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VOIR JÉSUS DE LIEU EN LIEU

 

Jean 12:21 et Actes 10:38

 

ANDRÉ George

Juillet 1977

 

Table des matières :

1       Préface

2       Au bord du Jourdain

3       Sur la montagne

4       Sur la mer

4.1         Près de la mer

4.2         Les traversées

4.3         Les pêches miraculeuses

5       Dans la maison

5.1         Dans la maison

5.2         Maisons où Jésus a été invité

5.2.1      Les maisons de pharisiens

5.2.2      Les maisons des pécheurs

5.2.3      Les maisons où il fut accueilli

6       Dans le chemin

6.1         En Galilée

6.2         Il se retire (Mat. 12:15)

6.3         Vers Jérusalem

7       Dans la synagogue et dans le temple

7.1         Dans la synagogue

7.2         Dans le temple

7.3         Dans le jardin

7.3.1      Le jardin de la nuit

7.3.2      Le jardin de l’aurore

 

 

 

1         Préface

Il y a plus d’un siècle, J. G. Bellett avait réchauffé les cœurs des croyants par ses deux brochures, toujours actuelles : « La gloire morale du Seigneur Jésus Christ » et « Le Fils de Dieu ». Il plaçait devant leurs yeux la vie sans tache du Seigneur Jésus.

Ses gloires sont de trois natures différentes : personnelles, officielles et morales. Sa gloire personnelle est celle de Fils éternel de Dieu, sa nature propre : « la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde fût ». Cette gloire, nous la verrons, mais ne la partagerons pas (« ... afin qu’ils voient ma gloire » Jean 17:20, 24). Sa gloire officielle, celle de Messie, de Roi des rois, apparaissait rarement durant son chemin terrestre. « Ces gloires-là restaient habituellement cachées, quand il passait, jour après jour, dans les circonstances diverses de la vie. Mais sa gloire morale ne pouvait être cachée : Jésus ne pouvait pas être autrement que parfait en toutes choses ; ce caractère lui appartenait. C’était ce qu’il était... Elle resplendissait, que l’homme pût la supporter ou non ; et maintenant elle illumine chacune des pages des quatre évangiles, comme elle illumina jadis chacun des sentiers dans lesquels le Seigneur marcha ici- bas » (J.G.B.).

Dans nos entretiens et nos brochures sur « Cinq Villages » puis « Pierre et son Maître », nous avons cherché à dégager quelques-uns des traits de cette gloire morale. Elle est tout spécialement mise en évidence dans le volume de F. v. Kietzell : « Voici l’Homme », qui retrace les dernières heures de la carrière du Seigneur Jésus.

Quant à sa gloire personnelle, nous recommandons le volume de W. J. Hocking « Le Fils de Son Amour ».

Dans ces pages, nous reprenons certains des lieux où le Seigneur Jésus a passé, afin de nous aider à mieux Le voir par les yeux du cœur, dans « l’obscur chemin » parcouru dans ce monde. Certains incidents se retrouvent, sous un autre angle, dans divers chapitres. Toutefois la même Personne reste tout du long l’objet de notre attention et de notre amour.

On ne pourra profiter de ces lignes qu’en lisant et relisant dans l’évangile même, les passages considérés. Seule la Parole de Dieu est vivante.

 

***

« Nous désirons voir Jésus » (Jean 12:21)

« Il a passé de lieu en lieu, faisant du bien, et guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance ; car Dieu était avec Lui » (Actes 10:38).

 

Au soir de la vie, l’apôtre Jean, celui que Jésus aimait et qui avait avec Lui plus d’intimité qu’aucun autre, nous dit avec émotion : « Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché concernant la Parole de vie... ; ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi vous ayez communion avec nous : or notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Et nous vous écrivons ces choses, afin que votre joie soit accomplie » (1 Jean 1:1-4). L’apôtre avait vu Jésus, il l’avait entendu, il l’avait contemplé et pour ainsi dire touché de ses mains. Son cœur en était si rempli qu’il désirait faire partager cette vision à ses frères, afin que, en contemplant cette Personne merveilleuse, dans la communion avec le Père, « votre joie soit accomplie ».

Pierre nous en parle aussi, mais il précise : « Vous ne l’avez pas vu ». À travers les pages des évangiles, les yeux de notre cœur peuvent pourtant Le contempler, alors que d’endroit en endroit il s’en allait enseignant, prêchant, guérissant. Il devient ainsi pour nous une Personne mieux connue, mieux aimée ; « et, croyant en lui, quoique maintenant vous ne le voyiez pas, vous vous réjouissez d’une joie ineffable et glorieuse » (1 Pierre 1:8).

Ainsi s’affirme le désir de considérer le Seigneur Jésus dans diverses étapes de sa vie, divers endroits où il s’est trouvé. Quelle occupation pourrait mieux réjouir nos cœurs ? Le suivre dans sa carrière, allant « par toutes les villes et par les villages, enseignant dans leurs synagogues et prêchant l’évangile du royaume, et guérissant toute maladie et toute langueur » (Matt. 9:35).

Durant tout ce temps, que d’efforts il a consacrés à la formation de ses disciples, préparant ces témoins qui auraient à parler de lui, non seulement à Jérusalem, mais en Samarie, et « jusqu’au bout de la terre » (Actes 1:8). Dans ce chemin d’amour, nous considérons aussi « celui qui a enduré une telle contradiction de la part des pécheurs contre lui-même », de la part de ceux qu’il était venu chercher et sauver, mais qui « pour son amour, ont été ses adversaires ».

Du bord du Jourdain jusqu’au « jardin de l’aurore », les gloires morales, le caractère, la manière d’être, le comportement du Seigneur Jésus se présentent à nous dans les situations les plus variées, cachant sous « le voile épais d’un Galiléen méprisé » la gloire de sa Personne divine.

 

2         Au bord du Jourdain

Jean le baptiseur avait été envoyé pour « préparer le chemin du Seigneur » (Matt. 3:3). Au milieu de la ruine morale d’Israël, un tout petit résidu attendait encore le Messie. On venait à son baptême, baptême de repentance, en confessant ses péchés. Jean annonçait que celui qui viendrait après lui serait plus puissant que lui ; lui-même n’était pas digne de porter ses sandales. Le peuple devait donc s’attendre à voir paraître un grand personnage.

« Alors Jésus vient de Galilée au Jourdain... » — « En ces jours-là Jésus vint de Nazareth... ». Fils du charpentier de son village, charpentier lui-même, un homme pauvre, obscur, s’approchait de la rivière. Il venait, non pour accomplir des miracles, mais humblement prendre place parmi ceux qui se repentaient, sans avoir lui-même aucun péché à confesser, puisque : « Il n’a pas commis de péché » (1 Pierre 2:22) — « Il n’a pas connu le péché » (2 Cor. 5:21) — « Il n’y a point de péché en lui » (1 Jean 3:4). Il était entièrement séparé du mal dans sa nature et dans ses voies. Mais il convenait à la position qu’il avait prise au milieu de son peuple terrestre, qu’il « accomplisse toute justice ». Il trouvait ses délices dans ces « excellents de la terre » qui, eux, se repentaient et confessaient leurs fautes (Ps. 16:3). Ce premier contact mettait en évidence toute son humilité, et la grâce qui, aujourd’hui encore, pousse à la repentance et y répond.

Il fallait pourtant qu’il fût nettement distingué de tous les assistants. À peine baptisé, il s’éloigne aussitôt de l’eau et prie (Luc 3:21). Les cieux lui sont ouverts et l’Esprit descend sur lui. Lorsque Jean le voit venir à lui, il déclare : « Voilà l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde » (Jean 1:29). D’où venait-il cet Agneau ? Pas seulement de Nazareth ! À travers tout l’Ancien Testament, que de types avaient annoncé sa venue. Depuis la colline de Morija, son sacrifice avait jalonné toute l’histoire d’Israël. Ses origines étaient d’ancienneté (Michée 5:2). Il venait de plus loin encore, du fond de l’éternité, « préconnu dès avant la fondation du monde » (1 Pierre 1:20). « Il était avant moi », disait le Baptiseur. Le début de notre chapitre le déclare : « Au commencement était la Parole ; et la Parole était auprès de Dieu ; et la Parole était Dieu » (Jean 1:1). — Et dans quel but venait-il ? — « Ôter le péché du monde », mais aussi « baptiser de l’Esprit Saint » : les croyants — « et de feu » : ceux qui auront refusé l’évangile et seront atteints par le feu du jugement.

Un témoignage plus grand que celui de Jean devait lui être rendu. À sa naissance, l’ange avait annoncé aux bergers le grand sujet de joie. Mais ici, la voix du Père lui-même se fait entendre : « Celui- ci est (dans Marc et Luc : « Tu es... ») mon Fils bien- aimé, en qui j’ai trouvé mon plaisir » (Matt. 3:17). Pour la première fois le Dieu invisible s’adressait au Dieu manifesté. Il était bien Jésus de Nazareth dans son abaissement ; mais la foi apprenait à discerner en Lui l’Agneau de Dieu. Il était plus encore : « Le Fils bien-aimé du Père ». La Trinité se donne à connaître : l’Esprit descend sur lui comme une colombe, et « demeure » sur lui.

Jean n’était qu’une voix, pas un objet de contemplation. Il « voit » Jésus ; il lui rend témoignage. « Le lendemain encore... regardant Jésus qui marchait, il dit : Voilà l’Agneau de Dieu ! » Tout son être et tout son cœur se concentraient sur cette Personne, et son témoignage allait engager d’autres à suivre Jésus. Rencontre inoubliable dont les deux disciples ont noté le moment : la dixième heure. D’autres sont ensuite gagnés par leur témoignage. Si nous étions pénétrés dans nos cœurs de l’immense amour de l’Agneau de Dieu, ne serions-nous pas tous des témoins plus vivants de la grandeur de notre Sauveur et de son œuvre (Ps. 45:1).

Le ministère du Baptiseur va prendre fin. Quelle joie il avait eue de contempler cette Personne merveilleuse ! Par cette même contemplation, la vie de chacun de nous peut être transformée (2 Cor. 3:18). Et Jean « achève sa course » (Actes 13:25) sur cette parole, qui a retenti depuis lors au fond de bien des cœurs : « Il faut que Lui croisse, et que moi je diminue » (Jean 3:30).

 

3         Sur la montagne

La montagne occupe une grande place dans la Parole. Souvent Dieu s’y révèle et sa présence y est ressentie.

À Morija, le père et le fils allaient les deux ensemble. Au Sinaï, Moïse reçoit les révélations divines. Sur le Mont Nebo il contemple, en la compagnie de l’Éternel, toute l’étendue du pays. Sur l’Ébal et le Garizim, la malédiction et la bénédiction étaient prononcées.

Mais combien plus nous attirent les montagnes du Nouveau Testament, en particulier celles en rapport avec la vie du Seigneur Jésus.

La montagne, généralement lieu de calme et de recueillement est mise en Matthieu 5:1 en contraste avec la plaine où se trouvaient les foules. Sur la montagne, auprès de Jésus « assis », les disciples s’approchent. Voilà la communion, à l’écart, avec lui. Le Maître ouvre sa bouche et neuf fois de suite répète : « Bienheureux... bienheureux... Réjouissez-vous et tressaillez de joie, car votre récompense est grande dans les cieux » (Matt. 5:1-12). Première scène de l’évangile, où il apporte le bonheur à ceux qui vont le suivre, un bonheur qui trouve sa part en haut et non sur la terre. (À la fin de son ministère, combien de fois le Seigneur devra répéter : « Malheur... malheur », parce qu’il aura été rejeté (23:13 sqq). — Sur cette montagne, Celui qui avait promulgué la loi en Sinaï en reprend certains termes pour montrer que dans le royaume on ne sera plus jugé seulement d’après les fruits, mais selon les sources secrètes qui les auront produits. Maintenant, au milieu des siens, il personnifie la grâce, apportant une atmosphère paisible et bénie, telle que Moïse l’avait rencontrée en Horeb, lorsque « Je suis » avait « vu » et « entendu » la misère de son peuple et était « descendu » pour le délivrer (Ex. 3).

Pour appeler les douze, Jésus s’en va à nouveau sur une montagne, tout d’abord pour prier : « Et il passa toute la nuit à prier Dieu » (Luc 6:12). Ce choix allait être décisif pour toute la vie de ces hommes. « Dès le commencement » (Jean 6:64), Jésus savait ce qu’il adviendrait de chacun d’eux, en particulier de Judas qui le livrerait. Il change leurs noms parfois, mais non leur caractère. Il faudra toute l’éducation divine pour faire d’un Boanergès (fils de tonnerre), « le disciple que Jésus aimait » ; d’un Thomas souvent incrédule et discuteur, un disciple fidèle. Dans ce but, l’Homme parfaitement dépendant avait passé toute une nuit à prier. N’importe-t-il pas que nous consacrions du temps à la prière, avant de faire nos choix, et de prendre nos décisions ?

Sur cette montagne, Jésus avait appelé « ceux qu’il voulait » (Marc 3:13), non pas ceux qui le désiraient ! Job avait dit : « J’ai appelé mon serviteur, et il n’a pas répondu » (Job 19:16) ; sur la montagne où le Maître allait « établir » ses disciples, eux vinrent à lui ! Quel était le but de son appel ? Il était triple.

Tout d’abord, « pour être avec lui ». Combien il importe, avant tout service, de passer un temps suffisant avec lui, pour être formé, enseigné, préparé. Pendant trois ans, le Seigneur Jésus allait consacrer tant de cœur et d’efforts à la formation de ses disciples. Ils seraient avec lui sur la montagne, sur la mer, sur le chemin, jusqu’au jardin de la nuit. — Ensuite, il les enverrait prêcher. Le témoignage précis et précieux rendu à sa personne et à son œuvre, dépasserait les limites de Jérusalem et de la Samarie, et s’étendrait « à toute la création » (Marc 16:15). Prédication orale ; prédication écrite ; prédication, aussi et surtout, par la vie et la conduite. — Enfin, « pour leur donner autorité de guérir les maladies et de chasser les démons ». Pas seulement les miracles, signes de la puissance de Dieu pour introduire l’évangile, mais le miracle bien plus grand du salut d’une âme, de sa délivrance de la puissance de Satan.

Plus d’une fois Jésus s’en va seul à l’écart pour prier. Sans cesse entouré de malades, d’impotents, de multitudes qui le harcelaient, il lui fallait cette solitude avec son Père. Après la première multiplication des pains, alors que la foule parlait de « venir l’enlever afin de le faire roi », il se retire sur la montagne, lui tout seul (Jean 6:15). Il avait dû « contraindre » les disciples de monter dans la nacelle et de le précéder à l’autre rive, tandis qu’il renvoyait la foule. Il y avait danger pour eux d’être encensés par ces gens, ou de désirer que le Messie rejeté prenne une place qu’il ne devait recevoir que plus tard. Ainsi il importe de veiller, après un service heureux, et de disparaître plutôt que de recevoir compliments et louanges. En repassant les choses, seul dans la présence de Dieu, on en discerne les lacunes et les faiblesses, plutôt que d’en tirer gloire (cf. Marc 6:30).

Sur cette montagne, Jésus prie. Les disciples sont au milieu de la mer. Il les voit se tourmenter à ramer. Le vent est contraire, et pendant des heures et des heures ils n’avancent que de vingt-cinq à trente stades (quelques kilomètres). Lui les voyait, il intercédait pour eux ; eux l’avaient oublié ; et lorsqu’il vient à eux, marchant sur la mer, ce qu’aucun autre ne pouvait faire, ils croient voir un fantôme au lieu d’accueillir leur Maître.

D’autres montagnes se retrouvent dans les évangiles. Mais il en est une plus haute que les autres, où Jésus prend avec lui Pierre, et Jacques et Jean, et les mène à l’écart. Ils avaient été les témoins de la résurrection de la fille de Jaïrus ; il les inviterait à veiller avec lui au jardin de Gethsémané. Entre ces deux étapes, ils se retrouvaient à l’écart, tout seuls avec leur Maître ; sur la montagne, lui priait, alors qu’eux- mêmes étaient accablés de sommeil (Matt. 17, Luc 9). « Et quand ils furent réveillés, ils virent sa gloire ! »

« Après six jours, Jésus », nous disent Matthieu et Marc. Après six jours de travail, de service, un jour avec Jésus pour le contempler. Luc nous dit « environ huit jours après » — en ce huitième jour qui nous parle du premier jour d’une nouvelle semaine. Pourquoi fallait-il que les disciples dorment, comme au jardin ils s’endormiront de tristesse ? Pourquoi trop souvent nos esprits sont-ils préoccupés, ensommeillés, indifférents même, lorsque, réunis autour du Seigneur, nous annonçons sa mort et contemplons sa gloire ?

Quand leurs yeux s’ouvrirent, ils le voient « resplendissant comme un éclair » ; deux hommes, Moïse et Élie, parlaient avec lui « de sa mort qu’il allait accomplir à Jérusalem ». Au jour de la résurrection, sur le chemin d’Emmaüs, l’Homme ressuscité rappellera qu’il fallait que le Christ souffrît et qu’il entrât dans sa gloire. Les souffrances devaient être sa part ; les gloires viendraient seulement plus tard. Sur la sainte montagne, on en a déjà l’esquisse. — La gloire qui brille là n’est pas seulement celle de Messie. Tandis que Moïse et Élie disparaissent, la Voix, qui avait déjà retenti au Jourdain, se fait à nouveau entendre : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez- le ». Le Père présente pour ainsi dire le Fils, qui venait avec le législateur et le prophète de présenter l’œuvre. Les disciples se retrouvent avec « Jésus seul ». Les temps de Moïse et d’Élie sont révolus ; « Jésus seul » doit être écouté. La vision de la gloire millénaire s’est évanouie. Devant leurs yeux demeure Celui qui, déjà et toujours, était, est et sera, le Fils bien-aimé du Père.

Sur la montagne des Oliviers, face à Jérusalem, Jésus prononce le grand discours prophétique qui annonce la fin de la cité, et les événements des derniers jours. Il y passe les ultimes nuits de son ministère, alors qu’aucune maison ne s’ouvrait à Jérusalem pour le recevoir (Luc 21:37). Dans le jardin, au pied de cette montagne, il vit les terribles heures de l’agonie. À Béthanie, derrière ce même mont des Oliviers, le Sauveur ressuscité, levant ses mains en haut, bénit les siens, et est élevé dans le ciel. Sur cette montagne encore, il posera ses pieds au jour de son apparition glorieuse (Zach. 14:4), afin de délivrer le reste de son peuple qui aura reconnu sa culpabilité et crié à Lui à travers les détresses de la grande tribulation

Avant l’ascension, il leur était apparu « en Galilée, sur la montagne où il leur avait ordonné de se rendre » (Matt. 28:16-20). Sur cette montagne de la résurrection, le Vainqueur de la mort, à qui toute autorité a été donnée, s’approche, et confie aux siens l’ordre (répété sous diverses formes à la fin de chaque évangile et au début des Actes) d’aller faire disciples toutes les nations, les baptisant pour le nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur enseignant à garder toutes les choses qu’il leur avait commandées : « Et voici, moi je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation du siècle ».

Ne vaut-il pas la peine d’aller, comme Lui, de temps à autre « sur la montagne » ? Pas seulement dans la solitude (qui peut comporter de graves tentations) mais dans la présence de Dieu. Pas seulement une heure ou deux, mais un jour, deux jours, trois jours...

 

…Laissant les heures s’écouler,

Dans un silence qui s’oublie,

Jésus, pour te laisser parler.

(H. R.)

 

Aller souvent aussi « à la montagne de la myrrhe » (Cant. 4:6), qui nous parle des souffrances insondables endurées à notre place sous le jugement de Dieu contre le péché ; « montagne » qui nous dépasse dans sa hauteur inaccessible pour nous. — Monter aussi à la « colline de l’encens », où nous pouvons, en réponse à tout son amour, lui offrir, et par lui au Père, le parfum de l’adoration « jusqu’à ce que l’aube se lève et que les ombres fuient ». Alors « nous connaîtrons à fond comme aussi nous avons été connus » (1 Cor. 13:12).

 

Quel encens rare et sans mélange

T’offriraient les tiens en retour ?

Le parfum de notre louange

N’est-il pas, Jésus, ton amour ?

(H. R.)

 

4         Sur la mer

La montagne nous a parlé d’intimité à l’écart, dans la communion avec le Seigneur. La mer présente plutôt les circonstances extérieures, le brouhaha des foules, les hauts et les bas de la vie ; aussi, le ministère public, qui a tenu une si grande place dans la carrière de Jésus.

En effet, il n’est pas resté sur la montagne où, après une nuit de prière, il avait appelé les apôtres : « Étant descendu avec eux, il s’arrêta dans un lieu uni, avec la foule de ses disciples et une grande multitude de peuple » (Luc 6:17). Jésus s’approche des malades, des âmes tourmentées ; il est toujours disponible pour chacun. Il n’a pas passé sa vie sur les hauteurs ; il est aussi descendu près de la mer. Il ne s’est pas éloigné de la foule, mais a voulu s’en approcher ; il rencontrait chacun tel qu’il était, sans faire de discrimination entre les sympathiques et les plus repoussants, toujours prêt à répondre inlassablement à tous les besoins : « Le fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir ».

 

4.1       Près de la mer

« Comme il marchait le long de la mer de Galilée, il vit Simon et André, le frère de Simon, qui jetaient un filet dans la mer. » Le voyons-nous parcourir ainsi le rivage ? — Les deux hommes laissent leurs filets, leur source de revenus, et s’en vont après lui ; il les fera devenir pêcheurs d’hommes.

Un peu plus avant, Jacques et Jean raccommodaient les filets dans la nacelle. Aussitôt Jésus les appelle. Eux laissent non seulement leur nacelle, mais aussi leur père.

Plus loin, nous le voyons « sortir encore, et longer la mer ; et en passant il vit Lévi, le fils d’Alphée, assis au bureau de recettes, et il lui dit : Suis-moi. Et se levant, il le suivit » (Marc 2:13, 14). Lévi quitte sa position au service des Romains, son travail, sa profession ; il ne pourra jamais les reprendre, comme ses collègues leurs filets (Jean 21 !); il n’emporte, symboliquement, que son encrier et sa plume : bien des années plus tard, il écrira l’évangile qui fera revivre, pour tant de générations, toute la carrière du Messie promis.

Au milieu de leur activité professionnelle, de leurs obligations familiales, l’appel du Seigneur avait atteint ces hommes. Ils l’ont fait passer lui en premier. Toute leur vie en a été transformée. Le Seigneur n’appelle pas chacun des siens à consacrer tout son temps à son service ; mais souvent il présente telle ou telle tâche particulière ; la grâce place devant nous des occasions d’être utiles pour lui. Répondrons-nous comme le serviteur de Job (19:16), ou comme ces hommes de Galilée ?

Près de cette mer, Jésus va guérir beaucoup de malades, secourir les affligés, délivrer de la puissance du mal ceux qui en étaient captifs (Marc 3:7-11). « Il se mit encore à enseigner près de la mer. Et une grande foule se rassembla auprès de lui, de sorte que montant dans une nacelle, il s’assit sur la mer ; et toute la foule était à terre sur le bord de la mer » (Marc 4:1). Quel tableau de la persévérance inlassable du parfait Serviteur, qui savait et guérir et enseigner (Actes 1:1). Il s’adaptait à son auditoire, instruisant les uns par des paraboles, et, dans le particulier, interprétant tout à ses disciples (Marc 4:34). Les foules étaient venues de très loin, du sud et du nord du pays. Jésus était ému de compassion par ces multitudes. Le sommes-nous, dans notre époque déchristianisée, où tant d’âmes ont besoin du message de Christ, brebis lassées et dispersées qui n’ont pas de berger ?

« Près de la mer de Galilée... on lui amène un sourd » (Marc 7:31-35). Nous aussi pouvons amener des âmes en contact avec le Seigneur, comme Philippe l’avait fait pour Nathanaël, ou André avec Simon (Jean 1). Que d’aveugles et de sourds autour de nous ! Jésus emmène l’homme seul à l’écart et le touche, montrant que, de cœur, il prend part à ses circonstances. Il faut une décision personnelle pour être à Christ. Le Seigneur regarde vers le ciel, exemple pour nous dans la conscience de notre incapacité. Les oreilles et la bouche du sourd-muet vont s’ouvrir. Qui va-t-il dorénavant écouter ? Quel genre de paroles prononceront ses lèvres ? Jésus lui dit: « Ephphatha » : Ouvre-toi ! Ouvre-toi à une vie nouvelle, à la vérité, à la vraie joie. Si tu sais écouter, tu pourras parler et apporter à d’autres le message de la grâce. S’il y a trop de muets parmi nous, est-ce peut-être parce qu’ils ne savent pas écouter ?

« À l’écart », les disciples s’étaient retrouvés avec le Maître pour lui raconter « tout ce qu’ils avaient fait, et tout ce qu’ils avaient enseigné » (Marc 6:30). « À l’écart » les oreilles du sourd se sont ouvertes : d’abord écouter. Ensuite voir, comme l’aveugle conduit par Jésus « à l’écart », afin de le guérir. Enfin, contempler Sa gloire « à l’écart » sur la haute montagne.

 

4.2       Les traversées

Au soir d’une journée où le Seigneur avait enseigné les foules, annonçant la Parole « selon qu’ils pouvaient l’entendre », il dit à ses disciples : « Passons à l’autre rive ». On va traverser la mer, symbole de toute l’agitation des circonstances de la vie, mais Jésus est avec les siens. Pourquoi devant le vent et les vagues, sont-ils craintifs et n’ont-ils pas de foi ? — Ils avaient oublié la puissance de celui qui les accompagnait (Marc 4:35-41).

Pour lui, véritablement homme, fatigué du labeur du jour « il était à la poupe, dormant sur un oreiller ». C’est la seule occasion où nous le voyons dormir. Mais le repos ne lui sera pas accordé, pas plus que l’eau dont il avait soif au puits de Sichar, ou les figues du figuier qui n’avait que des feuilles. Dans sa parfaite humanité, il a connu la fatigue, la soif et la faim ; il n’y avait pas de repos pour lui. Véritablement Dieu, il se lève, il reprend le vent, il dit à la mer : Fais silence, tais-toi, et il se fit un grand calme. « Ils dirent entre eux : Qui donc est celui-ci ? » — Agur l’avait déjà demandé : « Qui a rassemblé le vent dans le creux de ses mains ? Qui a serré les eaux dans un manteau ? Quel est son nom, et quel est le nom de son fils, si tu le sais ? » (Prov. 30:4). — Et nous, quelle réponse allons-nous donner ?

Jésus avait traversé la mer pour délivrer un seul homme possédé par le démon. Tel était son amour pour la foule, tel il était pour un seul démoniaque. Ayant encore repassé à l’autre rive, se trouvant au bord de la mer (Marc 5:21), il est accueilli par Jaïrus qui vient le supplier pour sa fille. Une femme est guérie en route ; la jeune fille est rendue à ses parents ; puis « il sortit de là et vint dans son pays ; et ses disciples le suivent ».

Un autre soir, une autre traversée, trouvent les disciples seuls « au milieu de la mer » (Marc 6:47). Telle est l’épreuve à laquelle le Maître les a contraints, après la joie de la multiplication des pains. Il leur fallait cette expérience, car, par les miracles, « ils n’avaient pas été rendus intelligents ». Ainsi, lorsqu’un temps de bénédictions ne nous a pas conduits plus près de lui, le Seigneur permet des jours d’adversité pour nous amener à mieux le connaître : « Véritablement tu es le Fils de Dieu » (Matt. 14:33). — Jetés çà et là par la tempête, se tourmentant à ramer, comme nous l’avons vu, les disciples l’oublient ; lorsqu’il vient à eux, ils croient voir un fantôme. Il ne s’impose pas, voulant simplement « passer à côté d’eux », comme plus tard, à Emmaüs, il fera « comme s’il allait plus loin » ; il désire être invité ! À leurs cris, sa voix répond : « C’est moi ; n’ayez point de peur ». Il calme d’abord les esprits ; ensuite les éléments déchaînés seront apaisés. La dépression mentale ne provient pas des circonstances, mais de la manière dont elles sont abordées. Il importe pour le croyant de les rencontrer avec un esprit calme, un esprit en communion avec le Seigneur : « C’est moi ; n’ayez point de peur ». — Pierre désire alors le rejoindre, en marchant sur la mer démontée pour aller à Jésus. Il y fallait toute la puissance divine ; mais quand Simon regarde le vent, il a peur et commence à enfoncer ! Que va-t-il devenir ? — « Seigneur, sauve-moi ! Et aussitôt, Jésus étendant la main, le prit » (Matt. 14:28-31). La main fidèle n’a pas laissé son disciple disparaître dans les eaux. L’homme de petite foi avait douté, mais le Sauveur ne tarde pas à le secourir. « Et quand ils furent montés dans la nacelle, le vent tomba ».

Une autre traversée de la mer (Marc 8:10) avait amené Jésus aux quartiers de Dalmanutha. Les pharisiens discutent avec lui. Le Seigneur ressent dans son esprit cette opposition tenace : « Il soupire profondément » (v. 12). Les laissant, il remonte de nouveau dans la nacelle et s’en va à l’autre rive. Pour quel résultat cette double traversée ? — Au retour il enseigne ses disciples et les met en garde contre le levain des pharisiens et celui d’Hérode : l’hypocrisie, le légalisme, le formalisme — d’autre part, l’amitié du monde pour s’y faire une position. Successivement il leur pose neuf questions ; ils ne savent que répondre. Ils ressemblent à cet aveugle que le Seigneur va conduire par la main à l’écart, en prenant tant de peine jusqu’à ce que sa vue soit rétablie et qu’il voie « tout clairement ». Avec tristesse il doit leur dire : « Comment ne comprenez-vous pas ? » Cela ne nous arrive-t-il pas aussi de douter de la toute-puissance de Dieu, et même pire, de son amour ?

 

4.3       Les pêches miraculeuses

En Luc 5, Pierre, qui avait déjà rencontré Jésus sur les bords du Jourdain, va connaître sa puissance et trouver en lui son Sauveur. Devant le miracle, il s’écrie : « Seigneur, retire-toi de moi, car je suis un homme pécheur ». Mais Jésus ne s’en va pas. Il ne repousse pas le pêcheur à genoux devant lui, au contraire : « Ne crains pas ; dorénavant tu prendras des hommes ».

Plus tard Pierre touchera du doigt la puissance du Créateur. Sans réfléchir, lorsque les receveurs des didrachmes (impôt du temple) lui avaient demandé si son maître ne payait pas la taxe, il avait répondu oui. Quel embarras, lorsqu’il se retrouve avec lui dans la maison ! Jésus le prévient. Il accepte cette position d’étranger sur la terre ; lui, le Seigneur du temple va se soumettre à cet impôt pour ne pas les scandaliser. Toutefois le Créateur n’a pas besoin d’une aide humaine. Il ne va pas demander l’aumône ! Il envoie son disciple à la mer jeter son hameçon et prendre le premier poisson qui monterait: « Et quand tu lui auras ouvert la bouche, tu y trouveras un statère. Prends-le et donne-le-leur pour moi et pour toi » (Matt. 17:24-27). Pourquoi « pour moi et pour toi » et non pas « pour nous » ? Pierre avait mis son Maître au niveau d’un autre Juif, mais la gloire du Messie devait être préservée. Il n’était pas au même niveau que son disciple, même si dans son abaissement il en prenait la place. Le message transmis par Marie de Magdala dira: « Je monte vers mon Père et votre Père (pas : vers notre Père) et vers mon Dieu et votre Dieu ». Il place les siens dans la même relation que lui avec le Père, avec son Dieu. Mais il reste, Lui, « premier né entre plusieurs frères ».

Simon Pierre, le pêcheur, a rencontré le Sauveur et le Créateur. Il va connaître le Restaurateur. Auprès de cette même mer de Galilée, après une nouvelle pêche miraculeuse, Jésus ressuscité lui dit : « Simon, fils de Jonas, m’aimes-tu plus que ne font ceux-ci ? » Pierre ne peut que répondre : « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime ». Successivement, Jésus le restaure dans le service : Pais mes agneaux — sois berger de mes brebis — pais mes brebis (Jean 21). L’amour pour le Seigneur et les siens en est le seul ressort.

Sur les rives de cette mer de Galilée, les foules avaient bénéficié du ministère du Sauveur. Près de la mer et sur la mer, les disciples avaient appris à le connaître dans sa puissance, dans son amour, dans sa grâce. Il avait fait bon être avec lui, seuls sur la montagne. Mais jamais ils n’auraient appris là-haut les leçons qu’ils ont reçues sur la mer, dans le vent et dans les tempêtes — au milieu des estropiés, des pauvres et des aveugles.

Un jour viendra, où il sera dit « la mer n’est plus » (Apoc. 21:1). Il reste un repos pour le peuple de Dieu. Repos éternel auprès de Jésus ; les peines et les douleurs auront passé ; mais l’Ami fidèle qui aura été avec nous pour les traverser, restera le même à toujours.

 

5         Dans la maison

5.1       Dans la maison

La maison est généralement pour l’homme « son lieu ». Les Proverbes comparent celui qui erre loin de son lieu à un oiseau qui erre çà et là loin de son nid (Prov. 27:8). La maison évoque la sécurité, l’atmosphère d’intimité de la famille, les circonstances vécues ensemble. Qu’a connu Jésus de tout cela sur la terre ? À sa naissance il n’y avait pas de place pour lui dans l’hôtellerie (Luc 2:7), même si, autrefois, il y en avait eu pour Kimham et ses compagnons (Jér. 41:17). Dans la maison sur laquelle s’était arrêtée l’étoile, les mages l’avaient adoré ; peu après, il lui fallut s’enfuir en Égypte...

De la vie errante de son ministère, il devait déclarer : « Le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête » (Matt. 8:20). Sans doute a-t-il habité quelque temps à Capernaüm (Matt. 4:13 ; Jean 2:12), mais il y trouvait bien peu un chez soi. Lorsqu’à Jérusalem chacun s’en va dans sa maison, lui-même n’a d’autre refuge que la montagne des Oliviers (Jean 7:53). Au soir du jour où le peuple criait hosanna, aucune demeure ne s’ouvre à Jérusalem pour le recevoir. Il quitte la ville et s’en va à Béthanie avec les douze. « Les nuits il sortait et demeurait dans la montagne qui est appelée des Oliviers » (Luc 21:37).

Au cours des évangiles, nous le trouvons pourtant plusieurs fois « à la maison », sans qu’il soit toujours précisé laquelle. Elle aurait dû être un lieu d’intimité, de tranquillité, de détente. Marc, l’évangile du Serviteur, insiste sur les nombreux visiteurs qui s’y rencontraient : « On ouït dire qu’il était à la maison. Et aussitôt beaucoup de gens s’y assemblèrent, de sorte qu’il ne se trouva plus de place, même auprès de la porte » (Marc 2:1, 2). Il répond à la foi des quatre amis qui apportaient le paralytique, malgré l’opposition des scribes qui se trouvaient là.

Il attend d’être « dans la maison » pour guérir les deux aveugles qui avaient fait appel à sa pitié sur le chemin. Dans le calme de cette maison, « il touche leurs yeux, disant : Qu’il vous soit fait selon votre foi » (Matt. 9:27-30).

Un peu plus tard « ils viennent à la maison ; et la foule s’assemble de nouveau, en sorte qu’il ne pouvait pas même manger leur pain » (Marc 3:20). À nouveau les scribes s’opposent et ses proches veulent se saisir de lui.

Dans d’autres occasions toutefois, la maison est le lieu de rassemblement avec ses disciples, qui peuvent alors le questionner à loisir. Après qu’il a congédié les foules et est entré « dans la maison », ils l’interrogent sur la parabole de l’ivraie du champ. Jésus en donne le sens, mais il veut conduire les pensées des siens beaucoup plus loin, dans les mystères intérieurs du royaume : il introduit par trois « encore » successifs les paraboles du trésor, de la perle de grand prix et de la seine jetée dans la mer (Matt. 13:36-50). Quel écho a dans nos cœurs cette expression répétée : « Il s’en va... Il s’en alla » ? Les apôtres croient avoir compris (v. 51), mais montreront plus tard qu’il n’en était rien (Actes 1:6).

Un autre jour, « quand il fut entré dans la maison, s’étant retiré d’avec la foule, ses disciples l’interrogèrent ». Ils n’avaient pas saisi la pensée de Jésus que l’homme n’est pas souillé par les impuretés extérieures, mais bien plus par ce qui sort de son propre cœur (Marc 7:17-23). Seule la nouvelle naissance peut le changer.

Les disciples n’avaient pu guérir l’enfant qu’avait amené son père. Jésus avait soupiré : « Ô génération incrédule, jusques à quand serai-je avec vous ? Jusques à quand vous supporterai-je ? » Ils attendent qu’il entre dans la maison pour lui demander en particulier : « Pourquoi n’avons-nous pu le chasser ? » Pourquoi ce manque de puissance ? pouvons-nous aussi souvent nous demander. Le Seigneur leur en donne le secret : le manque de prière et de jeûne, de renoncement à tout ce qui entrave la vie spirituelle (Marc 9:28, 29). On voudrait travailler pour le Seigneur, oubliant notre totale incapacité qui ne trouve son recours que dans sa puissance à Lui, recherchée dans la prière. Trop de choses du monde émoussent le sens spirituel, et le travail est sans fruit, faute de « jeûne ».

« Dans la maison », les disciples font part au Seigneur de leurs préoccupations quant au mariage (Marc 10:10-12). C’est l’occasion pour lui d’en souligner la sainteté. L’apôtre insistera sur l’importance de réaliser cet acte capital « seulement dans le Seigneur » (1 Cor. 7:39).

Puis il enseigne ses disciples au sujet de ses souffrances. « Ils ne comprennent pas ce discours » (Marc 9:32), et sur le chemin se disputent pour savoir qui serait le plus grand d’entre eux. En route, Jésus n’intervient pas. « Quand il fut dans la maison, il leur demanda : Sur quoi raisonniez-vous en chemin ? Et ils gardaient le silence ». Il laisse parler leur conscience, tandis que chacun vaque à ses occupations, dépose ses vêtements, peut-être se lave les pieds ou les mains. « Et lorsqu’il se fut assis, il appela les douze et leur dit : « Si quelqu’un veut être le premier, il sera... le serviteur de tous ». Merveilleux tact du Maître qui lisait dans les cœurs, et n’intervenait qu’au moment propice. Nous nous retrouvons autour du Seigneur Jésus, assis en sa présence. Dans quelle mesure les préoccupations antérieures occupent-elles encore nos esprits ? Les soucis, les projets, les disputes peut-être que nous avons eues avec des frères ou des parents ? Il aurait fallu, au préalable, que chez nous, « dans la maison », devant lui, les choses se décantent et s’éclairent et soient jugées. Jésus donne l’exemple de l’humilité avec le petit enfant dans ses bras. Dans le royaume l’échelle des valeurs sera complètement renversée : Ce qui est petit sera grand (Marc 9:30-37). « Apprenez de moi, car je suis débonnaire et humble de cœur » (Matt. 11:29).

Lorsque, comme nous l’avons vu, Pierre est tout embarrassé d’avoir engagé son Maître à payer les didrachmes, Jésus attend de se retrouver avec lui « dans la maison » (Matt. 17:25) pour lui donner l’issue. Les receveurs avaient dit : « Votre maître ne paie-t-il pas ? » Lui n’avait rien à payer ; il avait tout donné (2 Cor. 8:9) ; il allait se donner lui-même.

 

5.2       Maisons où Jésus a été invité

On en peut distinguer trois types : celles des pharisiens ; celles des pécheurs ; enfin celles qui l’ont accueilli. À travers la diversité des lieux, des accueils, des réactions, nous retrouvons toujours la même Personne se mettant au niveau de chacun, constamment prête à donner. Quelle chose extraordinaire de voir le Fils de Dieu devenu homme entrer dans la maison d’une de ces créatures ! Ne voulons-nous pas dire avec d’autres : Seigneur, viens dans ma maison ! Il voudrait y être désiré.

 

5.2.1        Les maisons de pharisiens

Il y pénétrait comme un docteur, parfois comme un censeur, toujours comme apportant la lumière qui manifeste l’état des cœurs, sans se laisser influencer par les règles factices d’une courtoisie et d’une politesse tout extérieures.

En Luc 7:36, « un des pharisiens le pria de manger avec lui. Et entrant dans la maison du pharisien, il se mit à table ». Jésus accepte l’invitation, et ne semble pas se formaliser de l’accueil abrupt de son hôte. Dans cette maison viendra une femme pécheresse, dont il pourra dire « ses nombreux péchés sont pardonnés, car elle a beaucoup aimé ». Il avait discerné la foi qui était dans son cœur, foi qui l’avait poussée jusqu’à entrer dans cette demeure hostile et à se jeter aux pieds du Sauveur. — La visite ne devait pas être perdue non plus pour le pharisien : « Simon, j’ai quelque chose à te dire... Je suis entré dans ta maison ». Comment y avait-il été reçu ? — Qu’en est-il de nos maisons ? Avons-nous pour le Seigneur les égards qui lui reviennent ? Y a-t-il même place pour lui ? et place pour les pécheurs qui voudraient venir à lui ?

En Luc 11:37-54 « un pharisien le pria de dîner chez lui ». Occasion pour les scribes et les docteurs de la loi de le presser fortement, le provoquer, lui dresser des pièges, chercher à surprendre quelque chose de sa bouche, afin de l’accuser. Il avait osé s’asseoir sans « s’être premièrement lavé avant le dîner » ! Le Seigneur de montrer à ses hôtes qu’eux nettoyaient le dehors, mais qu’au-dedans ils étaient pleins de méchanceté. Ils cherchaient l’apparence extérieure, la considération parmi le peuple, mais ils avaient « enlevé la clé de la connaissance » : « Vous n’êtes pas entrés vous-mêmes, et vous avez empêché ceux qui entraient ». Quand Jésus est là, les pensées des cœurs sont dévoilées.

En Luc 14, il est invité par un des principaux des pharisiens un jour de sabbat. « Ils l’observaient » : Allait-il, en un jour mis à part pour Dieu, se préoccuper du malheureux hydropique qui se trouvait devant lui ? Le cœur de Jésus, plein de compassion, guérit l’homme, mais en même temps il touche la conscience de ses accusateurs, qui ne pouvaient répliquer à ses questions. — À son tour « il observe comment les conviés choisissaient » les meilleures places. Chacun s’attable à l’endroit qui lui paraît convenir à sa propre importance. Mais quand le Maître entre, il met à la dernière place le convié qui s’était placé trop haut, et fait monter l’autre dont l’humilité avait choisi une position inférieure. Une fois encore, l’état des cœurs est mis en lumière.

 

5.2.2        Les maisons des pécheurs

À l’appel de Jésus, Lévi a tout quitté et l’a suivi. Mais il désire que ses amis les publicains, et bien d’autres personnes, fassent la connaissance du Sauveur qui vient de le trouver. « Il lui fit un grand festin dans sa maison ; il y avait une grande foule de publicains et d’autres gens qui étaient avec eux à table » (Luc 5:29). Pourquoi, disent les scribes et les pharisiens, mangez-vous et buvez-vous avec les publicains et les pécheurs ? Qu’était venu faire Jésus dans ce monde ? Le condamner ? — « Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs, à la repentance ». Le Sauveur était là : qui l’accepterait ?

Zachée était aussi un chef de publicains. « Il cherchait à voir Jésus, quel il était » (Luc 19:1-10). Sa position, la foule, le qu’en dira-t-on, sa petite taille, étaient autant d’obstacles. Les uns disent : je ne sais pas ; d’autres : je n’ose pas ; d’autres encore : je ne peux pas. Jésus connaît le désir du publicain. Il le voit le premier, et lui dit de descendre de son sycomore « car il faut que je demeure aujourd’hui dans ta maison ». Avec autorité, le Sauveur s’invite comme convive parce qu’il a discerné chez cet homme une conscience délicate, et les premières manifestations de la foi et de la vie nouvelle. Avec quelle joie Zachée le reçoit, même si tous murmurent « disant qu’il était entré chez un pécheur pour y loger ». À cette maison, Jésus apporte le salut ; il était venu « chercher et sauver ce qui était perdu ».

À la fin de son chemin d’amour, Jésus allait être emmené dans une autre maison, celle de Caïphe le souverain sacrificateur (Luc 22:34). Pierre l’y renie. Ceux qui le tenaient se moquaient de lui et le frappaient, crachant contre lui et lui couvrant le visage, multipliant les soufflets. La « brebis muette » était « devant ceux qui la tondent ; et il n’a pas ouvert sa bouche ! » (Ésaïe 53:7).

 

5.2.3        Les maisons où il fut accueilli

Reçu dans la maison de Simon et d’André, Jésus y trouve la belle-mère de Simon, couchée, ayant la fièvre (Marc 1:30). Faut-il renoncer à l’accueillir ? « Aussitôt ils lui parlent d’elle », comme nous aussi pouvons le faire dans tous les problèmes et les épreuves qui surgissent dans nos familles, avec nos enfants et nos proches. Tâchons de voir la scène dans la chambre où le Seigneur entre, s’approchant de la malade, la prenant par la main ; « et aussitôt la fièvre la quitta ; et elle les servit » (Matt. 8:15 dit « elle Le servit ». Où est la différence ?).

Jaïrus avait supplié Jésus de venir dans sa maison, sa fille étant à l’extrémité. Le chemin est long. En route Jésus s’arrête pour guérir la femme qui l’avait touché. Entre-temps la jeune fille est morte. À quoi bon « tourmenter encore le Maître » (Marc 5:35) — « Ne crains pas, crois seulement », dit Jésus au père désolé. Arrivé à la maison, il met tout le monde dehors, ne prenant que le père de l’enfant et la mère, et trois de ses disciples, et entre là où l’enfant était couchée. Dans la pénombre de cette chambre mortuaire, le Sauveur s’avance. Comme il l’avait fait dans la maison de Simon, il prend la main de l’enfant et lui dit : Jeune fille, je te dis, lève-toi. Aussitôt elle se lève et marche. Il a apporté la vie dans l’intimité de la maison, intimité si nécessaire entre une âme et son Sauveur ; autrefois Joseph avait voulu être seul avec ses frères pour se révéler à eux. Qu’est-ce qui va marquer cette vie nouvelle ? Le jeune homme de Naïn se met à parler; la fille de Jaïrus doit manger; de Lazare il est dit: Laissez-le aller; Dorcas n’a-t-elle pas continué de servir ?

Bien des fois, la maison de Béthanie a, sans doute, accueilli le Pèlerin fatigué, qui trouve là comme un chez soi. Il n’y vient pas comme censeur, ou même comme berger, mais comme ami. Un lien d’amour l’unit à cette famille. Des femmes que Jésus avait « guéries d’esprits malins et d’infirmités » (Luc 8:2) l’ont suivi « sur le chemin », le servant et l’assistant de leurs biens. À leur heure, elles auront leur récompense. Mais celles qui l’ont reçu « dans leur maison », ont acquis de lui une connaissance bien plus intime. Marie s’assied à ses pieds ; Marthe apporte son service. Quand les deux sœurs sont dans le deuil, elles font l’expérience de toute la sympathie de l’Homme parfait. Il n’y a plus l’une écoutant, l’autre servant ; mais deux âmes unies dans une même douleur, et n’ayant d’autre ressource que lui. Elles voient alors la vie jaillissant du royaume de la mort à la voix de Jésus, et comprennent le sens de cette parole : « Moi, je suis la résurrection et la vie » (Jean 11:25). Aussi ne viendront-elles pas s’attarder au bord d’un tombeau vide, mais auparavant, à l’heure opportune, dans la maison de Simon le lépreux, Marie versera le nard pur de grand prix sur la tête du Roi en Matthieu, sur celle du Serviteur en Marc, sur les pieds du Fils de Dieu en Jean. « Et la maison fut remplie de l’odeur du parfum ».

La maison d’un inconnu accueillera les disciples qui viennent préparer la Pâque (Luc 22:10). « Et quand l’heure fut venue, il se mit à table, et les douze apôtres avec lui ». Dans ce logis ami, dans la grande chambre garnie, Jésus prend le pain qui parle de son corps donné, la coupe qui présente son sang versé. On chante une hymne avant d’aller à la montagne des Oliviers. Et le Seigneur Jésus y révèle tant de secrets à ses disciples, prolongeant la conversation dans la vallée du. Cédron, leur parlant d’une autre maison, où des places sont préparées, d’où il reviendra pour prendre les siens auprès de lui, « la maison de mon Père » (Jean 14:2). À son tour, lui-même les accueillera « et il se ceindra et les fera mettre à table, et s’avançant, il les servira » (Luc 12:37).

Dans toutes les maisons où il était entré, il avait « donné » : le salut, le pardon, la guérison, la vie, la lumière. Dans la seule maison de Simon le lépreux, il a « reçu » le parfum ; dans celle de Caïphe, le mépris et les coups ; dans la maison du Père, il recevra la louange éternelle.

 

6         Dans le chemin

« Combien sont beaux les pieds de Celui qui annonce la paix » (Ésaïe 52:7)

 

Le chemin du Seigneur Jésus sur la terre, sa carrière, peut se diviser en trois périodes : le ministère en Galilée, à travers villes et villages, enseignant, prêchant et guérissant ; la période, toujours en Galilée et au nord du pays, où, rejeté, il « se retire » ; enfin le dernier voyage pour monter à Jérusalem.

Quels traits de son caractère discernons-nous dans ce chemin ? Avant tout l’obéissance envers Dieu ; il avait reçu une mission et il l’accomplissait, même quand Satan avait cherché à l’en détourner. Seule comptait pour lui la volonté de Dieu : « Ma viande est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre » (Jean 4:34). — Sa dépendance constante l’amenait à être un homme de prière, avec le désir de faire toujours les choses qui plaisent à Dieu. — Tout le long de la route il a démontré une fermeté inébranlable. Ni obstacles, ni ennemis, ni souffrances, ni déceptions, ne l’ont jamais arrêté. Il dresse sa face résolument pour aller à Jérusalem » (Luc 9:51). Troublé profondément dans son âme sainte par la perspective de la croix, où il sera « fait péché », il ne dévie en rien du but assigné : « C’est pour cela que je suis venu à cette heure » (Jean 12:27). — Tout le long du chemin, il a été un vrai homme. Jamais il n’a usé de sa puissance en sa faveur. Il a eu faim, il a eu soif, il a été lassé de la route, mais n’a d’aucune manière accompli un miracle pour se soulager. Il a été le pauvre, mais n’a jamais été débiteur de personne. Il n’avait pas de bourse, mais enrichissait plusieurs ; pas de grenier, mais nourrissait des foules. Que de fois son cœur, profondément humain, a été ému de compassion, jusqu’à pleurer au tombeau de Lazare, ou sur Jérusalem. — Homme parfait en toutes choses, il laissait parfois jaillir quelques rayons de sa divinité. Parole faite chair, il a habité au milieu de nous, « et nous vîmes sa gloire, une gloire comme d’un fils unique de la part du Père » (Jean 1:14).

Quand nous considérons cette marche parfaite, nous pouvons bien répéter avec le prophète : « Combien sont beaux les pieds (non pas les lèvres) de Celui qui annonce la paix ». Et ce sentier d’amour l’a conduit jusqu’à la croix, où les hommes ont cloué ces pieds qui avaient tant parcouru les chemins de la terre. L’homme a volontairement interrompu la marche du Seigneur.

 

6.1       En Galilée

Le Baptiseur avait « regardé Jésus qui marchait ». Les yeux de notre cœur ont besoin de le voir ainsi, tel que Matthieu entre autres nous le présente : marchant le long de la mer de Galilée, parcourant tout le pays, enseignant dans leurs synagogues ; montant sur la montagne, puis en descendant ; entrant dans Capernaüm ; un peu plus tard, passant à l’autre rive ; puis, de là plus avant, appeler Matthieu, guérir les deux aveugles. Pour le peuple assis dans les ténèbres, la lumière s’était levée. « Jésus allait par toutes les villes et par les villages », enseignant, prêchant, guérissant, ému de compassion envers les foules, persévérant encore pour « enseigner et prêcher dans leurs villes » (10:42). Il semble n’avoir omis aucune localité dans cette Galilée méprisée par le reste du peuple. Inconnu au début de son ministère (Jean 1:26), quoique son service se soit toujours accompli en public (Jean 18:20) a-t-il été mieux connu à la fin ? — « Le monde ne l’a pas connu » (Jean 1:10). Un petit nombre ont eu les yeux ouverts ; ils ont discerné sa beauté, et à travers lui, le Père (Jean 14:9).

Un petit cortège le suivait de ville en ville : les douze, quelques femmes (Luc 8:2, 3). Elles l’avaient suivi et servi « lorsqu’il était encore en Galilée », nous dit Marc (15:41), ayant su mettre à profit le temps où l’occasion leur en était offerte. De plus près que d’autres peut-être, elles avaient vu « ses pieds » parcourir le pays. À la croix alors que tous l’avaient abandonné, elles seront là, fidèles.

« Ésaïe vit sa gloire, et il parla de lui » (Jean 12:41). Dans le temple, sur le trône haut et élevé, il avait contemplé le Seigneur proclamé saint, saint, saint, par les anges. Dans la vision prophétique, il avait considéré son abaissement (Ésaïe 53). Mais dans quelle adoration n’aurait-il pas été s’il l’avait vu parcourant ainsi son sentier d’amour, où, « sous le voile épais d’un Galiléen », se cachait la gloire du Fils bien-aimé du Père ?

Et pourtant « les villes dans lesquelles le plus grand nombre de ses miracles avaient été faits, ne s’étaient pas repenties » (Matt. 11:20). « Les pharisiens tiennent conseil contre lui pour le faire périr ». Jésus doit alors « se retirer », continuant son service, mais de plus en plus discret, si l’on peut dire, parfois hors des limites du pays. Il se retire toujours avec dignité, mais ne fuyant pas; il n’y a rien de bas dans son comportement.

 

6.2       Il se retire (Mat. 12:15)

Ézéchiel avait vu la nuée lentement quitter le sanctuaire, s’arrêter à l’entrée du temple, puis à la porte de la ville, pour s’évanouir ensuite sur la montagne des Oliviers. Jésus s’éloigne. Il est « sorti de la maison » (13:1); il s’en va « en un lieu désert à l’écart » (14:13) ; puis « se retire dans les quartiers de Tyr et de Sidon » (15:21). Hors du pays, il guérit la fille de la femme syro-phénicienne, dont la foi surmonte tous les obstacles. Sera-ce la fin de son ministère en Israël ?

Lentement il revient « près de la mer de Galilée » (v. 29), puis « aux quartiers de Césarée de Philippe » (16:13). Pierre qui a reçu la révélation du Père, déclare : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Jésus révèle alors la nouvelle économie, qui remplacera Israël mis de côté : « Sur ce roc (Christ lui-même — 1 Pierre 2:6, 7) je bâtirai mon assemblée ». L’Église prendra la place d’Israël comme témoin de Dieu sur la terre. La révélation en sera donnée plus tard aux apôtres ; mais, pour en arriver là, il faut que Jésus souffre et donne sa vie : « Dès lors Jésus commença à montrer à ses disciples qu’il fallait qu’il allât à Jérusalem et qu’il souffrît beaucoup... qu’il fût mis à mort, et qu’il fût ressuscité le troisième jour » (16:21). Cette annonce de ses souffrances est répétée à la descente de la montagne de la transfiguration ; puis, avec plus de précisions, « comme ils séjournaient en Galilée » (17:12, 22). Finalement, « il arriva, quand Jésus eut achevé ces discours, qu’il partit de la Galilée » (19:1).

 

6.3       Vers Jérusalem

Dans la parabole de Luc 10:33, le Samaritain « allait son chemin » ; il avait quitté le lieu de la bénédiction (Jérusalem) pour s’en aller à celui de la malédiction (Jéricho), figure du Sauveur qui s’était anéanti lui-même pour devenir obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix, afin de secourir les misérables tombés le long de la route.

L’évangile de Luc met particulièrement en évidence les étapes de ce dernier voyage, depuis le moment où Jésus « dressa sa face résolument pour aller à Jérusalem » (Luc 9:51). Il envoie des messagers pour lui préparer un logis dans un village de Samarie ; « ils ne le reçurent point, parce que sa face était tournée vers Jérusalem ». Jacques et Jean veulent faire descendre le feu du ciel, mais le Seigneur les censure fortement. La petite troupe s’en va « à un autre village » ; rejeté, Jésus accepte de redevenir l’humble Nazaréen, et poursuit sa route sans un murmure. « Comme ils allaient par le chemin » (v. 57), il va souligner le renoncement que lui, le Seigneur, attend des siens : non pas « moi premièrement » (v. 59), mais le dévouement qui s’engage dans le même sentier que lui, sans « regarder en arrière » (v. 62).

Quel soulagement pour son cœur, après le refus des Samaritains, d’être, « comme ils étaient en chemin », reçus dans la maison de Marthe (10:38). Oasis de la route, où Marie, assise à ses pieds, « écoutait sa parole ».

Mais il faut continuer le trajet : « Il allait par les villes et par les villages, enseignant, et poursuivant son chemin, vers Jérusalem » (13:22). Quelqu’un s’étonne de voir, après tant d’années de ministère, un si petit groupe accompagner le Maître. Peu t’importe s’ils sont peu nombreux, semble dire Jésus ; toi, lutte pour « entrer par la porte étroite » avant qu’elle ne se ferme (v. 25).

Devant l’opposition, Jésus persévère : « Voici, je chasse des démons, j’accomplis des guérisons aujourd’hui et demain, et le troisième jour je suis consommé. Mais il faut que je marche aujourd’hui et demain, et le jour suivant, car il ne se peut qu’un prophète périsse hors de Jérusalem » (13:32, 33). Il avait quitté la Galilée, son lac, ses collines, sa verdure. Bientôt, de Jéricho, il va monter à Jérusalem à travers ce désert de Juda, aride et brûlant, où tout en haut, très haut, très loin, se dressent les premières maisons de cette Jérusalem qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés. De la montagne des Oliviers, il va contempler cette ville dure, drapée dans sa propre justice, où il ne trouvera finalement qu’une croix : « Il faut que je marche... ».

« En allant à Jérusalem », une rencontre néanmoins réjouit son cœur, celle des dix lépreux qu’il guérit ; l’un d’entre eux revient sur ses pas lui rendre grâces (17:11-19). Unique occasion dans l’évangile où quelqu’un, guéri par Jésus, le remercie, lui rend grâces. D’autres l’ont « suivi dans le chemin », tel un Bartimée, ou les femmes qui l’assistaient de leurs biens. Seul cet homme, « aux pieds de Jésus », a vraiment rendu grâces. Avec chagrin le Seigneur demande : « Et les neuf où sont-ils ? » Un pourtant était revenu pour donner gloire à Dieu. Et Jésus avait bu un peu d’eau du « torrent dans le chemin » (Ps. 110:7) !

On s’approche du but. « Et prenant à lui les douze, il leur dit : Voici nous montons à Jérusalem, et toutes les choses qui sont écrites par les prophètes touchant le fils de l’homme seront accomplies : car il sera livré aux nations ; on se moquera de lui, et on l’injuriera, et on crachera contre lui ; et après qu’ils l’auront fouetté, ils le mettront à mort ; et le troisième jour il ressuscitera » (Luc 18:31). Le cœur du Sauveur aurait tant souhaité, en un tel moment, trouver quelqu’un qui ait compassion de lui, « mais il n’y a eu personne... et des consolateurs, mais je n’en ai pas trouvé » (Ps. 69:20). Des disciples, il nous est dit : « Ils ne comprirent rien de ces choses », préoccupés qu’ils étaient d’avoir, eux, la meilleure place dans le royaume (Marc 10:35-37, 41 ; Luc 22:24).

Et le Seigneur poursuit sa route. L’aveugle de Jéricho apprend que « Jésus le Nazaréen passait ». Il crie, il insiste ; le Sauveur s’arrête et le guérit. Zachée monte sur son sycomore « pour le voir, car il allait passer là ». Le Maître le voit et s’invite chez lui ; la maison du publicain s’ouvre pour le recevoir. Ce n’est qu’une étape : « Il allait devant eux, montant à Jérusalem... Il approchait de Béthanie vers la montagne des Oliviers ». La foule qui allait à la fête criait : Hosanna ; mais lui, « quand il fut proche, voyant la ville, pleura sur elle ». Il savait bien que le jugement allait s’abattre sur cette cité coupable du rejet de son Messie. Il y entrait, humble, monté sur un ânon, le petit d’une ânesse (Zach. 9:9 ; Matt. 21:5) ; un jour, il y reviendra sur un cheval blanc, « Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (Apoc. 19:11, 16) !

Une dernière fois, Jésus s’en va « selon sa coutume, à la montagne des Oliviers » (22:39). Dans le jardin, il supplie que l’heure passe loin de lui, tout en se soumettant à la volonté du Père. Dès lors, comme « l’agneau à la boucherie », il sera « emmené » (22:54, 66 ; 23:1, 14, 26).

« Et quand ils furent venus au lieu appelé Crâne, ils le crucifièrent là. » Les pieds qui avaient tant marché sur les sentiers de la Galilée et fait le long trajet jusqu’à Jérusalem, étaient maintenant cloués au bois maudit. Le sentier d’humiliation était terminé.

 

Dans l’humilité profonde,

Suivant ton obscur chemin,

Tu fus méprisé du monde,

Toi qui lui tendais la main ;

Toi, dont l’amour secourable,

Compatissant et parfait,

Sur l’humanité coupable,

Versa bienfait sur bienfait.

 

Oh ! quels trésors il nous ouvre,

Ton cœur plein de charité !

Dieu lui-même n’y découvre

Que lumière et sainteté.

(H. R.)

 

7         Dans la synagogue et dans le temple

Jésus n’a pas enseigné seulement dans la maison (lieu privé), sur la montagne ou près de la mer (lieux publics), mais aussi dans les synagogues et dans le temple (lieux religieux), où il a rencontré l’opposition la plus vive. Ces synagogues apparaissent souvent dans le récit évangélique comme un lieu de recours pour les misères les plus diverses. Les gens religieux passent indifférents à côté de ces besoins ; Jésus en est ému de compassion et approche ces malheureux comme celui qui guérit. D’aucuns lui en tiennent rigueur, soit parce que les guérisons sont opérées un jour de sabbat, soit par crainte d’être compromis et exclus de la synagogue (Jean 9:22 ; 12:42).

 

7.1       Dans la synagogue

Dès le début de son ministère, « Jésus parcourait toute la Galilée, enseignant dans leurs synagogues » (Matt. 4:23). Il ne se contentait pas d’un ou deux endroits, mais dans toute la Galilée, il prêchait l’évangile du royaume. Chacun avait l’occasion de l’entendre. Que trouvait-il dans ces édifices ? Le légalisme, les formes, l’apparence extérieure — avant tout, la misère humaine. Au début, il était « glorifié par tous » (Luc 4:15), mais bien vite la contradiction s’est manifestée.

Malgré l’hostilité, avec une persévérance inlassable, encore et encore, il y entrait sans se laisser rebuter ; il le dira à la fin de sa vie : « J’ai toujours enseigné dans la synagogue » (Jean 18:20). Sa doctrine avait été confirmée par ses œuvres (Matt. 9:35). Malgré tout ce qui, aux yeux de Dieu, pouvait être déficient dans ces synagogues, il y avait pénétré: Sa présence avait été là, toujours pour bénir, et faire briller sa grâce.

À Capernaüm, le jour du sabbat, entré dans la synagogue, il enseignait avec autorité, non pas comme les scribes. Un homme possédé d’un esprit immonde s’exclame : Ha ! exprimant son mécontentement de la présence de celui qui avait tout pouvoir sur les démons : « Es-tu venu pour nous détruire ? » Jésus le fait taire ; le mauvais esprit sort de l’homme, délivré à l’étonnement de tous (Marc 1:21-28).

Quand il vient « encore dans la synagogue », il y trouve un autre, à la main desséchée (Marc 3:1). « Ils l’observaient pour voir s’il le guérirait le jour du sabbat, afin de l’accuser ». Pas de compassion pour le malheureux, mais l’esprit tendu afin de saisir l’occasion d’accuser Jésus qui allait, d’une main inutile faire un instrument efficace. Sur son ordre, l’homme se lève devant tous ; Jésus pose clairement la question : « Est-il permis de faire du bien le jour du sabbat, ou de faire du mal ? de sauver la vie, ou de tuer ? Mais ils gardaient le silence ». En peu de mots l’évangéliste exprime toute la souffrance de l’âme du Sauveur devant cette dureté : « Les ayant regardés alentour avec colère, étant attristé de l’endurcissement de leur cœur ». La méchanceté de ces hypocrites provoque cette colère divine, qui au jour du jugement sera appelée « la colère de l’Agneau » (Apoc. 6:16). Le malade étend sa main, elle est rétablie ; aussitôt les pharisiens avec les hérodiens tiennent conseil contre lui pour le faire périr ! Ils voulaient demeurer sur le terrain de la loi et ne pouvaient accepter la grâce.

Jésus retourne à Nazareth où il avait été élevé. « Et il entra dans la synagogue au jour du sabbat, selon sa coutume, et se leva pour lire » (Luc 4:16). En un premier temps, on s’étonne « des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche », mais peu après (à moins que Luc n’ait groupé en un récit deux occasions différentes), lorsque Jésus parle de cette même grâce qui s’est étendue autrefois à des personnes des nations, « ils furent tous remplis de colère dans la synagogue, en entendant ces choses ». Ils cherchent à le précipiter de la montagne sur laquelle leur ville était bâtie, « mais lui, passant au milieu d’eux, s’en alla ». Il aurait pu se laisser jeter au bas de la montagne sans danger pour lui (Ps. 91:12), mais, cachant sa gloire divine, tranquillement il s’en va, et chacun s’écarte pour le laisser passer ! Il n’avait pu faire là aucun miracle « à cause de leur incrédulité ». Et pourtant dans sa grâce « il impose les mains à un petit nombre d’infirmes et les guérit ».

Dans la synagogue de Capernaüm, Jésus prononce le grand discours sur le pain de vie (Jean 6). Il est lui-même ce pain vivant descendu du ciel qui communique et entretient cette vie. Pain qui est aussi sa chair et son sang qu’il donne pour la vie du monde. Quelle en est la réaction ? « Dès lors plusieurs de ses disciples se retirèrent ; et ils ne marchaient plus avec lui ». Jésus attristé demande aux douze : « Et vous, voulez-vous aussi vous en aller ? Simon Pierre lui répondit : Seigneur, auprès de qui nous en irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle ; et nous, nous croyons et nous savons que toi, tu es le Saint de Dieu ». Peut-être y avait-il une nuance de satisfaction de soi dans la réponse de Pierre, à part cela si remarquable. Jésus doit dire : « N’est-ce pas moi qui vous ai choisis ? » — À l’arrière-plan de ce choix se profilait la figure de l’Iscariote, « qui allait le livrer ».

« Il enseignait dans l’une des synagogues en un jour de sabbat. Et voici, il y avait là une femme ayant un esprit d’infirmité depuis dix-huit ans, et elle était courbée et elle ne pouvait nullement se redresser » (Luc 13:10, 11). Elle n’a rien demandé, elle n’a pas crié à lui. Peut-être, étant tellement courbée, ne l’avait-elle même pas vu. Mais, « la voyant », Jésus l’appelle, pose ses mains sur elle, « et à l’instant elle fut redressée et glorifiait Dieu ». Le cœur du Seigneur avait discerné cette femme au milieu de la foule indifférente, hostile même puisque le chef de la synagogue « est indigné de ce que Jésus avait guéri en un jour de sabbat ». Attristé de cette hypocrisie, le Seigneur la démasque. Cette femme « est fille d’Abraham » ; dans son cœur habite la foi ; mais Satan l’avait liée, et pendant dix-huit ans elle avait été ainsi courbée. « Ne fallait-il pas la délier de ce lien le jour du sabbat » ? — Combien de croyants sont, même aujourd’hui, liés par des coutumes, des traditions, un esprit légaliste. Ils ne jouissent pas de la liberté en Christ ! Le Seigneur est puissant, encore maintenant, pour les délivrer et les affranchir. — Ses adversaires sont couverts de honte ; la foule, elle, se réjouit ; et Lui « poursuit son chemin vers Jérusalem » (v. 22).

 

7.2       Dans le temple

Les synagogues étaient des lieux de prière et de lecture de la loi, nées à l’époque de la dispersion et représentées un peu partout dans l’empire là où séjournaient des Juifs. Il y en avait aussi bon nombre en Palestine. Le temple par contre était unique : centre du culte, centre de rassemblement, symbole de l’unité d’Israël. Le Seigneur du temple allait venir le visiter. Quelle réception aurait-il ? Autrefois la nuée avait rempli le tabernacle, puis le temple de Salomon ; elle l’avait quitté en Ézéchiel, à regret et lentement ; elle n’était jamais revenue. Mais Celui dont la nuée indiquait la présence, allait personnellement entrer dans ce temple qu’il appelle la maison de son Père. Qu’y trouverait-il ?

Dans sa petite enfance, il y est présenté selon la loi (Luc 2:22-38) pour que ses parents y offrent le sacrifice prescrit pour la mère (pas pour l’enfant !), selon Lévitique 12. La pauvreté des parents de Jésus ne leur permettait d’apporter que deux tourterelles. Dès l’humble foyer de Nazareth, « étant riche, il a vécu dans la pauvreté pour vous, afin que par sa pauvreté vous fussiez enrichis » (2 Cor. 8:9).

Apparemment, personne dans le temple ne remarque l’enfant. Aucune attention ne serait-elle vraiment portée à Celui que Joseph et Marie savaient être « le Fils du Très-Haut, Celui qui sauverait son peuple de leurs péchés » (Luc 1:32 ; Matt. 1:21). Seul un vieillard s’avance, conduit par l’Esprit. Entre ses bras, il prend le petit enfant. Il bénit Dieu : « Maintenant, Seigneur, tu laisses aller ton esclave en paix selon ta parole ; car mes yeux ont vu ton salut ». Siméon bénit les parents, mais non l’enfant, car comment, lui homme mortel, bénirait-il celui qui devait être « une lumière pour la révélation des nations, et la gloire de ton peuple Israël ». — Anne la prophétesse survient en ce même moment, louant le Seigneur, et parlant de Lui à tous ceux qui à Jérusalem attendaient la délivrance (Mal. 3:16).

« Quand il eut douze ans », ses parents le prennent avec eux à Jérusalem pour la fête de Pâque. S’en retournant, ils ne savaient pas que l’enfant Jésus n’était pas avec eux. Ils croyaient qu’il se trouvait dans la troupe des voyageurs, ou parmi leurs parents. (N’arrive-t-il pas à des parents, même dans des familles chrétiennes, de ne pas savoir où en est spirituellement leur enfant ? ou peut-être les parents prennent-ils soin de son âme, mais parmi la troupe de ceux qui adorent s’occupe-t-on de lui ? Sait-on où il en est ?) Quant à Jésus, il était dans le temple au milieu des docteurs, écoutant et interrogeant. Tout en étant conscient de sa divinité (v. 49), il ne sortait pas de la position qui convenait à son âge : il n’enseignait pas. Mais il n’avait pas non plus besoin d’apprendre de ces docteurs, lui qui savait tout sans en faire parade. En toutes choses il a été parfait à tous les stades de sa croissance, n’agissant pas, enfant, comme il le fera, homme.

Que de fois durant son ministère, Jésus est entré dans ce temple. En Jean 5, il y rencontre le paralytique, qu’il venait de guérir à Béthesda. Cet homme n’avait pas crié à lui ; il n’avait pu que témoigner de sa détresse : « Je n’ai personne », et cela depuis trente-huit ans. Il ignorait même qui l’avait guéri. Il faut que « Jésus le trouve dans le temple et lui dise : Ne pèche plus, de peur que pis ne t’arrive » (impliquant que sa maladie avait été sans doute un châtiment pour une faute grave). L’autre n’a rien de plus pressé que d’aller dénoncer Jésus aux Juifs et disparaître. Ainsi le Sauveur, malgré sa grâce, est parfois méconnu par ceux qui ont bénéficié de sa puissance.

À la fête des tabernacles, « comme on était déjà au milieu de la fête, Jésus monta au temple, et il enseignait ». Les foules étaient là, discutant, disputant. Au milieu de ce brouhaha, Jésus « criait dans le temple », enseignant qui il était dans sa parfaite humanité et dans sa divinité (v. 28-29). — « La dernière journée, la grande journée de la fête, Jésus se tint là et cria, disant : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive » (Jean 7:37). La fête des tabernacles était celle de la joie. Le huitième jour en était le couronnement, la fin des sept fêtes de l’Éternel, selon Lévitique 23. Pourquoi parler de soif en cette journée culminante ? La loi n’avait rien amené à la perfection, elle ne pouvait donner la vie. Les fêtes de l’Éternel étaient devenues « les fêtes des Juifs », cérémonies et rites où la vie était éteinte. Maintenant Jésus était là. On pouvait venir à lui, et plus tard recevoir l’Esprit, si l’on croyait en lui. Les huissiers chargés de le prendre n’osent le faire : « Jamais homme ne parla comme cet homme ». Malgré les avertissements de Nicodème, toute l’opposition des sacrificateurs et des pharisiens s’envenime: « Un prophète n’est pas suscité de Galilée ! ». Et chacun s’en va dans sa maison. Aucune ne s’ouvre pour recevoir le Sauveur qui va passer la nuit « à la montagne des oliviers ».

L’évangile de Jean nous présente quatre fêtes des Juifs en rapport avec le temple. Celle du chapitre 5, où Jésus rencontre le paralytique dans le temple ; celle des tabernacles, où Jésus criait dans le temple ; celle de la dédicace où il se promenait dans le temple, vrai berger des brebis (Jean 10:22-30) ; enfin la dernière Pâque où il a été crucifié : « Détruisez ce temple (celui de son corps), et en trois jours je le relèverai » (Jean 2:19).

À son arrivée à Jérusalem, après que la foule eut crié : Hosanna dans les lieux très hauts ! « Il entra dans le temple ; et après avoir promené ses regards de tous côtés, sur tout, comme le soir était déjà venu, il sortit et s’en alla à Béthanie » (Marc 11:11). Savons-nous voir le Seigneur Jésus promener ainsi son regard pénétrant de tous les côtés, sur tout ? Y avait-il dans ce temple un cœur pour lui, une attitude qui corresponde encore à la maison de Dieu ? Il cherche en vain. À sa première venue dans cette maison, Siméon avait été là, et Anne ; mais ce jour- là, personne. Pour Israël « le soir était déjà venu » ; Jésus sort et s’en va.

Dans cette dernière semaine de sa vie, le Seigneur revient pourtant chaque jour dans le temple. Tout d’abord pour en chasser les marchands, rappelant qu’il est écrit : « Ma maison sera appelée une maison de prière pour toutes les nations, mais vous vous en avez fait une caverne de voleurs ». Puis, les unes après les autres, toutes les classes religieuses vont venir à lui ; il met en lumière leur hypocrisie, leur incrédulité, leur haine.

Une seule fois, son cœur a été consolé. « Étant assis vis-à-vis du trésor du temple, il regardait comment la foule jetait de la monnaie au trésor... et une pauvre veuve vint et y jeta deux pites » (Marc 12:41, 42). Jésus assis, regarde ! Tant de fois dans l’évangile de Marc ce même regard s’est posé sur diverses personnes ; il considère maintenant comment l’on donne au trésor, c’est-à-dire non pas tellement combien est donné, mais quelle proportion on garde pour soi. Et la veuve vient. Elle y jette tout ce qu’elle possède. Elle donne tout, comme lui-même avait tout donné, et allait faire le sacrifice de sa propre vie.

La dernière semaine s’achève. « Et Jésus sortit et s’en alla du temple » (Matt. 24:1). Seul restait le jugement. Pourtant, une fois encore, le temple sera mentionné. La sainte Victime a passé à Gethsémané, a traversé les souffrances et l’abandon de la croix. Et Jésus, « ayant encore crié d’une forte voix, rendit l’esprit. Et voici, le voile du temple se déchira en deux depuis le haut jusqu’en bas » (Matt. 27:50) :

 

Le lieu très saint est découvert,

L’accès à Dieu nous est ouvert

Par toi, Jésus, qui t’es offert

Sur la croix.

 

Quand ce soir-là les sacrificateurs sont entrés dans le temple, qu’ont-ils vu derrière le voile ? Un sanctuaire vide : « Votre maison vous est laissée déserte » (Matt. 23:38). Mais pour le croyant, le voile déchiré s’écarte sur les cieux ouverts par l’effet de Son œuvre, de même qu’au début de Son ministère ils s’étaient ouverts sur sa merveilleuse Personne. Le racheté pénètre dans les lieux saints « par le sang de Jésus, par le chemin nouveau et vivant qu’il nous a consacré à travers le voile », et dans son cœur, uni à tous les enfants de Dieu, il adore. Cette entrée dans la présence divine sera toujours à travers un voile déchiré, pas un voile ôté. Il importe d’être chaque fois conscient du prix qui a été payé pour nous donner cet accès : le corps de Jésus « déchiré ».

 

7.3       Dans le jardin

7.3.1        Le jardin de la nuit

« Le jour des pains sans levain, dans lequel il fallait sacrifier la Pâque, arriva » (Luc 22:7). À la suite de toutes celles qui avaient marqué la succession des années depuis la sortie d’Égypte, une dernière Pâque allait être offerte selon l’ordonnance divine. D’innombrables agneaux avaient été sacrifiés, types de l’Agneau de Dieu, qui allait, dans ce jour- là, s’offrir lui-même : « L’offrande du corps de Jésus Christ faite une fois pour toutes » (Héb. 10:10).

La Pâque était une fête de la nuit : « Tu sacrifieras la pâque, le soir, au coucher du soleil... tu la cuiras et la mangeras... et le matin tu t’en retourneras et tu t’en iras dans tes tentes » (Deut. 16:7). À la Pentecôte on se réjouissait. À la fête des Tabernacles, « tu ne seras que joyeux ». Mais la Pâque ne connaissait pas la joie. Elle annonçait « la nuit où le Seigneur Jésus fut livré », et le jour qui suivrait avec ses heures de ténèbres.

Lorsque, au dernier repas avec ses disciples, Jésus a démasqué le traître, celui-ci sort aussitôt. « Or il était nuit » (Jean 13:30). Nuit pour le traître, mais nuit aussi pour le Sauveur. Il institue alors la Cène, qui à travers les âges, le rappellera au cœur des siens. Mais comment peut-il « rendre grâces », remercier pour le pain et pour la coupe ? Que nous bénissions (rendions grâces pour) la coupe de bénédiction (1 Cor. 10:16), cela se comprend. Mais, à son égard, elle signifiait les souffrances indicibles de la croix, l’abandon de Dieu, la vie donnée, le sang versé ! Avant d’instituer la Cène, il avait refusé la coupe du vin de la joie ; pour lui, l’heure était venue de recevoir la coupe des douleurs de la main du Père. Mais sachant qu’un jour il boirait cette coupe de la joie avec les siens, « à cause de la joie qui était devant lui, il a enduré la croix, ayant méprisé la honte » (Héb. 12:2). Avec ses disciples, il peut même chanter une hymne, avant de s’en aller à la montagne des Oliviers (Marc 14:26). À travers les évangiles, nous l’avons vu prier, pleurer, encourager ; pour la première fois nous l’entendons chanter ; au moment où il va s’engager sur le chemin de sa passion, son Père lui accorde d’anticiper, pour un petit moment, le jour où il reviendra « avec chant de joie, portant Ses gerbes » (Ps. 126:6 ; Ésaïe 53:11). N’y a-t-il pas là une de ces attentions particulières du Père, à certaines étapes du chemin de son Fils ?

Pour lui, l’heure est venue de « passer de ce monde au Père ». Il revendique ce moment pour lui seul. Dans les chapitres 13 à 17 de Jean, en particulier, il dévoile les pensées cachées de Dieu, pour les laisser à ses disciples avant de les quitter. Il leur parle du Père, de la maison, du Consolateur, et de bien d’autres choses encore. La relation précise qu’en fait l’apôtre, touchante par certains détails, a sur nos âmes la profonde résonance du témoignage de quelqu’un qui était là et a tout vécu. À la fin du chapitre 16, quand tout a été dit, les disciples assistent à une scène merveilleuse : Celui qui s’était abaissé jusqu’à laver leurs pieds, lève les yeux vers le ciel, comme pour établir un trait d’union entre les siens et le Père. Ils entendent alors, dans cette extraordinaire prière du chapitre 17, parler d’une gloire qu’Il avait « avant que le monde fût » ; parler d’un amour entre le Père et le Fils, qui existait « avant la fondation du monde ». Ils entendent le Fils demander au Père que ceux qui l’entourent, ceux que le Père lui a donnés, puissent un jour contempler cette gloire et partager cet amour.

« Ayant dit ces choses, Jésus s’en alla avec ses disciples au-delà du torrent de Cédron, où était un jardin... Jésus s’y était souvent assemblé avec ses disciples » (Jean 18:1, 2). Huit d’entre eux restent à l’entrée : « Asseyez-vous ici, jusqu’à ce que m’en étant allé, j’aie prié  » (Matt. 26:36). À la porte du jardin, ils vont attendre, dans la nuit, le retour de leur Maître. Accompagné de Pierre, de Jacques et de Jean, il pénètre dans le jardin, où il commence à « être saisi d’effroi et fort angoissé ». À ces trois, il va confier une souffrance dont il n’a pu parler aux autres : « Mon âme est saisie de tristesse jusqu’à la mort ; demeurez ici et veillez » (Marc 14:34). Il s’éloigne d’eux, « environ d’un jet de pierre », et « se jetant contre terre, il tombe sur sa face ».

Après les tentations du début du ministère, le diable s’était retiré d’avec lui « pour un temps » (Luc 4:13). Maintenant dans l’ombre, il s’avance : « Le chef du monde vient » (Jean 14:30). Un dernier violent effort est tenté pour arrêter le Sauveur dans le chemin du sacrifice : l’ennemi place devant lui les souffrances, la honte, l’ignominie de la croix ; l’abandon de Dieu pendant les heures de ténèbres où il serait fait péché ; la mort, salaire de ce péché. C’est le combat de Gethsémané, du jardin de la nuit.

Mais Jésus se tourne, non vers Satan, mais vers le Père. C’est de lui seul qu’il veut recevoir la coupe. Devant lui se trouve présenté tout le péché de l’homme, avec ses prolongements dans les actes d’hier, d’aujourd’hui, et de toujours, avec nos révoltes quotidiennes, nos petitesses, nos turpitudes. Toute l’humanité pécheresse est présente, de tous les lieux, de tous les temps, dans sa hideuse nudité. Il est là, ayant devant lui deux volontés, aussi saintes, aussi parfaites l’une que l’autre : ne pas connaître la souillure du péché, et d’autre part, accomplir la volonté sainte de son Père qui veut « amener plusieurs fils à la gloire », mais ne peut passer par-dessus l’offense faite à sa sainteté par le péché de l’homme.

Il s’adresse alors à son Père en trois prières. Dans la première, il demande que « s’il était possible, l’heure passât loin de lui » (Marc 14:35). Elle signifiait l’heure du jugement, l’heure de l’abandon. C’était pour lui une pensée intolérable d’être privé trois heures durant de la communion avec son Dieu. — « Et il disait : Abba, Père, toutes choses te sont possibles ; fais passer cette coupe loin de moi ; toutefois non pas ce que je veux, moi, mais ce que tu veux, toi ! » (Marc 14:36). La coupe était remplie de toute la souillure du péché. Qui, hors Jésus seul, pouvait savoir comment Dieu allait le traiter, quand il serait fait péché pour nous, et ne serait pas épargné — quand notre péché serait visité dans sa Personne ? Nous avons les expressions extérieures de ce combat : la prière ardente dans laquelle, pour la première fois, nous l’entendons appeler le Père « Abba »; la sueur qui tombe en terre comme des grumeaux de sang ; mais nous ne pouvons pas entrer dans ce qu’a été la blessure de son âme par l’épée de l’Éternel (Zach. 13:7), au moment où il la livrait à la mort. Tout cela est devant lui : « Fais passer cette coupe loin de moi ».

Dans la seconde prière il ne dit plus « toutes choses te sont possibles », mais, dans sa soumission, accepte l’inévitable : « Mon Père, s’il n’est pas possible que ceci passe loin de moi, sans que je le boive, que ta volonté soit faite » (Matt. 26:42).

L’angoisse du combat augmente. Dans sa troisième prière, il répète les mêmes paroles que dans la seconde. Mais dans le moment où tout a failli du côté de l’homme, et que notre Sauveur est là comme prostré en terre, du haut du ciel, Dieu qui écoutait cette prière lui envoie un ange : « Un ange du ciel lui apparaît, le fortifiant » (Luc 22:43) ; une créature descend pour fortifier son Créateur ! Qu’a vu cet ange ? Une souffrance telle que la sueur de notre Seigneur découlait en terre comme des grumeaux de sang, expression de sa douleur profonde. Pourtant le sang du jardin n’était pas encore celui du sacrifice expiatoire qui ôte le péché : « Il a fait la paix par le sang de sa croix » (Col. 1:20).

Si le texte évangélique reste très sobre sur ces moments, nous trouvons dans les Psaumes des expressions qui nous permettent d’entrer plus avant dans cette agonie, tel ce cri du Psaume 102:24 : « Mon Dieu, ne m’enlève pas à la moitié de mes jours ! » Que lui dit la réponse divine ? — « Tes années sont de génération en génération !... La terre et les cieux... périront, mais toi, tu subsisteras... Toi, tu es le même, et tes années ne finiront pas ».

Dans cette lutte terrible, le Sauveur s’est trouvé inexprimablement seul. Dans ce même psaume 102, il se compare au pélican du désert, au hibou des lieux désolés, animaux impurs (Lév. 11:17), hantant les ruines. Les disciples se sont endormis, mais lui seul veille « comme un passereau solitaire sur un toit ». Les toits en terrasse de l’Orient sont le lieu où, dans la soirée, on se retrouve, on jouit les uns des autres ; lui est tout seul dans sa détresse.

« Simon, tu dors ? » (Marc 14:37). Ne s’était-il pas vanté de suivre son Maître jusqu’à la mort ? Il n’avait pu « veiller une heure » avec lui ! Comme les autres, il s’était endormi de tristesse ; il n’avait rien vu, rien entendu, ni de ce combat, ni de l’angoisse de son Maître. La petite capacité de compassion des disciples avait glissé le long de la souffrance du Sauveur, sans pouvoir ni la pénétrer, ni la comprendre.

Enfin Jésus se lève de sa prière et vient vers les disciples. Le combat est terminé : « Il suffit » (Marc 14:11). Il a pris des mains du Père la coupe des souffrances. Désormais il n’y aura plus d’angoisse, mais combien de douleurs !

Dans la nuit, le traître s’avance, accompagné d’une foule armée. Il s’approche de Jésus pour le baiser, et son Maître de lui dire : « Ami, pourquoi es-tu venu ? ». Pourquoi ? Oui, pourquoi ? — Pour trente pièces d’argent ! Dans les trois premiers évangiles, on se saisit de Jésus et l’amène à Caïphe. Dans Jean, c’est Jésus lui-même qui s’offre : « Qui cherchez- vous ? — Jésus le Nazaréen — C’est moi (Je suis) ». « Si donc vous me cherchez, laissez aller ceux-ci ». Le Berger livre sa vie à la place de ses brebis.

 

7.3.2        Le jardin de l’aurore

Le soir de la crucifixion, après que toutes les classes de la population aient défilé devant le Calvaire, avec leurs moqueries et leurs injures, et que Jésus ait rendu l’esprit, il se fait un grand silence. Dans le crépuscule, deux hommes, Nicodème et Joseph d’Arimathée, se retrouvent au pied de la croix, pour prendre soin du corps de la sainte Victime et l’ensevelir. L’un d’eux, le riche, a été annoncé longtemps à l’avance par les prophètes. Pour l’autre, la parole que le Maître lui avait dite dans la nuit : « Il faut que le fils de l’homme soit élevé... », restée longtemps incompréhensible à son esprit, s’éclaire soudain quand il est là devant Jésus en croix. « Or il y avait au lieu où il avait été crucifié, un jardin, et dans le jardin un sépulcre. » Le corps est embaumé avec la mixtion de myrrhe et d’aloès d’environ cent livres, donnée par Nicodème ; puis enveloppé du linceul net apporté par Joseph. Tous deux le déposent dans le sépulcre neuf. Dans le silence de cette soirée, y a-t-il profession de foi plus éloquente que l’acte de ces deux hommes portant la dépouille de Jésus, le vase dans lequel la plénitude de la déité s’était plue à habiter ? Dans un tel lieu, il n’y a pas trace du péché; le Sauveur l’a porté pendant les trois heures de ténèbres. Mais maintenant la souillure est à tout jamais emportée loin des regards de Dieu. Une grande pierre est roulée contre la porte du tombeau. Les deux hommes s’en vont, mais « Marie de Magdala, et l’autre Marie, étaient là, assises vis-à-vis du sépulcre ».

Sur le tard, le jour du sabbat, au crépuscule du premier jour de la semaine (Matt. 28:1), les deux femmes reviennent dans ce jardin pour « voir le sépulcre ». Rien n’a changé. Tout est net et calme. À l’aube un ange du Seigneur, descendant du ciel, roule la pierre, pourtant scellée, d’un tombeau vide, et s’assied sur elle en signe de victoire. Dans la tombe, rien n’a été terni par la corruption (Ps. 16:10). Le sépulcre reste neuf, le linceul est toujours net, les linges sont en ordre, le suaire plié à part, la pierre est roulée.

« Comme il faisait encore nuit », Marie de Magdala vient au jardin. Elle voit la pierre ôtée. Elle court l’annoncer à Simon Pierre et à l’autre disciple. Eux-mêmes se rendent au tombeau, ils voient les linges à terre, mais ils ne connaissaient pas encore l’écriture qu’il devait ressusciter d’entre les morts, et s’en retournent « chez eux ». Les femmes avec les parfums arrivent « comme le soleil se levait » (Marc 16:2): aurore du premier jour d’une semaine qui ne va plus finir. « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts, celui qui est vivant ? » (Luc 24:5). Elles vont avertir les onze et tous les autres.

Mais pour Marie de Magdala, il n’y a plus de « chez soi », comme pour Pierre et Jean. Elle reste dans le jardin « près du sépulcre » (Jean 20:11), comme elle avait été « près de la croix » (19:25), et pleure. De Son vivant, elle avait suivi Jésus comme son Libérateur. Sur la croix, elle l’avait contemplé comme son Sauveur ; elle avait compris que pour lui donner la vie, il avait offert la sienne. Maintenant seule dans le jardin, elle cherche à voir et à comprendre davantage encore. Elle a bien apporté ses aromates ; mais au fond d’elle-même naît peut-être le sentiment qu’elle aura mieux à faire que d’embaumer le corps disparu de Jésus. Et de fait, si elle le retrouvait, elle n’aurait pas autant que ce qui va couronner sa recherche : en rencontrant Jésus ressuscité, elle aura plus qu’elle ne pensait.

Quand Jésus l’interroge : « Femme, pourquoi pleures-tu ? », elle ne reconnaît pas son visage, croyant se trouver en face du jardinier. Mais quand il l’appelle par son nom : « Marie », aussitôt elle reconnaît la voix par laquelle les sept démons avaient été chassés. Entretien inoubliable fait de deux seuls mots: « Marie... Rabboni ». Première rencontre du Ressuscité qui « apparut premièrement à Marie de Magdala » (Marc 16:9). Par une femme, le péché était autrefois entré dans le premier jardin. Par une femme, le Vainqueur ressuscité est accueilli dans le jardin de l’aurore.

Le Seigneur apparaîtra à bien d’autres : à ceux d’Emmaüs, qui s’en retournent vers leurs frères, qui eux-mêmes rapportent à leur tour les apparitions du Ressuscité. Lui-même vient le soir au milieu d’eux : les disciples se réjouissent quand ils voient le Seigneur. Il n’apparaît pas là comme un grand vainqueur qui raconte ses hauts faits et ses combats ; mais, comme quelqu’un qui passe et, dans l’intimité de cette chambre haute, apporte aux siens la paix, et leur montre ses mains et son côté : « Voyez... que c’est moi-même ». Puis il donne « plusieurs preuves assurées » de sa résurrection (Actes 1:3 ; Luc 24:39-43 ; Jean 20:27, etc.). Nous pouvons aussi bien connaître aujourd’hui cette communion qu’une Marie, un Jean, un Pierre, et les disciples en ont joui alors : « Quoique vous ne l’ayez pas vu, vous l’aimez ; et, croyant en lui, quoique maintenant vous ne le voyiez pas, vous vous réjouissez d’une joie ineffable et glorieuse » (1 Pierre 1:8).

Dans les déclarations du Ressuscité, rien ne surpasse le message confié à Marie de Magdala : « Va vers mes frères, et dis-leur: Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu ». Si merveilleuse que fut cette révélation, Marie avait tout d’abord autre chose à dire aux disciples : « Elle a vu le Seigneur » (Jean 20:18).

Après avoir considéré le chemin merveilleux qui nous a conduits des bords du Jourdain au jardin de l’aurore, pouvons-nous dire comme ceux d’autrefois: « Nous avons vu le Seigneur ? » (v. 25). — Et saurons-nous comme lui nous occuper des autres ? Après son rejet, il pensait aux âmes fatiguées et chargées (Matt 11:28) ; à Gethsémané, il s’occupait des siens ; sur la croix il pensait à sa mère ; et au matin de la résurrection, il vient d’abord vers Marie, puis vers ses frères.

 

À toi Jésus, nul n’est semblable,

Car toi seul est la vérité ;

Tout dans ta personne adorable,

Est amour, grandeur et beauté.

(C. M.)