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Henri Rossier — Courtes méditations

 

 

Le Pharisien et le Publicain — Luc 18:9-14

H. Rossier — Courtes méditations — n°34 [30]

ME 1923 p. 129-132

Cette parabole, comme celle du «Juge inique» (v. 1-9), nous parle de la prière, en prenant pour exemples le Pharisien, propre juste, et le publicain, conscient de son état de péché. Le Juge inique «ne craignait pas Dieu et ne respectait pas les hommes» ; le Pharisien, sans craindre Dieu davantage, se donnait toute l’apparence de le craindre, et priait dans le temple, quoique, de fait, il ne se confiât pas en Dieu, mais en lui-même. Du moment qu’il s’estimait «juste», qu’avait-il besoin de Dieu ? Voici donc un homme qui, tout en professant publiquement avoir des relations avec Dieu, lui est complètement étranger, ignore Son caractère, s’attribue un caractère de justice que Dieu seul possède, fait de lui-même, sans s’en douter peut-être, un centre qu’on ne trouve qu’en Dieu, et, en réalité, se passe entièrement de Lui. Cela le porte à prononcer audacieusement son panégyrique devant Dieu ! En vertu de son excellente opinion de lui-même, il prend, vis-à-vis des hommes, une attitude pire encore que celle du juge inique qui «ne les respectait pas» ; il «tient le reste des hommes pour rien». La propre justice n’est que l’orgueil sous une forme religieuse, orgueil plus haïssable que celui de l’incrédulité. Elle se dresse, comme le juge inique, une statue au milieu de la ruine du reste des hommes, qu’elle considère avec un souverain mépris.

Le pauvre publicain, réalisant qu’il était devant Dieu, le craignait. Cette crainte qui est la haine du péché est le commencement de la sagesse. Il se mettait de lui-même, sans qu’il fût nécessaire de l’y forcer, à la dernière place, place qui lui était assignée par l’orgueil du pharisien. «Il se tenait loin», réalisant pleinement son éloignement de Dieu par le péché ; «il ne voulait même pas lever ses yeux vers le ciel» , car il réalisait sa complète indignité pour s’adresser à Dieu ; «il se frappait la poitrine», dans le sentiment de sa culpabilité, mais pénétré de la repentance qui l’accompagne. Dans cet état, il reconnaissait n’avoir que deux alternatives : ou la colère de Dieu qui lui était due, ou bien la miséricorde dont il se sentait indigne, mais qui, seule, était capable de le sauver.

Il «descendit dans sa maison, justifié plutôt que le Pharisien», bien que n’ayant pas encore reçu la réponse à son appel douloureux. Mais il emportait, de la présence de Dieu, la conviction que la grâce seule pouvait le mettre à l’abri de la colère, et que grâce et jugement provenaient de la même source.

Cette parabole, tout en ne décrivant aucunement l’état dans lequel la grâce nous a placés, nous chrétiens, n’a-t-elle pas aussi quelque chose à nous dire ? Les deux personnages dont elle nous parle ne sont ni l’un, ni l’autre, une image de ce que nous sommes. Un propre juste, dans le sens du Pharisien, peut être un professant, mais n’est pas un chrétien du tout. Le publicain ne représente pas non plus le chrétien, dont le caractère propre est d’être justifié de tout péché par la foi en Christ ; mais nous trouvons ici une instruction pratique qui souvent nous échappe et se résume, au v. 14, par cette parole : «Quiconque s’élève sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé».

Le pharisien s’élève et tient les autres pour rien ; le publicain s’abaisse. Demandons-nous lequel de ces deux états est le miroir du nôtre. Aucun homme, réellement chrétien, ne parlera comme ce pharisien ; mais, rencontrera-t-on peut-être des chrétiens qui, confiants dans leurs propres dons ou leurs capacités spirituelles, regardent de haut ceux qu’ils estiment moins capables qu’eux-mêmes ? Ils ne sont pas propres-justes comme le pharisien, mais ils partagent son orgueil religieux qui, comme nous l’avons montré, est à la base de la propre justice ; orgueil de l’homme, conscient de sa propre valeur et n’estimant aucunement que les autres soient supérieurs à lui-même. Le publicain, lui, n’estime pas être quelque chose et ne se compare pas à d’autres, parce qu’il a pris Dieu pour point de comparaison et qu’il sait être le néant même devant la perfection du Dieu juge.

Telle est la leçon que le Seigneur nous apprend aujourd’hui. Nous jugeons très facilement le Pharisien, mais songeons-nous qu’il y a quelque chose de très assimilable à la propre justice, l’orgueil religieux, se trahissant par la bonne opinion de nous-mêmes ? Le publicain en était exempt et telle est la leçon qu’il nous donne, à nous qui sommes, par l’Évangile, beaucoup plus avancés que lui dans la connaissance de la faveur du Dieu d’amour.

Il est très frappant que la conclusion de cette parabole soit exactement la même que celle des conviés qui choisissaient les premières places à table. Comme dans notre chapitre, il est dit au v. 11 du chap. 14 : «Quiconque s’élève sera abaissé ; et celui qui s’abaisse sera élevé». Dans ce chap. 14 il s’agit de l’orgueil mondain, dans notre chapitre, de l’orgueil religieux. L’orgueil mondain cherche à acquérir la première place aux dépens des autres, jusqu’à ce que Celui qui nous a conviés nous humilie en nous mettant à la dernière place. L’orgueil religieux s’élève dans ses pensées en usurpant la place due à Dieu et, par ce fait, estime ses frères pour rien, jusqu’à ce que Dieu lui montre qu’un pauvre pécheur repentant a plus de valeur à ses yeux que celui qui croit occuper une place éminente parmi le peuple de Dieu.

Prenons donc à coeur cette instruction, car le pharisaïsme s’insinue facilement dans nos rapports avec nos frères. Celui qui s’estime très haut est toujours en danger de tenir ses frères pour rien et de tomber très bas.