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Henri Rossier — Courtes méditations

 

 

Les révélations et la vie secrète… — Jean 20-21

H. Rossier — Courtes méditations — n°30 [26 bis]

ME 1923 p. 41-43

Il y a pour moi quelque chose d’infiniment encourageant dans ces deux derniers chapitres de l’évangile de Jean. Dieu ne tient pas compte de notre insuffisance, de notre pauvreté spirituelle et de nos manquements pour nous favoriser de ses révélations. Voyez les disciples : Ils ont peur des Juifs et ferment soigneusement leur porte pour les empêcher d’entrer ; Thomas est incrédule ; Pierre, quoique repentant, n’est pas encore restauré ; tous retournent à leurs filets, depuis longtemps abandonnés ; et cependant, quelle abondance de révélations ils reçoivent ! Dieu ne tient compte de leur état, semble-t-il, que pour leur apporter une plénitude de bénédictions nouvelles. Ils reçoivent, comme conséquence de la mort et de la résurrection de Christ, des révélations merveilleuses quant à leur position céleste, quant à leurs relations avec le Père et le Fils, quant à la perfection de cette oeuvre qui leur apporte la paix et, en mystère, quant à l’avenir prophétique du Résidu d’Israël. Ces révélations, en dépit de leur faiblesse, ils sont appelés à les communiquer à d’autres.

Ne pourrions-nous pas dire la même chose de nous-mêmes, nous que le Seigneur appelle à un témoignage spécial dans ces derniers temps de l’histoire du monde ? Quel est notre état moral pour que nous soyons les dépositaires, non pas, sans doute, de révélations nouvelles, mais de tant de vérités cachées et comme ensevelies sous les ruines de la chrétienté professante ? Cet état est, hélas ! si misérable que le monde méprise notre témoignage à cause, en partie du moins, de l’insuffisance de ceux auxquels il est confié.

Mais n’allons pas penser que le Seigneur soit indifférent à ce que nous mettions notre état moral d’accord avec ce qu’Il nous a confié. À côté des révélations si précieuses qui nous ont été faites, le Seigneur apprécie chez les siens un état d’âme d’un prix supérieur même au privilège d’être choisi comme dépositaire des vérités de la Parole, c’est la vie secrète avec Jésus.

L’apôtre Jean nous en offre l’exemple au chap. 21. Ce cher disciple est si peu occupé de lui-même, qu’il semble avoir perdu jusqu’au souvenir de son propre nom. Il ne pense, ni à son indignité, ni à son insuffisance, ni à quoi que ce soit d’autre qu’à l’amour du Seigneur pour lui. Un frère demandait une fois dans sa prière : «Donne-nous de ne penser à nous, ni en bien, ni en mal». Jean réalisait cela. L’amour de Christ l’étreignait ; il avait déjà vu cet amour à l’oeuvre lors de la première pêche miraculeuse (Luc 5:9). La répétition d’un miracle, auquel Pierre devait sa conversion, n’ouvrait pas même les yeux de ce dernier, tandis que Jean, rempli de Jésus seul, le reconnaît aussitôt et dit : «C’est le Seigneur !» Pour lui, ce miracle ne peut être que le fruit de la puissance et de l’amour, et où les trouver, si ce n’est en Christ ?

Ainsi, vivre dans Son amour nous ouvre les yeux et la mémoire, bien plus que les vérités dont nous sommes dépositaires, et nous rend capables de les communiquer à d’autres. Pierre, qui l’a appris de Jean, pourra être plus ardent que lui, se jeter à la mer pour atteindre plus vite le Seigneur, mais Jean l’a reconnu. Tout ce qu’a été le Seigneur, dès le début de Sa carrière s’est déroulé, comme tout de nouveau, devant les yeux de son disciple à la vue de la pêche miraculeuse. Jésus parle beaucoup à Pierre pour le restaurer ; il ne parle pas plus à Jean qu’aux autres disciples assemblés, mais nous pouvons dire avec certitude que sa présence suffit parfaitement au coeur du disciple bien-aimé, et qu’il ne quitte pas son Maître des yeux. La preuve nous en est donnée, car à peine Jésus se met-il en marche que Jean marche après lui. Il ne dit pas comme Pierre peu de jours auparavant : «Je te suivrai ; je laisserai ma vie pour toi». Non, il ne dit pas une parole ; il suit le Seigneur. Et il en a la récompense : c’est à lui qu’il est donné d’embrasser d’un coup d’oeil tout le temps qui nous sépare encore de la venue du Seigneur en gloire. Il en a, personnellement, une révélation si claire que, par inspiration, il peut la consigner pour nous dans l’Apocalypse. Pierre a des questions, Jean a un objet, et cet objet est devenu, pour lui, le point de départ de tout progrès dans les choses révélées.

Il ne suffit donc pas d’avoir reçu des révélations. L’attachement sans réserve à la personne de Christ et l’oubli de nous-mêmes, nous rendent capables de les communiquer à d’autres d’une manière efficace. La pauvreté des résultats ne dépend donc ni de la valeur des révélations, ni de l’insuffisance des vases qui les contiennent, mais du degré d’intensité de notre vie secrète avec le Seigneur.