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LES ÉVANGÉLISTES

 

John Gifford Bellett

[Entre crochets figurent les ajouts de Bibliquest ; le positionnement des chapitres ainsi suggéré peut aider la lecture, mais n’est que partiel et imprécis, vu le style de l’auteur. — Nous attirons l’attention sur le fait que cet ouvrage de l’auteur est rempli d’allusions à d’autres parties de l’Écriture, y compris l’Ancien Testament. Les références n’ont pas été indiquées car il y en aurait trop. Le plus grand bénéfice de cet ouvrage sera tiré si l’on s’adonne à connaître de manière détaillée toute l’Écriture, et on ne peut pas profiter de sa lecture si on lit trop rapidement. Mais cela est vrai pour tout ce qui se rapporte à l’Écriture Sainte.

L’ouvrage complet « Les Évangélistes » comprend non seulement la présente étude sur Matthieu, Marc et Luc, mais une étude plus complète sur Jean déjà éditée séparément, ainsi que plusieurs documents qui seront aussi présentés séparément : Préface + Introduction aux évangiles en général + Divers caractères du Seigneur Jésus].

 

Table des matières :

1       ÉTUDE SUR L’ÉVANGILE DE MATTHIEU

1.1         [Introduction]

1.2         1ère partie : Ch. 1 et 2 [Le Bethléhémite annoncé par Michée]

1.3         2ème partie : Ch. 3 à 20 [La lumière en Galilée annoncée par Ésaïe]

1.3.1       [Ch. 10]

1.3.2       [Ch. 11]

1.3.3       [Ch. 13]

1.3.4       [Ch. 14]

1.3.5       [Ch. 14:13 à 17:22]

1.3.6       [Ch. 15:21-28]

1.3.7       [Contraste avec David]

1.3.8       [Ch. 16]

1.3.9       [Ch. 17 à 18]

1.4         3ème partie : Ch. 21 à 25 [Le Roi humble venant à Jérusalem selon Zacharie]

1.5         4ème partie : Ch. 26 à 28 [Mort et résurrection]

2       ÉTUDE SUR L’ÉVANGILE DE MARC

2.1         Introduction

2.2         1ère partie : Ch. 1 à 10

2.3         2ème partie : Ch. 11 à 13

2.4         3ème partie : Ch. 14 et 15

2.5         4ème partie : Ch. 16

3       ÉTUDE SUR L’ÉVANGILE DE LUC

3.1         Introduction

3.2         Luc, Ch. 1 et 2 — Naissance et jeunes années de Christ

3.3         Luc, Ch. 3 et 4 — Baptême, Généalogie et Tentation

3.3.1       Ch. 3

3.3.2       Ch. 4

3.4         Luc, Ch. 5 à 9:50 — Ministère en Galilée

3.4.1       Ch. 5

3.4.2       Ch. 6

3.4.3       Ch. 7

3.4.4       Ch. 8

3.4.5       Ch. 9:1-50

3.5         Luc, Ch. 9:51 à 19:27 — Voyage à Jérusalem

3.5.1       Ch. 9:51-62

3.5.2       Ch. 10

3.5.3       Ch. 11:1-13

3.5.4       Ch. 11:14-54

3.5.5       Ch. 12

3.5.6       Ch. 13

3.5.7       Ch. 14-16

3.5.8       Ch. 17:1-10

3.5.9       Ch. 17:11-19

3.5.10          Ch. 17:20 à 18:8

3.5.11          Ch. 18:9-30

3.5.12          Ch. 18:31-43

3.5.13          Ch. 19:1-27

3.6         Luc, Ch. 19:28 à 23 — Entrée à Jérusalem et tout ce qui suit jusqu’à sa crucifixion

3.6.1       Ch. 19:28 à ch. 20

3.6.2       Ch. 21

3.6.3       Ch. 22 et 23

3.7         Luc, Ch. 24

3.8         [Conclusion sur l’évangile de Luc]

3.9         [Conclusion sur les évangiles de Matthieu à Luc

 

 

1         ÉTUDE SUR L’ÉVANGILE DE MATTHIEU

1.1        [Introduction]

Dans cet évangile, et c’est là ce qui le caractérise, le Seigneur Jésus est présenté principalement dans ses rapports avec les Juifs. Il convenait que le Nouveau Testament s’ouvre par la présentation officielle du Seigneur à Israël. Les voies de Dieu sur la terre étaient en effet restreintes à ce peuple, ou plus exactement Il l’avait séparé pour lui-même, afin qu’Israël fût le centre autour duquel se rassembleraient toutes les nations, dans la lumière, la soumission et l’adoration.

Ces voies divines, glorieuses et parfaites comme elles ne peuvent manquer de l’être, sont marquées à la fois par la séparation et par la libéralité. Séparation parce qu’il est le Dieu Saint, libéralité parce qu’il est le Dieu de grâce Lors de la création, le fleuve avait sa source dans le jardin d’Éden, d’où il se divisait en quatre rivières pour arroser la face de la terre. Noé et ses fils furent placés dans le monde nouveau comme les élus de Dieu, préservés à travers le déluge, mais ils devaient remplir la terre et la gouverner pour Lui. Un peu plus tard, Abraham fut appelé seul du milieu des abominations qui remplissaient la terre, mais toutes les familles des hommes devaient être bénies dans sa semence. Et c’est ainsi qu’Israël devint le peuple de Dieu. À ce titre le trône comme aussi le tabernacle de l’Éternel demeuraient au milieu de lui, à charge pour lui d’être pour toutes les nations le centre du gouvernement divin et de la louange.

Tels sont les desseins et les façons de faire de Dieu : mise à part d’un peuple pour lui-même, mais libéralité de propos et de grâce se répandant sans limites sur le monde tout entier.

C’est parce qu’Israël était ce peuple mis à part qu’il était au centre des conseils divins touchant la terre et les nations. La lumière qui révélait Dieu était là, et il était le dépositaire des ordonnances qui faisaient connaître sa volonté, témoignage que Dieu se rendait à lui-même dans un monde de ténèbres et de révolte. Israël constituait en son temps un nouveau jardin d’Éden, le lieu où prenait sa source le fleuve qui devait arroser la face de la terre. Le Sauveur du monde devait être le Messie d’Israël ; celui qui apportait la vie aux hommes morts dans leurs péchés devait être son Roi. C’est pourquoi, à son apparition, il ne pouvait manquer de se présenter lui-même à l’acceptation de ce peuple, avec tous les bénéfices et l’efficacité de sa présence.

Il est donc convenable que les écritures du Nouveau Testament s’ouvrent en montrant le Seigneur Jésus pleinement et formellement proposé aux Juifs. Tel est effectivement le sujet de Matthieu. Il relate succinctement, quoique de manière complète et solennelle, la revendication des droits de Jésus, le Messie, sur son peuple Israël.

Conformément à ce propos, cet Évangile se divise clairement de la manière suivante :

 

1ère partie : Ch. 1 et 2 :

Première présentation du Seigneur Jésus à Israël, comme l’enfant né à Bethléhem, la ville de David — selon le prophète Michée.

 

2ème partie : Ch. 3 à 20 :

Seconde présentation que le Seigneur Jésus fait de lui-même à son peuple, comme la lumière levée de Zabulon et de Nephthali — selon le prophète Ésaïe.

 

3ème partie : Ch. 21 à 25 :

Troisième présentation que le Seigneur fait de lui-même à son peuple, comme le Roi juste, débonnaire et apportant le salut — selon le prophète Zacharie.

 

4ème partie : Ch. 26 à 28 :

Conséquences du fait qu’Israël a refusé le Seigneur à chacune de ces présentations.

 

Tels sont les thèmes de cet évangile ainsi que leur disposition sous sa forme la plus simple. Il s’agit de la mise à l’épreuve d’Israël pour savoir si oui ou non il accepterait son Messie. D’autres points de vue sont également envisagés çà et là, ainsi que nous pourrons le voir, mais l’Esprit, dans l’évangéliste, ne perd jamais de vue ce grand sujet constructeur. Considérons ce livre dans ces différentes parties, en demandant à Dieu d’agir sur nos cœurs et nos consciences.

 

1.2        1ère partie : Ch. 1 et 2 [Le Bethléhémite annoncé par Michée]

Jésus est né, mais il est né pour les Juifs aussi bien qu’il procède des Juifs. Sa généalogie nous est donnée depuis Abraham et depuis David, chefs et pères d’Israël. Sa naissance est annoncée en caractères qu’Israël pouvait lire en son propre langage. L’enfant qui est né est « Emmanuel » et « Jésus » : Dieu avec Israël et le Sauveur d’Israël. Le peuple peut dire maintenant : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné » (És. 9:6).

Jésus est né, roi des Juifs, et dans la ville même de David, dont il est fils et héritier, comme nous lisons : « de la semence de David selon la chair » (Rom. 1:4), bien qu’il soit le Seigneur de David (Matt. 22:45).

Les droits de la famille de David lui appartiennent et ces droits sont fondés sur un titre divin, en même temps que pleins de majesté et de gloire pour la terre.

En 1 Chroniques 17, l’alliance faite avec David, la promesse touchant sa maison et son trône sont annoncées par Nathan. La grâce doit être avec David pour toujours, la majesté de son trône et la stabilité de sa maison sont établies à jamais.

Cette alliance est citée au Psaume 89, mais assortie là de conditions touchant les descendants de David. S’ils n’étaient pas fidèles ils connaîtraient le jugement de l’Éternel. Nous savons ce qu’il en advint. La promesse conditionnelle, fondée sur la fidélité des enfants de David, fut perdue pour eux et par eux ainsi qu’en témoigne, génération après génération, l’histoire du royaume de Juda.

Mais discipline n’est pas oubli. La promesse est suspendue parce que les conditions n’ont pas été observées, que ce soit par l’infidélité d’un Salomon ou par la rébellion d’un Sédécias, mais elle subsiste de par la fidélité de Dieu, et entre les mains du Seigneur Christ. En lui toutes les promesses sont oui et amen.

C’est pourquoi à la naissance de Jésus l’Esprit vient rappeler, après tant d’années écoulées, l’alliance annoncée par Nathan. Cela ressort des paroles de l’ange Gabriel à Marie et également de celles de Zacharie (Luc 1). Jésus est introduit comme la semence de David, comme Celui dont les oracles de Dieu avaient parlé en 1 Chroniques 17 et dans le Psaume 89 (*).

 

(*) Hébreux 1:5 identifie Jésus avec la semence de David de 1 Chroniques 17).

 

Tout cela est simple et sûr, encore que ce soit un nouveau merveilleux témoignage des harmonies divines qu’on trouve dans l’Écriture. Il est précieux de voir la lumière briller ainsi après des siècles de ténèbres, quand la main des Gentils s’était appesantie sur Israël et que la gloire de David avait été mise dans la poussière. Le Christ, descendance de David, est introduit en Luc 2 et ici, en Matthieu 2, cette descendance est présentée dans la plénitude de sa forme et de son caractère — le Bethléhémite du prophète Michée. C’est ainsi que les Gentils viennent au roi des Juifs né à Bethléhem ; il fallait cela pour donner à ce moment toute sa solennité. Tous les prophètes l’avaient ainsi annoncé. Shilo devait sortir de Juda, mais à ce Shilo de Juda appartenait le rassemblement (ou obéissance) des peuples. Le roi d’Israël devait être le Dieu de toute la terre. Les Juifs étaient le peuple de Dieu, mais les Gentils devaient se réjouir avec eux. La racine d’Isaï devait être une bannière pour Israël, mais les nations devaient aussi la rechercher. Et notre prophétie de Michée parle le même langage ; car, après avoir mentionné le dominateur d’Israël qui devait naître à Bethléhem, il poursuit en disant de lui : « car maintenant il sera grand jusqu’aux bouts de la terre » (5:4). Voilà pourquoi nous avons la visite des sages de l’Orient lorsque cet enfant est né à Bethléhem. Ils viennent au « roi des Juifs qui a été mis au monde », pour l’adorer eux aussi.

Ainsi les Gentils paraissent comme devant Dieu en Sion, et les choses pour un moment (un moment plein d’une beauté typique quoique mystérieuse) sont placées dans l’ordre divin. Israël est à la tête. « La domination première » (Michée 4:8) est venue à la fille de Sion. Les Gentils s’effacent devant Israël et Jérusalem est recherchée par les extrémités de la terre.

La scène se déroule ainsi dans toute sa solennité. Rien ne manque pour que la présentation de l’enfant de Bethléhem soit complète suivant la prophétie de Michée. Si les hommes de Juda et les habitants de Jérusalem ne le reçoivent pas, ils seront sans excuse.

Or la réjection a été immédiate et péremptoire, scellée par des mains meurtrières qu’animait l’esprit du monde. Rien ne peut dépasser l’iniquité d’Hérode. Le trône à Jérusalem était à ce moment en sa possession, et il ne veut pas s’en dessaisir, bien que les titres d’un autre soient divins. Ses actes expriment qu’il ne veut pas le céder, fût-ce à Dieu lui-même. Et tel roi, tel peuple : Jérusalem aussi bien qu’Hérode est troublée par les paroles des hommes de l’Orient, et bientôt des exécuteurs, prêts à l’œuvre de mort, sont trouvés au commandement d’Hérode. Les sacrificateurs de l’Éternel avaient été frappés autrefois parce qu’ils avaient aidé David. Maintenant les enfants de Bethléhem périssent parce que le Seigneur de David est susceptible de se trouver parmi eux. La voix des pleurs est entendue à Rama. Le Messie de Bethléhem est refusé. Israël ne sera pas rassemblé et Hérode conservera la royauté, tandis que Jésus sera d’abord un exilé en Égypte et ensuite un Nazaréen étranger dans son propre pays.

Ainsi a lieu et ainsi se termine la première présentation du Christ à Israël. Elle est particulière à Matthieu, et, comme nous l’avons vu, caractéristique du propos divin dans cet évangile.

 

En revenant sur ces deux chapitres quelques points peuvent nous suggérer une ou deux pensées de plus.

Quelle force et quelle autorité ne trouvons-nous pas dans ce nom d’Emmanuel, « Dieu avec nous » ! Nos âmes ont besoin d’en être pénétrées, car Dieu avec nous est une pensée, un fait ou un mystère, devant quoi tout doit s’effacer. Nous en connaissons trop peu la valeur et la puissance. Hérode, le misérable acteur qui joue le rôle principal dans l’action du chapitre 2, ne connaissait rien de ce nom. L’amour passionné du monde possédait son cœur. Les choses invisibles avaient été mises à sa portée ; le monde des esprits et de la gloire, le monde qui compte pour la foi, le monde de Dieu et de ses anges avait été présenté à ses yeux et à ses oreilles. L’étoile, d’après le rapport des mages, ainsi que l’oracle du prophète, par l’interprétation des scribes, l’avaient fait entrer en contact avec lui. Mais ce monde-là dérangeait tous les plans d’Hérode. Son cœur refusait d’y prendre place ; car il n’avait rien appris de l’autorité suprême, mais exclusive, de ce seul mot : « Emmanuel ».

Les mages, au contraire, l’avaient heureusement appris. L’étoile les gouvernait. À son commandement ils s’étaient levés pour entreprendre un voyage long, en pays inconnu, mais dont le but était « Emmanuel ». Leurs âmes s’étaient soumises à l’autorité de la révélation de Dieu. Elle avait opéré en eux. L’intelligence et les décisions, les victoires et les consolations de la foi sont mises en évidence dans ce compte-rendu rapide de la visite des mages. C’est une histoire qui, dans sa mesure, peut prendre place à côté de celle d’Étienne en Actes 7. Toutes deux sont courtes mais brillantes.

Dans ces deux chapitres, Joseph lui aussi illustre la vie de la foi, non sans doute au même degré, mais suivant le principe : « Je me suis hâté, et je n’ai point différé de garder tes commandements » (Ps. 119 v. 60). Il peut y avoir en Joseph de la crainte et de l’infirmité, mais Dieu y fait face avec ses ressources, de même qu’il répond à la foi résolue et victorieuse des hommes de l’Orient par ses consolations. Joseph, ayant appris qu’Archélaüs régnait en Judée, à la place d’Hérode son père, craint d’y retourner, et Dieu en considération de ses craintes le dirige par un songe vers la Galilée. Je suppose que nous sommes beaucoup à avoir expérimenté, dans nos circonstances personnelles, la même tendresse et les mêmes égards pour notre faiblesse. Quand, par manque de foi, ou de cœur pour Jésus, nous ne pouvions nous élever jusqu’à lui, il est venu dans sa providence nous rencontrer à notre niveau à nous.

Les scribes aussi, dans ce chapitre 2, peuvent nous donner une leçon profitable, bien que pénible et humiliante. Ils manifestent la sécheresse de cœur qui accompagne une connaissance purement intellectuelle de l’Écriture. Se servant de la Parole ils enseignent leur chemin aux pauvres voyageurs, mais sans faire un pas avec eux, bien qu’il se soit agi d’aller vers Celui qui, suivant leur prophète, devait naître à Bethléhem. Ils laissent ces pèlerins, des hommes de Dieu, aller seuls ; eux-mêmes n’ont aucun besoin. Quel terrible tableau nous est donné là, et quel solennel avertissement pour nous !

 

1.3        2ème partie : Ch. 3 à 20 [La lumière en Galilée annoncée par Ésaïe]

Les années ont passé depuis le jour où l’enfant est né à Bethléhem. La longue période de soumission à ses parents dans l’humble Nazareth est maintenant terminée. Le temps de son obéissance sous la loi, comme celui qui avait été circoncis, a pris fin. Le moment est venu où, âgé d’environ trente ans, Jésus se présente comme la lumière du pays de Zabulon et de Nephthali, conformément à la prophétie d’Ésaïe.

Il y a cependant une introduction à cette seconde présentation du Christ à Israël, comme il y en avait une pour la première. Selon sa généalogie enregistrée, l’enfant descendait d’Abraham et de David ; c’était là sa généalogie légale, comme héritier et titulaire des droits assurés par l’alliance divine à ces chefs de la nation. C’est ainsi qu’il apparaît, nous l’avons vu, présenté solennellement comme le « Bethléhémite » de Michée.

De la même manière la lumière selon le prophète Ésaïe est maintenant introduite par le ministère de Jean qui prépare le chemin du Seigneur, et qui le précède, comme Ésaïe l’avait annoncé.

Le baptême de Jésus a lieu à ce moment par la main de Jean, car Jésus devait accomplir toute justice. Celui qui, sous la circoncision, avait pleinement honoré Dieu selon Moïse en accomplissant la justice demandée par la loi, accomplit ici encore toute justice, la justice annoncée par le Baptiseur.

Nous avons ensuite sa mise à part pour le service par la voix même du Père et l’onction de l’Esprit Saint. Puis vient la tentation, épreuve indispensable pour l’introduction du Seigneur dans son ministère.

Si l’œuvre qui est maintenant devant lui est la rédemption, s’il est là pour réparer et même bien plus que réparer le mal que le premier homme a introduit et que tous les autres hommes ont perpétué, il doit se tenir personnellement là où le premier homme a manqué et tous les autres à sa suite. Voilà pourquoi la tentation a lieu. Jésus est conduit par l’Esprit dans le désert, pour être tenté par le diable. L’Esprit qui, à son baptême, était descendu sous une forme corporelle comme une colombe et était demeuré sur lui, le conduit maintenant à s’opposer au serpent, qui est aussi le lion rugissant. Car le ministère figuré par la colombe, ministère de grâce envers les pécheurs, ne fait qu’un avec la pleine défaite du destructeur des hommes. Jésus vient pour sauver les pécheurs et pour détruire les œuvres du diable.

Ainsi, dès le commencement de son ministère, et comme pour s’y introduire lui-même, Jésus rencontre Satan. Il se montre inébranlable. Ève céda au serpent parce qu’elle abandonna la parole de Dieu. Jésus lui résiste par cette parole. Aucune attaque de l’Ennemi ne prévaut contre Lui. Celui qui était saint dès le sein de la vierge est toujours aussi saint dans sa pleine maturité. Il prouve qu’il échappe à la faillite générale de l’homme et qu’il ne fait pas partie des captifs de l’homme fort. Il laisse Satan sans aucun droit contre lui et ainsi Il le lie.

Ce fait que Satan est lié est le premier grand acte de notre Rédempteur à l’égard du destructeur.

Il s’avance alors pour entrer dans la maison de l’homme fort et piller ses biens.

Plus tard, au moment convenable, il brisera la tête du serpent au Calvaire. Puis dans l’avenir il le chassera du ciel (Apoc. 12). Il le liera ensuite dans l’abîme (Apoc. 20). Et finalement il le jettera dans l’étang de feu (Apoc. 20).

Telles sont les voies de notre grand libérateur envers notre adversaire, et il les commence ici, dans le désert de la tentation. Combien cela est simple et cependant glorieux, parfait dans son ordre, puissant dans son accomplissement, du commencement à la fin. Personne ne lie ou ne brise Satan si ce n’est Jésus, le Fils de Dieu. L’homme fort a trouvé un homme plus fort qui est entré dans sa maison ; nous avons cela en figure dans l’histoire de Samson. Bientôt le Dieu de paix brisera Satan sous les pieds des saints, mais il appartenait à Jésus, le Fils de Dieu de lier l’homme fort et de briser la tête du serpent. C’est là son œuvre à Lui seul.

Voilà donc l’introduction à son ministère. Maintenant, ayant accompli toute justice tant sous la loi de Moïse que sous le baptême de Jean, approuvé et reconnu du Père aux yeux de qui les pieds de ce Messager étaient infiniment beaux, oint du Saint Esprit, ayant lié l’homme fort, le Fils s’avance pour accomplir sa course. Jean alors avait été jeté en prison et son service se trouvait achevé. Afin que l’Écriture soit en toute chose parfaitement accomplie en lui, le Seigneur s’en va en Galilée et vient demeurer à « Capernaüm qui est au bord de la mer, sur les confins de Zabulon et de Nephtali,... chemin de la mer au-delà du Jourdain, Galilée des nations : le peuple assis dans les ténèbres a vu une grande lumière ; et sur ceux qui sont assis dans la région et dans l’ombre de la mort, la lumière s’est levée » (ch. 4:13, 15 ; És. 9:1, 2). Cette grande lumière se leva dans des régions qui bordaient le monde des Gentils, destinée qu’elle était, dans sa puissance pleine et finale, à éclairer toutes les nations.

Tout cela est précieux aussi bien que parfait. Et cette grande lumière était la lumière de la vie. Elle se levait dans l’ombre de la mort, car les ténèbres qu’elle venait disperser étaient les ténèbres de la mort. L’ignorance qu’elle rencontrait dans l’homme était une ignorance fatale. L’homme est étranger à la vie de Dieu à cause de l’ignorance qui est en lui, à cause de l’endurcissement de son cœur (Éph. 4:18). La lumière qui allait briller désormais était une lumière vivifiante, celle de « l’Éternel qui te guérit ». Il allait de lieu en lieu faisant le bien. Il prêchait et enseignait, mais guérissait aussi. Les besoins et la misère de l’homme tombé, l’âme et le corps, tels étaient ses objets. Il laissait derrière lui, où qu’il aille, dans les villes et les villages d’Israël, la santé avec des actions de grâces.

Il commence son service comme Jean avait commencé le sien, en appelant à la repentance, et en proclamant la même grande vérité. « Repentez-vous, car le royaume des cieux s’est approché » (ch. 4:17). Et de même que Jean avait donné au peuple des instructions morales en rapport avec la repentance que réclamait un ministère tel que le sien, de même le Fils, le Bien-Aimé, enseigne maintenant de façon appropriée à la repentance ou à l’entendement renouvelé ce que quelqu’un comme lui devait attendre des siens. Le Fils, dans son enseignement, doit nécessairement aller plus loin que Moïse, le législateur ; et il ne peut se conformer non plus à Jean qui était venu « dans la voie de la justice ». C’est ce que nous voyons dans le sermon sur la montagne, le premier et grand exemple de l’enseignement du Seigneur Jésus. Nous avons vu des principes moraux dépassant la mesure de Moïse, et une abondance de grâce, une lumière de pureté absolue, une puissance de victoire sur le monde, une humilité, un dévouement et une infinie bonté, enfin des détails d’esprit, de caractère et de conduite dans lesquels le Baptiseur n’était jamais entré.

Ce n’était pas là pourtant prêcher l’évangile. Il s’agissait des principes moraux qui convenaient à l’école où le Fils enseignait, et qu’il ne communiquait qu’aux disciples sur la montagne, après quoi il lui fallait redescendre pour rencontrer toute espèce de douleur et de besoin parmi le peuple, au pied de la montagne. Le lépreux, l’esclave du centurion, la belle-mère de Pierre et toute la multitude des malades qui venaient à lui, étaient mis à même de connaître la vertu qui était en lui, le divin médecin qui s’occupait de leur cas. Nul médicament n’était nécessaire. C’était le Prince de la vie lui-même qui les guérissait. Il leur apportait sa sympathie en même temps que la guérison. Celui qui était maintenant en chemin vers l’autel comme l’Agneau de Dieu pour « ôter le péché du monde », sur sa route prenait nos langueurs et portait nos maladies. Tel était Jésus en Israël (ch. 8:17). Il n’avait pas de remèdes, il ne prescrivait aucun soin ou traitement. Il parlait et la chose avait lieu. Il touchait la fièvre et elle s’en allait, la lèpre et elle était nettoyée. Partout se manifestait cette intense personnalité, si l’on peut parler ainsi, cette pleine et profonde sympathie, et ce contact comme d’œil à œil, de bouche à bouche, de main à main, et cependant sans souillure. C’était Dieu connaissant le bien et le mal et agissant en conséquence. Jésus a porté tous nos fardeaux et infirmités en sympathie, aussi bien qu’en expiation, mais il était sans tache à travers toutes ces choses. Il en était séparé selon la sainteté de Dieu, tout en agissant à leur égard selon la grâce et la puissance de Dieu.

Et cependant sur la terre il n’était rien et ne possédait rien. On s’adressait à lui comme à un Maître, mais ceux qui voulaient le suivre devaient faire leur compte qu’ils n’auraient ni la tanière du renard ni le nid des oiseaux, car lui-même n’avait pas où reposer sa tête. En entreprenant notre rédemption il avait fait la perte de toute chose, cette perte que l’homme avait encourue par le péché. Par droit personnel ce Fils de l’homme possédait toute chose ; il n’avait jamais perdu Éden, ni la place de l’homme dans la création de Dieu, dans sa plénitude, son ordre et sa beauté.

Toutefois, malgré son titre personnel, ayant gardé son premier état alors qu’Adam l’avait perdu, malgré tout cela, dis-je, il ne revendiquait rien. Lui qui n’avait rien perdu, il ne voulait rien avoir. Il n’était exposé judiciairement à aucune sanction ou peine ; la terre sur laquelle il avait le droit de marcher n’était pas celle des épines et des ronces, mais il se chargeait volontairement de toute souffrance, de toute privation. Il marchait tous les jours de sa chair comme étant habitué à l’affliction, jusqu’au moment où il se livrerait lui-même entre les mains des hommes méchants qui s’approcheraient pour dévorer sa chair (Ps. 27:2), bien qu’il puisse avoir du ciel douze légions d’anges pour le secourir. C’est ainsi qu’ayant droit à toutes choses, il ne réclame rien. « Les renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des demeures ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête ».

Et cependant, malgré tout ce dépouillement de lui-même, il était au-dessus de ce qui l’entourait. Il domine la maladie et la tance, il parle aux vents et aux vagues et ils lui obéissent. Il commande aux démons, et à son ordre ils quittent un lieu pour entrer dans un autre, eux qui pourtant sont prêts à se vanter de leur liberté d’aller çà et là sur la terre et de s’y promener (Job. 1:7 ; 1 Pierre 5:8). Il pardonne aussi les péchés. La belle-mère de Pierre dans sa fièvre, la mer de Galilée avec ses vents et ses vagues, le pauvre Gadarénien dans sa folie furieuse, le paralytique à Capernaüm dans ses péchés et dans sa maladie, tous ceux-là témoigneront de l’autorité suprême et universelle qui était en lui.

Il lui est accordé d’accomplir son œuvre pendant un court espace de temps (le temps du chapitre 8) sans opposition ni empêchement. Mais ce ne fut qu’un bref répit donné dans ce monde au Seigneur de gloire. L’enfant de Bethléhem avait reçu pour un moment l’hommage des Gentils ; mais tôt après il était sur la route de l’Égypte. De même dans la deuxième présentation du Seigneur à son peuple dont il a été question plus haut, la lumière de Galilée envoie un rayon ou deux à travers les ténèbres, mais les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière. Le monde prouve, dans les Juifs, qu’il aime ses propres ténèbres et combattra pour elles, irrité de ce que la lumière ait maintenant brillé. Les chefs du peuple sont scandalisés en lui parce qu’il est le fils de Joseph, le charpentier de Nazareth comme ils disent. Ils l’accusent de blasphème quand il pardonne les péchés, ils l’accusent d’être un ami des publicains et des pécheurs quand il accomplit les œuvres de la grâce, d’être Béelzébul parce qu’il chasse les démons, de violer le sabbat parce qu’il soulage et guérit sans estimer un jour plus qu’un autre. Ils lui demandent des signes, bien qu’il remplisse chaque moment et chaque endroit de signes clairs comme le matin sans nuage ou le ciel du soir. Ils l’accusent de violer les traditions lorsqu’il insiste sur les commandements de Dieu ! « Quel accord », nous pouvons bien le demander, « y a-t-il entre la lumière et les ténèbres ? » Si l’hostilité au début ne se montre que timidement, elle va bientôt croître pour se déchaîner, haineuse et sans crainte. Comme il en avait été d’Hérode et de Jérusalem, de même en est-il maintenant des docteurs et des villes d’Israël. Jérusalem avait été émue un instant avec Hérode aux paroles des mages de l’Orient ; ces villes sont maintenant d’accord avec leurs docteurs pour rejeter la lumière qui brille sur le pays. Jésus doit se lamenter sur elles, car elles ne se repentaient pas. Il y avait bien une multitude qui le suivait, mais c’était en réalité une foule instable. Les disciples sont tirés de la masse de la nation, mais Jésus devait moins trouver de rafraîchissement en eux qu’avoir à les supporter jour après jour, et nous savons comment les choses finirent entre lui et eux.

Le fait que dans ce temps-là le Seigneur voyait Israël comme un troupeau sans berger et sans pâture, est plein d’une signification solennelle pour nous, en notre temps. Quand il vit la multitude il fut ému de compassion pour elle, « parce qu’ils étaient las et dispersés, comme des brebis qui n’ont pas de berger » (9:36). Et pourtant il y avait alors en Israël beaucoup de religion. Les sectes étaient nombreuses, les fêtes étaient observées et il y avait une grande agitation lorsqu’il s’agissait de marquer un jour solennel. Les Juifs de cette génération devaient bientôt se rendre témoignage à eux-mêmes qu’ils ne pouvaient entrer au prétoire des Gentils sans en être souillés et par là empêchés de célébrer la Pâque. L’argent destiné à acheter le sang d’un homme innocent ne pouvait être versé au trésor ; on craignait d’être exclu de la synagogue et on se glorifiait en Moïse ; les Gentils étaient méprisés et on fuyait les Samaritains ; la pureté cérémonielle était préservée ; les docteurs abondaient et leur zèle était grand. Et cependant aux yeux de Celui qui le voyait tel qu’il était, Israël était sans berger, un troupeau qui n’était ni gardé ni nourri. Le pays était un champ qui avait besoin d’un labourage de printemps. Ce n’était pas alors le temps de la moisson, comme cela aurait dû être avec toutes ces formes religieuses, et l’héritier de la vigne étant venu. Dans les pensées du Seigneur de la moisson, c’était plutôt le temps de refaire les premiers travaux, un temps de semailles ; et les serviteurs devaient être envoyés dans le champ avec la charrue et la semence, et nullement avec la faucille.

 

1.3.1        [Ch. 10]

Or les serviteurs doivent compter qu’il en sera d’eux comme il en a été de leur Maître. En envoyant les douze, au chapitre 10, le Seigneur leur donne un ministère de guérison semblable au sien, mais il les avertit de ce qui les attend, c’est-à-dire qu’ils doivent être comme des brebis au milieu des loups, qu’ils seront traduits devant les magistrats et les gouverneurs à cause de lui, qu’ils trouveront des ennemis dans leurs propres familles, qu’ils auront à souffrir jusqu’à la fin et seront appelés Béelzébul comme lui-même l’a été. Il connaissait par expérience les circonstances qui devaient accompagner leur témoignage pour Dieu dans un monde tel que celui-là. Le soleil qui apporte la guérison dans ses rayons s’était levé et Israël aurait dû chanter : « Mon âme, bénis l’Éternel et n’oublie aucun de ses bienfaits. C’est lui qui pardonne toutes tes iniquités, qui guérit toutes tes infirmités » (Ps. 103:2, 3). Mais l’Israël de ce temps ne pouvait pas apprendre ce cantique, car il refusait d’être guéri. Israël « n’a pas voulu ».

Cela est étrange, car l’homme sait bien apprécier son propre avantage. Il se réjouit d’une guérison, et le retour à la santé et à l’activité est toujours bienvenu. Mais telle est l’inimitié de la nature humaine, que si les bénédictions viennent accompagnées de la revendication des droits et de la présence de Dieu, elles ne rencontrent pas un bon accueil ici-bas. Nous aimons les bonnes choses qui nous flattent et nous satisfont, mais non les choses qui rapprochent Dieu de nous. Et cependant nous ne pouvons rien attendre d’autre de Christ. En même temps que la bénédiction il met Dieu pour ainsi dire à notre portée. C’est là son don, bon et parfait (Jacques 1:17), c’est sa voie et son œuvre en ce monde. Il glorifie Dieu tandis qu’il sauve le pécheur. Si l’homme a été ruiné, Dieu a été déshonoré, et Jésus accomplit une œuvre parfaite, qui revendique le nom et la vérité de Dieu aussi sûrement et pleinement qu’il apporte à l’homme la délivrance, la vie et la bénédiction.

Il en a été ainsi toujours et nécessairement dans les voies de Dieu dans ce monde. Ses droits en justice ont été constamment réclamés de même qu’il a toujours été répondu aux besoins du pécheur. Dieu ne renoncera jamais à sa gloire pour nous bénir. Il assure les deux choses : il est juste tout en justifiant. La simple clémence n’existe pas dans ses voies, mais bien, pour le pécheur, la grâce fondée sur la satisfaction des droits de Dieu. Le sang est sur le propitiatoire, il témoigne que la rançon a été payée, et donne à la grâce une pleine liberté pour nous ouvrir toute son abondance. La justice et la paix se sont entre-baisées.

C’est là la puissance et le caractère de la croix, mais c’est aussi le principe du ministère, le point qui est maintenant devant nous dans cet évangile. Quand le Seigneur se présentait lui-même, comme au chapitre 4, il guérissait tous ceux qui étaient malades et tourmentés. Il chassait les démons et purifiait les lépreux. Mais en même temps il prêchait disant : « Repentez-vous, car le royaume des cieux s’est approché » (4:17). Il publiait les droits de Dieu, tout en pourvoyant aux besoins de l’homme. De même au chapitre 10. Envoyant les douze apôtres aux brebis perdues de la maison d’Israël, il leur donne aussi la mission et le pouvoir de guérir les malades, de nettoyer les lépreux, de ressusciter les morts et de chasser les démons, mais il leur commande en même temps de prêcher disant : « Le royaume des cieux s’est approché ». Les droits de Dieu, je le répète, devaient être publiés, en même temps que les misères de l’homme étaient soulagées.

Mais c’est précisément cette œuvre du Seigneur, pleine et parfaite, que le cœur de l’homme n’est pas préparé à recevoir. Et pourtant là est Sa gloire. L’homme est béni, mais Dieu s’est approché de lui. Cela ne fait pas l’affaire de l’homme. La manne, qui vient directement et continuellement du ciel, sera bien vite un objet de dégoût pour l’homme, bien qu’elle soit blanche comme la semence de coriandre et douce comme le miel. Et pareillement Jésus et ses serviteurs seront repoussés et auront à souffrir bien qu’ils dispensent la santé à travers tous les villages du pays. Cela paraît étrange, mais l’inimitié de la chair permet de l’expliquer.

Il y a dans le ministère du Seigneur encore bien des détails d’un intérêt particulier, comme nous en avons vus dans sa naissance. Toutes les circonstances qui ont entouré sa naissance en tant que Béthléhémite (chap. 1 et 2), n’appartenaient qu’à cet évangile de Matthieu. De même dans notre seconde partie, Matthieu est le seul évangéliste qui introduise le ministère du Seigneur comme la lumière venue de Galilée, conformément au prophète juif. Il est également le seul qui nous parle de la limitation apportée à la mission des douze : « Ne vous en allez pas sur le chemin des nations, et n’entrez dans aucune ville des Samaritains ; mais allez plutôt vers les brebis perdues de la maison d’Israël » (10:5, 6). Il n’y a que lui qui nous parle du royaume comme du royaume des cieux, un titre qui présente le caractère national et dispensationnel du royaume plutôt que son caractère moral abstrait, lequel est donné par l’expression : « Le royaume de Dieu ».

 

1.3.2        [Ch. 11]

La délégation envoyée par Jean le Baptiseur pour demander qui était le Seigneur Jésus se trouve aussi mentionnée dans Luc. Il en est de même de la douleur causée au Seigneur par l’incrédulité des villes d’Israël. Dans Matthieu elle se place à la fin du chapitre 11. Le Père, le Fils, toutes choses livrées au Fils, la famille enseignée et amenée par le Père, en grâce souveraine et par la lumière et la puissance de son Esprit, sont les objets présents en ce temps-là à la pensée du Seigneur. Il entre, pour ainsi dire, sur le territoire que nous le voyons occuper dans l’évangile de Jean. Naturellement l’occasion l’appelle à agir ainsi. Il venait de considérer le désert moral d’Israël et de là il regarde au propos et à l’action du Père, lequel vivifie les âmes en grâce pour les introduire dans le repos que le Fils, dispensateur de cette vie qui vient du Père, avait en réserve pour eux. Et cela est plus caractéristique de l’évangile de Jean, que tout autre passage de Matthieu.

Les récits et les situations dans Jean se distinguent de ceux que nous avons dans les autres évangiles. En Matthieu et en Marc, il n’y a, pour ainsi dire, pas d’illustrations de la puissance vivifiante, aucun cas dans lequel cette opération divine constitue le sujet ou l’activité principale. L’appel de Matthieu lui-même, au chapitre 9, en serait l’exemple le plus caractéristique. D’une façon générale les cas de guérison sont des illustrations de la foi exercée.

Dans Luc nous avons les deux côtés ; mais plus généralement comme en Matthieu et Marc celui de la foi exercée. Toutefois dans les cas de Pierre (chap. 5), du lépreux samaritain (chap. 17), de Zachée (chap. 19) et du brigand sur la croix (chap. 22) nous voyons la puissance vivifiante de Dieu à l’œuvre et des hommes amenés à la vie.

Inversement dans Jean nous n’avons guère qu’un seul exemple de la foi exercée, mais plusieurs du commencement de la vie. Le Seigneur de la cour à Capernaüm (ch. 4) fournit cette illustration de la foi, mais dans toutes les autres rencontres du Seigneur c’est la vivification qui est placée devant nos yeux, pour notre bénédiction. Dans André, Pierre, Philippe et Nathanaël, dans la femme samaritaine et dans les Samaritains que sa parole éveilla, dans la pécheresse du chapitre 8, dans le mendiant aveugle du chapitre 9 et dans Nicodème aux chapitres 3, 7 et 19 nous voyons apparaître la vie divine, don de la puissance de Dieu.

Cette distinction est remarquable et tout à fait caractéristique de chacun des évangélistes. Dans Matthieu, comme nous l’avons vu, le Seigneur est au milieu de son peuple, rendant témoignage de lui-même en grâce et en puissance et mettant à l’épreuve l’état moral d’Israël. Il en est de même dans Marc avec, si je puis dire, une beauté particulière. Cependant nous ne devons pas nous attendre à trouver là des exemples de vivification, mais bien des exemples de foi (une foi trouvée là comme dans un résidu), ou au contraire le triste témoignage d’une incrédulité générale. Dans Luc, le champ est plus large, le Seigneur plus libre d’agir comme celui qui est venu non seulement vers Israël mais vers l’homme en général, et par conséquent nous avons un déploiement plus étendu de son œuvre, des exemples plus variés d’exercice de foi comme de la puissance vivifiante de Dieu. Mais en Jean le Seigneur est le Fils de Dieu qui donne la vie, la Parole faite chair, pleine de grâce et de vérité, donnant aux pécheurs la puissance pour devenir des enfants de Dieu. Et cela place le Fils immédiatement et seul avec les âmes pour opérer son œuvre bénie de vivification.

Cette diversité est d’une signification aussi frappante qu’admirable. Dans notre évangile le Seigneur mettait donc Israël à l’épreuve, mais ce fut pour le trouver totalement en défaut. La Lumière avait fait à nouveau son œuvre dans le pays. Elle aurait voulu réveiller les hommes de leur sommeil, et ensuite les consoler et les guider, selon sa propre vertu, mais les ténèbres « ne l’ont pas voulu ». La Lumière, en retour, manifestait tout. Elle jugeait en manifestant, c’est-à-dire jugeait moralement tout ce qui l’entourait ; le jugement effectif, la main du Seigneur l’accomplirait plus tard. Pour le moment, il ne contestait pas, ni ne criait ; on n’entendait pas sa voix dans les rues. Il ne brisait pas le roseau froissé ni n’éteignait le lumignon qui fume. Il pillait les biens de l’homme fort, mais, comme autrefois Samson, il ne touchait pas à Israël. Jésus n’était pas venu pour juger, mais pour sauver.

Pour dépeindre le dernier et le pire état dans lequel le peuple juif devait tomber, le Seigneur utilise la comparaison de l’esprit immonde sortant, puis retournant, trouvant la maison balayée et ornée, et demeurant là de nouveau avec sept autres esprits plus méchants que lui. Israël était devenu semblable aux Gentils. Leur circoncision pouvait être comptée pour incirconcision. Jésus est venu chez les siens, mais les siens ne l’ont pas reçu. De telle sorte que la pensée du divin Maître prend une nouvelle direction et la lumière qui s’était levée en Galilée afin d’illuminer le pays tout entier devait maintenant (en esprit ou par anticipation) projeter ses rayons sur d’autres parties plus éloignées de la terre.

 

1.3.3        [Ch. 13]

C’est ce que nous avons au chapitre 13 qui nous donne, pour la première fois, une anticipation complète de la période actuelle.

L’activité du Seigneur, dès le premier verset, y a cette signification. « Il sortit de la maison et s’assit près de la mer » (v. 1). Jusqu’à maintenant, le monde des Gentils n’avait pas été considéré comme le champ de ses travaux. La foi d’un Gentil l’avait, déjà au temps du chap. 8, conduit à parler de ceux qui viendraient de l’Orient et de l’Occident, pour s’asseoir avec Abraham, avec Isaac et avec Jacob, dans le royaume ; mais ce n’était qu’un regard rapide de cet œil qui observe toute chose et connaît la fin dès le commencement. Ce n’était pas encore le regard attentif de Celui qui a acquis et préparé le champ de ce monde pour être le lieu du labourage divin par l’évangile. Mais maintenant, dans le chapitre 13, cet œil divin considère le monde des nations et s’y arrête. Car c’est là qu’avant longtemps l’Esprit et la vérité seraient à l’œuvre à l’égard de l’homme. Le Seigneur de la moisson y aurait sa culture, et non plus dans les cités et les villages d’Israël. « Le champ est le monde ».

À présent aussi le Seigneur commence à parler en paraboles, fait profondément caractéristique de ce moment-là, car cette façon de parler était une sorte de jugement sur Israël. C’était comme la colonne de nuée entre Israël et les Égyptiens ; seulement cette fois Israël est mis du côté des ténèbres. Le Seigneur, comme il nous le dit lui-même, parle maintenant en paraboles afin que soit accomplie la parole du prophète : « En entendant, vous entendrez et vous ne comprendrez pas, et en voyant vous verrez et vous n’apercevrez pas ». Telle est la raison pour laquelle il commença à employer des paroles obscures. Chacune d’elles comportait son sens caché, mais il n’était pas donné à Israël de le connaître.

Le Seigneur avait un peuple qui serait instruit dans les mystères, les mystères du royaume, par le moyen de ces paroles, mais Israël était laissé par elles dans les ténèbres. La sentence d’aveuglement de leurs yeux commençait à s’exécuter sur eux, bien que leur dispersion ne soit pas encore intervenue.

Le Semeur, dans la parabole qui ouvre ce chapitre, est parmi les hommes. Il est sorti, et « le champ est le monde ». C’est pourquoi, dans tout le chapitre, le Seigneur est, en esprit ou par anticipation, au milieu des Gentils, traçant dans une série de paraboles l’histoire de son évangile dans le monde, pendant le temps actuel des nations. Il considère le champ dans lequel a été semée l’ivraie, image du mélange de bien et de mal, qui caractérise aujourd’hui la chrétienté. Par les paraboles suivantes de la semence de moutarde et du levain, il annonce la prédominance du mal. Puis dans celles du trésor et de la perle, il révèle combien a de prix mais aussi combien est cachée la chose la plus excellente. N’est-ce pas là un tableau exact et vivant de ce qui est arrivé, et de ce que nous voyons actuellement de nos propres yeux ? N’y a-t-il pas devant nous un champ de semences mélangées, l’œuvre du Seigneur et celle de l’Ennemi, ce qui est de l’Ennemi ayant la prépondérance, ce qui est d’un grand prix et qui est de Dieu étant caché ? Quelle anticipation de ce que nous voyons, de ce que nous ne pouvons pas ne pas voir, tout autour de nous ! Le monde d’aujourd’hui, cette partie de la terre qui est la scène du travail du semeur, est véritablement un champ plein d’ivraie, un champ de semences mélangées. Mais la foi sait que le temps de la séparation est proche. Il va y avoir une moisson comme l’enseigne plus loin une autre de ces paraboles. Cette période aura sa fin, quand le filet qui a été jeté dans la mer aura été tiré sur le rivage, les bons poissons amassés dans les paniers et les mauvais jetés dehors.

Dans sa structure et dans les éléments qui le composent, ce chapitre est particulier à l’évangile de Matthieu. Certaines de ces paraboles ne se trouvent nulle part ailleurs, et celles qui sont communes à Matthieu, Marc et Luc prennent ici une liaison particulière.

Il s’agissait d’un moment à part dans le ministère du Seigneur. Des « choses nouvelles et des choses vieilles » étaient devant lui, les mystères du royaume des cieux. Le royaume des cieux lui-même, le gouvernement du Dieu des cieux sur la terre et sur les nations, n’était pas une chose nouvelle. Daniel en avait explicitement parlé et tous les prophètes à leur manière et selon leur mesure en ont témoigné. Mais le royaume dans les conditions où le Seigneur le présente dans ce chapitre était une chose entièrement nouvelle, étrangère à toutes les pensées et à toutes les déclarations des prophètes. L’aveuglement des yeux et l’endurcissement du cœur exécutés en gouvernement sur Israël, et pendant cette période la semence de Dieu, la parole de grâce et de vérité, semée dans le champ lointain du monde, voilà ce que ce chapitre place devant nous, et tout cela était certainement nouveau. Dieu connaît la totalité de ses œuvres depuis le commencement de la création (Actes 15:18), mais ses saints ont souvent à attendre qu’arrive le moment convenable à leur mise au jour. Ce chapitre correspond à un tel moment pour la révélation de quelques-unes d’entre ces œuvres. Le Seigneur un instant abandonne en esprit Israël, et nous introduit par anticipation dans l’histoire des nations, notre propre histoire.

Mais ce n’est que pour un court moment. Avant la fin du chapitre nous le trouvons de nouveau, en esprit aussi bien qu’en action et en réalité, au milieu d’Israël ; non plus au bord de la mer exposant en paraboles les mystères du royaume des cieux, mais enseignant et guérissant dans les synagogues, par tout son propre pays. Son travail se rapportait aux brebis perdues de la maison d’Israël et il ne devait pas s’en détourner.

 

1.3.4        [Ch. 14]

Cette nouvelle période de l’œuvre du Seigneur, après cet intervalle du chapitre 13, s’ouvre sur un très sérieux événement. Hérode avait fait mettre à mort Jean le Baptiseur.

L’exemple d’Hérode à ce moment-là est terriblement significatif de l’état du cœur de l’homme. Nous lisons à son sujet : « En ce temps-là, Hérode le tétrarque entendit parler de la renommée de Jésus ; et il dit à ses serviteurs : C’est Jean le Baptiseur ; il est ressuscité des morts, et c’est pourquoi les miracles s’opèrent par lui » (ch. 14:1, 2).

Une mauvaise conscience est comme un hôte remuant et agité dans le cœur humain. Une bonne conscience au contraire est calme et ne fait pas de bruit. Une mauvaise conscience est portée à agir hâtivement, s’alarme pour n’importe quoi, s’effraie sans motif. C’est elle qui réveille dans les frères de Joseph le sentiment de leur culpabilité, alors qu’ils sont innocents et accusés à tort.

La conscience d’Hérode n’avait cessé de lui représenter l’image de Jean mis à mort, et les faits les plus éloignés s’associaient aisément, dans son esprit, avec cette image. Les œuvres de Jésus lui suggéraient que Jean était ressuscité des morts, et cette pensée lui était un enfer, car véritablement la résurrection d’un homme assassiné doit être intolérable pour le cœur de son meurtrier. Elle témoigne que Celui dans les mains de qui sont les issues de la vie et de la mort s’est mis lui-même du côté de la victime. Telles étaient à ce moment les appréhensions d’Hérode, et telles seront bientôt les appréhensions du monde. Au jour de la manifestation de la puissance de Jésus que le monde rejette aujourd’hui, « les rois de la terre et les grands et les chiliarques et les riches et les forts et tout esclave et tout homme libre »... tous « diront aux montagnes et aux rochers : Tombez sur nous et tenez-nous cachés de devant la face de celui qui est assis sur le trône et de devant la colère de l’Agneau » (Apoc. 6:16).

Cette page de la vie d’Hérode parle ainsi au monde, car la résurrection dit au monde que Dieu dans les lieux très hauts s’est mis lui-même du côté de Celui que l’homme a méprisé et rejeté.

 

1.3.5        [Ch. 14:13 à 17:22]

La nouvelle du martyre de Jean est rapportée au Seigneur, et elle le touche d’une manière évidente. Il y entre d’autant plus que la mort du plus grand des prophètes annonçait son propre sort. Si l’on avait agi ainsi à l’égard du messager, que pouvait attendre le Seigneur du temple ? Si Jean avait été mis à mort, que serait-il fait à Jésus ? Telles devaient être les pensées naturelles de son âme à ce moment. Il peut dire ensuite à ses disciples en parlant de Jean : « Ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu ; ainsi le Fils de l’homme va souffrir de leur part » (17:12). Son esprit sans doute, à ce moment, devance l’heure de son propre rejet, car il nous est dit qu’il se retira en un lieu désert à l’écart (14:13). Comme nous le voyons dans l’évangile de Jean quitter la Judée parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir (Jean 7:1 ; 10:31, 40) de même maintenant, en apprenant qu’Hérode avait fait mettre Jean à mort, il se retire. Et depuis ce moment, pour un temps, c’est-à-dire du chapitre 14:13 jusqu’au chapitre 17:22, il continue son ministère dans des parties éloignées du pays. Il connaît le danger et ne veut pas le rencontrer avant son heure. Il se retire hors de son atteinte, pour autant que cela pouvait se faire, sans se dérober à ce qui devait lui arriver. Ainsi pour un temps on ne le voit plus dans son chemin habituel, à Capernaüm ou dans ses environs, ni non plus en Judée ou à Jérusalem.

Combien il est parfait à chacun de ses pas, le sentier de notre Maître durant cette remarquable période ! Sans que sa gloire personnelle en soit affectée en quoi que ce soit (et nous savons qu’il n’était rien moins que Dieu sur toutes choses béni éternellement), il était cependant homme avec toutes les sensibilités propres à l’humanité. Ces détails dans son histoire, qui nous parlent de la faiblesse de ses circonstances parmi les hommes, sont aussi précieux que les œuvres puissantes qu’il accomplit pour eux dans toute sa divine puissance. Le voyageur fatigué assis au puits de Sichar est pour notre âme une vision non moins précieuse que celle du Seigneur transfiguré en gloire sur la montagne. Or, à ce moment, depuis le temps du chapitre 14:13 jusqu’à celui du chapitre 17:22, nous le voyons vraiment dans toute la faiblesse des circonstances humaines. Sa vie est menacée par la main de l’homme, et il se retire. Nous le suivons d’abord dans un endroit désert, puis sur une montagne à l’écart, ensuite à Génésareth, puis sur les frontières les plus éloignées de l’ouest, puis à nouveau sur la montagne, à l’orient sur les côtes de Magdala, puis encore au point le plus au nord, et enfin sur une haute montagne qui en esprit ou en mystère était le ciel lui-même (ch. 14:13, 23, 34 ; 15:21, 29, 39 ; 16:13 ; 17:1).

Sentier admirable, parfait, naturel pour les pieds de cet homme glorieux, à ce moment exposé, en danger, chassé comme David ainsi qu’une perdrix sur les montagnes.

Mais bien que conscient du péril et par conséquent marchant dans un isolement relatif, ne s’exposant pas légèrement, il nous montre qu’il n’était pas effrayé par l’Ennemi qui le menaçait, et qu’il n’oubliait rien de l’amour et du service qu’en grâce il devait à son peuple. Car c’est durant ce temps que nous le voyons répondre encore et toujours aux provocations de ses adversaires et c’est durant ce temps aussi qu’il nourrit une fois de plus la multitude qui s’attend à lui.

Oui, combien il est glorieux, moralement, ce chemin de Jésus qui brille ici devant nos yeux. Il ne méprise pas le danger qui le menace, et cependant ce danger ne le trouble pas au point d’oublier comment il doit se comporter envers ses amis et envers ses ennemis, à l’égard de ceux qui dépendent de lui comme à l’égard de ses persécuteurs. Fruit précieux en sa saison de cet arbre qui avait été planté près des ruisseaux d’eau !

 

1.3.6        [Ch. 15:21-28]

Mais il y a plus encore à considérer dans ces chapitres. Pendant que le Seigneur passe sur les côtes de Tyr et de Sidon, il est recherché par une Cananéenne. Elle lui apporte sa douleur, elle lui donne sa confiance. Elle voudrait se servir de lui, et c’est justement ce en quoi l’amour se réjouit, c’est là la joie même qu’il était venu chercher dans le monde, de la part des pécheurs. Elle sait qu’il est à la fois puissant et plein d’amour pour la servir. N’est-ce pas l’occasion pour lui de montrer l’intérêt tendre et touchant qu’il porte aux affligés ?

Or voilà qu’en dépit de toute la détresse de cette femme, le Seigneur affirme des principes divins et passe outre. Il dit aux disciples, elle l’entendant : « Je ne suis envoyé qu’aux brebis perdues de la maison d’Israël ». Et à elle-même : « Il ne convient pas de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens ». Mais elle s’incline. Elle le reconnaît pour être le dispensateur de la vérité de Dieu, et elle ne supposerait pas, ne fût-ce qu’un moment, qu’il puisse sacrifier cette vérité à elle-même et à ses besoins. Elle laisse Dieu se glorifier selon ses propres conseils, et Jésus continuer d’être le témoin fidèle de ces conseils, bien qu’elle reste toujours dans sa douleur. Elle répond : « Oui, Seigneur, car même les chiens mangent des miettes qui tombent de la table de leurs maîtres ». Le fruit produit dans cette âme par la main du divin ouvrier est admirable et parfait. Elle ne voulait être bénie qu’en accord avec les principes et les voies de la grâce et du gouvernement de Dieu, dont elle reconnaît le Seigneur comme le témoin sûr et infaillible.

La mère de Jésus en Luc 2 était bien au-dessous de cette femme cananéenne de Matthieu 15. Elle ne savait pas que Jésus devait être aux affaires de son Père, et aurait préféré qu’il l’accompagne. Cette étrangère, elle, savait que c’était des affaires de son Père qu’il devait toujours s’occuper et elle laissait les mains fidèles de Christ magnifier les voies de Dieu, même si cela devait la mettre elle-même de côté. Quel beau témoignage de sa soumission à Dieu et combien ses paroles durent être bienvenues au cœur du Seigneur, en un moment où il était profondément attristé par tout ce qu’il rencontrait dans son propre peuple !

Un homme ordinaire n’aurait pas manqué d’employer une telle occasion pour lui-même. Si Israël l’a rejeté, les nations le recherchent. Puisque les dangers venant de son peuple l’ont éloigné et que les étrangers l’ont reçu, certainement il pouvait changer sa position. Ainsi aurait raisonné la nature. Une Syrophénicienne le sollicitait alors qu’Israël le refusait. N’allait-il pas passer la frontière ? Non, il était l’homme obéissant. Il n’ira pas comme un autre se réfugier auprès du roi de Gath ou au pays des Philistins. Il ne prend pas conseil de la chair ni du sang, ni ne s’autorise des circonstances ou de la providence. Il avait été envoyé comme le Ministre de la circoncision, pour la confirmation des promesses faites aux pères, et bien qu’Israël ait pu oublier la voix de ses prophètes et ses espérances nationales, il ne pouvait, lui, oublier sa mission. C’est à eux qu’il appartient et non aux Gentils, et il le fait savoir à ces derniers. Il ne dépensera pas la puissance qui est en lui en faveur de la Syrophénicienne ni ne laissera sa grâce répondre à ses besoins jusqu’à ce qu’elle ait pris sa propre place de femme des nations, place subordonnée à Israël. Alors il lui donne tout ce qu’elle demandait : « Ô femme, ta foi est grande, qu’il te soit fait comme tu veux ».

 

1.3.7        [Contraste avec David]

Cela est proprement admirable et parfait. Le danger éloignait le Seigneur dans des montagnes retirées et dans des déserts, mais il ne fuit pas la face de l’ennemi par peur, ni ne suspend son service d’amour par ressentiment. Il n’oublie pas les droits des autres, bien que lui-même subisse injustices et souffrances de leur part. Dans des circonstances analogues, comme nous le voyons en 1 Samuel 21 à 30, David est loin de nous offrir un semblable tableau. Certes, à plus d’un égard sa marche glorifie Dieu, mais il est loin d’être un modèle en tout. Si admirable et aimable qu’il fût, et dépassant beaucoup d’hommes de foi, il manqua tristement à différents moments de sa vie. Ses mensonges à Nob coûtent la vie des sacrificateurs de l’Éternel, ses mensonges à Gath causent la perte de Tsiklag. Il laisse parler la vengeance dans son cœur et doit être détourné de son dessein par la sagesse d’une femme. Il aurait été trouvé combattant contre le peuple de Dieu dans les rangs des incirconcis, si Dieu n’avait tourné contre lui l’esprit des princes des Philistins.

Et cependant David peut être compté parmi les plus nobles des enfants des hommes. Mais le David de 1 Samuel 21 à 30 n’est pas le Jésus de Matthieu 14:16, bien qu’il se soit trouvé dans des circonstances semblables. Ils étaient l’un et l’autre à l’écart à cause du danger et de la menace du pouvoir établi en Israël, dans leurs jours respectifs, mais la comparaison des deux histoires prouve seulement, une fois de plus, « qu’il y en a Un » et « qu’il n’y en a point d’autre que lui ». Point d’autre pour nos péchés, point d’autre pour la gloire de Dieu. De bonnes choses ont pu être dites ou ont pu être faites par les témoins d’autrefois, mais toute perfection, de quelque nature que ce soit, réside en Jésus seul. Heureuse pensée, contraste bienvenu ! Personne que Jésus ! En lui seul le pécheur acquiert la délivrance, en lui seul Dieu trouve sa gloire. Ces pensées s’imposent à nous tandis que nous suivons le sentier du Seigneur à travers cette partie de notre évangile. Il est précieux de nous y être attardé un moment. Mais elle se termine et nous devons en considérer la fin, que nous avons au chapitre 18.

 

1.3.8        [Ch. 16]

La netteté avec laquelle nous distinguons un objet dépend avant tout de la lumière dans laquelle il se trouve, et notre jouissance d’une perspective est essentiellement déterminée par la façon dont nous l’approchons. Comme nous l’avons vu, c’était à cause de l’incrédulité d’Israël que le Seigneur s’était placé dans le champ où devait croître l’ivraie, et c’est cette même incrédulité qui le fait prendre place maintenant sur la montagne de la gloire. Il nous faut bien saisir cela pour apprécier sa position dans le chap. 13 comme dans le chap. 17.

Chaque pas de son sentier béni sur la terre et au milieu d’Israël laissait les traces de Celui qui était venu comme le réparateur des brèches. Il était là, nous pouvons le dire, renouvelant avec son ancien peuple une alliance de guérison et de salut. Mais « ils ne l’ont pas voulu ». Le riche et le pauvre, le roi et la multitude apportent leurs différents témoignages à cette déclaration : « Ils ne l’ont pas voulu ».

Dans le palais du roi Hérode, la harpe, le luth et le vin étaient là, et aussi le sang du juste. Le péché de Babylone était trouvé en Israël, et plus que le péché de Babylone. La fête d’Hérode était pleine de rites plus horribles que ceux qui avaient amené les doigts d’une main d’homme à écrire la sentence de mort sur Belshatsar et son royaume. Les vases du temple avaient été profanés dans le palais de Babylone, mais ici fut répandu le sang du juste. Telle était la voix que faisait entendre le palais royal. Mais les solitudes de Césarée de Philippe (16:13) rendaient ce même témoignage qu’Israël « ne voulait pas ». « Qui disent les hommes que je suis, moi le Fils de l’homme ? » demande le Seigneur aux apôtres alors qu’ils étaient ensemble. Mais il n’obtint d’eux aucune réponse montrant qu’il avait été reçu par son peuple. L’exultation du prophète : « Un enfant nous est né, un fils nous a été donné », l’exultation du vrai Israël au sujet de son Messie, n’était pas partagée par ce peuple. Ils pouvaient avoir de bonnes et honorables pensées à l’égard de Jésus en l’assimilant à Élie ou à Jérémie, mais cela ne suffisait pas. Il restait un inconnu pour eux.

C’était un moment décisif. Il faut nous y arrêter un peu. Nulle confession inférieure à celle ci : « Le Fils du Dieu vivant » ne convenait. Le peuple, disais-je, pouvait avoir de hautes et respectables opinions touchant Jésus. On pouvait parler de lui comme d’un homme éminent comme d’un prophète, Élie ou Jérémie, mais aucune de ces appellations ne pouvait être agréée ; seule peut l’être la foi qui comprend et reçoit Jésus comme « le Christ, le Fils du Dieu vivant ».

Et pourquoi cette foi seule peut-elle convenir ? Parce que notre état de ruine dans ce monde, conséquence du péché et de la mort, demandait la présence de Dieu lui-même au milieu de nous, et cela dans le caractère de vainqueur du péché et de la mort. Celui que Dieu a envoyé est précisément celui-là. Il est le Fils du Dieu vivant, Dieu manifesté en chair, venu ici-bas dans le dessein même d’apporter la vie au milieu de cette scène de mort, en détruisant les œuvres du diable et en ôtant le péché. Il est celui même que réclame notre condition de ruine et, si dans nos propres pensées nous croyons pouvoir nous contenter de moins que cela, nous montrons que nous n’avons pas conscience de notre condition réelle, notre condition en la présence de Dieu. Toute acceptation de Christ qui n’atteint pas cette mesure n’a aucune valeur. Ce n’est pas là le recevoir. Qu’il soit un prophète et un roi, qu’il soit quelqu’un qui fait des merveilles et qui révèle les secrets (Gen. 41:45) ; si c’est là tout ce que nous savons de lui, autant dire que ce n’est rien.

La foi a une œuvre grande et noble à accomplir sur une scène telle que ce monde et dans des circonstances telles que la vie humaine en offre tous les jours. Elle doit atteindre ses propres objets à travers de nombreux obstacles, et habiter dans son monde à elle en dépit de tout ce qui s’y oppose. Elle s’occupe des choses qui ne se voient pas, des choses qu’on espère, et ces choses sont à distance, ou derrière un voile ; il faut donc que la foi soit active et énergique pour les saisir et pour en jouir.

En Jean 11 nous sommes devant une scène de mort, qui correspond à notre condition de ruine dans ce monde. Chacun, sauf le Seigneur lui-même, n’a d’autre pensée que la mort. Les disciples, Marthe et ses amis, Marie elle-même ne parlent pas d’autre chose. Et jusqu’à ce moment leur foi n’allait pas au-delà de la mort. Au milieu d’eux tous Jésus est seul à discerner la vie et à en parler. Il s’avance dans cette pleine conscience, portant en lui-même la lumière là où tout était ténèbres et tristesse. Mais il manquait chez les autres la foi, seule capable de le découvrir, lui. Marthe représente cette absence de foi, exactement comme la multitude en Matthieu 16:14. Elle rencontre le Seigneur, mais sa meilleure pensée à son sujet est celle-ci : tout ce qu’il demandera à Dieu, Dieu le lui donnera. Or cela ne répond pas à la situation. Ce n’est pas là la foi qui fait son œuvre propre en découvrant la gloire cachée en Jésus de Nazareth.

Certes il fallait que le Fils s’anéantît lui-même. Il devait prendre la forme d’un serviteur, être obéissant jusqu’à la mort. Il devait se couvrir comme d’un nuage et demeurer caché sous un voile épais, un voile non seulement de chair, mais d’une chair en humiliation, en faiblesse et en pauvreté. Mais, faisant tout cela, il ne peut admettre l’absence de la foi, cette foi dont le propre est de le découvrir, lui. Il ne peut accepter de pensées erronées à son égard. Il attend de ceux avec lesquels il marche, qu’ils découvrent sa gloire par la foi.

Il reprend donc Marthe. Au lieu d’admettre que comme elle l’a dit, Dieu lui accordera ses demandes, il lui déclare avec l’autorité de sa propre gloire personnelle : « Ton frère ressuscitera ». Et au lieu de suivre l’arrière-pensée de Marthe qu’il le ressusciterait au dernier jour, il lui annonce : « Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, encore qu’il soit mort, vivra ; et quiconque vit, et croit en moi, ne mourra point, à jamais » (Jean 11:25).

Combien tout cela se recommande à nos âmes ! Le Seigneur ne veut pas donner de place à cette imparfaite intelligence de sa personne. Il était indispensable que dans les richesses de sa grâce il s’anéantît lui-même : il ne fallait rien de moins pour que nous soyons délivrés de nos péchés. Mais il est nécessaire que la foi fasse une pleine découverte de sa personne sous le voile de son anéantissement volontaire.

Mais, si nous avons en Marthe l’incrédulité qui n’atteint pas à une juste appréciation de Jésus, il est précieux de voir en Pierre, dans l’occasion rapportée par notre passage, une image de la foi qui, par l’opération de Dieu, découvre la gloire cachée de Jésus. Pierre savait cela par une révélation de la part du Père. La chair et le sang ne pouvaient le lui faire connaître, ils n’avaient aucune part dans ce qui était affaire de foi. Cette vérité concernant Jésus était une révélation à Pierre, comme elle doit être une révélation pour chacun de nous.

En entendant les pensées du peuple à son sujet, Jésus se tourne vers ses disciples et leur demande : « Et vous, qui dites-vous que je suis ? » Pierre alors fait sa confession : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Quelle satisfaction, oui, quelle joie pour le cœur du Seigneur ! La gloire d’une révélation directe de la part du Père à l’esprit et à l’intelligence de l’un des siens, brillait maintenant devant lui. Et il connut le délice d’un tel instant. « Tu es bienheureux, Simon Barjonas, car la chair et le sang ne t’ont pas révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux ». Puis il établit ce mystère (qu’il était le Christ, le Fils du Dieu vivant) comme le sûr fondement de tout ce qui devait être édifié pour l’éternité.

Ce fut en vérité un grand moment auquel il convient de nous attarder quelque peu. Nous nous sommes détournés pour entendre les paroles de Marthe en Jean 11 et nous en avons pris occasion pour mettre en contraste leur insuffisance, qui appelait un reproche de la part du Seigneur, avec cette parole de Pierre prononcée sur une révélation du Père et attirant la satisfaction et le plaisir du Seigneur. Mais ce moment était fertile en grands résultats. L’obscurité où l’homme se trouvait, touchant le Fils du Dieu vivant, fut aussi le moment de la révélation de ce Fils, que le Père avait faite à Pierre. Tout cela donne son caractère à cette grande occasion et le Seigneur nous instruit par elle.

Une fois l’incrédulité de la terre mise en évidence devant lui par ce que les disciples lui rapportent des opinions des hommes à son sujet, il n’y a, pour ainsi dire, plus qu’un pas entre lui et le ciel. C’est à cela qu’il prépare ses apôtres ; Il va placer devant eux une vision du royaume dans son jour de puissance et de gloire, quand celui que la terre rejetait maintenant apparaîtra dans sa magnificence. « En vérité je vous dis », déclare le Seigneur aux douze « il y en a quelques-uns de ceux qui sont ici présents qui ne goûteront point la mort jusqu’à ce qu’ils aient vu le Fils de l’homme venant dans son royaume ».

 

1.3.9        [Ch. 17 à 18]

Et six jours après, en accomplissement de cette promesse, le Seigneur prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les mène à l’écart sur une haute montagne où il leur est donné de le voir dans son corps glorifié, avec Moïse et Élie apparaissant eux aussi en gloire.

Il n’y avait jamais eu jusqu’alors de vision semblable. Abraham et Jacob avaient vu des anges et même le Seigneur des anges en personne, mais sa gloire était voilée devant eux. Gédéon et Manoah l’avaient vu également, et de même Josué. Le buisson ardent, la fente du rocher et le sommet du Pisga avaient placé Moïse dans la compagnie même de Dieu. Jacob vit l’échelle dont le sommet atteignait aux cieux. Moïse et les anciens d’Israël contemplèrent le Dieu d’Israël avec le ciel sous ses pieds, comme un ouvrage de saphir transparent. Les prophètes l’avaient vu dans ses vêtements mystiques, Ésaïe dans le temple et Daniel au bord du fleuve Hiddékel. Élisée eut une vision particulière, non du Seigneur, mais du char d’Israël et de sa cavalerie, ainsi que de l’ascension du prophète son maître. Et dans un sens cette dernière vision était la plus merveilleuse de toutes, puisqu’elle élevait ce serviteur au niveau des conseils célestes de Dieu. C’était en figure l’enlèvement des saints tel qu’il aura lieu au jour de 1 Thess. 4. C’était une ascension ; cependant ce n’était pas encore une vision d’hommes dans la gloire. Élisée vit l’escorte céleste mais non pas un corps humain glorifié. Nous pourrions dire qu’il était plutôt en 1 Thessaloniciens 4 qu’en 1 Corinthiens 15. Mais alors, sur la sainte montagne, Pierre, Jacques et Jean furent plus favorisés qu’Élisée de l’autre côté du Jourdain. Ils virent Élie en gloire, ce que n’avait pas vu Élisée.

Ainsi jusqu’à ce jour il n’y avait pas eu de vision comparable à celle de notre chapitre 17. Celle d’Étienne ultérieurement sera plus grande encore. Mais jusqu’alors jamais des hommes n’avaient été vus comme ils l’étaient maintenant, en gloire personnelle, transfigurés selon l’image du céleste. Et si la présence du Seigneur nous était plus précieuse, cette grande circonstance serait aussi plus chère à nos mémoires. La lumière de la sainte montagne, où la majesté de Jésus fut vue pendant un instant, et où la voix de la gloire magnifique fut entendue, transporterait nos cœurs bien au-delà de ce qu’ils sont accoutumés d’éprouver, si je puis m’exprimer pour d’autres. Ainsi en était-il à ce point de notre évangile. L’incrédulité d’Israël, et de la terre entière, scellée par la réponse que le Seigneur reçut à la question : « Qui disent les hommes que je suis, moi le Fils de l’homme ? » le conduisit au ciel pour un moment. Car, si la terre n’était pas prête à l’accueillir, le ciel dans sa gloire la plus haute était devant lui.

Toutefois, de même qu’au chap. 13, le coup d’œil du Seigneur sur le champ d’ivraie de la chrétienté, cette scène n’est que pour un moment. Son travail est en Israël et en rapport avec la terre. Il y retourne promptement.

Mais nous avons constaté au ch. 13, par toute l’importante série de paraboles dont il est formé, que le Seigneur, en esprit, poursuit son travail parmi les Gentils et dans la dispensation présente — la nôtre. Quelque chose d’analogue peut être remarqué après cette visite au ciel du chapitre 17. Car, bien que le Seigneur retourne à Israël et à la terre, cependant à travers cette nouvelle étape de son ministère qui ne se termine que par l’entrée à Jérusalem au chapitre 21, il reste en lui quelque chose de cette atmosphère céleste. Il descend de la montagne et laisse de côté ses vêtements de gloire, mais ses paroles conservent une saveur céleste. La lumière qui avait brillé de Zabulon sur les villes et les villages du pays, était maintenant pénétrée de gloire céleste ; et son rayonnement apporte quelque chose d’en haut.

C’est ainsi qu’après avoir placé un petit enfant au milieu de ses disciples afin de reprendre leur orgueil, le Seigneur parle de l’Église dans ses principes étrangers à ce monde, ainsi que de sa place et de son autorité par le Saint Esprit. Puis dans le cours des chapitres suivants, il commente du même point de vue céleste la loi du mariage, il prescrit au jeune homme riche une loi d’une perfection céleste : « Tu auras un trésor dans le ciel ». Il fait à ses serviteurs des promesses de même nature quant à la place d’honneur qui leur sera donnée dans la régénération, ou le royaume millénial à venir. Ainsi, nous le sentons, le Seigneur est redescendu de la sainte montagne sur la terre avec en lui quelque chose, vif et profond à la fois, de l’esprit du ciel.

Souvenons-nous de cela. Non pas que Jésus soit glorifié au pied de cette montagne comme il l’avait été à son sommet. Il ne fait pas non plus de l’Église ou de l’appel céleste l’objet de son ministère. Cela aurait été hors de saison. Le mystère de l’Église devra attendre un autre ministère, avec le don et la présence de l’Esprit Saint envoyé à la suite de la glorification de Jésus. Toutefois, si momentanée qu’eût été cette anticipation de la gloire céleste, c’en est assez pour nous apprendre que la lumière de Galilée s’était maintenant enrichie de quelque chose de cette gloire.

Et en même temps je crois que nous pouvons nous rendre compte que, bien que revenu à Israël son peuple sur la terre, Jésus, dans une certaine mesure, se tient maintenant à distance de lui. Il est moins souvent avec la multitude au cours de ces chapitres. Certes il les reçoit lorsqu’ils le cherchent et leur répond lorsqu’ils l’interrogent. Mais il paraît cependant maintenir une certaine distance entre Lui et eux.

Cette distance pourtant n’était pas un abandon. Le temps pour cela n’était pas encore pleinement venu. Une période longue et sombre au cours de laquelle sa face serait cachée, attendait Israël, mais elle n’était pas commencée dans les jours de Matthieu 18-20. (*)

 

(*) Au commencement du chap. 19 (v. 1) le Seigneur commence à abandonner la Galilée. Depuis le temps du chapitre 4:12 il avait été dans ces contrées, selon l’évangile de Matthieu, comme la lumière de Zabulon et de Nephtali, mais maintenant il commence à se mettre en chemin pour la Judée. Car, comme nous le verrons, c’est en Judée et non en Galilée qu’il va se présenter à Israël pour la troisième et dernière fois.

 

Nous avons donc vu Jésus présenté à Israël comme le Bethléhémite du prophète Michée et comme la lumière de la Galilée du prophète Ésaïe. Nous l’avons vu méprisé et rejeté, provoqué et épié. Nous avons entendu ses lamentations sur les villes du pays à cause de leur incrédulité. Nous l’avons vu, en deux moments mystiques différents, prenant place soit dans le monde parmi les Gentils, au chapitre 13, soit dans le royaume avec les saints glorifiés au chapitre 17. Mais il n’en avait pas encore fini avec Israël, ce peuple objet d’un si long et si patient amour. La gloire au temps d’Ézéchiel ne se décidait pas à quitter son ancienne habitation dans le temple : Dieu ne se décidait pas à retirer ses prophètes d’Israël, lui qui se levait de bonne heure et les envoyait, bien que des générations, les unes après les autres, les aient refusés (Ézéchiel 8:11 ; 2 Chroniques 36:15, 16). Et maintenant Jésus, la gloire du temple et le Dieu des prophètes, s’attardait encore sur le seuil de la maison. Il se levait encore et toujours pour leur parler.

Ainsi nous l’entendrons plaider une dernière fois avec son peuple, dans la troisième partie de notre évangile.

 

1.4        3ème partie : Ch. 21 à 25 [Le Roi humble venant à Jérusalem selon Zacharie]

Cette troisième division de l’évangile selon Matthieu s’ouvre sur une nouvelle et dernière présentation de Christ à Israël. Elle s’accorde avec la voix du prophète Zacharie. « Réjouis-toi avec transports, fille de Sion ; pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi ; il est juste et ayant le salut, humble et monté sur un âne, et sur un poulain, le petit d’une ânesse » (Zacharie 9:9).

Cette scène se déroule avec la plus grande solennité. L’épreuve du cœur d’Israël doit avoir lieu de la façon la plus favorable pour lui. N’est-ce pas d’ailleurs la manière d’agir habituelle de notre Dieu ? Quand Adam, au commencement, fut placé dans le jardin pour le garder, tout était à son avantage : il n’y avait rien dans tout ce domaine qui ne témoigne auprès de lui en faveur de son Créateur. De même, plus tard, lorsque Noé fut introduit dans le monde nouveau, ce fut avec tout ce qui pouvait assurer son autorité et son bonheur ; l’arc dans la nuée lui était un constant témoin, s’il en était besoin, que l’Éternel Dieu se souvenait de lui et serait fidèle à son alliance. Israël dans le pays de Canaan n’avait besoin de rien. « Qu’y avait-il encore à faire pour ma vigne que je n’aie pas fait pour elle ? » demandait le Seigneur à son peuple (És. 5). La haie était établie, la tour était construite, le pressoir était creusé et des ceps choisis avaient été plantés. De même, au temps de Jésus, dans ces diverses présentations du Messie à Israël, il ne manquait rien. Le Bethléhémite était né en accord avec le prophète et « il était grand jusqu’aux bouts de la terre ». Suivant le même prophète, les Gentils du lointain Orient étaient venus à Bethléhem afin de l’adorer. La lumière avait brillé de Galilée, du pays de Zabulon et de Nephthali, en accord avec un autre prophète, et elle s’était montrée une « grande lumière », comme cela avait été annoncé, se levant avec la santé dans ses rayons sur un peuple qui était assis dans le pays de l’ombre de la mort. Et maintenant, selon la parole qui avait été prononcée à son sujet, le Roi promis par un troisième prophète apparaît avec une pleine solennité. L’harmonie des diverses voix des Écritures peut être maintenant discernée. Les Psaumes 8:24, et 118, aussi bien que Zacharie 9, se font entendre en cette grande occasion.

Ce fut là en vérité, un merveilleux moment. Tout d’abord s’accomplit cette parole : « La terre est au Seigneur et tout ce qu’elle contient », car le possesseur de l’âne reconnaît la seigneurie de Jésus et met ses droits au-dessus des siens propres. L’âne lui-même, aussi bien que son possesseur participe à l’esprit du moment, car le poulain accompagne sa mère ; les deux étant amenés ensemble à Jésus, car il ne devait y avoir aucune contrainte aux affinités de la nature. C’était en figure l’aurore du jour millénial, et la création devait avoir sa part dans la joie et la puissance de ce jour-là. Le peuple par ses hosannas et ses branches de palmiers, parle d’un jour de bonheur, d’une fête des Tabernacles pour les tribus de l’Éternel. Et si la multitude exulte dans ses hosannas, les bêtes exulteront en leur fardeau. Au jour de sa tentation dans le désert, les bêtes sauvages étaient avec le Seigneur, pour témoigner qu’Éden n’avait pas été perdu par lui (Marc 1:13) ; de même ici les bêtes de somme se réjouissent dans leur service comme si le royaume était maintenant arrivé avec lui et la création délivrée de ses gémissements.

Certainement, je le répète, c’était un moment merveilleux, une heure de gloire et de fête. Il n’en avait pas été ainsi aux jours de Samuel. Les vaches mugissaient alors en s’en allant, car leurs veaux avaient été laissés en arrière, tandis qu’elles transportaient l’arche à Beth-Shemesh (1 Samuel 6). La nature pouvait recevoir des blessures alors, et son gémissement continuer, mais maintenant, en la présence du Seigneur du monde millénial, la nature devait se réjouir.

Que tout cela est simple et cependant précieux et grand ! Mais ce n’est que pour un instant. Il fallait que cela eût lieu, « soit qu’ils écoutent ou qu’ils n’en fassent rien » comme dit le prophète. Israël saurait qu’un Roi avait été acclamé tout près d’eux. La question était : Voudraient-ils le recevoir parmi eux ? Mais non, une fois encore : « Ils n’ont pas voulu ». Le Bethléhémite avait été exilé, la lumière de Zabulon avait brillé dans des ténèbres qui ne l’avaient pas comprise, et le Roi devait être un roi méconnu, un roi rejeté. Il entre dans la ville au milieu de la multitude étonnée qui demande : « Qui est celui-ci ? » Il agit selon le zèle du Messie d’après le Psaume 69:9. Il guérit, accomplissant les œuvres caractéristiques du Fils de David. Mais rapidement, au lieu des acclamations et des réjouissances, des insultes et des provocations l’attendent dans la cité royale. L’inimitié des chefs et des représentants d’Israël se déclare bientôt. Ils rejettent le Berger, la pierre d’Israël. Ils sont si irrités contre le Fils de David que leur seule pensée est de chercher comment ils pourront tuer l’Héritier de la vigne.

Que Lui reste-t-il maintenant ? Qu’a-t-il à faire ? C’est la réjection du Roi qui apportait le salut avec lui, après la réjection de l’enfant de Bethléhem et de la lumière de Galilée. Que reste-t-il ! « Pourquoi seriez-vous encore frappés ? Vous ajouterez des révoltes ». « Le bœuf connaît son possesseur, et l’âne la crèche de son maître ; Israël ne connaît pas, mon peuple n’a point d’intelligence » (És. 1:3 et 5). Ces paroles prophétiques s’accomplissent maintenant. « Une fin !... la fin vient sur les quatre coins du pays » (Éz. 7:2). Déclaration solennelle qui elle aussi peut être entendue. Le figuier stérile est donc maudit : conformément à la parabole, il est maintenant abattu. Il avait été épargné pendant trois longues années selon la patience du cultivateur, qui avait sarclé et fumé le terrain, mais il était toujours stérile. « Que jamais aucun fruit ne naisse plus de toi » (21:19), lui est-il dit. La malédiction est prononcée, car le temps de la longue patience est passé, « et », lisons-nous : « à l’instant le figuier sécha ».

Telle est la solennelle conclusion de cette troisième et dernière présentation que le Messie fait de lui-même à Israël, et du refus qu’Israël lui a opposé.

Les disciples sont étonnés de voir le figuier que le Seigneur avait maudit devenu sec, si promptement, et Lui alors, allant plus loin, leur déclare prophétiquement ce qui se rapporte au transport des montagnes. Il s’agit là d’un symbole plus étrange et plus terrible encore que le dessèchement du figuier. « En vérité, je vous dis : Si vous avez de la foi et que vous ne doutiez pas, non seulement vous ferez ce qui a été fait au figuier, mais si même vous disiez à cette montagne : Ôte-toi et jette-toi dans la mer, cela se ferait ». Tout doit faire place à l’ordre divin. Les puissantes barrières, que les hommes ont élevées contre l’établissement du pouvoir du Seigneur sur la terre, seront renversées et alors les hommes apprendront que « Toi dont le nom est l’Éternel es le Très-Haut par-dessus toute la terre » et que « la montagne de la maison de l’Éternel sera établie sur le sommet des montagnes et sera élevée au-dessus des collines ».

 

Béthanie était sa retraite à ce moment-là. Rejeté, et par conséquent étranger ici-bas, il trouve sa place dans la famille de la foi qui l’aime au milieu d’un monde ennemi. Et quand, de nouveau, il revient du village à la ville, de Béthanie à Jérusalem, ce n’est pas, comme il l’avait fait jusqu’ici, pour recommencer et poursuivre son service d’amour et de puissance, mais pour manifester l’état d’Israël, le convaincre et le laisser finalement sous la condamnation. C’est ce que nous voyons au cours des chapitres suivants (21 à 23).

Dans les paraboles des deux fils, des méchants cultivateurs et des noces du Fils du Roi, qu’il prononce au milieu des chefs du peuple, il convainc Israël de désobéissance à toutes les voies de Dieu, que ce soit la loi, le ministère de Jean le Baptiseur, ou la grâce venue en Jésus. Il est alors en opposition ouverte avec les principaux représentants de la nation, les hérodiens, les sadducéens et les pharisiens. Il leur répond et il les interroge jusqu’à ce que les ayant démasqués et réduits au silence, il résume l’évidence de leur culpabilité et prononce la sentence de la justice. Israël est jugé et abandonné. « Jérusalem, Jérusalem, la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! Voici, votre maison vous est laissée déserte » (23:37, 38).

Il sort alors avec ses disciples et s’en va à la montagne des Oliviers. C’est le moment où, selon le prophète Zacharie, il prend son bâton « Beauté » et le brise, autrement dit il se retire lui-même d’Israël, car, qu’ils le sachent ou non, il est leur beauté, leur gloire, leur perfection.

Le temps pour cela était venu à son terme. La pierre avait été rejetée par ceux qui bâtissaient, selon le psalmiste ; les trois bergers que constituaient les hérodiens, les sadducéens et les pharisiens, avaient été détruits en un mois selon le prophète (Zacharie 11:8), de sorte que le Seigneur refuse de paître plus longtemps le troupeau (Zacharie 11:9 ; Psaume 118:22, 23).

C’est aussi à ce moment, celui de la fin du chapitre 23, que Jésus, regardant à Israël et à son ministère passé au milieu de lui, prend en quelque sorte sur ses lèvres les paroles d’Ésaïe : « Où est la lettre de divorce de votre mère que j’ai renvoyée ? Ou qui est celui de mes créanciers auquel je vous ai vendus ? Voici, vous vous êtes vendus par vos iniquités, et à cause de vos transgressions votre mère a été renvoyée. Pourquoi suis-je venu, et il n’y a eu personne ?... Ma main est-elle devenue trop courte pour que je puisse racheter, et n’y a-t-il pas de force en moi pour délivrer ? Voici, par ma réprimande je dessèche la mer, je fais des rivières un désert ; leurs poissons deviennent puants, faute d’eau, et meurent de soif. Je revêts les cieux de noirceur, et je leur donne un sac pour couverture » (Ésaïe 50:1-3).

Quelle anticipation ! L’Esprit, dans le prophète, semble vivre ce moment même de Matthieu 23. Jérusalem est maintenant comme une femme divorcée, renvoyée à cause de ses transgressions. Celui qui l’avait faite était son mari, l’Éternel des armées (És. 54:5). Dans les jours qui avaient précédé ceux de l’évangile de Matthieu, au temps des juges, des rois et des prophètes, elle avait été une femme aimée d’un ami, mais adultère (Osée 3:1). Les dieux des nations avaient été sa confiance. À présent elle avait rejeté son propre Dieu. Il était venu et avait appelé, mais il n’y avait eu personne qui répondît. Et cependant, il pouvait demander : « Ma main est-elle devenue trop courte pour que je puisse racheter ? » Avait-il perdu la puissance et oublié l’amour par lesquels il les avait délivrés en d’autres temps ? N’avait-il pas été maintenant pour Israël, dans leurs villes et dans leurs villages, ce qu’il avait été autrefois pour eux en Égypte quand il dessécha la mer et revêtit les cieux de noirceur ? Ses guérisons, ses soins pour nourrir le peuple, toutes ses œuvres de grâce et de puissance pouvaient répondre pour lui. C’était leur incrédulité et leurs iniquités qui les séparaient de leur Rédempteur. Et lui-même se détourne d’eux maintenant, comme la suite de ce merveilleux chapitre 50 d’Ésaïe nous l’enseigne, premièrement pour soutenir ses élus par une parole, et ensuite pour donner son dos à ceux qui frappaient, et ses joues à ceux qui arrachaient le poil.

Ce chapitre d’Ésaïe est en effet merveilleux, de même que Zacharie 11 ; chacun d’eux anticipe l’évangile de Matthieu dans ses lignes générales et sa structure. Et maintenant, au commencement de notre chapitre 24, le Seigneur se retire donc selon Ésaïe 50, pour dire une parole en sa saison à ceux qui sont las, à ceux qui l’ont suivi, ayant persévéré avec lui dans ses tentations. De même, selon Zacharie, il est la Parole de l’Éternel à laquelle devaient s’attendre les pauvres du troupeau. (*)

 

(*) On peut observer que dans cet évangile il est pris grand soin de lier ce qui a lieu sur le moment avec la parole des prophètes. Cela est une marque du caractère profondément juif de toute l’action dans l’évangile de Matthieu.

 

Les disciples le suivent sur la montagne des Oliviers. Avant longtemps ils l’accompagneront, de nouveau, au même endroit, dans une occasion plus solennelle. Pour le moment ils s’attendent à lui comme « les pauvres du troupeau » et lui les instruit, comme la Parole de l’Éternel (chap. 24 et 25).

Il dévoile à ses disciples les secrets des jours à venir, en tant que de tels secrets concernent Israël. Il leur parle du commencement de douleurs, des troubles qui arriveraient sur la terre par des guerres, des tremblements de terre, des pestes. Il leur parle des épreuves et des périls des fidèles en Israël qu’il prévient et encourage selon les circonstances qui seront les leurs. Il les avertit de la grande tribulation, du rassemblement des aigles autour du corps mort d’Israël, et des signes du ciel qui seront de terribles avertissements préparatoires ; et ensuite il prédit le signe du Fils de l’homme dans le ciel, pendant que se lamenteront les tribus de la terre, et enfin la venue de ce Fils de l’homme sur les nuées du ciel. Il ajoute ce qui concerne le rassemblement des élus des quatre coins du ciel, et l’établissement du royaume en gloire. Et, en passant, il annonce, dans la parabole des dix vierges ainsi que dans celle des talents, le jugement de ceux qui durant son absence ont professé l’attendre ou le servir, distinguant entre ceux pour qui ce service et cette attente avaient été une réalité et ceux pour lesquels il ne s’était agi que d’une simple profession.

Cette parole prophétique est en vérité complète. Elle nous conduit par la pensée et par la foi, à travers les jours de trouble et de jugement d’Israël, à l’assujettissement des nations sous le trône du royaume millénial, où s’assiéra le Fils de l’homme (*).

 

(*) Le v. 31 du chap. 25 reprend le sujet historique interrompu au v. 31 du chap. 24. Entre deux s’intercale une parenthèse morale.

 

Dans tout ceci il est un détail, en général assez peu remarqué, qu’il faut souligner parce qu’il contribue à établir le caractère de notre évangile, tel que nous l’avons vu depuis le commencement. Les feuilles de figuier, dont le Seigneur parle au chap. 24:32 annoncent que l’été est proche ; de même toutes les choses qu’il leur a dites annonceraient, quand elles arriveraient, que le royaume était proche. Or les choses qu’il leur avait dites concernaient les jugements qui devaient arriver sur Israël, les douleurs et la visitation de ce peuple sous la main de Dieu.

Cela est solennel. Aux jours de Josué et de David, les victoires annonçaient que l’héritage et le règne de paix étaient proches. Une conquête après l’autre par l’épée de Josué disait aux tribus que le pays serait bientôt partagé entre elles. Une conquête après l’autre par l’épée de David annonça de la même manière au peuple, que bientôt il ne subsisterait plus ni mal ni ennemi, mais que la gloire du règne de paix remplirait la terre. Or maintenant, ce n’est plus à de tels signes qu’Israël doit s’attendre. Ce sont les jugements et non les victoires qui doivent dorénavant précéder le royaume ou l’héritage. Les jugements et les douleurs doivent tomber sur eux-mêmes et non pas la défaite sur leurs ennemis. Car Israël a été infidèle. Il a maintenant rejeté son Seigneur, et à cause de cela « ces choses », douleurs et jugements, doivent arriver, avant que le royaume lui appartienne. Les jours de l’été millénial sont encore à venir. La saison ensoleillée, la brillante période du règne viendra pour Israël et la terre ; mais les douleurs et les visitations en sont, comme les feuilles du figuier, des avant-coureurs, pour annoncer l’ère de gloire.

La vallée d’Acor doit être maintenant pour Israël la porte d’espérance. Israël a péché comme aux jours d’Aï, et ne peut prendre possession de l’héritage autrement qu’à travers les jugements purificateurs de Dieu. Le Seigneur désigne les feuilles du figuier comme devant précéder l’été, et tous les prophètes ont parlé dans le même sens que lui. Voyez Moïse en Deutéronome 32, le livre d’Ésaïe d’un bout à l’autre, Ézéchiel dans son vingtième chapitre, Daniel à la fin du neuvième et Osée dans le premier et le deuxième. Tous nous parlent du même mystère, à savoir : que les douleurs et les jugements doivent être pour Israël le chemin vers le royaume.

En regardant en arrière, de ce point de notre évangile, quel ministère de patiente grâce et de long support nous pouvons contempler ! Et cependant ce ministère n’était pas nouveau dans les voies de Dieu à l’égard d’Israël. Le livre des Juges, et même les livres antérieurs du désert, l’Exode et les Nombres, et aussi les livres des Rois et des Chroniques nous montrent ce même ministère. C’était toujours le vigneron disant et répétant : « Laisse-le cette année aussi jusqu’à ce que je l’aie déchaussé et que j’y aie mis du fumier » (Luc 13:8). C’était le Seigneur lui-même disant : « Que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes ». Mais Israël « n’a pas voulu ». Que de fois il en a été ainsi !

Le signe du ciel que les sadducéens et les pharisiens ensemble attendaient de sa part — car l’inimitié contre lui était assez forte pour unir les adeptes de doctrines aussi opposées l’une à l’autre — le Seigneur ne le donna pas et ne pouvait le donner. Il n’était pas possible qu’il cherchât à se faire agréer du monde ou à se recommander sur la base de principes mondains. Et les incirconcis eux-mêmes reprendront la génération qui a recherché ces signes. Les hommes de Ninive ne demandèrent pas de signes du ciel, ni non plus la reine de Shéba. Leur cœur et leur conscience furent attentifs en présence de Dieu et à sa parole. La prédication de Jonas et la sagesse de Salomon les atteignirent, sans qu’il y eût rien pour satisfaire l’orgueil de l’homme ou le courant et l’esprit de ce monde. De sorte qu’ils se lèveront au jugement avec cette génération et la condamneront. Cependant lorsque le moment sera venu, et alors qu’en un sens ils ne l’auront pas cherché, il sera donné aux Juifs un signe du ciel. Ils l’ont demandé jadis (16:1) et ils l’auront (24:29, 30), mais ce sera le signe d’un jugement imminent, un signe que le Fils de l’homme est en chemin pour venir sur les nuées du ciel afin d’exécuter la vengeance annoncée. « Le soleil sera obscurci et la lune ne donnera pas sa lumière, et les étoiles tomberont du ciel, et les puissances des cieux seront ébranlées. Et alors paraîtra le signe du Fils de l’homme dans le ciel ; et alors toutes les tribus de la terre se lamenteront et verront le Fils de l’homme venant sur les nuées du ciel avec puissance et une grande gloire ».

Jusqu’à maintenant, cependant, et à travers cette longue période de son absence, ce sont les Lamentations de Jérémie qui sont entendues par l’oreille de la foi, au milieu des désolations de Sion. Une fois encore au chapitre 23, mais avec plus de douleur et de deuil qu’au chapitre 2, Rachel pleure ses enfants et refuse d’être consolée. Et si éloquente, si pleine des sentiments naturels que soit cette douleur qui, lisons-nous, refuse d’être consolée, l’est-elle au point où elle le fut sur les lèvres de Jérémie ? Écoutez-le quand, incarnant pour ainsi dire la fille de Sion, il exprime tout le secret d’un cœur brisé. Et cependant, dans les plus profonds épanchements de ce cœur, combien les droits de Dieu sont revendiqués ! « Quel témoignage t’apporterai-je ? Que comparerai-je à toi, fille de Jérusalem ? Qui est-ce que j’égalerai à toi, afin que je te console, vierge, fille de Sion ? Car ta ruine est grande comme la mer : qui te guérira ? »

« Tes prophètes ont vu pour toi la vanité et la folie, et ils n’ont pas mis à découvert ton iniquité pour détourner ta captivité ; mais ils ont vu pour toi des oracles de vanité et de séduction (Lament. 2:13, 14).

Il y a là en vérité l’expression d’un cœur brisé justifiant Dieu. Selon Jérémie, Jérusalem est responsable de sa propre captivité et de son bannissement. Son iniquité a été sa ruine, et il en est de même dans les lamentations de Jésus sur elle. Elle a tué les prophètes, lapidé les messagers de Dieu, et après tout cela, elle « n’a pas voulu ». Sa blessure est incurable, mais c’est elle-même qui l’a faite. Son iniquité a été sa captivité, dit le prophète. Elle n’est pas rassemblée parce qu’elle n’a pas voulu, dit le Seigneur.

 

1.5        4ème partie : Ch. 26 à 28 [Mort et résurrection]

Ces chapitres déroulent devant nous, comme cela est nécessaire, les scènes qui terminent la vie de notre Seigneur ici-bas, sa mort et sa résurrection. Nous y trouvons par conséquent un récit qui est commun à tous les évangiles et des détails qui, en raison de l’intention générale du Saint Esprit, y sont rapportés de façon identique. Cependant, même dans ces narrations communes, se trouvent bien des marques caractéristiques.

Comme nous l’avons vu, tout au long de l’évangile de Matthieu transparaît son propos bien distinct qui est la visitation du Messie à l’Israël de son temps. La structure d’ensemble, aussi bien que les différentes parties de ce livre, ne laissent aucun doute quant à son intention et son objet. Comme nous pouvons nous y attendre, il en est encore ainsi dans ces derniers chapitres où je me propose de relever aussi quelques points particuliers à Matthieu et caractéristiques de cet évangile.

Nous pouvons observer, il me semble, que ni dans Matthieu ni dans Marc, le Seigneur n’est présenté en vue de sa propre élévation personnelle et de sa gloire comme cela est le cas dans Luc et dans Jean. Il y est vu plutôt comme celui qui est livré consciemment entre les mains de l’homme, s’abandonnant lui-même à cette inimitié qui, selon cet évangile, avait été à l’œuvre contre lui dès le commencement. Car la croix, accomplissement nécessaire du conseil de Dieu dans l’œuvre de la rédemption, était, à un autre point de vue, le fruit de l’inimitié des Juifs, le fruit du cœur de l’homme réprouvé et révolté. En mettant à mort le Seigneur Jésus, l’homme effectuait par sa propre méchanceté, ce que Dieu avait, selon les richesses de sa grâce, déterminé d’avance devoir être fait. C’est plutôt ce côté que font ressortir les évangiles de Matthieu et de Marc ainsi que Actes 4:28.

Par conséquent dans les deux évangiles cette scène se trouve rapportée de la même façon. Toutefois Matthieu présente quelques traits distinctifs.

Il est, par exemple, le seul évangéliste qui rappelle la parole du prophète au sujet du champ du potier. Ce champ fut acheté avec le prix du sang du Seigneur, et il devint le lieu où l’on ensevelissait les étrangers. Cela se rapporte à Israël qui est le sujet de Matthieu. Le forfait de Judas était celui d’Israël. Il avait été le guide de ceux qui prirent Jésus (Actes 1:16). C’est eux qui, de leurs mains iniques, le crucifièrent et le firent mourir ainsi que le leur dit l’apôtre : aussi la terre d’Israël est-elle devenue « Aceldama » jusqu’à ce jour (Joël 3:21). C’est le champ du sang et la sépulture des étrangers. C’est un pays souillé, et que les Gentils ont en leur possession.

La réponse de la foule à Pilate, en vue d’apaiser tout scrupule dans son esprit et de l’amener à faire ce qu’ils désiraient, est, pour les mêmes raisons, particulière à Matthieu. Le peuple semble avoir perçu l’hésitation du gouverneur et, pour s’assurer leur victime, ils lui déclarent : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ! » Peut-il y avoir, je le demande quelque chose de plus caractéristique, et qui dise plus solennellement que la mort du Seigneur, telle qu’elle est considérée dans Matthieu, est celle d’un martyr entre les mains des Juifs ?

Nous savons bien que la mort, ou l’immolation de l’Agneau de Dieu eut lieu sous la main de Dieu ; mais non moins certainement c’était en même temps la mort du Juste entre les mains des hommes méchants.

De même, conservant jusqu’au bout son caractère propre, c’est le seul évangile qui nous parle de la haine des Juifs poursuivant le Seigneur par-delà la croix. Matthieu est seul à mentionner le scellement de la pierre et la garde mise à la porte du sépulcre. Pilate l’accorde à la requête des anciens et des sacrificateurs d’Israël. Lui-même ne s’en souciait pas personnellement ; mais les Juifs de propos arrêté poursuivent le Seigneur de leur haine jusqu’au-delà du tombeau, fournissant eux-mêmes la preuve de leur esprit indomptable. Tous les charbons de feu successivement amoncelés sur leur tête ne parviennent pas à atténuer cette haine, et la mort ne peut l’apaiser. Il faut que le sépulcre du Seigneur en témoigne comme l’avaient fait sa vie et sa mort. Notre évangéliste ne nous la laisse pas un instant perdre de vue. C’est cette inimitié qui ouvre son évangile, avec la tentative d’Hérode contre la vie du jeune enfant, et c’est la même inimitié qui maintenant la termine, au tombeau du Messie mis à mort. Mais la résurrection rendra une fois encore ce témoignage, car, quand le sépulcre eut déçu leur attente et qu’en dépit du sceau et des soldats, le Seigneur fut ressuscité, les principaux sacrificateurs et les anciens reprennent la même œuvre. Ils s’étaient assuré une garde de soldats pour veiller sur le sépulcre, et maintenant ils la corrompent avec une bonne somme d’argent pour dire un mensonge au sujet de ce sépulcre (chap. 27:62 ; 28:12).

N’est-il pas frappant que l’Esprit maintienne la plume de l’évangéliste jusqu’au bout fidèle à son sujet ? Christ, ainsi que les merveilleuses guérisons de son ministère de grâce, avaient été présentés à plusieurs reprises à Israël en accord avec leurs propres prophètes, mais il n’avait fait qu’attirer sur lui la haine d’Israël depuis le commencement jusqu’à la fin.

Cette inimitié de l’homme envers Dieu est visible tout au long de l’histoire, mais ici, en vérité, elle atteint son paroxysme. « La pensée de la chair est inimitié contre Dieu, car elle ne se soumet pas à la loi de Dieu » (Rom. 8:7).

Les appels de grâce ne l’adoucissent pas plus que les menaces ne la font fléchir. Au commencement Caïn pèche, bien que l’Éternel plaide personnellement avec lui ; Nimrod défie le gouvernement divin, le Pharaon endurcit son cœur malgré les solennelles visitations de la main de Dieu sur son pays, Amalek insulte la bannière déployée de l’Éternel, et Balaam s’obstine en dépit des réprimandes de l’Esprit de Dieu. Absalom, Aman et Hérode furent en leur temps d’autres témoins de ce qu’est l’homme naturel. De même la multitude qui plus tard devait se dresser furieusement contre Étienne, bien que son visage à ce moment resplendît comme le visage d’un ange. Et bientôt les apostats de l’Apocalypse à la fin de l’histoire de l’homme, seront assez hardis pour s’opposer au cavalier sur le cheval blanc et à son armée sortant du ciel avec puissance et gloire. Tout cela ne témoigne-t-il pas d’un état incorrigible et incurable, qu’aucune marque d’amour ne peut attendrir, qu’aucune menace ne peut réprimer ? Et c’est un exemple égal à tous ceux-là que nous donnent les sacrificateurs d’Israël et les soldats. Le voile venait d’être déchiré en présence des uns, et la tombe ouverte en présence des autres, mais ils s’accordent pour inventer un mensonge et falsifier tout cela.

En vérité l’état de l’homme est désespéré. Son cou est roide, sa haine tenace. Qui pourrait dorénavant se confier en un cœur qui a été ainsi mis à nu ?

Comme le gage de la persistance de cette inimitié d’Israël, le mensonge des prêtres et des soldats (à savoir que les disciples vinrent et dérobèrent le corps de Jésus pendant que la garde dormait, ch. 28) est communément répandu jusqu’à ce jour. La haine n’a pas désarmé, elle s’est perpétuée jusqu’à maintenant à travers toutes les générations de la nation.

 

Il ne sert à rien toutefois de regimber contre les aiguillons. C’est se détruire soi-même. Jésus ressuscite au jour fixé, le troisième, et sa résurrection est le signe du jugement de ses ennemis. Elle nous dit que Dieu, en qui sont les issues de la vie et de la mort, s’est mis lui-même du côté de la victime du monde, du côté de Celui que l’homme a méprisé et rejeté. Elle nous dit qu’il y a maintenant une question à régler entre Dieu et le monde touchant Jésus. La réponse finale à cette question ne peut être que le jugement, le jugement de ce qui s’est soi-même dressé contre Dieu. C’est pourquoi il est écrit : « Il a établi un jour auquel il doit juger en justice la terre habitée, par l’homme qu’il a destiné à cela, de quoi il a donné une preuve certaine à tous, l’ayant ressuscité d’entre les morts » (Actes 17:31).

C’est la puissance et le fruit de la résurrection du Seigneur Jésus que nous avons dans notre Évangile. Un gage nous est donné au commencement du chapitre 28. L’ange roule la pierre scellée. Elle portait le cachet officiel que rien ne pouvait être changé ; qui aurait osé la toucher ? Ç’aurait été la mort pour n’importe quel homme. Mais « celui qui habite dans les cieux se rira d’eux ». L’ange s’assied en triomphe sur la pierre, et met la sentence de mort sur les gardiens. Israël avait rejeté la pierre éprouvée de Dieu, élue, précieuse et avait fait choix pour lui-même d’une pierre portant un autre sceau, mais cette pierre en qui il se confiait est maintenant réduite à néant par Dieu ; ce n’est pas là le Rocher du peuple de Dieu, comme ils peuvent maintenant en juger. Et le plein résultat sera manifesté au jour où les ennemis de Jésus seront faits le marchepied de ses pieds, et où ils seront broyés par la chute de la pierre qu’ils auront méprisée (chapitres 21:42, 44 ; 22:44).

Tel est le langage de la résurrection, selon l’évangile de Matthieu. Certes, cette vérité glorieuse comporte d’autres voix encore que la foi écoute ; elle parle de rémission des péchés ; elle est comme des prémices, le gage de la moisson tout entière quand viendra la résurrection et l’ascension de la famille céleste. Mais ici, dans Matthieu, la résurrection parle de jugement. Elle nous fait penser à la verge bourgeonnante de Nombres 17, issue comme une chose vivante de la présence de Dieu, pour réduire au silence les murmures rebelles du camp d’Israël.

C’est en Matthieu seulement que nous avons la scène qui se déroule à la pierre scellée, cela évidemment, parce que c’est Matthieu seul qui nous apprend que la pierre avait été scellée.

Mais comme tout cela cadre parfaitement avec l’unité de notre évangile ! L’inimitié d’Israël envers son Messie, la réjection de celui-ci par son peuple, reçoit ici le plein gage de son jugement à venir, au jour de la puissance de celui qu’il a rejeté.

Passons un peu plus loin. Le jugement des ennemis du Seigneur doit être suivi par sa séance dans le lieu de la puissance et de la domination. Le jugement doit préparer la voie à la gloire. Aussi, dans cet évangile et là seulement, le récit de la résurrection se clôt en nous montrant le Seigneur ressuscité occupant une telle place, et ce n’est qu’ici que nous l’entendons déclarer à ses disciples : « Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, et faites disciples toutes les nations, les baptisant pour le nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, leur enseignant à garder toutes les choses que je vous ai commandées ».

C’est l’exaltation et la seigneurie de Jésus ressuscité. La conversion des nations et le rassemblement de toute la terre, de tout le monde gentil sous son obéissance, sont ici impliqués ; c’est déjà pour ainsi dire le fruit de cet apostolat que le Seigneur avait ordonné, un apostolat juif dans son caractère (car il est confié aux douze) qu’avait institué le Seigneur.

Nous avons ici, par conséquent, un rassemblement des nations autour de Jésus ressuscité, comme le Messie d’Israël. Et ainsi, dans ce dernier chapitre, le Seigneur reprend en résurrection ses relations juives et, à travers ces relations, ses rapports avec la terre entière.

Il déclare que le Royaume universel est en sa main : Il a reçu toute autorité dans le ciel et sur la terre et en conséquence il fait valoir ses droits à faire disciples toutes les nations et les amener à son obéissance. Rien n’est dit ici des effets de la résurrection par rapport aux lieux célestes, rien non plus du mystère de la famille de Dieu glorifiée. C’est seulement Jésus exalté, et exalté comme le Messie ; et sur cette base toutes les nations de la terre faites disciples, par le témoignage et l’enseignement d’un apostolat juif. C’est le Seigneur revenu sur la terre afin d’y former un peuple pour son nom et d’y manifester son royaume. L’ascension n’est pas présentée dans cet évangile. Christ y est vu ressuscité, mais non pas monté dans la gloire, et c’est pourquoi il est permis aux femmes de lui saisir les pieds en lui rendant hommage, alors que, dans l’évangile de Jean, Jésus dit à Marie de ne pas le toucher (20:17), car il se rendait auprès du Père. La résurrection n’a lieu là qu’en vue de son ascension, la terre n’étant pour lui qu’une étape vers le ciel. En Matthieu au contraire elle est le terme de son voyage glorieux et triomphant.

Combien tout cela est en harmonie avec le propos de l’Esprit de Dieu dans notre évangile !

L’inimitié et l’incrédulité des Juifs sont toujours à l’œuvre et font que la domination des nations par Jésus leur Messie n’est pas réalisée. Mais il faudra que s’accomplissent les promesses de tous les prophètes. La montagne de la maison de l’Éternel sera établie, toutes les nations y viendront, et les droits de Jésus seront revendiqués en puissance souveraine. Les « grâces de David » sont sûres, « assurées » par la résurrection que nous contemplons (Actes 13:34) et le Fils de David réapparaîtra, les revendiquera, en jouira et les exercera à travers tout l’âge millénial.

La Semence de David possédera ses droits, car lui est fidèle et véritable. Son peuple, si misérable et incrédule qu’il ait été jadis et qu’il soit maintenant encore, deviendra un peuple de franche volonté. Jusqu’à maintenant, ainsi qu’il est écrit d’eux : « ils n’ont pas voulu », mais bientôt, comme il est encore écrit, ils seront faits « un peuple de franche volonté » (Ps. 110:3 ; Matt. 23:37). Alors toutes les promesses seront accomplies.

Mais nous avons dans la même portion de cet évangile un merveilleux gage de cette bénédiction qui doit être la part d’Israël et de Jérusalem aux jours de la gloire et de la puissance du Messie. Et Matthieu, encore une fois en pleine harmonie avec son évangile entier, est le seul à nous le donner. Après que le Seigneur eut laissé sa vie sur la croix, il est écrit que « les sépulcres s’ouvrirent et beaucoup de corps des saints endormis ressuscitèrent, et étant sortis des sépulcres après sa résurrection, ils entrèrent dans la sainte ville et apparurent à plusieurs » (ch. 27:52, 53).

C’était un événement aussi significatif que merveilleux. Fruit du triomphe remporté par le Seigneur sur la mort, ces sépulcres ouverts libéraient les corps des saints après sa résurrection, et ces saints ressuscités vinrent et se montrèrent à plusieurs dans la sainte ville.

Quelle gloire pour Jésus ! Quelle publicité donnée à la pleine victoire de sa mort ! Si le voile du temple cédait alors, les sépulcres des saints le faisaient aussi. Le ciel se réjouissait en constatant cette victoire, et l’enfer était forcé de la reconnaître aussi.

Mais si cela était glorieux pour Jésus, quelle grâce c’était pour Jérusalem !

Un message spécial fut envoyé à Pierre, par l’ange de ce même Seigneur ressuscité : « Allez, dites à ses disciples et à Pierre : Il s’en va devant vous en Galilée ; là vous le verrez ». Quelle tendresse et quelle sagesse dans ce message du Seigneur ! Pierre avait besoin en effet d’un gage personnel de la part du Maître qu’il avait renié. Et, dans un même esprit de grâce, un gage merveilleux et particulier est ici donné à Jérusalem par ces premiers fruits de la résurrection du Seigneur triomphant du péché et de la mort, qui lui sont ainsi apportés.

Elle est appelée « la sainte ville ». Voilà bien, encore une fois, l’excellence de la grâce de Dieu. Par la plume de notre évangéliste, Jérusalem reçoit son titre d’honneur. N’était-ce pas cependant la ville sur laquelle deux ou trois jours auparavant le Seigneur avait pleuré, la ville hors de laquelle — lui-même venait d’en être encore personnellement la preuve — il n’était pas possible qu’un prophète pérît ? (Luc 13:33). N’était-ce pas la ville dont il s’était retiré, l’abandonnant à la désolation, celle où quelques heures auparavant il avait été crucifié, celle enfin qui par ses œuvres avait spirituellement mérité le nom de Sodome et Égypte (Apoc. 11:8) ? Mais maintenant c’est « la sainte ville ». Dans le conseil de la grâce et dans le langage de l’Esprit, Jérusalem est la « sainte ville ».

Quelle preuve de l’effet purifiant de cette fontaine de grâce désormais ouverte, comme dit le prophète, même pour Jérusalem ! Quelles arrhes du jour où reviendront les captifs de Sion et où cette parole aura cours dans le pays de Juda : « L’Éternel te bénisse, demeure de justice, montagne de sainteté » (Jér. 31:23).

La grâce de ces mots : « En commençant par Jérusalem » (Luc 24:47) a été à juste titre communément admirée : le Seigneur ressuscité faisait annoncer dans le monde entier le salut en rémission des péchés, mais il voulait que cela fût en premier lieu déclaré à la ville coupable, Jérusalem la sanglante. Toutefois la grâce qui brille en Matthieu 27:52, 53 n’est pas moins admirable, à savoir les tout premiers fruits de la résurrection triomphante de notre Seigneur présentés à Jérusalem comme à « la sainte ville ».

Mais tous les prophètes nous parlent de cette grâce surabondante, et de la bénédiction finale d’Israël qui en découle. Au commencement du livre d’Ézéchiel la gloire doit quitter la ville, à cause des abominations qui s’y commettaient, mais à la fin nous l’y voyons revenir. Dans l’évangile de Matthieu il en est exactement de même. Jésus est la gloire, il abandonne la cité, mais il laisse un sûr et infaillible gage de son retour quand le temps sera venu. Ézéchiel est ainsi en pleine harmonie avec Matthieu et il en est de même d’Ésaïe. La femme répudiée du ch. 50 de ce prophète devient, le moment venu, « une heureuse mère de fils ». Et ici en Matthieu nous voyons la même chose. Jérusalem est abandonnée par le Seigneur, comme une répudiée, et désolée, au chap. 23 ; mais à la fin, au chap. 28, elle est le point de départ du ministère des douze pour faire disciples toutes les nations (voir Ésaïe 50 et 54).

Quelles harmonies ! Il y a continuité dans les voies du Seigneur, de sorte que, ainsi qu’il est écrit, Israël sera sauvé (És. 54:5 ; Rom. 11:26).

La lumière des prophètes se lève et brille à nouveau, dans les évangiles, après une longue période obscure. La gloire dans Ézéchiel, et Jésus dans Matthieu, font le même voyage. La Jérusalem d’Ésaïe est la même que celle de notre évangéliste.

Nous pourrions ne pas nous être attendus à cela, mais c’est pourtant ce que nous trouvons. Ayant écouté comme dans un concert les voix des prophètes et des évangélistes, nous pouvons rappeler ces vers :

 

Dans l’Ancien Testament, le Nouveau est caché.

Dans le Nouveau, l’Ancien est dévoilé.

 

Ou encore :

Ombre de ces clartés que notre âme anticipe

Dans les premiers livres divins,

Au soleil de midi la gloire vous dissipe

Comme la brume des matins.

 

Si harmonieuse et si riche à la fois, si stable et si vaste aussi, telle est la grâce de Dieu dans tous ses desseins et tels sont les divins oracles qui enregistrent ces desseins. « Certes, tu es un Dieu qui te caches, le Dieu d’Israël, le Sauveur... » (Ésaïe 45:15) s’écrie le prophète ; et le Jésus de notre évangile n’est autre que le Dieu d’Israël se cachant lui-même, tournant pour un instant le dos à Jérusalem et disant : « Vous ne me verrez plus... » (Matthieu 23:39).

Telle est, je n’en doute pas, la signification générale de notre évangile, et en particulier de la partie qui le termine.

C’est, n’est-il pas vrai, une leçon très complète, nécessaire et merveilleuse aussi, que Dieu nous donne, quand il nous fait asseoir pour lire et méditer cet évangile. Nous y avons constaté et suivi l’inimitié juive du commencement jusqu’à la fin. Elle s’est montrée infatigable, implacable, conséquente avec elle-même, refusant de céder à aucune prière, de se rendre à quelques conditions que ce soit. Elle a poursuivi le Seigneur depuis sa naissance, à travers sa vie entière, jusqu’à sa mort, dans son tombeau, après sa mort, et comme notre évangéliste le montre enfin « jusqu’à ce jour ».

Elle l’a rejeté sous quelque forme qu’il puisse se présenter. Il a été maintes et maintes fois annoncé par ses prophètes à son peuple Israël, mais celui-ci n’a pas voulu le reconnaître.

Au cours de toute cette terrible manifestation de l’incrédulité d’Israël, l’Esprit, par notre évangéliste, prend occasion de cette inimitié pour porter pendant un moment ses regards sur les voies de Dieu envers les Gentils (ainsi que nous l’avons vu au chapitre 13) ; puis à un autre moment (comme nous l’avons lu au chapitre 17) pour anticiper le royaume dans sa gloire céleste ; car ce sont là, en vertu de la grâce et de la souveraineté divines, les conséquences de la réjection d’Israël.

Et c’est ainsi qu’en terminant, notre évangéliste est conduit par le même Esprit, à annoncer le jugement qui va venir sur cette incrédulité hostile, mais aussi cette grâce abondante qui va rassembler Israël dans les derniers jours, ceux du glorieux royaume millénial.

 

Qu’elle est complète, et qu’elle est merveilleuse cette portion des Écritures ! Dieu seul pouvait, dans un livre aussi court, renfermer de tels trésors de sagesse et de connaissance. Qui enseigne comme Lui ? « Qu’est-ce que la paille à côté du froment ? » dit l’Éternel (Jérémie 23:28). Et je suis convaincu que, comme quelqu’un l’a dit, et que d’autres l’ont aussi expérimenté, même avec une faible foi, « si nous nous attendons patiemment au Seigneur, toutes les difficultés de la Parole ne sont que des canaux vers la lumière et la bénédiction ». Et le cœur acquiesce encore à ce qu’a dit un autre : « Les conceptions spirituelles éblouissent, illuminent et stimulent l’entendement avant de le guider et de le satisfaire. Nous ne pouvons jamais enseigner les vérités que nous nous contentons de connaître avec la même vigueur que celles par lesquelles nous sommes guidés et gouvernés ».

 

 

 

2         ÉTUDE SUR L’ÉVANGILE DE MARC

2.1        Introduction

Dans la lumière variée et féconde de la Parole, l’âme découvre sans cesse de nouvelles merveilles. L’Écriture a sa semence en elle-même comme les arbres d’Éden. Elle porte elle-même son propre témoignage comme toutes les œuvres de Dieu. Elle a sa gloire et sa puissance propres que le Saint Esprit, seul, nous communique. Sa valeur et son excellence procèdent d’elle-même ; ce qu’il nous faut, c’est de marcher par la foi à la lumière de cette Écriture, de façon à nous saisir de Celui dont elle nous révèle la sagesse et la grâce, et à en jouir.

Il est bien connu que chacun des évangélistes a son propre caractère et son propre objet, selon l’Esprit de Dieu. Dès les premiers jours du christianisme, on apercevait comme nous le faisons maintenant, la variété dans l’unité, de telle sorte que quelques-uns disaient : « Ce n’est pas proprement quatre évangiles que nous avons, mais un évangile à quatre faces ». La même vie est vue dans différentes relations, le même Jésus traverse les mêmes jours et les mêmes circonstances sous divers caractères.

C’est la variété dans l’unité. Et cela me conduit à dire que tout le livre de Dieu a ce même caractère de l’unité dans la variété. Nous reconnaissons notre monde dans toutes les parties de ce livre, et nous nous reconnaissons nous-mêmes dans toutes les personnes qui y évoluent. Nous écoutons par exemple la grâce qui s’adresse à nous comme pécheurs, et nous apprenons nous aussi à connaître la ruine et la rédemption comme Adam le fit le jour de Genèse 3. Quand nous revêtons la justice de Dieu par la foi, nous nous trouvons dans la famille et la communion d’Abraham, comme en Genèse 15. Quand la table du Seigneur est dressée au milieu des rachetés chaque premier jour de la semaine, nous y prenons place dans un seul esprit avec la congrégation de Dieu, comme en Exode 12. Dans le conflit entre la chair et l’esprit nous voyons non seulement quelle sorte de gens étaient les saints du temps de Paul, mais nous y lisons aussi notre propre expérience de chaque jour.

Ainsi nous sommes chez nous, à travers le livre entier. C’est notre propre monde qu’il dépeint dans ses différentes scènes, et c’est nous-mêmes dans les acteurs qu’il y place : l’unité dans la variété, tel est bien le merveilleux caractère de ce livre.

Des milliers d’années ne sont qu’une seule et même journée. Le livre est un, bien que Moïse et Jean, le premier et le dernier de ses écrivains aient été séparés par nombre de siècles, et bien que des rois et des pêcheurs, des scribes, des pasteurs, des prophètes et des publicains, séparés par toutes les habitudes de la vie humaine et les circonstances humaines, aient été appelés à y mettre la main.

C’est un livre qui contient des merveilles mais le livre lui-même est la principale merveille comme nous venons de le constater. Son naturel et sa beauté sont, avec tout cela, admirables au-delà de toute expression. Cette qualité du livre de Dieu a rappelé à un autre une frappante analogie, dans le domaine de la nature : « C’est, a-t-il dit, un arbre plein de noblesse, dont l’énergie intérieure, la souveraine puissance vitale agissant librement, produit une variété de formes dans lesquelles tous les détails de l’ordre selon l’homme peuvent paraître manquer, mais où il y a une beauté que nul art humain ne peut imiter ».

Le même écrivain ajoute après avoir contemplé les éléments qui forment ce livre : « Tout concourt à couronner d’une gloire divine la démonstration de l’origine et de l’auteur du livre qui contient ces choses ».

Puisse notre méditation sur ce livre être « mêlée avec de la foi », afin que l’âme en profite, et que le cœur soit touché.

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Cet évangile qui succède à celui de Matthieu semblerait, en tant qu’histoire des événements, être seulement une relation plus courte des mêmes circonstances. Mais l’œil plus attentif ne manquera pas de percevoir le caractère distinctif qui s’y attache.

Son commencement paraîtrait lui donner la dernière place dans la succession des quatre évangiles. Mais un examen plus approfondi amènera à juger que c’est bien la seconde place qui lui convient.

Nous n’y avons pas de généalogie du Seigneur Jésus, ni divine, ni humaine ou juive. Nous sommes introduits près de lui dans son âge adulte. Nous n’avons aucun compte rendu de sa naissance, ni de ce qui a précédé sa naissance. Il n’est pas fait mention non plus des jours de son enfance passés dans la soumission à ses parents, ou sous la loi, encore bien moins de son incarnation. Tout cela, si glorieux et précieux que ce soit, est laissé aux autres évangélistes.

Jean nous parle de l’incarnation. « La Parole devint chair ». C’est la première pensée et la plus élevée, qui nous présente le Seigneur tel qu’il était divinement, de toute éternité.

Luc, quant à lui, présente le fait de sa venue dans ce monde et relate les circonstances de cette venue. Il nous parle de sa naissance par l’action du Saint Esprit, et nous le fait voir pour un petit moment, croissant et se fortifiant, étant rempli de sagesse, au milieu des circonstances familiales, ou à la maison à Nazareth de Galilée.

Matthieu, reprenant à son tour cette histoire merveilleuse, nous montre le petit enfant à sa naissance, et « le Fils qui nous a été donné », dans sa solennelle présentation à son peuple Israël. Emmanuel est venu, Dieu et homme dans une même personne. Il est présenté dans ses droits et titres comme le gouverneur promis sortant de Bethléhem de Juda.

Marc, lui, passe sur toutes ces choses, et nous le montre d’un seul coup à l’âge d’homme. Sa gloire éternelle, son incarnation, les circonstances de sa venue en chair et de son entrée dans le monde, les revendications faites pour lui par les voix des prophètes et les visions célestes aussitôt qu’il est venu dans le monde, tout est passé sous silence. Il n’est rien dit de celui qui était au commencement, de celui qui, au temps fixé, naquit à Bethléhem, de celui qui comme enfant dut être mis à l’abri par la fuite en Égypte, de celui qui ensuite grandit à Nazareth, et, à l’âge de douze ans, s’entretint avec les scribes et les docteurs dans le temple. Dès le début de notre évangile, nous le voyons comme ceint pour le service, en pleine force et maturité. « Commencement de l’évangile de Jésus Christ », tels sont les premiers mots de Marc.

C’est pourquoi, comme je l’ai observé, cet évangéliste pourrait paraître occuper la dernière place dans l’ordre des quatre. Mais c’est là seulement une première impression.

Caractéristiquement cet évangile est l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ comme serviteur, ou dans son ministère. C’est ainsi qu’il s’ouvre, qu’il se poursuit tout au long et qu’il se termine.

Mais nous ne pouvons pas dire de notre Seigneur qu’il est notre serviteur. Il est vrai qu’il nous sert toujours, néanmoins il n’est pas notre serviteur, mais celui de Dieu. Parler de lui comme de notre serviteur, comme cela a parfois été dit, reviendrait à l’assujettir à notre autorité, ce qui ne peut pas être. De telle sorte que bien qu’il nous serve en grâce infinie, il est cependant toujours le serviteur de Dieu et non le nôtre.

Et nous pouvons ainsi considérer dans cet évangile tous les détails qui ornent et rendent parfaite une vie de service. Vie qui a ses ornements aussi bien que sa substance et qui est caractérisée par sa tendresse, ses égards, aussi bien que son dévouement et son abnégation.

J’ai déjà remarqué que généralement les éléments de Marc sont les mêmes que ceux de Matthieu. Le Seigneur fait les mêmes choses et est vu dans les mêmes circonstances. La différence réside dans l’objet que se proposent les évangélistes : dans Matthieu il met à l’épreuve Israël ; ici il sert Israël.

C’est pourquoi dans Matthieu le Seigneur est introduit dans toutes les formes requises afin que tout avantage puisse être donné à ce peuple mis à l’épreuve pour savoir s’il accepterait ou non le Messie.

Dans Marc toute forme ou cérémonie est absente. Il n’y a pas d’introduction solennelle du Seigneur au commencement de l’évangile, au-delà des choses nécessaires pour le placer dans son service. Et aussitôt qu’il est au travail, il passe d’un service à l’autre avec toute diligence. Ces distinctions ont une réelle beauté en elles-mêmes, car le service dans sa nature même ou son esprit ne procède pas avec régularité et continuité. Il répond aux occasions, comme elles se présentent. Le service fait son œuvre plutôt qu’il ne se met à l’œuvre. Par contre, en éprouvant Israël, le Seigneur, dans Matthieu, se place soigneusement dans les formes annoncées par les prophètes, et revêt les caractères voulus pour accomplir parmi son peuple les paroles de leurs propres Écritures.

Cette diversité est, certainement, une partie de la perfection qui s’attache à la Parole. Celui que nous avons dans chacun des évangiles, est vu à travers les mêmes scènes et les mêmes circonstances parce que l’histoire est vraie. Cependant l’Esprit nous le présente à travers ces scènes, sous différents caractères, tous conformes à la vérité, mais l’un aussi bien que l’autre nécessaires afin de le présenter dans sa plénitude. Ici, dans Marc, il est le Jésus qui, venu non pour être servi mais pour servir, « a été de lieu en lieu faisant le bien ».

L’écrivain de cet évangile est personnellement, si je puis dire, en harmonie avec son évangile. C’est Marc, appelé aussi Jean, que Paul et Barnabas avaient pris pour les servir, et de qui Paul dans une autre occasion dit : « Il m’est utile pour le service ». De même que l’apôtre Jean était un écrivain qualifié pour nous parler de Celui qui est dans le sein du Père car lui-même demeurait dans le sein du Seigneur, de même nous pouvons observer ici que l’écrivain est approprié au sujet.

 

Je voudrais maintenant résumer cet évangile en en distinguant les parties et en notant leurs caractéristiques.

1ère partie : Ch. 1 à 10 :

Ces chapitres nous donnent le service du Seigneur au milieu de son peuple Israël.

 

2ème partie : Ch. 11 à 13 :

Ces chapitres nous donnent la présentation du Seigneur lui-même à son peuple, comme leur Roi, et les résultats immédiats de cette manifestation, puis ses paroles prophétiques sur les temps et les vicissitudes d’Israël qui l’avait maintenant rejeté.

 

3ème partie : Ch. 14 et 15 :

Cette partie de notre évangile nous présente la scène des dernières souffrances du Seigneur.

 

4ème partie : Ch. 16 :

Le dernier chapitre nous montre notre Seigneur ressuscité.

 

2.2        1ère partie : Ch. 1 à 10

« Commencement de l’Évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu ».

Rien ne peut être plus simple, plus entièrement dépouillé de toute cérémonie et de forme que cette présentation. Elle convient pleinement à celui qui s’avançait dans le service.

La personne entière est montrée, mais cela est fait sans solennité d’aucune sorte. Car ce n’est pas la personne du Seigneur qu’il s’agit de placer devant nous, ni ses droits, mais son ministère. L’introduction dont il est l’objet ici ne comporte que ce qui est nécessaire pour le placer dans sa tâche bénie et pleine de grâce.

Jean le Baptiseur l’annonce comme celui qui venait pour baptiser, c’est-à-dire entrant dans le ministère. Mais Marc n’ajoute pas comme Matthieu et Luc : « Il a son van dans sa main, et il nettoiera entièrement son aire », parce que cette action appartient au Seigneur considéré comme juge plutôt que comme serviteur, et ne répond pas par conséquent au but de cet évangile.

Nous lisons ensuite l’histoire du baptême du Seigneur par la main de Jean, et ensuite sa tentation, chacune de ces choses étant nécessaire à son introduction dans le ministère.

Dans le récit que notre évangéliste fait de la tentation, il y a une circonstance qui lui est particulière. Il nous dit, parlant du Seigneur dans cette scène, qu’il était avec les bêtes sauvages. Cela est plein d’intérêt, et il est très à propos de mettre cette marque de dignité, de dignité personnelle, avant que son service ait commencé, sur Celui qui, bien qu’il s’humiliât lui-même, prenant la forme d’esclave, n’était rien moins que l’Éternel, et le Fils de l’homme pur et sans tache. « Il était avec les bêtes sauvages ». C’était un endroit désolé en lui-même, un désert. Mais il y avait là à ce moment un homme qui n’avait jamais perdu Éden. Jésus occupait la place originelle de l’homme dans la création de Dieu. Il était au milieu des créatures issues de la main de Dieu comme Adam l’avait été dans les jours de son intégrité. En sa présence les bêtes sauvages étaient comme si elles n’étaient pas sauvages, comme elles avaient été en Genèse 2.

Il n’y avait pas de perte d’Éden dans la personne de ce Fils de l’homme. La tentation vient maintenant comme en Genèse 3, afin qu’il soit connu qu’il gardera son premier état, alors qu’Adam ne l’avait pas fait.

Le serpent entre en scène une seconde fois et la tentation se déroule. Nous n’avons pas besoin de dire comment « le dernier Adam » répondit au serpent. Quand le diable le laissa, les anges, qui s’étaient opposés au premier Adam vaincu en gardant le chemin de l’arbre de vie, s’approchèrent et le servirent comme le Vainqueur. Le droit à Éden, dans toute son étendue, ne fut jamais perdu pour Jésus. Ces augustes témoins, comme je puis appeler les anges du ciel, après les bêtes du désert nous scellent cette vérité, chacun à sa manière ; c’est pourquoi tout ce qu’il a traversé après cela, en affliction, en fatigue, en ayant faim, comme dans un monde d’épines et de ronces, le fut en obéissance à Dieu et en grâce pour les pécheurs. C’était une entrée volontaire dans la perte de toutes choses. Il s’exposa lui-même à tout cela ; il n’y était pas tenu.

Ces circonstances marquent la personne et la condition de notre Seigneur, alors qu’il entre pratiquement dans sa vie de service, et il est profondément heureux pour nous qu’il en ait été ainsi, mais bien vite il n’en est plus question et tout est bientôt laissé derrière. Son baptême, accompagné de la voix venue du ciel et de la descente de l’Esprit, aussi bien que cette scène dans le désert et la mention de l’emprisonnement de Jean, tout est rapidement traité, et après treize ou quatorze courts versets nous trouvons Jésus dans son service effectif.

La rapidité, ou la diligence, marque tout de suite ce service, et cela aussi de propos bien délibéré, car un serviteur se fait connaître par sa diligence — « quant à l’activité pas paresseux » — c’est pourquoi nous trouvons le mot « aussitôt », si souvent dans le premier chapitre.

Et dès lors, en avançant à travers les chapitres suivants, nous voyons le Seigneur engagé dans le service. Il passe continuellement d’une action à une autre, en faisant le bien. Il est plutôt celui qui agit que celui qui enseigne, car faire est l’œuvre la plus humble. Nous avons peu de paraboles et pas de longs discours comme en Matthieu et Luc, tandis que plusieurs de ces actes de grâce et de puissance sont plus détaillés par Marc que par aucun des autres. C’est le cas dans les récits concernant Légion, la femme avec une perte de sang, l’homme sourd de Décapolis, ou encore l’aveugle de Bethsaïda.

Dans tous ces récits, il y a des traits et des sentiments qui manifestent avec une réelle beauté le but de l’Esprit. Les accents humains de l’Esprit de Christ sont particulièrement marqués ici. Ainsi, dans la guérison de la belle-mère de Pierre, Marc est le seul qui nous dise que le Seigneur la prit par la main quand il la fit lever après que la fièvre l’eut quittée. De même c’est Marc seulement qui nous dit que le Seigneur, avec la même grâce, prit les petits enfants dans ses bras.

Mais de telles actions n’expriment pas seulement la tendresse et la grâce de celui qui était parfait dans le service ; elles sont belles aussi dans leur signification. Prenons par exemple celle qui concerne les petits enfants, à laquelle nous venons de faire allusion : en Marc 10, c’est « entre ses bras » que le Seigneur prend les petits enfants ; dans une autre occasion, en Matthieu 18, Il en place un au milieu des disciples, ou encore comme nous le voyons dans Luc 9, « auprès de lui ».

Ces différences offrent un grand intérêt.

C’était quand les disciples reprenaient ceux qui lui apportaient les enfants qu’il les prit dans ses bras. Il était heureux de donner la place de la plus proche et tendre affection à ceux que l’ignorance à son égard et les erreurs du pauvre cœur humain auraient voulu maintenir à distance.

Mais quand les disciples disputaient entre eux pour savoir qui était le plus grand, il appela un petit enfant auprès de lui et le plaça au milieu d’eux ; en le mettant ainsi en évidence au centre du groupe et en le distinguant à sa droite, il donnait au petit enfant la place d’honneur, reprochant à ses disciples l’orgueil de la vie et le désir de se mettre en relief qui les animaient.

Ces actions du Seigneur à l’égard des petits enfants sont belles, je le répète, dans leur signification. Il les accueille dans l’intimité de son affection, quand l’incrédulité aurait voulu les tenir à distance. Il les met à la place d’honneur quand l’orgueil et la mondanité recherchaient une telle place pour eux-mêmes. Et de même en d’autres circonstances. Bien que nous lisions qu’il regarda à l’entour avec colère, nous apprenons cependant bientôt que ce n’était pas la colère de quelqu’un s’érigeant en juge, mais de Celui dont le cœur était blessé par la dureté et l’incrédulité des hommes. C’était la sensibilité de l’Esprit de sainteté.

Notre évangéliste attire l’attention sur les sympathies de Jésus, alors qu’il accomplissait ses œuvres de grâce. Et aussi sur sa sensibilité. À la vue de l’affliction il soupirait, à la vue du péché il soupirait profondément (ch. 7:34 ; 8:12).

Dans le récit que nous fait Marc, au sujet du jeune chef des Juifs qui était riche, nous voyons que Jésus, l’ayant regardé, l’aima ; ni Matthieu ni Luc ne mentionnent cette émotion du cœur du Seigneur.

De même dans deux occasions similaires de guérisons, l’une rapportée par Jean et l’autre par Marc, nous trouvons encore la sympathie de Jésus notée seulement en Marc. Dans le neuvième chapitre de Jean le Seigneur emploie sa salive, et impose la main, et alors, comme dans le sentiment de son autorité et de sa puissance, il dit à l’aveugle : Va et lave-toi au réservoir de Siloé. En Marc, chapitre 7 il emploie encore sa salive et impose sa main, mais en même temps il entre personnellement et d’une façon intense dans la circonstance. Il lève les yeux au ciel comme reconnaissant le Père là-haut ; il soupire comme étant sensible à la souffrance ici-bas ; et ensuite, mais pas avant, il prononce une parole, et la guérison s’opère.

Ce sont là les manifestations de quelques-unes de ses sympathies à l’égard de nos infirmités. Elles faisaient partie de son service et, par elles, il se préparait à remplir, dans une grâce infinie, son service présent dans le ciel, comme le miséricordieux Souverain Sacrificateur : « En ce qu’il a souffert lui-même, étant tenté, il est à même de secourir ceux qui sont tentés ».

Il n’y a pas non plus, dans cet évangile, la même autorité dans sa façon de revendiquer sa gloire en face de l’incrédulité et du mépris des hommes, ni le même accent de sévérité dans ses reproches, que dans les autres évangiles.

La désignation des douze a moins de solennité ici qu’en Matthieu. Et il est très caractéristique de notre évangéliste qu’il nous dise que Jésus établit les apôtres, non pas simplement afin de les envoyer, comme le dit Matthieu, mais aussi pour être avec 1ui, ses compagnons pour ainsi dire, aussi bien que ses apôtres, comme s’ils étaient ses collaborateurs dans l’évangile.

Des traits comme celui-là et d’autres semblables peuvent ne pas être toujours remarqués, mais ils donnent à cet évangile son caractère. Ils nous montrent Jésus comme le Serviteur, et sont en figure comme la ceinture dont il était ceint. Ils forment les voies de celui qui était enseigné pour manifester la bonté et qui connaissait l’art de servir les autres en perfection.

« Il est hors de sens », disaient certains (3:21) et cela était vrai dans un sens auquel ils ne pensaient pas. Il manquait de cette prudence que les hommes s’accordent à louer (Psaume 49:18).

Aussi est-il vu plutôt ici dans la vallée, dépouillé de lui-même, caché comme il convient à un serviteur (Philippiens 2:7). Il est parfois ici appelé « Maître » alors qu’en Matthieu il est appelé du titre plus élevé de « Seigneur ». Et c’est seulement dans Marc que nous lisons que le peuple l’appelait « le charpentier ».

Ses miracles démontraient au peuple qu’il était le Fils de David, comme nous le dit Matthieu 12:23, mais il n’en est pas parlé ainsi dans notre évangile. Nous n’y trouvons pas non plus le même soin de l’Esprit à identifier Jésus de Nazareth avec le Messie promis, par de constantes références aux prophéties s’appliquant à lui et à ses œuvres. Le Seigneur adresse ici un appel à l’homme, en usant de son pouvoir et de sa grâce plutôt qu’il ne revendique ses droits sur le monde.

Les moments où il se retire à l’écart ne sont que des préparations à un nouveau service. C’est pourquoi il permet qu’ils soient interrompus lorsqu’il y a lieu de pourvoir aux besoins du peuple, car il ne réclamait pas son temps pour lui-même.

Nous en avons un exemple dans le chapitre 1. Après avoir travaillé à des occupations variées du matin jusqu’au soir à Capernaüm, nous le voyons le lendemain matin, se levant longtemps avant le jour, pour prier ; mais Simon et ceux qui étaient avec lui l’ayant suivi et trouvé, il ne se dérobe pas et reprend son service.

De même dans le chapitre 4, il enseigne au bord de la mer. Il commence là cette journée de labeur sur les bords du lac de Galilée. Elle se révèle une journée fatigante, et le soir il se reposerait volontiers. En conséquence, ses disciples le prennent dans la nacelle tel qu’il était, un travailleur fatigué, et, dans leur amour plein d’attention pour lui, ils lui procurent un oreiller et il s’endort. Le Ps. 127 v. 2 : « Ainsi il donne le sommeil à son bien-aimé » trouve ici son application la plus élevée. Ils s’éloignent du rivage, le vent bientôt tourne à la tempête et les vagues battent la nacelle. Et voilà de nouveau le repos du Seigneur interrompu, car les disciples, saisis de crainte, le réveillent et le réveillent rudement. Mais la durée de son sommeil et de son repos était mesurée par les besoins des autres, et c’est pourquoi il se lève tout de suite pour calmer les vents, les vagues, et les craintes des siens.

De même encore au chapitre 6. Les apôtres sont de retour de leur mission, et plein de sollicitude il les mène dans un endroit désert afin qu’ils puissent se reposer et manger. Mais la multitude qui les attendait les surprend dans leur retraite. Il aurait apprécié d’être seul avec les compagnons de ses travaux et de les écouter lui raconter ce qu’ils avaient fait et ce qu’ils avaient enseigné. Mais, la multitude étant accourue, il se tourne immédiatement vers elle et commence à lui enseigner beaucoup de choses. Les profonds besoins du peuple l’appelaient, laissait en arrière ceux des apôtres. Ce n’était qu’un service faisant place à un autre ; mais la scène ne se termine pas qu’il n’ait pourvu à l’un et à l’autre, enseignant le peuple et les nourrissant tous, car ses mains étaient pleines et ses reins continuellement ceints.

Ce serviteur, comme nous venons de le voir au chap. 4, était parfois fatigué Nous le trouvons fatigué aussi au puits de Sichar, au ch. 4 de Jean. Il y a cependant une différence à remarquer entre les deux cas. Dans Marc, il trouve le sommeil comme soulagement, alors que dans Jean, il ne se repose ni ne se restaure. En Marc 4 il avait accompli une journée pénible et le soir il était fatigué, comme la nature l’est après le travail. Le sommeil lui est alors accordé pour le restaurer en vue de son service quand le matin viendrait. En Jean 4, il est encore fatigué, et il a faim et soif. Il s’assied ainsi au bord du puits de Sichar, attendant que les disciples reviennent des villages environnants avec de la nourriture. Mais, quand ils reviennent, ils le trouvent déjà rassasié et reposé. Il avait eu un rafraîchissement différent de tous ceux qu’ils auraient pu lui apporter, ou que le sommeil aurait pu lui procurer. Il avait été heureux dans le fruit de son travail. Il avait connu la joie de la moisson, aussi bien que la peine des semailles. Une pauvre pécheresse insouciante avait été rendue heureuse par lui.

Combien c’est simple ! Il n’y avait pas eu de femme de Samarie en Marc 4, pas de pécheur renvoyé avec la joie du salut. Aussi avait-il besoin de dormir pour être restauré. Mais, en Jean 4, son esprit est rafraîchi par le fruit de son labeur, et il n’a besoin ni de nourriture ni de sommeil. « J’ai de la viande à manger que vous, vous ne connaissez pas », dit-il ici, alors que là il employait l’oreiller procuré par ses disciples.

Nous pouvons tous comprendre cela, tant il y a là de sensibilité humaine. Mais si proche qu’il soit de nous dans ces voies, ces expériences et ces sympathies propres à la nature qu’il avait prise, il était encore et toujours un étranger dans le monde. Il prend ses distances tout en nous montrant son intimité. Cela est d’une gloire morale parfaite. C’est ce que montre le chapitre 6 dont nous venons de parler.

Les disciples, comme nous l’avons vu, retournent auprès de lui, après son labeur d’un jour. Il prend soin d’eux. Il s’approche tout près d’eux dans leur fatigue. Il en fait exactement le cas qu’il faut et y pourvoit en même temps, leur disant : « Venez à l’écart vous-mêmes dans un lieu désert, et reposez-vous un peu ». Mais, la multitude le suivant, il se tourne vers elle avec la même promptitude, prenant connaissance de leur état comme celui de brebis qui n’ont pas de berger, et il commence à les enseigner.

Dans tout cela nous le voyons proche — quel que fût le besoin humain qui le demandait.

Mais les disciples, avec quelque ressentiment de l’intérêt qu’il portait à la multitude, le poussent à la renvoyer, et il doit leur apprendre combien il était éloigné d’eux dans son Esprit. Il agit tout à l’opposé de leur suggestion et, pour finir, leur dit de monter seuls dans la nacelle, tandis qu’il renvoie la foule.

Les besoins des hommes l’amenaient tout près d’eux, mais son esprit le tenait à distance.

Et pourtant, quand les disciples dans la nacelle sont troublés une fois encore, il est à leur côté pour les secourir et les délivrer.

En cela nous voyons l’union invariable de la sainteté et de la grâce. Sa sainteté le tenait toujours à part de ce monde souillé et égoïste ; sa grâce le gardait toujours prêt à agir dans ce monde dans le besoin. Partout et sans cesse resplendit cette plénitude de gloire morale qui était en lui. Certainement, nous pouvons le dire, sa vie était une lampe dans le sanctuaire de Dieu, qui n’avait pas besoin de mouchettes d’or. Jamais sa lumière ne faiblit.

Le Seigneur rencontre en Marc les mêmes empêchements, les mêmes contradictions que dans les autres évangiles. Les pharisiens et les scribes sont irrités contre lui, le provoquent et l’épient afin de lui tendre des pièges. C’est la même inconstance de la multitude, et la même lenteur de cœur, la même incrédulité des disciples. Mais, poursuivant toujours, il passe d’un service à un autre, « faisant le bien », car il n’avait pas d’autre but ni d’autre activité.

Ici, cependant, je voudrais ouvrir une parenthèse et observer qu’au milieu de tout son service et de ses humiliations, que nous les trouvions ici ou dans les autres évangiles, sa gloire personnelle, divine, se montre par moments avec éclat. Car cet homme qui sert est l’Éternel. Sous la forme d’un serviteur entièrement obéissant, parfait dans son renoncement, il ne regarda pas comme un objet à ravir d’être égal à Dieu, bien qu’il fût en forme de Dieu.

Il agit à l’égard de la lèpre comme seul pouvait le faire le Dieu d’Israël. Il nourrit les milliers de son peuple comme l’Éternel les avait nourris autrefois. Les éléments obéissaient à sa parole. Les démons tremblaient devant la majesté de sa présence, et les hommes la sentaient parfois. Il conférait le pouvoir d’opérer des miracles, de guérir les malades, de nettoyer les lépreux, de ressusciter les morts, de chasser les démons ; et comme un autre l’a dit : tandis que n’importe quel homme à qui Dieu en donne le pouvoir peut opérer un miracle, nul sinon Dieu ne peut donner le pouvoir de faire ainsi. Le manteau d’Élie tomba sur Élisée, mais, en l’employant, Élisée dit : « Où est l’Éternel, le Dieu d’Élie ? » C’était en son nom, le nom de Jésus, que les disciples qu’il avait envoyés chassaient les démons. Ils employaient en son nom le pouvoir qu’il leur avait donné. « Les soixante-dix s’en revinrent avec joie disant : « Seigneur, les démons mêmes nous sont assujettis en ton nom ».

Qu’était-ce que tout cela, sinon le témoignage d’une gloire cachée qui était divine ?

Il pouvait cacher cette gloire qui était sienne, et la cacher profondément sous les voiles épais de l’humiliation, de la faiblesse et du service, mais elle lui appartenait, et elle peut s’affirmer elle-même. À vrai dire, bien qu’il la cache lui-même, cependant, il ne permet pas à l’incrédulité de l’obscurcir ou de la méconnaître. Il peut rester, pour un temps, sous le mépris et la réjection des hommes, mais il ne laisse pas sans réponse la lenteur de cœur des siens. Marthe dit : « Je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera » ; et encore : « Je sais qu’il ressuscitera en la résurrection, au dernier jour ». Mais le Seigneur ne donne pas de place à tout cela. Il repousse de telles pensées, qui obscurcissent sa gloire. « Je suis la résurrection et la vie », dit-il ; « celui qui croit en moi, encore qu’il soit mort, vivra ; et quiconque vit, et croit en moi, ne mourra point, à jamais ». Et il ajoute avec une intention pénétrante s’adressant à l’état de Marthe : « Crois-tu cela ? » Il ne pouvait pas permettre à l’esprit de Marthe de se reposer sur la pensée que Dieu répondrait à la demande de Jésus, ni sur ce qu’apporterait le dernier jour. Il voulait qu’elle parvînt, en pensée et par la foi, jusqu’à lui-même dans sa place de pleine gloire personnelle.

« Je suis depuis si longtemps avec vous, et tu ne m’as pas connu, Philippe ? » présente la même vérité. Et tout cela est bien précieux pour la foi. Elle voit le voile, et le justifie pour le présent, mais elle ne veut pas, elle n’ose pas, elle ne peut pas être indifférente à la gloire qu’il recouvre.

Ces remarques, bien que faites en passant, ne sont pas inutiles pour nous faire apprécier celui qui est ainsi placé dans son service devant nous.

Revenant maintenant à notre évangile, il nous faut observer encore la discrétion avec laquelle le Seigneur exerce son activité et qui orne et rend parfait le caractère de ce Serviteur béni de Dieu. À Décapolis il prend le pauvre sourd à part et, quand il l’a tout près de lui, il ouvre ses oreilles, lui enjoignant de ne le dire à personne (ch. 7). Sur les confins de Tyr et de Sidon, bien que les besoins des pécheurs pussent se découvrir là, comme n’importe où ailleurs, il ne voulait pas que personne ne le sût. Marc nous le dit, alors que Matthieu, dans le récit correspondant, n’y fait pas allusion. De même, à Bethsaïda, il prend un aveugle par la main, le conduit hors de la bourgade, et là, en secret, il lui donne la vue. En le renvoyant guéri il lui enjoint de ne pas entrer dans la bourgade, et de ne le dire à personne dans la bourgade (ch. 8).

Bien que, comme témoin de Dieu, il eût à être agressif, et ainsi à rencontrer la haine du monde, comme nous le voyons en Jean (7:7), cependant ici en Marc, comme Serviteur de Dieu, nous le voyons se cacher lui-même pour autant que son service le permettait. Le service n’est jamais parfait sans cela. Un serviteur doit s’ignorer lui-même, ne connaître que son maître, et faire en sorte que les autres l’ignorent lui-même pour ne connaître eux aussi que son maître. Il en est ainsi du Seigneur ; il poursuit son travail et, si cela attire l’attention, le voici qui toujours continue, et se cache en accomplissant de nouveaux services. C’est ce que nous voyons au chapitre 1. Simon et d’autres disciples le suivent dans le lieu où il s’est retiré, disant : « Tous te cherchent », comme si la multitude voulait le rendre public, faire de lui un objet ; mais lui se cache derrière de nouveaux travaux et répond à Pierre : « Allons ailleurs, dans les bourgades voisines, afin que j’y prêche aussi ; car c’est pour cela que je suis venu ».

Conformément à ce caractère de sa marche, nous le trouvons en certaines occasions, voilant plus soigneusement sa gloire dans cet évangile que dans les autres.

En disputant avec les pharisiens au sujet du sabbat, il parle de lui-même en Matthieu, comme d’un « plus grand que le temple ». Cela est omis ici. Dans la même occasion, à la fois dans Matthieu et dans Luc, sa seigneurie est revendiquée sur un ton de consciente autorité, mais ici elle est simplement fondée sur ceci que le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat.

Ainsi encore, bien que dans cet évangile nous ayons aussi la vision sur la sainte montagne, même là nous le voyons en quelque sorte se voiler lui-même (ch. 9).

C’est un rayon de la gloire céleste qui illuminera le sombre sentier du Fils de l’homme rejeté sur la terre. Son esprit, il est vrai, était toujours dans la lumière de la face de son Père durant ces années de service, à travers les villes et les villages du pays, toutefois ses circonstances parmi les hommes furent solitaires et sans encouragement. Mais cette scène de la transfiguration était une visitation de la gloire qui traversa son sentier pour un moment, et elle était pleine du royaume des cieux, c’est le royaume en puissance qui est vu dans la transfiguration, sa partie céleste étant la principale. Mais il y a, dans la relation qu’en fait notre évangéliste, un trait qui lui est particulier. Il nous dit que, quand le Seigneur descendit de la montagne, « toute la foule, le voyant, fut saisie d’étonnement ; et ils accoururent et le saluèrent ». Je suppose que, en quelque mesure, la gloire demeurait encore sur lui, comme la face de Moïse rayonnait quand il arriva au pied du Sinaï et se tint de nouveau au milieu du peuple. Cela pouvait avoir amené le Seigneur à une place d’honneur et bien en vue, mais cela le montre seulement dans la forme la plus parfaite d’un serviteur qui se dépouillait lui-même et ne se mettait pas en relief. Bien vite il met de côté la robe, et se ceint pour servir. Le Seigneur se détourne des salutations de la multitude pour s’occuper du pauvre enfant muet, que son père lui avait amené en implorant sa grâce. Ni la gloire au sommet de la montagne, ni les salutations qui l’accueillent à son pied, ne peuvent affaiblir ou interrompre son service, tant il était parfait dans l’Esprit avec lequel il servait.

Mais quand il voit la foule accourir comme à un spectacle, il guérit aussitôt le pauvre enfant, évitant autant qu’il pouvait le faire la publicité du miracle ; et, l’enfant guéri, il le prend par la main et le redresse. Tout cela est particulier à Marc.

J’ai déjà remarqué que, dans cet évangile, le Seigneur est plutôt celui qui agit que celui qui enseigne. Il y a cependant une parabole que l’on ne trouve qu’ici, je veux parler de la parabole de la semence qui croît secrètement, au chapitre 4. Elle occupe, dans Marc, la même place que la parabole du froment et de l’ivraie dans Matthieu, chacune suivant respectivement dans chaque évangile la parabole du semeur. Si insignifiant que ce détail paraisse, il concourt à conserver son caractère à l’évangile de Marc. La parabole du froment et de l’ivraie nous fait voir le Seigneur comme détenant l’autorité, car il a à la fois des serviteurs et des anges sous ses ordres, et il dirige la moisson comme il lui plaît. La parabole de la semence qui pousse, sans que le semeur « sache comment », le montre au contraire dans la place du service et non de l’autorité, car c’est lui-même qui d’abord est le semeur, et à la fin le moissonneur.

Cela est significatif. Ce qui d’abord pourrait sembler être une exception dans la portée générale de l’évangile qui, nous l’avons dit, ne présente pas tellement le Seigneur comme un docteur, se trouve en parfaite harmonie avec lui, et témoigne de son unité.

Et maintenant, en terminant cette partie de notre évangile et en laissant notre Seigneur sur la scène de son service, laissez-moi remarquer ici une fois de plus qu’il n’exige jamais rien de la personne qu’il a guérie. Cela peut se voir dans tous les évangiles mais c’est un trait frappant et particulièrement beau de son ministère. Il ne demande jamais rien pour lui-même à celui qu’il a guéri, comme si la bénédiction qu’il a dispensée avait créé un droit en sa propre faveur. À l’un il dit « Va en paix », à un autre « Va dans ta maison », à un autre « Prends ton lit et marche » ou des paroles analogues.

Il ne permet pas au pauvre Gadarénien, qui cependant le désirait, de rester avec lui. Il laisse la fille de Jaïrus dans le sein de sa famille. Il rend à son père l’enfant qu’il guérit au bas de la sainte montagne. De même, après avoir rendu la vie au fils de la veuve de Naïn, il le remet à sa mère. Il ne demande aucun dû pour ce qu’il a fait dans le chemin du service. La grâce, puis-je dire, ne saurait se déshonorer ; sa nature est de donner et non de recevoir, d’accorder aux autres et non de s’enrichir. Le temps pour guérir ne doit pas être un temps pour demander. L’esprit d’Élisée s’éleva contre la pensée de recevoir de l’argent, des vêtements, des brebis et des bœufs, après qu’il eut nettoyé un lépreux de sa lèpre ; et l’esprit du prophète n’était qu’une faible émanation de l’Esprit du Fils. Jésus faisait le bien, donnait sans rien attendre en retour. La grâce aurait manqué dans l’une de ses plus belles expressions s’il en avait été autrement. Mais nous savons qu’il vint afin qu’en lui et dans ses voies pût briller la plénitude des grandes richesses et de la gloire qui lui appartiennent.

Il trouva, il est vrai, des serviteurs dans ce monde, mais ils étaient le fruit de son appel et de l’énergie de son Esprit, le fruit aussi d’affections allumées dans les cœurs étreints par son amour. Il appela Lévi, et Lévi le suivit, André et Simon pareillement, et Jacques et Jean ; « et ils le suivirent », mais il ne les avait pas guéris pour ensuite les réclamer. Marie s’attacha à lui d’un amour fervent et reconnaissant, car il l’avait délivrée de sept démons, mais il ne l’avait pas réclamée ; l’amour d’un cœur brûlant l’étreignait, mais c’était une toute autre chose.

Je crois que nous ne pouvons assez admirer l’excellence de cette manière d’agir. Le premier devoir de la foi, aussi bien que son privilège le plus grand et son action la plus élevée, est de nous tenir dans l’adoration devant lui et devant ses voies. Au lieu de nous enquérir péniblement de nous-mêmes, pour savoir si nous répondons de façon appropriée à la grâce du Fils de Dieu qui nous a sauvés, nous nous éveillerions à la jouissance de sa personne dans l’exercice de cette grâce. Ce qu’il nous faut d’abord, devant la lumière qui brille en lui, c’est d’apprendre par elle ce qu’il est, calmement, avec reconnaissance et joie, et non pas commencer à nous mesurer anxieusement par elle ou chercher à l’imiter.

 

2.3        2ème partie : Ch. 11 à 13

Le Seigneur est vu ici présentant le royaume à son peuple Israël. Nécessairement, par conséquent, nous avons le même déploiement de la royauté que dans les autres évangiles, quant aux faits matériels. La relation de Marc est cependant toujours faite avec une concision caractéristique.

À son entrée dans la ville, en se rendant au temple, il agit bien comme le Roi et, dans son zèle pour la maison de Dieu, il chasse dehors ceux qui faisaient de cette maison une maison de trafic ; cependant, auparavant, « il promena ses regards de tous côtés sur tout ». Dans Matthieu il est vu comme agissant immédiatement sur cette scène souillée, mais, ici, comme ce petit fait nous le montre, il est dans le calme et la retenue de quelqu’un qui voudrait donner à la scène le temps d’affecter sa vue et son cœur, avant que sa main s’appesantisse en jugement. C’est là un autre exemple des sympathies ou des sentiments de Jésus dans cet évangile. Il entre personnellement dans la scène qui était sous ses yeux et n’agit pas seulement judiciairement. Il y avait en cela quelque chose de la patience divine, quelque chose de la lenteur de Dieu à croire le mal, comme il avait dit en d’autres temps touchant Sodome : « Je descendrai et je verrai s’ils ont fait entièrement selon le cri qui en est venu jusqu’à moi ; et sinon je le saurai ».

Cela donne certainement une expression adoucie, sobre, à l’acte de juger le temple ; cette différence avec la prompte autorité et la décision à laquelle Matthieu nous fait assister est nette.

Remarquons aussi l’attention avec laquelle notre évangéliste s’occupe du scribe qui interroge le Seigneur sur le premier de tous les commandements. Il nous fait connaître les exercices d’âme de cet homme. Matthieu nous dit seulement qu’il vint pour éprouver le Seigneur, comme l’un des représentants de la nation révoltée, mais Marc nous le montre moralement ou personnellement, exprimant ce qui se passait en lui, et il nous fait voir aussi comment le Seigneur le prend de la même façon, moralement et personnellement, lui disant : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu ».

Le cœur lit cela avec reconnaissance, en écoutant le Seigneur lui-même commenter de la sorte un des aspects ou une des phases de l’histoire de l’âme. Il nous dit (quelle bénédiction il en résulte pour nous !) que rien des lumières et des ombres du domaine intérieur ne lui est caché et qu’il sait comment les apprécier. C’est comme une soudaine visitation de l’esprit de cet homme. Il venait pour éprouver le Seigneur, mais, avant de s’en aller, il n’était pas loin du royaume de Dieu. Sûrement son esprit avait fait du chemin, son âme avait franchi un passage d’un profond intérêt. Cela nous fait penser au brigand mourant et repentant, car, si l’on s’en rapporte à Matthieu, il semble s’être uni à ceux qui insultaient Jésus, et selon Luc à la fin il se confie et en appelle lui.

Au terme de ce que nous pouvons appeler visitation royale que nous relatent ces chapitres, il ne paraît pas que le Seigneur occupe le siège du jugement, comme il le fait en Matthieu. Marc passe très rapidement toute l’action judiciaire. Il ne relève pas contre la nation les crimes dont ils sont alors coupables et convaincus, et par conséquent n’y applique pas la sentence de la loi. Cela est fait soigneusement dans Matthieu. Ici tout est réglé dans un verset ou deux, et rapidement le Seigneur se détourne de tout cela, et il regarde au-delà pour considérer une pauvre veuve jetant ses deux pites, toute sa fortune, dans le trésor de Dieu. Son œil était bien davantage occupé du bien que du mal, alors qu’il avait devant lui d’une part le temple plein de mal et d’autre part seulement les deux pites de la veuve. Ces traits sont tous dans la manière particulière de notre évangéliste ; il est d’un grand profit pour nous de saisir leur sens et leur portée.

Le chapitre 13 correspond à Matthieu 24 et 25. C’est la grande prophétie du Seigneur concernant Israël, Israël qui l’avait maintenant pleinement et solennellement rejeté. Ils avaient vu le Roi, mais il n’était pas à leurs yeux le Roi dans sa beauté. Le bras du Seigneur leur avait été révélé ; mais, à leur estimation, c’était une racine sortant d’une terre aride. Le jugement devait maintenant intervenir et suivre son cours, avant que le royaume pût être restauré pour Israël.

Dans ce chapitre, le style de Marc est le même que dans tout le reste de l’évangile. Il y a là une très forte expression du caractère du Seigneur comme le serviteur dépouillé de lui-même, humble, que nous ne trouvons pas ailleurs. Je fais allusion aux paroles du Seigneur au verset 32 : « Ni même le Fils ».

Il parlait de la connaissance du temps et des saisons et il décline une telle connaissance pour lui-même ; cette attitude lui convenait parfaitement comme serviteur. La connaissance ou la communication de secrets n’appartient pas à un serviteur, suivant les paroles mêmes du Seigneur (Jean 15:15), c’est pourquoi il peut dire que même le Fils ne connaît pas l’heure de la venue du « maître de la maison ». Il avait pris la forme d’un serviteur, en même temps que les qualités et les attributs qui étaient attachés à ces fonctions et, parmi ceux-là, le renoncement à la connaissance des conseils que le Père réservait à sa propre autorité.

D’autre part c’est comme Serviteur qu’il devait recevoir bientôt le royaume auquel il faisait allusion alors qu’il parlait ainsi. Il ne lui revient pas simplement par droit divin ; il est la récompense du labeur de Celui qui a été obéissant jusqu’à la mort. C’est pourquoi désormais ce qui s’y rapporte dépend du bon plaisir du Père et non du sien. L’attribution de la place d’honneur à sa droite et à sa gauche dans le royaume appartient à son Père, comme il le dit ailleurs (Matthieu 20:23), et le temps de sa manifestation en dépend pareillement comme nous le trouvons dans ce passage de Marc 13:32 : « Mais quant à ce jour-là, ou à l’heure, personne n’en a connaissance, pas même les anges qui sont dans le ciel, ni même le Fils, mais le Père ». Christ prend le royaume comme le Fils et l’héritier de David, parent des hommes et serviteur de Dieu, non par titre divin mais humain ; c’est pourquoi il peut dire de façon très appropriée : « Ni même le Fils », mots qui ne qualifient pas la personne du Fils, mais le caractère du royaume, comme nous pouvons le comprendre aisément, car le Seigneur ne parle pas en ce moment de lui-même, mais de l’introduction ou du commencement du royaume.

Le royaume lui revient comme Fils de l’homme. C’est à l’homme que le monde à venir doit être assujetti (Hébreux 2) et c’est Dieu qui va opérer cela. « Toute langue confessera que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2). De telle sorte que ces mots : « Ni même le Fils, mais le Père », en même temps qu’ils soulignent le caractère propre de notre évangéliste, comportent aussi un profond mystère.

Nous pouvons remarquer également que le Seigneur se nomme au v. 35 « le Maître de la maison ». C’est « votre Seigneur » dans le passage correspondant de Matthieu : un titre plus élevé.

De même encore, à la fin, il s’adresse aux apôtres en rapport avec le service, plus distinctement qu’il ne le fait soit en Matthieu soit en Luc.

À chacun d’eux il donne son travail, le portier doit veiller, et cela est particulier à Marc. Mais d’un autre côté nous pouvons remarquer que les apôtres ne sont pas placés dans leur dignité d’apôtres en Marc, comme ils le sont en Matthieu. Nous n’y trouvons pas l’honneur spécial conféré à Pierre au milieu d’eux, ni les trônes des douze sur les tribus d’Israël. Ainsi partout, dans les choses omises comme dans celles qui sont relevées, se montre la minutieuse exactitude des touches et des traits de l’auteur inspiré ; tout est beau à sa place et en son temps.

Comme nous l’avons remarqué, c’est très brièvement que le Seigneur met en accusation la nation juive et la juge, alors qu’il le fait pleinement et solennellement en Matthieu. Toutes les paraboles : des dix vierges, des talents, et du Roi sur son trône séparant les brebis d’avec les chèvres, qui sont les images des grands actes judiciaires de Christ, sont ici passées sous silence.

Ses voies dans cet évangile sont humbles, pleines de grâce et de dévouement, les voies de quelqu’un qui a mis de côté ses vêtements officiels et a ceint sa ceinture. Tout parle de ses grâces variées dans leur perfection. Et, une fois éprouvée la simple, heureuse, précieuse assurance de son amour personnel pour nous, rien n’encourage davantage le cœur à désirer être avec lui, que de découvrir sa gloire morale telle que les quatre évangiles la présentent. J’ai entendu parler de quelqu’un qui, en les lisant s’écria : « Oh ! que n’ai-je été avec Lui ! » C’est là ce qu’il nous faut et à quoi nous pouvons aspirer.

 

2.4        3ème partie : Ch. 14 et 15

Dans ces chapitres c’est l’Agneau de Dieu patient, sans tache, que nous voyons dans ses souffrances, passant de la nuit de la dernière pâque aux mortelles douleurs des trois heures de ténèbres.

Son sentier ici est, dans l’ensemble, ce qu’il est en Matthieu 26 et 27, avec cependant quelques traits distinctifs.

Il semble être laissé plus seul. Le récit est moins interrompu par les actes ou les sentiments des autres. Nous n’avons ni les remords de Judas, ni l’achat du champ du potier, ni le songe de la femme de Pilate, comme en Matthieu. Nous n’avons pas non plus les communications entre Hérode et Pilate, ni les lamentations des filles de Jérusalem comme en Luc. Il n’y a pas de guérison de Malchus, ni aucune mention du droit qu’avait le Seigneur d’employer à son service, s’il l’eût voulu, les armées du ciel. Nous n’entendons pas non plus le Seigneur sur la croix reconnaissant le Père, ni assurant le paradis au brigand mourant. Ni non plus, quand la mort est accomplie, le même plein et glorieux témoignage, rendu par la terre, et les rochers, et les tombes des saints, comme nous l’avons en Matthieu. Les expressions de dignité consciente, les sceaux de puissance et d’autorité mis sur lui et sur son œuvre, sont moins fortement mis en relief.

Il y a cependant, introduite par Marc dans cette scène solennelle, une personne que nous ne trouvons pas ailleurs. Je veux parler du jeune homme enveloppé d’une toile de fin lin sur le corps nu et qui s’enfuit, tout en abandonnant la toile de fin lin, alors que les huissiers s’emparaient de Jésus. Cela imprime davantage dans notre esprit le sentiment de tristesse et de solitude. Nos regards sont tenus attachés sur l’homme béni, qui durant cette heure était abandonné, délaissé, exposé à l’opprobre et humilié, comme le serviteur de la gloire de Dieu opérant la rédemption des pécheurs.

Tout cela, ce que nous avons ici et pas ailleurs, et ce que nous n’avons pas ici mais que nous avons ailleurs, est spécial. Tout nous parle du talent de « l’écrivain habile » qui guida la plume de notre évangéliste. Dans Jean, Jésus, durant la même heure, est bien le solitaire, mais là sa solitude est le fait de l’élévation et de la distance du Fils de Dieu. Ici c’est la solitude du serviteur volontaire, dépouillé de lui-même, qui a pris la dernière place.

Et, si nous regardons à lui sous quelque aspect ou caractère que ce soit, ce que nous voyons n’est que les rayons variés de cette gloire morale qui était en elle-même aussi pure et sans tache que la gloire personnelle qu’il avait avant que le monde fût, et qui dès l’éternité était parfaite en son genre. Il en sera de même des gloires dans lesquelles il sera connu dans l’éternité à venir.

 

2.5        4ème partie : Ch. 16

Ce chapitre constitue la quatrième et dernière partie de notre évangile.

Il nous montre Jésus en résurrection, comme le font Matthieu 28, Luc 24 et Jean 20, 21, mais il a, comme tout cet évangile, ses traits particuliers.

La descente de l’ange pour rouler la pierre, mettant la sentence de mort sur les gardiens du sépulcre, est particulière à Matthieu et, dans la méditation précédente sur cet évangile, j’ai considéré pourquoi il en était ainsi.

Nous avons cependant les paroles du même ange aux femmes qui étaient venues au sépulcre, car il y avait là une expression de grâce, et c’était là un sujet approprié pour notre évangéliste. Le groupe de femmes reçoit de l’ange le message tel qu’il est aussi rapporté dans Matthieu, mais avec cette différence que Pierre est expressément nommé : « Allez, dites à ses disciples et à Pierre : Il s’en va devant vous en Galilée ; là vous le verrez ». Les mots « et à Pierre » sont ajoutés en Marc, et cela était en complet accord avec la grâce pleine d’égards et de compassion de cet évangile ; car Pierre pouvait bien avoir besoin à ce moment de cette bonté spéciale et attentive. Il s’était signalé lui-même bien tristement au milieu de ses frères, et son Seigneur maintenant le signale en grâce au milieu de ces mêmes frères.

La corruption des gardiens du sépulcre par les principaux sacrificateurs et les anciens du peuple est omise ici bien à propos. Ce sujet est propre à Matthieu, comme le roulement de la pierre, car il conduisait à : « Et cette parole s’est répandue parmi les Juifs jusqu’à aujourd’hui » ; et c’est pourquoi l’Esprit nous la présente en Matthieu plutôt qu’en Marc.

Nous avons ici quelques données générales sur les visites que le Seigneur ressuscité fit à ses disciples ; et pareillement aussi sur leur lenteur de cœur à croire à la résurrection. Et ici, laissez-moi vous demander : est-ce que cette lenteur de cœur nous surprend ? Elle ne saurait le faire. Sans doute nous pouvons nous éprouver nous-mêmes et dire : « Pourquoi parmi nous juge-t-on incroyable que Dieu ressuscite des morts ? » (Actes 26:8). Mais, par nature, nous n’avons pas la connaissance de Dieu, comme l’apôtre le dit parlant de ce même sujet (1 Corinthiens 15:34). « Y a-t-il quelque chose de trop difficile pour Dieu ? » Non, mais nos cœurs sont endurcis. Précédemment les apôtres n’avaient pas prêté attention au miracle des pains et des morceaux qui étaient de reste, précisément parce que « leurs cœurs étaient endurcis » (Marc 6:52) et ici encore c’est leur dureté de cœur qui explique leur incrédulité. Par nature nos pensées ne peuvent saisir ni son pouvoir ni sa grâce. Nous sommes tous égarés Nous ne sommes disposés à recevoir aucune bonne nouvelle de la part de Dieu. La résurrection de Jésus, plein fruit de la grâce divine, est publiée et répandue, mais elle n’est pas crue, précisément parce que nos cœurs sont endurcis. La chair peut être souillée, comme elle l’est réellement, vicieuse et violente ; mais, avec tout cela, rien ne lui donne autant sa véritable place et son caractère de révolte ouverte, que le fait qu’elle refuse le message de grâce et de salut que Dieu envoie. Et l’un des fruits probants et doux d’un esprit renouvelé est la faculté de se tourner, libre et content, vers le Dieu bienheureux, en voyant sa gloire dans la face de Jésus. L’âme qui s’est détournée des ténèbres, de l’endurcissement et des égarements de la nature rend hommage à Dieu. Et c’est la vie éternelle en nous.

Le Seigneur ressuscité doit ici, en Marc comme dans tous les autres évangiles, reprocher cette incrédulité aux apôtres. Mais il la dissipe aussi bien qu’il la reprend, la pardonnant en passant, et scelle même ce pardon par un témoignage d’une insigne dignité puisqu’il introduit les apôtres dans le ministère, leur commettant l’honneur et la puissance de son nom en face de toute la création.

Mais poursuivons. C’est seulement dans cet évangile que les femmes qui viennent au sépulcre se demandent comment la pierre sera roulée ; car elles ne savaient pas jusqu’alors que, le troisième jour étant arrivé, le Seigneur ne pouvait être retenu par la mort. C’est seulement dans ce même évangile que Pilate s’étonne qu’il soit mort si tôt, quand Joseph vient pour demander son corps ; car il ne savait pas que, toutes les Écritures étant accomplies, le Seigneur devait remettre son esprit (voir Jean 19:28, 30 et Actes 2:24). Les pensées naturelles des saints les mettent en étroite relation avec les pensées et les raisonnements des enfants des hommes, nous en avons ici un exemple : l’ignorance des saintes femmes est la même que celle de Pilate. Mais la grâce abonde toujours. Les femmes au sépulcre sont instruites et encouragées et les disciples reçoivent la mission de porter le nom du Seigneur au loin à toute la création.

Le mandat ici a cependant son propre caractère, comme tout le reste. Il donne simplement aux apôtres l’œuvre à accomplir. « Allez dans tout le monde », leur dit le Seigneur, « et prêchez l’évangile à toute la création. Celui qui aura cru et qui aura été baptisé sera sauvé ; et celui qui n’aura pas cru sera condamné ». Ce n’est pas, comme dans Matthieu, faire disciples toutes les nations à la gloire de Celui qui a maintenant accompli toutes choses et est exalté, mais c’est un témoignage universel qui doit être partiellement accepté — résultat habituel du service dans l’évangile. Comme il est dit du ministère de Paul à la fin du livre des Actes, « les uns furent persuadés par les choses qu’il disait ; et les autres ne croyaient pas ». C’est pourquoi la forme de la mission donnée aux apôtres par leur Seigneur ressuscité, envisage le service et ses résultats, et est ainsi en plein accord avec tout l’évangile.

D’une façon plus frappante encore, le Seigneur lui-même, bien que sur le point d’être glorifié dans les lieux très-hauts, est vu, comme nous le disent les derniers mots, exerçant toujours son service. Car c’est ici seulement que nous lisons : « Le Seigneur donc, après leur avoir parlé, fut élevé en haut dans le ciel, et s’assit à la droite de Dieu. Et eux, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant la parole par les signes qui l’accompagnaient ».

Ainsi notre évangile se termine avec le caractère dans lequel il s’est ouvert, et qu’il a gardé tout au long. Il s’est ouvert avec le Seigneur en service : « Commencement de l’évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu » ; il se termine en nous le révélant, bien que caché et glorifié dans le ciel, comme « travaillant » toujours. Jésus exerce un ministère, qu’il soit l’homme rejeté sur la terre, ou accepté à la droite de Dieu dans le ciel, où toutes principautés, et autorités et puissances lui sont assujetties. Il vint faisant le bien. Il donna lui-même la preuve qu’il était venu parmi nous, non pour être servi, mais pour servir. C’est à lui, comme tel, que le Saint Esprit, dans Marc, regarde d’abord, et comme tel il le considère jusqu’à la fin.

C’est donc à juste titre que cet évangile prend place après celui de Matthieu parce qu’en Matthieu, Jésus, comme Messie, met Israël à l’épreuve, et c’était là la première chose que le Seigneur eût à faire en venant dans le monde et entreprenant sa sainte et merveilleuse course. Marc vient d’autre part avant Luc et Jean, car le Seigneur Jésus est ici, en Marc, le serviteur de la grâce du Père et de son plaisir en Israël. Dans Luc son action est plus large et plus haute, comme docteur et homme oint, s’occupant moralement des hommes. Enfin, dans Jean, il s’élève au plus haut point, en divine grâce et en souveraineté pour s’occuper des pécheurs.

Nous devons par conséquent, laisser chacun des évangiles là où nous les trouvons placés par la main de Dieu, et nous les acceptons exactement tels que nous les a transmis l’Esprit de Dieu. La lampe a été allumée et placée dans le chandelier. Nous avons seulement à savoir par la foi que c’est la lampe du Seigneur, afin que nous marchions à sa lumière à travers les ténèbres du monde présent, attendant le monde à venir duquel elle est le brillant et infaillible témoin.

 

 

3         ÉTUDE SUR L’ÉVANGILE DE LUC

3.1        Introduction

Chacun des quatre évangiles a son propos à lui. C’est pour cela que l’évangéliste Luc, bien qu’exprimant comme un témoin parmi d’autres les mêmes vérités divines, les présente sous un aspect particulier. Il se rencontre avec les autres dans le témoignage général, toutefois l’Esprit de révélation l’utilise dans un but déterminé.

Mais cette action différente du même Esprit, par le moyen des différents évangélistes n’est pas un défaut d’unité, mais bien plénitude et variété. L’huile dont Aaron était oint et qui était mystiquement la plénitude et la vertu qui demeurent sur notre adorable Seigneur, était faite de différents parfums : myrrhe, roseau aromatique, casse et cinnamome (Exode 30). Nous pouvons dire que c’est le rôle de chacun des évangélistes l’un après l’autre, de mettre en évidence les différentes parties de cette douce et rare composition du Sanctuaire, pour proclamer les excellences et perfections variées de Jésus, le Christ de Dieu. Car qui pourrait tout dire ? Il suffisait pour la joie et l’honneur d’un serviteur favorisé par de telles révélations, de retracer fût-ce seulement une d’entre elles. Le saint a le doux profit de les avoir toutes ensemble dans la Parole, et cela dans un langage à sa portée ; il peut se tourner vers le Bien-Aimé et dire : « Tes parfums sont d’agréable odeur ; ton nom est un parfum répandu ».

Parmi ces services variés ainsi distribués entre les évangélistes, Luc occupe sa place propre. Dans Matthieu le Seigneur rencontre les Juifs comme le Messie. Dans Marc il rencontre un monde dans le besoin, comme le Serviteur en face de ces besoins. Dans Jean il rencontre l’Église ou la famille céleste comme le Fils du Père, pour l’entraîner vers sa céleste maison. Mais ici, en Luc, il rencontre la famille humaine pour s’entretenir avec elle, comme étant le seul « Fils de l’homme » reconnu.

« Le Fils de l’homme » est un titre d’une signification très étendue. Il exprime l’homme dans sa perfection, un homme selon Dieu. Il nous dit, en quelque sorte, que l’homme se tient comme un être nouveau en Jésus, et qu’en Lui se voit la beauté humaine et morale dans toute sa plénitude. Mais ce n’est pas seulement toute cette perfection morale qui est exprimée dans ce titre de « Fils de l’homme », ce sont toutes ses souffrances et toutes ses gloires se rapportant à lui comme tel. Comme Fils de l’homme Jésus fut humilié (Psaume 8), mais comme tel il est aussi exalté à la droite de la Majesté dans le ciel (Psaume 80). Comme tel il n’avait pas un lieu où reposer sa tête (Luc 9:58), mais comme tel aussi il vient à l’Ancien des jours pour prendre le royaume (Daniel 7:13). Le jugement lui est donné comme tel (Jean 5). Il est prophète, sacrificateur et roi comme tel. Héritier et Seigneur de toute chose, Tête et Époux de l’Église. Comme Fils de l’homme il a le pouvoir sur la terre de pardonner les péchés (Matthieu 9:6) et il est Seigneur du sabbat (Marc 2:28), bien qu’il doive rester trois jours et trois nuits dans le sein de la terre (Matthieu 12:40). Comme Fils de l’homme il était le semeur fatigué, et il sera comme tel le glorieux moissonneur de la moisson. Il a été crucifié et ressuscité comme tel (Matthieu 17:9, 22, 23). Mais comme Fils de l’homme il avait constamment sa propre place dans le ciel (Jean 3:13, 14). Et comme le Fils de l’homme il est le centre de toutes choses, célestes et terrestres (Jean 1:52). C’était en effet dans l’homme que Dieu avait autrefois mis son image, et quand le premier homme, qui était de la terre, eut brisé cette image, le Fils de Dieu entreprit de la rétablir, pour accomplir dans l’homme et par l’homme le propos divin, mettant l’homme à cette place d’honneur et de confiance que Dieu avait autrefois prévue pour lui.

Ainsi ce titre ou nom du Seigneur, le « Fils de l’homme », a une portée très étendue et très élevée ; il se lie étroitement à sa personne avec toutes ses douleurs mais aussi toutes ses dignités, excepté naturellement ce qu’il possède en lui-même comme étant « Dieu sur toutes choses, béni éternellement ». Il est l’homme oint, le temple humain sans souillure, élevé au commencement par le Saint Esprit puis rempli par lui (Luc 1:35 ; 4:1). Il est l’homme abaissé qui chemina dans la douleur ici-bas jusqu’à la mort de la croix (Philippiens 2). Il est l’homme exalté couronné maintenant de gloire et d’honneur et qui bientôt aura tout pouvoir (Hébreux 2).

Et comme « Fils de l’homme » il s’occupe de l’homme ; et c’est sous cet aspect, je crois que l’évangéliste Luc nous le présente spécialement. Dans cet évangile, il s’entretient avec la famille humaine. Il vint comme l’homme oint, pour manifester l’homme selon la pensée du ciel, représentant le Dieu bienheureux au milieu de la famille humaine qui s’était profondément révoltée contre lui. Il était le seul sans tache ; et, par-là, il mettait en évidence l’état de ceux parmi lesquels il grandissait. Il était venu pour cela. Il pouvait, en perfection, montrer en lui-même l’homme selon Dieu et, par contraste, ce qu’est l’homme adonné au mal, de sorte qu’il est par-dessus tout dans cet évangile l’homme social, vu dans ses rapports avec les hommes en tous lieux où il les rencontrait, de sorte que partout tous pouvaient trouver et connaître l’Homme oint.

Tel est celui que Luc nous présente. Nous pouvons remarquer combien l’écrivain était approprié à la tâche particulière qui lui était assignée, car il nous est parlé de Luc dans l’Écriture comme d’un compagnon de l’apôtre des gentils (Actes 16:11 ; Colossiens 4:14 ; 2 Timothée 4:11 ; Philémon 24). Il fut associé au travail de celui dont le ministère ne connaissait ni Juifs ni Grecs, mais s’adressait à l’homme comme tel. Il semble même que lui-même fût un gentil : son nom le fait penser, et il semble être distingué, en Colossiens 4:14, des frères qui étaient de la circoncision.

Et maintenant, ayant ainsi vu dans son ensemble l’objet de notre évangile et considéré la personne de son écrivain, je voudrais le suivre par ordre. Mais rien de moins que la joie du Seigneur en nous-mêmes et sa louange dans les pensées de ses saints ne pourrait nous faire avancer d’un pas dans des sentiers saints comme ceux-là. Ce devrait être le commun délice de tous ses saints que de le considérer dans le moindre de ses actes. Car où avons-nous nos joies éternelles sinon en lui et avec lui ? Qu’est-ce qui fera nos délices, si Jésus et ses voies ne le sont pas ? Y a-t-il pour éveiller la joie un seul objet que nous ne trouvions en lui ? Y a-t-il des affections et des sympathies capables de gouverner ou d’apaiser nos cœurs, qui ne procèdent pas de lui ? N’avons-nous pas besoin d’amour pour être heureux ? S’il en est ainsi, y a-t-il jamais eu un amour comme le sien ? Si la beauté peut nous captiver, n’est-elle pas dans sa perfection en Jésus ? Si les trésors de l’esprit peuvent nous charmer chez autrui, ne les trouvons-nous pas en plénitude dans l’Esprit de Christ qui nous est communiqué ? En vérité, bien-aimés, nous devrions exciter nos cœurs à trouver leurs joies en Lui, car nous aurons à le connaître ainsi pour toujours. Apprendre les perfections et les beautés de cette Parole bénie est un des nombreux moyens qui nous sont donnés pour faire des progrès dans la joie du Seigneur.

Puisse cette présente méditation, quelle qu’en soit la faiblesse, produire cet effet en nous, par l’Esprit et pour l’amour du Seigneur.

On remarquera certainement que notre évangéliste adopte ce que nous pouvons appeler un arrangement moral de ses matériaux. Il y a aussi, cependant, une belle simplicité historique dans l’ordre des événements. La distribution suivante des parties de cet évangile, qui peut être considérée comme une sorte de table des matières, nous le montrera.

1. La naissance et les jeunes années de Christ, 1, 2 ;

2. Son baptême, sa généalogie et la tentation, 3, 4 ;

3. Son ministère en Galilée, 5-9:50 ;

4. Son voyage à Jérusalem, 9:51 - 19:27 ;

5. Son entrée à Jérusalem et tout ce qui suit jusqu’à sa crucifixion, 19:28 - 23 ;

6. Sa résurrection et ses résultats, 24.

 

Cela montre l’ordre général des événements, et leur arrangement est simple et beau. Mais toujours, et spécialement dans cet évangile, notre Seigneur est le Maître qui enseigne et agit avec les hommes, de sorte que nous trouverons de grandes vérités et des principes dans des portions détachées. L’ordre chronologique cède le pas à ces considérations morales et mon dessein est de noter ce qui est caractéristique, au cours de l’étude générale de cet évangile.

 

3.2        Luc, Ch. 1 et 2 — Naissance et jeunes années de Christ

Nous pouvons considérer ces chapitres ensemble.

Dès l’entrée, notons un détail caractéristique. Luc s’adresse à son ami Théophile. Nul doute qu’il fût son ami dans un sens divin, un bien-aimé dans le Seigneur, objet comme lui de l’amour de Dieu ; et Luc s’adresse à lui dans l’espoir que son frère et ami chrétien puisse être établi et affermi par cet évangile. Mais tout cela est exprimé dans un style particulier à Luc, en accord avec la grâce des affections humaines, car il attire Théophile par des liens d’homme. Et, de plus, il lui parle de sa propre connaissance personnelle des choses dont il lui écrit, ce qu’aucun autre évangéliste n’a fait, apportant ainsi quelque chose d’humain dans cette sainte tâche. Il apparaît lui-même devant nous, comme ayant les facultés et les affections d’un homme exercé au sujet des choses qui l’occupent, et s’adressant à un autre intéressé comme lui.

Mais bien que ses paroles prennent ce ton et paraissent couler dans ce canal, comme les communications d’un ami à un ami, cependant le Saint Esprit est tout aussi simplement et pleinement présent dans chaque pensée et chaque parole de notre évangéliste que si celui-ci n’avait eu aucune connaissance personnelle de ce qu’il écrivait. De même David savait que Dieu avait promis d’élever Christ pour s’asseoir sur son trône, cependant il parle de la résurrection par inspiration comme un prophète (Actes 2). Le Seigneur lui-même donna ses commandements à ses apôtres, cependant il nous est dit qu’il le fit par le Saint Esprit (Actes 1:2). Tout cela nous aide à nous assurer de l’égale et pleine inspiration de toute 1’Écriture de Dieu. Que ce soient les ordres donnés par le Seigneur à ses apôtres, ou les récits rédigés par Luc pour son ami, ils ne résultent pas simplement, les premiers de la connaissance personnelle du Seigneur, ni les autres de la connaissance personnelle de Luc, mais ils nous parviennent sous le sceau du Saint Esprit.

Après cette adresse à son ami, en manière d’introduction, Luc entre avec la plus grande simplicité dans son sujet, quelque grand et béni qu’il soit. Rien ne peut être plus parfait en son temps. Le ton élevé dans lequel Jean commence dans son Évangile la sainte tâche d’esquisser le Fils de Dieu s’accorde complètement avec un propos si élevé. « Au commencement était la Parole, et la Parole était auprès de Dieu ; et la Parole était Dieu ». Cela nous avertit dès l’abord de quelle sorte de révélation il s’agissait. Mais ici nous avons quelque chose d’un style tout à fait différent, bien que juste et parfait à sa place. « Aux jours d’Hérode, roi de Judée, il y avait un certain sacrificateur ». C’est exactement comme une simple histoire, une histoire des jours passés. L’esprit est retenu sur le moment, charmé de cette simplicité ; et cependant avec quelle adresse la main divine conduit nos pensées dans les plus profondes et les plus merveilleuses scènes ! Et elle le fait si doucement par ces cordes dont le cœur humain connaît si bien la force. Nous pouvons peu juger où cela nous conduit, mais l’Esprit de révélation nous tient fermement par la main pour nous amener où il plaît à sa grâce et à sa sagesse.

Ce même caractère est bien celui de la scène qui suit et qui se place au milieu des sympathies humaines et des affections domestiques. Il nous est parlé des circonstances entourant la naissance de Jean le Baptiseur et de sa parenté. Mais, si simple que ce soit, il y a là de profonds secrets.

Zacharie et Élisabeth nous apparaissent comme Abraham et Sara, Isaac et Rebecca, Elkana et Anne, dans les jours anciens. Ils étaient justes mais ils n’avaient pas d’enfants. Ils se tenaient à la place même où le dernier prophète d’Israël avait placé le résidu juste, se souvenant de la loi de Moïse, et marchant sans reproche dans les ordonnances du Seigneur (Malachie 4:4). Mais avec tout cela, ils n’avaient pas d’enfants et ainsi témoignaient en eux-mêmes que toute leur force devait être trouvée en Dieu, qui par le même prophète avait annoncé un restaurateur. Toute cette justice dans les ordonnances était une préparation pour la venue du messager promis, de même que l’acceptation du messager, par la suite, aurait été une préparation pour recevoir le Seigneur du temple. Pour de tels, en conséquence, est Élie, le messager promis et maintenant donné ; et sa naissance, comme nous le voyons ici, conduit à la naissance du Seigneur du temple promis (Malachie 3), devant la face de qui il devait aller comme l’aurore précède la pleine lumière du jour.

Et nous remarquons, dans les circonstances de ces deux naissances, une différence en accord avec cela. Jean paraît, enfant de la promesse, né par un don spécial de Dieu renouvelant en sa mère une faculté naturelle éteinte. Mais Jésus vient, Fils de Dieu, né non pas par un avantage donné à la nature, mais par le Saint Esprit, tout à fait hors de la nature. L’un est l’enfant d’une femme stérile, l’autre d’une vierge, mais cette différence est merveilleuse. Élisabeth était la mère d’un sauvé, Marie celle du Sauveur. L’enfant d’Élisabeth était le sanctifié, celui de Marie, Celui qui sanctifie. Cela faisait une profonde différence. Un enfant d’une femme stérile a toujours été un symbole de ce qui est sauvé, ou de la famille de Dieu, car il nous parle de la grâce et du don de Dieu à ceux qui ont toujours été sans puissance ni capacité (Ésaïe 54:1 ; Jean 1:13 ; Romains 9:8). Mais le Seigneur était le premier et le seul enfant d’une vierge, et cela nous dit que, bien qu’ayant participé à la chair et au sang à cause des « enfants » (Hébr. 2:14), il était, dans la plénitude de sa personne, entièrement au-dessus de la nature.

Telle est l’aurore et tel le plein jour ici — le prophète de Dieu, et le Très-Haut lui-même ; le messager et le Dieu d’Israël — tandis que jusqu’alors tout n’avait été que ténèbres. La dispensation de la loi, comme une alliance d’œuvres, avait prouvé que l’homme n’était que ténèbres, et l’avait abandonné comme tel ; elle portait bien témoignage des biens à venir, mais c’était en n’en dispensant que les ombres ; et, si même ce témoignage apparaissait comme celui d’étoiles dans la nuit, il disait que la nuit était toujours étendue sur la terre. Mais une nouvelle époque s’approche maintenant, une époque dans laquelle Dieu allait apparaître, et « Dieu est lumière ».

Cette époque est introduite ici avec toute la solennité convenable, solennité pleine de bonheur et de liberté. C’est toujours ce qui accompagne l’apparition du Dieu bienheureux. Les fondements de la première création furent posés avec des chants de joie (Job. 38:7) : le ciel garantissait que le dessein de Dieu était de rendre sa créature heureuse. Un tel dessein est bien ce qui convient à Dieu car « Dieu est amour ». Et il en est ainsi dans ces chapitres. Les fondements d’une autre création sont posés ici avec l’enfant de Bethléhem, et, de nouveau, tout est allégresse dans le ciel comme sur la terre. Dieu réapparaît et il faut qu’il y ait de la joie, car la douleur ne peut demeurer où il est. « La majesté et la magnificence sont devant lui, la force et la joie sont dans le lieu où il habite » (1 Chr. 16:27). Le pain de deuil ne peut être mangé dans son sanctuaire (cf. Osée 9:4), car la joie y demeure aussi bien que la sainteté. De même tout est joie ici : les armées des anges célèbrent sa louange, les bergers répètent les heureuses nouvelles, les lèvres de Marie, Zacharie et Élisabeth s’ouvrent pour proclamer les merveilles de la grâce, l’attente du vieillard Siméon reçoit sa réponse, le veuvage d’Anne est terminé, et même l’enfant dans le sein de sa mère tressaille de joie ! Les vieillards et les jeunes filles, les jeunes hommes et les enfants, tous ont leur part, dans ce moment, d’une joie plus riche que lorsque « les étoiles du matin chantaient ensemble ». La joie de la création cessa bientôt, il est vrai, pour faire place aux gémissements, car l’homme ne tarda pas à souiller l’œuvre de Dieu. Malgré tout, les fondements de la première création avaient été posés avec des chants. De même, ici, la joie dut bientôt faire silence dans ce monde méchant et la fille de Sion montra qu’elle n’y était pas prête ; nous pouvons avoir à apprendre que les chants du ciel tombent sur des cœurs lourds et que la terre ne leur fait point écho ; néanmoins les fondements de la nouvelle création, comme ceux de la première œuvre de Dieu, ont été posés dans une sainte joie. Quelle beauté dans ces chapitres ! Une longue et triste période s’était écoulée depuis le retour de Babylone, mais voici que le jour paraît, les cieux sont ouverts et les solitudes d’Israël sont de nouveau visitées.

Qui se serait attendu à cela la veille ? Le sacrificateur était à l’autel accoutumé, la vierge de Nazareth chez elle dans les circonstances quotidiennes de la vie, et les bergers, comme à l’ordinaire, gardaient leurs troupeaux, quand la gloire du Seigneur resplendit et que quelqu’un venant de la présence de Dieu apparaît. Gabriel peut se tenir ouvertement dans le lieu saint avec le sacrificateur, comme, sans hésitation, dans la pauvre demeure de la vierge. Telles sont l’aisance et la grâce de ces visites célestes, gages heureux de jours à venir encore plus brillants. Mais Gabriel, le messager, bien qu’il se tienne au côté droit de l’autel, ne montera pas dans la flamme comme l’Ange-Jehovah d’autrefois, il ne parle pas de lui-même comme étant plus grand que le temple, car il remplit sa place de serviteur et ne vise pas plus haut.

Tout cela est précieux, mais aura une réalisation plus brillante aux jours du royaume à venir : cette liberté et cette grâce, cette splendeur et cette joie seront plus grandes qu’alors, les gages seront plus que tenus. Car ce sont là les voies de notre Dieu. Il interprétera l’œuvre de ses mains et la fera clairement connaître. Il dépassera les promesses de sa grâce pour la bénédiction de tous.

Remarquons aussi de quelle façon magnifique l’Esprit s’exprime dans ces chapitres par les divers vaisseaux et les canaux qu’il emploie. Quelle affection débordante éclate sur les lèvres de Marie, de Zacharie, de Siméon ! On dit que les Juifs désignaient fréquemment leur Messie sous le nom de Manaham ou Consolateur ; Siméon ici est montré comme attendant la consolation d’Israël. On a pensé que cela a conduit le Seigneur lui-même à employer cette expression en parlant du Saint Esprit « un autre consolateur ». Et combien nous sommes heureux quand nos cœurs peuvent s’unir à ceux-là en quelque mesure et être remplis, ne fût-ce qu’un peu, de cette même affection spirituelle. Mais l’âme ne connaît que trop sa propre pesanteur !

Telle fut donc la naissance de ces deux enfants, et telle la joie du ciel et de la terre rapportée dans ces chapitres d’une si remarquable beauté. En avançant dans leur étude, nous trouvons d’autres traits concernant ces saints enfants. Leur croissance en stature et en sagesse, alors qu’ils étaient encore jeunes, est mentionnée ici, mais ici seulement, et cela est entièrement d’accord avec le propos de cet évangile que j’ai déjà signalé. Car l’homme est ainsi placé devant nous. Ces coups d’œil sur l’enfance et la jeunesse du Seigneur sont doux et touchants en eux-mêmes, et bien dans le caractère de notre évangile. Il est maintenant enfant, comme bientôt il sera homme, et en chaque saison également et parfaitement agréable à Dieu, sanctifiant chaque période de la vie humaine. Ici nous le voyons soumis à ses parents à Nazareth, en faveur aussi auprès de Dieu et des hommes : tout cela était du fruit en sa saison. Il n’avait pas encore été appelé à témoigner pour Dieu contre le monde. Quand le moment pour cela viendra, nous le verrons dans une semblable perfection, et rencontrant la haine aussi justement qu’il rencontre maintenant la faveur des hommes (Jean 7:7). Mais, jusque-là, il est seulement l’enfant parfait à la maison, soumis à ses parents, paré de tous les ornements qui lui convenaient, et ainsi se recommandant au cœur et à la conscience de tous.

Une sainte diligence pour atteindre à toute la sagesse divine marque aussi cet enfant parfait. Chaque année apportait avec elle son propre accroissement. Mais Dieu lui-même était son étude, sa seule étude, car ce fut au temple, comme nous le voyons ici, qu’il manifesta ce qu’il avait acquis dans cette période de saintes et diligentes classes. Beaucoup peuvent courir çà et là et accroître leurs connaissances en des matières variées, obtenues dans les écoles des hommes. Mais toute la connaissance que ce saint enfant recherchait était la connaissance qui convenait au sanctuaire. Il ne manifestait pas le fruit de son application dans les écoles, mais dans le temple de Dieu.

L’homme, cependant, est peu préparé à cela, et nous le voyons ici. Ses parents dans la chair ne comprennent pas cet enfant. Il leur est peut-être agréable qu’il attire l’attention par ses qualités d’enfant exemplaire, et ils pensent qu’il est dans la troupe des voyageurs qui le retiennent avec le désir de le voir et de l’observer. La vanité d’une mère peut suggérer cela. (Nous avons un autre exemple frappant du même esprit chez Marie en Jean 2:3). Ne le trouvant pas, ils le cherchent là où la chair l’aurait cherché. Mais il n’y était pas. Dans tout cela se dévoile la pauvre nature humaine. La vanité, les recherches mal dirigées, l’étonnement et le reproche ignorant de Marie montrent l’homme. L’enfant Jésus peut ainsi commencer à dévoiler la nature corrompue. « Ne saviez-vous pas ? » peut-il leur dire. Certainement cet enfant aurait pu dire : « J’ai plus d’intelligence que tous ceux qui m’enseignent, parce que je médite tes préceptes. J’ai plus de sens que les anciens, parce que j’observe tes préceptes » (Ps. 119:99, 100). Et tout cela est d’un grand réconfort pour nous. Il est précieux de savoir que notre Dieu a eu sur notre terre un objet, un Fils de l’homme, en qui toute son âme a trouvé ses délices. Cela est précieux, mais il en est ainsi de Jésus seul.

 

L’œil divin n’a jamais découvert sur la terre

Qu’un seul objet parfait attirant sa faveur.

Mais il s’en est allé ; Jésus Christ, le Seigneur

Est maintenant assis sur le trône du Père.

 

 

3.3        Luc, Ch. 3 et 4 — Baptême, Généalogie et Tentation

3.3.1        Ch. 3

Un long intervalle s’est maintenant écoulé jusqu’au moment dont nous entretient notre chapitre. Comme celle de Moïse dans sa première partie, la carrière de Jésus a été interrompue par les raisonnements et les ténèbres de la nature humaine. Moïse avait pensé que ses frères comprendraient que Dieu voulait les délivrer par sa main, mais ils ne comprirent pas, et leur incrédulité le sépara d’eux pour quarante ans. De même Jésus, plus grand que Moïse, accomplissait l’œuvre de son Père au milieu d’Israël, mais ses frères ne comprirent pas, et il dut descendre à Nazareth, éloigné d’Israël pour une nouvelle période (2:51). Il ne peut, cependant, que la passer dans la même perfection devant Dieu. La scène peut changer du fait de l’incrédulité de l’homme, mais rien n’altérait le cœur de Celui qui était saint. Il descendit à Nazareth pour y être soumis, toujours comme un enfant parfait, croissant en sagesse et en stature, et en faveur auprès de Dieu et des hommes.

Mais ici, au chapitre 3, nous trouvons d’autres scènes et d’autres temps. Les enfants avaient grandi et étaient mûrs pour leur manifestation à Israël. À ce moment solennel, notre évangéliste fait un examen complet du monde ; c’était une tâche qui lui appartenait par l’Esprit. Il nous montre ici « toute la terre en repos et tranquille », car la « bête » Gentile, la monarchie des nations, tenait tout en ordre, selon sa volonté (Zach. 1:11). Tibère était empereur à Rome, ses proconsuls étaient dans leurs gouvernements, la Judée elle-même étant un élément de sa puissance, une partie de sa dignité. Les sacrificateurs aussi étaient dans leur temple. Tout sur la terre, soit au point de vue religieux, soit au point de vue du gouvernement, était exactement comme l’homme le voulait. Mais, aux yeux de Dieu, tout cela était un désert, et, par conséquent, au lieu d’y prendre sa place et de le reconnaître comme un lieu de repos pour Lui, la voix de son serviteur est envoyée pour tout réveiller, comme Élie dans les mauvais jours d’Achab, et pour troubler le sommeil du contentement charnel dans lequel l’homme et le monde étaient enveloppés.

Les pensées de Dieu ne sont pas nos pensées. Il ne trouvait rien pour lui dans ce qui était le sabbat pour l’homme, et il allait agir à l’égard de ce monde comme envers un désert. La dispensation de la loi avait à ce moment mis l’homme à l’épreuve, et l’avait trouvé désespérément éloigné de la justice ; c’est pourquoi Jean est maintenant envoyé pour appeler l’homme à prendre la place d’un pécheur convaincu de péché. Il tourne les regards vers le remède qui était en Dieu pour un tel pécheur, mais il ne le révèle pas comme déjà accompli et introduit. Il dénonçait la vanité de toute chair, en en découvrant les racines mêmes, mais sa main n’apportait pas la semence d’une meilleure moisson. Il mettait la sentence de mort sur l’homme, mais ne lui apportait pas la vie. Il le mettait dans la poussière, mais ne lui donnait aucune puissance pour se relever. La vie et la puissance devaient venir ensuite par le Fils. Jean ne faisait pas de miracle. Il appelait les violents à prendre le royaume par la force, mais il ne mettait devant eux aucune porte ouverte. Il n’était pas la lumière, mais il était envoyé pour rendre témoignage de la lumière. Il se tenait entre Israël et son Dieu ; d’une part il disait à Israël que le peuple n’était que chair et que toute chair était comme l’herbe et, d’autre part, il montrait Jésus, le Dieu d’Israël, apportant sa récompense avec lui et faisant ses œuvres devant lui (Ésaïe 40).

Le ministère de Jean était un mélange de grâce et de justice. Il vint dans « la voie de la justice », se tenant à part du monde et refusant tout contact avec lui, et ainsi, par sa lumière, réprouvant l’obscurité. Il menait deuil sur sa génération, ne mangeant ni ne buvant parce qu’il appelait les hommes à reconnaître eux-mêmes qu’ils étaient pécheurs, et à prendre leur place comme tels. Mais il vint aussi dans la voie de la grâce parce qu’il était le précurseur de Jésus et allait devant la face du Seigneur pour préparer la voie du salut et le royaume. Il y avait donc ainsi, je le répète, un mélange de grâce et de justice dans son ministère, et il avait visiblement bien dépassé la loi et les prophètes. La loi avait cherché à diriger selon la justice l’homme dans la chair, et les prophètes avaient été envoyés, dans un sens, comme en aide à la loi, pour rappeler le peuple à l’obéissance, de telle sorte que tout secours et toute ressource puissent être donnés à l’homme. Et la grande patience de Dieu avait montré dans cette mise à l’épreuve si, oui ou non, l’homme était capable de se restaurer et de se tenir dans la justice. Le ministère de Jean supposait la vanité de toute espérance de cette nature et considérait l’homme comme convaincu de péché. Mais — tel est l’ordre saint établi par la sagesse divine — ce n’était cependant pas un ministère aussi élevé que celui qui a été introduit après lui : les apôtres, après la résurrection, appelaient l’homme à prendre par la foi la place d’un pécheur pardonné. Ainsi la lumière de la grâce et du salut a atteint son apogée pour nous, et nous n’attendons plus que la lumière de la gloire et le royaume.

Laissez-moi dire ici, avec la Parole de Dieu, qu’il y a eu depuis le commencement une œuvre plus profonde et plus excellente que celle de l’ancienne création. L’ancienne création était, dans un sens, laissée à la disposition de l’homme, et l’obéissance ou la désobéissance de ce dernier devaient déterminer son histoire. Mais le conseil divin, avant la création, avait préparé une œuvre dans et par le Fils, qui ne pourrait jamais manquer ni dépendre d’aucune autre force que la sienne propre. C’est ce mystère que le Seigneur a devant lui quand il dit : « Le ciel et la terre passeront, mais ma Parole ne passera pas ». La création était muable ; la rédemption (l’œuvre de la Parole) est immuable parce qu’elle est liée au Dieu vivant. Aussi le prophète s’adressant à Jésus, le Fils, dit : « Tu as jadis fondé la terre, et les cieux sont l’ouvrage de tes mains ; eux, ils périront, mais toi, tu subsisteras » (Ps. 102:25, 26). Toutes les choses qui ont été faites seront secouées (Héb. 12:26), car Dieu ne s’y trouve pas lui-même ; il n’est pas leur fondement. Mais la Parole était auprès de Dieu, elle était Dieu, et elle devint chair, partie intégrante (pour parler ainsi de ce mystère béni de la bonté éternelle) de l’œuvre même de Dieu. Il est le cep, la pierre angulaire, la maîtresse pierre de l’édifice. Cela donne à la rédemption une gloire indiciblement plus excellente que la création n’en a jamais eu. Et ainsi le Baptiseur, dans le ministère que nous avons dans ce chapitre de notre évangile, dit : « L’herbe est desséchée, la fleur est fanée, mais la parole de notre Dieu demeure à toujours » (voir Ésaïe 40). Tout dans cette œuvre est incorruptible. La semence de la vie qu’elle apporte est incorruptible ; le corps dans lequel sera enfermée cette vie est incorruptible ; l’héritage dans lequel elle introduit est incorruptible (1 Corinthiens 15 ; 1 Pierre 1). Dieu est entré par la brèche que le péché de l’homme a produite dans la vieille création et a pris contact lui-même avec cette grande ruine d’une façon telle et pour une fin telle que ce sera à la louange éternelle de son Nom béni, et aussi pour assurer, stable et impérissable, sa nouvelle création.

Le Psaume 90 semble être l’expression d’une âme qui a appris quelque chose de ce mystère. Le prophète regarde à Dieu lui-même, comme étant au-dessus de toute puissance créée ; il retrace alors la vanité qui s’est attachée à l’ancienne création, pour se reposer enfin d’un tel spectacle dans l’œuvre de grâce de Dieu, l’œuvre de la rédemption par la Parole. Et il en est de même pour nous. L’œuvre de la Parole, ou de Dieu manifesté en chair, est le soulagement de nos cœurs devant le pénible sentiment de la vanité universelle qui nous entoure. Le ministère de Jean peut conduire l’âme au sentiment de cette vanité, mais il appartient à un autre de nous donner cette confiance bénie et sûre en lui-même, et en son œuvre qui demeure à toujours.

Mais cela soit dit seulement en passant, en rapport avec le ministère de Jean le Baptiseur que ce chapitre nous présente. La généalogie du Seigneur est ensuite donnée en remontant jusqu’aux sources de la famille humaine, non à David et à Abraham simplement, comme en Matthieu, mais à Adam. Et cela, je n’ai pas besoin de le dire, est complètement d’accord avec la pensée générale de l’Esprit dans Luc, dont j’ai déjà parlé. De la même façon, l’absence de toute généalogie dans Jean est entièrement conforme à la pensée de cet évangile. En effet des généalogies reconnaissent des relations humaines ou nationales, et leur conservation, telle qu’y pourvoient les écritures juives (voir 1 Chroniques 1 etc.) ; elles montrent un soin jaloux à assurer l’ordre et le maintien du système humain. Ce système sera maintenu dans le royaume, quand les cœurs des enfants seront tournés vers les pères, et les cœurs des pères vers les enfants (Zach. 12:10, 14). Mais à nous il est dit de ne pas nous attacher aux généalogies (1 Tim. 1:4 ; Tite 3:9), car l’Église n’a pas à s’occuper de l’ordre et du maintien du système humain, mais elle est introduite dans des relations célestes.

Avant d’aborder le chapitre suivant, je voudrais observer que le fait que le Seigneur est Fils de Dieu est ici reconnu au moment de son baptême, comme il l’avait été auparavant lors de l’annonce de sa naissance, et qu’il devait l’être encore plus tard à la transfiguration (chap. 1:35 et 9:35). Mais chacun de ces cas a sa valeur distincte. L’enfant de la vierge que le Saint Esprit avait couverte de l’ombre de la puissance du Très-Haut devait être appelé « Fils de Dieu ». Sa personne était ainsi reconnue. Puis, à son baptême, la même attestation est faite une seconde fois avec cette addition : « En toi j’ai trouvé mon plaisir ». Son ministère est maintenant reconnu — car son baptême l’introduisait dans son ministère — reconnu comme ce qui éveillerait la pleine satisfaction divine. Et cela est un encouragement béni pour nous pécheurs. La loi n’avait jamais été ainsi approuvée, car elle exigeait la justice. Jean le Baptiseur ne fut jamais ainsi approuvé, car il convainquait l’homme sans le secourir. Mais, maintenant que le Fils venait en grâce et pour la guérison des pécheurs, l’Esprit de Dieu pouvait se reposer, car c’était l’accomplissement du propos de son propre amour ; et il pouvait être dit au Fils, à son baptême et à son onction qui suivit immédiatement ce baptême : « Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai trouvé mon plaisir ». Et, plus tard, il sera pour la troisième fois ainsi désigné quand la gloire du royaume brillera pour un moment sur la sainte montagne. Alors la même attestation se fera entendre avec cette addition : « Écoutez-le ». Mais cela est également parfait en son temps car il était ainsi reconnu dans son royaume ; tout genou devra se ployer devant lui et « l’âme qui ne l’écoutera pas sera exterminée d’entre le peuple » (Actes 3:22, 23).

Ainsi en trois occasions, à l’annonce de sa naissance, à son baptême et à la transfiguration, sa qualité de Fils de Dieu est divinement attestée. En d’autres termes, sa personne, son ministère et sa domination sont tous reconnus par le Père, le plein plaisir de Dieu reposant sur lui, et le plein assujettissement de la terre demandé pour lui. Dieu prend tout son plaisir en lui et la terre doit l’écouter. Après ces attestations par la voix venue du ciel, la résurrection vient au moment convenable les confirmer et les clore en acte et en fait, et déclarer Jésus comme Fils de Dieu « en puissance » (Romains 1:4).

 

3.3.2        Ch. 4

Mais Satan ne pouvait permettre tout cela. Que Jésus soit reconnu comme Fils de Dieu — et cela aussi en rapport avec la famille humaine, comme il en avait été pour Adam (3:22, 38) — Satan ne pouvait l’accepter. Il ne pouvait laisser revivre ce titre sans le contester, car, par sa ruse (Gen. 3:1), le premier homme avait perdu sa dignité. Dieu avait créé l’homme et l’avait fait à sa ressemblance ; mais l’homme avait engendré des enfants « à sa ressemblance, selon son image », souillés comme il l’était, et non une race digne d’être appelée « fils de Dieu ». Or Jésus était maintenant apparu pour affirmer à nouveau en l’homme cette dignité perdue. Le diable devait, par conséquent, mettre à l’épreuve son titre à le faire, et, dans ce dessein, il vient pour le tenter, disant : « Si tu es Fils de Dieu ». Le moment était décisif entre l’homme oint et le grand ennemi de l’homme. Et, incontestablement, Jésus se tenait là dans la suprême attitude d’un vainqueur. Adam, le premier homme, était entouré de tout ce qui pouvait plaider pour Dieu contre l’Ennemi. La douceur de la scène tout entière, la beauté de ce jardin de délices avec ses rivières qui se divisaient de çà et de là, les fruits et les parfums, les myriades de créatures empressées à servir l’homme, tout parlait pour Dieu contre l’accusateur. Mais Jésus, lui, était dans un désert stérile où il avait faim, les bêtes sauvages étaient avec lui, l’accusateur avait tout pour plaider contre Dieu. Tout était contre Jésus, comme tout avait été pour Adam, mais Il tint ferme là où Adam était tombé. L’homme de la poussière manqua, alors que tout le favorisait ; l’Homme de Dieu tint ferme alors que tout était contre lui. Et quelle victoire ! Quelle satisfaction cela permit à Dieu de recouvrer dans l’homme ! Pour remporter cette victoire, Jésus avait été conduit par l’Esprit dans ce lieu de bataille, car sa mission était de détruire les œuvres du diable (1 Jean 3:8). Il se tenait là comme le champion de la gloire de Dieu et de la bénédiction de l’homme, dans ce monde révolté, pour se mesurer avec l’ennemi et de Dieu et de l’homme, pour faire la preuve de son ministère, et il s’est hautement élevé, il est plus que vainqueur.

Mais il fut vainqueur pour nous, et c’est pourquoi, aussitôt, il s’avance avec le butin de cette journée, pour le mettre comme à nos pieds. Il avait été seul dans le combat, mais ne voulait pas être seul dans la victoire. Celui qui sème et celui qui moissonne doivent se réjouir ensemble. C’était un ancien statut de David, que celui qui était resté avec les bagages aurait sa part avec celui qui revenait de la bataille, et ce décret était un décret digne de la grâce du « Bien-Aimé ». Mais un plus excellent que David est ici, plein d’une grâce non seulement royale, mais divine ; et c’est ainsi que Jésus, le Fils de Dieu, s’avance, venant du désert, pour publier la paix, pour guérir les maladies, pour rencontrer tous les besoins de ceux qui étaient les captifs de cet ennemi, et leur faire savoir qu’il avait vaincu pour eux.

Cela nous parle du caractère de la bénédiction que nous, pécheurs, obtenons de la main du Fils de Dieu. Cette bénédiction est pour nous comme le butin de la victoire. Par le péché nous avons été déchus de toute la bénédiction de la création. Elle était autrefois nôtre en Éden, mais nous l’avons perdue, et maintenant toute bénédiction est le fruit de la victoire de Jésus. Notre cœur peut en jouir avec assurance car, tandis que nous nous emparons de cette bénédiction, nous lisons notre titre à la posséder. Celui qui bénit s’est qualifié lui-même pour bénir, car il a gagné la bénédiction avant de la conférer. Par conséquent nous connaissons notre droit à être bénis par Jésus, aussi sûrement qu’Adam connaissait le sien à être heureux en Éden. Et quel doute aurait-il pu avoir ? Ce ne sont pas des eaux dérobées que nous buvons, nous ne nous nourrissons pas de pain mangé en secret, mais de la nourriture arrachée à celui même qui dévorait, et de la douceur sortie du fort (Prov. 9:17 ; Juges 14:14). C’est là le caractère de la bénédiction que le Seigneur nous donne à nous pécheurs. C’est son propre butin conquis de haute lutte, et c’est ainsi que nous le recevons ici. Rempli de l’Esprit Saint (v. 1), il affronte le combat avec le diable pour lui résister, et le défaire ; ensuite, plein du même Esprit, il rencontra des pécheurs pour les bénir, les guérir et les sauver. Et, depuis ce jour de victoire dans le désert, il a rencontré au Calvaire celui qui avait le pouvoir de la mort, et là, par sa mort, il l’a détruit. Il s’est avancé en résurrection pour partager de nouveau les dépouilles de l’Ennemi avec tous les pécheurs du monde ; et, le cœur plein de certitude, nous contemplons ces glorieuses bénédictions et nous en jouissons.

Mais où est le pécheur pour apprécier la bénédiction et pour se parer lui-même des dépouilles conquises par le Fils de Dieu ? Là est la question, la seule question dorénavant. L’homme ne fait pas attention aux bénédictions, et ne s’occupe pas d’une victoire dans laquelle le dieu de ce siècle a été jugé, ni du butin de cette victoire. La synagogue de Nazareth nous montre ce qu’est l’homme, comme le désert vient de nous montrer ce qu’est Satan. Les futilités auxquelles le cœur naturel s’arrête l’emportent pour l’homme sur le fruit de la victoire que notre David apporte avec lui. C’est ce que nous voyons à Nazareth. La curiosité humaine est excitée pour un moment. Le peuple s’émerveille aux paroles pleines de grâce de Jésus, et ils attachent leurs yeux sur lui, mais ce courant est contrecarré par un courant plus fort, celui de l’orgueil humain qui s’y oppose, et tout ce plaisir trouvé un moment dans la grâce de Jésus s’efface ! Ils avaient été un moment suspendus à ses lèvres, mais l’orgueil qui suggérait « Celui-ci n’est-il pas le fils du charpentier ? » surmonte après une très courte lutte l’attraction qu’il exerce, et leurs bons sentiments sont trouvés être comme la nuée du matin, ou la rosée qui s’en va de bonne heure (Osée 6:4).

Il en est ainsi. L’inimitié envers Dieu et son Oint doit, hélas, gagner la bataille dans le cœur de l’homme toutes les fois qu’un conflit tel que celui-ci surgit. On prête plus d’attention aux frivolités qui remplissent le cœur ou la maison, qu’à la bénédiction de Dieu. L’homme n’a pas attendu aujourd’hui pour vendre cette bénédiction pour trente pièces d’argent, et même pour un potage de lentilles ; c’est là une pensée solennelle. « Qui se confie en son propre cœur est un sot » (Proverbes 28:26), car Dieu ne peut avoir confiance en lui. Il n’y a rien dans l’homme en quoi Dieu puisse avoir confiance. Quelques-uns crurent, en voyant les miracles que Jésus faisait, mais Jésus lui-même ne se fiait pas à eux. Il ne se fiera à rien de l’homme naturel. « Il vous faut être nés de nouveau ». « C’est ici la victoire qui a vaincu le monde, savoir notre foi ». Les résolutions précèdent les tentations et les engagements de l’homme sont rompus par Satan. Seule la communion avec Dieu dans la vérité, par l’Esprit, tiendra l’âme debout ; les forces naturelles des plus vigoureux seront détruites.

Mais ce chapitre nous montre aussi que l’amour du Fils de Dieu ne pouvait ni se lasser ni s’épuiser ; en effet, quittant Nazareth, il descend à Capernaüm pour offrir à d’autres le même butin de sa victoire. Son amour était au-dessus de tout refus comme, depuis, il s’est montré plus fort que la mort. « L’amour ne périt jamais ». Et le Fils de Dieu continue son chemin à travers ce monde de pécheurs, porteur de ces mêmes dépouilles, aussi fraîches que si elles avaient été assemblées hier, pour savoir qui se réjouira avec Lui en elles.

Tel est le chapitre qui, dans l’évangile de Luc, introduit le ministère du Fils de Dieu. Et, comme dans cet évangile son action s’exerce spécialement à l’égard de l’homme, nous avons ici, dès l’abord, une manifestation frappante de ce qu’est l’homme.

 

3.4        Luc, Ch. 5 à 9:50 — Ministère en Galilée

3.4.1        Ch. 5

Nous entrons maintenant dans le cinquième chapitre, dont nous trouvons les éléments généraux dans les autres évangiles. Je voudrais relever seulement ce qui est caractéristique.

Remarquons de nouveau que notre évangéliste est moins occupé des circonstances, et de l’ordre chronologique et d’autres choses semblables, que des hommes et des principes ; et ainsi devrait-il en être parmi nous. Si quelqu’un racontait à une autre personne des événements afin de les lui faire connaître, il ferait bien attention de noter avec exactitude des détails de temps et de lieu, mais s’il se servait des événements dans le seul but d’illustrer des principes ou de renforcer la vérité, il ferait moins attention à de telles choses. Ainsi, avons-nous dans ce chapitre une scène qui a précédé chronologiquement ce que nous avons déjà vu dans le chapitre précédent. L’appel de Simon à être un pêcheur d’hommes précédait en réalité la guérison de sa belle-mère, alors qu’ici il la suit (voir Matthieu 4:18 ; Marc 1). Mais cela n’importe pas pour Luc. Son dessein n’est pas de déterminer ce qui est arrivé en premier lieu, mais de nous donner des principes, de nous présenter Dieu et l’homme. C’est pourquoi, tandis qu’il est indifférent aux circonstances, il découvre dans l’appel de Simon de grands principes moraux que les autres évangélistes n’ont pas notés.

Cette révélation est bien frappante. Elle nous fait voir un homme amené réellement sous la puissance de Dieu. En effet, rien dans une prise de poissons, aussi importante et inespérée qu’elle puisse être, n’était susceptible de se lier à la conviction de péché. Mais il en était autrement dans les voies de Dieu. Car c’est toujours la découverte de Dieu qui conduit à la repentance, ou à une véritable conviction de péché. Ce n’est que dans la lumière de Dieu que nous pouvons nous connaître exactement. La pensée commune de tous ceux qui, dans les temps anciens, avaient la crainte de Dieu était qu’ils ne pouvaient le voir et vivre. Ils avaient toujours eu cette conscience depuis qu’Adam avait fui la présence de Dieu parmi les arbres du jardin. Manoah pensait qu’il devait mourir puisqu’il avait vu Dieu. Gédéon pareillement. Ézéchiel tomba sur sa face et la beauté de Daniel fut changée en corruption quand ils vinrent en contact avec la gloire. Ésaïe connut l’impureté de ses lèvres quand il vit le Roi, l’Éternel des armées. Ils apprenaient ainsi à se connaître justement, non par eux-mêmes ou mutuellement, mais par Dieu ! Ils découvraient qu’ils n’atteignaient pas à sa gloire (Romains 3:23).

Ainsi en est-il maintenant avec Pierre. La gloire était venue très près de lui ; les autres pouvaient ne pas l’avoir perçue. Qu’était une grande prise de poissons pour des pêcheurs ordinaires, sinon un coup heureux ? Mais un petit fait dira de grandes choses à l’oreille de quelqu’un que Dieu conduit. Un trou dans le mur est suffisant pour montrer au prophète de grandes abominations, et, pour Élie, un nuage pas plus grand qu’une main d’homme est plein des œuvres de Dieu et de motifs de louange. Celui qui pouvait commander à la mer était maintenant devant Pierre. Cette prise de poissons, c’est la gloire qui se manifeste à un pécheur conduit par le ciel, et Pierre, comme ces hommes d’autrefois, dès que la gloire est à son côté, apprend à se connaître. Ses yeux voient Dieu et il a horreur de lui dans la poussière et la cendre.

Cette connaissance de nous-mêmes, dans la lumière de Dieu, constitue le principe de la repentance. Nous pouvons lire plus d’une page tachée dans notre histoire et en être affligés et honteux ; mais nous lire dans la lumière de la gloire et de la présence de Dieu conduit à cette repentance que le Saint Esprit opère. Nous apprenons que nous sommes noirs quand le soleil nous regarde (Cant. des Cant. 1:5), quand la brûlante splendeur de la gloire se lève sur nous comme ici sur Pierre.

Laissez-moi ajouter que, de même que nous apprenons ainsi à nous connaître, de même aussi nous apprenons à connaître Dieu. Mes transgressions et mes folies peuvent me parler beaucoup de moi-même, mais je ne me connaîtrai justement et complètement que lorsque je me serai vu dans la lumière du Dieu de gloire. De même les œuvres de Dieu peuvent me parler beaucoup de lui, de son pouvoir et sa divinité, mais je ne le connaîtrai pas réellement tel qu’il est, jusqu’à ce que je le voie du sein des ténèbres de ma propre iniquité. C’est alors vraiment que j’apprends à connaître Dieu, quand je le vois dans la face de Jésus Christ, pourvoyant à ma condition de pécheur, et enlevant mes ténèbres et ma honte pour toujours selon les abondantes richesses de sa grâce. C’est ainsi qu’Adam apprit à connaître Dieu. L’œuvre des six jours, opérée par la main de Dieu, ne donna pas à Adam tout ce que Dieu avait en vue pour lui, ni ne dit à Adam tout ce que Dieu était pour lui. Ce fut sa transgression qui fut l’occasion d’en manifester tout le trésor. « Elle te brisera la tête, et toi tu lui briseras le talon », telle fut la parole qui révéla ce que Dieu était. La semence de la femme était un secret que la création n’avait pas déclaré ; c’était un trésor plus riche que tous les fruits d’Éden et qui, par la grâce surabondant là où le péché avait abondé, et non par le labeur des mains créatrices, est devenu celui d’Adam. Adam a appris alors à connaître véritablement Dieu, et le pécheur l’apprend maintenant de la même manière. C’est là l’enchaînement du mystère de la mort et de la vie : nous apprenons à nous connaître, tout ténèbres que nous soyons, dans la lumière de la gloire divine. Nous apprenons à connaître Dieu, tel qu’il est, tout bonté qu’il soit, par le mal de notre propre péché.

Voilà les précieuses vérités auxquelles notre évangéliste nous conduit. Cette scène lui est particulière, mais elle est bien dans la manière de l’Esprit qui, par lui, nous présente notre Seigneur comme le grand Docteur, agissant sur les cœurs et sur les consciences des hommes par des vérités et des principes. Je voudrais encore observer que Pierre ne craint pas d’enfoncer dans les flots (v. 7) ainsi qu’il le fit plus tard (Matthieu 14:30). Ici, il ne sent pas le danger ou n’y pense pas, car son âme était pleine d’autres pensées et son œil rempli d’un autre objet, de sorte qu’il n’y avait pas de place pour penser à lui-même ou pour craindre. Car c’est là la vraie guérison du doute, de la crainte et de toute confusion. Combien il est dommage que cette fraîcheur du sentiment de la plénitude qui est en Jésus se perde si vite ! C’est plus tard que Pierre craignit les eaux, parce que sa vue était dans la suite moins occupée de Christ. Mais les meilleurs d’entre nous n’ont-ils pas failli ? David, qui occupe parmi les rachetés du Seigneur une place si précieuse et si honorable, pouvait, alors qu’il était un jeune garçon engagé dans le combat, dire à un géant : « En ce jour, l’Éternel te livrera en ma main », mais dans la suite il dit en son cœur : « Je périrai un jour par la main de Saül ». La main de Saül, que craignait David, n’était pas aussi forte que celle de Goliath que David avait vaincu ; mais Dieu n’était plus aussi pleinement devant l’œil de la foi de David qu’il l’avait été précédemment dans la vallée d’Éla.

Je n’entrerai pas dans d’autres détails sur ce chapitre. Nous les avons vus pour la plupart dans les autres évangiles. Il y a cependant quelques mots qui sont particuliers à notre évangéliste et que je voudrais noter ; « Il n’y a personne qui ait bu du vieux, qui veuille aussitôt du nouveau ; car il dit : le vieux est meilleur ». Cela est encore dans le caractère de cet évangile, car cela découvre un autre grand secret de la nature humaine, la puissance des habitudes et des associations de l’homme, qui, humainement, arrête ainsi l’œuvre de Dieu dans son âme. Nous avons bu le vin vieux (ce que la chair nous a donné depuis notre naissance) et nous n’avons plus de goût pour le vin nouveau (que le Fils de Dieu nous a apporté avec Lui), la nature et la chair étant mises de côté. Nous sommes tous conscients de cela. « L’Éthiopien peut-il changer sa peau ou le léopard ses taches ? » Et ici, le grand Prophète nous avertit, avec une semblable sagesse, qu’il n’y a personne qui ait bu du vieux, qui veuille aussitôt du nouveau.

Il y a là un solennel avertissement. Toutes choses sont possibles pour Dieu, c’est très vrai, et « Il donne une plus grande grâce ». Néanmoins nous ferons bien de nous tenir en garde contre le goût pour le vin vieux. Chacune de nos pensées, chacun des désirs auquel nous nous abandonnons, ont la saveur ou du vieux ou du nouveau. Ce peut n’être qu’une gorgée, mais si petite soit-elle, c’est une gorgée de l’un ou de l’autre. À quoi penses-tu ? que goûtes-tu maintenant ? pouvons-nous dire à nos âmes tout au long de la journée. Est-ce une provision pour la chair que tu fais ? ou est-ce un pas vers le sanctuaire ? Cela vient-il du ciel ou du monde ? Et souvent le saint a à apprendre finalement, à sa honte et à sa douleur, la nature de la provision qu’il a amassée dans le chemin. Le patriarche Noé n’était pas ivre au début, mais il devint un cultivateur, planta une vigne et but du vin. « Ton serviteur est-il un chien, qu’il fasse cette chose ? « (2 Rois 8:13) peut répliquer l’âme avec indignation ; mais si les caractères cachés du chien sont tolérés, sa furie active éclatera un jour. « Marchez par l’Esprit » est la divine sécurité, « et vous n’accomplirez pas les convoitises de la chair ». Certainement un peu de cette marche nous rendrait capables de changer la parole et de dire : « Le nouveau est meilleur ». C’est ce que voudrait notre Seigneur bien-aimé. La sainte et vigilante habitude de renier la chair, ses habitudes et ses convoitises, préservera et avivera notre goût pour ce vin nouveau et meilleur. Que la douce et forte main de l’Esprit conduise ainsi notre âme chaque jour.

 

3.4.2        Ch. 6

Ici encore nous avons la même chose qu’en Matthieu et Marc, mais je remarque que Jésus choisit les apôtres après avoir prié, ce qui n’est pas noté par les autres évangélistes. D’ailleurs, en d’autres occasions, nous voyons tout particulièrement dans cet évangile le Seigneur en prière. Mais cela nous le montre plutôt comme un homme que comme un Juif ou comme le Fils de Dieu. Un Juif, sous la loi, n’était pas proprement appelé à prier, car la loi le faisait se reposer sur ses propres forces ; mais la prière étant l’expression de la dépendance est le premier devoir d’une créature comme l’homme, qui doit apprendre à s’attendre à Dieu, à sa force et à sa toute-suffisance.

Ce choix des douze les lia à partir de ce moment autour de la personne du Seigneur. Ils étaient établis « pour être avec lui » (Marc 3:14). Je voudrais cependant suggérer à ce propos une pensée ou deux qui pourront être utiles.

Il y a une différence entre intimité et familiarité. Je peux être familier avec les conditions et les circonstances dans lesquelles un autre marche ordinairement, mais avoir très peu de réelle intimité avec lui ; c’est le cas de serviteurs. Et cela est bien illustré dans l’histoire du Seigneur.

Le centurion, la Syrophénicienne, ou Marie la sœur de Lazare, furent comparativement peu avec lui. On ne les voit guère en sa compagnie et ils ne croisent son sentier qu’occasionnellement. Cependant, quand ils sont amenés à avoir affaire avec lui, ils le font avec l’intelligence la plus claire et la plus bénie. Ils montrent qu’ils connaissent qui et quel il est réellement. Ils ne se trompent pas en ce qui le concerne, tandis que même les apôtres qui le suivaient jour après jour, trahissaient encore et toujours l’ignorance et la distance de la simple nature.

N’y a-t-il pas là une leçon pour nous ? N’avons-nous pas à craindre qu’il n’y ait chez nous beaucoup plus de familiarité avec les choses de Christ que, dans nos âmes, une connaissance réelle de lui ? Je peux souvent, pour ainsi dire, manier ces choses ; je peux lire les livres qui parlent de lui. Je peux être très occupé dans des activités qui ont pour objet son service ; je peux parler, même écrire sur lui ; alors que d’autres, comme le centurion, peuvent être bien éloignés de tout cela, mais être bien en avance quant à la divine connaissance et à une vivante intelligence de lui. Saül avait David auprès de lui, dans sa maison même, à ses ordres, comme son joueur de harpe, quand il en avait besoin ou qu’il le désirait, mais Saül ne connaissait pas David (1 Sam. 17:55 à 58).

Certainement c’est une leçon pour nous. La multitude qui suivait le Seigneur et observait ses pas pouvait être capable de donner même à Marie de Béthanie, si elle l’avait demandé, beaucoup d’informations sur lui. Des centaines dans le pays auraient pu, aussi bien que les douze, lui rapporter ce qu’il avait fait, où il avait été, les discours qu’il avait tenus et les miracles qu’il avait opérés. Ils avaient une abondance d’informations de cette nature et elle n’en avait que peu, en dehors de ce qu’ils pouvaient lui donner. Mais tout cela, je n’ai pas besoin de le dire, les laissait loin derrière elle, quant à la connaissance réelle de lui-même. Et n’en est-il pas encore ainsi ? Combien d’entre nous peuvent parler des choses de Christ et répondre correctement aux questions qui leur sont posées, tandis que ceux qu’ils enseignent s’asseyent, comme Marie, et jouissent des choses elles-mêmes beaucoup plus richement qu’eux. Car la connaissance qu’une Marie peut apprendre d’une multitude ou même des lèvres d’apôtres devient souvent pour elle autre chose que ce qu’elle avait été d’abord pour eux. Une pauvre inconnue, se frayant humblement mais avec ténacité un chemin vers Jésus à travers la foule, peut couvrir de honte les pensées de ceux qui avaient droit à être le plus près de lui, oui, de Pierre lui-même (8:45).

Nous n’avons pas tant à aspirer à des informations sur lui, qu’à la puissance nécessaire pour employer divinement ce que nous connaissons, convertir cela, par l’énergie de l’Esprit, en sujet de communion, et en nourrir et vivifier nos affections renouvelées. Alors, et alors seulement, cette connaissance sera ce que Dieu voudrait qu’elle soit. Colossiens 3:16 et Éphésiens 5:19 peuvent nous enseigner qu’en recherchant la connaissance et en amassant « la parole du Christ », les éléments de toute sagesse, nous prenions garde à nourrir les plus simples affections de nos âmes, de sorte que le cœur « chante au Seigneur » tandis que « la parole du Christ » y habite richement. Sinon la connaissance manquera de saveur et de puissance pour rafraîchir soit nous-mêmes soit les autres.

Cela, en même temps, ne doit pas nous conduire à renoncer à l’action ou, peut-être, à un intérêt quotidien pour le peuple de Jésus dans le monde et pour ses intérêts. La perfection est de Lui ressembler, et ce modèle vivant, nous le voyons actif dans le service où et quand un besoin l’appelait, mais, en même temps, demeurant en esprit dans le sentiment profond de la présence de Dieu. Là seulement se trouve le chemin qui est pleinement en accord avec le grand modèle. Il nous faut, comme quelqu’un l’a dit : « Attendre comme un enfant ce que tu veux me dire, avancer et te servir tandis qu’il fait jour, mais sans abandonner ma douce retraite ».

Les saintes instructions que nous avons dans ce chapitre se trouvent en Matthieu dans le « sermon sur la montagne ». Nous n’avons pas à décider si le Seigneur les donna en deux occasions différentes, l’une nous étant rapportée par un évangéliste et l’autre par un autre, ou si la même occasion est rapportée différemment par eux. Il a cependant été observé par d’autres que le sermon en Matthieu a été donné sur la montagne (Matt. 5:1) et celui-ci dans la plaine (v. 17). Et des exemples sont donnés, du Seigneur enseignant les mêmes choses à différents moments. Comparons Matthieu 9:32, 38 et 12:22, 24 et Matthieu 16:21 ;17:23 et 20:17-19. L’Esprit, j’en suis convaincu, se propose une pensée plus générale en Luc qu’en Matthieu. En Matthieu, les paroles du Seigneur sont rapportées alors qu’il s’adressait particulièrement à un auditoire juif. Il y a là des instructions propres à atteindre la conscience d’un Juif, réveillant dans son esprit des souvenirs de la loi et des prophètes. Ces choses sont omises ici, et le Seigneur parle comme ayant l’homme devant lui. Les expressions : « Il a été dit aux anciens » (ce qui était « la loi et les prophètes »), les manquements en fait de jeûnes, d’aumônes et de prières, qui avaient tant d’importance parmi les Juifs, ne sont pas mentionnés ici ; mais tout ce qui était moral, s’appliquant au cœur et à la conscience de l’homme, est relevé. Les avertissements contre la convoitise (qui naturellement sont de ce caractère moral général) font exception : on les trouve dans Matthieu et ils sont omis ici. Mais nous verrons qu’ils ne le sont que pour les faire ressortir en un autre endroit de cet évangile, en rapport avec d’autres scènes et d’autres vérités qui leur sont moralement mieux adaptées (voir ch. 12).

Et cela est ainsi en accord avec l’esprit de ce parfait Docteur dont les enseignements sont donnés ici et là de façon variée. Il était, il est vrai, envoyé à ceux de la circoncision. Il ne pouvait, dans son ministère d’alors, dépasser les limites juives, mais pouvait voir l’homme à travers le Juif. Et le bon plaisir du Saint Esprit a été de nous montrer, par Luc, l’esprit du Seigneur atteignant et saisissant l’homme de cette façon, s’occupant de ce qui est humain et pas seulement de la conscience et des affections juives.

 

3.4.3        Ch. 7

Ce chapitre s’ouvre sur un autre exemple du peu de cas que faisait notre évangéliste des simples circonstances et de la chronologie, car la place que tient le cas du centurion dans cet évangile est fort différente de celle qu’il tient dans les autres.

Il y a aussi, dans ce récit, des traits particuliers et caractéristiques. Ainsi nous apprenons que le centurion avait envoyé des Juifs au Seigneur pour parler en sa faveur, circonstance que Matthieu ne mentionne pas. Cela, parce que Matthieu, écrivant plus directement pour des Juifs convertis, n’a pas voulu rappeler ce trait qui pût nourrir le vieil orgueil national. Mais Luc, écrivant davantage pour les gentils, leur rappelle l’ancienne faveur de Dieu dans laquelle les Juifs se trouvaient. Ces deux choses ont leur valeur morale, que l’Esprit considère. De même, dans une semblable intention morale, Luc ne mentionne pas le commentaire du Seigneur sur la foi de ce gentil, comme le fait Matthieu l’évangéliste juif, notant cela comme pour empêcher l’orgueil juif de se manifester. Luc n’en parle pas, car il aurait pu provoquer un sentiment similaire dans l’esprit d’un gentil. Ces différences me paraissent parfaites à leur place.

Nous avons ensuite, mais ici seulement, le cas de la veuve de Naïn, un cas qui touche si délicatement le cœur humain, qu’il est l’objet de l’attention spéciale de l’Esprit dans Luc. Selon sa manière propre, considérant toujours l’homme avec ses douleurs et ses affections, notre évangéliste nous dit que le jeune homme mort « était le fils unique de sa mère, et elle était veuve », et encore, quand le Seigneur l’eut ressuscité, « il le donna à sa mère ». Ces touches et ces traits s’accordent pleinement avec l’accent humain qui dans cet évangile marque sans cesse l’esprit dans lequel le Seigneur agissait. Et le petit mot « unique » est particulier à Luc ; il est employé dans le cas de la fille de Jaïrus, de l’homme dont le fils avait un esprit immonde, et ici dans le cas de la veuve de Naïn. Un tel mot en appelle au cœur plein de tendresse du Fils de l’homme, et son emploi attire et touche. Puissions-nous avoir plus de ce même esprit compatissant, tout en trouvant notre joie à le découvrir en Jésus.

Je ne puis m’empêcher de noter, en rapport avec ce chapitre, ce qui m’a frappé dans les évangiles, la facilité avec laquelle notre Seigneur permettait que le voile qui cachait sa gloire tombe de devant lui, à l’invitation de la foi. Autrefois, quand on demandait à un roi d’Israël de guérir un lépreux, il déchirait ses vêtements et disait : « Suis-je Dieu, pour faire mourir et pour faire vivre ? » Mais Jésus, le Galiléen méprisé, dans tout le calme et la certitude consciente de sa gloire, se tourne seulement pour dire : « Je veux, sois net ». La gloire du Dieu d’Israël brillait alors dans toute sa pureté, quand la foi déchirait le voile. Ainsi, ici, la foi d’un gentil en appelle à lui comme au Seigneur des cieux et de la terre qui une fois avait dit : « Que la lumière soit, et la lumière fut », et qui pouvait dire maintenant une parole seulement, et le serviteur du centurion serait guéri ; et immédiatement, avec la même facilité, la gloire divine éclate de nouveau. Nulle agitation, bien qu’une chose si étrange fût accomplie ; c’était seulement regarder encore à travers la nuée, c’était seulement laisser le voile tomber, afin que le soleil qui donne la vie, la face de Dieu lui-même, pût apparaître en puissance et en grâce. Rien de ce qui appartenait à Dieu n’était trop grand pour Jésus quand la foi le découvrait. Mais ce n’était que pour la foi qu’il se dévoilait. Car il vint, le Fils de Dieu dépouillé de tout, pour faire propitiation pour les péchés et nous amener à celui dont nous nous étions séparés dans notre orgueil. La foi, pour ainsi dire, lui permettait de se manifester pour un moment tel qu’il était, et cela devait être un moment béni pour lui. Mais autrement, par amour pour nous, il refusait de se faire connaître dans ce monde méchant et apostat, disant : « Ma bonté ne s’élève pas jusqu’à toi ».

Ce chapitre introduit ensuite l’envoi des messagers de Jean le Baptiseur auprès du Seigneur, sujet, je crois, d’un grand intérêt et d’une grande signification.

Jean avait, longtemps auparavant, rendu témoignage à la personne du Fils de Dieu. Quant à cela il n’avait aucun doute. Mais il semble qu’il n’était pas préparé à toutes les conséquences qu’entraînait le fait d’être le témoin du Seigneur. Ainsi en avait-il été de Moïse en son temps. Moïse était le ministre de Dieu et avait à conduire le camp à travers le désert. Mais il devint impatient sous la charge et dit : « Est-ce moi qui ai conçu tout ce peuple ? Est-ce moi qui l’ai enfanté, pour que tu me dises : Porte-le dans ton sein ? » (Nombres 11:12). La faiblesse de ses mains pour porter la gloire se trahit en cela, et soixante-dix autres sont désignés pour partager le service avec lui. Mais bien qu’il soit ainsi réprimandé dans le lieu secret de l’Éternel, cependant devant les autres son Seigneur le justifie ; de telle sorte qu’immédiatement après, Aaron et Marie sont l’objet d’un reproche signalé pour n’avoir pas craint de parler contre lui (Nombres 11 et 12). Il en est de même ici avec Jean le Baptiseur. Jean manifeste la commune faiblesse et est scandalisé en Christ. Comme Moïse, il devient impatient, n’étant pas préparé pour tout payer et pour supporter ce que comportait le fait d’être le prisonnier du Seigneur aussi bien que son serviteur. Il connaissait Jésus comme le Fils de Dieu, de même que Moïse avait connu l’Éternel comme le Rédempteur d’Israël, mais de même que les murmures du camp avaient été trop pour l’un, ainsi la prison et les injures d’Hérode se montrent maintenant être trop pour l’autre, et Jean, comme Moïse, doit entendre une réprimande en secret : « Bienheureux est quiconque n’aura pas été scandalisé en moi ». Mais devant les hommes, comme Moïse, il se tiendra approuvé en grâce par son divin Maître... « Parmi ceux qui sont nés de femme, il n’y a aucun prophète plus grand que Jean le Baptiseur ».

C’est là la constante façon d’agir du Seigneur. Il frappe Israël encore et encore dans les lieux secrets du désert, mais pas devant leurs ennemis : Il était Celui qui n’avait pas vu d’iniquité en lui. Beaucoup de questions étaient posées entre l’Éternel et le camp quand ils étaient seuls, mais ce dernier ne devait pas faire l’objet du jugement des impies. De même en est-il des saints maintenant sous le jugement du Père, mais le jugement futur ne doit pas les atteindre. En ce jour ils ont toute hardiesse.

De cette façon Jean, ici, éprouve la fidélité et la grâce de son Maître béni. Et après l’avoir ainsi justifié et honoré devant cette génération, le Seigneur se tourne pour caractériser celle-ci comme elle le méritait par la façon dont ils avaient traité et Jean et Lui-même. Et qu’est-ce là, sinon notre histoire prouvant que l’homme est une créature que Dieu ne peut corriger ? Dieu avait maintenant donné une pleine manifestation de l’homme, s’adressant à lui par différents intermédiaires, mais l’homme n’avait pas eu de réponse pour Dieu. Quand il leur avait chanté des complaintes, l’homme n’avait pas pleuré, quand il leur avait joué de la flûte ils n’avaient pas dansé. Le cœur humain s’était révélé ne pas être un instrument pour le doigt de Dieu. Tout était discordant quand Dieu l’essayait. L’intelligence, le zèle et l’activité sont là, prêts à obéir à d’autres influences, mais il n’y avait rien pour Dieu. Il avait fait entendre des accents solennels par le Baptiseur qui était venu ne mangeant ni ne buvant, et ensuite une plus joyeuse mélodie par le Fils de l’homme se mêlant à tous ; mais il n’y avait pas de musique pour Dieu dans le cœur de l’homme. La chose était maintenant prouvée après l’épreuve des mains les plus habiles. Car toutes ces tentatives avaient prouvé l’habileté du musicien, de telle sorte que la sagesse était « justifiée par ses enfants ». Que pouvait-il y avoir encore à faire qui n’eût été fait ? « Nous vous avons joué de la flûte et vous n’avez pas dansé ; nous vous avons chanté des complaintes et vous n’avez pas pleuré ».

Après cette parole solennelle, notre évangéliste nous conduit à une autre scène, dans la maison d’un pharisien où le Seigneur avait été invité à dîner. Car notre Seigneur, dans cet évangile, est essentiellement celui qui est social — social comme homme afin de s’entretenir avec les hommes. C’est pourquoi nous le trouvons ici, plus fréquemment que dans les autres évangiles, comme je l’ai déjà noté, assis à table dans les maisons des autres, quels qu’ils soient, car là il pouvait se trouver l’esprit détendu, et libre de le montrer.

Ce qui se passe dans la maison du pharisien est d’une grande importance morale. Nous y voyons que rien ne nous introduit réellement auprès de Jésus, que nos péchés. L’admiration pour lui comme docteur ou faiseur de miracles, ne nous le fera pas rencontrer selon Dieu. C’est seulement le péché et le sentiment que nous en avons qui peuvent réellement nous introduire en présence du Fils de Dieu, car il est le Sauveur et nous a été envoyé comme tel par le Dieu bienheureux. Nicodème fut conduit vers lui comme vers celui qui accomplissait des œuvres puissantes, mais il devait être né de nouveau, avoir d’autres pensées sur Jésus, avant de pouvoir aller à lui de façon convenable. De même, ici, ce pharisien. Il est clair que ce n’était pas comme pécheur qu’il connaissait Jésus. Il avait été attiré, d’une façon agréable, par quelque chose qu’il avait vu ou entendu de lui, et il lui prépare un festin. Mais il y a une autre personne dans la maison qui l’atteint par un sentier tout à fait différent. C’est une pécheresse connue dans la ville ; ses péchés l’amènent à lui et elle lui prépare un autre festin ; c’est à son festin et non à celui du pharisien que le Seigneur s’assied réellement. Ses larmes, son onction et ses baisers sont la fête à laquelle s’assied le Fils de Dieu, tandis que tous les coûteux apprêts de l’hôte sont oubliés.

Cela est très précieux. C’est la femme pécheresse qui fournit réellement à Jésus festin et société. Ni la table, ni les amis du pharisien n’avaient la même valeur pour lui. Seule la foi, le saisissant, lui, comme Sauveur, peut dresser une table pour le Fils de Dieu dans le désert de ce monde. Et je remarque à ce propos que, chaque fois que la conversion de Lévi le publicain est mentionnée, il nous est dit immédiatement après qu’il prépare un repas pour le Seigneur dans sa propre maison. Car il était un de ceux pour qui Jésus quitta la gloire du ciel afin de les visiter. C’était un publicain, un pécheur, reconnu comme tel dans le monde, et Jésus était le Sauveur. La foi d’un tel pécheur, par conséquent, ouvrait la porte et accueillait Jésus, bienvenu dans ce caractère de Sauveur, alors que toute autre chose ne pouvait que le tenir dehors.

C’est notre joie de savoir cela et de le croire. Et quand nous nous mettons en route comme pécheurs avec un Sauveur, notre voyage est merveilleux et glorieux au-delà de toute pensée ; car nos péchés nous conduisent à Christ, et ensuite Christ nous conduit au Père. Et quel chemin que celui-là ! Partant des lieux les plus sombres et les plus lointains de la création, où règnent le péché et la mort, il s’élève jusqu’aux plus hauts cieux où l’amour et la gloire brillent et habitent pour toujours. Les anges ont leur propre sphère pure, où ils se meuvent, mais ils n’ont jamais foulé un sentier tel que celui-là. L’Église passe des ténèbres du pécheur à la merveilleuse lumière de Dieu, et il n’y a jamais rien eu de semblable. Nul, si ce n’est un pécheur conscient de la valeur du Fils de Dieu ne peut comprendre cela. Et je vois, d’après cette scène remarquable, que ce caractère d’un pécheur sauvé par la grâce du Fils de Dieu est rappelé jusqu’à la fin. Cette femme aimait beaucoup, mais son amour ne lui servait à rien en tant que pécheresse, car à la fin le Seigneur lui dit : « Ta foi (non pas ton amour) t’a sauvée, va-t’en en paix ». Nous avons dans ce récit une leçon à apprendre bien remarquable et encourageante. Le fruit de notre amour peut être honoré devant les autres, comme ici les larmes et le parfum de cette pauvre femme sont reconnus devant les pharisiens. Une coupe d’eau froide ne perdra pas sa récompense, si elle est donnée pour l’amour de Christ. Mais, pour la conscience du pécheur, rien n’est reconnu que le sang et la foi qui se repose sur lui. C’est la foi et non l’amour qui nous fait, comme l’eunuque, continuer notre chemin tout joyeux ou qui nous dit, comme à cette pauvre femme, d’aller en paix. Et combien il est doux d’être ainsi rejetés sur Jésus, et sur lui seulement. Si élevée que puisse être l’âme, si brillante et sans tache que soit la marche, si brûlant que soit l’amour, l’expérience serait-elle aussi riche et variée que celle d’un David ou d’un Paul, avant tout Jésus est le seul Sauveur. Jésus d’abord renvoie en paix, et la confiance et la joie du premier moment sont à garder solidement jusqu’à la fin.

Je ne peux cependant terminer cette partie de notre évangile ou quitter cette maison du pharisien, si pleine d’enseignement, sans y jeter encore un autre coup d’œil, car elle me paraît avoir été un lieu où le grand conflit qui s’est si souvent renouvelé, le conflit entre la chair et l’Esprit, ou entre les deux femmes, l’esclave et la femme libre, s’est de nouveau manifesté.

Par la transgression, telle que celle d’Adam, la créature présumant trop d’elle-même prétendit à une force indépendante de Dieu. En la restaurant Dieu doit lui enseigner que lui seul est souverain, et que toute la force de toute créature doit être brisée. Et c’est la leçon que la loi et l’évangile nous enseignent ensemble, car la loi, en mettant l’homme à l’épreuve, montre la vanité de la confiance en la chair. L’évangile, révélant Dieu, montre la sûreté de la confiance en lui. Cette même leçon nous est donnée en figure dans l’histoire de Sara et d’Agar, de Rachel et de Léa, d’Anne et de Péninna ! Agar avait sa force en la chair, mais sa descendance ne pouvait pas hériter. Léa avait la force et un titre dans la chair, cependant son fils aîné n’excella pas, mais perdit son droit d’aînesse. Péninna avait de la force dans la chair, mais aucun de ses enfants ne délivra Israël de la misère et de l’oppression. De l’autre côté, toute bénédiction et tout honneur reposent sur les enfants de la promesse. Isaac fut une cause de rire, et ce fut en lui que la maison d’Abraham fut établie. Joseph reçut le droit d’aînesse, et, aussitôt qu’il fut né, Jacob parla de retourner à son héritage, car « si fils, vous êtes aussi héritiers ». Samuel remplit de joie le cœur de sa mère, mit sur ses lèvres un cantique et fut élevé jusqu’à ce qu’il fît sortir Israël de la poussière, qu’il reprît la gloire de la maison de l’ennemi, et érigeât la pierre de secours entre le camp et le Rocher. Toutes ces choses nous enseignent, comme le font la loi et l’évangile, que « l’homme ne prévaudra pas par la force ». Les riches sont renvoyés à vide, l’arc des puissants est brisé, mais l’Éternel se souvient de la pauvre servante, et celle qui était stérile en enfante sept.

C’est là la leçon que Dieu nous enseigne, la leçon nécessaire dans un monde comme le nôtre où la créature, dans son orgueil, s’est éloignée de Dieu, s’arrogeant la force, prétendant être Dieu. C’est pourquoi le Seigneur Dieu dit toujours : « Non par force ni par puissance, mais par mon Esprit ».

C’est là le conflit qui se perpétue dans le monde où nous sommes, et ce qui est de la chair et de l’homme a toujours lutté contre ce qui est de Dieu ou de l’Esprit ; nous voyons ce combat depuis les temps très anciens, et nous le voyons toujours encore. La maison des « deux femmes » à laquelle je me suis référé, l’a constamment présenté. La maison d’Abraham en a été un témoignage très spécial. Là Agar et Sara habitèrent ensemble pendant un temps, mais dans la discorde et la lutte. Il en fut de même de la famille de Jacob. Léa avait le droit de la chair, ou du premier-né, mais Rachel était l’objet de l’élection et du bon plaisir, et toutes deux, épouses du même mari, habitaient ensemble, mais ne pouvaient pas s’entendre. Il en était de même dans la maison d’Elkana. Péninna et Anne étaient comme Agar et Sara, Léa et Rachel — orgueil et provocation chez l’une et constante douleur de cœur chez l’autre. Toutes ces scènes étaient autant d’expressions de la manière dont la chair persécute l’Esprit.

Les Églises de la Galatie étaient le champ de bataille de la même lutte, et le cœur de chaque croyant l’est aussi dans une mesure. Il n’est pas d’autre moyen de guérir la maison, l’Église ou le cœur, que de fortifier la femme libre, donner fécondité à la semence de Dieu, laisser agir l’esprit d’adoption, le principe filial, une sainte liberté en nous et parmi nous. Introduisez Isaac et renvoyez Ismaël, et vous demeurerez dans une maison unie. « Tenez-vous donc fermes, et ne soyez pas de nouveau retenus sous un joug de servitude » (Galates 5:1).

Le Seigneur trouvait Israël exactement dans cet état. Ce qui était né de la chair persécutait ce qui était né de l’Esprit. L’histoire de la femme stérile se renouvelait et la pécheresse souillée de même que Lévi le publicain, tous les deux faibles et perdus par eux-mêmes mais recevant la visite en grâce du Dieu d’amour tout puissant, souffraient le mépris et la persécution de la part de ceux qui estimaient avoir la force en eux-mêmes — les pharisiens, les Agar, les Péninna de ce temps. Tout cela était toujours en principe la chair et l’Esprit, la femme esclave et la femme libre.

Puisse notre foi être fortifiée, pour que nous justifiions l’amour de Dieu. L’amour demande notre pleine et heureuse confiance. C’est le traiter indignement que ne lui accorder qu’un crédit défiant et soupçonneux. Puisse un tel esprit de crainte et d’esclavage disparaître, et que nos cœurs répondent à l’injonction de Sara : « Chasse la servante et son fils ». Car lorsque le Seigneur fait son œuvre, il la fait d’une façon digne de lui. Quand Israël sortit d’Égypte, ils ne sortirent pas comme s’ils avaient honte d’eux-mêmes, mais équipés et les mains pleines. Ils sortirent comme devait le faire l’armée de l’Éternel. Pas un chien ne remua sa langue contre eux, et il n’y eut aucun infirme dans leurs tribus (Ps. 106:37). Il en est de même pour nous pécheurs, sortant avec notre Rédempteur de dessous la puissance des ténèbres. Nous ne devons pas partir avec crainte et suspicion, comme si nous pouvions à peine nous confier au bras qui nous a sauvés, mais au contraire de façon à proclamer que l’œuvre est de Celui dont l’amour est aussi grand que la puissance, et ne connaît ni mesure ni fin.

Nous allons laisser derrière nous la maison du pharisien ainsi que cette pauvre pécheresse, sans prêter attention à ce que disent les conviés, mais emportant dans nos cœurs et nos oreilles le doux écho de la voix du Seigneur qui nous parle de paix. Alors nous avancerons comme Israël tiré d’Égypte, comme les rachetés du Seigneur doivent le faire, faisant savoir aux hommes et aux anges, dans la joyeuse et parfaite assurance de leur salut, que Celui qui est plus haut que les plus hauts est de notre côté, et que nous nous nourrissons du pain des puissants (Ps. 78:25).

 

3.4.4        Ch. 8

En abordant ce chapitre je voudrais observer que, dans le cas de la pauvre pécheresse qui est rapporté à la fin du précédent, nous voyons la profonde affection personnelle comme le fruit d’un pardon conscient ou d’une guérison ; ici dans le groupe de femmes mentionnées au v. 2, nous voyons un attachement dévoué et le service. Pour la pauvre pécheresse toutes les sources cachées sont ouvertes au commandement de la grâce de Christ. Elle connut qu’il l’avait acceptée, elle, toute pécheresse qu’elle fût, et cela gouvernait son cœur, la laissait sans regard pour la fête du pharisien et sourde à son mépris, car Jésus l’avait tirée à part de tout. S’approcher de lui, aussi près que la gratitude et l’adoration pouvaient l’amener, était tout son objet. Sous la même autorité de son amour guérisseur, cette compagnie de femmes s’attache à lui. Elles le suivent pour le servir. L’amour reconnaissant parlait silencieusement en la pécheresse ; dans les femmes qui le suivent il était actif. Cet amour voulait être avec Jésus où qu’il fût, afin de lui donner ce qui était en son pouvoir.

Ce sont des fruits différents, mais l’un et l’autre bénis. Et Jésus peut comprendre et recevoir aussi bien les larmes de l’une que le service actif des autres.

La beauté de ces différents cas serait tristement ternie, s’ils n’étaient le fruit de la conscience de la guérison. Quelle affection, quel service seraient aussi purs que ceux qui ont une telle source ? Le publicain peut se frapper la poitrine dans la conscience de sa culpabilité, et cela est certainement, à sa place, une juste et pieuse affection. Mais combien la beauté et l’attrait de ces sentiments sont éclipsés par les larmes et le service, l’amour et le dévouement qui jaillissent et coulent de la conscience d’une acceptation ? Rien n’est si précieux pour Dieu rien n’est si beau même dans nos propres pensées, quand nous le considérons un instant. Et, d’un autre côté, combien il est triste de voir au lieu des larmes et du service, la propre satisfaction, la hauteur d’esprit, la légèreté, et le mépris des autres, ou la seule poursuite d’une connaissance purement intellectuelle et l’active recherche de distractions, caractériser le cœur et les voies. Puissions-nous tous chérir ces simples modèles que l’Esprit rapporte ici, et qui trouvent ainsi la présence approbatrice du Seigneur !

Ce chapitre est le premier d’une série dans lesquels nous voyons le Seigneur, les douze et les soixante-dix se succéder dans le ministère (voir 8:1 ; 9:1 ; 10:1) et cette présentation étendue du ministère est en plein accord avec la grâce de l’Esprit dans cet évangile. Comme une autre expression de la même grâce, notre évangéliste nous dit que le Seigneur « passait par les villes et les villages », ne laissant pas un point non visité par sa lumière et sa bonté. Ce divin Ministre de grâce est accompagné d’une suite appropriée. Une compagnie qui avait été délivrée de mauvais esprit et d’infirmités, purifiée des démons, le suit maintenant pour témoigner de sa grâce. Comme aussi bientôt, quand il viendra en puissance, il aura derrière lui une suite également appropriée et resplendissante, pour réfléchir sa gloire (Apocalypse 19:14).

Luc rapporte ensuite la parabole du semeur, qui nous est aussi donnée, nous le savons, par Matthieu et par Marc. Sans doute a-t-elle le même caractère général et le même objet dans chaque évangile, mais je remarque que la citation que fait le Seigneur du prophète Ésaïe, pour appliquer le jugement de Dieu à Israël, occupe ici une moins grande place, et cela est toujours d’accord avec son Esprit dans Luc.

Dans le cours de ce chapitre nous avons le cas des Gadaréniens, de la femme qui avait une perte de sang et de la fille de Jaïrus présentés de la même façon qu’en Marc.

À propos d’actes comme ceux-ci, de puissance et de bonté, nous pouvons généralement remarquer que le ministère du Seigneur est marqué de ces deux caractéristiques : Il jugeait toujours le diable, mais jamais le pécheur. Il allait, effaçant les traces du pouvoir destructif du premier, mais laissant sur l’autre des traces de son propre pouvoir rédempteur. Il accomplissait ces deux choses en même temps. Chaque aveugle qui recouvrait la vue, chaque infirme qu’il faisait marcher témoignaient ensemble du jugement atteignant la puissance de l’Ennemi, et de la bénédiction du pécheur. Quand il nettoyait le lépreux, quand il ressuscitait les morts, ce double témoignage était rendu. Aussi le diable ne le rencontre-t-il que pour trembler, et le pécheur croyant pour emporter une bénédiction et pour la conserver avec reconnaissance. Quoi que le Seigneur fasse et où qu’il aille, jamais il n’a permis aux enfants des hommes dans le besoin de se sentir importuns. Même ses reproches ne peuvent être appelés des reproches, car ce qui les motivait c’était seulement le manque de confiance en lui, parce que le pécheur ne venait pas avec une hardiesse suffisante. Il ne lui reprochait pas d’avoir été trop confiant, mais de ne pas l’être assez. Son langage était celui-ci : « Pourquoi êtes-vous craintifs, gens de petite foi ? »

Ce n’était pas là un vrai reproche. Ce n’était pas repousser le pécheur, mais ressentir sa lenteur et ses suspicions. Rien n’est plus évident dans les voies du Fils de Dieu sur la terre que le fait qu’il jugeait sans cesse le diable, mais jamais le pécheur. C’était comme Moïse qui sortit et frappa un Égyptien ; mais quand lui-même fut rejeté et insulté par un Israélite, il s’exila où il put, sans ami et seul, plutôt que de toucher à un cheveu de sa tête (Exode 2), ou comme Samson, un autre type du Seigneur, distingué et honoré, qui cherchera une occasion contre les Philistins et même se joindra à eux pour les frapper et les appauvrir, mais qui sera faible comme un enfant lorsque les hommes de Juda lui résistent (Juges 15:12). Moïse et Samson avaient assez de force contre l’ennemi, mais ils n’en avaient point contre leur propre peuple. C’est ainsi que le Fils de Dieu jugera le diable et toutes ses œuvres, mais qu’il dit par contre aux pécheurs : « Je ne suis pas venu afin de juger le monde, mais afin de sauver le monde » (Jean 12:47 ; voir aussi Luc 9:55).

Ainsi en était-il à ce moment. Gadara était une partie de la terre juive, ou terre sainte, qui était le pays sur lequel Dieu avait continuellement les yeux, depuis le commencement de l’année jusqu’à la fin de l’année (Deutéronome 11:12). Mais depuis longtemps l’impureté y était entrée et l’avait souillé, et ici nous trouvons un troupeau d’animaux impurs, comme la pleine manifestation de la puissance sans frein de l’Ennemi. Légion et les pourceaux étaient à Gadara pour nous dire ce qu’était devenu le lieu choisi par l’Éternel. C’était le palais même de l’homme fort, mais le Fils de Dieu paraît maintenant comme Celui qui est plus fort que lui, pour accomplir sa propre œuvre, pour se manifester lui-même, le Rédempteur des captifs, et le destructeur du pouvoir de la mort.

Mais ceux qui faisaient paître les pourceaux impurs en ce lieu n’étaient pas préparés à cela. C’était pour eux un préjudice, et ils veulent que Jésus s’en aille de chez eux. Terrible décision. Rien de ce que nous voyons dans toute l’histoire de l’évangile ne nous donne autant l’expression du domaine sombre et impur de Satan. Malgré un tel déploiement de la grâce et de la puissance de l’Homme le plus fort au milieu d’eux, ils ne le désirent pas ; ils vendront plutôt toute leur part dans le Fils de Dieu pour un troupeau de pourceaux ! Quel état effrayant ! Jésus dut les laisser et retraverser la mer de Galilée, pour poursuivre son chemin sur d’autres scènes.

Un chef des Juifs le cherche afin qu’il vienne dans sa maison, à cause de sa fille unique qui se mourait. Il part, afin de donner dans la maison du Juif la preuve qu’il était la résurrection et la vie ; mais son chemin est interrompu par la foi d’une étrangère dans le besoin, qui le touche dans la foule. Elle avait une plaie dans son corps, une source d’impureté dans sa chair même, que nulle science humaine ne pouvait guérir. Dans son extrémité elle entend parler de Jésus et, en le touchant une seule fois, obtient ce dont elle avait besoin. Mais personne ne la connaissait, ni ne s’en souciait. Elle aurait pu rester ignorée dans la foule affairée, et tout serait resté secret. Seulement celui qui l’a guérie la connaît, et la reconnaît devant tous. La multitude se pressait autour de lui, mais ce n’était pas le sentiment du péché ou le besoin qui poussait cette multitude, et c’est pourquoi Lui ne la sent pas. Mais le faible attouchement de cette femme fut senti, car c’était le toucher d’une personne ayant conscience de son besoin et de sa souillure, qui avait appris à croire qu’en lui était le pouvoir de guérir. Sa douleur l’amène à lui et il la connaît parce qu’il l’a guérie. Le Fils de Dieu et la pécheresse guérie se rencontrent ainsi comme seuls dans la foule. Elle, une étrangère pour tous, mais non pour lui, et lui traitant les autres comme des étrangers, sauf elle.

Il y a là la plus vraie et la plus ferme consolation pour nos âmes. Mais, de plus, cette portion de la carrière du Seigneur est pleine de signification prophétique. Nous y voyons ce que le chemin et les actions du Fils de Dieu doivent être plus tard. Car il a devant lui, dans l’avenir, la joie de sa puissance en Israël, dans la maison juive où il fera revivre les os desséchés et réveillera son peuple de son profond et long sommeil, comme les prisonniers de la fosse. Mais, tandis qu’il est en route, durant le temps présent, une étrangère engage ses sympathies, une pauvre femme inconnue (sauf de lui) qui, consciente de son besoin, s’est jetée sur son chemin, comme l’Église de Dieu seule occupe le Fils de Dieu tandis qu’il est en route pour manifester son pouvoir de résurrection et de vie en Israël, au dernier jour.

Je crois que c’est le caractère de ce que nous avons ici. Et ainsi ce chapitre qui s’ouvre avec le Seigneur poursuivant son ministère, nous donne ces exemples des fruits variés de son labeur à la fois dans l’Église et en Israël. Il nous montre aussi, comme à Gadara, dans quel monde il était venu travailler, afin que tout son travail béni se termine à sa propre louange à la fois dans les cieux et sur la terre, par la condamnation et le jugement du monde, et le bonheur de tout pécheur qui se confie en Lui.

 

3.4.5        Ch. 9:1-50

Au début de ce chapitre nous avons la mission des douze. Mais, ici, le Seigneur ne limite pas comme dans Matthieu leurs travaux « aux brebis perdues de la maison d’Israël », cette différence étant toujours en accord avec le caractère général de chacun des deux évangiles.

Les troubles de conscience d’Hérode sont ensuite mentionnés, un peu plus longuement qu’en Matthieu ou Marc, et il y est fait de nouveau allusion au chapitre 23. Cela est toujours en accord avec notre évangéliste. Mais, d’un côté, le martyre de Jean le Baptiseur n’est pas aussi pleinement détaillé, car c’était un fait appartenant à l’histoire de l’apostasie juive sur lequel l’Esprit passe plus rapidement en Luc.

La transfiguration nous est alors donnée d’une façon plus circonstanciée que dans Matthieu et dans Marc.

La preuve de l’incrédulité d’Israël avait maintenant été pleinement faite. Cette preuve est exposée plus méthodiquement dans l’évangile de Matthieu que dans les autres. Israël refusait ce qui était sien. Ils n’avaient pas découvert en Jésus de Nazareth la lumière qui devait éclairer le monde et être leur gloire. Pour le présent, la terre était perdue pour Jésus car Sion, par le décret ancien (Psaume 2), est le siège de la domination divine sur la terre. Une croix, comme le Seigneur l’annonce ici, l’attend donc, et non une couronne.

Mais, si la terre va se fermer sur lui, les cieux doivent s’ouvrir et s’ouvriront à lui et aussi à ses saints maintenant rassemblés autour de lui par la foi, durant le temps de son rejet. Et le but de cette vision sur la sainte montagne est de donner à ses saints un gage de cette gloire dans les cieux, qui est leur héritage.

Il n’y eut jamais de moment comme celui-là. C’était l’heure de passer de la terre au ciel. Le secret de Dieu est ici découvert en vision. La Jérusalem céleste se tint pour un moment avec ses portes ouvertes devant ces disciples favorisés, Pierre, Jacques et Jean. Moïse et Elie apparaissent en gloire avec Jésus, mais Pierre, Jacques et Jean regardent la scène. Il y avait à la fois des compagnons et des témoins de la gloire. Ainsi, dans le royaume millénial à venir, l’épouse de l’Agneau descendra, tandis que cette gloire reste maintenant sur la « sainte montagne », et les nations marcheront par sa lumière (Apoc. 21).

Tel est, je crois, le grand propos de cette vision que nous appelons la transfiguration. Le verset 37 invite à penser qu’elle a eu lieu pendant la nuit, circonstance significative, me semble-t-il. Comme c’était en effet le lieu de la gloire céleste et que ce lieu n’aura ni soleil ni lune, mais que la gloire de Dieu l’éclairera, ainsi cette montagne était alors éclairée par le Seigneur glorifié. De même « le lieu très-saint » dans le temple, un autre type des lieux célestes, n’avait pas d’autre lumière que la gloire.

Je remarque encore que ces étrangers célestes et glorifiés parlent avec Jésus de sa mort. Thème approprié à un tel moment ! Car cette mort sera éternellement rappelée. La gloire la célébrera (Apocalypse 5). L’ordre entier du ciel, les rachetés, les anges et toute la création, la reconnaîtront, ainsi que nous le voyons dans ce passage de l’Apocalypse. Car la gloire procède de la croix. La trompette qui annonçait le jubilé se faisait entendre seulement le jour des expiations (Lévitique 25:9) ; pareillement le temps de la restauration et du rafraîchissement s’établira comme ouvertement dû à l’Agneau de Dieu immolé, à la mort de Jésus.

D’autre part nous voyons que cette ascension de la montagne (qu’accompagnait la promesse de voir le royaume de Dieu, verset 27) dépassait quelque peu la capacité des disciples. Le Seigneur est en prière jusqu’à ce que la gloire apparaisse, mais eux sont accablés de sommeil. Cela aussi a sa signification. La nature trahissait sa faiblesse, la chair était pesante et ne pouvait suivre une telle route. C’était une ascension fatigante pour de pauvres hommes. Les vierges sages dorment. Tout cela est vrai. Mais quand Pierre et les autres disciples s’éveillent : « Seigneur il est bon que nous soyons ici » dit Pierre, et cela nous montre que son cœur et son désir étaient réellement en bonne place, bien que la chair fût faible. Et les vierges sages, bien qu’elles sommeillent, ont de l’huile en réserve pour ranimer leurs lampes quand l’époux arrive. Cette huile, comme cette parole de Pierre, pauvre disciple aimant, nous dit que, dans le réel désir de leur cœur, elles attendaient Jésus.

Il y a encore un autre point d’intérêt et d’encouragement. À la fin, en pleine harmonie avec le grand propos conducteur de cette vision, « la gloire magnifique » apparaît (2 Pierre 1:17). La nuée vient pour prendre la famille céleste dans la maison. Le Seigneur et ses compagnons y entrent, tandis que Pierre, Jacques et Jean se tiennent dehors.

Tout cela est harmonieux et merveilleux. Dans cette nuée, comme nous le voyons ici, la gloire siégeait de nouveau, comme autrefois quand elle traversait le désert. Elle agissait comme le voile séparant le lieu saint du lieu très saint, et c’est l’honneur particulier des saints transmués et ressuscités, semblablement transfigurés ou glorifiés, d’y avoir leur place, tandis qu’Israël et les épargnés des nations marchent seulement à sa lumière. Ainsi, cette partie de la vision étant quelque peu au-dessus des pensées présentes des disciples, ils ont peur lorsque Jésus avec Moïse et Élie sont enveloppés dans la nuée. Car les lieux célestes, ou le sommet de l’échelle mystique en haut de laquelle cette nuée mettait à part ces glorieux étrangers, n’avaient pas été montrés jusqu’alors à la foi juive. Jacob avait été au pied de l’échelle, et le peuple de Jacob connaissait le Dieu de Béthel et vivait dans l’espoir de la promesse touchant l’héritage du pays. Mais ni Jacob, ni eux, ne connurent rien du sommet de l’échelle, si ce n’est la voix de l’Éternel qui parlait au patriarche. La transfiguration dévoile maintenant les secrets de ce lieu glorieux et montre une famille céleste et brillante avec Jéhovah-Jésus. C’était un mystère que Dieu devait avoir une famille dans le lieu d’où la bénédiction devait couler et la gloire resplendir, aussi bien qu’au pied de l’échelle un peuple restauré et une création assujettie pour jouir des bénédictions et pour demeurer dans la lumière de la gloire. Ainsi cette vision marquait un progrès, elle complétait la révélation du propos de sa volonté, savoir que Dieu réunira en un toutes choses dans le Christ, les choses qui sont dans les cieux et les choses qui sont sur la terre (Éphésiens 1:10). Jamais une vision aussi glorieuse n’avait été accordée. L’échelle de Jacob était glorieuse. La vue du buisson ardent était pleine de bénédiction. La vue du Dieu d’Israël par Moïse et les anciens à Horeb était glorieuse, de même que celle du chef de l’armée de l’Éternel sous les murs de Jéricho. Les anges étaient des visiteurs célestes bien accueillis par les patriarches et les chefs d’autrefois. Le passage de l’Éternel lui-même devant le médiateur (Exode 34) et le prophète (1 Rois 19) à la montagne de Dieu, était parfait en chacun de ces deux temps. Mais cette vision au sommet de la montagne surpasse toutes les autres. Celle qui s’en approche peut-être le plus est l’enlèvement d’Élie en présence d’Élisée, car c’était l’introduction des saints glorifiés à la place où ils sont vus maintenant. Mais la scène de notre chapitre surpasse celle-là, nous faisant voir la famille céleste, non pas seulement en route pour la gloire, mais en paix dans la gloire. Aucune terreur qui les effraie, aucune surprise quant à la lumière qui les entoure comme pour Ésaïe, Daniel et d’autres, mais seulement la conscience d’être à la maison, bien qu’au centre même d’un tel resplendissement de gloire.

Quelque excellente que fût cette scène, elle était destinée cependant à introduire quelque chose de plus glorieux encore. Actes 7 nous montre ce qu’est la montagne de la transfiguration pour Étienne. Le martyr lui-même est marqué de la gloire céleste. Il brille de la lumière des enfants de résurrection qui sont comme des anges (Matthieu 22:30). Ce n’est pas que, comme les disciples ici, il voie cette lumière reflétée par d’autres, mais il la porte directement sur lui-même. Ce n’est pas non plus que la gloire soit descendue sur la montagne afin qu’il puisse la voir, mais le ciel est ouvert, c’est là qu’il la voit, et il y voit celui qui l’attend pour l’y recevoir. Ses yeux le voient pour lui-même, et non pour un autre. Et ses paroles devant le sanhédrin sont le commentaire de tout cela, montrant une lignée d’étrangers souffrants (parmi lesquels il prend place) conduits par le Dieu de gloire jusqu’à la gloire de Dieu (Actes 7:2, 55).

Cependant que ce soit là, avec Étienne, ou ici, avec Pierre, Jacques et Jean, en ces deux occasions les secrets du ciel sont dévoilés et l’Église est montrée comme étant au sommet de l’échelle dans la gloire du Fils Lui-même. Il y a le côté céleste aussi bien que le terrestre. Les cieux déclarent la gloire de Dieu. Le ciel et la terre doivent l’un et l’autre avoir le témoignage de la rédemption. La rédemption est une œuvre trop excellente pour qu’elle ne soit pas célébrée ici et là. C’est une œuvre qui a fait jaillir le plein flot de l’amour et de la puissance divine et qui doit, par conséquent, être connue dans le ciel et sur la terre. L’Église est qualifiée pour en parler dans le premier, et Israël avec les nations qui le suivent pour en parler dans l’autre ; ce témoignage céleste est vu ici, à sa place, pour un court moment au sommet de la montagne. Mais quelle grâce et quel appel il y a en cela ! La conception même en est divine. Nul, sauf Dieu, ne pourrait avoir conçu un tel propos ; rien de moins que l’amour infini ne pourrait avoir formé la pensée d’une famille tirée du milieu des pécheurs, pour être aimée du même amour que le Fils et glorifiée de la même gloire que lui, demeurer dans la même maison et être assis avec lui sur son trône ! Mais combien peu nos misérables cœurs l’apprécient lui-même et apprécient sa gloire !

Après que la vision eut disparu, et qu’ils furent descendus de la montagne, le Seigneur dans les autres évangiles parle aux disciples du ministère d’Élie. Mais cela n’est pas mentionné ici, car c’était un ministère juif et par conséquent moins approprié au but de l’Esprit dans Luc. À part cela il n’y a rien de caractéristique dans ce chapitre jusqu’au verset 51.

 

3.5        Luc, Ch. 9:51 à 19:27 — Voyage à Jérusalem

3.5.1        Ch. 9:51-62

C’est ici que commence ce qui a été désigné comme la quatrième partie de notre évangile. Le Seigneur, ayant terminé son ministère en Galilée, commence son voyage à Jérusalem (v. 51).

Notre évangéliste est le seul qui mentionne les circonstances par lesquelles débute ce voyage, et il y a à remarquer l’arrangement moral qu’il donne aux faits qu’il en relate. Comme cela a été signalé par un autre, commentant cette partie de l’évangile de Luc : « Le récit que nous avons ici est en rapport étroit avec ce qui précède (les reproches du Seigneur à Jean pour avoir défendu de chasser des démons en son nom à quelqu’un qui ne le suivait pas avec eux). Là en effet, sous couleur de zèle pour Christ, les disciples étaient prêts à réduire au silence ceux qui ne les suivaient pas ; ici, pour la même raison, ils étaient disposés à mettre à mort les infidèles ; mais le Seigneur les reprend pour l’une et l’autre chose ».

L’ordre moral, dans la narration de notre évangéliste, est, je crois, ainsi manifesté en cet endroit de son évangile, mais ce chemin du Seigneur s’en trouve présenté sous un jour très particulier.

La récente vision sur la montagne peut y avoir conduit, mais, que ce soit cela ou non, nous trouvons notre Seigneur préparant son voyage dans la conscience que ce voyage le menait à la gloire. Le temps était venu, comme nous le lisons, où « les jours de son assomption s’accomplissaient », mots qui parlent de son ascension dans la gloire, et il agit en accord avec la conscience qu’il en avait, envoyant des messagers devant sa face, comme s’ils devaient préparer pour lui un chemin approprié à cette gloire anticipée. Le char de Dieu serait prêt pour le faire monter de Jérusalem en haut (24:51), mais c’était maintenant aux enfants des hommes qu’il appartenait de préparer son chemin du lieu où il était alors jusqu’à cette ville. Et il était là, mettant, pour ainsi dire, le monde à l’épreuve, pour voir s’il reconnaîtrait son droit à être reçu en haut, comme ensuite il devait mettre Israël à l’épreuve, pour voir s’il reconnaîtrait ou non sa place royale en Sion (19:28). Mais le monde ne voulut pas le reconnaître, ni Israël le recevoir. Le monde n’était pas prêt à reconnaître ses droits, comme le montre ici la conduite des habitants du village samaritain. La terre ne faisait aucun cas de la gloire céleste. « Monte chauve, monte chauve » était dit de nouveau dans le même esprit.

Les disciples, qui avaient peut-être pris le ton de l’esprit de leur Seigneur en cette occasion remarquable, le considèrent comme un autre Élie allant à la rencontre du char d’Israël et, dans leur ressentiment contre la conduite indigne de ces Samaritains, ils le pressent de faire ce qu’Élie avait fait touchant les chefs de cinquantaine. Mais, pour le présent, le chemin du Fils de l’homme doit être différent. Il arrivera à la gloire plutôt à travers ses propres épreuves que par le jugement du monde. Il souffrira jusque-là, et c’est pourquoi il retient ici l’impulsion de ses disciples, courbe sa tête sous ce mépris des hommes, et cherche un autre village, sans que le chemin soit préparé devant sa face, mais comme le Christ de Dieu rejeté.

C’est sous ce caractère qu’il reprend son voyage. Aucun sentiment de gloire ne remplit son âme comme il en était au départ. En effet, les Samaritains avaient changé ce courant, et il va, conscient d’être le méprisé et le rejeté des hommes qui avaient maintenant délibérément caché leur face de lui et lui fermaient leurs portes. Si c’est à la louange de la grâce de Dieu en Paul que celui-ci a appris à être abaissé comme à être dans l’abondance, à être rassasié comme à avoir faim, ne voyons-nous pas tout cela en perfection dans notre divin Maître ? Il savait comment, à un moment donné, agir dans le parfait sentiment de la plénitude de sa gloire, et, un moment après, devenir le Fils de l’homme méprisé. Il prend sans effort et sans murmure la place que les dédaigneux villageois de Samarie lui donnaient. Maître parfait, aussi bien que Sauveur plein de grâce !

Et dans cette place de réjection nous voyons certains hommes amenés à s’entretenir avec lui, afin que par eux nous puissions avoir de salutaires leçons pour nos âmes. Deux d’entre eux sont présentés en Matthieu 8, mais non sous le même aspect moral qu’ici.

Le Seigneur parle, dans chaque cas, dans le plein sentiment de sa place présente de réjection sur la terre. La valeur entière de l’instruction procède de là. C’est la réjection du Seigneur qui a donné à ses saints une nouvelle place, de nouveaux devoirs et de nouvelles affections, et ces choses sont placées là devant nous pour que nous les contemplions, afin que nous fassions le compte du prix qu’il a payé pour que nous lui appartenions. Rien n’amène les saints dans ce nouvel ordre de choses, si ce n’est la totale réjection de leur Seigneur par le monde. Mais, que le Seigneur soit considéré dans sa réjection, alors ces choses sont comprises par l’âme. Pas de regards en arrière, pas de connaissance de l’homme « selon la chair », pour ceux qui sont sortis vers le Fils de Dieu, hors du camp ; et c’est seulement quand, en esprit, nous nous tenons là avec lui que nous le comprenons pleinement.

Ces saintes et solennelles leçons sont destinées à nos âmes par notre divin Maître, de sa place présente : « méprisé et rejeté des hommes ». Il veut toujours nous instruire, même par ses propres douleurs, afin que nous puissions être gardés en présence de lui-même et de ses pensées, tandis que nous passons d’une scène à l’autre à travers ce monde mauvais.

 

3.5.2        Ch. 10

Ce chapitre nous donne d’abord la mission des soixante-dix. Mais c’est seulement ici qu’il en est question. Car le Seigneur, dans cet évangile, comme je l’ai déjà noté, regarde à l’homme au-delà des limites juives. Il nous est ainsi donné de voir un ministère plus étendu dans son caractère que celui qui convenait en propre aux dispositions juives. Cela annonçait un abandon de l’ordre strict établi primitivement en Israël. Il en avait été de même de la nomination similaire de soixante-dix anciens dans les jours de Moïse (Nombres 11). Mais tout cela est en accord avec l’évangile de Luc.

Cette mission est envoyée à chaque ville et à chaque maison avec un message de paix de la part de Dieu ; néanmoins on ne devait saluer personne en chemin. Cela a une grande valeur. Jésus se propose d’établir non les simples rapports des hommes dans leur ordre social, mais les relations entre Dieu et les pécheurs. C’est le grand fait auquel le Seigneur doit pourvoir avant tout. Par la suite il devait en être de même de l’apôtre Paul : il lui importait peu que les saints fussent esclaves ou libres, car, s’ils étaient esclaves, ils devenaient les affranchis du Seigneur, et, si libres, les serviteurs du Seigneur. Leur relation avec le Seigneur était la chose importante (1 Corinthiens 7). Nous voyons ici que le Fils de Dieu en juge de même. Il ne devait y avoir aucune salutation, de qui que ce fût lorsqu’il fallait publier la paix à chaque ville et à chaque maison. Ce n’était pas la courtoisie des relations humaines que les messagers du Seigneur devaient avoir sur les lèvres, mais un heureux, saint et important message de Dieu aux pécheurs.

Telle était la pensée du Seigneur en envoyant ses messagers ; et, quand ils reviennent et rendent compte de leurs travaux, il anticipe la chute de Satan. Un petit exemple de la puissance entre les mains des soixante-dix le fait penser à ce résultat. Mais après l’avoir exprimé, il se tourne vers ses disciples pour réprimer la tendance à regarder principalement à la puissance, en leur disant qu’il y avait pour eux quelque chose de plus grande valeur, savoir un nom dans les cieux, un mémorial avec un Père ; et si excellentes que puissent être l’autorité sur les démons ou la puissance sur la terre, cependant ce mémorial était plus heureux encore. Ce n’est pas qu’il sous-estime la puissance, ou la leur retire. Non, il se réjouit plutôt en elle et la confirme entre leurs mains disant : « Je vous donne l’autorité de marcher sur les serpents et sur les scorpions, et sur toute la puissance de l’ennemi ». Mais la maison céleste des enfants doit être encore plus précieuse que la puissance, sur la terre, des héritiers de Dieu.

J’ai eu beaucoup d’intérêt à remarquer que c’est précisément ici (et dans le passage correspondant en Matthieu 11) que la pensée du Seigneur dans ces évangiles approche le plus de ce qui vient après, en Jean. En Jean le Seigneur est en rapport avec le Père et la famille céleste, et c’est précisément à cet endroit de notre évangile qu’il considère ces objets, au-delà de tout ce qui l’entourait dans les villes apostates d’Israël. C’est comme si notre évangéliste avait soulevé un peu les bords de l’évangile de Jean, ou plutôt comme si le manteau de notre prophète, cette énergie de l’Esprit qui le revêt ici, était enlevé par cet autre prophète pour faire par son moyen de plus grandes merveilles et introduire de plus riches révélations encore. Le Père, le Fils, toutes choses livrées entre ses mains, et la famille de ceux qui ont leurs noms écrits dans les cieux (Hébreux 12:23), tels sont les objets qui sont ici devant les pensées du Seigneur, tandis qu’il regarde en avant à ce que personne ne voyait sauf lui-même, au travers de l’incrédulité des villes juives et de ce petit exemple de puissance entre les mains des soixante-dix. En esprit, il se réjouit de tout cela et prend de nouveau son plaisir dans la personne et le propos du Père, Seigneur du ciel et de la terre, et aussi dans sa propre place dans ce mystère béni. Il se tourne également en toute intimité personnelle vers ses disciples, comme s’il voulait les identifier avec cette bénédiction qui passe devant son esprit et que les prophètes et les rois d’autrefois n’avaient pas atteinte.

Nous avons ici, cependant, un pénible exemple de la façon dont le Seigneur était exposé à être importuné dans ce monde de basses pensées. Il se réjouissait en esprit à ce moment, nous venons de le voir, des choses célestes, quand un docteur de la loi pose une question qui vient de tout autres sources. Mais Jésus s’incline devant cette intrusion, et descend au niveau de l’homme. Et dans bien d’autres endroits, comme ici, nous pouvons remarquer la tranquillité et la patience avec lesquelles il se tournait toujours vers l’homme. J’ai déjà remarqué la façon dont il se montre en gloire divine pour répondre au désir de la foi (à propos de la veuve de Naïn). Mais son aisance, soit comme Celui qui enseigne soit comme Celui qui guérit, quand l’ignorance ou le besoin de l’homme l’appellent, est également admirable à sa place. Rien n’était trop glorieux en Dieu pour être manifesté par Jésus quand la foi le dévoilait, et rien non plus n’était trop petit dans l’homme pour le servir quand la nécessité ou l’ignorance faisaient appel à Lui. Et, dans tout cela, il ne se hâtait jamais comme s’il sentait qu’il rencontrait une difficulté, mais il y faisait toujours face avec le calme, plein de grâce et de bonté, d’une puissance consciente, montrant que, quelle que fût l’occasion, il était à même d’y répondre.

Cette interrogation du docteur de la loi conduit le Seigneur à la parabole du bon Samaritain qui est particulière à notre évangéliste. Le but en était de montrer à ce docteur de la loi qui était son prochain ; mais, selon la façon de faire habituelle au Seigneur, cette instruction est communiquée dans un ensemble doctrinal plus large, de telle sorte que nous avons non seulement une réponse à la question, mais encore d’autres principes de vérité. Je vois la même chose dans le caractère de l’enseignement des apôtres plus tard. Et c’est toujours la façon de faire de la puissance, la manière de Dieu dans ses dispensations. Il ne restaure pas seulement ce que nous avons ruiné, mais il introduit d’autres gloires et d’autres bénédictions qui aussi portent avec elles la pleine restauration. Et Dieu fait de même dans ses enseignements. L’Esprit de révélation répond non seulement à la préoccupation d’un questionnaire, mais donne cette réponse à travers des vérités et des principes qui déploient de plus vastes pensées encore. C’est ce que nous trouvons ici : la loi de l’amour du prochain est enseignée et illustrée par une manifestation de la grâce de l’évangile du Fils de Dieu, pleine de beauté, et qui est introduite parce que toute autre chose était complètement insuffisante pour répondre aux besoins du pécheur.

Le cas suggéré par le Seigneur dans cette parabole souillait le pays, et tout ce que la loi pouvait y faire était de rechercher le coupable et d’exiger œil pour œil, dent pour dent, main pour main, pied pour pied. Les ministres de l’autel, sous la loi, ne pouvaient pas pourvoir à ce cas, ils avaient leur service ailleurs. Mais un étranger, dans la liberté de son amour à lui, peut s’en occuper s’il lui plaît de le faire. Et il en est ainsi pour nous pécheurs. Dieu doit venir à nous dans l’activité de son amour à lui, pour faire face à notre triste condition ; tout secours venant d’ailleurs serait vain. Le service d’un temple ne sert à rien pour ceux qui n’ont pas la pureté convenable pour ce temple. L’homme n’est pas là par nature, son cœur n’est pas un sanctuaire pour Dieu, mais il gît dans un lieu impur, souillé dans son sang et, ce dont il a besoin c’est d’être cherché et amené à la maison. L’homme est devenu la proie d’un ennemi fort et cruel et ce qu’il lui faut, c’est cet amour qui ira, à grand prix, bander ses plaies. Un tel amour l’a rencontré dans la personne du Fils de Dieu ; c’est là l’évangile. Sous la loi, Dieu était dans le lieu saint et l’impur devait être éloigné, le sacrificateur et le lévite servaient dans ce sanctuaire. Mais, dans l’évangile, Dieu est dans le lieu souillé, à la recherche des pécheurs ruinés. Jésus est venu faisant le bien, l’étranger céleste est venu là où l’homme gisait dans son sang, il l’a vu et a été ému de compassion ; il est allé et il s’est occupé de toute cette souillure, sans être atteint par elle. Il a lavé le pécheur blessé et l’a oint d’huile (Ézéchiel 16). Il a fait tout cela et a échangé sa place contre celle du pécheur blessé, car, bien que riche, il est devenu pauvre afin que par sa pauvreté nous soyons enrichis. — Bien que n’ayant pas connu le péché, il a été fait péché pour nous, afin que nous devenions justice de Dieu en lui, de même que le bon Samaritain a changé de place avec le voyageur blessé, descendant de sa propre monture et le mettant sur elle. Il a fait plus que cela encore, car il nous a dit qu’il a ses yeux sur nous pour toujours, que, présent ou absent, il pense à nous : comme le Samaritain qui a chargé l’hôtelier de prendre soin du pauvre homme sans ressource, avec la promesse qu’il le rembourserait à son retour.

Tout cet amour, cet amour de grand prix dont nous avions besoin, nous l’avons dans le Fils de Dieu, l’étranger céleste, le véritable Bon Samaritain. Lui, et lui seul, aimait son prochain comme la loi le demandait, et nous devons aller et apprendre de lui, faire comme lui, avec un cœur qui brûle au contact du sien, si, en quelque manière, nous espérons accomplir cette loi. Le docteur de la loi s’enorgueillissait dans la loi, mais il l’avait évidemment réduite et adaptée, comme le fait quiconque cherche à être justifié par elle. « Qui est mon prochain ? » dit-il, pensant peu qu’il allait entendre une telle histoire quant à l’amour envers son prochain. La loi était trop haute, trop noble, pour les pensées de cet homme, et ainsi en est-il pour nous tous. Nous ne voyons rien qui soit à la hauteur de cette parole : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur … et ton prochain comme toi-même », jusqu’à ce que nous contemplions la vie de Jésus toute consacrée au bien. Le docteur de la loi se serait appuyé sur la loi pour refuser Jésus, mais il avait à apprendre, si ses oreilles pouvaient l’entendre, que Jésus seul maintenait la loi et lui donnait efficacité sur l’esprit et la conscience des hommes.

C’est notre salut que de connaître Jésus comme l’étranger qui a pansé nos blessures avec l’huile et le vin. Luc seul donne cette parabole, mais cela est entièrement d’accord avec la grandeur de l’esprit de grâce qui remplit son évangile d’un bout à l’autre.

La petite scène qui termine alors ce chapitre est aussi particulière à Luc et se place dans sa ligne générale qui est de nous instruire dans les grands principes de la vérité. Les deux sœurs introduites ici avaient un esprit différent. Elles sont mises à l’épreuve de la pensée de Christ, et le jugement de Dieu nous est donné sur un sujet de grande valeur pour nous.

La maison dans laquelle nous entrons maintenant était celle de Marthe ; l’Esprit de Dieu nous dit cela comme caractérisant Marthe ; elle reçoit le Seigneur dans sa maison avec toute promptitude de cœur ; elle reçoit le Seigneur et prépare pour lui ce qu’elle a de meilleur, tout ce que demandaient le labeur et les fatigues du Seigneur. Marthe savait bien que le chemin du Seigneur était celui du Bon Samaritain qui allait à pied afin que les autres aient une monture, et elle l’aimait trop pour ne pas remarquer sa fatigue et y pourvoir. Mais Marie n’avait pas de maison à lui offrir. En esprit elle était une étrangère comme lui-même, mais elle lui ouvre un sanctuaire et l’y fait asseoir, comme le Seigneur de cet humble temple. Elle prend place à ses pieds et écoute sa parole. Elle sait aussi bien que Marthe qu’il est fatigué, mais elle sait aussi qu’il y a en lui une plénitude lui permettant d’être plus fatigué encore. Son oreille et son cœur, par conséquent, le mettent à contribution, au lieu que son pied et sa main le servent. C’est là que gît la différence entre les deux sœurs. L’œil de Marthe voyait la fatigue du maître et voulait lui donner ; la foi de Marie saisissait sa plénitude sous sa fatigue, et voulait recevoir de lui.

Cela amène le sentiment du Fils de Dieu à s’exprimer. Le Seigneur accepte les soins de Marthe aussi longtemps que ce sont de simples soins et de la diligence concernant ses besoins présents, mais, du moment qu’elle met sa pensée en compétition avec celle de Marie, elle s’entend juger et apprend que Marie, par la foi, rafraîchissait et réjouissait le Seigneur plus que tous les soins et toutes les provisions de la maison de Marthe n’auraient pu le faire. La foi de Marie donnait à Jésus un sentiment de sa propre gloire divine. Elle lui disait que, bien qu’il fût Celui qui était fatigué, il pouvait toujours la rafraîchir et la nourrir. Elle était à ses pieds, écoutant sa parole. Il n’y avait pas de temple ici, ni de lumière du soleil (Apocalypse 22:22, 23), mais le Fils de Dieu était là et il était tout pour elle. C’était l’honneur qu’il appréciait, et, pour son bonheur, elle connaissait son secret. Alors qu’il avait soif et qu’il était fatigué, à la fontaine de Jacob, Jésus oublia tout, en donnant des eaux qu’aucune cruche n’aurait pu contenir, et qu’aucune fontaine sinon la sienne n’eût pu donner. Et ici Marie présente son âme à la même source, sachant qu’en dépit de sa fatigue il était en mesure, autant que jamais, de la désaltérer.

Quels principes nous sont ici dévoilés ! Notre Dieu revendique pour lui-même la place de suprême puissance et de suprême bonté, et il veut que nous soyons ses débiteurs. Notre sentiment de sa plénitude lui est plus précieux que tous les services que nous pouvons lui rendre. Bien qu’il ait droit à plus que ce que toute la création pourrait lui donner, ce qu’il désire par-dessus toute chose est que nous usions de son amour et puisions dans ses trésors. L’honneur que notre confiance met sur Dieu est son honneur le plus élevé, car c’est la gloire divine que de donner toujours, de bénir toujours, de toujours verser d’une inépuisable plénitude. Sous la loi il avait à recevoir de nous, mais, dans l’évangile, il nous donne ; et les paroles du Seigneur Jésus sont celles-ci : « Il est plus heureux de donner que de recevoir ». Et il tiendra cette place à toujours, « car sans contredit le moindre est béni par le plus excellent ». Il est vrai que la louange de tout ce qui respire montera vers lui, mais devant lui, et du trône de sa gloire, jaillissent le flot constant de bénédiction, la lumière qui réjouit, les eaux qui rafraîchissent et les feuilles de l’arbre pour guérir. Notre Dieu aura sa propre joie et déploiera sa propre gloire, comme le Donateur à toujours.

 

3.5.3        Ch. 11:1-13

La manière habituelle du Seigneur dans cet évangile, comme je l’ai déjà remarqué, est de mettre son Esprit qui demeure en lui en contact avec tous les exercices du cœur et de la conscience des hommes, afin que nous puissions connaître le jugement que Dieu porte sur nous. Ces versets en sont une illustration. Le sujet est la prière, sujet d’un profond intérêt pour nos âmes.

La loi, généralement, n’exigeait pas la prière, car la loi mettait l’homme à l’épreuve et l’appelait à employer sa force, s’il en avait ; alors que, au contraire, la prière naît du sentiment de notre faiblesse et de notre dépendance. Je rappelle cependant deux formes de prière données par la loi, mais l’une est sur le terrain de l’innocence, l’autre sur celui de l’obéissance, et les deux sont appropriées à la dispensation à laquelle elles étaient associées (Deut. 21:8 et 26:15). Le ministère de Jean a dépassé la loi, convainquant la chair de n’être que de l’herbe, et, comme nous l’apprenons ici, il avait enseigné à ses disciples à prier. Nous ne pouvons pas douter que, comme la loi, il fournissait des expressions pour leurs cœurs, appropriées à la position à laquelle son ministère les conduisait. Ici, dans la même sagesse, le Seigneur leur donne une prière appropriée à la condition de foi et d’espérance à laquelle il les avait conduits. Et tout cela est parfait parce qu’opportun, approprié à ceux qui venaient justement de dire : « Seigneur enseigne-nous à prier, comme aussi Jean l’a enseigné à ses disciples ».

Mais cette prière n’aurait pas été ainsi parfaite et appropriée, si elle avait été une expression entièrement d’accord avec la lumière accrue dans laquelle l’Église a été ensuite introduite. Le Seigneur alors n’était pas entré dans le sanctuaire céleste, comme le Souverain Sacrificateur de notre confession, ni le Saint Esprit n’avait été donné. Le nom du Seigneur Jésus, par conséquent, n’est pas invoqué ici comme lui-même le dit plus tard : « Jusqu’à maintenant vous n’avez rien demandé en mon nom ». Mais, peu après avoir dit cela, il ajoute : « En ce jour-là vous demanderez en mon nom », disant ainsi clairement qu’il y aurait progrès dans le caractère du culte rendu par des saints. Et c’est ce que nous trouvons en effet. Les prières que les apôtres font, par l’Esprit, pour les saints, manifestent de plus hautes pensées et des désirs plus profonds que ceux exprimés par cette prière (parfaite sans doute à sa place) de notre Seigneur. Voir Éphésiens 1:3 — Colossiens 1, etc.

Et, de tout cela, je dois conclure que nous pouvons facilement reconnaître la perfection de cette sainte forme de prière en raison de son opportunité, en discernant spirituellement que le Seigneur ne la donnait pas comme une expression dont l’Église aurait à user. Je ne dis nullement que l’âme ne puisse maintenant l’employer, et y trouver parfois l’expression de ses désirs. Mais je crois que l’âme, qui, pleinement consciente de sa nouvelle position, par le Saint Esprit, avec Jésus monté en haut, n’emploie pas cette prière, ne méprise aucunement les saintes ressources du sanctuaire divin que le Seigneur met à notre disposition. Il est le Seigneur du temple, et c’est certainement notre joie de le reconnaître comme tel. Mais il nous a donné maintenant le Saint Esprit pour y être la puissance vivante, et il remplit le temple avec le culte en esprit et en vérité, avec des soupirs inexprimables, avec des supplications, des prières, des intercessions et des actions de grâce, par l’esprit d’adoption qui crie toujours : « Abba, Père ! » Car le même Seigneur du temple en a maintenant ainsi ordonné, et c’est de l’obéissance que de marcher en avant avec lui. Ce qui constituait autrefois la beauté de sa maison se trouve être maintenant de « misérables éléments », parce que le Seigneur est allé en avant, laissant derrière Jérusalem et son culte ; et il ne nous convient pas de regarder avec admiration les belles pierres alors que Jésus s’en est allé au Mont des Oliviers.

Mais ce sont là plutôt des suggestions en rapport avec ce passage. Le Seigneur nous montre lui-même ici, dans la parabole de l’ami qui demande des pains à minuit, la valeur ou le succès de la prière, puis il met en contraste un père humain et le Père céleste, et par là il nous donne la garantie et la sécurité de la prière. Cette sécurité est double, d’une part elle tient à l’amour propre à la relation, de l’autre à la bonté positive de Dieu lui-même, afin que nous ayons une ferme assurance de cœur quand nous recherchons le Seigneur et ses bénédictions.

Je ne peux pas cependant laisser ce sujet sans demander si la petite expression « celui qui est dedans » n’a pas une grande valeur morale ? Je crois que oui. Elle semble indiquer qu’« être dedans » implique une tendance inévitable à être peu disposé à cette sympathie que nous devrions être en tout temps prêts à témoigner. Moïse, il est vrai, bien qu’au milieu de l’Égypte, sortit pour considérer le fardeau de ses frères, et Néhémie, bien que dans le palais du roi de Perse, pleura sur la désolation de la ville des sépulcres de ses pères. Ils étaient dedans, mais la foi les chassa dehors. Leurs circonstances rendirent cette épreuve de la foi d’autant plus sévère, et sa victoire plus excellente et extraordinaire. Car il est dangereux d’être trop ou trop bien installés « dedans », de peur que l’âme, considérant sa condition, ne dise : « Mes enfants sont au lit avec moi ; je ne puis me lever et t’en donner », et alors le besoin d’un frère qui est « dehors » sera à peine entendu. Les fardeaux d’Israël et la désolation de Sion seront à peine considérés, ou l’on ne s’en enquerra pas. Comme un trait distinctif de cet évangile, j’observerai que, dans le passage correspondant de Matthieu, le Seigneur dit que le Père donne de bonnes choses à ceux qui les lui demandent, mais ici c’est le Saint Esprit qu’il donnera. Et encore, en contraste avec Jean, le Seigneur dit ici que le Saint Esprit sera donné sur notre demande, mais là c’est sur sa demande (Jean 14:16). Cette différence est ainsi très caractéristique des deux évangiles, car ici le Seigneur enseigne ses disciples, les éduque et il fait appel à leur cœur et à leur conscience pour les exercer ; mais en Jean il se présente lui-même, il se révèle lui-même, et c’est pourquoi dans cet évangile il parle de sa place et de son ministère dans ce grand sujet du don du Saint Esprit à l’Église.

 

3.5.4        Ch. 11:14-54

Ces versets nous présentent d’autres scènes illustrant, toujours en accord avec la ligne générale de notre évangéliste, des sujets importants pour nous.

Le Seigneur écoute deux provocations de ses ennemis car, dans ce monde qui est le nôtre, l’opprobre ne cessait de briser son cœur. Mais, dans sa sainte puissance de grand Docteur, il fait retomber ces deux provocations sur la tête ou plutôt sur la conscience de ses accusateurs. L’un l’accusait d’être l’allié de Satan dans ses œuvres ; l’autre prétendait qu’en tous les cas ces dernières n’avaient pas suffisamment prouvé qu’il était l’allié de Dieu. « Il chasse les démons par Béelzébul », dit l’un d’eux. « Montre-nous un signe du ciel », dit l’autre. Le Seigneur démasque de telles pensées et place devant eux leur condition, afin qu’ils puissent apprendre que ce n’était pas en lui mais en eux-mêmes que se trouvaient ce mal et cette obscurité ; car il était le doigt de Dieu (v. 20) et « la lampe mise sur le pied de lampe » (v. 33).

Le raisonnement du Seigneur ici est d’une belle et puissante simplicité. Mais je puis observer, en mettant en contraste le verset 26 avec Matthieu 12:45, qu’il n’applique pas ici comme là, la leçon de « l’esprit immonde » à l’état d’Israël (cette génération méchante). Cette différence est bien en harmonie avec le caractère plus strictement juif de l’évangile de Matthieu. Aussi son jugement sur l’état de cette génération est ici prononcé dans la maison, dans ce qu’on pourrait appeler une des heures sociales du Fils de l’homme. En Matthieu une semblable sentence est prononcée du trône de jugement, selon l’autorité du Fils de l’homme (chap. 23) ; cette différence illustre le style respectif des deux évangiles.

Ces pensées nous sont suggérées par la réponse du Seigneur aux défis de ses ennemis. Dans le cours de cette scène nous avons cependant à noter une interruption. Ce qu’il disait semble avoir touché le cœur d’une femme qui l’écoutait, de telle sorte que, comme il parlait, elle éleva sa voix et dit : « Bienheureux est le ventre qui t’a porté, et les mamelles que tu as tétées ». C’était un témoignage à la puissance des paroles de notre divin Maître, qui est sa gloire, dans cet évangile. Et un témoignage semblable lui est rendu dans la phase suivante de cette même scène car, de nouveau « comme il parlait », un pharisien qui était présent « le pria de dîner chez lui ». Cet homme avait été évidemment remué par la puissance de sa parole sans peut-être qu’il y ait eu chez lui la même affection que chez la pauvre femme, et il l’invita dans sa maison. Après y être entré il continue à agir comme le grand docteur, reprenant l’orgueil religieux et la sombre hypocrisie qu’il trouvait là, jusqu’à ce qu’un docteur de la loi qui était présent, entendant ses justes reproches, l’interrompe et lui dise : « Maître, en disant ces choses tu nous dis aussi des injures ». Mais la lumière continue à éclairer, rendant manifeste l’obscurité qui l’entoure, jusqu’à ce que l’inimitié de ces ténèbres soit pleinement manifestée. Les scribes et les pharisiens ensemble commencent à le presser afin qu’il retire cette lumière dont l’effet leur était ainsi devenu intolérable.

 

3.5.5        Ch. 12

Afin de poursuivre son chemin comme le Maître qui enseigne en d’autres lieux, le Seigneur se retire du milieu des scribes, des docteurs de la loi et des pharisiens. Il reçoit la multitude et tout de suite reprend son enseignement, prenant pour sujet ce qui lui avait été suggéré dans la maison du pharisien : l’hypocrisie et aussi la persécution sur laquelle un résidu juste devait compter.

Ainsi nous avons ici la lumière, le grand Docteur, comme dans le chapitre précédent, accomplissant son saint service. Mais je remarque que bien qu’une grande partie du sujet de ce chapitre se trouve dans Matthieu, il nous est donné de façon différente. Là c’est simplement comme un discours du Seigneur, mais ici cela se présente comme une réplique à d’autres. Cette distinction est toujours dans le caractère de cet évangile, dans lequel, comme je l’ai déjà remarqué, le Seigneur agit avec l’homme et exerce ses pensées, sa conscience et ses affections, afin qu’elles puissent être corrigées et formées par l’esprit de Christ, en accord avec Dieu. Par conséquent, l’enseignement du Seigneur est souvent, comme dans ce chapitre, une réponse aux questions et aux pensées des autres. Et, ainsi que je l’ai déjà relevé à la fin du chapitre précédent, ce qui est donné en Matthieu comme venant d’un trône de jugement, est prononcé dans Luc à une table, à une table de souper. C’est ainsi que ce qui a eu le caractère d’un sermon venant d’une place élevée en Matthieu (chap. 5 à 7) paraît ici comme des paroles prononcées au sein de la multitude qui se pressait autour de lui.

Et ici encore, comme dans le chapitre précédent, nous avons un témoignage de la puissance de sa parole, car quelqu’un du milieu de la foule, jugeant à ce qu’il paraît que le Seigneur, dans ses discours, s’opposait à l’oppression et à la rapacité des riches, cherche à l’entretenir de son accusation contre son frère inique et méchant. Mais le Seigneur a seulement à agir comme la lumière qui reprend les ténèbres où que ce soit qu’elle les trouve, et maintenant, au milieu de la multitude, il prononce une parole contre l’avarice, comme juste auparavant parmi les chefs, il en avait prononcé une autre contre l’orgueil religieux et l’hypocrisie.

Nous pouvons bien nous arrêter un peu sur un tel sujet. Et spécialement ici, parce que, après cette interruption, il semble guider les pensées de notre Seigneur presque jusqu’à la fin de son présent discours.

Le désir d’avoir, d’acquérir et de posséder, qui est la cupidité, est, comme nous le savons, un des grands principes qui forment la vie de ce monde mauvais, « la convoitise des yeux », comme Jean l’appelle. La vie aussi bien que l’enseignement de Jésus étaient en contradiction ouverte avec cette convoitise, comme avec tout autre principe qui anime le vieil homme. Il nous offre en perfection le tableau que trace l’apôtre : « Dans une grande épreuve de tribulation, l’abondance de leur joie et leur profonde pauvreté ont abondé dans la richesse de leur libéralité » (2 Cor. 8:2). Sa pauvreté était profonde. Il n’avait pas un lieu où reposer sa tête. Quand il avait besoin d’un denier, afin de dire une parole sur l’image et l’inscription qu’il portait, il devait demander qu’on lui en montrât un. Et combien sa libéralité était riche ! Il avait, si j’ose dire, une bourse abondamment garnie, mais il ne l’ouvrait que pour les autres. Il avait à sa disposition toutes les ressources de la création, il pouvait avec quelques pains faire du pain pour des milliers et ensuite faire ramasser des morceaux par corbeilles entières. Il pouvait transformer l’eau en vin. Il pouvait faire sortir une pièce de monnaie de la mer et, comme le Seigneur de la terre, réclamer l’ânon d’un étranger. C’était certainement une bourse bien pleine, mais qu’il n’utilisait pas pour lui-même. Il préférait aller à pied, avoir soif et avoir faim. Et même sur les maigres provisions — les quelques pains, les quelques poissons — qu’il avait pour lui-même et ses disciples, il prélevait toujours quelque chose pour d’autres (Jean 13:29).

Où trouverait-on de telles richesses de libéralité ? Tout cela, dans la vie quotidienne de Jésus, était en contradiction absolue avec ce qui a cours dans le monde cupide ! Les hommes n’auraient pu le louer parce qu’il se faisait du bien (Psaume 49:18). Avec quelle décision de cœur ne s’oubliait-il pas toujours lui-même, et avec quelle consciente autorité ne résistait-il pas à l’invitation de celui qui, comme le rapporte ce chapitre, convoitait une part de l’héritage ! La question inopinément posée est trop importante pour être traitée rapidement et le Seigneur continue à traiter ce sujet avec ses disciples. Il leur montre comment ce désir d’acquérir et de posséder nous empêche d’être préparés pour sa venue. Quelle profondeur et quelle beauté dans la façon dont il place ce sujet devant leur cœur et leur conscience ! Il nous montre qu’il y a trois façons différentes pour l’âme d’envisager cette question et d’entrer dans le grand fait de la seconde venue du Seigneur. Ou bien il viendra comme un voleur dans la nuit pour surprendre la maison ; ou bien comme un Seigneur qui récompense ses esclaves fidèles ; ou enfin comme un Maître aimé qui veut rendre heureux de son retour ses serviteurs vigilants.

Matthieu suggère les mêmes pensées aux chapitres 24 et 25, avec cette seule différence que la parabole des serviteurs vigilants est remplacée par celle des vierges attendant l’époux, mais le sens moral est le même, et la variété de ces figures est propre à nous enseigner que Jésus cherche à avoir nos cœurs entièrement pour lui. En présentant son retour à nos cœurs de différentes façons, un voleur dans la nuit, un maître et un époux, il demande à être pour nous l’objet, le suprême objet, des différentes affections de notre âme. La crainte, l’espérance et la joie, devraient animer le cœur du bon serviteur de la maison, des esclaves et des serviteurs fidèles ou des vierges. La crainte du voleur, l’espoir d’avoir une part à la récompense ou la joie de la présence de l’époux devraient être tout pour le cœur. Et cela est heureux, bien que ce puisse être très sérieux. Il est heureux de savoir que notre Seigneur réclame nos affections. Il sait qu’il a droit à être notre suprême objet, et l’amour qui ne l’a pas pour son plus haut motif n’est pas un amour d’adorateur.

Cela est saint et sérieux, car nous pouvons demander : en est-il ainsi pour nous ? Est-ce que le lieu de nos affections est un lieu d’adoration ? Jésus a-t-il la première place ? « Celui qui aime père ou mère plus que moi n’est pas digne de moi ». Et encore, aux versets 4 et 5 de notre chapitre : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps... mais je vous montrerai qui vous devez craindre : craignez celui qui, après avoir tué, a le pouvoir de jeter dans la géhenne ». La vigilance de la crainte et la vigilance du désir sont évoquées ensemble. Chaque mouvement du cœur n’est pleinement juste que s’il confesse la seigneurie ou la suprématie de Jésus.

Cela a été amené par l’interruption du v. 13 qui donne au Seigneur l’occasion de manifester sa lumière. Ce monde était un lieu de ténèbres pour l’homme ; la lumière venant du ciel était par conséquent, partout où elle pénétrait, une lumière réprobatrice (Éphésiens 5:13). Le riche et le pauvre, les chefs et la multitude, étaient semblablement manifestés par elle. Comme Jérémie, en son jour, visita les pauvres gens et trouva qu’ils ne connaissaient pas la voie de l’Éternel, puis les grands et trouva qu’ils avaient tous ensemble brisé le joug (Jér. 5:5), ainsi en est-il ici avec le Seigneur de Jérémie. Jésus avait été au milieu des scribes et des pharisiens distingués et au milieu de la multitude, mais tout était en désordre. Les plus solennelles impressions pesaient sur lui (versets 49-59). Il aurait guéri les hommes. Il était venu prêchant la paix, et avait envoyé devant lui les douze et les soixante-dix avec un message de paix pour chaque ville et pour chaque maison, mais la paix était retournée à lui et à ses messagers. Maintenant la part de la terre serait la division et bientôt le jugement par le feu. Il y avait à la fois de l’intelligence et de la discorde au sujet des choses présentes, mais l’homme ne discernait pas le témoignage de Dieu, il était satisfait de lui-même.

 

3.5.6        Ch. 13

L’enseignement du chapitre précédent était très important pour nos âmes, et maintenant, au commencement de celui-ci, nous sommes « en ce même temps » comme nous le lisons. Je crois par conséquent que les mêmes vérités sont placées devant nous. L’homme qui avait accusé son frère devant le Seigneur apprit du Seigneur que lui-même était en chemin avec un autre accusateur, vers un autre juge. On peut en effet penser que ces mots des versets 58, 59, lui étaient aussi adressés. De même ici, quelques-uns parlent au Seigneur des souffrances spéciales de certains Galiléens comme s’ils avaient été de plus grands pécheurs que les autres (Jean 9:2), portant ainsi un jugement sur leurs frères. Mais le Seigneur désirait aussi leur faire savoir qu’ils étaient sous la même condamnation, et que, s’ils ne se repentaient pas, ils périraient tous pareillement.

Puis le Seigneur, ayant dans la pensée le péché d’Israël, prononce la parabole du figuier stérile, la nation entière étant mûre pour le jugement et pour un massacre bien plus terrible que celui des Galiléens.

Ce figuier était planté dans une vigne, comme Israël était placé dans la vigne de Dieu, au milieu d’ordonnances et de privilèges, arrosé et soigné avec diligence et soin, mais sans fruit. Israël n’avait pas de racine en lui-même pour donner à Dieu quoi que ce fût. Le ministère de Jésus, le patient jardinier de cette vigne, l’avait maintenant prouvé. Par ce ministère la bonté de Dieu les avait poussés à la repentance (Romains 2). C’était là le fossoyage et la fumure de cet arbre stérile, mais avec tout cela il n’y avait pas de fruit. Nous voyons alors, par la petite scène suivante, qu’Israël n’avait aucun sens de son état réel. Le malade était là, et par suite le besoin d’un médecin, mais ils étaient inconscients. Une fille d’Abraham est malade, mais les chefs de la maison d’Abraham rejetaient avec orgueil les soins du divin médecin.

C’est ainsi que l’état corrompu de la nation passe devant l’esprit du Seigneur, et il semble qu’il exprime des pensées correspondantes à cet état, en parlant du grand arbre où les animaux impurs avaient trouvé leur refuge, et de toute la masse de la farine qui avait maintenant senti l’action du levain. C’est dans cet esprit qu’il commence son voyage. Il avait devant lui le péché manifeste et le jugement venant sur Israël, tandis qu’il poursuit son chemin vers Jérusalem.

Ici, laissez-moi remarquer que, dans Jean, le Seigneur est vu fréquemment à Jérusalem, car cette ville n’avait pas, dans l’appréciation de l’étranger céleste, un caractère plus élevé que n’importe quel autre endroit sur la terre. Mais, dans les autres évangiles, on ne voit pas le Seigneur entrer dans cette ville qui était le siège ordonné de son gouvernement comme Fils de David, jusqu’à ce qu’il y entre à la fin de son ministère, en pompe royale, offrant le royaume à la fille de Sion, et qu’il soit alors pleinement et formellement rejeté par elle. Dans cet évangile de Luc, son approche graduelle de la cité à cet effet, est plus distinctement tracé que dans Matthieu et Marc. Voir 9:51 ;13:22, 33 ; 17:11 ; 18:31 ; 19:1, 11, 28. Il semble, pour ainsi dire, tarder d’étape en étape, ne voulant pas hâter la condamnation de la nation, car ce qui devait lui arriver là allait combler la mesure de leur péché et les abandonner au jugement. Il attendait, dans un esprit de grâce ; de même maintenant, à notre époque, la longue patience de Dieu est salut. Il la manifeste en n’envoyant pas Jésus, car il ne veut pas qu’aucun périsse. Cette réserve de Jésus dans sa marche vers la ville rappelle le départ de la gloire dans Ézéchiel (voir ch. 10 et 11). La gloire là s’attarde, de halte en halte, comme à contre-cœur, bien que la souillure de la ville ne lui permît pas d’y rester. De même, ici, le Seigneur prolonge son voyage, retardant l’heure du jugement de Jérusalem, en chemin vers elle tout le long de l’évangile, mais ne l’atteignant qu’au terme de son ministère.

C’est dans la claire et pleine conscience de ce qui arriverait qu’il s’approche ainsi de la ville et la considère à distance. Au chapitre 9 v. 51, ainsi que je l’ai déjà remarqué, il avançait comme si son voyage le conduisait à la gloire. Au chapitre 18, v. 31, il regarde vers elle comme si sa présence au milieu d’elle devait clore le jour du salut pour Israël et introduire le jugement de Dieu. C’était cette pensée qui l’occupait maintenant. Toutes les scènes précédentes de ce chapitre, le rapport au sujet des Galiléens, la parabole du figuier et l’hypocrisie des chefs dans la maison d’Abraham au sujet de la maladie d’une fille d’Abraham, tout le conduisait à ces pensées, tandis qu’il approchait de la ville. Il se peut que ses sentiments aient été reflétés dans toute son attitude, à ce point que quelqu’un qui l’observait ait pu dire, comme s’il comprenait quelque peu ses pensées : « Seigneur, ceux qui doivent être sauvés sont-ils en petit nombre ? » C’est là un passage intéressant pour nos âmes et je voudrais m’y arrêter un peu.

Il nous suggère ceci, que le Seigneur a une méthode à lui — parfaite je n’ai pas besoin de le dire comme tout ce qui vient de lui — de répondre aux questions. Il ne vise jamais à donner une simple information, mais cherche à atteindre le cœur ou la conscience. Ce n’est pas tant la question que le questionneur qui l’occupe. Peut-être chaque cas montrerait-il cela, mais je voudrais en donner brièvement un exemple. Quand on lui demande à quel moment ses paroles contre le temple auraient leur accomplissement, il ne répond pas directement, mais conduit les pensées des disciples à des sujets vastes et sérieux, scellant son enseignement dans leurs âmes par l’importante parabole des dix vierges et des talents (Matthieu 24, 25). En réponse à la question de Jean le Baptiseur : « Es-tu celui qui vient ou devons-nous en attendre un autre ? » il ne dit pas : « Je le suis et vous n’avez pas besoin d’en attendre un autre », mais il montre aux disciples de Jean des objets propres à leur donner la réponse d’une manière puissante et vivante (Matt. 11). De même ici, le Seigneur ne répond pas formellement, mais moralement, à la question : « Seigneur ceux qui doivent être sauvés sont-ils en petit nombre ? » Il le fait d’une manière propre à amener le questionneur à s’examiner soigneusement lui-même et à s’appliquer l’avertissement de Jésus.

Cette méthode, nous pouvons le dire en toute certitude, parle de sa sagesse et de sa bonté et montre comment il agissait envers l’homme, ne déployant pas ses propres ressources de connaissance, mais cherchant soigneusement et sauvant ce qui était perdu. La méthode de l’homme est une pauvre chose. Voyez Jésus, en contraste avec les hommes instruits, ou, comme Paul le dit, « les princes de ce monde » qui, quand on leur demande où le Christ devait naître, répondent la vérité, mais de façon toute formaliste — sans chercher à atteindre la conscience du roi comme l’occasion s’en offrait à eux (Matt. 2). Mais quand on demande à Jésus de qui il était né : — « Où est ton Père ? » — sa réponse ne va pas simplement à leurs oreilles, mais à leur cœur avec tout son sérieux et sa puissance solennelle (Jean 8).

Jésus n’a pas besoin de notre recommandation, bien-aimés ; mais il serait heureux pour chacun de nous de peser ses perfections et d’admirer sa beauté. Je suis sûr que ces réflexions ont une valeur particulière pour le temps présent, car c’est un temps où « beaucoup courent çà et là et où la connaissance est augmentée » (Daniel 12). Et cela serait une garantie pour nos âmes car les saints ont toujours à se garder de ce qui est appelé « l’esprit du siècle ». Paul, quand il prie pour les saints afin qu’ils croissent en connaissance, désire premièrement pour eux qu’ils aient l’« intelligence spirituelle » (Colossiens 1:9 ; Éphésiens 1:17, 18), car la simple intelligence est sans valeur. Il vaudrait mieux laisser de côté nos questions, plutôt que d’en poursuivre la solution avec nos seules capacités humaines. Sans doute n’est-il pas hors de propos de nous reporter à la pensée émise par quelqu’un qui a vécu pour Christ dans les jours qui nous ont précédés, à savoir que le désir de connaître beaucoup, même dans les choses spirituelles, peut être la preuve que Dieu lui-même n’est pas réellement connu. Le connaître lui est la vie éternelle. Et comme un autre l’a très utilement remarqué : « L’homme naturel reçoit souvent la vérité plus vite que le saint, parce que le saint a à apprendre dans sa conscience, afin qu’elle soit exercée devant Dieu par ce qu’il apprend ». Cette exhortation est bien nécessaire. Nous pouvons, par notre hâte à vouloir être sages et pleins de connaissance dans cette époque agitée, faire tort, gravement tort, à notre âme. Mais nous disons cela seulement en passant.

Dans la réponse du Seigneur à la question qui lui est posée (13:23), je comprends que « lutter » et « chercher » n’expriment pas seulement des mesures d’intensité différente dans la même action mais des actions moralement différentes. « Beaucoup chercheront à entrer », alarmés à la pensée du Maître de la maison se levant et fermant la porte : c’est la frayeur qui les pousse ; la lutte est une action du cœur et de la conscience devant Dieu avant que le Maître de la maison se soit levé, une action par conséquent qui ne résulte pas simplement de la crainte d’être laissé dehors. Et combien souvent nous voyons autour de nous des gens « chercher » de la sorte ! Une frayeur soudaine provoquera des affections religieuses, mais qui, l’alarme passée, ne dureront pas. Comme le dit le Seigneur par le prophète : « Ô habitante du Liban qui fais ton nid dans les cèdres, tu seras un objet de pitié quand les douleurs viendront sur toi, l’angoisse comme d’une femme qui enfante... Et je te livrerai en la main de ceux qui cherchent ta vie » (Jérémie 22:23, 25).

Ce passage dans notre chapitre est donc un avertissement important pour tous. Mais, pendant que le Seigneur poursuit son chemin, ce n’est toujours pas de lui-même, ni de ses souffrances ou de sa gloire qu’il est occupé, mais de Jérusalem, de son péché et de son jugement. Quelques-uns lui parlent d’Hérode (*) et de ses desseins contre lui, mais le Seigneur leur dit simplement qu’Hérode et tous ses desseins ne prévaudront pas contre lui, car aucun obstacle ni aucune difficulté que ce soit de sa part, ne pourraient l’empêcher de marcher jusqu’à ce qu’il atteigne Jérusalem. Cette ville, si éminente en privilège devant Dieu, l’était autant en méchanceté contre lui, et elle avait à combler la mesure de sa culpabilité en mettant à mort le dernier et le plus grand des prophètes. La rage d’Hérode n’était donc pas à considérer, car Jésus devait traverser le pays sous sa juridiction. Et ainsi c’est Jérusalem qui est l’objet que le Seigneur a toujours en vue, comme le dit le verset 22. Il donne cours à tout ce dont son âme avait été péniblement travaillée dans un tel chemin, en disant : « Jérusalem, Jérusalem, la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants, comme une poule sa couvée sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ! Voici votre maison vous est laissée déserte ». Jérusalem n’a pas voulu ! Les soins de la poule étaient refusés, mais le renard était déjà là et, en conséquence, il n’y a plus que dispersion au lieu de rassemblement. On se glorifiait dans Hérode et dans Rome, et Dieu et son Christ étaient refusés. « À cause de la montagne de Sion qui est désolée, les renards s’y promènent » (Lam. 5:18). Le Fils de Dieu n’avait, pour le présent, qu’à leur abandonner sa montagne jusqu’à ce que, dans un esprit de repentance et de foi, le peuple l’accueille de nouveau et dise : « Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur ».

 

(*) Cet Hérode était le quatrième fils du roi Hérode dont il est question en Matt. 2. Luc 3 nous apprend qu’il gouvernait la Galilée, comme cela peut être aussi déduit de ce passage. Quelques-uns ont pensé qu’il désirait mettre le Seigneur hors de sa juridiction, car il le haïssait à cause de sa justice et de son témoignage. N’osant cependant pas le mettre à mort, à cause du peuple, il cherche à le chasser ou à l’effrayer. Il aurait peut-être voulu le faire agir comme un peureux, c’est-à-dire d’une façon indigne de Lui. C’est ainsi que les ennemis de Néhémie cherchent à le prendre au piège (Néhémie 6:10-14).

 

 

3.5.7        Ch. 14-16

Ces chapitres mettent particulièrement en relief la manière de faire caractéristique du Seigneur dans cet évangile. Il y est partout comme le Docteur, le Fils de l’homme « social » s’adressant à tous autour de lui, soit dans la puissance de celui qui convainquait la conscience, soit dans la grâce de celui qui pouvait attacher le cœur.

Le contenu de ces chapitres est, d’une façon générale, propre à cet évangile. Plusieurs paraboles y sont rapportées que nous ne trouvons nulle part ailleurs. Nous remarquons en effet qu’il y a plus de paraboles dans Luc que dans aucun des autres évangiles, et cela encore montre l’esprit spécial et l’activité du Seigneur dans cet évangile. Lorsque nous lisons les pages de ce récit évangélique où nous considérons le chemin suivi par notre Seigneur Jésus Christ dans ce monde, il est précieux d’en suivre le développement graduel dans sa simplicité et sa vérité. À chaque page (pour employer le langage d’un autre) nous sommes frappés par une candeur, une simplicité et un naturel qu’on ne trouve au même degré dans aucun autre livre. Et quant à son grand sujet, Jésus, qui pourrait expliquer autrement que par l’inspiration le fait que quelques hommes simples aient été capables de décrire un caractère d’une perfection telle que nul, même dans les âges ou dans les pays les plus éclairés, ne l’a jamais égalé ? L’évangile porte l’empreinte d’une vérité si grande, si frappante, si inimitable, que son inventeur aurait été plus merveilleux que son héros. Et, comme il a été souvent dit, il n’est de repos pour la raison, que dans la foi, car on ne peut rendre compte de l’existence de la Bible sans introduire Dieu.

Il n’y a pas de moment ou de passage dans l’histoire du Seigneur Jésus, auxquels nous ne puissions nous arrêter pour écouter tout cela. Mais il faut remarquer ici le naturel de l’histoire et la perfection de celui qui en est le grand sujet, au moment où nous entrons dans une nouvelle partie de notre évangile dans laquelle Jésus a affaire à des hommes de caractères très différents, et pendant que l’évangéliste le suit tout au long de cette nouvelle étape.

La première scène se passe dans la maison d’un pharisien où, selon sa coutume, le Maître était venu sur une invitation à dîner. « Ils l’observaient » (sans doute les principaux qui étaient là) pour l’embarrasser, « comme il entrait dans la maison ». Il répond bientôt à leurs pensées, les faisant leurs propres juges et témoins contre eux-mêmes.

Étant libre, si je puis m’exprimer ainsi, de regarder autour de lui après être entré, ce qu’il regarde premièrement ce sont les convives prenant leur place à table. Le vieil esprit d’Adam, et non l’esprit selon Dieu, animait cette scène si simple. Ils choisissaient les premières places. C’était bien là Adam et ce désir d’être quelque chose, qui de tout temps avait germé dans le cœur de l’homme. Jésus ne pouvait qu’en être scandalisé. En lui, depuis le commencement et jusqu’à la mort de la croix, tout était en complète opposition à de tels désirs. Adam n’était rien — un fils de la poussière — et il cherche à être tout. Jésus était tout, mais il s’est anéanti lui-même. Il devint homme et sous cette forme s’abaissa lui-même en toute manière. Dans la personne qu’il avait revêtue, comme à la place qu’il occupait dans cette vie — dans le témoignage qu’il se rendait à lui-même, comme dans le nuage derrière lequel il voilait sa gloire — dans tout cela il prit toujours la place la plus basse. Mais ici, dans la maison du pharisien, il se trouve au milieu de ceux qui choisissaient les premières places. Comment aurait-il pu ne pas être scandalisé ? De tels conviés ne pouvaient lui convenir.

Il s’occupe alors de l’hôte qui les a conviés. Mais il n’y avait pas davantage de satisfaction pour lui de ce côté-là. L’égoïsme, sous une autre forme, se montre à lui. La table de son hôte n’était pas telle que celle que lui avait dressée dans ce monde depuis qu’il y était venu. Car il avait nourri des multitudes qui n’avaient rien à lui donner en retour. L’égoïsme du « vieil homme » l’affligeait maintenant, comme son orgueil l’avait fait un instant auparavant. L’hôte n’est pas plus que les convives dans le courant des pensées de ce parfait témoin de la pensée de Dieu.

Ensuite, après que ceux-ci se sont assis et que le festin se déroule, la conversation à table conduit Jésus à d’autres sujets de tristesse.

Il semble que c’était un bon mouvement qui avait poussé l’un de ceux qui étaient à table à dire : « Bienheureux celui qui mangera du pain dans le royaume de Dieu ». Il était, je n’en doute pas, attiré par le Seigneur. Mais peu importe, sa réflexion fait s’attrister le Seigneur devant la scène qu’il a en ce moment sous les yeux. Il voyait une table bien garnie. Les convives étaient là en nombre, autant qu’il en avait été invité. Mais la pensée du Seigneur semble être : Si Dieu avait dressé cette table, il n’aurait pas pu assembler si facilement ses convives. Et cette réflexion donne occasion à la parabole du souper de noces.

C’était une pensée pénible pour Jésus et elle le sera aussi pour ceux qui ont sa pensée. Sans doute on est soulagé en sachant que « le solide fondement de Dieu demeure » et que l’incrédulité de l’homme ne portera jamais atteinte au propos de Dieu ! Mais penser que, quand l’homme dresse une table, les conviés sont là autant qu’il en a été invité, alors que, quand c’est le Dieu vivant qui fait un festin, pas un de ceux qui étaient initialement invités ne mange de son souper ! Un mets de leur propre ordinaire leur paraît préférable ! Un champ, cinq couples de bœufs ou une femme, éloigneront les affections des meilleurs d’entre nous, et pas un convive n’aurait rencontré le Seigneur de la vie et de la gloire à ce riche repas, si lui-même ne les avait contraints d’entrer. Une simple invitation ne suffirait jamais. Cela a été essayé mais a échoué et Celui qui a fait les frais de dresser la table doit avoir aussi la peine de rassembler les convives. Ses bœufs et ses bêtes grasses chargeront la table, et ses serviteurs devront visiter les rues et les ruelles de la ville et aller dans les chemins et le long des haies, pour en trouver qui goûtent du souper.

N’a-t-on jamais traité pareillement un festin ? La scène que Jésus avait sous les yeux répond à cette question, alors que le cœur affligé de Jésus méditait là-dessus.

Certainement il est venu dans le monde pour y être entièrement lassé, comme quelqu’un l’a dit. Comment n’aurait-il pas été un homme de douleurs dans un monde entièrement façonné et rempli par l’orgueil de la vie et la convoitise des yeux ? Il n’a pas eu à attendre ses plus sombres heures pour « connaître l’affliction ». Les moments les plus prometteurs, les heures mêmes où se montrait l’amabilité humaine, apportaient leur douleur au cœur de cet étranger béni. Et cette parabole nous le dit. (*)

 

(*) En Matthieu cette parabole est envisagée à un autre point de vue, se rapportant plus directement à ce qui était juif. Voir Matt. 22.

 

Nous n’avons cependant pas encore suivi notre Seigneur tout au long de son voyage. Nous l’avons vu affligé et scandalisé en entrant dans la maison du pharisien et tandis qu’il y était, mais nous avons maintenant à le considérer alors qu’il la quitte.

La foule suit le Seigneur (14:25). Mais n’en était-il pas ainsi tous les jours ? Des milliers l’accompagnaient continuellement en le pressant le long des rues et des chemins. Mais cela n’atteint pas le cœur de Christ (8:45), car cela ne témoignait pas qu’ils avaient conscience du besoin qu’ils avaient de lui comme d’un Sauveur. Ils l’avaient plutôt adopté comme un docteur ou un modèle, mais ce n’était pas davantage ce qui convenait. Il se tourne vers cette foule avec des paroles d’avertissement solennel. Son âme n’est pas à l’aise au milieu d’eux malgré tous leurs propos de bienvenue, car ils n’étaient pas venus à lui en vérité. Nicodème l’avait honoré comme un rabbi, un savant ; le peuple au bord de la mer de Galilée comme un roi, la multitude ici comme un modèle ou un précurseur, mais il n’est pas chez lui dans une telle compagnie, pas pleinement chez lui. Même s’il n’est pas affligé au même point qu’il vient de l’être dans la maison du pharisien, il n’y a là ni repos ni joie pour son esprit. Il doit poursuivre jusqu’à ce qu’il atteigne son repos, comme nous l’apprennent ses paroles à la multitude.

Quand nous nous arrêtons quelque peu sur ces choses nous ne pouvons assez bénir Dieu. Ce que nous lui donnons, sous quelque forme ou de quelque façon que ce soit, est sans valeur ; nous devons recevoir de lui. Le pharisien lui donne un festin à l’intérieur de la maison et la multitude lui donne respect et admiration au dehors, mais il n’en a aucune satisfaction, si même il n’en est pas affligé. Il continue à travers tout jusqu’à ce que les publicains et les pécheurs s’approchent de lui pour l’entendre. Ils ne viennent pas pour lui donner quoi que ce soit, mais pour obtenir quelque chose de lui (15:1) ; alors il se réjouit en esprit. Son cœur goûtait les fruits désirés de son labeur et était satisfait.

Qu’y a-t-il de plus consolant pour nous ? Ces pauvres publicains, ces souillés de la ville, n’auraient rien eu à faire dans la maison du pharisien ; ils n’affectaient pas non plus de suivre le Seigneur avec la multitude, car ils étaient indignes et le savaient. Mais ils peuvent aller et toucher le bord de son vêtement, ou prendre leur cruche pour aller à la fontaine, et là s’asseoir dans la honte et la pauvreté. C’est ce qu’ils font et ils sont bienvenus de le faire. Lui est plus heureux de leur donner qu’eux de recevoir. Jésus avait maintenant accompli un long voyage, je veux dire long en esprit. Il avait quitté la maison du pharisien, et cheminé le long des routes avec des foules qui l’admiraient, mais s’y était fatigué. Il n’avait pas trouvé de repos jusqu’à ce que les pécheurs viennent à lui en solliciteurs. Car c’est la joie qui remplit ce chapitre ; la fatigue avait maintenant pris fin. Le bercail qui avait reçu la brebis perdue, la maison où la pièce de monnaie avait été retrouvée, et la maison du Père qui avait accueilli le fils prodigue revenu, présentent, comme autant de figures, la joie du Sauveur maintenant qu’il se trouve au milieu des publicains et des pécheurs.

Cela est merveilleux à dire, au-delà de toute expression ; mais pour Jésus c’était la maison de Dieu — c’était pour lui la porte du ciel.

Il avait été accusé par les pharisiens de recevoir des pécheurs, comme si son ministère n’assurait pas la justice mais ouvrait la porte au mal. Naturellement il aurait pu répondre de diverses façons : il aurait pu en particulier défendre sa grâce envers les pécheurs en se fondant sur ce que réclamait leur état, ou sur la gloire de Dieu. Mais dans ce chapitre, du commencement à la fin, dans chacune de ces admirables paraboles, Christ justifie la grâce simplement par la joie que lui, le Père et le ciel même y trouvaient.

Pensons-y ! Si l’on demande au Seigneur Dieu le motif de ses voies en salut à votre égard et au mien, il répond qu’il prend ses délices en elles, qu’elles le réjouissent lui et son habitation glorieuse. Quelle assurance, quelle consolation en jaillissent ! Pensez-vous que les voisins vont trouver à redire à la joie du berger qui vient de retrouver sa brebis perdue, ou les amies de la femme jalouser le plaisir avec lequel elle ramasse la pièce de monnaie ? Il en est de même pour Dieu. Jésus se justifie par la propre joie de Dieu dans le salut des pécheurs. Et pourquoi quelqu’un murmurerait-il ou ne croirait-il pas ? Le Seigneur ne peut-il pas préparer de la joie pour lui-même, aussi bien que le berger ? Qui oserait empêcher nos cœurs d’en avoir assurance et consolation ? Précieuse à nos âmes est la pensée que l’évangile de notre paix est une source de joie pour Celui qui en a tracé le plan et l’a exécuté, et que notre Dieu n’a fait rien de moins que placer son propre bonheur dans notre salut, comme l’attestent ces paraboles.

Ce chapitre est, par-là, une porte du ciel pour nous comme il l’était pour les pieds lassés de Jésus. Il avait voyagé comme nous l’avons vu, passé auprès de pharisiens, de conviés, d’un hôte, et des foules qui le suivaient, et il était maintenant assis avec des pécheurs qui connaissaient le besoin qu’ils avaient de lui et étaient venus chercher ce que leur état demandait. Le ciel, dans un sens, n’est autre chose qu’un tel lieu élargi, l’habitation de pécheurs sauvés et d’un Sauveur se réjouissant en eux.

Le Seigneur, comme nous le verrons maintenant en continuant à le suivre, a cependant à s’entretenir avec d’autres. Il avait à rencontrer ses disciples après tous les divers interlocuteurs que nous venons de voir. Il les rencontre en effet au début du chapitre 16, et leur adresse une parole propre à réveiller leur intelligence et encourager leurs espérances. Il leur enseigne à porter plus haut leur attente et à déployer leur énergie en vue d’un profit sûr et éternel. Étant disciples de Jésus, ils sont à tenir comme déjà revenus, ainsi que le fils prodigue ; et leur affaire maintenant était d’apprécier les espérances que la grâce avait mises devant eux et de « se faire des amis » avec chaque talent et en toute occasion, en sachant que leur travail ne serait pas vain dans le Seigneur.

C’était là, pour les disciples, une parole en sa saison, appuyée par la parabole de l’économe infidèle. Car notre grand Docteur avait des paroles choisies, épurées, « un argent affiné dans le creuset, coulé sept fois » (Ps. 12:6), et il les répartit justement entre tous comme nous pouvons encore le voir plus loin : en effet les pharisiens vont clore cette suite de scènes comme ils l’avaient ouverte.

Ces pharisiens tournaient en dérision les principes célestes par lesquels le Seigneur venait d’exhorter ses disciples, car « ils étaient avares ». Ils étaient tout ce que le monde peut estimer, et ils recherchaient cette estime et s’y appliquaient : comment ne se seraient-ils pas moqués des principes célestes du Fils de Dieu ? Mais Jésus démasque leur état moral, puis condamne cet état dans une parabole. Il les convainc d’avoir été faux à l’égard de cette loi même de laquelle ils s’enorgueillissaient et aussi d’avoir refusé la parole du royaume que le Dieu de la loi avait envoyée pour succéder à cette loi. Leur condition morale tout entière pouvait être ainsi dévoilée et réprouvée dans une phrase ou deux. Mais cela ne leur faisait rien : le monde était à leur service, leurs principes les nourrissaient somptueusement et les vêtaient de pourpre et de fin lin ; ils étaient ainsi satisfaits bien que le jugement de Dieu reposât sur tout cela.

C’était la dernière et solennelle parole adressée aux « religieux accomplis » de ces temps (comme les pharisiens ont été appelés). L’esprit du Seigneur termine par elle le grand ensemble moral que constituent ces chapitres 14-16. Il avait eu affaire avec les convives, avec l’hôte, avec la multitude, avec des disciples et avec les pharisiens. Il avait donné à chacun d’eux les paroles de vérité convenables. Si la pensée de Dieu à l’égard de tout ce qui nous entoure a du prix pour nous, nous méditerons sur ces actions de l’esprit de Christ. Sa lampe dans ce chemin brillera sur notre tête, et par sa lumière nous marcherons à travers toutes les ténèbres qui nous enveloppent de tant de manières et avec une telle densité.

Il n’est pas, que je sache, d’exposé plus complet et plus admirable des principes moraux divins. La manière de faire du Seigneur ici illustre ce qu’un autre a dit de lui : « Il attendait l’occasion d’instruire et ses enseignements étaient appropriés à chaque cas. Il en résulte qu’il y a un danger certain à faire du christianisme un système, car il n’a pas été introduit ainsi. La loi était un système ordonné, mais la grâce et la vérité ne pouvaient être montrées en même temps (sauf dans Sa personne) ; elles demandaient à être développées graduellement, suivant que les nécessités de l’homme se présentaient ». Cela est très juste et la conclusion ne l’est pas moins : « Il est de toute importance de prêter attention, non seulement aux sujets des discours du Seigneur, mais à la manière dont il les présente, et à ce qui les a motivés, aussi bien qu’au but vers lequel ils tendent ».

Mais il y a une autre chose à observer ici qui est propre à nous sonder, à nous avertir. Jésus jugeait justement. On ne pouvait le flatter. Il ne jugeait ni les personnes ni les circonstances par rapport à lui-même. C’est là que nous faillissons tous si communément dans tous nos jugements. Nous voyons tellement tout, aussi bien les personnes que les choses, à notre propre lumière. Comment ces circonstances nous ont-elles affectés nous-mêmes ? Comment ces gens nous ont-ils traités ? Ce sont là les questions qui occupent notre cœur et qui commandent trop communément notre jugement. Nous sommes flattés quand l’opinion des gens nous est favorable et blessés quand elle est dure à notre égard. Jésus n’était pas ainsi. Les compliments du pharisien et la place d’honneur qu’il lui donnait n’ont pas affecté son jugement quant à toute la scène qui s’est passée dans sa maison. L’amabilité d’une réception ne pouvait relâcher la rectitude de son sens des choses, pas plus que, dans une autre occasion, la confession que Pierre venait de faire n’empêcha la réprimande qu’il méritait parce que ses pensées étaient « aux choses des hommes ». Jésus ne pouvait être flatté. De même dans les temps anciens on pouvait se glorifier du fait que l’arche du Dieu d’Israël, son arche, était apportée à la bataille avec des acclamations, mais lui n’est pas sensible à ces acclamations. Israël tombe à cause de son iniquité (1 Samuel 4) .

Quelle leçon pour nous ! Quels motifs pour nous garder des jugements de l’amour-propre et de notre tendance à éprouver et peser les choses ou les personnes par rapport à nous. L’esprit de Jésus, ferme, inébranlable, peut être notre encouragement aussi bien que notre modèle en cela. Et nous pouvons bien prier pour que ni la flatterie du monde, ni son mépris, ne nous empêchent d’être sans cesse, dans nos pensées, en la présence du Seigneur.

Cependant il ne faut pas que le sentiment que les voies de Dieu sont tellement au-dessus des nôtres, et que l’observation des perfections de Jésus, servent seulement à mettre en lumière nos nombreuses erreurs, et nous accablent d’une tristesse excessive (2 Corinthiens 2:7). Nous sommes souvent disposés à nous arrêter et à mener deuil sur des expériences, comme pour nous placer au-dessous de la place où nous mettrait la foi. Il ne doit pas en être ainsi, la foi doit prévaloir. Et la foi, aussi bien que la conviction de péché, a un pouvoir séparatif. La conviction de péché sépare pour nous amener au lieu de l’affliction, comme elle amena Nathanaël à l’ombre du figuier, et comme elle le fera bientôt pour Israël repentant, « chaque famille à part et leurs femmes à part » (Zacharie 12:14). Il en est de même pour la foi. La foi concentre la puissance de voir et d’entendre sur son objet, ouvrant l’oreille d’un prodigue à la mélodie ordonnée par le Père, mais la fermant même au souvenir des folies passées, comme aux murmures du cœur froid qui méconnaît la grâce.

Précieuse foi ! Elle a affaire avec Dieu. Le prodigue était silencieux. Il n’arrêtait pas la main de son père comme s’il faisait trop pour lui. Cela aurait pu paraître de la modestie et de l’humilité, mais n’en aurait nullement été car la véritable humilité s’oublie elle-même. Son silence à table était de la foi. Il avait un riche festin devant lui ; parmi d’autres choses, il pouvait se nourrir de cette vérité bien connue que les affections qui montent ne sont jamais égales à celles qui descendent. Un enfant n’aime jamais ses parents avec la même intensité que les parents aiment leur enfant. Oui, et plus que cela, les parents sont satisfaits qu’il en soit ainsi. Un père est satisfait de savoir que son amour ne recevra jamais du cœur de son enfant une réponse égale à lui-même.

Ces pensées pouvaient remplir le cœur du fils prodigue tandis qu’il mangeait en silence du veau gras. Ce devrait être nos pensées à l’égard de notre Père céleste. Non qu’il soit indifférent à l’état de nos cœurs envers lui, cela ne serait ni à sa gloire ni pour notre joie. Mais il sait que son amour sera toujours le plus grand. Il sera toujours celui qui va « au-delà » comme David avec Jonathan, car il est à la place la plus élevée dont les droits et les attributs seront maintenus. C’est l’un des attributs de l’affection descendante (qui provient de la place la plus élevée) de couler, comme je l’ai dit, avec le courant le plus riche et le plus généreux, et tout ce que la foi a à faire est de le reconnaître et de se réjouir qu’il en soit ainsi. La foi monte en silence vers Dieu. On n’entend ni la plainte ni la confession d’un juste jugement de soi-même. Mais rien, excepté cette lumière dont nul homme ne peut s’approcher, ne s’élèvera jamais au-dessus de ce repos et de cette demeure, vers lesquels la foi porte le cœur en triomphe. « Seigneur, augmente-nous la foi ! »

 

3.5.8        Ch. 17:1-10

Le Seigneur ouvre ce passage avec une réflexion qui paraît avoir été suggérée à son esprit par les scènes des chapitres 14-16. Tout ce que ses yeux avaient vu et ses oreilles avaient entendu était propre à le blesser comme autant d’offenses, et ses pensées à ce sujet trouvent leur expression ici, en secret avec ses élus. Il avait trouvé des empêchements au déploiement et à l’établissement de son royaume là où tout aurait dû être préparé pour le recevoir, et il est conduit à prononcer la malédiction sur les offenseurs.

Les offenses sont ces principes qui sont en contradiction avec la nature de son royaume et en empêchent la manifestation, des obstructions et des oppositions à la foi et à la sainteté. C’est peut-être pour mettre ses disciples plus soigneusement en garde contre un tel esprit, que le Seigneur leur donne deux avertissements, selon lesquels deux vertus essentielles à son royaume devaient être préservées, sa pureté et sa grâce. S’il y a transgression, il exige la réprimande, afin que la maison soit maintenue en ordre dans la pureté et la sainteté ; s’il y a repentance, il commande le pardon, afin qu’elle le soit dans l’amour et la grâce.

Mais ces prescriptions qu’il met sur le cœur de ses disciples, ceux-ci les trouvent bien au-delà de leur portée et cela les conduit à saisir qu’ils ont besoin d’une force qui vienne d’un autre. Dans cette conviction ils disent : « Augmente-nous la foi », la foi étant ce qui met à notre disposition les ressources de Celui qui est plus grand que nous-mêmes. Elle tire sa force de ce qui a été divinement ordonné pour faire face à nos besoins.

Considérée comme ce par quoi un pécheur est justifié, la foi est simplement le fait de croire à un témoignage, ce témoignage étant l’évangile ; notre justification est par la foi afin qu’elle puisse être par la grâce. Cela signifie que les œuvres doivent en être exclues et c’est ce que le quatrième chapitre des Romains présente et enseigne. Mais l’Écriture parle aussi de la foi comme du principe qui anime la vie des saints. C’est ce que nous présente le onzième chapitre des Hébreux, et sous ce caractère c’est une force croissante dans l’âme. Elle peut être faible ou forte, grande ou petite, comme nous lisons ailleurs : « Ô gens de petite foi » ; et encore : « Si vous aviez de la foi comme un grain de moutarde » ; et encore : « Votre foi augmente beaucoup » (2 Thess. 1:3).

Dans ce sens l’Écriture considère la foi, comme je l’ai dit plus haut, comme un principe croissant dans l’âme. C’est notre entrée dans la puissance du témoignage qui a été cru : « L’assurance des choses qu’on espère et la conviction de celles qu’on ne voit pas ». C’est, nous pouvons le dire, la puissance de la vie divine dans l’âme, et elle peut y être en force ou au contraire en faiblesse. Elle se tient debout dans l’énergie du royaume de Dieu en nous. L’Écriture la mentionne comme étant ce qui saisit Dieu, s’attend à lui, marche avec lui. De telle sorte que si la foi est forte, cette attente et cette marche, avec les grâces et les actions correspondantes, sont pleines de fraîcheur et de vie. Cela étant, c’est avec une réelle et sincère humiliation que nous devrions parler quand nous confessons que notre foi est faible, car, si elle est faite avec intelligence spirituelle, une telle confession témoigne que nos âmes vivent bien peu pour Dieu.

L’Écriture, je n’ai pas besoin de le dire, abonde en mentions de ce grand principe, la foi. Elle le considère dans sa source, ses actions, ses qualités, sa valeur pour Dieu et ainsi de suite. Et le Seigneur ici, en réponse au désir de ses apôtres que leur foi fût augmentée, leur décrit la foi dans ses deux principaux attributs qui sont sa souveraineté, pour ainsi dire, et son renoncement : elle peut commander à un mûrier de se planter dans la mer, mais ensuite elle reviendra à Dieu et dira que tout ce qu’elle a fait n’est rien. Ce sont là ses excellences nécessaires. Elle tire toute bénédiction de Dieu, mais laisse toute la gloire à Dieu (Romains 4:20).

 

3.5.9        Ch. 17:11-19

Ces quelques versets forment une autre partie distincte de notre évangile. Nous voyons de nouveau le Seigneur en route pour Jérusalem, traversant la Samarie et la Galilée et, dans cette scène si simple dans ses éléments, il prend devant nous une place qui peut bien remplir nos âmes de joie et de louanges, la place de l’autel, la place ordonnée de Dieu pour le sacrifice et l’adoration. Cela suggère à nos âmes un sujet de profond intérêt que je voudrais suivre un peu.

Toute connaissance de Dieu doit découler de la révélation, car l’homme par la sagesse ne connaît pas Dieu (1 Corinthiens 1:21). La véritable adoration a la même source. Chacune de ces choses, connaissance de Dieu et adoration, est toujours en accord avec la révélation telle que lui-même l’a donnée selon le temps, ou la dispensation.

Comprenant cela, je puis citer brièvement en exemple, une lignée de vrais adorateurs depuis le commencement.

Abel fut un vrai adorateur, car il adora par la foi, selon la révélation (Hébreux 11). Le sacrifice des premiers-nés de son troupeau était en accord avec la promesse de la semence de la femme, dont le talon serait brisé, et avec les vêtements de peau dont le Seigneur Dieu avait couvert ses parents.

Noé suivit Abel et adora dans la foi en la semence brisée de la femme. Il prit possession du nouvel héritage uniquement en vertu du sang (Genèse 8:20). Il était par conséquent lui aussi un véritable adorateur.

Abraham était un vrai adorateur, adorant Dieu comme il s’était révélé lui-même à lui (Genèse 12:7).

Isaac, suivant la trace d’Abraham, adora le Dieu qui lui était apparu, n’affectant pas d’être sage, mais, comme Abraham, dressant son autel au Dieu qui s’était révélé (Genèse 26:24, 25).

Jacob était un vrai adorateur. Le Seigneur lui apparaît dans son affliction et sa dégradation, dans la misère à laquelle son propre péché l’avait réduit, se révélant lui-même comme Celui en qui « la grâce se glorifie vis-à-vis du jugement » ; il commence par reconnaître Dieu comme s’étant ainsi révélé à lui, et ce Dieu révélé de Béthel fut son Dieu jusqu’à la fin (Genèse 28:35). Ici la révélation a été élargie et l’adoration a suivi une telle révélation : c’est là la véritable adoration.

Le peuple d’Israël fut un vrai adorateur, car Dieu s’était révélé lui-même à cette nation et avait établi son mémorial au milieu d’eux. Ils savaient ce qu’ils adoraient (Jean 4:22). Mais au milieu de ce peuple adorant, il pouvait encore y avoir de vrais adorateurs qui ne se conformaient pas à l’ordre divinement établi, pourvu que ce fût en accord avec de nouvelles révélations de Dieu qu’ils s’écartent de cet ordre. Ainsi, par exemple, Gédéon, Manoah, David, furent tous de vrais adorateurs bien qu’ils aient offert des sacrifices sur le rocher, ou sur l’aire à fouler le froment, et non à l’endroit fixé pour le peuple, précisément parce qu’une nouvelle et spéciale révélation de l’Éternel avait consacré ces nouveaux autels (voir Juges 6:13 - 1 Chroniques 21).

Le lépreux guéri, dans ce passage de notre évangile, était un vrai adorateur exactement sur ce principe ; comme Gédéon, Manoah, David, il s’écartait de l’ordre usuel, mais précisément parce qu’il rencontrait Dieu dans une nouvelle révélation de Lui-même. La guérison qu’il avait éprouvée dans son corps avait une voix pour l’oreille de la foi, car Dieu seul pouvait guérir un lépreux (2 Rois 5:7).

L’Église de Dieu a maintenant, dans la dispensation actuelle, une position d’adoration vraie, exactement sur le même fondement : elle adore en accord avec une révélation élargie, ayant communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Et cela est encore, comme dans les autres cas, l’adoration « en vérité » parce qu’elle est selon la révélation. Mais c’est aussi une adoration « en esprit », parce que le Saint Esprit a maintenant été donné comme la puissance pour adorer, rendant les saints capables d’appeler Dieu « Père », et Jésus Christ « Seigneur » (1 Corinthiens 8:6). Il y a maintenant une puissance communiquée aussi bien qu’une révélation, et cela en vue de l’adoration.

Ce sujet vraiment béni de l’adoration nous est proposé à tous pour une méditation plus profonde. La foi enseigne le lépreux samaritain qui se détourne des sacrificateurs à Jérusalem, pour déposer son offrande aux pieds de Jésus, le considérant comme l’autel de Dieu sanctifié par l’onction. Il avait entendu la voix qui guérissait, il avait reconnu le Dieu d’Israël dans la grâce qui l’avait rencontré. C’était une révélation pour lui, il la croyait et elle l’avait conduit dans le sanctuaire. Ce qui lui est arrivé nous montre le seul terrain d’adoration pour des créatures telles que nous étions, quelle que soit la période ou l’économie où nous vivons. Il avait été guéri et il le savait. Sur quel autre terrain pouvons-nous nous tenir pour adorer ? Nous pouvons crier dans l’amertume d’une conscience saisie, mais ce n’est pas l’adoration. Ce peut être le chemin dans lequel le Père nous attire et qui se termine dans le sanctuaire, mais ce n’est pas l’adoration. Le sang de Christ purifiant la conscience des œuvres mortes conduit seul au service de l’adoration du Dieu vivant (Hébreux 9:14). C’est sur ce même terrain que, dans les cieux mêmes et pour toujours, les saints en gloire se tiendront pour adorer ; c’est la plate-forme de leur temple (Apocalypse 5:9). « Notre appel », comme l’a si bien dit quelqu’un « est de consacrer notre vie comme un sacrifice d’actions de grâces, par la grâce de la rédemption de Dieu ; toute notre vie doit être un continuel sacerdoce, un service spirituel envers Dieu, procédant des affections d’une foi opérante par l’amour, et un continuel témoignage rendu à notre Rédempteur ». C’est la grâce, comme l’Esprit lui-même nous l’enseigne, qui ouvre les portes du temple et nous conduit à exercer notre sacrificature devant Dieu (Romains 12:1). Cette grâce est nôtre, nous le savons, uniquement par le moyen du Rédempteur blessé et frappé pour nous.

C’est ainsi que nous devons prendre notre propre part dans l’adoration. Ainsi le psalmiste, après avoir appelé toute la création à la louange, dit : « Mon âme, bénis l’Éternel » (Ps. 103:22).

 

3.5.10    Ch. 17:20 à 18:8

Dans cette portion de notre évangile nous avons de nouveau un autre sujet de méditation, comme disciples du grand docteur qui a tout ordonné pour notre édification. En réponse à une question des pharisiens, le Seigneur traite ici du royaume de Dieu. Nous ne connaissons pas les circonstances de cette scène, où et quand cela se passait ; de telles indications sont étrangères au but de l’Esprit dans notre évangile, comme je l’ai dit, mais l’enseignement de notre Seigneur sur le sujet lui-même nous est amplement rapporté.

Ce qu’il fait ici illustre ce que j’ai déjà dit sur sa façon de répondre aux questions (chapitre 13). Il s’adresse à la conscience par une parole appropriée à l’état moral de celui qui questionne, plutôt qu’il ne répond à sa question.

Ainsi s’explique qu’il s’adresse successivement à différents auditeurs. En effet, au verset 22 il se tourne des pharisiens vers les disciples, en donnant des aperçus du royaume de Dieu différents aux uns et aux autres. Ce qui est donné aux pharisiens répond à leur état d’âme et ce qui est donné aux disciples est la nourriture appropriée à l’esprit renouvelé, en accord avec sa capacité de croissance. Comme il le dit dans un autre endroit : « J’ai encore beaucoup de choses à vous dire, mais vous ne pouvez les supporter maintenant ». De même, avec la sagesse de l’Esprit de Christ, quand Paul eut affaire aux Athéniens curieux, il ne leur répondit pas selon leur curiosité mais il leur annonça les choses sérieuses concernant Dieu, le jugement et la repentance.

Le sujet de ce bref discours est « le royaume de Dieu ». Cette expression indique une dispensation dans laquelle la puissance divine est introduite. Comme le dit l’apôtre, « le royaume de Dieu n’est pas en parole mais en puissance ». C’est, je crois, comme un autre l’a dit : « l’exercice ou la manifestation du pouvoir souverain de Dieu en n’importe quelle circonstance ».

Il a différentes manifestations et c’est cette vérité que notre Seigneur nous présente ici. Il nous enseigne que « le royaume de Dieu n’est pas manger et boire mais justice et paix et joie dans l’Esprit Saint » (Rom. 14). Mais aussi qu’il sera bientôt « le jour du Fils de l’homme » ou de la manifestation d’un pouvoir glorieux. Dans Jean aussi, le Seigneur parle de ces deux formes du royaume, mais avec des expressions différentes de celles que nous avons ici. Je veux parler de sa confession à Pilate où il se reconnaît lui-même « roi des Juifs », mais fait savoir aussi au Romain que ce caractère de son pouvoir ne pouvait être alors manifesté et que, pour le présent, il devait prendre une autre forme, lui-même étant le témoin de la vérité (Jean 18). De même ici, c’est maintenant le royaume « au milieu de vous », et bientôt ce sera le royaume « des jours du Fils de l’homme ». Les gloires appartiennent à ce même Jésus mais elles sont diverses. C’est maintenant la gloire cachée, gloire intérieure dans le Saint Esprit, la gloire d’un sanctuaire connue seulement de Dieu et des adorateurs. Ce sera bientôt la gloire déployée, la gloire dans le monde, connue d’une extrémité à l’autre du ciel.

Ayant donc ainsi attesté ces deux formes du royaume, le Seigneur continue à enseigner ce qui doit arriver avant que le royaume prenne sa seconde forme. Il dit aux disciples que lui-même devait « souffrir beaucoup » (v. 25) ; qu’eux-mêmes auraient à « désirer de voir l’un des jours du Fils de l’homme », et ne le verraient pas (v. 22) ; qu’ils devaient toujours prier et ne pas se lasser (18:1-8) et demeurer dans les lieux à l’écart, sur le toit et dans les champs (17:31), lieux de la prière et de l’attente, comme en témoignent Isaac et Pierre (Genèse 24:63 Actes 10:9). Ensuite Jésus leur dit, comme à tous d’ailleurs, que juste à la veille du jour où le royaume prendrait sa forme publique, et où les jours du Fils de l’homme commenceraient, le monde se trouverait dans l’état de satiété et d’enivrement du temps de Noé ou de Lot, et, qu’en conséquence, ces « jours du Fils de l’homme » fondraient sur eux avec la soudaineté de l’éclair, mais aussi avec un juste discernement entre homme et homme, entre ceux qui sont caractérisés par l’attente et la prière, et ceux qui ont trouvé en plantant, en bâtissant, en achetant et en vendant, le fruit du travail de leurs mains et sont satisfaits.

Ésaïe paraît voir ces « deux » qui sont sur un même lit, au moulin, aux champs dans ce jour du Seigneur (chapitres 3:10, 11 et 33:14, 16). Malachie aussi les considère dans le jour « où vous ferez la différence entre le juste et le méchant », quand le même soleil se lèvera pour apporter la guérison dans ses ailes d’une part et pour brûler comme un four d’autre part (chapitres 3 et 4). Car en ce jour le Seigneur agira en distinguant et en jugeant. Un sera pris et l’autre laissé.

Il y avait cependant un troisième objet. Du temps de Lot, il n’y avait pas seulement Lot lui-même et les gens de Sodome, il y avait aussi la femme de Lot. Elle ne périt pas dans Sodome, mais entre Sodome et Tsoar. Pour elle, quitter Sodome était l’exil et non la délivrance. Beaucoup, dans le camp au désert, regardaient la séparation d’avec l’Égypte avec le même esprit. Et cela présente une question pratique, bien solennelle pour nous. Comment nos âmes accueillent-elles la pensée de la séparation d’avec le monde ? Est-ce, suivant l’estimation de nos cœurs, l’exil ou la rédemption ? Chantons-nous à cette pensée comme Israël à la mer Rouge, ou, comme Israël plus tard, nous souvenons-nous des poissons de l’Égypte, de ses oignons, de ses poireaux et de ses concombres ? La femme de Lot regarda en arrière et devint une statue de sel. Elle soupirait comme une exilée de Sodome. Chantons-nous comme les rachetés du Seigneur, hors de Sodome ?

« Souvenez-vous de la femme de Lot », telle fut la grave parole entendue au milieu de ce discours sur le royaume de Dieu. Qu’elle demeure sur nos cœurs dans toute sa solennité !

Le Seigneur nous enseigne plus loin que, quelle que soit sa forme, ce royaume de Dieu n’est pas soumis au : « Voici il est ici » ou « voilà il est là » de l’homme. Il se fait connaître lui-même. C’est la prérogative de la puissance d’agir ainsi. Que le royaume soit au-dedans, ou étendu dans le monde, il se fera connaître lui-même. Comme le Seigneur le dit du Consolateur au-dedans de nous : « Mais vous le connaissez, car il demeure avec vous et il sera en vous ». Comme exemple de quelqu’un qui est conscient de cette présence du Saint Esprit nous pouvons citer Paul. Aussitôt que l’Esprit remplit son âme, aussitôt que le Fils fut révélé en lui (et c’était là le royaume au-dedans) l’Esprit agit avec puissance pour le séparer pour Dieu. Avec cette joie merveilleuse et nouvelle en lui, il pouvait aller comme Abraham, quitter sa maison et sa parenté. Il n’avait pas besoin du sceau de l’homme sur son apostolat, ni des ressources de l’homme pour être heureux. Il ne prit conseil ni de la chair ni du sang, ni ne monta à Jérusalem auprès de ceux qui étaient apôtres avant lui comme s’il avait eu besoin de leur approbation. Il descendit en Arabie où la solitude l’attendait, au lieu du soutien de 1’Église et de la ville solennelle. Car le Fils était révélé en lui, son titre d’apôtre était scellé et ses ressources étaient assurées par la main de Dieu lui-même ; il était indépendant de l’approbation des hommes et de leur secours. Dieu était à la fois son témoignage et sa portion (Galates 1).

Mais cela peut bien nous humilier, car combien peu nous avons appris cette divine indépendance de la créature ! Même aller en Arabie en tournant le dos à Jérusalem, ne serait-ce pas quelque chose de trop pour nous ? Avons-nous un tel royaume au-dedans de nous, une telle lumière, une telle force et une telle joie en Dieu que la chair et le sang ne comptent plus pour nous ? Que penseraient nos cœurs si les sables et le désert seuls étaient devant nous ? Mais chez Paul, la première joie de l’adoption donna un même caractère à tout ce qui était de la terre. Que cette première joie soit la nôtre jusqu’à la fin !

La parabole de la veuve importune termine ce discours. Elle peut soulever pour nous la question : d’où vient ce cri, ce cri de jour et de nuit de la part des élus ? Les saints actuellement rassemblés ont à se réjouir de la patience du Seigneur comme étant salut pour les autres (2 Pierre 3). Mais le résidu juif du dernier jour est souvent présenté comme criant au Seigneur, le juste juge, afin qu’il se montre lui-même. Le Seigneur paraît l’avoir plutôt en vue en prononçant cette parabole. Néanmoins il y a, dans un sens, un cri des saints constamment entendu de Dieu. Il y a eu le cri du sang d’Abel. Il y avait aussi, nous l’apprenons, un cri montant de Sodome (Genèse 4 et 18). Il y a un cri des moissonneurs qui ont été frustrés de leur salaire (Jacques 5). Les pierres mêmes ont une voix pour l’oreille de l’Éternel (Habakuk 2:11 - Luc 19:40).

Mais, après que le Seigneur eut donné à ses élus cette place élevée où ils sont les objets de l’intérêt et de la puissance de Dieu, il termine par des mots propres à mettre sur leurs cœurs une sainte retenue et à les faire regarder à eux-mêmes plutôt qu’à leurs privilèges et à leur pouvoir. « Mais le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il de la foi sur la terre ? » Certainement c’était là la manière de faire d’un docteur parfait, présentant les vérités dans tout leur éclat et leur pureté, donnant un caractère de sainteté à notre position, et nous intimant, en ce qui concerne l’exercice de nos plus hautes fonctions, une appréciation modeste de nous-mêmes.

 

3.5.11    Ch. 18:9-30

Ici nous trouvons un autre sujet pareillement distinct. Il y a trois scènes dans cette portion de notre évangile, dont deux figurent dans Matthieu et dans Marc. Notre évangéliste ne note pas leurs circonstances de temps et de lieu, mais paraît les présenter ensemble dans le but d’illustrer un grand sujet moral, selon son habitude.

Le sujet est : comment nous nous approchons de Dieu, ou le chemin pour entrer dans le royaume, et il est à sa place après les scènes précédentes où le caractère du royaume était considéré et enseigné. Dans la parabole du pharisien et du publicain, dans le cas des petits enfants et dans celui du jeune chef du peuple, nous sommes enseignés sur les caractéristiques de ceux qui entrent dans le royaume et y sont accueillis.

C’est le renoncement à soi sous toutes ses formes. C’est là notre appel, notre perfection : oublier tout ce qui est de l’homme, ou de la chair, ou du monde, afin que nous puissions être établis avec certitude et bonheur en Dieu lui-même et dans les riches bénédictions qu’il nous accorde.

Ces trois cas font ressortir ce renoncement à soi-même. Le pauvre publicain au cœur brisé le réalisa, le petit enfant aussi, et le jeune chef du peuple l’aurait fait également s’il avait suivi le Seigneur. Le Seigneur présente cette doctrine par ces exemples et les réflexions qu’ils lui inspirent. Les apôtres, plus tard par le Saint Esprit, la développeront. Car le dépouillement complet de la créature ou le renoncement à la chair sont, nous n’avons pas besoin de le dire, essentiels à l’obéissance de la foi.

La loi était autrefois intervenue, cherchant du bien dans la chair ou du fruit pour Dieu, mais elle n’en trouva pas. Le Fils de Dieu, au contraire, vint d’une manière telle que Dieu condamna le péché dans la chair (Rom. 8:3). Paul semblablement, dans sa doctrine, en a fini entièrement avec la chair. Il a vu le grand naufrage de la chair, non pas cependant qu’elle ait entièrement disparu ou coulé à fond, il l’a abandonnée pour qu’elle périsse dans sa propre corruption. Il avait été placé dans un monde nouveau, une nouvelle création, avec le Fils de Dieu ressuscité.

Il est édifiant de remarquer l’ardeur et la décision avec lesquelles Paul échappe à n’importe quelle forme et prétention de la chair et la renie. Elle est sujette à condamnation. Oui, mais Christ en a porté le jugement, et lui, Paul, croyant en Christ, est libre. La chair a-t-elle sa religion ? Il estime tout cela comme une perte et des ordures ; ses ordonnances, ses observations, son esclavage et sa crainte, il les refuse et les renie, se glorifiant dans la justice de Dieu par la foi. A-t-elle une sagesse ? Oui, le monde a ses princes, ses sages, ses scribes, et le disputeur de ce siècle, mais Paul insiste sur le fait que Dieu a fait de la sagesse du monde une folie, et il désire seulement cette sagesse que l’Esprit cherche et révèle. Il échappe à tout ce à quoi il était exposé, il renonce à tout ce à quoi il aurait pu prétendre. Il n’était pas dans ces choses, mais en Christ ressuscité d’entre les morts pour lui. Et c’est cette foi glorieuse qui, de cette façon, laisse bien loin et pour toujours derrière nous la chair, d’une part dans sa condamnation, d’autre part avec ses avantages de sagesse, de justice ou autres.

Paul avait été spécialement doué de Dieu, pour être un témoin de l’indignité de l’homme ou de la chair dans son meilleur état. Si quelqu’un d’autre pouvait avoir confiance en la chair, lui davantage, comme il nous le dit en Philippiens 3. En renonçant à elle il en montrait toute la vanité, lui qui en avait eu tout ce qu’elle a de plus beau et de plus flatteur.

Et c’est la foi seule qui fait cela. Telle est la transcendante excellence de la foi, faisant ce que rien d’autre ne peut faire. L’amour est exalté parmi les vertus à la place principale (1 Cor. 13), mais la foi fait ce qu’il n’a jamais été donné à l’amour d’accomplir. C’est elle qui permet au pécheur de saisir le salut de Dieu. Et jusqu’à ce que nous venions à Dieu, ce qu’il y a de meilleur en nous ne fait que nous tenir plus éloignés de lui. Le zèle de Paul, une bonne chose dans la chair, le conduisit à persécuter l’assemblée. La sagesse des princes de ce monde les conduisit dans les ténèbres et l’ignorance du mystère de Dieu (1 Cor. 2). Ils étaient bien des princes, c’est vrai, et les plus élevés de leur génération, mais des princes de ce monde, et leur qualité de princes ne fit que les animer plus fortement contre le Seigneur de gloire qu’ils ont crucifié. Pour de tels, le monde est leur objet ; pour Dieu il est jugé.

Si nous revenons à notre évangéliste, je puis observer qu’au milieu de tous ces enseignements sur le renoncement à soi-même dans les cas du publicain, du petit enfant et du jeune chef des Juifs, le grand Docteur lui-même met en pratique ses propres leçons. Jésus se renonce lui-même. « Pourquoi m’appelles-tu bon ? Nul n’est bon, sinon un seul, Dieu ». Il était bon, mais il n’aurait pas voulu regarder à sa bonté. C’était le renoncement à soi. Ce à quoi il renonce parle de sa gloire personnelle et morale ; ce à quoi nous, nous devons renoncer, trahit notre honte et notre dépravation. Mais Jésus met toujours en pratique les leçons qu’il enseigne et marche devant comme notre modèle. C’est ce qui nous est encore montré par l’apôtre en Philippiens 2. Là, il présente le Seigneur Jésus se dépouillant lui-même. Il se dépouillait de ce qui était infiniment ou divinement glorieux ; cependant il s’est dépouillé lui-même, et là-dessus Paul nous exhorte à nous dépouiller nous-mêmes de tout esprit de parti et de vaine gloire. Nous sommes invités à avoir en nous « cette pensée qui a été aussi dans le Christ Jésus », à avoir un même sentiment avec lui ; il y a là une « sympathie », nous nous trouvons pour ainsi dire apprendre les mêmes leçons ; mais là tout parle de sa perfection à lui, et de notre état de déshonneur à nous, de sorte que nous pouvons bien affirmer cette sympathie, mais uniquement à sa louange et à notre propre confusion. Et quand il est question, avec l’apôtre, non seulement de sympathie, mais de notre union avec Christ, la même chose est mise en évidence car, quoique Celui qui sanctifie et ceux qui sont sanctifiés soient tous d’un, lui est celui qui sanctifie et nous sommes les sanctifiés (Héb. 2:11) ; ainsi est hautement et clairement proclamée la distance morale infinie qu’il y a entre lui et nous, bien que nous soyons toujours unis dans le propos de Dieu.

Puisse la main pleine de grâce qui nous a rachetés comme pécheurs, nous conduire toujours sûrement en avant comme saints, et le Bon Berger, qui a donné sa vie pour nous, nous nourrir dans les « verts pâturages » de sa sainte Parole, « à cause de son nom » !

 

3.5.12    Ch. 18:31-43

Dans cette portion de notre évangile que je sépare ici, il n’y a peut-être rien de caractéristique. Le Seigneur, comme dans les chapitres correspondants à la fois en Matthieu et en Marc, se prépare à son voyage dans la pleine anticipation des douleurs et de la mort dans lesquelles ce voyage devait sous peu se terminer.

Mais il y a en lui, tout au long de ce voyage, l’expression d’une grandeur d’âme qui est parfaitement merveilleuse et bénie. Il a pleinement devant lui Jérusalem et la coupe de douleurs. Il ne trouve aucune sympathie de la part des siens. Il ne recueille aucune admiration de la part du monde. C’est la croix et sa honte qu’il est appelé à supporter, tout encouragement et tout soutien, humains, lui étant refusés. Cependant il avance sans que ne soit en rien abattue l’énergie qu’il déploie dans ses pensées et dans son service pour les autres. Nous nous croyons le droit de penser à nous-mêmes, quand il nous survient du trouble, et de compter que les autres penseront à nous aussi. Mais cet homme parfait qui souffrait ne pensait qu’aux autres alors qu’il allait de l’avant, bien que chaque pas de son chemin le conduisît à des douleurs plus profondes encore ; et il savait bien que pas un de ses pas ne serait encouragé par l’homme en retour.

Même la petite troupe qui l’accompagnait ne comprenait pas les douleurs dont il leur parlait. Et ici, laissez-moi observer que, tandis qu’au long de cet évangile nous avons vu le Seigneur, comme un docteur, agissant sur les pensées, les cœurs et les consciences des hommes, nous ne pouvons qu’avoir remarqué la grande ignorance des Écritures que même les apôtres trahissaient continuellement. Il ne semble pas que la connaissance des prophètes les ait d’avance préparés à reconnaître tous les droits de Jésus de Nazareth ; plus tard leurs entretiens avec lui ne semblent pas non plus avoir augmenté leur connaissance. Ils s’étonnent constamment de ce qu’il faisait ou disait, bien que tout fût « selon les Écritures », ou « afin que l’Écriture fût accomplie ».

Leurs cœurs, comme celui de Lydie plus tard, avaient été ouverts. L’attrait qui émanait de Jésus les avait pénétrés, séparés de leurs filets, de leur famille, du bureau de recette. De même leur conscience peut avoir été plus ou moins touchée, comme celle de Pierre, par un rayon convaincant de sa gloire, mais leur intelligence n’en avait été que peu affectée (cf. Luc 24:25).

Cette grâce et cette bénédiction vinrent cependant au moment voulu. Après qu’il fut ressuscité d’entre les morts, quand tout l’encouragement résultant de ses relations personnelles avec eux allait prendre fin, « il leur ouvrit l’intelligence pour entendre les Écritures » (Luc 24:45) et le premier chapitre des Actes, avant que le Saint Esprit eût été donné, fournit un exemple du fruit de ce nouveau don — cet entendement ouvert pour comprendre les Écritures. Ce fut un grand réconfort pour eux dans la douleur croissante et les ténèbres de leur condition. Leur Seigneur était parti, et l’ennemi était toujours vivant et puissant, cependant la lumière de Dieu avait maintenant commencé à répandre ses rayons sur des yeux ouverts, en sorte que cette lumière de Dieu seule leur permit de marcher à travers ce monde de ténèbres. Leur Docteur plein de grâce était personnellement retiré, et leurs esprits étaient, en conséquence, ouverts pour connaître les trésors, le réconfort et l’effet fortifiant de sa Parole.

Mais, pour le moment, il n’en était pas ainsi, comme nous le voyons par ce passage. Le Seigneur se prépare lui-même à son voyage dans l’anticipation des douleurs et de la honte dans lesquelles il devait finir, mais il n’obtient aucune sympathie de la part de ceux dont il avait pris soin et qu’il avait enseignés. Nous pouvons dire avec certitude que son voyage solitaire ne fut égayé par aucun sourire terrestre.

Nous sommes cependant appelés à être témoins des rafraîchissements et des encouragements que la main invisible du Père dispensait à son esprit. Car cette main attire quelques pécheurs à lui, et, tirés par le Père (Jean 6:44), ils viennent à lui par la foi, tandis que lui maintenant se dirige vers la ville coupable où les prophètes avaient péri. Il n’a pour ainsi dire aucune peine à leur sujet. C’est ce qui donne tant de beauté à ces cas. Ils sont prêts pour le réjouir ; enseignés et tirés par le Père, seuls, en secret, ils sont amenés à Jésus, comme la joie d’une moisson, dans ces heures sombres et solitaires : le mendiant aveugle, dont nous voyons ici la foi ; Zachée qui le rencontre dans la phase suivante du chemin ; et le brigand mourant qui fait appel à lui tout à la fin. Ils sont son réconfort durant son voyage. Ils ne lui avaient coûté ni soin ni labeur, comme l’avaient fait ceux qui étaient ses compagnons journaliers. Il ne fut pas affligé par la lenteur de leur cœur ou la faiblesse de leur foi, mais ils étaient comme la joie de la moisson pour le moissonneur.

La forte décision et l’intelligence de la foi qui paraissent dans ces cas sont abondamment bénies. Il ne faut pas que le mendiant aveugle que nous avons ici soit écarté par les convenances religieuses de la multitude qui ne voulait pas importuner Jésus de Nazareth, mais il apporte son cas pressant à l’oreille et au cœur de « Jésus, le Fils de David ». La foi montre là sa décision et son intelligence. Il savait qui était Jésus et ce qu’il était. Et Jésus reconnaît le réconfort et le rafraîchissement que cette foi lui apporte, car il répond tout de suite au désir de cette foi, et s’en remet entièrement à elle, disant au pauvre homme : « Que veux-tu que je te fasse ? »

Ainsi le Dieu de grâce encourage le chemin fatigant de ce ministère de grâce. Quelle sera sa satisfaction quand il verra le plein fruit du travail de son âme !

 

3.5.13    Ch. 19:1-27

Les étapes du voyage du Seigneur sont ici très distinctement marquées. On le voit dans le chapitre précédent approchant de Jéricho, ici traversant la ville, puis sur le chemin de Jéricho à Jérusalem, en dehors de laquelle il s’arrête un moment pour y entrer ensuite dans les formes annoncées. Puis viennent les scènes finales de l’épreuve et de la condamnation de la cité qui sont très exactement rapportées comme en Matt. 21 à 23 et Marc 11 et 12.

Mais ces chapitres ont leurs particularités. La conversion de Zachée, un court récit qui montre d’une façon frappante l’œuvre de Dieu dans une âme, est particulière à Luc. Et la parabole des talents ou de l’homme noble qui s’en alla dans un pays éloigné, suit ici ce petit récit de la conversion de Zachée ; Matthieu la présente en liaison avec un autre sujet. Ici, ces deux scènes sont données pour illustrer les différents buts de la première et de la seconde venue du Seigneur. C’est la manière de l’Esprit dans notre évangile, de combiner les circonstances et les sujets d’instruction, afin que l’intention morale réponde au cœur et à la conscience, et que les principes et les vérités du royaume soient illustrés devant nous. Mais la parabole des noces du Fils du Roi est omise ici, étant introduite d’une façon mieux appropriée au but de l’évangile, au chapitre 14, car là elle prend un caractère général ou moral, tandis que, si elle avait été présentée ici, elle aurait eu une application plus stricte aux Juifs. La malédiction sur le figuier stérile ne se trouve pas ici non plus, ni la sentence largement et pleinement prononcée sur Jérusalem. J’ai remarqué dans toutes ces méditations (aussi bien qu’ici, au sujet de la parabole des talents ou des dix mines) que Luc n’observe pas strictement l’ordre chronologique des circonstances et des discours parce que son but est moral. Nous pouvons remarquer exactement la même chose dans les Psaumes 105, 106, le but de l’Esprit étant là moral et non historique, savoir de justifier l’Éternel dans ses voies à l’égard d’Israël et de condamner Israël dans ses voies envers l’Éternel ; le psalmiste ne donne pas en ordre chronologique les événements auxquels il se réfère. Il rappelle la plaie des ténèbres avant celle des mouches, et la rébellion de Coré avant la scène du veau d’or. Cela est précisément d’accord avec ce qui frappe l’esprit dans Luc.

Zachée, comme je l’ai observé précédemment, était un de ces rafraîchissements préparés par la grâce du Père pour l’âme fatiguée de Christ, pendant qu’il poursuivait son chemin vers la ville. Et le Seigneur reconnaît ce rafraîchissement, car il dit de la conversion de ce publicain, que c’était là une réponse au but de sa venue ; il doit donc avoir goûté en cela quelque chose du fruit du travail de son âme. Le caractère de cette conversion est simple et réconfortant. La hardiesse de la foi est remarquable ici, comme dans le cas précédent. Zachée est sourd aux injurieuses observations d’un monde qui avait la prétention d’être juste ou moral, comme le pauvre mendiant aveugle l’avait été à son formalisme religieux et à ses arrière-pensées. Et on le voit ensuite jouir abondamment de la communion avec Christ, à l’endroit même où Jésus donne au pécheur convaincu de son état les preuves de sa faveur.

La parabole qui suit cet heureux récit illustre clairement, comme je l’ai déjà remarqué brièvement, le grand but de la seconde venue du Seigneur. Les prophètes n’avaient pas distingué clairement les deux venues, des pensées de grâce et de gloire tout à la fois ressortant de ce qu’ils disent de la venue du Messie. Ésaïe 61, auquel notre évangéliste nous a déjà conduits, en est un exemple (voir chapitre 4). La grâce, correspondant à la première venue, la vengeance et le royaume à la seconde, paraissent ici se succéder sans intervalle. La louange et la parole prophétique, qui précèdent et accompagnent la naissance de Jésus dans cet évangile, ne marquent pas davantage cet intervalle (voir chap. 1 et 2). Cependant la nécessité des deux venues ressort formellement de l’incrédulité d’Israël et de la réjection de son Roi. Je dis formellement, parce qu’il est évident que Dieu connaît toutes ses œuvres depuis le commencement du monde. L’histoire de Christ sous la figure de « la pierre » à laquelle il est fait allusion ici, nous parle de ces deux venues suivant le même principe ; la vengeance qui en est la conséquence doit accompagner la seconde.

 

3.6        Luc, Ch. 19:28 à 23 — Entrée à Jérusalem et tout ce qui suit jusqu’à sa crucifixion

3.6.1        Ch. 19:28 à ch. 20

Jésus entre dans la ville avec la pompe d’un roi. La multitude, par ses vêtements étendus sur le chemin, par ses cris de louange et de bienvenue, marque sa joie et rehausse l’éclat de cette procession royale. « Un chant de triomphe royal » (Nombres 23:21) était au milieu d’elle, mais la question demeurait toujours : Sion se réjouirait-elle ? Les enfants d’Israël trouveraient-ils leur joie dans ce Roi ? Jérusalem serait-elle heureuse de ce qu’il venait humble et débonnaire et monté sur un âne et sur un poulain, le petit d’une ânesse (Zach. 9:9) ?

C’était la question du moment, et nous en connaissons la réponse. Sous une forme ou sous une autre tous les évangélistes la donnent. « Vous n’avez pas voulu », est-il dit aux enfants de Jérusalem. Il est venu chez les siens et les siens ne l’ont pas reçu, telle est, de nouveau, la parole prononcée sur Israël. Et tout le cours de la scène rapportée ici donne la même réponse. Jérusalem, favorisée comme le trône de Dieu sur la terre, ce ciel sous le ciel, s’était souillée. Le temple est impur, les anciens du peuple sont incrédules, l’hypocrisie et l’amour du monde souillent les sacrificateurs avec les scribes et les chefs du peuple ; ils défient Jésus au lieu de l’accepter, et des pièges sont tendus sous ses pieds, alors que la couronne aurait dû être préparée pour sa tête.

Ainsi l’action de ces chapitres se joint au témoignage universel contre Jérusalem, et Jésus a pleuré sur cette « ville de paix » (Salem = paix). Elle avait été d’ancienneté son désir. « C’est ici mon repos », avait-il dit d’elle (Ps. 132). Comme les dons et l’appel de Dieu sont sans repentance, il ne recherche pas ici de consolation de la part d’autres villes, mais pleure sur cette cité sans foi. Jusqu’à ce que Jérusalem soit restaurée, la terre est d’un bout à l’autre un Bokim pour l’esprit de Jésus dans ses saints. Leur joie est divine et céleste jusqu’à maintenant, car la terre ne peut se joindre à eux alors que Jérusalem est désobéissante.

Il est très précieux de voir que le lieu choisi par le Seigneur pour demeurer sur la terre était Salem, la ville de la paix, là où, dès les temps anciens, son saint témoignage et son ministère se sont montrés (Gen. 14). De même, quand lui-même descendit réellement sur la terre, il vint comme « le Prince de paix », recherchant Jérusalem et ses hérauts proclamant : « Paix sur la terre » (Luc 2). Mais l’homme n’était pas prêt pour cela. L’homme avait auparavant bâti une cité de confusion (Gen. 11), et les constructeurs de Babel pouvaient difficilement être prêts à recevoir un roi de Salem. Il n’y avait pas sur la terre de « fils de paix » (Luc 10:6), pour répondre à la salutation céleste du « Prince de paix ». Jérusalem, en son jour, ne connut pas les choses qui appartenaient à sa paix. Il n’avait plus dès lors, comme nous le voyons ici, qu’à pleurer sur elle. Ses habitants l’avaient refusé, affirmant qu’il ne règnerait pas sur eux ; il doit retourner dans le pays éloigné (le trône suprême et la source de tout pouvoir), pour que son droit au royaume soit scellé de nouveau.

Tout ceci nous dit cependant que, quand il viendra, ce sera sous un nouveau caractère. Son retour sera en « un jour de vengeance », car sa visitation en « paix » a été refusée. Et, en lui promettant ce jour de vengeance sur les habitants de la ville, « le Seigneur a dit à mon Seigneur » lorsqu’il a atteint le « pays éloigné » : « Assieds-toi à ma droite, jusqu’à ce que j’aie mis tes ennemis pour marchepied de tes pieds ». La pierre, qui fut d’abord présentée comme une pierre de fondement sûre et précieuse, a été rejetée par ceux qui bâtissaient, et c’est pourquoi, maintenant, avant qu’elle puisse atteindre la place d’honneur à laquelle elle est destinée (c’est-à-dire comme une grande montagne remplir la terre entière), elle doit premièrement frapper l’idole. Le royaume qui doit être pris par l’homme noble à son retour devra d’abord être purifié de tous ses scandales. L’incrédulité et la rébellion de l’homme ont ainsi donné cette forme à la course du Seigneur du ciel et de la terre. Il doit maintenant aller en haut, dans sa gloire, pour prendre le royaume en « un jour de vengeance ». Ce jour de vengeance doit être sur les Gentils aussi bien que sur Israël, sur toutes les nations (És. 34:63) car Ponce Pilate avec les Gentils, aussi bien qu’Hérode avec les Juifs, rejetèrent la pierre angulaire (Actes 4:27).

Mais, après que la terre aura été en effervescence pour un temps, le Seigneur prendra encore la cité de paix pour son habitation, et Salem sera toujours fidèle à son nom. Comme il le dit par son prophète Aggée : « Et dans ce lieu je donnerai la paix », car seule elle est sa « ville forte » (És. 26) ses murs seront salut et ses portes louange. « La ville forte » de l’homme aura été alors mise en ruines (Ps. 108 ; És. 26), au jour de la vengeance, car la ville de confusion et la ville de paix ne peuvent exister ensemble. Et quand il aura ainsi établi sa propre paix, après la destruction de la cité de confusion de l’homme, la terre apprendra à répondre à la salutation du ciel et à dire « Paix au ciel », ce dont les acclamations nous donnent ici le gage et l’exemple. Voir chapitres 2:14 et 19:38.

Il est facile de saisir cela, et le cours de ces deux chapitres nous le présente très simplement. Jérusalem n’était pas prête pour Jésus de Nazareth, d’où la nécessité de la deuxième venue, c’est-à-dire du retour de l’homme noble en un jour de vengeance. Mais avec tout cela, toutes choses lui étant refusées pour le présent par les fils des hommes, nous le voyons toujours agir dans la conscience de sa seigneurie sur toutes choses. Il réclame l’ânon à son possesseur, car il pouvait dire, parlant de lui-même : « Le Seigneur en a besoin ». Et il est très frappant de voir que, dans le cours de sa vie et de son ministère, bien qu’il fût constamment le Galiléen rejeté, il n’abandonna aucune forme de ses gloires précédentes. J’ai auparavant remarqué comment la foi a, par moments, tiré le voile et découvert sa gloire (chap. 7), mais maintenant je demande : quelle gloire ? Toutes les gloires de l’Éternel connues et enregistrées d’ancienneté, toutes les gloires qui avaient enseigné à Israël que leur Dieu était le seul Seigneur des cieux et de la terre. Ainsi il guérissait la lèpre, privilège et honneur particuliers de Dieu seul (2 Rois 5:7). Il guérissait les maladies comme l’ancien « Éternel qui te guérit » d’Israël (Ex. 15:26). Il nourrissait la multitude dans les déserts. Il calmait les vagues, comme il avait jadis divisé le Jourdain et la mer Rouge, et il faisait apporter par un poisson la monnaie du tribut. De même ici il réclame l’ânon, traitant la terre et tout ce qu’elle contient comme lui appartenant. Il assumait aussi, quand l’occasion le demandait, la gloire judiciaire de l’Éternel prononçant la malédiction sur le peuple en abandonnant la ville à la désolation, de même qu’autrefois il avait encore et toujours jugé et châtié son peuple soit dans le désert soit en Canaan. Il était ainsi investi de toutes les anciennes formes de louange et d’honneur reconnues en l’Éternel par Israël : rédempteur, conducteur, celui qui guérissait, qui nourrissait, et aussi jugeait son peuple. Et, comme l’y amenait la foi d’un Gentil, il pouvait se montrer un avec Celui qui, au commencement, a fait par sa parole les cieux et la terre et toute leur armée (chap. 7).

Quel heureux service que de rassembler ces fragments de sa gloire au sein de son humiliation ! Mais je ferai encore observer que les deux paraboles que nous avons ici, celle des dix mines (chap. 19) et celle des cultivateurs (chap. 20), nous font traverser toutes les dispensations divines. Celle des cultivateurs dans la vigne nous donne les voies de Dieu à l’égard d’Israël, depuis le jour où il fut planté comme son peuple, en Canaan, jusqu’au temps du ministère et de la réjection de Christ, l’héritier de la vigne. Celle des dix mines envisage l’économie divine à partir de ce moment-là, et nous conduit, à travers la période présente, jusqu’à la seconde venue, au royaume de Christ. Et dans chacune d’elles nous lisons que le Seigneur partit pour un pays éloigné (chap. 19:12 et 20:9). C’est ce qu’a fait le Seigneur d’Israël. Après qu’il eut laissé son peuple dans leur héritage, aux jours de Josué, il se retira en quelque sorte, s’attendant à ce qu’ils labourent la terre qu’il leur avait donnée, pour sa gloire sur la terre. Mais leur histoire et cette parabole nous disent l’échec complet de cette tentative. C’est ce qu’aussi a fait Christ, l’héritier rejeté de la vigne juive. Après sa réjection, il est allé dans le même pays éloigné (le ciel) laissant derrière lui, non une possession terrestre aux soins des cultivateurs juifs, mais des mines, c’est-à-dire des opportunités pour ses esclaves de le servir avec la promesse de son retour pour les récompenser. La parabole nous montre quelle sera la fin de la période actuelle. Ces deux paraboles nous donnent ainsi, d’une manière simple et naturelle, une vue très complète des grands plans de Dieu.

Mais n’est-il pas consolant de penser que les saints sont, pendant cette période, laissés pour servir leur Maître dans un lieu où, de propos délibéré, il a été refusé et rejeté ? Les citoyens de ce lieu ont dit qu’ils ne voulaient pas de lui, et, par conséquent, le service, pour être accompli sous son vrai caractère, doit être accompli dans le sentiment de ce rejet.

Si nous apprenons ainsi, par cette parabole, la nature du service, l’histoire du méchant esclave nous apprend quelle est la source du service. Nous y voyons un homme qui ne connaissait pas la grâce. Il craignait ; il jugeait son maître — Christ — un homme sévère. Il ne visait qu’à se tirer d’affaire au jour du règlement de comptes. Ce qui remplissait son cœur était l’esclavage de la loi et non la liberté de la vérité. Son comportement était en opposition complète avec celui de Zachée qui, dans la joie de sa communion avec Jésus et la certitude de son amour, était prêt à donner la moitié de ses biens aux pauvres, et à rendre, à ceux à qui il avait fait tort, plus même que la loi n’exigeait. Mais le méchant esclave n’était pas un serviteur. L’objet de son service était lui-même et non Christ. C’est ainsi que font tous ceux qui n’ont pas commencé en sachant que Christ les a d’abord servis, et que leur part est de servir avec amour et reconnaissance. Un amour reconnaissant : Paul servait dans cet esprit ; la vie qu’il vivait, il la vivait dans la foi au Fils de Dieu qui l’avait aimé et s’était donné lui-même pour lui. Amour reconnaissant dans le sens d’un pardon scellé et assuré dans son âme, ce qui explique (sous l’action de l’Esprit assurément) la richesse du fruit en Paul. Le méchant esclave ignorait et méprisait un tel sentiment, d’où sa stérilité.

 

3.6.2        Ch. 21

Ainsi nous avons vu le Seigneur d’Israël, le Seigneur de toute la terre, rejeté par les habitants de cette terre, et, Lui qui une fois les avait visités en un jour de paix, prenant sa place à la droite de la puissance, attendant pour les visiter en un jour de jugement (20:42). C’était là le contenu du précédent chapitre (20), et celui (21) dont nous nous occupons nous montre plus pleinement tous les résultats pour Israël et Jérusalem de cette réjection de leur roi, c’est-à-dire « les temps des nations », en même temps que de l’abaissement de Jérusalem, puis la fin de ces temps par le retour du Fils de l’homme.

Ce chapitre correspond dans son dessein général à Matthieu 24 et 25 et à Marc 13. Mais, parmi d’autres différences, nous pouvons remarquer la petite circonstance par laquelle il commence, et qui est tout particulièrement dans la manière de Luc.

Cette veuve fait contraste avec la nation en général. Le Seigneur lui donne cette place, en contraste tout au moins avec ceux qui représentent la nation dans sa prospérité mondaine et sa propre importance religieuse. Et, de même que le Seigneur d’Israël considère les deux ensembles, ainsi avaient fait les prophètes d’Israël avant lui. Ils voient la nation dans son apostasie d’une part, et le résidu au milieu d’elle d’autre part. Aux derniers jours en effet, quand Israël sera de nouveau l’objet de l’attention divine, ces deux catégories seront une fois de plus manifestées. Ainsi les deux à la meule et les deux aux champs.

Il était facile pour le Seigneur de passer des riches bienfaiteurs à la veuve qui versait ses deux pites au Trésor. Nous connaissons trop bien son esprit pour penser qu’il aurait pu en être autrement. Son Esprit, par le moyen de son prophète (Ésaïe 66:1, 2), nous présente une chose merveilleuse et quelque peu analogue à celle-là. Il voit l’homme à l’esprit contrit et au cœur brisé et se tourne vers lui, plutôt que vers toutes les œuvres magnifiques de la création. Les cieux et la terre ont été, sont et seront ensemble ses délices et sa gloire, mais le Seigneur regardera plutôt à « cet homme ». Les plus profondes affections sont ici mises en mouvement.

Combien cela est encourageant ! Et combien facilement nos propres affections le comprennent ! Car ce qui touche notre esprit ou notre cœur est réellement plus près de nous que ce qui sert notre intérêt. Celui qui, dans les affaires de la vie, favorise nos intérêts, n’est pas si près de nos cœurs que celui qui peut s’asseoir avec nous et entrer dans nos joies d’esprit et de cœur. Il en est de même pour Dieu. Ce qui assure sa gloire, comme les cieux et la terre, est négligé pour l’humble pécheur qui tremble à sa parole. C’est ici que l’esprit divin trouve son objet le plus cher.

Qui voudrait qu’il en fût autrement ? Mais qui peut mesurer la consolation qui nous est ainsi fournie ?

On a souvent remarqué avec quel à-propos le Seigneur, quand il cite Ésaïe 61, s’interrompt après les mots : « Pour publier l’an agréable du Seigneur » (chapitre 4:19, 21), parce que, les mots qui suivent immédiatement dans la prophétie étant : « Et le jour de la vengeance de notre Dieu », le Seigneur ne pouvait pas dire à leur sujet comme au sujet des mots précédents : « Aujourd’hui cette écriture est accomplie, vous l’entendant ». Son ministère était un ministère de grâce et non de jugement pour Israël. Mais maintenant, dans ce ch. 21, le Seigneur pour ainsi dire continue sa citation du prophète et la poursuit pour révéler « le jour de la vengeance » afin que, comme il nous le dit au verset 22, « toutes les choses (non pas seulement quelques-unes) qui sont écrites soient accomplies ».

Ce jour de vengeance sur Israël comme nation, s’étend, dans un certain sens, à travers tout l’actuel « temps des nations ». La crise du dernier jour donne son caractère à la période entière. Ce sont tous des « jours de vengeance » comme le Seigneur les appelle ici (v. 22), bien qu’il doive y avoir une saison et une visitation spéciale à la fin. Ce sera « le jour de la vengeance », comme le désigne le prophète Ésaïe (34 et 63). Et c’est, je pense, la période entière que notre Seigneur nous fait considérer ici (plutôt que dans les chapitres correspondants de Matthieu et de Marc), cette sombre et mauvaise période, portion de Jérusalem durant les « jours de vengeance », ou « les temps des nations ». C’est pourquoi, au lieu de montrer « l’abomination de la désolation » (comme en Matthieu et Marc) qui a trait au dernier ennemi de Jérusalem, notre évangéliste emploie l’expression plus générale : « Quand vous verrez Jérusalem environnée d’armées » ; c’est pourquoi aussi il introduit « tous les arbres » dans la parabole (v. 29) à côté du figuier. Nous trouvons là encore de nouvelles marques du caractère plus général de cet évangile, et de la vue plus étendue que le Seigneur présente ici des douleurs de Jérusalem. En réalité Luc est seul à employer l’expression « les temps des nations ».

Cela étant, le Seigneur regardant ici la longue perspective des afflictions de Jérusalem, la forte impression laissée sur l’esprit par la lecture de ce chapitre est celle-ci : le grand but du Seigneur était de mettre ses saints en garde contre la pensée que le royaume d’Israël allait être introduit sur-le-champ et dans le calme. Il leur dit qu’ils ne doivent pas compter du tout sur de telles choses, car, avant que le royaume puisse s’élever, il devait y avoir des jugements et des douleurs. « Le temps est proche » diraient quelques-uns ; « Je suis le Christ » diront d’autres ; et le même séducteur pourrait employer ces deux expressions (v. 8), mais le Seigneur met ici les disciples en garde contre eux tous. Les « concitoyens » avaient déjà « haï » leur Roi (19:14) quand il leur avait été présenté et, comme ennemis, ils devaient être mis à mort avant que le royaume pût pleinement apparaître. Le grand objet du Seigneur dans les discours qu’il tient à ses disciples est de laisser sur leur cœur une claire et nette impression de tout cela, de telle sorte qu’ils puissent résister au mauvais jour, et ne soient pas séduits par de faux prophètes de paix.

Je crois que Daniel regarde semblablement tout « le temps des Gentils » comme ayant un seul et même caractère, et il lui donne un nom : « guerre » (Daniel 9:26). La fin, il est vrai, sera spéciale, elle « en sera avec débordement » comme le prophète le dit ; mais l’ensemble est un temps de guerre, « un décret de désolation », jusqu’à ce que « ce qui est encore décrété soit versé sur la désolée ».

Mais il est très significatif que, tandis que Matthieu et Marc nous donnent plus particulièrement la dernière grande affliction juive ou « la détresse de Jacob », et Luc plus largement la période complète ou « les temps des nations », Jean ne rapporte aucune de ces remarquables prophéties. L’entrée solennelle du Seigneur comme Roi à Jérusalem prend dans son évangile une tout autre signification que dans n’importe lequel des autres. Les Grecs, représentant les nations qui écoutent le Seigneur et lui obéissent au dernier jour, viennent avec le désir de le voir ; cela le conduit aussitôt à d’autres pensées. Son âme alors est troublée, et peu après il annonce non le jugement d’Israël selon la prophétie que nous avons ici, mais le jugement du monde et du prince de ce monde. Et, à la fin, dans les richesses de sa grâce comme Sauveur du monde, il parle de lui-même comme devant être élevé sur la croix, comme étant la lumière du monde, et comme parlant selon le commandement qu’il a reçu de son Père, qui est la vie éternelle (voir Jean 12).

Tout cela caractérise de façon frappante les quatre évangiles, et nous amène à la conclusion que cette prophétie, qui n’est pas trouvée en Jean, concerne des sujets juifs, et se rapporte au retour du « Fils de l’homme » sur la terre, ce qui n’est pas la perspective de l’Église. Les saints, maintenant, attendent la venue du « Fils de Dieu » du ciel, « en l’air » (1 Thess. 1:4). C’est la nation juive qui bientôt aura à attendre les jours du Fils de l’homme.

Les Lamentations de Jérémie sont l’expression particulière du cœur, en sympathie avec Jérusalem et ses enfants, à travers tous ces « temps des nations ». La ville est toujours « assise solitaire ». Sa couronne est tombée et la joie de son cœur a disparu. La punition de l’iniquité n’est pas encore accomplie dans ce pays et parmi ce peuple. Rachel pleure toujours. Mais le Seigneur ne rejette pas pour toujours (Lamentations 3:31) et il a été dit à Rachel : « Retiens ta voix de pleurer et tes yeux de verser des larmes ; car il y a un salaire pour ton travail, dit l’Éternel ; et ils reviendront du pays de l’ennemi » (Jérémie 31:16). Mais il y a une autre expression particulière à notre évangile, qui heureusement conduit à d’autres perspectives. Parlant de la consommation de ces afflictions juives, le Seigneur dit : « Quand ces choses commenceront à arriver, regardez en haut et levez vos têtes, parce que votre rédemption approche ».

Dire que « le temps approche », alors que rien n’est encore troublé, serait comme nous l’avons vu (v. 8) une déception, mais une fois le jour de la vengeance venu à son apogée, dire « votre rédemption approche » sera un encouragement saint et opportun pour le fidèle. Le prophète lie de la même manière le jour de la vengeance avec « l’année de mes rachetés », comme le Seigneur le fait ici (Ésaïe 63:4). Le jugement sur la nation apostate, la délivrance et la joie du résidu sont à considérer ensemble ; car, quoique le Seigneur en finisse avec toutes les nations, cependant il n’en finit pas pleinement avec Israël. Le temps promis « du rétablissement de toutes choses » suivra certainement les redoutables « temps des nations ». Ce temps promis de restauration, appelé ici par le Seigneur « votre rédemption », sera le vrai jubilé juif ou jubilé de la terre (voir Lévitique 25).

En Israël, la terre et le peuple appartenaient l’une et l’autre à l’Éternel, et, dans l’année du jubilé, il agissait avec eux comme étant à lui. Pendant quarante-neuf ans il permettait à la confusion de prévaloir. Les terres pouvaient être vendues ; et les personnes elles-mêmes être livrées à leurs créanciers. Mais cela ne devait être que pour une période limitée, car les droits de Dieu étaient souverains et tous les cinquante ans il les affirmait. Un Israélite pouvait vendre un Israélite et corrompre l’ordre primitif du monde selon Dieu, faisant du système entier le monde selon l’homme, mais toute cette corruption et ce trouble devaient avoir leur fin, et cette fin venait au retour de l’année du jubilé. Alors le Seigneur, pour ainsi dire, se levait pour agir suivant ses propres principes et revendiquer ses propres droits, pour ôter tout le mal que le trafic de l’homme avait introduit, et pour restaurer la terre et le peuple selon que sa main les avait établis au commencement. Sa main était la plus puissante, et son ordre et son propos devaient se manifester ouvertement. Et quelle joie quand nous saisissons que, du moment que nous trouvons de nouveau les choses sous la main de Dieu, et que nous nous trouvons dans son monde à lui, c’est un jubilé que nous gardons, un temps de joie, un temps pour la restauration en grâce, le temps d’un heureux retour, chacun à sa famille, et chacun à sa possession !

Combien il est précieux (pour parler selon la figure ou le symbole de cette ordonnance), de considérer ainsi le Seigneur comme étant de nouveau propriétaire de la terre ! « Bienheureux le peuple pour qui il en est ainsi ! » (Ps. 144:15). Ce jubilé était introduit par le jour des propitiations (Lévitique 25:9). C’est le jour qui doit ouvrir la période millénaire. Rien en effet, sinon l’œuvre de l’Agneau de Dieu, ne peut nous conduire à une joie quelconque ou à la délivrance. Le sang précieux est notre seul titre. Et c’est ainsi que le jubilé et la rédemption sont liés de telle sorte que, quand le Seigneur dit ici : « Votre rédemption approche », c’est comme s’il avait considéré ce jubilé d’Israël et de la terre. Le jubilé était la rédemption de Dieu en faveur de son pays et de son peuple. Supposons que personne en Israël ne fût trouvé capable ou désireux de le faire auparavant. Dieu lui-même, dans la cinquantième année, exercerait ses droits et ses ressources en faveur de son pays opprimé et de son peuple dans la servitude. Et ainsi ce jubilé était « l’année de mes rachetés » (comme le disait le Seigneur par le prophète), ou le moment de la « rédemption » vers lequel l’œil du résidu souffrant et attendant est ici dirigé par leur Maître béni.

 

3.6.3        Ch. 22 et 23

Ces chapitres ressemblent dans leur propos général à Matthieu 26 et 27, et Marc 14 et 15. Mais encore, comme toujours, on y trouve des indications et des traits distinctifs.

Au début de ces scènes solennelles, l’Esprit, dans Luc, rapporte l’acte de Judas comme il le fait plus tard pour le reniement de Pierre, en dévoilant Satan comme la source de l’un et de l’autre. Ni Matthieu ni Marc ne font ainsi, mais Jean le fait avec peut-être plus de précision, notant les progrès de l’emprise de Satan sur le traître. Ces distinctions sont bien d’accord avec la pensée de l’Esprit dans les différents évangiles. Matthieu et Marc ne touchent pas à la source secrète de méchanceté, car elle n’avait pas été beaucoup observée en Israël. Luc le fait, car il considérait de plus vastes et plus profonds principes de vérité, et Jean encore plus pleinement parce qu’il entre plus profondément que n’importe lequel des autres dans les choses divines et la puissance spirituelle. Cela peut une fois de plus nous rappeler Job car, dans son histoire, la source des épreuves des saints est présentée de façon bien marquée, l’accusateur paraissant devant Dieu contre l’homme juste ; il nous est de même montré ici comme demandant à cribler les disciples comme on crible le blé. Mais, ici aussi, les sources du secours sont ouvertes, le Seigneur disant : « Mais moi j’ai prié pour toi afin que ta foi ne défaille pas ». Nous n’avons pas cela dans Job.

Je remarque encore les quelques points suivants : — les mots avec lesquels le Seigneur s’assied lui-même à la table pascale ; — la question soulevée parmi les disciples dans un tel moment, savoir qui serait le plus grand, et la merveilleuse grâce avec laquelle le Seigneur répond ; — l’observation au sujet de l’achat d’une épée, ou de l’attitude militante que les disciples devaient maintenant s’attendre à prendre ; — la guérison de l’oreille blessée ; — le regard à Pierre ; — et la réconciliation entre Pilate et Hérode. Toutes ces choses sont particulières à Luc et portent entièrement le caractère de son évangile, nous montrant chez le Seigneur la grâce en exercice, et chez les autres les œuvres et les affections de la nature.

De même en allant plus loin, c’est ici seulement que nous voyons les affections des « filles de Jérusalem », une vue qui est entièrement selon la propre vision de l’Esprit dans Luc. Ce groupe de femmes tient une place très particulière. Elles ne prennent aucune part avec ceux qui vont crucifier Jésus, mais, en même temps, elles ne sont pas sur le même rang que les « femmes de Galilée » qui, comme disciples, avaient abandonné leurs lointains foyers et leur parenté pour suivre Jésus. Elles pleuraient, mues par des affections humaines, à la vue des souffrances de Jésus, et elles s’en retournaient frappant leur poitrine, mais elles ne paraissent pas Le recevoir comme l’espérance de leurs propres âmes ou celle de la nation. Et cependant, dans sa grâce, lui paraît les recevoir comme l’exemple du résidu juste au dernier jour. Mais nous pouvons bien dire, touchant ce petit incident, que c’est une chose de rendre à Jésus un tribut d’admiration, ou même de larmes, et que c’en est une autre de se joindre soi-même à lui pour le meilleur et pour le pire, à travers le bien et le mal, à la face du présent monde. C’est une chose de bien parler de lui, et une autre de tout abandonner pour lui.

De même, c’est seulement notre évangéliste qui mentionne le vœu de notre Seigneur en faveur d’Israël, sur la croix : « Père pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ». Et aussi, comme nous le savons, c’est seulement ici que la repentance et la foi de l’un des malfaiteurs sont rapportées. Ce sont là des expressions caractéristiques et approfondies de la grâce, car, comme les exercices du cœur humain sont spécialement mis en évidence dans cet évangile, de même le sont aussi les voies de la bonté divine qui ont eu toute leur expression et leur cours au milieu de nous par le Fils de l’amour de Dieu. Cet évangile abonde en découvertes sur l’homme, mais aussi pareillement nous y voyons abonder les actions pleines de grâce du Seigneur, de sorte que le mal et les ténèbres dans l’homme puissent trouver leur remède béni en Dieu lui-même.

Cette conversion du malfaiteur mourant fut un rafraîchissement pour le cœur de Jésus dans ces heures sombres et solitaires, comme nous l’avons remarqué à propos du pauvre mendiant et de Zachée le publicain. Sa foi comme la leur était véritablement précieuse. Quel enseignement l’Esprit lui a donné ! En un clin d’œil, pour parler ainsi, la lumière de la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ inonda son âme ! Il se vit lui-même coupable et méritant justement le jugement ; il vit Jésus dans sa perfection, et dans son droit à la possession d’un royaume ! Et il apprit dans sa conscience, que sa seule ressource était de passer de son propre état de culpabilité et de honte publique sous la protection et la gloire de Christ.

On a dit que cette pauvre âme n’a pu porter de fruit. Le brigand n’a rien pu faire pour Christ. Mais où, nous pouvons le demander, y a-t-il pour Dieu un fruit plus précieux que la foi elle-même ? Il n’y a pas de fruit de la foi qui glorifie Dieu comme la foi même le fait, la foi en l’évangile, la foi dans la suffisance et la valeur de Christ. Et cela, parce qu’elle reçoit une révélation qui exalte et met en lumière tout ce qui peut être à la louange de Dieu. Elle reconnaît comme vraies les déclarations concernant l’Homme béni, par lesquelles sont magnifiées toutes les excellences divines, et tout ce qui est digne de Dieu.

C’est là le but de Dieu. Comme le dit l’apôtre : « Afin qu’il montrât dans les siècles à venir, les immenses richesses de sa grâce » (Éph. 2:7). Son but est de déployer lui-même qui il est et ce qu’il est, pour que sa grâce soit connue au loin dans toute la création et ainsi de faire à nouveau ses propres œuvres, mais plus glorieusement qu’autrefois, à sa louange. Quelle réponse bénie ce propos a-t-il reçu dans l’âme de ce brigand mourant ! Et quelle réponse continue à lui donner l’histoire de cette glorieuse conversion ! Au lieu de nous préoccuper sans profit du fruit de la foi dans ce brigand converti, lisons dans son histoire, le propos de Dieu dans l’évangile de son cher Fils, pour proclamer ses propres œuvres à « la louange de la gloire de sa grâce », à toujours.

Nous pouvons noter encore, bien que ce ne soient que des détails, que Luc est le seul qui appelle Golgotha par son nom grec, « lieu du Crâne », et que, tandis qu’en Matthieu et en Marc le témoignage du centurion est donné à Jésus comme au « Fils de Dieu », ici c’est à Jésus comme à un « Homme juste ».

Mais ce qui me frappe avant tout comme caractéristique dans ces chapitres, c’est cette autre parole du Seigneur sur la croix : « Père ! entre tes mains je remets mon esprit ». Ce que ressentait le Seigneur, pendant qu’il traversait ses dernières heures, ne nous est pas présenté de la même façon dans les différents évangiles. En Matthieu et Marc nous avons son cri dans la conscience de son abandon : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » — le cri de l’Agneau brisé et frappé. Dans Jean, il « remet son esprit » sans aucune mention de Dieu ou du Père ; simplement il scella comme de sa propre main l’œuvre accomplie, par ces mots : « C’est accompli ». Ici son âme se tient entre ces deux sentiers. Ce n’est pas le sentiment de son autorité divine personnelle, mais c’est la communion avec le Père, l’expression d’une âme qui dépendait de Lui et était sûre de son soutien et de son acceptation. Et cela est entièrement d’accord avec notre évangile. C’est, pour ainsi parler, le chemin central que l’esprit du Seigneur a pris à travers tout cela. Dans Matthieu et Marc il ressent l’abandon de Dieu ; ici il connaît le Père comme étant avec lui ; dans Jean il est divinement conscient de lui-même. Toutes ces pensées ont leur cours merveilleux et saint dans l’âme du Seigneur en ces heures. Elles sont parfaites dans chacun des exercices de son cœur, bien que variées et seul peut les retracer ainsi par la plume de chaque évangéliste, l’un après l’autre, l’Esprit qui éveillait de telles pensées. « Quand mon esprit était accablé en moi, toi tu as connu mon sentier » (Ps. 142:3).

Par ce cri, la vie indépendante de l’esprit est pleinement et formellement reconnue. Le Seigneur, en mourant, remet son « esprit » au Père. Étienne plus tard, en mourant aussi, remet le sien à Jésus. C’est un heureux témoignage pour nous que le serviteur comme son Seigneur aient regardé à quelque chose de supérieur et d’indépendant du corps. Ils regardaient à une condition de l’esprit. Ce n’était pas à cela que regardait le brigand mourant, mais à ce que, par grâce infinie, il posséderait : comme Juif, il recherchait un royaume futur, mais le Seigneur mourant lui promet une vie présente avec lui-même dans le paradis. Car la « vie » aussi bien que « l’incorruptibilité » ont lui par l’évangile (2 Tim. 1:10).

La mort borne l’empire du péché et de Satan. Le péché règne par la mort. Le jugement qui suit la mort appartient à Dieu. L’Ennemi peut serrer de près jusque-là, mais il ne va pas plus loin. « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis » (Luc 23:43), dit Jésus à quelqu’un qui passait à ce moment la porte de la mort. Le royaume qu’attendait ce dernier et dont il parlait, n’était pas encore, mais la main pleine de grâce de Christ était seule qualifiée pour le conduire et, bien qu’elle ne le conduisit pas directement et sur-le-champ dans la terre promise où les tribus du Seigneur doivent partager l’héritage désiré et permanent, cependant elle le conduisait dans des sentiers dignes d’elle-même, des sentiers de lumière et de vie ; car il est le Dieu des vivants seulement (Luc 20:38) et il n’y a en lui aucunes ténèbres (1 Jean 1:5). Dieu est le « Père des esprits » et, une fois l’esprit rendu, la mort passée, nous sommes seuls avec le Dieu vivant. L’esprit retourne à Celui qui l’a donné et il nous est dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui après cela ne peuvent rien faire de plus » (Luc 12:4).

N’avons-nous pas le témoignage le plus complet qu’il en était ainsi du Seigneur ? Les rochers fendus, les sépulcres ouverts et le voile déchiré, ne disent-ils pas qu’il était vainqueur, de l’autre côté de la mort ? « En ce qu’il est mort, il est mort une fois pour toutes au péché, mais en ce qu’il vit, il vit à Dieu ». Et nous pouvons nous confier en la main unique qui nous trouve là nous aussi. Elle peut conduire au paradis premièrement, et non au royaume, jusqu’à la résurrection, mais chaque chemin sera en accord avec la main qui l’a ouvert. Où devait-elle conduire le brigand mourant ce jour-là, sinon au paradis, le lieu où Paul eut des révélations et des visions telles qu’il ne put les exprimer quand il retourna sur la terre ? Et c’est dans ce paradis qu’un malfaiteur mourant et le Seigneur de gloire mourant, merveilleuse compagnie, devaient aller ce jour-là.

Paul estimait meilleur de déloger et d’être avec Christ. Il avait, dans un sens, déjà expérimenté le paradis (2 Cor. 12). Cela a pu être par surprise qu’il a été ravi là. Il n’eut probablement pas le temps de se préparer pour un tel voyage ; et c’était là un voyage qu’il n’avait pas essayé, une route inconnue. Mais il y avait une main qui pouvait conduire son esprit sans terreur. Et il en est de même pour nous. Nous entendons parler de la mort soudaine et inattendue de saints, mais Celui qui est l’acteur principal de la scène et qui tient les clefs de la mort et du hadès ne peut être surpris. Bien que nous apprenions de l’apôtre que les choses vues et entendues, là, étaient si élevées qu’elles auraient pu être pour lui une occasion de se glorifier, cependant il ne donna jamais à entendre qu’elles aient été trop grandes ou trop hautes pour lui. Son esprit y était adapté, car Celui qui avait préparé pour lui les scènes du troisième ciel, l’avait en même temps préparé pour s’y trouver.

Celui qui nous a formés pour la résurrection dans des corps glorieux n’est rien moins que Dieu lui-même, et il nous a aussi donné les arrhes de l’Esprit. « Nous avons donc toujours confiance, et nous savons qu’étant présents dans le corps, nous sommes absents du Seigneur... ; nous avons, dis-je, de la confiance, et nous aimons mieux être absents du corps et présents avec le Seigneur » (2 Cor. 5:6-8).

Et, pour nous, rencontrer la mort (pour nous l’entrée dans le paradis) est chose tout à fait différente de la rencontre que Christ a eue avec elle. Nous devons la rencontrer comme nous rencontrons n’importe quelle souffrance ou peine dans la chair ; l’Ennemi les emploie toutes en vue de nous faire du mal, s’il le peut, mais Dieu y introduit la bénédiction et la louange. Il n’y a pas devant nous trois heures de ténèbres, mais le sentiment d’un amour qui est plus fort que la mort, tandis que lui dut connaître ce moment comme l’heure de la puissance des ténèbres, ainsi qu’il le dit dans cet évangile. Il a dû connaître la pleine et juste exigence de ce châtiment que nous encourions depuis longtemps : « Au jour où tu en mangeras, tu mourras certainement ». C’était la coupe qu’il but, la coupe amère goûtée à Gethsémané et vidée au Calvaire. Il est précieux pour nous qui l’aimons de savoir que, comme il le dit dans le Livre des Psaumes, « la coupe du salut » est aussi la sienne. Il la prendra bientôt dans le royaume, conduisant la louange de la congrégation dans le sanctuaire de gloire.

Une heureuse pensée (puissions-nous avoir des cœurs pour en jouir) est présentée ici, savoir que tout ce qui a été souillé et brisé par nous est relevé par le Fils de Dieu, et élevé dans sa main à un niveau que nous n’aurions jamais pu lui donner. La loi que nous avions brisée a été rendue par lui grande et honorable ; toute grâce humaine, tout fruit de la nature humaine (comme nous le voyons spécialement dans cet évangile), a été présenté par lui à Dieu, et en lui plus admirable que nous n’aurions jamais pu l’offrir ; tout service a été accompli à la perfection et toute victoire glorieusement gagnée par lui, à la louange de Dieu pour toujours. Et il en est de même pour l’adoration. Quelles prières et quelles supplications Jésus n’a-t-il pas faites au jour de son affliction et de sa meurtrissure, et quelles louanges seront celles que Jésus conduira plus tard, quand il prendra « la coupe du salut » ! Où aurait-il pu y avoir des temples remplis d’un encens tel que celui que le Fils apporte ? Quel sacrifice notre Dieu a-t-il ainsi accepté dans son sanctuaire ? Il est encourageant de savoir cela, car c’est au milieu de notre ruine qu’un tel temple est élevé.

 

3.7        Luc, Ch. 24

Nous avons atteint le dernier chapitre de notre évangile, et là, comme dans les chapitres correspondants de chaque évangile, nous trouvons le Seigneur ressuscité.

Le Seigneur en résurrection apparaît chargé de tout le fruit de sa complète victoire sur toute la puissance de l’Ennemi. C’est, dans sa personne, « le brandon de feu » après « la fournaise fumante » (Genèse 15). La période précédente avait été « l’heure de la puissance des ténèbres » (22:53), le temps où Satan avait déployé toute sa force. Mais, dans ce en quoi les hommes agissaient avec orgueil, le Seigneur était au-dessus d’eux ; et c’est notre réconfort que l’Ennemi ait été rencontré à l’apogée de sa force et de son orgueil. La résurrection du Seigneur Jésus, ce fut le second matin dans l’histoire de la création. Quand les fondations d’ancienneté furent posées, « les étoiles du matin chantaient ensemble ». Mais cette œuvre fut souillée. Adam livra aux mains de Satan le royaume qu’il avait reçu de Dieu et la mort entra. Le Fils de Dieu, cependant, entra aussi, et comme il était ordonné aux hommes de mourir « une fois », ainsi Christ fut offert « une fois » (Hébreux 9). Il prit sur lui le châtiment, la mort que nous méritions, et ainsi la tombe de Jésus est vue, par la foi, comme la fin de la vieille création. Mais sa résurrection est le matin d’une création nouvelle et plus glorieuse, et les saints, les fils de Dieu, la célèbrent en esprit. C’est l’argile une seconde fois dans la main du potier, pour produire un vase qui ne pourra jamais être souillé. C’est la fondation d’un royaume qui demeure et ce royaume qui doit être ainsi reçu par Jésus ressuscité, le second homme, il ne le livrera pas, comme Adam, aux mains de l’Ennemi, mais au moment voulu il le remettra à Dieu le Père, sans tache, afin que tout aboutisse à Dieu qui sera « tout en tous » (1 Cor. 15:24).

Combien cela est précieux ! Combien il est réjouissant et encourageant de voir le Seigneur défaire ainsi toutes les funestes conséquences de la rébellion du premier homme, et réparer les brèches, dans la justice ! Et qui peut dire la gloire de cette économie où la grâce et la vérité se rencontreront ? Qui peut comprendre à la fois les richesses de la sagesse et de la connaissance de Dieu dans un tel mystère ? Et c’est par cela qu’il se montre lui-même, sa gloire est vue dans la face de Christ. Dieu se révèle dans l’œuvre de grâce et dans ses fruits en gloire, de telle sorte que le connaître et être heureux dans l’assurance de son amour, est la même chose. « Celui qui n’aime pas n’a pas connu Dieu » (1 Jean 4:8).

C’était sur ce terrain même que, autrefois, Dieu cherchait à être connu comme Dieu par les Juifs. Il demandait à être adoré par eux comme le seul Dieu, parce qu’il s’était montré lui-même leur rédempteur. « Je suis l’Éternel, ton Dieu, qui t’ai tiré hors du pays d’Égypte, hors de la maison de servitude. Tu n’auras pas d’autre Dieu devant ma face ». Ce faisant, il s’était fait connaître comme Dieu, plein de grâce et de puissance en faveur de pécheurs captifs et, si nous ne le connaissons pas ainsi, nous ne le connaissons pas comme il convient. N’importe quelle pensée au sujet de Dieu, différente de celle-là, n’est que la pensée de l’esprit d’une créature dans les ténèbres, s’occupant de sa propre idolâtrie : le vrai Dieu est celui qui se révèle lui-même en grâce et en puissance rédemptrices. Et, vérité bénie, connaître Dieu c’est par conséquent me connaître moi-même comme un pécheur sauvé par grâce.

Dans l’ordre primitif de la création, la gloire était assurée comme la part de Dieu, la bénédiction étant la part de la créature. Le serpent séduisit la femme, de façon à amener l’homme à chercher la gloire pour lui-même : « Vous serez comme Dieu ». Par là tout l’ordre divin fut troublé, car l’homme perdit à juste titre sa place en bénédiction, dans cette tentative pour prendre la place de Dieu en gloire. L’œuvre de la rédemption rétablit cet ordre ; elle remet les choses à leur vraie place. La rédemption par la grâce fait ainsi parce qu’elle exclut la vanterie (Rom. 3:27) et assure la bénédiction. Elle conserve la place de gloire à Dieu et celle de bénédiction à l’homme, et ce sont les voies de Dieu en accord avec l’ordre de la création telle qu’elle sortit de sa main. Il ne peut reconnaître l’homme dans son orgueil, dans sa tentative ancienne pour être comme Dieu ; mais l’ayant humilié, et ayant affirmé que la gloire est à Lui seul, il montre alors que la bénédiction est à l’homme. Car, en vérité, par sa propre bonté, la bénédiction est autant la véritable place de la créature que la gloire est celle de Dieu. Son amour, qui est lui-même, l’a voulu ainsi. Il a certainement formé ses desseins pour la joie de l’homme aussi bien que pour sa propre louange. Il se montrera lui-même juste, pourvoyant ainsi à sa propre gloire, mais il se montrera aussi comme celui qui justifie, pourvoyant ainsi à la bénédiction du pécheur. La résurrection du Seigneur nous dit tout cela. Elle nous parle à la fois de la gloire de Dieu, l’origine même de toute offense étant détruite, et de la bénédiction de l’homme, lui ayant donné en partage toute grâce, bien qu’il fût un coupable. C’est la leçon que la résurrection du Seigneur nous donne, leçon naturellement difficile à apprendre par ceux qui ont cherché à s’exalter eux-mêmes et ont prétendu être comme Dieu, mais une leçon que les rachetés doivent apprendre, car la rédemption doit restaurer les principes primitifs et immuables de Dieu, et le placer dans sa gloire inégalable et incontestable, en même temps qu’elle place la créature dans une pleine et incontestable bénédiction.

Le sujet de ce chapitre nous suggère ces choses comme des vérités générales. Mais dans le récit qu’en fait notre évangéliste, on trouvera que tout ce qui lui est particulier est aussi caractéristique du propos de Luc. Ainsi le voyage d’Emmaüs, que nous avons en détail seulement ici, présente encore notre Seigneur dans la grâce du Docteur, agissant sur les pensées et les affections des hommes.

Quand le Seigneur était dans le monde, auparavant, il se montrait également à tous, car il attirait la confiance par les bienfaits de son infatigable amour. Mais maintenant, en résurrection, il est connu seulement des siens. Le monde avait refusé sa bonté, avait vu et haï et lui et son Père, et n’était pas qualifié pour le voir maintenant dans son exaltation, en chemin vers les hauts cieux. Mais ceux qui l’avaient aimé dans le monde, le voient maintenant. Cinq cents d’entre eux, bien qu’ils ne soient pas nommés et demeurent inconnus, le verront aussi bien que Pierre et Jean, et ils le verront avec une foi d’une plénitude et d’une capacité aussi grandes que la leur. Toutes les visites qu’il leur fait sont pleines d’amour et de paix. Mais cet amour s’exprimera différemment suivant la condition et le besoin de chacun. Si celui qui est l’objet de cet amour est dans l’affliction, l’amour l’apaisera ; s’il marche dans la lumière l’amour se réjouira et approuvera ; s’il s’est égaré, l’amour le conduira de nouveau dans des sentiers de justice. Ainsi en est-il avec le Seigneur ressuscité qui aime pour toujours. C’est ainsi qu’il visite Marie pour rafraîchir de sa présence son cœur altéré. Il visite Thomas pour restaurer son âme incrédule, et ici les deux disciples pour les ramener par le chemin par lequel ils étaient venus quand ils avaient entrepris leur voyage, poussés par leur incrédulité. Ainsi c’était toujours le même amour, bien que s’adaptant lui-même à ses différents objets. Ces deux disciples avaient besoin d’être restaurés, et leur Seigneur les restaure. D’abord il se comporte comme un étranger, leur reprochant leur lenteur de cœur, mais, comme le grand Prophète de Dieu et le Docteur des hommes, il les conduit à travers toutes les Écritures jusqu’à ce que la lumière et la puissance de ses paroles réchauffent leur cœur.

Tout cela était plein de grâce divine. L’âme est restaurée dans l’amour du Bon Berger. Mais cela ramène toujours à cette pensée que le Seigneur se réjouit dans la réalité ou la vérité du cœur. Ces disciples étaient tristes en marchant ; cette tristesse était réelle, c’était l’affection qui commandait leurs circonstances telles qu’ils les estimaient. Ils avaient été désappointés. Ils craignaient d’avoir perdu l’espérance d’Israël, et, si leurs cœurs étaient vrais, ils devaient être tristes, et ils l’étaient. Il y avait donc de la réalité en eux, bien qu’aussi de la lenteur de cœur à croire tout ce que les prophètes avaient dit. Et Jésus aime cette réalité. Jésus aime que tout ce qui nous concerne porte la marque de la vérité dans l’homme intérieur. Il se joint à ces hommes attristés, pour leur montrer que les choses qui étaient arrivées à Jérusalem et dont ils parlaient étaient en réalité en leur faveur, et non à leur détriment, et il fait en sorte que ce qui ébranlait leur foi en devient la confirmation. Dans sa manière de s’entretenir avec eux il y a tant de grâce humaine, que tout est encore en accord avec son sentier tel que l’évangéliste le retrace.

« Il fit comme s’il allait plus loin ». Quelle perfection dans ce petit mouvement ! Quel titre avait-il, lui qui paraissait être un étranger, à s’imposer à eux ? Il s’était simplement joint à eux en chemin avec la courtoisie de quelqu’un voyageant sur la même route. Quel droit avait-il de franchir leur seuil ? Si Jésus n’est qu’un étranger à nos yeux, il marchera encore dehors ; certainement il ne demandera rien jusqu’à ce que nous le connaissions comme Sauveur, comme Celui qui aime nos âmes. Nous pouvons habiter dans nos propres maisons et prendre nos repas entre nous jusqu’au moment où nous le connaîtrons comme le Fils de Dieu qui nous a aimés et s’est donné lui-même pour nous. Alors il revendiquera une place dans nos cœurs et dans nos maisons ; et alors il demeurera avec nous et soupera avec nous, entrant pour ainsi dire sans être invité, entrant dans la personne de quelqu’un de ses petits, soit pour avoir une coupe d’eau froide, soit pour avoir les pieds lavés, à des moments où peut-être nous ne nous attendions pas à recevoir sa visite. Puissions-nous être prêts, chers frères. C’est vraiment un état béni, bien que parfois pénible pour nos cœurs. Être toujours prêt, à la disposition des besoins de chacun, accueillant ainsi non seulement des anges, mais le Seigneur des anges et l’ami des pécheurs.

Jusqu’à maintenant, il n’était qu’un étranger pour les deux disciples d’Emmaüs, prêt par conséquent à les laisser seuls à leur repos et à leur repas bien que le jour fût fort avancé. Mais quelle beauté nous trouvons là en lui ! L’ornement d’un esprit parfait qui marquait de sa grâce chaque petit moment de sa vie. Quelle dignité quand la dignité convenait ; quelle tendresse quand, à son tour, elle devait être manifestée. Si l’homme avait eu seulement un œil pour les voir, quelle beauté morale il aurait pu discerner dans les œuvres et la marche de ce parfait Fils de l’homme ! Il n’y eut jamais, pour un seul moment, le moindre trouble dans la conduite morale de tout ce qui le concernait. Mais l’homme n’avait pas d’yeux ni d’oreilles pour lui. Quand il l’a vu il n’y avait pas d’apparence en lui pour le faire désirer. La véritable beauté n’était pas la beauté aux yeux de l’homme. Aucune de ses perfections ne convenait à l’homme. Mais il se trouvait des moments où, par grâce, il y avait, comme ici, des cœurs qui brûlaient : les deux heureux disciples reconnaissent la puissance de sa présence, leurs âmes sont restaurées, et leurs pas sont conduits de nouveau vers la ville, par le chemin par lequel ils étaient venus et qui pour eux se trouvait être de nouveau un sentier de justice.

Dans ce qui suit, avec une plus nombreuse compagnie à Jérusalem, nous retrouvons le caractère de notre évangile, toujours aussi frais que jamais. Car, ici, le Seigneur a particulièrement soin de prouver son humanité, pour montrer qu’il n’était autre que le Fils de l’homme ressuscité d’entre les morts. Il établit cela d’abord en leur montrant ses mains et ses pieds, puis en prenant du poisson cuit et quelque peu d’un rayon de miel, et en mangeant devant eux. Et ainsi nous le voyons, l’Homme, toujours devant nous, autrefois l’homme oint et maintenant l’homme ressuscité. Ayant ainsi donné la preuve que c’était lui-même, il agit envers eux comme avec des hommes, agissant comme leur docteur, comme il le fait habituellement dans cet évangile, leur ouvrant les Écritures, et ouvrant leur intelligence pour entendre les Écritures. Il leur promet « la puissance d’en haut » afin qu’ils puissent témoigner des choses qu’ils avaient maintenant apprises.

« Cette puissance d’en haut » désigne évidemment le Saint Esprit appelé aussi « la promesse du Père », mais elle annonce le Saint Esprit sous une manifestation spéciale, elle aussi d’accord avec le caractère de notre évangile. Il n’est parlé ni en Matthieu ni en Marc de ce don divin du Seigneur monté en haut. Mais en Jean, dans un sens plus béni encore, il est promis comme « le Consolateur » ou « l’Esprit de vérité », c’est-à-dire le Témoin dans les saints de la grâce et de la gloire de « ce qui est » au Père et au Fils (Jean 16:14, 15). Ces différences sont bien caractéristiques. Le jour de la Pentecôte introduit ce don divin répandu par le Fils de l’homme glorifié, et ce don manifeste en même temps sa puissance, conformément à la promesse faite ici. L’évangile de Luc, qui est la première lettre de notre évangéliste à Théophile, se terminant ainsi avec la promesse du Saint Esprit, le livre des Actes qui est la seconde lettre au même ami, s’ouvre sur le don fait en accomplissement de la promesse. Ce livre a été justement appelé « les Actes du Saint Esprit ». Il vient après les quatre évangiles. De même que les évangiles (ou plus exactement le ministère de Jésus qu’ils enregistrent) ont donné la pleine manifestation formelle du Père et du Fils, pareillement ce livre qui enregistre le ministère des apôtres, donne la même manifestation du Saint Esprit. Les personnes de la Déité sont ainsi, au moment convenable, affirmées pour la pleine lumière et la consolation de l’Église. Des aperçus de ce divin mystère avaient été sans nul doute donnés depuis le commencement, mais le nom de Dieu « Père, Fils et Saint Esprit » était maintenant pleinement manifesté et publié.

Tout cela, comme tout ce qui est de notre Dieu, est parfait en sa saison. Tout est perfection dans les voies de sa sagesse comme dans les opérations de sa grâce. Le Seigneur révèle un secret après l’autre, les produisant chacun au moment convenable et amenant l’âme à s’écrier : « Ô profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! »

Mais cela dit seulement en passant. J’ai déjà observé que la mention que nous avons ici du Saint Esprit est en accord avec cet évangile, tenant pour ainsi dire le milieu entre Matthieu et Marc d’une part et Jean de l’autre : les premiers en effet ne nous fournissent rien de semblable sur l’Esprit alors que le dernier nous en donne une connaissance plus étendue et plus riche sous le titre de « Consolateur » et de « l’Esprit de vérité ». Après cela, jusqu’au dernier verset, l’évangile est toujours en accord avec lui-même. Je veux dire dans ce qui arrive à la fin à Béthanie.

Le Seigneur conduit maintenant ses disciples à cet endroit bien connu, une retraite pour « les pauvres du troupeau », comme « derrière le désert » (Exode 3), le bercail de ceux qu’il aimait en Judée (Jean 11:3). Là, pendant qu’il les bénit, il est séparé d’eux et élevé dans le ciel. Il leva ses mains en haut et les bénit. Et, aussitôt après qu’il leur a ainsi scellé ces premiers fruits de sa résurrection, il est séparé d’eux et élevé dans le ciel, où il siège comme « l’Homme Christ Jésus », jusqu’à ce que nous parvenions tous à la mesure de la stature de la plénitude de Christ, jusqu’à ce que tous nous soyons introduits pour former le nouvel homme, « la plénitude de celui qui remplit tout en tous » (Éph. 1:23).

Notre évangile s’est ouvert avec le sacrificateur de la famille de Lévi, dans le temple à Jérusalem, et il se termine maintenant avec la sacrificature de Jésus, le Seigneur ressuscité dans le ciel. C’était l’Homme Jésus, dans son enfance et dans ses relations humaines, à sa place sur la terre, que nous avons eu au commencement, et c’est toujours l’Homme Jésus, ressuscité et glorifié, et près de s’asseoir dans la gloire et à la place qui lui sont dues dans les cieux, que nous avons à la fin.

La vision finale que nous avons de Lui dans chaque évangile me frappe comme très distinctive et caractéristique. En Matthieu, le Seigneur ne change pas de place, Il est toujours là, toujours sur la terre, disant simplement : « Toute autorité m’a été donnée dans le ciel et sur la terre. Allez donc, et faites disciples toutes les nations... Et voici, moi je suis avec vous ». Ainsi il était précisément le Seigneur de la moisson donnant des ordres et fortifiant ses serviteurs. En Marc, il est reçu dans le ciel, mais il est parlé de lui comme présent avec les apôtres et coopérant avec eux. En Jean, ni lui ni eux ne restent sur la terre, mais Pierre et Jean le suivent et nous les perdons de vue tous ensemble. Mais ici, il est enlevé seul, et demeure là-haut comme le grand Sacrificateur des siens à l’intérieur du voile, envoyant le Saint Esprit pour être avec eux ici-bas comme la puissance d’en haut.

Tout cela forme un ensemble complet. Dans notre évangile, le Seigneur est élevé comme le sacrificateur ; en Marc, il monte à la droite de la puissance afin de présider au ministère de ses serviteurs et de le partager ; en Jean, il monte comme le Fils du Père afin d’introduire les enfants dans la maison du Père.

Il fut « élevé ». L’expression implique que quelque moyen de transport l’attendait. Et vraiment il avait été ainsi attendu depuis très longtemps. Quand il est présenté et qu’il est parlé de lui comme « la gloire », « l’Ange de Dieu », « l’Ange de la face de l’Éternel » (Exode 14, 23, 32 ; Ésaïe 63) la nuée le transporte çà et là. Elle le prit premièrement à la tête de son peuple racheté, pour conduire Israël en chemin (Exode 13). Puis elle le plaça entre les camps d’Israël et de l’Égypte afin qu’il pût être lumière pour les uns et obscurité pour les autres, et de là il regarda et mit le trouble parmi les Égyptiens (Exode 14). Parfois, elle l’amena prendre sa place en jugement envers la congrégation de murmurateurs et de transgresseurs (Exode 16 ; Nombres 14, 16, 20). Et, après tout cela, elle le prit pour remplir sa place dans le temple (2 Chroniques 5), comme elle l’avait auparavant, d’une semblable façon, porté pour remplir la même place dans le Tabernacle (Exode 40).

Ainsi d’ancienneté le char de nuée lui était réservé (Ps. 104:3). Quand les péchés de son peuple eurent troublé son repos au milieu d’eux, les chérubins l’emportèrent au loin (Ézéchiel 1 à 11), et les chérubins étaient appelés « le char des chérubins d’or » (1 Chroniques 28:18). Ainsi il était servi dans toutes ces occasions par son char assigné. Et de même en est-il maintenant : Il est « élevé ».

Dans toutes les occasions précédentes, cependant, il en est parlé de façon variée, ainsi que je l’ai noté, comme « la gloire », « l’Ange de Dieu », « l’Ange de sa face » et « l’Éternel », et dans le dernier passage que j’ai mentionné en Ézéchiel, sa ressemblance est « l’apparence d’un homme ». Désormais cette gloire, cet Ange de l’Éternel, prend la forme et les caractères de l’homme ressuscité qui est maintenant élevé à sa place en haut. Ce n’est pas simplement « l’apparence d’un homme », mais celui dont l’humanité a été certaine et vérifiée. C’est comme tel qu’il monte maintenant. La gloire a pris sa forme définitive. C’est comme l’homme glorifié que nous le voyons désormais, dans le livre de Dieu. Dans la vision du prophète il est, après cela, emporté comme l’homme glorifié dans les nuées du ciel vers l’Ancien des jours pour recevoir son royaume (Daniel 7) ; comme tel il se tient, aux yeux d’un autre prophète, au milieu des lampes d’or (Apocalypse 1) ; comme tel, il nous le dit lui-même, il sera vu dans l’avenir assis à la droite de la puissance et venant sur les nuées du ciel (Matthieu 26) ; et, comme tel, quand, le jugement terminé, son nom sera rendu magnifique par toute la terre (Psaume 8, Hébreux 2).

C’est là un thème merveilleux. C’est l’homme qui a été ainsi oint, et l’homme qui doit être ainsi exalté. Les rangs des anges, qui ont jusqu’à maintenant entouré le trône, doivent s’ouvrir pour ainsi dire, pour laisser entrer l’Église de pécheurs rachetés, afin que l’homme soit manifesté comme le vase de la gloire désigné dès les âges antérieurs à nous. « Qu’est-ce que l’homme, que tu te souviennes de lui, et le fils de l’homme que tu le visites ? » (Ps. 8). Quand le sacrificateur Zacharie entra dans le temple, toute la multitude reconnut la puissance de son entrée, et ils se tenaient dehors, priant à l’heure du parfum, comme nous lisons dans cet évangile (ch. 1:10). Quand Moïse entra dans la nuée (étant ainsi enfermé comme par le voile à l’intérieur du sanctuaire de Dieu), le peuple se leva et ils se prosternèrent chacun à l’entrée de sa tente (Exode 33). De même ici, à cette entrée de l’homme ressuscité dans la nuée (Actes 1:9), comme à l’intérieur du voile du vrai temple, le peuple au-dehors reconnaît la puissance de son ascension, et de nouveau le regarde et se prosterne. Mais alors c’est ici-bas, et seulement ici-bas, qu’ils sont son propre peuple, l’adorant lui-même. Ils l’adorèrent et « retournèrent à Jérusalem avec une grande joie. Et ils étaient continuellement dans le temple louant et bénissant Dieu ».

Leur adoration était louange heureuse. Tel était maintenant le service convenable. Comment auraient-ils pu manger le pain d’affliction, alors qu’ils entouraient un autel tel que celui-là ? C’était, ne le dirai-je pas, la fête de la résurrection qu’ils gardaient maintenant, et elle devait être gardée avec réjouissances. Les premiers fruits de la moisson avaient été acceptés pour eux, et ils devaient offrir leurs holocaustes et leurs libations avec joie dans le temple (Lévitique 23:10, 13). Ils attendaient la Pentecôte, la fête des semaines, mais Jésus et la résurrection étaient leur fête, et c’était avec joie qu’ils pouvaient regarder à la gerbe acceptée des premiers fruits, tournoyée devant l’Éternel

Nous n’avons pas ici la même note d’admiration ravie qu’à la fin de l’évangile de Jean, car toutes les écritures ne sont pas également élevées, bien qu’également parfaites à leur place, et divines dans leur origine, comme une étoile diffère d’une autre étoile en gloire bien que toutes soient également dans les cieux que Dieu a créés et faits. Luc, comme les autres, garde ainsi que nous l’avons vu, son propre caractère jusqu’à la fin. C’est le Fils de l’homme que l’Esprit nous montre par lui, comme cela a été le Messie ou Jésus en rapport avec les Juifs en Matthieu, Jésus le Serviteur ou le Ministre dans Marc, et Jésus le Fils de Dieu, le Fils du Père dans Jean. Et cet homme parfait était d’abord l’homme oint, marchant dans les sentiers variés de cette vie, et présentant à Dieu, dans chacun, des offrandes du fruit d’une humanité sans tache, dans un vase tel qu’aucun n’avait pu auparavant garnir ou orner son sanctuaire. Il est alors l’homme ressuscité, se montrant aux siens dans sa victoire sur la mort et sur la puissance de l’Ennemi, et avec des échantillons de quelques-unes des bénédictions que cette victoire leur avait acquises. Il est enfin l’Homme élevé, glorifié en vue de rendre parfait en leur faveur devant le trône de Dieu et dans le temple céleste, jusqu’à ce qu’il revienne, tout le fruit de sa vie, de ses combats et de sa victoire, et afin de les remplir de joie et de louange pour toujours et éternellement.

 

3.8        [Conclusion sur l’évangile de Luc]

Nous achevons ici l’heureuse tâche qui a été la nôtre de retracer les voies variées de notre divin Sauveur et Seigneur dans cet évangile. Puisse cette étude laisser dans nos âmes une puissance en rapport avec la joie qu’elle leur a apportée. Mais le cœur connaît ses propres causes secrètes d’une pleine et constante humiliation, et a bien dû apprendre combien ces paroles sont à propos : « Quand tu es invité, va et assieds-toi à la dernière place ». Puisse notre Dieu exercer nos cœurs à sa propre joie, pour qu’ils trouvent toujours leur source dans la personne et dans l’œuvre du Fils de son amour. Et puisse-t-il aussi nous délivrer de nous-mêmes toujours plus, afin que Jésus seul puisse être vu par nous.

 

3.9        [Conclusion sur les évangiles de Matthieu à Luc

En terminant ces méditations, je voudrais encore ajouter ceci : le sujet qu’un peu de soin permet de discerner dans chacun des évangiles est parfaitement divin. Il est de la main de Dieu. Chaque évangéliste aurait pu faire précéder son ouvrage par une introduction où il aurait formulé son but, et indiqué comment on devait le distinguer des autres. Mais la sagesse et les perfections de celui qui les a tous dictés n’auraient pas été aussi glorifiées, ni les mêmes exercices de cœur produits. En les méditant, tels qu’ils sont, c’est l’harmonie même de la création que nous entendons : « Il n’y a pas de langage, il n’y a point de parole » ; ils s’expriment dans les faits. Ainsi voyons-nous la même main qui a fait les cieux et leur a donné une voix pour parler à l’oreille de l’homme, retraçant les gloires qui brillent dans les différents évangiles et leur donnant semblablement une voix pour l’oreille des saints (voir Psaume 19).

Mais il reste que l’Évangile lui-même doit être notre objet. Puisse le Seigneur nous en faire éprouver sans cesse et directement la fraîcheur. C’est l’Évangile lui-même, l’histoire de l’amour sans mesure de Dieu, que le ciel appelle la terre à écouter, et qui porte avec lui la vraie et permanente bénédiction de nos âmes. C’est le Dieu vivant (le Dieu de toute grâce, comme il l’est, par le témoignage du Fils de son amour), entrant dans nos cœurs, pour y répandre la lumière, la liberté, la victoire et y être la semence de la vie éternelle. Comme quelqu’un l’a dit, un homme peut être captivé par cette harmonie intellectuelle et morale et prendre beaucoup de plaisir à la suivre dans tous ses détails, et cependant n’en tirer pas plus de profit que de l’examen de n’importe quelle pièce curieuse du travail matériel de l’homme. Il est naturel que la beauté d’une telle relation soit vue et admirée dans le christianisme — et je peux ajouter dans les Écritures, qui révèlent le christianisme — mais si la foi n’a pas d’objet plus élevé, alors la grande vérité du christianisme n’est pas crue. Il y a dans le christianisme beaucoup de choses qui peuvent exercer une forte emprise sur les facultés imaginatives, et donner à l’esprit des jouissances élevées, mais la partie la plus importante de la religion en rapport avec les pécheurs est sa nécessité. L’Évangile n’a pas été révélé pour nous permettre le plaisir de sentir ou d’exprimer de beaux sentiments, mais pour que nous puissions être sauvés. Le goût peut recevoir l’impression de la beauté et de la sublimité de la Bible, et la sensibilité avoir ressenti l’effet de son accent doux et tendre ; et cependant sa signification, sa délivrance, son mystère de saint amour, peuvent demeurer inconnus. Puisse notre connaissance de ce message d’amour, surpassant toute intelligence, être toujours la plus chère, la plus simple et la plus intime possession de nos âmes. L’Évangile de la grâce nous dit que nos besoins ont attiré les sympathies et les ressources du Dieu bienheureux. Que nos cœurs s’arrêtent sur une telle vérité et qu’ils s’asseyent pour boire à cette fontaine de délices. C’est dans cette foi que nos âmes trouveront la vie, la joie, la liberté et la force. Il en est Un qui nous a aimés et qui s’est donné lui-même pour nous, et Celui-là n’est rien de moins que le Fils de Dieu. Telle était la source de la vie de Paul, et puissions-nous nous tourner continuellement vers elle pour y trouver lumière, rafraîchissement et directions. Quand le dernier de nous sera entré, et que tous nous serons parvenus « à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature de la plénitude du Christ » (Éph. 4:13), nous pourrons être enlevés là où, avec une puissance accrue, à la fois en compréhension et en joie, nous louerons pour toujours cet Agneau qui a été frappé, dans son amour pour nous.

Veuille sa grâce nous garder avec des esprits sans souillure et des vêtements sans tache, chers frères, afin que nous puissions le connaître, Lui, au milieu de ce monde mauvais, pour l’amour de son nom.