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LA CÈNE
La Table du Seigneur et la Cène du Seigneur
(Matt. 26:20-30. Marc 14:17-26. Luc 22:14-23
Actes 2:42; 20:7, 11. 1 Cor. 10:14-22 ; 11:20-34)
Adrien Ladrierre
2° édition. 1934. Les subdivisions et sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest
Table des matières détaillée :
1.4.1.2 La coupe, communion du sang
1.4.1.3 Le pain que nous rompons
1.4.2.11 Jusqu’à ce qu’Il vienne
2 Quelques remarques sur 1 Corinthiens 11:26-34 : Le côté de la responsabilité
2.1.3 Moyen pour obtenir la grâce ?
2.1.5 S’abstenir à cause des autres ?
2.2 Responsabilité individuelle : ne pas manger et boire indignement
2.3 Responsabilité de l’assemblée : ôter le méchant
2.4 Les carences chez les Corinthiens. Applications actuelles
2.4.1 Ne distinguant pas le corps
2.4.3 Dignes ou indignes. Jugement de soi-même. Gouvernement de Dieu
Je désire présenter dans ces lignes quelques remarques sur ce sujet si important, et qui devrait être si précieux pour chaque croyant. Les dons accordés par le Seigneur à l’Église pour l’enseignement et l’édification ont sans doute un très grand prix ; on serait coupable de ne pas les reconnaître, de ne pas les estimer à leur valeur et de n’en pas profiter. Mais très souvent nous sommes portés à trop nous attacher à ces dons, à les rechercher, et nous ne donnons pas dans notre cœur une place assez grande à ce qui tient au cœur du Seigneur. Être à la table du Seigneur et participer à la cène du Seigneur, est un privilège accordé à tous les croyants. Là ils se trouvent réunis pour se souvenir ensemble du Sauveur, dans l’acte où il leur a montré d’une manière parfaite son profond amour et son dévouement sans limites. Les dons disparaissent, s’effacent, pour laisser la place dans la pensée et les affections à Jésus seul, à Jésus s’abaissant jusque dans la mort pour nous. Quelle grâce ! Comment pourrions-nous rester indifférents au privilège si grand de nous souvenir ainsi ensemble de Jésus ? Le plus éloquent discours, l’enseignement le plus profond, les exhortations les plus touchantes, pourraient-ils nous parler plus vivement que la cène de l’amour de Jésus ?
Les trois premiers évangiles rapportent l’institution de la cène ; nous la trouvons ensuite dans la 1re épître aux Corinthiens. C’est de ce dernier passage que je voudrais spécialement m’occuper, mais auparavant je dirai quelques mots sur ce que nous présentent les évangiles.
Nous trouvons en Matthieu trois ou quatre détails qui lui sont particuliers. En premier lieu, ces paroles : « Prenez, mangez » ; c’est l’invitation adressée par le Seigneur aux siens ; c’est une sorte d’insistance gracieuse, un encouragement à prendre ce qu’il nous présente pour que nous en usions.
En second lieu, il dit de même de la coupe : « Buvez-en tous » ; nul n’est exclu de la participation à cette seconde partie du repas. Le Seigneur, par ces paroles, condamne ainsi d’avance les prétentions que devait élever plus tard le clergé romain. Le Seigneur invite les siens à prendre, à manger et à boire. Ce n’est donc pas un acte à accomplir d’une manière spirituelle seulement, comme le voudraient quelques-uns ; c’est un acte réel. D’un autre côté, ce sont des symboles qui sont placés sous nos yeux, et dont, chaque fois, notre esprit et notre cœur ont à saisir le sens. Sans cela, la cène dégénérerait en une simple cérémonie, une formalité ; et peut-être, hélas ! n’est-ce que trop souvent le cas.
Troisièmement, le Seigneur, dans Matthieu, insiste sur le caractère de ce que représente la coupe, et cela est bien en rapport avec le but de son évangile. Jésus était le Messie. Par sa venue, il mettait fin à l’ancienne alliance, basée sur l’obéissance de l’homme dans la chair, et qui condamnait à mort le transgresseur. Il venait établir une nouvelle alliance, basée sur la grâce. Cette nouvelle alliance devait reposer sur le fondement de la rémission des péchés (comp. Jér. 31:33, 34, et Hébr. 8:6-13). Or sans effusion de sang, il n’y a point de rémission (Hébr. 9:22). Le vin représentait donc ce sang qui allait être versé pour plusieurs en rémission de péchés. Bien que les Juifs n’aient point reçu Christ, l’effusion du sang a eu lieu, et sa valeur subsiste comme base de cette nouvelle alliance qui sera traitée avec eux, et qui comprendra le pardon de leurs péchés et la connaissance de Dieu dans leurs cœurs. Pour nous, il n’y a point d’alliance, car l’Évangile n’en est pas une ; c’est la proclamation du salut. Mais nous jouissons des privilèges de la nouvelle alliance et, en outre, des bénédictions qui résultent de la position céleste qui nous est acquise par l’œuvre parfaite de Christ, ressuscité et glorifié à la droite de Dieu. Ces bénédictions appartiennent exclusivement à l’Église (Éph. 1:3-7).
Enfin, Matthieu nous montre le Seigneur bénissant avant la fraction du pain, et rendant grâces avant la distribution de la coupe.
Marc n’ajoute qu’un détail, c’est qu’ils burent tous de la coupe, accomplissant ce que le Seigneur les avait engagés à faire, et confirmant ainsi ce qu’il désire à cet égard pour tous les siens.
Arrêtons-nous maintenant un instant sur ce que rapporte Luc dans son évangile. Il rapproche dans son récit — et cela est bien digne de remarque — la célébration de la dernière Pâque par le Seigneur avec ses disciples, et l’institution de la cène ; en réalité, la célébration de la première cène, mais avec le Seigneur présent corporellement au milieu des siens.
Or la Pâque rappelait la délivrance du peuple d’Israël. Le peuple était mis à l’abri du jugement, en vertu de l’aspersion du sang de l’agneau pascal. Mais la délivrance d’Israël était pour la terre ; elle était la figure d’une délivrance plus excellente. Le type allait prendre fin pour faire place à la chose même : Christ, notre Pâque, allait être sacrifié pour nous. Jésus l’annonce à ses disciples, en disant : « Je n’en mangerai plus jusqu’à ce qu’elle soit accomplie dans le royaume de Dieu ». Mais ces paroles mêmes ne disent-elles pas que la Pâque, fête du peuple terrestre, et par conséquent souvenir permanent pour lui de ce qui le constituait un peuple à part, sera de nouveau célébrée dans le règne millénaire ? Nous lisons en effet dans Ézéchiel : « Au premier mois, le quatorzième jour du mois, sera pour vous la Pâque, une fête de sept jours » (45:21). Et il est toujours précieux de voir que Dieu n’oublie pas son peuple d’autrefois. Mais ce moment n’était pas venu. Christ devait souffrir d’abord, et il se mettait à part comme nazaréen. Nous voyons en effet que le Seigneur, aussitôt après qu’il eut reçu une coupe et l’eut distribuée, dit, sans en boire lui-même : « Je ne boirai plus de ce fruit de la vigne, jusqu’à ce que le royaume de Dieu soit venu ». Ayant ainsi renvoyé le moment de sa joie avec les disciples jusqu’au temps du royaume, il institue la cène pour les siens, pour le peuple céleste, durant le temps de son absence. Elle nous rappelle ce qui est la base de toutes nos bénédictions, l’amour de Christ descendant dans la mort pour nous.
Si Luc, dans son récit, omet des détails que nous trouvons dans Matthieu, il en présente d’autres qui sont bien précieux pour le cœur, et qui ont un cachet particulièrement intime. Ils nous font, pour ainsi dire, pénétrer dans les affections de Celui qui s’appelait le Fils de l’homme, caractère sous lequel l’évangile de Luc le présente tout particulièrement. Ne le voyons-nous pas dans ces paroles pénétrantes qui commencent notre récit : « J’ai fort désiré de manger cette pâque avec vous, avant que je souffre » ? (22:15). Puis nous lisons : « Ceci est mon corps qui est donné pour vous ». Donné, n’est-ce pas l’expression de l’amour dévoué qui se sacrifie, qui se livre, et qui fait ainsi appel à notre affection ? « Pour vous », comme cela est direct et propre à aller au cœur ! « Vous », vous aviez besoin que je fusse ainsi donné ; que fussiez-vous devenus sans cela ? Sans « vous », je n’eusse pas eu besoin de venir et de souffrir ; mais je vous ai aimés, et me suis donné pour vous. C’est le mémorial de cet amour si tendre, si dévoué, que nous avons sous les yeux, et là chacun de nous peut dire : « Le Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi ».
Jésus ajoute : « Faites ceci en mémoire de moi », paroles touchantes que nous ne trouvons ni dans Matthieu, ni dans Marc, et qui, rapprochées de ces mots « donné pour vous », nous disent ce que le cœur si tendre du Sauveur réclame des siens. En retour de son amour dévoué jusqu’à la mort, il demande le souvenir de notre cœur. Pouvait-il demander moins ? Moi, je me suis donné pour vous ; vous, souvenez-vous de moi. Quel est l’instant de notre vie qui ne devrait être rempli de Lui ? Combien plus dans ce moment où nous avons sous les yeux ce repas que Lui-même a institué pour nous rappeler son amour ! Le résidu, captif à Babylone, disait : « Si je t’oublie, ô Jérusalem, que ma droite s’oublie ! Que ma langue s’attache à mon palais si je ne me souviens de toi, si je n’élève Jérusalem au-dessus de la première de mes joies ! » C’était Jérusalem, le lieu que Dieu avait choisi pour y faire habiter son nom, qui réveillait ainsi les ardentes affections du peuple captif. Et à nous, qu’est-ce qui est présenté ? Celui qui remplit tout de sa gloire et qui, pour nous, s’est abaissé jusque dans la mort. Comment pourrions-nous l’oublier ? Comment nos cœurs ne brûleraient-ils pas au dedans de nous, en nous souvenant de Lui ?
Et de même, quand il s’agit de la coupe. Luc rappelle bien aussi que la nouvelle alliance est établie sur l’effusion du sang de Christ, mais il ne dit pas : « versé pour plusieurs en rémission de péchés », il ajoute : « versé pour vous ». Cela est d’une application directe, individuelle ; cela va droit au cœur de chacun. Le Sauveur t’a aimé, toi ; c’est pour toi que son corps a été donné, que son sang précieux a été versé. Comme ces paroles sont propres à attirer vers Lui ! Qu’en les écoutant nos cœurs répondent : « À Celui qui nous aime et qui nous a lavés de nos péchés dans son sang.... à Lui soient la gloire et la force ! »
Jésus était encore au milieu des siens, lorsqu’il institua ce repas, mémorial de sa mort. Les disciples avaient bien besoin de comprendre que c’était son amour qui le conduisait aux souffrances et à la mort. S’ils ne le saisirent pas d’abord, quand leur cher Maître eut été glorifié, le Consolateur vint qui leur rappela toutes les choses que Jésus avait dites. Ils les enseignèrent à ceux qui crurent par leur parole, et nous voyons, au chap. 2 des Actes, ces premiers chrétiens persévérer dans « la fraction du pain », aussi bien que dans la doctrine et la communion des apôtres, et dans les prières. Cela nous montre que, dès lors, « la fraction du pain » faisait partie intégrante de la vie d’assemblée des chrétiens. Ils avaient saisi le prix qu’attachait le Seigneur Jésus à ce mémorial de son amour pour eux.
Mais ces premiers croyants étaient des Juifs convertis. Les grandes vérités concernant l’Église comme corps de Christ, où il n’y a ni Juif, ni Grec, n’avaient pas encore été révélées. À Paul, l’apôtre des nations, fut donnée, par révélation, la connaissance du mystère, et alors aussi il nous est montré comment ces vérités sont en rapport avec la cène du Seigneur.
C’est dans la première épître aux Corinthiens que nous trouvons ce qui concerne la cène. Ces passages, ainsi que Actes 20:7, font voir que là où, parmi les nations, une assemblée était formée, là on rompait le pain : à Corinthe, à Troas, comme à Jérusalem. On s’assemblait dans ce but. L’apôtre avait enseigné, et les croyants avaient compris, que c’était le centre du culte chrétien ; que dès que l’on était assemblé au nom du Seigneur Jésus (c’est là ce qui forme l’assemblée), autour de sa personne adorable, Lui-même présent au milieu, selon sa promesse, on avait à se souvenir de Lui dans sa mort : on « annonçait sa mort » jusqu’à ce qu’il vienne.
Paul parle de cette ordonnance en deux endroits de la première épître aux Corinthiens. Dans le chap. 10, il s’agit de la table du Seigneur : dans le chap. 11, l’apôtre s’occupe de la cène du Seigneur ; le premier présente surtout la communion, le second surtout le mémorial. Examinons-les successivement.
L’apôtre avait à mettre en garde les Corinthiens contre l’idolâtrie et les mauvaises associations. C’est ce qu’il fait en particulier dans le chap. 10 : « C’est pourquoi, mes bien-aimés, fuyez l’idolâtrie » (v. 14). Mais les principes qu’il est ainsi amené à poser sont d’une application tout à fait générale, et peuvent nous guider aussi, nous qui ne vivons pas au milieu de l’idolâtrie établie comme système, mais qui nous trouvons dans la chrétienté. Cette remarque est nécessaire, pour que nous ne fassions pas de fausse application de termes qui n’ont leur raison d’être que là où il y a idolâtrie formelle, comme, par exemple, « la table » et « la coupe des démons ».
Il y avait, au temps de Paul, trois terrains distincts qu’il nous présente en quelques endroits. C’étaient l’Église, chose nouvelle ; Israël, l’ancien temple de Dieu ; les nations, dans l’idolâtrie. Manger, se mettre à table, c’est entrer en communion, s’associer avec ceux qui sont à cette table et avec qui l’on mange. C’est se placer sur le même terrain qu’eux. Ce que l’on mange et boit indique aussi avec quoi l’on a communion. Les païens sacrifiaient aux démons ; manger avec eux de leurs sacrifices, boire de leurs libations, c’était avoir communion avec les démons. Sous prétexte de liberté — mais au fond, c’était licence, propre volonté et indépendance — sous prétexte de liberté, de largeur de vues, de connaissance, les Corinthiens allaient jusqu’à s’asseoir dans des temples d’idoles, mangeant des choses sacrifiées aux idoles. Prenez garde, dit l’apôtre, en faisant cela, vous avez communion avec les démons, vous êtes à leur table, vous buvez leur coupe. Cela peut-il convenir à des chrétiens qui ont communion avec Christ ? (voyez 2 Cor. 6:14-16). La vraie liberté, celle de l’Esprit, ne peut s’exercer que dans ce qui convient à la vie de Dieu, sans quoi c’est la licence de la chair. « Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu ». « Que tout se fasse pour l’édification ». La gloire de Dieu, l’édification des autres, voilà ce qui règle la sainte liberté de l’Esprit, et le cœur se meut là avec bonheur, suivant la vérité dans l’amour.
Dans l’Israël selon la chair, ceux qui mangeaient des sacrifices avaient communion avec l’autel, l’autel du Dieu à qui l’on offrait ces sacrifices. C’était « la viande de son Dieu » (Lév. 21:6, 21, 22). On avait ainsi communion avec Dieu. Mais Christ étant venu, ces sacrifices établis de Dieu, et types d’un plus excellent, avaient pris fin, et les chrétiens avaient « un autel dont ceux qui servent le tabernacle n’ont pas le droit de manger » (Hébr. 13:10). Mais le principe que l’apôtre établit pour les chrétiens est confirmé par ce qui avait lieu en Israël.
Paul montre donc aux Corinthiens avec quoi et sur quel terrain est établie leur communion ; ce qui les met ainsi complètement à part.
Premièrement, c’est la table du Seigneur, la coupe du Seigneur. Le nom donné ici à Jésus, celui de Seigneur, nous dit qu’il a autorité sur cette table et sur cette coupe. S’il daigne nous y admettre, nous y inviter, c’est un privilège pour nous ; il ne saurait être question d’un droit. Il a institué cette commémoration de sa mort ; c’est Lui qui dresse la table, elle lui appartient, non point à nous. Nul que lui n’y a autorité ; c’est à lui d’indiquer qui doit y être. Son autorité comme Seigneur doit y être reconnue, et nous devons prendre garde de faire de sa table la nôtre, de la dresser sur un terrain humain et, par conséquent, sectaire. L’apôtre s’adresse à nous comme à des personnes intelligentes pour que nous discernions les choses, et sachions ce que nous faisons et sur quel terrain nous nous plaçons.
C’est pourquoi il nous donne ensuite les caractères de la communion, ou du terrain sur lequel se trouve la table du Seigneur. D’abord, la coupe qui nous y est présentée, la coupe de bénédiction que nous bénissons est la communion du sang de Christ. C’est une coupe de bénédiction ou d’actions de grâces. En effet, que ne nous rappelle-t-elle pas ? C’est le sang précieux de Christ, de l’Agneau sans défaut et sans tache, par lequel nous avons la rédemption, qui nous lave de nos péchés, par lequel la paix est faite, et qui nous ouvre le chemin auprès de Dieu, une libre et pleine entrée dans le sanctuaire. C’est la mort de Christ, l’expiation accomplie, la culpabilité ôtée. En la prenant, nous pouvons bien en effet la bénir et dire : Grâces à Dieu pour son don inexprimable !
Mais la coupe est la communion du sang du Christ. En comprenant et en saisissant par la foi ce qu’elle signifie, nous entrons dans la pensée du Seigneur, dont le sang a été versé, qui a offert ce sacrifice pour nous sauver. Ainsi nous y avons part, nous jouissons de ce qu’il nous a acquis par sa mort. Aux rachetés seuls appartient donc le privilège de boire de cette coupe, parce qu’ils ont communion avec le Seigneur dans sa mort. Ils forment l’Église acquise par le sang du Fils de Dieu.
Nous avons donc ici le premier caractère de ceux qui viennent à la table du Seigneur. Ils sont rachetés par le précieux sang de Christ, ils en ont la conscience, ils en jouissent, et ils bénissent. En est-il ainsi de nous, chers amis ? Réalisons-nous à la table ce fait si grand, qui place devant nous l’amour insondable de Jésus, que la coupe que nous bénissons est « la communion du sang du Christ » ?
Ensuite, nous avons le pain sur la table, ce pain unique que nous rompons ; partagé entre plusieurs, mais un. Le pain représente, sans doute, le corps personnel de Christ quand il était sur la terre ; nous verrons cela au chap. 11, de même que nous l’avons vu dans les évangiles :
« Ceci est mon corps donné pour vous ». Mais ici, en rapport avec la table, ce n’est pas la seule chose que le pain figure. C’est aussi le corps actuel de Christ ici-bas, formé de ses membres sur la terre ; car c’est nous, nous qui sommes un seul pain, un seul corps, bien qu’étant plusieurs. « Il y a un seul corps », dit l’apôtre aux Éphésiens (4:4). Formé de qui et comment ? De tous ceux qui sont rachetés par le sang de Christ : l’Assemblée est son corps (Éph. 1:22). Elle est formée par le Saint Esprit descendu du ciel, car nous avons tous été baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps (1 Cor. 12:13). Chaque croyant a le Saint Esprit : c’est son privilège (Éph. 1:13 ; 1 Cor. 6:19 ; Rom. 8:15, 16) ; cet Esprit l’unit à Christ dans le ciel (1 Cor. 6:17) ; tous ensemble, ainsi unis à Christ, le Chef ou la Tête glorifiée, forment cet organisme réel, vivant, qui est le corps de Christ. Nous en sommes les membres.
Rompre le pain à la table du Seigneur implique donc que nous sommes unis à Christ comme membres de son corps ; c’est encore la communion à un second point de vue, et c’est le second caractère de ceux qui participent à la table. Ils sont unis à Christ comme membres de son corps ; ils sont en même temps membres les uns des autres (Rom. 12:5). Or, pour être membre du corps de Christ, baptisé du Saint Esprit, il faut être racheté, lavé de ses péchés par le sang de Christ ; nous voyons ainsi pourquoi, dans ce passage, la coupe est placée avant le pain. Il est précieux de voir l’ordre dans les choses de Dieu. Nous pouvons encore remarquer que cet aspect du pain sur la table du Seigneur ne pouvait être donné avant que Christ, la Tête du corps, fût dans la gloire et que le mystère du seul corps fût révélé. Aussi ne le trouve-t-on que dans les écrits de Paul, à qui l’administration du mystère avait été confiée (Éph. 3:3-9).
Pensons-nous, chers amis, quand nous venons à la table du Seigneur, à cette grande et précieuse vérité ? Peut-être plusieurs, jusqu’à présent, y ont-ils participé seulement comme rachetés, heureux de se souvenir de Jésus dans sa mort, preuve de son immense amour pour nous. C’est précieux, chers amis, infiniment précieux, et c’est bien là ce qui doit remplir le cœur. Mais le Seigneur ne nous invite pas à sa table pour que nous y soyons comme des individus isolés, venus pour manger le pain et boire la coupe, et jouir chacun pour soi du souvenir de son amour. Il y a encore quelque chose de plus pour nous à sa table. C’est que nous y sommes ensemble avec Lui, et son cœur aime à nous grouper ainsi autour de lui dans une même pensée, un même amour. Peut-être n’avez-vous jamais pensé, en étant à la table du Seigneur, que vous y êtes comme membre du corps de Christ, avec les autres membres de ce corps, unis ensemble au même Chef dans la gloire ? Nous exprimons ce double fait que nous sommes rachetés et membres du corps de Christ, en buvant à la même coupe et en rompant le même pain. Nous avons ainsi communion ensemble, et ensemble nous bénissons notre précieux Sauveur. Quelle jouissance pour son cœur de nous voir assemblés autour de Lui ! Quelle jouissance pour le nôtre de réaliser ensemble ce fait que nous sommes membres du même corps ayant le même Chef ! En arrêtant ensemble nos regards sur Lui, l’amour dont il nous aime remplira nos cœurs, et nous le bénirons ensemble. La table du Seigneur est le lieu de la communion ; de la commune participation à tout ce qu’il est et a fait pour nous ; de la commune jouissance de son amour, et dans l’amour divin la communion multiplie la jouissance. Nous ne serons pas isolés dans le ciel. Rassemblés autour de l’Agneau divin, nous adorerons et louerons. Nous l’anticipons dès maintenant.
Ainsi, rachetés par le sang de Christ, membres de son corps, tels sont les deux caractères de ceux qui participent à la table. Cela exclut le monde et les inconvertis. En même temps se trouve établi le terrain sur lequel est dressée la table : c’est celui de l’unité du corps. Toute table qui n’est pas dressée sur ce principe, non seulement en théorie, mais pratiquement, n’est pas la table du Seigneur. Toutes les tables dressées sur ce terrain n’en forment qu’une, car il n’y a qu’un seul corps, bien qu’il y en ait diverses expressions en diverses localités, de sorte que la communion existe entre elles toutes. Ainsi nous avons à nous assurer sur quel terrain une table est dressée, avant de nous y associer, et à voir si le terrain scripturaire y est gardé pratiquement et si l’autorité du Seigneur y est pleinement reconnue.
Considérons maintenant ce que nous trouvons au chap. 11, le mémorial lui-même, plutôt que la communion.
C’est la cène (ou souper) dominicale (ou du Seigneur), le repas auquel, dans sa grâce, il nous invite. C’est le sien, non le nôtre, de même que la table est sienne aussi. Il ne s’agit donc pas de manger et boire sans savoir ce que l’on fait. Ce n’est pas un repas ordinaire ; c’est dans l’assemblée, « quand vous vous réunissez ensemble ». Ce n’est pas une chose que l’on puisse faire en dehors de l’assemblée, que l’on puisse dresser à son gré, comme l’on fait d’un autre repas. Il faut discerner ce que l’on fait, où l’on se trouve. Se réunir simplement ensemble pour manger, n’est pas la cène du Seigneur, et l’on n’est pas non plus à ce repas chacun pour soi, mais ensemble (v. 20-22). On ne saurait prendre la cène seul.
L’apôtre nous fait envisager la cène à un point de vue sérieux, la plaçant comme une chose à part dans le rassemblement, ou plutôt comme ce qui est le principal but du rassemblement. Le Seigneur, en nous laissant ce mémorial, veut sans doute atteindre nos affections, mais, en même temps, tout est rendu solennel par ce qui est placé devant nous. Notre responsabilité s’y trouve engagée, non pour que nous nous abstenions, mais pour qu’entrant dans la réalité de ce que nous présente la cène, nous en jouissions d’autant plus.
En s’adressant aux Corinthiens pour réprimer les désordres qui s’étaient introduits parmi eux dans la célébration de la cène, l’apôtre nous fournit des instructions précieuses qui nous montrent la valeur de la cène aux yeux du Seigneur, et ce qu’elle doit être pour nos cœurs. Bien qu’il eût pu être instruit par les autres apôtres, et que, sans doute, il eût vu la cène célébrée parmi les disciples à Damas et à Jérusalem, Paul avait reçu du Seigneur lui-même, ce qu’il enseignait à cet égard : « J’ai reçu du Seigneur ce qu’aussi je vous ai enseigné ». Cela nous montre la cène comme faisant corps avec les autres vérités que Paul avait aussi reçues directement, et, en même temps, nous fait voir l’importance que le Seigneur y attache. Comment des chrétiens peuvent-ils donc traiter cette institution avec indifférence, comme une chose dont ils peuvent user à leur gré, et comme le disent quelques-uns : « si elle peut être en aide à leur foi » ?
Paul n’oublie pas de rappeler dans quelles circonstances la cène fut instituée par le Seigneur, ce qui doit la rendre d’autant plus précieuse au cœur de chaque racheté : « Le Seigneur Jésus, la nuit qu’il fut livré, prit du pain ». C’est cette nuit où toute la méchanceté de l’homme et de Satan conspirait contre Lui ; la nuit où l’un des siens le trahit, où il fut livré pour aller à la mort ; livré entre les mains des iniques, livré pour nous. Quel sujet présenté à nos consciences et à nos cœurs de voir le Seigneur livré ! Quelle méchanceté ce fait révèle dans le cœur de l’homme, quelle grâce dans Celui qui consentit à être livré. Nul ne pouvait porter les mains sur lui et le saisir, sans qu’il y consentît (Jean 18:5, 6), mais il s’est livré, Dieu l’a livré, et c’est pour nous !
Et cette nuit, ne nous dit-elle rien ? Quand il fut livré, où était-il ? Avant d’être livré, que faisait-il ? Il était en Gethsémané ; il avait été dans l’angoisse du combat, les grumeaux de sang avaient coulé de son front ; il avait été saisi de cette tristesse profonde de son âme qui anticipait la mort et l’abandon sous le jugement de Dieu. C’est cette nuit qui est placée devant nous ; nuit où le plus affreux des crimes de l’homme se préparait, nuit où le plus profond des sacrifices était accepté, où l’amour recevait la coupe des mains du Père par obéissance envers Lui, par dévouement pour nous.
Et c’est dans cette nuit, avant la souffrance et la consommation du sacrifice, que Jésus pense aux siens, aux résultats glorieux de son œuvre pour eux, à ce qui lui donnera le droit de les avoir près de Lui dans la gloire ; et il institue ce qui doit le rappeler, Lui, au cœur de ses bien-aimés durant son absence. « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’à la fin », et il a pourvu à ce que, jusqu’à la fin de notre course ici-bas, nous ayons ce mémorial de son amour. Puissions-nous, quand nous sommes à sa table, avoir devant nos cœurs le souvenir de la nuit où il fut livré, et goûter la réalité de ce tendre et puissant amour dont il nous aime jusqu’à la fin !
Mais, quelles qu’aient été les douloureuses circonstances de cette nuit qui nous sont rappelées et qui parlent si puissamment à notre âme, bien que ce soit la commémoration de la mort du Seigneur, il s’agit pour nous de délivrance à la gloire de Dieu, et c’est pourquoi la cène est un service d’actions de grâces. Jésus prit du pain, et, « après avoir rendu grâces, il le rompit ». I1 rendit grâces, comme nous voyons qu’il avait l’habitude de le faire en d’autres circonstances (Matth. 15:36 ; Jean 11:41). Pourquoi rend-il grâces ici ? Il anticipe le moment où l’œuvre qu’il était venu accomplir sera achevée, œuvre dont il voyait et appréciait, comme nul autre que lui ne pouvait le faire, les immenses résultats pour la gloire de Dieu et le salut des siens (Jean 17), et il loue par avance au milieu de l’Assemblée, représentée alors par ce faible résidu. Il nous donne le modèle de ce que nous avons à faire, maintenant que l’œuvre est achevée et que nous jouissons de tout ce qu’elle nous a acquis. Quelles actions de grâces devraient en effet monter de nos cœurs, en nous souvenant de Lui, de son amour, et de l’amour du Père qui a donné son Fils pour nous ! Nous avons déjà remarqué que le Seigneur bénit (*) avant la fraction du pain et rend grâces aussi avant la coupe. Rien ne nous est prescrit quant à la forme que nous avons à suivre dans la cène ; les paroles mêmes que Jésus prononça alors ne nous ont pas été conservées, mais, comme toujours, l’Esprit nous enseigne en plaçant les choses devant nous selon le cœur et la pensée de Dieu, afin que nous agissions, non selon une lettre morte, une froide liturgie, mais selon la vie et l’action de l’Esprit en nous.
(*) « Bénir » ne veut pas dire consacrer. Il a le même sens que « rendre grâces » (comp. 1 Cor. 11:24 ; Matth. 26:26, 27 ; Marc 14:22 ; Luc 22:19). C’est bénir Dieu, lui rendre grâces (Marc 8:7).
Il le rompit ». L’action de rompre le pain montre qu’il s’agit de se souvenir d’un Christ mort. Il rompit le pain Lui-même. Sa mort était nécessaire, et il s’est livré lui-même. Comme nous l’avons déjà vu, nul n’avait le pouvoir de toucher à sa précieuse vie. Il la laissait de lui-même, et à cause de cela le Père l’aimait (Gal. 1:4 ; Jean 10:18). Nous rompons maintenant le pain pour rappeler ce qui a eu lieu ; nous pouvons le faire, parce que Lui s’est livré d’abord. Chacun de nous y participe, parce que c’est pour chacun de nous individuellement qu’il s’est donné. En rompant le pain, en en prenant un morceau et le mangeant, je me rappelle que c’est pour moi que le Fils de Dieu, devenu un homme, a souffert ; que c’est moi qu’il a aimé (Gal. 2:20).
« Ceci est mon corps », dit le Seigneur. Nous savons que ces paroles veulent dire : ceci représente mon corps. Actuellement, le corps glorifié du Seigneur est dans le ciel (Luc 24:51 ; Actes 3:21 ; Héb. 1:3). Mais le pain placé devant nos yeux est destiné à nous rappeler son corps, tel qu’il était sur la terre, ce corps formé par Dieu (Héb. 10:5), dans lequel il glorifia son Père en traversant ce monde, ce corps par lequel il était en relation avec nous (1 Jean 1:1-3), dans lequel il souffrit la faim, la soif, la fatigue (Luc 4:2 ; Jean 4:6 ; 19:28), dans lequel il prit nos langueurs (Matt. 8:17), dans lequel il porta nos péchés sur la croix, et qui fut mis dans le sépulcre.
Et le Seigneur ajoute : « Qui est pour vous ». Oui, il est pour nous ; il nous appartient, pour ainsi dire. Quel amour de sa part ! Quel appel à nos affections ! Ce corps saint et pur, temple de Dieu sur la terre, était pour nous. Tout ce qu’il a été dans sa vie, dans ses souffrances et dans sa mort, c’est pour nous. Il était devenu un homme, avait pris un corps, mais c’était pour nous, afin de pouvoir se donner pour nous, souffrir et mourir pour nous. Quelle voix ce mot « pour vous » devrait avoir pour nos cœurs ! C’est l’expression du plus tendre amour. Sans nous, il n’avait pas besoin de descendre du ciel, de prendre ce corps dans lequel il souffrit toute la contradiction et la haine de l’homme, ce corps qui fut couvert d’insultes et d’outrages, couronné d’épines, déchiré par le fouet, et cloué à la croix ; mais nous avions besoin de salut, et il est venu pour nous. Il y a dans son sacrifice un autre point de vue. Il s’est anéanti, prenant la forme d’esclave, obéissant jusqu’à la mort de la croix, pour glorifier Dieu son Père, ainsi qu’il le dit : « Père, je t’ai glorifié » (Jean 17:1-5) ; il ne faut pas oublier cela ; mais ici, Jésus présente ce qui nous concerne, pour attacher à lui nos affections, et c’est pourquoi il ajoute :
« Faites ceci en mémoire de moi ». En rompant le pain, que Jésus, que sa Personne adorable se donnant pour nous, soit devant les yeux de notre cœur. Voilà ce qu’il réclame de nous. Peut-il demander moins ? Faites ceci : non pas si vous le désirez, selon votre convenance, mais « faites ». « En mémoire de moi », Lui est l’objet divin présenté à notre âme. Comme cela ferme la porte à toute autre pensée pour que nous ne jouissions que de Lui seul. Cela n’exclut-il point la recherche de ses propres sentiments, les pensées vaines dont on se plaint si fréquemment, celles qui se rapportent aux autres personnes qui nous entourent ? C’est Lui, Jésus, dont nous nous souvenons. Comment un objet si digne de nos affections n’éclipserait-il pas toute autre chose ? Tout paraît petit et misérable devant ce grand amour dont il nous a aimés. Quelle pénétrante lumière de grâce, quel parfum de sainte affection, quelle atmosphère de paix nous enveloppent, quand nous nous souvenons de Lui ! Occupons-nous de Lui, ayons-le sous les yeux de notre âme, et toute autre chose disparaîtra comme les ténèbres devant l’éclat du soleil. C’est ce qu’il a été, ce qu’il a fait pour nous ici-bas dans ses tendres compassions, dont il désire que nous gardions le souvenir. Nous le rappelons dans la cène, et nous sommes rendus capables de le faire et d’en jouir, parce que nous sommes unis à Lui, là où il est maintenant, et participants de sa vie.
Telle est la première partie de ce service d’actions de grâces : la fraction du pain.
La seconde se rapporte à la coupe. « Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang », dit-il ; elle est, elle représente ce qu’est la nouvelle alliance. Comme nous l’avons vu, l’ancienne (Ex. 24:8) était établie sur le principe de l’obéissance, avec la mort pour ceux qui la transgressaient. La nouvelle alliance, fondée sur le sang de Christ, a pour base la rémission des péchés. Israël, avec qui elle sera traitée, n’est donc pas exclu du bénéfice de la mort de Christ. Le jour viendra où ils regarderont vers Celui qu’ils ont percé. Mais ici, c’est nous qui jouissons du privilège que comporte la nouvelle alliance, bien que nous ayons beaucoup plus, des bénédictions infiniment supérieures à celles d’Israël (Éph. 1:3-7). Nous avons la rédemption par son sang, la rémission des fautes selon les richesses de sa grâce ; ainsi Dieu ne se souvient plus de nos péchés, ni de nos iniquités, et cette grâce appartiendra aussi à la nation juive, sous la nouvelle alliance. Mis à part par l’Esprit Saint, nous avons part à l’aspersion de ce sang précieux de Christ, l’Agneau sans défaut et sans tache (1 Pierre 1:2, 19). Sur ce sang qui a fait la propitiation, sont fondées nos bénédictions : la coupe nous le rappelle.
Nous avons donc encore ici le mémorial de la mort de Christ. La coupe, de même que le pain rompu, nous rappelle Jésus dans sa mort, car le sang est versé, le corps est à part du sang, et tous deux sont ainsi un symbole de mort. C’est donc Jésus, dans sa mort, qui nous est rappelé « toutes les fois » que nous buvons la coupe ; c’est Lui, nous aimant d’un amour plus fort que la mort, descendant dans la mort pour nous. « Toutes les fois », ne prenons donc jamais cette coupe avec un cœur distrait, occupé au dehors : « En mémoire de moi, toutes les fois », voilà ce que Jésus nous dit. Son souvenir, dans sa mort pour nous, est lié au pain chaque fois que nous le rompons et mangeons, à la coupe, chaque fois que nous la portons à nos lèvres.
Mais ce n’est pas seulement le passé qui est devant nous dans la cène. Nous la célébrons actuellement au milieu du « présent siècle mauvais ». Et c’est là que, par la cène, nous annonçons la mort du Seigneur. Chaque fois que nous mangeons le pain et buvons la coupe, nous proclamons au milieu du monde ce fait inouï : la mort du Seigneur. Quelle association de paroles ! Le Seigneur a été mort. Nous nous en souvenons avec adoration, avec actions de grâces et louanges, avec un cœur qui s’incline devant un amour si grand, car nous savons qu’il est mort pour nous, et nous connaissons la grâce qu’ainsi il nous a acquise, et la place que sa mort nous donne. Mais nous l’annonçons cette mort du Seigneur. Où et à qui ? Au milieu de ce monde qui a haï, rejeté et crucifié Christ, le Seigneur. Si sa mort nous dit son amour et nous parle de paix, pour le monde c’est le jugement et la condamnation (Jean 12:31 ; 15:18 ; 16:8). Et quel est l’effet pour nous de cette mort à l’égard du monde ? Elle nous en sépare ; elle a creusé un abîme entre nous et lui. Jésus ne s’est-il pas donné pour nous retirer de ce présent siècle mauvais ? (Gal. 1:4). Nous ne sommes pas du monde, comme Lui n’en était pas ; nous sommes de Dieu et le monde entier gît dans le méchant (Jean 17:14-16 ; 1 Jean 5:19). La table dressée proclame à travers les siècles que le Seigneur, venu dans ce monde, y a été mis à mort. Quelle alliance, quelle communauté de vues, de pensées, d’intérêts, pourrions-nous avoir avec un tel monde ? Mais il est vrai qu’au milieu de ce monde, nous annonçons aux pécheurs que c’est par cette mort du Seigneur qu’ils peuvent être réconciliés avec Dieu, et ainsi échapper au jugement qui va fondre sur le monde. Fait béni, œuvre précieuse, message d’amour !
Mais à la pensée du passé et du présent, l’apôtre joint celle de l’avenir. « Toutes les fois... vous annoncez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne ». C’est donc une institution permanente. Elle dure aussi longtemps que l’Église est sur la terre. Mais l’Église attend ; elle a une espérance ; elle sait que Christ qui l’a aimée et s’est livré lui-même pour elle, qui la sanctifie, la purifiant par le lavage d’eau par la parole, qui la chérit et la nourrit, veut un jour se la présenter à Lui-même, glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable (Éph. 5:25-29). Elle sait que les noces de l’Agneau seront une fois célébrées dans le ciel, et elle attend ce moment où il viendra. Elle sait que ce moment est proche, car il a dit : « Je viens bientôt », et « jusqu’à ce qu’il vienne », regardant en haut vers Lui, elle se souvient de Lui que le monde a rejeté, et prend dans le monde la place qu’y a eue son Seigneur, celle de l’opprobre. Quelle part pourrait avoir l’Épouse avec le monde qui a crucifié Christ ! Elle attend, séparée de tout, le moment de le voir, en se rappelant son amour.
Est-ce ainsi, chers amis, que nous rompons le pain et buvons la coupe ? Ces saintes réalités sont-elles alors présentes à notre cœur ? Avons-nous bien saisi combien il est précieux au cœur de Jésus que nous nous souvenions de Lui ? Comment venons-nous à la table du Seigneur ? Est-ce dans cette réelle séparation du monde ? Y venons-nous le premier jour de la semaine avec nos soucis, nos préoccupations, nos mesquines pensées, ou bien avec le cœur rempli de Lui qui se trouve au milieu de nous, et que sa table rappelle à nos affections ? Venons-nous pour recevoir quelque bénédiction, ou bien avec une âme débordant d’actions de grâces ? Ah ! sans doute nous ne pouvons penser à Jésus, nous souvenir de Lui, sans que notre cœur brûle au dedans de nous, et ainsi nous recevons de Lui, car son cœur en s’épanchant se donne à nous. Mais c’est le nôtre aussi qui s’épanche en louanges, et ainsi il y a une sainte réciprocité, et Jésus tient à cet épanchement de nos âmes :
Culte béni d’un cœur qui t’aime,
Encens dont le ciel est rempli,
Gardé pour le moment suprême
De ton sacrifice accompli.
Puissions-nous, chaque premier jour de la semaine, quand nous sommes réunis pour rompre le pain, goûter ce que son amour a mis là pour nous, en attendant qu’il vienne et qu’autour de Lui, l’Agneau immolé, nous disions : « Tu es digne » et « à Celui qui nous aime, et qui nous a lavés de nos péchés dans son sang... à lui la gloire. Amen ».
Nous trouvons dans les Actes deux passages où il est fait mention de la fraction du pain. L’un est au chap. 2, l’autre au ch. 20. Dans l’un, comme dans l’autre, nous voyons que, dès que les premières assemblées eurent été formées, soit parmi les Juifs, soit parmi les gentils, la fraction du pain, la commémoration de la mort du Seigneur, a occupé, dans le rassemblement des saints, la place proéminente qu’elle doit y avoir. Ils avaient bien saisi la pensée du Seigneur, le désir de son cœur. C’était pour la fraction du pain que les disciples se réunissaient (20:7). À Jérusalem ils persévéraient en cela, en même temps que dans la doctrine, et la communion des apôtres, et les prières. On pourrait peut-être même conclure du chap. 2, v. 46, qu’ils rompaient le pain chaque jour.
Mais le second passage (20:7) nous enseigne quelque chose de plus. Nous y apprenons en quel jour, dans les assemblées des chrétiens tirés des nations, on se rassemblait pour la fraction du pain, et cela, je n’en doute pas, selon les directions de l’Esprit de Dieu. Aucun commandement formel ne nous est donné ; cela ne conviendrait pas à l’économie du ministère de l’Esprit. Mais en plusieurs endroits de la Parole, nous voyons le premier jour de la semaine occuper une place à part (comp. 1 Cor. 16:1, 2 ; Jean 20:19, 26 ; Apoc. 1:10). Il est intéressant et instructif de remarquer la liaison qui existe entre la célébration de la cène et ce premier jour. La cène rappelle la mort du Seigneur qui eut lieu le vendredi. L’homme aurait pu croire que c’était là le jour convenable pour la commémoration de cette mort. Mais les pensées de Dieu ne sont pas celles de l’homme. Le vendredi était le jour de l’homme, du triomphe apparent de la puissance des ténèbres qui avait fait disparaître du monde Celui qui en était la lumière. Le dimanche, le premier jour de la semaine, est le jour du Seigneur. Il rappelle sa puissance en résurrection. C’est le jour de son triomphe sur Satan et la mort ; le commencement du jour éternel. C’est le jour où, ressuscité, il se trouve pour la première fois au milieu des siens assemblés après le message confié à Marie de Magdala. Ne convenait-il pas qu’en ce jour son souper, la cène du Seigneur, fût offert à ses bien-aimés ? Nous nous rappelons ensemble de Christ qui a été mort, mais qui maintenant est vivant aux siècles des siècles, et qui, nous ayant rachetés par sa mort, nous a amenés avec Lui sur le terrain d’une nouvelle création, de sa vie de résurrection. La cène rappelle sa mort, le jour de sa célébration rappelle sa vie.
Ces dernières lignes ne sont nullement écrites pour blâmer les frères qui, en certaines occasions où ils sont rassemblés, rompent le pain un autre jour que le premier de la semaine, toutefois nous pensons que c’est une chose à peser devant le Seigneur.
Dans les pages précédentes, on a exposé ce qui concerne la Table du Seigneur et la Cène du Seigneur. Il y est traité de l’institution de la cène, de sa signification et des enseignements que nous donnent et la table et la cène, et du privilège qu’ont les rachetés, membres du corps de Christ, d’y avoir leur place et d’y participer. C’est essentiellement le côté de la grâce qui a ainsi été présenté aux lecteurs.
Mais il y a un autre point à considérer, c’est celui de la responsabilité qui se rattache à la jouissance de ce précieux privilège. Il est nécessaire d’en dire quelques mots, et en même temps de chercher à éclairer les âmes qui nourriraient de fausses idées, à rassurer des cœurs timorés, et à exhorter et avertir ceux qui seraient insouciants ou négligents à l’égard de la cène du Seigneur.
L’apôtre s’adresse à « l’assemblée de Dieu qui est à Corinthe, aux sanctifiés dans le Christ Jésus ». La cène est instituée, la table est dressée, dans l’Assemblée de Dieu, pour les rachetés de Christ, pour les membres de son corps. C’est une grâce, un privilège appartenant à chacun d’eux, et auquel chacun doit tenir, parce que le Seigneur lui-même y tient. Il y a là une expression de son amour à laquelle aucun cœur qui Le connaît ne peut ni ne doit rester indifférent, et qui doit le presser de ne manquer aucune occasion d’y répondre, en se trouvant chaque premier jour de la semaine à la table du Seigneur pour se souvenir de Lui et annoncer « sa mort jusqu’à ce qu’il vienne ». Il peut y avoir des cas où il soit impossible de se trouver, bien qu’on le désire et que l’on en sente la privation, avec ceux qui sont rassemblés au nom du Seigneur dans ce but : ces circonstances particulières, il les connaît, Lui qui les permet. Mais si, sans raisons valables, sans empêchement réel, on reste absent de la table du Seigneur, on contriste son cœur, on n’honore pas son nom, et on manifeste peu d’activité de vie spirituelle. Chez l’ancien peuple de Dieu, tous devaient célébrer la Pâque : « Toute l’assemblée d’Israël la fera », est-il dit (Exode 12:47). Et nul ne pouvait s’en abstenir sans châtiment (Nombres 9:13). Le châtiment pour les saints aujourd’hui ne sera pas de même nature, sans doute, mais la perte que fait l’âme par le déplaisir causé au Seigneur, n’en est-il pas un ?
Il y a malheureusement dans les cœurs de plusieurs, comme une certaine légèreté, une sorte d’indifférence à l’égard de la participation à la table du Seigneur, qui montre qu’on ne l’apprécie pas comme elle devrait l’être. On se laisse parfois trop aisément arrêter de se rendre au rassemblement des saints par des circonstances en réalité de peu de valeur, et dont l’importance disparaîtrait, s’il y avait un peu plus de chaleur de cœur pour Jésus. Combien l’on devrait être heureux de venir Le rencontrer à ce rendez-vous qu’il nous donne à sa table ! Mais il y a des affaires de ménage, l’amour de ses aises, le mauvais temps, etc., et l’on reste chez soi. S’il s’agissait d’intérêts terrestres, chers amis, vous laisseriez-vous si aisément arrêter ? Ne sauriez-vous pas alors remettre à un autre moment vos arrangements intérieurs, secouer votre paresse, braver le mauvais temps, de peur de nuire à ces intérêts d’un jour ? Et vous ne craignez pas de nuire à votre âme en négligeant Christ ?
Chez d’autres personnes, cette négligence n’existe pas ; au contraire. Elles ont un cœur sincèrement désireux de plaire au Seigneur, mais il y a de l’ignorance, de fausses idées quant à la cène, et un manque d’affranchissement qui les retient parfois loin de la table du Seigneur. Elles voient dans la cène quelque chose de redoutable, un je ne sais quoi de mystérieux qui les fait trembler, au lieu de considérer que, dans la cène, nous avons l’expression de l’amour parfait (le Christ se donnant pour nous et à nous. Elles se replient sur elles-mêmes, voient leur indignité, se rappellent leurs fautes commises, sentent la mauvaise nature en elles, et pensent qu’avant d’oser approcher de la table, il faut être meilleures qu’elles ne se sentent, et elles s’abstiennent. Elles veulent être en bon état d’âme pour prendre part à la fraction du pain et à la coupe. Elles regardent à elles-mêmes et non à Christ. Leurs scrupules sont respectables, mais il est à craindre que, tout en croyant en Christ comme leur Sauveur, elles ignorent la grâce dans laquelle Dieu les a placées en vertu de l’œuvre de Christ, la position parfaite du croyant devant Dieu dans le Bien-aimé, leur mort et leur résurrection avec Christ, et par conséquent, que c’en est fait du vieil homme qui a été jugé et a pris fin à la croix de Christ. Sans doute, nous avons à nous juger, comme nous le verrons, mais non à nous éloigner de la table du Seigneur, où il nous convie lui-même, où il nous rappelle ce qu’il a souffert, et ce qu’il a accompli pour nous, afin de nous purifier de nos iniquités et de nous donner un libre accès auprès de Dieu, et par conséquent la cène nous dit : Tes péchés ne sont plus ; approche-toi et jouis de ton Sauveur.
Ce n’est pas cependant que nous devions considérer la cène comme un moyen de grâce, comme l’on dit. Il en est qui la regardent comme devant nous rapprocher de Dieu, mais c’est parce que nous avons été et que nous sommes rapprochés de Lui par le sang de Jésus, que nous venons et prenons part à ce qui nous rappelle son sacrifice. D’autres cherchent à y trouver l’assurance du pardon de leurs péchés, la paix et le repos ; mais s’il est vrai qu’ils sont des rachetés du Seigneur, ils ont la paix par Jésus ; Dieu les a pardonnés. Ce n’est pas dans la cène que l’on trouve pardon, paix et vie, mais en Christ, et les possédant, on vient à sa table pour lui en rendre grâces.
On entend dire : « Je ne trouve aucune édification spéciale dans le rassemblement pour prendre la cène. Je suis aussi heureux en lisant ma Bible à la maison, et je me trouve là dans la communion du Seigneur ». Ou bien on préfère d’autres réunions que celles où l’on est rassemblé, comme autrefois les disciples à Troas, pour la fraction du pain. C’est tenir bien peu de compte du désir qu’exprime le cœur du Seigneur lorsqu’il dit : « Faites ceci en mémoire de moi ». Sans doute, nous avons à nous souvenir de Lui en tout temps ; sa pensée ne devrait jamais être absente de nos cœurs ; mais n’est-ce donc rien que de nous trouver ensemble, anticipant le moment où nous entourerons le trône de l’Agneau qui a été immolé, réunis maintenant autour de sa table, devant les signes qui nous rappellent son corps meurtri, son sang versé pour nous, l’adorant et faisant monter vers Lui nos louanges et nos actions de grâces ? Où est le culte, chers amis, le vrai culte, si ce n’est autour de la table du Seigneur ?
On trouve aussi des personnes qui s’abstiennent de la cène du Seigneur, parce qu’elles voient, ou ont cru voir, chez d’autres, des fautes, des manquements non reconnus, et souvent des torts envers elles. Au lieu de s’abstenir du privilège précieux de rappeler la mort du Seigneur, l’Écriture ne nous enseigne-t-elle pas ce que nous avons à faire dans des cas semblables ? D’abord, aussi longtemps que l’assemblée qui a à cœur la gloire du Seigneur et la sainteté de sa table, n’a pas été obligée d’exclure une personne, j’ai à la supporter avec tous ses défauts et ses torts réels ou prétendus envers moi. Je suis en communion avec l’assemblée. Souvenons-nous de la parole du Seigneur : « Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés », et de ce que dit l’apôtre : « Qui es-tu, toi, qui juges le domestique d’autrui ? Il se tient debout ou il tombe pour son propre maître ». Et ensuite, quelle est la marche à suivre, si réellement nous voyons des fautes manifestes ? Aux Galates, Paul écrit : « Frères, quand même un homme s’est laissé surprendre par quelque faute, vous qui êtes spirituels, redressez un tel homme dans un esprit de douceur, prenant garde à toi-même, de peur que toi aussi tu ne sois tenté » (Gal. 6:1). Que dit le Seigneur : « Si moi, le Seigneur et le Maître, j’ai lavé vos pieds, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres » (Jean 13:14). Paul nous donne de cela un bel exemple, lorsqu’il dit : « Je supplie Évodie, et je supplie Syntyche, d’avoir une même pensée dans le Seigneur » (Phil. 4:2). Il y avait entre elles un dissentiment qui eût pu avoir des suites fâcheuses ; Paul, avec humilité et douceur, tourne leurs regards vers le Seigneur, près duquel tout dissentiment disparaît, et où l’on se pardonne l’un à l’autre, comme Christ nous a pardonné (Col. 3:13). Et enfin, si vous estimez que votre frère, ou votre sœur, a péché contre vous, que dit Jésus ? « Va, reprends-le, entre toi et lui seul ; s’il t’écoute, tu as gagné ton frère ; mais s’il ne t’écoute pas, prends avec toi encore une ou deux personnes, afin que par la bouche de deux ou de trois témoins, toute parole soit établie. Et s’il ne veut pas les écouter, dis-le à l’assemblée » (Matth. 18:15-17). Tels sont les préceptes de la Parole que nous avons à suivre, au lieu de nous abstenir de la cène, où l’on est en communion avec l’assemblée. C’est Elle ou soi-même que l’on juge en s’abstenant de la cène. Combien il serait à désirer que l’on n’apportât à la table du Seigneur aucun sentiment d’aigreur, de rancune, aucune mauvaise pensée à l’égard les uns des autres, ce qui est une gêne dans l’assemblée, mais au contraire que l’on y vînt avec rien d’autre que des entrailles de miséricorde, de bonté, de douceur.
Tout cela étant posé quant à ceux qui, pour un motif ou un autre, se privent de la jouissance et du privilège d’annoncer la mort du Seigneur, et sont responsables à cet égard, entrons dans l’examen du passage de 1 Corinthiens 11:26-34. L’apôtre vient de dire : « Toutes les fois que vous mangez ce pain et que vous buvez la coupe, vous annoncez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». Et il ajoute : « Ainsi, quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement, sera coupable à l’égard du corps et du sang du Seigneur ». Nous avons vu que, dans la cène du Seigneur, la coupe de bénédiction que nous bénissons est la communion du sang du Christ, et le pain que nous rompons, la communion de son corps, et que nous, qui sommes plusieurs à participer à la cène, nous sommes un seul pain, un seul corps. À tous ceux donc qui sont rachetés par le sang de Christ et membres de son corps, il appartient de s’asseoir à la table du Seigneur et à eux seuls. Comment un incrédule, un déiste, un arien, un mondain, y aurait-il sa place ? En venant à cette table, en rompant le pain et en buvant la coupe, j’annonce la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. Je professe donc que je suis sauvé par son sang, par sa mort ; et de plus que je suis membre de son corps. Je professe croire à cette mort du Seigneur et être uni à Lui dans la mort, et ainsi séparé du monde qui l’a crucifié. Si toutes ces choses ne sont pas pour moi des réalités vivantes, et que je prétende avoir ma place à la table du Seigneur, que suis-je, sinon un menteur et un hypocrite ? C’est manger et boire indignement, c’est manger et boire un jugement contre soi-même, en ne discernant pas le corps du Seigneur, c’est manquer de respect à ce qu’il y a de plus sacré, c’est le profaner ; c’est se rendre coupable à l’égard du corps et du sang du Seigneur. Quelle terrible responsabilité !
Ce que nous venons de dire ne doit pas avoir pour effet de jeter du trouble dans des âmes craintives, qui penseraient n’avoir pas saisi suffisamment les vérités divines que la cène rappelle, ou qui n’éprouveraient pas à un assez haut degré les sentiments que ces vérités sont appelées à produire dans le cœur. Il ne s’agit ni de connaissance de l’intelligence, ni de sentiments, il s’agit de Christ. As-tu trouvé en lui ton Sauveur ? Te reposes-tu avec confiance sur son sang versé pour expier tes péchés, sur son sacrifice parfait qui a pleinement satisfait Dieu ? Crois-tu à cet amour de Christ qui surpasse toute connaissance et qui est venu te chercher et te sauver, et qui maintenant s’exerce constamment pour toi ? Contemples-tu avec bonheur le Seigneur mort pour toi, et désires-tu le connaître toujours mieux pour le mieux servir ? Alors, si faible et si indigne que tu te saches et que tu te sentes, viens, prends ta place avec ceux qui annoncent la mort du Seigneur en attendant qu’il vienne ; approche, et bénissons-le, et louons-le, et adorons-le ensemble. Certes, nous avons à nous éprouver nous-mêmes, et à nous juger nous-mêmes, mais ensuite, loin de nous écarter, suivons la bénie exhortation de l’apôtre : « Et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe ».
En second lieu — et ici je parle de ceux qui professent être chrétiens et qui peut-être le sont réellement — il est évident qu’un pécheur scandaleux, quelqu’un qui est tombé dans le péché, ou qui vit d’une vie de péché, ne saurait avoir sa place à la table du Seigneur. Si son péché ou son état de péché est découvert — et tôt ou tard, il le sera — le commandement du Seigneur est positif : « Ôtez le méchant du milieu de vous-mêmes » (1 Cor. 5:13). Sa présence souillerait la table du Seigneur, associerait celle-ci au péché, jetterait le blâme et l’opprobre sur le nom de Christ. S’il réussit pour un temps à cacher à l’assemblée la connaissance de ce qu’il est, croit-il échapper aux regards de Celui dont les yeux sont comme une flamme de feu ? Qu’il sache qu’en attendant d’être dévoilé, il assume sur lui-même la plus terrible des responsabilités : il mange le pain et boit la coupe indignement ; il est coupable — et combien coupable ! — du corps et du sang du Seigneur ; il mange et boit un jugement contre lui-même, et combien terrible sera ce jugement, s’il ne se juge pas lui-même et ne se repent point !
Examinons brièvement le passage des Corinthiens qui a suggéré ces réflexions. Il s’agit d’une assemblée chrétienne et de ce qui s’y passait à l’égard de la cène. L’apôtre Paul, dans son long séjour à Corinthe, avait enseigné à ces chrétiens ce que lui-même avait reçu du Seigneur touchant le mémorial de sa mort. Les Corinthiens semblaient avoir oublié ce qu’il leur avait dit, et des abus grossiers s’étaient introduits dans la célébration du souper du Seigneur, et lui avaient fait perdre son caractère. De là les enseignements, les avertissements et les exhortations de l’apôtre à ce sujet. Dans d’autres assemblées, et particulièrement de nos jours, les faits peuvent différer, mais les principes restent les mêmes ; les avertissements et les exhortations ont donc leur valeur pour nous. La solennité et l’importance de l’acte par lequel nous rappelons la mort du Seigneur, son dévouement pour la gloire de Dieu et notre salut, son amour pour les siens, ressortent des paroles qu’emploie l’apôtre dans ses avertissements. On peut manger le pain ou boire la coupe du Seigneur « indignement ». On est ainsi « coupable à l’égard du corps et du sang du Seigneur », qui sont méconnus et méprisés. On « mange et on boit un jugement contre soi-même ». Certes, cela est bien propre à faire naître de sérieuses réflexions. De plus, prendre la cène indignement avait des conséquences fatales, et les Corinthiens les subissaient.
Ayant perdu de vue ce que Paul leur avait enseigné, et sans doute sous l’influence de leurs anciennes coutumes païennes, ils en étaient venus à faire de la cène un repas ordinaire pris en commun, lorsqu’ils se réunissaient en assemblée. À ce repas, qui avait plutôt le caractère d’une agape, ils apportaient des sentiments d’égoïsme et d’orgueil, n’ayant point égard aux pauvres. Au lieu de s’attendre pour exprimer leur communion, les premiers arrivés s’empressaient de manger, sans s’inquiéter de ceux qui avaient faim. De plus, ils se livraient à des excès dans le boire, allant jusqu’à s’enivrer, et méprisant et profanant ainsi le caractère saint et pur de l’assemblée de Dieu. Agir de cette manière était manger et boire indignement, car c’était ravaler les choses saintes destinées à attirer les regards de l’âme en dehors des choses terrestres et à les fixer sur le Seigneur, et les mettre au rang de la satisfaction des besoins naturels du corps et même des convoitises. Ils ne discernaient donc pas le corps, c’est-à-dire qu’ils ne distinguaient pas la différence qu’il y avait entre ce qui représentait le corps du Seigneur et un repas ordinaire ; ils ne voyaient pas ce qui est le fond et le caractère de la cène — la mort du Seigneur — et la conséquence en était que « coupables » à l’égard du corps et du sang du Seigneur, ils tombaient sous l’effet d’un jugement de Dieu qui les atteignait dans leur corps. C’était un jugement temporel : plusieurs étaient faibles et malades, et quelques-uns morts. Le Seigneur les châtiait ainsi, afin qu’ils ne fussent pas condamnés avec le monde. « C’était l’acte du gouvernement de Dieu, dont l’autorité est confiée aux mains du Seigneur qui juge sa propre maison ».
C’était pour ceux que ce jugement atteignait une perte évidente — être mis ainsi de côté à cause d’une marche qui était contraire à la sainteté que requiert le Seigneur à sa table, et qui profanait ce qui le rappelait au cœur.
Cherchons maintenant à appliquer à nos circonstances actuelles, l’enseignement de l’apôtre. Parmi nous, la cène ne vient pas à la suite d’un repas ordinaire. Nous la célébrons, extérieurement du moins, avec toute la simplicité qu’elle requiert. Il n’y a pas lieu d’y satisfaire son appétit, ni de s’y enivrer. Mais on peut cependant y apporter une disposition d’esprit et de cœur telle qu’elle ne différera pas d’un repas ordinaire aux yeux du Seigneur. On viendra souvent par routine et sans le sentiment du sérieux et de la solennité de cet acte, sans s’être jugé soi-même : c’est une légèreté coupable. Ici, nous citerons les paroles d’un autre : C’est de la mort d’un Christ livré, que nous nous souvenons. Le corps offert était, pour ainsi dire, devant leurs yeux. Le sang versé du Sauveur réclamait les affections de leurs cœurs. S’ils prenaient part à la cène d’une manière indigne, ils étaient coupables du mépris de ces choses précieuses. Dans cette ordonnance, le Seigneur lui-même, de la manière la plus touchante et au moment même où il était trahi, a arrêté nos pensées sur son corps offert et sur son sang versé pour nous. Mais si Christ attirait ainsi le cœur pour fixer son attention sur ces faits, la discipline s’exerçait aussi d’une manière solennelle en rapport avec cette ordonnance. Le châtiment tombait sur ceux qui méprisaient le corps rompu et le sang du Seigneur, en y prenant part avec légèreté. Ainsi, plusieurs d’entre eux étaient devenus faibles et malades, et plusieurs dormaient, c’est-à-dire étaient morts.
Il ne s’agit pas de s’enquérir si l’on est digne de participer à la cène. Il est dit : « que chacun s’éprouve soi même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe » ; ce qui est blâmé, c’est qu’on y participe d’une manière indigne. Tout chrétien, à moins d’un péché qui l’exclue, est digne de participer à la cène, parce qu’il est chrétien. Mais un chrétien peut venir par habitude, parce que la chose est établie ainsi, comme il viendrait à une de ses occupations journalières, à ses repas, par exemple. « Il peut arriver qu’un chrétien vienne sans se juger lui-même, ou sans apprécier comme il le devrait ce que la cène lui rappelle, et ce que Christ y a rattaché. Il n’a pas discerné le corps du Seigneur ; et il n’a pas discerné et n’a pas jugé le mal qui est en lui. Dieu ne peut pas nous laisser dans cette insouciance. Si le croyant se juge lui-même, le Seigneur ne le jugera pas ; si nous ne nous jugeons pas nous-mêmes, le Seigneur juge ; mais lorsque le chrétien est jugé, il est châtié par le Seigneur, afin qu’il ne soit pas condamné avec le monde ».
Combien tout cela est sérieux ! En sommes-nous suffisamment pénétrés ? Plus ces choses sont précieuses, plus le privilège d’y participer est grand, plus est intime et profonde la jouissance qu’elles procurent, plus aussi est grande la responsabilité de ceux qui y prennent part, et si c’est indignement, comment le gouvernement de Dieu ne s’exercera-t-il pas à l’égard de ceux qui méprisent et traitent légèrement ce qui, dans la personne de Jésus, l’a le plus glorifié, et par conséquent ce à quoi il tient ?
Citons encore quelques paroles : « Le gouvernement de Dieu est dans les mains du Seigneur qui juge sa propre maison : vérité importante et trop oubliée. Nul doute que le résultat de tout soit selon les conseils de Dieu, qui déploie dans ce gouvernement toute sa sagesse, sa patience, et la justice de ses voies ; mais ce gouvernement est réel. Dieu veut le bien de son peuple à la fin, mais il veut sa sainteté, un cœur dont l’état réponde à ce qu’il a révélé (et il s’est révélé lui-même), et une marche qui en soit l’expression. L’état normal du chrétien, c’est la communion avec Dieu selon la puissance de ce qui a été révélé. Si l’on manque à cela, la communion est perdue, et avec elle la puissance pour glorifier Dieu, puissance qui ne se trouve nulle part ailleurs ». N’est-il pas évident que s’approcher de la cène avec insouciance, légèreté, sans s’être jugé, par habitude, sans discerner et apprécier ce qu’elle nous rappelle, c’est y venir en dehors de la communion avec Dieu qui prend ses délices en son Fils, que nous oublions en agissant ainsi ? Quelle force spirituelle aurons-nous pour marcher dans la sainteté, pour glorifier Dieu qui nous appelle à son propre royaume et à sa propre gloire ? Nous serons, au point de vue spirituel, faibles, malades, et même morts, sans énergie pour rendre témoignage à Christ dans le monde, n’annonçant pas la mort du Seigneur. « Mais, dit l’auteur que nous citons, « si l’on se juge, il y a restauration, le cœur étant purifié du mal en jugeant ce mal ; la communion est rétablie », et avec elle la force pour marcher selon Dieu, et la puissance pour jouir de ce qu’il nous présente en Christ. « Si l’on ne se juge pas, il faut que Dieu intervienne. et qu’il nous corrige et nous purifie par la discipline, discipline qui peut aller jusqu’à la mort » (voyez Job 33, 34 ; 1 Jean 5:16 ; Jacq. 5:14, 15).
Ajoutons encore ces quelques réflexions :
« Ce que nous avons à faire en venant à la cène, n’est pas seulement de juger un mal commis, mais de discerner notre état tel qu’il est manifesté dans la lumière — comme Dieu est dans la lumière — et de marcher dans la lumière. Cela nous préserve de tomber dans le mal, soit en actes, soit en pensée. Mais si nous y sommes tombés, il ne suffit pas de juger l’acte, il faut nous juger nous-mêmes, et l’état du cœur, la tendance, la négligence, qui ont occasionné notre chute dans le mal, en un mot, il nous faut juger ce qui n’est pas communion avec Dieu, ou qui empêche cette communion ».
Faisons encore attention aux remarques suivantes : « Le fondement et le centre de tout cela est la position dans laquelle nous sommes envers Christ dans la cène, comme centre visible de communion et expression de sa mort dans laquelle le péché, tout péché, a été jugé. Or nous sommes en rapport avec ce saint jugement : il est notre portion. On ne peut pas mêler la mort de Christ avec le péché. Elle est, quant à sa nature et à son efficace, dont le plein résultat sera manifesté à la fin, l’entière abolition du péché. Elle est la négation divine du péché. Christ « est mort au péché », et cela en amour pour nous. Cette mort est la sainteté absolue de Dieu qui nous est rendue sensible et est exprimée dans ce qui a eu lieu à l’égard du péché. Elle est, sous ce rapport, le dévouement absolu à Dieu pour sa gloire. Apporter le péché ou la négligence dans ce qui la représente, c’est profaner la mort de Christ, qui est mort plutôt que de laisser le péché subsister devant Dieu. Nous ne pouvons être condamnés avec le monde, parce que Christ est mort et qu’il a aboli le péché pour nous, mais apporter le péché à ce qui représente la mort même de Christ, dans laquelle il a souffert pour le péché, est une chose qui ne peut être supportée. Dieu revendique ce qui est dû à la sainteté et à l’amour d’un Christ qui a laissé sa vie pour ôter le péché. On ne peut pas dire : « Je ne viendrai pas à la table », ce serait accepter le péché et abandonner la confession de la valeur de cette mort. Nous nous éprouvons nous-mêmes, et nous venons. Nous rétablissons dans notre conscience les droits de sa mort, car tout est pardonné et expié quant à la culpabilité, et nous venons reconnaître ces droits comme preuve de la grâce infinie.
» Le monde est condamné. Le péché chez le chrétien est jugé ; il n’échappe ni à l’œil, ni au jugement de Dieu. Dieu ne permet jamais le péché ; il en purifie le croyant en le châtiant, quoiqu’il ne le condamne pas, parce que Christ a porté son péché.
» Ainsi, la mort de Christ forme le centre de communion dans l’Assemblée, et elle est la pierre de touche de la conscience, et, pour ce qui regarde l’Assemblée, c’est dans la cène que se trouve l’application de cette vérité ».
Puisse chacun de ceux qui, assemblés au nom de Jésus, ont le privilège, chaque premier jour de la semaine, de rappeler la mort du Seigneur, être pénétré de la grandeur de son amour, apprécier toujours plus sa Personne et son œuvre, et se souvenir en même temps, pour jouir pleinement de sa communion que nous sommes à la table de Celui qui est le Saint et le Véritable.