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Avançons → jusqu’à Lui !

Héb. 6 v.1 → Éph. 4 v.15

ANDRÉ Georges

 

 

Table des matières :

1       AVANT-PROPOS

2       « AVANÇONS — JUSQU’À LUI »

3       « VOUS SERVEZ LE SEIGNEUR CHRIST »

3.1         Des « aides »

3.2         L’attraction

4       TROIS VIES

4.1

4.2

4.3

5       Avait-il bien choisi ?

5.1

5.2

5.3

5.4

6       Fidèle jusqu’à la mort

7       PETITS PÉCHÉS

8       FORME ou PARFUM ?

9       DEMEUREZ EN MOI

10     UN SEUL JOUR à la fois

11     LOISIRS

12     RATTRAPER LE TEMPS

13     LE SERPENT PARMI LES LIVRES

14     « VOUS AVEZ REÇU... DONNEZ »

15     POUR ÊTRE HEUREUX

16     RENDRE TÉMOIGNAGE

17     DÉMAS

18     VENU POUR SERVIR

18.1       Celui qui sert

18.2       Son appel

18.3       Le privilège de servir

18.4       La dépendance

18.5       La joie en Lui

18.6       Le repos auprès de Lui

18.7       La persévérance

18.8       Le dévouement

18.9       La souffrance

18.10    Des ouvriers pour la moisson

18.11    Serviteur à toujours

19     VINGT ANNÉES PERDUES

20     UNE ÂME

21     AU SERVICE DU MAÎTRE

22     LES MAINS VIDES

23     Le SECRET du SUCCÈS

24     POUR LUI TOUT SEUL

25     L’AMOUR COUVRE UNE MULTITUDE DE PÉCHÉS

26     VIENS AVEC NOUS, et NOUS TE FERONS DU BIEN

27     UN BON COMBATTANT

28     SE LEVER

29     LE COL DES PARESSEUX

30     PRENDRE LE TEMPS

31     DIMANCHE

31.1

31.2

31.3

31.4

32     VIVRE, C’EST CHRIST

33     RENONCER AU MONDE

34     QUEL MAL Y A-T-IL À CES CHOSES ?

35     LA VIE CHRÉTIENNE

35.1       L’affranchissement

35.2       Les deux côtés de la vie chrétienne

35.3       Le côté positif : être occupé du Seigneur

35.4       Le péché en nous

35.5       Les mauvaises pensées

35.6       La communion perdue

35.7       Le côté négatif : se juger

35.8       Fautes cachées

35.9       Le gouvernement de Dieu

35.10    Progresser dans l’affranchissement

36     QUE LIS-TU ?

37     SEMER POUR MOISSONNER

38     TOUJOURS PRÊTS

38.1       prêts à aller

38.2       prêts à attendre

38.3       prêts à Le servir dans les petites choses

38.4       prêts à nous laisser mettre de côté

38.5       prêts à nous reposer

39     Les BONNES ŒUVRES

40     MORT AU PÉCHÉ

41     Le BAGAGE à la FRONTIÈRE

42     DU TRAVAIL AU-DEHORS POUR LES JEUNES

43     CONSEILS aux JEUNES CONVERTIS

44     L’HOMME DE DOULEURS

44.1       GETHSÉMANÉ

44.1.1

44.1.2

44.1.3

44.1.4

44.2       OPPROBRES et CRACHATS

44.3       VOICI L’HOMME !

44.3.1

44.3.2

44.4       La CROIX

44.4.1

44.4.2

44.5       C’EST ACCOMPLI

 

 

1         AVANT-PROPOS

« Toi, suis-moi » (Jean 21:22)

 

Cette brochure a recueilli divers récits et morceaux, très variés, à l’intention des jeunes (dès 14/16 ans) qui aiment le Seigneur Jésus, ou ont été récemment amenés à Lui. Ces pages seront utiles aussi à ceux qui enseignent les enfants, en les adaptant à leur développement. Et même de plus âgés y trouveront çà et là encouragement et instruction.

 

Dans la lumière d’un matin d’Orient, après une nuit d’un labeur inutile, les disciples avaient retrouvé Jésus. Ou plutôt, Lui-même était venu à eux. Lui seul pouvait bénir leur service, les nourrir et les restaurer ; Lui seul avait le droit de leur dire : « Toi, suis-moi ».

Au matin de notre vie, le Seigneur s’est révélé à nous. Il a ouvert nos yeux à la lumière divine. Il nous appelle à Le servir, abandonnant pour Lui les attraits de ce monde, qui en fin de compte ne donnent rien. À chacun de nous Il dit : « Toi, suis-moi ». Et dans le secret de nos cœurs, nous avons répondu, comme Rebecca autrefois : « J’irai ». Mais nous avons besoin, au début de la course, d’apprendre à marcher « d’une manière digne du Seigneur », Le servant, parlant de Lui, Lui rendant témoignage.

Moïse prie dans le plus ancien des Psaumes (90) : « Rassasie-nous au matin de Ta bonté, et nous chanterons de joie, et nous nous réjouirons tous nos jours ». Pour l’homme du monde, la vie est foncièrement triste. Il y a des joies éphémères, sans doute, mais au fond de tout, un vide certain.

Pourtant il est une course qui vaut la peine d’être vécue. Elle commence à la Croix du Calvaire, là où, pécheurs repentants, nous avons reconnu notre perdition complète, mais aussi vu par la foi Celui qui est mort pour ôter nos péchés. Une œuvre parfaite, un amour sans limite, toujours le même, qui nous amène alors à vivre pour Lui cette vie nouvelle qu’Il nous a donnée. Non pas dans l’idée d’acquérir aucun mérite ; mais pour Lui montrer notre reconnaissance.

C’est au début du chemin qu’il importe de faire son choix. Ne laissons pas se perdre des années précieuses en les vivant pour nous-mêmes. Mais si déjà nous connaissons le Sauveur, ayons à cœur de Le suivre, nous rappelant que pour le croyant, jeune ou âgé, la seule bienheureuse réalité est, par la puissance du Saint Esprit, de « vivre Christ », en attendant de Le voir, quand, au jour de la moisson prochaine, Il reviendra, avec chant de joie, portant Ses gerbes. Ps. 126:6.

 

2         « AVANÇONS — JUSQU’À LUI »

« Désirez ardemment... le pur lait intellectuel, afin que vous croissiez par lui à salut » 1 Pierre 2:2

 

« Avançons vers l’état d’hommes faits » Héb. 6:1

 

« Que nous croissions en toutes choses, jusqu’à Lui qui est le chef, le Christ » Éph. 4:15

 

« Occupe-toi de ces choses ; sois-y tout entier, afin que tes progrès soient évidents à tous » 1 Tim. 4:15

 

« Nous Lui serons semblables, car nous Le verrons comme Il est » 1 Jean 3:2

 

« Le sentier des justes est comme la lumière resplendissante qui va croissant jusqu’à ce que le plein jour soit établi » Prov. 4:18

 

3         « VOUS SERVEZ LE SEIGNEUR CHRIST »

Qui allons-nous servir ? En écrivant ces lignes, je vois, par la pensée, une phalange de jeunes croyants et croyantes, plus ou moins affermis dans la connaissance des vérités divines, entre les mains de qui tombera ce petit volume, et je voudrais leur demander : « Allez-vous embrasser les plaisirs de cette vie qui ne durent qu’un temps et ne peuvent vous conduire qu’aux déceptions amères ? Qui allez-vous servir ? » Ce monde est rempli de personnes de tout âge et de toute condition qui servent Satan, et d’autres qui « se servent » eux-mêmes par une vie foncièrement égoïste. Levons-nous en fixant les yeux sur Christ, nous qui sommes à Lui, et nous connaîtrons le bonheur de marcher avec Lui.

Car à toute âme qui aime le Seigneur il est accordé la faveur de Le servir. Mais entendons-nous bien, personne ne peut le faire selon Dieu avant de savoir que Lui-même nous a servis et nous a lavés de nos péchés dans son sang précieux. C’est quand nous savons, par une expérience personnelle, que Christ a fini l’œuvre de la rédemption sur la croix pour nous, que nous pouvons commencer à le servir, pas avant.

Mais encore, dans ce domaine, n’existe-t-il pas bien des conceptions erronées ? On s’imagine facilement que par le service il s’agit de faire des choses importantes et remarquables. Même si c’est la part de certaines personnes, il s’agit d’abord pour tous de l’accomplissement du devoir quotidien, de la réalisation pratique d’une vie nouvelle : vivre Christ dans le chemin obscur du renoncement à soi-même. Quelqu’un demandait, un jour, à un prédicateur estimé s’il ne conseillerait pas aux jeunes chrétiens de faire quelque chose pour le Seigneur. « Non, répondit-il, je leur conseillerais de faire tout pour le Seigneur ».

Ainsi même un esclave, illuminé par la vision de Christ et faisant bien son travail, était reconnu comme servant « le Seigneur Christ » (Col. 3:24). Voilà qui est bien réconfortant. La fidélité au devoir assigné, le service caché par lequel nous pouvons rendre au Seigneur un témoignage sans quoi aucun autre n’a de valeur, est le privilège du plus jeune, du plus petit des rachetés. On me parlait dernièrement d’une jeune écolière dont la maîtresse disait : « Elle est pour moi un véritable soutien dans la classe ». Qu’en est-il, à cet égard, de nombre d’élèves professant connaître le pardon de leurs péchés ?

Un enfant avait ouvert son cœur au Seigneur Jésus lors d’une réunion d’appel pour la jeunesse. Le lendemain matin, il s’était levé de très bonne heure pour cirer les souliers de son papa. À l’exclamation de sa mère le trouvant debout, à une heure si matinale, il avait répondu : « Maman, maintenant que je suis converti, j’ai pensé que je devais vous aider le plus possible ».

Voilà donc comment il commençait. Par l’action du Saint Esprit qui vient habiter dans le cœur du plus jeune croyant, il avait compris cette première leçon de la vie chrétienne « ... qu’ils apprennent premièrement à montrer leur piété envers leur propre maison, et à rendre à ceux dont ils descendent les soins qu’ils en ont reçus » (1 Tim. 5:4).

 

3.1        Des « aides »

Ceux qui ont commencé à servir le Seigneur dans leur propre foyer, trouveront ensuite, où qu’ils aillent, du travail sous Sa direction. « Le sage gagne les âmes ». Ils comprendront le doux privilège d’être associés, directement ou indirectement, à cette grande œuvre.

Dans la liste des dons par lesquels le Seigneur édifie son Église (1 Cor. 12), après la mention de ces dons extraordinaires rarement octroyés, vient celle « des aides ». Avec quel plaisir je la lis toujours à cet endroit, me disant que nous pouvons, tous et toutes, briguer la faveur d’avoir une petite place assignée par Lui comme aides ! Toute la série des services, connus et cachés, que l’œil du Seigneur voit et apprécie et qu’Il récompensera « en ce jour-là », est comprise dans ce simple mot : « aides » ! Le précieux service de la prière, de l’hospitalité, toutes les œuvres d’amour qui ne peuvent s’énumérer, entre autres le travail des écoles du dimanche. Quelle sphère immense, accessible à ceux qui sentent l’importance de déposer, avec foi, la semence divine dans les jeunes âmes et veulent y sacrifier une partie de leur temps ! On demandait à un certain berger comment il faisait pour avoir un si beau troupeau de brebis ; il répondit : « Je prends grand soin des agneaux ».

Cela ne rappelle-t-il pas l’entretien de Christ avec son disciple Pierre, lors de sa restauration ? « M’aimes-tu ? » demande le Maître. « Oui, Seigneur », répond le disciple. Alors, lui dit-il « Pais mes agneaux ».

Ainsi, l’humble moniteur ou monitrice d’école du dimanche, du mercredi, ou du samedi, a, par ce service, le privilège de Lui témoigner en retour un peu de cet amour qu’il a si abondamment pour nous.

Avez-vous remarqué comment Dieu employa une corbeille et une corde pour sauver un grand apôtre ? (Actes 9:25).

Une corde a deux bouts, n’est-ce pas ? À l’un des bouts était suspendu l’apôtre Paul ; l’autre était tenu ferme par plusieurs paires de mains. À qui étaient ces mains fidèles ? Ces mains qui attachèrent la corde à la corbeille et aidèrent l’apôtre à s’y accroupir ? Leurs noms ne nous ont pas été transmis ; mais leur service, en sauvant la vie de Paul, bien qu’à peine mentionné, éclipse pourtant tout ce qui s’est fait ce jour-là pour le Seigneur, à Damas et dans le monde entier.

« Toutes choses Le servent ». De grands résultats peuvent tenir à de faibles causes. Quand le cordier tordait ses fils de chanvre pour façonner cette corde, il ne se doutait pas que la solidité de son travail devait avoir une telle importance. Si vous faites un travail manuel, faites-le bien, car vous ne savez pas tout ce qui peut en dépendre. « Quoi que vous fassiez, faites-le de cœur, comme pour le Seigneur », n’oubliant pas que « vous servez le Seigneur Christ ». Dieu donne à chacun sa tâche, quelque corde à faire ou à tenir.

 

3.2        L’attraction

« Que dois-je faire, Seigneur ? » La question de Saul de Tarse après avoir vu cette lumière « plus éclatante que la splendeur du soleil » est toujours la meilleure pour celui qui n’est pas au clair sur le service qui l’attend. Avons-nous vu cette lumière-là ? Ah ! si nous ne vivons qu’à la lumière du soleil qui éclaire notre terre, nous ne serons occupés que des choses de cette vie, de ses affaires, de ses entreprises, de ses relations sociales, de ses plaisirs peut-être. Mais si une sainte habitude nous fait contempler « la lumière plus éclatante que la splendeur du soleil », c’est-à-dire la gloire de Christ, nous connaîtrons la puissance d’attraction, la seule qui puisse nous garder de la distraction que nous offre de tous côtés ce monde trompeur.

Cette contemplation sera la source de notre vie et de notre service. Par elle, nous serons gardés de suivre le Seigneur à distance, de Le servir à distance (un grand écueil) ; nous serons gardés de faire ce que nous croyons le mieux, plutôt que ce qu’Il désire. Il nous enseignera à faire comme Marie, assise à Ses pieds pour écouter Sa Parole. Mais si, à l’instar de plusieurs, nous commençons par le service, il est à craindre que nous ne soyons que rarement assis à Ses pieds pour écouter ; tandis que ceux qui commencent par là, ne manquent pas de trouver des occasions de Le servir sagement et efficacement.

Il est encourageant de voir comment le Seigneur prépara les deux plus grands apôtres pour Son œuvre. L’un, Paul, voulait effacer le nom de Christ de dessus la terre ; l’autre, Pierre, le renia ouvertement, trois fois, après l’avoir connu et suivi, et avoir fait des miracles en Son Nom... Impossible pour eux de pouvoir parler d’autre chose que de la grâce ! Ensuite, ils eurent encore besoin de certaines disciplines.

Nous bronchons faute de vigilance, mais, là encore, nous ne sommes pas laissés à nous-mêmes, et s’Il permet quelque expérience pénible pour nous délivrer d’une fausse confiance en la chair, Il veille à ce que notre foi ne défaille pas et prend grand soin de nous relever.

 

Fais-nous toujours goûter combien c’est douce chose

Pour tout enfant de Dieu qui sur Toi se repose,

De t’aimer et de te servir !

 

4         TROIS VIES

4.1         

Il était déjà lointain ce temps de la maison paternelle, où tant d’affection l’avait entouré, tant de soins, et plus encore, tant d’amour pour lui faire connaître la grâce du Dieu qui s’occupe du plus petit afin de le bénir et de l’amener à Lui par la foi en Son Fils mort sur la croix pour nos péchés. Dans ce soir de novembre les souvenirs revenaient en foule, d’autant plus vifs peut-être, qu’il se trouvait en face d’une des plus grandes décisions de la vie : l’entrée d’un chemin où il ne s’appartiendrait plus à lui tout seul, mais dans lequel ils seraient deux désormais pour en déterminer l’issue.

Il se croyait heureux, et pourtant du fond de son cœur un vide indéfinissable montait, en pensant au passé qui allait finir. Il se voyait de nouveau tout petit, le soir, quand sa mère venait lui parler du Sauveur et lui apprenait à Le prier. Il se souvenait des lectures quotidiennes en famille, où penchés sur la Parole de Dieu, frères et sœur écoutaient leur père qui cherchait à en mettre les récits à leur portée.

Trois s’en étaient allés pour ne plus revenir. Sa mère, la première ; il se rappelait les nombreuses prières qu’elle avait fait monter pour le salut de son âme, sans pourtant en avoir vu l’exaucement. Puis la sœur était partie à son tour, rendant témoignage à l’amour du Sauveur qui l’avait rachetée. Seuls les trois frères étaient restés. Dimanche après dimanche, ils avaient continué à venir au lieu où les enfants de Dieu se rassemblent autour du Seigneur Jésus, pour l’adorer et annoncer sa mort. Que de fois ils avaient entendu l’Évangile durant ces années-là ! Mais son cœur, à lui, était resté froid.

Pourtant Dieu le cherchait et devait lui parler bien plus sérieusement encore. Son jeune frère était tombé malade, et bientôt, il fut évident qu’à son tour il allait les quitter. Il ne connaissait pas encore le Sauveur pour lui-même, mais sur son lit de maladie, malgré son jeune âge, il se vit pécheur, il se vit perdu, et accepta le salut par le sang de Christ. Son cœur en était rempli. Il voulut le faire savoir à tous. Ses amis, ses camarades d’école, tous ceux qu’il avait connus l’entendirent les supplier de venir au Sauveur qui l’avait rendu si heureux. Plusieurs furent touchés et se souviennent de l’expérience d’alors comme de l’entrée dans la vie nouvelle que Jésus donne à tous ceux qui croient en Lui.

Dans ce soir d’automne il se rappelait les prières de son jeune frère, son désir si intense de le voir donner son cœur à Jésus. Il lui avait promis qu’ils se reverraient au ciel ; il était décidé à accepter le Sauveur ; il était presque venu à Lui ; mais il devait bien s’avouer aujourd’hui que le pas décisif n’avait jamais été fait. Il avait encore tellement de temps devant lui, tant de choses à voir et à entendre, de jouissances à éprouver.

Il avait ensuite quitté la maison pour entrer en apprentissage. Là encore, Dieu lui avait parlé. Un de ses collègues était croyant. Il se rappelait leurs nombreuses conversations et le désir que ces entretiens avaient de nouveau éveillé en lui de venir enfin à Jésus ! Il avait continué à suivre les réunions des enfants de Dieu, souvent avec plus d’intérêt, soutenu et stimulé par son ami. Mais malgré tout, il savait qu’il n’était pas en règle avec Dieu.

C’est alors qu’il avait fait sa connaissance. Elle l’avait attiré, non par sa piété sans doute, puisqu’elle non plus ne connaissait pas le Sauveur, mais par ses qualités naturelles ; et maintenant tout le reste avait passé à l’arrière-plan. Il avait bien tenté de lui parler de Jésus ; elle était venue une ou deux fois entendre l’Évangile, mais cela ne l’intéressait pas.

Et dans ce soir de novembre, à la veille des engagements définitifs, il sentait bien que cette voie l’éloignerait, à tout jamais peut-être, des choses qui avaient tenu une si grande place dans son enfance. N’étaient-elles pourtant pas la vérité ? Au fond de son cœur une voix pressante l’engageait à rompre, à se tourner enfin résolument vers Dieu, à accepter son « grand salut ». Il se rappelait la joie immense de son petit frère à la pensée de s’en aller auprès de Jésus ; il voyait tous les jours la vie heureuse de l’ami fidèle, qui si souvent l’avait engagé à boire à la seule Source du bonheur. La voix répétait, comme au temps du prophète : « C’est ici le chemin, marchez-y » (Ésaïe 30:21).

Mais il l’aimait. Que penserait-elle s’il la laissait maintenant ? Son cœur était engagé ; comment pouvait-il revenir en arrière ? Certes elle avait une conduite irréprochable, et qui sait ? peut-être un jour viendraient-ils ensemble au Sauveur, qui, une fois de plus, l’appelait !

Les réflexions continuèrent longtemps dans la nuit ; un combat plus fort que jamais se livrait dans son cœur. N’écouterait-il pas la voix du Seigneur, qui à tant d’occasions lui avait parlé ? N’accepterait-il pas la grâce ? Il y allait pour lui de l’éternité. Mais que dirait-elle demain, quand il lui ferait part de sa décision ? Ne l’accueillerait-elle pas avec un certain sourire de doute qu’il lui connaissait parfois, se demandant si vraiment, pour si peu, il voulait l’abandonner ? — Non, c’était impossible ; il ne le pouvait pas. D’ailleurs ce chemin s’était ouvert devant lui ; il n’avait pas cherché à y entrer ; pourquoi ne pas continuer à le suivre ?

 

4.2         

Il le suivit, en effet, étouffant la voix de la grâce. Pendant deux ou trois jours encore des pensées, des souvenirs le travaillèrent, puis le calme se fit, le calme d’une âme qui avait délibérément rejeté Christ pour marcher dans son propre chemin. Dans la vie à deux, tout fut vite oublié. Il délaissa complètement les réunions chrétiennes et même, petit à petit, eut en haine ces choses qu’il avait une fois appréciées.

Le calme ne devait pas durer. Entraîné au mal, puis ruiné par des amis trouvés dans le monde, il lui fallut réduire son train de vie, travailler dur, se priver, rester dans l’ombre. Dieu, dans sa grâce infinie, voulait lui parler encore. Une fois, dans ces années difficiles, ils allèrent tous deux entendre l’Évangile annoncé avec puissance par un prédicateur de passage, qui avait réuni une grande foule dans l’une des principales salles de la ville. Ce message était la même Voix qu’autrefois, mais tellement atténuée et distante. Le cœur était endurci, et Satan eut tôt fait de « ravir la parole semée » (Marc 4:15).

Les difficultés continuèrent. Il eut la douleur de voir son père s’en aller rejoindre les disparus, dans le ciel ; seul son frère faisait encore monter pour lui des prières devant le Trône de la grâce. Devraient-ils tous s’en aller, heureux en leur Sauveur, sans avoir eu la joie de le voir, lui aussi, venir à Christ ?

 

4.3         

La vieillesse était là, pleine de vigueur et d’énergie encore, mais plus proche de la mort. La haine pour les choses de Dieu s’était changée en sarcasme. Il les avait méprisées, maintenant elles l’irritaient.

Mais Dieu, le Dieu de toute grâce, voulait une fois de plus lui parler. Il tomba gravement malade, d’un mal infiniment douloureux, sans remède, mais à longue échéance. Les jours, les semaines, les mois passèrent, dans des souffrances intenses, avec le spectre de la mort se dressant toujours plus net devant ses yeux. Son frère vint le voir, espérant parler à son âme. Il refusa de rien entendre et lui interdit même d’ouvrir la Parole de Dieu.

Le mal grandissait, mais l’esprit gardait sa lucidité, traversant des combats terribles et sans lumière, puisqu’il en refusait la seule Source. « Oh ! que c’est dur de mourir », répétait-il à ceux qui venaient le voir. Mais bientôt tout s’assombrit ; il restait prostré, insensible. Son frère vint encore, le suppliant de venir au Sauveur, lui rappelant les années d’autrefois, l’ami de sa jeunesse, maintenant auprès du Seigneur. Il lui parla du départ si différent du frère qui les avait devancés, tant d’années auparavant ; où était la promesse qu’il lui avait faite alors ? Ce « revoir » tant souhaité n’aurait-il donc jamais lieu ? L’éternité allait ouvrir ses portes ; serait-ce pour la gloire ou le malheur ? Le sang de Jésus pouvait purifier tous ses péchés ; à la dernière heure, il pouvait accepter l’œuvre parfaite accomplie par le Sauveur qui l’avait appelé tant de fois. Il ne répondit rien ; pas un signe, pas un mouvement, pas un sourire ; les yeux fermés, les lèvres serrées. L’âme allait quitter l’enveloppe mortelle si terriblement ravagée par la maladie. Il était temps encore. Mais son cœur était-il trop endurci ? Avait-il trop de fois refusé la grâce pour la recevoir à la dernière minute ? Qui pourra le dire ? Seul Celui qui juge « les secrets des cœurs », devant les yeux duquel toutes choses sont « nues et découvertes ». Il est le Dieu de toute grâce ; il appelle sans se lasser. Et pourtant ne vient-il pas parfois un jour où c’est « trop tard », même dans cette vie ?

Il vécut encore quelques jours, excessivement faible et souffrant. Le travail divin s’est-il quand même accompli dans ce cœur une fois si près du salut ? Nous ne savons ; Dieu le sait. Il n’y eut pas de témoignage, pas un indice que la paix avait rempli cette âme à la porte de l’éternité.

Il s’en est allé dans l’Au-delà, sauvé peut-être « comme à travers le feu », ayant en tout cas perdu sa vie, perdu son témoignage, perdu toute occasion de porter du fruit pour le Seigneur. Et pourquoi ? N’avait-il pas entendu l’Évangile ? N’avait-il pas lu la Parole de Dieu ? N’avait-il pas eu des parents croyants pour lui parler ? Le Seigneur ne l’avait-il pas appelé à maintes reprises ? Mais il n’avait pas voulu venir à Lui ; il avait méprisé la bénédiction. Et sa vie se ferme sur ce grand point d’interrogation, suprême pour tout homme dans ce monde : « Où passera-t-il l’éternité ? »

« Comme ils ont choisi leurs propres chemins, et que leur âme a pris plaisir à leurs choses exécrables, je ferai venir sur eux ce qu’ils craignent, parce que j’ai crié et il n’y a eu personne qui répondît, j’ai parlé et ils n’ont pas écouté » (Ésaïe 66:3-4).

« Aujourd’hui, si vous entendez Sa voix, n’endurcissez pas vos cœurs » (Héb. 4:7).

 

5         Avait-il bien choisi ?

5.1         

Jacques F., jeune viveur et joyeux compagnon, passionné de courses de chevaux, avait assisté à une prédication de l’Évangile et entendu un appel puissant ; il ne parvenait pas à chasser de son esprit le fidèle message du serviteur de Dieu.

« Je ne puis plus continuer ainsi », murmurait-il un soir, en proie à un combat intérieur des plus aigus, « si ce prédicateur dit vrai, je suis tout à fait égaré. Mais comment changer de voie ? Vendre mes chevaux, donner congé à mes jockeys, perdre tous mes paris, en un mot disloquer complètement une vie jusqu’ici joyeuse et sans souci !... Allons donc ! cela ne se fait pas ». Ainsi raisonnait Jacques pendant les heures d’insomnie de cette nuit d’angoisse, agité par le plus violent conflit.

La victoire du « non » parut d’abord certaine ; « non », je ne le puis pas, c’est impossible.

Puis une autre scène passa devant ses yeux. Il se voyait devenu âgé et pensait avec mélancolie à certains vieillards impies qu’il avait connus. S’il allait finir comme l’un d’eux ! Laisser derrière soi tous les plaisirs du péché, par incapacité de les goûter encore, quelle amertume ! Et après, pour lui, comme pour eux, une mort sans Christ, une éternité sans Christ !... Non, mille fois non.

L’image de la Croix vint ensuite occuper son esprit. Non pas seulement la Croix, mais surtout Celui qui y fut immolé. Que n’en avait-il pas coûté à Christ pour délivrer des pécheurs perdus de la condamnation ? Et, dans le silence de la nuit, le jeune homme semblait entendre Son cri amer : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Ce cri de la Victime expiatoire avait retenti à l’heure sombre de Golgotha, afin qu’aucun des fils des hommes qui croient en Lui ne soit jamais livré à l’abandon divin.

La nuit passa. Pour Jacques, la lutte se termina avant l’aurore. Jésus Christ eut la victoire. Le jeune homme se leva, ce matin-là, une nouvelle créature Dorénavant une vie jusqu’alors inconnue devait commencer. Par l’opération de cette grâce divine qui l’avait amené à recevoir le Sauveur par la foi, il pourrait dire comme l’apôtre Paul : « Pour moi, vivre c’est Christ ».

 

5.2         

Par un beau matin de mai, Jacques déjeunait seul dans sa maison de campagne. Peu après la nuit mémorable de sa décision, il était revenu chez lui et avait rempli d’étonnement ses serviteurs et ses voisins par le changement survenu en lui.

« Le maître est tout différent », déclara son vieux jardinier. « De ma vie je n’avais vu une telle transformation ; il faut avouer que c’est mieux ».

Ce matin-là Jacques, ayant fini son déjeuner solitaire, sonna le domestique :

« Fais seller ma jument baie, je pars dans une demi-heure ». Il se jeta ensuite sur son fauteuil d’où il pouvait admirer son beau jardin parfaitement entretenu mais son jardin ne l’occupait pas en ce moment. La tête appuyée sur sa main, il pensait aux paroles de l’Évangile : « Venez après Moi et je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes » ; il ajoutait tout bas : « Oui, pour l’amour de toi, Seigneur, tout sacrifice est doux ».

« Monsieur, dit une voix, la jument est à la porte ».

Il se leva et partit. Tout en chevauchant le long des pittoresques chemins de la campagne, la joie ne quittait pas son cœur ni son visage. Il avait en effet décidé en se rendant au champ de courses de rompre pour toujours ses relations avec l’hippodrome et ses habitués.

Il se sépara de son dernier jockey : « Non, Tom, tu ne me reverras jamais ici », lui dit-il, « j’en ai fini avec mon ancienne vie ; j’ai pris du service avec un nouveau Maître, je me suis engagé sous les ordres d’un autre capitaine ; et de tout mon cœur, Tom, je te souhaite d’en faire autant ».

Le jeune disciple enfourcha sa monture et tourna le dos à ces lieux séducteurs. Il s’en allait le cœur plein de joie à la pensée que le dernier lien qui l’attachait au monde venait d’être brisé pour toujours.

 

5.3         

Vingt-cinq ans ont passé. Pour Jacques la vie s’est écoulée, tel un cours d’eau égal et joyeux, au service de son Maître bien-aimé. La joie de sa vie chrétienne était une attraction particulière pour les âmes qu’il désirait amener au Sauveur. Il ne permettait jamais qu’on murmure au sujet des choses désagréables de la vie, même quand tout allait de travers. Sa devise était : « En toutes choses rendez grâces ». Il devint un évangéliste infatigable, et se consacra pendant quelques années à un quartier populeux ; plus tard, obéissant à l’appel du Seigneur, il reprit sa vie itinérante et, par son ministère, beaucoup d’âmes furent amenées au Sauveur.

À la fin d’un long été de travail, quand vint septembre, notre ami sentit le besoin de quelques jours de détente. Au retour d’une excursion à bicyclette avec sa femme, il prit, à la descente, de l’avance sur elle, si bien qu’elle le perdit de vue au tournant brusque d’une cascade. Quand elle l’eut dépassée, aucune trace de son mari sur la route ! Elle vit une femme sortir d’une ferme voisine en faisant des signaux de détresse ; avec un déchirement affreux, elle comprit... ; elle se pencha sur le parapet et découvrit le corps inanimé de Jacques. Son esprit était entré dans la présence de son Sauveur. Désormais les joies éternelles étaient son partage pour toujours.

 

5.4         

Lorsqu’en face de l’éternité pendant sa nuit de lutte, Jacques saisit Jésus pour son Sauveur, avait-il fait le meilleur choix ? « Oui », répondons-nous sans hésiter. Mais ensuite, quand il renonça à son ancienne vie et choisit le service de Christ, s’était-il trompé ? « Non », sans doute, dirons-nous encore.

Avez-vous fait votre choix ? Avez-vous répondu à l’appel du Sauveur et obtenu par la foi le salut et le pardon ? Si oui, vous êtes en règle avec Dieu et prêt pour le retour de Son Fils.

Et ceux qui sont déjà convertis depuis plus ou moins longtemps, ont-ils par grâce, choisi de servir Christ et de réjouir Son cœur en le faisant ? (Matt. 25:23).

 

6         Fidèle jusqu’à la mort

Vers le milieu du siècle passé (19°), le christianisme avait fait de rapides progrès chez les indigènes de l’île de Madagascar. Il ne tarda pas cependant à être l’objet des assauts de l’ennemi qui poussa la reine Ranavalona 1 (1861) à déclarer publiquement son opposition à l’Évangile. Tous les chrétiens employés au gouvernement furent relevés de leurs fonctions et, bien que personne n’eût encore été persécuté, un assez grand nombre abjura et retourna à ses croyances précédentes.

Ramanabona, jeune homme de quinze ans, avait aussi reçu l’Évangile dans son cœur, et ne pouvait se résoudre à céder aux supplications de ses parents, qui auraient voulu le voir abandonner sa foi, en présence du danger imminent. « Je suis prêt à tout », avait-il répondu, « la mort ne saurait m’empêcher de rester fidèle à Jésus mon Seigneur ».

Il devait être mis à l’épreuve le jour même. Tous les chrétiens avaient résolu de se rassembler en secret, dans une clairière, au plus épais de la forêt, mais pendant qu’ils chantaient des cantiques et lisaient la Parole, ils furent surpris inopinément par la garde de la reine. Arrêtés aussitôt et enchaînés les uns aux autres, ils furent traînés sous un soleil brûlant, jusqu’à Tananarive, résidence de la souveraine.

De bonne heure, le lendemain, les prisonniers furent conduits devant leurs juges. La reine présidait en personne et, les uns après les autres, les captifs furent sommés par elle d’abjurer leur foi. Les souffrances endurées le long du trajet et la terreur de ce qui suivrait en avaient affaibli un bon nombre et bien des cœurs avaient déjà cédé.

Vint le tour de Ramanabona, le plus jeune de tous ; la reine le regarda longtemps avec bienveillance. « Quitte ta religion », lui dit-elle enfin, « et conduis-toi comme un vrai Malgache. Ce Dieu que tu adores ne t’aidera pas au jour de la détresse, au contraire, il te rend lâche et faible ». Le beau jeune homme resta un moment immobile devant elle. Se rappelait-il que tout son désir avait été de voir une fois sa reine et d’entrer dans sa garde du corps ? Mais il savait maintenant que Celui qui avait versé pour lui son sang, lui était plus cher que n’importe quel désir au monde. Aussi répondit-il : « J’aimerais t’obéir, ô reine, mais je ne le puis, car j’ai promis d’être fidèle à mon Seigneur et Maître ». Voyant qu’il restait inébranlable, en dépit de son insistance, elle le congédia, frémissante de colère, et Ramanabona retourna, la tête haute, auprès des autres prisonniers.

Il fut décidé que les chrétiens paieraient cher leur fidélité à leur Maître, et qu’une partie d’entre eux subirait le martyre dès le jour suivant. Par ordre spécial de la reine, Ramanabona devait assister à leur supplice, car, disait-elle : « Il verra toute la cruauté avec laquelle on traitera ces chiens de chrétiens — peut-être en sera-t-il ébranlé et pourrons-nous encore le sauver ».

Le spectacle du lendemain fut terrifiant. On avait dressé d’énormes bûchers, au sommet desquels on lia les quatre plus nobles d’entre les prisonniers. Une dernière fois, on les engagea à renoncer à leur foi, ce qu’ils refusèrent énergiquement. Ramanabona, qui était le plus près d’eux les vit lever les yeux vers le ciel et demander au Seigneur de les soutenir jusqu’au bout. Puis les bûchers furent allumés, dans le plus profond silence ; on entendit des cris déchirants durant quelques secondes, puis tout redevint silencieux. Les assistants étaient épouvantés.

Ramanabona luttait avec lui-même. Il venait de voir la mort dans toute son horreur. N’y avait-il donc plus moyen d’y échapper ? ... Après tout, il pourrait abjurer sa foi, et rester chrétien dans le secret de son cœur : qui sait, si le Seigneur ne le lui pardonnerait pas, pour finir ? Il songeait à son paisible village, à ses vieux parents qui déjà devaient le pleurer, et à la belle jeune fille qu’il aimait et pour la dot de laquelle il travaillait depuis deux ans... Mais soudain une parole entendue lui revint à la mémoire : « Quiconque me reniera devant les hommes, moi aussi je le renierai devant mon Père qui est dans les cieux ». « Non, s’écria-t-il alors, je n’abjurerai pas, je veux Lui rester fidèle ».

À ce moment même, on vint le chercher pour le conduire encore auprès de la reine. Celle-ci le reçut dans la pièce la plus élégante de son palais et chercha par tous les moyens à lui faire abandonner sa décision. Elle lui fit les offres les plus séduisantes, lui promit un emploi à la cour, l’assurant qu’il serait comblé de richesses et d’honneurs. Ramanabona garda longtemps le silence, puis il répondit : « Le Roi des rois me défend de céder. Je lui ai juré fidélité, à Lui qui a donné sa vie pour moi, et Lui seul a le droit de disposer de la mienne ».

À ces mots, la colère de la souveraine ne connut plus de bornes et Ramanabona comprit que son sort était décidé.

On l’emmena, en effet, le lendemain, avec les vingt derniers qui avaient tenu ferme. Une fois qu’on les eut à nouveau enchaînés les uns aux autres, la petite troupe sortit de la ville. La route était brûlante, le soleil dardait des rayons de feu, les pieds étaient endoloris par la marche, les mains blessées par les fers — pas d’eau à boire, et si l’un ou l’autre succombait à la fatigue, on le ranimait à coups de fouet.

Où donc devait aboutir cette marche interminable ? Les malheureux ne l’apprirent que trop tôt, quand ils virent devant eux le village d’Amparima. Celui-ci était situé au-dessus d’un immense rocher du haut duquel le regard plongeait dans un abîme sans fond, d’où montait un vague murmure d’eau — mais où l’œil ne discernait qu’un amas de roches pointues. Oui, ils l’avaient soudain compris, ces humbles disciples de Christ, on allait les précipiter dans ce gouffre béant...

Ce n’était que trop vrai ! Le chef les fit approcher un à un pour jeter un coup d’œil dans l’abîme, puis il leur offrit encore de se rétracter, leur assurant que la reine avait tout tenté pour les épargner et qu’eux seuls étaient responsables de leur mort. Là-dessus, deux des captifs retournèrent à leurs dieux.

On passa une corde autour du corps des dix-sept autres, puis le premier fut poussé dans le vide. Tandis que deux noirs de taille vigoureuse, retenaient la corde, on lui ordonna une dernière fois d’abjurer — un refus énergique fut la seule réponse, la corde fut tranchée d’un coup d’épée et la victime, poussant un cri perçant, fut précipitée dans le gouffre.

Tous les prisonniers tremblaient et le chef cria encore : « Qui se rétracte ? » Deux hommes s’avancèrent pour avoir la vie sauve.

Tandis que l’horrible spectacle se renouvelait, les malheureux se bouchaient les oreilles et fermaient les yeux. Mais rien ne pouvait les empêcher d’entendre, chaque fois qu’on coupait la corde... Pourtant, ils ne faiblirent pas, à l’exception de deux autres qui sentirent vaciller leur foi, lorsqu’ils se virent suspendus dans le vide.

Ramanabona passa le dernier. Le chef ne pouvait se résoudre à le livrer, si jeune encore, à son terrible sort. Mais, sollicité une fois de plus, il refusa de renier son Seigneur. « J’ai une requête à t’adresser, dit-il seulement, on me condamne parce que je prie le vrai Dieu, qu’on m’accorde encore un instant pour prier ». On le laissa faire et le jeune homme s’agenouilla ; il bénit et loua Dieu d’abord, puis le supplia et intercéda. Il pria pour la reine, pour ses bourreaux et s’écria enfin : « Seigneur, aie pitié ! ». Puis se levant, dit simplement : « Je suis prêt ! »

Le chef le conduisit au bord du précipice, mais fut forcé de se détourner quand il le poussa dans le vide. Puis retentit l’ordre : « Abjure ! ». Une voix claire et ferme répondit : « Non ! ».

Le bourreau avait coupé la corde, on avait entendu le corps rebondir au fond de l’abîme, mais cette fois-ci le chef lui-même s’était bouché les oreilles...

Bien qu’il eût assisté dans sa vie à des scènes atroces, il crut que ce spectacle poignant le rendrait fou. Rien, jusqu’à ce jour, ne l’avait touché comme de voir mourir ce jeune homme et jamais il ne put oublier cet affreux cauchemar. La mort de Ramanabona fut l’appel que lui adressa le Sauveur : il y répondit vingt ans après.

La fidélité de ce jeune témoin de Christ n’a pas été vaine : Dieu s’en est servi pour attirer au moins une âme à Lui !

« Sois fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie » (Apoc. 2:10).

 

7         PETITS PÉCHÉS

« Prenez-nous les renards, les petits renards qui ravagent les vignes, car nos vignes sont en fleurs » (Cant. 2:15)

 

La lanterne n’avait qu’un très petit trou — mais le vent s’y engouffra... et l’éteignit.

Il peut découler de grands malheurs d’un seul point faible de notre caractère, que nous négligeons de surveiller.

Une seule étincelle mit le feu à la poudrière et toute la contrée avoisinante fut en ruines.

Une petite voie d’eau fit sombrer le navire et les passagers ont péri dans les flots.

Une seule blessure peut provoquer la mort d’un homme.

Un seul péché non jugé peut conduire à la ruine d’une carrière chrétienne.

Il ne servit de rien que le reste de la lanterne fût en parfait état, puisqu’il s’y trouvait une seule petite fente par laquelle le vent pouvait pénétrer.

Lorsqu’on veut éprouver la résistance d’une chaîne, on ne se base pas sur l’anneau le plus fort, mais bien sur le plus faible ; car à quoi pourraient-ils tous servir, si la partie la plus faible céde ?

Satan est un observateur de premier ordre, et sait très bien profiter de nos points faibles. Nos sens, nos penchants, nos qualités même, sont des portes qu’il entrouvre facilement pour laisser les « petits renards » ravager notre cœur.

Tant de corruption nous entoure. On trouve une revue « illustrée », ... une ou deux pages éveillent le désir. La radio ou la télévision évoquent des scènes douteuses ; au lieu de fermer sans retard l’appareil (fallait-il même l’ouvrir ?) on écoute ou regarde « juste un petit moment... » et l’ennemi en profite pour insuffler de mauvaises pensées.

 

— Si la grâce n’était pas constamment en activité, si le Seigneur Jésus ne priait pas sans cesse pour nous « afin que notre foi ne défaille pas », nous aurions déjà été maintes fois entraînés au mal, aux chutes douloureuses qui déshonorent Son nom et flétrissent le témoignage.

 

« Que celui qui croit être debout prenne garde qu’il ne tombe » 1 Cor. 10:12.

« Le Seigneur est puissant pour le tenir debout » Rom. 14:4.

 

 

8         FORME ou PARFUM ?

L’auteur d’un article intitulé : « Le parfum des fleurs » constatait avec regret : « Nous ne savons plus apprécier le parfum des fleurs comme le faisaient nos ancêtres. Par une culture spéciale, nous cherchons à produire des fleurs d’une beauté éclatante, mais inodores, et leur décernons des prix dans les expositions florales, alors qu’autrefois on les aurait considérées comme de belles femmes dépourvues de sens ».

Cette expérience ne se reproduit-elle pas dans d’autres domaines que l’horticulture ? Par une tendance naturelle, nous visons à l’effet et négligeons le parfum. La beauté de la forme et de la couleur priment tout. Mais comme l’éclat d’une fleur ne remplace pas le parfum, de même l’étendue de nos services, la popularité des prédications, l’exercice de nos dons individuels, ne pourront jamais compenser l’absence de cette chose subtile, indéfinissable, qui s’exhale d’une âme pour laquelle Jésus est le centre de la vie et du service.

La préoccupation constante de l’apôtre Paul ne devrait-elle pas être la nôtre aussi ? Que « Dieu manifeste par nous l’odeur de la connaissance de Christ en tout lieu ». Si nous nous appelons « chrétiens », ne sommes-nous pas porteurs de ce Nom qui est « comme un parfum répandu » ?

Dieu avait aussi ce désir pour Son peuple lorsqu’après l’avoir ramené à Lui, Il dit par la parole prophétique : « Je serai pour Israël comme la rosée ; il fleurira comme le lis et il poussera ses racines comme le Liban ; ... son parfum sera comme le Liban. Ils reviendront s’asseoir sous son ombre... » (Osée 14).

Le Liban avec ses cèdres, ses plantes aromatiques s’épanouissant en une riche floraison, ses vignes odoriférantes, devait embaumer l’air de délicieuses senteurs.

Et Celui qui promet à Israël d’être pour lui comme la rosée, n’est pas moins que cela pour Ses enfants. Il nous a donné le Saint Esprit, qui nous met en rapport avec la plénitude divine. Lorsque, au commencement de la journée, nous recherchons la face de notre Sauveur, écoutant Sa voix dans Sa Parole, nous sommes fortifiés et rafraîchis, comme les fleurs sous l’influence de la rosée ; il en résulte du parfum dans notre vie, du fruit dans notre service.

Beaucoup de chrétiens d’une orthodoxie exemplaire, d’une conduite irréprochable, sont pourtant les derniers vers qui les âmes travaillées et les cœurs affligés voudraient aller chercher la sympathie dont ils ont besoin. Car, hélas, il est possible d’être rigidement orthodoxe et de repousser au lieu d’attirer, d’avoir beaucoup de connaissance et de manquer de parfum.

Mais Dieu, qui est descendu autrefois ici-bas dans la personne de Son Fils, afin d’accomplir pour nous l’œuvre de la Rédemption, est toujours à l’œuvre par Son Esprit pour réaliser en nous les fruits de cette Rédemption, pour vivifier et rafraîchir nos âmes, nous « renouveler de jour en jour ». Il embellit la vie des siens, la rend fructueuse, et produit la douceur du caractère, le parfum de Christ.

Chaque fleur, chaque brin d’herbe reçoit sa portion individuelle de rosée ; de même nous pouvons obtenir chacun notre portion céleste, recevoir de Sa plénitude et grâce sur grâce, par les secours de l’Esprit qui produira dans nos vies individuelles la forme autant que le parfum.

 

À qui donc irions-nous, source toujours nouvelle

De rafraîchissement pour nos cœurs altérés ?

Tes paroles, Seigneur, sont la vie éternelle...

 

9         DEMEUREZ EN MOI

Si tu aspires à être ici-bas une aide, un encouragement, une bénédiction pour autrui, il faut que le Sauveur habite dans ton cœur. Si tu veux faire rayonner l’amour divin dans ta famille, chez tes amis, auprès de tes connaissances, si tu veux qu’il pénètre dans la voiture de chemin de fer où tu passes quelques instants, dans la lettre que tu écris, dans la conversation où tu es engagé, en un mot, si tu veux faire quelque chose qui soit à la gloire de ton Seigneur, il faut que Jésus remplisse ton cœur. C’est ainsi qu’à ton insu, tu exerceras une influence heureuse et bénie.

 

*

 

Le contact avec Jésus seul nous rend capables de faire briller Sa lumière, de manifester Son amour, de servir avec efficacité ceux qu’Il place sur notre chemin. Celui qui vit en contact avec Christ, qui demeure en Lui, et en qui Il demeure, répand autour de lui l’atmosphère de Sa vie divine, de Sa paix, de Son amour.

Nous sommes enrichis et fortifiés dans la mesure où Jésus occupe, dans notre vie, la première place. Celui qui est intimement lié à son Sauveur et Seigneur est paisible en tout temps.

 

10    UN SEUL JOUR à la fois

Nous n’avons jamais plus d’un jour à vivre à la fois ; demain ne nous appartient pas. Dieu ne nous donne pas des années ou même des semaines. Il nous donne seulement un jour ; le présent seul est à nous ; si chaque journée est fidèlement remplie, notre vie, dans son ensemble, laissera derrière elle une trace lumineuse.

 

12 HEURES au jour

12 HEURES à la nuit

Soit 1440 minutes.

Combien en as-tu mis à part pour lire la Parole de Dieu et prier ?

 

PAS UNE SEULE MINUTE ?

 

Et pourtant tu dis :

 

JE SUIS CHRÉTIEN ?

 

11    LOISIRS

On reconnaît un chrétien, aimait à répéter un serviteur de Dieu, à l’emploi qu’il fait de son « temps libre » et de son « argent libre ». Pour la plupart d’entre nous les jours, les semaines, les mois sont remplis d’une activité nécessaire pour nos études ou pour gagner le pain quotidien ; et le plus clair de notre revenu est légitimement employé à répondre à nos besoins. Mais chaque semaine il reste quelques heures de liberté ; qu’en faisons-nous ?

Avons-nous réfléchi avec sérieux à cette question : « Pourquoi suis-je dans ce monde ? » — Quelle est la raison d’être de notre vie ? Qu’en restera-t-il lorsque les choses de la terre auront passé ? — Jeunes croyants nous pouvons « servir le Seigneur Christ » dans tous les détails de notre activité journalière. En viendrions-nous alors à ne pas employer pour Lui les loisirs qu’Il nous accorde en dehors de cette activité quotidienne ?

Les uns gaspillent cette liberté et ces ressources supplémentaires, en les employant à des choses frivoles et inutiles ; ils rêvent et oublient la valeur du temps qui passe. Ils n’ont pas compris que la vie est un don précieux de la part de Dieu, dont il faudra rendre compte. D’autres se sont mis tant d’obligations diverses à charge, que leur existence est une course effrénée, sans un instant de repos.

Ce n’est pas tant la somme de loisirs dont nous disposons qui importe, mais la manière dont ils sont utilisés. L’âme a besoin de nourriture, le corps de détente, ou selon l’activité journalière, d’exercice. Tant d’âmes autour de nous ont soif, qu’il n’est pas difficile de trouver l’une ou l’autre vers qui Jésus nous conduira pour lui apporter ce qu’Il nous a donné pour nous-mêmes. L’essentiel est de régler son temps libre, d’en prévoir, avec le Seigneur, l’emploi judicieux. Ainsi nous sèmerons, et, au jour de la moisson prochaine, il y aura des épis pour Lui.

Mais aussi, il faut savoir s’arrêter. Le courage en est renouvelé, la vie rafraîchie. D’où provient la lassitude de plusieurs qui étaient partis d’un pas allègre sur l’étroit chemin ? Ils n’ont pas pris le temps de faire halte dans le désert ; peut-être ne se souviennent-ils même plus du lieu secret où ils avaient jadis trouvé le repos et une nourriture abondante.

Daniel marchait avec Dieu — mais, trois fois le jour, il se retirait dans le silence de sa chambre haute. C’est là qu’il faisait sa halte. Établi par Darius sur tout son royaume, n’était-il pas l’un des hommes les plus occupés de son époque ? Et nous ne trouverions pas le temps de faire cette halte de quelques instants aux pieds du Seigneur ?

David disait : « Sois pour moi un rocher d’habitation, afin que j’y entre continuellement » (Ps. 71:3). Pierre était en prière au milieu du jour (Actes 10). Ces hommes savaient bien qu’après avoir parcouru une partie du chemin, il est nécessaire de s’arrêter pour rechercher la force et la direction du Seigneur avant d’aller plus loin. Et nous serait-il vraiment impossible, à nous, de prendre quelques minutes, une ou deux fois par jour, pour nous enfermer dans notre chambre, et là, parler avec Dieu ?

Considérons encore et surtout le Seigneur Jésus. Que de fois nous Le voyons seul avec Dieu ! Ici ou là, dans le désert ou sur la montagne solitaire, il faisait halte. Bienheureuse communion de l’Homme parfait avec son Père !

Même avec l’excellent désir de terminer plus brillamment nos études, ou de progresser le plus possible dans notre profession, ne laissons pas notre activité quotidienne envahir à tel point nos loisirs, que le temps nous manque pour les haltes aux pieds du Seigneur, la fréquentation régulière du rassemblement autour de Lui, le service pour les autres, la détente nécessaire à nos corps. Et ces heures de liberté aussi, ne les gaspillons pas ; demandons au Seigneur la sagesse qui nous manque pour les employer à bon escient. C’est le seul moyen qui nous permettra non seulement de commencer la course, mais aussi de la continuer et de l’achever à Sa gloire.

 

Veille à midi, quand les bruits de la terre

Font oublier le céleste séjour ;

Trouve un instant pour être solitaire

Dans la prière et dans l’amour.

 

Veille toujours, en tous lieux, à toute heure,

Car l’ennemi te guette à chaque instant,

Pour se glisser dans la sainte demeure

Où doit régner le Tout-Puissant.

 

Veille au matin, veille le soir,

Veille et prie, ... toujours.

 

12    RATTRAPER LE TEMPS

Un mécanicien chrétien, attaché à une grande compagnie de chemins de fer, avait l’habitude avant chaque départ, une fois installé dans sa locomotive, d’ôter sa casquette quelques instants et de demander à Dieu sa protection pour le trajet en perspective. Jamais encore il n’avait reçu d’observations de la part de ses supérieurs.

Il dut un jour se charger d’un train qui avait déjà vingt-cinq minutes de retard et à sa requête habituelle il en ajouta une seconde : que Dieu veuille l’aider à rattraper ces vingt-cinq minutes pendant le trajet.

Beaucoup d’entre nous sont peut-être dans le même cas. Nous commençons la course chrétienne avec un handicap, un retard, souvent causé par notre faute, parfois par celle des autres. Nous pouvons avoir commencé vingt-cinq minutes ou cinq ans trop tard, ou nous avons gaspillé bien des heures précieuses depuis le point de départ. Eh bien ! ne pouvons-nous pas nous aussi incliner la tête au matin d’une nouvelle journée et rechercher le secours divin, comme le demandait à son Dieu un chrétien pénétré de cette même pensée : « Je n’ose pas voyager seul à travers les heures de cette journée ». Et nous pouvons Lui demander non seulement cela, mais aussi de pouvoir ce jour-là rattraper en quelque sorte le temps perdu au cours d’autres journées. Dieu qui, avec tant de grâce, disait autrefois à son peuple : « Je vous rendrai les années qu’a mangées la sauterelle » est le même aujourd’hui et Il nous aidera.

Le jour où il commençait son voyage avec vingt-cinq minutes de retard, notre mécanicien devait d’autant plus concentrer son attention sur chaque section de la voie ferrée. Quand il avait devant lui quelques kilomètres en ligne droite, il en profitait pour augmenter la vitesse de sa machine, et, s’ingéniant ainsi tout du long, il gagna quelques minutes ici et là et parvint au terminus à l’heure exacte.

Comme il s’essuyait les mains avec un vieux chiffon de laine, un monsieur bien mis s’approcha de la locomotive et lui tendit la main en disant : « Mes félicitations pour ce trajet, Monsieur ». C’était le directeur de la compagnie ; il avait évidemment remarqué l’ingénieuse manœuvre du mécanicien pour regagner le retard. Ce dernier ne le savait pas au nombre des voyageurs de ce train-là, mais il déclara que rien ne lui avait fait tant de bien que cette approbation de son chef.

Ce récit ne nous fait-il pas penser à la fin de notre course ? Le Maître est avec nous pendant le voyage et observe tous nos efforts. Ne serait-ce pas indiciblement doux de L’entendre nous dire à la fin : « Cela va bien, bon et fidèle serviteur, entre dans la joie de ton Maître » ?

Si nous essayions de rattraper quelque peu de ces vingt-cinq minutes aujourd’hui ?

 

13    LE SERPENT PARMI LES LIVRES

Une bibliothèque : des dos en cuir somptueux ponctués de lettres dorées, une collection de dos jaunes, brochés, un peu dépareillés, des blancs, des épais, des brochures.

Une main se tend pour prendre un volume. Que va-t-elle choisir ? Va-t-elle se faire piquer comme ce savant hindou qui, en tirant un livre de son rayon, sentit une légère douleur, comme d’une piqûre d’aiguille ? Un petit serpent, caché parmi les livres, l’avait mordu.

Un serpent nous guette aussi, un serpent minuscule, malin, satanique. Il est habilement dissimulé parmi les pages ; sa piqûre fine introduit un poison subtil. Ce n’est pas le corps qui souffre, mais l’âme et l’esprit.

Combien de mal peuvent faire des descriptions, des idéologies contraires aux doctrines de la Parole, des présentations de caractères, qui, par leur amoralité pire qu’une immoralité évidente, faussent notre jugement. Il faut parfois des années pour que la semence, jetée une fois dans le cœur, y germe, mais elle le fera certainement un jour et nous savons bien que là où les mauvaises herbes ont envahi le sol, « les herbes utiles » (Héb. 6:7) sont étouffées.

Comment voulons-nous que les choses dont parle l’apôtre (Phil. 4:8) remplissent le cœur, s’il est occupé par celles que nous présentent des livres légers et profanes ? Que le Seigneur nous donne de veiller sur nos lectures ! Prenons garde au serpent que le diable y cache. Aimons avant tout la Parole de Dieu ! L’estimons-nous plus que tous les livres du monde, plus que les choses les plus attrayantes de la terre ?

Voici précisément le Livre des livres ; un exemplaire usé, aux coins cornés. On voit que cette Bible a été lue en entier, possédée intérieurement : des passages sont soulignés, certains deux fois, d’autres avec une encre de couleur. Des annotations en marge montrent combien la Parole divine était étudiée et aimée. À la page jaunie on reconnaît les textes lus souvent. Il est évident que cette Bible a été employée comme nourriture pour l’âme, comme force dans l’épreuve et les combats, comme guide dans le chemin, comme aide dans les difficultés.

À qui appartenait-elle ? Était-elle le trésor de quelque évangéliste, ou d’un vieux serviteur de Christ ? Non. Son possesseur était une simple jeune fille. Par la grâce divine, cette Parole aimée, reçue dans son cœur, l’avait rendue capable, dans sa courte carrière, de réaliser une vie chrétienne, dévouée au Sauveur, qui aura son fruit dans l’éternité.

Rappelons-nous l’exhortation ancienne : « Tu ne sèmeras pas ton champ de deux espèces de semence » (Lév. 19:19). Le champ, c’est le cœur. Quelle semence y répandons-nous chaque jour de notre vie ?

 

14    « VOUS AVEZ REÇU... DONNEZ »

« L’eau que je lui donnerai sera en lui une fontaine » (Jean 4:14)

 

L’eau stagnante devient saumâtre

 

En lisant des commentaires sur la Bible, ou en étudiant soi-même les Saintes Écritures, sans s’occuper des âmes, invariablement un grand danger nous menace. On est porté à poursuivre certaines idées, qui seraient bien vite corrigées si l’on prenait de l’intérêt aux âmes, ce qui oblige en quelque sorte à adapter nos connaissances à leur état, que ce soient des enfants, des jeunes, ou des adultes.

Quand notre intelligence entre trop en jeu, la vérité cesse d’être un lien entre l’âme et Dieu. Je n’ai jamais rencontré personne qui ne se soit égaré dans des pensées personnelles (inoffensives peut-être, mais néanmoins fausses), si à côté de l’étude de la Parole, il négligeait de s’acquitter de ses devoirs envers les âmes.

On ne saurait croire combien il peut découler de bénédictions pour nos propres cœurs de ce service auprès des autres, service qui nous rend et nous maintient petits et pernet à la vérité d’exercer ses droits. Nous pouvons étudier la Parole de Dieu sans obtenir de résultats pratiques, tout en y trouvant des choses excellentes en elles-mêmes. Mais si nous y associons un intérêt vivant pour notre frère et notre prochain, notre étude produira des effets réels, et pas seulement des idées ; nos âmes seront placées dans leur vraie position devant Dieu. Et dans le rassemblement avec nos frères, nous apprendrons à recevoir, puis à donner quand l’Esprit de Dieu y conduira.

Il est bien entendu que cela ne doit aucunement porter préjudice à notre étude des Écritures, mais la rendre, au contraire, plus féconde. Elle sera d’autant plus profitable, que l’Esprit aura toute liberté d’agir selon son caractère et de déployer toute son activité pour communiquer les choses de Dieu.

 

15    POUR ÊTRE HEUREUX

Chers jeunes chrétiens, tenez vos comptes avec Dieu à jour ; gardez-vous de les accumuler. S’il vous arrive de commettre une faute, ne la prenez pas à la légère, car votre communion avec Dieu en est interrompue ; c’est une chose sérieuse, une perte que rien ne peut compenser. Reconnaissez donc tout de suite cette faute et confessez-la à votre Père, afin d’obtenir Son pardon (1 Jean 1:9). Si c’est envers vos semblables que vous avez péché, n’hésitez pas alors à le leur confesser aussi, si humiliant que cela puisse être : c’est le seul moyen de cultiver une bonne conscience, toujours en exercice, et de sauvegarder la communion avec Dieu. Soyez sûrs que votre joie en sera continuellement accrue.

Lisez la Parole. La négligence de cette lecture est la cause du déclin spirituel de beaucoup de chers rachetés du Seigneur. Hélas, ils n’en sentent pas le besoin et manquent d’appétit pour cette nourriture. Un chapitre ici ou là, matin ou soir, semble leur suffire. Et pourtant s’ils se contentaient de si faibles rations pour le soutien de leur corps, ils iraient à l’écroulement de leurs forces physiques, à la ruine de leur santé. Il est très important de cultiver le goût, l’appétit pour la Parole de Dieu. Lisez-la régulièrement et avec prière, afin que, par la lumière et le secours d’en haut, cette Parole produise ses effets pratiques dans votre conduite. C’est une bonne habitude de porter sur soi un Nouveau Testament et de n’avoir pas honte d’être vu occupé à cette lecture. Tout ce qui vous est nécessaire s’y trouve : lumière, sagesse, conseil. C’est la voix de Dieu que le Saint Esprit fait entendre dans le silence de votre âme, pour vous conseiller, et diriger vos voies. Cette Parole est aussi la nourriture nécessaire au soutien de la nouvelle vie, c’est pourquoi « Désirez ardemment, comme des enfants nouveau-nés, le pur lait intellectuel, afin que vous croissiez par lui » (1 Pierre 2:2), sinon vous resterez un nain spirituel.

Oui, lisez, apprenez par cœur, assimilez votre Bible avec le secours de la prière. Ne vous découragez pas s’il vous semble parfois n’avoir retiré qu’un maigre butin de votre lecture. Vous aurez recueilli suffisamment pour satisfaire vos besoins, et toujours assez pour avoir de quoi donner aux autres si vous avez à cœur de le faire. « Tel disperse et augmente encore » lisons-nous dans les Proverbes (11:24). Ainsi donc plus vous donnerez, plus vous serez rendus capables de donner, et plus grande sera votre joie à le faire.

Priez beaucoup. Tous les hommes de Dieu ont été des hommes de prière, vivant dans l’atmosphère même de la prière, heureux de pouvoir s’échapper quelques instants, quand l’occasion s’en présentait, pour parler seul à seul avec Dieu. La prière est l’expression de la dépendance du chrétien envers Lui, c’est pour ainsi dire la faiblesse humaine qui se cramponne à la toute-puissance divine doublée d’un amour tendre et éternel. Appuyez-vous fortement sur Lui. Et ne manquez pas la réunion de prières autour du Seigneur, chacun y étant fortifié par la foi qui est dans l’autre.

Soyez toujours avec Dieu comme un enfant avec son père. Ayez envers lui une confiance illimitée, et ne pensez pas que rien ne soit trop petit pour Son regard. « Rejetant sur Lui tout votre souci, car Il a soin de vous » (1 Pierre 5:7). Paroles bénies ! Tout votre souci — Il a soin de vous

Dès que vous constatez du relâchement dans la prière en secret, dites-vous bien qu’il y a quelque obstacle et recherchez sans tarder la raison de cet état, sinon vous allez au-devant d’une chute. Marchez non devant les hommes mais devant Dieu.

Habituez-vous à attendre des réponses à vos prières et quand vous les avez obtenues, faites halte pour rendre grâces. N’oubliez pas la reconnaissance. Pénétrez vos âmes de ces choses, qu’elles y deviennent de saintes habitudes et votre bonheur est assuré.

 

16    RENDRE TÉMOIGNAGE

Il faut du courage pour confesser le Seigneur, et nombre de jeunes chrétiens se trouvent placés dans des situations difficiles dans les études, leur travail ou au service militaire. Les jeunes filles n’échappent pas à ces alternatives délicates. Mais malheur à celui qui a manqué de courage !... Dès cet instant-là, s’il est vraiment un enfant de Dieu, il se trouvera aux prises avec un conflit intérieur qui ne lui laissera plus de repos.

Oui, « dès cet instant-là », car il s’agit de saisir la première occasion donnée par Dieu pour montrer son drapeau avec hardiesse et fermeté. Mais il faut que l’occasion soit donnée par Dieu, et nous sommes autorisés à la demander et à l’attendre. Ne nous laissons donc pas troubler, puisque nous pouvons remettre en paix toutes choses entre Ses mains.

Il est indispensable, tant sur le chantier qu’à la fabrique ou à l’armée, d’être fermement résolus à nous faire connaître pour ce que nous sommes : des enfants de Dieu, des rachetés, des témoins de Christ. Soyons certains qu’Il aura soin du reste. Mais si nous hésitons et nous persuadons nous-mêmes qu’il n’est pas nécessaire d’y regarder de si près, c’est la preuve, hélas, que nous avons déjà fait des concessions à l’ennemi dans nos cœurs.

Pour donner du courage aux jeunes, disons qu’il n’est pas toujours nécessaire de rendre témoignage par des paroles (il y en a qui ont plus de peine à s’exprimer que d’autres), quoique Celui qui est l’objet de notre amour soit bien digne d’une confession franche et sincère. Non qu’il s’agisse de préconiser un silence qui équivaudrait à renier Christ, loin de là ; mais nous pouvons témoigner pour Lui en étant fidèles et conséquents dans les petites choses. En voici quelques-unes :

Tenez-vous résolument séparés de tout mal.

Ne vous associez pas à ce que le Seigneur ne pourrait approuver.

Montrez par toute votre attitude que vous ne prenez pas part aux moqueries et aux conversations douteuses.

Ne manquez pas de rendre silencieusement grâce avant les repas.

N’oubliez jamais de lire la Parole de Dieu et de prier, matin et soir, même dans le dortoir commun.

Si notre désir de ne pas vouloir paraître autres que nous ne sommes, est sérieux et sincère, nous demanderons à Dieu grâce, sagesse, force et courage et ferons, sans aucun doute, des expériences merveilleuses.

Soyons courageux et tenons ferme ! Rien n’est plus triste que de boiter des deux côtés. L’opprobre du Christ est encore aujourd’hui un plus grand trésor que les richesses de l’Égypte.

 

17    DÉMAS

« Démas m’a abandonné, ayant aimé le présent siècle » 2 Tim. 4:10

 

Il n’abandonna pas le christianisme, ni l’œuvre du Seigneur, probablement, mais le chemin céleste. Les plus grandes chutes ont pour origine d’avoir aimé quelque chose dans le monde :

Noé a aimé le vin, il s’est déshonoré et a été la cause de la malédiction de Cham.

Isaac aimait la venaison et voulait donner la bénédiction à Ésaü, contrairement à la parole de l’Éternel.

Eli a aimé ses enfants plus que Dieu, traité par eux avec le dernier mépris ; il fut jugé avec eux.

David aima le repos, seulement un jour : il tomba dans le péché avec Bath-Shéba, devint meurtrier, et attira des châtiments sur sa maison.

Salomon aima les femmes étrangères et introduisit l’idolâtrie en Israël, ce qui amena la division du royaume.

Diotrèphe aima être le premier et il chassa de l’assemblée un apôtre.

 

« N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde : si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui » (1 Jean 2:15).

 

18    VENU POUR SERVIR

Matt. 20:28

 

18.1   Celui qui sert

« Je suis au milieu de vous comme celui qui sert » (Luc 22:27)

 

Avons-nous souvent considéré la grandeur de Celui qui prononçait de telles paroles, « la nuit où Il fut livré » ? Pour la dernière fois avant la croix, il conversait avec ses disciples ; eux désiraient savoir « lequel d’entre eux serait estimé le plus grand », alors que « Je suis », l’Éternel de l’Ancien Testament était là au milieu d’eux ! Grâce infinie du Fils de Dieu de s’être abaissé jusqu’à venir au milieu de nous, homme entre les hommes, mais abaissement plus profond encore d’être venu, non pas pour juger (Jean 3), non pas pour régner (Jean 18:36), non pas pour être servi comme Il l’aurait tant mérité, mais d’être venu « pour servir ». Pourquoi servir ? La première page des ordonnances de la loi nous en donne le secret : « J’aime mon maître, ma femme at mes enfants, je ne veux pas sortir libre... et il... servira à toujours » (Ex. 21).

Le divin Serviteur, après avoir parfaitement accompli « l’œuvre que le Père lui avait donnée à faire », est retourné dans la gloire. Mais il nous a « laissé un modèle afin que nous suivions ses traces ».

Deutéronome 15:16-17 nous parle d’un autre serviteur, d’une autre servante : « Il t’aime Toi et Ta maison... et il sera Ton serviteur pour toujours ». Avons-nous compris ce que la Parole de Dieu veut nous enseigner ? Seul le Seigneur Jésus pouvait dire : « J’aime ma femme et mes enfants ». Lui seul pouvait se livrer lui-même pour son épouse. Mais nous, ses rachetés, avons le privilège dans notre petite mesure, d’être aussi serviteurs et servantes par amour pour Lui et pour ceux qui forment sa maison. Si nos cœurs prennent l’habitude de Le considérer souvent, parfait Serviteur, Ils seront aussi remplis du désir de suivre les traces qu’Il nous a ainsi laissées.

Regardant vers l’avenir, bien des siècles avant la venue de Jésus sur la terre, Ésaïe pouvait dire : « Combien sont beaux sur les montagnes les pieds de Celui qui apporte de bonnes nouvelles, qui annonce la paix » (Ésaïe 52). Par l’esprit prophétique, il voyait d’avance les pieds divins qui allaient parcourir sans se lasser les sentiers de la terre, « allant de lieu en lieu faisant du bien », « marchant aujourd’hui et demain et le jour suivant », jusqu’à ce que le travail fût accompli. Pieds merveilleux devant lesquels se jetaient des âmes angoissées, se prosternait un cœur reconnaissant Luc 17:16), s’asseyait une femme attentive (Luc 10:39). Pieds que des hommes iniques ont percés, en les clouant à la Croix, mais devant lesquels, au jour de sa gloire, se prosterneront les nations et les peuples. Combien ils sont beaux !

Mais les pieds qui se sont fatigués pour apporter le salut aux âmes chargées, ne sont plus sur la terre. Ainsi quand dans Romains 10:15 l’Esprit de Dieu cite Ésaïe 52, dit-il : « Combien sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent de bonnes choses ». Depuis le jour où, sur la montagne de Galilée, Jésus disait aux siens : « Allez... faites disciples toutes les nations » (Matt. 28:19), des pieds innombrables, suivant les traces merveilleuses du Sauveur, sont allés auprès et au loin annoncer la paix, apporter l’Évangile de la grâce de Dieu. Jeunes croyants, connaissez-vous ce privilège ? Ayant considéré la beauté des pieds du Seigneur Jésus, avez-vous appris, aussi dans ce domaine, à suivre les empreintes qu’ils nous ont laissées ?

« Trafiquez jusqu’à ce que je vienne », dit le Maître aux serviteurs. Au jour des récompenses, l’un vient avec cinq talents, un autre avec deux, le troisième n’a rien à apporter. Quel est donc le motif de sa condamnation comme serviteur ? D’avoir mal travaillé ? D’avoir commis des fautes ou des erreurs ? Non, simplement... de n’avoir rien fait !

 

18.2   Son appel

« Il appelle ceux qu’Il voulait » (Marc 3:13)

 

Sur une montagne, loin de la plaine et de ses foules, Jésus avait rassemblé ses disciples. Toute la nuit il avait prié Dieu, et au matin : « Il en établit douze pour être avec Lui et pour les envoyer prêcher et guérir ». Il n’est pas de vrai service sans un appel défini du Seigneur. Malheur à ceux dont Dieu doit dire : « Je n’ai pas envoyé ces prophètes, et ils ont couru ; je ne leur ai pas parlé et ils ont prophétisé » (Jér. 23:21). Mais malheur aussi à celui qui entend l’appel et n’y répond pas (Ex. 4, Jér. 1). « Il appelle ceux qu’Il voulait ». C’est Lui qui discerne les cœurs, qui sait ce qui convient à chacun des siens ; c’est Lui seul qui a le droit d’appeler et d’envoyer. C’est Lui aussi qui forme les serviteurs pour la tâche qu’il a en vue pour eux. Il incombe cependant au serviteur de « s’asseoir » avant de bâtir la tour ! (Luc 14:28).

Quel était donc le premier objet de cet appel des douze, au matin, sur la montagne de Galilée ? — « Pour être avec Lui ». Avant le service, avant l’activité, il faut de toute nécessité « être avec Lui ». Impossible de donner ce que l’on n’a pas reçu ; impossible de « sortir » avant d’être « entré ». Quand le Seigneur appelle un serviteur, Il le garde souvent longtemps « avec Lui » avant de l’envoyer au dehors. Maladie, isolement, circonstances diverses, sont des moyens dans Sa main pour former l’instrument qu’Il va employer dans sa vigne. Moïse au désert de Madian, Paul en Arabie, Joseph en prison, David auprès de son troupeau, tous les grands serviteurs du Seigneur ont été ainsi formés dans l’ombre et le silence.

Puis, au moment choisi par le Maître, vient le travail. La porte s’ouvre et Il envoie. Comment envoie-t-Il ? « Il se mit à les envoyer deux à deux » (Marc 6:7). Enseignement pratique important, tout particulièrement pour les jeunes. « Deux valent mieux qu’un ; car ils ont un bon salaire de leur travail. Car s’ils tombent, l’un relèvera son compagnon » (Eccl. 4:9-10). Sans doute des serviteurs doués du Seigneur sont-ils appelés à s’en aller seuls ; Ézéchiel, Jérémie, le serviteur d’Abraham Gen. 24), nous en sont des exemples. Mais ce dernier cas en particulier nous montre que même ceux-là, dans un sens, ne sont pas seuls : « L’Éternel...lui-même enverra son ange devant toi » (Gen 24:7). Serviteur invisible qui précédait l’envoyé d’Abraham dans le service délicat qu’il avait à accomplir pour son maître, quel exemple il nous donne du fait que « Dieu envoie toujours ses serviteurs deux à deux. L’un visible, l’autre invisible. L’un pour parler, l’autre pour agir dans le secret du cœur. L’un pour inviter, l’autre pour conduire ».

Deux à deux les disciples s’en sont allés. C’était leur première expérience. L’activité que le Maître leur avait confiée a rempli leurs jours. Vont-ils rester longtemps au loin ? « Et les apôtres se rassemblent auprès de Jésus, et ils Lui racontèrent tout : et tout ce qu’ils avaient fait, et tout ce qu’ils avaient enseigné » (Marc 6:30). Combien il importe, après un temps de service, de revenir aux pieds du Maître, pour passer en revue devant Lui tout ce qui vient de nous occuper. « Ils Lui racontèrent tout ». Précieux moments. En Lui disant tout, en repassant à sa lumière chaque chose, combien tout prend sa vraie mesure. Les obstacles ne sont rien pour Lui ; les déceptions et les peines sont calmées par le sentiment de son approbation ; et surtout le serviteur apprend à « penser de manière à avoir de saines pensées » (Rom. 12:3) ; il n’a plus qu’un désir : que ce qui a été de l’homme dans son service soit effacé et pardonné par la grâce, que les brèches soient réparées par le Maître, et que seul reste ce qui vraiment était de Lui.

Est-ce à dire que les serviteurs ne « raconteront pas toutes les choses que Dieu a faites avec eux » (Actes 15:4) ? Sans doute, mais d’abord ils en parleront au Maître ; et après avoir, dans le secret, projeté Sa lumière sur tout ce que « Dieu aura fait par leur moyen » (v. 12), ils pourront alors en parler selon Lui à leurs frères qui s’y intéressent pour collaborer à l’œuvre par la prière et tous les moyens à leur disposition.

 

18.3   Le privilège de servir

« Pas digne de délier, en me baissant, la courroie de Ses sandales » (Marc 1:7)

 

Non, « pas digne » ! Pas même du plus petit service, du plus humble, du plus caché. Tout service pour le Seigneur Jésus est une grâce spéciale qu’il nous accorde, le privilège d’être dans Sa main des instruments pour Son œuvre. Si nous pensons à « notre » œuvre, ou nous nous élèverons, ou nous serons découragés. Si nous regardons à nous-mêmes, ou nous nous croirons incapables de servir, oubliant la puissance de Christ en nous, ou — ce qui est pis encore — nous nous croirons capables, et ayant de nous « une pensée au-dessus de celle qu’il convient d’avoir », nous irons au-devant de chutes amères. Ce n’est pas tant l’instrument qui fait la valeur de la musique, c’est l’artiste qui le manipule.

Si nous entreprenons un service quelconque dans une autre pensée que celle de la grâce, tôt ou tard nous serons découragés. Il y a trop de désillusions, de peines, d’obstacles, d’opposition extérieure et d’incapacité en nous-mêmes.

Mais « ayant ce service, comme ayant obtenu miséricorde, nous ne nous lassons point » (2 Cor. 4:1). Dans le sentiment de la grâce qui nous donne le privilège de servir, nous pouvons aller de l’avant « abondant toujours dans l’œuvre du Seigneur, sachant que notre travail n’est pas vain dans le Seigneur » (1 Cor. 15:58).

 

18.4   La dépendance

« Va sur le chemin qui descend de Jérusalem à Gaza, lequel est désert » (Actes 8:26)

 

Dispersés par la persécution, les disciples, selon l’enseignement du Seigneur (Matt. 10:23), allaient çà et là annonçant la Parole. Philippe, conduit par Dieu, avait trouvé un terrain tout préparé dans une ville de Samarie. Les âmes étaient attentives ; plusieurs se tournaient vers le Sauveur, « et il y eut une grande joie dans cette ville-là ».

Combien ces jeunes convertis devaient désirer garder au milieu d’eux celui qui avait été le moyen d’une telle bénédiction. Philippe lui-même ne pouvait que souhaiter rester avec eux le plus longtemps possible, avec la perspective de voir encore bien des âmes venir au salut.

Et au milieu de cette belle activité et de tous ces encouragements, vient l’étrange message : « Lève-toi et va ». Quoi, partir ? Abandonner ce champ si rempli de promesses ? Et où aller ? — « Sur le chemin qui descend de Jérusalem à Gaza, lequel est désert ». Dans les jours d’autrefois, Jonas avait refusé d’obéir à la direction divine, trouvant dans un sentier de propre volonté le malheur et la honte. Mais Philippe, « lui, se levant, s’en alla ». Il quittait le lieu des « portes ouvertes » pour un « chemin désert ». Il s’en allait tout seul vers l’inconnu ; attitude incompréhensible, dirons-nous ; mais de fait attitude bénie ; celle du serviteur dépendant, qui écoute la voix du Maître et se laisse conduire par Lui.

Parti sans délai, il arrive au chemin de Gaza, à l’instant même où passait le char de l’eunuque. Un peu d’hésitation au départ, et tout son voyage était compromis. Un peu de précipitation, et il devançait le moment de Dieu qui préparait le cœur de l’Ethiopien à recevoir Jésus. Combien il suivait de près les traces du divin Serviteur ! Jean 11 nous Le montre, demeurant « encore deux jours au lieu où Il était », après avoir été informé de la grave maladie de celui qu’Il aimait. Il y avait un moment choisi par Dieu pour Son arrivée à Béthanie. Soumis, Il attend. Mais combien Sa gloire a brillé d’un éclat plus vif dans la résurrection de Lazare, que dans la simple guérison d’un malade.

Nous avons besoin d’apprendre cette vraie dépendance. Il ne suffit pas d’avoir le désir de servir le Seigneur. Encore faut-il que Lui-même nous en montre et le lieu et le temps. Si pas à pas nous recherchons sa pensée, nous éviterons bien des écueils, et seulement ainsi pourrons porter du fruit à sa gloire.

 

18.5   La joie en Lui

« Ne vous réjouissez pas » (Luc 10:20)

 

Pleins de joie les soixante-dix reviennent à Jésus. Ils ont vu du fruit de leur travail ; les démons mêmes leur sont assujettis. Joie bien compréhensible en effet de voir délivrés ceux que le diable avait asservis à sa puissance. Jésus lui-même leur en avait donné le pouvoir. Et pourtant vient de la bouche du Maître l’étrange réponse : « Ne vous réjouissez pas... ». Comment donc ne pas se réjouir de ces beaux résultats ? Ne pas savourer la satisfaction d’avoir pu accomplir ces miracles en Son nom ? — Non, dit le Seigneur, ce n’est pas ce que vous avez pu faire pour moi qui doit être le motif de votre joie, mais bien plutôt ce que moi j’ai fait pour vous : « Réjouissez-vous parce que vos noms sont écrits dans les cieux ». Et plus tard l’apôtre dira : « Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ». Sans doute y a-t-il une joie qui accompagne le service pour le Seigneur, surtout lorsqu’il nous est donné de voir des âmes se tourner vers Lui, ou les siens croître dans les choses d’en haut, mais seul Lui-même, son œuvre et sa Personne, sont les motifs d’une joie inaltérable, profonde, toujours présente.

 

18.6   Le repos auprès de Lui

« Venez à l’écart vous-mêmes dans un lieu désert et reposez-vous un peu » (Marc 6:31)

 

« Longtemps avant le jour » le divin Serviteur s’était levé, et seul Il était allé prier dans un lieu désert (Marc 1). Que de fois sans doute au cours des années de son ministère Il fit de même. Et sur ses traces devaient marcher ses disciples. Après un temps de service, il était bon de venir à l’écart, près de Lui, se « reposer un peu ». Rien ne dessèche l’âme comme une activité incessante. « L’eau que je lui donnerai sera en lui une fontaine » (Jean 4) ; mais combien il est nécessaire de toujours revenir à l’écart pour boire de cette eau vive, afin que la fontaine soit alimentée. « Si les nuées sont pleines, elles verseront la pluie sur la terre » (Eccl. 11:3). Dans Jean 21, après la pêche miraculeuse, type d’un service béni, Jésus dit aux siens : « Venez, dînez ». Ruth 2 nous enseigne à servir humblement, dans le champ de notre Boaz, « jusqu’au soir », « jusqu’à ce que la moisson fût achevée ». Mais Ruth 3 nous montre le prix de venir « à Ses pieds jusqu’au matin ». Et quel en est le résultat ? Une journée de service dans le champ produit un épha d’orge (2:17), mais une nuit à Ses pieds apporte à Ruth le don de six mesures (3:15). Combien il importait pour cette fidèle servante d’avoir eu l’un et l’autre.

C’est ainsi que, nourris à l’écart, nous pourrons de nouveau nous « lever » pour servir, non pas avec nos propres forces, mais « comme par la force que Dieu fournit » (1 Pierre 4:11), en attendant le repos éternel.

 

18.7   La persévérance

« Il les enseignait encore comme Il avait accoutumé » (Marc 10:1)

 

Jour après jour, mois après mois, année après année, le divin Sauveur avait apporté la Parole divine aux foules qui l’écoutaient. Le « figuier » ne donnait pas de fruit. Il allait être coupé ! Mais, dit-il : « Laisse-le cette année aussi... peut-être portera-t-il du fruit » (Luc 13:8). Il « entra encore dans la synagogue » (Marc 3:1). « Il se mit encore à enseigner près de la mer » (4:1). « Ils viennent encore à Jérusalem » (Marc 11:27). Sans se lasser, jusqu’au bout, Il accomplit l’œuvre du Père. Et pourtant ne savait-Il pas que des grains tomberaient le long du chemin, dans la rocaille ou les épines, sans fruit pour Dieu ? Il le savait, mais Il semait quand même.

Depuis lors, Il a quitté ce monde de péché, mais Il a envoyé des semeurs pour continuer le travail de sa grâce (Héb. 2:3). À travers les siècles, ils ont répandu le bon grain de l’Évangile dans les cœurs. Beaucoup ne l’ont pas reçu. Mais est-ce une raison pour se décourager ? Pouvons-nous savoir où les grains vont tomber ? « Le matin, sème ta semence, et le soir, ne laisse pas reposer ta main, car tu ne sais pas ce qui réussira, ceci ou cela, ou si tous les deux seront également bons » (Eccl. 11:6). Le soir du jour de la grâce est venu, « la nuit vient en laquelle personne ne peut travailler » (Jean 9, 4). C’est le moment ou jamais de répandre la semence de vie.

Le semeur prend garde à ne pas répandre des grains dans les endroits où ils ne lèveraient pas. Ils seraient perdus, à moins qu’il n’ait au préalable enlevés les pierres et les ronces. Mais dans le domaine spirituel, par quel moyen est-il possible d’enlever les épines, de briser les pierres, sinon par cette même Parole de Dieu ? C’est elle seule qui tournant les regards vers les choses célestes fera oublier « les soucis du siècle » et « la tromperie des richesses ». C’est elle seule qui, comme un « marteau, brise le roc » (Jér. 23:29). Ainsi donc, « ne nous lassons pas, ... car au temps propre, nous moissonnerons, si nous ne défaillons pas » (Gal. 6:9). Rappelons-nous aussi que ce n’est pas seulement la quantité de semence qui importe, mais surtout la qualité, afin qu’il y ait vraiment du fruit pour Dieu, « l’un trente, l’un soixante, et l’autre cent ».

Dans la parabole du grand souper, Luc 14 nous parle d’un serviteur envoyé par le Maître à ses conviés. Devant leur refus, l’esclave doit retourner inviter « dans les rues et dans les ruelles » et quand il y a « encore de la place », de nouveau il s’en va « dans les chemins et le long des haies », contraindre les gens d’entrer. Tableau bien frappant de l’œuvre persévérante de Dieu dans le temps de la grâce, par l’opération du Saint Esprit. En effet celui-ci seul peut « contraindre » ; et Il continuera son œuvre jusqu’à ce que la maison soit remplie.

Dans Matthieu 22, nous voyons plusieurs esclaves. Eux aussi doivent aller et aller encore avec l’invitation du Roi. Exemple de tous les serviteurs que le Seigneur envoie pour convier aux noces, mais dont le travail persévérant serait pourtant vain, sans « le » serviteur de Luc 14 qui, opérant dans les cœurs, les contraint de répondre à l’invitation de la grâce.

 

18.8   Le dévouement

« Ils se sont donnés premièrement eux-mêmes au Seigneur » (2 Cor. 8:5)

 

Au bord d’un lac, des pêcheurs raccommodaient leurs filets, travail coutumier de riverains habitués à vivre de leur pêche, avec leur père et quelques serviteurs. Non loin de là, des amis pêchaient. Ce n’était pas la première fois qu’ils voyaient l’homme qui marchait le long de la berge. Peu de jours avant, il était monté dans la barque de leurs compagnons et une prise miraculeuse de poissons s’était produite (Luc 5). Précédemment aussi, ils l’avaient rencontré au bord d’un fleuve, et avaient passé toute une journée avec lui (Jean 1). Mais pourquoi ce jour-là leurs cœurs battaient-ils plus vite qu’à l’ordinaire, remplis de ce sentiment étrange qui marque les grandes décisions de la vie ? Le connaissant encore peu, ils s’étaient pourtant déjà attachés à Lui ; et de Le voir ce matin-là sur la rive, mettait en eux le désir confus et profond de connaître de plus près Celui qui commençait à prendre une telle place dans leur existence. Et soudain, au-dessus de l’eau, dans la lumière de ce jour mémorable retentit la voix qui disait : « Venez après moi, et je vous ferai devenir pêcheurs d’hommes » (Marc 1:17). Leurs amis aussitôt se lèvent et Le suivent. Va-t-il penser à eux aussi ? « Passant un peu plus avant », « aussitôt Il les appela ». Avec quel élan ils laissèrent leur père, leurs serviteurs, leur barque, et « s’en allèrent après Lui ». Comme plus tard les Macédoniens, « ils s’étaient donnés eux-mêmes au Seigneur ».

Expérience profonde, intime, inoubliable, base et origine indispensables de tout vrai service. « Présentez vos corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu, ce qui est votre service intelligent » (Rom. 12:1). Consécration, dévouement, abandon, non une fois pour toutes, mais chaque jour renouvelés. Renoncement à soi-même pour que la vie de Jésus soit manifestée. Abandon de beaucoup de choses qui seraient des entraves dans la marche et le service. Abandon non pas par obligation, mais par amour pour « mon Seigneur, à cause duquel j’ai fait la perte de toutes » (Phil. 3:8).

Sacrifices difficiles et douloureux parfois. David dit : « Je n’offrirai pas à l’Éternel mon Dieu des holocaustes qui ne coûtent rien » (2 Sam. 24). Mais les renoncements les plus pénibles apportent ensuite à l’âme des bénédictions inoubliables, qui donnent à la vie chrétienne une richesse insoupçonnée.

Jeunes croyants, avons-nous un peu fait l’expérience de ce chemin-là ? Le Seigneur ne reste jamais notre débiteur ; il rend au centuple (Marc 10:30) ; mais c’est à nous d’abord de renoncer, de quitter, de laisser. Non pour acquérir un mérite, car Lui seul nous a donné la vie : « Livrez-vous vous-mêmes à Dieu comme d’entre les morts étant faits vivants » (Rom. 6). Mais pour Lui montrer notre amour et notre reconnaissance, en étant disposés à Le suivre là, où, quand et comment Il le désirera.

Dans ce sentier-là on n’attendra pas la reconnaissance de ceux qui sont les objets du service. On ne sera pas déçu de ne pas la rencontrer, « si même, vous aimant beaucoup plus, je devais être moins aimé » (2 Cor. 12:15). On profitera avec reconnaissance des conseils et de la sagesse de ceux qui ont blanchi au service du Maître. Et si des difficultés se rencontrent, on cherchera à apprendre ce que le Seigneur veut nous enseigner par elles, se « recommandant comme serviteurs de Dieu par une grande patience... dans la mauvaise et dans la bonne renommée » (2 Cor. 6:4-8). En effet ce qui importe avant tout, c’est d’avoir l’approbation du Seigneur (Gal. 1:10), aux yeux de qui toutes choses sont découvertes.

 

18.9   La souffrance

« Ceux qui sèment avec larmes moissonneront avec chant de joie »

« Il va en pleurant portant la semence qu’Il répand ; Il revient avec chant de joie, portant Ses gerbes » (Ps 126:5-6)

 

Une fois de plus tournons nos regards vers le parfait Serviteur dont nous parle le verset ci-dessus. « Le christianisme a été semé dans les larmes du Fils de Dieu », a dit quelqu’un. Et quand nous lisons les Évangiles, que d’occasions en effet où Ses larmes ont dû couler (Ps. 102:9), devant l’opposition, la contradiction, la haine ; l’inintelligence de ses disciples ; la dureté des cœurs, les reproches de tout genre, le rejet de Sa grâce : « Moi j ‘ai dit : J’ai travaillé en vain, j’ai consumé ma force pour le néant et en vain » (Ésaïe 49:4).

Est-il donc étrange que « ceux qui sèment » rencontrent aussi des larmes sur leur route ? Faut-il s’étonner si le chemin du service n’est pas toujours facile et heureux, plein d’encouragements et de promesses ? Ah ! jeunes croyants, avant de « bâtir la tour », « calculons la dépense » (Luc 14:28). « Asseyons-nous » devant le Seigneur ; considérons le prix qu’il faut mettre pour « être Son disciple ». S’engager à la légère, mettre main à la charrue pour regarder ensuite « en arrière » nous expose à la risée des hommes (Luc 14:29) et est un déshonneur pour Son nom (Luc 9:62). Il importe de bien peser les choses devant Sa face, d’accepter d’avance de mettre au compte « larmes » ce que tôt ou tard nous rencontrerons dans les sillons du champ.

Un tel « calcul » doit-il nous arrêter, nous amener à dire : cela n’en vaut pas la peine ? Oh ! non. « Les misères de ceux qui courent après un autre seront multipliées » (Ps. 16), mais ceux qui auront semé avec larmes « moissonneront avec chant de joie ». Lui a enduré les souffrances « à cause de la joie qui était devant Lui » (Héb. 12), et dans Sa grâce infinie, non seulement Il nous donne le privilège de partager quelque peu ses larmes, la « communion de ses souffrances », mais il veut nous associer au « chant de joie » qui marquera le jour de la moisson. La plus haute récompense du service n’est-elle pas : « Entre dans la joie de ton Maître » ?

Les semailles, les larmes, le chant de joie, nous les partageons avec Lui. Mais il est une chose, nous le savons bien, qui est pour Lui seul. Ce sont les gerbes (Ps. 126:6). Le verset 5 n’en fait pas mention, car quel serviteur, si fidèle soit-il, pourrait parler de ses gerbes ? Non, elles sont Siennes. « Il revient... portant Ses gerbes ». Elles sont le fruit du travail de Son âme ; il les a acquises par le sang précieux de sa croix ; elles sont le résultat de l’œuvre accomplie par lui seul, et son amour divin en sera éternellement satisfait.

 

18.10   Des ouvriers pour la moisson

« Suppliez donc le Seigneur de la moisson, en sorte qu’Il pousse des ouvriers dans Sa moisson » (Luc 10:2)

 

Comprenons-nous maintenant pourquoi le Seigneur dit : « qu’il pousse des ouvriers », et pas seulement qu’il les « envoie » ? Aujourd’hui, comme alors, « la moisson est grande ». Les foules sont lasses et dispersées « comme des brebis qui n’ont pas de berger » (Matt. 9:36). Les haines, les conflits d’idéologie, l’égoïsme séparent les peuples ; les jugements terribles approchent rapidement. Les hommes ont oublié Dieu. « Qui enverrai-je, et qui ira pour nous ? » (Ésaïe 6:8) dit « la voix du Seigneur ». Mais peu répondent : « Me voici, envoie-moi ! » Est-ce à dire qu’il faille quitter son travail, sa profession, sa famille pour être ouvrier dans la moisson du Seigneur ? Cela peut être le cas, s’Il le place sur notre cœur, mais, en général, c’est là où nous sommes, dans notre milieu, dans notre ville, dans notre pays qu’il importe de semer et de moissonner. Prêtons l’oreille, à travers les pages inspirées, à la voix de Jésus, ému de compassion, disant : « Il y a peu d’ouvriers, suppliez donc le Seigneur ». Oui, sachons supplier, car pour « pousser » un ouvrier dans la moisson, il faut souvent un grand travail d’âme, une œuvre de Dieu qui enlève les obstacles intérieurs et extérieurs jusqu’à ce que la décision du cœur soit prise pour « suivre l’Agneau où qu’il aille ».

 

18.11   Serviteur à toujours

« Des esclaves inutiles » (Luc 17:10)

 

Fatigué d’une longue journée de travail, labourant le champ, ou paissant le troupeau, l’esclave est rentré au logis de son maître. Il a faim, il voudrait bien s’asseoir et se reposer un peu. Mais le maître va-t-il lui dire : « Avance-toi tout de suite et mets-toi à table » ? Au contraire, l’esclave fidèle doit premièrement préparer et servir le souper de son maître, et ensuite penser à boire et manger à son tour. Le maître va-t-il le remercier spécialement de son obligeance ? « Je ne le pense pas », dit le Seigneur. Quoi de plus normal qu’un esclave accomplisse tout son service, ce qu’il est « obligé de faire » ; aucun mérite ne s’y rattache. « Ainsi vous aussi, quand vous aurez fait toutes les choses qui vous ont été commandées, dites : Nous sommes des esclaves inutiles ; ce que nous étions obligés de faire, nous l’avons fait ».

Et telle doit être notre attitude à l’égard du service que le Seigneur a pu nous confier : « Des esclaves inutiles », qui souvent, hélas, n’ont même pas fait « tout ce qui leur avait été commandé ». Mais si, dans notre pensée, et dans celle d’un maître terrestre, il est normal qu’un esclave qui a travaillé tout le jour prépare et serve encore le repas du soir, ô mystère insondable de la grâce, il n’en est pas ainsi du Seigneur Jésus. Quand la journée du service sera achevée, quand le Maître viendra et qu’Il trouvera ses esclaves veillant, que fera-t-il ? « En vérité, je vous dis qu’il se ceindra et les fera mettre à table, et s’avançant, il les servira » (Luc 12:37). Ce n’est pas pour rien qu’autrefois Son « oreille fut percée » ; ce n’était pas pour un temps seulement qu’Il voulait être serviteur, mais aujourd’hui encore, du haut de sa gloire, Il accomplit pour les siens le service de l’Intercesseur et de l’Avocat ; et dans le jour bienheureux où nous entrerons dans la maison du Père, là encore Il restera Serviteur, « Serviteur à toujours ».

 

19    VINGT ANNÉES PERDUES

Un chrétien ayant à cœur le salut des âmes, consacrait ses vacances à répandre l’Évangile en distribuant des traités. Dans ce but, il avait choisi comme champ d’activité, un bateau faisant le service des passagers. Comme il tendait une brochure à l’un des voyageurs, ce dernier lui fit observer que ses efforts n’avaient que fort peu de succès en perspective. « Je ne méprise nullement ce genre de travail », ajouta-t-il, « j’en ai fait autant dans ma jeunesse étant moi-même un croyant, mais je n’ai jamais récolté le moindre fruit ». Le colporteur fut un peu interloqué de cette remarque, mais le souvenir de sa propre conversion dissipa bien vite cette impression. Elle était due, en effet, à la lecture d’un traité reçu dans la rue, lorsqu’il avait douze ans. Le jeune garçon passait devant une salle de mission, lorsqu’un inconnu l’arrêta et lui tendit un traité tout en l’invitant à entrer pour écouter l’Évangile. Il accepta et entendit là des paroles qui réveillèrent sa conscience, l’amenant à penser à l’éternité et à son état de péché devant Dieu. Rentré chez lui, dans un grand travail d’âme, il lut le traité et trouva la paix.

Le colporteur raconta ces détails au voyageur qui témoigna un vif intérêt à l’ouïe de ce récit. « Puis-je vous demander où cet épisode s’est passé ? » Lorsqu’il connut le nom de la rue, la maison et la date précise, il s’empara de la main de son interlocuteur, et lui dit avec une profonde émotion : « Je me souviens parfaitement du jeune garçon aux yeux brillants, que j’engageai à entrer, ce soir-là, dans la salle des missions ; c’est à moi qu’avait été confiée, pendant plusieurs soirées, la tâche d’inviter les passants et de leur remettre des traités. J’étais alors tout jeune converti et, comme je ne voyais aucun fruit de mon service, je finis par l’abandonner. Il y a vingt ans de cela, et Dieu me montre aujourd’hui que mon service pour Lui n’a pas été vain. S’Il me conserve en vie jusqu’à mon retour en ville je reprendrai, avec son aide, le travail qu’Il m’avait confié, travail que par infidélité et manque de foi, je n’avais pas jugé digne d’être accompli ».

L’intervalle de vingt ans était perdu pour toujours. Bientôt l’occasion de servir prendra fin pour nous aussi. « Ne nous lassons pas en faisant le bien, car, au temps propre, nous moissonnerons, si nous ne défaillons pas » (Gal. 6:9).

 

20    UNE ÂME

« Qui a méprisé le jour des petites choses ? » (Zach. 4:10)

 

Nous sommes souvent tentés de rechercher du fruit de notre travail pour le Seigneur, au lieu de nous souvenir qu’il ne nous appartient pas d’aspirer à de grands résultats. Dieu peut les produire, mais ne méprisons pas les occasions qu’il place devant nous. Un coup d’œil sur le service de notre Seigneur et Maître nous en fera saisir toute la portée.

Lui-même, lors de son ministère ici-bas, n’a pas recherché des fruits visibles et éclatants. Quand Simon Pierre vient, tout joyeux, Lui annoncer que tous le cherchent, Jésus lui donne cette réponse décevante : « Allons ailleurs » (Marc 1:38). Quand « tous vinrent à Lui » — plutôt qu’à Jean — en sorte que les Juifs le remarquent (Jean 3:26 ; 4:1), « Il quitta la Judée » et s’en alla dans une contrée où Il ne devait pas être « honoré » (comp. Jean 4:3, 43-44). Combien nous pouvons apprendre de Lui ! Il ne cherchait pas un succès qui attire l’attention.

À deux hommes seulement, Il adresse son appel : « Venez et voyez » ; mais Il en appelle un autre, puis un second et encore un troisième (Jean 1). Il ne se fiait pas aux « plusieurs » qui « crurent » — apparemment — « en son Nom » ; mais avec quel soin Il s’occupe, pendant la nuit, d’un homme que des besoins plus profonds amenaient à Lui (Jean 2:23 ; Jean 3). En une seule occasion nous le voyons récolter des fruits chez « plusieurs » (Jean 4:39), à Sichar, dans cette Samarie qu’il avait dû traverser pour s’occuper, au puits de Jacob, d’une pauvre âme abandonnée ! Un malade au réservoir de Béthesda, une femme adultère, sont les objets de sa grâce ; et il n’a de repos qu’en amenant un aveugle-né rendre hommage au Fils de Dieu. Un Lazare fait briller la gloire du Prince de la vie — et le Maître ne dédaigne pas d’exposer tout au long sa Parole à une Marie assise à ses pieds.

Puissions-nous toujours reprendre courage en considérant la Personne merveilleuse du parfait Serviteur ! Lui, qui « ne put être caché » (Marc 7:24), suivait son chemin sans bruit, ne recherchant pas de grandes choses (comp. Jér. 45:5). Où qu’Il se rende, des foules l’entouraient, et cependant son regard en cherche un, dans les branches du sycomore, chez qui Il puisse « demeurer » (Luc 19). Il ne recule même pas devant la pénible traversée de la mer en tourmente, sachant que là-bas un ou deux Gadaréniens seulement réclameraient son secours. Dans la maison du chef des pharisiens, un esprit d’incrédulité se manifeste à son égard, mais le désir d’un des invités, altéré des bénédictions du royaume, suffit pour Lui faire proclamer les trésors de la grâce de Dieu (Luc 14). À la croix, Il ouvre le Paradis à un brigand, avide de salut, et le Ressuscité ne méprise pas les deux disciples d’Emmaüs, ignorants et découragés ; il se joint à eux, en personne, pour leur ouvrir les oreilles, les yeux et le cœur.

Apprenons de Lui ! La foule suit le chemin large, ne l’oublions pas, mais « peu nombreux » sont ceux qui trouvent le chemin de la vie.

Si l’âme d’un seul enfant devait être l’unique fruit de notre service, accompli parfois avec larmes et renoncements, — quelle joie n’éprouverons-nous pas de le rencontrer là-haut, parmi les « plusieurs » qui s’assiéront pour jouir du bonheur éternel ! (Matt. 8:11).

 

 

21    AU SERVICE DU MAÎTRE

(Allégorie)

 

« Qu’il se renonce soi-même » (Luc 9:23)

 

Sur la colline du Rah, aux Indes, les arbres de valeur sont en général marqués du nom de leur propriétaire.

Pour conduire l’eau des montagnes jusque dans les villages de la plaine, on se sert de tuyaux de bambous ajustés bout à bout, après les avoir creusés et complètement vidés.

Un superbe bambou s’élevait parmi beaucoup d’autres sur les pentes de la montagne. Nous l’admirions lorsqu’un léger murmure de son feuillage se fit entendre : « Vous admirez ma haute stature et mes branches gracieuses, disait-il ; mais je n’ai pas de quoi m’enorgueillir ! tout ce que je suis, je le dois à mon maître et à ses soins. C’est lui qui m’a planté sur cette colline ; mes racines n’ont qu’à plonger jusqu’aux sources cachées où elles boivent sans cesse l’eau vive qui me nourrit.

Voyez-vous là-bas ces arbres misérables et desséchés ? Leurs racines n’ont pas encore atteint les sources vives ; depuis que les miennes ont trouvé les eaux cachées, je n’ai manqué de rien. Avez-vous remarqué les caractères tracés sur ma tige ? Regardez de près et vous verrez qu’ils sont taillés dans le vif. Cette opération a été douloureuse et je me demandais parfois pourquoi il me fallait souffrir autant. Mais c’était la main de mon maître qui tenait le couteau, et lorsqu’il eut fini, j’aperçus, avec un tressaillement de joie, « son propre nom » incrusté sur ma tige... Je compris alors combien il m’aimait ; il voulait faire voir à tous que je lui appartenais en propre. N’ai-je pas de quoi me glorifier d’avoir un tel maître ? »

L’arbre parlait encore, que le maître lui-même, une hache tranchante à la main, se tenait debout près de nous. Il regardait avec amour cet arbre qu’il avait planté.

« J’ai besoin de toi, lui dit-il, veux-tu te donner à moi sans réserve ? »

« Maître, répondit l’arbre, je suis tout à toi, mais en quoi pourrais-je bien t’être utile ? »

« J’ai besoin de toi, répéta le maître, oui j’ai besoin de toi pour porter mon eau vive là où le terrain est aride et desséché ».

« Mais comment ferais-je cela ? Je puis vivre de ton eau par mes racines, tendre mes bras vers ton ciel pour boire la pluie, mais comment abreuver les autres, puisque je ne prends que l’eau nécessaire à ma subsistance ? »

La voix du maître, pleine de tendresse, lui répondit :

« Je ne puis me servir de toi qu’à une condition, c’est que tu y consentes joyeusement ; je voudrais dans ce but t’abattre et te dépouiller de tes branches, puis t’emporter loin d’ici sur une colline solitaire où il n’y aura personne pour t’entourer et t’aimer... seulement de l’herbe et des ronces. Je serai obligé de me servir de ce couteau pour enlever de ton cœur tous les obstacles qui obstruent le passage de l’eau vive qui doit couler en toi et par toi pour parvenir à d’autres. Tu penses que tu en mourras ? C’est vrai, tu mourras, tu perdras ta propre vie, mais ainsi seulement mon eau bienfaisante pourra couler continuellement au travers de ton être. Tu perdras ta beauté, ta grâce, ta parure, ta fraîcheur, mais en retour tu désaltéreras de pauvres âmes assoiffées qui en béniront le maître sans peut-être faire attention à toi... Consens-tu à ce dépouillement, à cette mort ? »

— « Ô Maître, tout ce que j’ai est à toi, je te le dois ! Si tu as besoin de moi, je donnerai joyeusement ma vie pour toi ! Si par ma mort tu peux faire circuler dans d’autres âmes ce fleuve d’eau rafraîchissante, oui, je consens à mourir. Je suis à toi, fais de moi ce que tu veux ».

L’expression du maître devint plus tendre encore lorsque, prenant en main sa hache, il fit tomber à terre l’arbre magnifique. Puis il le dépouilla de sa superbe couronne de verdure. Et prenant l’arbre dénudé sur ses épaules, il l’emporta sur la montagne.

Arrivé dans un lieu éloigné et solitaire, le maître s’arrêta et prenant en main un instrument muni d’une lame tranchante, il l’enfonça dans le cœur même du bambou pour y creuser un canal afin que la source d’eau vive puisse couler, sans entrave, jusqu’au terrain desséché. À coups redoublés il frappa le cœur de son arbre, jusqu’à ce qu’il l’ait ouvert d’un bout à l’autre.

Puis il le souleva de terre et le porta à l’endroit où jaillissait une source d’eau claire. Il en plaça une des extrémités dans cette eau jaillissante, qui put dès lors couler à travers son cœur, couler sans bruit et sans arrêt… Le maître était pleinement satisfait.

Il alla chercher d’autres bambous sur la coltine verte, mais plusieurs, par crainte de la douleur, s’inclinèrent en dehors du chemin ; d’autres au contraire dirent : « Nous nous confions en toi, fais de nous ce que tu voudras ». Le maître recommença la même opération sur chacun d’eux. À mesure qu’un nouvel arbre était à sa place, la source d’eau vive bouillonnait à travers tous ces cœurs vidés d’eux-mêmes, pour atteindre la terre desséchée où ceux qui mouraient de soif purent enfin boire.

La bonne nouvelle se répandit rapidement : « L’eau vive est arrivée, la disette est terminée ; venez tous, venez vite ! » Toutes ces âmes altérées vinrent boire l’eau qui les fit revivre. À cette vue le cœur du maître déborda de joie, et se tournant vers son arbre, il lui dit avec tendresse : « Regrettes-tu ta solitude et tes souffrances ? As-tu payé trop cher la joie d’apporter l’eau vive à ces âmes qui se mouraient ? » — « Ô Mon maître, répondit-il, pas du tout, et si j’avais plusieurs vies, je les donnerais toutes pour avoir le bonheur d’être à ton service et de réjouir ton cœur ».

 

22    LES MAINS VIDES

Jackie était un garçon intelligent, toujours en bon rang à l’école. Avant d’atteindre sa seizième année, il passa ses vacances d’été dans le laboratoire d’un pharmacien dont le personnel avait été décimé par la guerre, et l’aida dans ses préparations. Quand Jackie quitta son patron, il se décida à entreprendre des études d’expert-comptable.

Peu de temps après, il eut une étrange enflure au cou, et comme le traitement indiqué par le médecin ne donnait aucun résultat, il partit consulter un spécialiste qui diagnostiqua un cas rare et grave, presque toujours fatal. Après sept semaines d’un nouveau traitement dans un hôpital, il rentra à la maison, guéri en apparence, et l’on espéra que son médecin s’était trompé dans son funeste diagnostic.

La guerre continuait. Jackie fut engagé dans la marine comme opérateur de radio. Il devint rapidement un télégraphiste habile et fut envoyé en service actif à la recherche des sous-marins. Au bout d’un an de cette vie aventureuse, il désira entrer dans l’aviation. Il réussit tous les examens exigés et subit avec succès les épreuves médicales. Il paraissait en pleine santé et ne pensait plus à l’étrange enflure dont il avait souffert. En attendant un poste, on l’occupa à de rudes corvées, l’obligeant à soulever et transporter de lourdes caisses ; puis, d’urgence, il fut expédié comme télégraphiste à bord d’un cuirassé dans la mer du Nord. Là, il prit l’influenza, son enflure réapparut ; le médecin constata que son cœur était atteint ; il fut définitivement réformé. La fatigue des corvées précédentes n’était certainement pas étrangère à ce triste état. Il rentra dans l’entreprise où il avait travaillé auparavant, prépara et passa brillamment ses « examens intermédiaires » à la première session, malgré son absence d’un an et l’état précaire de sa santé.

Il entreprit alors la préparation de ses examens finals. Pendant toute cette période, il souffrit beaucoup, dormant à peine, seulement à l’aide de calmants. Il devait suivre des cours spéciaux pendant une quinzaine avant les examens. La veille de son départ, le docteur découvrit qu’il avait une quantité d’eau dans la poitrine, et le fit transporter à l’hôpital pour une ponction. Il dut renoncer à ses cours, étant trop malade pour voyager. Sa déception fut grande. Les jours suivants, ses progrès furent extraordinaires, et il décida, envers et contre tout, de se présenter aux examens qui devaient durer trois jours. Ses parents n’osaient espérer une réussite ; aussi quelle fut leur joie, quelques semaines plus tard, d’apprendre son plein succès. À vingt et un ans, malgré sa maladie et sa longue absence à la guerre, il était expert-comptable.

Mais bientôt il fallut se rendre compte avec douleur que cette brillante jeunesse allait être terrassée par la maladie. Les troubles du cœur avaient provoqué l’hydropisie. Une nouvelle ponction donna beaucoup d’eau. Cependant, en dépit des ponctions répétées, il ne perdait pas confiance et faisait mille projets de guérison. Ses parents n’osaient l’avertir de l’issue fatale prévue. Dieu travaillait cependant pour son bien éternel et pour Sa propre gloire.

Jackie avait une tante garde-malade, chrétienne dévouée. Sa mère la fit venir. Dès son arrivée, elle vit que son neveu n’en avait plus pour longtemps, mais ne voulut pourtant pas dès l’abord détruire tout espoir dans le cœur du pauvre garçon. Par ses soins entendus, ses manières douces et affectueuses, elle gagna bien vite son cœur. L’âme de Jackie était la constante préoccupation de sa tante dont les prières montaient vers Dieu en continuelles intercessions. Le docteur revint pour une nouvelle ponction, et par une remarque involontaire révéla au malade la gravité de son état. Après le départ du médecin, Jackie resta longtemps silencieux ; sa tante cousait près de lui, et se doutant du travail que Dieu accomplissait dans le cœur du jeune homme, lui demanda tout à coup : « Ne serait-ce pas beau, Jackie, si le Seigneur venait ce soir pour nous emmener tous au ciel ? » À sa vive surprise il éclata en pleurs et dit : « C’est justement ce que je demandais à Dieu en ce moment ! » Il confessa alors appartenir au Seigneur depuis des années, mais sans L’avoir suivi. « J’espère qu’Il me laissera encore un peu ici-bas afin de ne pas paraître devant lui les mains vides ».

La joie de sa tante et de ses parents fut grande. Ceux qui ont prié pour une âme aimée, près de la mort, peuvent seuls comprendre le bonheur d’un tel exaucement. Quand son père entra dans la chambre, aucune parole ne peut décrire sa reconnaissance pendant qu’il serrait son fils dans ses bras. Plus de silence entre eux désormais sur le sujet de son avenir éternel ; ils pourraient en parler librement et avec bonheur. Pourtant le cœur du jeune homme était rempli d’un immense regret : « Tu sais, papa, j’ai été converti il y a plusieurs années déjà, quand M.C. est venu prêcher l’Évangile ; mais je n’ai pas suivi le Seigneur, et maintenant je vais à Jésus les mains vides ! » — « Oh ! non, mon garçon, Dieu y pourvoira et tu n’iras pas à lui les mains vides ». — « Ah ! dit Jackie, en secouant tristement la tête, je n’ai plus le temps de rien faire pour mon Sauveur à présent ! » — « Plus le temps ! répéta son père ; ce n’est pas une question de temps, mais de témoignage. Combien de temps vécut le brigand sur la croix après avoir cru ? » — « Quelques minutes ». — « Et combien d’âmes furent sauvées en lisant ou en entendant le récit de sa conversion ? » — « Des milliers, je suppose », s’écria Jackie ; et ses yeux brillèrent à la pensée de pouvoir après tout, faire encore quelque chose pour son Sauveur si tristement négligé pendant des années. — « Des milliers ? dit son père, des millions veux-tu dire, mon garçon ! et Dieu peut faire la même chose pour toi. Il peut employer à sa gloire le peu de jours qui te restent à vivre, plus richement que s’il te laissait encore longtemps ici-bas ».

Le lendemain, avant d’aller à son bureau, le père pria avec le malade ; après avoir béni Dieu pour toute sa grâce envers son fils, il demanda que, si le Seigneur tardait encore à venir, Il permît à Jackie de rendre témoignage pour la bénédiction de ses frères et sœurs, de ses amis, et qu’ainsi ses mains ne fussent pas trouvées vides, quand Jésus lui demanderait compte des talents confiés. Le jeune malade répondit : « Amen ! » » avec ferveur.

Le dimanche suivant, quand son père entra dans la chambre, Jackie lisait le verset du calendrier : « Car toutes les fois que vous mangez ce pain et buvez la coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne ». Au-dessous du verset, il lut encore quelques vers :

 

En attendant, Seigneur, nous prenons sur la terre

Ce repas que pour nous prépara ton amour ;

Et nous y proclamons ta grâce salutaire,

Tes souffrances, ta mort et ton prochain retour.

 

« Quel beau cantique, ajouta-t-il ; je n’en avais jamais saisi la valeur comme maintenant ». — « Aimerais-tu « faire ceci en mémoire de Lui », Jackie ? » — « Avec quel bonheur ; mais je n’en aurai plus l’occasion, c’est trop tard à présent ! » En effet, il n’en eut plus l’occasion. Oh jeunes croyants, ne manquez pas de répondre à ce divin désir de vous souvenir de Celui qui mourut pour vous ! Pendant que vous le pouvez sur la terre, donnez-Lui cette joie que vous ne pourrez plus lui donner au ciel, cette joie de vous voir vous souvenir de Celui qui fut crucifié et a souffert à votre place.

Ce dimanche-là, après le culte, le père raconta aux assistants la merveilleuse grâce de Dieu envers son fils, et adressa aux jeunes une pressante exhortation à ne pas s’exposer à venir un jour à Jésus les mains vides. Tous les cœurs étaient émus ; Dieu allait pourvoir en effet à ce que Jackie n’allât pas à Lui les mains vides.

Un autre jour, le malade pria sa tante de lui lire un texte suspendu dans sa chambre : « Tu me feras connaître le chemin de la vie ; ta face est un rassasiement de joie ; il y a des plaisirs à ta droite pour toujours ». — « Ce beau passage est pour moi ; Dieu m’a montré le chemin de la vie, et à présent j’attends le rassasiement de joie et les plaisirs pour toujours ». Il n’attendit pas longtemps ; deux jours plus tard il s’en allait pour « être avec Christ, ce qui est de beaucoup meilleur ».

Jackie n’est pas parti, comme il le redoutait, « les mains vides ». Plusieurs de ses amis ont été touchés par son témoignage ; ils se sont tournés vers Jésus pour Le suivre ; ils ont résolu « de ne plus vivre pour eux-mêmes, mais pour Celui qui pour eux est mort et a été ressuscité ». Puisse le Seigneur accomplir son œuvre en beaucoup d’autres jeunes croyants, afin qu’au jour prochain des récompenses, aucun ne se présente devant Lui les mains vides et qu’Il ait la joie de vous dire, et vous celle d’entendre : « Bien, bon et fidèle serviteur, tu as été fidèle en peu de chose... Entre dans la joie de ton Maître ».

 

23    Le SECRET du SUCCÈS

Une jeune fille pieuse fut invitée à diriger un groupe de l’école du dimanche. Elle accepta et s’acquittait de son service avec zèle, fidélité et beaucoup d’affection pour ses petits élèves. Bientôt ces enfants prient un véritable intérêt aux enseignements de l’Évangile, et l’un après l’autre furent convertis Lorsqu’on vit ce résultat, on la pria de remettre son groupe à une amie et d’en prendre un autre où ne se trouvait pas un seul enfant croyant. Après quelque réflexion, elle y consentit ; la même bénédiction accompagna les soins qu’elle donnait à ses nouveaux élèves. Il en fut de même pour un troisième groupe ; tous les enfants dont elle s’était occupée dans l’école du dimanche avaient donné leur cœur au Seigneur Jésus.

Mais la tâche que cette jeune fille devait accomplir ici-bas était achevée, et elle entra dans le repos préparé pour le peuple de Dieu. Après sa mort, ses parents examinèrent son journal et y trouvèrent inscrite la résolution suivante : « J’ai résolu de prier tous les jours pour chacun des enfants de ma classe en particulier ». Plus loin, on retrouva les mêmes paroles auxquelles étaient ajoutés ces mots « et de prier avec ardeur ». Enfin, à la date où elle se chargea du troisième groupe, on lisait : « J’ai résolu de prier tous les jours pour chacun des enfants de la classe en particulier, de prier avec ardeur, et de compter sur la bénédiction de Dieu ».

 

24    POUR LUI TOUT SEUL

« J’ai maintenant une petite chambre pour moi tout seul », disait un jeune croyant. — « Une petite chambre pour quoi faire ? » — « Une chambre où je peux me réfugier, fermer la porte, et avoir un moment seul à seul avec le Seigneur » (Matt. 6:6).

À voir son enthousiasme, on aurait pu croire qu’il s’agissait d’un palais ; c’était une simple mansarde. Mais elle suffisait. Auparavant, plusieurs entraient ou sortaient de la chambre où il se tenait ; il avait là une source continuelle de distraction. Avec la nouvelle installation de la mansarde, il pouvait avoir d’heureux moments, seul à seul avec son Seigneur (Marc 1:35 ; 6:46-47 ; Actes 20:13b).

 

25    L’AMOUR COUVRE UNE MULTITUDE DE PÉCHÉS

Un peintre avait à exécuter le portrait d’Alexandre le Grand. Il se trouvait dans un cruel embarras, Alexandre ayant reçu un coup d’épée au front au cours d’une bataille.

L’artiste se dit : « Si je représente la cicatrice, j’offenserai les admirateurs du monarque ; si je l’omets, la ressemblance ne sera pas exacte ». Il imagina alors, pour se tirer d’embarras, un heureux expédient et représenta le grand roi le front appuyé sur sa main qui cachait ainsi la cicatrice sans faire tort à la ressemblance.

Ne pourrions-nous pas aussi, nous chrétiens, nous représenter les uns les autres en posant la main de la charité sur la « cicatrice » — le défaut, la faute — de notre prochain, au lieu de la faire ressortir, comme cela nous arrive souvent ?

 

26    VIENS AVEC NOUS, et NOUS TE FERONS DU BIEN

(Nomb. 10:29 — Moïse à son beau-père)

 

Ainsi s’exprimait, pour attirer une âme hésitante, l’homme de Dieu qui, à travers les pérégrinations du désert, conduisait le peuple d’Israël vers la terre promise.

Les jeunes croyants sont aussi conviés à ce saint entraînement. Pouvons-nous chacun, en considérant nos voies, répondre de cœur : « Je suis le compagnon de tous ceux qui Te craignent ? »

Jeunes chrétiens, jeunes chrétiennes, vous avez à vous entraîner mutuellement à marcher dans le chemin, et non seulement à marcher, mais à courir. « Nous courrons après Toi », dit le Cantique ; après Toi, Seigneur Jésus, l’objet de notre course chrétienne. Ainsi la force de chacun sera augmentée par l’encouragement de ses compagnons de route à la suite du Chef.

À ce sujet, considérons entre autres une scène des Évangiles : « Ils couraient les deux ensemble » (Jean 20:4). Deux disciples étreints par une nouvelle extraordinaire : l’annonce que leur Maître bien-aimé n’est plus dans la tombe. Se rendre sur les lieux au plus tôt, voilà leur première pensée. L’un arrive le premier, s’arrête muet devant la tombe ouverte ; puis stimulé par l’exemple du second, il entre aussi dans le sépulcre « et il vit, et crut ».

Bien différente est la scène qui ouvre le chapitre suivant. C’est la nuit, quelque temps après a résurrection ; deux fois déjà les disciples ont vu leur Maître vivant. Quelques-uns d’entre eux sont là réunis en conciliabule nocturne, et soudain Simon Pierre, celui que Jésus avait appelé tant de fois et destiné à ouvrir les portes de son Royaume, Simon Pierre annonce à ses compagnons désorientés qu’il va reprendre le travail :

« Je m’en vais pêcher », dit-il, résolument.

« Nous allons aussi avec toi », répondent en chœur six autres disciples, apparemment soulagés à la perspective de cette solution.

Puissance de l’entraînement ! Influence inconsciente parfois, que peut exercer un esprit conducteur sur ses amis. N’avons-nous pas aussi éprouvé ce magnétisme, et joint notre voix à un chœur de compagnons enthousiastes en présence de quelque entreprise qui souriait à notre imagination ?

« Nous allons aussi avec toi ! » Peut-être avons-nous été le meneur, conscient ou inconscient, même dans une œuvre apparemment légitime, mais selon notre propre volonté et conduisant à une impasse.

Tel était le cas de ces disciples partant pour leur pêche nocturne à l’instigation de Pierre, dans la confiance en soi, et sans la direction de Celui qui était toujours leur Maître. Ce fut une nuit de dur labeur, de labeur stérile ; une impasse d’où seul peut les retirer Celui qui du rivage voit leurs efforts et veut les diriger dans la puissance d’une vie nouvelle, pour suivre une voie fructueuse et bénie.

L’entraînement est une réalité solennelle, dont il importe de se pénétrer au début de sa course chrétienne : chacun de nos actes — comme chacune de nos négligences dans cette vie — a une portée directe, non seulement sur notre bonheur personnel, mais aussi sur celui des autres.

Comme le dit un vieil adage, nous sommes tous constructeurs pour l’éternité ; chacun laisse nécessairement derrière lui un degré ou une pierre d’achoppement : un degré permettant à ceux qui viennent après nous de monter plus haut, ou une pierre d’achoppement qui fera trébucher les autres...

Jésus Christ nous a introduits dans la liberté, mais nous devons faire des sentiers droits à nos pieds afin que ceux qui marchent derrière nous, de plus jeunes frères et sœurs dans la famille, ou de moins avancés parmi le troupeau, puissent bénéficier d’un bon exemple.

Rien n’est plus beau, à ce sujet, que de considérer comment l’apôtre Paul agissait en présence de questions contestées. Il bâtissait, lui, réellement pour Christ, et, étreint par la pensée de cette tâche magnifique, il mettait entièrement de côté ses droits, sa liberté, ses privilèges, quand l’occasion le demandait : « Si la viande est une occasion de chute pour mon frère, je ne mangerai pas de chair à jamais » (1 Cor. 8:13). Il ne s’écarta pas de cette ligne de conduite, un des grands secrets de son influence bénie.

Bien que l’apôtre Jean, dans une de ses lettres, désigne les jeunes gens comme les « forts », car, dit-il, « la parole de Dieu habite en vous », il s’en faut que la force caractérise tous les jeunes disciples du Seigneur Jésus : sa parole n’habite pas en eux comme elle le devrait normalement. Puis il y a autour de nous les nouveaux convertis, les lents à comprendre, et beaucoup d’autres qui ont reçu un enseignement différent ou souvent les enseignements des hommes, substitués à la parole de Dieu. Tous ont droit à des égards de la part des plus avancés. « Je ne mangerai pas de chair à jamais ! ... » Formule magnifique soulignant le grand principe par lequel le Saint Esprit enseigne que nul ne vit uniquement pour soi ; nous n’avons pas le droit d’être des entraves pour les autres, et la liberté personnelle doit être subordonnée au bien de tous.

Ne serait-il pas triste de donner à un inexpérimenté l’occasion de nous dire : « Tu es si fort que tu peux aller sans crainte là où je serais en danger. Mais si, enhardi par ton exemple, j’ai pris ce chemin et suis tombé dans le péché, le péché est bien le mien, et je dois en porter les conséquences ; mais le Seigneur te dit que tu as une certaine part de responsabilité : tu as « péché contre Christ » (1 Cor. 8:12). Si tu n’avais pas pris ce chemin, je ne t’aurais pas suivi et Christ n’aurait pas été déshonoré ».

Ainsi, « Que personne ne cherche son propre intérêt mais celui d’autrui ».

Un peu de grammaire peut nous venir en aide ; nous avons tous, dès notre enfance, appris à conjuguer les verbes : « Je suis — Tu es — Il est... »

Ainsi se présentent nos verbes et ceux de bien d’autres langues. Ainsi aussi va le mécanisme de notre pensée naturelle...

Mais l’écolier hébreu doit, nous dit-on s’y prendre d’une autre manière pour la conjugaison de ses verbes et répéter : « Il est — Tu es — Je suis ! ... »

Voilà un bon exemple de ce que devrait être notre règle de conduite, la meilleure manière de penser et de vivre. Se dire en regardant à Dieu : « Il est » ; ensuite considérer notre prochain : « Tu es », et s’il faut un « Je suis », le mettre en dernier lieu. Dieu premièrement, le prochain ensuite, puis soi-même.

Que Dieu nous aide à chercher dans nos entreprises, nos récréations, ce chemin qu’Il est toujours prêt à nous montrer, si nous le désirons en faisant abstraction de nous-mêmes, sentier qui conduit à notre but : bâtir pour le ciel.

Il y a, à l’entrée d’un chemin de montagne, un écriteau portant ces mots : « Cette route a été abandonnée ; ceux qui la prennent le font à leurs propres risques ».

L’avertissement est là ; libre au voyageur d’en faire son profit. Ainsi notre Dieu ne force personne. Il a posé des jalons pour que les siens puissent suivre une route sûre. Il a fait aussi étiqueter les mauvais sentiers par ces avertissements que nous trouvons en abondance dans sa parole, principalement au livre des Proverbes, afin que nous puissions garder nos pas et ceux des autres.

À ceux qui pourraient poser la question formulée autrefois : « Qui nous fera voir du bien ? » puissions-nous être en état de répondre :

« Viens avec nous, et nous te ferons du bien ».

 

27    UN BON COMBATTANT

Dans la cour du collège de V., les élèves de la première classe (16 ans) s’ébattaient gaiement. Il régnait un très bon esprit dans cette joyeuse société et les rapports entre élèves étaient des meilleurs, malgré leur rudesse d’écoliers. Le maitre était fier de ses garçons ; jamais il n’avait eu une classe si unie et travailleuse. Parmi les élèves qui lui donnaient le plus de satisfaction, se trouvait le jeune Georges S. Il n’était pas le plus sage de tous et imaginait mainte sottise ; mais ses yeux brillaient toujours d’un si joyeux éclat, qu’il était impossible de lui en vouloir. Il était du reste un bon travailleur, et son maitre lui pardonnait volontiers quelques petits méfaits. Georges était aimé de tous ses camarades ; s’il ne se distinguait pas en mathématiques, il était passé maître aux jeux. Il en inventait sans cesse de nouveaux et savait si bien captiver l’attention de ses camarades qu’on l’écoutait avec enthousiasme. Un jour, un nouvel élève entra en première ; son père avait été transféré de la capitale à V. Charles P. se présenta avec beaucoup d’assurance et ne fut pas le moins du monde intimidé de voir tous les yeux braqués sur lui. Pendant la récréation le petit citadin eut bien vite lié conversation avec chacun, et dix jours ne s’étaient pas écoulés que Charles tenait en main le sceptre de la classe. Même Georges S. dut se plier à son autorité.

Mais chose curieuse, du jour où Charles prit le dessus, l’esprit de la classe changea : le travail ne se faisait plus comme auparavant ; il se passa même plusieurs choses graves. Le maître ne parvenait pas à en découvrir la cause ; des journées durant il se creusait la tête, inquiet pour l’avenir de ses élèves. Entre-temps, Charles P. continuait à faire subir à ses camarades l’influence décisive qu’il avait entrepris d’exercer. Le programme des jeux changea du tout au tout et l’on finit par ne plus jouer du tout. Pendant les récréations on se rassemblait dans un coin de la cour et l’on causait. Il ne faut pas, disait Charles, que des grands comme nous, courent avec les petits garçons ; nous allons quitter l’école et nous devons nous considérer comme de grandes personnes. La plupart des élèves étaient ravis de la nouveauté ; seul Georges se sentait mal à l’aise. Il était surtout gêné quand il écoutait les histoires de Charles. Ce n’était pas très laid, ni très mal, mais Georges n’aurait pas aimé que sa mère l’entende. Charles répétait toutes sortes de « bons mots » entendus à la capitale, la plupart du temps des stupidités, mais souvent il était question de choses que Georges ne comprenait pas ; il sentait seulement qu’elles lui faisaient du mal. Alors il rougissait, tandis que les autres riaient à gorge déployée.

La compagnie de Charles devenait de jour en jour plus désagréable à Georges. À la classe biblique il n’était plus du tout attentif, car les propos de Charles lui revenaient constamment à l’esprit. Ses pensées en étaient obsédées et son imagination l’entraînait toujours à nouveau dans cette direction. Il prenait la résolution de ne plus se joindre au groupe que formaient Charles et ses camarades aux récréations, mais le lendemain le trouvait encore en leur compagnie, parce qu’il lui était trop dur de rester seul.

Un jour enfin le cœur de Georges se révolta tout entier contre l’influence prépondérante de Charles. Ce changement se produisit à la classe biblique où le moniteur venait de parler aux jeunes gens du chapitre cinq de Matthieu. Il avait mis un soin tout particulier à leur expliquer le verset : « Bienheureux ceux qui ont le cœur pur ». Soudain tout devint clair pour Georges les choses que leur racontait Charles, le ton de sa conversation, sa manière d’être, tout cela n’était pas pur. Son cœur à lui aussi avait été souillé, et il y avait au fond de son être bien des choses qui attristaient son Sauveur. Il saisit en un clin d’œil ce qui résulterait de tout cela : si l’on n’avait pas le cœur pur, il était impossible de voir Dieu, impossible aussi d’être un bon témoin de Christ. Et il soupira tristement en pensant : « Oh ! si je pouvais être pur ! » Le moniteur leur avait dit combien il est difficile de l’être, de nos jours surtout, où le mal cherche à prendre le dessus.

Georges avait compris que ces paroles s’appliquaient à Charles. Joignant les mains, il pria avec instance : « Seigneur, aide-moi à avoir des pensées pures ! »

Dès le lendemain il évita la compagnie de Charles et ne passa plus les récréations avec les élèves de première. La solitude lui pesait terriblement, il est vrai, mais il était prêt à renoncer à l’amitié de ses camarades, pourvu qu’il eût un cœur pur. Son isolement ne dura pas longtemps ; Pierre G., d’une année plus jeune que lui, habitait la même maison et l’engagea à passer la récréation avec sa classe. Les jeunes gens de première jetaient des regards dédaigneux à leur ancien ami qui préférait les divertissements des « petits » à leur société ; Georges eut la force de supporter leur mépris. Il avait appris à la classe biblique que ceux qui veulent vivre à la gloire de leur Sauveur doivent supporter la moquerie et l’opprobre ; il savait aussi que le véritable héroïsme et le vrai courage ne consistent pas à faire la volonté d’autrui, mais à suivre celle du Seigneur.

L’esprit de la classe devenait de plus en plus mauvais et le maître s’était vu obligé de prendre des mesures très sévères ; on sentait qu’il lui en coûtait, mais aucun des élèves ne songeait à changer de conduite.

Un matin, en se rendant au collège, quelques élèves de première se mirent à parler de la classe et à la comparer à ce qu’elle était autrefois. Georges dit alors courageusement à l’un d’eux, Jacques H., ce qu’il pensait à ce sujet. Son camarade écouta sans mot dire et répondit enfin : « Tu as raison, Georges, moi aussi j’en ai assez et je ne peux plus regarder ma mère en face ». Georges fut tout surpris de cette réponse, et s’arrêtant au milieu de la route : « Jacques », dit-il, en regardant fixement son ami de jadis, « pourquoi ne te dégages-tu pas de l’influence de Charles ? » — « Je ne le peux pas », répliqua-t-il. — « Eh bien ! nous le ferons ensemble », dit Georges en lui prenant la main. « Soyons amis, et tu verras, si nous sommes fermes, la classe tout entière redeviendra ce qu’elle était autrefois ».

Et c’est ce qui arriva.

 

28    SE LEVER

Il y a quatre occasions principales où il faut « se lever » : agir, se décider, mettre en pratique une vérité saisie par l’intelligence.

1.      Lorsqu’on a été amené au Seigneur, ayant trouvé le salut par la foi en Lui, « se lever » pour rendre témoignage à Christ. Il faut de la décision pour Lui ; une fois pour toutes, tourner définitivement le dos au monde et entrer résolument dans le chemin qu’Il a tracé lui-même, et l’y suivre pas à pas. Saul l’a fait à Damas, après qu’Ananias lui eut imposé les mains et qu’il eut été rempli du Saint Esprit : « Se levant, il fut baptisé » (Actes 9:18). Dés qu’il a trouvé Jésus, il le confesse publiquement ; il « se lève » pour Lui ; dorénavant toute sa vie ne sera employée qu’au service de Celui pour lequel il s’était si manifestement décidé.

2.      En avançant dans le chemin, si l’on est fidèle (encore que tout soit pure grâce), il arrivera un moment où le Seigneur fera connaître à l’âme les vérités touchant le rassemblement autour de sa Personne. Il s’agira alors de ne pas les garder comme une théorie, mais de les vivre : « se lever » avec fermeté pour se joindre à ceux qui ont compris le privilège d’être réunis au nom du Seigneur selon la Parole, jusqu’à ce qu’Il vienne.

3.      Dans la course chrétienne, combien d’occasions se présentent où Satan a le dessus, où il réussit à nous jeter à terre. Que faire alors ? Confesser franchement et en toute humilité notre manquement à Dieu : Il est fidèle et juste pour pardonner ; et après nous être réellement jugés devant Lui et avoir tout mis en règle, « se lever » et continuer la route, sans plus revenir à cette chute, sans plus en parler au Seigneur. Prenons cependant bien garde, en cherchant notre force en Lui, de ne pas retomber dans la même faute, de ne pas commettre à nouveau le même péché qui l’a déshonoré (Prov. 28:13).

— Un enfant a désobéi à sa mère ; plein de tristesse, il est venu vers elle et lui a tout raconté, implorant son pardon. La mère l’embrasse, toute heureuse de pardonner à son enfant repentant. Mais que pourrait-elle penser, si chaque jour il revenait demander son pardon pour cette même faute ? Ne serait-elle pas en droit de lui dire : (Je t’ai tout pardonné, cela ne te suffit-il pas ? Douterais-tu de mon amour ? » Hélas ! Satan est habile à nous faire agir de même à l’égard du Seigneur. Ne nous arrive-t-il pas de venir à nouveau pleurer devant Lui pour une chute ancienne, déjà confessée, comme si nous oubliions que sa grâce a tout pardonné et que dorénavant il n’y a plus du tout à y revenir ? (*) — Qu’il nous suffise de savoir que c’est Lui qui nous relève de nos chutes. Puissions-nous le croire et ainsi restaurés poursuivre la route, le cœur rempli du sentiment de notre néant, mais les yeux fixés sur Lui, confiants dans son amour.

 

(*) Cependant, si nous n’avons pas à confesser de nouveau les manquements déjà reconnus, il est bon de s’en souvenir pour être gardés dans l’humilité, et ne pas oublier ce que nous sommes (Deut. 8:2)

 

4.      Une quatrième occasion se présente où il faut « se lever ». Abraham nous en donne une illustration. Sara était morte. Quelle douleur pour le patriarche ! Longuement il pleure l’épouse qui l’avait accompagné dès le début de sa carrière. Mais un moment vient où il « se lève » (Gen. 23:2-3) de devant son mort. Il a pleuré sur celle qu’il avait aimée ; maintenant les pleurs sont terminés, et Abraham, confiant dans la puissance de la résurrection, « se lève » pour continuer la route, jusqu’au moment où il plaira au Dieu devant lequel il marche, de le prendre à son tour auprès de Lui.

L’épreuve, le deuil, la souffrance sont fréquents dans la course des chrétiens ; bien des fois ils ont l’occasion de verser des larmes sur un ami, sur un parent que le Seigneur a recueilli dans la « meilleure demeure ». Parfois ils ont à traverser des circonstances bien douloureuses, quoique permises par l’amour du Père, des épreuves qui les brisent. Mais il ne faut pas s’absorber dans sa souffrance, ce serait donner occasion au diable, et ainsi abattus par elle, nous ne faisons pas de progrès. Comme le Seigneur est Celui qui nous relève de nos chutes, Il est aussi notre soutien dans l’épreuve, donnant la force de « se lever » pour continuer le chemin, marchant pas à pas à sa suite, Lui qui n’a trouvé que souffrance et mépris dans ce monde.

Qu’Il nous apprenne toujours mieux à nous lever à son appel, à nous lever pour le service — à nous lever pour le témoignage — à nous lever après les chutes ou les épreuves. Qu’Il nous donne de nous juger profondément dans sa présence ; dans ce jugement de soi-même se lève l’obstacle au progrès spirituel. Qu’Il nous donne aussi une foi plus simple et plus confiante dans son pardon et dans sa grâce, pour ne pas nous nourrir de nos manquements, mais nous « lever » pour continuer à Le suivre, sachant que « son œuvre est parfaite ».

 

29    LE COL DES PARESSEUX

Dans le massif des Dents du Midi (Suisse), à une demi-heure du sommet de la Haute Cime, se trouve un passage qui porte le nom de « Col des Paresseux ». Les guides racontent que nombre de touristes fatigués de la longue montée sur les éboulis, découragés à la perspective de grimper encore le long d’une pente escarpée et pénible, renoncent à gagner le point culminant. Mesurant d’un œil lassé la distance qui les sépare du but, ils laissent tomber leur canne, posent leur sac et s’étendent à l’ombre. Ils se doutent peu de la récompense que leur réservait l’arrivée au sommet et du panorama merveilleux qui se déroule aux yeux du grimpeur.

Le chemin de notre vie aussi traverse le « Col des Paresseux ». En effet, que de montagnes à gravir, que d’obstacles et de difficultés à vaincre, si nous voulons obtenir « le prix de l’appel céleste ». À une courte distance du but, le Col des Paresseux nous invite à prendre un peu de repos, à abandonner la lutte pour un moment... Nombreux sont les découragés qui ne sont jamais montés plus haut. Nous y voyons des hommes de toute condition, de toute profession. Bien des jeunes gens et des jeunes filles y sont installés commodément, en compagnie de vieillards fatigués et usés auxquels on ne peut en vouloir d’être restés là ; mais ces jeunes ne devraient-ils pas rougir de renoncer à la lutte, de reculer devant les derniers efforts, après avoir considéré autrefois avec enthousiasme le but proposé ?

Ceux qui se contentent du repos du Col des Paresseux ont « recherché », pendant un certain temps, « le royaume de Dieu », puis se sont arrêtés en route. Maintenant ils ne peuvent, ou ne veulent plus poursuivre la course. On peut admettre que beaucoup de choses terrestres demeurent inachevées, mais la Parole de Dieu est ferme et inébranlable quant aux « biens célestes ». « Nul qui a mis la main à la charrue et regarde en arrière, n’est propre pour le royaume de Dieu » (Luc 9:62).

Un vénérable chrétien gravissait un jour la tour de la cathédrale de Strasbourg. Peu avant le sommet, il fut pris de vertige et voulut redescendre. « Comment, lui cria le gardien, si haut déjà et rebrousser chemin sans avoir atteint le but ! » Levant la tête, le vieillard vit en effet peu de marches à gravir encore ; il prit courage et, semblable au croyant qui ne détourne pas les yeux du but, il atteignit le faîte.

Telle devrait être aussi notre marche vers le ciel. C’est un opprobre pour le nom de Christ de s’engager à sa suite, de se joindre pendant quelque temps à ses disciples, pour s’en détourner ensuite et déserter. Cela n’arrive hélas ! que trop souvent. Beaucoup se fatiguent en chemin et restent en arrière, manquant de la persévérance et du sérieux nécessaires pour atteindre le but et gagner le prix de l’appel céleste.

Dans la vie chrétienne, les cœurs partagés sont un déshonneur pour le Seigneur ; si nous voulons Le suivre sur cette terre, y porter son opprobre et obtenir une couronne là-haut, soyons-Lui attachés de tout notre cœur. Il ne peut y avoir ni repos, ni halte à mi-chemin. Aucune difficulté, ni succès, ni honneur, ni déshonneur ne doivent nous arrêter. Nous devons tout tenter pour tout obtenir et ne pas être, comme beaucoup, satisfaits d’un premier succès obtenu.

Prenons garde au Col des Paresseux !

 

Que notre vie soit un plan ascendant : ne nous arrêtons pas au peu que nous avons appris, senti ou atteint, mais continuons à avancer et à monter.

 

30    PRENDRE LE TEMPS

Prends le temps de prier chaque matin, et tu seras protégé comme d’un bouclier pour affronter les luttes de la journée. Prends le temps de dire un adieu affectueux aux membres de ta famille, avant de te rendre à l’école ou au travail, et tu trouveras ta tâche plus facile et sentiras ton cœur plus heureux.

Prends le temps d’être aimable envers ton entourage et les visiteurs qui viennent te trouver ; cherche à les aider, à les encourager, à les consoler dans leurs peines et leurs difficultés.

Prends le temps de te rendre aux réunions autour du Seigneur, mais prends aussi un moment pour te recueillir auparavant afin de demeurer dans ce recueillement. De cette manière tu deviendras fort pour affronter les fatigues quotidiennes.

Prends avant tout, le temps d’apprendre à connaître Christ. Car le jour est proche, où tu devras quitter cette terre et où la main du Seigneur et sa présence auront plus de prix pour toi que le monde entier. Puisque tu devras prendre le temps de mourir, pourquoi ne prendrais-tu pas aussi celui de vivre ? — vivre dans le sens vrai et profond de ce mot, vivre en Dieu, vivre pour Dieu, vivre pour ton prochain, vivre « pour servir... et pour attendre des cieux son Fils Jésus Christ ».

 

« Prends le temps de Le contempler,

Le monde s’en va et sa convoitise... »

 

31    DIMANCHE

« Après six jours, Jésus » (Marc 9:2)

 

31.1    

Six jours de labeurs et de peines avaient passé pour les disciples qui suivaient leur Maître à travers les villes et villages de la Galilée. Enseigner les foules, guérir les malades, s’occuper de tous et de chacun, les nourrir, délivrer ceux que le diable avait « asservis à sa puissance », apporter aux âmes l’amour infini que le Fils de Dieu était venu révéler ici-bas ; et trouver, malgré tout, tant de haine et d’opposition, de mépris : voilà ce qui remplissait Son temps et le leur. Mais après ces six journées, Il voulait avoir quelques-uns des siens « seuls à l’écart » auprès de Lui. Seuls avec Jésus sur la montagne, ils pourraient voir sa gloire, considérer sa face resplendissante de lumière ; ils entendraient la voix du Père rentre témoignage à son Fils bien-aimé. Après tout le travail des jours précédents, ils pourraient jouir à ses pieds de « Jésus seul ».

 

31.2    

Six jours s’étaient écoulés à Troas (Actes 20:6-7). Paul devait partir. Il se hâtait pour être si possible le jour de la Pentecôte à Jérusalem. Mais le « premier jour de la semaine » était venu. Il voulait passer cette journée encore une fois — une dernière fois peut-être — avec les bien-aimés du Seigneur réunis dans cette ville. Avec ses compagnons, il resta ainsi toute la semaine au milieu d’eux et put, dans ce jour béni, être rassemblé avec eux « pour rompre le pain », pour annoncer la mort du Seigneur et se souvenir de Lui, selon son désir exprimé « la nuit qu’Il fut livré ». Dans la hâte du voyage, l’apôtre aurait pu, semble-t-il, continuer sa route, après avoir consacré deux ou trois jours aux chrétiens de Troas, mais le « premier jour de la semaine » avait trop ce prix pour son cœur pour le passer loin de ceux qui, comme au jour de la résurrection, étaient réunis avec Jésus Lui-même « au milieu d’eux » (Jean 20:19 ; Matt. 18:20). Le Seigneur le permit ainsi pour nous confirmer par les Écritures que ce premier jour de la semaine était dès le commencement celui où l’on rompait le pain.

 

31.3    

Solitaire et banni, au soir de sa longue carrière, le « disciple que Jésus aimait » se trouvait à Patmos. Dans cette « journée dominicale », combien son cœur devait s’élancer vers ceux dont la persécution l’avait séparé ! Il était seul, privé du rassemblement béni autour du Seigneur. Mais son esprit était occupé quand même de cette Personne merveilleuse ; il était en communion avec Lui, et Jésus lui-même se manifeste alors à « son esclave » pour lui donner la révélation des « choses qui doivent arriver bientôt ». Journée inoubliable pour le vieil apôtre, dont le ministère pouvait ainsi se continuer jusqu’à la venue du Seigneur (Jean 21:22).

 

31.4    

Jour de résurrection, jour de lumière, jour de paix, jour du Seigneur, quelle place le dimanche occupe-t-il dans nos cœurs et dans nos vies ? Jour de repos sans doute, où notre privilège est de laisser de côté tous les soucis et les charges du labeur quotidien ; mais jour de travail aussi, selon la mesure donnée à chacun, pour faire connaître aux âmes ignorantes l’amour que le Sauveur nous a donné de trouver en Lui. Jour béni entre tous où les affections de famille se resserrent, où les liens de la famille de Dieu se font plus étroits, entre « jeunes » surtout. Mais avant tout, jour de souvenir et d’adoration, où « toutes les fois que vous rompez ce pain, et que vous buvez la coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’Il vienne » (1 Cor. 11:26).

N’est-Il pas digne que dans ce jour-là, plus encore que dans les autres, nous Lui donnions « en toutes choses... la première place » ?

« Si tu gardes ton pied de profaner.... mon saint jour... si tu l’honores en t’abstenant de suivre tes propres chemins, de chercher ton plaisir et de dire des paroles vaines, alors tu trouveras tes délices en l’Éternel » (Ésaïe 58:13).

 

« Car de Lui, et par Lui, et pour Lui, sont toutes choses ! À Lui soit la gloire éternellement Amen » (Rom. 11:36).

 

32    VIVRE, C’EST CHRIST

(Phil. 1:21)

 

Votre grand objet, maintenant que vous connaissez le Seigneur Jésus comme votre Sauveur, doit être de vivre pour Lui. La vie est comme un champ de bataille ; elle est une lutte. Le monde veut avoir votre cœur ; le Seigneur vous dit : « Mon fils, donne-moi ton cœur ». Lequel des deux doit avoir votre cœur, vos affections et la force de votre vie ?

Toute la question de vivre pour Jésus ou de vivre pour le monde dépend de la place où est votre cœur. Il n’est pas nécessaire de faire quantité de promesses ou de prendre beaucoup de résolutions. Si votre cœur appartient réellement au Seigneur, vous vivrez pour Lui. D’un autre côté, s’il appartient seulement à moitié à Christ, il risque d’appartenir bientôt tout entier au monde : « Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon ».

Ce sont de précieuses et sérieuses années que celles de la jeunesse. Claque jour passé avec Dieu est un jour dépensé pour Lui. Chaque jour donné au monde est un jour perdu. La manière dont vous passerez les jours de votre jeunesse affectera votre vie tout entière. Je ne puis croire que vous soyez assez égoïste et insensé pour dire : « Je suis sauvé, je vais au ciel, je puis vivre pour moi-même ». L’apôtre dit en parlant des chrétiens : « Nul de nous ne vit ayant égard à lui-même, et nul ne meurt ayant égard à lui-même : mais soit que nous vivions, nous vivons ayant égard au Seigneur ; soit que nous mourions, nous mourons ayant égard au Seigneur » (Rom. 14:7-6).

 

33    RENONCER AU MONDE

Un jeune converti demandait à un évangéliste : « Maintenant que je suis sauvé, dois-je renoncer au monde ? » — « Non, répondit le serviteur de Dieu, mais si votre vie rend un témoignage clair et évident au Seigneur Jésus, le monde aura tôt fait de renoncer à vous ! »

Un jeune chrétien évite beaucoup de difficultés et de pièges, si, dès le début de sa course, il prend franchement position pour Dieu.

*

Pour le chrétien, se récréer, c’est faire quelque chose, quoi que ce soit, qui le délasse et le rafraîchisse en vue de son activité future, sans entrainer aucune perte de ses forces spirituelles.

 

34    QUEL MAL Y A-T-IL À CES CHOSES ?

Quel mal y a-t-il à ces choses, direz-vous ? Si elles ont occupé votre cœur et vous ont fait négliger Dieu, — voilà le mal ! Il ne s’agit pas seulement de savoir si une distraction est bonne ou mauvaise, mais quelle saveur les choses de Christ ont pour nos cœurs quand nous jouissons de tel ou tel objet. C’est peut-être un obstacle très petit. Si nous trouvons que la lecture d’un livre rend Christ moins précieux pour nous, nous nous sommes écartés de Dieu et nous ne pouvons pas dire où le pas suivant nous conduira. Satan nous séduit souvent de cette manière. L’âme est mise à l’épreuve chaque jour, afin qu’il soit manifesté si les choses qui sont révélées par Dieu en Christ ont assez de pouvoir sur nous pour engager nos cœurs ; mais si d’autres objets se sont placés entre nous et les choses de Dieu, quand nous aurons besoin de la jouissance de celles-ci, nous ne l’aurons pas ; il deviendra ainsi évident combien nous nous sommes écartés. Quand un objet, quel qu’il soit, vient prendre place dans votre âme et vous ôte la fraîcheur de Christ, prenez garde !

 

35    LA VIE CHRÉTIENNE

35.1   L’affranchissement

On trouvera sous ce titre un certain nombre de fragments de lettres dont l’auteur avait généralement en vue l’affranchissement du chrétien, tout particulièrement des jeunes.

Au fond, qu’est-ce que l’affranchissement dont on parle beaucoup ? Plût à Dieu qu’on en soit davantage préoccupé ! Autrefois les jeunes chrétiens l’étaient plus que maintenant, semble-t-il, parce qu’ils ne pouvaient admettre qu’une fois convertis, ils pèchent.

L’affranchissement au point de vue doctrinal, c’est avoir compris que notre mauvaise nature n’a pas été convertie (ni non plus améliorée, elle qui est morte avec Christ à la croix), mais que notre vieil homme, l’homme en Adam, est mort avec Christ (Rom. 6:6). Il a été remplacé devant Dieu par le nouvel homme, l’homme en Christ (2 Cor. 5:17). Il est très important de saisir cela par la foi, parce que le nouveau converti constate douloureusement que sa mauvaise nature est toujours là, lui suggérant de faire le mal, lui fournissant de mauvaises pensées. Dès lors, il lutte, il cherche à se corriger, et il expérimente qu’il a en lui une nature mauvaise plus forte que lui ; il succombe ; souvent même il pense qu’il n’a pas été converti. Il l’est, car sans cela il n’y aurait pas en lui cette lutte entre le bien et le mal, lutte de deux natures existant ensemble ; mais il n’est pas affranchi ! Il n’a pas compris que ce n’est pas sa mauvaise nature, appelée péché du chapitre 5:13 au chapitre 8 de l’épître aux Romains, source de tous les péchés, qui est morte ; mais que c’est lui qui est mort et doit se tenir pour « mort au péché et vivant à Dieu » (Rom. 6:11).

Un chrétien affranchi cesse donc de vouloir faire taire sa mauvaise nature, ou de vouloir l’améliorer, parce qu’il a compris qu’elle ne peut changer : l’épreuve concluante en a été faite sous la loi. Ayant saisi cela, il se tient pour mort lorsqu’elle lui suggère de faire le mal ; il n’y prête aucune attention. Son cœur renouvelé est occupé d’autre chose ; il possède un objet qui le captive entièrement : la Personne du Seigneur Jésus, qui est sa vie, son modèle, dont la vie entière fait commandement pour lui. Il est l’aliment de sa nouvelle nature. Le Saint Esprit l’occupe d’un tel Objet au moyen de la Parole de Dieu. De là l’importance de la lire beaucoup !

 

35.2   Les deux côtés de la vie chrétienne

Il y a deux côtés dans la vie chrétienne, le négatif et le positif. Le négatif consiste à se juger et à se tenir pour mort, « mort au péché », et le positif à être occupé du bien, à être « vivant à Dieu dans le Christ Jésus » (Rom. 6:11). On ne peut vivre du négatif, il faut absolument le positif qui est le propre de la vie nouvelle. C’est l’enseignement si précieux de l’épître aux Romains

 

35.3   Le côté positif : être occupé du Seigneur

Le chrétien ne doit pas passer sa vie entière à se surveiller, comme ferait quelqu’un, qui, voulant s’assurer de la bonne marche de sa montre, la tiendrait toujours à l’oreille. La chose peut et doit avoir lieu dans une certaine mesure ; mais le côté positif de la vie chrétienne est d’être occupé, non de soi, mais d’un objet hors de soi, de la Personne du Seigneur, au moyen de sa Parole. Si nous sommes occupés du Seigneur, sa vie se reproduira en nous d’une manière toute naturelle, sans que nous en soyons préoccupés. L’ennemi cherche constamment à placer une chose quelconque devant nous, à nous occuper de nous-mêmes, sous prétexte même de nous faire arriver à une plus grande sainteté pratique, sachant bien que pendant ce temps nous ne sommes pas occupés du Seigneur, et ne pouvons par conséquent pas faire de progrès. Il sait qu’en agissant ainsi, il nous affaiblira et pourra ensuite plus facilement avoir raison de nous pour nous conduire dans le mal.

Si nous avons commis un péché, il faut le confesser ; c’est tout ce que Dieu demande : « Il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1:9). Alors le Saint Esprit qui n’a pu continuer à nous occuper de Christ, pourra de nouveau diriger nos regards sur Lui. Le travail normal de l’Esprit est de nous entretenir du Seigneur au moyen de la Parole ; il est la puissance de la vie divine ; il nous conduit « dans toute la vérité » ; sans son action en nous, nous redevenons pratiquement comme le monde. Dès que nous l’avons attristé, il ne peut plus nous occuper de Christ, de sa Parole ; il agit cependant en nous pour nous amener à reconnaître que nous avons manqué et à confesser ce manquement. Dès lors, il reprend son service normal et nous parle du Seigneur. On a comparé le Saint Esprit a un excellent sculpteur qui, lorsqu’il veut travailler, trouve son atelier en désordre et encombré de toutes sortes de choses étrangères à sa vocation. Au lieu de pouvoir travailler, il doit commencer à mettre tout en ordre, ce qui cause une perte de temps.

 

35.4   Le péché en nous

Si nous étions sous la loi, nous n’aurions aucune puissance pour être délivrés du péché qui est en nous ; mais nous sommes sous le régime de la grâce, qui nous a délivrés, par la mort de Christ, de la puissance du péché et nous donne le droit et la force de nous tenir pour morts au péché et pour vivants à Dieu. Le péché n’a aucun droit sur nous, tandis qu’auparavant, il était le principe actif de notre vie. S’il me vient à la pensée de faire une chose mauvaise, je réponds « Je suis mort », je n’entends pas de telles suggestions ; de fait, je les entends bien, mais je fais le mort, je me tiens pour mort et un mort ne peut pas faire le mal, pas plus qu’il ne peut faire le bien. C’est une pleine délivrance.

Mais il est important de comprendre que la vie chrétienne ne peut pas se passer à s’examiner pour voir si l’on est mort, si on laisse agir la chair, dans quelle mesure elle a agi, si l’on s’est suffisamment jugé, si l’on est restauré, etc., etc. Malgré toutes les belles apparences que ces pensées peuvent avoir, derrière se trouve l’ennemi qui nous occupe de nous-mêmes, pour que nous ne soyons pas occupés du Seigneur, et, partant, que nous ne puissions pas Lui ressembler.

Quand on craint le mal, on le fuit, on ne s’y jette pas en disant que Dieu nous gardera. On vit de régime, on ne nourrit pas la chair et on est libre. Ceci rappelle une comparaison au sujet de la chair en nous. La voici : la chair, ou le péché en nous, doit être comme un serpent en hiver. C’est bien un serpent, il porte du venin, et en principe il a besoin de mordre sans faire de bruit. Mais à cause de la température où il se trouve, il est dans une complète inertie, il est transi ; je puis donc travailler à côté de lui sans crainte, pourvu que je le laisse au froid. Du moment où j’en prends pitié et le réchauffe, il me saute dessus et me mord. Voilà la chair en nous, il faut la laisser en quartier d’hiver et l’on est libre. Mais ce n’est pas ce qu’on fait ; au contraire, on essaie de la charmer comme les dompteurs les animaux féroces, et cela ne la change pas du tout. Il faut la laisser à l’état transi. « Tenez-vous vous-mêmes pour morts », et la conséquence suivra ; elle ne saurait précéder.

Celui qui a fait naître le besoin de marcher d’une manière digne de Lui le satisfera ; son bonheur est de donner. On peut dire : « Celui qui a besoin de Jésus l’aura ; celui qui a besoin de vivre dans la sainteté y vivra ! » Regardons dans le chapitre 24 de Luc, comme le Seigneur accourt sur le chemin d’Emmaüs, parce que, tout ignorants qu’ils étaient, le cœur des deux disciples était sincèrement occupé de Lui. Dans le vingtième chapitre de Jean, laisse-t-Il l’ignorante Marie de Magdala dans l’embarras ? Non, et pourquoi ? parce qu’elle Le cherchait, Lui-même. Eh bien ! Le cherchons-nous de tout notre cœur ? Avons-nous besoin de Lui ? Si nous pouvons dire « oui », nous pouvons ajouter immédiatement : « Nous L’aurons sûrement ».

Comment montrerons-nous que nous Le cherchons ? D’un côté en nous occupant beaucoup de Lui, et d’un autre côté, en laissant le serpent transir.

 

35.5   Les mauvaises pensées

Il faut encore faire la différence entre les mauvaises pensées qui se présentent constamment, et le péché positif. Les pensées mauvaises sont du péché, il est vrai, mais nous n’en sommes souillés que lorsque nous les admettons, les caressons et leur « donnons asile », comme le disait un chrétien. On ne peut empêcher les oiseaux de voler autour d’un arbre, mais on peut les empêcher de s’y poser. Si l’on a la tendance de beaucoup s’observer, avec le désir de bien marcher, on prend facilement ces pensées, que l’on a appelées « involontaires et haïes », pour des péchés qui nous privent de la communion avec Dieu.

Un chrétien éminent a dit que même s’y arrêter en pensant les juger faisait l’affaire de l’ennemi qui cherche constamment à nous occuper de nous-mêmes et à nous détourner de Christ. Ce péché naturel qui est en nous ne peut produire autre chose que du mauvais ; aussi ne devons-nous pas être surpris si nous en apercevons quelques émanations ; ne nous y arrêtons pas, mais renions-les, sachant d’où elles proviennent. Si nous étions toujours occupés de ce qui nourrit le nouvel homme, notre cœur naturel n’aurait, cela est évident, aucune occasion de se manifester.

 

35.6   La communion perdue

Il arrive, hélas ! bien fréquemment, que l’on perde le goût de prier avec ferveur et de lire la Parole de Dieu. Cela peut provenir de diverses causes. On peut avoir manqué de vigilance dans le jugement de soi-même et de fautes de détail ; il ne s’agit pas alors de dire seulement « Purifie-moi de mes fautes cachées », mais « montre-moi en quoi j’ai manqué, ce que j’ai négligé de juger ». Il faut si peu de chose pour attrister l’Esprit de Dieu, et lorsqu’il n’est plus actif en nous, il y a relâchement, indifférence, et l’on glisse sur la pente. Une santé précaire peut favoriser aussi cet état de choses ; c’est pourquoi il faut beaucoup prier. En un mot, il faut être occupé du Seigneur, de sa Parole, et aussi peu que possible de soi-même, sinon pour se juger, et juger ses actes coupables, s’il y en a.

 

35.7   Le côté négatif : se juger

Il y a une différence entre le jugement de soi-même et le jugement de ses fautes (1 Cor. 11:31). « Si nous nous jugions nous-mêmes, nous ne serions pas jugés », veut dire que si nous nous jugions, nous ne commettrions jamais ces actes qui nous amèneraient sous le jugement de Dieu. Se juger est l’état normal du chrétien. C’est porter sur soi-même le jugement que Dieu a porté sur moi à la croix. Je suis un être incapable de faire le bien quant à ma mauvaise nature — ne pouvant fournir que de mauvaises pensées et de mauvais actes. J’ai en moi une telle nature, je dois porter sur elle ce jugement, lors même qu’elle ne manifesterait rien, — et c’est là le moyen d’éviter son action. Sa présence en moi ne me souille pas, mais bien son action.

Supposons que je doive garder chez moi un méchant chien ; je l’enferme pour qu’il ne fasse pas de mal ; il n’en fait pas parce qu’il est enfermé, mais cela ne signifie point qu’il se soit amélioré. Si je ne le traite pas pour ce qu’il est, c’est-à-dire un méchant chien, je le laisserai sortir et il mordra ou moi ou d’autres personnes. Il faudra donc subir les conséquences de n’avoir pas porté sur lui un jugement véritable Si j’oublie ce que je suis, plus affreux qu’un mauvais chien aux yeux de Dieu, et que je néglige de porter sur moi le jugement que Dieu y porte, cette vieille nature se manifestera par des actes qui s’appellent « péchés ». Alors il me faudra juger ces actes, ces péchés, et pour cela les confesser, dire à Dieu, non pas seulement voilà ce que je suis, mais voilà ce que j’ai fait.

En jugeant les fautes que nous pouvons avoir commises et en les confessant, il faut le faire avec le sentiment d’avoir offensé l’amour de Dieu le Père, autant que sa sainteté et sa justice ; c’est cela le cœur saisi de componction : la pensée d’avoir offensé Dieu, mais Dieu le Père, qui ne change pas envers moi, quoique j’aie changé envers Lui. Ce qu’Il demande, c’est la confession du péché en l’appelant par son nom, sans se borner seulement au regret de l’avoir commis. La confession est accompagnée du jugement des causes du mal et non uniquement de la faute elle-même Le Seigneur n’a pas reproché à Pierre de l’avoir renié, mais Il l’a conduit aux sources de ce manquement, qui étaient la confiance en lui-même. Il ne s’était pas jugé capable de renier son Maître — pour l’apprendre, il a dû en faire la triste expérience.

 

35.8   Fautes cachées

On peut bien dire : « Purifie-moi de mes fautes cachées » (Ps. 19:12). Ce verset cependant se rapporte davantage à l’état des saints de l’Ancien Testament (et du résidu juif à venir) qui n’avaient pas la lumière que nous possédons par la présence du Saint Esprit en nous, à la suite de l’œuvre de la rédemption. Nous pouvons marcher avec des fautes cachées, qui ne nous troublent pas tant que nous ne les connaissons pas ; mais à mesure que nous progressons dans la connaissance du Seigneur et de sa Parole, nous voyons que telle manière de faire qui, dans le passé, ne nous troublait nullement, n’était pas selon Dieu ; alors nous en sommes purifiés. C’est en cela que nous faisons des progrès. À mesure que l’on s’élève sur une montagne, l’horizon s’étend et l’on découvre, en montant, des choses qu’il était impossible de voir plus bas

 

35.9   Le gouvernement de Dieu

Le gouvernement de Dieu est en rapport avec la marche et non avec la position, qui est toujours parfaite puisqu’elle dépend de l’œuvre de Christ. Quand nous avons commis une faute, et l’avons confessée, « Dieu est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1:9). Nous sommes alors rétablis dans la jouissance de la communion avec Dieu, plus qu’auparavant peut-être ; mais ce manquement peut avoir attiré sur nous des conséquences qui demeurent, sans cependant nous priver en aucune manière de la communion avec le Seigneur ; au contraire, Il se sert de ces conséquences de nos fautes pour nous tenir dans sa dépendance.

Lorsque David a confessé sa grave faute (1 Sam. 11 ; 12:13-15) il a été restauré dans la communion avec Dieu (Ps. 51 et 32). Mais selon la parabole que Nathan lui avait dite de la part de l’Éternel, il a dû « rendre au quadruple la brebis qu’il s’était appropriée » (12:1-6) : successivement il a perdu tragiquement quatre de ses fils ! (12:19 ; 13:28-29 ; 18:14, 33 ; 1 Rois 1:5, 53 ; 2:25)

On peut avoir confessé sa faute et être restauré dans son âme, mais, sous le gouvernement de Dieu, porter les conséquences de son manquement, tout en restant dans la jouissance de la communion avec Dieu.

 

35.10   Progresser dans l’affranchissement

Le Seigneur nous a fait la grâce immense de trouver en Lui notre Sauveur. En avançant dans le chemin, par la foi nous apprenons à connaître et à réaliser la vraie position où Il nous a placés : affranchis du péché, possédant une nature capable de jouir de Lui, de sa gloire, de ses perfections. C’est en lisant beaucoup la Parole de Dieu que nous progresserons dans la connaissance de ces vérités, que nous serons occupés de Lui et ferons la précieuse expérience de l’affranchissement du péché.

À un autre point de vue, nous avons aussi à être affranchis de toutes sortes d’entraves, habitudes, coutumes, opinions sur bien des choses et cela tant que nous sommes ici-bas. Ce travail s’accomplit de même par la Parole de Dieu, agissant sur notre conscience et notre cœur ; elle nous montre constamment que nous avons marché avec certaines manières de voir et de faire qui n’étaient pas conformes à la pensée de Dieu, afin de nous les faire abandonner. Ainsi l’affranchissement se poursuit jusqu’au bout de la carrière terrestre ; et finalement, nous serons pleinement affranchis lorsque, délivrés de ces corps d’infirmité, nous serons semblables au Seigneur dans la gloire.

 

36    QUE LIS-TU ?

Sur le chemin désert qui va de Jérusalem à Gaza s’avançait un convoi comme on n’en voit pas tous les jours (Actes 8). C’étaient des étrangers ; à leur tête, l’eunuque de Candace, reine d’Éthiopie. Habitant d’un pays éloigné, cet homme était venu adorer à Jérusalem, qui restait pour lui le seul lieu où l’on pût adorer le vrai Dieu ; cela lui avait suffi pour vaincre les difficultés d’un long voyage, afin de trouver une réponse aux besoins de son cœur. La gloire d’autrefois était passée ; une autre gloire avait été manifestée, gloire du Messie que les prophètes annonçaient, mais dont les Juifs n’avaient rien voulu. De Celui-là, personne n’avait parlé à l’eunuque ; tout en ayant accompli ses devoirs religieux, il s’en retournait le cœur vide sans avoir trouvé de quoi le satisfaire. Seul le Seigneur le pouvait par le moyen de Sa Parole ; c’était précisément ce que l’Éthiopien lisait. Il n’aurait pu mieux employer le temps si long du voyage qu’en étudiant le prophète Ésaïe, qui présente le plus la Personne du Seigneur. S’il n’avait pas lu cette Parole, jamais il n’aurait eu le désir de connaître Celui qu’elle révèle. On voit aussi qu’il n’est pas nécessaire d’être bien installé chez soi pour lire la Bible ou les écrits qui l’expliquent.

Nous savons si bien utiliser nos voyages pour la lecture, Satan ne l’ignore pas ; aussi a-t-il eu soin de mettre à portée des voyageurs des livres ou des revues répondant à leurs goûts naturels, et détournant les âmes des choses d’en haut. Au lieu de la question de Philippe à l’eunuque : « Comprends-tu ce que tu lis ? », bien des fois, dans nos voyages ou à d’autres occasions, le Seigneur ne pourrait-Il pas nous demander : « Que lis-tu ? » Bien des jeunes, n’aimant pas penser ni réfléchir, donnent leur préférence aux lectures faciles et superficielles. Nous serions peut-être très ennuyés si nous avions à montrer tout ce que nous avons lu depuis trois semaines. Ne voudrions-nous pas tout d’abord cacher certaines choses, sentant instinctivement que nos lectures manifestent notre état spirituel ? Ne devrions-nous pas prendre garde qu’elles n’occupent trop le peu de temps libre dont nous disposons ?

N’oublions pas non plus que nous avons besoin d’être nourris chaque jour et non pas une fois par semaine ou les soirs de réunions seulement. N’avez-vous pas remarqué combien les lectures profanes affaiblissent facilement notre intérêt pour des choses plus sérieuses ou même pour la Parole de Dieu ? Cela ne se fait pas en un jour ni en une semaine, bien sûr ; mais petit à petit, de mois en mois, d’année en année, au lieu de faire des progrès et d’avancer, de « croître dans la grâce et la connaissance du Seigneur Jésus », le cœur se rétrécit, la Bible a moins de saveur et n’est plus lue que par devoir.

Pourquoi lit-on si peu les écrits qui nous font mieux comprendre la Parole, qui ouvrent et développent notre intelligence pour l’œuvre et la Personne du Seigneur ? Ne disons pas qu’ils sont trop difficiles. L’eunuque, lui non plus, ne comprenait pas tout d’abord ce qu’il lisait. A-t-il mis son livre de côté pour en prendre un plus simple et plus facile ? Non, parce que son cœur avait des besoins, et Dieu y a merveilleusement répondu.

Étudions la Bible pendant que nous sommes encore jeunes et pouvons en prendre le temps et avons la mémoire fraîche. Ayons à cœur de le faire à un moment précis chaque jour avec sérieux et persévérance ; servons-nous aussi pour cela de tant d’écrits excellents à notre disposition ; avec l’aide du Seigneur, ils développeront notre compréhension de la Parole. Elle nous dit : « Acquiers la sagesse, acquiers l’intelligence... achète la vérité et ne la vends point » (Prov. 4:5 ; 23:23).

« Considère ce que je dis ; car le Seigneur te donnera de l’intelligence en toutes choses » (2 Tim. 2:7).

 

37    SEMER POUR MOISSONNER

Dans ces derniers jours d’octobre, l’automne fait son apparition. On pressent l’hiver et ses giboulées qui balaieront la campagne. Espérons pourtant que d’ici là toutes les récoltes pourront être mises à l’abri. Le paysan mesurera alors le fruit de ses peines ; l’automne est le temps de la moisson, le temps où l’on recueille les résultats de son travail.

Au printemps, qui donc pensait à l’automne ? Qui songeait aux fleurs qui devaient se faner et disparaître, quand tout croissait autour de nous et se développait dans la force et la joie du renouveau ? Certes pas ceux qui mènent une vie légère et facile, ne songeant qu’à se procurer du bon temps. Les paysans qui, au printemps, ont labouré, hersé, semé et planté, savent bien que pour récolter en automne, il s’agit de ne pas perdre son temps ni de laisser échapper le moment opportun. Celui qui n’a pas soigneusement surveillé son jardin, son champ ou sa « vigne », au lieu de recueillir des fruits en abondance, y trouvera, non la terre nue et stérile, mais un fouillis de mauvaises herbes (Prov. 24:30-34).

Le printemps est la saison des jeunes, pleins de force et d’énergie en entrant dans la vie ; un jour viendra pourtant où leur automne sera là. Ne devons-nous pas avouer que nous y pensons bien peu ? Il reste de longues années à vivre jusque-là, et le temps pour travailler et semer se trouvera bien. Avez-vous déjà entendu un agriculteur parler ainsi ? Bien au contraire, ne profite-t-il pas de chacun de ces jours qui s’en vont si rapidement ?

« Saisissant l’occasion ». Qui ? Les vieillards, dont la tête a déjà blanchi ? Non, pas eux seulement : cette exhortation s’adresse à tous. Ne voulons-nous pas nous aussi, revenir un jour à la maison « avec chant de joie » (Ps. 126:5) ? Ou serons-nous de ceux auxquels le Maître devra dire : « Méchant et paresseux esclave » ? Ne trouvera-t-il chez nous que des feuilles ?

Chose terrible si nous n’étions sauvés que « comme à travers le feu » qui consumera nos œuvres de néant ? Non, personne d’entre nous ne le désire ; nous ne voulons pas avoir vécu en vain, ni passer toute une existence ici-bas sans aucun fruit pour Celui qui nous a tant aimés. C’est pourquoi hâtons-nous de commencer, et de commencer aujourd’hui à répandre de bonnes semences autour de nous : un salut affectueux, un regard qui fait du bien, un coup de main à l’occasion, une parole sérieuse ou sympathique « en son temps », un silence discret qui ne relève pas le mal, une brochure qui parle de l’amour de Jésus, ou un petit cadeau, un de ces riens qui font plaisir et sont si faciles à trouver en renonçant à quelques jouissances passagères ; tout cela peut être une semence qui, avec la bénédiction de Dieu, portera des fruits à sa gloire. Tu te dis : « Je vais faire de grandes choses pour le Seigneur ». C’est très bien de vouloir faire de grandes choses pour ton Sauveur ; mais regarde autour de toi, et tâche de comprendre que tout ce qui est grand est formé de petites choses. Sois « fidèle dans ce qui est très petit » ; la vie est faite souvent de détails insignifiants en apparence. Les grains de semence ne sont jamais gros.

Encourageons-nous les uns les autres à faire, avec prière, provision de bons grains dans la Parole de Dieu et à les répandre autour de nous. Nous suivrons ainsi les traces du « Semeur » qui nous a amenés à Lui, et au jour de la moisson nous recueillerons du fruit pour l’éternité.

 

PENSÉE

Un serviteur du Seigneur disait une fois : « À 20 ans, j’en savais plus que mon père ; à 30 ans, tout autant que mon père ; mais à 40, bien moins que lui ! »

 

38    TOUJOURS PRÊTS

38.1   prêts à aller

« Il faut des ouvriers pour travailler dans ma vigne ; qui enverrai-je, et qui ira pour nous ? »

Si cet appel du Seigneur atteignait notre oreille et notre cœur, serions-nous prêts à répondre : « Me voici, envoie-moi » ? Serions-nous prêts à prendre notre part des difficultés et des fatigues du travail ? serions-nous disposés à abandonner nos aises, notre confort, nos intérêts, nos amis pour écouter la voix de notre Sauveur ?

Il a pourtant fait assez pour nous, n’est-Il pas en droit d’attendre quelque chose en retour — bien plus : que nous nous donnions entièrement à Lui ?

Sommes-nous prêts à aller ?

 

38.2   prêts à attendre

Quelques-uns d’entre nous ont peut-être eu déjà quelque grand désir dont il leur a fallu longtemps attendre la réalisation ? C’est si dur d’attendre, et la lassitude nous prend facilement ! Que de fois n’avons-nous pas demandé au Seigneur de nous exaucer, faisant monter devant Lui une prière ardente pour qu’Il ouvre enfin le chemin. Peut-être étions-nous tout près du but désiré, nous croyions déjà l’atteindre, et soudain le Seigneur a dit : « Non ». — Avons-nous pu nous incliner devant Sa volonté sainte, ou avons-nous continué la route, mécontents et tristes, oubliant que dans tout ce qu’Il nous envoie, Son but est de nous former pour la gloire ? Sommes-nous prêts à nous confier en Lui ?

Sommes-nous prêts à attendre ?

 

38.3   prêts à Le servir dans les petites choses 

D’autres se sentent appelés à faire de grandes choses car il leur a été certainement départi des dons tout particuliers ; ils le savent bien et des amis leur en ont aussi parlé. Ne pourraient-ils pas ici ou là rendre quelque petit service ou être en aide à un enfant de Dieu, âgé ou malade, qui n’est plus en état d’accomplir sa tâche comme autrefois et a besoin de quelqu’un pour combler cette lacune ?

Ah ! comme notre cœur orgueilleux est vite blessé ! Celui qui a besoin de secours est si peu connu ; il n’a aucun don particulier et n’atteint certes ni à notre instruction, ni à nos capacités. C’est un service bien peu en vue et qui demande force de renoncement à soi-même. Et nous le refusons, peut-être en alléguant que nous n’avons pas le temps de nous en occuper. Mais au fond, n’est-ce pas plutôt l’amour que le temps qui nous manque ? Le Seigneur avait voulu nous ouvrir une porte et nous avons refusé d’entrer dans Son chemin !

Sommes-nous prêts à Le servir dans les petites choses ?

 

38.4   prêts à nous laisser mettre de côté

Être mis de côté, avons-nous déjà éprouvé combien cela est désagréable à la chair ? « Chacun n’a-t-il pas le droit d’occuper une place ici-bas ? Pourquoi serait‑ce justement nous qui devrions nous laisser mettre de côté ? Ne valons-nous pas autant que les autres ? Nous voudrions pourtant bien que l’on ait quelque égard pour notre personne ! »

Oui, c’est vrai, nous aimons à être connus, admirés. Mais est-ce là manifester les caractères du Sauveur auquel nous appartenons, Lui qui était « méprisé et délaissé des hommes... et comme quelqu’un de qui on cache sa face ? » Être mort avec Christ, n’est-ce pas être mort à tout ce que nous sommes, et à notre « moi » en particulier ? Qu’importe alors si nous devons parfois supporter d’être mis de côté ou accepter que l’on ne tienne pas toujours compte de nous ? Le vieil homme est crucifié et Christ vit en nous : Christ en nous, c’est la force pour tout traverser, c’est le secret pour être vainqueur et pour aller en avant, quel que soit le chemin.

Comme Lui, sommes-nous prêts à nous laisser mettre de côté ?

 

38.5   prêts à nous reposer 

D’autres enfin parmi nous sont dans l’activité heureuse et nouvelle, dans le travail pour les autres ; tout leur temps est rempli par leurs nombreuses occupations. Cela paraît excellent, et pourtant, sans qu’on s’en doute peut-être, recherche de soi, orgueil même, se cachent derrière cette humilité extérieure. N’est-ce pas le service plutôt que le Seigneur qui occupe et remplit les pensées ?

Et au milieu du travail, le Seigneur vient nous prendre par la main pour nous retenir malgré nous, tranquillement auprès de Lui : « Venez à l’écart et reposez-vous un peu ». Il nous couche parfois sur un lit de maladie ou nous arrête par quelque autre moyen, — et la question brûlante monte à nos lèvres : « Seigneur, pourquoi ? pourquoi est-ce moi que tu éprouves ? » — Nous avons tant de peine à comprendre que tout cela n’est que l’expression de son amour, de ses soins à l’égard de son enfant en danger de s’éloigner de Lui et de rechercher ses goûts personnels. Il Lui fallait ramener nos pensées sur sa personne et pour cela il devait nous apprendre à venir de nouveau nous reposer à ses pieds, pour être enseignés par Lui, à l’écart, dans la tranquillité et dans la solitude. Avons-nous aussi appris à faire silence pour Le laisser parler ?

Sommes-nous prêts à nous reposer ?

 

39    Les BONNES ŒUVRES

Un père charge son fils d’aller distribuer dans de pauvres familles quelques paniers de vivres. Voilà une bonne œuvre certainement.

Mais le lendemain, le père ordonne à son garçon de scier du bois. Cela ne plaît guère au jeune homme ; il prend un panier et va distribuer ses largesses aux pauvres. Il est bien reçu par eux, admiré, encouragé. Mais quand il rentre à la maison, son père le punit : il n’a pas accompli une bonne œuvre puisqu’il n’a pas obéi. S’il avait obéi, il n’aurait peut-être pas été compris de plusieurs, il n’aurait pas eu l’approbation et l’admiration de ceux qu’il avait secourus, — mais en sciant du bois, il aurait fait la volonté de son père, il aurait accompli une bonne œuvre, parce qu’il aurait cherché à lui plaire.

 

Tout ce que l’enfant de Dieu fait, en obéissant à la Parole, même dans les plus petits détails de la vie, est une bonne œuvre : c’est le fruit de la vie divine en lui (Éph. 2:10).

 

40    MORT AU PÉCHÉ

La Parole nous déclare explicitement que le péché habite en nous, et qu’il n’a sur nous aucun pouvoir, parce que, en vertu de l’œuvre de Christ, nous avons le droit et la capacité de nous tenir pour morts au péché ; et aussi longtemps que nous le réalisons, nous avons la victoire. Il ne s’agit pas de lutter contre le péché, car même si nous remportions une victoire apparente, le mal serait là, et tout contact avec lui nous souille.

Prenons un exemple. Un boulanger, vêtu de blanc des pieds à la tête, fort et bien musclé, se tient à la porte de son magasin. Vient à passer l’apprenti ramoneur qui lui crie des injures. La colère s’empare de notre homme ; sans rien attendre, il empoigne l’impertinent, le secoue de toutes ses forces, et celui-ci s’avisant de se défendre, en un tournemain il le fait rouler sur la route. L’honneur est sauf. Mais pourquoi les assistants se mettent-ils à rire et à se moquer du vainqueur ? Un coup d’œil sur ses vêtements a tôt fait de lui révéler la cause de leur joie et, fort honteux, il se hâte de rentrer dans sa maison. La victoire n’avait été pour lui qu’une défaite ; le combat avait laissé sur lui des traces bien pires que s’il avait, sans s’émouvoir, écouté les injures du ramoneur comme si elles ne s’adressaient pas à lui. Alors, il aurait eu vraiment la victoire.

Nous sommes morts, c’est un fait, mais il faut le réaliser dans la vie pratique ; l’Esprit en nous est la puissance pour le faire, de même que pour marcher en nouveauté de vie. Ce sont des choses qui ne s’apprennent pas en un jour, et nous avons besoin que le Seigneur lui-même nous les enseigne, pour que nous les saisissions du cœur et non pas seulement de l’intelligence. « Il donne la grâce aux humbles », et Il est fidèle pour nous instruire, mais il nous faut, avant tout, croire Sa parole, parce qu’elle est Sa parole : nous apprendrons aussi à connaître l’horreur du péché, sachant que tout contact avec lui, quel qu’il soit, souille toujours et déshonore le Seigneur qui a souffert pour nous amener à Dieu et nous donner la vie éternelle.

 

41    Le BAGAGE à la FRONTIÈRE

Chacun sait que pour passer certaines marchandises d’un pays à l’autre, des droits d’entrée sont prélevés à la frontière. D’autres denrées sont absolument prohibées. Tout voyageur honnête et scrupuleux, déclarera ce qu’il a d’imposable dans son bagage et s’abstiendra du prohibé. Si quelqu’un s’avisait de vouloir dissimuler des objets de contrebande, il s’exposerait à une forte amende et à la confiscation de l’interdit ; lui-même en subirait une perte de temps et d’argent.

Tirons de ceci un exemple pour en faire ensuite l’application à nous, enfants de Dieu, qui connaissons plus ou moins notre privilège et notre liberté d’adorateurs dans les lieux saints.

Supposons quatre fils de la même famille, placés à l’étranger pour compléter leur éducation. Ils ont l’autorisation et les moyens de revenir à la maison pour les vacances, et doivent chaque fois passer la frontière. Le premier, le cœur rempli du bonheur de se retrouver bientôt dans la maison paternelle, ne s’embarrasse d’aucun bagage superflu. Le second, pensant aux choses terrestres, a garni sa valise de toutes sortes de cadeaux qu’il déclare consciencieusement à la douane. Le troisième pense surtout à faire une bonne affaire en dissimulant des marchandises prohibées dans son bagage : il est arrêté, ses frères ne peuvent continuer leur voyage sans lui ; son inconséquence et sa légèreté ont entraîné les autres dans ses difficultés. Le quatrième fils n’a pas d’amour pour les siens ; il préfère passer ses vacances à l’étranger où il a trouvé d’autres affections, et se contente de penser qu’un jour, il finira par rentrer au pays.

Cet exemple n’est-il pas un tableau assez vrai de nos réunions de culte en général ?

C’est un privilège de pouvoir, déjà ici-bas, entrer en esprit dans le ciel même, notre patrie, dans la présence de notre Dieu et Père pour jouir de son amour, pour L’adorer, Le bénir pour ce qu’Il est, pour tout ce qu’Il a fait pour nous, et pour nous souvenir des souffrances de son Fils bien-aimé. « Ayant donc, frères, une pleine liberté pour entrer dans les lieux saints, par le sang de Jésus... » (Héb. 10:19). Mais tout privilège comporte une responsabilité. La Parole nous enseigne que dans la présence de Dieu il faut un état pratique de sainteté pour jouir de sa communion. Pour entrer dans le sanctuaire comme adorateurs en esprit et en vérité, il est important de nous rappeler que notre Dieu est lumière : « Si nous disons que nous avons communion avec Lui, et que nous marchions dans les ténèbres, nous mentons » (1 Jean 1:6). Rien de souillé n’entre dans le ciel. Dieu a les yeux trop purs pour voir le mal, toutes choses sont nues et découvertes devant Lui. Comment nous présenter devant Dieu pour Lui rendre culte, nous qui bronchons et manquons chaque jour ? Sa grâce a pourvu à tout : « Ayant un grand sacrificateur... approchons-nous avec un cœur vrai, en pleine assurance de foi, ayant les cœurs par aspersion purifiés d’une mauvaise conscience et le corps lavé d’eau pure » (Héb. 10:21-22). Si la Parole nous invite à entrer en pleine liberté dans les lieux saints, elle nous présente aussi le grand sacrificateur qui purifie nos saintes offrandes, qui intervient pour nous et lave nos pieds. « Il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés » (Héb. 10:14). Dans ce monde de péché, nous contractons la souillure, notre marche pratique manifeste souvent les œuvres de la chair, nos pieds ont besoin d’être lavés ; ils ne peuvent entrer sales dans la présence de Dieu : il est impossible de passer la frontière avec du bagage interdit !

Deux choses sont donc nécessaires à notre purification : 1° la confession entière et sans restriction de nos fautes : « Dieu est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1:9). 2° L’action sur nos cœurs et nos consciences, de cette épée à deux tranchants, la Parole de Dieu, qui atteint et pénètre jusqu’à la division de l’âme et de l’esprit, des jointures et des moelles, en jugeant les pensées et les intentions du cœur (Héb. 4:12). Laissons agir cette Parole sur nos âmes, laissons la lumière de Dieu pénétrer nos consciences ; nous serons amenés à juger nos actes charnels, mais nous trouverons aussi sa grâce qui encourage, sa miséricorde qui relève, « le secours au moment opportun ». La Parole vivante et opérante coupe et juge le mal jusqu’à sa racine ; la sacrificature de Christ lave et guérit. Prenons l’habitude, une fois convaincus de péché, de le confesser immédiatement au Seigneur, le jugeant dans sa sainte présence et à sa lumière. L’interdit, ayant été reconnu et abandonné, Christ, notre sacrificateur, nous purifie, nous rétablit dans sa communion et la jouissance de son amour, nous rend capables alors de L’adorer. Combien nous sommes coupables si nous négligeons ce précieux jugement de nous-mêmes ! Nous attirons sur nous les coups de sa verge paternelle qui nous corrige et nous châtie pour nous débarrasser du mal, afin que nous soyons déjà ici-bas pratiquement saints et heureux. Nous ne pouvons jamais entrer en la présence de Dieu pour Lui rendre culte, avec du péché non jugé et non pardonné. Hélas ! n’arrive-t-il pas souvent que l’on essaie de passer la frontière avec du bagage interdit !

Pour jouir le dimanche matin des bénédictions découlant de la présence du Seigneur au milieu des siens, pour réaliser notre pleine liberté d’entrer, il faut avoir marché avec Lui pendant la semaine. On ne peut être mondain du lundi au samedi, et chrétien le dimanche !

Ne voit-on pas souvent au culte des chrétiens semblables à ces trois jeunes gens à la frontière ? Un des adorateurs a passé la semaine avec Dieu, dans sa communion, faisant tout avec Lui et pour Lui ; il a bronché en diverses occasions, mais a tout de suite jugé et tout confessé au fur et à mesure ; il est rempli de joie, est capable de rendre grâces. Un autre a été entraîné par le tourbillon des affaires ou des études ; il s’est montré plus ou moins fidèle dans son travail et n’a pas pris le temps de s’occuper assez du Seigneur : il arrive le cœur vide. Cependant la contemplation de la grâce et de l’amour de Dieu touche sa conscience ; il juge là ses inconséquences, et peut rendre culte malgré tout. Un troisième chrétien, faute d’avoir veillé et prié, pris par la mondanité, l’amour du sport, ou toute autre chose, ne vient plus au culte que par habitude : son cœur est loin de Dieu, le mal non jugé constitue de l’interdit dans l’assemblée, l’action de l’Esprit est entravée, preuve que Dieu ne peut avoir communion avec le mal.

Que Dieu nous donne de savoir « retenir la grâce par laquelle nous servions le Seigneur d’une manière qui Lui soit agréable, avec révérence et avec crainte. Car aussi notre Dieu est un feu consumant » (Héb. 12:28-29).

Il y a aussi des chrétiens correspondant au quatrième fils, resté indifférent en arrière. Ils n’ont pas à cœur les réunions des saints, il leur suffit de savoir qu’ils sont sauvés et qu’ils trouveront le ciel au bout du chemin.

La Parole en 2 Pierre 1:5-11, en contraste avec cet état, nous parle des choses qui doivent être jointes à la foi ; si ces choses sont en nous et y abondent, nous ne serons point oisifs, ni stériles en attendant le ciel. Le Seigneur ne se contente pas, Lui, que nous arrivions au but en tout cas ; mais Il désire que l’entrée dans son royaume, au lieu de se faire comme à travers le feu, nous soit richement donnée.

Que Dieu nous fasse la grâce d’aimer sa lumière et sa sainteté, de juger les fruits de la chair à cette clarté qui manifeste tout. Nous pourrons alors jouir constamment de sa communion individuellement, et de sa présence collectivement. Bientôt, nous serons pour l’éternité à l’abri de toute atteinte du mal.

Si ces lignes peuvent rendre plus délicate une seule conscience, nous ne regretterons pas notre comparaison, peut-être singulière, du « Bagage à la frontière ».

 

42    DU TRAVAIL AU-DEHORS POUR LES JEUNES

Et ils sonnèrent des trompettes,

Et brisèrent les cruches.

Et ils tenaient dans leur main gauche les torches,

Et dans leur main droite les trompettes,

Et criaient : L’épée de l’Éternel et de Gédéon !

Et ils se tenaient chacun à sa place.

(Juges 7:19-21)

 

Gédéon et ses 300 hommes avaient accompli un vrai travail, un « travail au-dehors » agréable à Dieu ; mais il n’avait été possible que lorsqu’Il eut « épuré » le peuple auprès de l’eau (Juges 7:4). Seuls ceux dont le cœur est droit et « épuré » devant Dieu peuvent prendre part à ce travail. Il fallait tout d’abord que, devant Dieu et devant le peuple, il fût prouvé qu’ils étaient humbles : « l’Éternel donne la grâce aux humbles ». Dieu ne peut prendre comme instruments pour accomplir Son œuvre ici-bas, ceux dont le cœur orgueilleux n’est pas prêt à occuper une petite place, ceux qui se glorifieraient et diraient : « Ma main m’a sauvé » (v. 2).

À leur insu, les 300 hommes avaient lapé l’eau comme le chien. Et l’Éternel dit : « Par les 300 hommes qui ont lapé l’eau, je vous sauverai et je livrerai Madian en ta main ».

Tout le reste du peuple ne devait pas prendre part au combat. Bien des jeunes chrétiens voudraient s’occuper du « travail au-dehors », sans s’être laissés auparavant préparer par le Seigneur. Dieu ne peut approuver un tel chemin et ne met pas Sa bénédiction sur leurs efforts, et ce qu’ils font peut souvent amener des difficultés et nuire au témoignage. Il en est parfois ainsi avec le travail des jeunes. On entreprend bien des choses, sans le faire dans la dépendance du Seigneur, sans que l’initiative provienne de cœurs qui ont été humiliés devant Lui. Comment sa bénédiction peut-elle reposer sur un travail entrepris dans de telles conditions ?

Nous pouvons considérer le « travail au-dehors » sous trois points de vue différents :

1. Qui doit y prendre part ?

2. Comment faut-il le faire ?

3. Qu’est-ce qu’il y a à faire ?

Pourquoi y en a-t-il si peu qui trouvent leur plus grande joie dans la communion avec le Seigneur, dans la prière en particulier ou en commun, et dans l’étude de la Parole de Dieu ? Mais si chacun de ces quelques-uns cherchait à gagner une âme — et le Seigneur a promis de répondre à la prière — la plus grande partie du « travail au-dehors » ne serait-elle pas faite ? Rappelons-nous que la première chose qui nous est dite du plus grand serviteur du Seigneur, après sa conversion est : « Voici, il prie » (Actes 9:11).

À ceux qui se tiennent beaucoup devant Lui, le Seigneur donne tout d’abord une trompette, c’est-à-dire un cœur rempli de louange et de reconnaissance envers Lui ; ils apprennent à dire avec Paul : « Loin de moi de me glorifier, si ce n’est en la croix de notre Seigneur Jésus Christ ». Lorsque cette « gloire » remplit le cœur, et se trouve sur nos lèvres, il y a toujours un témoignage pour Son nom. Il faut que le Seigneur Jésus ait toute la place au commencement comme au milieu et à la fin de notre travail.

Il n’y a pas besoin d’avoir atteint un certain âge pour commencer à travailler pour le Seigneur. Que l’on soit un nouveau converti, un jeune homme ou une jeune fille — si l’on a reconnu que nous sommes incapables d’aucun bien, mais que seul l’amour pour Sa Personne nous pousse à faire quelque chose pour la gloire de Son nom, — Il saura bien montrer Lui-même le service qu’Il nous réserve et comment nous avons à l’entreprendre. « Séparés de moi, vous ne pouvez rien faire » (Jean 15:5).

Mais ceux qui ne sont pas prêts à s’abandonner eux-mêmes au Seigneur, ceux qui, dans le service, cherchent une occasion de satisfaire leurs goûts ou de se faire bien voir, — ceux-là ne sont pas du tout propres à travailler pour Lui ; ils ne peuvent qu’être une cause de désordre et empêcher la bénédiction.

« Et ils brisèrent les cruches ». D’abord il fallait sonner des trompettes, en premier lieu un témoignage de reconnaissance et de louange à la gloire de Jésus ; puis vient la mise de côté du « moi ». Voilà les hommes qui peuvent servir d’instruments au Seigneur. Alors les torches brillent dans leur main gauche ; mais aussi longtemps que les cruches n’étaient pas brisées, il ne pouvait y avoir aucune lumière. Le Seigneur se sert de ceux qui sont petits à leurs propres yeux, parce qu’ils sont prêts à accomplir telle tâche qu’il Lui plaira.

Nous arrivons à la deuxième question Comment ce travail doit-il être fait ? Les versets que nous avons lus nous en donnent une image frappante. 300 hommes étaient là, tout autour du camp avec Gédéon, et chacun faisait ce qu’il lui voyait faire. Personne n’agissait quand bon lui semblait, mais tous attendaient le moment où le chef donnerait le signal, « et ils se tenaient chacun à sa place » (2 Cor. 10:13).

Gédéon les avait divisés en trois corps, et leur avait donné des ordres précis ; tous furent suivis exactement parce que ces hommes s’attendaient à lui, et à l’heure de la victoire chacun était là où il l’avait placé.

C’est une grande leçon pour nous. Si nous voulons accomplir un « travail au-dehors » qui soit béni, il faut nous laisser placer par le Seigneur là où Il nous veut.

D’abord dans la famille. Un fils obéissant et soumis, faisant la joie de son père et de sa mère, une fille qui, sans murmurer, cherche à remplacer un peu sa mère dans les travaux journaliers, une maison d’où toute susceptibilité et tout égoïsme, toute recherche de soi sont bannis — voilà ce qui est agréable devant Lui. Il y a une joie à sentir Son regard plein d’approbation dirigé sur nous, bien différente de celle procurée par un costume à la mode ou un nouvel habit ; on peut bien de nouveau porter celui de l’année passée et les souliers iront encore quelques mois : on sait que Lui regarde au cœur et l’on n’a pas le temps de s’occuper de soi.

Où les jeunes pourront-ils accomplir un travail meilleur et portant plus de fruit que d’abord chez eux, à la maison ? Celui ou celle qui cherche ainsi à servir le Seigneur sera une joie pour ses parents et un exemple pour entraîner à sa suite ses frères et ses sœurs, pour leur montrer où est le vrai bonheur.

Comment le travail doit-il être fait ? Dans l’obéissance et la dépendance à la maison, mais aussi dans l’assemblée. Les trois troupes de Gédéon n’en formaient qu’une ; chacun avait sa place spéciale et personne n’osait ni ne voulait la quitter. Voilà comment le travail doit être fait : simplement, pour Lui plaire, dans la famille, dans l’assemblée et — cela va plus loin encore — même dans les affaires. Accomplir sa tâche journalière fidèlement, consciencieusement, avec soin, donnant l’exemple par sa tranquillité et son contentement, sans murmure, toujours satisfait, avec un regard qui exprime quelque peu de cet amour que Dieu a versé dans nos cœurs, en toutes choses étant un témoin pour Lui, en paroles s’il le faut, mais d’abord par sa marche, une lettre de Christ connue et lue de tous les hommes... ; alors Sa vie sera vue en nous, nous serons des enfants de lumière.

Celui qui n’aura pas commencé de cette manière, en étant fidèle dans les petites choses, en Le glorifiant simplement là où Il l’a placé, dans la famille, à la fabrique, au bureau, aux champs, ou dans l’assemblée, celui-là ne sera jamais capable d’accomplir un travail spécial pour le Seigneur. Mais si quelqu’un a cherché à remplir fidèlement sa place dans la vie journalière, le Seigneur ne le laissera sûrement pas manquer d’occasions de travailler plus particulièrement pour Lui.

Puisque l’on demande si souvent de quelle manière les jeunes pourraient s’occuper, indiquons encore deux ou trois choses qui pourraient être accomplies avec bénédiction si l’on reste sur le terrain que nous avons cherché à établir au début.

Tout d’abord les invitations personnelles aux réunions d’évangélisation, à celles des jeunes, aux « Rendez-vous avec la Bible » à domicile, où des inconvertis, des débutants dans le chemin de la foi, trouveraient une réponse aux besoins de leur cœur.

Un groupe peut aller chanter à des malades ou des isolés privés depuis longtemps du rassemblement, ou connaissant peu le Sauveur, et selon l’occasion laisser une brochure ou un traité, appropriés.

Un travail similaire est de visiter les vieillards, les malades, les pauvres. Ce service est excessivement important ; il apporte tant de joie à ceux que l’on entoure, et pour soi-même, quelle bénédiction d’apprendre de l’expérience de ceux qui ont été formés par la souffrance, et connaissent Celui qui y sympathise pleinement.

Puissions-nous davantage apporter la lumière et la joie dans la vie de personnes âgées ou souffrantes. Un bouquet de fleurs, quelque menu cadeau, combien cela fait plaisir à un malade ! C’est précieux aux yeux du Seigneur de voir des jeunes se préoccuper de ceux qui autour d’eux sont moins favorisés qu’eux-mêmes, pour faire briller un peu de lumière d’En Haut dans des vies parfois bien dépouillées.

Un service béni peut être aussi de transmettre à ceux qui n’ont pu suivre les réunions de l’assemblée, un résumé écrit ou oral, ou une cassette qu’ils pourront écouter à loisir.

Tout cela va sans dire pour ceux qui connaissent vraiment le Seigneur et sont occupés de Lui. « Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même ». Qu’il se renonce soi-même, voilà tout le secret d’un travail pour le Seigneur, heureux et béni. Mais quand cela n’est pas réalisé, le cœur reste vide et sans joie, et il en résultera une perte pour l’éternité.

 

43    CONSEILS aux JEUNES CONVERTIS

Demeurez attachés au Seigneur de tout votre cœur. Dépendez de Lui. La puissance est en Christ et Il est parfaitement suffisant pour tout ce qu’Il veut que vous fassiez ou soyez ici-bas. Il est donné à quelques-uns d’avoir une longue période de joie après avoir cru pour la première fois ; mais Dieu connaît nos cœurs et sait que nous sommes en danger de dépendre de notre joie plutôt que de Christ. Il est notre objet ; la joie ne l’est pas. Il est vrai que, depuis votre conversion, le péché ne pèse plus sur vous, mais la chair est en vous et sera en vous jusqu’à la fin. Elle est toujours là et vous éprouverez que, si vous n’êtes pas vigilants, si la vie divine n’est pas cultivée dans vos cœurs, si, regardant à Christ, vous ne vous nourrissez pas de Lui, le péché recommencera à germer et à mûrir ; dans ce cas, les bourgeons devront être détruits dès qu’ils apparaîtront. La vieille nature ne peut pas produire de bons fruits ; c’est la nouvelle qui porte du fruit pour Dieu. Mais quoique la chair soit en vous, ne pensez pas à elle ; pensez à Christ.

À mesure que vous croîtrez dans Sa connaissance, une joie, plus précieuse que celle de votre conversion, croîtra également en vous. Je connais Christ plus ou moins depuis trente ou quarante ans et je puis dire que j’ai beaucoup plus de joie maintenant que je n’en avais au commencement. C’est une joie plus profonde et plus calme. L’eau qui se précipite en cascade est belle à voir et fait beaucoup de bruit ; mais celle qui coule dans la plaine est plus profonde, plus calme, plus fertilisante.

Demeurez attachés au Seigneur de tout votre cœur. Un cœur distrait est un fléau pour le chrétien. Quand le cœur est rempli de Christ, il n’a point de place ni de désir pour les vanités du monde. Si Christ habite dans votre cœur par la foi, vous ne vous poserez pas la question si fréquente : « Quel mal y a-t-il en ceci ou en cela ? » Vous vous demanderez plutôt : « Est-ce que je fais ceci pour Christ ? Peut-Il m’approuver en cela ? » Si vous êtes en communion avec Lui, vous découvrirez facilement ce qui n’est pas selon Lui. Ne laissez pas le monde intervenir et détourner vos pensées. Je m’adresse spécialement à vous, jeunes convertis ; nous qui sommes plus âgés, nous avons plus d’expérience de ce qu’est le monde ; nous savons mieux ce qu’il vaut ; mais, devant vous, il déploie tous ses charmes et s’efforce de vous attirer. Il est semblable au marchand qui prépare une belle devanture pour les passants. Ses sourires sont trompeurs ; néanmoins il vous sourit. Il fait beaucoup de promesses qu’il ne peut remplir ; cependant il promet. Le fait est que vos cœurs sont trop larges pour le monde ; il ne peut les remplir ; ils sont trop étroits pour Christ, pour Celui qui remplit le ciel : Lui les remplira à les faire déborder.

Demeurez attachés au Seigneur de tout votre cœur. Il sait combien notre cœur est perfide, et combien vite il remplacerait Christ par autre chose. Il vous faudra apprendre ce que votre cœur contient. En restant près de Dieu vous apprendrez avec Lui à vous connaître sous l’influence de Sa grâce ; sinon vous aurez à l’apprendre avec le diable, étant vaincus par ses tentations

Mais Dieu est fidèle ; si vous vous êtes éloignés de Lui, si d’autres choses sont intervenues, formant une sorte de zone insensible autour de votre cœur, si enfin vous désirez revenir en arrière, Dieu dit : « Quel est cet obstacle ? Il faut que vous vous en occupiez pour en être libérés ».

Rappelez-vous que Christ vous a achetés au prix de son propre sang, afin que vous soyez à Lui et non pas au monde. Ne laissez pas Satan s’interposer entre vous et la grâce de Dieu. Quelque négligent que vous ayez pu être, quelque distance que vous ayez mise entre Dieu et vous, comptez sur son amour. Ne doutez pas de Sa joie à vous recevoir de nouveau. Ayez horreur du péché qui vous a entraînés, mais ne faites pas tort à Dieu en vous méfiant de son amour. Ne vous méfiez pas de son œuvre, ne vous méfiez pas de son amour ! Il vous a aimés et vous aimera jusqu’à la fin.

Parlez beaucoup avec Jésus. Ne soyez jamais satisfaits si vous n’êtes pas capables de marcher avec Christ et de converser avec Lui comme avec votre meilleur Ami. Ne vous contentez pas de relations sans intimité avec Celui qui vous a aimés d’un tel amour !

 

44    L’HOMME DE DOULEURS

On trouvera sous ce titre quelques fragments (publiés il y a bien des années) d’une étude biblique traduite récemment au complet : « Voici l’homme », que nous recommandons vivement à chacun. (*)

 

(*). Si l’on désire retirer une vraie bénédiction de ces pages, il est vivement à conseiller de lire dans la Bible les versets indiqués, spécialement ceux des quatre évangiles ; car seule la Parole de Dieu peut vraiment communiquer à nos cœurs ses pensées au sujet de son Fils bien-aimé.

 

44.1   GETHSÉMANÉ

(Matt. 26:36-56 ; Marc 14:32-52 ; Luc 22:39-53 ; Jean 18:1-11)

44.1.1     

Quelles pensées pouvaient bien remplir le cœur du Seigneur, quand, pour se rendre « selon sa coutume » à la montagne des Oliviers, il sortit de Jérusalem et « s’en alla avec ses disciples au-delà du torrent du Cédron » ? (Luc 22:39 ; Jean 18:1). David avait peut-être éprouvé des sentiments analogues mille ans auparavant, lorsqu’il « montait par la montée des Oliviers », plein de tristesse en pensant à tout ce qu’il laissait derrière lui (2 Sam. 15:30). Cette fois, il s’agissait de Quelqu’un infiniment plus grand. Le Seigneur ne savait-il pas que dans peu d’heures il devrait de nouveau traverser le Cédron, sous la conduite rude et grossière des huissiers, alors que tous les Siens L’auraient abandonné ? Satan qui « s’était retiré d’avec Lui pour un temps » (Luc 4:23), revenait maintenant à la charge, en plaçant devant son âme sainte les horreurs de cette « mort qu’il allait accomplir à Jérusalem » (Luc 9:31).

Plus nous méditons ces choses, plus nous devons reconnaître qu’il y a là des profondeurs où nous ne pouvons Le suivre, un mystère qui nous restera éternellement caché. L’ombre de la croix se projetait déjà en travers de sa route et devant Lui Il voyait la coupe de la colère divine qu’il était venu boire ici-bas.

Il pénètre dans le jardin, et dans cette circonstance comme dans d’autres, nous le voyons suivi, sur son invitation, seulement par les plus intimes de ses disciples. Ceux-ci n’avaient même pas remarqué qu’il était « saisi d’effroi et fort angoissé » ; ils doivent l’apprendre de sa bouche (Marc 14:33). Cette « tristesse jusqu’à la mort » devient « l’angoisse du combat », tandis qu’éloigné d’eux d’environ « un jet de pierre », il tombe sur sa face et « offre avec de grands cris et avec larmes, des prières et des supplications à Celui qui pouvait Le sauver de la mort », tandis que « sa sueur devient comme des grumeaux de sang découlant en terre » et qu’un « ange du ciel lui apparaît le fortifiant » ; — ceux qui devaient « veiller avec Lui », cherchent dans le sommeil l’oubli de leur tristesse (Matt. 26:36 et suiv.  ; Luc 22:41, 43-45 ; Héb. 5:7). Pouvons-nous les juger ? Certainement pas. Pour Lui, point de repos factice ; il ne peut « se retirer en arrière », si grand et terrible que soit le « travail de son âme » (És. 50:5 ; 53:11). Aussi est-ce avec une adoration profonde que nous entendons ces paroles sortir de ses lèvres : « ... Toutefois, non pas ce que je veux, moi, mais ce que Tu veux, Toi », et « Mon Père, s’il n’est pas possible que ceci passe loin de moi, sans que je le boive, que Ta volonté soit faite » (Marc 14:36 ; Matt. 26:39, 42). « Toutes choses » étaient possibles à son Père, et pourtant Il ne pouvait faire passer « cette coupe » loin de Son Fils (Marc 14:36) : Sa sainteté parfaite haïssait le péché, tandis que son amour aimait le pécheur. Trois fois le Sauveur répète « les mêmes paroles ».

Le combat est terminé. « S’étant levé de sa prière », Il peut aller dans une paix parfaite au-devant de tout ce qui L’attend, au-devant de cette coupe que le Père Lui présente et qu’Il va boire jusqu’à la lie la plus amère.

 

44.1.2     

Tandis que dans Sa grâce inlassable le Seigneur était encore occupé des Siens « endormis de tristesse », et faisait une dernière tentative pour diriger leurs pensées sur les souffrances qu’Il allait endurer, — dans l’ombre de la nuit s’approchait le traître qui devait Le livrer : « Judas, l’un des douze » (Matt. 16:46 et suiv. , etc).

Plusieurs d’entre nous ont sans doute remarqué que le Saint Esprit a donné dans la Parole une place toute spéciale à la trahison de Judas. Aucun autre moment de la vie du Seigneur ici-bas ne nous est raconté avec autant de détails ; mais, pour désigner cette nuit-là en peu de mots, le Saint Esprit l’appelle : « la nuit dans laquelle le Seigneur Jésus fut livré » (1 Cor. 11:23). Chaque fois que le nom de Judas est mentionné dans les évangiles, il est fait allusion à sa trahison, déjà même lors de l’appel des disciples (Matt. 10:4 ; Marc 3:19 ; Luc 6:16, etc).

Quelle chose terrible ! En vérité, Judas, le traître, avait « plus de péché » que Pilate ! (Jean 19:11). « Le fils de l’homme s’en va, selon ce qui est écrit de Lui ; mais malheur à cet homme par qui le fils de l’homme est livré ! Il eût été bon pour cet homme-là qu’il ne fût pas né » (Matt. 26:24).

Les hommes se sont efforcés d’analyser la personnalité de Judas, de décrire son état d’âme et sa fin désespérée, sans arriver cependant à une solution satisfaisante. Mais pour celui qui a un « œil simple », tout cela est clair et facile à saisir, quoique plein de sérieux avertissements.

Chez Judas, nous voyons ce dont l’homme est capable, jusqu’où il peut aller quand la nouvelle naissance n’a pas vraiment eu lieu. On peut avoir « prophétisé », « chassé des démons », « fait beaucoup de miracles en Son nom » (et Judas doit l’avoir fait — autant que nous pouvons le savoir — puisqu’il était un des douze que Jésus avait envoyés guérir et prêcher (Matt. 10:1). On peut avoir une « lampe », un témoignage extérieur, être de ceux qui ont « mangé et bu en Sa présence », on peut avoir fait tout cela, et pourtant rester dehors quand la porte sera fermée, quand il sera trop tard pour venir vraiment à Lui et qu’Il devra dire : « Retirez-vous de moi... Je ne vous ai jamais connus » (Matt. 6:21-23 ; Luc 13:25 et suiv. ). On peut marcher avec la « lumière qui est venue dans ce monde », et pourtant ne pas « venir à la lumière » ; on « a mieux aimé les ténèbres que la lumière », parce que « les œuvres sont mauvaises » et que l’on ne veut pas le reconnaître (Jean 3:19-21). Judas n’était pas « net » (Jean 13:11) ; son cœur, toujours plus envahi par l’amour de l’argent, n’avait jamais été brisé ; il était devenu un « voleur » (Jean 12:4-6) et avait été entraîné toujours plus loin sur cette pente glissante jusqu’à ce que le diable lui mette au cœur la plus horrible trahison qu’un homme ait jamais commise, jusqu’à ce que « Satan entrât en lui » et qu’il fût endurci sans retour (Jean 13:2-27 ; Luc 22:3). Le Seigneur connaissait son disciple « dès le commencement » et avait dû dire de lui : « L’un d’entre vous est un diable » ; il était « le fils de perdition » (Jean 6:64, 70 ; 17:12).

Combien son cœur plein de fourberie a su trouver l’occasion favorable pour Le livrer ! Il a bien su choisir ce jardin de Gethsémané, si connu de tous les disciples, puisque « Jésus s’y était souvent assemblé » avec eux (Jean 18:2). Quelque souvenir de ce passé pourtant si proche ne se réveillerait-il pas dans son cœur ? N’aurait-il pas au moins un peu conscience de l’horreur de son acte ? Hélas ! ce cœur était devenu trop insensible, trop endurci pour l’arrêter sur la pente fatale.

Jésus lui avait dit : « Ce que tu fais, fais-le promptement » ; incapable de réfléchir, avec une énergie terrible, il s’en était allé sur le chemin de la perdition que Satan ouvrait devant lui. Quand il eut reçu le morceau, il était sorti « aussitôt » dans l’obscurité de la nuit. « Comme Jésus parlait encore » dans le jardin de Gethsémané, il s’était trouvé là avec ceux qui venaient le prendre ; « aussitôt, s’approchant de Lui, il dit : Je te salue, Rabbi ; et il le baisa avec empressement » (Jean 13:27, 30 ; Marc 14:43 ; Matt. 26:49). « Celui que je baiserai, c’est lui ; saisissez-le et emmenez-le sûrement » (Marc 14:44).

N’aurait-il pu trouver un autre « signe » ? Sans doute, mais l’ironie et l’audace que révèle « ce signe », étaient inspirées par Satan qui triomphait. N’oublions cependant pas que le Seigneur Jésus éprouvait et sentait d’une manière parfaite tout le bien ou le mal qui lui étaient faits. À une autre occasion il avait dû dire : « Tu ne m’as pas donné de baiser ; mais elle, depuis que je suis entré, n’a pas cessé de couvrir mes pieds de baisers » (Luc 7:45). La froide indifférence du pharisien, comme l’ardent amour de la pécheresse, L’avaient touché jusqu’au plus profond de son âme. En face du traître infâme qui Le livrait à la haine sauvage des hommes, combien son cœur aimant et tendre dut frémir douloureusement et sentir avec effroi la souillure et tout le poids du péché qu’Il allait régler devant Dieu.

Jésus n’avait pourtant pas manqué d’avertir Judas et de l’enseigner. Une dernière fois Il essaie, plein d’amour, de toucher le cœur et la conscience de son disciple tombé si bas : « Ami, pourquoi es-tu venu ? » « Judas, tu livres le fils de l’homme par un baiser ? » (Matt. 26:50 ; Luc 22:48). Mais c’était à jamais trop tard.

 

44.1.3     

Considérons maintenant le Seigneur lui-même. Il est là devant nous, dans l’abaissement et la honte et pourtant au-dessus de tout ce qui l’entoure. D’un seul mot Il les a tous fait reculer et tomber par terre (Jean 18:6) ; et d’un seul mot, Il pouvait avoir pour sa défense plus de douze légions d’anges ; mais Il n’était pas venu pour juger les pécheurs, mais pour souffrir et mourir pour eux : « La coupe que le Père m’a donnée, ne la boirai-je pas ? » (Jean 18:11). Il n’est pas occupé de lui-même, mais de Judas, puis des siens, de Pierre, de l’esclave du souverain sacrificateur ; enfin Il se tourne vers la foule haineuse et leur montre à la lumière divine l’horreur de leur conduite. Il avait été « tous les jours assis parmi eux », ils ne s’étaient pas saisis de lui ; si maintenant enfin ils le prenaient, ce n’était certes pas en vertu de leur force armée ; mais « afin que les Écritures fussent accomplies » (Matt. 26:54-56). Il s’abandonnait à leur pouvoir. Il se livrait pour un temps à la volonté des hommes, « conduits par le chef de l’autorité de l’air » — c’était « leur heure et le pouvoir des ténèbres ». Que de fois ils avaient voulu le prendre, mais maintenant seulement leur heure — et la sienne — était venue (Luc 22:53 ; Jean 7:30 ; 8:20 ; Matt. 26:45 ; Marc 14:35).

 

44.1.4     

Nous arrivons à la fin de cette sombre scène. Le Seigneur Jésus s’engage seul dans ce chemin de douleur. « Alors tous les disciples le laissèrent et s’enfuirent » (Matt. 26:56). Ils étaient tous « scandalisés en lui » comme Il le leur avait dit ; ils ne pouvaient comprendre ce qu’Il allait accomplir. « Amis et compagnons furent éloignés de lui », « le troupeau était dispersé », laissant seul le Berger contre qui « l’Épée s’était réveillée » (Matt. 26:31 ; Ps. 88:18 ; Zach. 13:7).

Il ne pouvait en être autrement. Entre l’arche (Christ) et le peuple, lors de leur entrée en Canaan, une distance d’environ deux mille coudées devait être maintenue : « N’en approchez pas, afin que vous connaissiez le chemin par lequel vous devez marcher ». Quel était-il ce chemin ? Il conduisait à travers le Jourdain qui « regorgeait par-dessus tous ses bords », et l’homme « n’avait pas passé par ce chemin ci-devant ». L’arche devait ouvrir le Jourdain devant le peuple (Josué 3:4, 6-15). Le Seigneur avait dit à Pierre : « Là où je vais, tu ne peux me suivre maintenant (Jean 13:36). Seul celui qui a reconnu la perdition complète de l’homme naturel peut comprendre ces paroles. Cela nous fait si souvent défaut, comme à Pierre et à l’autre disciple (Jean 18:15-16). De même le « certain jeune homme » qui avait voulu suivre Jésus, avait dû s’enfuir plein de honte, abandonnant « la toile de fin lin » dans laquelle il se confiait, pour rester dans sa misère et sa nudité absolues (Marc 14:51-52).

Et le Seigneur ? « La compagnie de soldats donc, le chiliarque et les huissiers des Juifs se saisirent de Jésus et le lièrent » (Jean 18:12). Les mains qui avaient fait tant de bien, qui venaient encore de guérir un de ses ennemis, qu’Il avait étendues pour protéger ses disciples, ces mains bénissantes n’ont trouvé de la part des hommes que des liens infamants et les clous des soldats de Rome.

 

44.2   OPPROBRES et CRACHATS

(Matt. 26:67-68 ; Marc 14:65 ;  Luc 22:63-65)

 

Occupons-nous maintenant de quelques-uns des détails que la Parole nous rapporte sur « la nuit dans laquelle le Seigneur Jésus fut livré », cette nuit où le « Seigneur de gloire », le « Créateur des extrémités de la terre » fut l’objet des traitements les plus infâmes et les plus brutaux de la part de ses créatures, — cette nuit où Il nous est présenté comme « méprisé et délaissé des hommes, homme de douleurs, sachant ce que c’est que la langueur » (És. 53:3).

Malgré notre désir d’entrer quelque peu dans ces choses, il est certain que notre conception reste bien au-dessous de la réalité. Combien la vie du Seigneur au milieu de son peuple avait été bienfaisante, remplie d’amour et de paix ! Il n’avait pas contesté et n’avait pas crié ; personne « n’avait entendu sa voix dans les rues ; il n’avait pas brisé le roseau froissé, ni éteint le lumignon qui fume » (Matt. 12:19). Tous les cœurs auraient dû être attirés à Lui. Mais, quoiqu’il fût venu chez les siens, « les siens ne l’ont pas reçu », et il a dû s’écrier : « Pourquoi suis-je venu, et il n’y a eu personne ? Pourquoi ai-je appelé et il n’y a eu personne qui répondît ? » Oui, il était devenu « Celui que l’homme méprise, Celui que la nation abhorre » (És. 50:2 ; 49:7). Quelle preuve de l’état de péché profond où se trouve l’homme ! « Ceux qui me haïssent sans cause sont plus nombreux que les cheveux de ma tête ». « Pour mon amour, ils ont été mes adversaires, ils m’ont rendu le mal pour le bien et la haine pour mon amour » (Ps. 69:4 ; 109:4).

Sept fois les Juifs avaient cherché à le faire périr, mais en vain : « Son heure n’était pas encore venue » (Jean 7:30 ; 8:20). Maintenant, elle avait sonné, et l’homme s’ingéniait à déverser sa rage sur la personne du Fils de Dieu, qu’il n’avait pu atteindre jusqu’alors. En présence du souverain sacrificateur, un huissier avait commencé par un soufflet aussi violent qu’infâme (Jean 18:22) ; au cours de la séance, les bourreaux, pour remplir les intervalles, s’acharnèrent à le maltraiter et à le couvrir d’injures. Ils lient les mains qui, peu d’heures auparavant, dans un amour et une condescendance incompréhensibles, avaient guéri l’oreille de Malchus ; ils couvrent les yeux qui venaient de jeter un regard plein de compassion au disciple qui l’avait renié (Jean 18:12 ; Luc 22:64 ; Marc 14:65). Sous l’influence de Satan, l’homme est passé maître dans l’art de manifester sa haine contre l’amour et la grâce de Dieu.

Ils Lui crachaient au visage ; comme l’avait déjà dit Job, « ils n’épargnaient pas à sa face les crachats » (Job 30:10). Si nous voulons avoir une idée de ce qu’un tel acte signifiait pour le Seigneur, lisons les paroles de l’Éternel à Moïse en Nombres 12:14. Ils Le frappaient de leurs poings, lui donnaient des soufflets et se moquaient de Lui, Lui couvrant les yeux, ils s’écriaient : « Prophétise-nous, qui t’a frappé ? », Lui demandant d’exercer pour leur plaisir cette capacité divine qu’il n’avait jamais employée que pour le bien des malheureux qui en avaient vraiment besoin. « Et ils disaient plusieurs autres choses contre Lui en l’outrageant ». Oui, « ils ont déchiré et ils n’ont pas cessé » (Luc 22:65 ; Ps. 35:15). Et Lui restait silencieux et tranquille, centre d’une scène si révoltante et horrible. Nous n’entendons pas un seul mot sortir de ses lèvres. « Il a été opprimé et affligé, et il n’a pas ouvert sa bouche, comme une brebis muette devant ceux qui la tondent ». « Il a donné son dos à ceux qui frappaient et ses joues à ceux qui arrachaient le poil ; il n’a pas caché sa face à l’opprobre et aux crachats » (És. 53:7 ; 50:6).

Nous savons pour qui Il endurait tout cela : « car à cause de Toi, j’ai porté l’opprobre, la confusion a couvert mon visage... et les outrages de ceux qui T’outragent sont tombés sur moi » (Ps. 69:7, 9). Et ce chemin devait Le conduire toujours plus loin dans la douleur et l’amertume, toujours plus seul dans la souffrance, jusqu’à la croix, jusqu’à la mort.

 

44.3   VOICI L’HOMME !

(Matt. 27:26-30 ; Marc 15:15-17 ; Jean 19:1-6)

44.3.1     

Placé devant ce choix unique dans l’histoire de l’humanité : Barabbas ou Jésus, le peuple — Son peuple — choisit Barabbas. Quel contraste ! Barabbas, le meurtrier rebelle, s’en va libre, et tandis que l’on détache les liens de ses mains, Celui que le plus haut magistrat du pays venait solennellement de déclarer « juste » est livré aux poings brutaux des huissiers et des soldats pour être, selon la coutume, traité de la manière la plus cruelle (Matt. 27:24, 26).

« Pilate prit Jésus et le fit fouetter » (Jean 19:1). Les évangélistes, conduits par le Saint Esprit, ne nous rapportent de cet acte inhumain et déshonorant que ce seul verset. « Des laboureurs ont labouré mon dos, ils y ont tracé leurs longs sillons » (Ps. 129:3).

Les courroies du fouet étaient garnies de grands clous recourbés ; il arrivait souvent qu’à la suite de la flagellation, les condamnés perdaient connaissance, ou même en mouraient. D’après ce que nous savons, on n’infligeait ce supplice qu’aux grands criminels.

Il est frappant de voir que le Seigneur, en annonçant ses souffrances à Jérusalem, mentionne tout spécialement la flagellation, une preuve de plus pour nous, qu’il s’agissait d’un degré tout particulier de son abaissement et de ses souffrances (Luc 18:33).

Cela ne suffisait pas encore. Quand le Seigneur sortit dans la cour, offert en spectacle aux vils instincts de son peuple, les soldats païens le maltraitèrent et le couvrirent d’opprobre. « Les soldats du gouverneur, ayant emmené Jésus au prétoire, assemblèrent contre Lui toute la cohorte » (Matt. 27:27). « Lui ayant ôté ses vêtements, ils Lui mirent un manteau d’écarlate » ; ils ajoutent au vêtement royal, la couronne d’épines et le sceptre de roseau. Puis ils fléchissent hypocritement les genoux devant Lui, Lui rendant hommage et disant : « Salut, roi des Juifs ! » (Matt. 27:28 ; Marc 15:17-19 ; Jean 19:2). Ils recommencent les brutalités du matin, sans se rendre compte de la lâcheté et de la bassesse de leur conduite envers Celui qui, non seulement ne se défendait pas, mais encore renonçait même volontairement à toute résistance.

Le cœur du gouverneur païen, persuadé de l’innocence de son prisonnier, mais manquant d’énergie pour le délivrer, ne peut se défendre de l’impression profonde que fait sur lui la personne du Seigneur, brisé par la souffrance qu’endurait son corps, abaissé et humilié, et pourtant infiniment grand et élevé au-dessus de toute cette scène. Il revient encore une fois en arrière et sort vers la foule. Ne trouverait-il peut-être pas quelque moyen de mettre un terme à cette scène cruelle ? Le peuple ne se montrerait-il pas enfin satisfait ? « Pilate sortit encore et leur dit : « Voici, je vous l’amène dehors afin que vous sachiez que je ne trouve en Lui aucun crime ». « Jésus donc sortit dehors portant la couronne d’épines et le vêtement de pourpre » (Jean 19:4). « Je vous l’amène dehors... » — « Jésus donc sortit dehors... » ; comprenons-nous ce que la Parole veut nous dire ? Aurions-nous pu dans une telle situation agir ainsi ? Et cela volontairement ? L’horreur de ce qui venait de se passer ne nous aurait-elle pas plutôt poussés à résister de toutes nos forces à paraître devant la foule dans un état qui appelait la honte et la risée ? Mais le Seigneur, Lui, « sortit dehors, portant la couronne d’épines et le vêtement de pourpre », et c’est ainsi que Pilate le présente une dernière fois à son peuple, tandis que sa voix retentit au-dessus de la multitude :

 

« VOICI  L’HOMME ! »

 

Oui, c’était un homme qui se trouvait là devant leurs yeux, et pourtant pas un homme comme nous tous. Des flots de sang avaient coulé sur la terre, depuis que le péché l’avait placée sous la malédiction, mais aucun chemin ne conduisait au Paradis perdu, dont l’entrée était gardée par « la lame de l’épée qui tournait çà et là ». L’état de l’homme était désespéré, le secours ne pouvait venir que de dehors. Il avait dit : « Voici, je viens, il est écrit de moi dans le rouleau du livre, pour faire, ô Dieu, Ta volonté » ; il était venu accomplir l’œuvre de la rédemption. Pour cela, il dut « en toutes choses être rendu semblable à ses frères » ; Lui aussi, « eut part au sang et à la chair » ; « Il s’est anéanti Lui-même, prenant la forme d’esclave, étant fait à la ressemblance des hommes » (Héb. 10:5 et suiv.  ; 2:14 et suiv.  ; Phil. 2:7). Il dut cependant s’abaisser plus encore. Quel accueil avait-il trouvé chez ceux qu’il était venu sauver ? « L’opprobre m’a brisé le cœur et je suis accablé ». « Il est venu chez soi, et les siens ne l’ont pas reçu » (Ps. 69:20 ; Jean 1:11).

Voici l’homme. De cet homme, il était écrit : « Tu les briseras avec un sceptre de fer ; comme un vase de potier, Tu les mettras en pièces ». Mais alors qu’avait-il à la main ? Un roseau dont ses ennemis se servaient pour Lui frapper la tête. Quand il reviendra sur la terre, il sera revêtu de « majesté et de magnificence ». Il sera « ceint de force », « Il aura sur son vêtement un nom écrit : Roi des rois et Seigneur des seigneurs » (Ps. 45:3 ; 93:1 ; Apoc. 19:16). Son vêtement, qu’était-il alors ? Le manteau sali d’un soldat, représentant, ô dérision, la pourpre royale ; la gloire du Roi d’Israël demeurait cachée sous des souffrances indicibles. Un jour, lorsque le monde le reverra, il y aura « sur sa tête plusieurs diadèmes », « une couronne d’or fin » (Apoc. 19:12 ; Ps. 21:3). Ici, sa couronne d’épines rappelle la malédiction divine sur la création prononcée en Éden à cause du péché d’Adam (Gen. 3:18). « Christ nous a rachetés de la malédiction... étant devenu malédiction pour nous » (Gal. 3:13). Un jour viendra où de sa bouche sortira une « épée aiguë à deux tranchants », mais alors il gardait le silence ; un jour, sa face sera « comme le soleil quand il luit dans sa force » (Apoc. 19:15), mais alors « son visage était défait plus que celui d’aucun homme et sa forme plus que celle d’aucun fils d’homme » (És. 52:14). Oui, voici l’homme « un homme de douleurs, sachant ce que c’est que la langueur, et comme quelqu’un de qui l’on cache sa face », méprisé et tenu pour rien.

 

44.3.2     

Quelle réponse Pilate obtint-il ? « Quand les principaux sacrificateurs et les huissiers Le virent, ils s’écrièrent, disant : Crucifie, crucifie-le » (Jean 19:6). Ainsi s’accomplit cette parole infinie de tristesse et de souffrance solitaire : « J’ai attendu que quelqu’un eût compassion de moi, mais il n’y a eu personne, ... et des consolateurs, mais je n’en ai pas trouvé » (Ps. 69:20).

 

44.4   La CROIX

(Matt. 27:33-38, 45-46 ; Marc 15:22-28, 33-34 ; Luc 23:33-35, 44 ; Jean 19:17-24)

 

44.4.1     

À six heures du matin environ, Pilate avait rendu son jugement. Les délibérations contre Jésus avaient commencé de très bonne heure ; dans ce jour de la « Préparation », le gouverneur craignait qu’il n’y eût quelque soulèvement dans la foule si nombreuse venue célébrer la Pâque à Jérusalem ; aussi s’était-il hâté d’arriver à une décision dans ce procès qui avait excité une telle agitation parmi les Juifs. Le Seigneur fut alors conduit sur le chemin douloureux qui menait à Golgotha, où à neuf heures (selon notre manière de compter), Il fut crucifié (Marc 15:25). Pendant six heures entières, trois sous l’ardent soleil de l’Orient, puis trois dans les ténèbres, Il endura sur la croix des souffrances toujours croissantes de la part des hommes et de la part de son Dieu, jusqu’au moment où Lui le Saint, le Prince de la vie entra dans la mort qu’Il devait vaincre par la résurrection. Mais occupons-nous d’abord de quelques détails de cette scène.

« Et L’ayant crucifié... », combien la Parole nous dit peu de chose de l’acte lui-même de la crucifixion (Matt. 27:35, etc). « Ils L’ont fait mourir, le pendant au bois » — « Jésus le Nazaréen ... vous l’avez cloué à une croix et vous l’avez fait périr par la main d’hommes iniques » (Actes 10:39 ; 2:22 et suiv. ). Le Seigneur dit : « Des chiens m’ont environné, une assemblée de méchants m’a entouré ; ils ont percé mes mains et mes pieds » (Ps. 22:16).

Quelle réserve le Saint Esprit met à nous parler de cet acte horrible, de ce crime épouvantable de la créature contre son Créateur, du pécheur perdu contre son Sauveur ! Son intention n’est pas d’agir sur nos sentiments. L’homme, lui, a fait le contraire ; par des images et des représentations sans nombre, il a cherché à parler aux sentiments, ou plus exactement à la chair. Avec quelle répulsion le croyant ne devrait-il pas se détourner de telles choses !

« Et L’ayant crucifié, ils partagèrent entre eux ses vêtements, en tirant au sort » (Matt. 27:35). Il semble d’après Matthieu et Marc que c’est la première chose qui se soit passée au pied de la croix. Le gain facile de quelques vêtements, le triste plaisir de s’enrichir sans peine, suffisent à éloigner de ces cœurs froids et endurcis toute impression de la scène d’agonie à laquelle ils assistent. Avec quel soin ils procèdent, faisant quatre parts, « une part pour chaque soldat », jetant le sort pour déterminer avec équité « ce que chacun en prendrait », dans ce lieu où la plus grande injustice humaine venait d’être commise (Jean 19:23 ; Marc 15:24).

Le peuple, tout aussi dépourvu d’intelligence, « se tenait là, regardant » ; pour lui, ce n’était qu’un « spectacle » de voir le Fils du Dieu vivant, cloué sur le bois maudit (Luc 23:35, 48).

Mais qu’était tout cela pour le Seigneur, suspendu dans une position si douloureuse, entre le ciel et la terre ? « Ils me contemplent ; ils me regardent ; ils partagent entre eux mes vêtements, et sur ma robe ils jettent le sort ». Abandonné des hommes, Il était là encore, solitaire et incompris, comme Il l’avait été durant toute sa vie, « semblable au pélican du désert, comme le hibou des lieux désolés, comme un passereau solitaire sur un toit » (Ps. 22:17 ; 102:6).

 

44.4.2     

« Mais depuis la sixième heure, il y eut des ténèbres sur tout le pays, jusqu’à la neuvième heure » (Matt. 27:45). Souffrances indicibles de ces trois heures de ténèbres, où Il était seul, où Dieu était contre Lui, qui pourra les sonder ?

 

Oh comme ils ont pesé sur Toi,

Seul, dans cette heure sombre,

L’abandon, l’angoisse et l’effroi,

De nos péchés sans nombre !

H.R.

 

Nous n’entendons pas une plainte, pas un gémissement du Sauveur qui souffrait ainsi ; ses lèvres restaient closes. Un seul cri s’en échappa « à la neuvième heure » : « Jésus s’écria d’une forte voix... » (Matt. 27:46). Tranquille et soumis, il avait gravi le chemin du Calvaire ; il avait dit des paroles d’amour et de grâce à sa mère, à son disciple, au brigand. Mais alors, ce fut un grand cri, révélant l’abîme de souffrance, infiniment profond, où, durant ces dernières heures, il avait dû descendre. « N’est-ce rien pour vous tous qui passez par le chemin ? Contemplez et voyez s’il est une douleur comme ma douleur... ». Ces paroles n’expriment-elles pas l’angoisse du Sauveur mourant, dans ce « jour de l’ardeur de la colère divine » ? (Lament. 1:12).

« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Matt. 27:46). Qu’Il fût « délaissé des hommes » (És. 53:3), qu’Il parcourût son chemin ici-bas dans une solitude croissante jusqu’à ce que tous soient « scandalisés en Lui » et Le laissent seul, — nous pouvons encore le comprendre ; c’était la conséquence de sa fidélité et de son obéissance à son Père dans un monde souillé et ennemi de Dieu. Mais maintenant, c’était Dieu qui L’abandonnait, Lui, qui ne « connaissait pas le péché », en qui « le chef du monde n’avait rien » (1 Pierre 2:22 ; Jean 14:30).

Combien peu nous entrons dans ce que fut pour Dieu cet abandon de son Fils ! Il dut cacher sa face de Celui qui était « venu pour faire sa volonté » et l’avait parfaitement accomplie (Héb. 10:9 ; Ps. 40:8). Au sujet du père et du fils, n’avait-il pas été dit, bien longtemps auparavant, lors du sacrifice d’Isaac : « Et ils allaient les deux ensemble » (Gen. 22:6, 8). Quand Abraham prit son fils, « son unique, celui qu’il aimait », pour l’offrir à Morija, Dieu intervint pour « qu’il n’étendît pas sa main sur l’enfant et ne lui fît rien ». Mais au Calvaire, Dieu n’intervint pas ; aucun ange n’apparut pour fortifier le Seigneur, comme dans « l’angoisse du combat » à Gethsémané (Gen. 22:2, 11 et suiv.  ; Luc 22:43). À la croix, Dieu détourna sa face, Il dut le faire, ô mystère des mystères : « Il plut à l’Éternel de Le meurtrir. Il L’a soumis à la souffrance » (És. 53:10).

Les pères « avaient crié vers Dieu », « ils s’étaient confiés en Lui », et ils n’avaient « pas été confus », mais Son cri n’a pas trouvé de réponse : « Un ver et non point un homme, l’opprobre des hommes ». Il fit l’expérience à côté de toutes ces souffrances qu’« il n’y avait personne qui secourût » (Ps. 22:1-11). Quelle scène, dépassant toute compréhension, d’entendre à la fin de sa vie le seul homme juste qu’il y eût sur cette terre déclarer à la face d’un monde impie qu’Il était abandonné de Dieu !

 

Tu fus seul sur la croix, buvant la coupe amère,

Sans qu’un cœur vint répondre à Ton cri douloureux !

A.L.

 

Il est descendu dans l’abîme dans lequel le péché avait amené l’homme, sous le jugement qui devait être notre part éternelle ; à notre place, Il a subi la mort, « le salaire du péché ». Ce qu’est le péché aux yeux de Dieu, l’homme le sait à peine, même lorsqu’il est venu à la lumière divine, mais le Seigneur dans sa sainteté intrinsèque a éprouvé toute l’horreur d’être fait péché devant Dieu : « Un abîme appelle un autre abîme à la voix de tes cataractes, toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi » (Ps. 42:7 ; 69:1 et suiv.  ; Jonas 2:4).

Oh ! quelle œuvre ! Quelle œuvre entièrement à la gloire de Dieu ! Oui, nous pouvons bien redire :

Voilà l’Agneau de Dieu qui ôte le péché du monde !

 

44.5   C’EST ACCOMPLI

(Matt. 27:47-50 ; Marc 15:35-36 ; Luc 23:45-46 ; Jean 19:28-30)

 

« Après cela, Jésus sachant que toutes choses étaient déjà accomplies, dit, afin que l’écriture fût accomplie : J’ai soif » (Jean 19:28). Son œuvre expiatoire touchait à sa fin ; cependant, de la prophétie, dont pas un iota ni un trait de lettre ne pouvaient tomber en terre, une parole devait encore être dite : « Ils ont mis du fiel dans ma nourriture », — cela avait eu lieu juste avant la crucifixion ; mais il manquait encore ceci : « ... et dans ma soif, ils m’ont abreuvé de vinaigre » (Ps. 69:21 ; Matt. 27:34).

« Quand donc Jésus eut pris le vinaigre, il dit : C’est accompli. Et ayant baissé la tête, il remit son esprit » (Jean 19:30). Maintenant, tout était terminé ; elle était achevée « l’œuvre que le Père Lui avait donnée à faire » (Jean 17:24). Avant de « remettre son esprit », il fait retentir une proclamation qui ne pourrait être plus grande et plus pleine de résultats ; tous devaient l’entendre, tous devaient le savoir : l’œuvre était accomplie.

C’est accompli ! Pour la première fois depuis la création, Dieu pouvait dire que « tout était très bon », que l’œuvre était parfaite. Des sacrifices sans nombre avaient été offerts sous la loi, chaque jour les sacrificateurs avaient accompli le service, mais l’épître aux Hébreux nous montre l’inutilité de toutes ces choses. « Car par une seule offrande, Il a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés » (Héb. 10:14).

C’est accompli ! Comme un cri de triomphe, ces mots avaient retenti dans le sombre silence du Calvaire, de ce lieu où venait de se livrer le combat le plus terrible qu’aient enregistré les annales du ciel et de la terre.

« Et Jésus, criant à haute voix, dit : Père ! entre tes mains je remets mon esprit. Et ayant dit cela, il expira » (Luc 23:46). Ce n’est pas de la crucifixion que le Seigneur est mort. Non, il expira avec un « grand cri » : avant lui, comme après lui, aucun crucifié n’est mort de cette manière. Nul autre que Lui-même n’avait de pouvoir sur sa vie : « Personne ne me l’ôte, mais moi je la laisse de moi-même ; j’ai le pouvoir de la laisser et j’ai le pouvoir de la reprendre ; j’ai reçu ce commandement de mon Père » (Jean 10:18). Le centurion romain « qui était là vis-à-vis de Lui » avait suivi sur sa face sainte toutes les marques de la souffrance, toute la douleur de cette agonie ; étonné d’une telle mort, il s’écrie : « Certainement cet homme était Fils de Dieu » (Marc 15:39).

Ainsi le Seigneur fut « ôté de l’angoisse et du jugement », il « livra son âme à la mort » (És. 53:8, 12). Il avait liquidé et réglé à jamais la question du péché. « Car en ce qu’il est mort, il est mort une fois pour toutes au péché ; mais en ce qu’il vit, il vit à Dieu » (Rom. 6:10).

« La mort qu’il devait accomplir à Jérusalem » était achevée ; il en avait fini pour toujours avec cette vie de souffrance, où, pour nous amener à Dieu, il avait été « l’Homme de douleurs ».

 

Suprême amour, grâce infinie !

Nous te voyons, Homme divin,

De l’humble crèche à l’agonie

Suivre Ton douloureux chemin.

Étranger, haï sur la terre.

Et des tiens même abandonné,

Tu pris enfin la coupe amère

Au jardin de Gethsémané.

 

Et Tu portas, sainte Victime,

Aux heures sombres de la croix,

Le jugement de notre crime,

Du courroux divin tout le poids !

Ô Seigneur ! nous Te rendons gloire.

À jamais dans un saint transport,

Nos cœurs chanteront Ta victoire :

Ton amour vainqueur de la mort.

A.L.