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Henri Rossier — Courtes méditations
H. Rossier — Courtes méditations — n°21
ME 1922 p. 213-215
Il est très instructif de comparer les croyants entre eux : Lot avec Abraham, Jonathan avec David, etc. On voit d’un côté où conduit un coeur partagé, malgré les traits divins qu’il lui est donné de reproduire, de l’autre, où conduit un coeur parfait avec Dieu. Jonathan est un exemple de l’énergie d’une foi personnelle, et d’un amour entièrement désintéressé pour David, l’oint de l’Éternel. Ces vertus se développent merveilleusement, même dans un milieu où l’homme de foi se trouve associé à une profession religieuse correcte, mais à laquelle le vrai nerf manque absolument. Du moment que David était rejeté, Jonathan aurait dû faire un pas de plus ; il fallait abandonner tout le système professant pour se joindre au vrai roi. C’est là que ce coeur, si sympathique, mis à l’épreuve, manque d’énergie morale, et il en subit les tristes conséquences.
Lot est un caractère bien moindre que celui de Jonathan, car sa foi manque d’énergie personnelle. Il ne commence pas bien, car il marche avec Abraham, c’est-à-dire par la foi d’Abraham. L’énergie d’Abraham lui suffit. Il est le juste Lot et cela le caractérise comme homme de foi, mais c’est tout. La justice pratique personnelle dans nos voies ne suffit pas. Il faut l’énergie de la foi ; il faut que le coeur ait un seul objet ; il faut la séparation du monde ; sinon le monde nous submergera. Mais ce qui caractérise surtout Lot en mal, c’est qu’il choisit. Placé, sans énergie spirituelle devant les choses du monde, il «lève les yeux» et choisit. Il choisit sans aucune hésitation. Plus tard, hélas ! il montre la plus grande hésitation quand il s’agit de quitter ces choses.
Abraham ne choisit pas ; il abandonne. Il abandonne d’autant plus volontiers que, lors de son séjour en Égypte, il avait dû apprendre, par la perte de la communion avec Dieu, ce que c’était que de suivre sa propre pensée pour sortir de l’épreuve, quelque plausibles que fussent d’ailleurs ses motifs.
Lot lève les yeux et choisit les choses belles qui attirent ses regards ; des choses, direz-vous, établies comme un jardin d’Eden par la bonne providence de Dieu. Où était donc le mal ? Il était, a dit un frère, en ce que Satan avait planté Sodome au milieu du jardin de l’Éternel. Or c’est fatalement vers Sodome que la marche de Lot l’entraîne. Il a cherché dans ces choses la satisfaction de ses désirs ; il y trouve les plus épouvantables tribulations, comme unique conséquence de son infidélité.
J’ai dit : Abraham abandonne. Il le fait pour Dieu, mais Dieu ne veut pas rester son débiteur. Il dit : «Lève tes yeux». Quand c’est Dieu qui nous le dit, et non pas notre coeur, nous pouvons les lever sans crainte. Abraham lève les yeux sur l’étendue et les détails de l’héritage que Dieu veut lui donner ; il se promène de long en large dans ce bon pays qu’il ne possède qu’en espérance, mais cela suffit à sa foi. Le résultat de cette jouissance est qu’il adore l’Éternel qui lui a tout promis et lui donne l’assurance de ces choses. C’est l’autel permanent d’Hébron, l’autel du lieu où Abraham habite.
Au reste l’on peut dire que, depuis l’appel de Dieu, Abraham était coutumier de l’abandon, mais, à mesure qu’il avance dans le chemin, il apprend à abandonner mieux et davantage, même jusqu’à tout son espoir d’avenir, dans la personne d’Isaac, son fils bien-aimé.
Le résultat du choix de Lot est déplorable pour lui. Quant à son coeur, tout ce qu’il peut faire, c’est de «tourmenter son âme juste» ; ce n’est ni la paix, ni la communion, ni la puissance, ni la joie. Quant à son intelligence, il ignore comment Dieu estime le monde et le jugement qu’il prononce contre lui. Quant à sa foi, il craint le danger, là où est pour lui le salut, et manque absolument d’assurance. Quant à son témoignage, il le perd entièrement, se voit repris par le monde et un objet de risée pour ses gendres. Quant à sa marche elle se termine par un effondrement.
Quelle différence d’avec Abraham ! Près de Dieu sur la montagne, jouissant des choses à venir, adorateur plein de paix, intercesseur, ami de Dieu, dépositaire de ses révélations et de ses secrets quant à l’héritage (ch. 13), quant au jugement du monde (ch. 18) et au-dessus de tout quant à l’héritier lui-même, qu’Abraham finit par posséder comme sa part à jamais ! Outre cela, Abraham est victorieux, délivre son frère, refuse les dons du monde après avoir abandonné le monde (14:23). Enfin nous voyons chez lui les traits multiples de la foi qui obéit, s’attache à la parole de Dieu, vit dans sa dépendance, nous rend étrangers dans le monde, espère, persévère, renonce, combat victorieusement, justifie, réalise la mort, saisit la résurrection, et fait toutes ces choses, parce qu’elle s’attache à Christ et aux choses invisibles !