et qui envoie des hommes à des hommes.
Quel que soit le trait par lequel il attire, Jésus rassemble autour de Lui en éveillant l’adoration dans les coeurs ; il s’entoure de ses disciples, puis il descend et s’arrête dans un lieu uni. Les grandes multitudes sont attirées par ses miracles et par leurs besoins ; elles viennent pour entendre et pour être guéries. La foule des disciples forme le cercle intérieur. « Toute la foule cherchait à le toucher », non pas que ceux qui le pressaient ainsi aient été convertis, mais il sortait de Lui une puissance vivante qui guérissait leurs misères corporelles et les délivrait du pouvoir de Satan.
Maintenant il élève ses yeux vers ses disciples et leur parle, non pas comme dans Matthieu (chap. 5 et suiv.), où il leur expose les principes du royaume, mais en distinguant de la masse et en reconnaissant comme le résidu ceux qui l’entouraient. C’est pourquoi il dit ici : « Bienheureux, vous... ». Il met son sceau sur ceux qui sont actuellement rassemblés autour de Lui. Il faut qu’ils lui ressemblent. Il est à la fois leur centre et leur modèle. Il était Dieu ; mais la plénitude du Saint Esprit habitait aussi en Lui comme homme, et ainsi il pouvait dire : « Je fais toujours les choses qui lui plaisent » (Jean 8:29). Il devait en être de même de ceux qui l’entouraient.
« Bienheureux, vous pauvres, car à vous est le royaume de Dieu ; bienheureux, vous qui maintenant avez faim, car vous serez rassasiés ; bienheureux, vous qui pleurez maintenant, car vous rirez. Vous êtes bienheureux quand les hommes vous haïront... » Ces paroles du Sauveur nous montrent le contraste qui existe entre ceux qu’il déclare bienheureux et tous ceux qui sont à leur aise dans le monde. Ceux qui, s’ils n’avaient leur espérance en Lui que pour cette vie seulement, seraient de tous les hommes les plus misérables, forment le petit nombre des bienheureux : ils sont distingués de tous les autres et sont mis en relation avec Lui, source de la bénédiction, pour être bénis. Si vous pouvez trouver le bonheur et être à votre aise dans ce monde qui a rejeté Jésus, ne comptez pas sur sa bénédiction.
Ce sont les pauvres, ceux qui sont méprisés avec Jésus qui posséderont le royaume. Jésus dit, si j’ose m’exprimer ainsi : « Je vous distingue, vous (*). Je suis venu comme le centre de la puissance et de l’amour vivant et agissant. Il n’y a qu’un seul lieu de béatitude sur la terre. Avec moi vous êtes bienheureux ». D’autres peuvent trouver leur plaisir et se réjouir où Christ n’a point de place ; mais c’est un temps où une âme vraiment spirituelle ne peut rien trouver de bon sinon avec Lui. Christ, je le répète, distingue positivement de la grande multitude du peuple les disciples qui se sont attachés à Lui et s’adresse à eux. Le verset 22 nous le montre clairement, en omettant la persécution pour la justice que Matthieu rapporte soigneusement. Ici, dans Luc, il s’agit seulement d’une question de souffrance « à cause du Fils de l’homme ».
(*) On ne trouve pas ici, comme dans Matt. 5, l’énumération de principes abstraits ; mais le Seigneur parle aux coeurs de ceux qui sont rassemblés autour de Lui.
Jésus vint au milieu d’un monde de misère et d’égoïsme et il y manifesta, non la loi ni le jugement, mais la grâce. Mais « la lumière luit dans les ténèbres ; et les ténèbres ne l’ont pas comprise ».
Semblable à l’aspic qui n’entend rien (Ps. 58:4), le monde va son train, aussi sourd qu’aveugle. Non, pour vous qui êtes rassasiés maintenant, Jésus n’a pas de charme ; mais vous les disciples, qui pleurez maintenant parce que la misère et le péché de l’homme pèsent sur votre âme, vous vous réjouirez. Quand le bon plaisir de Dieu s’accomplira, vous qui ne pouvez être satisfaits par les gousses des pourceaux, vous serez rassasiés. « Réjouissez-vous en ce jour-là et tressaillez de joie, car voici, votre récompense est grande dans le ciel, car leurs pères en ont fait de même aux prophètes. » Vous avez votre part avec Christ ici-bas, vous l’aurez avec Christ dans le ciel. Vous souffrez avec le Saint, vous partagerez la gloire du Glorifié. Et les autres ?... — Ils auront ce qu’ils auront cherché. Pour ceux qui sont rassasiés, il y aura famine, car ils ont perdu Dieu. Si vous pouvez rire dans un monde comme celui-ci, vous pleurerez quand le temps de Dieu pour bénir sera venu : « Ils sont du monde » et « le monde aime ce qui est sien » (1 Jean 4:5 ; Jean 15:19). « Leurs pères en ont fait de même aux prophètes. » Les temps sont-ils changés ? Le caractère de Christ est-il changé 9 Non, il n’est en aucune façon plus agréable à la chair ; et si vous pouvez trouver votre joie, vos aises, votre plaisir dans le monde, Christ ne l’a pas eu et vous n’avez pas son Esprit. Celui qui se fait ami du monde, se fait ennemi de Dieu (Jacq. 4:4). Le disciple de Christ peut-il se réjouir dans un monde plein de péché ? Sans doute il peut jouir de la communion de Jésus, il peut se réjouir dans l’Esprit, tout en étant patient dans la tribulation, mais cette joie qu’il porte ainsi avec lui a un autre caractère : c’est une joie sérieuse quoique très réelle et précieuse.
Depuis le verset 27, le Seigneur montre quelle doit être la conduite de ses disciples : ils doivent manifester Dieu, ils doivent être les témoins vivants de ce qui était manifesté en Christ. La grâce qui habitait en Lui dans sa plénitude et sa perfection doit être reproduite en eux, quelque infidèles que nous soyons tous à cet égard ; elle doit être le principe de leur marche : « Aimez vos ennemis ; faites du bien à ceux qui vous haïssent... ». Dieu nous aima, nous, quand nous étions ses ennemis, et nous devons manifester dans notre conduite ce que Dieu est. Le verset 29 nous introduit dans des circonstances humaines, où nous apprenons avec patience, faisant le bien, comme dit Pierre, souffrant pour cela et endurant tout avec patience (1 Pierre 2:19 et suiv.). Il semble qu’il y ait là peu de consolation ; mais Jésus fit ainsi, et l’amour doit se manifester ainsi dans un monde mauvais. Le temps vient où Dieu jugera au lieu d’user de patience comme il le fait maintenant ; mais aujourd’hui, à quelque prix que ce soit, manifestez l’amour comme Christ le fit. La chair peut aimer pour recevoir de l’amour (v. 32, 33) ; mais les disciples de Christ sont appelés à imiter Dieu et à marcher dans l’amour (comp. Éph. 5:1, 2). « Aimez vos ennemis, et faites du bien, et prêtez sans en rien espérer ; et votre récompense sera grande, et vous serez les fils du Très-Haut ; car il est bon envers les ingrats et les méchants » (v. 35).
Quel caractère que celui sous lequel Dieu apparaît ici ! Ce n’est pas sa justice qui se manifeste, bien qu’assurément il fût juste ; mais dans un monde où il avait affaire avec les ingrats et les méchants, Dieu fait luire la grâce. Pour les anges Dieu n’a pas de grâce, mais de l’amour ; mais Christ, dans ce monde de péché, est grâce, c’est-à-dire amour pour ceux qui ne méritent pas d’être aimés. « Soyez donc miséricordieux, comme aussi votre Père est miséricordieux. » Le Seigneur ne dit pas avec votre Père, mais : comme votre Père. Comme Lui aime ses ennemis, ainsi faites, vous aussi ; il est miséricordieux, soyez miséricordieux. Le caractère de Dieu, l’amour parfait, est ainsi manifesté dans un monde de pécheurs. Il faut qu’il nous en coûte quelque chose ; à Christ il en coûta la vie. L’amour de Christ était un fleuve qui, s’il rencontrait des obstacles sur son passage, poursuivait son cours, les surmontant et les laissant derrière lui, jusqu’à ce qu’il atteignît la croix.
Il ne s’agit pas ici de certaines choses requises pour avoir la vie, mais du résultat d’une certaine conduite. « Ne jugez pas, et vous ne serez point jugés ; ne condamnez pas, et vous ne serez point condamnés ; acquittez, et vous serez acquittés... » Le Seigneur voulait dire par là que chacun trouverait les conséquences de sa conduite, comme cela lui est arrivé à Lui-même. Il a pris la place la plus basse, mais maintenant il a obtenu la plus élevée... Il s’abaissa lui-même, « c’est pourquoi... Dieu l’a haut élevé... » (Phil. 2:9-11). Il ne vint pas pour juger, et maintenant tout jugement est donné au Fils (Jean 5:22, 27). Ainsi, nous n’avons pas seulement la manifestation de la grâce, mais le caractère divin avec ses conséquences. Il s’agit de gouvernement, — de marche avec le Seigneur. Il faut qu’il en coûte beaucoup le long du chemin ; mais, au bout, on vous donnera « bonne mesure, pressée et secouée, et qui débordera ». Il y aura aussi la bénédiction de Dieu dans le chemin, quoique le « moi » soit mortifié. La grâce abondera, selon les voies de Dieu.
Remarquez le contraste qui existe entre ceux qui sont tout aveuglement, et les aveugles qui conduisent des aveugles. Laissez-les ; laissez-les poursuivre leur propre chemin ; mais vous, vous devez prendre votre place avec Moi ; le disciple n’est pas au-dessus de son Maître, mais vous serez comme votre Maître. Si votre Maître souffre, vous souffrirez ; s’il en a coûté cher à votre Maître, il faut qu’il vous en coûte cher à vous. Si Christ vous enseigne, il le fait pour que vous possédiez la science divine qu’il a lui-même. Et voyez quelle place il nous donne ! Quand il donne, que donne-t-il ? La chose même que Lui possède. « Comme il est, Lui, nous sommes, nous aussi, dans ce monde » (1 Jean 4:17). « Je ne vous donne pas, moi, comme le monde donne » (Jean 14:27), car le monde, s’il donne un peu, réserve le principal pour lui-même ; mais, quant à Lui, si j’ose faire parler le Seigneur, c’est comme s’il disait : Je vous place dans la même connaissance, qui est dans ma nature : la grâce que moi j’ai, vous l’aurez. Mais on n’aime pas faire les choses que Jésus a faites. Pourquoi tant raisonner sur ce seul passage : « Ne résistez pas au mal » (Matt. 5:39). Parce que l’homme aime à résister au mal : sa volonté est touchée, sa conscience est atteinte, car elle lui est donnée comme une exhortation naturelle ; mais il ne l’aime pas, et s’il le peut, il s’en débarrasse. Ces choses sont données comme une pierre de touche pour la conscience ; elles jugent l’oeil, non pas seulement la marche. « Lorsque ton oeil est simple, ton corps tout entier aussi est plein de lumière » (Luc 11:34). Votre objet est mauvais, si vous n’avez pas la lumière pour le pas que vous avez à faire. Vous pouvez rencontrer des difficultés en faisant l’ascension d’une colline escarpée, mais si vous voyez clairement le but auquel vous tendez, vous passerez par-dessus les difficultés aussi rapidement que vous pourrez : c’est là le sens de l’expression : « Je fais une chose... » (Phil. 3:13, 14). L’âme a un objet, et elle le poursuit, absorbée par lui. S’il en est ainsi pour vous, vous pouvez être assuré que la lumière éclairera votre sentier, la lumière non pas pour dix ans de chemin, mais pour le pas que vous avez à faire, et puis pour un autre pas. Dieu dit à Moïse : « Parle aux fils d’Israël, et qu’ils marchent » (Ex. 14:15) ; et quand il fit entrer le peuple dans le désert, il lui donna la nuée pour le guider tout le long du chemin. Il en est de même pour nous : nous sommes appelés à suivre Christ sur le principe de l’obéissance, et ainsi nous sommes mis en relation avec Lui et la révélation de sa volonté qui ne nous donne pas de voir à l’avance tout le chemin que nous avons à parcourir. Un homme peut voir un mur se dresser devant lui, et dire : « Je ne puis avancer dans ce chemin-là », alors que s’il faisait un seul pas en avant il apercevrait qu’il y a un sentier courant tout le long du mur.
« Chaque arbre se connaît à son propre fruit. » Nous ne devrions pas seulement porter du fruit, mais le fruit que Christ produit. Il est tel fruit qui est produit par une nature honnête et droite, — un fruit semblable à celui du jeune homme qui vint à Jésus (Matt. 19:16 et suiv. ; Marc 10:17 et suiv.) ; mais ce fruit n’est pas un fruit divin, « son propre fruit » : or là où Christ est à la fois la racine et le tronc, le fruit est du fruit chrétien, du fruit qui demeurera (Jean 15:16). Deux hommes peuvent marcher de front jusqu’à un certain point ; puis une épreuve pour Christ se présente, et l’un poursuit sa route avec Christ, tandis que l’autre se détourne. Le fruit que l’Écriture appelle « son propre fruit » se montre lui-même et se produit spontanément. On ne demandera pas : Quel mal y a-t-il à ceci ou à cela ? Quel mal y a-t-il à être riche ? comme me disait un jour quelqu’un. Si votre richesse ou telle autre chose vous exclut du ciel, cela est-il indifférent ? Vous n’aviez pas cette pensée peut-être ? Mais le secret de votre état, c’est que vous aimez les choses en question. Le mal n’est pas dans les choses elles-mêmes, tirées de la terre, mais dans l’amour pour elles qui est dans le coeur. « De l’abondance du coeur sa bouche parle » (v. 45) : une parole d’impatience trahit le coeur. Je retiens mon bras peut-être, mais je laisse échapper la parole.
Devant toute la multitude, le Seigneur parle maintenant de la maison bâtie sur le roc. Il ne s’agit pas ici de bâtir sur Christ, le Rocher, du salut pour le pécheur ; c’est le chemin du fidèle qui fait le sujet du passage. Mais là où la parole de Christ ne met pas en rapport avec Lui, voyez quel est le résultat ! La chose même à laquelle nous sommes appelés, c’est de le suivre ; et si je le suis, c’est que les paroles du Maître ont tellement pris possession de mon âme qu’elles ont la puissance de me faire surmonter les difficultés. « Mon âme s’attache à toi pour te suivre. » Christ prend possession de mes affections, de mon coeur, de ma volonté, qui sont désormais liés à Lui, au lieu d’être liés à moi. — Est-ce que Christ a pour moi assez de prix pour que j’abandonne tout et que je le suive, afin de faire les choses qui Lui plaisent ? « Si quelqu’un marche de jour, il ne bronche pas, car il voit la lumière de ce monde ». « Comme quand la lampe t’éclaire de son éclat » (Jean 11:9 ; Luc 11:36). Si nous nous tenons près de Christ, la lumière luit sur nous. Si nous avons à entrer dans la lumière, la lumière peut-être nous éblouira. Ainsi Christ a rassemblé autour de Lui dans la lumière et dans l’amour ceux qu’il appelle à jouir de Lui et dont il veut être comme le Maître, afin que, le moment venu, ils soient rendus conformes à son image en gloire.
Nous avons vu le Seigneur, rejeté par Israël, dépasser graduellement les anciennes limites, en vertu de sa personne et de ses droits, et rassembler le résidu autour de Lui, car il était le nouvel et seul juste objet de Dieu, la source d’une mission de grâce, la manifestation vivante et le plein développement de l’amour saint dans un monde mauvais. Quels que soient les principes établis dans le chapitre 6, ils ne sont que l’expression du caractère de Dieu en grâce, tel qu’il a été manifesté en Christ ici-bas sur la terre.
La guérison si frappante de l’esclave du centurion est bien à sa place ici. Elle n’est pas seulement un acte de grâce, mais un acte de grâce envers un gentil. Ce n’est pas tout : le principe même sur lequel l’apôtre fait reposer cette grande question de la grâce s’étendant aux gentils, est mis en lumière : « C’est sur le principe de la foi, afin que ce soit selon la grâce, pour que la promesse soit assurée à toute la semence » (Rom. 4:16). La foi est introduite comme grand principe et pivot de la bénédiction. Ce n’était pas seulement de la théorie qu’on trouvait chez le centurion, mais une foi vivante, et une foi telle qu’on n’en avait pas vu de pareille en Israël. Ce n’était pas non plus de la présomption chez cet homme, mais une humilité remarquable. Il reconnaissait l’honneur que Dieu avait conféré à Israël, le voyait, en tenait compte et s’appuyait sur lui, en dépit de la vile et misérable condition du peuple de Dieu. Quelque tombés et méprisés que fussent les Juifs, le centurion les aimait pour l’amour de Dieu, parce qu’il voyait en eux le peuple de Dieu ; il leur avait bâti une synagogue. Il était vraiment humble, bien que sa loi fût de beaucoup supérieure à ceux qu’il honorait, ou plutôt parce que sa foi les dépassait. Aussi avait-il une très haute idée de la puissance et de la gloire du Christ comme personne divine, comprenant que cette gloire s’étendait bien au-delà de toutes les pensées juives. Le centurion ne parle pas du Seigneur comme Messie, mais il reconnaît en Lui la puissance de Dieu en amour. Il avait cette bienheureuse foi qui s’oublie dans l’exaltation de son objet. Il n’avait pas vu Jésus, semble-t-il ; mais d’après ce qu’ » il avait entendu » à son sujet, il avait certainement compris que pour le Seigneur les maladies n’étaient que les occasions de manifester son autorité absolue et sa grâce souveraine. Lui était un étranger, et les Juifs étaient le peuple de Dieu : les Juifs et leurs anciens n’étaient-ils donc pas mieux qualifiés que personne pour amener sur la scène ce glorieux personnage, Jésus ? — Car le centurion avait foi en la miséricorde aussi bien qu’en la puissance de Christ ; son serviteur, qui lui était « fort cher », était malade et s’en allait mourir. Il lui fallait Jésus.
« Et Jésus alla avec eux. Et déjà comme il n’était plus guère loin de la maison, le centurion envoya des amis vers lui, lui disant : Seigneur, ne te donne pas de fatigue, car je ne suis pas digne que tu entres sous mon toit ; c’est pourquoi je ne me suis pas cru digne moi-même non plus d’aller vers toi ; mais dis une parole et mon serviteur sera guéri. » Il y avait là assurément le plus profond respect et la plus vraie affection personnelle pour le Seigneur. Quelque ignorant qu’il fût peut-être à d’autres égards, le centurion avait un sentiment profond de l’excellence de la personne de Christ, et ici encore son humilité correspondait à la mesure de gloire qu’il discernait. Le message des amis du centurion dépeint admirablement le caractère et les sentiments de celui-ci. Lui ne disait rien à Jésus des services qu’il avait rendus aux Juifs ; il ne parlait de rien qui lui fût personnel, si ce n’est de son indignité, et il était si conséquent dans toute sa manière d’agir qu’il demandait à Jésus de ne pas venir sous son toit, tant il se sentait indigne de le recevoir. Il y avait dans l’âme de cet homme tout juste l’opposé de l’idée de faire à Christ un honneur en croyant en Lui, et il ne pensait pas à le recevoir pour se donner du crédit : deux choses qui, hélas ! se retrouvent souvent. La simplicité de coeur de cet homme est aussi apparente que sa grande foi : il n’y en avait pas de pareille en Israël ; et cependant on la trouvait chez un homme qui aimait Israël. C’était, à tous égards, une leçon de grâce pour la foule qui suivait Jésus ; pour nous également, je n’ai pas besoin de le dire.
En même temps que la grâce envers les gentils apparaît la puissance de ressusciter les morts, puissance se manifestant ici dans des sympathies humaines, en témoignage que Dieu avait visité son peuple (v. 11-17). Cette puissance de résurrection devait être manifestée encore plus glorieusement en Christ, et devenir la source de toutes les choses nouvelles pour l’homme, selon Dieu qui ressuscite les morts. Cette résurrection est une nouvelle et merveilleuse démonstration que le Seigneur, dans le caractère de son oeuvre, dépasse ici la sphère de la loi et de ses ordonnances : Car « la loi a autorité sur l’homme aussi longtemps qu’il vit » (Rom. 7:1). De quel profit peut-elle être pour un mort ? Mais « ce qui était impossible à la loi, en ce qu’elle était faible par la chair, Dieu, ayant envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché, et pour le péché... » (Rom. 8:3). La grâce et l’énergie divine se déployaient dans un homme touché par le sentiment de nos infirmités : chacun des détails que nous lisons ici, en est la démonstration. Le mort était le « fils unique de sa mère, et elle était veuve ». « Et le Seigneur, la voyant, fut ému de compassion envers elle, et lui dit : Ne pleure pas. Et s’approchant, il toucha la bière... Et le mort se leva sur son séant, et commença à parler ; et il le donna à sa mère. » Comme tout ici est à la fois admirablement humain et en même temps manifestement divin !
La guérison de l’esclave du centurion et la résurrection du fils de la veuve montrent le changement qui a lieu dans cette partie de Luc. Il en est de même de la scène qui suit ; elle met en évidence le changement de dispensation qui s’accomplit ; le Seigneur rend ici témoignage à Jean-Baptiste, non pas lui au Seigneur. Jean envoie deux de ses disciples auprès de Jésus, dont on lui avait rapporté les miracles, afin d’apprendre de sa propre bouche qui il était. En sommes-nous surpris ? — Jean avait prêché et baptisé sur la confession des péchés et la foi au Messie qui allait paraître. Tout était changé maintenant. Jean était en prison et n’avait pas été délivré ; il n’était plus question d’un peuple se préparant pour le Seigneur. Cela n’était-il pas étrange ? En tous cas, Jean cherchait une réponse catégorique et comptait sur la parole de Celui qui opérait de si grandes et saintes oeuvres ! Mais quel commentaire au merveilleux changement qui s’opérait, que ce message de Jean ! Jean remettait pour ainsi dire ses disciples au Seigneur ! En cette heure-là, « Jésus guérit plusieurs personnes de maladies et de fléaux et de mauvais esprits, et il donna la vue à plusieurs aveugles. » Et répondant aux messagers de Jean, il leur dit : « Allez, et rapportez à Jean les choses que vous avez vues et entendues : que les aveugles recouvrent la vue... » (v. 21-23). En même temps le Seigneur, s’il ne reçoit plus témoignage de Jean, rend témoignage à Jean ; il le reconnaît ainsi que son oeuvre, mais comme d’un terrain plus élevé sur lequel il s’était placé en grâce et en puissance de résurrection, à la suite de sa rejection dans le monde et par le monde, en sorte que, quoiqu’il fît du bien à tous, il dit : « Bienheureux est quiconque n’aura pas été scandalisé en moi ». C’est pourquoi, dans le verset même dans lequel le Seigneur reconnaît Jean-Baptiste de la manière la plus explicite, il fait ressortir le changement qui allait s’opérer, disant : « Mais le moindre dans le royaume de Dieu est plus grand que lui » (v. 28). Bienheureux ceux qui justifiaient Dieu en étant baptisés par Jean ; malheureux les hommes à propre justice qui rejetaient le conseil de Dieu contre eux-mêmes ! « La sagesse a été justifiée par tous ses enfants » ; ils comprennent les voies de Dieu dans le serviteur aussi bien que dans le Seigneur. Ces voies sont très différentes, mais les enfants de la sagesse les comprennent en grâce. « Cette génération », hélas ! ne comprend ni les unes ni les autres, et blâme les unes comme les autres. Jean est trop juste pour eux, Jésus trop plein de grâce. Les complaintes de l’un et les douces mélodies de l’autre leur inspirent la même aversion. Telle est la sagesse de l’homme devant les voies de Dieu. Mais au moins les enfants de la sagesse justifient la sagesse.
En dépit de la perversité des hommes, le Seigneur ne cesse pas de se manifester au monde. En conséquence, Luc introduit ici (v. 36-50) un fait qui montre comment la sagesse de Dieu est justifiée par ceux qui la reconnaissent en Jésus. C’est une scène de grâce, de pure et pleine grâce qui pardonne et qui ne s’arrête pas jusqu’à ce qu’elle ait renvoyé en parfaite paix la pécheresse qui en est l’objet. Jésus est dans la maison du pharisien, qui avec toute sa sagesse était en défaut sur le point essentiel : Simon n’avait pas su reconnaître la gloire de Christ. Le Seigneur, répondant à la pensée qu’il lisait dans son coeur, lui montre, en contraste avec la femme « qui était une pécheresse », que le point sur lequel il portait un jugement, était précisément celui où il était en défaut. Les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées, ni ses voies nos voies. Ouoi ? Si ce Jésus méprisé était non seulement un prophète, mais un Sauveur de pauvres pécheurs perdus ? Dieu n’était pas connu ; là était le secret ! L’âme convertie voit la gloire du Seigneur comme grâce envers elle ; celui qui n’est pas convaincu, quoique humainement intéressé, juge selon ses propres pensées et ne sait pas voir la gloire qui n’est pas selon ces pensées. Le jugement de l’homme à l’égard de l’Évangile doit donc être faux ; recevoir l’Évangile comme une grâce est la seule chose juste et le seul chemin pour arriver à le connaître.
L’histoire de la femme pécheresse nous fournit donc un exemple clair et direct des voies de Dieu : Dieu pardonnait les péchés en grâce, souverainement, librement, à tout pécheur quel qu’il fût ; il manifestait et produisait l’amour dans l’âme pardonnée qui aime Dieu, parce que Dieu est amour, et cela à l’égard de ses péchés, en Jésus le Seigneur. C’était réellement la grâce, le principe sur lequel un homme quelconque, gentil ou non, pouvait être reçu, et Dieu manifesté, non en exigeant quelque chose de l’homme, donnant ainsi de l’importance à l’homme dans la chair, mais en donnant toute la place à Dieu, le caractère de Dieu en grâce souveraine introduisant ainsi la bénédiction et ses bienheureux effets dans le coeur ramené à la confiance en Dieu par le sentiment de sa bonté.
Quel tableau ! La bonté connue non seulement dans l’acte, mais dans la personne de Celui qui l’accomplit. Le discernement du péché dans sa forme grossière par l’homme était une chose ; la grâce de Dieu qui pouvait tout effacer et pardonner était une chose bien différente. Christ n’était pas là pour juger et pour sanctionner les pharisiens ; mais l’amour pour un pécheur manifestait Dieu sous ce nouveau caractère de grâce, produisant un amour saint et plein de gratitude pour Dieu et une relation bénie, souveraine et hors de la portée de l’homme. Mais il faut que Dieu démontre toujours de nouveau la justice et la perfection de ses voies de bonté envers l’homme, tant est dur le coeur de l’homme ! Le Seigneur s’identifie lui-même avec le croyant ; il le soutient et le défend contre le monde orgueilleux : et la foi puise là son assurance. Sans aucun égard pour les commentaires. Jésus s’adresse non à l’incrédulité, ce qui aurait été sans profit, mais à ceux qui ont la foi ; ayant communiqué le pardon, il montre à l’âme sa « droiture », c’est-à-dire les justes pensées sur Dieu et sur le « moi » qui sont la part de la foi. La dernière parole du Seigneur règle tout. L’amour de la femme était non pas certainement la cause du pardon, mais une base de son évidence. « Ta foi t’a sauvée, va-t’en en paix. » La conscience est déchargée de tout le poids qui l’oppressait, et le coeur se trouve infiniment et éternellement le débiteur de la fontaine toujours jaillissante de toute grâce.
Nous avons vu, dans ce qui précède, le Seigneur se présentant par ses paroles et par son oeuvre comme un centre nouveau, vers lequel et autour duquel les siens étaient rassemblés. Avant ce moment, lorsque Israël était le point de rassemblement, l’Éternel avait été le centre, car l’Éternel était au milieu des Juifs, et le temple, le lieu où il se rencontrait avec le peuple. Maintenant le Fils est là, « Dieu... manifesté en chair », et il faut que Lui soit le centre de tout. Mais Israël ne voulait pas être rassemblé, comme le Seigneur lui-même le dit au chapitre 23 de l’évangile de Matthieu : « Jérusalem, Jérusalem, la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants... et vous ne l’avez pas voulu » (v. 37). Ésaïe tient le même langage, chapitre 65:2 : « J’ai étendu ma main tout le jour vers un peuple rebelle ». Israël ne pouvait jouir de la bénédiction, parce que la chair était incapable de la retenir. La chair envisagée simplement comme telle est « comme l’herbe » (És. 40).
Nous trouvons deux grands principes dans les derniers chapitres d’Ésaïe : d’abord, la chair comme chair ne pouvait retenir la bénédiction et être dépositaire des promesses, car lorsque la grâce parfaite vint dans la personne du Seigneur, il trouva le peuple auquel il était envoyé, flétri comme l’herbe. « L’herbe est desséchée, la fleur est fanée, mais la parole de notre Dieu demeure à toujours. » Ensuite Dieu n’abandonnait pas ses desseins : c’est pourquoi, au chapitre 49, nous trouvons l’Éternel disant au Christ : « Tu es mon serviteur, Israël, en qui je me glorifierai », et le Christ répondant : Si Dieu doit être glorifié en Israël, « j’ai travaillé en vain, j’ai consumé ma force pour le néant et en vain ; toutefois mon jugement est par devers l’Éternel, et mon oeuvre par devers mon Dieu ». Alors l’Éternel dit : « Quoique Israël ne soit pas rassemblé, je serai glorifié aux yeux de l’Éternel... Je te donnerai aussi pour être une lumière des nations, pour être mon salut jusqu’au bout de la terre ». Voilà ce que Christ devient dans l’évangile de Luc : « une lumière » pour éclairer les gentils, etc. Plus tard, Paul, avec la parfaite justesse de l’Esprit, cite ce même passage, si bien fait pour eux, aux Juifs d’Antioche : « C’était à vous premièrement qu’il fallait annoncer la parole de Dieu ; mais puisque vous la rejetez, et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les nations, car le Seigneur nous a commandé ainsi : Je t’ai établi pour être la lumière des nations... » (Actes 13:46, 47 ; et encore Actes 28:28). Israël sera rassemblé plus tard, car Christ rétablira les tribus de Jacob et délivrera les captifs d’Israël ; mais auparavant, il se tourne vers les nations. Le Seigneur nous présente dans Luc un tableau de tout cela. Au chapitre 7, nous voyons Israël rejeter à la fois Jean-Baptiste et Christ, mais « la sagesse a été justifiée par tous ses enfants ». Les pharisiens et les docteurs de la loi ne justifiaient pas Dieu du tout, car ils ne voyaient aucune beauté en Jésus, tandis que les publicains le faisaient ; et ainsi la pauvre pécheresse, dont le coeur était touché par la grâce de Dieu, est une vraie « enfant de sagesse » et est introduite ici comme démonstration du grand fait que Christ est le nouveau centre de bénédiction, « quoique Israël ne soit pas rassemblé ».
Le Seigneur poursuit ensuite son témoignage, rassemblant d’abord par la parole, au chapitre 8, puis, au chapitre 9, envoyant ses disciples prêcher avec l’ordre de secouer la poussière de leurs pieds, s’ils n’étaient pas reçus, en signe que le dernier témoignage était donné s’ils étaient rejetés.
Deux classes de personnes sont rassemblées ici autour de Christ. D’abord, les douze apôtres, témoins publics donnés par la grâce de Dieu pour être les vases du témoignage, manifestant le pouvoir électif de Dieu dans leur appel et dans le fait que Christ les envoyait avec toute l’énergie du ministère ; apôtres de Christ, envoyés par Lui-même, selon sa parole : « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie » (Jean 20:21) ; ses « élus », comme il dit ailleurs : « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi ; mais c’est moi qui vous ai choisis, etc. » (Jean 15:16). En second lieu, d’autres personnes que l’affection rassemblait autour de Christ, qui n’avaient aucun office dans l’Église, mais dont les coeurs avaient été touchés et attirés vers Lui ; qui n’étaient pas envoyées comme ceux dont nous venons de parler plus haut, mais qui n’étaient pas moins dévouées de coeur que les apôtres, car elles suivaient le Seigneur et l’assistaient de leurs biens.
Les versets 4-8 nous donnent la parabole du semeur, avec ceci de particulier qu’il ne s’agit pas ici du royaume comme dans Matthieu, mais du témoignage relatif à ce que Christ rassemblait et à ceux qu’il rassemblait, non pas à la forme que prendrait plus tard le royaume. Le fait même que Jésus venait comme Semeur démontrait qu’Israël était mis de côté, car si le Christ avait été là pour Israël sa vigne, il eût dû chercher du fruit de sa vigne qu’il avait plantée, si longtemps auparavant : Il était venu précédemment ainsi à Israël, cherchant du fruit, et n’en trouvant point. Maintenant il vient avec le nouveau caractère d’un Semeur, chose bien différente. Il vient dans un vaste monde où il n’y a rien, et y commence une oeuvre nouvelle. Dieu ne cherche pas maintenant du fruit chez l’homme, parce que l’homme a été démontré être un arbre mauvais et que plus on laboure et fume le sol autour d’un mauvais arbre, plus l’arbre porte de mauvais fruits : « chaque arbre se connaît à son propre fruit » (Luc 6:44). Christ vient pour chercher et sauver ce qui était perdu. Dieu va produire maintenant le fruit qu’il désire : il ne pense plus désormais à demander à l’homme de produire quelque fruit que ce soit, car Jean-Baptiste dit que « tout arbre, qui ne produit pas de bon fruit, est jeté au feu ». C’est pourquoi le Seigneur vient maintenant comme un Sauveur, ne cherchant pas de fruit, mais faisant ce qui le produira.
Le Seigneur décrit ensuite le caractère et l’effet de son oeuvre de semeur, et les disciples (v. 9-15) lui demandent de leur expliquer le sens de la parabole. Israël comme tel avait perdu sa place et était devenu un peuple sans intelligence (És. 27:11). Dieu avait usé de longue patience envers lui ; sept cents ans s’étaient écoulés depuis qu’il avait dit à Ésaïe : « Va, et dis à ce peuple : En entendant vous entendrez et vous ne comprendrez pas » (És. 6:9). Individuellement, un Juif pouvait être attiré vers Jésus ; mais, comme nation, Israël était endurci. Le Seigneur donne aux disciples l’explication de la parabole ; mais au peuple comme tel il parle en paraboles (voyez v. 10), accomplissant ainsi les paroles du prophète prononcées si longtemps auparavant. Le témoignage est clos maintenant quant à Israël, mais non pas quant au propos final de Dieu à son égard.
La semence est semée sans distinction ; quoique l’homme la rejette, car sa volonté s’y oppose, elle est néanmoins semée dans le coeur. La parabole du semeur montre comment la parole de Dieu est parfaitement adaptée aux besoins de l’homme, parlant à sa conscience et à son coeur. « Jamais homme ne parla comme cet homme » (Jean 7:46). Christ parlait avec une puissance qui atteignait le coeur et les affections ; mais la volonté est corrompue et résiste ainsi à la Parole. Il ne s’agit pas ici de grâce abstraite, mais de la condition de l’homme ; c’est pourquoi nous trouvons la Parole si parfaitement appropriée aux besoins de l’homme, non pas réclamant de lui la justice, mais intervenant avec puissance pour lui montrer qu’il est un pécheur et mettant à découvert les pensées et les intentions du coeur (comp. Héb. 4:12, 13). Le coeur étant ainsi mis à nu, la Parole vient avec toute la douceur et les consolations de la grâce ; car il y a en Dieu de quoi satisfaire une âme dans quelque état qu’elle puisse se trouver. La Parole s’adresse au coeur, c’est pourquoi l’Évangile laisse l’homme sans excuse.
Quelques-uns reçoivent la Parole avec joie (v. 13) : c’est la preuve que la conscience n’est pas touchée, car lorsqu’elle est touchée, l’âme est tout autre chose que joyeuse, jusqu’à ce qu’elle connaisse le pardon. Les sentiments peuvent être atteints pour un temps, la Parole être écoutée avec joie, mais cette joie sera suivie de douleur. La Parole, quand elle est reçue ainsi, n’a pas de racine ; elle est reçue avec joie et abandonnée dans la tribulation.
Ceux qui ont la Parole semée au milieu des épines forment une autre classe. L’intelligence peut être convaincue et recevoir la vérité ; mais les soucis, les plaisirs et les richesses de ce monde viennent et étouffent la Parole. Ces soucis sont d’autant plus subtils qu’ils se présentent comme des devoirs nécessaires ; et ce n’est pas un mal de faire son devoir, bien au contraire, car il est bon et juste que chacun vaque à son devoir dans sa vocation journalière. Mais si ces devoirs étouffent la Parole et qu’un homme perde ainsi son âme, n’avons-nous pas fréquemment besoin, à cause de la tendance naturelle du coeur, d’être rappelés à cette parole : « Voyez, et gardez-vous de toute avarice » (Luc 12:15), c’est-à-dire de l’amour des choses d’ici-bas ? Un homme était venu au Seigneur, disant : « Maître, dis à mon frère de partager avec moi l’héritage ». Le coeur de cet homme désirait jouir de ce qui lui revenait. Si l’amour du monde ou l’avarice s’introduisent au milieu des saints, le mal est d’autant plus difficile à guérir qu’il a un caractère insidieux, que souvent la discipline ne peut pas atteindre. Si l’avarice se glisse dans le coeur, elle entrave la puissance de Christ sur l’âme et sur la conscience ; elle engloutit pour ainsi dire la vie pratique du chrétien, et l’âme est flétrie ! La puissance de Dieu peut lui mettre un obstacle mais les soucis de l’avarice pour les choses de la terre sont si subtils que, même s’il n’y a rien de positif sur quoi mettre la main, la puissance pratique de la vie chrétienne dans l’âme est perdue, quoique, je n’ai pas besoin de le dire, la vie éternelle ne puisse jamais se perdre en ceux qui l’ont une fois reçue.
« Mais ce qui est dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, la retiennent dans un coeur honnête et bon, et portent du fruit avec patience. » Le monde peut estimer qu’il y a des fruits beaux et excellents ; mais là où le coeur n’a pas saisi Christ, on devient las. Il n’y a pas de persévérance lorsque Christ ne possède pas l’âme ; quand il la possède, il y a un motif qui demeurera ; l’âme persévérera et portera « du fruit avec patience ». Ceux qui entendent et qui gardent persévèrent ; car ils ont dans le Seigneur leur motif d’action. La tribulation peut surgir dans l’Église ; on peut être désappointé même en des frères ; mais ceux qui ont Christ devant eux persévèrent la Parole qu’ils ont entendue et qu’ils gardent les met en rapport avec Lui, et Christ est plus que tout le reste.
Il s’agit ici (v. 16-18), non du salut éternel, mais de l’effet pratique de la Parole semée dans le monde, de la croissance de la Parole dans l’âme ; cet effet ne restera pas caché sous un boisseau. « Vous êtes la lumière du monde » et « le sel de la terre » (Matt. 5:13-16). Ceux qui paraissent seulement être chrétiens se montreront bientôt ce qu’ils sont : « À quiconque n’a pas, cela même qu’il paraît avoir sera ôté ». Mais ceux en qui la Parole opère efficacement sont appelés à être comme une « lampe » placée sur un pied de lampe. Israël étant rejeté pour un temps, Dieu place dans le monde une nouvelle lumière qu’il a allumée à cause des ténèbres du monde. Christ sur la terre était la lumière du monde, à cause des ténèbres de celui-ci ; et maintenant nous devrions être une lumière dans le monde, car nous sommes « lumière dans le Seigneur » (Éph. 5:8). La lumière est allumée par la parole de Christ, et les hommes sont responsables de la Parole qu’ils ont reçue. Supposez que vous ayez entendu la Parole et que vous ne portiez pas de fruit : il sera bientôt manifesté que vous avez entendu la Parole et que vous l’avez perdue ainsi que la puissance spirituelle qui l’accompagne ; lors même que vous seriez des saints, il n’en est pas moins vrai que tout ce que vous avez entendu sans fruit ou puissance qui en découle apparaîtra au grand jour, « car il n’y a... rien de caché qui ne se connaîtra et ne vienne en évidence ». « Prenez donc garde comment vous entendez. » Christ attend les résultats de son travail de semeur : il faut non seulement écouter, mais posséder ; à cela se lie la responsabilité, car si vous gardez la Parole que vous avez entendue, il vous sera donné davantage. Si, en écoutant, je possède ce que j’entends, n’en ayant pas seulement de la joie, mais le possédant comme mon bien, alors ce que j’entends devient une partie de la substance de mon âme et j’en recevrai davantage : car lorsque la vérité est devenue une réalité dans mon âme, j’ai une capacité pour recevoir davantage. Vous avez entendu parler, par exemple, de la seconde venue du Seigneur et vous avez compris la part de l’Église comme Épouse de Christ ; si vous ne saisissez pas ces choses pratiquement pour les posséder, ayant communion avec Dieu à leur sujet, ce en quoi consiste la possession, il arrivera que vous perdrez l’attente présente de cette venue de Christ et que vous oublierez votre place de séparation d’avec le monde ; peu à peu la vérité vous échappera, parce que vous ne l’avez pas gardée dans votre âme devant Dieu. Puis votre âme s’émoussera et tombera dans un sommeil de mort où vous perdrez la vérité même que vous aviez reçue. Par contre, si vous vivez dans l’attente journalière du Seigneur venant du ciel, vous ne ferez pas de plans d’avenir, vous n’amasserez pas des biens pour le lendemain, mais vous apprendrez toujours davantage, parce que d’autres vérités viendront se grouper autour de cette grande vérité centrale ; vous serez gardés dans la vérité. Si, au contraire, comme je l’ai dit plus haut, vous laissez échapper cette vérité centrale en disant que Jésus ne peut pas venir encore, parce qu’il faut que tant de choses s’accomplissent avant qu’il vienne, le progrès de votre communion avec Dieu sera entravé, tout progrès d’une âme étant selon la mesure de ce que cette âme a entendu et gardé devant Dieu. Quel profit peut-il y avoir à m’apprendre que le Seigneur peut venir demain, si je continue à vivre comme s’il ne devait pas venir avant un siècle ? Quelle consolation et quelle bénédiction cette vérité apportera-t-elle à mon âme, si je dis dans mon coeur : « Mon Maître tarde à venir » ? (voyez Luc 12:45). Quoique je ne puisse pas perdre la vie éternelle, je perds la vérité et la lumière que j’avais ; je flotte dans le courant de la vie, moitié monde, moitié Christ, et toute la puissance de la vie chrétienne est obscurcie dans mon âme. La vérité, tenue ferme en communion avec Dieu, sépare pour Dieu. La vérité doit produire du fruit ; et vous n’avez aucune vérité qui n’en porte pas. La vérité est là pour édifier l’âme : « Sanctifie-les par la vérité ; ta parole est la vérité » (Jean 17:17). Christ me devient précieux dans la vérité que j’attends, et par cette vérité ; et si elle n’a pas cette puissance, elle se perd, n’aboutit à rien et est ôtée. Si Christ a du prix pour moi, je l’attends avec affection, et s’il n’en est pas ainsi, la simple vérité sera bientôt abandonnée.
Ici, le Seigneur clôt sa relation avec Israël selon la chair, car les relations de « mère » et de « frères » le mettent en rapport avec Israël selon la chair. Remarquez que Jésus distingue ici le résidu par l’expression de : « Ceux-ci », comme il avait fait au chapitre 6, en disant : « Vous ». Sa mère et ses frères venaient seulement auprès de Lui à cause de leur relation naturelle avec Lui ; et il y avait dans le Seigneur toutes les affections naturelles, car à la croix nous le voyons se souvenir de sa mère et la recommander aux soins de Jean. Ici, dans sa réponse, c’est comme s’il disait : Je suis sur un terrain nouveau ; « ma mère et mes frères sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la mettent en pratique ». Israël, quant à sa relation selon la chair avec le Seigneur, était rejeté, Jésus n’avouant et ne reconnaissant pour siens que ceux dans les coeurs et dans les consciences desquels la parole de Dieu avait eu de l’effet. Il ne s’agissait pas de ce qu’on trouvait dans la nature, mais de ce qui était le fruit de la grâce, produit par la puissance divine, par la Parole ; ce principe étant ainsi établi, afin qu’il s’étende aussi bien aux nations qu’aux Juifs, quoiqu’il n’ait été pleinement manifesté qu’après la résurrection du Seigneur. Ces trois versets 19-21 sont une sentence judiciaire sur Israël, qui prend fin au verset 21.
Dans les versets 22-26, nous trouvons un exemple de ce que nous avons à attendre si nous suivons le Seigneur, et de ce que le Seigneur sera pour ceux qui seront éprouvés par des circonstances comme celles qui nous sont présentées ici. Le fait qu’ils étaient les disciples et les compagnons de Jésus a pour effet de placer à toute heure ceux qui suivent le Seigneur dans toutes sortes de dangers : ils ne sont pas sur terre ferme, mais ballottés sur une mer orageuse, et Christ est absent — « il dormait ». Un vent impétueux fond sur le lac, la nacelle se remplit d’eau, les disciples pleins d’effroi sont en péril. Mais Jésus était dans la même nacelle qu’eux. Celui qui a fait les mondes, le Fils de Dieu, était avec eux, et cependant ils sont effrayés et s’écrient : « Maître, maître, nous périssons ! » comme si Lui eût pu être englouti par les eaux. Ils montrent ainsi qu’ils ne connaissaient pas quel était Celui qui était avec eux dans la nacelle. Pour nous qui lisons paisiblement les détails de cette scène, nous trouvons bien absurde l’incrédulité des disciples ; mais n’en est-il pas exactement de même de nous spirituellement ? N’avons-nous aucune crainte, quand nous sommes poussés çà et là par la tempête et que les flots s’agitent dans l’Église ? Assurément oui, car plus d’un coeur a dit : « Qui nous fera voir du bien ? » Oubliant ce que Dieu fait et opère, quand l’homme lutte visiblement contre les desseins de Dieu. Mais on ne se moque pas de Dieu, et Dieu poursuit l’accomplissement de ses desseins à travers tous les orages que les hommes ou le diable peuvent susciter. Au chapitre 16 de l’évangile de Jean, nous voyons les disciples dans la tristesse, parce que Jésus s’en allait. Le Seigneur leur avait dit (chap. 14:28) : « Si vous m’aviez aimé, vous vous seriez réjouis de ce que je m’en vais au Père, car mon Père est plus grand que moi ». Au chapitre 16, il leur dit : « Maintenant je m’en vais à Celui qui m’a envoyé, et aucun d’entre vous ne me demande : Où vas-tu ? Mais parce que je vous ai dit ces choses, la tristesse a rempli votre coeur ». Dieu accomplissait ses conseils de grâce en rédemption par le départ de Christ. Les disciples perdaient de vue que Dieu était à l’oeuvre dans tout ce qui se passait et que rien ne peut l’empêcher d’accomplir ce qu’il s’est proposé. Ils pensaient, lorsque Jésus fut crucifié, que toutes leurs espérances étaient réduites à néant. Ils disaient : « Nous espérions qu’il était celui qui doit délivrer Israël » (Luc 24:21), au moment même où, par sa résurrection, tout allait s’accomplir pour eux. Ils auraient dû demander : « Où vas-tu ? » (voyez Jean 16:5). Ce n’est pas qu’il ne paraisse pas maintenant y avoir des périls, de la confusion, des afflictions ; mais la foi regarde à Dieu, voit Dieu à travers tout, et demande : Que fait le Seigneur ? Où va le Seigneur ? En tout et à travers tout, le Seigneur ne s’est pas détourné de son chemin de l’épaisseur d’un cheveu. Nous pouvons être dans la détresse ; mais la foi ne dit pas que le Seigneur se tient loin ; elle le sait près. Jésus permet que ses disciples soient en péril, que la nacelle s’emplisse d’eau, et Lui dort ; afin de mettre à l’épreuve la foi des disciples pour voir s’ils se confiaient réellement en Lui, et si d’aussi folles pensées que celles qu’ils expriment surgiraient dans leurs coeurs en présence du danger. « Maître, maître, nous périssons ! » s’écrient-ils ; mais ils étaient dans la nacelle avec Christ, et les flots étaient impuissants contre eux. Il leur dit : « Où est votre foi ? » Et il pouvait justement leur parler ainsi ; car, si l’eau remplissait la nacelle, Lui aussi était là et pouvait dormir au milieu de l’orage. Mais les disciples ne pensaient pas tant à Lui qu’à eux-mêmes, et ils disent : « Nous périssons ». Il en est exactement de même aujourd’hui : on peut être en danger avec Christ dans la nacelle en tout temps, aujourd’hui comme alors, et Christ est réellement bien plus avec nous maintenant qu’il ne l’était alors avec les disciples, car il nous est bien plus parfaitement révélé, et nous sommes unis à Lui, un avec Lui, en sorte qu’il est avec nous à chaque instant dans la puissance de l’Esprit. Quelle que soit l’élévation des vagues, la mer n’engloutira pas son amour et ses pensées envers nous. Dieu éprouve notre foi. Il pose la question si nous avons cette foi qui réalise la présence de Christ de telle manière qu’elle nous tient calmes et en paix au milieu de l’orage comme dans les jours sereins. Ce n’était pas réellement à l’état de la mer, à son calme ou à son agitation, que tenait le danger de Pierre (Matt. 14), car sans Christ il aurait enfoncé dans une mer calme aussi bien que dans une mer agitée. Pierre enfonçait, parce que ses yeux s’étaient détournés de Christ et regardaient les flots. Si nous marchons avec Christ, nous rencontrerons toutes sortes de difficultés, plus d’une mer orageuse ; mais étant un avec Lui, sa sûreté est la nôtre. Notre oeil devrait se détourner des événements, quelque solennels qu’ils soient — et ils le sont de nos jours, j’en ai le sentiment profond — pour demeurer fixé sur Christ. Oui, les temps sont graves, le mal augmente ; mais tout est sûr et arrêté comme si le monde nous était favorable. J’ai vraiment peur de la manière dont beaucoup de bien-aimés frères s’occupent des événements, au lieu de regarder à Christ et de l’attendre. Le Seigneur lui-même est la sûreté des siens ; or que le monde suive son train comme il l’entend, aucun événement ne peut atteindre Christ. Nous sommes sains et saufs sur la mer, si seulement nos yeux ne regardent pas aux vagues et que nos coeurs soient concentrés sur Christ et sur les intérêts de Christ ; alors le diable lui-même ne peut nous toucher.
Quel tableau solennel des conséquences de la réjection de Christ par le monde ! Christ vient et trouve l’homme entièrement sous la puissance du diable. Un homme d’entre les Gadaréniens était possédé ; mais Christ le délivre, montrant ainsi qu’il avait toute puissance sur l’ennemi. Une parole de Christ chasse les démons. « Le Fils de Dieu a été manifesté, afin qu’il détruisît les oeuvres du diable » (1 Jean 3:8). Quel fut l’effet de cette délivrance opérée par le Seigneur ? « Toute la multitude du pays environnant des Gadaréniens, pria Jésus de s’en aller de chez eux ». Ces Gadaréniens qui avaient supporté les démons, parce qu’ils ne pouvaient pas s’en débarrasser, ne veulent pas supporter Christ, et le prient de s’en aller de chez eux ! L’homme voudrait bien enchaîner « Légion », s’il pouvait, car il n’aime pas les effets de la puissance de Satan mais la volonté de l’homme est opposée à Christ l’homme a une haine délibérée contre Christ. Le Seigneur vint dans le monde, plein d’amour et de puissance, pour délivrer l’homme des conséquences du péché ; mais l’homme rejeta Christ, et Dieu ne demeure pas là où la volonté est résolue et déterminée contre Lui. Quand les Gadaréniens demandèrent à Christ de se retirer de chez eux, il monta immédiatement dans la nacelle et s’en retourna. Le monde dans lequel nous vivons est comme ces gens : il a tranquillement rejeté Christ. Mais Dieu les abandonna-t-il, quoique Christ s’en soit allé pour un temps ? Non, bien au contraire ; il envoya au milieu d’eux l’homme qu’il avait guéri, afin qu’il leur racontât quelles grandes choses Dieu lui avait faites : et c’est là ce que les disciples de Christ ont fait dans le monde ; le résidu délivré dira, lui aussi, au monde quelles grandes choses Dieu aura faites pour lui.
Les « pourceaux » me semblent représenter l’état des Juifs après qu’ils ont rejeté Christ. Le Seigneur, sans doute, permet aux démons d’entrer dans les pourceaux, car les pourceaux, n’ayant pas de passions à eux, étaient poussés par les démons à se précipiter dans la mer, montrant que c’était leur possession par les mauvais esprits qui les poussait à la destruction. Nous savons par Joseph et d’autres sources historiques qu’il est difficile de se figurer l’infatuation avec laquelle les Juifs se précipitèrent vers leur propre ruine, lorsque ces puissances gentiles vinrent et foulèrent la sainte ville. Leur ruine fut la conséquence de la réjection du Seigneur dont ils se rendirent coupables.
Le Seigneur nous fournit par le moyen de faits réels deux autres tableaux de ses voies en délivrance. Aux versets 40 et suivants, nous trouvons le récit de la résurrection de la fille de Jaïrus qui nous présente en figure l’histoire d’Israël le Seigneur s’en allait guérir Israël qui se mourait mais pendant qu’il était en chemin, le peuple le serrait. Ce qu’il était venu faire, il le fit ; car le monde le serrait, tandis qu’il était en chemin pour guérir « la fille de son peuple » qui était malade. Quiconque pouvait le toucher par la foi trouvait la guérison, une puissance sortant de Lui. La fille de Jaïrus « se mourait » ; l’homme n’a pas été déclaré mort avant que Christ ait été crucifié. Avant la venue de Christ, il n’y avait pas de guérison pour l’homme. Abraham a désiré voir le jour de Christ (Jean 8:56). Il y a eu des prophètes qui ont parlé de Christ comme de Celui qui guérirait ; la bénédiction était promise, mais il n’y avait pas de médecin. « N’y a-t-il point de baume en Galaad ? » N’y a-t-il pas quelqu’un pour guérir ? Il n’y avait personne ; aucun médecin ne pouvait guérir l’homme jusqu’à ce que Christ vînt ; et quand il vint, on le crucifia. En Lui il y avait une puissance vivante, car lorsque la foule le pressait, une femme touche seulement le bord de son vêtement, et il sort de Lui de la puissance qui la guérit. La guérison ne dépendait pas de l’état de ceux qui étaient guéris, mais de la puissance de Celui qui guérissait. Des médecins pouvaient appliquer remède après remède, tout était inutile jusqu’à ce qu’il vînt, Lui qui pouvait communiquer la vie : alors tout change. Quand les foules le serrent, Jésus reconnaît le toucher de la foi, et dit : « Quelqu’un m’a touché, car je sais qu’il est sorti de moi de la puissance ». Avant qu’il intervienne dans la puissance et la gloire de la résurrection pour apporter la vie d’entre les morts en Israël, il guérit parfaitement là où il y a de la foi, car le Seigneur est toujours vivant pour répondre à la foi. La femme se cachait, car elle avait honte de se montrer à cause du sentiment qu’elle avait du mal dont elle avait eu besoin d’être guérie. Mais elle ne pouvait être cachée. Le coeur craint toujours de s’ouvrir, tant qu’il est replié sur lui-même ; mais lorsqu’il regarde à Christ, il s’ouvre à Lui, car c’est là toujours l’effet de sa présence sur l’âme. La honte, la réputation, le caractère qu’on peut avoir aux yeux des hommes, tout s’efface devant le sentiment de ce que Lui est. Quand la grâce atteint le fond du coeur, tout le reste est facilement abandonné. Un lien s’était formé entre l’âme de cette femme et Christ : « Ta foi t’a guérie ; va-t’en en paix ». Le Seigneur apporte la paix et une consolation parfaites à l’âme de cette femme ; car il ne guérit pas seulement, mais il se fait aussi connaître. La femme ne doit pas seulement être guérie ; elle doit recevoir de sa bouche l’assurance de la paix.
À ce moment, quelqu’un vient de chez Jaïrus, disant « Ta fille est morte, ne tourmente pas le maître » ces gens pensaient que Jésus pourrait bien guérir la jeune fille aussi longtemps qu’elle était encore vivante ; maintenant qu’elle était morte, ils supposaient qu’il ne pouvait plus rien. Dans cet état, la jeune fille est une image d’Israël qui est mort devant Dieu, comme les nations. Mais Jésus répond : « Ne crains pas, crois seulement, et elle sera sauvée ». Quand il arrive dans la maison, il ne laisse entrer personne que Pierre, et Jacques, et Jean (les colonnes de la gloire future, au temps où il viendra comme la résurrection et la vie pour la nation morte), et le père de la jeune fille, et la mère.
Nous trouvons donc, dans ce chapitre, un tableau de ce qui s’accomplissait alors et de ce qui arrivera dans l’avenir. La semence, « la Parole », est semée ; nous apprenons l’effet qu’elle produit, l’usage que l’homme en fait. Dieu nous fournit l’explication de tout ce qui arrive et qui était parfaitement connu et arrêté dans sa pensée ; mais si un orage s’élève, et si Christ paraît dormir et semble insensible au danger, quoique « Celui qui garde Israël » ne sommeille ni ne s’endorme (Ps. 121), comme disciples nous sommes dans la nacelle avec Lui. Qu’il nous donne de nous reposer sur cette assurance en toute simplicité et sans laisser nos coeurs se tourner ailleurs, car, aussi bien que l’eau, Christ est dans la nacelle. Il faut seulement que le regard de la foi soit arrêté sur Lui ; alors, advienne que voudra, nous dirons : « Qui nous séparera de l’amour du Christ ?... Au contraire, dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés » (Rom. 8). Alors plus il y aura de difficultés, plus aussi il y aura de bénédiction, en vertu de l’exercice de la foi.
Après nous avoir fourni, au chapitre 8, un tableau de tout ce qui s’accomplissait, si je puis parler ainsi, le Seigneur, au chapitre 9, soulève la grande question touchant sa propre personne : Qui était-il ? Puis il annonce à ses disciples que quelques-uns d’entre eux verraient sa gloire, car la montagne de la transfiguration montre ce que sera la gloire du royaume. Pierre parle de cette scène comme « la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ », « lorsqu’une telle voix lui fut adressée par la gloire magnifique... étant avec lui sur la sainte montagne » (2 Pierre 1:16 et suiv.). Mais c’était d’abord un témoignage final que les disciples étaient appelés à rendre (v. 1-6), quoique la gloire dût venir ; et, comme preuve de ce caractère de leur témoignage, ils devaient secouer la poussière de leurs pieds lorsqu’ils n’étaient pas reçus. Il est intéressant de remarquer toutes les circonstances qui mettent en évidence le fait que c’était le Seigneur lui-même qui était là, et dont la présence mettait Israël à l’épreuve. Jésus opérait des miracles et pouvait, nous l’avons vu, conférer à d’autres le pouvoir d’en accomplir ; mais ici il ne confère pas seulement la puissance individuellement à qui il veut, il fait quelque chose de plus : il la confère à un certain nombre d’hommes réunis, leur donnant puissance et autorité sur les démons.
Nous avons signalé trois choses en rapport avec le témoignage du Fils de l’homme : 1° le témoignage de Dieu à son sujet ; 2° la misère de l’homme ôtée par lui ; et 3° les démons chassés ; triple preuve que c’était réellement le Seigneur qui visitait le monde en grâce et en puissance. La manifestation de la puissance aura lieu quand le moment sera venu ; mais le Seigneur, dans sa personne, introduisait la manifestation de ce qui plus tard sera plein et parfait, mais était alors une anticipation des « miracles (litt. : puissances) du siècle à venir », dont parle l’épître aux Hébreux (6:5). Ce n’est pas ici la rédemption, mais l’exercice de la puissance en présence de l’inimitié de l’homme contre le Seigneur ; et les hommes n’ont pas voulu de Lui quand il s’est ainsi présenté.
Le Seigneur envoie ses disciples en réglant toutes les circonstances du chemin qu’il auront à parcourir : tandis qu’il était avec eux, il pourvoyait à tout ce qu’il leur fallait et ils ne manquaient de rien (comp. 22:35). La puissance du Seigneur était là pour prendre soin d’eux partout où ils allaient. Plus tard, lorsqu’il fut sur le point de les quitter, il leur dit de prendre une épée, leur montrant qu’ils auraient à se garantir eux-mêmes, pour ainsi dire ; mais tandis qu’il était avec eux, il les gardait et prenait soin d’eux. Ainsi, à propos de l’ânon sur lequel il devait entrer à Jérusalem, il montre son autorité royale et divine à la fois, disant : « Le Seigneur en a besoin » (Luc 19:29-34). — Les disciples s’en vont, prêchant l’Évangile et guérissant partout. Alors surgit la question de sa personne : « Hérode... était en perplexité, parce que quelques-uns disaient que Jean était ressuscité d’entre les morts... ». Jésus voulait que les consciences fussent exercées à son sujet. Deux choses, on le voit, sont mises en évidence dans l’homme par cette question : d’un côté, la curiosité est excitée ; d’un autre côté, la perplexité et la crainte.
Jésus poursuit son chemin, et partout où il y a une oreille pour entendre, il est pour l’homme le ministre de la grâce du royaume.
Les disciples lui demandent de renvoyer la foule, « afin qu’ils aillent dans les villages et dans les campagnes d’alentour, et s’y logent et trouvent des vivres ». Non, dit le Seigneur ; « vous, donnez-leur à manger ». Il ne dit pas qu’il les nourrirait, mais communique à d’autres la puissance qu’il avait lui-même, et veut exercer leur foi dans ce qu’il pouvait faire par eux. Ceci s’applique à l’Église, maintenant : la foi use de la puissance qui est dans le Chef (la Tête). « Vous, donnez-leur à manger. » Jésus attendait que la foi usât de sa puissance divine, de ce que les disciples voyaient en Lui. Nous devrions ainsi compter sur la puissance qui est dans le Chef. Le Seigneur mettait la foi des disciples à l’épreuve : « Vous, donnez-leur à manger ». Hélas non ! ils n’avaient pas de foi ; ils comptaient leurs ressources : « Nous n’avons pas plus de cinq pains et de deux poissons ! » Il en est ainsi de nous ; nous n’avons point de foi ! Avoir de la mémoire n’est pas avoir de la foi. Il frappa le rocher et les eaux jaillirent et les ruisseaux débordèrent. Mais pourrait-il bien donner aussi du pain ? Il nous donne de l’eau, mais peut-il nous donner de la nourriture ? Nous savons qu’il a fait cette chose ; mais pourrait-il bien aujourd’hui faire cette autre chose ? Il faut que nous sachions compter sur l’énergie de l’amour du Seigneur et nous attendre à ses soins pour nous. Quand il dit à ses disciples : « Vous, donnez-leur à manger », ils auraient dû s’attendre à ce qu’il leur donnerait la puissance pour faire ce qu’il leur disait. L’Éternel était au milieu d’eux, exerçant sa puissance ; mais leur réponse trahit leur affreuse incrédulité. L’incrédulité exclut Dieu et se réduit à ce qu’elle voit : « À moins que nous n’allions et que nous n’achetions de quoi manger ... ». Mais lui les fit asseoir par rangs de cinquante chacun... « et ils mangèrent tous et furent rassasiés ». Le Ps. 132 avait dit : « Je rassasierai de pain ses pauvres » ; ici, en Jésus, cette parole s’accomplissait. Le psalmiste parlait de leur Roi. L’Éternel avait choisi Sion ; il l’avait désirée pour sa demeure ; il montrait ici par un miracle qu’il était présent pour accomplir sa promesse, car il rassasiait de pain leurs pauvres. Il ne transmettait pas seulement la puissance par ses disciples, mais il était lui-même au milieu d’eux, non pas seulement un homme, un messager ; mais, selon l’expression de Héb. 2, la parole commença d’être annoncée par le Seigneur. Il était, Lui, l’Apôtre. D’autres furent envoyés après Lui ; mais Lui vint le premier, comme l’Apôtre d’Israël. C’est une chose bien solennelle de penser que le Seigneur a réellement visité ce monde ! Il est venu et s’est présenté d’abord à son peuple d’Israël ; mais Israël ne voulut pas de Lui ! Nous apprenons ainsi dans quel monde nous sommes. Dieu agit maintenant en grâce envers les hommes, quoique son Fils ait été rejeté.
« Et de ce qui leur était resté... on ramassa douze paniers. » Remarquez, en passant, que le nombre douze est l’expression du pouvoir exercé en rapport avec le gouvernement ; il y a douze apôtres, douze portes de la ville dans l’Apocalypse, etc.
Jusqu’ici, nous avons vu Christ se présentant au milieu d’Israël comme le Messie : le voici maintenant homme dépendant, — priant. Il était Emmanuel, Dieu avec nous ; il était Fils de David ; il était Fils de l’homme : il résume en Lui toutes ces gloires. Alors il adresse aux disciples la question : « Qui disent les foules que je suis ? » (v. 18 et suiv.). « Et répondant, ils dirent : Jean le baptiseur ; et d’autres : Élie, etc. » ; les uns une chose, les autres une autre. Mais Pierre dit : « Le Christ de Dieu ! » — sur quoi Jésus leur défend de le dire à personne. C’était la foi, quelque faible qu’elle fût, qui avait dicté la réponse de Pierre ; c’est pourquoi il n’a pas besoin de réflexion. Avec une parfaite assurance, il dit : « Le Christ de Dieu ! » La foi fait toujours ainsi. Quand l’Esprit de Dieu applique la vérité avec puissance, il n’y a pas dans l’âme d’incertitude à son égard. Un homme peut croire ou ne pas croire que Christ est le Fils de Dieu ; mais si son esprit travaille, il l’amènera peut-être à penser : Je ne l’aime pas assez pour être sauvé, et ainsi l’incertitude entre dans l’âme. Mais lorsque l’Esprit montre avec puissance que quiconque confesse que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu demeure en lui, alors je le crois, et je vois que Dieu « ne se souviendra plus » de mes péchés. L’Esprit peut ainsi me conduire à penser aux conséquences d’une vérité.
Le Seigneur laisse maintenant ce qui a été mis en évidence, et se présente à ses disciples comme le Fils de l’homme ; comme tel il va souffrir et sera crucifié. Il faut par conséquent que ses disciples sachent prendre leur croix et le suivre. Jésus leur annonce quelque chose de tout nouveau : il allait être rejeté et crucifié ; puis il ressusciterait le troisième jour. Il ne reste pas sur le terrain messianique, mais il place l’espérance des siens dans une sphère qui est entièrement au-delà de celle qui se rattache au Messie. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix chaque jour, et me suive. » « Chaque jour » — là est l’épreuve. Un homme, par un mouvement héroïque, pourrait prendre sa croix une fois pour toutes, et il deviendrait un objet d’admiration pour plusieurs on écrirait sur lui beaucoup de livres, peut-être mais il est bien difficile de poursuivre son chemin chaque jour en se renonçant soi-même et sans que personne en sache quoi que ce soit. Ce que le Seigneur disait revient à ceci, que si vous épargnez la chair dans cette vie, vous perdrez votre vie dans celle qui est à venir : « Car que profitera-t-il à un homme de gagner le monde entier, s’il se détruit lui-même ou se perd lui-même ? » ou : « Que donnera un homme en échange de son âme ? » Il ne s’agit pas d’abaisser la vie au niveau de la chair ; mais si vous faites la perte de votre vie ici-bas, vous la trouverez ailleurs, au-dessus et au-delà de ce monde ; « car quiconque voudra sauver sa vie la perdra ; et quiconque perdra sa vie pour l’amour de moi, celui-là la sauvera ». Faire abandon de ce monde pour la vie éternelle ou pour la misère éternelle, voilà ce dont il s’agit réellement ! « Que profitera-t-il à un homme ? » — Il faut de toute manière que vous fassiez la perte de ce monde : vous ne pouvez pas le conserver.
Il y a la gloire du royaume ; il y a la manifestation de la gloire à venir. Ces affections et ces dispositions qui attirent l’âme vers Jésus ne peuvent trouver leur satisfaction ici-bas. Ils montrent clairement qu’ils recherchent une patrie ; c’est pourquoi Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu... (Héb. 11:13-16). « Quiconque aura honte de moi et de mes paroles, le Fils de l’homme aura honte de lui quand il viendra dans sa gloire ». « Voici... comme un fils d’homme... et il avança jusqu’à l’Ancien des jours... Et on lui donna la domination, et l’honneur, et la royauté » (Dan. 7:13). Mais il vient aussi dans la gloire du Fils de Dieu, la gloire de son Père et dans la gloire des anges. Les anges le servent Lui qui les créa, car ils ont été créés pour Lui aussi bien que par Lui, et ainsi ils le glorifient, Lui le Fils de l’homme, lui rendant la gloire qui lui appartient, car il n’a pas perdu un atome de sa gloire : « Tu... l’as établi sur les oeuvres de tes mains... » « Que tous les anges de Dieu lui rendent hommage. » Au Sinaï, il était entouré de cette même gloire : La loi a « été ordonnée par des anges... » (Gal. 3:19). « Les chars de Dieu sont par vingt mille, par milliers redoublés... » (Ps. 68).
Nous trouvons maintenant la gloire manifestée sous le triple caractère dont nous venons de parler (v. 26). Il apparaîtra dans cette gloire, quand il sera manifesté ; et il aura honte de ceux qui auront eu honte de Lui, parce qu’ils n’auront pas su renoncer à des avantages présents. Je ne parle pas ici de la maison du Père qui a, cela va sans dire, un autre caractère. Il s’agit ici du royaume manifesté à la terre, dans sa gloire.
« Et il arriva... qu’il monta sur une montagne pour prier. » Ce détail ne se trouve pas dans les autres évangiles. Le Seigneur allait montrer sa gloire à ses disciples, afin de faire connaître sa puissance et sa venue (voyez 2 Pierre 1:16) ; et d’après les autres évangiles, nous savons qu’une semaine après cet événement, il monta à Jérusalem où il devait être crucifié. — « L’apparence de son visage devint tout autre » (v. 29). Un changement complet a lieu ici. Jésus parle de son « départ » qu’il devait accomplir à Jérusalem, où il aurait dû être couronné, mais où il va pour être crucifié. À Jérusalem, où cette corne de David devait germer, la racine de David sera prise, crucifiée, mise à mort par des mains iniques. C’est ici qu’il faut chercher le centre même de tout le changement qui s’accomplit. « Et voici, deux hommes, qui étaient Moïse et Élie, parlaient avec Lui. » On peut considérer ce fait sous deux aspects différents. Nous pouvons l’envisager à un point de vue dispensationnel, Moïse et Élie représentant la loi et les prophètes. À ce point de vue, Moïse avait une place très particulière, car c’est par lui que la loi fut donnée ; mais la place d’Élie était presque aussi importante, car bien que les Juifs fussent dans une position bonne et vraie, ils y avaient failli et en étaient déchus, — aussi l’on voit Élie s’en retourner à Horeb. Les autres prophètes ne furent jamais appelés à opérer des miracles ; à part le fait du cadran d’Achaz (És. 38:8), nous n’entendons parler d’aucun miracle dans Ésaïe, Jérémie, Osée, Habakuk, etc. Ces prophètes, envoyés de Dieu, montraient que Dieu prenait soin d’Israël ; mais dans tout ce que nous apprenons d’eux, aucun événement ne ressemble à l’appel qu’Élie adresse à Israël pour le ramener à Dieu. Élie nous apparaît comme celui qui maintient la loi lorsque le peuple s’en est grossièrement détourné, quoique tous les prophètes, même jusqu’à Malachie (voyez Mal. 4:4), rappelassent à l’observation de la loi.
Moïse et Élie disparaissent, et Jésus est laissé seul. La loi avait disparu, la prophétie avait pris fin : Christ reste seul — et il allait être crucifié. Tout l’édifice bâti par la loi et les prophètes (non pas le témoignage rendu par eux, mais la loi, en tant que donnée à l’homme, dans la chair) est renversé, parce que l’homme a fini par tuer le Seigneur venu en chair : tout est fini désormais. Pierre aurait voulu placer ensemble et comme sur la même ligne le Seigneur et ses deux compagnons : « Maître, il est bon que nous soyons ici ; et faisons trois tentes : une pour toi, et une pour Moïse, etc. » Mais à ce moment Moïse et Élie disparaissent, et une voix se fait entendre de la nuée, disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » (v. 35). C’est maintenant la justice de Dieu sans loi, en Jésus. La loi n’envoya pas Christ. Quelle loi eût-on pu imposer à Dieu pour qu’il l’envoyât ? L’amour divin seul pouvait avoir une telle pensée. La grâce règne « par la justice » (Rom. 5:21). La loi était bonne et parfaite ; mais Christ dépassait de beaucoup la loi. Moïse et Élie ne devaient donc avoir aucune place avec Lui. Dieu le Père les fait disparaître quand Pierre désire les associer à Jésus. Ils disparaissent : ce fait est la chose importante pour nous. Chaque parole de la loi et des prophètes est la vérité de Dieu ; mais « la loi et les prophètes ont été jusqu’à Jean ». Maintenant le Fils de Dieu est le messager de l’amour du Père et celui qui accomplit la justice divine. Lorsqu’il est là, la voix dit : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le » et Jésus est laissé seul.
Remarquez aussi que Moïse et Élie, parlant avec Lui, sont occupés de sa mort. Une chose occupe le ciel et la terre : Jésus allait subir la croix là même où il aurait dû être Roi. En pareille circonstance, le ciel et la terre ne pouvaient s’entretenir d’autre chose que de sa mort. Il en est de même pour. nous : le grand sujet qui doit nous occuper relativement au Messie, c’est qu’il mourut. Quoiqu’il eût pu détruire tout le mal qui était entré dans le monde, il faut qu’il meure ; en grâce, cela va sans dire. Tout doit prendre fin dans la mort, parce que la pensée de la chair n’est pas seulement sous la puissance de Satan, mais inimitié contre Dieu : c’est pourquoi il faut que le ciel parle.
Sion, le lieu même qu’Il avait choisi, où il avait été et où il sera, le lieu spécial de la faveur de Dieu, doit être la scène de sa mort. C’est là qu’il est rejeté hors du monde qu’il venait sauver ; c’est là que Celui en qui toute justice, toute perfection humaine et divine sont concentrées, doit mourir ; c’est là que toute la nature de l’homme, dans les circonstances les plus favorables, toute sa méchanceté, en dépit de la publicité, de la patience et de la variété des voies gouvernementales de Dieu, sont manifestées.
Moïse avait pu s’occuper de l’homme comme tel, et faire jaillir de l’eau du rocher pour le peuple, en réponse à ses murmures. Le prophète pareillement avait pu dire : « Plaidons ensemble ». « Fais-moi souvenir, plaidons ensemble. » Mais maintenant c’en est fait de tout cela. Dieu avait cultivé sa vigne et fait pour elle tout ce qui pouvait être fait. Il restait encore une chose, — la meilleure, — son Fils. Il l’envoya ; et eux le jetèrent dehors et le tuèrent. Désormais il ne reste qu’un témoignage au sujet de l’homme : il a « mis à mort le Prince de la vie », ; il a « renié le Saint et le Juste » (Actes 3:14). Nous n’avons jamais de paix jusqu’à ce que nous ayons trouvé le pardon par le Christ, à la croix. — Ici apparaît un vrai tableau du ciel ; mais à toutes les voies intermédiaires de témoignage manque complètement ce que nous trouvons en Christ sur la croix, parce que la vérité quant à ce que l’homme est réellement leur fait défaut, vérité qui ne fut mise pleinement en évidence que lorsque l’homme mit « à mort le Prince de la vie ».
Jésus abandonnant sa position de Messie, prend celle de Fils de l’homme qui doit souffrir, puis être élevé dans le ciel. Il n’est plus ici le Chef d’Israël sur la terre, mais le Christ céleste, car il prend sa place dans le ciel quand il est rejeté par l’homme ici-bas ; ce grand fait doit donner son caractère au chemin de ceux qui le suivent. Ce caractère est double : la réjection sur la terre, et une place céleste. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix chaque jour, et me suive » (v. 23). Le Seigneur montre à ses disciples que l’appel céleste implique la croix ici-bas : il en fut ainsi pour Lui-même. La place glorieuse qui Lui est donnée dans le ciel dépendait, dans les conseils de Dieu, de la croix qu’il porta comme Homme. « Il s’est abaissé lui-même, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix. C’est pourquoi aussi Dieu J’a haut élevé et lui a donné un nom au-dessus de tout nom ... » (Phil. 2:6-11). La croix fut pour Lui le chemin du ciel ; si nous devons avoir une place dans le ciel, il faut que nous passions par le même chemin. La croix était pour la destruction du péché et pour la destruction du « moi » dans lequel habite le péché. Il en est de même pour nous ; c’est pourquoi Jésus dit : « Vous, gardez bien ces paroles que vous avez entendues, car le Fils de l’homme va être livré entre les mains des hommes » (v. 44). Nous avons besoin de l’appel céleste afin de recevoir la puissance nécessaire pour prendre et porter la croix ; c’est en même temps dans la mesure selon laquelle nous mourons aux choses d’ici-bas, que nous réalisons les choses célestes. Lorsque le sang du sacrifice était porté au-dedans du voile, la victime était menée hors de la porte : nous avons à sortir ainsi « hors du camp, portant son opprobre » (Héb. 13:11-14) ; si nous saisissons la valeur du sang et que nous entrions au-dedans du voile, nous prenons place hors du camp où la victime était brûlée ; tandis que nous sommes en Esprit au-dedans du voile, où le sang a été porté ; nos corps sont là où le corps de la Victime a été brûlé, c’est-à-dire hors du camp. Le judaïsme plaçait l’homme dans une position intermédiaire : le Juif n’entrait pas au-dedans du voile, et il ne sortait pas hors du camp (Héb. 8:10 ; 13:10, 11). Christ allait prendre une autre place où ses disciples devaient le suivre ; et, pour les fortifier à cet effet, il leur montre la gloire de la position céleste. « Il prit avec lui Pierre et Jean et Jacques, et... monta sur une montagne pour prier, etc. » (v. 28). La partie céleste du royaume est représentée ici par Christ, Moïse et Élie ; — la partie terrestre par les disciples (partie même qui fait allusion à l’Église ici-bas, à sa position sur la terre). Pierre parle de toute cette scène comme de « la puissance et la venue de notre Seigneur Jésus Christ » (2 Pierre 1:16). Christ lui-même dans la position d’homme dépendant, c’est-à-dire priant, prend ses trois disciples avec lui sur une montagne. « Pierre et ceux qui étaient avec lui étaient accablés de sommeil » ; endormis en présence de la gloire, comme ils l’ont été à Gethsémané, ils montrent ce que c’est que la nature humaine. Elle est sans force, dans la souffrance ou dans la gloire, pour fixer son attention sur Christ et sur ses intérêts.
Moïse et Élie apparaissent dans la même gloire que le Seigneur ; nous sommes les compagnons de Christ dans la même gloire ; c’est la gloire du royaume dans son caractère général, non pas, il n’est pas besoin de le dire, la gloire essentielle de Christ. « Comme nous avons porté l’image de celui qui est poussière, nous porterons aussi l’image du céleste » (1 Cor. 15:49), c’est-à-dire du Fils de Dieu dans la gloire. « Nous savons que, quand il sera manifesté, nous lui serons semblables, car nous le verrons comme il est » (1 Jean 3:2). « Quand le Christ qui est notre vie, sera manifesté, alors vous aussi, vous serez manifestés avec lui en gloire » (Col. 3:4). Notre part n’est pas d’être bénis sous le sceptre de Christ, mais d’être avec Christ. « Nous apparaîtrons avec lui en gloire », avec lui dans la même gloire. Nous attendons le Seigneur Jésus Christ des cieux « comme Sauveur, qui transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire... » (Phil. 3:20, 21). Nous serons avec Lui et semblables à Lui ; nous le serons tous, les uns comme les autres, quoiqu’il doive y avoir différents degrés de gloire pour l’un et pour l’autre, car la mesure de Paul ne sera pas celle de chacun. Nous parlons ici de la gloire commune, et nous sommes « prédestinés à être conformes à l’image de son Fils » (Rom. 8:29). « La gloire que tu m’as donnée, moi, je la leur ai donnée » (Jean 17:22).
Moïse et Élie sont parfaitement à leur aise dans la gloire ; ils s’entretiennent familièrement avec Jésus ; ils ne Lui présentent pas une requête, ils ne sont pas à ses pieds, quoique cette place précieuse nous appartienne aussi. Cette partie céleste de la scène est l’image de la communion de la liberté familière de relation, la même que celle des disciples sur la terre, quoique plus excellente. Sur la sainte montagne, dans la gloire, les compagnons de Christ avaient une intelligence plus profonde de ce qui les occupait que les disciples, mais le même sujet les occupait. Nous apprenons ainsi quel est le genre de relation que nous avons avec Jésus maintenant, car nous appartenons à la partie céleste du royaume.
Le sujet de l’entretien du Seigneur avec Moïse et Élie n’est pas moins digne de remarque. C’est une chose toute nouvelle, car Christ aurait dû être Roi. Mais l’homme était pécheur, et il fallait que le conseil déterminé de Dieu s’accomplît, savoir la rédemption : Jérusalem était la cité royale, et c’est là où il aurait dû être reconnu comme Roi, que son « départ » devait s’accomplir. Il y avait complète intimité entre Lui et ceux qui parlaient avec Lui du sujet qui occupait son coeur ; car ils parlaient de sa mort. Plus tard, il dit à ses disciples quelles seraient pour eux les conséquences de cette mort : il fallait qu’ils se renonçassent eux-mêmes. « Vous, gardez bien ces paroles que vous avez entendues ... » Le grand sujet qui occupait le coeur de Dieu devait être le même pour nous. Remarquez que c’est la gloire qui nous rend capables de parler de ce sujet. Nous ne pouvons en parler avant d’avoir la paix avec Dieu par la connaissance du pardon des péchés. Aussi longtemps qu’un homme ne le connaît pas, il faut qu’il vienne à Dieu dans sa misère et qu’il le trouve ; mais quand il l’a trouvé, il peut le contempler et en jouir. En outre, Dieu voyait tout ce qui se passait dans l’âme de Christ quant à son obéissance jusqu’à la mort. Nous ne cesserons jamais de nous intéresser à ce sujet glorieux ; quand nous serons auprès du Père dans la gloire, ce sera pour les saints le thème absorbant. Christ dit lui-même : « À cause de ceci le Père m’aime, c’est que moi je laisse ma vie, afin ... » (Jean 10:17) : combien plus nous, ne l’aimerions-nous pas pour ce même motif ? Pensez à ce que c’était que d’être occupé avec Christ de sa « mort » ! Pensez à sa connaissance de ce qu’il allait faire ! Il savait ce qu’était l’homme, ce qu’était le conseil de Dieu. Il vint pour « réconcilier toutes choses avec elle-même » (Col. 1:20) ; et il accomplit si effectivement cette oeuvre de la réconciliation que l’oeil de Dieu ne pouvait plus voir que l’effet de ce sang dans ceux qui étaient lavés par Lui. Le Christ rejeté, un Sauveur ! Ce sujet le fond de la communion avec Christ lui-même ! Ils « parlaient de sa mort. »
Pierre dit : « Maître, il est bon que nous soyons ici ; et faisons trois tentes » immédiatement il y eut une voix de la nuée, disant « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le ! » L’effet de ce que Pierre voit, est de le porter à placer Moïse et Élie sur le même niveau que Christ. Nous avons parlé de ce sujet plus haut, envisagé à un point de vue dispensationnel, la loi et les prophètes étant associés avec Christ ; mais, comme nous l’avons dit, on peut considérer la scène à un autre point de vue, remarquant que ce qui caractérisait le Fils lui était particulier. Rien ne pouvait être placé sur le même niveau que Lui. C’est pourquoi nous trouvons ici le témoignage rendu au Fils par le Père : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé... ! » Quand un homme connaît le Sauveur, quoiqu’il sache qu’il Lui sera semblable quand il sera manifesté et que tous les saints Lui seront semblables également, Christ a néanmoins la suprématie dans son coeur. Il est seul béni, en même temps qu’il est l’objet de la foi. Je prends plaisir dans les saints, mais Christ est le seul objet de ma foi. J’entre dans cette communion avec le Père ; j’ai les pensées du Père au sujet du Fils et les pensées du Fils au sujet de l’oeuvre ; j’ai communion avec le Père et avec le Fils. Nous ne pouvons pas avoir communion avec le Père au sujet de l’oeuvre de la rédemption, parce que le Père n’a pas été fait homme. Remarquez que le Père ne dit pas : Celui-ci est mon Fils que vous devez adorer et admirer, mais il parle de ses propres pensées quant au Fils, disant : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé ». Pourquoi « bien-aimé » ? Le voici : « À cause de ceci, le Père m’aime, c’est que moi je laisse ma vie ». Ainsi je sais que j’ai une même pensée avec le Père, quand je trouve ma joie dans le Fils et dans Sa mort. Le Père, je le répète, communique ses propres pensées au sujet du Fils, et par la puissance du Saint Esprit ces pensées sont versées dans mon âme ; comme conséquence, je sais que celui qui a la vie éternelle ne viendra jamais en jugement (voyez Jean 5:24).
Remarquez aussi comment ils entrent dans la gloire excellente. Une nuée vint, qui les couvrit de son ombre. La nuée est le « Shechinah », le lieu de la demeure de Dieu, qui avait été donné au peuple, pour le conduire à travers le désert ; Israël devait marcher ou s’arrêter, selon que la nuée se levait ou s’arrêtait (voyez Nomb. 9:15-23). La nuée était la présence divine. « Et ils eurent peur comme ils entraient dans la nuée. » Ils ne sont pas protégés par la nuée comme Israël l’avait été et comme il le sera plus tard, « car sur toute la gloire il y aura une couverture » (És. 4:5), mais ils entrent dans la nuée ; et y entrer, c’était entrer dans la présence du Père, maintenant un lieu d’habitation pour nous. C’est de là que la voix du Père se fait entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé... » ; de là qu’ils apprennent qui était ce Fils. Il avait été avec eux comme l’un d’eux. Il était le Fils bien-aimé du Père, dans une position digne d’adoration, mais le compagnon de leurs coeurs. Lui les amenait « au Père », seule place dans laquelle la rédemption nous introduit, pour ce qui est de notre relation avec Dieu. Avant qu’un homme connaisse la rédemption et soit amené dans la présence du Père, il ne peut savoir ce qu’est l’amour du Père ; mais une fois qu’il y est arrivé, il ne peut plus jamais connaître la fin de cet amour. C’est un genre d’amour que le fils prodigue ne connut pas avant d’être dans les bras de son père. Il avait des doutes et des craintes en se rendant chez lui ; il avait des pensées quant aux mercenaires, mais tout cela disparut quand il fut dans la maison de son père. Cet amour n’est connu que dans la nuée, par l’enseignement du Saint Esprit en nous, de Dieu en nous. C’est en présence de la gloire, réalisée maintenant par la foi, que nous connaissons la puissance de la rédemption ; par sa gloire et sa vérité elle efface toutes les autres relations.
Remarquez quels sont ceux à qui cette gloire est révélée. Ce sont des saints vivants sur la terre, Pierre, Jacques et Jean ; il en est de même pour nous. Les vérités écrites dans ce livre ne nous sont pas données pour les connaître dans le ciel. Est-ce que l’amour du Père ne sera connu que lorsque nous serons dans le ciel ? La rédemption serait-elle connue là seulement ? La relation de Dieu avec ceux qui étaient sur la terre était-elle moins intime que sa relation avec ceux qui étaient dans le ciel ? Nullement. La communication de Dieu est adressée à Pierre, à Jacques et à Jean, non pas à Moïse et à Élie. La voix du Père était pour des hommes sur la terre. Nous apprenons ici la réjection de l’homme et la grâce qui nous a amenés à avoir une part dans la gloire.
Dans ce qui suit (v. 37 et suiv.), nous voyons le Seigneur descendant au milieu de la foule de ce monde ; il ne reste pas sur la montagne. Là nous pouvons écouter et jouir ; mais il faut que nous descendions de la montagne et que nous passions à travers ce monde. Le Seigneur descend pour rencontrer trois choses ; une grande foule, la puissance de Satan et l’incrédulité des disciples. Il ne se tient pas à l’écart, mais il s’approche de la foule. Quelle détresse nous y trouvons ! Le fils d’un homme qui avait un démon, et le coeur du père plus torturé que le corps du fils ! Le monde pleurera jusqu’à ce qu’il soit las de pleurer, puis il recommencera son train.
Nous avons vu plus haut comment le Seigneur était venu dans la manifestation de sa puissance et avait lié l’homme fort. Les disciples n’ont « pas pu » le faire. Le pouvoir de Satan reste le même jusqu’à ce jour. Satan n’est pas littéralement jeté dehors ; il reste « le chef du monde » (Jean 14:30), caractère qu’il a acquis et qu’il n’a pas perdu par le christianisme. Il sera lié ; son pouvoir sera renversé de fait, et non pas seulement pour la foi (voyez Apoc. 20:1-3, 7-10). La question du droit de Satan devait être vidée. Qu’est-ce que le Seigneur dit de lui ? « Maintenant est le jugement de ce monde ; maintenant le chef de ce monde sera jeté dehors » (Jean 12:31). Son droit, c’est : Il sera « jeté dehors » ; mais Christ n’a pas encore exercé ce pouvoir. C’est pourquoi, dans les épîtres, l’Écriture parle de Satan comme régnant encore dans ce monde. L’épître aux Éphésiens l’appelle « le chef de l’autorité de l’air... l’esprit qui opère maintenant dans les fils de la désobéissance ». Plus loin elle parle des « dominateurs de ces ténèbres ... » (Éph. 2:2 ; 6:12). Quand « les puissances du siècle à venir » seront pleinement manifestées, Satan sera jeté dehors entièrement ; mais la scène que nous avons ici devant nous, et d’autres, montrent qu’il était alors présent et actif, comme il l’est encore. Le Seigneur dit : « Jusques à quand serai-je avec vous, etc. ? » Non pas parce que Satan était présent, mais parce que les disciples ne savaient pas user de la puissance qu’Il avait apportée ici-bas ; c’est là ce qui mettait fin à la dispensation. Il en sera de même de celle dans laquelle nous nous trouvons. La puissance et la bonté de Dieu amenèrent Christ dans le monde ; mais l’incapacité de l’homme à croire, pour user de cette puissance, mettra fin à la dispensation actuelle. Ainsi nous lisons dans l’épître aux Romains, chap. 11:22 : « La bonté de Dieu envers toi, si tu persévères dans cette bonté ; puisque autrement, toi aussi, tu seras coupé ». Mais tant que la grâce n’a pas cessé, la porte est ouverte pour que nous trouvions notre refuge auprès de Christ. Pendant son séjour ici-bas, dès que le père de l’enfant eut recours à Lui, il chassa le démon. Aussi longtemps que la grâce de Christ est à l’oeuvre, lors même qu’il ne resterait qu’un seul croyant sur la terre et que tout le reste serait en ruine autour de lui, le fidèle trouvera la puissance de Christ prête à s’exercer en sa faveur. Il est impossible que le besoin d’une âme ne soit pas satisfait, car, comme Christ est là, à qui l’on peut aller, on trouve du secours en Lui. Quelque sombre que soit la dispensation, il y a toujours exactement de la part de Dieu pour le fidèle la grâce nécessaire pour la position où il se trouve ; non pas que Dieu veuille que nous fermions nos yeux aux ténèbres qui nous entourent, car si nous ne prenons pas garde à l’état de ruine au milieu duquel nous sommes, notre conscience est en mauvais état. Si je demande : « Pourquoi Christ ne resterait-il pas ? » lorsqu’il dit : « Jusques à quand serai-je avec vous ? », je suis insensible à l’état de choses qui m’entoure mon âme n’est pas en état de répondre à ce que demande l’amour de Christ pour l’Église ; mais d’autre part, si je ne sais pas regarder en haut et compter sur la grâce de Christ pour satisfaire à tous les besoins qui se rattachent à un pareil état de choses, quelque mauvais qu’il soit, je suis sans force.
« Et tous furent étonnés de la grandeur de Dieu. » Il est humiliant de voir combien ils étaient étonnés. Ils ne témoignaient pas d’étonnement quant à la puissance du mal, et ils auraient dû compter assez sur la puissance de Christ pour être étonnés si cette grande puissance ne s’était pas exercée. Christ les ramène à la croix : « Vous, gardez bien ces paroles que vous avez entendues, car le Fils de l’homme va être livré entre les mains des hommes ». Vous auriez dû être capables de recevoir cette puissance, mais il faut maintenant que vous connaissiez, non seulement la puissance de Christ, mais la croix d’un Christ rejeté. « Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont assujettis, mais réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux. » Nous avons plus à nous réjouir d’avoir nos noms écrits dans les cieux, que si un miracle devait être opéré demain : il y a plus de bénédiction à connaître la croix qu’à jouir de la puissance qui chassait les démons. Christ eût voulu que les disciples comprissent qu’il valait bien mieux le reconnaître comme rejeté des hommes que recevoir de Lui la puissance dont ils venaient de voir les effets. Chers amis, vous ne pensez pas à ce que Dieu fait dans ce moment, si vous ne voyez qu’il ne s’agit pas maintenant de puissance sur la terre, mais de réjection.
« Et il s’éleva au milieu d’eux une question, à savoir lequel d’entre eux serait le plus grand. » Quelle révélation dans ce fait et comme l’égoïsme pénètre tout ! Quand Jésus mange la dernière pâque avec eux et institue la cène avant de souffrir, les disciples font de même : ce détail nous est fourni par Luc, dont l’évangile met en évidence tant de choses relativement à ce qu’est l’homme.
Nous voyons donc, dans ce qui précède, qu’il nous faut descendre de la montagne, — non pour être sans Jésus, mais pour apprendre ce qu’est l’homme.
Il n’est pas nécessaire, comme disent quelques-uns, de descendre de la montagne, de peur de s’y enorgueillir, car, sur la montagne, nous ne nous enorgueillirons jamais. Comme Pierre, nous pouvons y être effrayés mais on ne s’enorgueillit pas en présence de Dieu. C’est quand nous sortons de cette présence que nous sommes en danger. Paul ne s’élevait pas outre mesure quand il se trouvait dans le troisième ciel ; mais après en être descendu, il eut besoin d’une écharde en la chair, afin qu’il ne s’élevât pas (2 Cor. 12).
Il y a en outre, pour nous, une nécessité historique à passer par ce monde ; mais Jésus était tout autant avec ses disciples quand ils descendirent de la montagne, que lorsqu’ils y étaient ; c’est là notre consolation et notre encouragement. Ne pensons pas un instant que nous ayons perdu Christ. Nous avons à le servir, à marcher avec Lui, à apprendre de Lui, à discerner sa patiente grâce envers nous dans toutes les circonstances et tout le long de notre chemin. Que le Seigneur, pendant que nous traversons ce monde, nous donne de connaître quel Christ nous avons, et de garder nos coeurs purs du monde qui nous entoure, en sorte que, soit que nous ayons un avant-goût de la gloire ou que nous traversions la foule, il soit notre tout, comme il est tout de la part de Dieu pour nous.
Le Seigneur (v. 47 et suiv.) enseigne maintenant à ses disciples la place qu’il leur convient de prendre sur la terre. Ils ne sont pas appelés à Lui être associés comme Messie dans une gloire terrestre ; la gloire du ciel, ils ne la posséderont qu’à la fin ; en attendant, ils ont à prendre place avec Lui dans sa réjection. Ils étaient ainsi mis à l’épreuve, car dans ce chemin ils avaient à abandonner des choses très bonnes en elles-mêmes : ils devaient haïr père, mère, femme, etc., ne tenant pas compte de toutes ces relations terrestres qui avaient des droits sur eux comme Juifs : « Honore ton père et ta mère ». Toutes ces relations, quelque bonnes qu’elles fussent, ne pouvaient pas subsister à côté de la croix. Il fallait que tout fût sacrifié, que tout ce qui liait l’homme avec la terre fût entièrement rompu pour la foi, lorsque Christ était rejeté. Le caractère du monde a été pleinement manifesté en ce qu’il a rejeté Christ ; ses oeuvres étaient mauvaises, et il a rejeté la lumière. L’incarnation qui aurait dû être le point de départ de la bénédiction de l’homme est rejetée ; Christ accomplit la rédemption par sa réjection sur la terre, et il a une place dans le ciel. Ce fait change le caractère de toutes choses ; il introduit le jugement de la chair, ce qui n’aurait jamais eu lieu si Christ avait été couronné sur la terre. Mais il a été « livré entre les mains des hommes... » Celui dont le nom même apportait la puissance et l’autorité a dû être livré. Si Christ avait eu sur la terre la place qui lui appartenait, le coeur de l’homme n’eût jamais été mis à l’épreuve, et cela parce que, si les hommes avaient vu manifestées ici-bas toute la dignité et la gloire qui Lui appartenaient, la grandeur de cette gloire eût flatté leur chair. Mais la chair ne peut hériter du ciel ; et quelle place a-t-elle à la croix ? La croix et le ciel sont merveilleusement associés ; et pour la chair, il n’y a de place ni à l’une ni dans l’autre. Il y avait une séparation complète entre l’homme et Dieu, et les hommes ont crucifié Celui qui y aurait porté remède. Aucune pensée charnelle ne pouvait s’accorder avec un pareil acte. Les disciples disputaient entre eux lequel serait le plus grand, — non pas le plus grand dans le monde, mais le plus grand dans la gloire. C’était le « moi » après tout. Ils n’ont pas besoin d’en dire beaucoup ; mais leurs pensées sont jugées. Dans la lumière, tout est jugé. Jacob, dès que Dieu lui dit d’aller à Béthel, se tourne immédiatement vers sa famille et vers tous ceux qui étaient avec lui, disant : « Ôtez les dieux étrangers qui sont au milieu de vous » (Gen. 35:1-3). Pourquoi ? Parce que tout est mis à découvert dans la présence de Dieu. Jacob a pu recevoir la bénédiction avant d’aller à Béthel ; mais quand il se trouve devant Dieu, les idoles sont jugées. Délivré des idoles, il appelle Dieu « El-Béthel », le Dieu de Béthel. Les disciples raisonnaient entre eux lequel serait le plus grand ; Christ, voyant leur pensée, « prit un petit enfant, et le plaça auprès de lui, etc. ». Nous apprenons ainsi quelle est notre place : nous devrions rechercher la dernière place, bien qu’elle ne puisse jamais être notre part, parce que Christ l’a prise. Il s’abaissa sous le péché,. sous la colère, sous la mort, en prenant la place la plus basse, parce qu’il était le Serviteur de tous. C’est la place vraiment bénie pour nous ; mais comme elle juge le « moi » ! La croix juge non seulement les idoles, mais le « moi ».
C’est une grande bénédiction d’en avoir fini avec le « moi ». Quand il n’y a place que pour Dieu, nous pouvons être pleins de joie et de bonheur. Nous ne sommes pas humbles en étant occupés de notre néant ou de notre méchanceté, mais nous sommes humbles quand nous ne pensons pas du tout à nous-mêmes. Lorsque nous apprenons notre néant et notre iniquité, nous sommes humiliés ; si nous nous égarons loin du Seigneur, il nous faut être ramenés, et c’est là une opération humiliante. Nous devons juger la chair en nous-mêmes. La juger dans un autre n’est pas difficile ; ce qui nous manque, c’est de la juger en nous.
Tout se dessine ; le moment est venu : « Celui qui n’est pas contre vous est pour vous ». Le Seigneur a parfaitement conscience de son entière réjection par l’homme ; si parfaitement qu’il dit que celui qui n’était pas contre eux était pour eux. Christ était parfait ; c’est pourquoi il était une pierre de touche parfaite pour les consciences des hommes ; et nous le serons aussi dans la mesure où Lui sera manifesté en nous. Paul pouvait dire : Si notre évangile « est voilé, il est voilé en ceux qui périssent... » (2 Cor. 4:3). Comment se fait-il que Paul puisse parler ainsi ? Parce que l’Évangile se répandait par lui aussi pur qu’il l’avait reçu. Jean dit : « Nous le lui avons défendu, parce qu’il ne te suit pas avec nous ». C’est le résumé de tout : les disciples pensaient à eux-mêmes, non à Christ. Ils étaient occupés de leur propre importance, non de la gloire de Christ. S’ils avaient pensé à sa grandeur, ils se seraient réjouis de voir l’effet de son nom — car cet homme chassait les démons en son nom ‑et comment son pouvoir était exercé par l’homme. Mais non ; ils sont occupés d’eux autant que du Messie. Même Jean faisait servir ainsi le nom de Christ à rehausser sa propre importance. N’y a-t-il pas chez nous quelque chose de semblable, une satisfaction dans ce qui élève le moi aussi bien que Christ, au lieu que nous cherchions la gloire de Christ seul ? Le Seigneur répond à Jean comme étant déjà absolument rejeté, anticipant ainsi l’heure qui approchait : « Celui qui n’est pas contre vous est pour vous ». L’égoïsme même de Jean met en évidence la grâce de Christ : Si vous trouvez quelqu’un qui sache user de la puissance de mon nom, réjouissez-vous-en !
« Il ne se peut qu’un prophète périsse hors de Jérusalem » (Luc 13:33). Je vais recevoir une part dans le ciel, et vous aurez la même part ; mais, pour l’obtenir, il faut passer par la réjection ici-bas. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix chaque jour, et me suive. »
« Or il arriva, comme les jours de son assomption s’accomplissaient, qu’il dressa sa face résolument pour aller à Jérusalem. » « J’ai dressé ma face comme un caillou », dit Ésaïe (chap. 50:7). Jésus accomplissait ici la volonté de son Père, comme dans toute sa carrière. La rédemption dut être accomplie par la croix. Il a « appris l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » (Héb. 5:8). Cette obéissance est la même qu’au commencement lorsqu’il venait au milieu d’Israël, disant : « Bienheureux, vous pauvres, etc. » ; elle est plus douloureuse, et sans doute Christ sentait la différence ; néanmoins il poursuit son chemin dans le même esprit et avec la même ferme résolution. « N’y a-t-il pas douze heures au jour ? Si quelqu’un marche de jour, il ne bronche pas... » (Jean 11:9). Il avait trouvé « sa viande » à faire la volonté de Celui qui l’avait envoyé (Jean 4:34), et Il y avait de la joie ; mais dans la coupe de la colère qu’il allait boire maintenant, il n’avait point de joie. Il avait rencontré tantôt le mépris, tantôt il avait été frappé ; il avait été rejeté du commencement à la fin ; mais il n’avait rien rencontré qui fût pareil à cette coupe ; c’est pourquoi il s’écria : « S’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ». Christ démontrait là sa perfection, car il sentait ce que c’était que d’être « fait péché ». Sa nature sainte reculait devant cette coupe ; toutefois il persévéra dans la même obéissance paisible, ferme et patiente, car « il dressa sa face résolument pour aller à Jérusalem ». Il connaît la volonté de son Père et la fait ; il tourne sa face vers le lieu où la volonté de son Père devait s’accomplir, ne regardant ni d’un côté ni de l’autre, mais là, vers Jérusalem.
Nous aussi, selon la mesure dans laquelle notre oeil sera simple, nous suivrons le même sentier, marchant résolument vers la croix avec un seul but ; et dans la même proportion nous rencontrerons l’opposition de ceux qui ne dressent pas ainsi leur face. Mais le Seigneur dit : « Si quelqu’un me sert, qu’il me suive » (Jean 12:26). Paul s’appliquait à servir chaque jour, mais nous trouvons que le Saint Esprit lui avait défendu d’aller en Bithynie ou en Troade ; et cependant, nous lisons que deux ans après, « tous ceux qui demeuraient en Asie ouïrent la parole du Seigneur » (Actes 19:10). Il fallait que l’oeuvre de Dieu fût accomplie, mais au temps de Dieu et selon son co mandement. Son serviteur n’avait qu’à suivre dans l’obéissance le chemin qu’il lui traçait : il en avait été de même de Moïse. On aurait pu dire : Pourquoi ne pas rester à la cour du Pharaon au lieu de l’abandonner, afin que ceux qui y étaient fussent convertis ? La chair ne peut comprendre ce à quoi la foi conduit. Ensuite, il sort plein de zèle, mais l’énergie naturelle intervenant, il n’y a pas de délivrance ; il faut que Moïse aille comme berger quarante ans au désert pour être brisé et réduit à néant. Quelle était la part d’Israël pendant tout ce temps ? Sa part était d’attendre. Quand Moïse revient pour les servir, la chair reparaît encore ici d’une autre manière. « Ah, Seigneur ! je ne suis pas un homme éloquent, — ni d’hier, ni d’avant-hier... » (Ex. 4:10). Alors Dieu envoie Aaron avec lui, et l’oeuvre est faite dans la puissance de Dieu.
« Et il envoya devant sa face des messagers. Et s’en étant allés, ils entrèrent dans un village de Samaritains ... ; et ils ne le reçurent point, parce que sa face était tournée vers Jérusalem ». Son obéissance même, la simplicité de son oeil, qui le conduisent à faire la volonté de Dieu, sans rien qui la rende attrayante ou qui lui procure de l’honneur et de la réputation, sont la raison pour laquelle les Samaritains ne veulent pas avoir à faire avec Jésus. Remarquez l’opposition religieuse des disciples qui s’élèvent contre les Samaritains. Ceux-ci ne voulaient pas se soumettre aux voies de Dieu. Christ s’y soumet : c’est là la différence entre eux et Lui ; et les disciples demandaient que le feu descendît du ciel, comme avait fait Élie, et au lieu même où Élie fit le miracle. Dans leurs raisonnements charnels ils pensent que Christ est aussi digne qu’Élie de faire descendre le feu du ciel. C’est un autre genre du « moi » plus subtil que l’autre, revêtant l’apparence du zèle pour Christ ; mais les disciples ne comprenaient pas le zèle de Christ ; il n’était pas venu pour juger, ni pour détruire la vie des hommes, mais pour souffrir lui-même pour eux. S’ils avaient compris les pensées de Dieu, ils se fussent soumis paisiblement. Pierre non plus ne comprenait pas la pensée du Seigneur quand il tira son épée et qu’il en frappa le serviteur du souverain sacrificateur. Tous les miracles d’Élie sont caractérisés par l’esprit de jugement, à l’opposé du service d’Élisée, qui avait reçu sa mission du ciel. Le témoignage d’Élie était un témoignage de jugement et de justice semblable à celui de Jean-Baptiste qui vint dans l’esprit et la puissance d’Élie, disant : Tout arbre qui ne produit pas de bon fruit est coupé et jeté au feu, et déjà même la cognée est mise à la racine des arbres. Élisée, au contraire, avait la puissance qui communique la vie ; il était un type de la grâce. Élie passa à travers le Jourdain (type de la mort) ; tandis qu’Élisée vient de l’autre côté du Jourdain, en résurrection.
« Et ils s’en allèrent à un autre village. » Ce n’est pas une chose agréable que d’être foulé aux pieds ; Christ le fut. Notre part est de faire le bien, de souffrir en le faisant, et de l’endurer patiemment. Est-ce là tout ? Oui, et cela est agréable et digne de louange devant Dieu. Christ vint pour souffrir, pour endurer toutes choses pour l’amour de Dieu et des siens ; et il n’aurait pas fait cela s’il avait fait descendre le feu du ciel sur les Samaritains. Nous sommes appelés à suivre Christ en portant le témoignage de l’amour de Dieu dans toute notre marche au travers de ce monde. Le monde en a besoin. Nous ne devons rien rechercher pour nous-mêmes, mais avoir Christ pour objet.
Dans la dernière partie du chapitre, le Seigneur continue à montrer comment les liens avec le monde doivent être rompus.
« Un certain homme lui dit : Seigneur, je te suivrai où que tu ailles. » Christ met cet homme à l’épreuve : Tu ne peux pas me suivre si tu n’as pas fait ton compte d’être associé à Celui qui n’a pas où reposer sa tête ; mieux vaudrait aller aux oiseaux de l’air pour trouver un nid, ou aux renards pour trouver une tanière, qu’au Fils de l’homme pour avoir un chez-soi dans ce monde. Il ne fallait pas venir à Lui maintenant comme à Celui qui avait les promesses, mais comme à Celui dont le sort était d’être entièrement et absolument rejeté. Le suivre ne pouvait s’allier avec les aises et le confort icibas : il devait être livré entre les mains des hommes. Il en est de même à sa naissance : l’hôtellerie était pleine, mais pour Lui il n’y avait point de place ; et si quelqu’un avait besoin de Lui et le recherchait, Lui, que célèbrent les anges, il lui fallait aller à la crèche.
« Et il dit à un autre : Suis-moi. » L’homme dont il est question plus haut avait besoin de quelque chose en outre de Christ ; ici, quand Jésus dit : « Suis-moi », une difficulté s’élève immédiatement. C’est lorsque le Seigneur appelle quelqu’un que les difficultés se font sentir. Celui qui disait, sans l’appel de Christ : « Seigneur, je te suivrai où que tu ailles », n’avait pas le sentiment de ces difficultés ; mais celui qui était appelé dit : « Permets-moi d’aller premièrement ensevelir mon père ». Il veut le suivre, mais un lien qu’il sent le retient. Jésus dit : « Laisse les morts ensevelir leurs morts » ; laisse-les, il faut que tu les abandonnes pour me suivre. Vous pouvez penser que les choses de la terre n’ont pas de puissance sur vous ; mais essayez ce que c’est que de les avoir, et vous apprendrez l’étendue de leur pouvoir. Un homme retenu par une corde s’en va aussi loin que va la corde, mais arrivé au bout il est arrêté. Un père avait les premiers droits selon la nature, particulièrement pour un Juif, mais Christ dit : Je t’appelle dehors dans la puissance de la vie ; je fais valoir mes droits sur la vie que je t’ai donnée ; ils rompent toute chaîne ici-bas. Il s’agit d’une vie au milieu de la mort. Ce mot « premièrement », dans la réponse de celui qui est appelé, manifeste quelque chose qui va avant Christ : Il y a quelque chose que moi je place avant ton appel. La mort était entrée, et le motif même que l’homme mettait en avant disait à Christ que les hommes étaient tous sous la mort. Il était parfaitement bon et juste que l’homme ensevelît son père ; mais quand la vie est venue et qu’il s’agit de rédemption, d’être perdu ou sauvé, il faut se rendre à ce fait. À la lumière divine de la croix, Christ voyait tous les hommes morts ; c’est pourquoi il dit : « Laisse les morts ensevelir leurs morts ». L’unique et seule chose à faire maintenant, c’est de suivre Christ : il s’agit de mort dans le monde ou de vie en Christ. Où se trouvent nos affections ?
Un autre aussi lui dit : « Je te suivrai, Seigneur ; mais permets-moi de prendre premièrement congé de ceux qui sont dans ma maison ». Dans le cas précédent, l’homme avait dit : Lorsque mes premières affections seront satisfaites, je viendrai et te suivrai. Il n’y a rien de bon là ; et le Seigneur répond : « Laisse les morts ensevelir leurs morts ». Mais ici l’homme n’avait pas rompu de coeur avec ceux qu’il avait laissés dans sa maison ; il sentait qu’il fallait les quitter et cependant son coeur restait en arrière. Jésus lui dit : « Nul qui a mis la main à la charrue et qui regarde en arrière n’est propre pour le royaume de Dieu ». « Souvenez-vous de la femme de Lot ». L’homme « incertain dans ses pensées » est « inconstant dans toutes ses voies ». Si Christ n’est pas le premier et le dernier, il sera toujours le dernier, car, dans ce cas, la foi n’est pas en activité. La question est si nous marchons comme des gens qui comprennent ce que la croix nous dit. La croix soulève le voile et montre le squelette de ce monde ; et quand je vois cette sentence écrite sur tout ce qui est dans le monde, sur le « moi » aussi bien que sur les choses extérieures et sur mes liens d’affection avec elles, j’apprends qu’il faut renoncer à tout, mais Christ lui-même et l’amour qui est en Lui sont là pour faire face à la difficulté. La croix juge et doit juger le « moi » ; elle manifeste aussi la volonté, car il y a beaucoup de volonté dans cette crainte de la croix. On parle des droits des affections, mais ce ne sont pas en réalité seulement les affections de famille ; c’est la volonté qui lie au « moi » qui se fait sentir. Les affections naturelles sont très bonnes ; l’absence de ces affections sera même un signe des derniers jours fâcheux (2 Tim. 3:3) ; mais si vous avez le pouvoir de vous juger vous-mêmes, vous découvrirez que le secret de plus d’une de vos excuses est, en fin de compte, dans votre volonté : ainsi pour l’affliction, les séparations, etc. Ce n’est pas l’affection qui est touchée, mais la volonté. Il y a de la douceur dans la douleur aussi longtemps que nous y réalisons Christ, et l’affection seule souffre. Mais si la volonté est en question, il y a rébellion, résistance, lutte, et il faut que le Seigneur juge tout cela, car tout ce qui est la chair et le moi ne peut jamais suivre Christ. Quels merveilleux détails dans ce que nous lisons ici ! Dieu passe dans nos coeurs et en considère les coins et les recoins. Pourquoi ? À cause de l’invariable et constante fermeté de son amour. Comme un père aime son enfant quand il n’est pas sage comme lorsqu’il se conduit bien, notre Dieu prend de la peine avec nous tous, alors même que nous sommes si méchants.
L’effet de tout cela n’est pas seulement de nous rendre pratiquement justes, mais heureux, « imitateurs de Dieu comme de bien-aimés enfants » (Éph. 5:1). Il faut que nous sachions, d’une part, nous juger, découvrir ce qui est en nous, d’autre part, voir la plénitude de la grâce divine en Christ.
Que le Seigneur nous donne de sentir toujours plus que l’amitié du monde est inimitié contre Dieu (Jacq. 4:4), et que l’énergie de la chair ne peut pas faire l’oeuvre de Dieu, en sorte que nous apprenions à travailler comme de la part de Dieu, pour Dieu, et avec Lui !
Le sujet qui nous a occupé dans le chapitre précédent se retrouve ici, lié au changement qui a eu lieu dans la position du Seigneur lui-même au milieu d’Israël et des hommes. Il ne fallait plus désormais regarder au Messie sur la terre, mais au Christ céleste. L’importance extraordinaire attachée à ce moment met en évidence un autre trait : le dernier témoignage étant adressé à Israël, ceux qui l’avaient entendu et rejeté seraient dans une condition plus terrible au jour du jugement que Tyr et que Sidon. Ces villes-là se seraient repenties si elles avaient eu la vérité que vous avez ; mais vous ne vous êtes pas repentis ! La bénédiction maintenant était la présence du Seigneur ici-bas ; Lui était si glorieux et excellent, que l’entendre était la source première de la bénédiction. Tout dépendait pour chacun d’une seule chose : le recevoir ou le rejeter, Lui. La mission des soixante-dix avait sa source dans la même patiente grâce qui avait envoyé précédemment les douze : s’ils n’étaient pas reçus, ils devaient secouer la poussière de leurs pieds... Dieu ne s’arrête jamais, quelle que soit l’iniquité de l’homme, avant d’avoir achevé son oeuvre. Sa grâce ne faillit jamais. Christ regarde à la puissance de la grâce en Dieu plus qu’à l’iniquité des hommes ; et il poursuit patiemment sa course, disant : « La moisson est grande », quoiqu’il sût bien tout ce qui l’environnait. Il n’avait pas besoin comme Élie qu’on lui rappelât les 7000 connus de Dieu, qui n’avaient pas fléchi le genou devant Baal. Il était entré par la porte, et avait passé à travers tout avec Dieu. Rien ne l’arrête, ni ne l’empêche de rechercher ses brebis dispersées sur les obscures montagnes. Il met sa vie pour les sauver ; aucune d’elles ne sera perdue.
Pour les rassembler, il poursuivait sa route dans la puissance de la grâce. Paul était rempli de cet esprit quand il disait : « J’endure tout pour l’amour des élus » (2 Tim. 2:10).
Christ ne souffrit-il pas dans ce chemin ? Voyez-le, fatigué de la route, assis sur la fontaine, ayant une pauvre pécheresse devant lui, à laquelle il donne l’eau de la vie (Jean 4). Il y trouve de la viande à manger que ses disciples ne connaissaient pas ; et il dit : Les champs sont blancs « pour la moisson ». Il y avait en Lui autant de fraîcheur, il était aussi heureux dans son témoignage, assis sur la fontaine, conversant avec cette pauvre femme, que si tout Jérusalem l’avait reçu, car la fontaine était au-dedans de Lui, « une fontaine d’eau jaillissante » ; et il en est de même pour nous. Si nous marchons avec Lui, nous serons affligés de toutes manières, mais non pas réduits à l’étroit ; nous serons dans la perplexité, mais non pas sans ressource ; nous serons persécutés, mais non pas abandonnés ; abattus, mais ne périssant pas (2 Cor. 4:8, 9). Le témoignage est dans des vases de terre, il est vrai ; mais la source est dans ces vases ; — les disciples devaient être parfaitement dépendants de Dieu et indépendants de tout le reste. Ils devaient s’attendre à rencontrer des ennemis : « Allez ; voici, moi je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups ». Vous ne pouvez pas faire d’un agneau un loup qui se défend lui-même. Pierre prit son épée pour en frapper l’esclave du souverain sacrificateur ; mais le Seigneur l’arrêta, disant : « Tous ceux qui auront pris l’épée périront par l’épée » (Matt. 26:52). C’est une chose difficile de tout souffrir sans rien faire, d’être des agneaux au milieu des loups, des Shadrac, Méshac et Abed-Négo menacés de la fournaise, disant : « Nebucadnetsar, il n’est pas nécessaire que nous te répondions sur ce sujet... Notre Dieu que nous servons peut nous délivrer de la fournaise de feu ardent » (Dan. 3).
« Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales ; et ne saluez personne en chemin » — non pas par manque de politesse, mais pour ne pas perdre votre temps en cérémonies inutiles, etc.
Quand on est au service de Dieu et au milieu des ennemis de Dieu, il faut que Dieu soit tout. Il faut que notre coeur soit concentré sur Lui, sachant que le monde a rejeté notre Maître et nous rejettera si nous Lui sommes fidèles. La foi sait cela, et va en avant, non pas avec une prudence charnelle et avec une sagesse mondaine, mais sachant que faire et persévérant à le faire. La foi apporte toujours la paix avec elle (v. 5) ; mais elle produit l’inimitié, — deux contre trois, et trois contre deux, — parce que quelques-uns veulent recevoir cette paix et que d’autres n’en veulent pas : cependant la chose qui est apportée est toujours la paix.
« Le royaume de Dieu s’est approché de vous » (v. 9). Il ne s’agit pas seulement de déclarer que telle ou telle chose est la volonté de Dieu, mais d’annoncer que, quoi que vous fassiez — que vous le receviez ou le rejetiez — « le royaume de Dieu s’est approché de vous ». Le monde actuel est caractérisé par le fait qu’il a rejeté le royaume. Le Fils de Dieu, le Roi, venu dans le monde l’a mis à l’épreuve ; et le monde a dit : Je ne veux pas de Lui. Ce fait n’a pas perdu maintenant sa solennité, car nous traversons le monde qui a rejeté Christ ; nous lui apportons un message de paix — d’une paix faite, car le sacrifice a été offert (voyez Éph. 2:11-17 ; 2 Cor. 5:19-21). Il est tout aussi vrai qu’aujourd’hui le témoignage a été rejeté : « Mais sachez ceci, que le royaume de Dieu s’est approché » (v. 11). La foi amène tout dans sa propre sphère, n’ayant besoin que de la parole de Dieu. La vue des yeux tend toujours à obscurcir le jugement de la foi ; et si la foi n’est pas nourrie de la Parole, elle baisse et s’évanouit, car elle ne peut être nourrie par la vue des choses qui nous entourent. Quand le Seigneur disait aux Juifs : Votre maison vous est laissée abandonnée, les Juifs ne pouvaient, dans ce moment-là, en voir tomber les pierres ; mais ils étaient appelés à croire cette parole de Christ qu’ils entendaient. Le raisonnement naturel est nourri par ce que nous voyons ; mais la foi est nourrie par ce que Dieu a révélé à l’âme.
« Toi, Capernaüm... tu seras abaissée jusque dans le hadès » (v. 15), aux yeux de Dieu, non pas aux yeux de l’homme. Aux yeux de l’homme, Capernaüm peut être élevée jusqu’au ciel ; et ainsi de ce monde ! Qu’est-ce que cela prouve ? Que le monde durera aussi longtemps que Dieu le permettra, mais que sa parole s’accomplira : « La terre et les oeuvres qui sont en elle seront brûlées entièrement » (2 Pierre 3:10). Il n’y a rien de stable ici-bas. Quand Dieu entrera sur la scène, où seront toutes ces choses ? — quoiqu’il y ait des moqueurs qui disent : « Où est la promesse de sa venue ? » (2 Pierre 3:3, 4).
« Celui qui vous écoute, m’écoute. » C’est ici qu’est la ressource de la foi. En écoutant la parole du disciple, j’entends Christ lui-même. C’est la foi. Je sais que ce que j’entends doit être vrai, parce que Christ l’a dit. Tout peut aller de travers, le monde, les Juifs, l’Église, mais la parole de Dieu, jamais ; elle a été donnée. Elle ne change pas ; car elle a été donnée par l’inspiration de Dieu, et elle est « utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire... » (2 Tim. 3:16, 17). L’Église, comme fondement de notre confiance en fait de témoignage, a failli (quoique nous sachions qu’elle est fondée sur le roc, et que, quant à sa sûreté, elle ne peut jamais être détruite), mais la parole de Dieu ne faillira pas. Tout ce que nous voyons tend à affaiblir et à altérer la foi et met à l’épreuve ce que sont les affections de l’âme, parce que le chemin de la foi ne sera pas ce que j’aime, mais ce que Dieu dit.
« Mais réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux. » Cette parole montre que tout est changé désormais. Les démons peuvent vous être assujettis, mais le Seigneur dit : Ce n’est pas là la portion dont vous devez vous réjouir ; je manifeste ma puissance d’une autre manière maintenant.
Cette parole : « Je voyais Satan tombant du ciel comme un éclair », fait allusion au temps où Satan, « l’accusateur des frères » (Apoc. 12:10), sera précipité sur la terre. Maintenant il est dans le ciel, non pas en la présence de Dieu, dans la lumière inaccessible, mais devant le trône du jugement, ce qui est fort différent. La parole de l’Éternel : « As-tu considéré mon serviteur Job ? » démontre que lorsque d’autres se présentaient devant le trône, Satan aussi s’en approchait. Les versets 19 et 20 sont en contraste l’un avec l’autre : l’un parle de ce qu’on peut voir ; l’autre, de ce qui peut être connu seulement de la foi. Les pensées invisibles de votre coeur sont infiniment plus importantes que ce qui peut être vu : ce qui est invisible est toujours plus important que ce qui se voit.
L’état de ce monde n’est pas seulement caractérisé par le fait que l’homme est pécheur, mais par cet autre fait que la puissance du mal y est entrée, Satan s’est emparé de ce monde par le péché de l’homme. Quand l’Église sera enlevée dans le ciel, Satan sera précipité : « Et il y eut un combat dans le ciel, etc. » (Apoc. 12:7) ; mais quand Satan sera sur la terre, pendant trois ans et demi, il poussera l’homme de la terre contre le Seigneur du ciel ; puis le Seigneur viendra, et le pouvoir de Satan sera ôté ; seulement Satan ne sera pas jeté dans « l’étang de feu » avant la fin des mille ans, mais il sera jeté dans « l’abîme » (Apoc. 12 ; 20:1-3, 7-10). C’est là que les démons demandaient au Seigneur de ne point les envoyer, quand ils furent chassés de l’homme qui avait nom « Légion » (Luc 8:31). Nous retrouvons dans les deux passages la même expression « l’abîme ». Le Seigneur ne les y envoya pas, parce que le temps n’était pas encore venu.
C’était une grande chose que cette capacité de chasser les démons. La communication du pouvoir par le Seigneur était plus grande que l’accomplissement des miracles eux-mêmes ; elle exigeait la puissance divine qui seule pouvait communiquer ce pouvoir à d’autres. Dans le millénium la puissance du bien et celle du mal ne coexisteront point ; la puissance du mal sera ôtée : « Le trône d’iniquité... serat-il uni à toi ? » (Ps. 94:20). La fosse sera préparée pour le méchant. Il faudra que Satan soit jeté dehors ; quand Christ était sur la terre, il se présentait lui-même, dans la puissance de Dieu, pour lier l’homme fort et piller ses biens. C’était une chose merveilleuse de rencontrer un homme sous la puissance de Satan, et de jeter Satan dehors ; une anticipation des « miracles du siècle à venir ». Le « siècle à venir » ne se rapporte nullement au ciel, mais au temps du renouvellement de cette terre. Jésus déployait alors la même puissance qu’il exercera pleinement dans le royaume qui vient.
« Voici, je vous donne l’autorité de marcher sur les serpents et sur les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi. » Le Seigneur disait ces choses au moment où il était rejeté. Il savait ce qui se passait ; et quoiqu’il dît : « paix ! » on ne lui disait pas « paix », à Lui. « Je vous donne l’autorité... sur toute la puissance de l’ennemi ; — toutefois ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont assujettis, mais réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux » ; c’est la place de l’Église. Lorsque Christ vint et fut manifesté sur la terre, c’était une immense bénédiction ; mais c’en est une plus grande encore d’être ses compagnons dans le ciel, et nous le serons quand il viendra nous prendre auprès de Lui ; — oui, quelle bénédiction d’être avec Lui, et comme Lui, dans la maison du Père ! Nous n’avons rien à faire avec la terre ; nos noms ne sont pas écrits ici-bas, quoique nous y soyons des rois ; mais notre lot n’est pas sur la terre : Dieu « nous a bénis de toute bénédiction spirituelle dans les lieux célestes en Christ » (Éph. 1:3). Nous posséderons l’héritage avec Lui ; mais l’héritage est au-dessous de nous ; notre espérance est d’être avec Lui au-dessus de l’héritage. La possession de celui-ci est la conséquence de la place que nous avons avec Lui (Éph. 1). Nous sommes enfants du Père, pour être « saints et irréprochables devant Lui en amour ». Maintenant, nous avons notre portion selon les richesses de sa grâce, comme de pauvres pécheurs qu’il a sauvés, et nous serons « à la gloire de sa grâce » quand nous serons manifestés dans la position que cette grâce nous a faite. L’héritage vient après. « Mais réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux. » Le Seigneur ne veut pas que les âmes des siens soient remplies des choses d’ici-bas, mais qu’ils pensent à ce qu’ils ont en Lui et avec Lui. Deux grands sujets nous sont présentés dans les voies de Dieu, savoir le gouvernement de ce monde, ce qui est encore prophétique et lié au royaume, puis l’Église en haut dans le ciel. Quand il est question de l’héritage, il est toujours présenté comme une chose future ; mais quand il s’agit de la place qui nous a été faite en Christ, elle est toujours présentée comme étant dans le ciel. Le Seigneur prévoyait que l’établissement présent du royaume faillirait, et il apportait ce qui est meilleur que quelque royaume que ce soit : et il s’en réjouissait, car quand il donne de la joie à d’autres, il ne peut pas l’avoir aussi Lui-même. Quand le brigand sur la croix lui demande de se souvenir de lui dans son royaume, il lui dit : « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». Il satisfaisait le brigand et il se satisfaisait aussi lui-même. il voulait pour ses disciples aussi, qu’ils ne se réjouissent pas dans les bonnes choses d’ici-bas : elles ne sont pas assez bonnes. Ne vous laissez pas troubler par les mauvaises choses, mais ne vous réjouissez pas dans ce que le monde a de meilleur. « En cette même heure, Jésus se réjouit en esprit et dit : Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre,... car c’est ce que tu as trouvé bon. » Jésus sentait profondément quelles étaient les circonstances au milieu desquelles il se trouvait, mais son âme puisait à la source, et il voulait dire qu’il était parfaitement juste que ces orgueilleux vissent qu’ils n’étaient rien, et que ces pauvres agneaux méprisés obtinssent la gloire. « Oui, Père, car c’est ce que tu as trouvé bon. » Il faut qu’il supporte le mal, parce que le temps pour le juger n’est pas encore venu. Le mal suit toujours son cours, et les hommes disent : Où est le Dieu de la terre ? Il faut que nous supportions cela ; le Seigneur l’a supporté. Il faut que nous apprenions à renoncer à l’espoir de voir l’état des choses s’améliorer ici-bas. L’âme qui entre dans les pensées et les desseins de Dieu s’incline devant sa volonté : « Oui, Père ! ... »
Maintenant Jésus se retire, si l’on peut dire ainsi, dans la gloire de sa personne. Le Fils est là pour révéler le Père. Le monde le rejette, et Lui se soumet à voir le royaume rejeté, et met en évidence, à sa place, la bénédiction céleste ; il parle maintenant de lui-même comme du Fils, et se réjouit en cela. Le résultat actuel de sa venue, c’est le Fils révélant le Père, cela vaut mieux que le royaume. Le témoignage brille plus glorieusement, quant à ce qui occupe Dieu, si je reçois toutes choses avec patience et que je me soumette, au lieu d’être un loup parmi les loups. Il est extrêmement difficile de se soumettre et de dire : Je ne veux rien être qu’un agneau. Mais c’est là notre place, car le Seigneur dit : Ne vous vengez pas vous-mêmes, mais laissez agir la colère. À moi la vengeance ; moi, je rendrai... (Rom. 12:19) ; et « Ne donnez pas occasion au diable » (Éph. 4:27). Si vous ne laissez pas agir la colère, vous donnerez occasion au diable. Perdrons-nous quelque chose en demeurant tranquilles et en prenant toutes choses patiemment ? Non, car il dit : « Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre » (Matt. 28:18). Il faut que nous nous soumettions à l’état de choses extérieur et que nous soyons satisfaits de ce qui est écrit ; sinon, nous ne ferons que nous fatiguer et nous travailler sans résultat. Puissions-nous nous réjouir et être satisfaits d’avoir nos noms « écrits dans les cieux » !
« Et se tournant vers les disciples, il leur dit en particulier... » On ne pouvait jouir de ces choses que par la foi et le Seigneur voulait que ses disciples fussent heureux, dans la conscience d’une bénédiction présente.
Maintenant que le Seigneur a montré le changement dispensationnel qui s’opérait, il s’occupe aussi du changement moral. Un docteur de la loi vient et demande comment il peut acquérir la vie éternelle. Jésus le place devant la loi et lui dit : « Fais cela, et tu vivras ». Mais le docteur est aussitôt arrêté par la simplicité de ces paroles : « Tu aimeras... ton prochain comme toi-même ». Il n’aime pas son prochain comme lui-même ! Il demande : « Et qui est mon prochain ? » — « Fais cela, et tu vivras ! » Mais qui aime son prochain comme lui-même ? Le bon Samaritain ne demande pas qui est son prochain, mais il agit en grâce, sans demander quel titre le prochain a à son amour. Christ a le droit de faire du bien à celui qui est dans la misère et le besoin. La grâce consiste à donner, sans que celui à qui l’on donne y ait aucun titre.
Cette grâce et cet amour pensent à tout. Le Samaritain, ému de compassion, s’approcha de l’homme ; il n’envoya pas quelqu’un d’autre, mais il vint lui-même, banda les plaies du blessé, y versa de l’huile et du vin, et l’ayant placé sur sa propre bête, le mena dans l’hôtellerie et eut soin de lui. Il le confie à l’hôte et dit : « Prends soin de lui ; et ce que tu dépenseras de plus, moi, à mon retour, je te le rendrai ». Quelle beauté dans tous les détails de l’activité de cet amour qui, découlant du dedans, agit selon ce qui y opère, et non selon des titres qui donneraient droit à cet amour !
Dans la dernière partie du chapitre 10 (v. 38-42), nous voyons que la grande, la seule chose nécessaire, était d’écouter la parole de Jésus. C’est pourquoi le Seigneur approuve Marie plus que Marthe qui, en un certain sens, faisait une très bonne oeuvre. Marthe recevait Jésus dans sa maison et le servait. Mais il y a quelque chose de meilleur que cela : « Marie a choisi la bonne part qui ne lui sera pas ôtée ». Jésus voulait que ses paroles entrassent dans le coeur et y eussent de la puissance. La seule chose qui demeure à jamais, c’est la « parole du Seigneur » (1 Pierre 1:25). La sagesse de ce monde, le raisonnement de l’homme vont contre elle ; mais elle est la seule chose qui soit digne qu’on y prête une sérieuse et diligente attention ; si les chrétiens se mettent à raisonner sur les choses au lieu d’en appeler à la Parole, ils sont sûrs de déchoir. Ce dont nous avons besoin, c’est que la Parole demeure dans nos coeurs, c’est d’être assis aux pieds de Christ, pour la comprendre, la garder soigneusement. Écouter Jésus est la « seule chose » nécessaire ; aucun service, même s’il était rendu à sa personne dans la chair, même venant de quelqu’un qui l’aimerait et serait aimé de Lui, ne peut remplacer cela. Les « nombreuses choses » qui occupaient Marthe aboutissent au désappointement et à la mort, au lieu de conduire à la vie éternelle, comme font les paroles de Jésus, sortant d’un coeur brisé pour que le fleuve de la vie en découlât librement. Jésus prenait plaisir à trouver une oreille attentive à sa parole. Il apportait la vérité aux âmes : « La grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ ». « De sa propre volonté, il nous a engendrés par la parole de la vérité. » « Vous, vous êtes déjà nets, à cause de la parole que je vous ai dite » (Jean 1:17 ; Jacq. 1:18 ; Jean 15:3). La vérité met tout en ordre ; elle donne à Dieu et à l’homme leur vraie place, autrement elle ne serait pas la vérité. Le péché, la justice, l’amour ne furent jamais pleinement manifestés par la loi, mais « la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ ». Par Lui, tout était placé moralement dans la lumière parfaite, mais les hommes n’ont pas vu la lumière, parce qu’ils ne l’ont pas connu, Lui. La Parole est maintenant l’instrument par lequel la vérité est révélée. La loi était parfaite, parce qu lelle était de Dieu ; mais la loi ne disait pas ce que l’homme était, bien moins ce que Dieu était ; elle disait ce que l’homme aurait dû être. Christ, la lumière (Jean 12:35, 46 ; 1:9), vient et dit : Vous êtes tous morts ; mais je puis vous donner la vie. Sa venue dans le monde manifesta chaque chose exactement telle qu’elle était. Il vint, la Parole vivante, et révéla Dieu à ceux qui pouvaient voir, — Dieu, non pas d’abord en rédemption, mais en témoignage. Que valait pour Lui tout le souci que Marthe se donnait pour le servir, en comparaison d’une âme qui écoutait sa parole 1 Il en est de même du chrétien maintenant. Quand la parole de Dieu vient seule, sans rien d’autre, elle a le droit d’avoir de la puissance sur l’âme. Elle fait son chemin par sa propre autorité et par l’attrait de sa grâce pour le coeur ; et quand elle est reçue, elle donne la vie en Christ. Il n’y a point de puissance dans un miracle pour vivifier une ame, mais il y a une puissance vivante dans la Parole. C’est par la Parole qu’une âme peut entrer dans le ciel ; il n’y a pas d’autre voie. Nous sommes engendrés par la Parole. Sans la Parole, cette oeuvre ne se fera jamais.
Trois choses sont constamment mises en avant, en rapport avec la puissance de la Parole : d’abord, les paroles qui ont été dites viendront témoigner contre ceux qui, les ayant entendues, ne les auront pas reçues (Jean 12:47 et suiv.) ; ensuite, malgré les temps fâcheux (2 Tim. 3), la Parole peut rendre sage à salut par la foi en Jésus Christ ; enfin, quand une âme est vivifiée par la Parole, l’effet moral de celle-ci est de la rendre dépendante et obéissante, de la sanctifier... « pour l’obéissance » (1 Pierre 1:2), car tel est le caractère du nouvel homme, tandis que celui du vieil homme est toujours l’indépendance.
Au commencement de ce chapitre, nous voyons encore une fois le Seigneur priant : la prière est l’expression de la dépendance vis-à-vis de Dieu. Alors les disciples lui demandent de leur enseigner à prier. Ils n’avaient pas appris à se confier dans le Père comme des enfants qui s’adressent naturellement à Lui et lui disent tout. On peut n’avoir pas toute la sagesse nécessaire dans ce qu’on demande, mais on devrait toujours avoir la confiance que donne la communion par le Saint Esprit. Même Paul n’avait pas toujours l’intelligence de la pensée de Dieu ; autrement il n’aurait pas demandé que l’écharde dans la chair lui fût ôtée ; mais il n’a pas craint de faire sa requête. Les disciples qui n’avaient pas la simplicité de coeur pour se confier au Père ne comprenaient pas leur place d’enfants. Dans cet état, Jésus condescend à les enseigner, et leur donne la prière que nous trouvons ici. Il leur apprend à prier au sujet des choses dont son propre coeur était occupé. « Père, glorifie ton nom », telle était l’expression du grand désir de son coeur ; et il enseigne ses disciples à demander : « Père, que ton nom soit sanctifié ». Il leur parle en premier lieu de Celui avec lequel ils sont mis en relation, non pas qu’ils eussent alors la puissance du Saint Esprit leur donnant conscience de leur relation avec Lui ; ce privilège, ils ne l’ont possédé que depuis le jour de la Pentecôte ; mais il leur apprend à dire : « Père, que ton nom soit sanctifié ». C’est la perfection, le désir que Dieu soit glorifié, quoique celui qui prie ne se rende pas compte de ce qui en résultera pour lui. Avec cela, il y aura dans le coeur le désir de ne pas pécher, et d’autres encore. Cette première demande était l’expression du désir parfait qui était en Christ lui-même : « Que ton nom soit sanctifié ! »
« Que ton règne vienne. » Le changement des choses muables, faites de main, viendra, afin que celles qui sont immuables demeurent (voyez Héb. 12:26 et suiv.). Êtes-vous bien sûr que vous voudriez voir le Seigneur venant dans ce royaume qui implique l’ébranlement de tout ce qui ne demeurera pas ? Assurément ce désir détacherait votre coeur d’une foule de choses qui vous lient à ce qui n’appartient pas au royaume à venir. Je peux aimer les choses du royaume, tout en ayant la conscience que quelque chose me les voile et les tient à distance, en sorte que je n’en jouis pas librement, bien que je sache qu’Il est « un porte-bannière entre dix mille » et que « toute sa personne est désirable » (Cant. 5:9-16). Il y a des prières qui sont comme une plainte de l’âme, et qui tiennent à ce que celle-ci n’a pas la jouissance présente de la vue du Seigneur dans le sanctuaire, bien qu’elle en ait le souvenir. Nous pouvons avoir l’espérance de la venue du Seigneur, nous réjouissant d’arriver au bout du désert, parce que c’est un désert, ou bien nous pouvons soupirer en nous-mêmes, désirant sortir du désert, parce que Canaan vient après. Si nous ne sommes pas dans ce dernier cas, nous courons le danger de nous lasser dans notre course, ce qui est toujours mauvais. Nous devrions avoir le caractère de pèlerins dans l’attente, non pas de pèlerins las ; et nous ne devons pas être las : je ne dis pas que nous ne le soyons pas, mais nous devrions toujours désirer la venue du Seigneur, parce qu’Il est précieux. Au chapitre 22, verset 17 de l’Apocalypse, l’Épouse dit : « Viens », en réponse à ce qu’Il est, car il dit : « Je suis... l’Étoile brillante du matin ». Dieu ne rejette pas le cri qui monte jusqu’à Lui « des lieux profonds » ; mais il y a une différence entre le cri de détresse et le cri du désir.
« Que ta volonté soit faite... » En Christ sur la terre, il y avait une réponse à toute la volonté de Dieu, car il faisait toujours les choses qui plaisaient à son Père. Il faisait cette volonté comme jamais ange n’a pu la faire.
Ensuite, le Seigneur descend jusqu’aux détails de nos besoins journaliers, et en prend connaissance, car à cet égard aussi nous sommes dépendants : « Donne-nous chaque jour le pain qu’il nous faut ».
« Remets-nous nos péchés, car nous-mêmes aussi nous remettons... » Il n’est pas question ici des privilèges proprement dits de l’Église : les désirs exprimés sont parfaits, mais cette position n’est pas connue. Le Seigneur touche ici à toutes les circonstances d’ici-bas. L’homme est considéré comme regardant de la terre en haut, comme marchant ici-bas et ayant besoin que ses pieds soient lavés. Il y a des fautes à pardonner, et on a besoin de l’esprit de grâce. Aucun péché ne nous est imputé maintenant, car ils ont été entièrement ôtés ; mais cela me rendra-t-il dur quand d’autres pèchent ? Non ; en considérant la croix où Christ a souffert pour moi, j’ai la conscience de ma liberté, mais non de l’indifférence pour le péché. Au lieu de m’endurcir, elle me donne un esprit débonnaire et plein de tendresse.
« Ne nous induis pas en tentation... » On peut se demander pourquoi Dieu nous induirait jamais en tentation ? — Il faut parfois qu’il nous fasse passer sous une certaine discipline pour nous apprendre à connaître notre faiblesse. Pierre avait besoin d’être criblé, sinon Jésus eût pu prier pour lui afin qu’il fût préservé de cette chute ; mais Jésus ne le demande pas. L’âme désirerait toujours ne pas passer par ce crible. Christ lui-même, quoique la tentation fût tout autre chose pour Lui, désirait en être délivré lorsqu’il dut porter le péché. Paul pria que l’écharde fût ôtée ; il ne fut pas élevé dans un quatrième ciel, ce qui n’eût fait qu’aggraver son état, mais il lui fut donné une « écharde pour la chair », quelque chose qui le rendait méprisable quand il prêchait, afin qu’il ne s’élevât pas et qu’il fût gardé d’orgueil ; autrement on eût pu venir lui dire : Il faut que tu sois meilleur que tous les autres, puisque tu as été dans le troisième ciel. La grâce prenait ainsi soin de lui. Toutefois l’âme désire une chose bonne quand elle demande à ne pas être induite en tentation, mais à être délivrée du mal.
« Qui sera celui d’entre vous qui, ayant un ami, etc. » Nous avons ici un autre caractère de la prière qui est de s’attendre patiemment à Dieu. Il y a de la majesté dans la bonté de Dieu, et cependant il prend connaissance de tous nos besoins, et nous devons attendre sa volonté et son bon plaisir. Supposez qu’un père dise à son enfant, qui lui demande quelque chose, d’attendre cinq minutes — l’enfant dira-t-il : Non, je ne puis attendre ; il faut que tu me donnes immédiatement ce que je t’ai demandé ? Or, tandis que nous attendons, la foi est exercée et la volonté brisée dans le sentiment du besoin dans lequel nous nous trouvons. Voyez Daniel. Dieu lui donna un profond sentiment de son identification avec Lui dans ce qu’il faisait ; c’est pourquoi il le tint en prière trois semaines avant de lui accorder l’objet de sa requête : c’est là un grand privilège, car c’est avoir communion avec Dieu. Dans le cas qui nous est présenté ici, l’on trouve un intérêt profond pour l’objet du désir, et l’importunité que ce désir produit fait obtenir à l’homme ce qu’il cherchait. Il y a une certitude d’exaucement et de bénédiction de la part de Dieu pour celui qui demande, quoique Dieu puisse tarder.
Il s’agit ici de la prière pour le Saint Esprit, que les disciples, bien que croyants, n’avaient pas encore reçu. En un sens, quelqu’un qui, comme les disciples dans ce temps-là, n’a pas l’Esprit d’adoption, peut faire cette demande à Dieu. Mais maintenant le Saint Esprit a été donné, en conséquence de l’ascension de Christ à la droite du Père (Actes 2:33). Il ne pouvait y avoir d’union avec l’homme Christ sur la terre. C’est comme peuple céleste que nous sommes unis avec Lui. Christ est resté seul jusqu’à ce que son oeuvre fût accomplie : « À moins que le grain de blé tombant en terre ne meure, il demeure seul... » (Jean 12:24). Le Saint Esprit était le sceau de l’oeuvre de Christ, non pas de la prédication de Jean, prêchant la justice. Christ reçut le Saint Esprit une seconde fois pour l’Église, après l’avoir reçu pour lui-même à son baptême (Matt. 3:16), mais pour nous quand il monta au ciel après avoir accompli l’oeuvre de notre salut (Actes 2:33). Les fruits de l’Esprit en nous sont les conséquences de la grâce et de la justice en Lui, le seul homme juste. Les premiers fruits de l’Esprit en nous sont l’amour, la joie, la paix ; — ensuite viennent les fruits pratiques vis-à-vis de l’homme : les premiers sont relatifs à Dieu, — ensuite la patience, la tempérance vis-à-vis des hommes. Le Saint Esprit ne peut pas être maintenant le sujet de la requête de l’Église comme telle, parce qu’il a été donné, comme nous le voyons en Actes 2. Nous prions maintenant par l’Esprit Saint (Éph. 6:18), non pas pour le recevoir. Nous devrions prier pour qu’il agisse davantage en nous et désirer davantage d’en être remplis, pauvres et étroits de coeur que nous sommes, mais nous pouvons en être remplis (Éph. 5:18 ; Actes 6:3 ; 7:55). Il ne résulte nullement du fait que nous sommes « scellés du Saint Esprit », que nous soyons aussi « remplis de l’Esprit ». Si nous l’étions, nous serions gardés de mauvaises pensées. La présence du Saint Esprit en nous n’ôte pas la mauvaise nature qui demeurera aussi longtemps que nous serons ici-bas ; mais elle tiendra cette nature dans l’assujettissement (Rom. 8:12-14 ; Gal. 5:13-25).
Voyez l’affreuse opposition du coeur de l’homme contre le Seigneur ; son état est mis à une solennelle épreuve : « Celui qui n’est pas avec moi est contre moi ; et celui qui n’assemble pas avec moi, disperse ». Lorsque Christ est manifesté, c’est pour ou contre Lui que chacun prend position. Nous avons à lutter contre des ennemis spirituels ; Josué, qui conduisait le peuple, était la figure de l’Esprit conduisant l’âme à la lutte contre ces ennemis. Ce ne sont pas les chrétiens, c’est Christ qui est devenu le centre divin. On peut rassembler des chrétiens, mais si, dans l’esprit de chacun, ce n’est pas Christ qui rassemble, on disperse. Dieu ne connaît pas d’autre centre d’union que le Seigneur Jésus ; il est lui-même l’objet, et lui seul peut être le centre. Tout ce qui ne rassemble pas autour de ce centre, pour Lui et de sa part, disperse. On peut rassembler, mais ne pas assembler « avec moi », c’est disperser. Nous sommes par notre nature si essentiellement sectaires que nous avons besoin de veiller pour ne pas tomber dans ce piège. Je ne puis faire de Christ le centre de mes efforts, s’il n’est pas le centre de mes pensées. C’est beaucoup de dire : Je n’ai pas d’autre objet que Christ, aucune activité dans mon coeur si ce n’est pour Lui. Il ne faut pas seulement que Christ soit au fond le principal objet, car il en est ainsi pour tout chrétien, mais encore que toutes les choses qui tiennent le milieu dans nos coeurs entre le dedans et le dehors soient jugées. À côté de l’amour pour Christ, notre coeur peut avoir l’amour de la société et d’autres choses ; or, il faut que nous jugions tout ce qui est entre la racine et ses rejetons.
« Bienheureux est le ventre qui t’a porté, etc. » La femme parle de l’honneur qu’il y avait à être la mère du Seigneur ; mais la relation la plus étroite avec le Fils de l’homme n’est rien en comparaison de la fidélité à garder la parole de Dieu. Le monde religieux fait grand cas des affections naturelles ; mais, quelque justes et bonnes qu’elles soient à leur place, elles ne peuvent être comparées à la vie de Dieu dans nos âmes. Assurément, c’était une bénédiction d’être la mère du Seigneur, mais ce n’était qu’une relation naturelle quoique ce fût un miracle ; la mère du Seigneur ne pouvait la tenir pour peu de chose dans son coeur ; cependant cette relation restait bien au-dessous de la bénédiction apportée à l’âme que la Parole amenait à Dieu. Chers amis, si vous avez soin de garder dans vos coeurs la pure parole de Dieu, vous trouverez qu’elle balaiera toutes les immondices de la chair.
Les foules recherchent un signe ; c’est une autre chose naturelle ; mais le Seigneur dit : « Il ne lui sera pas donné de signe ». Jonas est un signe ; il prêcha, et les Ninivites se repentirent. Maintenant ma parole est venue à vous et elle vous met à l’épreuve. « Une reine du midi se lèvera au jugement, etc. » La parole de Dieu est si parfaitement adaptée aux besoins du coeur de l’homme, que même les sentiments naturels sont touchés par elle. La Parole est semée dans le coeur, quoiqu’elle puisse ne point y porter de fruit.
La lumière est là ; mais quel est l’état de l’oeil de l’homme ? Si un homme a les yeux malades, la lumière le fait souffrir ; telle est la Parole pour celui qui a mauvaise vue, ou dont l’oeil n’est pas simple. C’est une parole solennelle, que nous lisons ici ; elle pourrait être vraie d’une personne convertie d’hier seulement : cette personne pourrait être remplie de lumière. Qu’on soit petit enfant en Christ ou homme fait, il en est de même. Quand Dieu demeure dans l’âme, elle voit la lumière : « Si quelqu’un marche de jour, il ne bronche pas ». « Lorsque ton oeil est simple, ton corps tout entier... est plein de lumière, n’ayant aucune partie ténébreuse, etc. » Une lampe nous fait tout voir autour d’elle ; elle se montre elle-même, et par conséquent ce qui l’entoure. L’oeil reçoit la lumière, qu’il soit simple ou mauvais ; l’oeil n’est pas simple ou double, mais simple ou mauvais. Si l’oeil n’a pas Christ pour objet, il a devant lui quelque objet mauvais. S’il est simple, tout est simple, malgré les difficultés du chemin ; il en fut ainsi pour Paul. La lampe est placée sur un pied de lampe, afin que tous ceux qui s’approchent « voient la lumière ».
Il faut que chacun se pose la question s’il voit ou ne voit pas. Christ a fait luire la lumière dans le monde : Dieu s’est manifesté en Lui ; l’effet en est de nous montrer notre état. Vous dites peut-être : « Permets-moi d’aller premièrement ensevelir mon père » ; — vous avez donc quelque chose qui vient avant Christ. Si mon corps n’est pas rempli de lumière, c’est que quelque chose n’est pas simple dans mon oeil, et n’a pas cédé devant la puissance de Christ, — une chose à laquelle je n’ai pas renoncé. Vous dites : Je ne vois pas
Sans doute ; et vous ne pouvez pas voir, car vous avez quelque autre lumière. De plus, ce que vous voyez maintenant, vous le perdrez bientôt, si vous ne marchez pas dans la puissance de ce que vous avez reçu. « Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres. » Notre façon de juger peut être fausse, parce que notre mesure n’est pas Christ ; et alors la lumière devient ténèbres ; nous nous égarons et nous errons à l’aventure. Si, au contraire, notre oeil est rempli de Christ et si nous jugeons toutes choses à cette lumière, en voyant quoi que ce soit qui ne glorifie pas Christ, nous sentons que cette chose ne peut nous convenir. Nous sommes peut-être de petits vaisseaux, mais il faut que nous soyons entièrement pour Christ. Que Dieu nous donne de marcher dans la puissance du Saint Esprit et selon le divin enseignement du Seigneur Jésus, heureux de le suivre, ne cherchant pas d’autre sentier que celui dans lequel Lui nous conduit, nos yeux fixés sur Lui seul, en sorte que lorsque d’autres objets se placent devant nous, nous puissions dire : « Je fais une chose » (Phil. 3:14). Oui, puissions-nous traverser ce monde étant occupés de Christ, non pas en étudiant le mal pour le juger, mais « simples quant au mal » (Rom. 16:19).
Depuis le verset 37, le Seigneur juge les différentes formes que revêtait la religion sans vie des conducteurs d’Israël. Ce jugement s’exprime de diverses manières ; mais c’est son jugement, un jugement sans mélange. Le premier motif de condamnation, c’est que l’homme substitue des lavages et des services extérieurs que la chair peut accomplir, à la pureté de coeur et à l’esprit d’amour. Quand ces derniers existent, les choses extérieures sont pures. Ainsi le coeur aime l’argent quand il n’a qu’une forme religieuse, car le « Mammon » représente le monde ; l’amour des premières places est une autre expression du même fait. Ensuite (v. 45 et suiv.), les docteurs de la loi reçoivent leur sentence, car ils imposent aux hommes des fardeaux difficiles à porter, et ne touchent pas eux-mêmes à ces fardeaux d’un seul de leurs doigts. Peut-être ne voit-on pas d’abord pourquoi ceux qui « bâtissaient les sépulcres des prophètes » démontraient par là qu’ils approuvaient ceux qui avaient tué les prophètes ; mais il était de fait que les docteurs de la loi cherchaient en cela leur propre honneur, au lieu de recevoir le témoignage des prophètes qui les aurait humiliés à cause de la ruine complète de la nation ; ils ornaient les tombeaux des justes, comme si tout avait été en ordre. L’esprit du monde animait ces hommes, un esprit qui veut se donner du crédit par la piété envers les morts et non par la crainte éveillée par la censure du prophète. Mais Dieu, dans sa sagesse, devait donner une preuve plus grande encore que ces docteurs de la loi ne prenaient pas plaisir à la parole des prophètes, mais aux oeuvres de leurs pères : « Je leur enverrai des prophètes et des apôtres », et de nouveau « ils en tueront et en chasseront par des persécutions ». Les pharisiens étaient des hypocrites, jugés comme tels ; les docteurs de la loi se servaient de leur familiarité avec les Écritures pour haïr tout vrai témoignage rendu à leur propre conscience ; moins que tous, ils pouvaient supporter ce qui découvrait leurs péchés ; c’est pourquoi, dans leur orgueil mêlé de frayeur, ils accaparaient toutes les sources de la connaissance, sans entrer eux-mêmes, car ce sont les pauvres en esprit, les misérables et ceux qui sont perdus qui entrent ; mais les docteurs de la loi n’entraient pas, ni ne permettaient d’entrer à ceux qui l’auraient voulu, de peur de se condamner eux-mêmes et de perdre avec leur honneur, le caractère qu’ils voulaient se donner.
Les derniers versets du chapitre nous montrent l’invariable conduite de la fausse religion : n’ayant aucune réponse de vérité morale à l’évidence de tromperie et d’iniquité manifestée dans leurs voies, ils cherchaient à embarrasser et à faire tomber dans le piège. Convaincus de péché et incapables de vérité, ils auraient voulu rendre vaine la bonté de Dieu en accusant même Christ d’erreur. C’était de la miséricorde de la part du Seigneur envers d’autres de s’exprimer nettement quant à ces faux conducteurs : c’est pourquoi il les dénonce sans ménagement.
La partie de cet évangile que nous venons de parcourir (chap. 10 : v. 38 et suiv., et chap. 11) nous a présenté les deux grands moyens de bénédiction pour l’âme, savoir la Parole, précieux don de Dieu, et la prière, vrai besoin de l’homme en présence d’un Messie rejeté ; elle nous a montré en outre le jugement du peuple qui refusait tous les témoignages de Dieu. Dans le chapitre 12, nous voyons les disciples poursuivre leur témoignage au milieu de l’hypocrisie et de l’opposition, mais dans la puissance du Saint Esprit. Le Seigneur s’adresse tout premièrement à eux ; il le fait sans détour et sans crainte devant une grande foule, comme quelqu’un qui agit dans l’esprit de ce qu’il enseigne. Il les met en garde contre le formalisme religieux qui consiste dans ce qui pouvait être présenté à l’homme, et il insiste fortement et explicitement, sur ce qu’il n’y a rien de caché qui ne doive être révélé, ni rien de secret qui ne doive être connu (v. 1-3).
Mais comme l’écroulement des formes légales et la révélation de la pleine lumière de Dieu ont eu leur plus complète expression dans la mort de Christ, ainsi les disciples doivent s’attendre à l’opposition du monde, et être préparés eux-mêmes à souffrir peut-être jusqu’à la mort. Si le Messie était rejeté et mis à mort, qu’est-ce que ses disciples peuvent attendre sur la même scène, alors que le pouvoir de Satan n’est pas encore aboli ? De là vient aussi que dans les chapitres qui nous occupent, c’est la relation de l’âme avec Dieu qui est en question. Il ne s’agit pas encore ici de l’Église et de ses privilèges ; mais le royaume, dans son application juive, est mis de côté ; il en résulte que les disciples doivent attendre le retour du Seigneur, et jusque-là, l’épreuve et la tribulation. La venue du Seigneur a deux aspects : l’un, pour ceux qui sont en relation avec Lui, et l’autre, pour le monde ; ils sont tous deux relevés ici. Les disciples devaient se tenir en garde contre l’hypocrisie et se souvenir que Dieu amènerait nécessairement toutes choses à la lumière : « Mais il n’y a rien de couvert qui ne sera révélé, ni rien de secret qui ne sera connu. C’est pourquoi toutes les choses que vous avez dites dans les ténèbres seront entendues dans la lumière, et ce dont vous avez parlé à l’oreille dans les chambres sera publié sur les toits ».
Relativement aux dangers qu’ils courraient en marchant dans la lumière, les disciples ne devaient pas craindre ceux qui tuent le corps, mais Dieu, qui peut jeter dans la géhenne. Jésus craignait Dieu parfaitement, et il appelait ses amis à ne craindre personne que Lui seul : « Oui, vous dis-je, craignez celui-là. » Mais de plus (v. 6-8) : pas un seul passereau n’est oublié devant Dieu, et les cheveux mêmes de votre tête sont tous comptés ; c’est pourquoi ils ne devaient pas craindre. Notre Dieu a voulu que la foi trouvât son repos dans la certitude qu’il prend soin de nous dans tous les détails de notre existence.
D’autre part, les disciples ne devaient pas se confier en eux-mêmes, en leur propre courage ou en leur propre sagesse, mais ils devaient confesser Christ. Tel était le résultat en rapport avec le Fils de l’homme, humilié maintenant, mais bientôt glorifié ; il rendrait en amour, ou en honte, devant les anges de Dieu, selon qu’il serait confessé ou renié devant les hommes. Il avait caché sa gloire pour donner cours à la grâce ; il était venu au milieu des hommes et au milieu du mal, afin que Dieu fût pleinement glorifié dans son humiliation. C’était la patience de Dieu, car Christ ne réclamait rien. Mais le Saint Esprit devait venir proclamer la gloire de Dieu, et réclamer la soumission à cette gloire, rendant témoignage de la grâce et démontrant la gloire dans la puissance qu’il apportait : c’est pourquoi une parole injurieuse contre le Saint Esprit ne serait pas pardonnée. Il est bien digne de remarque que ce que le Seigneur dit ici, au verset 10, il le dit à ses disciples pour les consoler et les fortifier dans leur faiblesse. On parlerait peut-être contre le Fils de l’homme, et l’on serait pourtant pardonné ; mais si le Saint Esprit, par lequel les disciples parleraient, était blasphémé, il n’y aura point de pardon. Il parlerait par eux, quel que fût d’ailleurs le pouvoir, ecclésiastique ou civil, qui les ferait comparaître devant lui.
Tels sont les principes, les avertissements, les motifs et les encouragements que le Seigneur attachait à une mission qui, rejetée par le judaïsme et en dehors du judaïsme, apportait par la grâce la lumière dans un monde de péché et de ténèbres.
Le Seigneur, dans les versets 13 et 14, refuse expressément d’agir comme juge en Israël et montre que la bénédiction juive avait perdu sa place. Il ne s’agissait plus de partager l’héritage, mais il était question de l’âme dans sa position devant Dieu. Seulement le Seigneur met en garde contre la folie d’aimer les choses qui deviennent l’occasion de telles contestations. Il ne s’agit pas maintenant de justice sur la terre : Jésus refuse d’en être l’administrateur, et met en évidence le principe intérieur du royaume en contraste avec le monde. C’est pourquoi il avertit les foules de se tenir en garde contre l’avarice, car la vie d’un homme n’est pas dans ses biens (v. 15) ; et il ajoute à son avertissement une parabole qui montre le malheureux sort de l’homme riche qui n’était pas riche en Dieu. Quoi qu’il pût dire à son âme, Dieu lui redemanderait son âme cette nuit même. « Il en est ainsi de celui qui amasse des trésors pour lui-même » (v. 16-21).
S’il en est ainsi pour le monde, vous qui avez un père — « le Père » — ne soyez pas en souci pour votre âme ou pour votre corps. La nourriture et le vêtement ne doivent pas être les objets de votre poursuite ; mais si vous êtes les disciples de Christ, vous devez plutôt vous décharger sur Lui de votre souci pour ce qui concerne ces choses. Vos pensées devraient suivre un autre cours, s’élevant au-dessus de la simple idée naturelle de la vie et du corps. Mais le Seigneur présente maintenant des principes positifs qui devaient agir sur les âmes des disciples comme croyants. Les choses dont ils avaient besoin étaient des choses accessoires que Dieu fournissait ; car elles étaient entre ses mains et il en disposait. Dieu prenait soin de choses bien moindres ; les oiseaux de l’air et les lis des champs leur disaient une leçon qui, interprétée par Christ, ne manquait pas d’instruction. Si, d’un côté, Dieu prenait soin des plus petites et des plus faibles de ses créatures, il fallait aussi que les disciples se souvinssent de la complète inutilité de leurs soucis. Il y avait des choses naturelles à ceux qui ne connaissaient pas Dieu ; — mais eux ne devaient pas rechercher le manger ou le boire : leur Père savait qu’ils avaient besoin de ces choses : Recherchez le royaume de Dieu, et « ces choses vous seront données par-dessus ».
Le Seigneur se place maintenant pour eux sur un terrain plus élevé : « Ne crains pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le royaume ». C’est pourquoi faites plutôt abandon de ce que vous avez comme hommes, et pourvoyez-vous de ce que le Père donne aux héritiers du royaume. Les disciples devaient se conduire comme des rois appelés à un plus glorieux héritage et le possédant. Le coeur suit le trésor (v. 34) : faites-vous donc un trésor dans les cieux, et votre coeur sera là aussi. Ce qui était le grand point, ce n’était pas la valeur ou le mérite de ce que les disciples donnaient, mais l’effet intérieur qui convenait à leur position et à leur appel : Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu (Héb. 11). De plus (v. 35 et suiv.), ils devaient attendre le Seigneur, et cette attente devait former leur caractère et s’exprimer continuellement à l’extérieur, comme l’attente habituelle du Seigneur. « Que vos reins soient ceints et vos lampes allumées », comme si le Seigneur était déjà actuellement en chemin. « Et Celui qui vient viendra » ; et « bienheureux sont ces esclaves que le maître, quand il viendra, trouvera veillant. En vérité, je vous dis qu’il se ceindra et les fera mettre à table, et, s’avançant, il les servira ».
Les disciples étaient maintenant associés au caractère céleste du royaume. Ce monde n’était rien : ce qu’ils en avaient, ils pouvaient, au lieu de le faire servir à leur égoïsme, en user pour faire le bien, et avoir leur trésor en haut où rien ne peut se perdre ; ainsi leurs coeurs seraient gardés dans le ciel et leur caractère serait céleste. En même temps, ils devaient être comme des serviteurs qui attendent leur seigneur à son retour des noces. La portée générale de l’effet céleste de l’appel est ici en question : les disciples devaient veiller. Il ne s’agit pas ici de prophétie, mais de caractère et de position. Il n’y a ni signes, ni circonstances historiques, comme dans les chapitres 17 et 21, pour des hommes sur la terre ; mais les disciples sont séparés de la terre pour le ciel. Pour ceux qui attendent ainsi, Jésus est toujours un serviteur : « Il les fera mettre à table et, s’avançant, il les servira ». Ceint pour le service comme homme, son oreille étant percée dans la mort, il s’avance, prenant plaisir dans les disciples qui marchent ainsi ; avec joie il les exempte désormais de leurs épreuves, de leur attente patiente et de leur service ; il les fait asseoir au festin, et honore ainsi leur fidélité. C’est pourquoi ils sont laissés dans l’incertitude quant au moment de sa venue, comme aussi l’Église lorsqu’elle fut formée. L’Église doit toujours être dans l’attente de Christ, ne sachant pas quand il viendra ; chaque moment est son temps à elle par le désir et le devoir, comme hélas ! il est le temps du monde pour la négligence. Les Juifs ont un temps ; les jours, les mois, les années, les computations terrestres sont pour eux, et par conséquent les signes. Pour nous, ce peut être à la seconde ou à la troisième veille ; bienheureux si seulement nous sommes trouvés « veillant » !
Pierre soulève la question de l’application de ce qui précède, et la réponse qu’il reçoit du Seigneur met en évidence quelle sera la part de ceux qui le servent fidèlement : ils seront établis sur tous ses biens, quand il reviendra pour prendre possession de tout son héritage. Pensée fort encourageante, bien qu’elle ne soit pas la plus élevée
D’un autre côté, la chrétienté apostasie en mettant à l’arrière-plan dans son coeur la venue du Seigneur. Le grand ressort de l’esprit céleste est ainsi perdu, et avec lui notre vocation et notre espérance particulières. L’attente du Seigneur détache du monde ; remettre cette attente à plus tard laisse le serviteur à sa propre volonté. Le Seigneur ne parle pas d’un reniement doctrinal de cette vérité, mais de quelqu’un qui dit en son coeur : Mon maître tarde à venir ; et de ce qui en est la conséquence, savoir : la violence envers les compagnons de service et l’association avec le monde. Mais, quelle que soit l’indépendance avec laquelle il agit, cet esclave a un seigneur, et ce seigneur viendra quand on ne l’attendra pas, et assignera à ce serviteur sa part avec les infidèles, quels qu’aient pu être les droits et les privilèges dont il se vantait. De plus, il y aura dans les détails (v. 47, 48) une juste rétribution ; car il s’agit ici des principes du service, comme plus haut des principes de la position. L’ignorance du paganisme ne sera point épargnée ; mais le sort de la chrétienté sera bien plus terrible. Cela est parfaitement juste, mais combien solennel !
Il y a une autre chose à remarquer ici, savoir le résultat de la venue du Seigneur dans le monde, quand il parlait. Si l’homme avait été ce qu’il aurait dû être, la paix en serait résultée ; mais l’homme n’a vu aucune beauté en Christ pour qu’il le désirât, et ainsi l’effet de la venue du Christ dans le monde fut la haine, non pas la paix, mais l’épée. Plus la relation est intime, plus les torts sont sensibles. La volonté de l’homme est mise au jour, et elle est entièrement opposée à Dieu. L’homme ne supporte pas qu’on lui annonce qu’il est sous le jugement de Dieu. Mais il y a ceci de particulier dans le caractère de la division que produit l’entrée de la grâce dans une maison, que celui qui est converti dans une famille devient généralement et tout d’un coup l’esclave des autres. Le cours même de la nature est renversé en pareil cas. Combien de fois un mari ou un parent perd ainsi son autorité ! Un feu est allumé avant que Christ revienne l’allumer en jugement. Il n’était pas venu alors pour juger ; mais les hommes en le rejetant allumaient le feu du jugement.
Voyez maintenant la part du Seigneur : « J’ai à être baptisé d’un baptême ; et combien suis-je à l’étroit jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » Qu’est-ce qui pouvait mettre à l’étroit le coeur du Seigneur ? L’amour infini de Dieu en Lui était pour ainsi dire retenu. S’il parlait à ses disciples de sa mort : « Seigneur, Dieu t’en préserve ! » était la réponse qu’il recevait, même de Pierre. Son coeur se renfermait ainsi douloureusement en lui-même. Mais il poursuivait, en traversant le monde, son service d’amour vivant, portant ses regards en avant sur le baptême de sa mort ; et le fait que son coeur était à l’étroit, manifestait la plénitude et la puissance même de son amour. Jusqu’à ce que ce baptême fût accompli, son coeur ne pouvait pas s’épanouir, car qui pouvait le comprendre ? Les Juifs disaient : « Voici un mangeur et un buveur, un ami des publicains et des pécheurs ». Ils étaient enserrés par les murailles du judaïsme, de manière à ne pas recevoir Celui qui était au milieu d’eux une fontaine jaillissante de bénédictions. L’amour divin était pour ainsi dire retenu et refoulé dans le coeur de Dieu. Mais Lui fait face à tout. « Combien suis-je à l’étroit jusqu’à ce qu’il soit accompli ! » Il n’est plus à l’étroit maintenant, la barrière ayant été brisée dans sa mort.
Comment ceux qui l’entouraient auraient-ils pu, comme pécheurs, avoir communion avec Christ ? La chose était impossible. Lorsqu’il vint pour répondre aux besoins de l’homme, ils le haïrent et le rejetèrent. Mais à la croix il a ôté le péché, et maintenant la grâce peut se répandre sans obstacle et sans mesure. « Là où le péché abondait, la grâce a surabondé » (Rom. 5:20). L’homme n’est pas changé ; mais Dieu peut agir comme il lui plaît, par la rédemption. L’amour et la gloire de Christ furent manifestés en une mesure avant la rédemption, car « il ne pouvait être caché » mais, à la croix, toutes les perfections débordèrent ; et si de Golgotha nous jetons un regard en arrière sur la vie du Sauveur, nous voyons quel amour, quelle douleur et quelles souffrances l’ont remplie !
Dans les versets 54-59, Jésus s’adresse aux foules sur le principe de la responsabilité individuelle, en présence d’abord des signes manifestes des voies de Dieu envers le monde, ensuite en rapport avec leur jugement moral au sujet de ce qui était juste et bon. Le Seigneur conclut en montrant que Dieu était en chemin avec le peuple juif et que si les Juifs ne s’accordaient pas avec Lui alors, ils feraient de Lui un juge et porteraient toute la peine de leurs iniquités. Dans les affaires humaines, en pareil cas, l’homme est assez prudent pour se mettre d’accord avec sa partie adverse, se sachant en faute et anticipant le jugement. Si les Juifs ne se soumettaient pas et n’étaient pas réconciliés avec le Seigneur, maintenant qu’il était en chemin avec eux, ils auraient bientôt affaire avec Lui comme Juge, et ne seraient pas délivrés de sa main avant d’avoir reçu de Lui le double pour tous leurs péchés.
Deux grands sujets ou principes se rapportent à l’homme sur la terre, l’Église de Dieu comme telle et le gouvernement de Dieu dans le monde : ces deux sujets sont très distincts l’un de l’autre. Dans l’Église, les richesses de la grâce divine sont manifestées ; les voies gouvernementales de Dieu nous montrent le déploiement de la justice, de la miséricorde et de la bonté de Dieu. Nous trouvons un exemple de la puissance gouvernementale de Dieu quant à Israël au chapitre 34 de l’Exode, versets 5-7. C’est autre chose ici que la souveraine grâce amenant une âme à la vie éternelle ; il s’agit de « gouvernement », de ces voies que nous pouvons voir s’accomplir tous les jours autour de nous. Si un homme dissipe sa fortune ou qu’il ruine sa santé par des excès de manière ou d’autre, les enfants de cet homme en porteront les conséquences : « Ce qu’un homme sème, cela aussi il le moissonnera » (Gal. 6:7, 8). Les voies de Dieu envers David à l’occasion d’Urie en rendent témoignage : « L’épée ne s’éloignera pas de ta maison... Tu l’as fait en secret ; et moi, je ferai cette chose-là devant tout Israël et devant le soleil... Toutefois, comme par cette chose tu as donné occasion aux ennemis de l’Éternel de blasphémer, le fils qui t’est né mourra certainement » (2 Sam. 11 et 12). Nous savons que ce jugement que Dieu prononça sur le péché de David fut accompli plus tard historiquement, car ce n’est pas de grâce qu’il s’agit ici, mais de gouvernement. Dieu s’occupe des siens de la même manière maintenant, savoir en grâce et en gouvernement.
Au chapitre 12 de notre évangile, nous avons pu voir que les Juifs avaient dans l’esprit cette pensée du « gouvernement » ; et en un sens ils n’avaient pas tort. Ils pensaient que Dieu ne pouvait pas laisser vivre un grand coupable comme Pilate qui avait mêlé le sang des Galiléens avec leurs sacrifices. Mais Christ les amène à un nouveau principe, d’après lequel ils doivent juger, et leur dit que le jugement va tomber sur eux-mêmes s’ils ne se repentent : « Croyez-vous que ces Galiléens fussent plus pécheurs... Non, vous dis-je ; mais si vous ne vous repentez, vous périrez tous de la même manière ». Le Seigneur parlait du jugement en rapport avec le gouvernement de ce monde, jugement qui tomberait sur tous ceux qui ne se repentiraient pas. Le Fils de Dieu était là présent devant eux, et ils le rejetaient pratiquement. Et de combien de Juifs Titus n’a-t-il pas « mêlé le sang ? » Jésus avait dit aux Juifs, à la fin du chapitre 12 : « Quand tu vas avec ta partie adverse devant le magistrat, efforce-toi en chemin d’en être délivré, de peur qu’elle ne te tire devant le juge », parlant ainsi des Juifs qui étaient en chemin avec Dieu et qui n’échapperaient pas avant que les châtiments du Seigneur sur eux fussent accomplis. Il s’agit donc ici simplement du gouvernement de Dieu quant à son peuple. La conscience naturelle eût dû dire à ces Juifs de ne pas rejeter le Messie, car Dieu était tout le long du chemin en route avec eux vers le juge, usant de grâce et de patience envers eux ; il eût voulu leur faire comprendre que s’ils ne se repentaient pas et n’étaient pas réconciliés, le jugement tomberait sur eux, et qu’ils subiraient le sort de ceux qu’ils estimaient de si grands pécheurs.
Le Seigneur poursuit ici le même courant de pensées. Le figuier, c’est Israël ; Dieu vient, cherchant du fruit en Israël, et n’en trouvant pas. Dans l’Évangile, au contraire, Dieu, au lieu de chercher du fruit, sème, afin d’en produire. Il n’a pas trouvé de fruit en Israël ; c’est pourquoi il prononce la sentence : « Coupe-le ». Non seulement le figuier était inutile, mais il encombrait la vigne : « Le nom de Dieu est blasphémé à cause de vous parmi les nations » (Rom. 2:24). Alors vient la mission de Christ : « Enfin, il envoya auprès d’eux son Fils » (Matt. 21:37). Dieu avait planté une vigne et l’avait émondée, mais elle n’avait pas porté de fruit. Alors un nouveau cultivateur vient et dit : « Maître, laisse la cette année aussi, jusqu’à ce que je l’aie déchaussée et que j’y aie mis du fumier ». Il faut qu’elle porte du fruit, ou qu’elle soit arrachée. Le cultivateur a fait comme il a dit ; et il n’y a toujours pas de fruit.
La femme qui avait un esprit d’infirmité et que Jésus guérit un jour de sabbat met en lumière une autre chose qui agissait dans les coeurs des Juifs, à la place de la loi, et qui donnait entrée à l’hypocrisie. Les Juifs détachaient bien un boeuf ou un âne de la crèche un jour de sabbat, mais ils ne voulaient pas supporter qu’une fille d’Abraham que Satan avait liée depuis dix-huit ans fût déliée ce jour-là. L’une des infirmités de l’esprit de l’homme, c’est qu’il use de la vérité qu’il possède pour résister à la vérité révélée. Paul en est un exemple : sans reproche quant à la justice de la loi, il pensait cependant en lui-même « qu’il fallait faire beaucoup contre le nom de Jésus le Nazaréen ». Les Juifs dont le Seigneur parle, Jean 16, en sont un autre exemple : « Ils vous feront ces choses, etc. », usant du nom du seul vrai Dieu qui leur avait été donné : « L’Éternel, notre Dieu, est un seul Éternel » (Deut. 6:4), pour rejeter le « Fils » ; car lorsque. Christ vint dans l’humiliation, ils ne voulurent pas le recevoir. On prétexte l’orthodoxie pour mettre une barrière à la réception de la vérité. Quand une vérité est le fondement de la position d’un homme, elle lui donne du crédit ; mais quand une vérité nouvelle se présente, elle met l’âme à l’épreuve. La vérité qui demande de la foi pour être pratiquée trouve de la résistance dans le coeur naturel ; et cela vient d’une racine qui est l’hypocrisie. Le chef de synagogue dit : « Il y a six jours où il faut travailler ; venez donc ces jours-là, et soyez guéris, et non pas le jour du sabbat ». Mais il aurait dû savoir que le Seigneur du sabbat était là, car cette seule parole : « fille d’Abraham », aurait dû lui ouvrir les yeux et lui montrer devant qui il se trouvait. Le Seigneur lui répondit : « Hypocrites ! » C’est là une parole solennelle !
Le Seigneur montre maintenant à quoi ressemblera le royaume, lorsque le roi sera rejeté et s’en sera allé. Un royaume sans roi !... celui-ci étant assis sur le trône de son Père jusqu’à ce qu’il vienne pour occuper son propre trône. Le royaume est semblable à une petite graine jetée dans le sol ; elle lève et devient un grand arbre. C’est précisément ce que nous appelons « la chrétienté », ce qui remplit l’espace entre la réjection du Roi et son retour. Il n’y a pas d’exercice du pouvoir tandis que le roi est absent. Marc nous dit : « La semence germa et crût, sans que l’homme sût comment » (Marc 4:27). Quand la moisson sera mûre, Christ reviendra. Il sema à sa première venue ; mais il usera de la faucille à sa seconde venue. Il veut et attend maintenant du fruit céleste ; mais quand il viendra, il trouvera le grand arbre de la chrétienté et les oiseaux de l’air logeant dans ses branches. Pharaon était un grand arbre (Ézéch. 31) ; Nébucadnetsar, un plus grand arbre encore (Daniel 4) ; ils étaient l’un et l’autre les grands et les puissants de la terre, les représentants de la puissance du monde. Israël même qui avait été planté comme un « cep exquis », et une semence tout à fait bonne, ne portait pas de fruit c’est pourquoi, comme dit le prophète (Ézéch. 15) « Le bois de la vigne, que vaut-il plus que tout autre bois », s’il ne porte pas de fruit ? Il n’est bon qu’à être brûlé. Inutile pour tout autre usage, s’il ne porte pas de fruit, il ne sert que de bois bon pour le feu.
Ici, le royaume est semblable à du levain qu’une femme prit, etc ; le levain est ce qui pénètre toute la pâte et donne en outre un caractère à la chose dans laquelle il opère. Il s’agit de la profession extérieure du christianisme qui devient un vaste système. Il n’est en aucune manière question ici du Saint Esprit, mais de l’effet produit dans le monde par cette doctrine. Au chapitre 13 de Matthieu, dans la première parabole, le Seigneur parle du résultat individuel produit par la semence, non pas du royaume ; les trois premières des six paraboles qui suivent décrivent la forme extérieure et publique de celui-ci, les trois dernières son caractère intérieur.
« Ceux qui doivent être sauvés sont-ils en petit nombre ? » L’expression est la même par laquelle la version des Septante désigne le résidu juif ou « ceux qui doivent être sauvés ». La question portait au fond sur ce point : le résidu qui devait être épargné quand le jugement viendrait, serait-il peu ou très nombreux ; or la question étant tout à fait oiseuse, le Seigneur n’y répond pas ; mais il dit : « Luttez pour entrer par la porte étroite... » (v. 24.). La porte étroite, c’était recevoir Christ dans ce temps-là — la vraie, mais étroite entrée de la foi en Lui et de la conversion envers Dieu. Il y aura des gens qui viendront et qui se mettront à heurter lorsque la porte aura été fermée, et auxquels il dira : « Je ne vous connais pas ni ne sais d’où vous êtes » ; — vous n’êtes pas changés. Luttez pour entrer par la porte étroite par laquelle Christ marche devant vous, c’est-à-dire la réjection. « Beaucoup... chercheront à entrer (non pas par la porte étroite) et ne pourront pas. »
Tout cela est fort simple quand nous voyons la réjection de Christ. Ceux qui le rejettent au jour de son humiliation seront eux-mêmes rejetés au jour de sa gloire ; au lieu d’être ses compagnons dans le royaume, ils seront jetés dehors. Les Juifs incrédules verront les gentils entrer dans la gloire du royaume, alors que, persistant dans leur incrédulité, ils seront eux-mêmes rejetés.
Les pharisiens disent au Seigneur : « Retire-toi et va-t’en d’ici ; car Hérode veut te tuer ». Or Hérode était un Iduméen ; et quel droit un étranger comme lui avait-il à être le roi des Juifs ? Qu’avait-il affaire, lui, avec les promesses d’Israël ? Absolument rien. Hérode nous présente, en figure, le roi qui fait sa volonté. Il cherche à tuer Christ ; c’est pourquoi il a le caractère de roi-adversaire. Il n’avait pas de foi dans les desseins de Dieu ou dans la gloire de Christ ; et le Seigneur dit : « Allez, dites à ce renard... » ; — je ferai la volonté de mon Père jusqu’à ce que le moment soit venu pour moi d’être glorifié ; je suis ici aussi longtemps que mon Père voudra et ensuite je serai consommé. Il faut que la puissance de Dieu soit pleinement connue. Quel divin dédain pour le roi apostat ; mais en même temps quelle parfaite obéissance humaine ! « Mais il faut que je marche aujourd’hui et demain et le jour suivant, car il ne se peut qu’un prophète périsse hors de Jérusalem. Jérusalem, Jérusalem, la ville qui tue les prophètes ! ... » Après tout, c’est Jérusalem qui est la ville coupable. Que le roi édomite fasse et dise ce qui lui plaît, c’est la « sainte ville » qui est coupable, car elle était la plus rapprochée de Lui. Plus je suis près de Dieu, plus, si je le rejette, mon péché est grand et le jugement terrible. Voyez les Psaumes 132 et 78, versets 65-68, qui nous parlent de l’élection de Sion : « L’Éternel a choisi Sion... » Christ ne charge pas les Juifs de leurs péchés avant qu’ils aient rejeté et Lui et son Père (Jean 15:22-25).
Dans les derniers versets, Christ révèle un dessein de grâce, le vieil homme — Israël, et nous tous — est condamné et inutile : « L’Éthiopien peut-il changer sa peau, et le léopard ses taches ? » (Jér. 13:23). L’Évangile commence par chercher et sauver ce qui était perdu. Ici, nous voyons que si les Juifs ont rejeté le Christ an jour de leur responsabilité, Lui ne les a pas rejetés au jour de sa grâce. La grâce brille en ceci, qu’il choisit encore Juda (Ps. 78:68).
Remarquez comment la personne divine du Seigneur apparaît ici. « Jérusalem, Jérusalem... que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants... ! » Un prophète ne pouvait pas parler ainsi Christ était un prophète, mais plus qu’un prophète il était l’Éternel, et l’Éternel seul pouvait rassembler Israël : « Celui qui a dispersé Israël le rassemblera » (Jér. 31:10). Israël, placé sous sa responsabilité, avait rejeté l’Éternel ; mais l’Éternel le reconnaîtra quand il viendra en grâce souveraine. Qu’elles sont merveilleuses les voies de sa grâce ! Les circonstances par lesquelles il passa, dans sa course ici-bas, manifestaient d’une manière bien plus glorieuse qui il était, qu’un texte quelconque le déclarant expressément, quelque important que soit ce texte en son lieu. Supposons, en effet, que vous croyiez qu’il y a un Dieu : si ce Dieu descendait et venait se placer à côté de vous, disant : « Je suis », ne serait-ce pas autre chose ? Christ était l’homme humilié tout le long de sa vie ici-bas, car il était toujours le serviteur de tous ; cependant, son service étant accompli et rejeté comme inutile, sa gloire resplendit. « Avant qu’Abraham fût, je suis » (Jean 8:58). Voyez dans notre chapitre, la liaison entre les versets 33, 34 et 35, comme exemple de ce que je viens de dire. Combien de fois « j’ai voulu rassembler tes enfants... Voici, votre maison vous est abandonnée... ; et vous ne me verrez point jusqu’à ce... que vous disiez : Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ». Le psalmiste se plaint de ce qu’il n’y ait personne pour dire : « Jusques à quand ? » c’est-à-dire pour compter sur la fidélité de Dieu envers son peuple (voyez Ps. 74:9). Cette expression : « Jusques à quand ? » se retrouve souvent dans les Psaumes ; on la rencontre aussi dans Ésaïe, chapitre 6 ; elle a trait au châtiment, non pas à la rétribution. Jusques à quand Israël bronchera-t-il et sera-t-il en chute ? (Rom. 11). Au chapitre 6 d’Ésaïe, le prophète ayant prononcé ces paroles : « Engraisse le coeur de ce peuple... », rappelées au chapitre 12 de l’évangile de Jean, s’écrie : « Jusques à quand ? » Il attend par la foi, et compte sur Dieu ; ayant la pensée de Dieu, il ne peut croire que Dieu veuille abandonner son peuple ; c’est pourquoi il demande : « Jusques à quand » le châtiment doit-il durer ?
À cette question le Seigneur répond : « Jusqu’à ce que... et que le sol soit réduit en entière désolation... Mais il y aura encore là un dixième... la semence sainte en sera le tronc ». La sève est encore là, quoiqu’il n’y ait point de feuilles. Ainsi, dans le Psaume 118:18 : « Jah m’a sévèrement châtié, mais il ne m’a pas livré à la mort ». De la même manière encore le Seigneur ne dit pas : Votre maison vous est abandonnée, c’est pourquoi vous ne me verrez plus ; mais il dit : « Vous ne me verrez point jusqu’à ce qu’il arrive que vous disiez : Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ». Il peut, étant l’Éternel, répondre en grâce à la question posée ; et quand il donnera la repentance à Israël, alors il enverra Jésus que jusqu’à ce jour-là le ciel a reçu (comp. Actes 3:19-21). En attendant, notre association avec Jésus est introduite. Le prophète ne parlait que de choses terrestres, quoique divines ; mais quant à l’Église il est dit : « Frères saints, participants à l’appel céleste » (Héb. 3:1), et : Il « nous a vivifiés... et nous a ressuscités ensemble... et nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes dans le Christ Jésus » (Éph. 2:5, 6). Cela donne de la sécurité. Comment avons-nous été amenés là ? Par Christ. C’est Lui qui nous en donne le droit. Mon désir est de bien connaître ces choses, savoir que je suis un avec Christ dans le ciel, ayant cette part éternelle scellée sur mon âme par le Saint Esprit qui veut m’en faire jouir toujours davantage.
Quand Israël sera amené à la repentance, « la pierre que ceux qui bâtissaient ont rejetée » sera le sommet de l’angle ; et en la reconnaissant, le peuple dira : « Célébrez l’Éternel ! car il est bon, car sa bonté demeure à toujours » (Ps. 118:22-29). Hélas ! ils en recevront d’abord un autre ; mais quand leurs coeurs étant changés, la grâce opérera, ils useront des paroles du Psaume 119, et trouveront l’expression de la loi au-dedans de leurs coeurs ; leur foi sera exercée et leurs coeurs brisés seront ouverts pour le recevoir ; alors il viendra Lui-même à eux. S’il n’y a pas de prophète pour dire : « Jusques à quand » ? L’Éternel lui-même donnera la réponse. Il ne change jamais, et quoiqu’il exécute le jugement et la justice, la grâce se trouve toujours en Lui. Quand le Fils de l’homme viendra, « trouvera-t-il de la foi sur la terre ? » S’il n’y a ni foi, ni prophète pour dire : « Jusques à quand ? » il y en a Un, qui, dans la souveraineté de sa propre grâce, mettra en réserve dans ses trésors quelque chose que la foi pourra saisir.
Ainsi, nous trouvons l’Éternel dans le Christ humilié, et nous voyons comment il peut s’élever au-dessus de toute iniquité. Combien tout cela nous rend Jésus précieux ! Et nous sommes un avec Lui ! Puissions-nous apprendre de Lui, et ainsi le suivre, nous souvenant que tout ce qui est en dehors du chemin étroit n’est que la chair et le mal !
Ce chapitre nous présente la justice distributive de Dieu ; il nous la montre d’abord en rapport avec les saints, comme conséquence de leur conduite envers Dieu, et de la place que chacun prendra en vue de ce qui lui sera dispensé. Ensuite, nous trouvons la responsabilité en relation avec la grâce, avec la position morale de l’âme, parce que la grâce lui a été présentée : mépriser la grâce de Dieu comble la mesure du péché de l’homme. Mais c’est de la présentation de la grâce qu’il est question ici, chose différente de la possession. Les conséquences du mépris de la grâce sont mises en évidence chez ceux qui refusent de venir au souper.
Le Seigneur en mettant fin à la dispensation de la loi ramène toujours le sujet du sabbat. La question était celle-ci : l’homme, comme homme, pouvait-il trouver du repos auprès de Dieu ? L’homme pouvait-il jamais entrer dans le repos de Dieu ? Nous savons, quoique la date exacte de la chute nous reste cachée sans doute, que l’homme rompit le repos de Dieu immédiatement (Gen. 3), et que, peut-être, le jour même où il aurait dû se reposer, il mangea du fruit défendu : l’homme n’entra jamais dans le repos de Dieu. Maintenant il s’agissait de savoir comment on y entrait, par sa propre oeuvre ou par l’oeuvre de Christ ? C’était un caractère essentiel du repos après la création, qu’il se trouvait placé après les six jours de travail, comme Dieu s’était reposé au septième jour ; et ainsi plus tard, lorsque les ordonnances légales furent données, le sabbat devint un signe de l’alliance (Ex. 31:17 ; comp. 20:8-11). Quand Christ vint, il rompit constamment le sabbat, pour montrer que le péché n’étant pas ôté, il fallait qu’il travaillât. Il ne pouvait pas se reposer, le sabbat étant le signe que le repos de l’homme se trouvait après le travail, et la loi ayant témoigné que toujours l’homme rompait cette alliance. Le Seigneur fait peser sur la conscience des docteurs et des pharisiens le poids de leur péché, en leur montrant qu’il fallait qu’il travaillât, si eux devaient avoir du repos. « Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille » (Jean 5:17). Si l’homme avait gardé la loi, il aurait eu droit au repos ; mais il ne l’accomplit pas, ni ne pouvait l’accomplir (Rom. 8:7). Tout ce qui était le signe du repos de Dieu pour l’homme, après le travail, a manqué ; mais il reste un repos pour le peuple de Dieu (Héb. 4). Le sabbat continue comme signe ; et tous les prophètes ont rappelé Israël à son observation (voyez És. 56:2-6 ; 58:13 ; Jér. 17:21 et suiv. ; Ézéch. 20:11 et suiv.) ; mais le peuple n’entra pas dans le repos. Paul, dans l’épître aux Hébreux (ch. 4), raisonnant sur ce point, dit : « Nous qui avons cru, nous entrons dans le repos ». Mais dans Canaan, le repos nominal, les ancêtres n’entrèrent pas, sauf le très petit nombre des fidèles ; et ceux-ci même ne trouvèrent pas le repos, car s’ils y étaient entrés, Dieu n’eût pas parlé d’un autre jour, comme il le fait par la bouche du psalmiste, disant : « S’ils entrent dans mon repos ! » — « Si », veut dire : « ils n’entreront pas ».
Les choses étant ainsi, le sabbat n’était pas le repos : il était bien toujours le signe du repos, mais non pas un repos réel. Tout espoir était perdu pour l’homme d’entrer dans le repos de Dieu : il faut qu’il y entre maintenant sur un tout nouveau principe, par la foi, et non par les oeuvres. Quand le Messie vint, il aurait apporté le repos au peuple ; mais l’homme ne voulut pas de Lui, comme nous le voyons ici. L’homme ne pouvait pas entrer dans le repos de Dieu par la loi, et il n’a pas voulu y entrer par la grâce ; et ce fait démontre que l’homme a absolument rompu avec Dieu. Si j’ai été amené à Dieu, j’ai trouvé le repos, et je n’ai pas besoin d’aller plus loin pour le chercher. J’ai mon repos en Dieu lui-même, car la grâce, non pas la loi, m’a donné une capacité de jouir de ce que Dieu est. Mais quand la créature eut rompu le repos de son Créateur, toute relation entre elle et Lui était désormais impossible. Le péché est venu et a placé Dieu vis-à-vis de moi dans la position de Juge, et il ne peut pas y avoir de lien de coeur entre un juge et un criminel. Si Dieu me juge comme pécheur, la seule parole que j’aie à attendre de Lui est : « Allez-vous-en loin de moi, maudits » (Matt. 25:41). C’est pourquoi tout ce que l’homme peut dire, c’est : Seigneur, « n’entre pas en jugement avec ton serviteur, car devant toi nul homme vivant ne sera justifié » (Ps. 143:2). Il y a, entre un père et un enfant, un lien qui les met en relation l’un avec l’autre ; mais ce lien est une chose nouvelle. Il faut, s’il doit y avoir du repos, que tout soit placé sur un terrain nouveau, car il n’y a pas de repos dans l’ancienne création.
Au chapitre 15, nous voyons la grâce à l’oeuvre pour donner du repos : le Berger apporte la brebis dans sa maison ; dans le chapitre qui nous occupe, nous avons devant nous un cas de misère humaine, un homme hydropique. Christ dit : « Est-il permis de guérir, un jour de sabbat ? » Et ils se turent. Alors il en appelle à eux-mêmes : « Qui sera celui de vous, qui, ayant un âne ou un boeuf, lequel vienne à tomber dans un puits, ne l’en retire aussitôt le jour du sabbat ? Et ils ne pouvaient répliquer à ces choses ». Il n’y avait ni repos présent, ni espérance de repos, aucune possibilité de repos pour l’homme comme pécheur, et il ne pouvait pas y avoir de repos pour Dieu, parce que Dieu ne pouvait pas se reposer tant que le péché n’était pas ôté. Il n’y avait pas de sabbat pour la justice, car l’homme n’avait pas de justice ; il n’y avait pas de sabbat pour l’amour, car l’amour ne pouvait pas se reposer là où il fallait que le jugement fût exécuté. L’amour pouvait venir et travailler ; mais le travail n’est pas le repos. L’homme a perdu sa communion avec Dieu par son péché, et c’est là une chose bien solennelle : l’homme, par son péché, a fait de Dieu un Juge. L’idée même du jugement liée à l’idée de Dieu démontre que l’homme est un pécheur ; car il n’y avait aucune nécessité d’association entre le jugement et Dieu : mais une fois le péché entré dans le monde, il faut que le jugement suive, car Dieu est saint. Si nous avons été amenés à comprendre qu’il n’y a point de relation entre nous, comme pécheurs, et Dieu, nous apprenons quelle place nous convient, une fois que nous avons foi en la grâce de Dieu.
« Or il dit une parabole aux conviés, observant comment ils choisissaient les premières places. » La nature recherche « les premières places ». Le monde qui n’a pas de rapports avec Dieu trouve son plaisir à glorifier le « moi » et à exclure Dieu. Le « moi » trouve pour le « moi » ce qu’il aime, et oublie Dieu. L’homme s’élève toujours contre Dieu, se recherchant lui-même et tout ce qui peut satisfaire son « moi ». Il ne pense pas agir ainsi, car il prétend ne faire qu’user de ses facultés. Mais c’est ce qu’Adam fit pour se cacher de devant Dieu. Et nous, n’usons-nous pas de nos facultés pour nous complaire à nous-mêmes, plutôt que d’en user pour Dieu ? Pendant que le Maître est absent, les serviteurs s’en vont chacun son propre chemin et font leur propre volonté. Un homme est naturellement froissé quand on l’humilie et qu’on le méprise ; la chair n’aime pas à être mise de côté ; mais cette recherche d’une place est au fond en rechercher une là où Christ n’en eut point. C’est pourquoi : « Quand tu seras convié, va et assieds-toi à la dernière place ».
Les versets 8-11 nous disent le secret de cette parabole ; ils dirigent le coeur vers le Maître, vers « celui qui t’a convié ». Si j’ai le sentiment que je suis un pécheur, et que par conséquent je ne mérite aucune place, je n’en prendrai point, mais j’attendrai que Dieu m’en donne une. J’aurai de la gloire en vérité, quand Dieu me donnera une place. La question est de savoir ce qu’il me donne. Tournez vos yeux vers Dieu, et, vous en remettant à Lui, recherchez la dernière place comme Christ le fit. Il ne vous servira de rien de dire que vous ne recherchez pas une place dans le monde : la grande affaire, c’est que votre coeur reste attaché à la place de Dieu dans le monde. Le regard étant ainsi fixé sur Dieu, le moi est oublié ; autrement, on pense au manque d’égards dont on est l’objet ; et ainsi ni la foi, ni la grâce ne sont en exercice. Si je savais me tenir pour rien, je serais parfait. L’homme qui invitait les conviés, apprécie. justement chacun et l’honneur qui leur est dû : les places de l’évangéliste, du pasteur, de l’apôtre, seront toutes ordonnées par Dieu. Quand Dieu donne une place, c’est une place de puissance et de proximité de Lui ; mais quand un homme prend une place pour lui-même, c’est une place de faiblesse et d’éloignement de Dieu, parce que le moi est l’objet de sa recherche.
Il faut aussi nous tenir en garde contre le simple refus de prendre une position dans le monde, parce que nous savons que ce serait mal pour des serviteurs de Celui qui a été rejeté. Une estimation légale de ce qui est bien ou mal ne peut jamais tenir bon. Une chose peut être très juste et bonne ; mais il n’y a pas de stabilité dans sa poursuite, parce qu’il n’y a pas de puissance pour soumettre la chair, quand on fait seulement ce qu’on sait être bien. Il y avait avec la loi le sentiment de l’obligation ; mais la loi ne plaçait pas un objet devant le coeur pour l’attirer ; elle n’amenait pas Dieu à moi, ni ne m’amenait à Dieu. Mais il y a de la stabilité quand nous savons que nous ne sommes rien devant Dieu, et que Dieu est tout. Plusieurs ont commencé avec beaucoup d’énergie et ont pris une certaine place, bonne en elle-même ; mais là où le légalisme était la source de l’activité, il n’y a pas eu de persévérance, car ce qu’on entreprend sous la loi, on le perdra certainement dans la chair. Quand Dieu est l’objet du coeur, la dernière place ici-bas suffit. Lui-même nous conduit en avant ; qu’il s’agisse de n’importe quoi, si les pensées et les affections sont tournées vers Lui, ce qui était pénible d’abord n’est plus un effort à mesure que j’avance. L’amour divin qui m’attira et me donna de la puissance au commencement pour prendre cette position, brille d’un plus vif éclat à mesure qu’il est mieux et plus longuement connu ; et ce que j’accomplissais d’abord en tremblant, devient facile à mesure que le courage s’accroît.
La seule chose qui puisse me rendre capable de marcher ainsi, c’est d’avoir Christ pour objet ; et je serai heureux dans la mesure où je l’aurai devant moi. Il y aura toujours mille et une choses pour me vexer, si le « moi » a de l’importance ; mais ces choses ne me vexeront nullement, si le « moi » n’est pas là pour être vexé. Les convoitises de la chair ne me tourmenteront pas, si je marche avec Dieu. Que de contrariétés et d’embarras nous rencontrons quand nous ne marchons pas avec Lui et que nous ne pensons qu’à nous-mêmes ! Il n’y a pas de plus grande délivrance que d’en avoir fini avec soi et de n’avoir pas d’importance à ses propres yeux. Alors on peut être vraiment heureux devant Dieu.
Si nous regardons à Christ, nous apprenons deux choses : d’abord, qu’il s’humilia lui-même à cause du péché du monde qui l’entourait ; ensuite, que le monde fit tout ce qu’il put pour l’humilier, car plus Christ s’abaissait, plus les hommes cherchaient à l’accabler.
Personne ne se met en souci des autres ; en sorte que si quelqu’un ne prend pas soin de lui-même, il peut être assuré d’être placé très bas. Nos coeurs aussi sont assez rusés pour que nous soyons disposés à nous humilier si par là nous pouvions gagner quelque chose, ne fût-ce que l’approbation des hommes. D’un autre côté, si, dans le sens ordinaire du mot parmi les hommes, nous cherchons simplement à imiter Christ s’humiliant, ce ne sera qu’un effort légal, sans puissance et sans durée. « Qu’il y ait donc en vous cette pensée qui a été aussi dans le Christ Jésus » (Phil. 2). Il s’anéantit lui-même, il se dépouilla de sa gloire pour devenir homme ; en le faisant, il laissa la gloire du Père pour devenir un homme : c’était un grand abaissement, mais ce n’était pas tout : étant en figure comme un homme, il s’abaissa jusqu’à la mort, la mort même de la croix.
Le même principe est placé devant nous dans le chapitre de Luc qui nous occupe. « Celui qui s’abaisse sera élevé. » La vraie humilité consiste en ceci, qu’on soit prêt à servir chacun et qui que ce soit ; quoique ce service puisse paraître infime aux hommes, il est au fond très élevé, étant le fruit de l’amour divin opérant dans nos coeurs. Dieu, par ce moyen, nous dépouille de notre égoïsme. La seule chose qui soit digne d’être recherchée dans le monde, c’est ce service, — à moins que ce ne soit la jouissance de la communion de Dieu. Nous devrions être prêts à servir nos ennemis : « Celui qui s’abaisse sera élevé ». Être humilié n’est pas la même chose que s’humilier soi-même et ne pas le faire devant ceux qui nous honoreront d’autant plus que nous serons humbles. Paul pouvait dire de lui et d’autres : « Nous-mêmes... vos esclaves pour l’amour de Jésus » (2 Cor. 4). Il sentait qu’ils avaient, lui et ses compagnons, le droit de servir en grâce ; et selon la proportion dans laquelle il prit la place d’humilité, il sera élevé dans le jour qui vient.
Le Seigneur parle maintenant de celui qui convie, après avoir parlé plus haut des conviés ; mais il s’agit du principe d’après lequel on fait des fêtes. « Convie les pauvres, les estropiés, les boiteux... ; et tu seras bienheureux, car ils n’ont pas de quoi te rendre la pareille ; car la pareille te sera rendue en la résurrection des justes. » Le Seigneur les transporte tous de nouveau hors du monde au moment où ils rencontreront Dieu, et il veut qu’ils y trouvent un principe dirigeant pour leur activité ; les disciples ne doivent pas agir en vue d’obtenir une récompense ici-bas, mais ils doivent attendre le moment où ils rencontreront le Seigneur, car ce n’est pas avant le retour du Maître que les esclaves reçoivent leur salaire. Il ne s’agit pas ici de salut, mais de rémunération du service. « La pareille te sera rendue en la résurrection des justes. »
Remarquez ici que le Seigneur présente les justes comme une classe particulière de personnes. La résurrection n’est pas une résurrection commune à tous : l’Écriture n’en connaît pas de pareille ; elle ne confond pas, dans un autre monde, ce que Dieu a séparé dans ce monde-ci. La grâce a séparé le croyant, en sorte qu’il est maintenant ressuscité dans son âme ; mais le fidèle ne reçoit pas sa récompense de serviteur avant « la résurrection des justes ». Un pécheur est vivifié ici-bas, quoique non manifesté judiciairement, parce que nous sommes dans une dispensation de foi et que notre part est dans la gloire.
Il n’y a pas, je le répète, de résurrection générale pour les justes et les méchants indistinctement ; mais il y a « la première résurrection » dans laquelle Dieu sépare en puissance ceux qu’en grâce il a fait siens. C’est « la résurrection d’entre les morts » qui excitait tant d’étonnement au milieu des Juifs. Les pharisiens pouvaient enseigner la résurrection, quoique les sadducéens la niassent ; on croyait généralement à une résurrection ; Marthe nous le dit : « Je sais qu’il ressuscitera en la résurrection, au dernier jour ». Mais les Juifs ne pouvaient pas comprendre la puissance divine entrant dans la maison de Satan et retirant les justes morts d’entre tous les autres morts. Jésus répond à Marthe : « Moi, je suis la résurrection et la vie », — parlant de la puissance vivante qui visite un homme quand il est dans un état de mort et qu’elle l’en fait sortir. Les Juifs ignoraient entièrement la séparation qu’opérait la résurrection des uns pour la vie et la résurrection des autres pour le jugement (Jean 5:28, 29 ; comp. Apoc. 20).
Le maître de la maison manifestera son approbation du fidèle serviteur. Il y aura des degrés de gloire donnés selon le service accompli par chacun : non pas que personne soit jamais sauvé pour ce qu’il a fait, mais le service de chacun sera rémunéré, quel que soit le fruit que le Saint Esprit, opérant en moi, aura produit en réponse au désir de Christ, car c’est un service dont je ne pourrais accomplir un seul atome sans sa puissance. Dans ce grand fait se trouve également la réponse de Dieu selon ses conseils, comme nous l’apprennent les paroles du Seigneur à la mère des fils de Zébédée : « Vous boirez bien ma coupe ; mais de s’asseoir à ma droite et à ma gauche, n’est pas à moi pour le donner, sinon à ceux pour lesquels cela est préparé par mon Père » (Matt. 20:23). Le service de l’amour n’est jamais influencé par la récompense. Elle n’est pas placée devant l’âme comme motif pour faire quoi que ce soit : mais quand nous rencontrons des difficultés dans le chemin du service, la couronne est placée devant nous pour nous encourager à persévérer. Il en a été ainsi pour Christ lui-même qui, à cause de la joie qui lui était proposée, « a enduré la croix, ayant méprisé la honte » (Héb. 12:2). De même pour Moïse : il estima l’opprobre de Christ un plus grand trésor que les richesses de l’Égypte, car il avait égard à la rémunération (Héb. 11:26). Si la récompense, non l’amour, était la source de notre service, cela ne nous attirerait-il pas avec raison cette réponse : Prends ton argent et t’en va ? Mais quand on a rompu avec le monde, on ne peut attendre aucune récompense de ce côté-là, et c’est une aussi grande délivrance que celle qui affranchit du « moi ».
Voyez maintenant comment la grâce, quand elle est introduite, est rejetée. Le souper était prêt ; les conviés étaient invités, mais ils ne veulent pas venir. Le Seigneur avait parlé auparavant du royaume, et il montre ici ce que coûterait la réception du royaume. Tout est prêt maintenant ; — mais les hommes s’excusent. Ils ne se soucient pas assez du souper pour laisser leurs boeufs, leur champ, etc. Le souper était dans les pensées de Dieu depuis le commencement, et il devait avoir lieu quand l’Éternel vint chez les Juifs comme leur Messie, à la fin de leur histoire ; mais ils le rejetèrent, parce qu’ils ne se souciaient pas de Lui. Ce n’étaient pas leurs péchés qui les excluaient du souper, car Dieu était en Christ réconciliant le monde avec Lui-même, ne leur imputant pas leurs péchés. Ce n’était pas non plus que le champ, les boeufs, la femme fussent en eux-mêmes un mal ; mais ils le devenaient pour ceux qui étaient attachés à ces choses de manière à leur faire mépriser le souper. N’en est-il pas exactement de même maintenant ? Quel mal y a-t-il à ces choses, direz-vous ? Si elles ont occupé votre coeur et vous ont fait mépriser Dieu, — voilà le mal ! Il n’y avait pas un seul lien de coeur entre Christ et le peuple qu’il était venu visiter, et c’est pourquoi ils rejetèrent le souper. C’est là aussi une pierre de touche constante pour nos ames. Il ne s’agit pas seulement de savoir si une chose est bonne ou mauvaise, mais quelle saveur les choses de Christ ont pour nos coeurs quand nous jouissons de tel ou tel objet. Il s’agit peut-être de quelque chose de très petit. Si nous trouvons que la lecture d’un livre rend la manifestation de Christ moins précieuse pour nous, nous nous sommes écartés de Dieu et nous ne pouvons pas dire où le pas suivant nous conduira. Satan nous séduit souvent de cette manière. L’âme est mise à l’épreuve chaque jour, afin qu’il soit manifesté si les choses qui sont révélées par Dieu en Christ ont assez de pouvoir sur nous pour engager nos coeurs ; mais si d’autres objets se sont placés entre nous et les choses de Christ, quand nous aurons besoin de la jouissance de celles-ci, nous ne l’aurons pas, et il deviendra ainsi évident combien nous nous sommes écartés de Dieu. Quand un objet, quel qu’il soit, vient prendre place dans votre âme et vous ôte la fraîcheur de Christ, prenez garde ! Car si boeufs ou champs, ou femme, préoccupent vos coeurs, lorsque vous auriez l’occasion de jouir des choses de Christ, vous ne pourrez goûter celles-ci.
Au verset 21, le Seigneur s’adresse aux « pauvres du troupeau », à ceux qui n’ont pas de couple de boeufs et qui se réjouissent de la fête. Les sacrificateurs et les chefs des Juifs ont reçu la première invitation, mais ils l’ont rejetée ; alors le Maître de la maison envoie dans les rues et dans les ruelles pour amener les pauvres, les estropiés, les boiteux et les aveugles du peuple ; mais la maison n’est pas encore remplie. Le Maître envoie donc hors de la ville, dans les chemins, le long des haies, et il contraint les gens d’entrer, afin que la maison soit remplie : c’est des gentils qu’il est question ici. Luc, dans son évangile, distingue « les pauvres du troupeau » d’avec les gentils, tandis que Matthieu, dont le point de vue est juif, ne fait pas mention des deux classes comme étant distinctes. La salle des noces « remplie de gens qui étaient à table » (Matt. 22:10), comprend les gentils, introduits après que les Juifs ont été amenés à la bénédiction.
Remarquez aussi l’humilité du serviteur et la patiente grâce du Maître qui va jusqu’au bout ; il ne peut se reposer avant que la maison soit remplie. Quelle persévérance de la part de Dieu ! Nous sommes appelés à poursuivre notre course dans le même esprit. Il en coûte beaucoup de persévérer toujours en dépit de tous et de tout ; faire ainsi atteste la présence de la puissance divine en nous, car la grâce de Dieu est infatigable. À côté de cela, sans doute, nous trouvons le jugement, car il est dit : « Aucun de ces hommes qui ont été conviés ne goûtera de mon souper » ; mais le fait que Dieu agit ainsi nous montre quelle humilité nous devrions avoir, pour ce qui nous concerne, et quelle grâce envers les autres, quels qu’ils soient, et combien tout doit reposer sur ce grand et unique fait que toutes les relations de l’homme avec Dieu sont momentanément brisées, et que si vous entreprenez réellement de suivre Christ dans un chemin comme celui-là, vous devez calculer la dépense. C’est très bien de voir cette grâce et de l’admirer, mais il n’y a aucune puissance pour y persévérer si le coeur n’est rempli de l’amour que donne l’établissement d’une nouvelle relation avec Dieu. Il faut qu’il y ait un lien de coeur avec la chose nouvelle, et que Christ ait assez de puissance dans nos coeurs pour nous donner le pouvoir de rompre avec les choses anciennes.
De grandes foules sont attirées à l’ouïe d’une pareille grâce, et Jésus leur dit ce qu’implique la position de disciple. Peut-être y a-t-il ici une allusion à Michée 7:5, 6 ? Il faut pour Christ faire le sacrifice de ses amis, de tout, peut-être ; car la question est : Abandonnerai-je Dieu ? Mais comment ? Vous dites qu’il faut tout abandonner, la vie même ? — Oui, tout ; car dans cette vie vous êtes associés avec le monde, et il faut que vous renonciez au monde aussi, si « Moi » je suis en question. Vous ne pouvez avoir deux coeurs, un coeur pour le monde, et un coeur pour moi, dit le Seigneur
Je tremble quand je vois des personnes qui n’ont pas calculé la dépense, se mettre en route, professant de suivre Christ. Il est selon les voies de Dieu de placer la barrière là où l’on entre dans le chemin. Si vous pouvez franchir la barrière, vous pourrez le suivre. L’obéissance légale ne tiendra pas ; ce qu’il faut, c’est de suivre Christ. Si Lui est là, le chemin est heureux et facile, mais il est enserré de haies. Si Christ n’y est pas avec vous, vous n’aurez que trouble et difficulté.
Le « sel », c’est la grâce en énergie spirituelle, les saints étant les témoins, dans le monde, de la puissance de l’amour sanctifié au lieu qu’ils le soient de l’égoïsme. Le sel est le principe consacrant de la grâce ; quand le sel a perdu sa saveur, avec quoi salera-t-on ? Le sel est la grâce envisagée comme la sainte séparation pour Dieu plutôt que sous les traits de la bonté et de la débonnaireté, quoique assurément ces traits soient aussi inséparables de la grâce. « Si le sel... a perdu sa saveur, avec quoi l’assaisonnera-t-on ? » Si j’ai de la viande sans sel, je peux la saler ; mais si le sel n’a pas de saveur, que ferai-je ? Quelle image nous avons ici d’une église non spirituelle et d’un saint non spirituel ! Ils sont semblables à la vigne qui représentait Israël et qui n’a été bonne que pour déshonorer le Seigneur, son possesseur, et pour être détruite. La miséricorde, il est vrai, peut nous relever, mais comme saints nous devrions avoir la saveur de Christ. Tout ce qui affaiblit l’attachement du coeur à Christ détruit la puissance. Ce n’est pas le péché grossier attirant sur lui la discipline et le jugement qui a cet effet ; mais ce sont les petites choses de la vie de chaque jour que nous sommes portés à placer avant Christ. Quand le monde se glisse dans le coeur, le sel a perdu sa saveur, et nous montrons qu’un Christ rejeté a peu de puissance à nos yeux.
Que le Seigneur nous garde avec Christ dans un chemin où tout est lumière et bénédiction. Si nous avons laissé le voile trompeur de ce monde se placer devant notre vue spirituelle et cacher Christ à nos yeux, Christ seul peut lever le voile et nous rendre la vue.
Nous avons vu le Seigneur mettre en évidence sa propre réjection, suivie, en grâce, d’un ordre de choses absolument nouveau. L’Église introduite plus tard n’est pas un « siècle » proprement dit, mais un épisode céleste entre deux « siècles ». L’Écriture nous parle de trois « siècles » : le siècle qui a précédé la loi, celui de la loi, et celui du millenium. Christ naquit sous la loi ; et ce siècle n’a pas encore pris fin. Les disciples demandaient : « Quel sera le signe de ta venue et de la consommation du siècle ? » (Matt. 24:3). Le siècle dont ils parlaient était celui où Christ était présent sur la terre ; mais Christ fut rejeté et le siècle fut interrompu ; c’est pourquoi, s’adressant avec force à ses disciples, il leur commanda de ne dire à personne qu’il fût le Christ, disant : « Il faut que le Fils de l’homme souffre beaucoup, et qu’il soit rejeté » (Luc 9:21, 22). Et plus tard, il dit : « Vous ne me verrez point jusqu’à ce qu’il arrive que vous disiez : Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur » (Luc 13:35). Nous chrétiens, qui faisons partie de l’Église de Dieu, et qui n’avons proprement rien à faire avec la terre, nous ne sommes en aucun sens un « siècle », mais nous sommes un peuple céleste uni à Christ glorifié pendant l’interruption du siècle, et nous remplissons l’espace de temps qui sépare le moment où le Seigneur a abandonné les Juifs de celui où il reviendra à eux. L’olivier de Romains 11 a quelques-unes de ses branches coupées, et d’autres ont été greffées sur lui : c’est un arbre qui a sa racine dans la terre, et qui, par conséquent, ne peut rien avoir à faire directement avec l’Église dans le ciel. Quelques-unes de ses branches ont été coupées, et quelques-unes ont été laissées ; mais, on ne pourrait jamais parler ainsi de l’Église, le corps uni à la Tête qui est Christ à la droite de Dieu. L’Église, sans doute, occupe une certaine position et remplit un certain espace de temps, mais elle les occupe pendant la suspension du siècle auquel Christ vint. Notre caractère est d’appartenir à ce qui est au-dessus et au-delà de tout ce qui appartient à ce monde : la grâce nous a placés là, et la grâce n’est pas d’ici-bas, mais du ciel.
Au chapitre 15, le Seigneur s’élève complètement au-dessus de la dispensation juive, pour manifester pleinement la nature de Dieu (qui est amour) dans l’Évangile. À la fin du chapitre 14, il s’était occupé du système professant et de sa responsabilité : « Le sel... est bon » ; mais si le sel est devenu insipide, il n’est plus bon à rien, montrant ainsi ce que l’homme est. Au chapitre 15, les publicains et les pécheurs viennent, et nous trouvons la manifestation de ce que Dieu est : Dieu s’occupe de l’homme perdu, en grâce. C’étaient des pécheurs, qui confessaient leurs péchés, venaient à la repentance, et justifiaient Dieu : « La sagesse a été justifiée par tous ses enfants ». Dieu est justifié dans ses voies, soit par la condamnation, soit par le salut d’un pécheur. Les publicains et les pécheurs justifiaient Dieu, étant baptisés par Jean, tandis que les pharisiens rejetaient contre eux-mêmes le conseil de Dieu. Tout ce qu’il fallait pour que Dieu fût justifié, c’est qu’il se montrât Lui-même ; et c’est là ce que le Seigneur fait maintenant : il manifeste ce que Dieu est en grâce, donnant ainsi à ce chapitre une fraîcheur et une plénitude toujours nouvelles pour nos âmes, car le coeur qui a été réveillé y est toujours ramené.
Au chapitre 16, Christ montre la responsabilité de ceux dont Dieu s’occupe ainsi. La terre a été donnée aux enfants des hommes, et Dieu en attendait du fruit : il s’est occupé de l’homme d’abord au point de vue de ce qu’il aurait dû être sur la terre ; mais l’homme a failli entièrement. Alors Dieu fait autre chose : il manifeste la grâce parfaite, une grâce entièrement indépendante de ce qu’est l’homme, et revêtant un caractère absolument céleste. L’amour divin en est la source : révélant le ciel, elle met l’homme en rapport avec le ciel ; et ceux qu’elle visite doivent être un peuple céleste. Pourquoi ? — Parce que ce monde s’est entièrement détourné et éloigné de Dieu et qu’il est devenu le « pays éloigné ». Ses richesses n’ont donc aucune valeur ; elles sont au contraire un grand empêchement, à moins qu’on n’en use d’une manière céleste, telle que le chapitre 16 nous l’enseigne. Le chapitre 15 nous montre le pécheur appelé par la grâce ; le 16° nous apprend ce que celui qui est appelé doit être comme homme céleste. Ce monde est une scène de péché ; ce qui s’y rattache est la misère, et non la bénédiction (voyez l’histoire de l’homme riche et de Lazare). Adam avait une place dans ce monde, Israël de même ; mais tout cela a pris fin, et la grâce est venue, introduisant ceux qui en sont les objets dans un état de choses entièrement nouveau. Christ justifie Dieu. Dieu étant amour, c’est sa joie de manifester la grâce aux pécheurs. Il ne s’agit pas ici de la joie de ceux que Dieu ramène, mais de la joie de Dieu en ramenant le pécheur à Lui. Cette joie de la grâce donne au ciel son caractère : c’est là que « il y a de la joie » au sujet du pauvre pécheur ramené.
Je ne doute pas que le Seigneur ne nous donne dans les trois paraboles du chapitre 15 le développement des voies de la Trinité. Dans la première, le Fils nous est présenté comme le bon Berger s’en allant après la brebis perdue. Dans la seconde, sous la figure de la femme qui allume sa lampe et qui cherche diligemment sa drachme, Dieu nous présente l’activité du Saint Esprit et la peine qu’il prend pour faire briller un témoignage au milieu de ce monde de ténèbres. La troisième nous apprend comment le Père reçoit le pécheur repentant quand celui-ci est ramené. Dans cette dernière, nous pouvons voir l’oeuvre de Dieu dans le pécheur ; dans les deux précédentes, il s’agit de la souveraineté et de l’activité de la grâce qui va, dans l’amour, chercher ce qui était perdu, et ramène le pécheur sans que celui-ci ait aucune part à cette oeuvre. L’énergie persévérante de l’amour se trouve dans le Berger lui-même ; le bon Berger est en souci de sa brebis et ne lui laisse rien à faire pour trouver le chemin de la maison, car il la prend sur ses propres épaules. La parfaite grâce du Seigneur Jésus apparaît en ceci, cette grâce dans laquelle il s’est ainsi chargé du fardeau de chacun de nous, de nos tentations et de nos difficultés, tout le long du chemin : Christ est le berger et le surveillant de nos âmes (1 Pierre 2). — Remarquez, au verset 6, le caractère particulier de cette joie du Berger qui a trouvé sa brebis perdue : « Et, étant de retour à la maison, il appelle les amis et les voisins, leur disant : Réjouissez-vous avec moi, car j’ai trouvé ma brebis perdue ». Où trouver un tableau plus vrai, et une expression plus débordante de la joie d’une personne heureuse ? La joie déborde toujours.
Dans la seconde parabole, nous retrouvons le même principe général. La peine que prend le Saint Esprit en cherchant les pécheurs dans le monde, nous est représentée par les soins que prend la femme qui est à la recherche de sa drachme : celle-ci ne pouvait avoir elle-même ni trouble ni joie. La différence entre cette seconde parabole et la première est celle-ci, que dans la première, le Berger porte tout le fardeau, tandis que dans la seconde, la peine que prend la femme pour trouver la drachme perdue montre tout l’intérêt qu’elle portait à sa drachme. C’est ainsi que l’amour de Dieu agit envers nous, dans le but de nous tirer de ce monde de ténèbres et de nous amener à Lui. Quelle oeuvre que celle de ramener le coeur de l’homme à Dieu ! Si tirer le monde du néant par une parole a été quelque chose de grand, le racheter a été quelque chose de bien plus grand !
L’homme tel qu’il est ne pouvait jamais revenir à Dieu. Mais voyez ce que Dieu est en Lui-même ; y a-t-il quelqu’un ou quoi que ce soit qui puisse résister à sa grâce ? — Quoi qu’il en soit, il s’agit de la joie de celui qui trouve, et non pas de la joie de celui qui est trouvé : « Réjouissez-vous avec moi », car j’ai trouvé « ma brebis » — ma drachme — qui était perdue. — Et quant au fils prodigue qui retourne vers son père, qui donc fit le festin ? Etait-ce le jeune homme ? — ou bien était-ce le père qui dit à ses esclaves : « Mangeons et faisons bonne chère ; car mon fils que voici était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé » ? Tous les gens de la maison partagent la joie du coeur du Père, tous excepté le malheureux frère aîné, l’homme à propre justice (le pharisien, le Juif), auquel le Père répond : « Il fallait faire bonne chère et se réjouir ; car celui-ci, ton frère, était mort, et il est revenu à la vie ; il était perdu, et il est retrouvé ». C’est donc la joie que Dieu éprouve à recevoir à Lui un pécheur qui se retourne vers Lui.
L’histoire du fils prodigue à elle seule ne manifeste pas toute la gloire de la grâce, comme elle apparaît dans la réunion des trois parties de ce merveilleux chapitre. Dans la première parabole, je le répète, le Berger se charge de tout le fardeau de la brebis ; la femme cherchant sa drachme nous représente la patiente et diligente activité du Saint Esprit. Avant que le prodigue quittât effectivement la maison paternelle, il s’était déjà moralement éloigné, et son départ ne fut que la manifestation du péché qui était dans son coeur. Il était tout aussi coupable quand il demandait la part de bien qui lui revenait et franchissait le seuil de la maison de son père, que lorsqu’il mangeait des gousses avec les pourceaux dans le pays éloigné : il y était sans doute plus misérable, mais son coeur s’était déjà éloigné auparavant. Un homme peut aller plus avant qu’un autre dans la voie du péché ; mais si nous avons tourné le dos à Dieu, nous sommes entièrement mauvais et corrompus. Dans ce sens, « il n’y a pas de différence ».
Ève nous présente le même mal moral : elle abandonne Dieu pour le fruit d’un arbre ; elle pense en réalité que le diable est un bien meilleur ami pour elle que Dieu, et elle croit sa parole au lieu de tenir ferme celle de Dieu. Satan est menteur dès le commencement ; le Seigneur Jésus le démontre à la croix. Il en coûta au Seigneur sa vie pour établir que Dieu était bon. Christ vint pour contredire le mensonge du diable cru par l’homme, et sous lequel gît le monde entier. La grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ ; au prix même de sa vie, elles furent établies à la croix par Lui. L’homme ne peut se passer de Dieu ; depuis le commencement, le monde entier a été un mensonge public contre Dieu. Qui pouvait le démasquer ? Voyez la créature, comme elle est en travail et soupire sous la servitude de la corruption. Voyez la providence ; si Dieu est bon, dites-moi comment il se fait qu’un enfant se tord dans la douleur ? Comment concilier ces deux choses : le méchant prospère, l’homme juste souffre ? Mais quand je vois Christ sur la croix, j’apprends ce que Dieu est ! La mort devient le partage de l’homme à cause du péché mais Christ sans péché prend mon péché sur Lui il s’abaisse jusqu’à la mort de la croix, et détruit ainsi le mensonge de Satan qui avait dit : « Vous ne mourrez point certainement » (Gen. 3). Ainsi, la vérité de Dieu fut rétablie ici-bas dans l’oeuvre et la personne du Seigneur Jésus, et nulle autre part. En Lui, nous voyons la sainteté, la vérité et l’amour, — quoi qu’il dût lui en coûter.
L’homme naturel est exactement comme le fils prodigue : il dissipe son bien dans le pays éloigné et s’y ruine. Un homme qui a 5000 fr. de rente et qui en dépense 20000, peut paraître pour un temps fort riche, mais quelle est sa fin ? C’est un homme ruiné. — Du moment que l’homme s’éloigna de Dieu, il se vendit à Satan ; il dépense maintenant son âme et son coeur loin de Dieu ; il dépense même ce que Dieu lui a donné contre Dieu ; quand il a tout dissipé et n’a plus rien pour vivre, il commence à être dans le besoin. « Et... une grande famine survint dans ce pays-là » : tout le monde est sensible à un pareil état de choses. Tous les pécheurs ne s’enfoncent pas au même degré dans cette misère qui désirait se nourrir des gousses que les pourceaux mangeaient ; mais ils sont tous dans le même état de ruine. Tout homme a tourné le dos à Dieu, quoique tous n’aient pas poussé leurs excès au même point et qu’ils ne soient pas tombés dans la même dégradation.
La famine ne fait jamais retourner à la maison du Père. Le prodigue se joignit à l’un des habitants de ce pays-là, non pas à un habitant du pays de son père. « Il désirait de remplir son ventre des gousses que les pourceaux mangeaient ; et personne ne lui donnait rien. » Satan ne donne jamais ; on ne donne que là où se trouve l’amour de Dieu, qui n’épargna pas son propre Fils.
Quand le fils prodigue pense à la maison de son père, toute l’oeuvre est déjà moralement faite, quoiqu’il n’y soit pas encore retourné. Il revient à lui-même : son coeur est changé ; et ainsi tout le désir de son âme est de rentrer dans la maison de son père qu’il avait abandonnée. Il n’est pas encore arrivé à la pleine liberté de la grâce, de manière à être en paix et heureux ; il se dit à lui-même : « Je me lèverai et je m’en irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché... traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Il est amené au sentiment de son péché, et qu’était-ce que son péché ? De manger les gousses des pourceaux ? Non, cette misère était le fruit de son péché ; ce dont il était coupable, c’était d’avoir abandonné la maison de son père, de s’être détourné de Dieu. Revenu à lui-même, il désira retourner chez son père, et c’était assurément un désir juste et bon ; mais la forme que ce désir prenait dans son esprit, par le fait qu’il ne connaissait pas encore la grâce, était légale : « Je ne suis plus digne d’être appelé ton fils ; traite-moi comme l’un de tes mercenaires ». Mais le père ne le laisse pas achever ; quand il paraît, il n’est plus question de mercenaires ; car « comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et, courant à lui, se jeta à son cou et le couvrit de baisers ». Il n’eût pas pu être un mercenaire avec les bras de son père autour de son cou : les sentiments du père, sinon ceux du fils, en eussent été dénaturés. C’était la joie du Père de recevoir ainsi le pécheur, et seule la connaissance de cela apporte la paix dans l’âme. Si quelqu’un ne connaît pas l’amour, il ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour (1 Jean 4:7 et suiv.). La pleine révélation de Dieu nous est donnée en Christ : « Je suis depuis si longtemps avec vous, et tu ne m’as pas connu ? » Dieu agit selon la joie et la satisfaction qu’il éprouve en lui-même, à recevoir le pécheur ; c’est pourquoi il ne pense pas aux haillons, mais au fils qu’il a retrouvé. Quel droit le pécheur a-t-il de douter de Dieu quand Dieu satisfait son propre coeur en laissant déborder son amour envers lui ?
Vous ne trouverez jamais la paix par le simple fait de retourner en arrière ; mais en apprenant à connaître la pensée du Père à votre égard. Le fils prodigue aurait-il pu trouver la paix quand il montait vers son père, si celui-ci n’était pas venu à sa rencontre ? Non. Tout le long du chemin il se serait demandé : Comment me recevra-t-il ? Sera-t-il irrité contre moi ? Me repoussera-t-il ? Et s’il le fait, que deviendrai-je ? « Et comme il était encore loin, son père le vit et fut ému de compassion, et, courant à lui, se jeta à son cou et le couvrit de baisers. » S’il n’en eût pas été ainsi, le fils prodigue eût tremblé même en heurtant à la porte. Quand les bras du père entouraient le fils, le père était-il souillé par ses haillons ? Non, seulement il ne veut pas que le fils apporte des haillons dans la maison, mais il en fait apporter la plus belle robe. Dieu envoie son propre Fils du ciel et revêt le pécheur ; et ainsi vêtu, le jeune homme pouvait faire honneur à la maison de son père. Si nous sommes ainsi revêtus de Christ, nous ferons honneur à Dieu, et dans les siècles à venir il montrera les immenses richesses de sa grâce dans sa bonté envers nous en Jésus Christ (Éph. 2:7).
« Et mangeons et faisons bonne chère. » Le père ne dit pas : Qu’il mange et qu’il se réjouisse ! — Et il redit encore une fois : « Il fallait faire bonne chère et se réjouir... »
Il n’y avait qu’une exception à la joie de la maison. Le frère aîné, l’homme à propre justice, était irrité, et ne voulait pas entrer. Dieu avait montré ce qu’Il était en lui-même, par son Fils, en recevant ainsi le prodigue ; maintenant il montre ce que les hommes à propre justice étaient en eux-mêmes. Les pharisiens, nous le savons, murmuraient depuis le commencement ; le frère aîné n’avait aucune communion de pensées avec le père ; car si le père était heureux, pourquoi n’était-il pas heureux, lui ? Il était en colère et ne voulait pas entrer. Si un être aussi vil que ce publicain peut entrer, toute ma justice, pensait-il, est anéantie. Cela est vrai ; car là où est la joie de Dieu, la propre justice ne peut entrer. Si Dieu est bon envers le pécheur, de quel profit est ma justice ? Le frère aîné n’avait point de sympathie avec son père. Il n’aurait pas dû dire : Mon père est joyeux, je dois être joyeux ; il aurait dû être en communion avec sa joie. « Ton frère est venu » : voilà ce qui aurait dû faire vibrer son coeur, mais non, il est étranger à un tel sentiment.
La parfaite patience de la grâce de Dieu apparaît ici : le père sort et le prie. N’est-ce pas ce que nous voyons tout le long du livre des Actes ; Dieu suppliant les Juifs d’être réconciliés, bien qu’ils eussent crucifié son Fils ? De même Paul (1 Thess. 2:15, 16) dit que les Juifs ont comblé la mesure de leurs péchés en défendant aux apôtres de parler aux nations, afin qu’elles fussent sauvées. Tout est égoïsme dans le fils aîné : « Tu ne m’as jamais donné un chevreau pour faire bonne chère avec mes amis ». À quoi le père répond : « Mon enfant, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ». Les oracles de Dieu, les alliances, les promesses, ont été données aux Juifs ; mais Dieu ne veut pas, à cause de l’égoïsme et de la propre justice des Juifs ou de qui que ce soit, renoncer à son droit de montrer sa grâce à des pécheurs.
« Il y avait un homme riche qui avait un économe ; et celui-ci fut accusé devant lui comme dissipant ses biens. » L’homme, d’une manière générale, est l’économe de Dieu ; et, en un autre sens et d’une autre manière, Israël était cet économe, placé dans la vigne de Dieu, avec la loi, les promesses, les alliances, le service divin, etc. En toutes choses, Israël a dissipé les biens de Dieu, et l’homme, envisagé comme économe, a été trouvé entièrement infidèle. Que faire donc ? Dieu paraît, et dans la souveraineté de sa grâce, il convertit ce dont l’homme a abusé sur la terre en un moyen de produire du fruit céleste. Les choses de ce monde étant entre les mains de l’homme, il ne doit pas en user pour jouir actuellement d’un monde entièrement étranger à Dieu, mais en vue de l’avenir. Nous n’avons pas à rechercher ces choses maintenant, mais à en user comme provision pour d’autres temps : « Faites-vous des amis avec les richesses injustes... » Il vaut mieux se faire à tout prix un ami pour d’autres jours, que d’avoir des richesses maintenant. Le crédit de l’ » homme est détruit ; c’est pourquoi l’homme est maintenant un économe qui a perdu sa place : « Rends compte de ton administration ; car tu ne pourras plus administrer ». Il est renvoyé de son administration ; il a perdu sa place, mais non pas les choses dont il avait l’administration. Il y a ici quelque chose de meilleur que l’alchimie qui voudrait tout changer en or ; nous voyons la grâce tournant l’or lui-même, cette chose vile qui asservit les coeurs des hommes, en un moyen de manifester l’amour et d’acquérir des richesses pour le ciel.
À Israël, Dieu dit : Tu as failli dans ta charge d’économe, c’est pourquoi je vais te mettre dehors. Au chapitre 15, le frère aîné — le Juif — ne voulait pas entrer ; au chapitre 16, Dieu lui ôte son administration et le met dehors. Pour Adam tout est perdu ; mais nous avons en grâce un droit d’user d’une manière céleste de ce à quoi nous n’avons, comme hommes, aucun droit quelconque. « Si donc vous n’avez pas été fidèles dans les richesses injustes, qui vous confiera les vraies ? » Nos vrais biens sont les choses célestes ; les choses d’ici-bas sont à un autre ; et si vous n’usez pas de votre droit en grâce pour employer en amour ces choses terrestres et temporelles qui ne sont pas vôtres, comment Dieu vous confierait-il les choses spirituelles qui sont vôtres ? Ce qui est nôtre, ce sont toutes les gloires de Christ ; tout ce qui est à Christ est à nous, car nous n’avons pas été rachetés par des choses corruptibles, argent ou or... Nous avons été rachetés à prix, non avec de l’argent, mais « par le sang précieux de Christ ». Dieu ne nous a pas donné la vie éternelle pour que nous acquérions des richesses. « Nul serviteur ne peut servir deux maîtres », et si vous voulez devenir riches, vous ne pouvez chercher à servir Dieu. Nous avons à faire notre devoir ici-bas, mais ce n’est jamais notre devoir de servir Mammon et de désirer la richesse.
Maintenant le Seigneur, poursuivant son discours, montre qu’il y a ces « tabernacles éternels », où les grands résultats de ce qui a été fait ici-bas apparaîtront. La chose vieille s’évanouit, la nouvelle apparaît : le Juif qui refuse de venir à la fête, perd la loi, en rejetant la grâce (voyez chap. 15:18, 19).
« Il y avait un homme riche qui se vêtait de pourpre... » La pensée est juive ici, et le grand principe dont il s’agit, c’est que toutes les voies de Dieu, quant à la justice distributive sur la terre, étaient interrompues, et que Dieu n’agissait maintenant qu’en grâce. Le Seigneur soulève le voile pour montrer le résultat dans un autre monde. L’homme riche avait ses biens ici-bas ; il appartenait à la terre ; la corbeille et le grenier étaient à lui ; son trésor était sur la terre et son coeur y était aussi. Mais jetez un regard dans l’autre monde et voyez le résultat les « tourments ! » Les biens ont changé de mains « Le riche... mourut, et fut enseveli. Et, en hadès, levant ses yeux, comme il était dans les tourments ... » « Et il y avait un pauvre, nommé Lazare, couché à sa porte, tout couvert d’ulcères... Et il arriva que le pauvre mourut... » Fut-il enseveli ? La Parole n’en dit rien, car il n’appartenait pas à la terre : « Il fut porté par les anges dans le sein d’Abraham ». Celui qui avait « ses maux » ici-bas, fut porté à la meilleure place dans le ciel. Remarquez bien que ce n’étaient pas les afflictions, les ulcères de Lazare qui le rendaient juste, pas plus que les richesses de l’homme riche ne le rendaient injuste. Dieu en ayant fini avec les choses terrestres, aucune circonstance terrestre n’est un signe de la faveur présente de Dieu ou de la défaveur, quoique certainement les voies de Dieu à l’égard de Lazare, aient été le moyen d’abaisser son orgueil, de briser sa volonté, et de le préparer ainsi pour la place qu’il allait occuper.
« S’ils n’écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne seront pas persuadés non plus... » Le Seigneur met ici en évidence cette solennelle vérité que même la résurrection de Christ ne convaincrait pas le coeur incrédule d’Israël, car s’ils refusent d’écouter la parole de Dieu qu’ils possèdent, ils n’écouteront pas le témoignage de Dieu, même si quelqu’un ressuscitait d’entre les morts. Nous savons en effet qu’ils n’écoutèrent pas.
Ce chapitre 16 jette la lumière d’un autre monde sur les voies de Dieu dans celui-ci. Le monde tout entier a fait banqueroute devant Dieu, en sorte que l’homme trafique maintenant avec « ce qui est à autrui ». Ouand l’homme rejeta Christ, Dieu lui ôta son administration. L’homme en est là. Nous devrions, par conséquent, user maintenant de tout en vue du monde à venir, puisque la grâce nous permet, comme nous le voyons dans ce chapitre, de nous servir des choses dont nous avons l’administration. Si nous Servons « Mammon », nous ne jouirons pas de la bénédiction accordée au service de Dieu, dans le sens mentionné ici, car il s’agit de justice rétributive, en un sens. Si vous n’êtes pas fidèle dans ce qui est à autrui, qui vous donnera ce qui est vôtre ? Si vous n’avez pas été fidèle dans les richesses injustes, qui vous confiera les vraies richesses ? Si vous aimez l’argent, vous ne pouvez avoir votre coeur rempli de Christ. Nous ne devons pas être « paresseux, quant à l’activité », mais « fervents en esprit ; servant le Seigneur » ; et en vue de cela, Dieu nous ouvre le ciel, non pas en nous disant comme à Abraham : « Dans le pays que je te montrerai » (Gen. 12:1) ; car il nous a montré le ciel et nous l’a ouvert en grâce. C’est la révélation de la grâce qui donne de la puissance sur les choses terrestres.
Que le Seigneur tienne devant nous un Christ vivant, en qui nous nous confions, comme notre lumière pour la marche et le salut.
Nous avons vu le grand principe de la grâce divine en contraste avec la propre justice, et l’économie juive, qui refusait son Messie, le Fils de Dieu, mise de côté pour ouvrir le chemin à la manifestation de la vie et de l’incorruptibilité par l’Évangile (2 Tim. 1). Or Jésus dit à ses disciples : « Il est impossible qu’il n’arrive pas des scandales ; mais malheur à celui par qui ils arrivent » (v. 1). Nous abordons ici le sujet de l’esprit du service, et de la manière de servir, maintenant que le monde à venir jette sa lumière sur la conduite et la foi des disciples dans ce monde, car on ne peut servir deux maîtres. Dieu accomplit une oeuvre, dans un petit enfant peut-être, mais une oeuvre qui est la sienne propre ; et puis il faut la foi individuelle pour marcher dans la voie d’un Christ rejeté. Au milieu de ceux qui professaient de le suivre, il y avait, hélas ! bien des scandales. Ce n’était pas alors, ni encore, le moment de l’exercice du pouvoir judiciaire du Fils de l’homme venant cueillir de son royaume tous les scandales et ceux qui pratiquent l’iniquité. La puissance de Satan est tolérée ; l’exercice de la foi est nécessaire. C’est un temps pour éprouver, par la prédominance du mal, ce qui demeure, parce que Dieu en est l’Auteur. Il faut prendre la croix et se renoncer soi-même : c’est une dure leçon, mais une leçon salutaire quand elle est apprise. La croix et la gloire sont toujours associées. La croix doit être la part de l’homme naturel, et non pas du péché seulement, de manière à briser la volonté. Christ n’avait point de volonté ; il était parfait ; mais nous avons besoin de la croix pratiquement comme moyen de communion, afin de briser ce qui est un obstacle en nous.
De plus, tout le système du monde est une occasion de chute : il n’y a pas une seule chose dans le monde qui ne soit pas calculée pour détourner de Dieu les coeurs. La moindre bagatelle, l’habillement, les étalages des magasins, la flatterie des hommes, celle des frères peut-être, tout tend à élever la chair. Quelle différence entre cela et le ciel s’ouvrant sur un Sauveur rejeté ! Et c’est cette lumière qui trace notre chemin à travers ce monde ; car maintenant les cieux sont ouverts à la foi, tandis que nous traversons cette terre pour aller à Celui que nous voyons dans la gloire. Il y a un courant actif et puissant de l’amour de Dieu qui pousse nos âmes en avant. Votre marche est-elle un témoignage ? Prenez garde que vous ne soyez une occasion de chute. Vous direz peut-être qu’il faut qu’une personne soit bien faible pour s’arrêter à telle ou telle chose, mais c’est précisément parce qu’elle est faible qu’elle a besoin de soins. Que le Seigneur nous donne de ne jamais être des obstacles, mais des aides aux faibles. Toutes ces choses sont la pierre d’achoppement de l’ennemi, et l’homme par qui elles arrivent est dans sa mesure un instrument de Satan. Le Seigneur aime les petits qui sont à Lui. Mieux vaudrait pour un homme qu’on lui mît une meule d’âne au cou et qu’il fût jeté dans la mer que de scandaliser un de ces petits.
Mais supposez que quelqu’un cherche à vous faire broncher, alors : « Prenez garde à vous-mêmes ». Votre part est de pardonner. Prenez garde à vous-mêmes, en vous jugeant vous-mêmes. Si ton frère pèche contre toi, reprends-le ; et s’il se repent, « pardonne-lui ». Comment ? S’il pèche « sept fois le jour » ? Oui, « si sept fois le jour... il retourne à toi, disant : Je me repens, tu lui pardonneras ». Veillez incessamment sur vous-mêmes et ayez soin que l’esprit d’amour (puissance de l’unité et lien de la perfection, comme Dieu le dit ailleurs) ne soit pas froissé, non plus que l’esprit de sainteté, pour que la paix ne soit pas une fausse paix. Bienheureux sentier ! Quelle condescendance pour notre faiblesse et pour le danger auquel nous sommes exposés, nous avons dans l’introduction de la grâce et dans le jugement moral des choses présentes qui sont l’aliment de la chair et le domaine du monde ! Puissions-nous veiller soigneusement sur nous-mêmes et être pleins de grâce envers les autres pour passer ainsi à travers tout, passant comme un bateau de sauvetage pardessus tous les brisants.
Dans une position comme celle-là, il faut de la foi et de l’énergie propre à la foi. Les apôtres, dirigés par Dieu, bien que ne voyant peut-être qu’une petite partie de la difficulté et avec un sens bien confus encore de cette nouvelle position, demandent au Seigneur de leur augmenter la foi. Jésus répond en leur présentant toute la plénitude de son énergie, car la foi réalise une puissance qui n’est pas dans la personne, et agit ainsi sans limites ; il en fait aussi l’application, bien qu’en termes généraux, au renversement des obstacles d’un système qui pouvait présenter la forme de ce qui était bon et grand, mais qui était sans fruit. Quelle que soit notre difficulté, nous pouvons recourir à Dieu. Il s’agit seulement de regarder simplement à Lui. « Toutes choses sont possibles à celui qui croit » ; car Dieu intervient pour accomplir sa volonté, et il a voulu l’accomplir par l’homme et pour se glorifier dans l’homme, après avoir été déshonoré par Satan dans et par l’homme ; mais Dieu le fait dans la foi, selon sa volonté, jusqu’à ce que le Seigneur Jésus revienne en puissance et en gloire. Dieu est à l’oeuvre, et si vous êtes ouvriers avec Lui, vous pouvez le croire et dire : Fais que ceci ou cela arrive. N’est-ce rien que d’avoir en main la puissance de Dieu ? Si vous savez ce que c’est que d’avoir Satan pour adversaire, vous sentirez le prix de l’intervention de la puissance de Dieu. Votre position et votre oeuvre peuvent être très humbles extérieurement, n’importe : vous avez besoin de la puissance de Dieu pour être petit. Ce que le Seigneur dit dans les versets 7-10 n’est pas applicable à un serviteur insouciant. Si le serviteur a négligé son travail, il est un esclave paresseux ; mais je suis un esclave inutile, quand j’ai fait tout ce que j’étais obligé de faire. Suis-je délaissé ? Non, Dieu m’éprouve ; il y a quelque chose en moi qui fait que j’ai besoin d’être éprouvé. Peut-être ai-je à apprendre ce que Dieu peut faire sans moi ? S’il se sert de moi, c’est un grand honneur ; s’il me met de côté parce que le « moi » s’enflait, c’est une grande miséricorde. Le Seigneur dit, si je puis m’exprimer ainsi : Sois satisfait de Moi ; sois content de savoir que Moi je t’aime. Etes-vous content de son amour ? Vous faut-il la gloire des hommes, ou la vôtre ? Souvenez-vous que quand vous aurez fait tout, c’est le moment de dire : « Je suis un serviteur inutile ! »
Le récit qui suit montre que lorsque Dieu introduit une nouvelle puissance, ceux qui possèdent les anciens privilèges sont les derniers à s’élever au-dessus d’eux pour entrer en possession de choses meilleures. Mais il y a une foi que Dieu produit dans le coeur, qui affranchit des formes établies autour de la volonté de Dieu pour la confirmer dans l’économie passée. Cette foi, reconnaissant Dieu en Jésus, conduit l’âme au-delà de la loi d’un commandement charnel et l’associe à Lui, qui est la puissance d’une vie impérissable. Elle nous occupe d’une personne qui est au-dessus de tout, nous établissant, non au déshonneur de la loi (« au contraire, nous établissons la loi », par la foi ; Rom. 3:31), mais dans la liberté, dans laquelle le Fils nous a placés en nous affranchissant. Les neuf lépreux s’en allèrent se montrer aux sacrificateurs, agissant d’après la parole de Jésus, et, dans une mesure, par la foi ; mais le Samaritain discernant la gloire de Dieu dans ce qui était arrivé, revint sur ses pas vers Jésus, et, glorifia Dieu à haute voix. Les autres reconnurent la puissance qui était intervenue, mais ils restèrent dans leurs habitudes et leurs associations religieuses.
Le Samaritain, moins préoccupé d’institutions extérieures, revint à la source de la puissance, non pas à ce qui en était l’ombre et le témoignage, à ce dont la nature use toujours pour tenir Dieu caché. Il avait expérimenté la puissance divine en Jésus, et au lieu de jouir simplement du don, il revint au Donateur, humblement, mais dans la liberté de la foi et comme il convenait à la foi : « Il se jeta sur sa face aux pieds de Jésus, lui rendant grâces ». Il n’avait pas besoin de sacrificateurs. Ceux-ci ne rendaient pas, ni ne pouvaient rendre net, mais avaient seulement à reconnaître et à déclarer l’homme net. Le péché avait placé les Juifs et le Samaritain au même niveau : l’un et l’autre étaient rejetés hors de la communion divine par la lèpre qui les affligeait. Mais Celui qui guérissait des lépreux sous la loi, était Celui qui avait donné la loi ; or la parole de Jésus reconnaissait la loi tout en manifestant l’Éternel qui l’avait donnée. La gratitude de la foi était un meilleur raisonneur que l’instruction de la loi, car la bénédiction apportée par l’oeuvre et la présence de Jésus était, pour les neuf lépreux, le moyen de maintenir la distinction juive ; pour le dixième, elle était l’évidence de la bonté divine, et par conséquent pour lui la complète délivrance. Il était par la foi arrivé en grâce à la source de laquelle la loi elle-même procédait, et le Seigneur le renvoyait en paix, guéri par la foi qui lui apportait la liberté de la part de Dieu et avec Dieu, faisant monter des actions de grâces à la gloire de Son nom, avec la conscience que ces actions de grâces Lui étaient agréables.
Combien de raisons l’on aurait pu avancer pour faire poursuivre à cet homme son chemin et l’empêcher de retourner à Jésus ? Les neuf auraient pu dire : Il t’a commandé de t’en aller et de te montrer au sacrificateur. Mais la foi va droit au coeur de Dieu, et y trouve toute grâce et une parole qui la renvoie dans la liberté de la grâce. Celui qui retourna vers Jésus net et le coeur plein de gratitude, abandonnait les sacrificateurs : en esprit et en figure, le Samaritain guéri avait passé, par la foi, dans un autre système, dans la grâce et la liberté de l’Évangile. Quelle bénédiction de se trouver ainsi à la source de la puissance et de la bonté ; c’est là seulement et nulle autre part que Dieu amène maintenant ceux qui croient. Si nous avons été auparavant sous la loi, nous sommes désormais morts à la loi par le corps du Christ, afin que nous appartenions à un autre, à Celui qui est ressuscité d’entre les morts. C’est de cette manière seulement que Dieu est glorifié, quoi que les hommes puissent avancer d’ailleurs en faveur de la loi. C’est ainsi seulement que nous pouvons nous réjouir en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, par lequel nous avons maintenant obtenu, non la loi, mais la réconciliation (Rom. 5:11). En Lui, que nous connaissons et dont nous jouissons ainsi, nous possédons tout, et plus que tous les prêtres ou sacrificateurs n’ont jamais imaginé ; nous avons communion avec le Père et avec le Fils, par la foi en Dieu pleinement révélé. Nous avons maintenant affaire avec Lui dans le ciel, non avec un temple et des sacrificateurs sur la terre. « Lève-toi, et t’en va » ; tu as trouvé la personne et la gloire du Seigneur ; tu es en delà des prêtres et du temple, ta foi a pénétré au-dedans du voile et a trouvé Celui qui est plus grand qu’eux. Les autres s’en allèrent leur chemin rendus nets pour être sous la loi : aveuglés par le judaïsme, ils ne revinrent pas sur leurs pas pour glorifier Dieu. Tout ceci, au point de notre évangile où nous sommes arrivés, est plein de signification. C’est un nouveau jour jeté sur le grand fait qui s’accomplissait : la loi passait avec la dispensation qui s’y rattachait.
Aux versets 20 et suivants, la question de la venue du royaume de Dieu est posée. Les pharisiens demandent quand viendrait le royaume, et le Seigneur les place sous leur responsabilité. « Le royaume de Dieu ne vient pas de manière à attirer l’attention ». « On ne dira pas : Voici, il est ici ; ou, voilà, il est là. Car voici, le royaume de Dieu est au milieu de vous. » Le roi leur parlait. N’eussent-ils pas dû l’avoir connu, puisqu’il était venu en grâce ? S’il s’était humilié pour connaître leurs afflictions et mourir pour leurs péchés, était-ce une raison pour qu’ils ne discernassent pas sa grandeur et sa perfection morale manifestées de tant de manières ? Son saint amour pour les pauvres, coupables pécheurs ne démontrait-il pas assez qui il était ? Si le coeur de l’homme n’eût pas été opposé à tout ce qui était la joie de Dieu dans le royaume, si ses yeux n’eussent pas été aveuglés pour tout ce qui était aimable et de bonne réputation, il eût senti que plus le Christ s’abaissait, plus ses oeuvres étaient merveilleuses,
À ses disciples, le Seigneur avait d’autres choses à dire. Il était rejeté et il allait les quitter. La souffrance les attendait. Quelque pénible que pût être maintenant leur position comme compagnons de sa réjection, le temps viendrait où ils désireraient en vain un de ces jours où ils avaient joui de la douce et précieuse société du Fils de l’homme. Comme Juifs dans le pays, ils sentiraient la différence ; Satan, dans le but de tenter et de tromper en ce jour-là, ferait annoncer aux hommes : « Voici, il est ici ; ou, voilà, il est là » ; mais les disciples sauraient que tout cela était mensonge. Il n’y avait point d’espoir pour la nation qui rejetait Christ. Le Roi était venu, mais on l’avait rejeté ; il n’était plus « ici » ou « là » ; car, en ce jour-là, le Fils de l’homme serait comme un éclair qui brille d’un des côtés jusqu’à l’autre côté du ciel. Mais, auparavant, il fallait qu’il souffrît beaucoup et qu’il fût rejeté par cette génération, c’est-à-dire par les Juifs incrédules.
Il est évident que, tandis que le Seigneur prend devant ses disciples ce nom de Fils de l’homme, qui révèle une relation plus élevée et plus étendue que celle du Messie, relation dont le lien était brisé et perdu par le crime de la nation qui l’avait rejeté, l’ensemble de l’instruction que nous trouvons ici est juif et aura son accomplissement proprement dit dans un résidu pieux aux derniers jours. La part chrétienne n’est pas mentionnée ici, car elle consiste en une association d’un genre céleste avec Christ ; on la trouve décrite, dans ses grands traits moraux tout au moins, au chapitre 12 de notre évangile. Ici, nous sommes sur le terrain de la responsabilité, non pas de la grâce céleste. Il faut distinguer la part de l’Église avec Christ d’avec le gouvernement du monde par Christ. Le caractère même de la séduction prédite aux disciples confirme la différence dont nous parlons ; car si les hommes disaient au chrétien : « Voici, Christ est ici », le chrétien saurait immédiatement que c’est une suggestion de Satan, parce que nous chrétiens, nous ne devons pas rencontrer Christ sur la terre, mais dans l’air (1 Thess. 4). Il en est autrement quand il s’agit du gouvernement du monde : l’espérance repose alors sur un terrain juif, et les témoins pour Dieu devront passer par une tribulation comme il n’y en eut jamais. Or, dans ce cas, à moins d’avoir été expressément avertis à cet égard, les fidèles regarderaient naturellement ici et là, cherchant le Libérateur, car dans ce caractère il posera ses pieds sur la montagne des Oliviers et viendra à Sion et sortira de Sion. « L’Éternel enverra de Sion la verge de ta force : Domine au milieu de tes ennemis ! » (Ps. 110:2).
Tout cela est bien différent de l’espérance du chrétien et du désir qui le remplit en attendant, car nous ne désirons pas voir nos ennemis détruits, mais convertis, et nous attendons d’être enlevés du milieu d’eux au-devant du Seigneur en l’air, pour être toujours avec le Seigneur, au lieu de l’attendre pour qu’il vienne à nous et nous bénisse sous son règne millénaire.
Remarquez aussi que Jésus ne parle pas ici du siège de Jérusalem, ni du jugement à venir des morts. La prise de Jérusalem par Titus n’a pas été comme l’éclair, mais une lutte longue, terrible et opiniâtre ; les Juifs alors, jusqu’au moment du coup final, n’étaient pas dans un état de bien-être et de sécurité charnelle, comptant sur la continuation des choses comme elles étaient, ainsi qu’il arriva aux jours de Noé et de Lot. Le premier trait mentionné ici, c’est la soudaineté du jugement ; — le suivant, c’est la certitude du jugement : ni l’un ni l’autre n’a caractérisé la prise de Jérusalem par les Romains. Au-dedans ou au-dehors, au repos ou au travail, hommes ou femmes, n’importe ; Dieu brûlera la balle et préservera le froment : l’un sera pris, l’autre laissé.
D’autre part, tout a ici un caractère local, terrestre, qui distingue cette scène de celle du grand Trône blanc du jugement (Apoc. 20:11-15), car il n’y a aucune ressemblance entre le jugement des morts et le déluge ou la destruction de Sodome. Il s’agit de la fin du siècle, non pas de la fin du monde ; puis d’un jugement sur le peuple terrestre et plus spécialement sur sa ville, car celui qui serait sur le toit ne devait pas rentrer dans la maison, ni celui qui était aux champs revenir en arrière. On ne peut appliquer aucun de ces avertissements aux morts, pas plus que le lit ou le moulin dont le Seigneur parle n’ont affaire avec eux. Le temps dont il est question ne sera pas un temps pour des motifs humains, des artifices ou des concessions (v. 33) ; la fidélité envers le Seigneur et son témoignage sera la vraie sagesse à salut. Le jour de la révélation du Fils de l’homme était en question, quand il jugerait les vivants, et spécialement la génération qui l’avait rejeté et avait fait de Lui un homme de douleurs. Si l’on demandait « Où sera-ce ? », la solennelle réponse pour la conscience était : Là où sera le corps mort, là tomberont les soudains et inévitables jugements de Dieu.
Nous avons vu, à partir du verset 20 du chapitre précédent, que le royaume de Dieu fut présenté, d’abord, dans la personne de Jésus comme question de foi et non de manifestation extérieure, ni de manière qu’on dit : « Voici, il est ici », ou : « Voici, il est là » ; et présenté ensuite, sous la forme du jugement qui délivrerait le résidu pieux par l’exécution de la vengeance divine contre ses ennemis.
Les huit premiers versets de notre chapitre complètent l’avertissement prophétique et montrent que la ressource des justes aux derniers jours sera la prière. Néanmoins, bien que la parabole ait son application spéciale à la future oppression des témoins de Dieu qui se trouveront alors dans Jérusalem, l’instruction, comme d’habitude dans cet évangile, a un caractère général, qui s’adapte à toutes les difficultés quelles qu’elles soient, par lesquelles les hommes peuvent être éprouvés. « Il leur dit aussi une parabole, pour montrer qu’ils devaient toujours prier et ne pas se lasser. » La foi serait mise à l’épreuve. Si, dans l’épreuve, l’âme était tournée vers Dieu, et non pas seulement vers la bénédiction, elle ne se découragerait pas, même s’il n’y avait pas de réponse de la part de Dieu. Elle persévérerait, regardant toujours en haut, alors même que tout paraîtrait tourné contre elle. La veuve représente ceux qui n’ont pas de ressources humaines : leur ressource est dans la persévérance de la prière. Ainsi sera la semence sainte en Israël, car c’est du résidu fidèle de ce peuple, non pas de l’Église, que l’Écriture nous parle ici. Ils feront appel au Juge pour qu’il les venge de leurs adversaires. Leur patience et leur confiance seront profondément mises à l’épreuve, mais ils ne crieront pas en vain. « Et le Seigneur dit : Écoutez ce que dit le juge inique. Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus, qui crient à lui jour et nuit ? » Il est possible qu’il soit lent à intervenir pour eux, mais quand une fois il se lèvera, il fera une oeuvre abrégée sur la terre. En attendant, il faut que la patience ait son oeuvre parfaite (Jacques 1:4). En Jésus, elle a eu toute sa perfection. Il rencontra la haine et le mépris des hommes, l’abandon de ses disciples, la puissance de Satan, la coupe de la colère de Dieu ; — mais il traversa tout pour entrer dans la gloire de Dieu. En détail, nous aussi avons besoin d’être criblés et de trouver, toutes les circonstances étant contre nous, Dieu pour nous, même plus que si nous avions l’aide extérieure, la puissance des miracles, l’ordre établi dans l’Église. Même la joie peut entraver notre entière dépendance de Dieu, en nous faisant oublier pratiquement que la chair ne profite de rien. Lorsqu’il n’y a aucune circonstance qui vous donne de l’espérance, votre espérance est-elle en Dieu ? La chair peut s’avancer assez loin, comme nous le voyons en Saül, mais la foi seule sait attendre quand elle a tout contre elle ; c’est alors la vie divine dépendante de la puissance divine. Telle elle fut en Christ, parfaitement. « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé » (2 Cor. 4:13). Il descend dans la poussière de la mort, et introduit un ordre de choses entièrement nouveau ; et nous, ayant un même esprit de foi, nous aussi nous croyons, et c’est pourquoi nous parlons. « En sorte que nous, désormais, nous ne connaissons personne selon la chair ; et, si même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. En sorte que si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création » (2 Cor. 5:16, 17). Christ est mort, ressuscité, et maintenant assis à la droite de Dieu. Ayant cette vie, nous sommes mis à l’épreuve pratiquement pour apprendre la leçon de la mort et de la résurrection, où Dieu seul peut soutenir.
Il y a deux choses à remarquer dans la parabole qui nous occupe ici. Si le juge inique entre et agit en faveur de ceux qui sont humainement sans ressource, quel qu’en soit le motif, Dieu ne le fera-t-il pas ? Mais ce n’est pas tout, loin de là. Dieu a ses affections, non pas seulement son caractère ; il a des objets de son bon plaisir. « Et Dieu ne ferait-il point justice à ses élus ?... » Il ne convient jamais au Dieu juste et vengeur de passer légèrement sur le mal ou de laisser le méchant échapper sans punition. Car alors comment jugera-t-il le monde ? (Rom. 3:6). Il prend garde au cri des opprimés jour et nuit ; et ce cri, c’est le cri de ses élus. « Je vous dis que bientôt il leur fera justice. » Mais y aura-t-il la foi qui attend son intervention ? Ils crieront dans leur détresse, et Dieu entendra. Néanmoins la question sera soulevée : Y aura-t-il sur la terre, quand le Fils de l’homme viendra, cette foi qui est fondée sur Dieu connu dans une paisible communion ? N’y aura-t-il pas plutôt le cri des justes dans l’amertume de l’esprit, un cri que les circonstances leur arracheront, plutôt que le cri du désir ?
Les traits moraux du royaume suivent maintenant, avec les caractères qui, convenant au royaume, sont en harmonie ou en désaccord avec l’état des choses introduit par la grâce. Le pharisien et le publicain nous présentent, non pas la doctrine de l’expiation, ou de la justification par la foi, mais la certitude que la propre justice déplaît à Dieu, et que l’humilité à cause de notre péché est très agréable devant Lui. Le pharisien ne met pas Dieu de côté : « Il se tenait à l’écart et priait en ces termes : Ô Dieu ! je te rends grâces, » etc. Mais il remercie Dieu pour ce qu’il est lui, le pharisien, — non pas pour ce que Dieu est. Le seul espoir du publicain était en Dieu lui-même. Il était très ignorant, sans doute, mais il avait le sentiment qui convenait pour s’approcher de Dieu. La lumière s’était fait jour dans son âme et lui avait montré qu’il était un pécheur ; et il se soumettait à cette douloureuse conviction et confessait la vérité de sa condition devant Dieu. Il n’avait pour ressource que la miséricorde de Dieu envers son âme. Il n’osait pas en appeler à la justice, il ne demandait pas que Dieu fût indifférent à son péché, mais il faisait appel à cette miséricorde qui censure le péché et le pardonne. La révélation de la grâce n’était pas venue encore, l’oeuvre de la réconciliation n’était pas encore accomplie, en sorte que le publicain « se tenait loin » ; mais son coeur était touché, et il lui fallait Dieu. Si aujourd’hui une âme est amenée au sentiment de son péché, elle n’a pas besoin de se tenir loin, et ne doit pas le faire, car la grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue. Mais quoiqu’il ne connût, ni ne pût connaître la grâce ainsi, le publicain donne à Dieu son vrai caractère et prend lui-même le sien. Il n’avait pas une pleine connaissance ; mais la connaissance qu’il avait, était vraie. « Je vous dis que celui-ci descendit en sa maison justifié plutôt que l’autre ; car quiconque s’élève, sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé ». — C’est là une vérité universelle ; mais où fut-elle jamais manifestée comme en Jésus ? Car si le premier homme, s’élevant lui-même, a été abaissé en enfer, Celui qui était Dieu s’anéantit lui-même et s’abaissa, se rendant obéissant jusqu’à la mort même de la croix ; c’est pourquoi aussi Dieu l’a souverainement élevé, etc. (Phil. 2).
En un sens, les hommes ne peuvent s’humilier eux-mêmes, parce qu’ils sont déjà des pécheurs, et ne peuvent pas descendre plus bas ; — mais un saint peut s’humilier. La vraie humilité, c’est l’oubli de soi-même.
Cette grande vérité est encore davantage mise en relief par l’incident des versets 15-17, où l’on apporte de petits enfants à Jésus, afin qu’il les touche. Ici, nous sommes devant l’humilité de ce qui est vraiment insignifiant, comme dans le cas du péager devant l’humilité qui tient à un état de péché. Oui s’inquiéterait de ces petits êtres de si peu d’importance qu’on apportait à Jésus ? — Non pas les disciples, — mais Lui. Lui, le Seigneur, trouvait son plaisir en eux, car c’est là l’esprit du royaume de Dieu. Une grande maxime morale apparaît ici. Si quelqu’un doit entrer dans le royaume, il faut que toute sa confiance en lui-même soit brisée, et qu’il reçoive la vérité simplement comme un petit enfant reçoit les paroles de sa mère. S’il en est autrement, Dieu et l’homme n’ont pas la place qui leur appartient. Quand Dieu parle, tout ce que nous avons à faire, c’est d’écouter. C’est l’humilité de celui qui sent son néant, comme le publicain nous présente l’humilité qui tient au sentiment du péché.
Aux versets 18 et suivants, vient la question de faire pour avoir la vie éternelle, non pas la question du salut pour être un être perdu, mais quelque chose qui sonde le coeur jusqu’au fond. Le jeune homme avait comme créature un caractère aimable, car si nous voyons partout autour de nous les ravages du péché, nous y voyons aussi les traces de Dieu. Ce chef du peuple ne voyait pas Dieu en Christ. Attiré moralement vers Jésus, il venait pour apprendre à faire le bien, sans qu’il eût en lui-même le moindre doute sur sa propre capacité. Il ne voyait en Jésus qu’un homme parfait et bon, et par conséquent éminemment propre pour l’enseigner et le diriger dans la voie dans laquelle il marchait. Le péché comme la grâce, lui étaient tous deux inconnus. Il ne se connaissait pas davantage qu’il ne connaissait Dieu. Nul homme n’est bon ; ils se sont tous égarés ; ils sont des pécheurs et ont besoin que Dieu soit bon envers eux : ils sont incapables de faire le bien qui satisfait Dieu.
Le Seigneur prend le jeune chef du peuple sur le terrain où il s’est placé — lui qui pensait pouvoir faire ce qui était bon — afin de mettre en évidence ce qu’il était. Le bon Maître auquel il s’était adressé met son coeur à l’épreuve : « Une chose te manque encore : vends tout ce que tu as... et viens, suis-moi ». Le jeune homme renoncerait-il à sa propre importance ? Après tout, il aimait trop réellement ses richesses. Il devint « fort triste ; car il était extrêmement riche. » Ces choses n’avaient-elles pas été promises aux Juifs, direz-vous peut-être ? Christ montre qu’elles sont un piège. — Mais, dit-on, elles servent à faire beaucoup de bien ? — Je vous demande : Sont-elles bonnes pour votre coeur ? Ce n’est pas qu’on n’en puisse user en grâce ; mais le jeune homme ne connaissait pas son propre coeur. Là, il n’y a ni bien, ni force pour produire le bien. Tous les motifs qui gouvernent le coeur de l’homme sont déracinés par la croix. Mais tout ce qui est au-dedans est mauvais, et on ne peut jamais avec de mauvais matériaux produire quelque chose qui plaise à Dieu. Il faut donc que je trouve Dieu, qui peut me donner une nouvelle et sainte nature, Dieu qui peut être miséricordieux envers moi, parce qu’il est élevé au-dessus de tout péché. La source de tout ce qui est bon est en Dieu, et ce qui est bon, c’est ce qui vient de Lui et non pas de l’homme.
Il est impossible, s’il s’agit de l’homme, que personne soit sauvé. Le péché a perdu l’homme et a détruit toutes ses espérances. Si quelqu’un regarde aux moyens dont il pourrait se servir, ces moyens sont tous vains pour le sauver ! Mais « les choses qui sont impossibles aux hommes », dit le Sauveur, « sont possibles à Dieu ». Là est le seul terrain sûr pour le pécheur.
D’un autre côté, versets 28-30, si Pierre est prompt à parler du dévouement des disciples qui ont tout quitté et qui ont suivi Jésus, le Seigneur montre que toute perte faite pour l’amour du royaume de Dieu tournera en gain, et maintenant, et dans le siècle qui vient.
Mais le Seigneur lie tout, versets 31-33, avec ce qui allait lui arriver. Ils montaient à Jérusalem ; pourquoi ? — Lui, le Messie, « sera livré aux nations ; on se moquera de lui... et on crachera contre lui ; et après qu’ils l’auront fouetté, ils le mettront à mort ». Toutes les espérances doivent finir là ; oui, « et, si même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois maintenant nous ne le connaissons plus ainsi » (2 Cor. 5:16). Lui-même, s’il doit délivrer ceux qui sont perdus, il lui faut descendre dans la poussière de la mort. Christ n’a aucun lien avec l’homme pécheur. Comment donc délivrera-t-il ? Il faut qu’il meure pour nous. Il ne peut pas unir la corruption avec Lui-même. Un Christ vivant, nous pouvons le dire avec révérence, ne pouvait pas nous délivrer en maintenant la nature et le caractère de Dieu : la rédemption était une nécessité. « À moins que le grain de blé, tombant en terre, ne meure, il demeure seul mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. »
Mais si la rédemption était le seul moyen de salut, la profonde iniquité de l’homme fut manifestée dans la réjection et dans la mort de Christ. L’homme a haï ce qui est en Dieu et Celui qui est Dieu — il a haï et le Fils et le Père. Toute question de justice humaine est vidée et résolue négativement pour toujours.
Hélas ! les disciples ne comprenaient aucune de ces choses, ni sa honte et sa mort, ni sa résurrection. C’était l’accomplissement de ce que les prophètes avaient écrit touchant le Fils de l’homme ; mais ils ne comprenaient ni ce que Lui disait, ni ce que les prophètes avaient écrit. La mort de Christ devait manifester ce que l’homme était et ce que Dieu était ; sa résurrection mettre en évidence la puissance de vie qui peut délivrer les morts. Mais Jésus n’était pas compris.
Le verset 34 du chapitre 18 termine cette partie de notre évangile, qui montre l’introduction de la dispensation nouvelle et céleste. Au verset 35, nous abordons les détails historiques des relations finales du Seigneur avec les Juifs.
Dans le cours de son récit, Luc nous a présenté le Seigneur sous le caractère général de « Fils de l’homme » ; mais maintenant, au milieu d’Israël, Jésus prend le caractère de « Fils de David ». Jéricho était la première ville qu’Israël rencontra lorsqu’il passa le Jourdain, et une malédiction particulière avait été prononcée contre elle. Mais Israël n’avait pas été obéissant, et le Messie n’entre pas comme Roi avec une pompe extérieure, mais comme le Jésus rejeté de Nazareth, apportant la bénédiction pour le résidu qui le reçoit par la foi.
« Et il arriva, lorsqu’il fut venu dans le voisinage de Jéricho, etc. » La Parole ne dit pas : lorsqu’il fut « proche », comme s’il s’agissait nécessairement de sa première venue auprès de la ville ; mais elle se sert d’une expression générale, aussi applicable à la proximité du Seigneur lors de son départ de la ville, qu’à sa proximité lors de sa venue à Jéricho (comp. Matthieu et Marc). « Et il arriva, lorsqu’il fut venu dans le voisinage de Jéricho, qu’un aveugle était assis sur le bord du chemin et mendiait. Et entendant la foule... il cria, disant : Jésus, Fils de David, aie pitié de moi. » Plusieurs le reprennent, mais il persévère dans la foi et crie d’autant plus fort : « Fils de David ! aie pitié de moi ». Il est un exemple du rassemblement à ce nom du Messie qu’Israël rejetait. Les yeux de l’aveugle furent ouverts alors, comme le seront ceux du résidu quand le moment sera venu.
Au chapitre 19, versets 1-10, nous trouvons le récit de ce qui touche Zachée, car l’Esprit de Dieu n’a pas lié Luc au simple ordre chronologique ; au point de vue moral, l’histoire de Zachée vient à propos après celle de la guérison de l’aveugle. Cet épisode, qui ne se trouve que dans Luc, est une illustration de la grâce qui reçoit un homme de quelque bas étage qu’il soit, et cela en face des préjugés juifs ; car un publicain, un riche chef de publicains, était justement abhorré par ceux qui regardaient de tels hommes comme l’expression de l’oppression des gentils. Tout était gâté par le péché, et Israël n’était pas humilié. Cependant, c’était pour un Israélite une triste position que celle qu’occupait Zachée, quelque honnête et consciencieux qu’il pût être. Mais c’était le jour de la grâce, et il « cherchait à voir Jésus ». Il y avait des difficultés, des obstacles en lui et autour de lui ; mais la foi persévère en dépit de l’opposition. Comme l’aveugle s’était attaché à son objet, ainsi Zachée le publicain voulait voir Jésus : c’est là un trait distinctif de l’opération de l’Esprit de Dieu ; l’âme saisit la valeur de l’objet que Dieu lui présente. Nous en avons besoin, et il nous en faut davantage ; nous en connaissons assez pour qu’il nous en faille plus. C’est une soif produite par le Saint Esprit. Combien il est triste que des chrétiens n’aient pas cette faim et cette soif d’une jouissance plus profonde de Dieu ; là où ce désir n’existe pas, l’âme est desséchée et plongée dans l’apathie.
« Et quand il fut venu à cet endroit, Jésus, regardant, le vit, et lui dit : Zachée, descends vite ; car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison. Et il descendit à la hâte, et le reçut avec joie ». Zachée n’avait pas encore la pleine connaissance de Jésus, mais son désir avait été satisfait et il était joyeux. Ce n’était ni la loi, ni la gloire, mais un Messie caché, venu ici-bas plein de grâce. Jésus était entouré de témoignages qui disaient qui il était, mais il était descendu en grâce là où l’homme se trouvait. Qu’importe ce que le monde en pensait. Trouver Jésus, c’est tout. Zachée a la réponse au besoin que la grâce divine avait créé dans son âme. La grâce ne donne pas, au début, la connaissance de l’oeuvre de Christ : il peut y avoir dans ceux qui en sont les objets, peu ou point de connaissance quant au fait que nous sommes faits la justice de Dieu en Lui. C’est pourquoi la première joie s’évanouit souvent, parce que, quand je me suis accusé dans ma conscience, j’ai besoin de cette justice. La première joie consiste souvent en ce que l’âme se rend compte du besoin qu’elle a de Christ ; mais le fond de la question de la justice peut être non vidé encore dans la conscience, quoique tout croyant, en possédant Christ, possède la justice divine : pourtant, bien qu’il y ait beaucoup à apprendre, l’âme est joyeuse ; de nouveaux intérêts sont suscités, de nouveaux désirs s’élèvent dans le coeur ; on a une vue nouvelle du bien et du mal. Quand on a le sentiment profond de ce qu’est un être perdu et sauvé, le monde (l’homme) compte pour peu de chose ; mais lorsque le poids qui pesait sur la conscience est ôté, trop souvent la nature reprend quelque place, et alors Christ n’est pas absolument tout pour le fidèle.
Le coeur de Zachée est ouvert ; il est plein d’une confiance qui s’exprime. Il peut y avoir toute l’honnêteté possible dans les efforts que fait un homme pour satisfaire sa conscience dans une fausse position : mais après tout, quelle position que celle-là ! Les hommes murmurent. Le Seigneur passe pardessus tout. Se justifier soi-même était inutile. Jésus n’accusait pas, et il ne parle de rien que du salut qui était venu aujourd’hui à cette maison. Zachée était fils d’Abraham, et le Fils de l’homme était venu pour chercher et sauver ce qui était perdu. Qu’est-ce qu’un pharisien pouvait objecter ? Il y avait eu un travail dans l’âme du publicain, mais le Fils de l’homme était venu, et ce qu’Il apportait c’était le salut. Il apporte le salut. Il donnait ce dont Zachée n’avait aucune idée. Il était venu pour satisfaire le besoin qu’il avait lui-même créé ; il était venu pour chercher, c’est-à-dire pour produire le désir — et pour sauver, c’est-à-dire pour satisfaire ce désir.
Le Seigneur était maintenant près de Jérusalem, et ainsi (v. 11 et suiv.) il ajoute une parabole, pour détruire la pensée que le royaume de Dieu allait paraître immédiatement, car Jérusalem est la ville du grand Roi et la question de sa réjection devait se clore là. Jésus montre que, tout au contraire de ce que les hommes pensaient, il s’en allait dans un pays éloigné, le ciel, pour y recevoir un royaume et pour revenir ensuite. Le temps n’était pas venu pour établir le royaume sur la terre. En attendant, ses propres esclaves devaient trafiquer avec les richesses qu’il leur confiait. Quand il reviendrait, après avoir reçu le royaume, il assignerait à chacun sa place, selon la fidélité qu’il aurait montrée ; car dans Luc il s’agit de la responsabilité de l’homme, tandis que dans la parabole correspondante, en Matthieu (chap. 25), c’est la souveraineté de Dieu qui est en question. Il y a des différences de dons, dans Matthieu ; dans Luc, des différences de rémunérations. Dans Luc, chaque esclave reçoit une mine du Seigneur ; dans Matthieu, tous ceux qui « ont gagné » en trafiquant, entrent également dans la joie du Seigneur. Ici, toute la force du passage est dans le : « Trafiquez ». « Trafiquez jusqu’à ce que je vienne. » Notre position comme disciples, c’est de servir un Sauveur rejeté jusqu’à ce qu’il revienne. Nous ne sommes pas appelés à participer maintenant à la gloire du royaume. Quand Jésus reviendra, il disposera de tout sans partialité, et il y aura ce qui répond à l’autorité « sur dix villes » et « sur cinq villes ». La justice de Dieu est la même pour nous que pour Paul ; mais comme il y a une grande différence de service et différentes mesures de fidélité, il y aura aussi une rémunération spéciale pour chacun. Sans doute, c’est la grâce qui travaille, cependant, ici, il y a une rémunération pour le service fidèle. Le secret de tout service est la juste application de la grâce du Maître. Si quelqu’un craint le Maître comme un « homme sévère », il y aura de l’infidélité chez lui selon la mesure de ses propres principes.
Le verset 26 est un principe général. Quand, par la grâce, nos âmes réalisent la vérité qui nous est présentée, nous sommes de ceux « qui ont ». Mais si la vérité est placée devant un homme et que celui-ci en parle sans qu’elle soit mêlée avec la foi dans le coeur, cela même qu’il a lui sera ôté. La vérité, si elle révèle Christ, m’humilie et s’occupe du mal qui est en moi. Alors elle n’est pas seulement Christ comme objet en dehors de moi, mais un Christ vivant en moi. Une connaissance qui n’a pas de pouvoir sur la conscience ne fait qu’ »enfler » (voyez 1 Cor. 8:1). Si on ne pratique pas la vérité qu’on connaît, elle trouble la conscience. Mais combien ne voit-on pas souvent une conscience qui a perdu la lumière, se réjouir d’être délivrée de son tourment, quoique la lumière de la vérité se soit évanouie avec lui ! L’âme est tombée plus bas que ce qui avait exercé la conscience, et ainsi toute la mesure, et le principe, et la vie sont rabaissés et les occasions de gagner Christ sont perdues pour toujours. Si je tiens ferme la vérité — Christ — je le possède comme une partie de moi-même et j’apprends à haïr le mal et à aimer le bien, en sorte que j’obtiens « davantage », jusqu’à ce que je croisse jusqu’à Christ — jusqu’à la mesure de la stature de sa plénitude (voyez Éph. 4:13-15). Les devoirs ordinaires de la vie ne nous privent pas de Lui : le coeur revient de ceux-ci avec une nouvelle joie vers son propre centre. Mais c’est l’attachement du coeur à la vanité, qui corrompt notre joie ; c’est tout ce qui élève le moi et rabaisse Christ — ne fût-ce qu’une pensée légère, si le coeur la tolère.
Quant aux « citoyens » — les Juifs sur lesquels Christ avait des droits comme Roi — ils ne voulaient pas de lui, ne le haïssant pas seulement pendant qu’il était parmi eux, mais, par-dessus tout, envoyant un message après lui pour lui faire savoir : « Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous ». La vengeance les trouvera et les frappera devant Lui.
Jésus entre à Jérusalem comme Messie. Il fallait que ses droits de Seigneur de tout fussent proclamés et qu’il s’en prévalût (v. 29-36). Il se présente pour la dernière fois à Israël, dans l’humilité de la grâce, qui était d’une importance infiniment plus grande que le royaume. Il en résulte le plus frappant contraste entre les disciples et les pharisiens. « Toute la multitude des disciples, se réjouissant, se mit à louer Dieu à haute voix... disant : Béni soit le roi qui vient au nom du Seigneur ! Paix au ciel, et gloire dans les lieux très hauts ! » Quelques-uns des pharisiens lui demandent de reprendre ses disciples, mais ils apprennent de sa bouche, que si ceux-ci se taisaient, les pierres mêmes crieraient. Il faut qu’un témoignage soit rendu à sa gloire (v. 37-40).
Quand Jésus naquit, des anges l’annoncèrent aux pauvres du troupeau, et les armées du ciel donnèrent gloire à Dieu, disant : « Gloire à Dieu dans les lieux très hauts ; et sur la terre, paix ; et bon plaisir dans les hommes ! » Tel sera le résultat ; et les anges l’anticipent, sans se préoccuper des obstacles ou des moyens. Mais Christ était rejeté, et les disciples disent « Paix au ciel, et gloire dans les lieux très hauts » Quand la question de la puissance s’élèvera, pour l’établissement du royaume, alors il y aura un combat (Apoc. 12). Et il ne peut pas, de fait, y avoir de paix dans le ciel, jusqu’à ce que Satan et ses anges en soient précipités : alors le Roi sera établi en puissance, quand les obstacles seront ôtés. Le Psaume 118 célèbre ce glorieux moment, sa miséricorde demeurant à toujours, en dépit de tous les péchés du peuple : c’est le cantique des derniers jours. Si Dieu envoie la paix à la terre dans la personne de son Fils, c’est en vain, non pas quant à l’accomplissement, mais quant à l’effet présent. Mais pour la foi il y a paix dans le ciel, et quand cette paix y sera proclamée en puissance vis-à-vis des mauvais esprits dans les lieux célestes, ce sera certainement un jour de bénédiction. Quel jour que celui-là ! Quel soulagement pour le travail de la grâce ! Car maintenant, son oeuvre est toujours veille et travail. Comment, toujours ? Oui, toujours, et ce n’est pas là le repos. Mais alors ce sera le repos, aussi sûrement que Dieu prendra sa grande puissance et régnera. L’Éternel exaucera les cieux... (Osée 2:21). Il y aura une suite ininterrompue de bénédictions, et sur la terre également. Ce ne sera plus bâtir une maison pour qu’un autre y habite (És. 65:21, 22), mais la bénédiction se répandra partout. Jusque-là, comme aujourd’hui, il s’agit de souffrir en grâce, non pas de puissance triomphante. Ne craignez jamais la persécution ; elle fera briller votre visage comme le visage d’un ange (voyez Actes 7). Mais D ;eu ne pouvait pas se taire si son Fils était rejeté. Il pouvait le laisser souffrir, mais non pas sans un témoignage. S’il n’en trouvait point d’autres, les pierres mêmes crieraient : et ainsi pour nous, si nous sommes fidèles et que nous nous tenions près de Christ, cela nous tournera en témoignage.
Nous ne trouvons pas ici la malédiction du figuier, mais l’Esprit de grâce, — Jésus pleurant sur la ville. Les conseils de Dieu s’accompliront certainement, mais Dieu veut aussi que nous connaissions la réalité de sa tendresse en Jésus. Ces larmes du Sauveur n’étaient pas vaines, quelles que pussent être les apparences. C’était pour Jérusalem la journée de sa visitation : mais elle ne la connaissait pas. Nous devrions, puisque nous avons la pensée de Christ (1 Cor. 2:16), savoir comment intervenir spirituellement. Nous sommes la lettre de Christ (2 Cor. 3:3), par laquelle le monde devrait savoir lire ce que Dieu est. Christ l’a manifesté parfaitement. Mais que trouva-t-il en Israël ? Voyez les versets 45-46. Dieu déclare que sa maison est une maison de prière ; les hommes, les Juifs, en avaient fait une caverne de voleurs : — quel terrible jugement moral ! Mais c’est là la vraie manière de juger : avoir la parole de Dieu pour voir les choses comme elles sont. Nous sommes ignorants et moralement incapables de juger sans la parole de Dieu. Que nos yeux soient donc arrêtés sur Christ, et que notre jugement sur toutes les choses qui nous entourent soit formé par la parole de Dieu !
Les principaux sacrificateurs et les scribes sont les premiers à interroger Jésus ; ils demandent par quelle autorité il fait ces choses, et quelle est la source de cette autorité. Mais Jésus les interroge lui-même : « Le baptême de Jean était-il du ciel, ou des hommes ? » Les scribes étaient sans connaissance dans leurs raisonnements. Ils reconnaissent leur incompétence plutôt que de reconnaître Jésus comme le Messie. Le simple enfant de Dieu reçoit la Parole avec la même certitude avec laquelle Christ la donne : la confiance en la parole de Dieu est le seul terrain sûr et ferme. Mais comment pouvez-vous avoir cette certitude dont vous parlez ? — Dieu l’a dit : « Il est écrit ! » Si ce que Dieu dit a besoin de preuve, il faut qu’il y ait quelque chose de plus sûr et de plus vrai que Dieu. Serait-ce l’Église peut-être ? — Hélas ! nous savons à quoi nous en tenir sur ce point. Si Dieu ne peut pas parler de manière à revendiquer l’autorité pour ce qu’il dit, sans qu’il y ait besoin de quelqu’un pour l’accréditer, c’en est fait de la foi, elle n’est plus.
La parabole du cultivateur (v. 9 et suiv.) nous présente les voies de Dieu à l’égard d’Israël auquel la vigne avait été d’abord louée, et, après que l’Héritier a été rejeté, le don que Dieu en fait à d’autres. Mais il y a plus. La pierre rejetée devient la maîtresse pierre du coin. Quiconque tombera sur cette pierre, sera brisé ; mais elle broiera celui sur qui elle tombera. Les péchés passés de Jérusalem nous présentent le premier de ces cas ; pour le second, il faut attendre l’exécution du jugement lors de l’apparition du Seigneur.
La question concernant le tribut à payer à César était très subtile. Ceux qui tendaient ce piège au Seigneur usaient pour cela de l’effet de leur propre iniquité. En effet, les Juifs, abstraitement, n’auraient pas dû être asservis aux nations ; de plus le Messie, le Libérateur d’Israël, était venu. Si Lui disait qu’il fallait obéir aux nations, où était sa puissance libératrice ? S’il poussait à la rébellion, ils auraient eu un prétexte pour le livrer à Pilate. À cause du péché d’Israël, Dieu a jeté par terre la clef de voûte des nations, et a donné la puissance aux gentils. Le Juif a été rebelle ‑sous la sentence et a toujours soupiré après la délivrance du joug qui avait été mis sur lui. Mais le Seigneur répond avec une sagesse divine ; il place les Juifs exactement là où leur péché les avait placés ; les choses de César, il faut les rendre à César, et les choses de Dieu à Dieu.
Après avoir vidé la question touchant ce monde, entre Dieu et le peuple, le Seigneur rencontre l’incrédulité sadducéenne touchant le monde à venir (v. 27-38). Il montre la place des saints ressuscités en contraste avec le monde. Il met de côté l’idée d’une résurrection générale. Si tous ressuscitent ensemble, il y a incertitude, un jugement commun, etc. ; mais si les saints sont ressuscités à part, parce qu’ils sont « fils de Dieu », laissant le reste des morts derrière eux pour une autre résurrection spéciale, une « résurrection de jugement » (comp. Jean 5:29), tout est changé. La résurrection distingue plus que toute autre chose, et pour toujours. Elle est le grand témoignage rendu à la différence qu’il y a entre les bons et les méchants. Les saints seront ressuscités à cause de l’Esprit de Christ qui habite en eux (Rom. 8) ; leur résurrection sera l’application à leurs corps de cette puissance de vie en Christ qui a déjà vivifié leurs âmes : c’est une « résurrection d’entre les morts », comme l’a été celle de Christ. Ils seront « estimés dignes d’avoir part à ce siècle-là », car il est tel, « et à la résurrection d’entre les morts ». « Ils sont semblables aux anges, et ils sont fils de Dieu, étant fils de la résurrection. » Luc ajoute un caractère que nous ne trouvons pas ailleurs : « car pour lui tous vivent ». Témoignage important qui s’applique à tous les morts, aux méchants comme aux justes, tous morts quant à leurs relations avec les hommes dans le corps ; mais, quant à leurs âmes, vivant encore pour Dieu. L’âme restait toujours en vie devant Lui.
Dans les versets 41-44, Jésus soulève la question : Comment le Fils de David est-il Seigneur de David ? Les Juifs n’y comprenaient rien. C’était le point auquel se rattachait et tenait le changement dans le système moral tout entier. Jésus avait pris la place d’homme saint, obéissant, dépendant, pèlerin comme d’autres et il avait bu du torrent par le chemin (Ps. 110:7) il s’en allait dans la débonnaireté et la paix, mais vivant par les eaux rafraîchissantes qui venaient de Dieu son Père. Ainsi s’étant anéanti lui-même, il est maintenant souverainement élevé par Dieu. Le grand principe universel que celui qui s’abaisse sera élevé et que celui qui s’élève sera abaissé, est illustré dans les deux Adam. Le premier Adam, la nature de l’homme, a voulu s’élever pour être « comme Dieu », jusqu’à ce que, dans sa pleine maturité, l’antichrist « s’élève contre tout ce qui est appelé Dieu ou qui est un objet de vénération » (2 Thess. 2:3, 4). Satan tenta l’homme au commencement, l’excitant à devenir comme Dieu ; et à la fin, Dieu enverra aux hommes une énergie d’erreur pour croire au mensonge (2 Thess. 2:11). Satan ne pouvant pas s’élever dans le ciel, cherchera à le faire par la semence de l’homme ; mais la fin sera l’abaissement (És. 14:12-15). Dans le second Adam, nous voyons Celui qui était Dieu s’humiliant lui-même, s’abaissant, devenant obéissant jusqu’à la mort, même la plus ignominieuse, et puis nous le voyons, Lui qui s’humilia, reprenant la place de puissance à la droite de Dieu, mais comme homme aussi bien que comme Dieu. Dieu l’élève souverainement, afin qu’au nom de Jésus se ploie tout genou (Phil. 2:5-11). Ayant été obéissant d’un bout à l’autre de son sentier dans l’humiliation, il est exalté pour être le Seigneur de David. Il sort ainsi des limites des promesses juives, quoique comme Fils de David il les possédât assurément. Les Juifs ne comprenaient pas les Écritures et les accomplissaient en ne les comprenant pas. Les voies de Dieu ont suivi leur cours en dépit de tout, manifestant sa grâce et sa patience envers l’homme. Dieu avait placé l’homme sur la terre ; il avait ensuite envoyé la loi, des prophètes, etc., jusqu’à ce que l’homme arrive à la fin en rejetant tout. Dieu met l’homme à l’épreuve, et ensuite il introduit le nouvel homme qui est l’accomplissement de tous ses glorieux conseils, — le second Adam ; et puis, il élève le second Adam comme homme céleste à une place céleste, et tout dépend maintenant non de la responsabilité de l’homme, mais de la stabilité de Dieu. La vie, la justice et la gloire descendent du ciel. Est-ce la vie qu’il faut ? Dieu donne la vie de Christ en résurrection. Est-ce la justice ? Dieu donne la justice divine. Est-ce un royaume ? C’est le royaume des cieux. Tout descend, non pas simplement de Dieu en grâce, mais de la place que l’homme occupe en gloire, des conseils de Dieu au sujet de l’homme céleste dans la gloire. Dieu l’a d’abord élevé ; et d’où il l’a placé, la bénédiction descend. L’homme Christ Jésus a pleinement satisfait à toutes les responsabilités de l’homme. C’est la raison de la plénitude de la bénédiction de l’Évangile, et aussi de la bénédiction du royaume qui vient. L’Évangile est la puissance de Dieu, et le royaume doit être établi dans les cieux. Le roi s’en est allé dans un pays éloigné, et quand il reviendra, ce sera afin d’introduire le royaume des cieux. Tous les conseils de Dieu ont maintenant leur centre et leur siège dans les cieux. Ainsi, dans le sens le plus étendu, le centre de tous les plans et de tous les conseils de Dieu, c’est l’élévation de Jésus à la droite de Dieu. Le caractère tout entier, et toute la stabilité et la perfection de notre bénédiction tirent leur source de Jésus glorifié. Le caractère de cette bénédiction est céleste ; elle tire sa stabilité de ce que Dieu a fait ; et la justice, qui me rend capable d’y avoir part, est la justice de Dieu.
L’Esprit de Dieu, le Saint Esprit est venu pour rendre témoignage de Christ, sur qui la paix de l’âme repose ; elle repose sur la justice accomplie de Celui qui a été élevé dans la gloire. L’office du Saint Esprit est d’agir au-dedans de nous, et de nous manifester ce que Dieu est, ici-bas. Et nous jouissons de tout cela comme résultat de ce que Christ a fait en introduisant les promesses comme le Seigneur de David, au lieu de les accomplir comme le Fils de David.
Remarquez la beauté et la bénédiction morale de ce principe général : « Celui qui s’abaisse sera élevé ». Christ s’abaissa lui-même ; il ne fut pas humilié, il s’humilia lui-même, ce qui est tout autre chose. « Celui qui s’abaisse sera élevé. » Voilà ce que nous avons à faire : prendre la dernière place. Nous ne pouvons pas faire ainsi avant que nous soyons chrétiens, mais c’est notre gloire de prendre la place la plus basse, et d’entendre Christ nous dire : « Monte plus haut ». Il nous a laissé un modèle, afin que nous suivions ses traces (1 Pierre 2:21). Le Seigneur Jésus a été rejeté comme Fils de David ; il reviendra comme Seigneur de David.
Or dans l’intervalle, pendant qu’il est ainsi caché, nous voyons la place de l’Église. Nous sommes cachés « avec le Christ en Dieu », et notre part est d’être unis à Lui pendant qu’il est caché à nos yeux. Le Saint Esprit étant descendu nous donne une place et une part avec Lui dans toute la béatitude de la maison du Père, et dans toute la gloire qui doit être révélée bientôt.
La place d’Ève était d’être unie à Adam dans la domination que Dieu lui avait donnée sur toutes choses (Gen. 1:26-28 ; 5:2). L’Église aussi, dans la manifestation de la gloire de Christ, n’apparaît que comme l’Épouse et la compagne de Christ par grâce, jamais comme une partie de l’héritage. Envisagés même individuellement, nous sommes « cohéritiers de Christ » (Rom. 8:17 ; comp. Gal. 4:7). Il est de la plus haute importance pour les saints, dans ces derniers jours, de saisir la place particulière qui nous appartient comme étant un avec Christ, l’homme céleste.
La fin du chapitre 20 et le commencement du chapitre 21 présentent un contraste instructif, quoique affligeant, entre l’hypocrisie égoïste des scribes, que le Seigneur condamne devant le peuple, et l’amour vrai et dévoué de la veuve qu’il distingue pour « l’honorer ». On voit aussi à ce propos que le Seigneur sait comment séparer l’intention d’une âme sincère du système qui l’entoure, en jugeant l’état de choses tout entier auquel la personne est associée. De plus, remarquez la différence qu’il y a entre donner ce qu’on a pour vivre et donner de son superflu. Il est facile de s’approcher respectueusement de Dieu avec des présents, tout en se gratifiant réellement soimême ; mais la femme qui donne ce qu’elle a pour vivre, se donne elle-même à Dieu et montre qu’elle dépend de Lui. Ses deux pites, car elle n’avait pas davantage, exprimaient tout cela parfaitement, car ses besoins, et toutes les circonstances dans lesquelles elle se trouvait, auraient pu l’arrêter ; en même temps, la louange des hommes et la vanité de la donatrice n’avaient pas de place ici. Pour la jactance juive, l’acte de cette femme avait peu de valeur ; mais le Seigneur la voyait et lui rendait témoignage ; elle était bienheureuse dans ce qu’elle faisait.
La description que le Seigneur nous donne dans cet évangile des souffrances de Jérusalem est aussi, comme ce qui précède, liée bien davantage au simple fait du jugement de la nation et au changement de la dispensation. Les détails que nous lisons ici diffèrent beaucoup de ceux que nous trouvons au chapitre 24 de Matthieu, qui se rapporte entièrement à ce qui doit arriver à la fin, tandis que Luc envisage, plus que les deux premiers évangiles, le temps présent et le jugement de Jérusalem. C’est pourquoi Luc parle très clairement du siège et de la destruction de cette ville par Titus, ainsi que du temps des gentils. Remarquez également que la question des disciples, au verset 7, ne va pas plus loin que la destruction prédite. C’est pourquoi, dans ce qui suit, nous trouvons le jugement de la nation envisagé comme un tout depuis la destruction de Jérusalem par Titus jusqu’à l’accomplissement des temps des nations, de « l’économie » desquelles Luc est si occupé. Nation s’élèverait contre nation, il y aurait des signes du ciel, et des douleurs sur la terre ensuite ; et avant tout cela les disciples seraient les objets de l’hostilité des hommes ; mais tout leur tournerait en témoignage au lieu de détruire leur témoignage. Ils devaient persévérer et poursuivre leur chemin, tandis que la malheureuse Jérusalem où ils se trouvaient comblait la mesure de ses péchés. Le Seigneur permettait qu’ils fussent éprouvés, mais pas un cheveu de leur tête ne périrait. Cependant il y aurait un terme à ces choses : Jérusalem serait environnée d’armées, car c’est de ce fait historique et non de l’abomination de la désolation qu’il est question ici. La désolation de Jérusalem approchait. Les disciples auraient à s’en retirer, non pas à y retourner. Ce seraient les jours de la « vengeance », non de la tribulation sans pareille (comme au chap. 24 de Matthieu) qui aura lieu seulement aux derniers jours, — afin que toutes les choses qui sont écrites fussent accomplies. Il y aurait une grande détresse sur le pays et de la colère contre ce peuple. Ils tomberaient sous le tranchant de l’épée, et seraient menés en captivité, et Jérusalem, jusqu’à ce que son heure fût passée, serait la proie de maîtres gentils.
Dans les premiers versets (v. 8-19), le Seigneur s’étend sur les dangers, les devoirs et les tribulations des disciples avant le sac de la ville par Titus. Les disciples auraient à se tenir en garde contre un prétendu libérateur et contre le cri que le temps (celui de la délivrance) était venu. Ils ne devraient pas non plus se laisser épouvanter par les guerres et les bruits de guerre, pas plus qu’ils ne devraient se laisser séduire par de belles promesses. « Il faut que ces choses arrivent premièrement ; mais la fin ne sera pas tout aussitôt. » Il n’y aurait pas seulement des bouleversements, des pestes et de grands signes d’un changement et d’un mal à venir dans le monde ; mais avant toutes ces choses les disciples eux-mêmes passeraient par la tribulation et la persécution pour le nom de Christ. Alors, aux versets 20-24, vient le jugement de la ville et du peuple, déjà virtuellement jugés par la réjection du Seigneur ; et cette partie s’étend en principe jusqu’à nos jours. Mais tout n’est pas encore accompli, car, au verset 25, le Seigneur commence à décrire la scène finale — le jugement non pas seulement des Juifs, mais aussi des nations, car les puissances des cieux, la source d’autorité, seront ébranlées, comme nous lisons en Aggée 2 et Hébreux 12. Jésus ne dit pas que ces choses dussent arriver immédiatement après le siège de la ville par Titus, mais il laisse, au contraire, de la marge pour la longue période où Jérusalem est foulée par les gentils, jusqu’à ce que leurs temps soient accomplis. C’est dans Matthieu qu’il faut lire les détails sur la grande tribulation des derniers jours, parce que Matthieu est occupé des conséquences de la réjection du Christ, et spécialement en ce qui concerne Israël. C’est pourquoi Matthieu dit : « Et aussitôt après la tribulation de ces jours-là », c’est-à-dire des jours abrégés de la « tribulation de Jacob », qui est encore à venir. Ici, cependant, après la mention des temps des gentils, nous lisons qu’il y aura des signes dans le soleil, et dans la lune, et dans les étoiles, et sur la terre une angoisse des nations en perplexité, la mer et les flots faisant un grand bruit, les hommes rendant l’âme de peur, etc. Les hommes seront épouvantés, parce qu’ils ne verront pas la fin, et ils trembleront, parce qu’ils se sentiront entraînés vers une fin terrible et inconnue, par des principes qui agiront sans qu’ils sachent comment, et qui les envelopperont bon gré, mal gré, dans la ruine générale. La venue du Fils de l’homme place toute la scène dans son vrai jour devant les disciples. Mais il est évident par les circonstances et particulièrement par le caractère de la rédemption dont il est question (v. 28), qu’il s’agit non de chrétiens, mais de disciples terrestres et d’une délivrance terrestre par un jugement exécuté ici-bas. Le Seigneur, dans sa miséricorde, fait de la terreur de l’homme un signe de délivrance pour le résidu de ce jour-là.
Les versets 31 et 32 sont intéressants à ce point de vue, et fournissent une preuve évidente, d’abord que « le royaume de Dieu » ne signifie pas « l’Évangile de sa grâce », et ensuite que l’expression de « cette génération » ne peut pas se rapporter à la période qui sépare la prophétie de la destruction de Jérusalem.
Je dis que le royaume de Dieu n’est pas l’Évangile de sa grâce, car quand les disciples verront arriver ces choses (et le Seigneur avait parlé de la tribulation finale et universelle qui viendrait sur tout le monde habitable, et non pas seulement des calamités qui sont tombées sur les Juifs), ils doivent en conclure que le royaume de Dieu est proche. Or, si même il ne s’agissait que de la prise de Jérusalem par les Romains et de la dispersion du peuple qui en fut la suite, et à plus forte raison, si le discours du Seigneur embrasse la tribulation des derniers jours, on ne peut nier que l’Évangile s’était répandu bien loin en tous sens avant le premier de ces événements. En fait, la manifestation de son influence déclinait plutôt déjà avant cette époque, comme nous l’apprennent les dernières épîtres. Mais les signes, dont le Seigneur parle ici, étaient comme les bourgeons des arbres, quand ils commencent à pousser, et le royaume de Dieu viendra à l’arrivée du Roi, quand le Seigneur Dieu Tout-puissant prendra en main sa grande puissance et régnera. Qu’il y ait eu un jugement analogue partiel, lors de la chute de Jérusalem, cela ne fait pas l’objet d’un doute ; mais les versets 25-28 montrent clairement qu’il y a encore un jugement postérieur plus étendu, accompagné de signes qui introduisent, non pas les afflictions des Juifs, mais le Fils de l’homme venant dans son royaume.
Pour une raison analogue, l’expression de « cette génération » ne s’applique pas à la durée de la vie d’un homme seulement, mais elle est employée dans un sens moral, comme au chapitre 32 du Deutéronome, au Psaume 12, et dans une foule d’autres passages de l’Écriture. Elle s’étend ici expressément à la fin, non seulement au temps qui a suivi la chute de Jérusalem, mais à la scène tout à fait distincte de la venue de Christ en puissance et en gloire.
L’expression du verset 33 est très solennelle : il s’agissait de quelque chose de plus que d’un simple changement momentané quant à Jérusalem. Le temps précis était enveloppé dans une obscurité intentionnelle, mais rien n’était plus sûr que les deux faits annoncés.
Le Seigneur a préparé pour ses disciples d’alors ce qui était nécessaire, mais il a aussi donné sa Parole écrite, pour des temps analogues à venir. Cependant, quoique le principe soit toujours vrai, le verset 34 s’applique clairement à un jour à venir sur la terre. Le privilège dont le Seigneur parle consiste à échapper aux jugements et à se tenir devant le Fils de l’homme ; et quant à ceci encore, il s’agit de la terre, et non pas de l’enlèvement des saints dans le ciel. Les grands principes moraux, sans doute, restent vrais pour tous et, d’une façon particulière, pour ceux qui, en vertu d’un appel plus glorieux, peuvent en jouir d’une manière plus excellente.
Le Seigneur cependant poursuivait son témoignage, marchant et travaillant pendant le jour ; mais le lieu de sa retraite était « dans la montagne des Oliviers », là où il quitta ce monde, et où ses pieds se tiendront de nouveau dans ce jour-là. Patient dans son service, il enseignait dès le matin, dans le temple ; de nuit, il se tenait éloigné de la cité jugée ; son temps était maintenant venu.
La pensée de la chair s’est montrée ce qu’elle est — inimitié contre Dieu, par la réjection de Christ ! L’iniquité a été résumée, mise en évidence chez tous — peuples, prêtres, conducteurs. L’ami ? — il est un traître. Les disciples ? — ils fuient quand le danger approche. Celui d’entre eux qui s’est le plus avancé ? — quand il se voit exposé, il renie son maître. Les chefs religieux, ceux qui auraient dû reconnaître le Messie ? — ils le livrent au pouvoir idolâtre du monde. Celui qui est assis au tribunal ? — il lave ses mains en reconnaissant l’innocence de Celui qui est amené devant lui ; mais il le livre à la volonté, à la rage des hommes. Ainsi le péché de l’homme a été mis en complet et flagrant contraste avec ce qui était parfait, et cela par la mort de Jésus. Il est inutile de chercher du bien dans l’homme, non pas qu’on ne rencontre d’aimables traits du caractère naturel, mais Dieu n’a absolument aucune place dans le coeur de l’homme, quand celui-ci est mis à l’épreuve.
En même temps, nous trouvons ici le tableau de la patience parfaite du Seigneur au travers de tout. Ce n’était pas seulement l’homme, mais Satan aussi, qui était là pour tenter. C’était la puissance des ténèbres, aussi bien que l’heure de l’homme. Jésus traverse cette scène de la méchanceté de l’homme et de la puissance de Satan ; son coeur se fondait comme de la cire, mais le résultat était toujours la manifestation de sa perfection. Un ange vient le fortifier ; car Jésus était réellement homme, mais un homme parfait, endurant tout ce qui pouvait l’éprouver, et ne manifestant rien que la grâce et l’obéissance parfaites. Partout où il y a de la douleur, son amour surmonte sa propre souffrance pour consoler les autres et leur venir en aide.
Qu’il est solennel de penser que, plus on est près du Seigneur, si la vie spirituelle fait défaut, plus on résiste à Dieu, plus aussi l’on devient un sûr et triste instrument de l’ennemi. Satan n’a nulle part plus d’empire que lorsque la vérité a été présentée et n’a pas été reçue dans le coeur. La convoitise fut le moyen employé par Satan à l’égard de Judas ; mais les principaux sacrificateurs et les scribes peuvent comploter avec lui pour livrer Jésus en secret, Dieu ne le permettra pas : ils sont forcés d’accomplir leur crime selon les desseins de Dieu. Alors, de derrière la scène (v. 8-13), la lumière jaillit : c’est le Seigneur ; quelles que soient ses souffrances, et quoi qu’il rencontre sur son chemin, nous trouvons toujours chez lui la connaissance et la puissance divines. Quelle paisible et calme dignité ! Point d’effort — rien pour faire montre de son caractère. Tout fléchit devant l’autorité de ce Sauveur rejeté, tout, excepté le coeur non renouvelé de l’homme auquel il avait été le plus manifesté. Pour le maître de la maison, inconnu d’eux tous à ce qu’il parait, sauf d’un seul, il suffisait d’entendre : « Le Maître te dit ».
Qu’il est précieux de voir des affections humaines parfaites mêlées avec une connaissance divine de toutes choses. « J’ai fort désiré de manger cette pâque avec vous, avant que je souffre. » Le Seigneur parle comme quelqu’un qui, avant de quitter sa famille, désire avoir encore avec elle une réunion d’adieu. Quand nous voyons la gloire divine dans la personne du Sauveur, nous voyons briller en lui les affections humaines (comp. Matt. 17:27). C’est là ce qui donne à Jésus une puissance et un charme qu’aucun autre objet ne possède, en sorte que Dieu peut trouver son plaisir en l’homme et l’homme son plaisir en Dieu. — Le Seigneur rompt tout lien avec l’ancien ordre de choses (v. 16) : il n’établit pas le royaume ici-bas, mais il met l’homme en relation avec Dieu, quand les anciens rapports étaient devenus impossibles. Il prenait une place nouvelle où la chair et le sang ne peuvent entrer ; sa mort et sa résurrection introduisent une nouvelle relation avec Dieu.
Le Seigneur fait ici une distinction entre l’agneau pascal et le vin, et les distingue tous deux d’avec la cène. Il entre de la manière la plus complète dans tous les sentiments d’Israël, de l’Israël de Dieu, dans les intérêts du peuple comme tel, jusqu’à ce que sa réjection les place sur un autre terrain et que la faveur divine soit transportée dans une autre scène par la résurrection, lui-même devenant le substitut, le vrai Agneau pascal. Les disciples étaient au premier rang dans cette communion avec Lui, comme nous voyons ailleurs Hushaï, l’ami du roi. C’est à eux qu’il veut donner ce dernier témoignage de son amour, avant de se séparer d’eux. Mais tout en exprimant ainsi son affection pour eux, il prend d’une manière manifeste (v. 18) le caractère de Nazaréen, qui était moralement toujours le sien, mais qui désormais le devient extérieurement et douloureusement : « Car je vous dis que je ne boirai plus du fruit de la vigne, jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu ». Il renvoie le moment de sa joie avec eux dans la commune jouissance du royaume, jusqu’à ce temps-là.
Ensuite, dans les versets 19 et 20, il institue le mémorial de la meilleure rédemption, de son amour qui va jusqu’à la mort et au sacrifice de lui-même ; s’il se séparait maintenant pour Dieu, dans sa joie, ce n’était pas un manque d’amour pour ses disciples, mais au contraire le plein déploiement de cet amour. « Faites ceci en mémoire de moi. » Nous nous souvenons de Lui souffrant, mort, absent ; nous le connaissons comme un Sauveur présent et vivant. La nouvelle alliance est établie par son sang. Dans toute la joie de la communion avec Christ dans le ciel, nous ne pouvons pas oublier ce qui nous a amenés là. D’un côté, c’est un corps rompu, et un sang répandu ; de l’autre, c’est Lui-même et toute la perfection de l’amour dans sa mort pour nous. Nous sommes unis à Lui, un Christ ressuscité ; mais il nous appelle à nous souvenir de lui comme d’un Christ mort. La bénédiction de cette mort est dans l’oeuvre qu’il a accomplie tout seul : par sa vertu, je suis uni à Lui, et vivant pour toujours. Quant à la part de l’homme dans cette oeuvre (v. 21, 23), c’était la trahison et l’iniquité.
Le Seigneur montre ensuite, de la manière la plus évidente, la nécessité pour les siens de marcher dans la même humiliation que Lui, et non pas comme le monde. La grandeur humaine était reconnue parmi les Juifs, mais cette grandeur, désormais, était jugée et condamnée, ainsi que tout le système judaïque, comme des rudiments du monde. Toute autre grandeur, même si elle se présentait sous forme de bienfaiteurs, était du monde. Christ était venu pour être serviteur. Sa grâce redresse les siens, sans qu’il leur fasse aucun reproche. Il leur fait connaître que quelque élevée que fût la place qu’ils pourraient chercher, Lui prenait la plus basse. Il aurait pu dire : Rien ne brisera donc votre affreux égoïsme ! — mais il dit : « Vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations ». Il est le même maintenant. Ce que nous devrions rechercher, c’est de porter autant du fardeau de l’Église que nous pouvons en porter. Si nous souffrons ainsi avec Lui, son coeur est avec nous.
Pierre avait assez de confiance en la chair, pour aller au-devant de la tentation. Mais il est impossible à l’homme de tenir ferme quand il s’agit d’une question de bien ou de mal : il est pécheur et ne peut traverser cette épreuve. Si Dieu juge, c’en est fait de la chair : elle est comme l’herbe. Il y a la faiblesse de la nature humaine et en outre les droits et le pouvoir de Satan sur l’homme qui avait mis à découvert sa propre condition en la présence de Dieu et était assujetti à la mort par le jugement de Dieu. Je puis avoir appris par la grâce, que la chair ne profite de rien, mais il me faut l’apprendre par des relations avec l’ennemi, si je ne l’apprends pas avec Dieu. Le Seigneur a prié pour que la foi de Simon ne défaillît pas ; mais toute la confiance de Pierre en lui-même devait périr ; l’effet de l’intercession du Seigneur, c’est que Pierre ne perdit pas sa confiance en Christ, comme Judas, qui n’avait pas de foi. — Qu’est-ce qui le rendit plus tard capable de fortifier ses frères ? Il découvrit qu’il n’y avait que du péché en lui, quand il avait les meilleures intentions, et qu’il y avait une parfaite grâce en Christ, quand lui, Simon, agissait au plus mal.
Les versets 35-38 nous présentent un changement complet de circonstances. Jusque-là le Seigneur avait protégé les siens et avait pourvu à tout pour eux, comme le Messie qui disposait de tout ici-bas. Ce temps était passé, et le Juste allait être de plus en plus rejeté. Il était venu avec la capacité de détruire le pouvoir de Satan ; mais c’était le Seigneur qui était venu et l’homme ne voulait pas le recevoir : telle est la condition dans laquelle le monde se trouve. Il faut que lui, le Juste, il soit compté parmi les transgresseurs ! Quel lien pouvait-il y avoir entre Dieu et l’homme ? — L’humanité est condamnée, parce qu’elle a rejeté Christ. Nous pouvons trouver chez elle une conscience scrupuleuse quand il est question de mettre l’argent dans le trésor du temple, mais aucune conscience quand elle trahit le saint Fils de Dieu et le crucifie. Mais c’est en un Jésus rejeté et mort que la foi trouve ses délices. Il faut la foi et la grâce pour confesser un Christ méprisé des hommes. Les disciples qui se reposaient encore sur la force de l’homme, non sur le Messie crucifié en faiblesse, disent : « Voici ici deux épées ». Le Seigneur, en disant : « C’est assez », fait allusion à leurs paroles, et montre qu’ils n’entraient pas dans sa pensée. Il n’avait pas besoin d’en dire davantage.
Il faut que nous passions par le crible pour être exercés et pour que nous jugions la chair. Christ, il est superflu de le dire, n’avait pas besoin de cela, il faisait toutes choses en communion avec son Père. — Son sentier était un sentier d’obéissance, et la tentation, pour lui, était une occasion de faire la volonté de Dieu ; pour Pierre, c’était la puissance de Satan. Christ ne parle pas de la méchanceté des sacrificateurs, de la volonté du peuple, de l’injustice de Pilate, mais de la coupe que son Père lui donnait à boire. Il avait eu des rapports positifs avec Dieu au sujet de la tentation, avant que le moment fût arrivé ; et il faut toujours qu’il en soit ainsi. Il est bien tard pour revêtir l’armure, quand nous devrions être au combat. Un homme qui vit avec Dieu traverse l’épreuve, dans sa mesure, comme Christ l’a fait. Il tient ferme au mauvais jour, parce qu’il a été avec Dieu quand il n’y avait pas de mauvais jour. Sur la croix, il ne s’agit pas de communion ; mais dans le jardin, Christ est en communion avec le Père, quant à la puissance de Satan, qui allait fondre sur Lui. Il sentait tout, mais ne succombait sous aucune chose. Ainsi au lieu d’entrer en tentation, il était dans le plus haut exercice de la spiritualité, accomplissant la volonté de Dieu dans les circonstances les plus difficiles, et la soumission la plus parfaite, même alors qu’elle lui coûtait toutes choses. Notre Père ne peut jamais nous induire à pécher, mais il peut nous induire en tentation, c’est-à-dire il peut permettre que nous soyons criblés, la chair étant abandonnée à elle-même, quand cela est nécessaire, à cause de la dureté ou de la légèreté de nos coeurs, ou de notre manque d’attention à ses patients avertissements. C’est le dernier moyen dont Dieu use, mais souvent un moyen nécessaire pour nous apprendre à nous connaître nous-mêmes, et nous discipliner. Quoique ce soit une grande grâce de la part de Dieu, qu’il s’occupe ainsi de nous, cependant, si nous connaissons notre faiblesse et ce qu’il y a de terrible dans le combat avec l’ennemi, il nous convient bien de prier, et le Seigneur nous y invite, pour que nous ne soyons pas placés dans la fournaise. Dans de pareils moments, une mauvaise conscience pousse au désespoir. La chair, dans sa coupable légèreté, va au-devant de l’épreuve sans assurance ou dans une opposition charnelle, et elle succombe. D’un autre côté, si l’épreuve arrive, nous apprenons à nous tenir dans notre vraie position devant Dieu — veillant, priant, suppliant, plaçant tout devant Dieu dans une confiance d’enfant, mais avec un humble désir que sa volonté soit faite.
Le Seigneur était absolument homme, ici : un ange apparaît et l’assiste, car le combat de son âme était grand ; mais l’épreuve dont il ressent les ardeurs le pousse à prier plus instamment. La puissance du mal et la douleur sont ainsi mises plus clairement en évidence, et de manière à agir même sur le corps. Jésus était en angoisse, mais il dit toujours : « Père ». Il est le Fils, et parle à son Père comme Fils ; il n’est pas encore la victime devant Dieu, mais il souffre en esprit, sentant toute la profondeur des eaux qu’il traverse, mais de cette profondeur, criant à son Père. — Satan a cherché à arrêter Christ par la difficulté, quand il n’a pas pu le détourner par les choses agréables de la vie. Mais Christ a passé à travers tout avec son Père. À la croix il y avait autre chose — la puissance de Dieu contre le péché.
C’est un bonheur que de voir ces deux choses réunies ensemble, la patience envers les hommes et en même temps la puissance qui dispose de tout et peut tout arrêter. Christ a été dans l’angoisse du combat, avec Dieu, — il est calme devant les hommes. Si Pierre coupe l’oreille de Malchus, Lui, il étend la main et guérit. Quel tableau et de l’homme et de Dieu, si nous regardons ici à Christ !
Quand nous tremblons devant les hommes, nous n’avons pas été avec Dieu. Pierre tombe, témoin de la faiblesse et du caractère trompeur de la chair. En Christ — quoiqu’il souffrit — il n’y avait rien qui rendît vaine la simple et parfaite action de la grâce, à quelque moment que ce fût. Lorsque le coq chante, il se tourne et regarde Pierre, qui se ressouvient de la parole que Jésus lui avait dite, et sort, pleurant amèrement.
Le Seigneur ne passa pas la nuit avec ses juges, qui prirent leur temps jusqu’au matin avant de faire comparaître devant eux le Seigneur de gloire, mais il fut laissé au milieu de ceux qu’ils employaient, objet de leur mépris et de leurs insultes. Puis, quand cela leur convint, on l’amena devant un conseil des chefs du peuple ; mais Lui savait que ce n’était pas le temps pour rendre témoignage, et il les laissa à leur propre faiblesse. La présentation du Messie aux Juifs était close : désormais le Fils de l’homme serait assis à la droite de Dieu. Tout était vidé et réglé avec Dieu ; ils pouvaient poursuivre leur chemin. Ils tirent eux-mêmes la vraie conclusion : « Tu es donc le Fils de Dieu ». Ils seront donc coupables, non pas d’une erreur, mais d’avoir condamné Jésus, parce qu’il était le Fils de Dieu et le confessait devant eux.
L’iniquité religieuse n’avait plus maintenant qu’à achever son oeuvre et à conduire le monde dans la voie dans laquelle elle l’avait elle-même dirigé. Il faut que le pouvoir civil cède à l’iniquité volontaire d’un peuple apostat. C’est là l’histoire du monde ; et si, du pouvoir civil ou du pouvoir religieux, il en est un qui soit plus près de Satan que l’autre, c’est toujours le dernier. Les principaux sacrificateurs manifestent leur inimitié, par l’accusation qu’ils portent contre le Seigneur et qui était calculée de manière à exciter la jalousie du gouverneur ; ils accusent le Christ de ce qui était absolument faux quant à César, mais en comptant perfidement sur la confession qu’il ferait de la vérité à laquelle ils savaient bien qu’il ne pouvait pas ne pas rendre témoignage. La culpabilité des Juifs est complète, comme aussi celle des gentils, car Ponce Pilate lui-même déclare Jésus innocent, et il eût désiré le relâcher. Cruel lui-même, le gouverneur romain n’aimait pas la cruauté chez les autres ; mais il ne voulait pas aller jusqu’à sauver Christ de la fureur de ses ennemis ; il lui en aurait coûté quelque chose de le faire, ses intérêts eussent été compromis, et il cède. Ce qui seul a de la puissance dans le monde, c’est l’inimitié contre Christ.
Mais il y a une autre forme du mal ; il y a Hérode roi apostat d’Israël apostat ; et Hérode et Pilate, quoique jaloux l’un de l’autre et divisés entre eux, sont amis pour rejeter Christ : union terrible entre la quatrième bête et ceux qui professent être le peuple de Dieu. Mais si les gentils se rendent honteusement coupables, en ne protégeant pas le Juste et en prononçant contre lui un jugement inique, c’est chez les Juifs que se trouve l’activité d’une volonté méchante. Trois fois l’occasion leur est donnée de revenir à d’autres sentiments ; mais, tandis que l’indifférence du gouverneur est aussi évidente que l’insolence désappointée d’Hérode, chaque fois la voix du peuple ne fait que s’élever plus haut pour demander la mort du Messie ; et pour les apaiser, Pilate relâche le coupable Barabbas qu’ils lui demandent, et livre Jésus à leur volonté.
C’est une heure terrible, une heure de violence. Peu leur importe l’homme qu’ils rencontrent, pourvu qu’ils puissent le forcer à leur venir en aide dans leur iniquité. Leur heure avait sonné ; ils s’accordent tous pour rejeter et outrager Christ, avec cette seule différence que les Juifs agissent avec plus de connaissance de cause. Les privilèges extérieurs se tournent en affliction et en messagers de terreur, il faut qu’ils soient rabaissés, car tout est faux maintenant quelle que soit d’ailleurs, chez les filles de Jérusalem, l’expression des sentiments naturels suscités par les circonstances. Elles ne comprenaient ni la croix de Christ, ni le sort terrible qui les attendait. On peut être touché de compassion, comme si on était supérieur à Christ, et tomber sous le jugement qui est la conséquence de sa réjection et de sa mort. Aucune humiliation n’enlève jamais à Jésus la parfaite capacité de s’occuper des autres de la part de Dieu. Hélas ! ce n’était pas seulement sur Pilate et Hérode, ou sur les principaux sacrificateurs, que le jugement allait tomber, mais sur les femmes qui se lamentaient et pleuraient sur Jésus, dans l’ignorance de leur propre condition et de la condamnation qui pesait sur elles. Conscience naturelle, religion naturelle, sentiments naturels, tout est insuffisant, tout, sauf la gloire de Dieu en Christ. Et si Lui, le vivant et vrai Cep, qui portait réellement du fruit pour Dieu, était traité ainsi, quelle serait la part des branches stériles, ou du bois sec ? Où paraîtra l’impie et le pécheur ? L’homme rejette le bois vert, et Dieu rejette le bois sec. La vie était là, dans la personne de Jésus ; ils n’en ont pas voulu et sont par conséquent rejetés ; et maintenant, on ne peut avoir part à cette vie que par un Christ mort et ressuscité.
Toutes les espérances de délivrance présente sur la terre sont mises de côté : il faut que Christ meure. Mais si Dieu nous montre jusqu’à quel point l’homme peut s’abaisser moralement, il nous montre en même temps que Christ, dans sa grâce, peut descendre plus bas encore : « À moins que le grain de blé, tombant en terre, ne meure, il demeure seul » (Jean 12:24)., C’est pourquoi toutes les fois qu’on tentera (et c’est l’effort de la religion de l’homme) d’associer un Christ vivant, avant la mort et la résurrection, avec des pécheurs vivants, vous pouvez compter qu’on est dans l’erreur, car c’est unir le péché avec le Seigneur du ciel, et c’est nier que les gages du péché c’est la mort. Si Christ était descendu de la croix, comme les gouverneurs et le peuple l’y invitaient, en se moquant de Lui, il ne nous aurait pas délivrés. Il faut que Jésus passe par la mort et qu’il prenne une place plus élevée en résurrection ; et là il nous prend à Lui. L’incarnation par elle-même ne peut pas donner la vie et la rédemption à ceux qui sont morts dans leurs fautes et dans leurs péchés ; il faut que Dieu nous donne une place bien au-delà, dans la vie de résurrection en Christ.
Ainsi donc, en dépit de la grâce de Jésus qui intercède, les Juifs et les gentils s’associent pour l’outrager et le crucifier. Mais Dieu avait préparé, même ici, dans un pauvre pécheur, la consolation de sa grâce pour son Bien-aimé. Or aucune douleur, aucune honte, aucune souffrance n’accablent assez le coeur, pour qu’il n’insulte pas Jésus : un malfaiteur crucifié l’outrage ! Il y a dans tout coeur non renouvelé, une opposition instinctive contre Christ, que n’apaise même pas la puissance de l’amour qui faisait descendre le Fils de Dieu jusque dans la plus profonde humiliation, pour souffrir la colère due au péché. Ne pensez pas que vous soyez en aucune manière meilleurs que ce misérable « Il n’y a point de juste, non pas même un seul ; il n’y a personne qui ait de l’intelligence, il n’y a personne qui recherche Dieu... ils se sont tous ensemble rendus inutiles » ; — en un mot, « il n’y a pas de différence ! » Vous êtes aussi mauvais devant Dieu que le brigand impénitent et moqueur. Mais voyez maintenant le fruit de la grâce dans l’autre brigand. La grâce opère dans un homme, dont la condition est tout aussi dégradée que celle de son compagnon qui, en dépit de sa propre agonie et de son sort ignominieux, trouvait son plaisir à outrager le Seigneur de gloire : tous les deux, en effet, ils avaient insulté Christ (Marc 15:32). Mais quoi de plus glorieux et de plus certain que le salut de ce malfaiteur, lorsqu’il s’incline devant le nom de Jésus ? Il s’en va au paradis avec le Seigneur, qu’il reconnaît comme tel.
On a dit quelquefois sans réflexion, que l’un des deux hommes fut sauvé ainsi, afin que personne ne désespérât, et qu’il n’y en eût qu’un seul afin que personne ne présumât de lui-même. Ce qu’il y a de vrai, c’est que c’est ici le seul moyen par lequel un pauvre pécheur, quel qu’il soit, peut être sauvé ; il n’y a qu’un seul et même salut pour tous. Le temps eut manqué évidemment s’il se fût agi pour le brigand de faire quoi que ce soit, mais tout est fait pour le pécheur qui croit. Ce même jour, ses jambes devaient être brisées, comment pouvait-il entrer dans le paradis ? Christ opérait sa délivrance par sa propre mort, et l’oeil de cet homme était ouvert par la foi à ce que Christ accomplissait.
Ce n’est pas seulement que l’oeuvre de Christ, accomplie pour lui, fût la base sur laquelle son âme se reposait pour le salut ; il y avait aussi une grande oeuvre morale opérée en lui par la révélation de Christ à son âme, par le Saint Esprit qui le convainquait de sa complète iniquité : « Et tu ne crains pas Dieu, toi », dit-il, en censurant son compagnon, « car tu es sous le même jugement ? Et pour nous, nous y sommes justement ». Tout n’était pas joie. La conscience était réveillée ; il y avait un vrai sentiment du bien et du mal, car, en esprit, le brigand avait trouvé la présence de Dieu ; et ainsi, oubliant ses propres circonstances, il devenait prédicateur de justice. Il reconnaît la justice de sa propre condamnation dans la sincère et loyale confession de son péché ; mais quel témoignage merveilleux il rend en même temps à Christ : « Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire ! » Il parle comme s’il avait connu Christ toute sa vie il a une perception divine du caractère du Sauveur et il en est de même pour le chrétien, maintenant. Etes-vous si jaloux de la pureté et de la gloire de Christ, que vous ne puissiez faire autrement que de vous récrier, quand on parle de Lui sans révérence ? Le brigand croyait que Jésus était le Seigneur, le Fils de Dieu, et il pouvait répondre ainsi avec assurance de ce qu’il avait été comme homme. Christ était parfaitement homme, aussi vraiment et parfaitement homme que tout autre, mais son obéissance était aussi divine : « Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire ». Quelle réponse du coeur renouvelé à la joie qu’il trouve dans la pureté et l’absence de péché ! Son oeil embrasse, pour ainsi dire, toute la vie de Christ ; il peut répondre pour Christ partout et toujours, parce qu’il a appris à le connaître Lui-même.
Puis, se tournant vers Jésus, il dit : « Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume ». Aussitôt qu’il peut se débarrasser de cette triste obligation — quand il en a fini avec l’autre brigand, et a rendu témoignage — son coeur se tourne instinctivement vers Christ. Rien ne le distrait de Lui ! Pense-t-il à ses souffrances ? S’occupe-t-il du peuple qui entoure la croix ? Non, comme il arrive toujours quand la présence de Dieu domine, il est absorbé. Dans l’extrémité de l’impuissance, pour ce qui est de l’apparence extérieure, il entend la voix du Berger, et il le reconnaît comme le Sauveur et le Roi. Il lui demande de se souvenir de lui. Le jugement des hommes était que Christ était un malfaiteur ; les femmes qui pleuraient sur lui ne discernaient pas sa personne ; mais les circonstances les plus avilissantes ne pouvaient cacher au brigand la gloire de Celui qui était crucifié à son côté. Il reconnaît Jésus comme le Seigneur, il sait que son royaume viendra certainement. L’autre brigand, s’il pensait à quelque chose, ne désirait que la délivrance présente ; mais celui-ci voyait les souffrances de Christ et les gloires qui suivraient. Son âme ne recherchait pas la délivrance des souffrances corporelles, mais se portait tout entière sur la personne de Christ dans la gloire. Ses yeux n’étaient pas tournés vers la terre, ni vers la nature, mais vers un autre royaume où la mort ne peut entrer. Il n’y avait aucun nuage, aucun doute, rien qui obscurcît chez lui la paisible et ferme assurance que le Seigneur viendrait dans son royaume.
Le Seigneur lui donne plus que sa foi ne demande. Il lui donne la paix actuelle. Il ne lui parle pas même du royaume qui allait venir, mais il lui dit : « En vérité, je te dis : Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis ». C’est comme s’il eût dit : Tu auras le royaume, quand il viendra ; mais je donne maintenant un salut d’âme ; tu vas être immédiatement associé à moi, d’une manière infiniment plus excellente et plus glorieuse que tout ce que le royaume apportera, quelque béni qu’il soit. En effet, l’oeuvre qui pouvait transporter une âme dans le paradis fut accomplie à la croix. Si le Sauveur a pris la place du pécheur, le pécheur est, par grâce, en droit de prendre la place du Sauveur. Sans doute, le pauvre brigand n’avait que peu de connaissance de l’oeuvre de Christ et de ses effets, mais le Saint Esprit avait fixé son coeur sur la personne de Christ. La parole du Seigneur (v. 43) implique l’expiation, en vertu de laquelle nous sommes rendus propres à être ses compagnons en présence de Dieu. L’oeuvre de Christ est aussi parfaite pour nous, maintenant, qu’elle l’était alors pour le pauvre brigand ; elle est tout aussi bien accomplie pour nous que si nous étions déjà réellement ravis dans le paradis. Combien cela est différent de tout ce qui ressemble à un progrès de l’âme, qui la rendrait propre pour le ciel ! Quelle chose merveilleuse qu’une telle âme devienne une consolation pour le Sauveur ! Jésus était descendu jusque sous la condamnation et tous les flots de la colère ont passé sur Lui ; et maintenant le brigand converti était le glorieux témoin de la grâce parfaite et du salut éternel par le sang de Jésus.
La scène où resplendit la lumière d’un autre monde par un coeur purifié par la foi fait place maintenant aux ténèbres qui convenaient à cette heure, et qui s’étendaient, parait-il, spécialement sur Israël : « Et le soleil fut obscurci, et le voile du temple se déchira par le milieu ». Ainsi le chemin des lieux saints est rendu manifeste par l’acte qui s’accomplissait dans ces ténèbres ; et Dieu, dans la grâce du sacrifice de Christ, luisait sur ce monde. À travers les ténèbres du jugement la lumière jaillit, et le chemin était ouvert pour entrer au-dedans du voile. Tout était accompli, et le Seigneur, d’une voix forte, non affaiblie, s’écrie : « Père ! entre tes mains je remets mon esprit ». C’est ici quelque chose de bien plus glorieux que la bénédiction juive, car, quant à Israël, « le vivant, le vivant est celui qui te louera » (És. 38:19) ; c’est l’adoption, la mort vaincue et devenue l’occasion seulement pour remettre l’esprit sain et sauf, heureux, confiant, en dépit de la mort, aux soins et dans la présence du Père. Principe d’une immense importance et que rien, si ce n’est la résurrection, ne peut dépasser. La mort dans les mains de Jésus, — quel fait ! — Le centurion, présent dans l’accomplissement de son devoir, atteint tout au moins dans sa conscience naturelle, glorifie Dieu et reconnaît que « en vérité, cet homme était juste ». Les foules assemblées, voyant les choses qui étaient arrivées, s’en retournent se frappant la poitrine, n’augurant rien de bon. Ceux de sa connaissance et les femmes qui l’avaient accompagné de la Galilée, plus intéressés que les autres, se tiennent loin toutefois, regardant ces choses.
Mais la providence et l’opération de Dieu, le juste Juge, prennent soin du corps du Juste. Si les premiers témoins sont disparus, d’autres, faibles en foi, sont rendus actifs et fidèles au poste du danger, dans la confession et l’attachement au Seigneur. Combien souvent les difficultés qui effraient les uns poussent en avant les autres ! Il en fut ainsi pour Joseph d’Arimathée, car il fallait que Jésus fût « avec le riche dans sa mort ». Les femmes aussi, dans une vraie mais ignorante affection, font d’inutiles préparatifs, attendant l’heure juive pour un Seigneur qui s’en était allé bien au-delà de leur foi. La résurrection allait briller à l’aurore d’un glorieux matin, car les honneurs du tombeau, semblables aux intentions des femmes de Galilée, avaient un caractère juif, et tout cela prenait fin maintenant dans la mort.
Luc nous montre maintenant l’Homme ressuscité, présent de nouveau au milieu de ses disciples, et s’occupe du témoignage adressé au monde sur le fondement de la résurrection, nouvelle vérité et puissance qui est supérieure à tous les principes naturels. La croix a fermé la porte à tout ce qu’est « l’homme dans la chair », et une chose nouvelle est introduite dans le Christ ressuscité. La résurrection est une toute nouvelle condition ; sans elle, le Juif même ne pouvait pas jouir des grâces assurées de David. L’homme, sans loi et sous la loi, se trouvait placé sous une sentence de mort. Il peut se glorifier de ses facultés naturelles, mais il est sans Dieu. Il a rejeté celui qui vint à lui, comme homme, en parfaite et divine grâce ; et en le faisant, il a montré pleinement ce qu’il était. C’est pourquoi, le Seigneur dit : « Maintenant est le jugement de ce monde ». Un terrain et une scène entièrement nouveaux apparaissent ici et sont mis en évidence en Christ lui-même. Nos corps restent les mêmes ; mais la vie, le caractère, les mobiles du coeur, les moyens, le but, sont entièrement nouveaux dans le chrétien : « Les choses vieilles sont passées et toutes choses sont faites nouvelles ».
Les femmes préoccupées de leurs propres pensées et de leurs affections, viennent avec des aromates, pour embaumer le corps mort de Jésus, alors qu’il était déjà vivant devant Dieu dans le parfum de son oeuvre et de son sacrifice, ayant accompli tout ce qui plaçait l’homme, le dernier Adam vivant, en justice et en faveur devant Dieu le Père. Les femmes rencontrent d’abord une difficulté inattendue, car elles ne trouvent pas le corps du Seigneur, ne sachant pas encore qu’il était ressuscité. Elles ne comprenaient pas qu’il ne restait plus ni jugement, ni péché. Il peut y avoir une vraie et grande affection pour Jésus, là où l’on ignore ces choses. Mais bientôt la question qui impliquait la réponse à tout, leur est posée : « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? » Ces femmes ignorantes mais fidèles n’étaient pas oubliées du Seigneur ; Lui, dont les voies sont amour, a conservé leur mémoire et le souvenir de leur sortie matinale à sa recherche, d’où elles devaient rapporter à ses apôtres eux-mêmes, le précieux message. « Et leurs paroles semblèrent à leurs yeux comme des contes, et ils ne les crurent pas ». Mais Pierre, dont le coeur brisé et repentant était plus que les autres affecté par ce qu’il venait d’entendre, court au sépulcre ; et se baissant pour regarder, il voit les linges là, tout seuls, et s’en retourne, s’étonnant en lui-même de ce qui était arrivé. Assurément c’était un merveilleux secret, qui confondait toutes les pensées des hommes et s’élevait au-dessus d’elles.
Le récit des circonstances fourni par Luc est toujours général ; Jean nous donne plus de détails et développe plus particulièrement l’affection dévouée de Marie-Madeleine pour la personne de Jésus, montrant aussi combien peu, jusqu’alors, elle connaissait la puissance de Dieu en résurrection.
Nous n’avons pas besoin d’entrer dans le détail de la touchante entrevue du Seigneur avec les disciples, sur le chemin d’Emmaüs. Comme il éveille leurs affections ! Mais il apparaît ici, entièrement comme homme, et les disciples parlent de la vérité au point de vue juif. Leurs coeurs restent toujours enfermés dans le même cercle. Combien cela est naturel ! Jésus était un prophète, et ils espéraient que c’était lui qui délivrerait Israël. Le fait de la résurrection occupait bien leurs pensées, mais il était sans lien avec les conseils de Dieu. Les disciples étaient étonnés, mais, comme d’autres avant eux, ils en restaient là. Christ se place sur un terrain absolument différent, quoiqu’il ne s’agisse encore ici que d’intelligence et non de la puissance du Saint Esprit : « Ô gens sans intelligence et lents de coeur à croire toutes les choses que les prophètes ont dites ! » Et commençant par Moïse et par tous les prophètes, il leur explique, dans toutes les Écritures, les choses qui le regardent, et ouvre leur intelligence pour les entendre ; car, quoique présenté ici entièrement comme homme, il opère divinement et spirituellement dans leurs âmes. « Ne fallait-il pas ? » dit-il ; n’était-ce pas le conseil de Dieu, clairement révélé dans sa Parole ? Ce sur quoi il insiste, c’est sur la pensée de Dieu dans les Écritures, relativement au Christ. C’était là un pas immense qui faisait sortir les disciples de leur préoccupation d’eux-mêmes et de leur égoïsme juif. Ils pensaient que Jésus délivrerait Israël par puissance ; ils n’avaient aucune idée d’une vie nouvelle et céleste, quoique, sans doute, ils la possédassent. Même pour ce qui regarde le Christ, il faut que la mort intervienne pour que Dieu soit glorifié et l’homme réellement béni ; ainsi l’avaient enseigné Moïse et tous les prophètes. « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses, et qu’il entrât dans sa gloire ? » Non pas qu’il « établît son royaume ici-bas », mais « entrât dans sa gloire ».
Les versets 28 à 35 nous fournissent un tableau vivant de la scène d’Emmaüs. « Il fit comme s’il allait plus loin. » Pourquoi lui, qui à leurs yeux était « un étranger », serait-il entré avec eux ? Mais ils le forcèrent, disant : « Demeure avec nous, car le soir approche et le jour a baissé... Et il arriva que, comme il était à table avec eux, il prit le pain et il bénit ; et l’ayant rompu, il le leur distribua. Et leurs yeux furent ouverts, et ils le reconnurent ; mais lui devint invisible et disparut de devant eux ». Ce n’était pas ici manger la cène du Seigneur avec eux, c’était cependant en relever une partie, la fraction du pain qui était le signe de sa mort. Il n’était pas là seulement comme le pain vivant descendu du ciel, mais comme ayant dit : « C’est ma chair, laquelle moi je donnerai pour la vie du monde », — non pas la chair que je prendrai, mais que je donnerai. Il prit part à la chair, sans doute, afin de la donner ; mais c’est sa mort qui devint la vie du monde. Pour le Juif, aussi bien que pour le gentil, il n’y avait pas d’autre moyen de salut. La condition de l’homme était telle qu’il ne pouvait être vivifié qu’en rapport avec la croix. Tout ce qui était dans l’homme, comme enfant d’Adam, était sous une sentence de mort et de jugement. Christ, en grâce, entra là où l’homme se trouvait, où j’étais, afin que je fusse dans la même position que Lui, quant à l’acceptation devant Dieu : son corps rompu me montre que j’ai part à ce qui m’amène à Dieu. Un pécheur mort ne peut trouver la vie et la faveur de Dieu que dans un Christ mort : c’est ce que le Seigneur avait enseigné au chapitre 6 de Jean ; il fallait manger sa chair et boire son sang pour avoir la vie. Il ne s’agissait plus simplement de sa présence corporelle dans l’incarnation ; il fallait nécessairement la rédemption et la foi en elle. Il fallait qu’on se nourrît de Christ, non pas seulement comme Messie vivant, ou comme ayant revécu pour toujours dans la résurrection, mais comme de Celui qui était mort, dont le corps avait été rompu et le sang versé pour l’expiation.
C’est ainsi que le Seigneur se fait connaître aux disciples à Emmaüs, quoique ce ne fût pas la cène du Seigneur. Leurs coeurs avaient été ouverts par ce qui les encourageait, en liant la vérité de Dieu avec le fait de la réjection de Christ et en changeant leur désespoir en joie et en paix, quand les conseils de Dieu dans ces choses leur avaient été montrés. Mais la révélation présente du Seigneur avait lieu par la circonstance touchante de son association personnelle avec eux dans la fraction du pain. C’était lui-même qui avait rompu le pain ; il ne pouvait y avoir à cet égard aucun doute. Un instant après, il avait disparu de devant leurs yeux ; mais il avait atteint son but. Ils avaient la vie par sa mort, et Lui était ressuscité ; son corps était un corps spirituel, mais avait de la chair et des os qu’un esprit n’a pas. Il avait montré aux siens, non seulement le fait, mais la nécessité du fait de la résurrection. Pourquoi ne dit-il pas qu’il « était » ressuscité, mais qu’il « fallait... qu’il ressuscitât d’entre les morts ? » — Parce qu’il faut que la sentence tout entière tombe sur le premier Adam et en finisse avec lui. Tout ce que j’ai maintenant, je le possède dans le dernier Adam ; je ne suis pas seulement vivifié, mais vivifié ensemble avec Christ, ayant le pardon de tous mes péchés. Christ, par sa mort, les a tous ôtés pour tous ceux qui croient ; et pour eux, tout ce qui se rattachait au premier Adam est désormais passé. C’est la puissance contre le principe du péché, qui de fait est encore en nous ; c’est pourquoi l’apôtre appelle les croyants à se tenir eux-mêmes pour morts au péché (Rom. 6). Dans la puissance du Saint Esprit, qui me donne la conscience de la vie nouvelle que je possède en Christ, j’ai à mortifier mes membres qui sont sur la terre, car j’ai à faire l’application de la, mort de Christ à ma vieille nature. Le principe monacal s’efforce de tuer le péché afin de trouver la vie ; mais l’apôtre montre qu’il faut que nous ayons la vie, par la foi en Christ, pour traiter le péché comme une chose morte (Rom. 6 et 7 et 8).
C’est une chose importante que les yeux des disciples aient été retenus. Dans la condition où ils se trouvaient, reconnaître Jésus eût satisfait leurs pensées. D’un autre côté, le Seigneur engageait leurs coeurs par toutes les choses que Dieu avait dites de Lui, et ouvrait leur intelligence spirituelle, et ensuite, dans l’intimité de la communion, par la fraction du pain, qui rappelait la grande vérité de sa mort, découvrait à leurs yeux sa grande délivrance. « Nous marchons par la foi, non par la vue. » Pleins du grand événement qui commença un monde nouveau, les deux disciples retournent en hâte à Jérusalem où les onze étaient assemblés ainsi que ceux qui étaient avec eux, disant : « Le Seigneur est réellement ressuscité, et il est apparu à Simon » ; ils font le récit de leur merveilleuse rencontre et de la manière plus merveilleuse encore dont Jésus s’était fait reconnaître en rompant le pain. Le Seigneur prouvait ainsi qu’il voulait des témoins indépendants.
Leurs coeurs étaient préparés mais à cette chose nouvelle, « le commencement, le premier-né d’entre les morts », des coeurs terrestres s’associaient difficilement. Le Seigneur se présente à eux comme toujours et de toute manière le même homme. Dans son entretien avec les deux disciples, il en avait été exactement de même ; tout était humain, quoique ce qu’aucun homme ne fut jamais et ce que nul, sauf Dieu, ne pouvait être, fût ainsi mis en évidence. Ici aussi, le Seigneur montre à ses disciples ses mains, ses pieds, les blessures qui lui avaient été faites ; il mange devant eux quelque peu d’un morceau de poisson cuit et d’un rayon de miel. Deux sentiments dominent dans le coeur des disciples, la joie de le revoir de nouveau et l’étonnement. Le Seigneur présente la vérité de la résurrection, non pas comme doctrine, mais comme une vivante réalité, pour restaurer les âmes des disciples et leur faire connaître la sienne de la manière la plus familière, ressuscité désormais, et cependant toujours réellement et véritablement homme. « Et il leur dit : Ce sont ici les paroles que je vous disais quand j’étais encore avec vous, qu’il fallait que toutes les choses qui sont écrites de moi dans la loi de Moïse, et dans les prophètes, et dans les psaumes, fussent accomplies. Alors il leur ouvrit l’intelligence pour entendre les Écritures. »
Le Seigneur met ainsi en évidence la vraie position devant Dieu en justification de vie et en liberté ; mais il fallait une autre chose devant les hommes, savoir la puissance. Ce n’est pas ce dont il s’agit devant Dieu, devant qui le chrétien est placé comme Christ lui-même, « agréable dans le bien-aimé » ; mais pour le témoignage qu’il est appelé à rendre ici-bas, soit par la parole de la prédication ou de quelque autre manière que ce soit, l’homme a besoin de puissance. Cette puissance était promise aux disciples ; mais ils devaient attendre encore pour la recevoir. Il faut nous garder de confondre le service, quel qu’il soit, avec la position chrétienne. La puissance de l’Esprit est nécessaire pour vivre devant les hommes, — la puissance outre la régénération, qui est une chose distincte de l’intelligence spirituelle. Nous avons besoin de cette dernière pour saisir notre position en Christ ; et quand il ouvre nos intelligences pour comprendre les Écritures, cette intelligence ne nous élève pas ; c’est une révélation de lui-même qui met en communion avec Lui : le besoin de puissance subsiste néanmoins. Même la connaissance n’est pas nécessairement la puissance. Le témoignage et le propos de Dieu dans la Parole doivent être accomplis. La grande vérité d’un Christ qui a souffert et est ressuscité, atteint jusqu’aux gentils. Dans Matthieu, l’association de Christ avec le résidu juif est mise en évidence ; c’est pourquoi le Seigneur rencontre les siens en Galilée après et avant sa résurrection ; et c’est le point de départ de leur mission d’aller et de faire disciples les nations. Tout cela manque en Luc, où Jérusalem, Emmaüs, et Béthanie avant tout, occupent la première place, car c’est de là que le Seigneur monte au ciel ; le témoignage vient de plus haut que du terrain où le formalisme légal du Juif et le péché plus grossier du gentil pouvaient être distingués ; le Juif, enfant de colère comme le gentil, est placé sur le même pied que celui-ci.
Le témoignage devait toutefois commencer expressément par Jérusalem : il faut que les richesses de la grâce soient d’abord manifestées là où le péché est le plus grand. La croix brisait le lien de Christ comme Messie juif avec les Juifs, mais elle ouvrait la porte de la repentance et de la rémission des péchés au Juif premièrement, puis au gentil. « Et vous, vous êtes témoins. » Le Saint Esprit vient répondre au besoin de puissance : « Et voici, moi, j’envoie sur vous la promesse de mon Père. Mais vous, demeurez dans la ville, jusqu’à ce que vous soyez revêtus de puissance d’en haut. » Ce glorieux témoin de l’exaltation de Christ, le Saint Esprit, ne pouvait devenir la part de l’homme que par la réception de Christ dans le ciel, une fois la rédemption accomplie. Le Saint Esprit avait toujours été actif, en création, en révélation, en providence, en régénération, et dans tout ce qui est bon, mais il n’avait jamais été donné auparavant. Le don dépendait de la gloire de Jésus : le Saint Esprit pouvait devenir serviteur de cette gloire dans l’homme, car c’était le conseil de Dieu et la perfection de l’amour.
En attendant, et jusqu’à ce qu’ils fussent revêtus de cette puissance, les disciples s’en retournent avec une grande joie à la ville que leur Seigneur avait quittée. Leurs coeurs étaient remplis de l’influence de ce grand fait que leur Maître était glorifié, quoiqu’ils l’associassent encore à des pensées juives. Ces deux éléments se retrouvent dans les Actes, particulièrement dans la première partie du livre.