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Henri Rossier — Courtes méditations

 

 

La Connaissance — 1 Corinthiens 8:1

H. Rossier — Courtes méditations — n°14

ME 1922 p. 101-105

Le chapitre placé en tête de cette méditation nous apprend que certains chrétiens possèdent une connaissance qui les distingue d’autres chrétiens, ignorants et plus faibles qu’eux. Cette connaissance affranchit ceux qui la possèdent de certains scrupules de conscience auxquels leurs frères sont sujets ; mais, en usant de leur liberté, ils pèchent contre les faibles, et, en péchant contre eux, ils pèchent contre Christ (v. 12). Voilà où une certaine connaissance peut faire tomber un chrétien dans ses rapports avec ses frères ; mais, en outre, elle lui fait courir, quant à lui-même, un danger tout aussi positif : «La connaissance enfle». Elle nous donne de l’orgueil et nous remplit de notre importance. Elle met en relief, elle fait revivre et exalte, pour ainsi dire, le vieil homme dont la croix de Christ nous avait délivrés ! Ne courons-nous pas, aujourd’hui comme jadis, pareil danger ? Nous pouvons avoir une appréciation exacte de la non-valeur de ce que le monde appelle «sa religion», et n’en tenir aucun compte, mais nous pouvons, par là, blesser la conscience de nos frères faibles qui en sont sortis, mais attachent encore quelque importance aux choses dont ils se sont séparés.

Il est encore une autre forme de connaissance. Celle-ci nous met en rapport avec les choses saintes et provient directement de l’action du Saint Esprit en nous. C’est ainsi que nous lisons en 1 Cor. 12:8-10 : «À l’un est donnée, par l’Esprit, la parole de sagesse ; et à un autre la parole de connaissance, selon le même Esprit... et à un autre des dons de grâce de guérison, par le même Esprit, et à un autre des opérations de miracles…» Or, que faisaient les Corinthiens de tous ces dons, car il ne leur en manquait aucun, «ayant été enrichis en Christ en toute parole et toute connaissance ?» (1 Cor. 1:5, 7). Ils s’en servaient pour se faire valoir, ou, ce qui revient au même, ils «s’enflaient d’orgueil» (1 Cor. 4:6, 19 ; 5:2 ; 13:4), quand ils auraient dû les employer en vue de l’utilité du corps de Christ (12:7) et pour l’édification (14:3, 5). De là venait aussi que, dans leur esprit charnel, ils préféraient faire montre de dons miraculeux au milieu de l’assemblée, que de s’employer à un service plus humble où le vieil homme ne pouvait prendre l’occasion de s’enorgueillir.

Aujourd’hui que, par suite de la ruine de l’Église professante, ces manifestations miraculeuses ont disparu, le même esprit peut se faire jour dans l’exercice des dons que la grâce nous a laissés, et nous laissera jusqu’à la fin, pour l’édification du corps de Christ (Éph. 4:11-13). Cet esprit se montre surtout en ce qui concerne la connaissance, c’est-à-dire l’enseignement. On verra l’évangéliste, ou celui qui édifie, aspirer à être docteurs, alors que leurs dons sont infiniment supérieurs à celui-ci pour la conversion des âmes ou leur avancement dans la piété. Quelle est donc la cause de cette singulière aberration, si ce n’est, qu’enseigner les autres semble donner plus de relief, selon la chair, à celui qui enseigne, comme un professeur occupe une position supérieure à celle de ses élèves ? L’enseignement est nécessaire, mais nous avons à «désirer avec ardeur les dons spirituels, surtout de prophétiser» (14:1), non pas d’enseigner, parce que la prophétie, dans le sens de cette épître, met les âmes directement en rapport avec Dieu et que notre moi n’y trouve pas son compte, n’ayant là ni place, ni importance.

Nous venons de toucher ici au second danger de la connaissance, même en tant que don spécial de l’Esprit. Aussi Jacques peut-il nous dire : «Ne soyez pas beaucoup de docteurs, mes frères, sachant que nous en recevrons un jugement plus sévère» (Jacq. 3:1). Le jugement de ce «docteur» est d’autant plus sévère qu’enseignant les autres, sa place spéciale le charge d’une responsabilité supérieure à la leur.

Que faut-il donc penser de notre chair, si la connaissance, comme don de l’Esprit, peut être employée pour parer ou faire valoir le vieil homme ?

Mais il est une connaissance qui ne s’accompagne jamais d’aucun danger et qui est, au contraire, une source de bénédictions infinies pour celui qui la possède et pour ceux auxquels il la communique. Elle diffère entièrement des deux précédentes par son objet. L’objet de ces dernières était le moi. On y pense, a dit un frère, «comme à une chose qu’on possède, qui est en nous, qui est notre connaissance».

La connaissance dont nous parlons a Christ pour objet ; c’est ce qui lui enlève tout danger pour l’âme et devient, au contraire, une source de jouissance toujours renouvelée.

Cette connaissance n’enfle jamais : elle nous humilie profondément, tout en nous remplissant de joie. Elle nous met en contact habituel avec la Parole, mais pour y chercher Celui qui y est révélé, Jésus-Christ. Jamais nous ne pourrons atteindre la plénitude de cette connaissance, tant que nous serons ici-bas où nous ne «connaissons qu’en partie» ; il nous faudra être introduits dans la perfection de la gloire pour connaître à fond comme nous avons été connus (1 Cor. 13:12). Dans notre état d’imperfection, nous ne pouvons qu’y croître, selon qu’il est dit : «Croissez dans la grâce et dans la connaissance de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ».

Cette connaissance nous libère de nos attaches aux choses de la terre : «Et je regarde aussi», dit l’apôtre, «toutes choses comme étant une perte à cause de l’excellence de la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur» (Phil. 3:8). L’apôtre avait un sentiment si profond que cette connaissance était incomplète, que, bien loin de «s’enfler», plein d’une humilité profonde, il s’exprimait au bout de sa carrière comme s’il était au début de cette connaissance (Phil. 3:10). Comment aurait-il pu songer à s’enorgueillir de sa connaissance quand toute sa vie de fidélité chrétienne n’aboutissait qu’à la conviction qu’il en était encore aux éléments de la connaissance de Christ.

Connaître Christ, n’est pas autre chose que connaître l’amour, cet amour de Christ qui surpasse toute connaissance (Éph. 3:19). La connaissance de l’amour de Christ a pour conséquence que nous nous attachons aux objets auxquels cet amour s’attache, comme il est dit : «Comme je vous ai aimés, que vous aussi, vous vous aimiez l’un l’autre» (Jean 13:34). Cette connaissance n’enorgueillit jamais, car «l’amour ne s’enfle pas» (1 Cor. 13:4), mais notre passage du chap. 8:1 le définit ainsi : «L’amour édifie». Connaître Jésus, c’est connaître l’amour. L’amour de Christ édifie notre propre âme au lieu de lui nuire ; l’amour édifie l’âme de nos frères en contribuant à les faire croître dans la connaissance de Christ ; l’amour attire les âmes à Christ au lieu de les attirer à l’homme. Toute autre chose, même «la connaissance, aura sa fin» ; tandis que l’amour ne périt jamais. «Or maintenant ces trois choses demeurent : la foi, l’espérance et l’amour ; mais la plus grande de ces choses, c’est l’amour» (1 Cor. 13:13).