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Réflexions sur l’Évangile selon LUC
F.B. Hole
Les Réflexions sur les évangiles et les Actes de F.B. Hole ont premièrement paru en anglais en 1937-1939 dans le périodique « Edification » et en 1940 à 1944 dans le périodique « Scripture Truth ».
Table des matières :
Dans les premiers versets de son évangile, Luc déclare le but qu’il s’est proposé en l’écrivant. Il souhaite apporter la certitude à l’esprit d’un certain païen converti. Dieu avait donné à Luc une parfaite connaissance de toutes choses depuis le commencement, aussi maintenant il les écrit « par ordre » : nous allons voir, à mesure que nous avançons, que parfois il laisse de côté l’ordre historique pour présenter les choses dans un ordre moral et spirituel. La compréhension de cet ordre moral et spirituel, ajoutée au récit ordonné de ces faits, devait apporter la certitude à Théophile, et l’apportera à nous aussi. Nous voyons ici comment la certitude est liée aux Saintes Écritures : la Parole de Dieu. Si nous n’avions pas les Saintes Écritures, nous ne serions sûrs de rien.
Le premier et le deuxième chapitres nous présentent les faits se rapportant à la naissance de Christ ainsi que des tableaux attachants du résidu pieux en Israël, ce résidu duquel, selon la chair, est issu le Christ. Le premier tableau aux versets 5 à 25 est celui du sacrificateur Zacharie et de sa femme Élisabeth. Ils étaient « justes devant Dieu » et nous pouvons en déduire que leur vie était caractérisée par la foi et donc aussi par l’obéissance aux ordonnances de la loi. Pourtant, lorsqu’un ange dit à Zacharie que sa femme avancée en âge et stérile enfantera un fils, il demande que lui soit accordé un signe à l’appui de la simple Parole de Dieu. En ceci, il montre bien qu’il est un « croyant incrédule » quoique tout à fait conforme à sa race, car « les Juifs demandent des miracles » (= signes) (1 Cor. 1:22). Et il en supporte la peine en gouvernement, puisque le signe accordé est la perte de la parole. Mais ce signe est tout à fait à propos. Le Psalmiste avait dit : « J’ai cru, c’est pourquoi, j’ai parlé » (Ps. 116:10). Zacharie n’a pas cru, c’est pourquoi il ne peut parler.
L’ange prédit à Zacharie que son fils sera grand devant le Seigneur et sera rempli de l’Esprit Saint, afin que dans l’esprit et la puissance d’Élie il « prépare au Seigneur un peuple bien disposé ». Aux versets 6, 9, 11, 15, 16 et 17, « Seigneur » est l’équivalent de « l’Éternel » de l’Ancien Testament : aussi la venue du Messie sera-t-elle la venue de l’Éternel. Il devait y avoir sur la terre des gens préparés à recevoir le Christ lorsqu’Il viendrait. Cet évangile nous présente donc au début un sacrificateur pieux accomplissant les rites de la loi dans le temple, et recevant une promesse concernant un peuple qui attend l’apparition du Messie sur la terre.
Il nous faut apporter une attention particulière à ce point, car nous allons voir que cet évangile nous fait passer de la loi à la grâce et de la terre au ciel, si bien qu’il se termine par la grâce annoncée à toutes les nations et par l’ascension de Christ dans les cieux, où Il prendra son service de souverain sacrificateur. Au chapitre 1 le sacrificateur terrestre est muet. Dans les derniers versets de l’évangile, les hommes qui vont être sacrificateurs dans la nouvelle dispensation du Saint Esprit sont dans le temple et rien moins que muets : ils louent et bénissent Dieu.
Dans les versets 26 à 38 l’ange annonce à Marie la conception et la naissance de son Fils. Marie est le vase d’élection pour ce grand événement. Il nous faut relever brièvement quelques détails fort importants. En premier lieu le verset 31 déclare sans équivoque que ce Fils est véritablement homme « né de femme » selon Galates 4:4.
En second lieu, les versets 32 et 33 déclarent qu’Il est bien plus qu’un homme ordinaire. Il est « grand » comme personne ne le fut jamais, puisqu’Il est Fils du Très-haut. Il est appelé à être le roi attendu par la maison de Jacob et à recevoir un royaume qui demeure à toujours. Nous remarquons que jusqu’ici il n’y a aucune allusion à quoi que ce soit en dehors de cette attente du Messie qui avait son fondement dans les prophéties de l’Ancien Testament. Le Fils du Très-haut venait pour régner, et rien dans le message ne précisait que ce règne ne s’établirait pas immédiatement.
Une difficulté se présente à l’esprit de Marie, qu’elle exprime au verset 34. L’enfant qui allait venir devait avoir David pour père et pourtant être le Fils du Très-haut ! Marie ne demande pas un signe, puisqu’elle accepte les paroles de l’ange, mais bien une explication. Comment cela arrivera-t-il ? La question de Marie et la réponse de l’ange aux versets 35 à 37 déclarent à l’évidence — troisième point — la réalité de la naissance miraculeuse de Jésus et le caractère tout à fait surnaturel de sa nature humaine.
Il y aurait une intervention du Saint Esprit pour la conception de la « sainte chose », puis la puissance du Très-haut couvrirait Marie de son ombre — opération qui se poursuivrait, croyons-nous — jusqu’à la naissance de la « sainte chose » pour la protéger. Un vase de chair et de sang serait ainsi préparé pour l’incarnation du Fils de Dieu. Il est véritablement Fils de David, comme l’indique la fin du verset 32, mais Rom. 1:3 montre que c’est le Fils de Dieu qui est devenu Fils de David selon la chair. Au verset 35 de notre chapitre il n’y a pas d’article devant « Fils de Dieu » — « La sainte chose »… sera appelée « Fils de Dieu » — cela indique le caractère plutôt que la personne elle-même. Lorsque le Fils de Dieu devint le Fils de David par l’intermédiaire de Marie, il y eut un déploiement de la puissance de Dieu tel que la « sainte chose » née de Marie fut « Fils de Dieu » en caractère, et en conséquence le vase qui convenait à son incarnation. C’était un miracle de premier ordre, mais l’ange avait bien dit : « rien ne sera impossible à Dieu ».
La foi de Marie et sa soumission au bon plaisir de Dieu la concernant ressortent magnifiquement au verset 38. Les versets 39 à 45 montrent la piété et l’esprit de prophétie qui caractérisent Élisabeth, car en voyant Marie, elle reconnaît immédiatement en celle-ci la mère « de mon Seigneur ». Elle est remplie de l’Esprit Saint et reconnaît Jésus comme son Seigneur avant même sa naissance, exemple instructif de ce qui est dit en 1 Cor. 12:3.
Puis nous avons aux versets 46 à 55 le cantique de Marie aux accents prophétiques. Celui-ci est produit par la conviction qu’a Marie de l’extraordinaire miséricorde dont elle est l’objet dans son humble position. Quoiqu’elle descende de David, elle n’est que la fiancée de l’humble charpentier de Nazareth. Dans la miséricorde dont elle est l’objet, elle voit le gage que ceux qui craignent Dieu seront élevés et que les orgueilleux et les puissants de ce monde seront dispersés. Elle comprend, de plus, que la venue de son enfant allait être l’accomplissement de la promesse faite à Abraham — promesse inconditionnelle de Dieu — loin d’elle la pensée qu’Israël ait mérité quoi que ce soit sous l’alliance de la loi. Tout repose sur l’alliance de la promesse. Ceux qui avaient faim sont remplis de biens, les riches renvoyés à vide. C’est toujours ainsi que Dieu agit.
Ne manquons pas de remarquer que Marie parle de « Dieu, mon Sauveur ». Quoiqu’elle fût la mère de notre Sauveur, elle-même trouvait son Sauveur en Dieu.
Au temps attendu, le fils est né à Zacharie et Élisabeth, et au moment de la circoncision de l’enfant, la bouche de Zacharie est ouverte. Il écrit : « Jean est son nom », montrant que maintenant il accepte sans réserve la parole de l’ange et qu’ainsi le nom de son fils est une question réglée. Il croit enfin, bien que ce soit une foi qui suive la vue — tout à fait à la façon juive. En conséquence Zacharie cesse d’être muet, il loue Dieu et, rempli de l’Esprit Saint, prophétise.
Il est frappant de remarquer que, bien que cette prophétie soit motivée par la naissance de son fils Jean, cet enfant n’occupe dans l’esprit de Zacharie qu’une place secondaire et accessoire. Le grand thème de ses paroles est le Christ de Dieu encore à naître. Il met toutes choses à leur juste place, conséquence du fait qu’il était rempli de l’Esprit, qui magnifie toujours le Christ. Si Zacharie s’était simplement exprimé dans l’enthousiasme causé par la naissance de ce fils inespéré, il aurait parlé surtout ou uniquement de ce fils et de la charge élevée de prophète à laquelle il était appelé.
Il parle de la venue du Christ comme si elle avait déjà eu lieu et il en célèbre les effets comme s’ils étaient déjà réalisés. Ceci est particulier à la prophétie : elle parle, comme étant déjà accomplies, de choses qui, historiquement, sont encore à venir. Pour l’instant, le prophète est transporté dans son esprit en dehors de toute considération de temps. Dans l’apparition imminente du Christ, Zacharie voyait le Seigneur, le Dieu d’Israël visitant son peuple pour le racheter. Le salut qu’Il apporterait, délivrerait les siens de tous leurs ennemis et leur permettrait de Le servir en toute liberté, sainteté et justice tous les jours de leur vie. Et tout ceci serait l’accomplissement de Sa promesse et de Son serment à Abraham. Remarquons comment le Saint Esprit inspire Zacharie pour qu’il parle de la promesse inconditionnelle faite à Abraham, exactement comme Marie l’avait fait. La bénédiction d’Israël reposera sur cette base et non sur celle de l’alliance de la loi.
Dans tous ces événements, nous n’observons pas encore une nette distinction entre la première et la seconde venues du Christ. Les versets 68 à 75 envisagent des choses qui ne s’accompliront dans toute leur acception qu’à Sa seconde venue. Il est exact que le Christ a accompli la rédemption à Sa première venue, mais c’est une rédemption par le sang, et non par puissance. Et il est bien vrai que la sainteté et la droiture avec lesquelles le peuple d’Israël, restauré et délivré, servira son Dieu durant le glorieux millénium, seront fondées sur l’œuvre de la croix. Néanmoins, dans ces versets, les deux venues sont considérées comme un tout.
Les versets 76 à 77 se rapportent directement à Jean, qui vient de naître. Il ira devant la face de l’Éternel pour préparer ses voies. Il donnera la connaissance du salut à son peuple dans la rémission de leurs péchés. C’est ce qu’il a fait comme indiqué au verset 3 du chapitre 3 en relation avec le baptême qu’il prêchait. Remarquons qu’ici « son peuple » prend un sens assez nouveau, non pas Israël en tant que nation, mais ceux qui composaient le résidu croyant au milieu de ce peuple. Tout se trouve sur le terrain de la miséricorde, même pour Jean et son ministère semblable à celui d’Élie. C’est « la rémission de leurs péchés, par les entrailles de miséricorde de notre Dieu » (v. 77 et 78).
Dans les versets 78 et 79, Zacharie revient à la venue du Christ, et évidemment tout se situe sur le terrain de cette même miséricorde, car l’expression « selon lesquelles » lie ce qui suit à la miséricorde mentionnée juste avant. L’« Orient d’en Haut » est une description du Christ particulièrement belle. On pourrait remplacer « Orient » par « Aube du jour » ou « Lever du soleil ». La venue du Christ marquait à la vérité l’aube d’un jour nouveau. L’homme sur la terre a toujours vu le soleil qui se lève monter à l’horizon. Ce lever de soleil descend « d’en Haut ». L’Esprit de Dieu pousse Zacharie, à annoncer l’aube d’un jour nouveau, bien que l’extraordinaire beauté en soit encore cachée à ses yeux.
Il comprend cependant que ce jour introduira à la fois lumière et paix pour les hommes. Et ici, il se met en effet à parler de choses qui ont trouvé leur heureux accomplissement à la première venue du Christ. Lorsque débuta le ministère public du Christ, la lumière commença à briller et le chemin de la paix fut véritablement établi par Sa mort et Sa résurrection : chemin où les disciples furent conduits aussitôt après. La prophétie de Zacharie se termine sur cette note d’une beauté remarquable. La première mention que nous avons de Zacharie, le montre homme troublé et craintif. Le dernier mot de lui que rapporte l’Écriture est « paix ». Par la foi, il avait vu la venue du Sauveur, semblable à l’aube d’un jour nouveau de bénédiction et cela changeait tout.
Le verset 80 résume toute la vie de Jean jusqu’au début de son ministère. Dieu s’occupe de lui en secret dans les déserts, l’instruisant en vue du service solennel qui serait le sien dans les jours à venir : prêcher la repentance.
Le début de ce chapitre montre comment Dieu peut employer les grands de la terre — à leur insu — pour l’accomplissement de Ses desseins. Le cas dont il s’agit ici est d’autant plus remarquable que le décret d’Auguste ne fut pas exécuté immédiatement mais fut différé jusqu’à l’époque où Cyrénius eut le gouvernement de la Syrie. La prophétie avait, cependant, indiqué que le Messie devait naître à Bethléhem et le décret de l’Empereur arrive au moment propice pour faire monter Joseph et Marie à Bethléhem, quoiqu’un retard intervînt par la suite pour le recensement lui-même. C’est sans doute à cause de cet état de perturbation que l’hôtellerie était pleine. Le fait que le Christ est né dans une étable témoigne de la pauvreté de Joseph et Marie, l’argent pouvant toujours — hier comme aujourd’hui — parer au manque de confort. Toutefois, c’est un symbole de la place extérieure au monde et à sa gloire que Christ allait occuper dès le début.
Les versets 8 à 20 s’occupent de l’épisode relatif aux bergers. Nous connaissons si bien ces faits par les cantiques et les chants de Noël que nous courons peut-être le danger de ne pas en saisir toute l’importance. Garder les troupeaux, n’était pas une occupation très prisée en ces jours-là. Et les bergers qui gardaient les troupeaux pendant la nuit n’avaient pas la compétence de ceux qui s’en occupaient dans la journée. C’est à ces gens humbles et ignorés à l’extrême que les anges apparaissent. Le secret du ciel concernant l’arrivée du Sauveur est dévoilé à des gens aussi insignifiants que ceux-ci !
Cela paraît encore plus extraordinaire lorsque nous comparons ce chapitre avec Matthieu 2. Dans l’évangile de Matthieu la scène se passe parmi les grands de Jérusalem : le roi Hérode, ses courtisans, les souverains sacrificateurs et les scribes, mais tous ceux-ci ignorent complètement ce merveilleux événement pendant des mois et encore n’en entendent-ils parler que par les Mages de l’Orient qui arrivent à Jérusalem, personnages totalement étrangers à la nation d’Israël. L’explication nous en est donnée par les paroles du Psalmiste : « le secret de l’Éternel est pour ceux qui Le craignent » (Ps. 25:14). Dieu ne fait pas acception de personnes, mais Il a égard à ceux qui sont humbles et intègres de cœur devant Lui. Aussi ne tient-Il pas compte des grands de Jérusalem et Il dépêche des anges vers ces bergers méprisés qui gardent leur troupeau pendant les veilles de la nuit pour leur faire connaître le secret des voies divines. Ces quelques bergers faisaient partie du résidu pieux qui attendait le Messie, comme nous le montreront par la suite leurs paroles et leurs actions.
D’abord vient le message de l’ange, et ensuite la louange de l’armée céleste. Si le message était un grand sujet de joie, c’est parce que le Messie venait comme Sauveur. Les Israélites avaient eu le législateur et les prophètes, mais maintenant était venu le Sauveur, et un Sauveur si grand que c’était le Christ, le Seigneur. Cette bonne nouvelle est pour « tout le peuple » : pour le moment, elle ne s’adresse pas au-delà du cercle d’Israël. Le signe annonçant cet événement extraordinaire est tel que personne n’aurait jamais pu le concevoir. Les hommes auraient pu s’attendre à voir un puissant homme de guerre assis sur un trône en tenue d’apparat. Le signe est un petit Enfant, emmailloté et couché dans une crèche. Mais c’est un signe annonçant de quelle manière et dans quel esprit le Seigneur allait maintenant s’approcher des hommes.
Les louanges des anges — rapportées au verset 14 — ne sont exprimées qu’en peu de mots, des mots lourds de sens. Ils rapportent les ultimes conséquences qui devaient découler de l’arrivée de ce petit Enfant : Dieu sera glorifié dans les lieux très-hauts, centre de Sa puissance, l’endroit même où le plus léger discrédit jeté sur Son nom serait le plus vivement ressenti. Sur la terre, où depuis la chute, guerres et querelles ne cessent pas, la paix sera établie. Dieu trouvera Son « bon plaisir dans les hommes ». Depuis le moment où le péché est apparu, Dieu n’a trouvé de plaisir ni en Adam ni en sa descendance : mais voici maintenant Celui dont la nature humaine est d’un autre ordre que celle d’Adam, grâce à Sa naissance miraculeuse, ce qui a été clairement exposé au premier chapitre. En Lui, le bon plaisir de Dieu repose au suprême degré, comme aussi il reposera dans les hommes qui sont en Lui, comme fruits de Son œuvre : conséquence merveilleuse, en vérité !
À tout ceci, les bergers donnent la réponse de la foi. Ils ne disent pas : « Allons... et voyons si cette chose est arrivée », mais « voyons cette chose qui est arrivée ». Ils s’en vont en hâte et voient le petit Enfant de leurs yeux. Puis ils rendent témoignage à d’autres. Ils peuvent alors dire : « Dieu l’a dit et nous l’avons vu » — ils divulguent ce que le Seigneur a fait connaître et ce dont ils ont été personnellement témoins. Un tel témoignage ne peut qu’avoir de l’effet. Beaucoup s’étonnent, et Marie garde ces choses par devers elle, les repassant dans son esprit ; car il est clair qu’elle-même ne comprend pas encore toute la portée de ces événements. Quant aux bergers, à l’instar des anges, ils glorifient et louent Dieu. Ainsi, en cette grande occasion, la louange éclate aussi bien sur la terre qu’au ciel. Et ne pouvons-nous pas penser que, dans la louange de ces humbles hommes d’ici-bas, se trouvait une note qui manquait à la louange des anges de Sa force au ciel.
Aux versets 21 à 24, il nous est donné de voir que tout ce que la loi ordonnait a été accompli à l’égard du Saint Enfant. Lorsque Celui-ci est présenté au Seigneur dans le temple, il y a là pour l’accueillir — guidés par l’Esprit de Dieu — deux vieillards, qui marchent dans la crainte du Seigneur. Nous avons remarqué dans un paragraphe précédent comment les grands de Jérusalem étaient absolument étrangers aux pensées de Dieu et n’avaient aucune connaissance de Lui ; à l’opposé, il y avait ceux qui avaient des relations avec Lui et eux furent bientôt au courant de la grande nouvelle, même si aucun ange ne leur apparut. Le Saint Esprit est sur Siméon et, par l’Esprit, non seulement il sait qu’avant de mourir, il verra le Christ du Seigneur, mais en outre, il arrive au temple au moment précis où l’enfant Jésus y est. C’est également ce qui se passe pour Anne. L’heure de sa visite est dirigée d’en haut, si bien qu’elle voit le Seigneur.
En lisant les versets 28 à 35, nous ressentons combien cette scène a dû être émouvante. Le vieillard s’adresse à Dieu, puis à Marie. Il est maintenant prêt à partir en paix car il a vu le salut du Seigneur dans le Saint Enfant. En fait, il va plus loin que l’ange, car il reconnaît que le salut de Dieu a été préparé devant la face de « tous les peuples » (Cette fois-ci le mot « peuple » est au pluriel). Non seulement Jésus allait être la gloire d’Israël mais aussi une lumière pour éclairer les Gentils. À Siméon est révélé que la grâce allait se répandre au-delà des étroites limites d’Israël.
Il lui est aussi révélé que le Christ est venu pour être « un signe que l’on contredira ». C’est peut-être indistinctement qu’il la voyait, mais elle était bien là, l’ombre de la croix, lorsque l’épée transpercerait l’âme de Marie — ce que nous apprenons par les paroles de Siméon à Marie.
Peut-être nous étonnons-nous que Siméon, à qui il avait été accordé de vivre jusqu’à ce que, effectivement, il tienne le Sauveur dans ses bras, soit si disposé à « s’en aller en paix ». Nous aurions pu nous attendre à ce qu’il ait ressenti une cruelle déception : il voyait comment Dieu commençait à intervenir et pourtant il lui fallait quitter cette scène avant que se termine cette intervention. Mais manifestement, il lui est donné, comme prophète, de prévoir que le Christ serait rejeté. Aussi n’attend-il pas la gloire dans un proche avenir et il est prêt à s’en aller.
Il annonce que l’Enfant mettrait Israël à l’épreuve. Beaucoup qui étaient haut élevés tomberaient et ceux qui étaient abaissés et méprisés se relèveraient. Et comme le Christ connaîtrait la contradiction et serait rejeté, les pensées de plusieurs cœurs seraient révélées au moment où ils Le rencontreraient. Dans la présence de Dieu, tous les hommes sont obligés de se montrer tels qu’ils sont réellement : ainsi ce caractère concernant le Christ est un hommage involontaire à Sa déité. De plus, Marie elle-même serait transpercée par la douleur comme par une épée : parole qui trouva son accomplissement alors qu’elle se tenait près de la croix.
Anne, très avancée en âge, complète ce très beau tableau du résidu pieux en Israël. Elle servait Dieu continuellement et, quand elle eut vu le Christ, elle « parla de Lui ».
Au point où nous sommes parvenus, nous pouvons résumer les caractères marquants de toutes ces âmes pieuses :
La conduite des bergers est une illustration de la foi qui les anime. Ils acceptent immédiatement la parole qui leur est adressée par le moyen de l’ange, puis ce qu’ils voient confirme cette parole, et enfin ils glorifient et louent Dieu.
Marie est une âme portée à revenir et à méditer sur les choses pour l’intelligence desquelles elle s’attend à Dieu (v. 19).
Siméon attendait le Christ, instruit par l’Esprit de Dieu et sous Sa puissance. Son attente reçoit toute satisfaction lorsqu’il rencontre Christ et il prophétise à son sujet.
Anne servait Dieu continuellement et rendit témoignage du Christ dès qu’elle L’eut rencontré.
En dernier lieu, un soin extrême fut apporté à l’accomplissement de tous les détails concernant le Christ comme l’ordonnait la loi du Seigneur. Cinq fois il est déclaré que la loi a été observée (aux versets 22, 23, 24, 27, 39). Ce trait remarquable doit probablement être attribué à Joseph, le mari de Marie — cette obéissance attentive à la Parole de Dieu.
Nous-mêmes attendons maintenant la seconde venue du Seigneur. Comme ce serait heureux si nous nous distinguions par ces remarquables caractères.
Le verset 40 couvre les douze premières années de la vie de notre Seigneur : nous y apprenons que le développement normal du corps et de l’esprit, propre au genre humain, caractérisa aussi le Seigneur : témoignage à Sa vraie humanité.
Ceci est encore souligné par ce que nous entre-voyons de Lui lorsqu’Il avait douze ans. Il n’enseignait pas les docteurs, mais Il les écoutait et les interrogeait de telle sorte que ceux-ci s’étonnaient de ses réponses. Ici encore nous Le voyons montrer à la perfection l’attitude qui convient à un enfant de cet âge en même temps que des traits surnaturels. La réponse qu’Il fait à Sa mère montre également qu’Il avait conscience de Sa mission. Toutefois, pendant de nombreuses années, Il allait garder sa position de soumission devant Joseph et Marie, montrant ainsi la perfection de Sa nature humaine au cours de cette période de Sa vie.
Le début du ministère de Jean est indiqué avec grande précision dans les deux premiers versets. Nous apprenons que les choses étaient tout à fait anormales : le gouvernement était aux mains des Gentils, et même en Israël régnait le désordre, car il y avait deux souverains sacrificateurs au lieu d’un seul. C’est pourquoi les appels à la repentance dominent dans la prédication de Jean. Les prophètes d’autrefois avaient plaidé avec Israël pour le ramener à la loi transgressée. Jean n’agit plus ainsi : c’est à la repentance qu’il appelle les foules. Les Israélites devaient reconnaître que, sur le terrain de la loi, ils étaient perdus sans espoir et que leur place était dans la mort, dans les eaux du baptême que Jean prêchait. C’était le « baptême de repentance en rémission de péché ». S’ils écoutaient Jean et se repentaient, ils étaient moralement prêts pour recevoir la rémission des péchés qu’apporterait Celui qui allait venir. Ainsi le chemin serait rendu droit devant le Seigneur.
Remarquons comment cette citation d’Ésaïe parle de la venue de l’Éternel, et comme il est manifeste que cette venue de l’Éternel a trouvé son accomplissement en Jésus. Le verset 5 exprime la même vérité que celle que nous avons vue aux versets 52 et 53 du chapitre 1 et au verset 34 du chapitre 2, seulement exprimée d’une façon plus figurée. Le verset 6 montre que puisque Celui qui allait venir n’était pas moins que l’Éternel, le salut qu’Il apporterait ne serait pas restreint aux étroites limites d’Israël mais serait annoncé à « toute chair ». La grâce allait venir et elle se répandrait dans toutes les directions. Cette grâce est l’un des thèmes particuliers à l’Évangile de Luc.
Mais Jean ne prêche pas seulement la repentance d’une façon générale, il en fait aussi une question très nette et personnelle. Les foules affluaient vers lui et son baptême était en passe de provoquer leur engouement, presque de devenir une distraction au goût du jour. Les choses se passent exactement de la même façon aujourd’hui : toute ordonnance religieuse, par exemple le baptême, dégénère très facilement en une sorte de fête générale. Il est évident que Jean ne craignait nullement de blesser ses auditeurs et de perdre de sa popularité. Rien ne pouvait être plus énergique que ses paroles rapportées aux versets 7 à 9. Il dit très clairement aux gens ce qu’ils sont ; il les avertit de la colère qui vient ; il demande la vraie repentance qui produise des fruits. Il leur montre qu’aucun privilège religieux ne leur servirait, car Dieu allait juger des choses à leurs racines mêmes. La cognée allait maintenant faire son travail, non pas élaguer des branches mais frapper à la racine pour abattre l’arbre tout entier : et nous avons là une image très réaliste de ce qui s’accomplira, non pas dans l’exécution d’un jugement extérieur comme celui qui marquera la Seconde Venue, mais dans ce jugement moral qui a été opéré à la Croix. La Seconde Venue sera caractérisée par le feu qui consumera l’arbre mort — la Première Venue aboutit à la Croix, où la sentence judiciaire de condamnation fut promulguée contre Adam et sa race : en d’autres mots, l’arbre a été abattu.
Jean réclame des actes, non des paroles, comme fruits pratiques de la repentance, et ceci conduit à la question que posent les foules, rapportée au verset 10. Les publicains et les soldats suivent avec des questions semblables. Par les réponses qu’il donne dans chaque cas, Jean met le doigt sur les péchés particuliers qui marquaient les différentes classes de gens. Quoique les réponses varient, nous voyons pourtant que la convoitise est à la base de tous les maux dont il s’occupe. De toutes les mauvaises herbes qui s’épanouissent dans le cœur de l’homme, la convoitise est peut-être la plus profondément enracinée et la plus difficile à arracher : comme le pissenlit, ses racines sont très profondes. La véritable repentance conduit à une conversion véritable — abandon de la voie de péché — et ceci, Jean le savait.
Ainsi Jean, non seulement prépare le chemin du Seigneur, mais en toute fidélité, il dirige les regards vers Lui, sans laisser un seul instant les foules avoir une haute opinion de lui-même. Il déclare qu’il n’est que le plus humble des serviteurs de la merveilleuse Personne qui allait venir — si humble qu’il n’était pas digne d’accomplir ce très humble service de délier la courroie de Ses sandales. Celui qui allait venir était si grand qu’Il baptiserait de l’Esprit Saint et de feu : de l’Esprit Saint en bénédiction, de feu en jugement, comme l’explique clairement le verset suivant. Nous remarquons de nouveau ici qu’il n’y a pas encore une différence très nette entre les deux Venues. Il y eut un baptême de l’Esprit, rapporté en Actes 2, comme résultat de la Première Venue, mais le baptême de feu, selon le verset 17, est réservé pour la Seconde Venue.
Luc nous rapporte donc le fidèle ministère de Jean, puis rapidement l’écarte du récit pour céder la place à Jésus. L’emprisonnement de Jean n’eut pas lieu à ce moment-là, mais Luc abandonne l’ordre historique pour placer devant nous l’événement dans un ordre moral et spirituel. Le ministère de Jean — semblable à celui d’Élie — s’efface devant Celui qui allait être le vase de la grâce de Dieu, qui fut baptisé et ainsi introduit dans Son ministère. Il ne nous est même pas dit ici que c’est Jean qui baptisa Jésus, mais il nous est dit que Celui-ci priait quand il fut baptisé, ce qui n’est mentionné nulle part ailleurs. Cet Évangile insiste d’une façon évidente sur la perfection de la nature humaine de notre Seigneur. La grâce envers l’homme appartient à Celui qui est l’Homme parfait, et le tout premier caractère de perfection dans l’homme est celui de dépendance envers Dieu. La prière est une expression de cette dépendance et nous allons voir dans cet Évangile combien de fois il est rapporté que Jésus prie. Nous en avons ici le premier cas.
Sur cet Homme dépendant en prière, le Saint Esprit descend sous une forme corporelle, comme une colombe, et en même temps la voix du Père déclare que Celui-ci est Son Fils bien-aimé, l’Objet de tout Son plaisir. De la sorte est enfin révélée la vérité de la Trinité. Un instant on peut voir l’Esprit, on entend le Père, et le Fils est là, sang et chair, et par conséquent, on peut non seulement, Le voir et L’entendre mais aussi Le toucher. C’est une chose merveilleuse que le ciel soit ouvert et toute son attention concentrée sur un Homme qui prie, sur la terre. Mais en cet Homme qui prie, Dieu allait se faire connaître, car « en Lui, toute la plénitude s’est plu à habiter » (Colossiens 1:19).
Le Père ayant ainsi proclamé que Jésus est Son Fils bien-aimé, Luc introduit maintenant Sa généalogie par Marie pour montrer comme Il est réellement aussi Homme. Matthieu fait remonter Ses origines jusqu’à Abraham qui a reçu la promesse, et à David qui a reçu la royauté. Luc fait remonter Jésus jusqu’à Adam et à Dieu, car la question est simplement Sa nature humaine — transmise par Marie, Joseph étant seulement Son père présumé. Jésus est véritablement Homme, quoique Fils de Dieu. Il est le Second Homme, le Seigneur venu du ciel, Celui qui apporte la grâce de Dieu en surabondance.
Le début de ce chapitre nous présente Jésus, plein de l’Esprit Saint, remontant du Jourdain. Mais avant de commencer Son service, il faut qu’Il soit tenté quarante jours par le diable. L’Esprit L’emmène vers cette épreuve et nous voyons ici le merveilleux contraste entre le Second Homme et le premier.
Lorsque fut créé le premier homme, Dieu déclara que tout était très bon, mais Satan vint sans retard tenter l’homme et fut la cause de sa ruine. Le Second Homme est apparu, la voix du Père s’est fait entendre pour déclarer l’excellence de Son Fils, aussi Satan s’empresse-t-il à nouveau de venir en ce lieu : mais cette fois-ci il rencontre l’Homme, plein de l’Esprit Saint, que les artifices du diable ne peuvent atteindre. Lorsque le premier homme est tombé, il n’a pas connu les affres de la faim, car il demeurait dans le jardin fertile planté par son Créateur. Le Second Homme est victorieux, quoique le jardin ait été transformé en désert et que Lui-même connaisse la faim.
Il est clair que Luc nous donne les tentations dans l’ordre moral, et non dans l’ordre historique. Matthieu nous donne l’ordre historique et nous montre que la dernière tentation est celle où le Seigneur ordonne à Satan « Va arrière de moi », tentation relatée au verset 8 de notre chapitre. L’ordre que nous avons ici correspond à l’analyse du monde qu’en fait Jean au chapitre 2 de sa première épître. La première tentation avait clairement pour but de s’adresser à la convoitise de la chair, la deuxième à la convoitise des yeux et la troisième à l’orgueil de la vie. Mais notre Seigneur est étranger à toute convoitise, à tout orgueil : ces trois épreuves ne servent qu’à révéler Son absolue perfection.
En réponse à la première tentation, le Seigneur Jésus, véritablement Homme, prend la place propre à l’homme, de dépendance complète envers Dieu. La vie naturelle de l’homme dépend du pain qu’il s’assimile, parallèlement sa vie spirituelle dépend de la Parole de Dieu qu’il s’assimile et à laquelle il obéit.
À la deuxième tentation, le Seigneur répond par son entière consécration à Dieu. Puissance, gloire, domination en elles-mêmes ne sont rien pour Lui. Il n’a qu’un but : adorer et servir Dieu.
Le Seigneur fait face à la troisième tentation — où Satan L’incite à mettre la fidélité de Dieu à l’épreuve — par Sa confiance inébranlable en Dieu. Le grand adversaire ne trouve aucune prise pour L’attaquer. Le Seigneur se confie en Dieu sans avoir à Le mettre à l’épreuve.
Ces trois caractères exposés ainsi d’une manière si marquante — dépendance, consécration, confiance — sont ceux qui distinguent l’Homme parfait. On les voit nettement dans le Psaume 16, qui par l’Esprit de prophétie, présente Christ dans Ses perfections comme Homme.
Après avoir été tenté par Satan et être sorti victorieux de ces épreuves par la puissance du Saint Esprit, le Seigneur Jésus s’en retourne en Galilée pour commencer Son ministère public dans la puissance du même Esprit : les premières paroles qui nous sont rapportées de Lui sont prononcées dans la synagogue de Nazareth, l’endroit où Il avait été élevé. Il lit le début d’Ésaïe 61 et s’arrête à l’endroit où la prophétie passe de la première Venue à la seconde. « Le jour de la vengeance de notre Dieu » n’est pas encore arrivé. Mais en s’arrêtant à cet endroit-là, où notre traduction n’a aucun signe de ponctuation, Jésus peut commencer Son sermon en disant : « Aujourd’hui cette écriture est accomplie, vous l’entendant ». Ce passage présente le Seigneur comme Celui que l’Esprit de Dieu a oint, en qui la plénitude de la grâce de Dieu allait se faire connaître aux hommes.
Présenter ainsi le Seigneur semble caractériser l’Évangile de Luc. Quoiqu’Il fût Dieu dans la plénitude de Sa Personne, le Seigneur se présente pourtant à nous comme l’Homme dépendant, plein de l’Esprit Saint, parlant et agissant dans la puissance de l’Esprit et débordant de grâce envers les hommes. Ceux qui L’entendaient à Nazareth étaient frappés par les « paroles de grâce qui sortaient de Sa bouche ». La loi de Moïse avait été maintes fois proclamée dans l’enceinte de la synagogue, mais jamais auparavant la grâce n’y avait été ainsi annoncée. Pourtant, il n’était pas suffisant d’annoncer la grâce en théorie : le Seigneur poursuit en expliquant ce qu’est la grâce afin que Ses auditeurs comprennent ce que cela impliquait. Il cite deux exemples tirés de leurs propres Écritures où la bonté de Dieu s’était montrée, et dans les deux cas les bénéficiaires de cette grâce étaient des pécheurs d’entre les Gentils. La veuve de Sidonie était dans une situation désespérée — « sans force ». Le soldat Syrien était d’entre les « ennemis » de Dieu et de Son peuple. C’est ainsi que ces deux cas éclairent très justement Romains 5 : 6-10, car la femme fut sauvée et sustentée, l’homme fut rendu net et réconcilié.
Cette magnifique présentation de la grâce agissante ne plaît pas aux gens de Nazareth. Les paroles de grâce sont bien agréables en théorie, mais dès que ces gens se rendent compte que la grâce implique nécessairement que ceux qui la reçoivent ne la méritent pas, ils se lèvent révoltés et orgueilleux, hors d’eux-mêmes, et ils auraient tué Jésus, si Celui-ci, passant au milieu d’eux, ne s’en était allé. Les heureux effets de la grâce étaient les bienvenus, mais ils n’en voulaient pas sur le terrain de la grâce, puisque cela supposait qu’ils n’étaient pas meilleurs que les pécheurs d’entre les Gentils. En toute probabilité, l’esprit moderne accepterait que la grâce soit prêchée dans les taudis, mais considérerait comme un affront qu’elle le soit dans la synagogue. L’esprit juif ne pouvait pas même souffrir qu’elle soit apportée dans les taudis !
Ainsi la grâce est rejetée d’une façon catégorique la toute première fois qu’elle est proclamée : et ceci ne se passe même pas à Jérusalem parmi les scribes et les pharisiens, mais dans les contrées plus humbles de Galilée, à l’endroit même où le Seigneur avait été élevé. Il y était très connu et cela mettait comme un voile sur leurs cœurs.
À la lumière de tout cela, la fin du chapitre est très belle. Si un service offert dans un esprit de grâce est refusé avec mépris et violence, le bienfaiteur s’en offense et se détourne avec dégoût. Ce n’est pas ainsi que Jésus agit. Si tel était le cas, où serions-nous ? Jésus se retire alors de Nazareth, mais passe à Capernaüm et y prêche. Son enseignement les étonne, sans doute à cause de cette note nouvelle de grâce qui en était le caractère marquant, et puis aussi parce que cet enseignement était revêtu de l’autorité divine.
Dans la synagogue, le Seigneur entre en conflit avec les puissances des ténèbres. La synagogue était quelque chose de mort, c’est pourquoi des gens possédés de démons pouvaient s’y trouver sans être connus comme tels. Mais dès que le Seigneur est là, le démon se manifeste et montre également qu’il sait qui est Jésus, même si les gens eux-mêmes l’ignorent. Jésus était bien le « Saint de Dieu » mais au lieu d’accepter le témoignage du démon, Il le tance et le chasse hors de sa victime. Jésus témoignait ainsi de la puissance de Sa Parole.
Au verset 36 nous avons et l’autorité et la puissance, ce dernier mot ayant le sens de dynamisme. Au verset 32, c’est vraiment l’autorité. Ainsi, nous avons la grâce de Sa parole, suivie de l’autorité de Sa parole et de la puissance de Sa parole. Il n’est pas surprenant que les gens disent : « Quelle parole est celle-ci ! » Et nous-mêmes, qui avons maintenant reçu l’Évangile de la grâce de Dieu, nous avons les mêmes raisons de faire une réflexion semblable. Quels prodiges de régénération spirituelle l’Évangile n’accomplit-il pas aujourd’hui !
Sortant de la synagogue, Jésus vient à la maison de Simon où régnait la maladie. Celle-ci disparaît à Sa parole. Puis, dans la soirée, se produit cet extraordinaire déploiement de la puissance de Dieu dans la plénitude de la grâce. Des gens affligés de toutes sortes de maladies et de misères sont amenés à Jésus et tous en sont délivrés. « Ayant imposé les mains à chacun d’eux, Il les guérit ». Il montre ainsi pratiquement ce qu’est la grâce de Dieu, car c’est précisément le caractère de la grâce que d’aller vers chacun sans tenir compte de mérites ou de torts. Du côté de Dieu, la grâce est offerte librement, à chacun.
Le verset 40 a inspiré un cantique qui débute ainsi : « Le soir, lorsque le soleil se couchait » .. .
et assurément nous aimons tous chanter :
« Tes mains n’ont rien perdu de leur puissance d’autrefois,
Aucune parole ne peut tomber de tes lèvres sans porter de fruit ».
Mais bien que ce cantique soit très beau, la réalité exprimée dans ce verset 40 le surpasse en beauté. Telle est la grâce de Dieu.
Et la grâce déployée en cette soirée mémorable n’est pas tarie pour autant. Jésus s’en va ailleurs prêcher le royaume de Dieu — un royaume dont le fondement allait reposer non sur les œuvres de la loi, mais sur les fruits de Son œuvre — produits par la grâce.
Dans le chapitre précédent, nous avons vu le Seigneur Jésus s’avancer dans la puissance de l’Esprit pour annoncer la grâce de Dieu, et se heurter immédiatement à la réjection de la part de l’homme. Nous avons vu que, malgré tout, le Seigneur ne se laisse pas détourner de son travail de grâce. Ce chapitre-ci nous offre maintenant une série de délicieux tableaux qui illustrent ce que la grâce accomplit chez ceux qui la reçoivent. Quatre hommes paraissent devant nos yeux : Pierre, le lépreux, le paralytique, Lévi — chacun marqué d’un caractère différent. Ils se suivent dans un ordre qui est moral, non rigoureusement chronologique.
Matthieu et Marc nous racontent tous deux comment le Seigneur a appelé les quatre pêcheurs à devenir Ses disciples, mais Luc seul nous fait part de la pêche miraculeuse qui fit une si profonde impression sur Pierre. Le Seigneur avait employé la barque de Pierre et ne voulait pas être son débiteur, mais c’est la grâce qui, en retour, répand sur Pierre un si riche bienfait. Cela est d’autant plus saisissant que les pêcheurs venaient de se dépenser toute la nuit en efforts complètement stériles. Maintenant ce n’est pas seulement l’abondance mais la surabondance ; là où de vains efforts s’étaient multipliés, là se multiplient les prises du filet. La seule ombre au tableau vient de leur faible capacité à retenir ce que la grâce a donné.
La barque de Pierre est sortie deux fois sur le lac, une fois de nuit quand on pouvait compter sur du poisson, une fois de jour quand on n’y comptait pas. L’endroit est le même, les deux fois, et les mêmes hommes avec le même matériel. D’où vient la différence ? D’une chose, d’une seule. Christ était monté dans la barque. Les yeux de Pierre furent ouverts à ce fait et il est clair que cela fit briller le Sauveur devant lui d’une lumière qui venait de Dieu. Se trouver en la présence de Dieu, même si c’est Dieu présent dans la plénitude de la grâce, produit dans le cœur de Pierre la conviction de son état de péché.
Or c’est la première chose que la grâce apporte avec elle — la conviction de péché. Elle la produit d’une façon bien plus profonde que ne le fit jamais la loi, et elle attire, tout en produisant cette conviction de péché. Là se trouve ce merveilleux contraste. La loi de Moïse, lorsqu’elle fut donnée au Sinaï, amena le peuple à sentir sa carence, mais cela les repoussa et les éloigna de la montagne brûlante. La grâce, dans la personne de Jésus, amena une telle conviction chez Pierre qu’il confessa son état de péché et se jeta pourtant aux genoux de Jésus, s’approchant du Sauveur autant qu’il le pouvait.
L’incident suivant — suite très appropriée — concerne un homme qui n’est pas à proprement parler rempli de péché, mais plein de cette lèpre qui est un type du péché. Il était si plein de lèpre qu’il sentait qu’il offrait un aspect trop repoussant pour pouvoir vraiment compter sur la bonté de Jésus. Il était convaincu de Sa puissance mais incertain quant à Sa grâce. Aussi s’approche-t-il en disant : « Si tu veux… », il révèle ainsi que son corps est plein de lèpre et que son cœur est plein de doute. Immédiatement, la grâce du Seigneur montre sa pleine mesure. Sa parole était toute puissante, pourtant le Seigneur étend la main et le touche comme pour effacer à jamais de l’esprit du lépreux le dernier doute qui persisterait et pour le tranquilliser parfaitement.
Nous voyons donc ici que la grâce apporte la guérison, une guérison que la loi n’apportait pas, bien qu’elle contînt des instructions pour que les sacrificateurs puissent reconnaître toute guérison qui serait opérée par la puissance de Dieu. Ici la puissance de Dieu est à l’œuvre dans la plénitude de la grâce : scène merveilleuse en vérité ! Nous ne sommes pas surpris que de grandes foules se soient « assemblées pour l’entendre, et pour être guéries » (v. 15).
Ne négligeons pas le verset 16. Jésus a pris la place de l’Homme qui se tient devant Dieu et agit dans la puissance de l’Esprit. La grâce a découlé, abondante, de Sa personne et Il consacre du temps à la communion dans la prière, loin des lieux fréquentés par l’homme, avant de reprendre contact avec les besoins humains.
Ensuite vient le cas de l’homme frappé de paralysie et réduit à un état de complète dépendance. Il n’est rien dit quant à sa foi personnelle, quoique la foi montrée par les hommes qui apportent le malade soit extraordinaire et active, et le Seigneur y répond abondamment. Les pharisiens et les docteurs de la loi, qui sont là, forment une sorte de sombre arrière-plan au tableau. Ils avaient de nombreux besoins et la puissance du Seigneur était là pour les guérir, puisque la grâce apporte ses abondantes ressources avec générosité et pour chacun. Pourtant ils sont là pour donner et non pour recevoir. Ce qu’ils apportent, ce sont des critiques, et encore se révèlent-elles erronées ! Ils lancent violemment leurs critiques et passent à côté de la bénédiction.
C’est le paralytique qui reçoit la bénédiction — et la puissance lui est accordée. C’est précisément ce dont il a besoin. L’homme plein de péché a besoin non seulement de la purification de ses péchés mais de puissance sur le péché, cette puissance étant liée au pardon. Dans le cas de cet homme, sa paralysie était manifestement le résultat du péché et le Seigneur s’attaque à la racine du mal avant de s’occuper du fruit. C’est toujours ce chemin que suit la grâce car il n’y a jamais rien de superficiel dans la façon dont elle agit. Les pharisiens, avec toutes leurs critiques, ne pouvaient pas plus délivrer le corps du malade de l’emprise de sa paralysie, qu’ils ne pouvaient délivrer son âme de la coulpe de ses péchés. Jésus peut faire l’un et l’autre : et Il démontre qu’Il a la puissance d’accomplir le miracle du pardon — ce que l’œil humain ne pouvait observer — en accomplissant le miracle de la guérison devant leurs yeux.
Les pharisiens avaient bien raison de croire que personne ne peut pardonner les péchés, si ce n’est Dieu seul. Mais lorsqu’ils entendent Jésus remettre les péchés, ils L’accusent d’être blasphémateur. Nous, nous en déduisons que Jésus est Dieu. Chacun de nous se trouve obligatoirement devant ce choix net et bien défini et heureux sommes-nous si nous choisissons bien. La guérison dont cet homme est l’objet lui est accordée d’une façon divine. Il se lève, ayant retrouvé ses forces, capable, à l’instant, de prendre son petit lit et de s’en aller dans sa maison, ce qu’il fait en glorifiant Dieu. Les spectateurs sont touchés de la même façon : la grâce, lorsqu’elle se manifeste, conduit en effet à glorifier Dieu.
En quatrième lieu, Lévi paraît sur la scène ; il montre que la grâce pourvoit le cœur d’un Objet. Lorsque Jésus l’appelle, Lévi est occupé à un travail agréable : celui de recevoir de l’argent. Aussitôt son esprit et son cœur se détournent de cet argent et il se met à suivre le Seigneur, si bien que nous le voyons ensuite agir à l’opposé : il distribue son argent, donnant aux nécessiteux selon le Psaume 112 :9 (« Il répand, il donne aux pauvres »). Lévi invite une grande foule de publicains et d’autres gens à son festin, montrant que ses pensées se sont mises immédiatement à l’unisson de celles de son nouveau Maître, et qu’il avait saisi l’esprit de la grâce. Christ pourtant est le vrai Objet du festin, car il est dit : « Lévi Lui fit un grand festin dans sa maison » (v. 29). Les pharisiens étaient totalement insensibles à cet esprit de grâce, mais leurs objections ne servent qu’à faire proclamer par le Seigneur ce merveilleux message : « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs à la repentance » (v. 32).
Tout ce que nous avons dit pourrait se résumer ainsi : la grâce produit la conviction de péché et ensuite opère la purification du péché. Puis elle confère la puissance et de plus rend celui qui la reçoit conforme à Celui qui en est l’expression. Christ devenant l’Objet du cœur de Lévi, nous voyons comment celui-ci commence à être imprégné de l’esprit de son Maître.
Depuis le verset 33 et jusque dans le chapitre 6, un autre point est assez nettement mis en relief : c’est que la grâce fait sortir de l’esclavage et conduit à la liberté. Les pharisiens dédaignaient la grâce et étaient fort attachés aux jeûnes, aux prières, et aux cérémonies prescrites par la loi. La loi produit l’esclavage mais la grâce apporte la liberté : c’est ce que nous enseigne longuement l’épître aux Galates. La pleine vérité exposée dans cette épître ne pouvait pas être révélée avant la mort et la résurrection de Christ, ni avant que l’Esprit ait été donné ; pourtant nous voyons ici le Seigneur commencer à parler des choses qui dans un proche avenir allaient être clairement manifestées. Il emploie des paraboles ou des illustrations, mais Sa pensée est claire. Étant le vrai Messie, il est l’« Époux » et Sa présence auprès de Ses disciples les empêchait d’être assujettis aux contraintes indiquées au verset 33.
Puis un peu plus loin, le Seigneur introduit quelque chose de nouveau. En Lui, la grâce de Dieu commence à rayonner, et comme un morceau de drap neuf, on ne pouvait pas s’en servir comme d’une pièce à mettre au vieil habit de la loi. Le tissu neuf imposerait une telle fatigue au vieux tissu qu’il le déchirerait ; en outre, le neuf et le vieux ne s’accorderaient pas. Ils se révéleraient tout à fait incompatibles.
Puis, nouvelle illustration : la grâce, par sa force, peut être comparée à l’action du vin nouveau, tandis que les formes et les ordonnances de la loi ont le caractère rigide de vieilles outres. Si l’on essaie d’enfermer le vin nouveau de la grâce dans la vieille outre de la loi, on peut être sûr d’une catastrophe. Il faut trouver des vases neufs capables de contenir la puissance nouvelle.
C’est de cette façon remarquable que le Seigneur montre que la grâce de Dieu, qui était venue en Sa Personne, allait produire ses propres conditions nouvelles et que les « ordonnances chamelles » instituées en Israël sous la loi n’étaient imposées « que jusqu’au temps du redressement » (Hébreux 9 : 10). Mais en même temps le Seigneur montre que les hommes, par tempérament, préfèrent la loi à la grâce — le vieux vin leur convient mieux que le nouveau. Il y a une raison évidente à cela : le fait même de donner la loi à l’homme suppose qu’il peut être capable de l’accomplir — tandis que la grâce est offerte sur le fondement éprouvé que l’homme est une créature irrémédiablement perdue.
Au début de ce chapitre, nous voyons les pharisiens et les scribes essayer de restreindre les actions des disciples, ainsi que la puissance en grâce du Seigneur, aux limites du sabbat juif, comme ils avaient coutume de l’observer. Cela illustre l’enseignement du Seigneur donné à la fin du chapitre 5 : en conséquence 1’« outre » du sabbat juif se rompt et la grâce se répand malgré les pharisiens.
L’expression « le jour du sabbat, second-premier » se rapporte, croyons-nous, à Lévitique 23 : 9-14 et est employée pour nous montrer que la « gerbe tournoyée » avait déjà été offerte, aussi n’y avait-il rien à objecter à la façon d’agir des disciples, sinon la façon stricte dont eux, pharisiens, observaient le sabbat. La réponse du Seigneur à leur objection est formée de deux éléments : d’abord Sa position, ensuite Sa personne.
Sa position est analogue à celle de David lorsqu’il entra dans la maison de Dieu et prit les pains de proposition. David était le roi oint par Dieu et pourtant rejeté : il n’était pas dans la pensée de Dieu de laisser Son Oint et ceux qui étaient avec lui avoir faim pour respecter les menus détails de la loi. Tout le régime d’Israël était désorganisé par le rejet du roi, et ce n’était pas le moment de centrer son attention sur les points de détail de la loi. De même, ici, les pharisiens se soucient de minuties tout en rejetant Christ.
Le verset 5 met en relief la Personne de Christ. L’homme, lorsqu’il fut créé, fut fait seigneur de la création terrestre. Le Fils de l’Homme est Seigneur d’une sphère bien plus vaste. Il n’est pas lié par le sabbat, le sabbat est à Sa disposition. Qui est donc ce Fils de l’Homme ? C’est ce que les pharisiens ne savaient pas, mais le Seigneur montre Sa grandeur par ce titre qu’Il revendique.
L’incident se rapportant à l’homme à la main sèche vient ensuite aux versets 6-11. Ici encore la question du sabbat est soulevée, et les Pharisiens auraient poussé leurs subtiles objections jusqu’à interdire l’exercice de la miséricorde en ce jour-là. Nous voyons ici, non pas la revendication de la position du Seigneur, ni de Sa Personne, mais de Sa puissance. Il a le pouvoir de guérir en grâce, et ce pouvoir Il l’exerce, que les pharisiens le veuillent ou non. Le Seigneur relève leur défi et, faisant lever l’homme devant eux, Il le guérit à la vue de tous. Les princes des Philistins avaient essayé de lier les mains de Samson avec « sept cordelettes fraîches », mais ils l’avaient fait en vain. Les chefs d’Israël essaient ici de faire des cordelettes avec la loi du sabbat pour en lier les mains pleines de grâce de Jésus, et eux aussi le font en vain.
N’y réussissant pas, ils sont hors d’eux-mêmes et se mettent à comploter pour faire mourir Jésus. Face à cette haine croissante, Celui-ci se retire dans la solitude de la communion avec Dieu. Dans le chapitre précédent, nous L’avons vu se retirer pour prier, au moment où de grandes foules s’assemblaient autour de Lui et où Il semblait sur le point de connaître le triomphe. Il fait exactement la même chose lorsque les épais nuages de l’opposition semblent L’entourer. Dans toutes les circonstances, la prière est la ressource de l’Homme Parfait.
De plus, il est significatif que ce qui a suivi cette nuit de prière fut le choix qu’Il fait des douze qui allaient être envoyés comme Apôtres. Parmi eux se trouvait Judas Iscariote ; pourquoi devait-il en faire partie ? Cela reste un mystère pour nous. Quoi qu’il en soit, le Seigneur l’a choisi, et Son choix était bon. Aucune erreur ne pouvait suivre après cette nuit de prière.
À partir du verset 17, jusqu’à la fin du chapitre, nous avons l’enseignement que le Seigneur a donné à Ses disciples, et plus particulièrement à ces douze. Nous pouvons résumer Ses paroles en disant que le Seigneur instruit Ses disciples quant au caractère qui serait produit chez eux par la grâce de Dieu qu’Il faisait connaître. Ce discours ressemble beaucoup au Sermon sur la Montagne de Matthieu 5 à 7, mais il semble que celui-ci ait été fait à un moment différent. Il n’y a pas de doute que le Seigneur a répété à maintes reprises des choses très semblables, à des foules différentes.
En cette occasion, le Seigneur s’adresse à Ses disciples eux-mêmes. Dans l’Évangile de Matthieu, il décrit une certaine classe de gens et dit que le royaume est « à eux ». Ici, Il dit « à vous est le royaume », identifiant cette classe avec les disciples. Ses disciples sont les pauvres, ceux qui ont faim, ceux qui pleurent, ceux qui sont haïs et insultés. Une telle description indique que le Seigneur considère déjà Son rejet comme certain, et les versets suivants (24-26) montrent qu’Il divise les gens en deux classes. Il y avait ceux qui étaient identifiés avec Lui-même, partageant Ses souffrances, et ceux qui étaient du monde et en partageaient les joies éphémères. Sur les premiers Il invoque une bénédiction, sur les seconds une malédiction. Ceci implique évidemment une profonde antinomie : ceux qui sont affligés et rejetés sont les bienheureux ; ceux qui sont heureux et populaires sont sous le jugement. Mais les premiers suivent les traces du Fils de l’Homme et souffrent pour Son nom, tandis que les autres suivent le sentier des faux prophètes.
Ayant ainsi appelé une bénédiction sur Ses disciples, le Seigneur leur donne des instructions qui, s’ils les suivent, montreront qu’ils reflètent l’esprit de grâce du Seigneur. En fait, il n’envoie pas encore Ses disciples, mais Il les instruit en vue de la mission qu’ils auront de Le représenter et de servir Ses intérêts. Cet esprit de grâce est spécialement marqué dans les versets 27 à 38. L’amour qui peut se montrer et même faire du bien à un ennemi n’est pas humain, mais vient de Dieu ; alors que n’importe quel homme pécheur peut montrer de l’amour à qui lui en montre. Le disciple de Jésus se reconnaît parce qu’il aime, il bénit, il donne. D’autre part, il ne faut pas qu’il juge et condamne. Cela ne veut pas dire qu’un disciple ne doit pas exercer ses facultés pour juger sainement et agir avec discernement, mais au contraire, qu’il ne doit pas être caractérisé par un esprit de critique prompt à imputer aux autres de mauvais motifs et ainsi à les juger.
Ces enseignements convenaient parfaitement à ceux qui étaient appelés à suivre Christ pendant Son séjour sur la terre. L’essence de ces enseignements s’applique également à ceux qui sont appelés à Le suivre pendant Son absence dans les cieux. C’est maintenant le jour de la grâce, pendant lequel l’évangile de la grâce est prêché, et c’est pourquoi il est de la plus grande importance que nous soyons marqués par l’esprit de grâce. Hélas, comme notre conduite a souvent démenti la cause avec laquelle nous sommes identifiés ! L’effet de mainte prédication pleine de grâce peut être totalement annulé s’il y a manque de grâce dans la conduite du prédicateur ou de ses amis. C’est en manifestant de l’amour que nous montrons que nous sommes les vrais enfants de Dieu — du Dieu qui est « bon envers les ingrats et les méchants ».
Il n’est pas facile de discerner l’enchaînement de l’enseignement contenu dans les versets 39 à 49, mais il s’y trouve assurément. Ces disciples allaient avant longtemps, être envoyés comme Apôtres, aussi devaient-ils être eux-mêmes des personnes capables de voir. Pour être capables de voir, ils devaient être enseignés ; et pour cela, ils avaient à prendre la place d’humilité aux pieds de leur Maître. Ils n’étaient pas au-dessus de Lui : Lui était au-dessus d’eux et le but placé devant eux était de Lui ressembler. Il était la perfection et, une fois leur « temps d’études » terminé, ils Lui seraient semblables.
Pour qu’il en soit ainsi, il faut cultiver un esprit de jugement de soi-même. Notre tendance naturelle est de juger les autres et d’en remarquer les plus petits fétus. Si nous nous jugeons nous-mêmes, il se peut que nous nous découvrions de vraies poutres. Et si nous nous jugeons honnêtement nous-mêmes, nous pourrons peut-être alors aider les autres.
À partir du verset 43, est examinée la profession extérieure de disciple. En parlant ainsi, il se peut que le Seigneur ait eu particulièrement en vue quelqu’un comme Judas. Parmi ceux qui prenaient la place de disciples, il se trouverait peut-être un « homme mauvais », aussi bien qu’un « homme bon ». Ceux-ci seront discernés par leurs fruits, vus à la fois dans leurs paroles et leurs actions. La nature se révèle par les fruits. Il ne nous est pas possible de pénétrer les secrets de la nature soit dans un arbre, soit chez un homme. Mais nous pouvons reconnaître la nature — sans difficulté et sans erreur — d’après les fruits.
Cela conduit à prendre conscience que la simple profession ne compte pour rien. Les hommes peuvent, à maintes reprises, appeler Jésus leur Seigneur, mais si l’obéissance à Sa Parole est absente, le Seigneur ne les reconnaît pas comme disciples. Le seul fondement qui ne puisse être ébranlé par les épreuves est celui qui est établi sur l’obéissance. Écouter simplement la Parole sans lui obéir peut ériger un édifice qui ressemble à la chose réelle ; mais au jour de l’épreuve, ce sera le désastre.
Plaçons-nous tous sous la puissance pénétrante de cette parole. Le croyant le plus sincère a besoin de se tenir devant elle et aucun de nous ne peut y échapper. Ceci s’applique à la sphère complète de la vérité. Rien ne nous appartient réellement et pleinement jusqu’à ce que nous nous soumettions avec l’obéissance de la foi — non seulement l’acquiescement de la foi, mais l’OBÉISSANCE de la foi. Alors — et seulement alors — nous serons établis dans la vérité, de telle sorte que nous serons « fondés sur le roc ».
Ces paroles de notre Seigneur nous dévoilent, sans aucun doute, le secret de mainte chute tragique de vrais croyants dans leur témoignage ; comme aussi la chute et l’abandon de la profession de disciple de la part de ceux qui s’y sont engagés sans réalité.
La réalité est ce que — par-dessus toutes choses — le Seigneur demande.
Luc vient de relater que le Seigneur a choisi Ses douze Apôtres, puis qu’Il leur a donné des enseignements qui concernaient spécialement l’esprit de grâce et la réalité qui devaient les caractériser. Nous constatons qu’Il ne les envoie pas immédiatement en mission, mais qu’Il les retient auprès de Lui afin qu’ils continuent à apprendre de Lui, et par Ses paroles et par Ses actes. L’envoi des disciples n’a pas lieu avant le début du chapitre neuf.
Nous avons déjà remarqué comment cet Évangile se caractérise par le déploiement de la grâce. Ce chapitre poursuit le sujet en montrant d’une manière saisissante jusqu’où elle se déploie. La bénédiction va atteindre les Gentils, les morts, les dépravés. De plus, la manière dont on reçoit la grâce est clairement révélée : c’est par la repentance et par la foi.
Le premier cas rapporté est celui du Gentil. En envoyant les anciens des Juifs intercéder pour lui, le centurion montre qu’il accepte sa place parmi ceux qui étaient « sans droit de cité en Israël et étrangers aux alliances de la promesse » (Éph. 2:12). Les anciens, fidèles à l’enseignement reçu de la loi auraient absolument annulé la grâce en présentant le centurion comme étant « digne ». Son mérite, d’après eux, résidait en ce qu’il montrait de la bonté — par son attitude et par ses actions — envers le peuple juif. C’était tout à fait typique de l’esprit juif. Au lieu de voir comment leur propre loi les condamnait, ils la considéraient comme un honneur qui leur était conféré, ils étaient pleins d’eux-mêmes, ils faisaient d’eux-mêmes et de la manière dont on les traitait, la mesure d’après laquelle ils jugeaient les autres. À leur estimation, ce Gentil était un homme « digne ».
Cependant, le centurion lui-même n’avait pas d’illusion sur ce point-là. Il confesse qu’il n’est pas digne et manifeste ainsi un esprit de repentance. En même temps il montre une foi remarquable en la grâce et en la puissance du Seigneur. Il occupait un rang subalterne dans la hiérarchie militaire de Rome, pourtant son pouvoir était absolu dans son cercle restreint. Il discerne dans le Seigneur Quelqu’un qui détenait l’autorité dans un domaine autrement plus vaste, et il a confiance qu’une parole du Seigneur opérerait le résultat souhaité. Nous devrions tenir le même langage. Il suffit que le Seigneur « dise une parole », il ne nous faut rien de plus. La foi qui prend tout simplement Dieu au mot, sans qu’il soit besoin de raisonnements, de sentiments, ou d’expériences, est une « grande foi » selon notre Seigneur. Nous voyons, de plus, comment la foi et la repentance sont intimement liées. Elles vont de pair.
Du cas du centurion nous passons à celui du mort que l’on portait à sa tombe. Ici la foi n’est pas du tout visible : les compassions et l’activité du Seigneur remplissent la scène. La grâce et l’autorité se déploient d’une façon égale et harmonieuse. La compassion divine brille dans ces paroles : « Ne pleure pas », que le Seigneur adresse à la mère affligée. Son autorité se manifeste en ce que, dès qu’Il touche la bière, tout le cortège funèbre s’arrête. Puis Sa parole de puissance ramène le jeune homme à la vie.
Ici, nous avons Quelqu’un qui parle, et les morts Lui obéissent. « Je te dis, lève-toi ». Qui est ce « Je » ? Nous pouvons bien nous poser cette question. Les gens manifestement se la sont posée et ont conclu que Dieu avait suscité un grand prophète parmi eux. Les nouvelles de ces faits se répandent et arrivent jusqu’à Jean-Baptiste dans sa prison. Or en ce temps-là, l’esprit de Jean était obsédé par cette question : qui était-Il après tout ? Aussi l’incident concernant les messagers de Jean survient-il à propos dans les circonstances du moment.
Les versets 19-35 semblent être une sorte de parenthèse : ils nous montrent que le déploiement de la puissance exercée en grâce — et non pas en pompe extérieure — est la preuve de la présence du Messie. Il est permis aux messagers de Jean d’être témoins d’abondantes preuves de ce pouvoir en grâce. Ils Le voient faire ce que Ésaïe 61:1 avait prédit. C’était une preuve suffisante pour montrer qui était Jésus.
Puis, se tournant vers les foules, une fois les messagers de Jean partis, Jésus fait remarquer que Jean lui-même, Son précurseur, n’avait pas été un personnage insignifiant et n’était pas venu non plus dans la pompe et l’opulence. Sa mission tout entière avait été en parfaite harmonie avec le caractère de Celui qu’il annonçait, qui était infiniment grand et pourtant venu en humilité et en grâce. Jésus appelle Jean un prophète, si grand qu’il n’y en eut jamais de plus grand. Immédiatement, cela montre à l’évidence que lorsque la foule parle de Christ Lui-même comme d’un « grand prophète », ils restent bien en-dessous de la vérité Le concernant.
En ce qui concerne Jean, quoiqu’il fût si grand, le moindre dans le royaume de Dieu à venir serait plus grand que lui — non pas moralement, mais dans la position qui serait sienne. Moralement, Jean était très grand en vérité, et son témoignage était d’une telle importance que la destinée des hommes se trouvait fixée par leur attitude envers lui. Les publicains et les pécheurs l’acceptent, et ainsi justifiant Dieu, sont finalement conduits à Christ. Les pharisiens et les docteurs de la loi le rejettent, puis le moment arrive où ils rejettent Christ. Ce verset 28 ne peut se comprendre que lorsque nous faisons la distinction entre cette grandeur morale qui dépend du caractère d’un homme et la grandeur qui provient de la position à laquelle Dieu peut se plaire à nous appeler et qui varie suivant les dispensations.
Le Seigneur donne ensuite dans une courte et remarquable parabole le caractère de la génération incrédule qui L’entoure. Ces gens ressemblent à des enfants irritables à qui rien ne convient : ils n’acceptent ni ce qui est plaisant ni ce qui est grave. De la même manière, les Juifs ne veulent pas s’incliner devant le témoignage incisif de Jean, ni se réjouir dans le ministère de grâce de Jésus. Ils accusent l’un d’être possédé par un démon, et blâment l’autre à tort. Malgré tout, il y a ceux qui perçoivent la sagesse divine de ces deux témoignages, ceux-là sont les vrais enfants de la sagesse.
Tout ceci est illustré d’une manière remarquable dans l’incident qui clôt ce chapitre. Simon, le pharisien, faisait partie des gens qui critiquaient, que rien ne contentait, bien qu’il invite Jésus à un repas chez lui. La pauvre femme de la ville faisait partie de ceux qui rendaient justice à Jésus, et de ce fait, elle montre qu’elle est une vraie enfant de la sagesse, aussi elle-même est justifiée.
La douleur et la contrition de cette femme ne touchent pas l’orgueilleux pharisien. Content de lui-même, il critique secrètement Jésus, Lui attribuant les sentiments qu’il aurait envers une telle personne. En conséquence, il est sûr que Jésus n’est pas du tout un prophète. Le verset 16 nous a montré qu’au moins les gens du commun pensaient que Jésus était un prophète, même un grand prophète. Simon n’en est pas là. Eux percevaient une lueur, lui était complètement aveugle, car une religion fausse est la chose la plus aveuglante qui soit sur terre. Cependant le Seigneur va donner rapidement à Simon un exemple du grand pouvoir de prophétie qu’Il possède.
Simon ne fait que « dire en lui-même ». Il pensait que Jésus n’avait aucun discernement quant à cette femme. En lui exposant la parabole des deux débiteurs, le Seigneur lui montre immédiatement qu’Il connaissait son hypocrisie et lisait ses pensées secrètes. Un des débiteurs avait des dettes dix fois plus grandes que l’autre ; pourtant, puisqu’aucun d’eux n’a de quoi payer, tous deux sont également en faillite. Et le créancier les traite de la même manière : la grâce remet ses dettes à chacun. Le but de cette parabole est de faire comprendre à Simon que, quoique ses péchés soient peut-être moins nombreux que ceux de la femme, lui aussi est complètement insolvable et a besoin de la grâce qui pardonne et remet les dettes, tout comme elle.
Or habituellement les débiteurs n’aiment pas leurs créanciers, pourtant un sentiment de la grâce qui pardonne provoque bien l’amour, et même Simon savait porter un jugement juste à ce propos. Mais alors l’application en est facile. Simon s’était gardé volontairement de montrer au Seigneur les attentions les plus élémentaires que demandaient les coutumes de l’époque. Ni l’eau pour les pieds, ni le baiser de bienvenue, ni l’huile pour la tête n’avaient été offerts. Simon avait reçu le Seigneur d’une manière qui équivalait à un affront ; mais la pauvre femme avait suppléé en abondance à tout ce qui manquait. Simon n’avait aucun sentiment de culpabilité, et pas d’amour pour Celui qui venait dans la grâce du pardon ; la femme, elle, ressentait une repentance réelle et profonde, ajoutée à la foi en Jésus et à un amour fervent pour Lui.
Ainsi voyons-nous comment la grâce se répand envers les dépravés, et de nouveau comment la repentance et la foi vont de pair : elles sont comme les deux côtés d’une même pièce de monnaie. La grâce qui jaillit vers cette femme est d’autant plus saisissante en ce qu’elle l’atteint d’une manière purement spirituelle. Celle-ci n’était pas venue avec des maux et des misères physiques à guérir ; ses maux étaient spirituels ! son fardeau était celui de ses péchés. La grâce lui accorde le pardon en abondance — c’est ce que le Seigneur dit clairement à Simon.
Mais le Seigneur ne parle pas au pharisien seul du pardon qu’Il accorde à la femme, Il le lui annonce personnellement à elle. Quel baume pour son esprit lassé ont dû être ces quatre mots : « Tes péchés sont pardonnés » ! Les saints de l’ancienne économie apportaient le sacrifice approprié pour chaque délit ou pour chaque péché et savaient alors que ce péché particulier était pardonné ; ils ne connaissaient guère une absolution aussi complète que celle que les paroles de Jésus donnèrent à cette femme. Ceux qui étaient là pouvaient bien demander : « Qui est celui-ci qui même pardonne les péchés ? » Dieu, dans la plénitude de la grâce, était présent dans le Sauveur abaissé.
Non seulement Jésus pardonne à la femme, mais Il lui donne l’assurance du salut et de plus déclare que sa foi en a été le moyen. S’il n’y avait pas eu cette parole, elle aurait pu croire que son chagrin ou ses larmes lui avaient procuré le salut. Mais non : c’est la foi qui établit le contact absolument nécessaire avec le Sauveur qui apporte le salut. Elle peut vraiment aller « en paix », car elle n’a pas simplement reçu le pardon — qui couvrait tout son passé — mais le salut — ce qui signifiait délivrance du mal qui l’avait asservie.
C’est cela que la grâce accomplit.
Les premiers versets de ce chapitre présentent la manière minutieuse et méthodique dont le Seigneur Jésus évangélisait les villes et les villages. Il annonçait le Royaume de Dieu, ce qui implique que, par le jugement, l’autorité de Dieu est établie et le salut de l’homme assuré. Le temps n’était pas encore venu pour que soit prêché l’Évangile de 1 Cor. 15:1-4, bien que, maintenant que nous avons cet Évangile, nous puissions encore prêcher le Royaume de Dieu dans sa forme actuelle. Les douze étaient avec le Seigneur, recevant l’instruction sous Son regard. Les autres évangiles nous présentent cela, mais Luc seul nous parle de ces quelques femmes que la puissance du Seigneur avait délivrées, et qui Le suivaient et L’assistaient de leurs biens. Ces détails sont introduits fort à propos après le récit du salut apporté à la femme pécheresse de la ville.
Dans les versets 4 à 15, nous avons la parabole du semeur et son interprétation. Celle-ci nous fait connaître le moyen par lequel la grâce divine produit ses résultats salutaires : la Parole de Dieu. Le fruit dont parle la parabole n’est pas quelque chose de naturel à l’homme : il n’est produit que par la Parole, lorsque cette Parole est reçue dans des cœurs préparés. Dans notre état naturel, nos cœurs présentent le même caractère d’insensibilité qu’un bord de chemin durci, ou bien ils sont superficiels, sans conviction, ou encore préoccupés par les soucis ou les plaisirs. Le cœur préparé comme la bonne terre est celui qui a été éveillé et exercé par le Saint Esprit de Dieu. Lorsque le cœur est ainsi rendu « honnête », la Parole est retenue précieusement, enfin du fruit est produit.
Le verset 16 ajoute ceci : en même temps que du fruit, la lumière est produite lorsque la Parole est reçue sincèrement. Toute conversion réelle est une nouvelle lampe allumée dans ce monde de ténèbres. Or, tout comme les soucis, les richesses, les plaisirs étouffent la Parole, de même un « vase » — qui parle de travail et de labeur quotidien — ou un « lit » — qui parle de confort peuvent cacher la lampe qui a été allumée. Toute lampe qui s’allume lorsque la Parole est reçue, doit être placée bien en évidence pour que d’autres en profitent. Prenons-en tous nettement conscience car, en fait, si la lumière est vraiment là, on ne peut pas la cacher complètement, comme le montre le verset 17. Si, année après année, rien ne se manifeste, une seule conclusion s’impose : il n’y a rien à manifester.
Toutes ces réflexions nous montrent en conclusion combien il nous est nécessaire d’entendre la Parole correctement. Donc, la manière dont nous entendons est de toute importance. Ce que nous entendons est d’égale importance, et ceci est mis en relief en Marc 4:24. Si nous n’entendons pas correctement, nous perdons cela même que nous paraissons avoir possédé. C’est ce qu’énonce le verset 18, et l’illustration en est donnée ci-dessus, dans le cas des auditeurs dont le cœur est semblable au bord du chemin, au terrain pierreux ou au terrain plein d’épines.
Les versets 19 à 21 ajoutent quelque chose de remarquable : si la parole est reçue correctement, elle met celui qui la reçoit en relation avec Christ Lui-même. Le Seigneur indique clairement ici que la relation qu’Il allait reconnaître n’était pas fondée sur la chair et le sang, mais sur des réalités spirituelles : sur l’écoute et la mise en pratique de la Parole. Cette pensée est développée dans les épîtres : par Paul qui parle de « l’ouïe de la foi » (Galates 3:2 ; Romains 10:8-17), par Jacques qui parle des œuvres de foi, car « la foi sans les œuvres est morte » (Jacq. 2:20). Si nous nous référons à Matthieu et à Marc, nous arriverons probablement à la conclusion que l’incident concernant la mère et les frères du Seigneur ne se place pas exactement à ce moment-là, mais une fois de plus, Luc se conforme à un ordre moral plutôt qu’historique. La Parole reçue par la foi produit du fruit pour Dieu, de la lumière pour les hommes, et elle introduit dans une vraie relation avec Christ Lui-même. Il y a un enchaînement moral dans ces choses.
Avec les versets 22 à 25, nous arrivons maintenant à la tempête sur le lac, qui fut apaisée d’une manière si miraculeuse. Ici encore, il nous semble voir un enchaînement moral. Le Seigneur venait de faire remarquer que la relation qu’Il reconnaissait avait un fondement spirituel, et c’étaient les disciples qui y étaient entrés. Il leur faut maintenant se rendre compte que la relation avec le Seigneur signifie opposition et tribulation de la part du monde. La puissance du vent soulève l’eau du lac en vagues tempétueuses, tout comme Satan, « le chef de l’autorité de l’air », excite les hommes et les nations à se dresser violemment contre Christ et tous ceux qui sont liés à Lui. Les disciples ont affronté cette tempête-là à cause de leur identification avec le Seigneur.
Cela fut, sur le moment, une expérience terrifiante, mais qui, plus tard, a dû leur apporter un grand encouragement. Car ce fut aussi pour le Seigneur l’occasion de manifester l’autorité absolue qu’Il avait sur les vents et la mer, et sur la puissance qui est derrière. En cette heure la foi des disciples est petite. Ils songent à leur propre sécurité et ne comprennent guère encore qui Il est. Lorsque, plus tard, ils reçurent l’Esprit et saisirent pleinement toutes choses, ils durent s’étonner de leur manque d’intelligence, de s’être si peu rendu compte de la majesté de l’action du Seigneur. Si seulement ils s’en étaient rendu compte, leurs cœurs se seraient calmés, en même temps que les eaux du lac.
Sur le lac, le Seigneur a triomphé de la puissance de Satan qui agissait sur les éléments ; arrivé dans le pays des Gadaréniens, le Seigneur se trouve en présence de la même puissance, mais exercée sur l’homme d’une façon beaucoup plus directe, par le moyen de démons. Il faut s’attendre à ce qu’ils résistent, mais la puissance de la parole du Seigneur est suprême. L’homme que nous rencontrons ici présente un cas extrême de possession démoniaque. Il était dans cet état « depuis longtemps » ; il était doué ainsi d’une force surhumaine, si bien qu’aucune entrave ordinaire ne pouvait le maîtriser ; il était emporté dans les déserts et dans le lieu de la mort : les sépulcres. De plus, cet homme était sous l’esclavage non pas d’un seul démon, mais de beaucoup. Pour une raison ou une autre, il était devenu pareil à une forteresse que toute une légion de démons gardait énergiquement pour Satan. Aussi, lorsque Jésus le rencontre, il y a, en fait, épreuve de force.
Le cri de l’homme possédé par les démons, par lequel il reconnaît que Jésus est « Fils du Dieu Très-haut » offre un contraste remarquable avec l’exclamation des disciples : « Qui donc est celui-ci ? » Les démons n’avaient aucun doute quant à la personne de Jésus et ils savaient qu’ils avaient rencontré leur Maître suprême, qui aurait pu, d’une seule parole, les chasser dans « l’abîme ». Au lieu de cela, Il leur permet d’entrer dans les pourceaux. Cela signifie délivrance pour l’homme, mais catastrophe pour les pourceaux. Soit dit en passant, cela a dû être une humiliation pour les démons que de quitter un corps d’homme pour aller habiter des pourceaux, mais ce ne fut pas pour longtemps : quelques instants plus tard, les pourceaux mouraient étouffés dans le lac. À peine une heure auparavant, Satan aurait bien aimé engloutir le Maître et Ses disciples ; en fait, ce sont les pourceaux dont il avait pris possession par ses représentants, les démons, qui ont été noyés.
Tout comme le vent et les flots avaient obéi à la parole du Seigneur, les démons eux aussi ont dû obéir. L’homme est complètement délivré et tout son être en est changé. Dans les mots employés : « assis, vêtu et dans son bon sens, aux pieds de Jésus », nous pouvons voir une belle image de ce que la grâce accomplit aujourd’hui pour les hommes qui ont été tenus captifs sous la puissance de Satan. Nous pouvons également voir chez cet homme délivré autre chose qui nous est applicable aujourd’hui. À nous non plus, il n’est pas encore permis d’être avec notre Libérateur : il nous faut retourner vers nos amis et leur montrer le travail qui a été accompli en nous. Plus le changement opéré a été complet, comme dans le cas de cet homme, plus un tel témoignage aura de l’effet.
Pourtant le témoignage est perdu pour les Gadaréniens, qui ont perdu leurs pourceaux. Des pourceaux, ils en faisaient grand cas ; de la grâce, aucun, c’est pourquoi ils refusent le Libérateur. Jésus se rend à leur requête et s’en retourne à l’autre rive du lac pour y poursuivre Son œuvre de grâce.
Les disciples avaient été témoins du triomphe de leur Seigneur sur l’opposition rencontrée et sur le lac et dans le pays des Gadaréniens ; ils allaient maintenant voir d’autres triomphes sur la rive de Capernaüm. Le monde des démons avait reconnu la puissance du Seigneur, comme l’avaient fait les éléments naturels ; maintenant la maladie et la mort vont céder devant Lui. Il est digne de remarque que la première personne à s’approcher du Seigneur n’allait pas être la première à recevoir la bénédiction.
Jaïrus était un fils représentatif d’Israël ; la mort étendait son ombre sur sa maison, et il fait appel au Seigneur, qui accueille aussitôt sa demande. En route vers la maison de Jaïrus, Jésus est arrêté au passage par cette femme — dont le nom ne nous est pas donné — qui souffre d’une maladie incurable. Avec foi, elle touche le bord de son vêtement et reçoit une guérison instantanée. Quoiqu’elle soit venue après Jaïrus et que sa manière d’agir ait été insolite, elle est la première à faire l’expérience de la grâce du Seigneur en délivrance. Nous pouvons saisir ici une analogie avec les voies actuelles de Dieu. Alors qu’Il est encore en chemin pour redonner vie et bénédiction à la « fille d’Israël », d’autres — parmi ceux-ci, surtout des Gentils — s’approchent par la foi et reçoivent la bénédiction.
Elle ne fait que toucher, et toucher que le bord du vêtement du Seigneur, cependant la bénédiction est accordée à cette femme, en plénitude : illustration du fait que la mesure de notre foi ne détermine pas la mesure de bénédiction accordée par la grâce — car la femme est complètement guérie. Nous comprenons aussi qu’en soi, toucher le Seigneur n’apportait rien, car les remontrances de Pierre prouvent que, pour diverses raisons, plusieurs L’avaient touché. Seul a compté un contact où intervenait la foi. En d’autres termes, la foi était la chose absolument essentielle, et cela, nous pouvons le connaître aujourd’hui, bien que seulement d’une manière spirituelle et non matérielle.
Par Ses questions, Jésus amène la femme à la confession. En accord avec l’esprit de l’Évangile, il fallait que la foi de son cœur soit suivie par la confession des lèvres, et cela lui ouvre la bénédiction, car le Seigneur lui dit : « ta foi t’a guérie ; va-t’en en paix ». S’il n’y avait pas eu ces paroles, son esprit aurait pu être envahi par la crainte d’une récidive de son mal. Sa foi, exprimée par son geste, amena la guérison ; mais sa confession reçut une réponse de paix, qui donna pleine assurance à son esprit. Combien aujourd’hui manquent peut-être de la pleine assurance du salut parce qu’ils ont manqué de courage pour confesser clairement le Nom du Seigneur !
À ce moment-là arrive la nouvelle de la mort de la jeune fille, et cela va offrir une nouvelle occasion pour que soit mise en relief l’importance de la foi. Pour les hommes, la mort chasse tout espoir ; cependant Jésus dit : « Ne crains pas, crois seulement ». Pour les parents et les amis de la jeune fille, elle était morte, mais pour le Seigneur, elle dormait seulement ; pourtant, l’incrédulité même de ceux qui se lamentent nous permet de comprendre que la jeune fille était bien morte, comme nous disons. Les incrédules moqueurs sont tous mis dehors, et seuls quelques-uns qui croient sont témoins de l’œuvre de puissance du Seigneur. À Sa parole, l’esprit de la jeune fille retourne en elle et elle est rappelée à la vie.
La recommandation « de ne dire à personne ce qui était arrivé » était entièrement contraire à toute idée humaine. Les hommes aiment la notoriété, le Seigneur, non. Le Seigneur travaillait à faire connaître Dieu, et seule la foi comprenait Ses œuvres et en était fortifiée.
Les disciples ont maintenant eu toute occasion de mieux connaître l’esprit du Maître, sa manière de faire, sa puissance. Aussi sont-ils envoyés prêcher, et les versets 1 à 6 nous disent de quelle façon leur mission leur est confiée. « Et ayant assemblé les douze, Il leur donna... Il les envoya... Il leur dit... ».
L’ordre dans lequel apparaissent ces quatre verbes est très instructif. C’est le Seigneur qui choisit, non pas nous. Ensuite non seulement Il rassemble, mais Il donne aussi l’autorité et la puissance que requiert le service auquel Il appelle. Il n’envoie qu’après avoir donné la puissance. Alors, en envoyant, Il donne les instructions particulières qui doivent diriger et guider les disciples dans leur service. Les instructions qu’Il leur donna convenaient exactement à des hommes envoyés pour appuyer le témoignage rendu par le Messie, le Fils de l’Homme, présent en personne sur la terre.
Le témoignage que nous sommes appelés à rendre aujourd’hui ne concerne pas le Messie, mais plutôt le Christ ressuscité et glorifié dans les cieux ; toujours est-il que tout service que nous pouvons accomplir est soumis exactement aux mêmes conditions. Il faut que le Maître appelle et envoie. S’Il appelle l’un quelconque d’entre nous, Il donnera la puissance et la grâce nécessaires au travail ; et lorsque nous sommes envoyés, il nous faut, nous aussi, faire attention à observer les instructions qu’Il nous a laissées.
Les disciples s’en vont soutenus par la puissance de leur Seigneur, et le témoignage se multipliant ainsi, même un monarque incrédule comme Hérode a son attention portée vers le Seigneur. La grande question est : « Qui est celui-ci ? » Les foules la posent et se livrent à des conjectures. Hérode la pose, l’esprit tourmenté, car il a déjà fait décapiter Jean. Son désir de voir Jésus fut satisfait, mais non sans doute comme il l’avait pensé (voir ch. 23:8-11).
Tous les détails de la mission des disciples sont passés sous silence. Le verset 10 relate qu’ils sont de retour et qu’ils racontent à leur Maître tout ce qu’ils ont fait ; puis Il les prend avec Lui à l’écart. Il en sera ainsi de nous tous lorsque nous irons à Sa rencontre à Sa venue. Cela veut dire que nous serons manifestés devant son tribunal, et ce sera dans l’intimité et le repos de Sa présence.
En cette occasion-là, le Seigneur connaît très peu de repos. Quoique l’endroit fût désert, les foules Le suivent et Il ne renvoie personne. Il les reçoit, leur parle du royaume de Dieu, les guérit et lorsque le soir approche et qu’ils ont faim, Il les nourrit.
Les disciples nous ressemblent : ils avaient beaucoup à apprendre. Bien qu’ils aient été envoyés comme messagers du Seigneur, ils connaissaient mal Sa puissance et la pleine suffisance de Ses ressources ; aussi jugent-ils de cette situation difficile à la lumière de leur puissance et de leurs ressources personnelles, au lieu de voir toute chose en fonction de Lui. Lorsqu’Il leur dit : « Vous, donnez-leur à manger », les disciples pensent aux pains et aux poissons qu’ils ont — si petits, hélas, et en si petite quantité. Ils auraient pu dire : « Seigneur, c’est à Toi que nous regardons : nous leur donnerons avec joie tout ce que Toi tu nous donnes ».
Comme facilement nous savons trouver ce qu’ils auraient pu dire, et en même temps nous montrer aussi inconséquents qu’eux ! Il nous faut apprendre que si le Seigneur commande, Il donne les capacités. C’est bien ce qu’Il fait en cette occasion-là, et le Seigneur emploie ses disciples à distribuer Ses richesses. Ils apprennent ainsi toute l’abondance de Ses ressources.
Avant de multiplier les pains et les poissons, Jésus regarde vers le ciel, associant ainsi publiquement Dieu à ce qu’Il fait. Au verset 18, nous Le retrouvons priant à l’écart, exprimant ainsi la place de dépendance qu’Il a prise dans Son humanité. La grâce était la grâce de Dieu, quoique se répandant par Lui vers les hommes.
Après avoir ainsi fait entrevoir Sa perfection à Ses disciples, le Seigneur les avertit de Son rejet prochain et de ce qui en résultera pour eux-mêmes. Les foules ignoraient encore complètement qui Il était, mais Pierre — et certainement les autres disciples aussi — savait qu’Il était le Christ de Dieu, le Messie. À cette confession de Pierre, le Seigneur répond en défendant d’en rien dire à personne. Cet ordre a dû beaucoup les surprendre, puisque jusqu’alors l’heureuse nouvelle qu’ils avaient trouvé le Messie avait été le point principal de leur témoignage. Pourtant, le moment était maintenant arrivé pour que les disciples sachent que ce qui était devant le Seigneur n’était pas la gloire terrestre du Messie, mais la mort et la résurrection. En leur annonçant cette nouvelle, le Seigneur parle de Lui-même comme du Fils de l’Homme — titre à la portée plus vaste. Le Messie doit régner sur Israël et les nations selon le psaume 2 ; le Fils de l’Homme doit avoir toutes choses sous Ses pieds selon le psaume 8.
En parlant de Lui-même de cette manière, le Seigneur commençait à orienter leurs pensées vers l’évolution prochaine des événements, sans révéler cependant encore ce que serait cette évolution. Toutefois Il leur donne à entendre très clairement que si la mort était devant Lui, elle serait aussi devant eux. C’est certainement le sens des paroles : « qu’il se renonce soi-même et qu’il prenne sa croix chaque jour ». Se renoncer soi-même, c’est accepter la mort dans son être intérieur, la mort appliquée aux mouvements de sa propre volonté. Prendre sa croix chaque jour c’est, dans son comportement extérieur, accepter la mort, car si on voyait un homme porter sa croix, on savait qu’il se trouvait sous une sentence de mort.
Les versets 24 à 26 développent cette pensée. Il s’agit de la vie telle que le monde la conçoit, faite de toutes les choses qui s’adressent aux goûts naturels de l’homme. Si nous cherchons à sauver cette vie, nous ne faisons que la perdre. Le chemin pour le disciple est de perdre cette vie pour l’amour de Christ, et ainsi de sauver la vie au sens vrai, celle qui est vraiment la vie. L’homme du monde saisit avidement la vie de ce monde et pour finir, se perd lui-même — et cela est une perte irréparable et éternelle. Le disciple qui perd la vie de ce monde n’est pas perdant, en fin de compte. Le verset 26 ne parle que de celui qui a honte. Cependant la réciproque est vraie. Celui qui n’a pas honte sera reconnu par le Fils de l’Homme au jour de Sa gloire.
Le Seigneur savait que ces paroles qu’Il prononçait allaient tomber comme un soufflet sur l’esprit des disciples, aussi les fait-Il suivre immédiatement d’un précieux encouragement, non pas tant par des mots qu’en leur permettant de voir Sa gloire. Cela est accordé, non pas à tous, mais aux trois disciples privilégiés, et ceux-ci purent en faire part aux autres. Dans la transfiguration, ils ont vu le royaume de Dieu, puisque pendant ces brefs instants ils furent « témoins oculaires de Sa majesté » (2 Pierre 1:16). L’expression employée par le Seigneur : « goûter la mort » est digne de remarque. Cela comprendrait non seulement le fait de mourir réellement, mais aussi l’expérience spirituelle qu’Il avait indiquée au verset 23. Il en est de même pour nous dans le principe. Ce n’est que lorsque nous voyons le royaume par la foi que nous sommes prêts à goûter la mort de cette manière expérimentale.
Une fois de plus, nous trouvons le Seigneur en prière, et c’est Luc seul qui rapporte que la transfiguration eut lieu tandis qu’Il priait. Il est remarquable que ce soit l’Homme dépendant et pieux qui resplendisse en gloire comme Roi. Longtemps auparavant David avait dit : « Celui qui domine parmi les hommes sera juste, dominant en la crainte de Dieu » (2 Sam. 23:3). Nous voyons ici Celui qui prendra le royaume et le gardera pour Dieu, dominer comme l’Homme dépendant. Tous les éléments du royaume à venir étaient là en figure. Le Roi lui-même est manifesté comme le centre. Moïse et Élie apparaissent venant du monde céleste, invisible, représentant les saints célestes qui paraîtront avec le Roi lorsque Celui-ci sera manifesté : Moïse représentant les saints qui auront été ressuscités d’entre les morts, et Élie ceux qui seront enlevés au ciel sans connaître la mort. Puis Pierre, Jacques et Jean représentent les saints qui seront sur la terre, bénis dans la lumière de Sa gloire.
Alors que les disciples étaient accablés de sommeil, les saints célestes s’entretiennent avec leur Seigneur de Sa mort prochaine, qui assurera le fondement sur lequel doit reposer la gloire. Luc en parle comme de Son « départ » ou « sortie » (exode), car cela signifiait que le Seigneur allait sortir de l’ordre terrestre dans lequel Il était entré, puis qu’Il entrerait, par la résurrection d’entre les morts, dans le monde où se trouvaient Moïse et Élie. Quand les disciples se réveillent enfin, la seule pensée de Pierre est de perpétuer cet ordre terrestre et d’y garder son Maître. Il y aurait aussi retenu Moïse et Élie, s’il lui avait été accordé de faire ses trois tentes. Il ne comprenait pas encore la réalité de l’ordre céleste des choses déployé devant ses yeux, et n’avait pas encore la juste perception de la gloire suprême de Jésus.
En conséquence, à ce moment précis vint la nuée — évidemment la nuée bien connue de la présence divine — qui les couvrit de sa splendeur et les réduisit au silence par la peur. Alors la voix du Père proclame la gloire suprême de Jésus et Le désigne comme étant la seule et unique personne que tous doivent écouter. Un Moïse, un Élie, ne peuvent être associés à Lui un seul instant. En vérité, Jésus doit « se trouver seul ». Quoique, à ce moment-là, Pierre n’ait pas compris le sens profond de tout cela, et en conséquence n’ait rien rapporté à personne « en ces jours-là », il le fit plus tard, comme le montre si clairement le passage de sa seconde épître, se rapportant à la transfiguration. C’était une confirmation pour lui, et pour nous aussi, de la parole prophétique nous donnant la certitude que, si nous attendons le « royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ » (2 Pierre 1:11), nous ne suivons pas « des fables ingénieusement imaginées » (1:16) mais nous nous reposons sur une vérité inébranlable.
Quel immense contraste lorsque le jour suivant ils descendent de la montagne ! En haut, tout avait été gloire — la puissance et la gloire de Christ — avec l’ordre et la paix qui les accompagnent. En bas, tout était sous le pouvoir de Satan, avec la confusion et le trouble. Les neuf disciples laissés au pied de la montagne avaient été mis à l’épreuve par le cas de l’enfant possédé d’un démon particulièrement violent, et ils n’avaient rien pu. Le père bouleversé fait appel au Seigneur, quoique manifestement sans grand espoir qu’Il puisse rien faire. Jésus agit aussitôt pour délivrer l’enfant et « tous furent étonnés de la grandeur de Dieu ». La puissance pleine de majesté qu’Il manifeste au milieu de la confusion qui régnait au pied de la montagne allait de pair avec la gloire déployée au sommet de la montagne le jour précédent.
Puis une fois de plus, juste après avoir ainsi manifesté Sa puissance, Il parle de Sa mort : « Gardez bien ces paroles que vous avez entendues ». Quelles paroles ? pouvons-nous demander, car Luc n’a pas rapporté de paroles particulières prononcées lors de la guérison de l’enfant possédé par l’esprit immonde. Cette parole se rapporte peut-être à l’entretien sur la sainte montagne, au sujet de Sa mort. Mais la difficulté pour les disciples était alors qu’ils ne pouvaient détacher leur esprit de l’espoir d’un royaume terrestre immédiat, pour prendre conscience que le Seigneur allait mourir. Nous en voyons la triste conséquence au verset 46.
Par nature, nous sommes des êtres présomptueux, nous aimons l’importance et la grandeur par-dessus tout ; et la chair chez un disciple n’est pas différente de la chair chez un incroyant. Jésus prend le contre-pied de la pensée de leur cœur : Il place un petit enfant auprès de Lui et leur enseigne que la vraie grandeur se trouve dans une âme qui s’assimile à un petit enfant, et qui, vue là comme « le plus petit », y est véritablement au nom de son maître. Recevoir un enfant sans importance, c’est recevoir le divin Maître, si l’enfant est reçu « en Mon Nom ». L’importance se trouve dans le Nom, pas dans l’enfant.
De toute évidence, cet épisode a touché la conscience de Jean, si bien qu’il mentionne un cas qui s’était produit quelque temps auparavant. Ils avaient vu quelqu’un chasser les démons, et le lui avaient défendu « parce qu’il ne te suit pas avec nous ». Les disciples attachaient beaucoup trop d’importance au « nous » qui, après tout, ne se compose que d’individus dont chacun n’a pas d’importance en soi. Toute l’importance, comme le Seigneur venait de le leur montrer, se trouvait dans le Nom. Or celui qui venait de chasser les démons — la chose même qu’eux n’avaient pas pu faire — l’avait fait « en Ton Nom ». Aussi avait-il la puissance du nom et eux la prétendue importance du « nous ». Le Seigneur s’occupe de Jean avec douceur mais aussi avec fermeté. Il ne fallait pas empêcher l’homme. Il était pour le Seigneur, pas contre Lui.
Luc rassemble maintenant quatre autres incidents à la fin du chapitre. Il semble que le Seigneur, ayant montré aux disciples la puissance de Sa grâce et du royaume de Dieu, les instruit maintenant quant à l’esprit qui convient à ceux qui ont été amenés sous cette puissance ; et Il les avertit également de choses qui seraient des obstacles.
Le premier obstacle est visiblement l’égoïsme. Cela peut revêtir une forme extrêmement personnelle comme au verset 46, ou bien elle peut être collective comme au verset 49. Ou encore, ce peut être sous couvert de zèle pour la réputation du Maître, et ceci en est la forme la plus subtile. L’attitude des Samaritains était foncièrement mauvaise. Mais Jésus montait à Jérusalem pour y mourir, alors que Jacques et Jean désiraient revendiquer Son importance — et incidemment la leur — en apportant la mort à d’autres. Certes, Élie avait agi de cette façon lorsqu’il s’était trouvé en présence de la violence d’un roi apostat, mais le Fils de l’Homme est animé d’un esprit différent. Ce qui manquait aux disciples, c’est qu’ils n’entraient pas encore dans l’esprit de grâce — la grâce qui caractérisait leur Maître.
Les trois incidents qui terminent brièvement le chapitre nous montrent que si nous voulons vraiment être des disciples, et des disciples propres au royaume, il nous faut nous méfier de la simple énergie naturelle. Une énergie supérieure à l’énergie naturelle est nécessaire si nous voulons suivre un Christ rejeté. Et également, il ne faut pas de cœur partagé ni hésitant. Les droits du royaume doivent passer avant toute autre chose.
Les disciples ayant été ainsi instruits, le Seigneur accroît encore le champ du témoignage qui devait être rendu en relation avec Sa présence sur la terre, en désignant et en envoyant soixante-dix autres disciples, deux à deux devant Sa face. Ce qu’Il dit concernant la grande moisson et le petit nombre d’ouvriers semble, d’après Matthieu 9:37-38, avoir été prononcé en une autre occasion. Dans Matthieu, la prière reçoit sa réponse par l’envoi des douze, dans Luc, par l’envoi des soixante-dix.
Les directives que le Seigneur donne aux soixante-dix sont semblables à celles données aux douze. Il devait y avoir la même simplicité, la même absence de recherche de soi, la même dépendance du Seigneur pour la réponse à leurs besoins. Ils reçoivent cependant des avertissements supplémentaires qui indiquent une opposition croissante de la part du peuple. Le Seigneur les envoie comme des agneaux au milieu des loups, image des plus saisissantes. Pourtant, même si on ne les recevait pas, ils devaient bien faire comprendre aux gens que le royaume de Dieu s’était approché d’eux.
Ces soixante-dix n’ont pas la place privilégiée des douze, mais néanmoins ils représentent pleinement le Seigneur, comme le verset 16 l’exprime clairement. Ce verset établit le même principe que le verset 48 du chapitre précédent, seulement ici, le Seigneur ramène les choses à « Celui qui M’a envoyé ». C’était peut-être des gens humbles que ces soixante-dix, pourtant de grandes choses dépendaient de l’attitude des hommes à l’égard de leur message. Capernaüm et les autres villes de ce temps-là, entendant ce témoignage, auraient des responsabilités plus grandes, et leur refus amènerait un jugement plus sévère que celui des villes auxquelles un tel témoignage n’avait jamais été rendu.
Aucun détail n’est donné de ce qui s’est passé pendant le service des soixante-dix, et un seul verset (ch.9 v. 6) avait suffi à résumer ce que les douze avaient accompli auparavant. Nous en faisons la remarque parce que Luc a été choisi par Dieu pour consigner le travail des disciples dans le livre des Actes ; mais ce fut après que le Saint Esprit eut été donné. Avant la venue du Saint Esprit, leur œuvre avait beaucoup moins d’importance et quelque lumière qui s’y trouvât était éclipsée par la lumière qui brillait en perfection chez leur Maître. Au verset 17, nous assistons à leur retour, à la fin de leur mission.
Ils s’en reviennent avec joie, se réjouissant surtout de ce qui était le plus spectaculaire : même les démons leur sont assujettis par le nom de leur Maître. Or c’était assurément une grande chose, et le gage que Satan serait finalement chassé du ciel. Le verset 18 ne fait pas allusion — croyons-nous — à la chute originelle de Satan mais à l’expulsion finale prédite en Apocalypse 12:7-9. Le passé est souvent employé dans les paroles prophétiques pour décrire des événements futurs. Il est employé dans ces versets d’Apocalypse comme aussi en Ésaïe 53:3-9. Ainsi le Seigneur confirme l’autorité — reçue de Lui à ce moment-là — qui s’était exercée sur toute la puissance de l’ennemi, mais en même temps Il montre quelque chose qui dépasse toute puissance exercée sur la terre.
Il leur dit : « Vos noms sont écrits dans les cieux ». Il est plus que probable qu’ils n’ont pas été alors très sensibles à l’extraordinaire de cette déclaration. Ils ont dû l’être plus tard. Nous devrions y être sensibles puisqu’elle s’applique aussi à nous. Le symbole en est simple. Nos noms sont inscrits dans la ville ou le district où se trouve notre domicile. Le Seigneur dit en effet à ces hommes : un droit de bourgeoisie céleste sera votre part, et c’est une plus grande cause de joie que n’importe quel pouvoir accordé sur terre. L’évangile de Luc nous présente particulièrement le passage de la loi à la grâce, et de la terre au ciel, et ce verset représente un point de repère précis dans cette transition. C’est la première annonce de la vérité révélée dans son entier en Philippiens 3:20 : « Notre bourgeoisie est dans les cieux ».
En cette même heure — l’heure où les soixante-dix se réjouissaient — Jésus Lui-même se réjouit. Il voit non seulement la chute future de Satan, et en conséquence, le renversement de tous ses desseins pervers, mais l’activité du Père en vue de l’accomplissement de tous ses desseins. Ces desseins glorieux ont comme fondement le fait que Lui-même sera révélé et connu en perfection et que les « petits enfants » plutôt que les sages et les intelligents de ce monde en recevront la révélation.
Le Fils s’était fait Homme afin de révéler le Père aux hommes. Et non seulement cela, Il est Lui-même l’héritier de toutes choses. L’Homme dépendant sur la terre savait que toutes choses lui avaient été livrées par son Père. En outre, le fait même qu’Il était devenu Homme ajoute ici un élément, qui échappe à toute compréhension humaine. Il est devenu Homme afin que le Père soit connu — comme Homme, Il est l’héritier de toutes choses — mais qu’aucune créature humaine ne prétende sonder le mystère qui doit entourer un abaissement aussi incommensurable ! Si nous estimons que nous sommes sages et intelligents, nous pouvons tenter de le faire, mais ce sera notre ruine. Si nous sommes en vérité des petits enfants, nous accepterons le mystère avec un esprit d’humilité et de soumission, et nous réjouirons plutôt de tout ce que le Fils nous a révélé du Père et des desseins du Père.
S’étant ainsi réjoui de sa propre mission et de la grâce qui prend « les petits enfants » sans importance, le Seigneur se tourne vers les disciples pour leur montrer la grandeur de leur privilège actuel. Ils voyaient des choses que les hommes pieux des siècles précédents avaient désiré voir. Ils voyaient et entendaient des choses qui se rapportaient à la manifestation du Père sur la terre et assistaient à l’accomplissement d’une œuvre qui aboutirait à l’appel d’un peuple pour le ciel. Tout ceci était pour le moment un secret réservé aux disciples.
Hors de ce cercle intime, tout n’était que conflits. La question du docteur de la loi, rapportée au verset 25, si sincère en apparence, était en réalité posée avec un motif inavoué et malveillant. Il demande ce qu’il devrait faire, et le Seigneur, qui connaissait le mobile de l’homme, le prend sur son propre terrain. C’était la loi qui exigeait de l’homme qu’il fasse quelque chose : d’où la question du Seigneur. En disant que l’exigence suprême de la loi était d’aimer : d’abord Dieu, puis son prochain, l’homme a bien répondu. Jésus n’a qu’à dire : « Fais cela et tu vivras », — non pas : « tu auras la vie éternelle », mais simplement : « vivras ». Il n’y a pas de vie pour la terre à moins que la loi ne soit gardée.
Le docteur de la loi avait l’intention de prendre le Seigneur au piège et maintenant il se trouve pris à son propre piège par la réponse qu’il vient de donner. Désireux de se justifier, il demande qui est son prochain ; comme s’il sous-entendait que, pourvu qu’il ait des proches suffisamment sympathiques, il ne lui serait pas difficile de les aimer. Cette question reçoit sa réponse dans la parabole concernant le Samaritain : au docteur de la loi de juger qui est son prochain. Une fois de plus, l’homme répond bien, en dépit de l’antipathie que les Juifs ressentent pour les Samaritains. Ayant ainsi jugé, il répond à sa propre question, et il se trouve sous l’obligation d’agir comme le Samaritain d’une part, et d’aimer le Samaritain comme lui-même, d’autre part.
Toutefois l’enseignement de cette parabole dépasse la simple réponse à la question de cet homme. Dans la façon d’agir du Samaritain, nous avons une image de la grâce qui a marqué la venue du Seigneur Lui-même. Le sacrificateur et le lévite, représentants de l’économie de la loi, passent outre de l’autre côté. La loi ne fut pas instituée pour aider les pécheurs, encore moins pour les sauver, et si l’homme à demi-mort était mort dans leurs bras, le sacrificateur et le lévite auraient tous deux été souillés, impropres donc pendant un certain temps à remplir leur service. Comme le Samaritain, Jésus a été l’homme rejeté, et pourtant Il venait exercer un ministère de grâce et de salut. Si, au verset 20, nous voyons suggéré le passage de la terre au ciel, dans cette parabole, c’est le passage de la loi à la grâce.
À la lumière de tout cela, il est clair également que le Seigneur Jésus fut le Prochain le meilleur et le plus fidèle que l’homme ait jamais eu — en fait le Prochain dans sa perfection. Il était Dieu également, parfaitement révélé et connu. En Lui, Dieu et le Prochain étaient réunis, et les hommes, en Le haïssant et Le rejetant, ont violé du même coup et sans espoir les deux exigences de la loi.
Mais tous n’ont pas rejeté le Fils ; quelques-uns L’ont reçu. Et ainsi suivent, à la fin de ce chapitre et au tout début du chapitre 11, de précieuses indications sur les moyens par lesquels de telles âmes sont mises en relation avec Lui. Ce sont : la vertu de Sa parole, la prière, et bientôt le don du Saint Esprit.
Marie avait découvert la puissance de Sa parole. Elle avait, par elle, eu accès aux pensées de Dieu, aussi était-elle assise aux pieds de Jésus et elle écoutait. Marthe, par son service, ne faisait, semble-t-il, qu’accomplir le devoir qui était normalement le sien. Son tort était d’en vouloir beaucoup faire. Elle désirait s’acquitter dignement de sa tâche, et elle en était « distraite » ; au point qu’elle parle d’une façon désobligeante non seulement à sa sœur, mais au Seigneur. Marie, pensait-elle, négligeait ses devoirs, et le Seigneur était indifférent à sa négligence. Marthe représente le tourment des soucis, Marie la communion.
La distraction de Marthe venait de ce qu’elle était prise par trop de service, chose qui en soi est tout à fait bonne. Elle se met en souci et se tourmente de beaucoup de choses, et laisse passer la seule chose nécessaire. Marie avait découvert que tout ce qu’elle pourrait faire pour le Seigneur n’était rien en comparaison ce qu’Il avait à lui apporter. Recevoir Sa parole est la seule chose nécessaire, car de là découle tout service agréable au Maître. C’est la bonne part, qui ne sera pas ôtée.
Nous croyons qu’une grande partie de la faiblesse qui caractérise les chrétiens d’aujourd’hui peut s’expliquer par ce seul mot : distraction. Tant de choses venant de tous côtés — et assez souvent inoffensives en elles-mêmes — nous sont offertes, que nous sommes distraits de la seule chose importante. Nous ne sommes peut-être pas toujours en souci et tourmentés à leur égard ; nous sommes peut-être seulement attirés et absorbés. Mais le résultat est le même : nous passons à côté de la seule chose nécessaire. Donc nous subissons véritablement une perte.
Une fois de plus nous trouvons le Seigneur en prière, et cela éveille chez Ses disciples le désir d’apprendre à prier. Ils ne possédaient pas encore l’Esprit comme nous l’avons aujourd’hui, aussi ne pouvaient-ils pas savoir ce que signifie « prier par le Saint Esprit » (Jude 20), ou connaître l’aide et l’intercession de l’Esprit dont parle Romains 8:26-27, comme nous le pouvons. C’est le Seigneur qui était alors leur « Consolateur » et leur Conducteur, en dehors d’eux ; nous avons « un autre Consolateur » qui est en nous. En réponse à leur désir, le Seigneur leur donne la prière modèle et Il y ajoute une illustration pour appuyer la nécessité d’être importun. Si un homme veut bien se lever à minuit à la sollicitation pressante d’un ami, nous pouvons bien venir à Dieu avec confiance.
Le Seigneur avait appris aux disciples à s’adresser à Dieu comme Père, et les promesses qu’Il donne au verset 10 vont dans le même sens, de même que les déclarations des versets 11-13. Nous ne devons pas nous représenter le Père dans les cieux comme étant moins intéressé et moins attentionné que notre père sur la terre. Il ne donnera rien d’immangeable ou de nuisible si son fils demande à manger. Et Il ne donnera pas non plus — pouvons-nous ajouter — une chose inutile ou nuisible si, stupidement, nous la désirons et la demandons. On peut sans doute expliquer ainsi que mainte prière reste sans réponse.
L’homme dans son état de perdition sait donner de bonnes choses à ses enfants ; le Père céleste fera à ceux qui le Lui demandent le plus précieux de tous les dons : le Saint Esprit. Nous voyons ici le Seigneur continuer Son enseignement en dirigeant les pensées vers les événements qui allaient bientôt se dérouler. Le Saint Esprit ne fut pas donné avant que Jésus ne soit glorifié, comme nous le savons d’après Jean 7:39 ; mais quand Il fut donné, Il vint sur un groupe d’hommes et de femmes qui persévéraient dans la prière et la supplication, comme Actes 1:14 le rapporte. Nous vivons dans la période où l’Esprit a été donné ; et ainsi nous pouvons nous réjouir dans les fruits de Sa présence, de même que dans la puissance de la Parole de Dieu et de la prière.
Le paragraphe suivant (v. 14 à 28) présente le rejet définitif de la grâce, et du Seigneur Lui-même qui l’avait révélée ; ce qui conduit le Seigneur à dévoiler les terribles conséquences de ce rejet et aussi à insister encore sur l’importance de l’obéissance à la Parole.
Une fois le démon muet chassé, le changement chez l’homme qui en avait été la victime est impressionnant et indéniable. Pourtant nombreux sont ceux qui choisissent de dénigrer ce qu’ils ne peuvent nier. La remarque concernant Béelzébul n’est pas attribuée aux pharisiens comme dans Matthieu. Ils en étaient sans doute les instigateurs, mais les gens du commun les soutenaient, comme Luc le rapporte ici. D’autres, fermant les yeux sur les nombreux signes déjà donnés, ont l’effronterie de demander un signe du ciel. Dans Sa réponse, Jésus montre en premier lieu que leur accusation était complètement déraisonnable : elle impliquait cette absurdité : Satan agissant contre lui-même. En second lieu, Il montre que, si leur accusation était vraie, elle retomberait sur la tête de leurs fils, si ce n’est sur la leur.
Mais en troisième lieu — et c’est le point le plus important — Il donne la vraie explication de ce qu’Il faisait. Il était arrivé sur cette scène plus fort que Satan. Avant l’arrivée de Jésus, Satan retenait ses captifs sans être aucunement inquiété. Maintenant Celui qui était plus fort libérait ces captifs-là. Sa venue mettait chacun d’eux à l’épreuve : ils étaient soit avec Lui, soit contre Lui. Ne pas être avec Lui équivalait à être contre Lui, car il ne pouvait y avoir de terrain neutre. Les hommes pouvaient paraître s’assembler, mais si ce n’était pas avec Lui, cela ne tournerait qu’à la dispersion. C’est un point que nous faisons bien de noter. Un grand mouvement se fait sentir aujourd’hui pour rassembler les gens en toutes sortes d’associations ou de groupes ; mais si ce n’est pas avec Christ, autour de Lui et sous Son autorité, c’est un travail de dispersion qui finira par se révéler tel.
Il est clair que les versets 24 à 26 sont prophétiques. À ce moment-là, l’esprit immonde de leur ancienne idolâtrie était sorti d’Israël, mais bien que la maison soit « balayée et ornée » extérieurement, ils étaient en train de refuser Celui que Dieu avait envoyé pour habiter la maison. En conséquence, l’ancien esprit immonde reviendrait avec d’autres plus méchants que lui, et ainsi leur condition serait pire que la première. Cette parole de Jésus trouvera son accomplissement lorsqu’Israël incrédule recevra l’Antichrist aux derniers jours.
Pourtant tous ne le refusaient pas. Une femme du milieu de la foule comprend quelque chose de son excellence, et elle déclare que la mère du Seigneur est bienheureuse. Mais le Seigneur montre quelque chose d’encore plus heureux. La bénédiction la plus grande, pour nous, est de recevoir et de garder la Parole de Dieu. Le lien spirituel formé par la Parole est plus étroit et plus durable que n’importe quel lien selon la chair. Le Seigneur dirigeait les pensées de Ses disciples sur ces vérités spirituelles, et écouter la Parole est cette bonne part, comme nous venons de le voir dans le cas de Marie.
Le Seigneur se met maintenant à parler de l’indifférence qui caractérisait le peuple aux jours de son ministère. Ils demandent un signe, comme si nul signe ne leur avait été donné. Un seul signe leur reste dont Il parle comme du « signe de Jonas ». Jonas avait prêché aux Ninivites, mais lui-même aussi était un signe pour eux en ce qu’il apparut au milieu d’eux comme quelqu’un qui était ressorti de ce qui paraissait une mort certaine. Le Fils de l’Homme était à la veille d’entrer réellement dans la mort puis d’en sortir par la résurrection, et ceci était le plus grand de tous les signes ; de plus, Il manifestait parmi eux une sagesse bien plus grande que celle de Salomon et sa prédication allait bien au-delà de celle de Jonas. Pourquoi donc les foules n’étaient-elles pas touchées ?
Ce n’est pas parce qu’aucune lumière ne brillait. Les hommes n’allument pas une lumière afin de la cacher, comme l’exprime le verset 33. Le Seigneur était venu dans le monde comme la vraie lumière dont les rayons éclairaient les hommes. Ce qui était mauvais, ce n’était pas la lumière, mais les yeux des hommes. Les versets 34 à 36 font ressortir cela. Objectivement le soleil est la lampe de notre corps mais subjectivement ce sont nos yeux qui en sont la lampe. Si le soleil disparaissait, il y aurait des ténèbres sur la terre entière, mais si mon œil s’éteignait, l’obscurité serait totale pour moi. Si mon œil spirituel est mauvais, mon esprit est rempli d’obscurité ; s’il est simple, tout est lumière. En d’autres termes, l’état de celui sur qui brille la lumière est de toute importance. L’état des foules était mauvais, de là leur manque de sensibilité à la lumière qui brillait en Christ.
Mais, si les foules ne recevaient pas la lumière qui aurait été leur bénédiction, le Seigneur allait au moins diriger les rayons de la vérité sur leur état. Il commence par les pharisiens, et le reste du chapitre nous montre de quoi Il les accuse. Le pharisien qui invite le Seigneur est conforme à sa secte : critique et obsédé par des détails rituels. L’heure avait sonné pour que le censeur soit lui-même censuré et démasqué. Rien ne pouvait être plus incisif que les paroles du Seigneur. En les lisant, nous pouvons nous faire une idée de la façon dont les hommes seront sondés au jour du jugement.
Leur hypocrisie est le sujet des versets 39 à 41. Propreté (entretenue avec ostentation) des endroits exposés aux yeux des hommes, boue ailleurs. Et en plus, une farouche recherche de soi se cachait sous leur apparence de piété. Ils étaient pleins de « rapine ». Le mot « donnez » du verset 41 est en contraste avec ce terme. Si seulement ils voulaient donner plutôt que de s’emparer du bien d’autrui, toutes choses leur seraient nettes, à l’intérieur comme à l’extérieur. Un changement aussi radical impliquerait une conversion authentique.
Le verset 42 fait ressortir leur jugement perverti. Ils étaient méticuleux sur des choses qui n’étaient ni importantes, ni précieuses, et ils négligeaient les valeurs les plus hautes. Le verset 43 montre que l’amour de la notoriété et de l’adulation de leurs semblables les dévorait. C’est pourquoi ils étaient devenus pour d’autres, et à l’insu de ceux-ci, des foyers de souillure, comme l’indique le verset 44. Ils faisaient tort aux autres aussi bien qu’à eux-mêmes. Accusation terrible, à la vérité, mais accusation qui s’applique d’une façon affligeante, à des degrés divers, et de tout temps, à ceux dont la religion n’est qu’apparence et formes.
L’un des docteurs de la loi protesta alors que ces paroles constituaient aussi des injures pour eux-mêmes. L’accusation n’en fut que poussée plus à fond contre lui. Ces docteurs de la loi s’affairaient à charger les autres de fardeaux ; ils légiféraient pour les autres et impudemment ne tenaient aucun compte de la loi pour eux-mêmes. De plus, ils se faisaient remarquer par leur rejet de la Parole de Dieu et leur rejet des prophètes qui l’avaient apportée, bien que, après que les prophètes eurent été tués, ils les aient honorés en leur bâtissant des tombeaux espérant ainsi acquérir le prestige de leurs noms, maintenant qu’ils n’étaient plus jugés par leurs paroles. Habile stratagème que celui-là ! mais qui n’est pas inconnu, même de nos jours. Il est facile de porter aux nues, un siècle après sa mort, un homme auquel on aurait violemment résisté pendant sa vie de témoignage. Les paroles du Seigneur impliquent que ce que les pères avaient fait, leurs fils le feraient aussi. La génération à laquelle Il s’adressait était coupable, non seulement du sang des prophètes d’autrefois, mais du sang du Fils de Dieu Lui-même.
Enfin, au verset 52, nous voyons, d’un côté, que les pharisiens souillaient d’autres personnes (v. 44), et d’autre part, que les docteurs de la loi enlevaient la clef de la connaissance ; Satan faisait de même en empêchant les gens d’entrer dans la véritable connaissance de Dieu. Ils ont tué les prophètes et fermé le chemin de la vie.
Il est clair que le Seigneur prononça ces terribles accusations sans que rien ait altéré son calme divin. Les meilleurs des hommes auraient parlé différemment. À cause de cela, nous est donnée l’injonction : « Mettez-vous en colère et ne péchez pas » (Éphésiens 4:26). Nous péchons facilement en nous mettant en colère contre le péché. Le Seigneur n’avait pas besoin d’une telle exhortation. Ses adversaires croyaient qu’il leur suffirait de continuer à Le provoquer pour Le faire aisément succomber. Il ne fit rien de ce qu’ils prévoyaient, comme le montre le chapitre suivant.
Loin de se laisser irriter par l’opposition violente des scribes et des pharisiens, le Seigneur se sert de l’occasion pour enseigner calmement Ses disciples en présence de la grande foule que la controverse avait rassemblée. Il venait de diriger le projecteur de la vérité sur les chefs religieux, maintenant Il dirige la même lumière sur les disciples et sur leur chemin.
En premier lieu, Il les met en garde contre l’hypocrisie qu’Il vient de dévoiler chez les pharisiens. C’est vraiment un « levain », c’est-à-dire un mal d’une nature telle que, s’il n’est pas jugé, il fermente et croît. Le but que poursuit l’hypocrite est d’avoir toutes choses « couvertes » : cachées à Dieu en premier lieu, puis aux regards de ses semblables. Cependant tout vient à la lumière, si bien qu’à la longue l’hypocrisie se révèle vaine. Néanmoins, présentement, elle est absolument funeste à l’âme qui a à faire à Dieu de quelque façon que ce soit. Aussi, du point de vue moral, la mise en garde contre l’hypocrisie doit venir en premier lieu. Pour le disciple de Christ, rien ne doit être couvert aux yeux du Seigneur.
En second lieu, Il les met en garde contre la crainte de l’homme (v. 4-11). Il ne leur cache pas qu’ils allaient affronter réjection et persécution. S’ils voulaient se garder de l’hypocrisie au milieu d’un monde qui est sous l’empire de celle-ci dans une si large mesure, ils ne pouvaient pas s’attendre à connaître la popularité. Mais, d’autre part, s’ils voulaient ne rien avoir de caché aux yeux de Dieu, ils seraient capables de se tenir sans lâcheté en la présence des persécuteurs. Ceux qui craignent beaucoup Dieu craignent peu les hommes.
Le Seigneur n’exhorte pas simplement Ses disciples à n’avoir aucune crainte des hommes. Il leur fait aussi connaître des choses qui se révéleront très encourageantes pour bannir leur crainte. Au verset 4 Il s’adresse à eux en les appelant « Mes amis ». Ils savaient qu’ils étaient Ses disciples, Ses serviteurs, mais cela a dû placer les choses sous un jour nouveau, très réjouissant. Parce qu’ils sont Ses amis, ils peuvent affronter l’inimitié du monde — ce que nous pouvons aussi. Puis, aux versets 6 et 7, Il place devant eux, d’une manière très touchante, la sollicitude de Dieu à leur égard. Elle est si profonde qu’aucun cheveu de notre tête n’est oublié — mais ils sont tous comptés.
Au verset 12, Il les assure que, dans leurs circonstances critiques, ils pourraient compter sur l’enseignement particulier du Saint Esprit. Ils n’auraient nul besoin de préparer une défense minutieuse lorsqu’ils seraient traduits en justice devant les autorités. La haine et l’opposition des hommes allaient peser à leur charge, mais quel merveilleux appui que l’amitié de Christ, la sollicitude de Dieu, l’enseignement du Saint Esprit. Et en outre, s’ils confessaient Christ devant les hommes hostiles, le Fils de l’Homme les confesserait devant les anges de Dieu — ce qui serait leur récompense.
À ce point de Son discours, le Seigneur est interrompu par quelqu’un qui désirait Le voir intervenir en sa faveur dans une question d’argent. S’Il avait été le réformateur social ou le socialiste que d’aucuns imaginent qu’Il ait été, l’occasion se présentait ici pour Lui d’établir les justes normes d’un partage d’héritage. Il n’en fait rien ; au lieu de cela, Il dévoile la cupidité qui avait conduit l’homme à présenter sa requête, puis prononce la parabole bien connue du riche insensé. Reconstruire ses greniers afin de préserver tous les fruits que la munificence de Dieu lui avait accordés, était de la simple prudence. Assembler tout cela pour lui-même, et négliger toutes les richesses divines pour l’âme, c’est cela qui constituait sa folie.
Le riche insensé était rempli d’avarice, puisqu’il considérait tous ses biens comme la garantie de l’accomplissement de son programme : « repose-toi, mange, bois, réjouis-toi ». C’est précisément le programme de l’homme ordinaire du monde actuel : loisirs en abondance, nourriture et boissons en abondance, plaisirs et distractions en abondance.
Or le croyant est « riche quant à Dieu », comme l’indique clairement le verset 32. Aussi, lorsque le Seigneur reprend Son discours à Ses disciples, au verset 22, Il commence par les tranquilliser au sujet des soucis qui nous sont si naturels. Puisque nous sommes devenus riches, ayant reçu le royaume en partage, nous ne devons pas être caractérisés par l’avarice ; et nous ne devons nous charger d’aucun souci, puisque la sollicitude de Dieu à notre égard est pleinement suffisante. Le Seigneur dit : « Votre Père sait » (v. 30). Ainsi, Il enseigne à Ses disciples à reconnaître en Dieu Celui qui, avec un intérêt paternel, s’occupe d’eux, comme aussi de leurs besoins pour la vie présente.
Mais Il agit ainsi afin que les disciples aient l’esprit libre pour poursuivre des choses qui actuellement se trouvent en dehors de cette vie. Il n’y a pas de contradiction entre les versets 31 et 32. Le Royaume nous est donné et pourtant nous devons le rechercher. Il nous faut le rechercher parce qu’il n’est pas encore manifesté ; en conséquence, on ne le trouve pas dans les choses de cette vie, mais il se trouve dans les réalités spirituelles et morales liées à l’âme de ceux qui sont amenés sous l’autorité divine. Néanmoins, le Royaume doit être une réalité manifestée dans ce monde, et ses titres de propriété sont déjà assurés aux enfants de Dieu. Ainsi nous recherchons le Royaume de Dieu, puisque nos pensées et nos vies aujourd’hui sont remplies des choses de Dieu et de Son service.
À cause de cela, la vie des disciples devait se vivre selon des principes diamétralement opposés à ceux des amis de ce monde. Au lieu d’amasser des biens et de mener une vie de facilité et de jouissances, le disciple doit être quelqu’un qui donne, qui amasse des trésors dans les cieux, quelqu’un dont les reins sont ceints pour l’activité et le service et dont le témoignage est une lampe qui brille. Bref, il doit être semblable à un homme qui attend le retour de son maître. Nous avons déjà remarqué les choses qui ne doivent pas nous caractériser ; ici nous avons les choses qui doivent nous caractériser.
En tant que serviteurs, nous devons attendre notre Seigneur, et non seulement attendre, mais « veiller » (v. 37), nous devons être « prêts » (v. 40), et nous devons « faire » (v. 43) : faire la tâche qui nous est attribuée. L’heure de la récompense viendra au retour du Seigneur. Alors le Seigneur Lui-même se chargera de pourvoir à la pleine bénédiction de ceux qui auront veillé pour L’attendre. Ceci, que nous trouvons au verset 37, indique une récompense d’un ordre général. Le verset 44 parle d’une récompense plus spéciale qui sera donnée à ceux qu’un service fidèle et diligent dans les intérêts de leur Maître aura caractérisés.
Le discours du Seigneur à Ses disciples se prolonge jusqu’à la fin du verset 53. Quelques points ressortent :
1 — Le ciel est de nouveau présenté aux disciples. Au chapitre 10, comme nous l’avons remarqué, Il leur apprend que leur bourgeoisie est dans les cieux. Maintenant Il leur enseigne à agir de telle sorte que leur trésor soit dans les cieux, et donc aussi leur cœur. Ils doivent vivre d’après des principes complètement opposés à ceux qui dirigent le riche insensé.
2 — Le Seigneur sous-entend Son rejet tout au long de Son discours et Il en parle encore plus ouvertement à la fin : aux versets 49 à 53. « Le feu » est le symbole de ce qui sonde et qui juge, et il avait déjà été allumé par Son rejet. Par Son « baptême », Il entend Sa mort, et jusqu’à ce qu’il soit accompli, Il était à « l’étroit », c’est-à-dire « retenu ». Ce n’est que lorsque l’expiation aurait été accomplie que l’amour et la justice pourraient se répandre abondamment. Alors enfin, le feu étant allumé et le baptême accompli, tout arriverait à un terme et la ligne de démarcation serait clairement établie. Lui deviendrait la pierre de touche, et il y aurait division même dans les cercles les plus intimes. Devançant en pensée tous ces événements, le Seigneur sous-entend Son absence, et en conséquence parle de Sa seconde venue en toute liberté.
3 — À la question de Pierre (v. 41), le Seigneur ne donne pas de réponse directe. Il ne limite pas explicitement Ses remarques au cercle restreint de Ses disciples, et n’élargit pas non plus le cercle afin d’englober les milliers d’Israël qui L’entouraient. Au lieu de cela, Il insiste de tout le poids de Ses paroles sur la responsabilité de Ses auditeurs. Si quelqu’un se trouvait devant Lui dans la position de serviteur — quel que soit le chemin qui l’y ait amené — il serait rétribué selon ses œuvres, qu’elles soient manifestées fidèles ou mauvaises. Le méchant serviteur ne souhaite pas la présence du Seigneur et en conséquence il retarde en pensée Son retour. Sa relation avec le Maître étant mauvaise, ses relations avec les autres serviteurs deviennent mauvaises et mauvaise aussi sa vie personnelle. Lorsque le Seigneur viendra, sa part sera avec les infidèles, puisqu’il ne s’est montré être qu’un infidèle. Les versets 47 et 48 montrent clairement que la peine aussi bien que la récompense seront mesurées équitablement suivant le degré de responsabilité.
4 — Le vrai serviteur se caractérise par son dévouement aux intérêts de son Maître pendant Son absence ; et sa récompense, il l’attend jusqu’à ce qu’Il soit de retour. Trois fois dans ce discours le Seigneur parle de manger et de boire, images d’une vie agréable. L’homme du monde s’est réjoui pendant sa vie, (v. 19) et celle-ci se termine par la mort. Le méchant serviteur a sa part de plaisir lorsqu’il se met « à manger et à boire et à s’enivrer » (v. 45), mais cela se termine par le châtiment à l’arrivée de son Maître. L’homme du monde ne faisait pas que se réjouir ; il était ivre, ce qui est pire. En réalité, lorsque des inconvertis professent être des serviteurs de Dieu, ils semblent tomber plus facilement qu’aucun autre sous l’influence enivrante de séduisants concepts religieux et philosophiques. Le serviteur fidèle attend son Maître qui le fera mettre à table et le servira pour sa joie (v. 37). C’est alors que viendra, pour lui, Son temps de bonheur.
Au verset 54, le Seigneur, se tournant des disciples vers les foules, leur adresse des paroles d’avertissement : elles étaient dans une situation des plus dangereuses et l’ignoraient ; elles savaient bien discerner le temps qu’il ferait, mais étaient incapables de discerner « ce temps-ci ». Parce qu’elles rejettent le Seigneur, elles Le contraignent à devenir leur « adversaire », c’est-à-dire la partie adverse dans un procès. Si elles persistaient dans cette attitude, et que leur affaire vînt devant le Juge de tous, elles se trouveraient entièrement coupables et la peine la plus forte les atteindrait : elles auraient à payer « jusqu’à la dernière pite ».
Juste à ce moment-là, quelques-uns de ceux qui étaient présents, mentionnent le cas de ces infortunés Galiléens qui avaient subi la peine capitale sous Pilate. Il leur semblait que ces derniers étaient des pécheurs de la pire espèce. Le Seigneur accuse positivement Ses auditeurs d’une culpabilité tout aussi grande et leur déclare qu’eux aussi périraient. Puis Il cite encore le cas des dix-huit victimes de la chute de la tour dans Siloé. D’après l’opinion courante, c’était des événements exceptionnels qui indiquaient une iniquité exceptionnelle. Les gens qui L’écoutaient se rendaient coupables d’une iniquité pire encore parce qu’ils étaient aveugles devant l’occasion qui leur était donnée ; et, Le rejetant, ils n’échapperaient pas. Il les avertit ainsi du châtiment qui allait venir sur eux.
Dans la parabole du figuier se trouve exposée la cause de la rétribution (v. 6 à 10). Dieu était pleinement en droit d’attendre du fruit de la part du peuple ; Il en chercha, mais n’en trouva point. Alors, pendant une année, l’arbre allait recevoir des soins : rien ne serait exigé de lui. Jésus était parmi les siens, leur administrant les soins de la grâce de Dieu au lieu de les placer sous les ultimes exigences de la loi. Si cela restait sans réponse, alors le coup devrait tomber. Dans tout ceci, Son enseignement se poursuit depuis la fin du chapitre 12, et il n’y a pas vraiment d’interruption entre les chapitres.
Maintenant, aux versets 10 à 17, vient l’incident touchant dans lequel est exposé en figure ce que la grâce accomplira là où elle sera reçue. La pauvre femme, quoique courbée et dans son état de faiblesse, faisait partie de ceux qui accomplissaient le service de Dieu dans la synagogue. Sa condition physique symbolisait bien l’état spirituel de maintes personnes, chargées de misère spirituelle et accablées sous le joug de la loi, à tel point qu’elles étaient courbées sous son poids, incapables de se redresser et de porter leurs regards en haut.
Cette femme était une « fille d’Abraham », c’est-à-dire une véritable enfant de la foi (Voir Galates 3 : 7). Pourtant Satan était pour quelque chose dans son triste état, tirant profit de son infirmité. De plus, le chef de synagogue aurait employé la loi et son rituel pour l’empêcher d’être guérie. Mais le Seigneur écarte tout cela. Il dit une parole, pose les mains sur elle et opère une délivrance immédiate de son infirmité. Nombreux sont ceux qui pourraient dire : « Chez moi, c’était la loi, l’infirmité, un esclavage sans espoir, la puissance de Satan, jusqu’à ce que Christ intervienne dans la puissance de Sa grâce, alors quel changement ! » Des délivrances telles que celles-ci couvrent les adversaires de honte, et remplissent beaucoup d’autres de joie. Ce sont vraiment des « choses glorieuses qui étaient faites par Lui ».
À ce point-là, le Seigneur montre que même si la grâce et la puissance du royaume étaient introduites, il n’en résulterait pas pourtant un état de choses absolument parfait. Les paraboles du grain de moutarde et du levain données ici, montrent que, alors que la forme extérieure du royaume connaîtrait une croissance et une expansion extraordinaires, cela s’accompagnerait d’éléments indésirables, et même de corruption.
Avec le verset 22 de notre chapitre, une transition marquée se produit au point de vue historique. On voit maintenant le Seigneur poursuivre Son chemin vers Jérusalem tout en enseignant par les villes et par les villages qu’Il traversait. Mais malgré cela, il ne semble pas qu’il y ait de transition nette dans l’enseignement qui est rapporté. La question au verset 23 semble avoir été suggérée par la curiosité, et, en réponse, le Seigneur donne une parole d’instruction et d’avertissement qui est bien en accord avec ce qui vient de se passer. Si la venue de la grâce du royaume allait entraîner un état de choses mélangé, dépeint dans les paraboles du grain de moutarde et du levain, alors il faut que le chemin étroit de la vie soit recherché avec beaucoup de sincérité et de ferveur.
Le mot « Luttez » du verset 24 ne signifie pas travail de quelque sorte que ce soit, mais une ferveur d’une telle intensité qu’elle en est presque douloureuse. C’est comme si le Seigneur disait : « Ne ménagez aucune peine pour entrer par la porte étroite tant que l’occasion vous en est offerte ». Beaucoup cherchent une entrée plus large par des choses tout extérieures, comme le verset 26 l’indique. Mais seul comptera ce qui est personnel et spirituel. Il n’y a pas de véritable entrée excepté par le chemin étroit de la repentance. Ainsi le Seigneur montre à nouveau la futilité d’une religion tout extérieure. Il doit y avoir la réalité intérieure.
Les paraboles des versets 18 à 21 montrent qu’il y aura du mélange dans le royaume en sa forme actuelle ; mais le verset 28 montre que, dans sa forme à venir, il n’y en aura pas. Alors les patriarches en feront partie, et ceux dont la religion n’est que formalisme seront jetés dehors. Le verset 29 suggère l’appel des nations qui était imminent, car la grâce allait se répandre dans le monde entier avec des résultats considérables. La grâce, comme nous l’avons vu tout au début de cet Évangile, ne peut être confinée dans les limites ou les formes juives. Comme le vin nouveau, elle fera éclater les outres. Le Juif était historiquement le premier, mais en présence de la grâce, son légalisme invétéré lui était souvent un obstacle, si bien qu’il arrivait le dernier. Le païen qui n’est pas entravé de cette manière arrive le premier lorsque la grâce entre en scène.
Le chapitre se termine sur une note très solennelle. Maintenant ce n’est pas le Juif, mais Hérode que le jugement va atteindre. Hérode cachait son animosité avec la ruse d’un renard, mais Jésus le connaissait à fond. Il savait d’autre part, que Sa propre vie, caractérisée par la miséricorde envers l’homme, allait trouver sa consommation dans la mort et la résurrection. La haine d’Hérode était cependant une chose de peu d’importance. La grande chose était le rejet, par Jérusalem, de Christ et de toute la grâce qui était en Lui. Les Juifs étaient le peuple auquel Dieu s’était adressé par le moyen des prophètes et que maintenant Il voulait rassembler par Son Fils. L’illustration employée est très belle. Les prophètes avaient rappelé le peuple à ses devoirs sous la loi violée, et avaient prédit la venue du Messie. Il était maintenant venu dans la plénitude de la grâce, et le peuple aurait pu trouver protection à l’abri de Ses ailes. Tout cependant était en vain.
Jérusalem se vantait de la merveilleuse maison qui se trouvait au milieu d’elle. Jésus en avait parlé précédemment comme de la « Maison de mon Père », maintenant Il la renie : c’est « votre maison », et Il la leur laisse désolée et vide. Jérusalem n’avait pas saisi l’occasion offerte et bientôt ne verrait plus son Messie jusqu’à ce que se fasse entendre le cri du Psaume 118:26, qui provient « de la maison de l’Éternel ». Ce n’est pas avant la seconde venue du Seigneur que Jérusalem fera entendre ce cri.
Aux derniers versets du chapitre précédent, le Seigneur parle ouvertement de Son rejet et en prédit les résultats quant à Jérusalem ; cependant Il ne cesse pas Ses activités en grâce ni Son enseignement de la grâce, comme le montre le début de ce chapitre-ci. Les pharisiens désiraient employer leur loi du sabbat pour en faire une cordelette avec laquelle ils lieraient les mains pleines de miséricorde du Seigneur et en restreindraient l’action. Il rompt leur corde et montre qu’Il aurait au moins autant de miséricorde envers l’homme affligé qu’eux-mêmes en avaient habituellement envers leurs animaux domestiques. Sa grâce abonde et se met au-dessus de tous leurs préjugés légaux.
À partir du verset 7, Luc reprend l’exposé des enseignements du Seigneur, et nous ne trouvons pas d’autre récit de Ses œuvres avant d’arriver au verset 11 du chapitre 17. En premier lieu, le Seigneur met l’accent sur la conduite qui devrait caractériser les bénéficiaires de la grâce. La nature humaine se met en avant et se montre arrogante ; mais la grâce ne peut être reçue que si l’humilité se manifeste. L’invité convié à des noces participe au festin en vertu de la générosité de celui qui l’invite, non pas parce qu’il en a le droit ou le mérite, et il doit se conduire en conséquence. On peut remarquer que dans la société mondaine, aujourd’hui, se montrer effrontément arrogant ne serait pas considéré comme de bon ton. Nous reconnaissons cela, et c’est un témoignage à la manière dont les idéaux chrétiens prédominent encore. Dans les milieux païens, on applaudirait à une telle impudence, et nous verrons qu’elle se manifestera de plus en plus au fur et à mesure que prédominent les idéaux païens.
On voit quelquefois dans cette vie l’abaissement de celui qui s’élève et l’élévation de celui qui s’abaisse, mais cela se verra dans une pleine mesure lorsque Celui qui s’est abaissé Lui-même au suprême degré, jusque même à la mort de la croix, sera haut élevé aux yeux de tous, et que tout genou se ploiera devant Lui. Au verset 11, nous pouvons discerner les deux Adam : le premier chercha à s’élever et tomba ; le dernier Adam s’abaissa Lui-même, et est maintenant assis à la droite de la Majesté dans les lieux très-hauts.
Dans les trois versets suivants, nous trouvons le Seigneur qui instruit non pas l’invité, mais le maître de maison. Lui aussi doit agir dans un esprit qui convient à la grâce. La nature humaine est égoïste, même dans les bienfaits qu’elle prodigue, et elle fera des invitations avec espoir d’en retirer des avantages dans l’avenir. Si, sous l’influence de la grâce, nous pensons à ceux qui n’ont rien à nous offrir, nous ne cherchons pas une récompense pour ici-bas. Il y a pourtant récompense, même pour les actions dictées par la grâce, mais cela aura lieu dans le monde de la résurrection que nous connaîtrons plus tard.
Des enseignements tels que ceux-ci incitèrent quelqu’un à s’écrier : « Bienheureux celui qui mangera du pain dans le royaume de Dieu ». Cela a été dit très probablement sous l’impression que l’entrée dans le royaume était une chose très difficile, et que celui qui y mangera du pain doit être particulièrement favorisé. Cette remarque conduit le Seigneur à donner la parabole du « grand souper », dans laquelle Il montre que la porte pour entrer dans le royaume est ouverte à chacun, et que si quelqu’un n’y entre pas, c’est par sa propre faute. Dans cette parabole, il y a un élément prophétique : le Seigneur anticipe et parle de choses qui trouvent leur accomplissement dans la période où nous sommes. C’est avant tout la parabole de l’Évangile.
« Un homme fit un grand souper et y convia beaucoup de gens ». Pour lui, les frais et la peine, mais nombreux en allaient être les bénéficiaires. Les premiers invités étaient des gens qui possédaient déjà quelque bien : un champ, des bœufs, une femme. Ceux-ci représentent les Juifs et leurs chefs religieux dans le pays, qui ont été les premiers à entendre le message. Pris dans leur ensemble, ils refusent l’invitation, et ce sont les privilèges religieux qu’ils possédaient déjà qui les aveuglent sur la valeur du don de l’Évangile qui leur est offert.
Lorsque le serviteur rapporta à son maître que les invités refusaient de venir, celui-ci, nous est-il dit, fut « en colère ». En Hébreux 10 : 28-29, il est dit que celui qui a « outragé l’Esprit de grâce » est jugé digne « d’une punition combien plus sévère » que quelqu’un qui « a méprisé la loi de Moïse ». Ce que nous avons dans notre chapitre est en rapport avec ce qui est dit en Hébreux 10. La colère du maître a vraiment pour résultat qu’aucun de ceux qui ont méprisé ainsi son invitation ne goûtera de son souper (comme il est indiqué au verset 24), cependant cela ne ferme pas ses entrailles de miséricorde. Au contraire, le serviteur reçoit l’ordre de s’en aller promptement et d’amener les pauvres et les nécessiteux — ceux qui, à vue humaine, étaient les moins préparés pour venir.
Mais ceux-ci devaient être rassemblés depuis les « rues et les ruelles de la ville » ; aussi, ils représentent, pensons-nous, les pauvres, les affligés, les personnes indignes d’Israël ; les publicains et les pécheurs, en opposition aux scribes et aux pharisiens. Le Seigneur Lui-même se tournait maintenant vers eux, et c’est parmi ces gens que l’œuvre allait continuer jusqu’aux jours dont nous parlent les premiers chapitres des Actes des Apôtres. Puis le moment arrive où l’invitation a été pleinement transmise parmi tous ces malheureux, et quoique beaucoup aient accepté, l’heureuse annonce : « il y a encore de la place » est faite par le serviteur.
Cela conduit à une extension de cette généreuse invitation. Le maître dit encore : « va » et maintenant les pauvres épaves humaines des chemins et des haies, en dehors des limites de la ville, doivent être amenées pour remplir la maison. Cela représente l’annonce de l’Évangile aux nations et nous pensons ainsi à la fin des Actes où l’apôtre Paul dit : « ce salut de Dieu a été envoyé aux nations ; et eux l’écouteront » (Actes 28:28).
Cette parabole expose d’une façon explicite la question vue du côté de Dieu plutôt que du côté de l’homme. Dieu prépare le souper, Il envoie le Serviteur, Il agit suivant Son propre dessein et remplit Sa maison en dépit de la perversité de l’homme. Le Serviteur qu’Il envoie est le Saint Esprit, car nul que Lui n’est assez puissant pour exercer un pouvoir absolument contraignant. Les serviteurs sous ses ordres, même quelqu’un d’aussi remarquable que l’apôtre Paul, ne peuvent faire plus que de persuader les hommes (voir 2 Cor. 5 : 11) ; seul l’Esprit du Dieu vivant peut agir dans leurs cœurs assez efficacement pour qu’ils soient « contraints » d’entrer. Mais, béni soit Dieu, c’est ce qu’Il fait, c’est ce qu’Il a fait pour chacun d’entre nous.
À l’ouïe de telles choses, de grandes foules allaient avec Lui. Nombreux sont ceux qui aiment entendre parler de quelque chose que l’on peut avoir pour rien. Le Seigneur se tourne et place devant elles les conditions pour être disciples. La grâce de Dieu n’impose pas de conditions, mais l’Évangile qui annonce cette grâce ne manque pas de conduire nos pas dans le sentier qui caractérise un disciple du Maître : nous ne pouvons y marcher en toute droiture que si nous nous soumettons à des conditions très rigoureuses. Quatre sont mentionnées ici : 1 — Le Maître doit être l’objet suprême des affections du disciple : à tel point que tout autre amour doit être comme de la haine en comparaison avec l’amour pour le Maître. 2 — Il nous faut porter la croix en Le suivant, c’est-à-dire il faut être prêt à accepter une sentence de mort de la part du monde. 3 — Il nous faut calculer la dépense en ce qui concerne nos ressources, évaluer correctement tout ce qui nous appartient dans le Christ que nous suivons. 4 — Il faut également évaluer correctement les puissances déployées contre nous.
Si nos calculs sont faux à l’égard de l’une ou l’autre de ces évaluations, il s’ensuivra, ou bien que nous dépasserons probablement notre mesure ou bien que nous serons remplis de crainte et transigerons avec l’ennemi. Si, comme le dit le verset 33, nous abandonnons vraiment tout ce que nous possédons, nous serons rejetés totalement sur les ressources du Maître suprême que nous suivons, alors le chemin s’ouvrira devant nous d’une manière merveilleuse : nous serons des disciples.
Or le vrai disciple est le sel — et le sel est bon. En Matthieu 5, nous voyons Jésus qui dit : « Vous êtes le sel de la terre » (v. 13), mais Il dit cela aux disciples » (v. 1). Si le disciple transige, il devient comme le sel qui a perdu sa saveur, et il n’est plus bon à rien. Quelle parole pour nous ! La grâce nous a appelés et a ouvert devant nous un chemin où nous avons à marcher comme disciples. En respectons-nous les conditions solennelles de telle sorte que nous devenions vraiment des disciples ? Puissions-nous vraiment avoir des oreilles pour entendre !
D’après les deux premiers versets de ce chapitre, il semblerait que ces paroles concernant la grâce et la position de disciple aient attiré les publicains et les pécheurs vers le Seigneur, alors qu’elles repoussaient les pharisiens et les scribes. Il est bien vrai que le Seigneur recevait les pécheurs et mangeait avec eux : une telle manière de faire est en accord avec la nature même de Sa grâce. Les pharisiens lancent leur remarque comme un reproche. Le Seigneur l’accepte comme un compliment ; et Il continue, par des paraboles, à montrer que non seulement Il recevait les pécheurs, mais bien plus les recherchait, et, à révéler aussi quelle sorte d’accueil les attend lorsqu’ils sont reçus.
D’abord la parabole de la brebis perdue. Nous voyons ici dans le berger une image du Seigneur Lui-même. Les quatre-vingt-dix-neuf, qui représentent la classe des pharisiens et des scribes, sont laissées non pas dans le parc des brebis, mais au désert — lieu de stérilité et de mort. La brebis perdue représente la classe des publicains et des pécheurs : ceux qui sont perdus et qui le savent : le « pécheur qui se repent ». Le Berger trouve la brebis : pour Lui, le travail et la peine. L’ayant trouvée, Il la met en sûreté et la prend en charge. Ses épaules deviennent sa sûreté. Il la porte à la maison et déjà Sa joie commence. Jamais Il n’aura à dire : « Attristez-vous avec Moi, car j’ai perdu Ma brebis qui avait été trouvée ».
Il est impossible de trouver sur terre les « quatre-vingt-dix-neuf justes qui n’ont pas besoin de repentance », quoiqu’il soit, hélas, facile de trouver quatre-vingt-dix-neuf personnes qui s’imaginent être telles. Si pourtant elles se trouvaient, il y a plus de joie au ciel pour un pécheur qui se repent qu’il ne pourrait y en avoir à leur sujet. Toutes les myriades de saints anges au ciel n’ont jamais causé autant de joie qu’un seul pécheur qui se repent. Nous sommes confondus par une telle grâce !
La parabole de la drachme perdue poursuit le même thème général, mais avec quelques détails particuliers. La femme avec ses activités dans sa maison représente le travail subjectif de l’Esprit dans l’âme des hommes, plutôt que l’œuvre objective de Christ. L’Esprit allume une lampe dans l’intérieur du cœur rempli d’obscurité et produit une perturbation qui se termine par la découverte de la drachme. Ici, il est dit qu’il y a de la joie devant les anges de Dieu ; c’est-à-dire, ce n’est pas la joie des anges, mais de la Déité, devant qui ils se tiennent.
Puis suit la parabole du « fils prodigue ». Elle débute par des paroles très significatives. Le Seigneur avait dit : « Quel est l’homme d’entre vous qui... ne s’en aille après ? », « Quelle est la femme qui... ne cherche diligemment ? ». Il ne pouvait pas dire : « Quel est l’homme d’entre vous », s’il a un fils prodigue et qu’il revienne, « courant à lui, ne se jette à son cou et ne le couvre de baisers » ? Nous doutons qu’un homme veuille bien aller aussi loin que le père de cette parabole : la grande majorité des hommes ne le ferait certainement pas. Cette parabole met en valeur la grâce de Dieu le Père. Une fois de plus, c’est une image du pécheur qui se repent, et il nous est permis de voir maintenant, sous la forme d’une parabole, les profondeurs d’où le pécheur est tiré, et la hauteur à laquelle il est élevé par l’Évangile, conformément au cœur du Père.
Dans la plus belle robe nous voyons le symbole de notre acceptation dans le Bien-Aimé ; dans l’anneau, le symbole d’une relation éternelle établie ; dans les sandales, le signe de la qualité de fils, car les serviteurs entraient, pieds nus, dans la maison de leur maître. Le veau gras et la fête de famille expriment l’allégresse du ciel et en particulier la joie du Père. Le fils avait été mort moralement et spirituellement, mais maintenant il était comme ressuscité à une vie nouvelle.
Si le plus jeune fils représente le pécheur qui se repent, le fils aîné représente exactement l’esprit du pharisien. L’un avait faim et entre, l’autre était en colère et reste dehors. La venue de la grâce divise toujours les hommes en ces deux groupes : ceux qui savent qu’ils ne méritent rien, et ceux qui s’imaginent mériter plus que ce qu’ils ont. Le fils aîné dit : « Tu ne m’as jamais donné un chevreau pour me réjouir avec mes amis ». Ainsi, lui aussi trouvait sa société et son plaisir dans un cercle d’amis, en dehors du cercle de son père. La seule différence était dans le caractère des amis : ceux du plus jeune fils étaient peu recommandables, alors que ceux de l’aîné étaient vraisemblablement respectables. Le pharisien propre juste n’est pas plus en communion réelle avec le cœur du père que ne l’est le fils prodigue. Et pour finir, il reste dehors, alors que le prodigue est introduit dans la maison.
Les paraboles du chapitre 15 étaient adressées aux pharisiens, mais celle par laquelle débute ce chapitre 16 s’adresse aux disciples. Elle les instruit quant à la position dans laquelle se trouvent les hommes devant Dieu et quant au comportement qu’il leur convient d’avoir dans cette position. Nous sommes des économes, et nous avons été infidèles dans notre administration. L’économe est ici accusé devant son maître « comme dissipant ses biens ». Cette expression fait la liaison avec la parabole précédente, car le plus jeune fils « dissipa son bien en vivant dans la débauche ». Tout ce que nous possédons vient de la main de Dieu, si bien que, quand nous gaspillons pour nous-mêmes ce que nous pouvons avoir, en réalité nous dissipons les biens de notre Maître.
L’économe infidèle se trouve recevoir son congé, il décide alors de tirer parti de certaines possibilités, que sa position présente lui offre encore en vue d’en avoir le bénéfice plus tard. L’économe était injuste — le Seigneur le dit nettement — pourtant son maître ne peut que louer la sagesse subtile avec laquelle il a agi, bien que ce soit au détriment du maître lui-même. En matière de prudence dans les affaires de cette vie, les enfants de ce siècle l’emportent sur les enfants de Dieu.
Les versets 9 à 13 sont l’application de la parabole à nous tous. Les biens de la terre, argent et choses du même genre, sont les « richesses injustes », parce que ce sont les choses dans lesquelles l’injustice de l’homme se manifeste le plus, bien qu’elles ne soient pas injustes en elles-mêmes. Il nous faut employer les richesses de façon à amasser « un bon fondement pour l’avenir » (voir 1 Tim. 6:17-19), ou bien, comme le dit notre verset : « afin que, quand vous viendrez à manquer, vous soyez reçus dans les tabernacles éternels » (v. 9).
Ce verset 9 nous montre donc que nous devons agir sur le principe adopté si sagement par l’économe ; le verset 10 montre que nous devons différer entièrement de lui en ceci : que ce qu’il a fait par injustice, nous devons le faire en toute loyauté. Les richesses injustes, que les hommes cherchent par leurs efforts à acquérir d’une manière si acharnée, et souvent si malhonnête, sont après tout « ce qui est très petit ». À proprement parler, elles ne nous appartiennent pas du tout : elles sont à « autrui », puisque « à l’Éternel est la terre et tout ce qu’elle contient ». Mais il y a « les vraies richesses », dont le Seigneur parle comme étant « ce qui est vôtre ». Si nous comprenons réellement que ce que nous possédons, c’est ce que nous avons en Christ, nous emploierons tout ce que nous avons dans cette vie — argent, temps, occasions, intelligence — en vue des intérêts de notre Maître. De toutes façons, nous ne pouvons pas servir deux maîtres. Soit Dieu, soit Mammon (les richesses) dominera sur nous. Veillons à ce que ce soit Dieu qui domine.
Quoique toutes ces choses aient été dites aux disciples, il y avait des pharisiens qui écoutaient, et ils se moquent ouvertement du Seigneur. Pour leur esprit avare, un tel enseignement était ridicule. Ils étaient partisans farouches de la loi, et la loi n’avait jamais prescrit des choses semblables. Le Seigneur leur répond en deux points. D’abord, ils s’occupaient de ce qui était extérieur, sous le regard des hommes, s’intéressant simplement à ce que les hommes avaient en estime. Ils laissaient de côté le Dieu qui s’occupe de l’état du cœur de l’homme, et dont les pensées sont entièrement opposées à celles de l’homme. Finalement, les pensées de Dieu prévaudront et celles de l’homme seront renversées.
Mais en second lieu, la loi dont ils s’enorgueillissaient était en train de se faire remplacer par le royaume de Dieu. La loi avait prescrit les choses nécessaires à la vie de l’homme sur la terre, et les prophètes avaient annoncé le royaume de Dieu qui y serait établi. Le temps du royaume visible, universel n’était pas encore ; néanmoins ce royaume était introduit sous une autre forme par la prédication et déjà, dans cette forme spirituelle, les hommes commençaient à y entrer, usant de violence. Les pharisiens refusaient de le voir, et restaient dehors. Mais, quoique la loi fût en train d’être remplacée de cette façon, il n’en tomberait pas un seul trait de lettre. Dans son domaine à elle, elle reste debout dans toute sa majesté. Elle est « sainte, juste et bonne », (voir Rom. 7:12) ; et ses ordonnances morales demeurent. L’ordonnance particulière sur laquelle le Seigneur insiste au verset 18 était sans doute une attaque terrible contre les pharisiens, qui étaient très relâchés dans de telles choses, alors qu’ils s’occupaient activement de leurs dîmes « de la menthe, de l’aneth et du cumin ».
Cette vigoureuse critique est suivie aux versets 19-31 par la parabole effrayante de l’homme riche, si tant est que ce soit une parabole. Le Seigneur emploie quelques expressions figurées telles que « le sein d’Abraham », mais Il rapporte tout cela comme étant des faits. Les versets 19-22 relatent des faits très ordinaires de cette vie-ci, se terminant par la mort et l’enterrement, et là, le rideau tombe pour nous. Comme nous arrivons au verset 23, le Seigneur lève ce rideau et nous fait voir les choses qui se trouvent au-delà.
L’homme riche agit sur le principe absolument opposé à celui de l’économe du début du chapitre. Tout ce qu’il possédait, il l’avait employé pour son plaisir égoïste du moment, et il avait laissé l’avenir prendre soin de lui-même. Le Seigneur ne s’en prend pas aux richesses, mais bien à l’emploi égoïste qu’en fait l’homme sans tenir compte de Dieu. L’homme riche ne s’intéressait qu’au présent, qu’à ce monde-ci ; le royaume de Dieu n’était rien pour lui.
Le mot que Jésus emploie ici pour « enfer » est hadès : non pas l’étang de feu, mais le monde invisible des morts. Il nous montre donc que même celui-ci est, pour ceux qui ne sont pas sauvés, un lieu de tourment. Quatre fois, Il déclare que le hadès est un lieu de tourment.
Il montre également que, une fois l’âme dans le hadès, aucun changement n’est possible. Le « grand gouffre » est « établi ». Il n’y a aucune possibilité de passer des tourments à la bénédiction. Il n’y a ici pas de « seconde chance ».
Maintenant qu’il est dans le hadès, l’homme riche est animé d’un esprit missionnaire : il désire qu’un messager d’outre-tombe soit envoyé à ses frères pour qu’ils échappent à ce lieu épouvantable. Le Seigneur nous montre qu’aucune visite d’outre-tombe, même si elle pouvait se produire, n’arrêterait les gens, s’ils ne sont pas arrêtés par la Parole de Dieu.
Aujourd’hui Dieu s’adresse aux hommes par le Nouveau Testament aussi bien que par Moïse et les prophètes, et dans le Nouveau Testament est rapportée la vie de Celui qui est ressuscité d’entre les morts. Si les hommes rejettent la Bible, qui est pour aujourd’hui la Parole de Dieu complète, rien ne les persuadera, et ils aboutiront au lieu du tourment.
Oh, que nous soyons étreints par une conviction, donnée par Dieu, de la réalité de ces choses ! Alors, « la bonté de notre Dieu Sauveur et Son amour envers les hommes » étreignant aussi nos cœurs, nous serions pleins de zèle pour les âmes. Nous ressemblerions davantage à ce chrétien (*) pieux du 17° siècle au sujet duquel l’histoire rapporte qu’il était « rempli d’un désir insatiable de la conversion des âmes précieuses » ! Et nous devrions être remplis de zèle pour les âmes pendant que c’est encore le temps agréé et le jour du salut.
(*) Joseph Alleine (1634-1668), contemporain de John Bunyan
La dernière partie du chapitre précédent, du verset 14 à la fin, s’adressait aux pharisiens ; au début de ce chapitre-ci, le Seigneur s’adresse de nouveau à Ses disciples. Les biens de l’homme riche avaient été pour lui une occasion de chute et l’avaient entraîné en enfer, et maintenant le Seigneur dit à Ses disciples que, le monde étant ce qu’il est, les « scandales » ou occasions de chute sont inévitables. La chose importante est d’éviter d’être une occasion de chute à qui que ce soit, même aux plus petits. Les conséquences en sont si graves que n’importe quoi vaut mieux que cela.
Cependant, cela ne veut pas dire que nous ne devions jamais parler à notre frère par crainte de lui être en achoppement. Bien au contraire : s’il se détourne du droit chemin et pèche, nous devons le reprendre, et aussitôt qu’il se repent, lui pardonner ; et cela, même si la chose se répète plusieurs fois. On pourrait penser qu’on risque de lui être en achoppement en le reprenant, mais, en fait, c’est ne pas le reprendre qui comporte ce risque. Il va de soi que la réprimande est adressée, non sous l’effet d’une colère humaine, mais dans la puissance de l’amour de Dieu.
Un enseignement tel que celui-ci fait sentir aux disciples qu’ils ont besoin d’une foi plus grande. La réponse du Seigneur semble impliquer qu’il ne s’agit pas tant d’une grande foi, que d’une foi vivante. Un grain de moutarde est très petit, mais il est vivant ! Une foi vivante obtient des résultats de caractère miraculeux. Maintes fois, de lourds pavés ont été descellés par des pousses délicates provenant de semences vivantes enfouies dessous. Même la vie végétale a une puissance qui paraît miraculeuse, et c’est d’autant plus vrai pour la foi vivante. Néanmoins, ce n’est pas la foi que nous possédons, ce n’est pas le service que nous accomplissons qui nous donnent quelque droit devant Dieu. Nous ne pouvons jamais accomplir plus qu’il n’était de notre devoir de faire. Il semble que ce soit la vérité inculquée dans les versets 7 à 10.
Le Seigneur est maintenant en route pour aller à Jérusalem, et nous arrivons à l’incident touchant des dix lépreux. Tous avaient une certaine mesure de foi en Lui, car ils font appel à Lui comme Maître, et ils obéissent aux instructions qu’Il leur donne d’aller vers les sacrificateurs, bien qu’à ce moment-là il n’y eût pas de changement dans leur condition. Pourtant, lorsqu’ils furent rendus nets, neuf d’entre eux continuèrent leur route vers les sacrificateurs, afin d’achever leur purification cérémonielle le plus tôt possible. Un seul remet à plus tard l’accomplissement du rite afin de donner la première place à son Bienfaiteur. L’esprit juif était davantage lié par ce qui était rituel ; le pauvre Samaritain est libre de rendre louanges et actions de grâce au Sauveur avant toutes choses et d’être déclaré pur par les sacrificateurs après. La miséricorde souveraine avait été dispensée, et la brève vision de la Personne qui a dispensé la miséricorde élève le Samaritain au-dessus des coutumes de la loi. En conséquence, il reçoit des lèvres mêmes du Seigneur l’assurance d’être rendu net, avec la déclaration que sa foi en avait été l’instrument. Cela avait bien plus de valeur que toute assurance qu’il pouvait recevoir des sacrificateurs. La foi intelligente met toujours Christ en avant.
Dans les versets 20 et 21, Luc met en opposition le scepticisme inintelligent des pharisiens avec la foi du Samaritain. Pour eux, le royaume de Dieu ne pouvait venir qu’avec un déploiement de pompe, de façon à être remarqué par chacun. Le Seigneur leur dit que ce n’était pas le temps pour qu’il vienne de cette façon, mais qu’il se trouvait déjà au milieu d’eux, d’autant que Lui — le Roi — était là. Le royaume se trouvait au milieu d’eux car Lui-même se trouvait au milieu d’eux. Les pharisiens avaient les yeux tout à fait fermés pour le voir, mais le Samaritain l’avait évidemment entrevu, d’où sa hâte à revenir en arrière pour se jeter à Ses pieds, Lui rendant grâces.
Au verset 22, Jésus se tourne à nouveau vers Ses disciples, parlant des « jours du Fils de l’Homme » ; évidemment c’est le Fils de l’Homme qui devra prendre le royaume, lorsque viendra l’heure où il sera établi publiquement, comme Daniel 7:13-14 l’avait fait connaître depuis longtemps. Or, les disciples, comme le Samaritain, avaient la foi et voyaient déjà la puissance et l’autorité de Dieu confiées au Seigneur Jésus. Ils allaient aussi, au temps convenable, voir le Fils de l’Homme révélé dans Sa gloire : le verset 30, ainsi que le verset 24, en parlent. Mais auparavant, Il allait être rejeté, et les paroles rapportées jusqu’à la fin du chapitre leur étaient évidemment adressées : ils représentaient les saints qui seraient sur la terre avant Sa venue en gloire. Nombreux sont ceux qui ont désiré de voir un des jours du Fils de l’Homme et ne l’ont pas vu.
Lorsque l’heure de Sa Venue approchera, deux choses caractériseront ces jours-là. D’abord, il y aura beaucoup d’activité de la part des puissances de méchanceté. Des imposteurs se présenteront ici et là, comme l’indique le verset 23. En second lieu, les hommes en général seront absorbés par les choses de la terre. Aux jours de Noé et aux jours de Lot, les hommes étaient absorbés par leurs plaisirs, leurs affaires, leurs projets ; en conséquence le jugement les prit au dépourvu et ils périrent tous. Ainsi en sera-t-il au jour de la révélation du Fils de l’Homme.
La grande pensée renfermée dans le verset 33 ne se rencontre pas moins de six fois dans les Évangiles, et le Seigneur semble l’avoir prononcée en quatre occasions différentes. Le contexte ici la rend très frappante. Les hommes se plongent dans les choses de la terre, cherchant à sauver leur vie. En conséquence, ils ne font que la perdre. Le croyant doit abandonner ces choses en faveur de choses bien plus grandes qui lui sont révélées. Il conserve sa vie, comme ce sera évident lorsque le Seigneur viendra. La femme de Lot est une illustration de ce principe. Les anges la firent sortir (corporellement) de Sodome, mais son cœur y était encore. Elle perdit tout ce qu’elle possédait, et elle aussi perdit la vie. Nous faisons bien de nous souvenir d’elle.
Ceux qui seront sur la terre, lorsque le Seigneur viendra, feront bien de s’en souvenir également. Alors, ils ne penseront pas à emporter les affaires qu’ils auront laissées à la maison, ou à retourner en arrière depuis les champs. Ce jour-là viendra avec la rapidité de l’aigle qui fond sur sa proie. Tout comme les aigles se rassemblent partout où se trouve leur proie, ainsi le jugement de Dieu atteindra tous ceux qui en sont passibles. Le royaume, lorsqu’il sera établi, sera marqué par un jugement discriminatoire contre le mal. Le pécheur sera pris pour le jugement et le juste laissé pour jouir de la bénédiction, si étroitement associés qu’ils aient pu être. Si les pharisiens s’étaient rendu compte que l’établissement public du royaume comportait cela, ils n’auraient peut-être pas demandé quand cet événement aurait lieu.
Il est intéressant de remarquer que les trois cas mentionnés par le Seigneur, dans les versets 34-36, évoquent respectivement la nuit, le petit matin et le plein jour. Quand Il viendra, les hommes seront surpris inopinément dans tous les lieux de la terre, dans leur occupation du moment.
En présentant la parabole par laquelle débute ce chapitre, le Seigneur continue dans la même ligne de pensée, comme le montre l’application qu’Il en fait aux versets 7 et 8. Lorsque le royaume viendra, cela signifiera le jugement pour les méchants, mais les jours qui précéderont seront marqués par de la tribulation pour les saints. Leur ressource sera la prière. Même un juge inique sera poussé à faire justice à une veuve, si elle est suffisamment importune ; de même un saint peut s’attendre continuellement à Dieu avec l’assurance d’être entendu au temps convenable.
Il n’y a pas le moindre doute quant à la Venue du Fils de l’Homme en réponse aux cris de Ses élus. Le seul doute qui s’élève se rapporte à la foi : une foi vivante se trouvera-t-elle parmi les élus ? Le Seigneur pose la question : « trouvera-t-Il de la foi sur la terre ? » mais Il n’y répond pas. Il semble que l’on peut en déduire que la foi sera à son déclin, ce qui concorde avec ce que Lui-Même déclare ailleurs sans détours : « l’amour de plusieurs sera refroidi » ; (Matthieu 24:12). Si nous avons raison de croire que la fin de la dispensation présente approche, nous ferons bien de prendre cela très à cœur, et de nous ranimer quant à la foi et la prière. Ce n’est que si nous prions constamment que nous ne perdrons pas courage.
L’homme qui prie se confie en Dieu. Malheureusement, beaucoup se confient en eux-mêmes et en leur propre justice. À ceux-ci s’adresse la parabole suivante. Le pharisien et le publicain sont des hommes-types. Le Seigneur considère comme admis que la grâce de Dieu, qui apporte la justification aux hommes, est à leur libre disposition, mais Il montre que tout dépend de l’attitude de celui qui en a besoin. Le pharisien représente exactement le fils aîné du chapitre 15, l’homme riche du chapitre 16, le brigand impénitent du chapitre 23. Le publicain représente le plus jeune fils, Lazare et le brigand qui se repent.
Chez le pharisien, tout tourne autour de lui-même, de son caractère, de ses actions. Chez le publicain : la confession de péché, et de son besoin de propitiation : « sois apaisé » étant littéralement « sois propice ». Comme le verset 13 est lourd de sens ! La place que prend le publicain : « se tenant loin » indiquant qu’il sait qu’il n’a aucun droit à s’approcher ; son attitude : ne levant pas « les yeux vers le ciel » : le ciel n’était pas un endroit pour un homme tel que lui ; ses gestes : « se frappait la poitrine », confessant ainsi qu’il est l’homme qui mérite d’être frappé ; ses paroles : « moi, (le) pécheur », (le pécheur, plutôt qu’un pécheur). Le pharisien avait dit : « Je ne suis pas comme le reste des hommes », frappant les autres hommes plutôt que lui-même. Le publicain frappe celui qui le mérite, et s’humiliant, reçoit la bénédiction.
Comme tout cela concorde d’une façon frappante avec le thème particulier de cet Évangile. La grâce se trouvait là en abondance dans le Fils de l’Homme parfait, mais à moins que, de notre part, il n’y ait un esprit d’humilité et de repentance, nous passerons à côté de tout ce qu’elle offre.
L’incident suivant, que Luc relate brièvement aux versets 15 à 17, renforce précisément ce même élément. De simples petits enfants ne comptent pas dans l’estimation du monde, mais c’est de tels que se compose le royaume. Ce n’est pas, comme nous aurions pu le penser, que, pour y entrer le petit enfant doive atteindre l’état d’homme adulte, mais il faut que l’adulte revienne à l’état de petit enfant. Le premier cas aurait pu convenir à la loi de Moïse, mais ici, il s’agit de la grâce.
L’incident suivant, concernant le jeune homme riche, chef du peuple, insiste également sur ce même point. Le Seigneur venait de parler de recevoir le royaume comme un petit enfant, et le chef du peuple demande alors : « Que faut-il que j’aie fait pour hériter de la vie éternelle ? » Il revenait mentalement aux œuvres de la loi, il ne connaissait pas ce que Paul nous dit en Romains 4:4 : « À celui qui fait des œuvres, le salaire n’est pas compté à titre de grâce, mais à titre de chose due ». Abordant la question sur cette base, le Seigneur le renvoie à la Loi, aux devoirs qu’elle lui impose vis-à-vis de son prochain, et comme il assurait qu’il avait gardé ces choses dès sa jeunesse, le Seigneur le sonde plus avant quant à sa relation envers Lui-Même. « Viens, suis-moi ». Qui est ce Moi ? Voilà la question suprême, de laquelle tout dépend, aussi bien pour le chef du peuple que pour nous-mêmes.
Le chef s’était adressé au Seigneur en disant : « Bon Maître », et cette épithète flatteuse, le Seigneur la refuse s’il ne le reconnaissait pas en même temps comme Dieu. En vérité, Il était Dieu, et Il était bon, et Il se présente au jeune homme, en l’invitant à renoncer à ce qu’il possédait et à Le suivre, exactement comme Lévi l’avait fait quelque temps auparavant. Même la loi demandait à l’homme d’aimer Dieu de tout son cœur. Le chef aimait-il Dieu de cette façon ? Reconnaissait-il Dieu dans l’humble Jésus ? Hélas, non. Il pouvait bien affirmer qu’il avait gardé les commandements se rapportant à son prochain ; il perd pied complètement lorsque le premier de tous les commandements est en question. À ses yeux, ses richesses avaient en elles-mêmes une plus grande valeur que Jésus.
C’est bien difficilement qu’un riche entrera dans le royaume de Dieu, puisqu’il est si difficile de posséder des richesses sans qu’elles absorbent le cœur en excluant Dieu. Pour ceux qui pensaient que les richesses étaient des marques de la faveur de Dieu, tout cela semblait très troublant, mais la vérité est que le salut est chose impossible à l’homme, néanmoins possible à Dieu. Cela nous ramène au point en question. Le royaume ne peut se mériter, encore moins la vie éternelle. Tout doit être reçu comme don de Dieu. Et si, en recevant le don, d’autres choses doivent être abandonnées, il y a ample compensation et maintenant, et dans le monde à venir.
Ce que le Seigneur dit aux versets 29 et 30 a une portée très générale. Dans le temps présent, il y a beaucoup plus pour tous ceux qui ont abandonné les bonnes choses de la terre pour l’amour du royaume. Quelque difficulté que nous ayons à comprendre cela, provient de ce que nous n’arrivons pas à apprécier à leur valeur les bénédictions spirituelles contenues dans le « beaucoup plus ». Paul nous donne une illustration de ces paroles. Lisons Philippiens 3 et voyons comme il fait le compte de ces richesses spirituelles déversées dans son sein après qu’il eut « fait la perte de toutes (choses) ». Semblable à un chameau dépouillé de tous les haillons qu’il avait portés, il n’était passé par le trou de l’aiguille que pour se trouver comblé de faveurs de l’autre côté.
Tout cela devait paraître très surprenant à l’esprit juif, mais le fait qui expliquait tout était que le Fils de l’Homme n’allait pas prendre le royaume en ce temps-là, mais bien plutôt monter à Jérusalem pour y mourir. Ainsi, de nouveau à ce point-là, Jésus parle de la mort qui était maintenant devant Lui. Les prophètes avaient annoncé que ce serait le chemin par lequel Il entrerait dans Sa gloire, quoique les disciples n’aient pas réussi à le comprendre. Et, alors même que le Seigneur les en instruit à nouveau, ils n’arrivent pas à le saisir. Tel est le pouvoir que les idées préconçues peuvent avoir sur l’esprit.
Le Seigneur accomplit maintenant son ultime voyage vers Jérusalem, et Il approche de Jéricho pour la dernière fois. Avec foi l’aveugle arrête le Seigneur au passage. La foule lui avait dit que Jésus de Nazareth passait par là, pourtant il s’adresse aussitôt à Lui en L’appelant Fils de David et il Lui demande d’avoir pitié de lui. Le jeune homme riche avait demandé ce qu’il devrait faire, alors que le Seigneur venait de parler de recevoir le royaume. Le mendiant aveugle dit qu’il voudrait recevoir lorsque le Seigneur demande ce qu’il faudrait qu’Il lui fasse. Il ne résulta rien de la rencontre avec le chef ; un résultat est produit sur-le-champ dans le cas du mendiant. Le contraste entre ces deux cas est tout à fait significatif.
Le mendiant recouvre la vue, et le Seigneur lui dit : « Ta foi t’a guéri ». Cela montre que l’action accomplie est beaucoup plus profonde que le recouvrement de sa vue physique. Le mendiant devient un disciple de Jésus, qui montait à Jérusalem et allait vers la croix ; Dieu est glorifié et par le mendiant et par les témoins de la scène. Un cas également net de bénédiction spirituelle se présente au Seigneur lorsqu’Il entre dans Jéricho et la traverse.
Si, arrivés là, nous comparons l’Évangile de Luc avec Matthieu 20:29-34, et Marc 10:46-52, une grave contradiction apparaît. Luc place très explicitement la guérison de l’aveugle lorsque Jésus approchait de Jéricho ; et les deux autres évangélistes la placent non moins explicitement lorsqu’Il quittait Jéricho. Avec nos connaissances limitées, il semblait impossible de concilier les différents récits sur ce point-là. Mais lors des fouilles faites dans la région de Jéricho, les archéologues ont mis au jour les fondations de deux villes de Jéricho : l’une, la ville primitive, ancienne, l’autre, à quelque distance, la Jéricho romaine. L’aveugle qui connaissait son affaire pour demander l’aumône s’était posté entre les deux villes ! Luc, qui écrit pour les gens des nations, avait évidemment la Jéricho romaine à l’esprit. Les autres évangélistes, très naturellement, pensent à la ville primitive. Nous mentionnons cela pour montrer comment disparaît très simplement ce qui ressemble à une contradiction insurmontable, lorsque nous connaissons les faits dans leur ensemble.
Luc seul nous parle de la conversion de Zachée, ce qui est remarquablement en harmonie avec le thème de son Évangile. Le publicain, bien que profondément méprisé par les chefs de son peuple, était un objet tout indiqué pour recevoir la grâce du Seigneur et il se distinguait par la foi qui est prête à recevoir cette grâce. Zachée n’avait pas de besoins corporels ou matériels ; pour lui, il s’agissait uniquement de besoins spirituels. Les gens le traitaient de « pécheur ». Le mot était juste, et Zachée le savait ; néanmoins, cela l’incite à essayer de gagner la faveur du Seigneur par l’exposé de ses bonnes œuvres et de sa scrupuleuse honnêteté. Jésus, toutefois, place sa bénédiction sur le fondement qui convenait, en déclarant que Zachée est fils d’Abraham, c’est-à-dire un véritable enfant de la foi, tandis que Lui-Même est Celui qui est venu chercher et sauver ce qui était perdu. Zachée, par nature, était perdu, cependant c’était un croyant, et ainsi le salut lui parvient en ce jour-là. C’est exactement sur le même fondement que le salut parvient à chacun d’entre nous depuis ce jour-là.
Le Seigneur avait montré aux pharisiens que le royaume était déjà au milieu d’eux en Sa propre Personne ; Il avait aussi reparlé à Ses disciples de Sa mort imminente et de Sa résurrection. Cependant ceux-ci caressaient encore l’espoir de voir apparaître sans délai le royaume en gloire. Aussi le Seigneur ajoute-t-Il la parabole des versets 11 à 27 comme correctif à leurs pensées erronées. L’heure du royaume viendrait, et alors tous Ses ennemis seraient détruits ; mais il y aurait d’abord le temps de Son absence, pendant lequel la fidélité et la diligence de Ses serviteurs seraient mises à l’épreuve. À chaque serviteur est confiée la même somme, si bien que la différence dans les résultats provient de leur diligence, de leur savoir-faire ou de quelque autre motif. C’est selon leur diligence qu’ils sont récompensés au jour du royaume. Le serviteur qui n’a eu aucune activité, montre seulement qu’il ne connaissait pas son Maître. Le résultat : non seulement il n’a pas de récompense, mais il subit une perte.
Cela nous rappelle une fois de plus que la grâce nous appelle à une position de responsabilité et de service, et que notre place dans le royaume dépendra de la diligence avec laquelle nous aurons employé ce qui nous a été confié.
Après avoir exposé la parabole des talents, le Seigneur va devant Ses disciples, montant à Jérusalem ; et comme Il approchait de Bethphagé et de Béthanie, Il envoie chercher l’ânon sur lequel Il fait Son entrée dans la ville, selon la prophétie de Zacharie, (Zacharie 9:9). L’ânon n’était pas dressé, car personne ne s’était jamais assis dessus. On le détache, mais seulement afin que le Seigneur puisse s’asseoir dessus.
Quoique le royaume ne fût pas sur le point d’être établi en gloire à ce moment-là, le Seigneur, ainsi monté sur l’ânon, se présente sans équivoque à Jérusalem comme son Roi légitime, envoyé par Dieu. Ses disciples aident en cela, et comme ils approchent de la ville, ils se mettent à louer Dieu et à se réjouir. Jean 12:16 nous dit très clairement qu’ils ne comprirent pas vraiment alors ce qu’ils faisaient ; cependant il est évident que l’Esprit de Dieu les saisit et les dirigea dans leurs paroles. Ils L’acclament comme Roi, et parlent de : « Paix au ciel, et gloire dans les lieux très-hauts ! »
Lors de l’incarnation, les anges avaient proclamé : « sur la terre, paix », car l’Homme du bon plaisir de Dieu était apparu, et ils célébrèrent le résultat complet de Son œuvre. Mais maintenant, il est clair que la mort se dressait devant Lui, et que Son rejet allait entraîner pour un temps tout autre chose que la paix sur la terre. Néanmoins, le premier résultat de Son œuvre à la croix serait d’établir la paix dans la Cour la plus haute qui soit, — dans les cieux — et de manifester la gloire dans les lieux très-hauts, Lui-Même y montant en triomphe. Il fallait que cette note de louange se fasse entendre à ce moment précis. Dieu aurait pu faire crier les pierres, mais à leur place, Il emploie la bouche des disciples, bien qu’ils aient prononcé ces paroles sans comprendre totalement leur signification.
Voici maintenant un contraste frappant. Comme ils approchent de la ville, les disciples se réjouissent et louent le Roi à haute voix. Le Roi, Lui, pleure sur la ville ! En Jean 11:35 (« Jésus pleura »), le mot employé indique des pleurs silencieux ; ici, le verbe indique se répandre en lamentations, de façon visible et audible. Les lamentations de l’Éternel sur Israël, rapportées au Psaume 81:13, réapparaissent ici, mais beaucoup plus poignantes, alors que s’approchait le moment où la nation allait commettre le plus grand de tous ses péchés. Jérusalem ne connaissait pas les choses qui appartenaient à sa paix, (v. 42), c’est pourquoi la paix sur la terre était impossible à ce moment-là, et le Seigneur prévoit et prédit sa destruction par la violence, perpétrée par les Romains quarante ans plus tard. L’Orient d’en haut les avait visités, et ils n’avaient point connu le temps de leur visitation.
En conséquence, tout était en désordre dans Jérusalem. En entrant dans la ville, le Seigneur se dirige tout droit vers son centre même, et Il trouve le mal installé dans le temple. La maison de l’Éternel, destinée à être une maison de prière pour toutes les nations, n’était qu’une caverne de voleurs, si bien que tout étranger, montant au temple pour y rechercher Dieu, était victime d’escroqueries lorsqu’il voulait obtenir les victimes pour les sacrifices. De ce fait, il était repoussé loin du vrai Dieu au lieu d’être attiré à Lui. Ainsi, dans les mains des hommes, la maison de Dieu avait été complètement détournée de son usage propre. De plus, les hommes qui avaient l’autorité dans la maison étaient virtuellement des meurtriers, comme le montre le verset 47 ; aussi était-elle devenue une citadelle de meurtriers en même temps qu’une caverne de voleurs. Pouvait-il y avoir quelque chose de pire ? Il n’est pas étonnant que Dieu l’ait détruite de fond en comble par la main des Romains quarante ans plus tard.
Ce fut pourtant dans l’enceinte du temple que le Seigneur enseigna le peuple au cours de cette dernière semaine de Sa vie ; aussi n’est-il pas surprenant qu’Il soit entré en conflit avec les sacrificateurs et les scribes. Ce chapitre tout entier s’occupe des détails de ce conflit. Ce sont eux qui commencent à contester, mais à la fin, ils sont réduits au silence et démasqués.
Ils mettent d’abord en question Son autorité. Eux étaient les gens qui détenaient l’autorité dans le temple, et pour eux Jésus n’était qu’un « Prophète » parvenu et présomptueux, venant de Nazareth. Leur question laissait présumer qu’ils étaient habilités à juger des lettres de créance du Seigneur, s’Il en présentait ; aussi les invite-t-Il à régler la question préliminaire se rapportant aux lettres de créance de Son précurseur : Jean. Ils sont immédiatement mis dans l’embarras, car la réponse qu’ils souhaitaient donner aurait indigné le peuple. C’était des opportunistes, recherchant la popularité, aussi invoquent-ils l’ignorance. Ce n’est pas devant de tels hommes que le Seigneur justifie Son autorité. Au lieu de cela, Il se met à parler avec toute l’autorité que donne l’omniscience, et ils en sentent bientôt la puissance. Il ne pouvait plus y avoir de doute au sujet de Son autorité au terme de ce conflit de paroles.
Dans la parabole qui occupe les versets 9 à 16, le Seigneur expose avec une grande clarté la situation exacte des choses à ce moment-là. Cela se lit comme une suite de l’exposé historique donné en 2 Chroniques 36:15-16. Là, c’était Dieu, suppliant par le moyen de Ses « messagers, se levant de bonne heure et envoyant » ; mais ceux-ci ne rencontrèrent que moqueries et railleries jusqu’à ce « qu’il n’y eut plus de remède », et « Il fit monter contre eux le roi des Chaldéens ». Ici, l’histoire avance d’un pas et le « Fils Bien-aimé » est envoyé, seulement pour être jeté hors de la vigne et tué. À cause de cela, un châtiment pire que l’arrivée des Chaldéens allait venir sur eux. Le Psalmiste avait prophétisé que la « Pierre » rejetée deviendrait la « tête de l’angle », et Jésus ajoute que « quiconque tombera sur cette pierre, sera brisé ; mais celui sur qui elle tombera, elle le broiera ». En ce moment, ils heurtaient contre la Pierre, comme Romains 9:32 le déclare. La chute de la Pierre sur eux et sur les puissances des nations aura lieu à la Seconde Venue, comme l’indique Daniel 2:34.
Les principaux sacrificateurs et les scribes sentent l’intention et l’autorité des paroles du Seigneur, comme nous le voyons au verset 19 ; mais cela ne fait que les exciter à s’opposer d’une façon plus déterminée. Et ils envoient des hommes rusés et fourbes pour, si possible, Le prendre au piège dans Ses paroles. Ils viennent vers le Seigneur et Lui demandent s’il est permis de payer le tribut à César ; pharisiens et hérodiens trouvent ici l’occasion de s’allier, oubliant leur animosité réciproque dans une haine commune envers le Seigneur.
La question que pose le Seigneur : « Pourquoi me tentez-vous ? » montre qu’Il connaissait parfaitement leur ruse. Il demande à voir un denier — et cela montre dans quelle pauvreté Il a vécu. L’inscription sur le denier témoigne qu’ils sont des sujets de César. Le Seigneur répond alors qu’ils doivent rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. C’est parce qu’ils n’avaient pas rendu à Dieu ce qui Lui revenait, que César avait acquis sur eux ses droits de conquérant. Tout ceci était si incontestable, que ces discuteurs perfides furent réduits au silence devant la remarque qu’Il leur en fit.
La question par laquelle les sadducéens pensaient prendre le Seigneur au piège était due à leur ignorance. Ils avaient sans doute souvent plongé les pharisiens dans la perplexité avec cette question-là, mais ceux-ci n’avaient pas plus de lumière que les sadducéens sur le point essentiel que le Seigneur rend si clair. Il oppose « ce siècle » et « ce siècle-là ». Or, ce sera le lot de quelques-uns « d’avoir part à ce siècle-là » comme hommes vivant sur la terre, sans passer par la mort et la résurrection ; mais ceux qui « auront part à ce siècle-là et à la résurrection » connaîtront des conditions de vie totalement nouvelles. Ils seront immortels comme les anges, et le mariage ne s’appliquera pas à eux. Le Seigneur commence ici à faire « luire la vie et l’incorruptibilité » (2 Timothée 1:10) ; et, en conséquence, la question des sadducéens qui, dans leur ignorance, semblait ne pas avoir de réponse, devient simplement ridicule.
Le Seigneur complète Sa réponse et apporte la preuve de la résurrection à partir de Exode 3:6. Si, pour Dieu, les patriarches étaient vivants des siècles après leur mort dans ce monde-ci (dans ce siècle-ci), leur résurrection finale est certaine. Ainsi, Il répond, non seulement à la question absurde des sadducéens, mais aussi à l’incrédulité qui se trouvait derrière leur question. Et Il y répond avec une telle autorité que même un scribe est porté à l’admiration et à l’approbation, et ils craignent tous de l’interroger davantage.
Le Seigneur pose alors, à son tour, cette grande question, basée sur le Psaume 110. Matthieu rapporte que personne ne pouvait lui répondre un mot (Matthieu 22:46) La foi seule le pouvait, la foi qui saisissait la gloire divine du Christ ; et eux-mêmes n’avaient pas de foi. Ils restent silencieux dans leur incrédulité tenace. Répondre à Sa question, ils ne le peuvent pas ; Lui poser d’autres questions, ils ne l’osent pas.
Il ne reste au Seigneur qu’à démasquer ces hommes méchants, et Il le fait en peu de mots, comme le rapportent les deux derniers versets du chapitre. C’était des hypocrites de la pire espèce ; ils se servaient de la religion comme d’un manteau pour couvrir leur recherche de soi et leur cupidité. Le Seigneur les démasque et prononce leur condamnation. Il ne parle pas d’une sentence plus longue, comme si le jugement était limité par le temps et non pas éternel. Mais Il parle d’une sentence plus sévère, montrant que le jugement différera quant à sa rigueur. Ils recevront une « sentence plus sévère » (v. 47).
Puis, levant les yeux, le Seigneur vit quelques-uns de ces riches qui jetaient avec ostentation leurs dons dans le trésor du temple, et parmi ceux-ci une pauvre veuve qui y jeta ses deux pites. Il ne nous faut pas séparer dans notre esprit ces premiers versets du chapitre 21 des deux derniers versets du chapitre précédent. La veuve était vraisemblablement une de celles dont la « maison » avait été dévorée ; cependant, au lieu de se plaindre, elle jette ses deux dernières pites dans le trésor du temple. Dans ces circonstances, son don était vraiment très grand, comme le déclare le Seigneur. Elle va jusqu’à l’extrême limite : elle jette tout ce qu’elle avait.
Il ne nous faut pas non plus séparer cet incident touchant des versets qui suivent, en particulier du verset 6. La veuve exprime sa piété envers Dieu en jetant ses deux pites dans la collecte pour l’entretien des bâtiments du temple ; pourtant le Seigneur poursuit en prédisant la destruction totale de celui-ci. Le sanctuaire était déjà mis de côté, parce que le Seigneur était là. Dieu était en Christ, non pas dans le temple d’Hérode. Dans sa compréhension des choses, cette veuve était, comme nous le dirions, en retard sur son temps ; pourtant cela n’amoindrit pas l’approbation du Seigneur quant à son offrande. Il fait vraiment cas de la consécration totale d’un cœur, même si l’expression n’en est pas marquée par une parfaite intelligence. Cela devrait nous être en grand encouragement
Luc nous donne maintenant le discours prophétique du Seigneur. Il rapporte la partie de celui-ci qui répond spécialement à la question des disciples, donnée au verset 7. Comme le montre le récit de Matthieu, leur question et la réponse du Seigneur comportaient, toutes deux, beaucoup plus que ce que rapporte Luc. Ici, la question porte sur le temps de la destruction du temple et sur le signe qui l’annoncera. La réponse se divise en deux parties : versets 8-24, les événements qui amèneront la destruction de Jérusalem, foulée aux pieds par les Romains ; versets 25-33, l’apparition du Fils de l’Homme à la fin du siècle.
Il est très remarquable que le Seigneur présente le sujet tout entier, non avec une profusion de détails intéressant notre curiosité, mais comme des prophéties qui sont un cri d’avertissement et qui apportent des enseignements de la plus haute importance pour Ses disciples. Tout est exposé de façon à faire appel à nos consciences et non à notre curiosité.
La première partie du discours, versets 8-19, est consacrée à des enseignements adressés aux disciples en personne. Le Seigneur formule certes bien des prophéties. Il prédit :
1 — l’apparition de faux christs, 2 — des guerres et des séditions, en même temps que des événements extraordinaires dans le monde physique environnant, 3 — l’apparition d’opposition et de persécution violentes, allant même jusqu’à la mort. Mais, dans chacun des cas, les disciples sont mis en garde par les avertissements du Seigneur. Ils ne devront pas un instant se laisser tromper par de faux christs, ni les suivre. Ils ne devront pas se laisser effrayer par des flambées de violence des hommes, ni s’imaginer que ces commotions signifieront que la fin sera tout aussitôt. Ils devront accepter la persécution comme occasion de témoignage, et devant leurs adversaires, ils ne devront pas se reposer sur une défense préparée à l’avance, mais sur la sagesse surnaturelle qui leur sera accordée, le moment venu.
Le but du verset 18 est évidemment de faire comprendre de quelle manière personnelle et intime Dieu prendrait soin d’eux. Les derniers mots du verset 16 montrent que cela ne veut pas dire que tous échapperaient : mais même si on les faisait mourir, ils seraient tous au bénéfice de la résurrection. En endurant l’épreuve avec patience, ils arriveraient au but, soit dans la vie, soit dans la mort. Cela semble être le sens du verset 19. Nous voyons dans les Actes comment ces choses se sont accomplies dans le cas des Apôtres.
Puis, aux versets 20-24, le Seigneur prédit la désolation de Jérusalem. Rien n’est dit ici quant à l’instauration de « l’abomination de la désolation », car cela ne doit arriver qu’à la fin des temps des Gentils : toutes les choses que le Seigneur mentionne furent accomplies lorsque Jérusalem fut détruite par les Romains. C’est alors que la ville fut environnée d’armées. C’est alors que ceux qui avaient cru aux paroles de Jésus s’enfuirent effectivement vers les montagnes, et échappèrent ainsi aux horreurs du siège. C’est alors que commencèrent pour les Juifs « des jours de vengeance », qui ne prendront fin pour eux que lorsque toutes les choses prédites seront accomplies. C’est alors que débuta la longue captivité qui s’est poursuivie et se poursuivra, avec Jérusalem foulée aux pieds des nations, jusqu’à la fin des temps des nations. Ces temps débutèrent lorsque Dieu suscita Nebucadnetsar, qui déposséda le dernier roi de la lignée de David, et ils se termineront par l’écrasement de la domination des nations à l’apparition de Christ.
En conséquence, le verset 25 nous transporte directement jusqu’au temps de la fin, et parle de choses qui précéderont de peu Sa venue. Il y aura des signes dans le ciel, et angoisse et perplexité sur la terre, « la mer et les flots » symbolisant les foules dans un état de trouble et d’agitation violents. C’est pourquoi, les hommes rendront « l’âme de peur et à cause de l’attente des choses qui viennent ». Devant l’état de choses qui règne sur la terre au moment où nous écrivons ces lignes, il n’est pas difficile de concevoir les événements que le Seigneur prédit ainsi.
C’est le temps où Dieu ébranlera et les cieux et la terre, comme Aggée l’a prophétisé, et où seules demeureront les choses qui ne peuvent être ébranlées (Aggée 2:6). Tout ceci conduira à l’apparition publique du Fils de l’Homme, « avec puissance et une grande gloire ». Le jour de Sa pauvreté sera passé, comme aussi le jour de Sa patience ; et le jour de Sa puissance, dont parle le Psaume 110, sera là dans sa plénitude. Avant Sa venue, les cœurs des inconvertis seront remplis de terreur ; quand Il sera venu, leurs pires craintes seront réalisées, et « toutes les tribus de la terre se lamenteront à cause de Lui » (Apoc. 1:7).
Mais pour Ses saints, la Venue du Seigneur revêtira un autre aspect, comme on est heureux de le lire au verset 28. Pour eux, c’est la rédemption finale, lorsque toute la création sera délivrée de l’esclavage de la corruption. Les choses étant ainsi, les premiers signes de Sa Venue doivent nous remplir d’une heureuse espérance. Nous devons « regarder en haut », car ce qui vient après, événement de toute importance, doit procéder de la droite de Dieu, où le Seigneur est assis. Nous devons « lever nos têtes », bien loin de les baisser par accablement ou par crainte. Les choses mêmes qui effraient le monde doivent remplir le croyant d’une sainte espérance.
Ensuite vient la courte parabole du figuier. Remarquons qu’elle est présentée comme « parabole », non pas comme simple illustration. Le figuier représente les Juifs en tant que nation. Depuis des siècles, ils sont en état de mort, en tant que nation (*), et quand, enfin, il y aura des signes d’une renaissance nationale d’Israël, et également des signes d’une renaissance d’autres « arbres » de nationalismes anciens, nous pourrons reconnaître que « l’été » millénaire est proche. Jusqu’à ce que ce moment arrive, « cette génération » ne passera point ; par « cette génération », le Seigneur signifie, croyons-nous, cette « génération perverse... en qui il n’y a point de fidélité », dont Moïse a parlé en Deutéronome 32:5, 20. Quand le royaume sera établi, cette génération-là sera passée.
1 Cette étude a été écrite avant la deuxième guerre mondiale, et donc, avant la fondation de l’État d’Israël.
La prophétie du Seigneur que Luc relate brièvement se termine par la déclaration solennelle que Ses paroles sont véritables et certaines. Toute parole qui tombe de Ses lèvres est chargée de sens, chargée de l’annonce d’un événement à venir, et elle a plus de stabilité que les cieux et la terre. Ainsi le verset 33 nous présente la pensée frappante que les paroles de Sa bouche ont une permanence que n’ont pas les œuvres de Ses mains.
Le Seigneur termine en faisant une nouvelle fois appel à la conscience de Ses disciples, et à la nôtre aussi. Il n’y a pas de doute que ces trois versets 34, 35, 36 s’appliquent spécialement aux saints qui seront sur la terre immédiatement avant Son apparition, mais ils interpellent aussi le croyant d’aujourd’hui. Une multitude de plaisirs s’offre à nous et nous pouvons facilement en user à l’excès et nous laisser accaparer. D’autre part, il n’y a jamais eu de dangers plus nombreux et plus grands à l’horizon, et nos cœurs peuvent être écrasés par de sombres pressentiments, si bien que nous perdons de vue le jour qui approche. Il se peut que nous soyons tellement occupés des faits et gestes de dictateurs et du cours des événements du monde, que la venue du Seigneur s’estompe dans nos cœurs. Prenons pour nous cette parole : « Veillez donc, priant en tout temps » (v. 36). Alors nous serons tout à fait vigilants, et prêts à accueillir le Seigneur lorsqu’Il viendra.
Dans les derniers versets du chapitre, Luc nous rappelle que le Seigneur, qui avait ainsi prédit Son retour, était encore le Rejeté. De jour, pendant cette dernière semaine, Il annonce fidèlement la parole de Dieu ; de nuit, n’ayant pas de chez-soi, Il demeure dans la montagne des Oliviers.
Avec ce chapitre, nous arrivons aux dernières scènes de la vie de notre Seigneur. La Pâque n’était pas seulement un témoignage permanent de la délivrance d’Israël du pays d’Égypte, mais aussi un type du grand Sacrifice qui était encore à venir. Maintenant, enfin, le moment crucial approche, et « Christ notre Pâque » va être sacrifié pour nous, précisément au temps de la Pâque. Les chefs religieux complotaient, se demandant comment ils pourraient Le mettre à mort, en dépit du fait que beaucoup d’entre le peuple Lui étaient favorables. C’est Satan qui leur inspirait cette haine, et ce fut Satan qui leur donna l’instrument pour satisfaire leurs désirs.
Jean, dans son Évangile, démasque Judas, avant la fin. Au chapitre douze, il nous dit que, dévoré de convoitise, il était devenu voleur. Au chapitre treize, il nous dit aussi le moment exact où Satan est entré en lui. Luc relate ce fait terrible d’une façon plus générale ; et il montre que le prince des puissances des ténèbres estimait que comploter la mort de Christ était une œuvre d’une importance telle qu’elle ne devait être déléguée à aucune puissance inférieure : il se chargerait lui-même de l’affaire. Cependant, il entreprit cette tâche pour sa propre ruine. L’accord entre Judas et les chefs religieux fut réglé facilement. Ils étaient dévorés d’envie, et Judas était dévoré de l’amour de l’argent.
Depuis bien des siècles, la Pâque était observée avec plus ou moins de fidélité ; elle allait maintenant être observée, dans sa pleine signification, pour la dernière fois. En l’espace de vingt-quatre heures, sa lumière pâlit sous l’éclat de son Antitype, lorsque le véritable Agneau de Dieu mourut sur la croix. C’est un fait remarquable que la dernière fois que la Pâque fut célébrée dans sa pleine signification, il y avait là, pour y participer, Celui qui l’avait instituée, l’Homme parfait, saint, qui était le « Compagnon » de l’Éternel. Il demande que soit préparée la Pâque, et Il décide de l’endroit même où ils devront la manger. Le moment, la manière, l’endroit, tout est fixé par Lui. Le choix ne dépend pas des disciples mais du Seigneur, comme l’indique le verset 9.
La préconnaissance du Seigneur se manifeste d’une manière frappante au verset 10. Porter l’eau était la tâche des femmes ; un homme portant une cruche d’eau ne se voyait pas souvent. Cependant, le Seigneur savait qu’il y aurait un homme accomplissant cette action inhabituelle, et que Pierre et Jean le rencontreraient au moment où ils entreraient dans la ville. Il savait aussi que le « maître de la maison » répondrait au message délivré par les disciples au nom du « Maître ». À n’en pas douter, il connaissait le Maître comme étant son Maître ; en d’autres termes, il faisait partie des gens pieux de Jérusalem qui reconnaissaient les droits du Seigneur, et Celui-ci savait comment l’atteindre. Cet homme a eu le privilège de mettre une chambre à disposition de Celui qui n’avait pas de logis à Lui, et quand l’heure fut venue, le Seigneur se mit à table avec ses disciples.
Dans le récit que donne Luc, la distinction entre le souper de la Pâque et le Souper que le Seigneur institua est très claire : les versets 15-18 donnent la Pâque, et les versets 19-20 donnent la Cène. Les paroles du Seigneur quant à la Pâque indiquent que cet ancien ordre de choses arrive à sa fin. Les souffrances du Seigneur signifieraient son accomplissement ; et quand, enfin, un résidu d’Israël, épargné, entrera dans la bénédiction du millénium, ce sera parce qu’il sera à l’abri du sang de Christ. Quant à la coupe (du verset 17), elle ne semble pas avoir fait partie de la Pâque telle que Moïse l’avait instituée et le Seigneur, manifestement, ne l’a pas bue. Au lieu de cela, Il indique que Son jour de joie, que symbolise le fruit de la vigne, n’arriverait que dans le royaume à venir.
Puis le Seigneur institue Son propre souper en mémoire de Sa mort, le pain symbolisant Son corps, et la coupe, Son sang versé. Le récit en est très bref, et pour en avoir la signification entière, il nous faut lire 1 Corinthiens 10 et 11. En mémoire (de Moi), c’est ce sur quoi le Seigneur insiste à ce moment-là, et en raison de Sa longue absence, nous pouvons en comprendre l’importance. À travers les siècles, le souvenir de Sa mort nous reste, témoignage permanent de Son amour.
Les versets qui suivent (21-27) témoignent de la folie et de la faiblesse trouvées parmi les disciples. La main de celui qui allait livrer le Seigneur était « avec Lui, à table » et Il le savait, quoique les autres disciples n’en fussent pas conscients. Il y eut aussi une contestation entre eux, chacun souhaitant la première place, et ceci, précisément lorsque leur Maître et Seigneur allait prendre la dernière place. Tel est, hélas ! le cœur de l’homme, même chez les saints. Cela servit pourtant à faire ressortir très clairement la différence fondamentale entre le disciple et le monde. Dans le monde, on fait connaître et on maintient sa grandeur en prenant la place du maître, pour le chrétien, la grandeur consiste à prendre la place d’un serviteur. Dans ce domaine, Jésus Lui-Même montre Sa prééminence. Peu de paroles sont plus touchantes que celles-ci : « Je suis au milieu de vous comme celui qui sert ». Telle avait été Sa vie de grâce en perfection ; et telle, en suprême mesure, allait être Sa mort.
Il est aussi extrêmement touchant de voir comment le Seigneur parle à Ses disciples dans les versets 28 à 30. Ils étaient en vérité insensés, et leur esprit était fort éloigné du Sien, pourtant, avec quelle bienveillance Il met en lumière ce qu’il y avait eu de bon en eux. Ils Lui étaient fermement attachés. Malgré Ses épreuves et, souffrance suprême, Sa réjection, ils avaient persévéré avec Lui. Cela, Il ne l’oublierait jamais, et il y aurait une riche récompense dans le royaume. Dans le jour qui vient, Il prendra possession du royaume pour Son Père, Il en prendra possession avec Ses saints, et ces disciples auront une place d’honneur très spéciale. À la lumière de cette déclaration pleine de grâce, ils ont dû certainement ressentir combien avait été mesquine et méprisable leur contestation de tout à l’heure, quant à une place de préséance. Puissions-nous éprouver de tels sentiments.
Ensuite, aux versets 31-34, vient l’avertissement spécial du Seigneur à Pierre. À ce moment-là, Pierre pensait et agissait selon la chair, aussi Jésus l’appelle du nom qui était le sien selon la chair, et la répétition de celui-ci traduit l’urgence de Son avertissement. La confiance en soi était un trait de son caractère, ainsi que le désir d’une place prééminente, et cela le rend vulnérable aux attaques de Satan ; pourtant l’intercession du Seigneur l’emporterait ; il y avait là du froment, pas seulement de la balle. Ce froment resterait quand le crible aurait passé.
Les quatre versets suivants, 34-38, ont été adressés à tous les disciples. Ils devaient rendre témoignage qu’ils avaient eu tout en suffisance comme résultat de Sa puissance, quoiqu’ils aient été envoyés sans ressources humaines. Et Il leur annonce que Sa mort et Son départ amèneraient un autre ordre de choses. Les hommes Le compteraient parmi les iniques de ce monde, mais les choses qui Le concernaient se terminaient dans un autre monde. Il serait élevé au ciel et Ses disciples seraient laissés pour être Ses témoins ; ils auraient à reprendre le cours ordinaire de ce monde. Leur réaction à ces paroles montre que, en s’emparant à la lettre d’un seul petit détail, ils risquaient fort de ne pas saisir l’esprit de ce qu’Il disait ; aussi, pour l’instant, Il n’en parle plus.
Jusqu’à présent, il s’est agi de la manière dont Son amour s’est occupé des Siens ; maintenant nous voyons la perfection de Son humanité déployée à Gethsémané. Il affronte, à genoux devant le Père, toute l’amertume de cette coupe de jugement qu’il lui faudra boire ; et Son entière perfection se montre en ce que, quoique saisi d’angoisse, Il se consacre coûte que coûte à l’accomplissement de la volonté de Son Père. Luc, seul des évangélistes, nous parle de l’ange qui apparaît pour Le fortifier. Cela met en relief la réalité de Son humanité, en accord avec le caractère particulier de cet Évangile. Pareillement, Sa sueur devenant comme des grumeaux de sang n’est mentionnée que dans cet Évangile. C’est en communion avec le Père qu’Il va connaître l’horreur de ce qui est devant Lui.
Les dernières scènes débutent au verset 47. Et maintenant, tout est calme et grâce du côté du Seigneur, tout est confusion et agitation du côté de Ses amis, de Ses adversaires et même de Ses juges. La communion dans le jardin a conduit au calme dans la grande heure de l’épreuve. Judas atteint le comble de l’hypocrisie en trahissant son Maître par un baiser. Pierre emploie l’une de ces deux épées que les disciples venaient de mentionner, pour un acte de violence vicié dans sa conception et quant à celui contre lequel il est dirigé. Ce que Pierre fait dans sa violence, le Seigneur le défait immédiatement dans Sa grâce. Il fallait laisser la violence à la multitude venue avec les épées et les bâtons. C’était leur heure, et l’heure pendant laquelle le pouvoir des ténèbres allait se déployer. Sur ce sombre arrière-plan, le Seigneur déploie Sa grâce.
Suit maintenant le récit de la chute de Pierre. Le chemin en avait été préparé par le désir qu’il avait eu tout à l’heure de la première place, par sa confiance en soi, puis par son acte de violence. Maintenant, il suit de loin ; il se trouve bientôt parmi les ennemis de son Maître. Satan prépare le piège avec une habileté consommée. D’abord la servante, ensuite les deux autres personnes affirment qu’ils le reconnaissent, et cela conduit Pierre à des reniements de plus en plus énergiques ; Luc pourtant ne nous dit pas comment il se mit à faire des imprécations et à jurer. Cela, après tout, était accessoire. Le fait principal est qu’il a renié son Seigneur.
À ce moment précis, exactement comme Jésus l’avait prédit, le coq chanta ; et le Seigneur, se tournant, regarda Pierre. Ce que ce regard exprima exactement, nous ne pouvons le savoir, mais il fut si éloquent pour le disciple tombé que celui-ci quitta la compagnie des ennemis de son Maître, et pleura amèrement. Judas fut rempli de remords, mais nous ne lisons pas qu’il ait pleuré. Les larmes amères de Pierre sont un témoignage que, malgré tout, il aimait vraiment son Seigneur, et que sa foi n’allait pas défaillir. L’efficace de la prière et du regard du Seigneur commençait à se faire sentir.
Cet Évangile fait comprendre que le procès de Jésus se divise en quatre parties. En premier lieu, il y eut l’interrogatoire devant les principaux sacrificateurs et les scribes, lorsqu’ils cherchaient quelque prétexte plausible pour condamner le Seigneur à mort. Ce récit remplit les derniers versets du chapitre, et il est donné brièvement. On voit clairement pourtant qu’ils condamnèrent Jésus après qu’Il eut Lui-Même confessé nettement qui Il était. Ils contestent qu’Il soit le Christ, et la réponse du Seigneur montre qu’Il savait qu’ils étaient résolus, dans leur incrédulité et leur obstination, à Le condamner.
Malgré cela, Il affirme qu’Il est le Fils de l’Homme, qui exercera bientôt l’autorité même de Dieu, et cela, ils l’interprètent comme entraînant aussi sa prétention à être le Fils de Dieu ; ce qu’Il est, en vérité. Et Sa réponse : « Vous dites vous-mêmes que je le suis », est un « Oui » catégorique. Parce qu’Il affirme être le Christ, le Fils de l’Homme, le Fils de Dieu, ils Le condamnent à mort.
Puis, en second lieu, ils Le conduisent à Pilate afin d’obtenir du gouverneur romain l’autorisation d’exécuter cette sentence. Ici, les accusateurs changent complètement leurs arguments et accusent Jésus d’être un rebelle et un rival de César. Jésus confesse qu’Il est le Roi des Juifs, pourtant Pilate Le déclare innocent. Cette déclaration pourrait sembler surprenante, mais Marc nous permet de jeter un coup d’œil derrière la scène, lorsqu’il nous dit que Pilate savait que la haine violente des chefs religieux était inspirée par l’envie. Aussi commence-t-il par refuser d’être l’instrument de leur rancune, et il profite des relations du Seigneur avec la Galilée pour L’envoyer à Hérode. L’accusation : « Il soulève le peuple », était bien vraie ; mais Il voulait les élever vers Dieu, non pas les soulever contre César.
Il y a aussi, en troisième lieu, la brève comparution du Seigneur devant Hérode, qui était impatient de Le voir, espérant être témoin de quelque chose de sensationnel. De nouveau, les principaux sacrificateurs et les scribes L’accusent avec véhémence, mais ici, en présence de ce méchant homme, qu’Il avait précédemment traité de « renard », Jésus ne répond rien. Son silence plein de dignité incite seulement Hérode et ses soldats à abandonner tout semblant d’administrer la justice, et à s’abaisser à la moquerie et à la dérision. Dans Son humiliation, Son jugement a été ôté.
En conséquence, Hérode Le renvoie à Pilate, et ici commence la quatrième et dernière partie de Son procès. Mais avant de nous parler des tentatives que Pilate fera encore pour calmer les accusateurs et pour relâcher Jésus, Luc nous rapporte comment tous deux, Pilate et Hérode, ont enterré leur inimitié ce jour-là, pour Le condamner. La même tragédie s’est souvent répétée depuis lors. Des hommes totalement différents par leur caractère et leurs points de vue ont trouvé un sujet d’entente dans leur rejet de Christ. Hérode s’abandonnait à ses plaisirs et était complètement indifférent ; Pilate, bien qu’ayant un certain sens de ce qui était juste, était opportuniste et donc prêt à faire du tort si cela lui apportait de la popularité. Mais ici, ces deux personnages tombent d’accord.
Le récit des dernières scènes du procès est donné brièvement aux versets 13-26. Il n’est pas rapporté une seule des paroles prononcées par notre Seigneur : tout est présenté comme une affaire se passant entre Pilate et le peuple poussé par les principaux sacrificateurs ; pourtant certains points ressortent très clairement. En premier lieu, il y a le témoignage réitéré que Jésus était innocent. Pilate l’avait déclaré lors du premier interrogatoire (v. 4), et maintenant il le répète deux fois (v. 14 et 22), enfin le déclare une quatrième fois comme étant le verdict d’Hérode (v. 15). Dieu prit soin qu’il y ait un témoignage abondant et officiel de cela.
Puis la fureur aveugle et irraisonnée de Ses accusateurs est largement mise en évidence. Ils se contentent de réclamer Sa mort à grands cris. De nouveau, le choix qu’ils font, plutôt que de laisser relâcher Jésus, ressort, clair comme du cristal. Deux fois dans ces versets, le nom de Barabbas est associé à des crimes de sédition et meurtre ; c’est dire qu’il était la personnification vivante des deux formes sous lesquelles le mal est présenté d’une façon si fréquente dans les Écritures : corruption et violence ; ou, pour l’exprimer d’une autre manière : nous voyons la puissance de Satan qui agit et comme un serpent et comme un lion rugissant. En dernier lieu, nous voyons que la condamnation de Jésus est le résultat de la faiblesse du juge, qui « livra Jésus à leur volonté ». Il représentait le pouvoir absolu de Rome, mais il l’abdique en faveur de la volonté du peuple.
Les scènes de la crucifixion occupent les versets 27 à 49. Nous sommes frappés par le fait que, tout au long de ces scènes, rien ne se passe d’une façon ordinaire. Tout est inhabituel, surnaturel, ou touchant au surnaturel. Il était tout à fait habituel que des pleureuses professionnelles paraissent en de telles occasions, mais tout à fait inhabituel qu’il leur soit dit de pleurer sur elles-mêmes, ou qu’il leur soit annoncé un jugement à venir. Jésus Lui-Même était « l’arbre vert », selon le Psaume 1, et peut-être fait-Il allusion à la parabole d’Ézéchiel 21:1-5. Dans ces versets, Dieu prédit une flamme sur tout bois vert et tout bois sec. Le jugement est tombé sur « le bois vert » lorsque Christ a souffert pour nous. Lorsque le feu se déclarera dans le bois sec des Juifs apostats, il ne sera pas éteint.
Puis la prière de Jésus, au moment où ils Le crucifièrent, était tout à fait inattendue et inhabituelle. Il demande au Père, en réalité, que le péché du peuple soit compté, non comme meurtre, pour lequel il n’y avait pas de pardon, mais comme homicide commis par mégarde, pour que, malgré tout, une ville de refuge soit accessible, même pour Ses meurtriers. On vit une réponse à cette prière quelque cinquante jours plus tard, lorsque Pierre prêcha à Jérusalem le salut par Christ ressuscité, et que trois mille âmes s’enfuirent vers le refuge. Cette prière était inhabituelle parce qu’elle était le fruit de compassions divines telles qu’on n’en avait jamais vu de semblables auparavant.
La conduite des différentes personnes impliquées dans la crucifixion du Seigneur a été inhabituelle. Il n’est pas courant que les gens couvrent de sarcasmes et d’insultes même les pires criminels subissant la peine capitale. Ici, toutes les classes de la société l’ont fait, même les chefs, les soldats, et l’un des malfaiteurs qui subissait sa peine à côté du Seigneur. La puissance du diable et des ténèbres s’était emparée d’eux tous.
L’inscription faite par Pilate était inattendue. Ayant condamné le Seigneur comme faux prétendant à la royauté parmi les Juifs, il écrivit un titre qui Le proclamait Roi des Juifs, et comme le montre un autre Évangile, il refuse de le changer. Dieu agissait là selon sa souveraineté.
La conversion soudaine du second brigand fut totalement surnaturelle. Il se condamne lui-même et justifie Jésus. L’ayant justifié, il Le reconnaît comme Seigneur et proclame — de fait, sinon explicitement — sa conviction que Dieu le ressusciterait d’entre les morts, afin de lui donner une place dans Son royaume. Il remplit les deux conditions de Romains 10:9 ; seulement, il croyait que Dieu Le ressusciterait d’entre les morts, au lieu de croire, comme nous, que Dieu L’a ressuscité d’entre les morts. La foi du brigand mourant était un joyau de première qualité, auprès duquel notre foi d’aujourd’hui perd son éclat. Il est bien plus remarquable de croire qu’une chose s’accomplira sûrement, quand elle n’a pas encore eu lieu, que de croire qu’une chose s’est accomplie quand elle a déjà eu lieu. Et, de plus, il était tout à fait inhabituel qu’un malfaiteur souhaite que le Roi se souvienne de lui, lorsque son Royaume serait établi. D’habitude les malfaiteurs s’esquivent furtivement dans l’ombre, souhaitant se faire oublier par les autorités. Son désir que Jésus se souvienne de lui montre que sa foi en la grâce du Seigneur souffrant égalait sa foi en Sa gloire à venir.
La réponse de Jésus à la prière du brigand est merveilleuse et inattendue, en effet ! Non seulement dans le royaume à venir, mais en ce jour même, il allait faire l’expérience de la grâce qui agirait au-delà de la mort, amenant son esprit racheté dans la compagnie de Christ dans le Paradis. Or, le Paradis et le troisième ciel sont identifiés en 2 Corinthiens 12:2-4. Ces paroles du Seigneur sont la première révélation explicite du fait que, aussitôt que survient la mort, les esprits des saints sont introduits dans un état conscient de félicité avec Christ.
Si tout était inhabituel sur le plan humain, lorsque Jésus mourut, il y eut aussi des interventions surnaturelles de la part de Dieu. Les versets 44 et 45 nous en parlent. Aux trois heures les plus lumineuses de la journée, le pays a été plongé dans les ténèbres, le soleil ayant été obscurci. Il y avait quelque chose de très approprié à la situation, car le vrai « Soleil de Justice » portait le poids de notre péché à ce moment-là. En outre, le voile du temple fut déchiré par une main divine, montrant par là que l’époque du régime visible du temple était maintenant terminée, et que le chemin pour entrer dans le lieu très saint allait être manifesté : voir Hébreux 9:8. Notre vrai « soleil » fut voilé pour un temps, subissant notre jugement, afin qu’il n’y ait pas de voile entre nous et Dieu.
Luc ne relate pas le cri du Sauveur quant à l’abandon de Dieu, poussé à peu près au moment où les ténèbres disparaissaient, ni le cri de triomphe : « C’est accompli », quoiqu’il rapporte bien qu’Il cria « à haute voix » et que, ensuite, Ses dernières paroles furent : « Père, entre Tes mains, je remets mon esprit ». Dans ces dernières paroles sur la croix, nous voyons Celui qui, tout au long de Son chemin, avait été caractérisé par Sa soumission à la volonté de Dieu, terminer ce chemin en Homme parfait et dépendant. Ayant dit cela, Il expira. Cependant, nous voyons qu’Il est plus qu’Homme, car à un moment donné, Il crie à haute voix, Sa vigueur intacte, et l’instant d’après Il est mort. À tous les points de vue, Sa mort fut une mort surnaturelle.
Le centurion qui, en raison de ses fonctions officielles, fut témoin de cette scène, en rend témoignage. Même les foules qu’une curiosité morbide avait assemblées se sentent mal à l’aise sous l’effet de la crainte et de sombres pressentiments ; et ceux qui étaient Ses amis s’éloignent. Le centurion devint un quatrième témoin de la perfection de Jésus, après Pilate, Hérode et le brigand mourant.
Les écrits prophétiques avaient dit : « Tu as éloigné de moi amis et compagnons » (Psaume 88:18) ; mais ils avaient également dit : « Il a été avec le riche dans Sa mort » (Ésaïe 53:9). Si le verset 49 nous donne l’accomplissement de l’une de ces prophéties, les versets 50-53 nous donnent l’accomplissement de l’autre. Dans toutes les situations critiques, Dieu a en réserve un instrument pour exécuter Ses desseins et accomplir Sa parole. Joseph est mentionné dans les quatre Évangiles, et Jean nous informe que, jusqu’à ce moment-là, il était disciple en secret, par crainte des Juifs. Maintenant, il agit avec hardiesse alors que tous les autres sont intimidés ; et le sépulcre neuf, sans souillure, est disponible pour recevoir le corps saint du Seigneur. Il n’y eut ainsi pas le moindre contact par lequel Il aurait pu « voir la corruption ». Les hommes en avaient décidé autrement, mais Dieu, sereinement, accomplit Sa parole.
La fin du chapitre 23 et le début de ce chapitre 24 montrent clairement qu’aucun des disciples du Seigneur ne s’attendait en aucune manière à Sa résurrection. Cela en rend le témoignage d’autant plus marqué et convaincant. Les disciples n’étaient ni exaltés ni visionnaires, ni portés à croire n’importe quoi, mais étaient plutôt d’un esprit matérialiste, et découragés, enclins à douter de tout.
Les femmes nous sont présentées d’abord. Leurs pensées se limitaient aux circonstances d’un enterrement ordinaire. Leur esprit était occupé du sépulcre, du corps du Seigneur, et des aromates et des parfums qu’il était coutume d’employer. Toutefois, le sabbat juif était là, et interrompait leurs activités — cela venait de Dieu, car leurs activités étaient tout à fait inutiles, et au moment où elles auraient pu les reprendre, le corps du Seigneur n’était plus là. Au lieu du corps mort, elles trouvent deux hommes en vêtements éclatants, et entendent de leur bouche que le Seigneur est maintenant « le Vivant » et ne gît plus parmi les morts. Ainsi, le premier témoignage de Sa résurrection vient de la bouche des anges. Un second témoignage se trouve dans les paroles qu’Il avait Lui-Même prononcées pendant Sa vie. Il avait prédit Sa mort et Sa résurrection. Quand ces paroles leur sont rappelées, elles s’en souviennent.
Les femmes s’en retournent et rapportent toutes ces choses aux onze ; c’est-à-dire qu’elles leur présentent le témoignage des anges, les paroles du Seigneur Lui-même, et aussi le témoignage de leurs propres yeux : le corps du Seigneur n’est pas dans le sépulcre ; pourtant ils ne les croient pas. Un sceptique moderne pourrait appeler ces choses « des contes » ; eh bien, c’est exactement ainsi que les disciples les reçurent. Pierre, cependant, avec son caractère impulsif habituel, va un peu plus loin. Il court au sépulcre pour voir par lui-même, et ce qu’il voit confirme leurs paroles. Pourtant, dans son esprit, c’est l’étonnement, plutôt que la foi, qui est produit.
Le récit suivant nous amène à l’après-midi du jour de la résurrection, et Luc nous donne en détail l’histoire des deux disciples qui s’en allaient aux champs, à laquelle Marc ne fait que la brève allusion des versets 12 et 13 de son dernier chapitre. Cet épisode nous donne un aperçu très frappant de l’état d’esprit qui les caractérisait et, sans aucun doute, représentaient-ils les autres en cela.
Ces deux disciples s’éloignaient manifestement de Jérusalem pour retourner chez eux, déçus et découragés à l’extrême. Ils avaient nourri de ferventes espérances centrées sur le Messie, et ils croyaient L’avoir trouvé en Jésus. Pour eux, Jésus de Nazareth était « un prophète, puissant en œuvre et en parole devant Dieu et devant tout le peuple » ; et il est clair que là s’arrêtait leur foi. Ils ne percevaient pas encore en Lui le Fils de Dieu, que la mort ne pouvait retenir, et ainsi, pour eux, Sa mort était la fin affligeante de Son histoire. Ils pensaient vraiment que « c’était Celui qui aurait dû délivrer Israël », mais alors, pour eux, cela voulait dire les délivrer par Sa puissance, du pouvoir de tous les ennemis de leur nation, plutôt que de les délivrer pour Dieu par Son sang. Sa mort avait renversé leur espoir de cette délivrance en puissance et en gloire. Cette déception venait de ce qu’ils avaient nourri des espérances qui n’étaient pas établies sur la Parole de Dieu. Ils s’attendaient à la gloire sans les souffrances.
On peut trouver aujourd’hui bon nombre de croyants qui se sont égarés dans le monde d’une façon assez semblable. Eux aussi se sont éloignés parce qu’ils étaient déçus, et ils sont déçus parce qu’ils nourrissaient de fausses espérances. Ces espérances ont pu être centrées sur le travail chrétien et les conquêtes de l’Évangile, ou bien sur quelque groupe ou corps de croyants avec lesquels ils étaient liés, ou peut-être sur eux-mêmes, la sainteté et la puissance de leur vie personnelle. Quoi qu’il en soit, les choses ne se sont pas passées comme ils escomptaient, et ils se trouvent dans le découragement le plus profond.
Le cas de Cléopas pourra aider à faire le diagnostic de leurs ennuis. En premier lieu, ils peuvent avoir, comme lui, un petit « Israël » qui absorbe leurs pensées. Si Israël avait été délivré, comme Cléopas l’avait espéré, il aurait été dans l’allégresse : comme ce n’était pas le cas, il avait perdu sa ferveur et son intérêt. Il lui fallait apprendre que, bien qu’Israël ait été au centre même du petit tableau lumineux qu’il s’était peint en imagination, il n’était pas au centre du tableau de Dieu. C’est le tableau de Dieu qui est le vrai, et son centre en est Christ, ressuscité d’entre les morts.
Quand Jésus se fut joint à eux, les eut amenés à s’exprimer et eut gagné leur confiance, Il leur exposa, non des choses qui concernaient Israël, mais « les choses qui Le regardaient » LUI-MÊME. Un remède sûr contre les déceptions, c’est de donner à Christ toute la place dans ce dont notre esprit est occupé : non pas le travail, même le travail chrétien, non pas les frères, ni même l’église, non pas le moi dans l’une quelconque de ses nombreuses formes, mais Christ.
Pourtant, il y avait un second point. Il est vrai que ces faux espoirs de Cléopas, qui étaient la cause de sa déception, avaient jailli du fait qu’il pensait trop à Israël et trop peu à Christ ; pourtant cette échelle de valeurs erronée provenait de la lecture incomplète de l’Ancien Testament. Le verset 25 montre que, parce qu’ils étaient sans intelligence et lents de cœur à croire, cela les avait conduits à négliger certaines parties des Écritures. Ils croyaient quelques-unes des choses que les prophètes avaient dites — ces choses agréables, évidentes, faciles à comprendre quant à la gloire du Messie — tandis qu’ils mettaient de côté et négligeaient les prédictions de Ses souffrances, qui sans aucun doute, leur paraissaient mystérieuses, étranges et difficiles à comprendre. Les choses mêmes qu’ils avaient négligées étaient justement ce qui leur aurait épargné la pénible expérience par laquelle ils passaient.
En leur parlant, le Seigneur insiste par trois fois sur l’importance de l’Écriture tout entière, versets 25 et 27. Il agit avec eux de façon à leur faire comprendre que Sa mort et Sa résurrection étaient le fondement, indiqué à l’avance, de toute la gloire qui était encore à venir. « Ne fallait-il pas que le Christ souffrît ces choses ? » Oui, certainement ! Et puisqu’Il devait souffrir, Il avait souffert.
Quelle étape extraordinaire cela a dû être ! Une fois arrivés, ils ne purent supporter la pensée de se séparer de ce compagnon inattendu ; ils Le supplient de ne pas les quitter. Entrant pour rester avec eux, Il prend nécessairement la place qui est la Sienne de droit. Il faut qu’Il soit Celui qui reçoit, qui conduit et aussi qui bénit ; alors « leurs yeux furent ouverts et ils Le reconnurent ». Quelle joie pour leurs cœurs lorsque, soudain, ils discernent leur Seigneur ressuscité !
Mais pourquoi disparut-Il de devant leurs yeux au moment précis où ils L’avaient reconnu ? Sans doute, pour la même raison qui lui avait fait dire à Marie de ne pas Le toucher, au début de ce même jour (voir Jean 20:17). Il désirait leur montrer, dès le départ, que par Sa résurrection, Il était dans une situation nouvelle et qu’en conséquence, il fallait un fondement nouveau à leurs relations avec Lui. Toutefois, la brève vision qu’ils ont eue du Seigneur ajoutée à l’explication qu’Il leur a donnée de toutes les prophéties des Écritures a produit son effet. Ils sont complètement transformés. Une lumière nouvelle s’est levée pour eux ; de nouveaux espoirs ont surgi dans leur cœur ; finis, leur découragement et leur désir de s’isoler. Bien que la nuit soit tombée, ils reprennent le chemin de Jérusalem, pour chercher la compagnie des autres disciples. Le cœur malade, ils avaient cherché la solitude ; maintenant, la foi et l’espérance étant ranimées, la compagnie des saints fait leur délice. Il en est toujours ainsi pour nous tous.
Ils reviennent annoncer la grande nouvelle aux onze, mais ils arrivent pour se trouver devancés. Les onze savaient que le Seigneur était ressuscité, car Il était aussi apparu à Pierre. Les preuves de Sa résurrection s’accumulaient rapidement. Ils avaient maintenant non seulement le témoignage des anges, le souvenir de Ses propres paroles et la relation donnée par les femmes, mais aussi le témoignage de Simon, presque instantanément confirmé par le témoignage des deux disciples qui revenaient d’Emmaüs. Et, comble de joie, tandis que ces deux disciples racontaient leur histoire, voilà que Jésus Lui-Même, avec des paroles de paix sur les lèvres, se tient au milieu d’eux.
Pourtant, même alors, ils ne sont pas, au début, entièrement convaincus. Il y avait en Lui, dans Sa condition nouvelle de résurrection, quelque chose d’inhabituel et qui dépassait leur compréhension. Ils sont craintifs, croyant voir un esprit. La vérité est qu’ils voyaient leur Sauveur dans un corps spirituel, ainsi qu’en parle 1 Corinthiens 15:44. C’est ce qu’Il se met à leur expliquer d’une manière très convaincante. Son corps avait « de la chair et des os », pourtant, quoique les circonstances soient nouvelles, ce corps devait être identifié avec le corps de « chair et de sang » dans lequel Il avait souffert, car les marques de Ses souffrances se trouvaient bien là, et dans Ses mains et dans Ses pieds. Et pendant que la vérité se faisait lentement jour dans leurs esprits, Il la rend encore plus claire en mangeant devant eux, afin qu’ils voient qu’Il n’était pas simplement « un esprit ». Ainsi, la réalité de Sa résurrection fut complètement attestée et le vrai caractère de Son corps ressuscité fut révélé.
Puis Il se met à les instruire, et tout d’abord Il attire leur attention sur ce qu’Il avait déjà souligné par trois fois lorsqu’Il s’adressait aux disciples d’Emmaüs, à savoir que TOUTES les choses qui sont écrites de Lui dans les Écritures devaient être accomplies, comme d’ailleurs Il le leur avait dit avant Sa mort. Ils devaient comprendre que tout ce qui était arrivé avait eu lieu selon les Écritures, et n’était en aucune façon contraire à ce qui avait été écrit. En second lieu, Il leur ouvre l’intelligence pour qu’ils comprennent réellement tout ce qui avait été révélé dans les Écritures. Il semble que nous pouvons assimiler cela avec ce que rapporte Jean 20:22 lorsque le Seigneur, ressuscité, souffla en Ses disciples. Cette vie nouvelle dans la puissance de l’Esprit n’allait pas sans une compréhension nouvelle.
En troisième lieu, enfin, le Seigneur leur montre que, possédant cette compréhension nouvelle, et étant « témoins de ces choses », une nouvelle mission allait leur être confiée. Ils ne devraient plus parler de la loi, mais de « la repentance et de la rémission des péchés... en Son nom ». Sa grâce allait être le thème de leur prédication — le pardon des péchés au Nom et par la vertu d’un Autre — et la seule chose nécessaire de la part des hommes est la repentance — cette honnêteté de cœur qui conduit un homme à prendre sa vraie place comme pécheur devant Dieu. Cette prédication de la grâce doit se faire « à toutes les nations », et ne doit pas être limitée aux Juifs seuls, comme l’était la loi. Cependant, elle devait débuter à Jérusalem, car dans cette ville, la crucifixion du Sauveur avait mis le comble à l’iniquité de l’homme ; et là où le péché avait abondé, la grâce devait se manifester en surabondance.
Le verset 46 donne le fondement sur lequel repose cette mission de la grâce : la mort et la résurrection de Christ. Tout ce qui venait de se passer, qui avait paru si étrange et comme une pierre d’achoppement aux disciples, avait été l’établissement du fondement nécessaire, sur lequel l’édifice de la grâce allait s’élever. Et tout était selon les Écritures, comme Il le fait ressortir une fois de plus, par ces paroles : « Il est ainsi écrit ». La parole de Dieu communiquait une autorité divine à tout ce qui était arrivé et au message de la grâce qu’ils devaient proclamer.
Ainsi, dans les versets 46 et 47, le Seigneur inaugure l’Évangile de la grâce actuel, nous donne l’autorité, le fondement, les conditions et toute la portée de son ministère, tout en indiquant les profondeurs du péché et des besoins vers lesquelles il s’abaisse.
Le verset 49 nous donne une quatrième chose, et nullement la moindre : le don à venir du Saint Esprit, en tant que puissance de tout ce dont il est question. Les Écritures avaient été ouvertes, ouverte aussi l’intelligence des disciples, la mission nouvelle de la grâce avait été clairement donnée ; mais tous devaient attendre jusqu’à ce qu’ils possèdent la puissance par laquelle seule ils pouvaient agir, ou employer avec sagesse ce qu’ils connaissaient maintenant. Luc termine son Évangile, laissant tout, si nous pouvons nous exprimer ainsi, comme un feu bien préparé attendant l’étincelle qui le fera flamber haut et clair. Il commence la suite de son récit — les Actes — en nous montrant comment l’Esprit, à sa venue, a été cette étincelle qui a allumé le feu avec des résultats merveilleux.
Nous venons de voir comment cet Évangile se termine par la bonne nouvelle de la grâce qui commence à se répandre, ce qui est en contraste frappant avec la façon dont, dans les tout premiers versets, il nous présente le service s’accomplissant dans le temple selon la loi de Moïse. Les quatre versets qui terminent cet Évangile nous présentent également un contraste frappant, car le premier chapitre nous donne un tableau de gens pieux aux espérances terrestres, attendant le Messie qui visiterait Son peuple pour le racheter. Il nous montre un sacrificateur, craignant Dieu, engagé dans ses devoirs sacerdotaux, mais qui n’a que peu de foi, si bien qu’il est rendu muet. Incrédule, il ne peut parler : il n’avait rien à dire qui en vaille la peine, en tout cas pour l’instant. Les versets 50-53 de notre chapitre nous montrent le Sauveur ressuscité montant aux cieux pour y prendre Son service de Souverain Sacrificateur ; Il laisse derrière Lui une compagnie de gens dont les cœurs ont été ravis de la terre au ciel, et dont les bouches s’ouvrent pour la louange.
Béthanie est l’endroit d’où Il monta au ciel, cet endroit où, plus que partout ailleurs, Il avait été compris. Il monte au ciel alors qu’Il est en train de bénir Ses disciples. Lorsque nous nous souvenons du jour sous lequel ceux-ci s’étaient montrés, ce geste du Seigneur est extrêmement touchant. Six semaines auparavant, tous L’avaient abandonné et s’étaient enfuis. L’un L’avait renié avec jurons et imprécations, et à tous Il aurait pu dire ce qu’Il dit effectivement à deux d’entre eux : « O gens sans intelligence et lents de cœur à croire ». Pourtant, sur ces disciples sans intelligence, sans foi, sans courage, Il étend les mains en bénédiction. Et, bien que nous soyons très semblables à ces hommes, en dépit du fait que nous vivons à l’époque où l’Esprit a été donné, sur nous également Sa bénédiction descend encore.
Le Seigneur bénit Ses disciples, et eux Lui rendent hommage. Ils s’en retournent au lieu qu’Il leur avait fixé pour attendre la venue de l’Esprit, et ils sont « continuellement dans le temple, louant et bénissant Dieu ». Zacharie avait été muet : ses lèvres étaient incapables d’exprimer une bénédiction, soit vers Dieu, soit sur l’homme. Jésus est monté au ciel pour remplir Son office sacerdotal en plénitude de bénédiction envers Son peuple ; et Il a laissé derrière Lui ceux qui devaient être le noyau de la nouvelle race sacerdotale : déjà nous les voyons bénir Dieu et L’adorer.
Cet Évangile nous a en vérité transportés de la loi à la grâce et de la terre au ciel.