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Le LIVRE du PROPHÈTE AMOS
par Henri Rossier
[note Bibliquest : Texte édité en 1915 : en tenir compte pour comprendre plusieurs allusions aux temps ACTUELS]
Table des matières:
2 CHAPITRE 1:1-2 — L’Éternel rugit
3 CHAPITRE 1:3 à ch. 2 — Ainsi dit l’Éternel
5 CHAPITRE 3 à 5:17 — Écoutez cette parole
8 CHAPITRE 5:18 à 6 : Les deux «Malheur»
10 CHAPITRE 7 à 9: 6 : Les visions
11 CHAPITRE 9: 7-15 : La providence de Dieu et la restauration finale d’Israël
Amos prophétisait sous les règnes d’Ozias (ou Azaria), et de Jéroboam II (2), les plus longs, sauf un seul, qu’enregistrent les annales de Juda et d’Israël. Mais un règne prolongé ne démontre pas nécessairement l’approbation de Dieu: celui de Manassé, le plus long de tous, fut une succession d’iniquités. La carrière d’Ozias fut tout autre que celle de Jéroboam. Ce dernier, s’il accomplit de grandes choses aux yeux des hommes, fit «ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel», et cependant Dieu voulut bien se servir de lui pour sauver Israël, car Il «n’avait pas dit qu’il effacerait le nom d’Israël de dessous les cieux» (2 Rois 14: 27). Depuis Jéroboam, jusqu’à la déportation des dix tribus, la ruine de cette maison royale fut complète.
Ozias, roi de Juda, à l’opposé de Jéroboam, son contemporain, «fit ce qui est droit aux yeux de l’Éternel» (2 Rois 15: 3), jusqu’au jour où, son orgueil ayant usurpé les fonctions des sacrificateurs dans le temple, il fut frappé de la lèpre. Ses successeurs, Jotham, Ézéchias et Josias, marchèrent dans les voies de l’Éternel, et la fidélité de ces quelques rois, vrais fils de David, ajourna le jugement déjà suspendu sur Juda.
Les règnes d’Ozias et de Jéroboam ayant coïncidé pendant quatorze années, on pourrait en conclure que, semblable à celle d’Osée (*), la prophétie d’Amos eut une longue durée. Au contraire, elle fut émise pendant une période très courte de ces règnes, c’est-à-dire»deux ans avant le tremblement de terre».
(*) Voyez «Le livre du prophète osée», par H. R., pages 4, 5.
«Les paroles d’Amos, qui était d’entre les bergers de Thekoa, qu’il a vues touchant Israël, aux jours d’Ozias, roi de Juda, et aux jours de Jéroboam, fils de Joas, roi d’Israël, deux ans avant le tremblement de terre» (v. 1).
Amos était de Thekoa, ville de Juda, fortifiée comme beaucoup d’autres par Roboam, lors de la scission du royaume de Salomon (2 Chron. 11: 6). Josaphat avait jadis remporté la victoire sur Moab, Édom et les fils d’Ammon, vers le désert de Thekoa, et ce souvenir pouvait se présenter à l’esprit du prophète, appelé à prononcer le jugement de ces mêmes peuples (1: 11, 13; 2: 1). Thekoa est situé à 16 kilomètres de Jérusalem et à 8 kilomètres au sud de Bethléem, donc en plein territoire de Juda et de Benjamin. On voit en Jérémie 6: 1, que Thekoa ou plutôt Beth-Hakkérem, montagne qui domine cette localité, était un des postes qui signalaient, par un feu, l’approche de l’ennemi. Amos se tient là, pour ainsi dire, surveillant de tous côtés les ennemis qui ont empiété sur l’héritage d’Abraham et assiègent les frontières d’Israël; il annonce leur sort, et c’est de là qu’il est ensuite envoyé à Béthel pour prophétiser contre Ephraïm (7: 14, 15).
Amos était «d’entre les bergers de Thekoa». Nous trouvons à diverses reprises, dans sa prophétie, des images empruntées à sa profession, à ses troupeaux, aux luttes du berger avec les bêtes sauvages et à sa vie journalière (1: 2; 3, 4, 12; 4, 1; 6: 12, etc.). La vocation d’Amos est mentionnée en deux mots, mais l’Esprit de Dieu montre sa souveraineté dans ce choix. Comme il avait pris David d’auprès des parcs de brebis pour l’établir comme Conducteur de son peuple, et plus tard de pauvres pêcheurs qui devinrent ses apôtres, il fait du berger Amos le prophète d’Israël. Cette distinction réduit à néant les prétentions humaines à occuper le service de Dieu. Amos dira plus tard: «Je n’étais pas prophète, et je n’étais pas fils de prophète» (7: 14). Il ne l’était ni de vocation, ni de naissance : Tout ordre, établi de Dieu, ayant fait faillite en Israël et en Juda, l’Éternel choisit lui-même son instrument et se plaît à prononcer des oracles par la bouche d’un humble berger. Une telle manière d’agir convient à un temps de ruine où des Amatsia (7: 10-17) prétendent en imposer au «voyant» de par leur fausse autorité sacerdotale. Dieu revendique alors la libre action de son Esprit. Les révélations de l’Éternel ont lieu par la bouche de cet homme simple: ses «paroles», il les a «vues»; et ses vraies visions, plus tard, il les proclame.
Le sujet principal de la prophétie d’Amos est Israël. Ce terme désigne en premier lieu les dix tribus (2: 6), puis le peuple tout entier, y compris Juda (3: 1, 2), enfin les dix tribus, représentant moralement l’ensemble du peuple devant Dieu. Juda lui-même, la tribu du prophète, est aussi mentionné à part comme objet du jugement, car, possédant plus de privilèges qu’Ephraïm, il avait commis les mêmes infidélités (2: 4); mais c’est pour les dix tribus que l’heure du châtiment est proche ; elle avait sonné dans le prophète Osée, contemporain et successeur d’Amos. En Amos le jugement se rapporte davantage à l’état moral du peuple qu’à des transgressions particulières; mais, quand le jugement s’abat sur les nations, dans les deux premiers chapitres, Juda et Israël y étant compris, leurs transgressions sont mentionnées spécialement.
Le «tremblement de terre» est la date mémorable de la prophétie d’Amos. Nous ne voyons pas que le prophète ait prédit que ce séisme aurait lieu, mais il est pour lui le symbole du jugement qui devait, sous peu, atteindre son peuple. Cet événement a donc un caractère moral, aussi Amos abonde-t-il en images relatives à ce phénomène. Il le représente comme un char faisant craquer le sol sous le fardeau des gerbes, au moment de la moisson. L’homme le plus agile ne réussit pas à l’éviter (2: 13-16). Les cornes de l’autel tombent à terre, les maisons et les palais sont renversés, les murailles fendues, et les hommes lancés à travers leurs brèches; c’est une subversion semblable à celle de Sodome et de Gomorrhe (3: 14, 15 ; 4: 3, 11; 6: 11). Dans ce bouleversement, les eaux de la mer sont versées sur la face de la terre (5 : 8; 9 : 6). En un instant le pays tremble, comme les eaux du Nil montent et s’abaissent en une saison (8: 8; 9: 5) (*) ; le linteau de la porte et ses bases sont ébranlés et tombent sur la tête des hommes (9: 1). Mais un jour viendra où toutes ces ruines seront réparées (9: 11).
(*) La crue du Nil atteint les neuf dixièmes du volume ordinaire de ce fleuve.
Le tremblement de terre du règne d’Ozias est mentionné en Zacharie 14: 5 qui l’assimile au grand événement du dernier jour, quand la montagne des Oliviers sera fendue sous les pieds du Seigneur pour mettre en fuite les oppresseurs du Résidu captif à Jérusalem. La prophétie d’Amos n’a pas cette portée future, car elle prédit les jugements prochains qui atteindront le peuple. Il est cependant à remarquer qu’en Zacharie comme en d’autres passages, la mention d’un tremblement de terre ne signifie pas, comme en Amos, des jugements sans mélange, mais des jugements dont peut sortir la délivrance. C’est ainsi qu’en Matthieu 27 le tremblement de terre ouvre les sépulcres et délivre les saints; c’est ainsi qu’en Actes 16: 26 il met en liberté Paul et Silas et produit la conversion du geôlier; et nous dirons que même en Amos, s’il remplit le livre de ses ruines, il est l’avant-coureur d’une délivrance finale, présentée au dernier chapitre.
«Et il dit: L’Éternel rugit de Sion, et de Jérusalem il fait entendre sa voix; et les pâturages des bergers mènent deuil, et le sommet du Carmel est séché» (v. 2).
Cette expression : «L’Éternel rugit de Sion» est d’une grande importance et caractérise toute la prophétie d’Amos. L’Éternel y est représenté comme le «lion de la tribu de Juda» rugissant parce qu’il a une proie (cf. 3 : 4) qu’il dévorera; ce lion de Juda dominera sur Jérusalem, lieu où la grâce royale sera reconnue à la fin. Joël, parlant du jour de l’Éternel dans la vallée de Josaphat, se sert exactement des mêmes termes: «L’Éternel rugira de Sion, et de Jérusalem il fera entendre sa voix, et les cieux et la terre trembleront (Joël 3: 16) ; seulement Joël annonce les jugements futurs qui introduiront le règne millénaire du Fils de David Amos, comme nous l’avons dit, ne va pas si loin il annonce des jugements prochains; le lion de Juda rugit au jour même de sa prophétie. Amos commence et Joël finit; les jugements qu’il annonce sur les nations, puis sur Juda et Ephraïm sont près de s’exécuter et ont un caractère gouvernemental. Seulement le juste gouvernement de Dieu n’est pas la fin de ses voies envers les nations: il reste encore son juste jugement, le jugement national définitif et c’est de ce dernier que Joël nous entretient comme tant d’autres prophètes qui nous parlent du «jour de l’Éternel». Au contraire, la vision d’Amos s’arrête aux calamités qui fondront dans un avenir très rapproché sur les nations et sur le peuple d’Israël, et montre les causes spéciales qui les ont rendues nécessaires. C’est ainsi qu’en Amos, le Pharaon, ]’Assyrien, Babylone, sont successivement et à divers intervalles la verge de l’Éternel pour châtier tous ces peuples (*), tandis que la dernière scène de Joël ne présente rien de semblable, mais montre l’Éternel en personne, exécutant le jugement final, et brisant définitivement l’Assyrien après s’être servi de lui comme d’une verge contre Israël.
(*) Cela n’exclut nullement le fait qu’on verra renaître et jouer un rôle dans les scènes de la fin, toutes les nations qui environnent Israël. C’est ce que l’on voit en Joël où Tyr, Sidon, la Philistie, Édom reparaissent pour le jugement du grand jour dans la vallée de Josaphat. Amos ne va pas jusque-là.
Ce que nous venons de dire est d’une grande importance pour nous. Les jugements que nous voyons aujourd’hui s’abattre sur la terre ne sont pas les jugements de la fin. En Amos nous avons affaire à une prophétie maintenant accomplie; tel est, sauf au dernier chapitre, le caractère très spécial de notre prophète. Nous y trouvons des avertissements dont l’accomplissement présage un jour futur et en affirme d’avance la terrible réalité. Il en est de même pour nous aujourd’hui ! Si «la fin n’est pas encore», que sera-t-elle pour l’injuste et le pécheur ?
En Joël les cieux et la terre trembleront quand l’Éternel fera entendre sa voix; en Amos le tremblement de terre du v. 1 caractérise seul, comme nous l’avons déjà noté, toutes les scènes qui se déroulent sous nos yeux. Ici les conséquences du rugissement sont locales : «Les pâturages des bergers mènent deuil, et le sommet du Carmel est séché». Cette image correspond à ce que le berger Amos avait sous les yeux. Quand les jugements de Dieu s’exécutent, plus d’occupations paisibles où l’âme des simples se complaît; adieu les pâturages du désert de Juda, familiers aux bergers de Thekoa, et ceux du Carmel où les brebis paissent à l’ombre des forêts. Le vent de la colère de l’Éternel a passé sur les uns, et desséché même le Carmel ombreux. Nous rencontrons les mêmes images au chapitre 25 du prophète Jérémie. Après avoir annoncé (v. 15-29) le jugement prochain, par Babylone, sur toutes les nations mentionnées par Amos et sur d’autres encore, il parle du rugissement de l’Éternel, de sa demeure sainte, du cri et des hurlements des pasteurs, dont les pâturages sont dévastés et les parcs paisibles désolés devant l’ardeur de la colère de l’Éternel (v. 30-38). Ce passage a donc beaucoup de rapport avec les versets que nous venons de considérer.
Ces deux chapitres sont caractérisés par les mots: «Ainsi dit l’Éternel». Lorsque Dieu a parlé, le jugement doit s’accomplir, quoique nous n’en sachions pas l’époque. Peut-être la patience de Dieu attendra-t-elle longtemps encore, jusqu’à ce qu’il soit exécuté, mais il n’en surviendra pas moins, car pour l’Éternel le temps ne compte pas et ne modifie en rien la justice et la sainteté de ses voies. De fait, ces prophéties d’Amos ne se sont accomplies, pour la plupart, qu’environ une centaine d’années après avoir été prononcées.
Les paroles de l’Éternel s’adressent d’abord aux diverses nations qui, de toute part, enserrent le peuple d’Israël: à l’occident la Philistie, Tyr au nord, la Syrie au nord-est, Ammon et Moab à l’orient, Édom au midi. Sauf Moab qui fait exception, toutes ces nations sont jugées ici selon la manière dont elles ont traité le peuple de Dieu. Nous en avons encore aujourd’hui des exemples. La justice rétributive de Dieu s’exerce sur des nations qui persécutent son ancien peuple, quelque coupable qu’il soit.
Il y a un juste gouvernement de Dieu, dans ce monde, à l’opposé de celui des hommes. Dieu voit tout et n’oublie rien (il n’oublie que les péchés de ceux qui ont cru). Toute injustice trouve tôt ou tard sa rétribution. Dieu attend peut-être patiemment pendant toute une vie d’homme (même à l’égard de ses enfants, car son jugement commence par sa maison) pour rétribuer, selon son gouvernement, un tort commis. Saül était mort depuis longtemps, que Dieu n’avait pas oublié l’iniquité dont il s’était rendu coupable en faisant mourir les Gabaonites (2 Sam. 21). Il fallut alors que sa maison de sang, sauf Méphiboseth épargné par la grâce, fût exterminée. David, homme de Dieu, avait oublié depuis longtemps son crime à l’égard d’Urie; mais au moment voulu de Dieu les conséquences de ce péché commencèrent à se dérouler et poursuivirent le roi-prophète jusqu’à la fin de sa carrière. Il en fut de même lors du recensement du peuple, sauf que la grâce arrêta le jugement dans son cours (2 Sam. 24). Combien d’enfants de Dieu ont fait de semblables expériences ! Le silence a plané sur tel manquement dont personne, sauf le coupable, n’avait connaissance: tout à coup le rugissement du lion se fait entendre et la terre tremble. Jusque-là le ciel était d’une sérénité qui semblait exclure même l’idée d’un orage. En peu de temps tout est bouleversé, la paix perdue, l’abri du Carmel desséché.
Remarquez que, dans tous les cas cités au cours de ces deux chapitres, le jugement ne tombe pas seulement sur l’autorité qui a ordonné les massacres, mais sur la nation qui en est tenue pour responsable. Sans doute l’autorité est jugée : les rois, ceux qui tiennent le sceptre, les princes et les gouverneurs, sont frappés personnellement, mais la nation tout entière l’est aussi, car loin de s’opposer aux actes de l’autorité, elle les a soutenus de ses sympathies, de ses haines et de ses violences. Dans le cas des Gabaonites, le peuple est même frappé en premier lieu par trois ans de famine et le jugement de la famille de Saül ne vient qu’ensuite, car le peuple aurait dû se purifier du mal commis par son chef.
Lorsqu’une iniquité nationale est accomplie, comme nous le voyons dans ces chapitres, l’esprit de l’homme a peine à concevoir qu’elle ne soit pas immédiatement réprimée, mais il n’en est pas ainsi: les voies de Dieu ne sont pas nos voies. Dieu permet — nous le voyons continuellement dans la prophétie — que l’iniquité porte tous les fruits qu’espérait celui qui l’a commise; Dieu s’en sert pour accomplir ses desseins, mais la rétribution n’en arrive pas moins — elle marche à pas lents, mais elle arrive.
L’Assyrien, dont l’action est plus d’une fois sous-entendue dans ces chapitres, est un instrument inique, employé, d’abord contre l’iniquité d’Israël, puis contre celle des nations qui avaient assouvi leur rage contre le peuple de Dieu, mais la verge de la colère de Dieu ayant accompli son oeuvre, est elle-même brisée, sa force renversée, et sa chute est plus profonde que celle de toutes les nations qu’elle a frappées. Au reste, dans nos chapitres, l’Assyrien qui n’est pas même nommé est loin d’être le seul agent dont Dieu se serve pour exécuter ses jugements. D’autres agents nombreux y concourent à diverses époques et leurs noms sont aussi passés sous silence par Amos. Nous pouvons les trouver dans d’autres récits historiques ou prophétiques; l’Esprit de Dieu ne les mentionne pas ici parce qu’il s’agit dans notre prophète, comme nous l’avons dit plus haut, de l’état moral qui nécessite l’intervention divine et non des instruments dont Dieu se sert. Le prophète décrit cette intervention sans intermédiaires, tels un feu, un rugissement, un tremblement de terre, pour faire comprendre qu’elle émane directement de Dieu. Il n’en est pas de même chez d’autres prophètes. Ainsi Ésaïe 14: 28 à 23 décrit le jugement de ces mêmes nations par l’Assyrien, à la suite de leur conduite envers les dix tribus; Jérémie 46 à 49 leur jugement par Nebucadnetsar, à la suite de leur conduite envers Juda.
En considérant l’ensemble de la prophétie, nous trouvons donc des personnes diverses pour exécuter les jugements, mais aussi des répétitions du même péché qui appellent de nouvelles vengeances de la part de Dieu par ces mêmes agents. Toutefois, que ces instruments soient tour à tour l’Assyrien, ou le Pharaon, ou les rois d’Orient, ou Babylone, ou Israël lui-même, les jugements des nations ne sont encore dans Amos que les voies habituelles de Dieu dans le gouvernement du monde et non pas les jugements de la fin. Il faudra que toutes les nations dont parlent les deux premiers chapitres d’Amos reparaissent à la fin des temps après s’être reconstituées, et subissent un jugement national bien plus sévère que leurs infortunes passées, alors que toutes leurs oeuvres leur seront mises en compte dans la vallée de Josaphat (Joël 3), après quoi l’on verra la restauration partielle d’un Résidu de ces nations (sauf entre autres celle d’Édom), comme nous le lisons en Jérémie. Ce jugement national ne doit pas être confondu avec le jugement individuel et personnel des morts devant le grand trône blanc (*).
(*) On ne peut, dans beaucoup de cas, déterminer l’époque où les nations mentionnées dans ces chapitres envahirent Israël et Juda. Leurs attaques étaient incessantes et se succédèrent à des intervalles plus ou moins rapprochés. Il en fut de même des instruments de leur propre chute. Pour ne pas en alourdir notre texte nous récapitulerons ici, au point de vue historique, leurs crimes contre Israël et les divers agents par lesquels leur jugement eut lieu :
Damas, ou plutôt son roi Hazaël, s’empare de tous les confins d’Israël et de Galaad à cause des péchés de Jéhu et sous son règne, c’est-à-dire avant Jéroboam II (2) et Ozias (2 Rois 10: 33). Cette attaque a un rapport historique avec la prophétie d’Amos (1: 4). Sous Achaz, plus de seize ans après la mort d’Ozias, la prophétie d’Amos contre Damas fut accomplie. «Le roi d’Assyrie monta à Damas, et la prit, et en transporta les habitants à Kir» (2 Rois 16: 9; Ésaïe 17: 1-3). Cependant Amos est plus explicite et parle du «peuple de Syrie». Nous trouvons plus tard, aux derniers jours du royaume de Juda, une prophétie semblable contre Damas et sa prise par Nébucadnetsar (Jér. 49: 23-27). Là aussi l’Éternel allume un feu dans les murs de Damas et il dévore les palais de Ben-Hadad.
La Philistie envahit Juda et occupe ses villes sous Achaz, bien des années après Ozias (2 Chron. 28: 18). Ézéchias combat les Philistins (2 Rois 18: 8). Ils sont ensuite frappés par le Pharaon (Jér. 47), puis détruits par Nébucadnetsar (Ézéch. 25: 15-17). À différentes reprises ils avaient vendu la captivité tout entière (je serais tenté de croire que ce terme indique Juda et les dix tribus) soit à la Grèce (Joël 3: 6), soit à Édom (Amos 1: 6). Evidemment ces choses avaient lieu souvent et ne sont pas relatées dans des occasions historiques particulières. La destruction de la Philistie est aussi mentionnée en Jér. 47; cette nation reparaît à la fin des temps et son jugement a la même cause que par le passé (Joël 3: 4).
Tyr agit envers Israël comme les Philistins. Plusieurs nations coopéraient avec Tyr dans le trafic des esclaves, le plus lucratif d’alors (Ézéch. 27: 13). Tyr qui avait livré la captivité tout entière à Édom, est livré à l’Assyrie, puis à Nébucadnetsar, après là défaite des Philistins. Nous retrouvons Tyr avec Sidon au jugement du dernier jour (Joël 3: 4).
Édom. Sa cruelle vengeance sur Juda est relatée en Ézéch. 25: 12-14. Son désir de conquérir les deux nations, Israël et Juda, excite l’indignation de l’Éternel (Ézéch. 35: 10). La montagne de Séhir est détruite; Nébucadnetsar est l’agent de cette destruction. Mais Édom reparaît dans l’histoire prophétique de la fin; on le retrouve à la vallée de Josaphat (Joël 3: 19). Il est à la tête de la confédération des nations de la fin, avec Moab, Ammon, la Philistie, Tyr, confédération dont l’Assyrien fait partie. Tous veulent s’emparer des habitations de Dieu et en prendre possession (Ps. 83). C’est aussi le motif de sa défaite finale, comme nous le voyons en Abdias et à la fin d’Ésaïe (63: 1). Le Seigneur lui-même exerce sur Édom la vengeance de son peuple, et y fait coopérer Israël.
Ammon attaque spécialement Galaad, territoire des dix tribus, mais se jette aussi sur Juda, emmené captif (Ézéch. 25: 1-7). Son but est d’étendre ses confins, aux dépens du peuple de Dieu, ambition mauvaise que nous voyons s’exercer partout de nos jours aux dépens du voisin. Cela crie vengeance ! Les Ismaélites ou «fils de l’Orient» (Ézéch. 25: 4, 10), puis Nébucadnetsar (Jér. 49: 2) sont les agents de la destruction d’Ammon.
Moab est accusé en Amos d’un méfait autre que celui des nations mentionnées précédemment. Il est détruit, puis, reparait à la fin des temps pour être frappé par Nébucadnetsar (Jér. 48).
Nous revenons sur Moab dans notre texte (à propos du ch.2).
Dans tout ce que nous venons de voir, Amos annonce le jugement prochain de ces peuples, selon le traitement qu’ils ont fait subir aux dix tribus, ainsi qu’au royaume de Juda. Ce jugement ne dépasse pas les temps historiques comme le font tant d’autres passages des prophètes, car le livre d’Amos est occupé avant tout, comme nous l’avons fait remarquer, des caractères moraux du mal qui nécessite le jugement et nous parle très peu des événements de la fin.
Les voies gouvernementales de Dieu en jugement ont tout d’abord son peuple pour objet, car le jugement de Dieu commence par sa maison. Damas, Gaza, Tyr, Édom, Ammon, sont les instruments de Dieu pour châtier son peuple qui s’est livré à l’idolâtrie et a abandonné l’Éternel cri méprisant tous les principes moraux de sa loi. Mais, nous allons le voir, il se trouve que ces nations poursuivent leurs intérêts de lucre ou de conquête et leurs projets de vengeance en commettant des atrocités. Dieu laisse faire. Iniquité s’accumule sur iniquité jusqu’à ce que la mesure déborde : «À cause de trois transgressions... et à cause de quatre», dit l’Éternel, «je ne révoquerai pas mon arrêt». Cette phrase se répète à chaque nouvelle occasion. Il n’y a pas une seule d’entre ces nations, y compris Juda et Ephraïm, qui n’ait pas mis le comble à ses transgressions. C’est à ce moment-là que Dieu les frappe. Il s’occupera plus tard de son peuple pour le restaurer après l’avoir frappé, car, sous tous ses jugements, on sent que le coeur miséricordieux de l’Éternel ne change pas. Jamais son peuple, quelque coupable qu’il soit, ne sort de sa mémoire. Ses conseils à son égard sont éternels, immuables; tandis que certaines d’entre ces nations seront anéanties et qu’un Résidu des autres sera rétabli (Jér. 46: 26; 48:47; 49:6, 39). Maintenant il s’occupe de ceux qui ont foulé Israël aux pieds.
Ce qui arriva autrefois à Israël peut se présenter aujourd’hui pour les chrétiens dans la bataille des peuples. Elle est une discipline nécessaire pour les enfants de Dieu, mais des populations entières qui portent le nom de Christ sont massacrées par les nations orientales. Dieu ne l’oublie pas: le tour de ces dernières viendra. De plus forts qu’elles entreront en scène et changeront leurs triomphes en deuils, leurs victoires en défaites.
*
«Ainsi dit l’Éternel : À cause de trois transgressions de Damas, et à cause de quatre, je ne révoquerai pas mon arrêt; parce qu’ils ont foulé Galaad avec des traîneaux de fer. Et j’enverrai un feu dans la maison de Hazaël, et il dévorera les palais de Ben-Hadad ; et je briserai la barre de Damas, et, de la vallée d’Aven je retrancherai l’habitant, et de Beth-Eden, celui qui tient le sceptre ; et le peuple de la Syrie ira en captivité à Kir, dit l’Éternel» (1: 3-5).
On voit en 2 Sam. 10: 6-14 que, dans le passé, les Syriens s’étaient alliés avec les fils d’Ammon contre David, après que ces derniers eurent outragé les envoyés du roi. Les fils d’Ammon furent battus et frappés par David de cruelles représailles (2 Sam. 12: 31; 1 Chron. 20: 3). Cette vengeance était légitime, car elle était voulue de Dieu, par le moyen de son Roi. Ce qui nous en assure, c’est le récit donne de ce fait dans les Chroniques, où toutes les fautes de David, sauf deux exceptions, sont passées sous silence. Les Syriens avaient, dès le début, épousé la cause des Ammonites qui furent presque exterminés; ils prirent leur revanche en foulant Galaad avec des traîneaux de fer. Le fait de cette alliance aggrave encore le jugement prononcé sur Damas, capitale des Syriens. Sans doute Dieu s’était servi d’eux comme d’une verge contre Israël et avait confié cette mission à Hazaël, leur roi, par le ministère d’Élisée (1 Rois 19: 15; 2 Rois 8: 7-15). Maintenant il brise la verge qui avait accompli ses desseins, car il n’y avait aucune crainte de Dieu dans le coeur d’Hazaël: il avait été impitoyable dans son attaque et Dieu qui l’employait, le jugeait pour sa cruauté envers son peuple. Élisée avait averti Hazaël de tout le mal qu’il ferait à Israël et en avait pleuré. Il l’avait même averti qu’il écraserait leurs petits enfants et fendrait le ventre de leurs femmes enceintes. Il semble que l’alliance des Syriens avec les Ammonites ait duré bien au-delà du temps de David, car ce qui est attribué en Amos 1: 13 à ces derniers, l’est aux Syriens en 2 Rois 8: 12. Dieu savait toutes ces choses ; en faisant oindre Hazaël pour châtier son peuple, il savait aussi que cet homme usurperait la royauté par le meurtre de Ben-Hadad, le roi légitime. Il le savait; peut-on dire qu’Il le voulût ? Nullement, car, le moment venu, Il revendique les droits de sa sainteté et de sa justice vis-à-vis des transgressions de Damas.
«Je briserai la barre de Damas, et, de la vallée d’Aven je retrancherai l’habitant, et de Beth-Eden, celui qui tient le sceptre» (v. 5). Damas, avec les barres qui ferment ses portes, sera sans défense devant l’ennemi. Bikeah-Aven sera «la vallée de néant», comme, en Osée 4: 15; 5: 8; 10: 5, Béthel, la maison de Dieu, était devenue Beth-Aven, «la maison de néant». En opposition avec elle, Beth-Eden était en Syrie la «maison de délices». C’était ce que les hommes pécheurs voulaient faire du monde et qui réussit, hélas ! à captiver même les yeux d’un croyant comme Lot (Gen. 13: 10). Damas était un Beth-Eden aux yeux des hommes, toute cette contrée un Beth-Aven aux regards de Dieu (*). Le peuple de la Syrie, auquel Galaad avait offert une proie facile audelà du Jourdain, «ira en captivité à Kir, dit l’Éternel» (v. 5). L’Assyrien Tiglath-Piléser, peu d’années après la prophétie d’Amos, accomplit cette prédiction (2 Rois 16: 9; Jér. 49: 23-27).
(*) Beth-Aven et Beth-Eden n’ont pu être identifiées par les géographes.
«Ainsi dit l’Éternel: À cause de trois transgressions de Gaza, et à cause de quatre, je ne le révoquerai point, parce qu’ils ont emmené captive la captivité tout entière, pour la livrer à Édom; mais j’enverrai un feu dans les murs de Gaza, et il dévorera ses palais; et je retrancherai d’Asdod l’habitant, et d’Askalon celui qui tient le sceptre; et je tournerai ma main contre Ekron, et le reste des Philistins périra, dit le Seigneur, l’Éternel» (v. 6-8).
Comme les autres nations, la Philistie était coupable de transgressions antérieures et toute l’histoire d’Israël nous montre combien grande était la haine des Philistins contre cette nation qui les avait combattus, puis asservis lors de l’établissement de la royauté sur le peuple de Dieu. Les villes principales de la Philistie, Gaza, Asdod, Askalon, Ekron, sont spécialement prises à partie. La quatrième transgression surpassait toutes les autres : les Philistins avaient vendu comme esclaves tous les captifs de Juda et d’Israël, en les livrant entre les mains d’Édom, leur plus cruel ennemi. Aussi le jugement tombe sur celui qui tient le sceptre, le gouverneur responsable ; les habitants d’Asdod sont massacrés, le reste des Philistins périt; aucun n’échappe et l’on ne voit pas que leurs captifs soient rétablis aux derniers jours. En Jér. 47 le jugement tombe sur eux par le Pharaon, puis l’Assyrie et l’Égypte se disputent leurs villes, tantôt conquises par l’un, tantôt reprises par l’autre, jusqu’à ce qu’il n en reste plus que des ruines. On voit en 2 Chron. 28: 17-20 l’attaque des Philistins contre Juda, sous Achaz, ainsi que celle des Édomites, leurs alliés ; en Ésaïe 9: 11, 12 l’attaque des Syriens et des Philistins contre Israël ; en Ésaïe 14: 29-32 celle de l’Assyrien contre la Philistie.
«Ainsi dit l’Éternel : À cause de trois transgressions de Tyr, et à cause de quatre, je ne le révoquerai point, parce qu’ils ont livré la captivité tout entière à Édom, et ne se sont pas souvenus de l’alliance fraternelle ; mais j’enverrai un feu dans les murs de Tyr, et il dévorera ses palais» (v. 9, 10).
Jusqu’ici nous avons vu le jugement de deux nations, entièrement étrangères au peuple de Dieu. Elles n’avaient jamais été qu’en hostilité ouverte avec lui. Nous entrons maintenant sur un terrain nouveau, d’abord celui des liens fraternels, ensuite, celui des relations consanguines avec Israël, relations qui, même ne fussent-elles que selon la chair, créaient des obligations à Édom, Ammon et Moab, et auraient dû mettre un frein à leur antipathie et à leurs haines. Ici Tyr est en cause. Ce royaume avait connu des temps favorables et particulièrement bénis, quand Hiram, reconnaissant le Dieu de David et de Salomon, avait fait alliance avec ces deux rois et s’était engagé à coopérer à l’édification du temple de l’Éternel. Comment cette affection et cette alliance fraternelle avaient-elles, au cours des années, fait place à la haine ? La grâce de David, la sagesse et la puissance de Salomon, mais surtout leur foi, avaient captivé jadis le coeur de Hiram. Il avait compris que l’Éternel était l’objet de toutes les pensées de ses amis; il avait vu que leur seul désir était de donner à Dieu, au milieu de son peuple, une habitation digne de Lui. Si les choses faites par Hiram étaient inconnues à ses successeurs, Dieu ne les oubliait pas et rendait responsables les héritiers du roi de Tyr d’avoir eu jadis leur royaume en rapport avec les bénédictions de l’alliance. Alors même que cette alliance n’avait été que passagère et occasionnelle, Tyr en ayant joui était devenu responsable de la conserver, mais les intérêts de cette nation commerçante l’avaient bien vite éloignée des bénédictions spirituelles; elle avait vu une source de gain dans l’alliance avec la Philistie pour faire la guerre au peuple de Dieu et le réduire en captivité. Peu lui importait qu’il fût vendu à Édom, ennemi acharné d’Israël; la soif de l’or dominait toute autre considération. Plus tard ces deux nations alliées avaient réitéré leur action sacrilège en vendant à Javan les captifs d’Israël. Mais il y avait chez eux autre chose encore que le gain : leur politique était d’éloigner Israël de ses confins (Joël 3: 6), afin de s’emparer de territoires sur lesquels ils élevaient des prétentions, oubliant que ces territoires appartenaient à l’Éternel. Ils oubliaient ou ignoraient que l’Éternel avait choisi pour lui-même un héritage particulier au milieu de toutes les nations. Galaad était à lui, Manassé était à lui, Ephraïm était la force de sa tête, Juda était son législateur (Ps. 108: 8). Gaza et Tyr avaient eu la folie de toucher, l’audace de s’approprier ce qui appartenait à Dieu : «mon argent et mon or», et de porter dans leurs temples «mes belles choses désirables» (Joël 3: 5). S’il trouvait bon de châtier Israël par la main de ces nations ennemies, il n’estimait pas qu’une nation quelconque eût le droit d’en profiter pour son propre compte.
Les jours actuels n’offrent-ils pas des exemples pareils ? Les nations s’allient pour prendre possession de territoires qui ne leur appartiennent pas et s’agrandir aux dépens de leurs voisins, les déportent et s’emparent de leurs richesses, sans penser un instant que «à l’Éternel est la terre et tout ce qu’elle contient !» (Ps. 24: 1).
«Ainsi dit l’Éternel : À cause de trois transgressions d’Édom, et à cause de quatre, je ne le révoquerai point, parce qu’il a poursuivi son frère avec l’épée, et a étouffé la miséricorde, et que sa colère déchira sans fin, et qu’il garda sa fureur à toujours. Et j’enverrai un feu sur Théman, et il dévorera les palais de Botsra» (v. 11, 12).
Avec Édom nous passons aux peuples apparentés à Israël. Leurs transgressions ne sont pas moindres que celles des nations étrangères. Ésaü, Édom, est jugé pour sa haine meurtrière et sans miséricorde, envers Jacob son frère. Les peuples précédents sont moins sévèrement traités que ceux qui suivent. Le jugement d’Édom est sans aucune miséricorde. Sa haine sauvage contre le peuple de l’Éternel (car plus les liens sont étroits, et cela caractérise l’homme, plus la haine est intense) oblige Dieu à dire, tout à la fin de son histoire: «J’ai haï Ésaü». Aussi restera-t-il sans postérité. (Voyez Abdias. Jér. 49: 7-22): «Il n’est plus», dit Jérémie (49: 10), tandis que, même Moab et Ammon, et ensuite Elam, voient leurs captifs rétablis (48: 47; 49: 6, 39). Le cas d’Édom est sans rémission, sans pardon. C’est la seule de ces nations qui soit exterminée, ou du moins asservie en entier; elle sera le théâtre du terrible carnage de la fin (És. 63: 1-6). Mais ce n’est pas la haine seule qui caractérise Édom ; nous l’avons vu se servir de la Philistie et de Tyr, nations avec lesquelles il n’avait aucune affinité d’origine, pour asservir Israël, son frère selon la chair. Il prononçait ainsi, non seulement sa colère invétérée contre Jacob qui lui avait ravi son droit d’aînesse, mais son mépris de la sentence de Dieu: «Le plus grand sera asservi au plus petit» (Gen. 25: 23). Ayant réduit son frère en esclavage, il s’empare de tout le midi de la Palestine (l’Idumée) et l’annexe à son territoire, contrairement à la volonté expresse de Dieu et aux principes de son gouvernement, quand il établissait les limites des peuples selon le nombre des fils d’Israël (Deut. 32: 8) (*).
(*) Le roi d’Édom n’est pas nommé ici. Édom n’avait pas de roi au temps de Josaphat (2 Chron. 20: 1), ni au temps d’Ozias (2 Chron. 25: 7).
«Ainsi dit l’Éternel : À cause de trois transgressions des fils d’Ammon, et à cause de quatre, je ne le révoquerai point, parce qu’ils ont fendu le ventre aux femmes enceintes de Galaad, afin d’élargir leurs frontières ; et j’allumerai un feu dans les murs de Rabba, et il dévorera ses palais, au milieu des cris au jour de la bataille, au milieu de la tempête au jour du tourbillon; et leur roi ira en captivité, lui et ses princes ensemble, dit l’Éternel» (v. 13-15).
La parenté d’Édom avec Israël remontait à Isaac. celle d’Ammon et de Moab, par Lot, à Abraham. Quoique basée sur des faits honteux, elle était plus ancienne que la première. On trouve chez les fils d’Ammon une cruauté atroce envers les tribus situées au-delà du Jourdain, en vue d’exterminer leurs descendants mâles et de s’emparer définitivement du territoire de Galaad. En cela pareil à Édom, Ammon oublie que l’Éternel lui-même l’avait dépossédé afin de donner un héritage à son peuple. C’était le pays de l’Éternel et il ne pouvait être aliéné. Les plans de l’homme échouent devant le grand fait que la cause de l’Éternel, devant laquelle aucune des prétentions de l’homme ne réussira, finira par avoir le dessus. Ce royaume de proie, semblable à celui d’Édom, prendra fin «au milieu des cris au jour de la bataille, au milieu de la tempête au jour du tourbillon». Sa ruine sera plus terrible que toutes les autres. L’orage s’abattra sur le peuple tout entier, mais ses conducteurs responsables iront en captivité, roi et princes ensemble, comme le peuple de la Syrie. Sur des forfaits pareils le prophète Élisée avait pleuré (2 Rois 8: 12. Voyez aussi Osée 13: 6). Comment donc l’Éternel les permet-il ? Est-il insensible à tant d’horreurs ? Sans doute il a connu d’avance ce qui sortirait du coeur de l’homme, devenu sa verge pour châtier son peuple, mais il montre, et c’est la première chose qu’il met en avant ici, qu’il va briser la verge dont il s’est servi.
«Ainsi dit l’Éternel: À cause de trois transgressions de Moab, et à cause de quatre, je ne le révoquerai point, parce qu’il a brûlé, réduit en chaux les os du roi d’Édom; et j’enverrai un feu sur Moab, et il dévorera les palais de Kerijoth, et Moab mourra au milieu du tumulte, au milieu des cris, au son de la trompette, et je retrancherai le juge du milieu de lui, et je tuerai tous ses princes avec lui, dit l’Éternel» (2: 1-3).
Le caractère de Moab tranche sur ce que nous avons vu jusqu’ici. Nous nous trouvons en présence d’un nouveau principe. Ce n’est pas seulement que le gouvernement de Dieu enregistre scrupuleusement le tort fait à son peuple coupable, par les nations, devenues ses instruments pour le châtier, mais il enregistre aussi les torts commis par ces nations elles-mêmes entre elles. Rempli d’un désir de vengeance insatiable qui s’assouvit même sur les morts, Moab a violé la sépulture du roi d’Édom. Nous ne savons à quelle occasion, mais il méprisait par là l’autorité établie de Dieu, quelque coupable qu’elle pût être. Violer les sépultures, en sortir les ossements, les brûler, était un acte de vengeance n’appartenant qu’à Dieu seul. Dans le cas de Josias, cet acte avait pour but de souiller les autels des faux dieux (2 Rois 23: 15-17), mais il n’appartenait point aux hommes de prendre cette mesure, sauf pour obéir à Dieu. Un homme souillé avait-il le droit de juger les morts, d’autres hommes souillés comme lui ? On a voulu voir cet acte dans le récit un peu énigmatique qui nous est fait en 2 Rois 23: 15-17. Nous ne le pensons pas, et nous voyons plutôt dans le fait relaté ici une vengeance furieuse de Moab contre Édom qui l’avait jadis envahi et humilié, vengeance postérieure au récit de 2 Rois 3 et qui, ne pouvant s’exercer sur le roi vivant, s’assouvit en violant son sépulcre. Le fait rapporté dans notre passage est d’une grande importance morale quant aux voies du gouvernement de Dieu. Alors même qu’il s’agit d’Édom dont la fureur contre le peuple de Dieu et contre Dieu lui-même était sans bornes, Dieu punit toute infraction aux règles qu’Il a établies, toute atteinte, même après la mort, à l’autorité qu’il a instituée. Il en sera de même devant le trône du jugement, mais souvent une iniquité pareille trouve sa rétribution ici-bas. Dieu n’oublie rien. Quelle description de l’anéantissement de Moab au milieu du tumulte de la bataille ! Avec le juge, tous ses princes sont tués. Pourtant, à la fin des jours, Moab, comme les fils d’Ammon, verra ses captifs rétablis (Jér. 48: 17; 49: 6), tandis que rien de pareil ne nous est dit d’Édom (Jér. 49: 7-22).
Par qui eut lieu le jugement de Moab ? On voit en Ézéch. 25: 8-11 que ce fut par «les fils de l’Orient». En Ésaïe 15 et 16, le sort de Moab est annoncé comme tout prochain : «dans trois ans, comme les années d’un mercenaire» (v. 14). Cette prophétie peut avoir été prononcée sous Ozias ou Ézéchias. En Jérémie, la destruction de Moab s’accomplit par le «dévastateur» qui semble être Nébucadnetsar. Mais Ésaïe 25: 10 nous apprend que le jugement de Moab sera consommé lorsque ce peuple, ayant été reconstitué à la fin des temps, le Seigneur établira son règne et que la mort sera engloutie en victoire. De même, en Soph. 2: 10, 11, le Résidu prophétique d’Israël pille Moab. On voit encore en Daniel 11: 41 qu’Édom, Moab et les fils d’Ammon échappent de la main de l’Assyrien futur (car ils n’avaient pas été préservés de l’Assyrien historique ou plutôt de Babylone) et sont comme mis à part et réservés pour un jugement spécial à la fin des temps.
Remarquons encore que, plus la relation de ces nations avec le peuple de Dieu était étroite, plus le jugement qui tombe sur elles est sévère.
«Ainsi dit l’Éternel : À cause de trois transgressions de Juda, et à cause de quatre, je ne le révoquerai point, parce qu’ils ont méprisé la loi de l’Éternel et n’ont pas gardé ses statuts, et que leurs mensonges, après lesquels leurs pères ont marché, les ont fait errer; et j’enverrai un feu dans Juda, et il dévorera les palais de Jérusalem» (v. 4, 5).
Si Dieu n’abandonne jamais ses promesses, il ne révoque jamais non plus son arrêt, bien moins encore quand il s’agit de son peuple et non de ceux qui l’oppriment. Vis-à-vis des nations, il est l’avocat de son peuple et prend en main sa cause; mais à l’égard des siens son jugement est d’autant plus sévère que leur proximité de Dieu a été plus grande. La sévérité de ce jugement se montre en ce que Dieu assimile complètement Israël aux nations, objets de son châtiment irrévocable. Les «trois et quatre transgressions» sont aussi comptées à Juda. Dieu ne lui donne, chose importante à remarquer, qu’une seule raison de son jugement: ses rapports avec l’Éternel. Il punit les nations selon leur conduite envers son peuple; il punit son peuple selon sa conduite envers Lui. Tout est contenu dans cette simple question. Avait-il honoré ou méprisé la parole de Dieu ? Avait-il gardé ses préceptes ? La discipline de Dieu envers nous sur la terre (car il s’agit du gouvernement de Dieu et non du jugement éternel), dépend avant tout de l’influence que la Parole exerce sur notre vie et notre conduite. La négliger nous assimile au monde. Pensons-nous assez que l’observation de sa Parole (Apoc. 3: 8) nous acquiert l’approbation du Seigneur, et que le mépris de sa loi nous fait encourir son jugement ? En quoi l’avaient-ils méprisée ? En ce qu’au lieu de garder les statuts de l’Éternel ils avaient suivi les mensonges idolâtres après lesquels leurs pères avaient marché. Du moment que nous négligeons la parole de Dieu, il se fait un vide dans notre coeur, et le monde ne tarde pas à le combler.
Aux versets 6 à 16 Israël, c’est-à-dire les dix tribus, à part, comme Juda, au jugement des nations. Nous l’avons dit: les dix tribus forment le sujet spécial de la prophétie d’Amos; aussi les causes de leur châtiment sont-elles beaucoup plus détaillées que pour Juda. L’arrêt prononcé sur Israël est tout aussi inexorable que les autres. Dieu avait enregistré toutes les transgressions d’Ephraïm. Sa conduite était déterminée par une basse cupidité qui s’attaquait aux justes, aux pauvres, aux chétifs, aux débonnaires, à ceux sur lesquels repose en tout temps le bon plaisir de Dieu, à ceux qu’il avait envoyés sans défense dans ce monde, comme des agneaux au milieu des loups, à ceux enfin que le Seigneur déclare bienheureux, car ils, hériteront de la terre sur laquelle la méchanceté des hommes ne leur accorde aucune place.
Si l’état de Juda est le mépris de la Parole, celui d’Israël peut se résumer en un mot : l’absence de crainte de Dieu. Ils avaient «vendu le juste pour de l’argent». Plus tard Juda suivit le même chemin en livrant, pour trente pièces d’argent, le juste par excellence entre les mains des hommes. «Et le pauvre pour une paire de sandales», objet commun et sans valeur, qu’on se procurerait même sans bourse délier. C’est ainsi qu’ils estimaient ceux que Dieu prisait au-dessus de tout. «Eux qui désirent ardemment de voir la poussière de la terre sur la tête des chétifs»: Ils aspiraient à voir les misérables dans le deuil pour que, dénués de tout, ils devinssent leur proie et qu’ils en profitassent pour les réduire en esclavage. «Et qui pervertissent le chemin des débonnaires» : Les débonnaires joignent la douceur à la bonté dans leurs rapports avec les hommes. Le Seigneur était débonnaire et humble de coeur; il communique son caractère à ses bien-aimés qui, par la connaissance de Christ, sont capables de reproduire ses traits. «Pervertir leur chemin», c’est les accuser d’être en contradiction, dans leur conduite, avec leur profession, afin de les arrêter dans le chemin qu’ils désirent suivre à la gloire de Dieu, et pour le bien des hommes. Ces accusations dénotent toujours une haine cachée contre Christ, dont les siens, au milieu de beaucoup de faiblesses et d’infirmités avouées, cherchent à reproduire le caractère. Les tendances hostiles du coeur des hommes ne se montrent pas toujours à nu, et se déguisent souvent de manière à tromper tout le monde sur les vrais ressorts de leur conduite, occupée tout entière au soin de leurs propres intérêts. Tôt ou tard cependant les gains retirés par eux, en prenant en gage le bien du pauvre et en mettant à l’amende le prochain (v. 8), engendrent la corruption et servent à alimenter les moeurs les plus éhontées. Même le respect dû à la famille, la crainte que les parents doivent inspirer à leurs enfants, sont oubliés pour assouvir les plus basses convoitises (v. 7). Dans cet état composé de lucre, de corruption, de mépris du vrai peuple de Dieu, ces hommes «s’étendent à côté de chaque autel», car la religion qu’ils professent n’est pas celle du vrai, du seul autel de Dieu, mais une religion n’ayant de la vraie que l’apparence. Un tel tableau ne diffère pas, moralement, de celui du monde chrétien.
Cependant, que n’avait pas fait l’Éternel pour ce peuple ? L’histoire passée d’Israël prouvait l’intérêt que Dieu lui portait: Il avait exterminé les Cananéens devant lui, avait anéanti la puissance de Satan s’opposant à ce qu’il possédât le pays de la promesse. Malgré leur taille aussi haute que les cèdres orgueilleux, malgré leur puissance aussi forte que les chênes, ils n’avaient pu tenir tête à Israël; ils avaient été exterminés, racine et fruits (v. 9), et ne valaient pas mieux qu’un tronc d’arbre desséché, destiné au feu.
«Et moi, je vous ai fait monter du pays d’Égypte, et je vous ai fait marcher dans le désert quarante ans, pour posséder le pays de l’Amoréen» (v. 10). Dieu leur rappelle ici comment il leur avait finalement procuré la victoire en accomplissant à leur égard l’oeuvre du salut. Cette oeuvre consiste en deux facteurs indispensables: 1° «Je vous ai fait monter du pays d’Égypte». C’est la rédemption qui nous délivre du monde et de l’esclavage de Satan. 2° «Je vous ai fait marcher dans le désert quarante ans». C’est la discipline sans laquelle nous ne pourrions atteindre notre Canaan céleste. Sans doute, la rédemption est suffisante pour donner au croyant l’accès immédiat du Paradis, mais, comme racheté, il est ici-bas l’objet d’une action continuelle de la Parole, pour le purifier et le sanctifier, car sans la sainteté, nul ne verra le Seigneur. Ainsi, en Eph. 5, le Seigneur s’est livré lui-même pour l’Assemblée, notre rédemption étant le fruit de son amour pour nous; puis il sanctifie l’Assemblée en la purifiant par le lavage d’eau, par la Parole, car il veut se la présenter n’ayant ni tache, ni ride, sainte et irréprochable, dans la gloire. C’est là ce qu’en type Israël aurait dû connaître, mais, devant tant de grâces et de soins, il avait abandonné Dieu et sa loi. Cependant la patience de l’Éternel envers eux ne s’était pas lassée : Il leur avait suscité des prophètes d’entre leurs fils, et d’entre leurs jeunes gens des Nazaréens ; des prophètes, porteurs de sa Parole, pour les ramener par la repentance, au Dieu dont ils s’étaient détournés, et les rendre attentifs à ses jugements et à ses miséricordes — des Nazaréens, dont l’exemple prêchait l’abstention des souillures du monde, le refus de tout ce qui produit l’ivresse en satisfaisant les convoitises de la chair, en un mot une vie sanctifiée. Mais, dit l’Éternel, «vous avez fait boire du vin aux Nazaréens, ,et vous avez commandé aux prophètes, disant: Ne prophétisez pas». Eux, les «ivrognes d’Ephraïm», avaient écarté le témoignage gênant des Nazaréens en les obligeant à faire comme eux; ils avaient imposé silence aux prophètes. Par inimitié contre Dieu, ils avaient séduit ou opprimé ses serviteurs.
Cette absence de toute crainte de Dieu est la cause d’un jugement sur Israël, comparé (v. 13) à un char chargé de gerbes au jour de la moisson, qui passe, ébranlant le sol sous le poids des essieux. Quand la récolte sera engrangée, eux seront foulés sous les roues. Image saisissante du jugement qui allait atteindre Israël et dont le tremblement de terre, annoncé par Amos devait être l’avant-coureur ! Les versets 14-16 montrent l’impossibilité d’échapper à ce cataclysme. Force pour résister au jugement prochain, puissance pour le vaincre, armes pour le combattre, agilité pour lui échapper, courage pour l’affronter — tout manquera à l’homme en ce jour-là : devenu la proie du jugement, il s’enfuira tout nu devant Dieu.
Tel est l’irrévocable arrêt contre les dix tribus moins de cent ans après, il fut exécuté.
Dans la première division, de notre prophète (chap. 1-2) nous avons vu que les mots: «Ainsi dit l’Éternel» annonçaient un jugement certain, déjà arrêté. Le décret ne pouvait être révoqué. Juda, puis les dix tribus, n’étaient pas séparés des nations environnantes. La seule différence est que, plus rapprochés de l’Éternel, donc plus coupables que les peuples idolâtres leurs voisins, les griefs formulés contre eux dépassent les premiers en nombre et en gravité. Israël surtout avait mis le comble à ses iniquités. Son état moral était pire encore que ses actes. Si Juda était taxé de désobéissance, du mépris de la parole divine et d’idolâtrie, Israël était caractérisé par l’absence absolue de crainte de Dieu : telle était leur condition spirituelle. Les nations sont jugées pour leur conduite envers le peuple de Dieu, Israël, en particulier, pour sa conduite envers l’Éternel, dans la personne de ceux qui Le représentent ici-bas, pauvre Résidu sur lequel Ses yeux reposent avec complaisance. Il en fut de même plus tard pour la tribu de Juda. Aux jours de Jésus, ceux qui confessaient leurs péchés, les «excellents de la terre» ; les pauvres, les débonnaires, les persécutés, étaient les objets spéciaux de sa sollicitude. L’Evangile était annoncé à ces pauvres du troupeau, les promesses leur étaient faites ; ils étaient déclarés bienheureux les consolations étaient pour eux, quand, semblables à leur Maître, ils étaient poursuivis, persécutés, mis à mort par les conducteurs de Juda. Dans cette seconde division une nouvelle interpellation, un suprême appel est adressé à Israël : «Écoutez cette parole !»
N’oublions pas que, lorsque Amos prophétisait, le peuple d’Israël sous Ozias, et particulièrement sous Jéroboam 11, après avoir subi des jugements terribles, mais partiels, était parvenu de nouveau au comble d’une prospérité relative. La richesse, le luxe, le repos, l’adoucissement, disons plutôt l’amollissement des moeurs, une vie de bien-être sans précédent depuis Salomon, caractérisaient ce peuple. On peut dire que ces temps ont plus d’un point de contact avec les nôtres. Jamais le monde ne semble avoir été plus florissant quant à ses intérêts matériels, alors que son oubli de Dieu, sa corruption morale ont atteint leur comble. Soudain la longue patience de Dieu arrive à son terme, au moment où le monde s’y attendait le moins et semblait le plus prospère. L’Éternel rugit de Sion; le tremblement e terre, annoncé par le prophète, s’abat sur Israël ; le cataclysme dont il est le centre l’atteint et s’étend à tous ses voisins !
Depuis ce troisième chapitre, l’Éternel s’adresse à l’ensemble du peuple, sans perdre de vue son objet principal, et le plus proche : le jugement terrible qui, sous peu d’années, s’abattrait sur les dix tribus.
«Écoutez cette parole que l’Éternel prononce sur vous, fils d’Israël, sur la famille entière que j’ai fait monter du pays d’Égypte, disant: Je vous ai connus, vous seuls, de toutes les familles de la terre ; c’est pourquoi je visiterai sur vous toutes vos iniquités» (v. 1, 2). Dieu ne sépare pas la famille entière, quand il parle de ses miséricordes passées. La division des tribus était le fruit de leurs péchés et Dieu l’avait permise comme jugement sur elles et non point par une faveur spéciale. Le temps arriverait où le lien rompu entre Juda et Israël serait rétabli et où ces frères ennemis réunis par la grâce, habiteraient de nouveau bien unis ensemble. Pour le moment Dieu les réunit dans le jugement; mais c’était comme «famille entière» qu’Il les avait jadis rachetés d’Égypte. La rédemption les avait considérés comme formant une unité, la régénération les verra réunis en un. Il en est de même de l’Eglise. Jadis Christ l’a aimée et s’est donné lui-même pour elle; aujourd’hui elle est bien plus divisée que les douze tribus ne l’ont jamais été. Dans l’avenir le Seigneur se la présentera une, son Épouse purifiée, sans tache ni ride, dans la gloire. Aujourd’hui le Seigneur lui dit: «Écoutez cette parole». Israël étant mis à part de toutes les nations qui l’entouraient, une responsabilité très grave en était pour lui la conséquence: «C’est pourquoi je visiterai sur vous toutes vos iniquités». Nous ne pouvons assez méditer cet important principe. La grandeur de notre responsabilité se mesure à la grandeur de notre privilège. Un Moïse, l’ami de Dieu, est jugé plus sévèrement pour un seul manquement qu’un ignorant qui ne jouit pas de ce privilège, ou n’y a pas de part. Il en est de même pour les peuples. Ceux qui ont été illuminés des clartés de la Parole sont jugés plus sévèrement que ceux qui, en étant privés, ont vécu dans la nuit de l’ignorance. Les plus privilégiées des nations protestantes méprisent celles qui vivent dans les ténèbres du catholicisme, oubliant que c’est sur elles-mêmes que tomberont les coups les plus sensibles. Elles doivent avoir affaire à Dieu et non pas se vanter de leurs privilèges. C’est avec Dieu que l’homme est en chemin. «Deux hommes peuvent-ils marcher ensemble s’ils ne sont pas d’accord ?» (v. 3). Cette vérité s’applique aussi bien aux peuples qu’aux individus. En Luc 12: 54-59, les hommes auraient dû discerner le temps du Seigneur et comprendre que si la grâce était avec eux dans ce moment-là comme une ondée, le jugement brûlant, le vent du midi, dont il est dit: «Il fera chaud», était près de souffler. Les choses en étant là, ne voyaient-ils pas qu’il s’agissait pour eux d’échapper au jour de jugement ? «Quand tu vas avec ta partie adverse devant le magistrat, efforce-toi en chemin d’en être délivré, de peur qu’elle ne te tire devant le juge; et le juge te livrera au sergent, et le sergent te jettera en prison. Je te dis que tu ne sortiras point de là, que tu n’aies payé jusqu’à la dernière pite.» Pour les individus comme pour les peuples, le seul moyen d’échapper au pouvoir judiciaire est de s’efforcer d’en être délivré, tandis qu’on est en chemin avec lui. Comment cela peut-il se faire ? En acceptant d’avance comme juste le jugement mérité, en se reconnaissant coupable, et en ayant recours à la grâce.
Dans notre passage, l’Esprit nous montre plutôt l’impossibilité de marcher avec Dieu si l’on n’est pas d’accord avec Lui. La prétention du monde à posséder la faveur de Dieu contredit absolument ce que la Parole nous présente ici. Le monde n’est nullement d’accord avec Dieu sur la nécessité de sa propre condamnation. Il parle de sa juste cause, prétend combattre pour la justice et pour le droit, et ne voit pas que Dieu le taxe d’iniquité et d’injustice, que Dieu est foncièrement en désaccord avec lui, et ne peut prendre en main sa cause, puisqu’il est perdu sans espoir. Oui, le jugement est à la porte: Israël ne s’en apercevait pas. Le lion rugissait dans la forêt, ayant déjà sa proie et prêt à la dévorer. Le lionceau, instrument de jugements moindres ou partiels, avait pris quelque chose. Le filet était tendu pour l’oiseau imprudent qui allait tomber dans le piège. Celui-ci allait se lever du sol, retenant captifs dans ses mailles ceux qu’il avait attirés. Déjà les avertissements s’étaient fait entendre, la trompette avait sonné dans la ville... le peuple avait-il tremblé ? Avait-il reconnu la main de l’Éternel quand le mal s’était abattu sur quelque région limitée du territoire d’Israël ? (v. 4-6). Dieu avait proclamé l’imminence des jugements; les forêts, les champs, les villes d’Israël en étaient les témoins; mais où se trouvaient des oreilles pour entendre ?
Et pourtant Dieu ne s’était pas contenté de parler par des calamités ou des jugements partiels. Il n’avait rien exécuté sans avertissement préalable : «Or le Seigneur, l’Éternel, ne fera rien, qu’il ne révèle son secret à ses serviteurs les prophètes» (v. 7). Tel était le rôle des prophètes, dont le nombre se multipliait d’autant plus en Israël que le jugement était plus proche. Dieu leur avait révélé son secret: ce fait est d’une importance capitale pour tous les temps. Les Ecritures remplacent maintenant le prophète, car il était en Israël le messager de la parole de Dieu et annonçait le secret du Seigneur. Pour connaître ce secret, nous pouvons aujourd’hui consulter la Parole. Elle nous fait connaître comme le prophète en Israël, le jugement de Dieu et la grâce qui s’élève au-dessus du jugement. Nous sommes aujourd’hui les confidents de ce secret renfermé dans les Ecritures. Soyons-y attentifs. Restons avec le prophète et non avec le monde qui ne veut pas écouter le secret révélé au serviteur de l’Éternel quand le lion a rugi. Annonçons aux hommes le seul moyen d’échapper au juge. Comme le prophète qui avait le secret de Dieu, notre part est d’être absolument séparés d’un monde mûr pour le jugement. Hélas 1 comme Israël il nous commande aujourd’hui, disant: «Ne prophétisez pas !» (2: 12). Toutefois, que rien ne nous entrave: «Le lion a rugi: qui n’aura peur ? Le Seigneur, l’Éternel, a parlé: qui ne prophétisera ?» Les hommes ont beau chanter pour se donner du courage, exulter en proclamant d’avance la victoire: Ils ont peur ! Le nuage, sillonné d’éclairs, descend toujours plus bas sur leur tête, grandit sur eux, les enveloppe; ils ont peur en chantant des hymnes de triomphe. Ils emploient toute leur énergie pour vaincre la tempête ; ils s’écrient : Je tiens ferme, je réussis, mes forces viendront à bout de la furie des éléments — dans le fond de leur âme ils ont peur. Jamais ils ne l’avoueront, mais qu’ils soient dans un camp ou dans l’autre, ils ont peur. Peuvent-ils quelque chose contre le lion qui a rugi, contre l’Éternel qui a parlé, contre le dominateur, déjà en possession de sa proie ? La tâche du croyant est de prophétiser, parce qu’il a le secret de Dieu. Chrétiens, ne manquons pas de le faire; que notre voix, que la parole de Dieu soit entendue distinctement au milieu des éléments déchaînés, ne fût-ce que pour convaincre le monde de péché, de justice et de jugement, ne fût-ce que pour sauver du piège de l’oiseleur quelque pauvre oiseau fasciné par le miroir sur lequel un filet a été tendu !
Au v. 9 Dieu appelle la Philistie (Asdod) et l’Égypte à s’assembler sur les montagnes de Samarie pour voir «la grande confusion qui est au milieu d’elle, et les oppressions qui ont lieu dans son sein: et ils ne savent pas faire ce qui est droit... eux qui amassent la violence et la rapine dans leurs palais». Ce n’est pas que Dieu disculpe ces nations, car la Philistie a été signalée au premier chapitre comme un des objets du jugement, à cause de l’oppression exercée sur les captifs des dix tribus, et Dieu prend ces nations à témoin des iniquités d’Éphraïm, afin qu’elles comprennent que, s’il juge Israël par leur moyen, ce n’est pas qu’il les tienne pour innocentes, mais qu’Il revendique d’autant plus son caractère vis-a-vis de tout mal, là où Son nom est invoqué. Combien peu cette vérité est comprise aujourd’hui ! Une nation qui en asservit une autre croit que Dieu l’emploie et l’approuve parce qu’elle est meilleure que son ennemi vaincu. Qu’elle médite ces versets ! Dieu se sert de la Philistie et de l’Égypte pour châtier et non comme preuve de faveur sur ces nations. «Le reste des Philistins périra» (1 : 8), avait dit le Seigneur. Qu’ils prennent donc garde ! Ils ne seront pas les objets de la grâce au milieu du renversement opéré par eux, mais du sein du peuple, écrasé par le jugement, l’Éternel sauvera un pauvre petit Résidu. «Comme le berger sauve de la gueule du lion deux jambes ou un bout d’oreille, ainsi seront sauvés les fils d’Israël qui sont assis à Samarie sur le coin d’un lit, et sur le damas d’un divan» (v. 12). Il en restera des débris qui, tout mutilés qu’ils soient, pourront être reconnus du berger auquel ils appartiennent. Le Résidu d’un peuple, voué à la destruction, sera recueilli par le pasteur du troupeau. Un seul homme, Christ, est sorti indemne de la gueule du lion sans être dévoré. En butte aux traits des tireurs de l’arc, «sa force est restée en son entier»; au sein même de la mort Il a été «la puissance de Dieu».
Ce petit Résidu est l’objet de la sollicitude de l’Éternel. On le voit reparaître au chap. 5, vers. 15: «Peut-être l’Éternel, le Dieu des armées, usera-t-il de grâce envers le reste de Joseph», s’il revient au bien. Ce même Résidu est encore, au chap. 4, vers. 11 comme «un tison sauvé d’un incendie». De même, au chap. 9: 8, en parlant des douze tribus il dit: «Seulement je ne détruirai pas entièrement la maison de Jacob». Puis vient l’annonce de ce que l’Éternel fera à la fin des jours, quand il rétablira Israël (v. 11-15). Toutes les voies de Dieu envers son peuple se terminent par un chant de triomphe. Ses jugements sont invariablement suivis du résultat de sa fidélité à ses promesses, en un mot de sa grâce !
«Écoutez», dit le Seigneur (v. 13). Les prophètes avaient fait entendre aux ennemis le cri de rassemblement (v. 9). Ici, ces mêmes prophètes rendent partout témoignage en Israël, car ils sont seuls à écouter. Le tremblement de terre ne vous a-t-il pas servi d’avertissement ? La destruction atteindra vos faux autels ; celui de Béthel tombera à terre. Sous Jéroboam 1er, le vieux prophète avait prophétisé contre ce même autel de Béthel. Séance tenante sa malédiction S’était réalisée (1 Rois 13: 2, 5) comme signe de ce qui allait arriver. Josias accomplit cette prophétie (2 Rois 23: 15) cent ans environ après les paroles d’Amos, car, nous l’avons dit souvent, le trait particulier de ce prophète est d’annoncer des jugements prochains.
Toute la prospérité et les richesses accumulées par les hommes efféminés de Samarie disparaîtront dans la tourmente: «Je frapperai la maison d’hiver avec la maison d’été, et les maisons d’ivoire périront, et beaucoup de maisons cesseront d’exister, dit l’Éternel» (v. 15).
L’opulence dont le monde se vante et qu’il recherche comme son but suprême est un des traits particuliers de ce prophète (voyez 3: 12, 15; 5: 11; 6 , 1: 4-6). Tout cela est jugé (*).
(*) Une seconde charge qui revient souvent dans ce livre est l’oppression des chétifs (voyez 2: 7-8; 3: 10; 4: 1; 5: 11; 8: 5-6).
Ici nous entendons pour la seconde fois (v. 1; voyez 3: 1): «Écoutez cette parole». Le prophète ne s’adresse plus à la famille entière d’Israël, comme au v. 1 du chap. 3, mais aux dix tribus et à la montagne de Samarie. Il descend, pour ainsi dire, de son observatoire élevé de Thekoa, entre sur le territoire d’Ephraïm et prophétise à Béthel:
«Écoutez cette parole, vaches de Basan, qui êtes sur la montagne de Samarie, qui opprimez les chétifs, qui écrasez les pauvres, qui dites à vos maîtres : Apporte, afin que nous buvions ! Le Seigneur, l’Éternel, a juré par sa sainteté, que, voici, des jours viennent sur vous, où il vous enlèvera avec des hameçons, et votre postérité avec des haims de pêche. Et vous sortirez par les brèches, chacune droit devant elle, et vous serez lancées vers Harmon, dit l’Éternel» (v. 1-3).
La première comparaison est tirée des images si fréquentes chez Amos, suggérées par les troupeaux. Les «vaches de Basan» ne sont point, comme quelques-uns ont pensé, les femmes de Samarie, en contraste avec les «taureaux de Basan», image de la force brutale; mais elles représentent ici un troupeau de choix engraissé dans les plantureux pâturages du plateau de Basan, au-delà du Jourdain. Leur nourriture est l’oppression des chétifs et l’écrasement des pauvres. Les maîtres qui les paissent, leurs rois, leur fournissent de quoi satisfaire leur soif de bien-être. Je crois que l’ivrognerie, si souvent signalée comme une des plaies d’Ephraïm, n’est pas exclue de cette image (voyez pour notre prophète 2: 8; 5: 11; 6 : 6). Tout ce passage se rapporte à la prospérité matérielle de Samarie et aux excès qui l’accompagnent, mais ce bien-être est acquis aux dépens des chétifs et des pauvres qu’elle opprime. En petit, cette histoire d’Israël est une figure de l’histoire du monde à la veille de sa ruine finale. De plus en plus l’ambition des hommes et de leurs gouverneurs tend aujourd’hui vers la prospérité matérielle. Un gouvernement qui satisfait à cette demande: «Apporte, afin que nous buvions» est le bienvenu de son peuple. Les riches eux-mêmes forment des «trusts» pour acquérir des milliards, ruinent toutes les petites industries et les empêchent de vivre. Les Etats font des efforts immenses et soutenus pour acquérir la prépondérance industrielle sur les autres nations et empêcher leur développement. Avec la prospérité matérielle, les excès, l’immoralité augmentent et se multiplient. La réforme morale est, malgré les apparences, entièrement étrangère à l’esprit des hommes, car «la crainte de Dieu n’est pas devant leurs yeux». L’Éternel rugit de Sion, et en un instant toute cette prospérité est frappée de mort. La sainteté de Dieu n’a pu supporter plus longtemps toute cette injustice. N’est-ce pas un exemple frappant de ce qui nous arrive aujourd’hui ? Les jours sont venus : l’épouvante tombe sur le troupeau affolé, qui sort en masse par les brèches, dans une confusion inexprimable, ne sachant où son chemin le conduit. Ici survient une autre image, fréquente dans les prophètes pour indiquer le résultat des invasions de l’ennemi: les hameçons pour prendre chaque poisson et l’amener à la mort, les haims de pêche (d’autres traduisent les crocs) pour les réduire en captivité. «Harmon» n’a pas été identifié et a donné lieu à beaucoup de commentaires; je pense qu’il indique le lieu où la population de Samarie va être transportée.
«Venez à Béthel, et péchez ! À Guilgal, multipliez la transgression ! Apportez le matin vos sacrifices, tous les trois jours vos dîmes; et faites fumer du pain levé en sacrifice d’actions de grâces; et publiez des offrandes volontaires, annoncez-les ! Car c’est ainsi que vous aimez à faire, fils d’Israël, dit le Seigneur, l’Éternel» (v. 4, 5).
Avec la satisfaction de leurs convoitises, un second trait les caractérise: leur religion. Ce qui la rend plus odieuse, c’est qu’ils en ont gardé la forme extérieure. Béthel, où Dieu s’était révélé à Jacob, où Jacob, près d’y retourner, avait enterré toutes les idoles de sa famille (Gen. 35: 1-5) ; Béthel, lieu dont l’idolâtrie avait été bannie, était devenue le lieu du veau associé par Jéroboam 1er, au nom de l’Éternel ! Ce spectacle n’est-il pas, dans une mesure, celui qu’offre la chrétienté ? Elle a gardé l’apparence extérieure du culte de Dieu, en y introduisant ses idoles. Guilgal, où la chair avait été jugée et retranchée, offrait le même culte hybride; l’homme y apportait son impureté et ses transgressions ! À jour fixe il venait offrir à Dieu des sacrifices et des dîmes, et faisait fumer du pain levé, un culte dans la chair, au lieu des pains sans levain d’une vie sainte, consacrée à l’Éternel. Il publiait des offrandes volontaires, pour s’acquérir devant le monde un renom de piété, car il n’avait aucune pensée de les offrir à Dieu.
Les jugements de Dieu étaient la conséquence de cette fausse religion; la famine, la sécheresse, atteignaient un homme et épargnaient son voisin, preuve évidente que ces plaies ne pouvaient être attribuées au hasard, mais à Dieu lui-même qui les infligeait. La perte de leurs récoltes, une peste pareille à la plaie d’Égypte qui était tombée jadis sur leurs ennemis, un renversement comme la subversion de Sodome et de Gomorrhe, les avaient visités; un tison sauvé de l’incendie, misérable reste, déjà à moitié consumé, leur restait encore (v. 4-11). «Et vous n’êtes pas revenus à moi, dit l’Éternel !» Cinq fois ce terme douloureux de reproche se répète. Rien n’avait pu les amener à la repentance. Ils n’avaient pas entendu l’appel : «Écoutez cette parole», n’avaient pas compris que Dieu leur parlait par ces événements, et ne s’étaient pas convertis. Le monde d’aujourd’hui est-il meilleur qu’Israël ? La chrétienté a-t-elle prêté l’oreille à tant d’avertissements partiels qui se répétaient, au cours des années ? Il a fallu, comme jadis, que «le lion rugît». Si le berger arrache encore quelques restes à l’ennemi, si le sauveteur retire encore quelque tison de l’incendie, l’ensemble de la nation ne revient pas à Dieu. Que lui sera-t-il fait et quel sera son sort ? il ne lui reste qu’une chose: «Prépare-toi à rencontrer ton Dieu. Car voici, Celui qui forme les montagnes et qui crée le vent, et qui déclare à l’homme quelle est sa pensée, qui de l’aube fait des ténèbres, et qui marche sur les lieux hauts de la terre — l’Éternel, le Dieu des armées, est son nom !» (v. 12, 13). Quel sera, dans ce moment-là, le sort des hommes> ? Israël avait-il pu supporter, malgré toute sa préparation, la présence de Dieu assis sur le Sinaï ? (Ex. 19: 11, 15). Épouvantés et tout tremblants, ils auraient voulu que la parole ne leur fût pas adressée ! Lorsqu’ils se préparent à le rencontrer, leur sentence est déjà prononcée d’avance. Dieu les jugera non seulement d’après leurs actes, mais d’après l’état de leur coeur, lui qui en connaît les intentions et qui «déclare à l’homme quelle est sa pensée»; et quand ce jour se lèvera pour Israël, pour l’homme, ce sera l’aube des ténèbres éternelles (voyez Joël 2: 2).
Le premier avertissement: «Écoutez cette parole» — était adressé à «la famille entière» d’Israël, à qui le Seigneur avait envoyé ses prophètes; mais ils ne les avaient pas écoutés. Alors ces derniers avaient été appelés à assembler contre eux, et tout d’abord contre Samarie, la Philistie et l’Égypte, puis à rendre témoignage contre leur mondanité et leur idolâtrie (3: 13-15).
Le second avertissement : «Écoutez cette parole» ne s’adressait plus qu’à la montagne de Samarie, à sa recherche insatiable de prospérité matérielle et au mélange odieux du culte de l’Éternel avec celui des faux dieux. Tous les appels avaient été vains; le jour allait venir où ils rencontreraient Dieu face à face.
Mais Dieu ne se lasse pas ; Il dit une troisième fois: «Écoutez cette parole» (v. 1). Trois est le nombre divin; ici la perfection dans l’avertissement. Qu’il récompense, juge ou avertisse, Dieu le fait selon la perfection de son caractère.
Cette parole est une complainte sur la maison d’Israël qui n’est pas revenue, après tant d’avertissements divers. Il ne reste pour elle que la guerre et ses défaites (v. 1-3); et combien cette parole est appropriée aux jours que nous traversons ! La vierge d’Israël «est tombée, elle ne se relèvera pas... elle est étendue sur sa terre, il n’y a personne qui la relève» (v. 2). Elle a perdu presque tous ses guerriers et ne peut plus se défendre contre ses ennemis: «La ville qui allait en campagne avec mille, en aura cent de reste; et celle qui allait en campagne avec cent, en aura dix de reste, pour la maison d’Israël» (v. 3). «Ainsi dit le Seigneur, l’Éternel»: son sort est fixé désormais.
Au v. 4, cette parole de l’Éternel : «Ainsi dit l’Éternel» (comp. chap. 1 et 2), vient à Israël une dernière fois. Comme tout cela est à la fois solennel et touchant ! C’est une dernière porte ouverte sur la vie et sur le salut: «Ainsi dit l’Éternel à la maison d’Israël: Cherchez-moi, et vous vivrez». «Cherchez l’Éternel, et vous vivrez !» (v. 4, 6). La sentence de mort est déjà prononcée, mais il suffit que vous me cherchiez, après avoir si obstinément refusé de revenir à moi, pour que l’exécution de la sentence soit ajournée. Ne cherchez pas Béthel, ni Guilgal, ni Beër-Sheba, car toute cette fausse religion sera réduite à rien: Béthel deviendra Beth-Aven. Ce n’est pas d’une religion que vous avez besoin, mais de Dieu: «L’Éternel est son nom» (v. 8). Le sort d’Israël est arrêté pour sa ruine, mais le sort de celui qui cherche l’Éternel au milieu de la ruine est aussi arrêté pour la vie éternelle. Donc, il n’est pas trop tard, mais c’est la dernière heure ; prenez-y garde ! L’ombre de la mort peut être changée en matin sur un seul signe de l’Éternel; mais aussi un seul signe de Lui peut transformer le jour en ténèbres de la nuit. En un instant aussi il peut produire un bouleversement tel que la mer se déverse sur la face de la terre (v. 8). Ces choses auront lieu subitement, comme, deux ans après, eut lieu le tremblement de terre.
Ont-ils écouté ? Ont-ils cherché Dieu ? (v. 10-12.) Hélas ! tous leurs caractères sont énumérés dans les quelques versets qui suivent : leur haine pour celui qui les reprend à la porte, lieu où la justice est rendue et proclamée publiquement devant les anciens; leur abomination de celui qui dit la vérité avec une bonne conscience et un coeur pur; leur oppression du pauvre et les tributs qu’ils lui réclament; leur promptitude à se laisser corrompre pour faire fléchir, devant les juges, le droit du pauvre: tout cela en vue de nourrir leur luxe et de satisfaire leurs convoitises. Quelle parole que celle-ci: «Ils oppriment le juste !» Le monde n’a-t-il pas inventé cette affreuse maxime: La force prime le droit ? «Ils oppriment le juste !» N’ont-ils pas agi de même envers Jésus ?
«C’est pourquoi, en ce temps-ci, le sage gardera le silence, car c’est un temps mauvais» (v. 13). Cette vérité est importante pour le jour actuel. Il ne s’agit pas pour le sage, pour celui qui connaît les pensées de Dieu, de s’opposer au mal: il est si grand dans le monde que le jugement seul peut y répondre. Le courant est trop fort pour le rompre, ou l’endiguer. Le sage garde le silence, et se réfugie dans le sanctuaire, loin de toute l’agitation qui l’entoure; il ne proteste pas, n’élève pas la voix, garde ses lèvres closes, se fiant à Dieu pour qu’il intervienne, ne sachant souvent ce qu’il faut demander comme il convient, et se bornant aux soupirs inexprimables de l’Esprit audedans de lui. Il attend le moment où il pourra de nouveau ouvrir la bouche pour célébrer le triomphe, en justice, du seul Seigneur auquel appartienne la victoire.
Si l’invitation à écouter s’est répétée trois fois (3: 1; 4: 1; 5: 1), celle à «chercher l’Éternel» pour vivre se répète trois fois aussi (v. 4, 6, 14). Quelle sollicitude de la part de Dieu ! Ce chiffre divin exprime bien son ardent désir de voir l’homme échapper à la mort. L’Éternel lui rend le chemin facile ! Un seul désir du coeur vers Lui et le pécheur trouve la vie : «Cherchez-moi», «Cherchez l’Éternel». «Recherchez le bien, et non le mal, afin que vous viviez.» Vous me trouverez en le cherchant ; vous le rechercherez en me trouvant ! La connaissance de Dieu fait toujours désirer le bien et nous rend capables de le faire, car, en cherchant le Seigneur nous trouvons la vie, une vie capable de haïr le mal et d’aimer le bien (v. 15). Le silence du juste n’est nullement l’indifférence au mal, qu’il doit haïr, mais il lui faut avant tout rechercher une sphère d’amour qui élève sa tête par-dessus les ennemis qui l’entourent (Ps. 27: 5, 6).
Ah ! si le monde pouvait écouter ! «Peut-être», est-il dit, «l’Éternel, le Dieu des armées, usera-t-il de grâce envers le reste de Joseph» (v. 15). Hélas ! hélas ! son état est sans remède ! Cependant il y a un reste de Joseph : les opprimés que le Seigneur chérit et dont il prend la cause ; un petit Résidu, car l’ensemble de la nation est irrémédiablement perdu.
Remarquez encore trois : «Ainsi dit l’Éternel» dans ce chapitre (v. 3, 4, 16); de nouveau le nombre de la perfection divine. Ce même mot se répétait huit fois (Il X 4) dans les deux premiers chapitres, en rapport avec le gouvernement de la terre; ici trois fois, en rapport avec le peuple de Dieu. À la troisième fois le jugement est prononcé définitivement et sans appel: «Je passerai au milieu de toi, dit l’Éternel». Nous verrons aux chap. 7: 8 et 8: 2 qu’il n’y a plus pour ce peuple de délivrance par l’agneau pascal, nous voyons ici qu’il ne reste plus pour Israël que le jugement mémorable exécuté contre l’Égypte, la nuit où l’agneau pascal fut égorgé: «Je sortirai au milieu de l’Égypte», avait dit l’Éternel; et encore: «Je passerai par le pays d’Égypte cette nuit-là» (Ex. 11: 4 ; 12: 12).
«Malheur à vous qui désirez le jour de l’Éternel ! À quoi vous servira le jour de l’Éternel ? Il sera ténèbres, et non lumière» (v. 18). Dans ces chapitres l’Éternel prononce deux «malheur» sur Israël ; au chap. 23 de Matthieu il en prononce sept, chiffre de la plénitude, parce que le peuple et ses conducteurs avaient mis le comble à leur iniquité en rejetant définitivement leur Messie, venu en grâce au milieu d’eux. Pauvre peuple ! il compte ici sur une ère de prospérité, accompagnant ou plutôt suivant le jour où la vengeance de Dieu se serait exercée sur les nations qui les opprimaient ! N’est-ce pas ce que l’on entend de toutes parts dans les jours que nous traversons ?
Le jour de l’Éternel qu’ils espéraient était celui où la vengeance de Dieu s’abattrait sur eux. Ici le «malheur» s’adresse de nouveau à tout Israël, à la «famille entière» (voyez 3: 1). Ils comptaient avoir Dieu pour eux, et il était contre eux, à la manière d’Égypte. Ils s’appuyaient sur leur religion, mais qu’était-elle pour Dieu ? «Je hais, je méprise vos fêtes, et je ne flairerai pas de bonne odeur dans vos assemblées solennelles ; si vous m’offrez des holocaustes et vos offrandes de gâteau, je ne les agréerai pas, et je ne regarderai pas le sacrifice de prospérités de vos bêtes grasses. Ôte de devant moi le bruit de tes cantiques; et la musique de tes luths, je ne l’écouterai pas» (v. 21-23). N’est-ce pas ce que dit Ésaïe ? (1: 10-15). Le Seigneur hait la religion de l’homme; c’est le coeur qu’Il recherche, et la conscience, non pas les formes. Il en est de même aujourd’hui. On peut se vanter d’avoir des formes de culte correctes et scripturaires, penser qu’elles attirent sur les peuples l’approbation de Dieu et le privilège d’avoir Dieu pour eux; on crie: «Dieu est avec nous», et l’on oublie ses jugements. Le jour de lumière attendu sera un jour de ténèbres, celui de l’Éternel, le contraire d’un jour de délivrance (v. 18, 20; 5 : 8). On s’enfuit de devant le lion dévorant, mais un autre jugement vous rencontre pour vous étouffer ; on croit avoir trouvé un refuge, une maison, une muraille, sur laquelle on s’appuie et l’on met la main sur le serpent qui vous mord, au lieu de trouver Dieu qui vous protège. Dieu hait toutes les formes extérieures de culte; les sacrifices et les cantiques ne trompent pas Dieu. Le jugement est là; rien ne l’arrête. «Que le jugement roule comme des eaux, et la justice comme un fleuve qui ne tarit pas !» (v. 24). C’est là ce qui attend les hommes. Ils veulent la paix et la lumière sans rechercher le bien au lieu du mal — la protection de Dieu, sans la vie qui met à l’abri du jugement. N’est-ce pas toute leur histoire ? En avait-il été autrement dès leur sortie d’Égypte, d’où ils avaient apporté leurs faux dieux ? Etait-ce à Dieu qu’ils avaient offert pendant quarante ans des sacrifices et des offrandes dans le désert ? Jadis Dieu les avait supportés, car on ne voit pas trace de cette idolâtrie-là dans le récit de l’Exode où Dieu est occupé à leur montrer en figure, dans les sacrifices de la loi, l’expiation de leurs péchés par Christ, seul chemin pour qu’ils fussent réconciliés avec Lui. Mais Dieu avait pris note de toutes ces abominations depuis le Kiun de leurs images et l’étoile de leur Dieu, jusqu’au veau d’or, couronnement de leurs transgressions; et quand Lui les avait jugés, avaient-ils ensuite, pendant quarante ans, abandonné leur idolâtrie ? Telle est la cause première de son jugement final. Il était décrété, dans les voies de Dieu, qu’ils seraient transportés au-delà de Damas (v. 27). Depuis les jours d’autrefois leur révolte contre Dieu n’avait fait que s’accroître, jusqu’au rejet définitif du Fils de Dieu. C’est ce que dit Étienne, en leur annonçant que Juda serait transporté au-delà de Babylone (Actes 7: 43). Telle est encore aujourd’hui la condition de ce peuple. Le Dieu des armées (v. 27) n’était plus avec les armées d’Israël, ni, ajoutons-le, avec aucune armée, sauf pour s’en servir comme instrument de ses jugements.
Tout cela s’adresse à l’ensemble du peuple, bien que, dans Amos, les dix tribus soient toujours au premier plan.
Au chap. 6: 1, le second «malheur» tombe de nouveau sur l’ensemble du peuple et spécialement sur la prospérité dont il jouissait. Les grands, que la maison d’Israël tenait pour ses protecteurs, cherchaient à étendre leurs frontières. Jéroboam Il avait éloigné le mauvais jour en s’emparant des villes de l’ennemi. Il avait reconquis Hamath, importante frontière naturelle d’Israël (2 Rois 14: 28) parce que Dieu l’avait suscité comme «Libérateur» de son peuple, mais qu’étaient devenues Calné et Gath ? L’Assyrien les avait reprises. Hamath resterait-elle à ceux qui se vantaient d’être «la première des nations» ? Nous savons quel fut son sort (2 Rois 18: 34 ; 19: 13) et comment elle tomba aux mains de l’Assyrien. Qu’est-ce que Jéroboam avait fait de ses conquêtes ? Une prospérité sans exemple en était résultée pour Israël ; il avait profité de cet envahissement de territoires par la violence, pour accroître son luxe, pour se coucher «sur des lits d’ivoire», s’étendre mollement sur ses divans, manger «les agneaux du troupeau et les veaux gras de l’étable» (v. 4). David, le doux chantre d’Israël, avait inventé des instruments pour le chant, afin de célébrer dignement l’Éternel ; eux, aussi experts que le roi prophète, en avaient inventé, mais à leur usage (v. 5). L’apparence était la même que du temps de David, les motifs avaient complètement changé. Leur but était de s’établir confortablement sur la terre, et ne différait pas de celui de Jubal, «père de tous ceux qui manient la harpe et la flûte» (Gen. 4: 21). Ils étaient retournés aux principes sur lesquels le monde s’était constitué après la chute, mettant, en plus, sous la sauvegarde du nom de David, homme de Dieu, ce qui alimentait leurs passions égoïstes et leurs convoitises. Ils buvaient le vin de leur ivrognerie dans les coupes du sacrifice (voyez 1 Rois 7: 40) destinées à l’Éternel. Dieu se laissait-il tromper par les coupes, en oubliant le vin dont ils s’enivraient ? Ils s’oignaient «de la meilleure huile» destinée à la consécration des sacrificateurs; l’huile les rendait-elle agréables aux yeux de l’Éternel ? Ils se vantaient d’être la race élue et ne s’affligeaient «pas de la brèche de Joseph» (v. 6), ne menaient pas deuil sur la ruine d’Ephraïm dont ils étaient la cause. La brèche de Joseph ! Ce nom du bien-aimé, sur lequel, jusqu’aux collines d’éternité, reposaient les bénédictions de son père, ils l’avaient exposé à la ruine et se vantaient de leur civilisation ! Ne peut-on pas en dire autant de nos jours, au sujet du nom de Christ ? «C’est pourquoi, maintenant ils iront en captivité à la tête de ceux qui vont en captivité, et les cris de ceux qui sont mollement couchés cesseront» (v. 7). Plus leur culture mondaine, couverte d’un vernis religieux, avait été affichée, sans aucune conscience de leur ruine morale, plus terrible serait leur jugement. Ephraïm serait à la tête et Juda viendrait après lui.
Aux v. 8-10, le prophète revient à la maison de Jacob, représentée par Juda. Dieu a «en horreur l’orgueil de Jacob» et hait ses palais comme il avait haï et méprisé la religion d’Israël (5: 21). L’orgueil est aussi abominable à ses yeux que les apparences de la piété. La ville (je pense qu’il s’agit ici de Jérusalem) sera livrée à Babylone avec tout ce qu’elle contient. Les maisons regorgeront de morts; les dix qui restaient (cf. 5: 3) périront aussi. Un parent des morts vient pour les brûler, car ils manquent même de sépulture; l’homme chargé de rechercher les cadavres à l’intérieur de la maison ne trouve plus un seul survivant; il ne reste personne ! Alors il dit : «Silence ! car nous ne pouvons faire mention du nom de l’Éternel» (v. 10). Le jugement est consommé, exécuté jusqu’au dernier homme. Il n’est plus question d’en appeler à Lui ! (Soph. 1: 7 ; voyez encore 8: 3). C’est pourquoi le sage garde le silence en un temps mauvais (5: 13). Il ne s’agit plus d’intercéder pour la nation, il faut laisser Dieu agir. «L’Éternel a commandé»: le tremblement de terre renverse la grande et la petite maison.
«Les chevaux courront-ils sur un rocher, ou bien y labourera-t-on avec des boeufs ? Car vous avez changé le droit en poison, et en absinthe le fruit de la justice, vous qui vous réjouissez en ce qui n’est rien, vous qui dites: Avec notre force, ne nous soinmes-nous pas acquis la puissance ?» (v. 12, 13).
Quelle actualité dans ces lignes ! Le coeur des peuples est un rocher sur lequel tous les soins de l’Éternel s’épuisent sans résultat. Que parlent-ils de leur droit et de leur juste cause, qui ne sont au fond que poison et absinthe ? Ils comptent pour soutenir ces mensonges sur la puissance qu’ils se sont acquise. Nous sommes forts, disent-ils, et nous remporterons la victoire. Dieu regarde d’en haut et dit: «Vous... vous réjouissez en ce qui n’est rien !» Toutes les armées, toutes les munitions, toutes les flottes du monde, sont aux yeux de Dieu moins qu’un grain de poussière que le vent soulève. Tout ce que l’homme affirme n’est rien, tout ce sur quoi il s’appuie est, si possible, moins encore. Le moment venu Dieu intervient: «Voici, maison d’Israël, dit l’Éternel, le Dieu des armées, je suscite contre vous une nation, et ils vous opprimeront depuis l’entrée de Hamath jusqu’à la rivière de la plaine» (v. 14). Dieu suscite l’Assyrien, car c’est de lui qu’il s’agit ici, et cette nation, après les avoir dépouillés de ce dont ils s’étaient emparés par leur force et leur puissance, les opprimera depuis l’entrée de Hamath dont ils s’étaient fait un boulevard contre les incursions de l’ennemi du Nord, jusqu’au Jourdain (la rivière de la plaine) leur frontière naturelle, et s’emparera du territoire qu’ils possédaient à l’orient de cette limite. Tout ce qu’ils s’étaient vantés de conquérir par leur force leur est ôté. C’est ainsi que les voies de Dieu se renouvellent constamment depuis les jours d’Israël, et que dès lors l’histoire de toutes les nations conquérantes offre le même spectacle.
Jusqu’ici nous ne voyons en Amos que de la prophétie en voie d’accomplissement et rien encore ne nous parle des temps de la fin. Aujourd’hui, comme autrefois, les événements se renouvellent, sinon avec les mêmes détails, du moins avec les mêmes caractères moraux qui portent les mêmes conséquences.
Nous avons vu plus haut le rôle que le nombre «trois», nombre de la perfection divine, joue dans Amos depuis le chap. 31’. Nous y trouvons trois fois: «Écoutez cette parole», trois fois: «Cherchez-moi», trois fois: «Ainsi dit l’Éternel». Les chap. 5 et 6 n’ont que deux «Malheur», la série n’étant pas encore complète, comme elle le sera en Apoc. 9-11 par les trois trompettes de malheur.
Dans notre chap. 7: 1-9 nous trouvons tout d’abord trois visions, correspondant, sans doute, aux trois invasions de l’Assyrien: Pul, Tiglath-Piléser et Shalmanéser.
La première vision est celle des sauterelles, image bien connue de l’Assyrien (*). On sait comment Ménahem, roi d’Israël, sortit personnellement indemne de cette attaque en ruinant son peuple, fait auquel font allusion les mots: «le regain après la fauche du roi» (2 Rois 15: 19-21). Le jugement accompli, le prophète intercède et implore le pardon de l’Éternel. Son intercession seule (pour nous celle de Christ) est capable d’arrêter le fléau. Il plaide pour tout Israël: «Comment Jacob se relèvera-t-il ? car il est petit». Il affirme le contraire de ce que proclamaient les conducteurs du peuple, quand ils disaient: «Avec notre force, ne nous sommes-nous pas acquis de la puissance ?» (6: 13). Avouer devant Dieu sa petitesse, son incapacité de tenir tête au jugement, c’est parler selon les pensées de Dieu, et cela seul amène l’Éternel à se repentir, c’est-à-dire à changer de disposition envers son peuple: «Cela ne sera pas, dit l’Éternel» (v. 3). La destruction est momentanément arrêtée.
(*) Voyez «Le livre du prophète Joël», par H. R.
La seconde vision est celle du feu qui, après avoir dévoré le grand abîme (en langage symbolique la mer, ou la masse confuse des peuples), s’attaque à l’héritage, c’est-à-dire au pays d’Israël. C’est Tiglath- Piléser (2 Rois 15: 27-29 ; 1 Chron. 5: 6, 26 ; 2 Chron. 28: 20). Le prophète plaide de la même manière et Dieu répond de nouveau : «Cela aussi ne sera pas» (v. 4-6).
Dans la troisième vision, «voici, le Seigneur se tenait sur un mur bâti d’aplomb, et il avait un plomb à sa main. Et l’Éternel me dit: Que vois-tu, Amos ? Et je dis: Un plomb. Et le Seigneur dit: Voici, je place un plomb au milieu de mon peuple Israël; je ne passerai plus par-dessus lui. Et les hauts lieux d’Isaac seront désolés, et les sanctuaires d’Israël seront dévastés, et je me lèverai avec l’épée contre la maison de Jéroboam» (v. 7-9).
Cette fois Dieu agit directement et définitivement. Il est sur un mur bâti d’aplomb; rien ne peut l’ébranler, mais il montre aussi sa justice et rien ne la fera dévier. Le plomb dans sa main marque le nivellement définitif du pays coupable. Il n’est plus question d’intercession, le jugement atteint son terme. Israël sera détruit. C’est la transportation des dix tribus par Shalmanéser (2 Rois 17: 6). Quelle parole que celle-ci : «Je ne passerai plus par-dessus lui». Cette nouvelle allusion à la Pâque fait suite à celle du chap. 5: 17, où l’Éternel annonçait qu’il traiterait Israël comme il avait traité l’Égypte; mais elle est plus solennelle encore que la première. Il n’y a plus pour le peuple ce qui, dans le passé, était le signe de sa rédemption, ce qui, par l’effusion du sang de l’agneau porté sur le linteau des portes, avait éloigné de lui le jugement de l’Éternel !
Les versets 10 à 17 de ce chapitre sont une espèce d’intermède, formant parenthèse et séparant les trois premières visions, complètes en elles-mêmes, des visions qui suivent au chap. 8. Amos est descendu à Béthel pour y prophétiser. Amatsia, sacrificateur de Béthel (non pas sacrificateur de l’Éternel), s’oppose au prophète. C’est le rôle que la sacrificature selon l’homme a toujours joué vis-à-vis des hommes de Dieu qui, par l’Esprit, apportent la parole de Dieu. Amatsia veut chasser le prophète du territoire des dix tribus, sur lequel il s’arroge des droits spirituels et accuse Amos auprès de Jéroboam par un faux témoignage, afin de le faire condamner par l’autorité séculière; mais il a hâte de se débarrasser du prophète, dont la présence, malgré tout, inquiète sa conscience: «Voyant, va-t’en; fuis au pays de Juda, et mange là du pain, et prophétise là, mais ne prophétise plus à Béthel, car c’est le sanctuaire du roi et la maison du royaume» (v. 12, 13). Il le renvoie à ses coreligionnaires, oubliant que Dieu ne se laisse pas limiter par les sectes humaines et ne sanctionne pas une autre autorité que la sienne ! Pour lui, la chose importante est qu’Amos, en proclamant la vérité à Israël, ne réduise pas à néant tout le système religieux inventé par Jéroboam, fils de Nébath. La vérité est méprisée, en tout premier lieu par les chefs spirituels du peuple dont elle ébranle la position; ils ne reculent pas devant le mensonge pour la combattre et s’il le faut ils usent de contrainte par la main de l’autorité. Il en est de même de toute vérité qui condamne les royaumes des hommes. Plutôt chasser ceux qui la portent en les accusant de conspirer contre le roi et d’être insupportables au pays.
Combien le coeur d’Ézéchias fut plus noble, lorsque Michée, le Morashtite, prophétisa contre Juda et Jérusalem (Jér. 25: 16-24). Le roi implora l’Éternel qui se repentit du mal prononcé. Plus tard, sous Jéhoïakim, la même scène se renouvela, par le moyen d’Urie, fils de Shemahia, et par le prophète Jérémie. Urie s’enfuit en Égypte et son manque de confiance en la protection de Dieu qui l’avait envoyé, fut cause de sa mort. Jérémie, sous le même roi, puis sous Sédécias (Jér. 27: 28), fut préservé, car il se confia dans la parole de l’Éternel qui lui avait dit : «Je te ferai être à l’égard de ce peuple une muraille d’airain bien forte; ils combattront contre toi, mais ils ne prévaudront pas sur toi; car je suis avec toi pour te sauver et pour te délivrer, dit l’Éternel; et je te délivrerai de la main des iniques et te rachèterai de la main des violents» (Jér. 15: 20, 21).
Avec la même assurance, Amos répond à Amatsia: «Je n’étais pas prophète, et je n’étais pas fils de prophète; mais je gardais le bétail, et je cueillais le fruit des sycomores; et l’Éternel me prit quand je suivais le menu bétail, et l’Éternel me dit: Va, prophétise à mon peuple Israël» (v. 14, 15). De sa part, aucune prétention. Il n’avait pas, en Juda, de situation officielle, et il reconnaît que son enseignement ne venait pas des écoles de prophètes; mais l’Éternel l’avait pris, lui avait parlé, l’avait envoyé. Cela suffisait. C’est ainsi que Dieu parle en un temps de raine, mais de la même manière il aime à choisir, en tout temps, les instruments qu’il envoie dans sa moisson. Pour réduire à néant toute la sagesse des hommes, il choisit les choses folles et méprisées du monde. Un simple berger peut devenir un prophète, un simple pêcheur un apôtre. Cela dépend du Seigneur qui distribue ses dons comme il lui plaît. Il en était autrement et d’une manière bien plus merveilleuse de Christ. Il n’était pas seulement fils de Dieu, mais fils de l’homme et, devenu tel, il fut envoyé dans ce monde pour être serviteur et prophète, les deux missions qui lui sont confiées dans l’évangile de Marc. Mais, quand les hommes disaient de lui: «Un grand prophète a été suscité parmi nous» (Luc 7: 16), lui, préférant garder sa place d’esclave volontaire, dit : «Je ne suis pas prophète» (Zach. 13: 5); non pas: Je n’ai pas droit de l’être; mais voici ce que j’ai choisi : «Je suis un homme qui laboure la terre; car l’homme m’a acquis comme esclave dès ma jeunesse»; je suis venu porter ici-bas, pour sauver les hommes, la condition d’abaissement dans laquelle le péché les a placés, et je me suis asservi à l’homme pour accomplir mon oeuvre. Il m’a acquis, dès ma jeunesse, comme esclave. Je lui ai donné des droits sur moi, afin de pouvoir le délivrer ! C’est ce que ne pouvait faire Amos. Dieu l’avait élevé de son humble position à la dignité de prophète. Jésus s’est abaissé de sa gloire suprême à la basse condition de l’esclave. Il s’est «anéanti lui-même, prenant la forme d’esclave» ; aussi Dieu l’a souverainement élevé, après qu’il eut été obéissant jusqu’à la mort de la croix. Amos fut élevé de sa condition de berger à celle de prophète; Christ, de la position d’esclave (quoiqu’il fût Messie, Roi, prophète, et souverain Berger, de son propre droit divin) à la droite de la Majesté dans les hauts lieux, toutes choses étant mises sous ses pieds. Mais il veut, ressuscité et revêtu de cet honneur suprême, garder en amour son caractère de serviteur. La prophétie prend fin, l’amour jamais, et c’est pourquoi il dit: «Je ne suis pas prophète».
Amos cueillait le fruit des sycomores, arbre qui croît dans les pâturages du désert, et dont le fruit, subissant au préalable une longue préparation pour pouvoir servir de nourriture, n’est utile qu’aux pauvres et aux chétifs qui vivent de peu. Dieu le préparait ainsi à sa vie de privations au milieu d’un peuple qui refusait son ministère. Il n’avait sur son chemin que ce que Dieu lui donnait; de même Jean-Baptiste, le plus grand des prophètes, n’avait que les sauterelles et le miel sauvage, la nourriture du désert. Le Seigneur, lui, n’avait pas même de telles ressources. Le désert ne lui offrait après 40 jours de jeûne que des pierres au lieu de pain. Le Créateur de toutes choses avait faim et soif, et, mille fois plus que ces deux prophètes, dépendait entièrement de Dieu pour y pourvoir.
Au lieu de se laisser effrayer par les menaces d’Amatsia et le courroux de Jéroboam, Amos prophétise contre le sacrificateur qui voudrait se débarrasser de lui. Sa femme se prostitue, ses fils sont tués, son héritage lui est enlevé, lui-même meurt dans une terre impure. Tel est le sort de ceux qui «n’ont pas reçu l’amour de la vérité pour être sauvés». Le jugement individuel sur Amatsia et sa famille n’arrête en rien le jugement général prononcé sur la nation: «Et Israël sera certainement transporté de dessus sa terre» (v. 17).
La parenthèse du chap. 7: 10-17 est suivie d’une nouvelle vision, celle des fruits d’été, qui est comme la conclusion des trois premières (7: 1-9). Les fruits mûrs de l’été sont assemblés dans un panier: la récolte est faite. C’est la fin. «La fin est venue pour mon peuple Israël.» L’Éternel répète la parole solennelle du chap. 7: 8: «Je ne passerai plus par-dessus lui». En vérité, il n’y a plus d’espoir ! Israël se trouve devant Dieu avec ses iniquités, n’ayant plus le sang de l’agneau pascal qui les couvrait et mettait le peuple à l’abri du jugement. «Et, en ce jour-là, les cantiques du palais seront des hurlements, dit le Seigneur, l’Éternel. Les cadavres seront en grand nombre ; en tout lieu on les jettera dehors... Silence !» (v. 3). La joie d’autrefois s’est éteinte, les cantiques, accompagnés des instruments de David, ont cessé; les hurlements leur succèdent. Quel contraste ! la joie de vivre fait place à l’horreur, à une agonie de douleur et d’effroi. La mort règne; les cadavres ne sont plus même recherchés pieusement pour être brûlés, comme au chap. 6: 10; ils sont jetés dehors. Silence ! mot terrible répété dans ce jour de la fin. Dieu a parlé, a dit le dernier mot; l’appel des suppliants n’est plus entendu ; que personne désormais n’élève la voix ! Oh ! combien est angoissant le silence qui accompagne ou suit les jugements de Dieu ! N’en faisons-nous pas l’expérience, dans une mesure encore restreinte, aux jours de malheur que nous traversons ? Si la grâce règne encore, nous invitant à l’intercéder en faveur de pauvres pécheurs perdus, les événements actuels ont cependant un caractère tel que nous nous taisons devant l’exécution des jugements de Dieu. Les cadavres sont en grand nombre; en tout lieu ils sont jetés dehors, et nous ne pouvons que garder le silence, sachant que l’orgueil et l’incrédulité des hommes ont amené ces désastres. La chose est décrétée; mais n’oublions jamais que nous sommes encore dans les temps de la grâce et que si nous ne faisons qu’assister au déploiement des voies de Dieu, nous pouvons toujours prier du fond du coeur, pour le salut des pécheurs.
«Écoutez ceci, vous qui êtes acharnés après les pauvres pour faire disparaître les débonnaires du pays...» (v. 4). Dans le silence qui s’est fait, la voix de Dieu doit être entendue. Il ne s’agit plus d’écouter afin d’apprendre comment on peut échapper au jugement (5: 1-17), mais d’écouter la sentence prononcée. Toute l’iniquité de ceux qui oppriment les débonnaires (ce même caractère se retrouvera dans les derniers temps) est mise au jour: Leur amour du gain, leur indifférence pour le sabbat, leur manque de pitié et de conscience, leur esprit de tromperie, leur égoïsme mesquin. Ces mêmes traits sont déjà mentionnés en 2: 6, 7, car c’est des dix tribus qu’il est spécialement question ici. L’Éternel n’oublie jamais aucune de leurs oeuvres; — il le jure par la gloire qu’il avait conférée à Jacob, c’est-à-dire à l’ensemble de son peuple (v. 7). Quelle mémoire que celle du Juge suprême ! Beaucoup de choses peuvent échapper à celle du meilleur juge parmi les hommes; il excusera ou ne condamnera pas certains actes dont il ignore les motifs; mais rien n’échappe à l’oeil scrutateur qui sonde les coeurs et les reins. «Pour cela, le pays ne tremblera-t-il pas ? Et chacun de ses habitants ne mènera-t-il pas deuil ? Et il montera tout entier comme le Nil, et enflera ses flots, et s’abaissera comme le fleuve d’Égypte» (v. 8). La subversion terrible qui doit accompagner le jugement avait atteint le peuple lors du tremblement de terre qui suivit la prophétie d’Amos et dont il donne une description graphique: Le pays tremblera, la terre s’enflera et s’abaissera en un instant comme le Nil, image de la secousse finale qui ébranlera toute la terre. Israël n’a pas écouté, aussi est-il réservé à une subversion plus terrible que toutes ces calamités partielles.
Ce sera une subversion semblable au jour de l’Éternel dont parlent les prophètes Joël et Zacharie et plus tard le Seigneur lui-même (Matt. 24). «Il arrivera en ce jour-là, dit le Seigneur, l’Éternel, que je ferai coucher le soleil en plein midi, et que j’amènerai les ténèbres sur la terre en plein jour... et je ferai que ce sera comme le deuil d’un fils unique, et la fin sera comme un jour d’amertume» (v. 9, 10). Pour la première fois Amos, en parlant d’événements prochains, considère par anticipation, ceux de la fin des temps. Ce sera un jour de deuil général et de lamentations, comme la nuit du jugement des premiers-nés en Égypte, car aux paroles: «Je ne passerai plus par-dessus lui» des chap. 7:8 et 8:2, il ajoute maintenant (v. 10) «le deuil d’un fils unique». Il n’est pas question ici du jour de repentance du peuple qu’on voit, en Zacharie 12: 10, se lamentant au sujet du Messie, «comme on se lamente sur un fils unique». Ce sera le jour d’amertume des premiers-nés d’Égypte, pire même, car il pouvait rester aux Égyptiens l’espérance d’une postérité. Ici il ne reste rien. C’est la fin des dix tribus, le jour d’amertume.
Alors le temps mauvais se lèvera sur Israël: «Voici, des jours viennent, dit le Seigneur, l’Éternel, où j’enverrai une famine dans le pays; non une famine de pain, ni une soif d’eau, mais d’entendre les paroles de l’Éternel. Et ils erreront d’une mer à l’autre, et du nord au levant; ils courront çà et là pour chercher la parole de l’Éternel, et ils ne la trouveront pas» (v. 11, 12). Il n’y aura plus possibilité dans le pays d’entendre les paroles de l’Éternel ; le peuple dispersé errera d’une mer à l’autre et ne les trouvera pas, quelque désir qu’il en ait. Silence ! Dieu ne leur parlera plus. Ah ! qu’ils voudraient alors connaître sa pensée, mais elle leur sera cachée. Ce passage décrit la dispersion d’Israël. Comme le riche en hadès, ils auront soif, sans moyen de la satisfaire. La jeunesse, dans sa beauté et sa force, défaudra, car on ne peut vivre que par la parole de l’Éternel. Il ne leur restera que leurs faux dieux par lesquels ils ont juré. C’est, je n’en doute pas, la condition actuelle des dix tribus.
Nous avons ici la dernière vision. Amos voit «le Seigneur se tenant debout sur l’autel» (*). Cette attitude est très remarquable. L’autel de Béthel a été ébranlé, est tombé à terre (3: 14), de même que jadis, lorsqu’il fut érigé, l’Éternel avait prononcé le jugement contre lui, sous Jéroboam, fils de Nebath (1 Rois 13: 3). L’autel de l’Éternel reste debout, seul fondement de sécurité, lieu du sacrifice, mais aussi, lorsque le Seigneur a été méprisé et rejeté, lieu d’où partira le jugement. Dieu avait déjà dit: Ils «ne se relèveront jamais» (8: 14). Maintenant ce n’est plus l’annonce, mais l’exécution de la sentence. On ne voit pas ici, comme en Ésaïe 6, le Seigneur assis sur son trône, entre les chérubins, dans le temple, ni la manifestation de sa gloire qui ne peut supporter le mal ou la souillure, ni le fondement des seuils du temple ébranlé à la voix des séraphins. Cette scène-ci est tout autre. Là nous voyons la personne du Seigneur de gloire, ayant, dans le feu de l’autel, le moyen de purifier son prophète ; ici, la personne du juge. Il n’est pas dans le temple ; l’autel seul est en vue. Le Seigneur se tient sur ce qui aurait été pour Israël la base de sa réconciliation, mais est devenu celle de son jugement, car il avait méprisé l’autel de Jérusalem et lui avait préféré ceux de Béthel, de Guilgal, de Dan et de Beër-Sheba.
(*) Non pas «près de l’autel» comme plusieurs traduisent.
La scène qui se déroule ici n’est pas, avons-nous dit, celle du temple, mais celle de la nuit d’Égypte: «Frappe le linteau, afin que les seuils soient ébranlés, et brise-leur la tête à tous» (v. 1). Elle correspond aux paroles solennelles des chap. 5: 17 ; 7: 9 ; 8: 2. Au jour de la Pâque, le sang de l’agneau avait été porté sur le linteau et sur les deux poteaux de la porte; Israël coupable avait négligé de l’y porter, et n’avait plus le sang pascal pour détourner le courroux de Dieu. L’ange exterminateur passe, le linteau est frappé, les seuils ébranlés, la maison s’écroule et brise leurs têtes. Cette image d’Amos parle donc à la fois de la destruction des premiers-nés et du tremblement de terre d’Ozias : «Le Seigneur, l’Éternel des armées, c’est lui qui touche le pays, et il fond ; et tous ceux qui y habitent mèneront deuil; et il montera tout entier comme le Nil, et il s’abaissera comme le fleuve d’Égypte. C’est lui qui bâtit dans les cieux ses degrés, et qui a fondé sa voûte sur la terre; qui appelle les eaux de la mer, et les verse sur la face de la terre; l’Éternel. est son nom» (v. 5, 6; voyez 5:8; 9:5). S’il reste encore quelque âme après cette subversion, la calamité l’atteindra: «Quand ils pénétreraient jusque dans le shéol, de là ma main les prendra; et quand ils monteraient dans les cieux, je les en ferai descendre ; et quand ils se cacheraient au sommet du Carmel, je les y chercherai, et de là je les prendrai ; et quand ils seraient cachés de devant mes yeux, au fond de la mer, là je commanderai au serpent, et il les mordra; et quand ils iraient en captivité devant leurs ennemis, là, je commanderai à l’épée, et elle les tuera ; et je mettrai mes yeux sur eux pour le mal et non pour le bien» (v. 2-4). Comme cela rappelle le Psaume 139 ! Mais là, l’homme trouve le salut en faisant l’expérience qu’il ne peut échapper à Dieu; ici, voulant lui échapper, il rencontre le jugement. Là, Dieu sonde l’homme pour le bien et non pour le mal et le pécheur trouve que le Seigneur l’a aimé «dès le ventre de sa mère», ici il le rencontre «pour le mal et non pour le bien». Il s’agit, en tout ceci, des voies gouvernementales de Dieu à l’égard d’Israël, et non de son jugement final. Quand ils seront cachés «au fond de la mer», au milieu de la confusion des peuples, ils deviendront la proie de Satan.
«N’êtes-vous pas pour moi comme les fils des Ethiopiens, ô fils d’Israël ? dit l’Éternel. N’ai-je pas fait monter Israël du pays d’Égypte, et les Philistins de Caphtor, et les Syriens de Kir ?» (v. 7). C’est comme si la pensée rejoignait ici celle qui est exprimée dans les deux premiers chapitres du prophète. La providence de Dieu avait fait monter ces nations de Caphtor et de Kir (cf. 1: 5), afin qu’elles pussent prospérer en des lieux plus favorables. Dieu en avait agi de même envers Israël en le faisant monter d’Égypte pour l’introduire dans un pays découlant de lait et de miel. Au lieu de reconnaître les soins de l’Éternel en le servant avec crainte, ces peuples, Israël en tête, étaient devenus des royaumes pécheurs. Aussi les yeux de Dieu étaient sur chacun d’entre eux pour le détruire, à bien plus forte raison quand il s’agissait de son ancien peuple.
Cependant il reste un espoir pour Israël. Si l’Éternel est un juge, il est aussi le Dieu des promesses et ne reniera jamais son caractère : «Seulement je ne détruirai pas entièrement la maison de Jacob, dit l’Éternel. Car voici, je commande, et je secouerai la maison d’Israël parmi toutes les nations, comme on secoue dans un crible, mais pas un grain ne tombera à terre» (v. 8, 9). La dispersion du peuple parmi les nations est prédite ici, et nous l’avons aujourd’hui sous les yeux. Mais c’est Lui qui tient le van dans sa main; la paille peut s’envoler, pas un grain de blé ne tombe en terre. Au moment voulu Dieu montrera qu’il a gardé tous ses élus et n’en a perdu aucun. Lorsque Satan demanda à avoir les disciples pour les cribler comme le blé, il ne réussit qu’à délivrer Pierre de sa confiance en lui-même. Il en sera ainsi de la tribulation future du peuple de Dieu. Pas un seul d’entre les siens ne périra dans ces jours d’épreuve où il semblera que nulle chair ne peut être sauvée. Tout autre sera le sort des pécheurs de ce peuple: «Par l’épée... mourront tous les pécheurs de mon peuple, qui disent: Le mal ne nous atteindra pas, et ne viendra pas jusqu’à nous» (v. 10).
La transition des événements prochains à ceux de la fin (v. 7-10) nous amène à la bénédiction millénaire, couronnement de la prophétie d’Amos: «En ce jour-là, je relèverai le tabernacle de David, qui est tombé, et je fermerai ses brèches, et je relèverai ses ruines, et je le bâtirai comme aux jours d’autrefois» (v. 11). La maison (le tabernacle) de David, la royauté de Celui auquel Dieu avait assuré ses grâces, sera rétablie, comme aux jours d’autrefois sous le règne de Salomon, après avoir sombré, en apparence pour toujours, dans la secousse qui avait ébranlé la terre. Plus de division en Israël ! Il possédera «le reste d’Édom», car Édom ne verra pas, comme d’autres nations, le rétablissement de ses captifs (Jér. 48 - 49); mais Israël possédera aussi toutes les nations sur lesquelles le nom de l’Éternel est réclamé (v. 12). Tel sera le dernier, le seul véritable royaume universel, sous le sceptre du Messie, vrai chef de la maison de David. Jacques, devant le concile de Jérusalem, cite ce passage altéré par la version des Septante, mais uniquement pour prouver que les nations avaient droit aux bénédictions que les Juifs leur contestaient, puisque le nom du Seigneur qui faisait toutes ces choses était réclamé sur elles (Actes 15:16).
1 «Voici, les jours viennent, dit l’Éternel, où celui qui laboure atteindra celui qui moissonne, et celui qui foule les raisins, celui qui répand la semence; et les montagnes ruisselleront de moût, et toutes les collines se fondront. Et je rétablirai les captifs de mon peuple Israël, et ils bâtiront les villes dévastées et y habiteront, et ils planteront des vignes et en boiront le vin, et ils feront des jardins et en mangeront le fruit. Et je les planterai sur leur terre, et ils ne seront plus arrachés de dessus leur terre que je leur ai donnée, dit l’Éternel, ton Dieu» (v. 13-15).
Ici nous entrons, à pleines voiles, dans le port désiré. Le prophète Joël fait le même tableau de la prospérité matérielle sous le règne millénaire : «Les aires seront pleines de blé, et les cuves regorgeront de moût et d’huile». «Les montagnes ruisselleront de moût, et les collines découleront de lait, et tous les torrents de Juda découleront d’eau» (Joël 2: 24; 3: 18). La description est, si possible, encore plus brillante ici, et plus générale, celle de Joël ne s’appliquant qu’à Juda. Ce qui était promis conditionnellement en Lévit. 26: 5 : «Le temps du foulage atteindra pour vous la vendange, et la vendange atteindra les semailles» n’avait jamais été réalisé, à cause de l’infidélité du peuple. Maintenant tout a changé: la bénédiction ne dépend plus de l’obéissance de l’homme, mais de la fidélité de Dieu à ses promesses, appelée en 2 Pierre 1:1 «la justice de notre Dieu et Sauveur Jésus Christ». Cela ne peut jamais manquer. Cette magnifique abondance de la création réjouit nos coeurs à l’avance, quand nous pensons que maintenant elle soupire et est en travail tout entière, dans l’espérance d’avoir part, elle aussi, à la liberté de la gloire des enfants de Dieu.
Mais ce ne sera pas seulement la création (v. 14, 15) ; le peuple lui-même, bien plus cher au coeur de Dieu, sera restauré. La captivité sera rétablie, c’est-à-dire qu’il y sera mis fin pour amener la restauration finale. Alors le peuple rebâtira, habitera, plantera, jouira des fruits. Lui-même sera planté sur sa terre et ne pourra plus jamais en être arraché, «dit l’Éternel, ton Dieu».
Quel contraste entre les premiers chapitres et celui-ci, entre «Ainsi dit l’Éternel» pour le jugement et «Ainsi dit l’Éternel» pour la bénédiction. C’est sur cette dernière que Dieu met pour toujours le cran d’arrêt. Jamais les jugements ne sont pour Lui le dernier mot. Seule la gloire éternelle est pleinement digne de Lui. Son bonheur, ô peuple de croyants, est de te la donner, de t’en faire jouir, et de s’appeler «ton Dieu !» (v. 15).
Nous avons vu, dans le livre d’Amos, l’exposé des voies habituelles et invariables de Dieu, envers son peuple et envers les nations, et nous y avons constaté ce qui les rend nécessaires. Sauf dans ses dernières paroles, Amos ne nous dévoile pas les choses futures, mais les choses prochaines. C’est ce qui rend ce livre si important pour le jour actuel. Les manifestations du péché, mentionnées ici, sont de tous les temps et peuvent être constatées aussi bien chez les croyants que chez les non-croyants ; Amos nous en fait connaître la rétribution dans les deux cas. Mais, quelque amer que soit le châtiment, l’homme de foi, sous le poids de jugements actuels, rentre en lui-même, se juge, s’humilie et se repent — et la tribulation porte ses pensées vers la scène des bénédictions futures. Arrivées là, elles se reposent dans l’espérance, comme nous le voyons au dernier chapitre de notre prophète, et ne se laissent pas égarer dans le labyrinthe des événements qui agitent les hommes. Le gouvernement de Dieu, qu’il s’agisse de sa maison ou du monde, est toujours saint, juste et invariable. Il est comme la locomotive dont on ne peut changer la direction. L’intervention d’un seul qui tire le signal d’alarme peut arrêter subitement le train dans sa course quand une catastrophe est prévue. Le conducteur serre les freins. Il dit, comme en Amos: «Cela ne sera pas». Mais, le résultat s’étant produit, la locomotive reprend son invariable direction. Rien ne la fait dévier de son but final; mais, grâce à Dieu, si elle écrase tout obstacle sur son passage, elle ne conduit pas aux abîmes, mais au but désiré, les voyageurs qui s’y confient.