[ Page principale | Nouveautés | La Bible | la Foi | Plan des sujets | Études AT | Études NT | Index auteurs + ouvrages + sujets ]
L’ÉGLISE : UNE ESQUISSE DE SON HISTOIRE PENDANT VINGT SIÈCLES
Adrien Ladrierre
Table des matières abrégée :
2 Les premiers siècles — Les temps apostoliques (1° siècle)
3 Les premiers siècles — L’ère des persécutions
4 Les premiers siècles — L’incorporation au monde
5 L’Église au Moyen Âge — Croissance de la chrétienté
6 L’Église Romaine et sa Domination
7 Les Témoins de la vérité pendant les siècles de ténèbres
8 La Réforme dans les pays de langue Allemande
9 La Réforme dans les pays de langue Française
11 La Réforme dans les autres pays d’Europe
12 L’Église au 19° siècle et dans le premier tiers du 20° siècle
13 Quelques aspects de la chrétienté du Réveil au premier tiers du 20° siècle
14 Quelques documents relatifs aux débuts des « Frères »
15 Appendice — Bref regard sur la chrétienté actuelle
Table des matières complète :
2 Les premiers siècles — Les temps apostoliques (1° siècle)
2.3 Les premières prédications
2.4 Les premières persécutions
2.5 La vie des premiers chrétiens
2.6 La première introduction du mal
2.8 La première persécution — L’Assemblée s’étend hors de Jérusalem
2.9 Le grand persécuteur devenu l’apôtre des nations — Histoire de Saul de Tarse
2.11 Pierre ouvre aux nations la porte du royaume des cieux — Histoire de Corneille
2.12 Pierre retourne à Jérusalem — Son emprisonnement et sa délivrance
2.13 Les premiers missionnaires parmi les païens — Antioche
2.14 Le premier voyage missionnaire de Paul
2.14.1 Le séjour de l’apôtre Paul à Chypre
2.14.2 Prédication à Antioche de Pisidie
2.14.3 Évangélisation à Iconium, Lystre et Derbe
2.15 Les croyants d’entre les nations ne sont pas astreints à observer la loi de Moïse
2.16 Second et troisième voyage missionnaires de Paul
2.16.1 L’évangile porté en Europe
2.16.2 Travaux de Paul à Philippes — Histoire de Lydie
2.16.3 Travaux de Paul à Philippe — Conversion du geôlier
2.16.4 Travaux de Paul à Thessalonique et Bérée
2.16.7 Travaux de Paul à Éphèse
2.16.8 L’émeute populaire à Éphèse — La fraction du pain
2.16.9 Les adieux de Paul à l’Assemblée d’Éphèse
2.17 Paul, prisonnier, est envoyé à Rome
2.18 La fin des apôtres Paul et Pierre
2.19 La première persécution générale des chrétiens
2.20 La destruction de Jérusalem
2.22 Jean, le disciple Bien-aimé
2.23 Les épîtres du Seigneur aux Sept Assemblées d’Asie
2.23.1 La personne du Seigneur
2.23.2 Éphèse, Smyrne et Pergame
3 Les premiers siècles — L’ère des persécutions
3.1 Les chrétiens sous Trajan — Lettres de Pline et de Trajan (103-107)
3.4 La persécution en Asie mineure et le martyre de Polycarpe
3.5 Les martyrs de Lyon et de Vienne vers l’an 177
3.6 Les martyrs de Carthage vers l’an 202
3.7 Répit dans les persécutions
3.9 Persécution sous Valérien — Martyre de Cyprien
3.10 La dernière grande persécution sous Dioclétien
3.11 Les apologies du Christianisme
3.12 Attaques contre le christianisme
3.12.1 Attaques contre le christianisme venues du dehors
3.12.2 Attaques contre le christianisme venues du dedans
3.14 Propagation du christianisme
3.15 Le culte chez les chrétiens durant l’ère des persécutions
3.16 Comment on était reçu au nombre des fidèles
3.17 Le gouvernement de l’Église
4 Les premiers siècles — L’incorporation au monde
4.1 L’Église s’associe au monde sous Constantin
4.2 Arius et le Concile de Nicée
5 L’Église au Moyen Âge — Croissance de la chrétienté
5.1 L’origine et les commencements de la vie monacale
5.2 Ambroise, Évêque de Milan (374 à 397)
5.3 Jean Chrysostôme et son temps (De l’an 347 à 407)
5.4 Quelques hommes remarquables de l’Église d’Orient
5.5 Quelques hommes remarquables de l’Église d’Occident
5.6 Le pape Léon Ier, dit le Grand (440 à 461)
5.7 Le christianisme introduit en Écosse et en Irlande
5.9 La mission d’Augustin en Angleterre et ses suites
5.10 Rome triomphe en Angleterre
5.11 Nestorius et les Nestoriens
5.12 Eutychès et les Arméniens
5.13 Diverses formes religieuses
6 L’Église Romaine et sa Domination
6.3.1 Les sacrements dans ‘Église Romaine
6.3.2 La Confirmation et la Pénitence
6.3.3 L’Eucharistie (la Cène), la Messe, le saint sacrement, la transubstantiation
6.3.4 L’Extrême-Onction, l’Ordre et le Mariage
6.3.7 Les reliques et le culte des images
7 Les Témoins de la vérité pendant les siècles de ténèbres
7.1 Les témoins de la vérité au Moyen Âge
7.3 Les Témoins de la vérité en Occident
7.3.2 Les Albigeois — Pierre de Brueys et Henri de Lausanne
7.4 Les Précurseurs de la Réformation
7.4.4 Les Indulgences en Bohême
7.4.5 Huss devant le Concile de Constance
7.4.6 Jean Huss, sa condamnation et sa mort
7.4.11 L’unité des frères à l’époque de la Réformation
7.4.12 Ruine des églises des Frères de Bohême
8 La Réforme dans les pays de langue Allemande
8.2 L’Allemagne au 17° et au 18° siècle — Les Piétistes et les Moraves
8.3 La Réforme en Suisse Allemande — Ulrich Zwingli
8.4 La Réforme dans les autres cantons de la Suisse Allemande
9 La Réforme dans les pays de langue Française
9.1 Les débuts de la Réforme en France
9.3 Les Réformés en France depuis la mort de François Ier (1547) jusqu’à l’Édit de Nantes (1598)
9.4 Les Réformés en France aux 17° et 18° siècles
9.5 La Réforme en Suisse Romande
11 La Réforme dans les autres pays d’Europe
11.1.3 Le réveil du 18° siècle. John Wesley
11.2 Dans les autres pays d’Europe
11.2.2.2 Les pays scandinaves.
12 L’Église au 19° siècle et dans le premier tiers du 20° siècle
12.1.1 Ce qui demeura méconnu par les Réformateurs
12.1.4 Les symptômes du Réveil
12.2.1 Le Retour à la foi de l’Évangile dans les pays Anglo-Saxons
12.2.2.1 À Genève — Les Amis — Les Dissidences
12.2.2.4 L’Église du Bourg de Four
12.2.2.5 César Malan et l’Église du témoignage
12.2.2.6 La Chapelle de l’Oratoire
12.2.3 Extension en Suisse Romande
12.2.3.3 Influence du Réveil sur l’Église d’État.
12.2.4.1 Les éléments préparés
12.2.4.2 Renouveau du piétisme
12.2.4.3 Les études bibliques.
12.2.4.4 Les obstacles à l’évangélisation
12.2.7.2 L’extension du Réveil suisse
12.2.7.5 Attitudes des Églises — L’hostilité
12.3 Le Réveil : L’Église selon l’Écriture
12.3.1 L’attente du retour de Christ
12.3.2 Prise de conscience de la vocation de l’Église
12.3.2.3 L’Assemblée d’Aungier Street
12.3.3.1 Caractères du mouvement
12.3.4.2 Extension en Angleterre et opposition
12.3.4.3.1 Les débuts des frères à Genève
12.3.5 Les fondements mis en cause
12.3.6 À travers les temps fâcheux
13 Quelques aspects de la chrétienté du Réveil au premier tiers du 20° siècle
13.1.1 Perte de son autorité temporelle
13.1.2 Affermissement de son pouvoir spirituel
13.2 Protestantisme et Ritualisme
13.5 Quelques rayons de lumière
13.5.4 La mission intérieure de Chine
14 Quelques documents relatifs aux débuts des « Frères »
14.1 Une lettre de J.G. Bellett sur le commencement de l’histoire des frères
14.2 Lettre du Dr. Edward Cronin (de juillet 1871)
14.3 Quelques souvenirs de J. B. Stoney
14.5 Deux lettres de J.N.D. dans les premiers temps de l’œuvre en Irlande
14.6 Lettre des frères de l’ « Église de Bourg du Four » à leurs pasteurs
14.8 À propos de la formation des Églises libres
14.9 Fragment de lettre de G.V.Wigram
14.10 Quelques lettres de la fin de J.N.D.
15 Appendice — Bref regard sur la chrétienté actuelle
15.3 Liberté religieuse et déchristianisation
15.4 Diffusion de la Bible et évangélisation
15.5 Mondanisation du christianisme
L’ouvrage dont nous présentons une édition augmentée est un ensemble composite.
La partie la plus étendue, savoir tous les chapitres qui vont jusqu’à la Réforme exclusivement, a été rédigée il y a plus d’un siècle par Adrien LADRIERRE à l’intention de la jeunesse. Le texte en parut mois par mois de 1887 à 1903 dans le périodique « La Bonne Nouvelle annoncée aux enfants » sous le titre « L’Église ou l’Assemblée, son histoire sur la terre ». L’auteur y exposait, dans un langage accessible à tous, les caractères essentiels de cette Église et retraçait quelques circonstances marquantes de sa carrière. Il n’avait nullement pour objet une étude rigoureuse, ni une relation suivie et complète : il voulait avant tout faire ressortir, au cours des siècles, la continuité de l’œuvre de Dieu en grâce, face au travail décevant des hommes. A. Ladrierre mourut en 1902, laissant cette esquisse inachevée. Ce qu’il avait publié fut édité, en trois tomes, sous le même titre que dans la Bonne Nouvelle.
Une continuation ne devait être donnée à ce travail qu’après plus de trente ans, par un quatrième tome qui parut en 1937. La Réforme avec ses suites y était traitée par le professeur Édouard RECORDON, et un important chapitre terminal, dû à Philippe TAPERNOUX, dégageait les grandes lignes depuis la fin du 18° siècle.
L’œuvre ainsi complétée fit en 1959 l’objet d’une nouvelle édition en deux volumes, sous un titre légèrement modifié : « L’Église, une esquisse de son histoire pendant vingt siècles ».
La présente édition n’apporte que peu ou pas de retouches au plus grand nombre de chapitres. On a estimé préférable de laisser à peu près intact le texte de A. Ladrierre, malgré soit des longueurs soit des lacunes auxquelles des lecteurs peuvent être sensibles : son cachet de simplicité et de ferveur, son insistance, pleine de sérieux et d’affection, sur les vérités fondamentales du christianisme, sont propres à toucher et à instruire bien d’autres que les enfants auxquels il était destiné.
Il a paru, en revanche, utile de faire du dernier chapitre une partie distincte. Tout en en respectant la structure, le fond, et une grande partie du texte, nous avons insisté un peu plus sur la grande action de réveil opérée par l’Esprit de Dieu dans la première moitié du 19° siècle et qui correspond, à n’en pas douter, au Cri de minuit de Matthieu 25.
Pas plus que dans le reste du livre on ne cherchera là une histoire au sens rigoureux du terme. Les faits en seraient, d’ailleurs, difficiles à rassembler. Du moins pourra-t-on tenir pour assuré qu’il a été fait appel au plus grand nombre possible de sources offrant les plus sérieuses garanties. Le caractère même de cet ouvrage impliquait que les références bibliographiques soient réduites à l’extrême. Les lecteurs curieux du passé regretteront de ne pas avoir plus de détails sur les ouvriers que le Seigneur employa alors, et, certes, nous avons à nous souvenir de nos conducteurs ! Mais notre but essentiel a été d’aider quiconque cherche la vérité à mieux saisir l’importance et le sens de ce que Dieu opéra par eux. Nous pensons surtout aux jeunes générations de croyants, désirant les voir prendre pleinement conscience du « témoignage de notre Seigneur » qu’à leur tour elles sont appelées à porter en attendant Sa prochaine venue. Dieu veuille bénir à cet effet ce trop succinct exposé de la façon dont nos devanciers ont été amenés à prendre la place que la Parole de Dieu leur indiquait. Quelques extraits de leurs lettres et publications, que nous donnons ensuite, permettront de prendre avec ceux du tout début un contact plus étroit que ne le feraient bien des biographies.
Pour la période tout à fait récente, on s’est borné à un bref Appendice, simple coup d’œil sur l’état de la chrétienté dans les temps où tout semble dire au fidèle : « Le Seigneur vient ».
Août 1971 André Gibert
Le Nouveau Testament nous raconte l’histoire de Celui qui vint du ciel sur la terre et fut ici-bas d’abord un petit enfant dans la faiblesse et la pauvreté, puis un homme rempli de grâce et de bonté, faisant du bien à tous, mais qui fut méconnu, méprisé, rejeté, accablé d’opprobre, et enfin cloué sur une croix où il mourut. C’était Jésus, le Fils bien-aimé de Dieu, venu pour nous sauver par ses souffrances et sa mort. Dieu le ressuscita d’entre les morts, puis il monta au ciel. Ce Jésus reviendra ; il prendra d’abord ses rachetés auprès de Lui, puis il établira son royaume sur la terre. Cette merveilleuse histoire se continue jusqu’au moment où le Seigneur Jésus remet le royaume à son Père, après que les morts ont été jugés devant le grand trône blanc. Alors il y a un nouveau ciel et une nouvelle terre où Dieu habite au milieu des bienheureux, et c’est pour l’éternité.
Je désire maintenant retracer une autre histoire ; l’histoire d’une chose bien précieuse au Seigneur Jésus et qui lui sera précieuse à jamais. C’est celle de l’Église ou l’Assemblée, car ces deux mots ont la même signification. L’apôtre Paul dit : « Christ a aimé l’Assemblée et s’est livré lui-même pour elle. Il la nourrit et la chérit » (Éphésiens 5:25, 29). Ces paroles nous montrent bien, n’est-ce pas, de quel prix est l’Église pour le cœur de Christ ? Lui-même la compare à une perle de très grand prix, et il nous dit que, pour l’acquérir, il a vendu tout ce qu’il avait, c’est-à-dire qu’il a renoncé à tout, même à sa propre vie (Matthieu 13:45-46).
Avant tout, nous avons à résoudre la question : Qu’est-ce que l’Église ? On nomme églises des édifices dans lesquels on se rassemble pour un service religieux. Mais nous ne trouvons pas ce nom ainsi appliqué dans la parole de Dieu. On appelle encore églises des ensembles de personnes qui ont les mêmes idées religieuses, les mêmes formes de culte et sont régies, dans ce but, par les mêmes règles ; ainsi on dit l’Église anglicane, l’Église baptiste, etc., mais l’Écriture ne parle de rien de semblable. Comme je le disais plus haut, le mot Église signifie Assemblée, et, dans la bouche du Seigneur comme dans les écrits des apôtres, cette expression désigne ou bien l’ensemble de tous les vrais croyants en tous lieux à un moment donné sur la terre ; ou bien l’ensemble de tous les saints ressuscités ou transmués et glorifiés, depuis la Pentecôte jusqu’au retour de Christ, c’est alors l’Assemblée complète ; ou bien encore l’ensemble des chrétiens qui se réunissaient dans une localité. Par exemple, quand l’apôtre Paul écrit à l’Église ou l’Assemblée de Dieu qui est à Corinthe, il s’adresse à tous les chrétiens de Corinthe ; lorsqu’il recommande de saluer l’Église ou l’Assemblée qui se réunit chez Nymphas ou chez Philémon, il parle des chrétiens qui s’assemblaient chez l’un ou l’autre de ces frères pour le culte. Mais quand il dit : « Christ a aimé l’Assemblée », c’est l’Assemblée complète, et lorsqu’il exhorte les anciens à paître « l’Assemblée de Dieu qu’il a acquise par le sang de son propre Fils », il veut dire tous les vrais croyants, lavés de leurs péchés dans le précieux sang de Christ, mais encore sur la terre (*).
(*) Lire les passages : 1 Corinthiens 1:2 ; Actes 20:28 ; Colossiens 4:15 ; Philémon 2 ; Éphésiens 1:22 ; 5:25. Dans ces deux derniers passages, il est question de l’Assemblée complète, dans le ciel.
Vous penserez peut-être qu’Abel, Noé, Abraham, Moïse, David, les prophètes, tous ces saints hommes, faisaient partie de l’Église. Non ; l’Église n’existait pas alors. C’étaient des justes qui croyaient Dieu et allaient leur chemin sur la terre en se confiant en Lui et en ses promesses, mais ils n’étaient pas de l’Église. Dieu a eu sur la terre un peuple qu’il a choisi du milieu des autres nations, qu’il aime toujours et qu’il rétablira dans le pays de la promesse, Israël, mais Israël n’est pas l’Église.
L’Église n’a jamais été nommée avant que le Seigneur en eût parlé quand il dit à Pierre : « Je bâtirai mon assemblée » (Matthieu 16:18). Elle est donc à Lui, mais elle n’était pas commencée. Ce n’est qu’après sa mort sur la croix et son entrée dans la gloire, que l’Église a pris naissance, et ce fut le jour de la Pentecôte, quand selon la promesse de Jésus le Saint Esprit fut descendu du ciel sur les disciples. C’est à l’apôtre Paul que Dieu a donné la révélation de tous les privilèges de l’Église. Auparavant, c’était un « mystère caché dès les siècles en Dieu » (Éphésiens 3:9 ; Colossiens 1:26). Les saints et les prophètes de l’Ancien Testament ne le connaissaient pas.
L’Église est une assemblée céleste que Dieu voulait avoir pour son Fils bien-aimé. Elle est appelée « l’Assemblée de Dieu, laquelle il a acquise par le sang de son propre Fils ». Elle se compose de ceux qui, ayant cru en Jésus mort, ressuscité et glorifié, sont lavés dans son sang. Ceux-là sont nés de Dieu ; Dieu leur donne son Saint Esprit ; ils sont ainsi unis les uns aux autres et à Christ dans le ciel, ayant tous la même vie que ce précieux Sauveur. Voilà pourquoi l’Église est appelée le corps de Christ, Lui-même en étant la tête (*). Chaque croyant est un membre de ce corps. Ce lien ne saurait être rompu ; c’est celui d’une vie céleste et impérissable, d’une vie qui est celle de Christ même. La parole de Dieu nous dit que le corps de Christ, ainsi formé par le Saint Esprit, est un. Il n’y a qu’un seul corps, comme il n’y a qu’un seul Esprit qui forme et anime le corps, et comme il n’y a aussi qu’une seule espérance pour tous les croyants, celle d’être avec le Seigneur dans le ciel. Alors le corps de Christ aura atteint la perfection.
(*) Éphésiens 1:22-23 ; 4:4, 15-16 ; 1 Corinthiens 12:13 ; Colossiens 1:18 ; Romains 12:4-5.
L’Église est aussi appelée la maison de Dieu ; elle est l’habitation de Dieu par le Saint Esprit qui y demeure et y manifeste sa présence. Elle est ainsi un temple saint qui s’élève et qui sera achevé et parfait dans la gloire (*). Dieu n’a pas maintenant d’autre maison, d’autre temple sur la terre où il soit adoré, bien que le corps de chaque croyant, parce que le Saint Esprit y habite, soit aussi appelé un temple (1 Corinthiens 6:19-20).
(*) 1 Timothée 3:15 ; Éphésiens 2:20-22 ; 1 Corinthiens 3:16-17.
Nous avons vu que le Seigneur Jésus est celui qui bâtit cette maison de Dieu, l’Assemblée. Mais toute maison est posée sur un fondement ; quel est celui de l’Église ? Un roc inébranlable : Jésus lui-même. Il est le seul fondement qui puisse être posé (1 Corinthiens 3:11). Quand Simon Pierre, instruit par le Père, eut fait cette belle confession : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », le Seigneur lui dit que sur ce roc, cette vérité que Dieu avait révélée à Pierre, il bâtirait son assemblée (Matthieu 16:16-18). Et que voulaient dire les paroles de Pierre ? C’est qu’en Christ, le Fils du Dieu vivant, était la puissance de la vie, de la vie de Dieu contre laquelle la mort et Satan, qui a le pouvoir de la mort (Hébreux 2:14), ne peuvent absolument rien. Et le Seigneur déclare que la puissance de la mort et de Satan ne pourrait rien contre l’Église établie sur ce roc. Elle est vivante et indestructible comme Celui sur qui elle est fondée. Quelle sécurité pour ceux qui en font partie ! L’apôtre Pierre à qui avaient été adressées les paroles que le Seigneur prononce relativement à l’Église, et qui se rappelle avec tant d’affection tout ce qui était sorti de la bouche du Sauveur qu’il aimait, compare ceux qui croient en Christ et se confient en Lui à des pierres vivantes qui s’approchent du Seigneur et sont posées sur Lui, la maîtresse pierre de l’angle, vivante, élue et précieuse aux yeux de Dieu (1 Pierre 2:4-6). Ils sont unis à Lui par le lien indestructible de la vie de Dieu, et c’est ainsi que s’élève la maison de Dieu.
La parole de Dieu présente aussi l’Église comme l’Épouse de Christ (Éphésiens 5:24-27). Dieu avait donné Ève pour aide au premier homme, Adam ; et de même au second homme, Christ, il donne l’Église. Nous lisons dans la Genèse la belle histoire du serviteur d’Abraham qui alla au loin chercher une épouse pour Isaac (Genèse 24). De la même manière, le Saint Esprit vient chercher maintenant sur la terre une épouse pour Christ, et c’est l’Église. Il la forme de tous ceux qui, en croyant au Seigneur Jésus, abandonnent le monde, comme Rebecca sa patrie, pour s’attacher à Christ seul. C’est pour nous montrer combien elle est étroitement unie au Seigneur et combien elle Lui est chère, que l’Église est représentée comme son Épouse, et est appelée la femme de l’Agneau. Il la prépare maintenant pour Lui-même, nous est il dit ; il la sanctifie et la purifie pour se la présenter un jour glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, sainte et irrépréhensible. Et quand sera-ce ? Dans le ciel, quand, avec les transports d’une joie et d’une allégresse sans égales, les noces de l’Agneau seront célébrées (Apocalypse 19:7-9). Quel ravissement ! Heureux ceux qui seront là et y prendront part ! C’est en pensant à ce bonheur que l’Esprit et l’Épouse disent au Seigneur Jésus : « Viens ». Et Lui, qui aime l’Église, répond avec tendresse : « Je viens bientôt ».
Enfin l’Église est aussi représentée comme une cité céleste et glorieuse (Apocalypse 21:9-17). Mais elle ne sera telle que dans l’avenir, quand Christ aura établi son royaume. Maintenant, c’est pour l’Église le temps de l’humiliation et de la souffrance avec Christ et pour Christ. Mais alors la gloire de Dieu l’illuminera et fera resplendir sa beauté. Le trône de Dieu et de l’Agneau sera en elle. Elle sera le siège de l’autorité de Celui qui, autrefois couronné d’épines et crucifié, régnera alors sur l’univers, et elle régnera avec Lui. Ne vaut-il pas la peine de souffrir pour Christ en ayant l’espoir de régner avec Lui ?
Voilà comment la parole de Dieu nous présente l’Église. Elle nous dit aussi qu’elle durera éternellement. Quand les nouveaux cieux et la nouvelle terre où la justice habite, auront été établis, l’Église, sur cette nouvelle terre, sera l’habitation de Dieu au milieu des hommes sauvés (Apocalypse 21:1-4). Quelle glorieuse perspective pour les croyants d’être là dans cette éternité bienheureuse !
Mais cette Église aimée de Dieu et destinée à la gloire céleste est sur la terre. Elle doit y être le témoin de Christ pendant que Celui-ci est en haut, y faire briller la lumière céleste de la grâce et de la vérité, y marcher comme son Seigneur y a marché. Nous verrons ensemble son histoire comme la retrace la parole de Dieu, soit dans ce que nous en raconte le livre des Actes, soit dans ce que nous en disent les épîtres de l’Apocalypse. Ensuite, nous poursuivrons cette histoire telle que nous la trouvons dans les faits qui nous sont rapportés dans les documents humains, et nous apprendrons ainsi si elle a répondu à sa glorieuse vocation.
Nous avons vu ce qu’est l’Église, si précieuse au Seigneur Jésus. Nous parlerons maintenant de sa naissance, c’est-à-dire de son commencement sur la terre.
Elle ne pouvait pas commencer avant que le Seigneur eût accompli son œuvre de grâce sur la croix, avant qu’il se fût livré pour elle, avant qu’elle eût été acquise par son précieux sang. Il fallait aussi que, par sa résurrection d’entre les morts, il eût été démontré qu’il était le Fils du Dieu vivant, la pierre vivante sur laquelle la maison de Dieu, l’Assemblée du Dieu vivant, devait être fondée. Et enfin, il était nécessaire, avant que l’Église pût commencer son existence, que le Seigneur Jésus fût monté au ciel auprès de son Père, pour envoyer de là le Saint Esprit promis.
Avant de souffrir, le Seigneur Jésus avait promis à ses bien-aimés disciples que le Père, après son départ, leur enverrait le Saint Esprit, le Consolateur, pour être avec eux éternellement (Jean 14:16-17, 26 ; 15:26 ; 16:7, 13). Nous savons aussi qu’après être sorti du tombeau, le Sauveur resta encore quarante jours sur la terre avec ceux qu’il aimait si tendrement, leur parlant des choses qui regardent le royaume de Dieu.
Mais le moment de remonter vers son Père était venu, et avant de quitter ceux qu’il laissait ici-bas, les ayant conduits hors de Jérusalem, il leur renouvela la promesse de leur envoyer le Saint Esprit, leur recommandant de ne pas quitter Jérusalem avant que cette promesse fût accomplie. Puis, comme il les bénissait, il fut élevé au ciel, une nuée le reçut et il disparut de devant leurs yeux. Il était allé dans la maison du Père ; il était allé s’asseoir à la droite de Dieu. C’est là qu’est maintenant notre précieux Sauveur ; c’est là qu’il s’occupe de nous avec amour, c’est là qu’il attend le moment de venir chercher ses bien-aimés pour les introduire dans ce lieu de repos et de bonheur qu’il leur a préparé.
Les apôtres retournèrent donc à Jérusalem dans la chambre haute où ils demeuraient. C’est là que se réunissaient avec eux les disciples, parmi lesquels se trouvaient les femmes qui avaient suivi Jésus sur la terre, qui l’avaient vu crucifier et mettre au tombeau, et qui, étant venues pour l’embaumer, l’avaient vu ressuscité. Avec eux il y avait aussi Marie, la mère de Jésus, et ses frères qui, durant sa vie, ne croyaient pas en Lui.
Quelle heureuse compagnie que celle qui se trouvait assemblée dans cette chambre haute ! Point de savants, ni de riches, ni de grands de ce monde : c’étaient de pauvres pécheurs, des péagers et d’humbles femmes, mais c’étaient des croyants sauvés, des bien-aimés de Christ, aimés du Père comme Jésus lui-même. Ils attendaient, comme Jésus le leur avait recommandé, et, en attendant, que faisaient-ils ? Ils persévéraient d’un commun accord dans la prière, demandant, sans nul doute, au nom de Jésus, que le Père accomplît sa promesse. Bien que Dieu ne perde jamais de vue ce qu’il nous promet, il aime que nous le lui demandions.
Ils n’eurent pas longtemps à attendre ; seulement dix jours. Une des grandes fêtes des Juifs était arrivée, celle de la Pentecôte. C’était un des trois jours solennels que Dieu avait lui-même établis dans l’année et dans lesquels il aimait à rassembler son peuple autour de Lui (Deutéronome 16:16). Les deux autres fêtes étaient celles de la Pâque et des Tabernacles ; la Pentecôte était entre les deux, environ cinquante jours après la Pâque. Une foule de Juifs de toutes nations étaient venus à cette occasion à Jérusalem ; des prosélytes, c’est-à-dire des étrangers désireux d’adopter la religion juive, les avaient accompagnés, et cette multitude remplissait la ville. Au milieu du bruit et du mouvement que produit toujours un grand concours de monde, il y avait une chambre retirée et paisible, cette chambre haute où se trouvaient réunies environ cent vingt personnes, celles dont nous avons parlé, dans une même pensée et dans une même attente. C’était une bien petite compagnie en comparaison de la multitude qui se pressait dans Jérusalem. Mais c’est sur ces quelques personnes assemblées, que les regards de Dieu étaient en ce moment arrêtés avec amour. Cela ne veut pas dire que Dieu n’aimât pas les autres et qu’il n’y eût pas dans cette grande foule venue pour la fête, des âmes pieuses, sincères, et qui étaient agréables à Dieu. Mais là, « tous ensemble dans un même lieu » étaient ceux qui avaient cru à Jésus, qui s’étaient attachés à Lui et l’avaient suivi, et le Père les aimait, car il aime ceux qui aiment son Fils, et il allait accomplir envers eux sa précieuse promesse.
Les disciples du Sauveur étaient donc rassemblés, occupés sans doute à prier, lorsque tout à coup se fit entendre du ciel un son, comme d’un souffle violent et impétueux, qui remplit toute la maison où ils se trouvaient. Et des langues, comme de feu, leur apparurent séparées les unes des autres et vinrent se poser sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis du Saint Esprit et se mirent à parler en d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’exprimer.
C’est ainsi que s’accomplit la promesse du Père. Jésus avait reçu en haut, de son Père, le Saint Esprit, et l’avait envoyé à ses disciples. L’Assemblée, l’Église, était commencée. Les croyants, déjà enfants de Dieu, étaient maintenant unis ensemble par ce lien du même Esprit que chacun avait reçu. Dieu avait sa maison sur la terre, son habitation où il était venu établir sa demeure par son Esprit. Ce n’était plus, comme le temple à Jérusalem, une maison de pierres ; celle-là était mise de côté : c’était une maison composée de pierres vivantes posées sur Christ, et de même que Dieu était venu autrefois dans le tabernacle et le temple au milieu de son peuple, mais dans une nuée, maintenant il venait dans un temple vivant pour y demeurer. Quelle grande et merveilleuse chose ! Et c’était alors aussi que le corps de Christ se formait de ses membres, c’est-à-dire de ceux qui croyaient en Lui, et qui étaient remplis du Saint Esprit. Alors encore l’Épouse de Christ qu’il chérit, mais qui ne sera manifestée que dans la gloire, commençait son existence sous l’action de l’Esprit Saint, et son voyage à travers le monde sous la conduite d’Éliézer. Ce n’était pas une nuée qui était venue comme au temps des Israélites, mais une puissance du ciel qui remplissait les croyants, une puissance, celle de la parole divine qui, de même qu’un feu, pénétrait les âmes et jugeait tout ce qui n’était pas de Dieu.
Que voulait dire ce fait que les disciples baptisés du Saint Esprit parlaient des langues étrangères ? C’était une marque de la puissance de l’Esprit de Dieu en eux, qui devait frapper, de la manière la plus forte, ceux qui en seraient les témoins, comme nous le verrons ; c’était aussi une manifestation de la grâce de Dieu qui s’élevait au-dessus des barrières que le péché avait élevées, et qui venait s’adresser à tous les peuples.
Autrefois les hommes voulurent ériger la tour de Babel pour n’être pas dispersés sur la terre. Leur orgueil insensé fit que l’Éternel confondit leur langage. Que de maux résultèrent de ce péché, maux tels que la séparation et la haine de nation à nation ! La grâce de Dieu s’adresse maintenant à tous les hommes, pour les unir dans la foi et l’amour d’un même Sauveur ; et c’est pour les y appeler qu’elle distribuait aux disciples, par le Saint Esprit, ces langues diverses afin de parler à chacun de quelque nation qu’il fût.
L’Église était fondée, Dieu avait maintenant sur la terre une habitation formée de pierres vivantes, un temple où il était présent. Mais l’Église ne devait pas se limiter à ces quelques personnes. Le Seigneur Jésus avait dit, en parlant du Saint Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en Lui : « Celui qui croit en moi… des fleuves d’eau vive couleront de son ventre » (Jean 7:38-39), c’est-à-dire qu’après avoir été bénis, eux-mêmes répandraient la bénédiction. Quel privilège de devenir comme des canaux qui communiquent la grâce de Dieu ! Chacun de ceux qui croient en Jésus, si jeune soit-il, peut jouir de ce privilège.
Le Seigneur voulait que les disciples fussent ces canaux de bénédiction, des ouvriers pour édifier l’Église. Aussi, avant de remonter au ciel, il leur avait commandé de prêcher la repentance et la rémission des péchés en son nom, à toutes les nations, en commençant par Jérusalem (Luc 24:47 ; Actes 1:8). Il envoyait d’abord le message de la grâce à ce méchant peuple qui l’avait rejeté et crucifié ! Quel amour et quelle patience il y a dans son cœur !
Voici ce qui donna lieu à la première prédication. Le Saint Esprit descendu sur les disciples les avait remplis d’une puissance merveilleuse, leur donnant l’intelligence des choses de Dieu et la faculté de les exprimer en diverses langues. Le Seigneur avait dit à ses apôtres : « Le Saint Esprit venant sur vous… vous serez mes témoins à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout de la terre ». Ils ne pouvaient donc cacher ce qu’ils avaient reçu, et le bruit de cet événement extraordinaire se répandit bientôt. Comme nous l’avons vu, une multitude de Juifs, hommes pieux, étaient venus de tous pays pour célébrer la fête de la Pentecôte. À l’ouïe de ce qui arrivait, ils s’assemblèrent, ainsi que ceux qui habitaient Jérusalem, pour entendre les apôtres et les disciples, et ils furent frappés de surprise en voyant ces hommes illettrés parler en diverses langues des choses magnifiques de Dieu.
L’effet produit ne fut pas le même chez tous. Les uns, ceux sans doute qui comprenaient les langues, s’étonnaient et se demandaient : Que veut dire ceci ? tandis que d’autres, peut-être les habitants de Jérusalem qui n’avaient pas cru Jésus, ne comprenant pas les apôtres et les disciples, se moquaient d’eux, et, remplis de cette malveillance qui leur avait fait dire autrefois de Jésus qu’il était possédé du démon, ils accusaient les serviteurs de Christ d’être ivres.
Alors Pierre, dans la puissance du Saint Esprit, s’adressa d’abord aux moqueurs. Il leur dit que ces merveilles dont ils étaient témoins, étaient l’accomplissement d’une prophétie de Joël concernant les derniers jours. Dieu avait dit par ce prophète : « Je répandrai de mon Esprit… avant que vienne la grande et éclatante journée du Seigneur ». Cette journée est celle du terrible jugement qui doit frapper la terre ; mais avant qu’elle vînt pour les Juifs incrédules, Dieu leur faisait entendre la parole de grâce par la bouche de Pierre : « Quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé ».
Après cela, Pierre s’adressa à tous et leur annonça Jésus. La vie sainte et pure du Sauveur, remplie d’actes et de miracles d’amour, avait été bien connue parmi les Juifs comme étant approuvée de Dieu. Et cependant, leur dit Pierre avec hardiesse, « vous l’avez cloué à une croix et l’avez fait périr par la main d’hommes iniques ». Puis il leur déclare que Dieu l’avait fait sortir du tombeau et qu’eux, les apôtres, l’avaient vu ressuscité, comme les Écritures l’annonçaient du Messie. Ensuite, Dieu l’avait exalté dans le ciel et fait asseoir à sa droite, mettant ainsi sur Jésus le sceau de son approbation, et c’était du ciel que Jésus avait envoyé le Saint Esprit qui accomplissait les merveilles dont les Juifs étaient témoins. Pierre termine son discours en disant : « Que toute la maison d’Israël donc sache certainement que Dieu a fait et Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié ». Il place ainsi sur leur conscience le crime affreux dont ils s’étaient rendus coupables, en rejetant et mettant à mort Celui que Dieu avait envoyé vers eux dans son amour. Quel courage chez Pierre ! Quelle différence avec ce Pierre qui, peu de jours auparavant, avait trois fois renié son Maître ! C’était l’Esprit Saint qui lui donnait cette hardiesse et qui donne aussi à tout croyant la force de confesser Jésus.
Le même Esprit agit avec puissance dans les cœurs d’un grand nombre de ceux qui écoutaient. Ils virent toute la grandeur du péché qu’ils avaient commis en rejetant Jésus. Ils se sentirent perdus et, le cœur transpercé de douleur, ils s’écrièrent : « Que ferons-nous ? ». Dieu ne laisse jamais un pareil cri sans réponse. Le même Jésus qu’ils avaient crucifié, était Celui vers lequel ils devaient se tourner pour être sauvés, et Pierre leur dit : « Repentez-vous », c’est-à-dire convertissez-vous, tournez-vous vers Jésus, « et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ, en rémission des péchés ». Être baptisé au nom de Jésus, c’était déclarer que l’on croyait en Lui et que l’on s’attachait à sa Personne, et alors on recevait la rémission ou le pardon de ses péchés. Et il en est de même aujourd’hui : c’est par Jésus, en croyant en Lui, que l’on est pardonné.
Mais Pierre annonce quelque chose de plus à ceux qui croiraient. « Vous recevrez », dit-il, « le don du Saint Esprit ». Ainsi, lorsqu’on se repent de ses péchés, et que l’on croit au Seigneur Jésus, Dieu nous pardonne et, de plus, met son Esprit en nous ; on fait alors partie de l’Église de Christ, de l’Assemblée de Dieu. Pierre pressa ses auditeurs, les conjurant de croire en Jésus, et de se séparer aussi du peuple juif incrédule et pervers sur lequel le jugement allait tomber. Le résultat fut bien grand et bien beau. Trois mille personnes crurent et furent baptisées ; elles reçurent le Saint Esprit et furent ajoutées à l’Église. Il en est de même aujourd’hui. Quand quelqu’un croit en Jésus et reçoit le Saint Esprit, il est séparé du monde et ajouté à l’Église du Dieu vivant.
Ainsi Pierre ouvrit aux Juifs les portes du royaume des cieux (*). L’œuvre de la grâce continua à s’étendre par le moyen des apôtres qui accomplissaient beaucoup de miracles et de prodiges, et aussi par la vue de la vie sainte des premiers chrétiens. « Le Seigneur ajoutait tous les jours à l’assemblée ceux qui devaient être sauvés ».
(*) Le Seigneur avait dit à Pierre : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux » (Matthieu 16:19).
Bientôt Dieu, dans sa grâce, fit adresser un nouvel appel à la nation juive. Voici quelle en fut l’occasion. Les premiers chrétiens sortis du milieu des Juifs, suivaient encore toutes les ordonnances de la loi de Moïse et tout le culte juif. Ainsi ils étaient assidus à se rendre au temple, qu’ils regardaient toujours comme la maison de Dieu. Comme les apôtres Pierre et Jean y allaient un jour ensemble, à l’heure de la prière, ils guérirent, au nom du Seigneur Jésus, un homme qui était boiteux dès sa naissance. Tout le peuple le connaissait, car chaque jour on l’apportait à la principale porte du temple, où il demandait l’aumône à ceux qui entraient. Quelle surprise, quand on vit cet impotent tout à coup guéri, entrer avec les apôtres dans le temple, marchant, sautant, et louant Dieu ! La foule, remplie d’admiration, accourut et entoura Pierre et Jean. C’était dans ce même portique de Salomon que Jésus, durant sa vie sur la terre, avait parlé aux Juifs de ses brebis, de la vie éternelle qu’il donne, et de son Père avec lequel il est un. Les Juifs alors avaient voulu le lapider (Jean 10:23-31). Ils ne croyaient pas en Lui. Maintenant, en ce même lieu, la puissance du nom de Jésus venait de se manifester, et la foule étonnée entourait les apôtres. Mais les serviteurs de Dieu ne désirent pas que l’attention se porte sur eux, ils ont à cœur que les regards des pécheurs se tournent vers Celui qui seul peut sauver et à qui appartient toute gloire. Aussi Pierre se hâte-t-il de dire au peuple que ce n’étaient ni leur puissance, à lui et à Jean, ni leur piété, qui avaient guéri cet homme, mais la puissance du nom de Jésus auquel ils croyaient. Ce Jésus, dit-il aux Juifs, est le serviteur de Dieu, le Saint et le Juste que vous avez livré et renié ; c’est le Prince de la vie que vous avez mis à mort. Mais Dieu l’a ressuscité et placé dans la gloire, et c’est par la foi en Lui que cet homme a été guéri.
Nous voyons que c’est vers Jésus que Pierre cherche à tourner les cœurs de ceux qui l’écoutent. Aussi, après leur avoir montré leur crime, il les exhorte à se repentir et à se convertir, pour que leurs péchés soient effacés. Et il leur annonce qu’en le faisant, ils jouiraient des bénédictions promises à Abraham leur père, et renouvelées par tous les prophètes, mais que le jugement tomberait sur quiconque n’écouterait pas Jésus, que Dieu avait envoyé pour les « bénir, en détournant chacun d’eux de leurs méchancetés ».
L’effet produit par ces paroles fut merveilleux. Un grand nombre crurent et se tournèrent vers Jésus. Cinq mille personnes furent ajoutées à l’Assemblée. C’est ainsi que l’édifice grandissait. Puisse chacun de mes lecteurs, croire aussi en ce Jésus, venu du ciel pour nous « bénir et nous détourner de notre méchanceté », et ils auront le bonheur d’être ajoutés, comme des pierres vivantes, à ce temple saint qui s’élève dans le Seigneur.
L’Église s’accroissait rapidement à Jérusalem. Des multitudes croyaient en Jésus et étaient sauvées. Mais c’était une chose que Satan, l’ennemi de Dieu et des hommes, ne pouvait souffrir ; et pour s’y opposer, il souleva contre les apôtres la haine des chefs du peuple juif. Le Seigneur Jésus, avant de quitter ses disciples, les avait avertis que, de même que Lui avait été haï et persécuté dans le monde, eux le seraient aussi à cause de son nom (Jean 15:18-20). C’est à quoi tout fidèle chrétien doit s’attendre.
Le commandant du temple, les sacrificateurs et les sadducéens survinrent pendant que Pierre et Jean parlaient au peuple, et les jetèrent en prison. Pour quelle raison ? Quel mal avaient-ils fait ? Aucun, mais les apôtres annonçaient la résurrection d’entre les morts par Jésus ; or les sadducéens, au contraire, disaient qu’il n’y avait pas de résurrection. C’étaient des gens comme il y en a tant de nos jours, qui affirment qu’avec cette vie tout est fini et qu’ainsi l’homme n’est pas plus que les bêtes qui périssent. Quelle triste chose de voir les sacrificateurs, les chefs religieux du peuple, s’associer à de telles gens ! C’est qu’ils haïssaient le nom de Jésus.
Dieu se servit de l’aveuglement même des chefs du peuple, pour que les apôtres pussent rendre solennellement témoignage à ce nom de Jésus devant eux. Après les avoir gardés toute la nuit en prison, les chefs, les anciens, les savants scribes, les principaux sacrificateurs, s’assemblèrent et se firent amener Pierre et Jean. Quelle assemblée imposante ! N’y avait-il pas de quoi être intimidé en paraissant devant elle ? Pierre et Jean, des pêcheurs, des hommes du commun et sans éducation, oseront-ils ouvrir la bouche ? Certainement. Ils ne craignent rien, car le Seigneur, pour qui ils souffrent, est avec eux par son Esprit. Pierre et Jean se rappelaient les paroles de leur cher Maître, lorsqu’il leur disait : « Quand ils vous mèneront devant les synagogues et les magistrats et les autorités, ne soyez pas en souci comment, ou quelle chose vous répondrez, ou de ce que vous direz ; car le Saint Esprit vous enseignera à l’heure même ce qu’il faudra dire… Je vous donnerai une bouche et une sagesse, à laquelle tous vos adversaires ne pourront répondre ou résister » (Luc 12:11-12 ; 21:15).
Pierre et Jean firent l’expérience de la fidélité du Seigneur. On leur demandait en quel nom ils avaient guéri l’impotent, et Pierre, rempli du Saint Esprit et de hardiesse, leur répond que c’est au nom de Jésus de Nazareth qu’eux, les chefs du peuple, avaient crucifié, mais que Dieu avait ressuscité d’entre les morts. Pierre insiste, comme on le voit, sur la résurrection de Jésus. C’est qu’elle est le gage de notre salut, et la reconnaissance solennelle de la part de Dieu que Jésus est son Fils. Aussi Pierre ajouta-t-il que c’est Jésus qui est le fondement du salut, et que son nom est le seul nom donné aux hommes par lequel il nous faille être sauvés.
La sainte hardiesse que montraient Pierre et Jean frappa beaucoup le sanhédrin, c’est-à-dire l’assemblée des chefs du peuple. Ils voyaient que c’étaient des hommes qui n’avaient point fait d’études ; comment donc pouvaient-ils répondre ainsi ? C’est que Pierre et Jean avaient été à l’école de la vraie sagesse, sous un Maître divin ; ils avaient été avec Jésus. Et c’est ce que le sanhédrin était forcé de reconnaître. Si nous voulons aussi devenir vraiment sages, écoutons Jésus qui nous dit : « Apprenez de moi ».
Ainsi les chefs du peuple étaient forcés de rendre hommage, malgré eux, à ce nom de Jésus qu’ils détestaient. D’ailleurs, l’homme guéri était là devant eux, de sorte qu’ils n’avaient rien à opposer. Mais rien ne touchait leur cœur endurci. Ils défendirent aux apôtres avec menaces de parler au nom de Jésus. Est-ce que Pierre et Jean pouvaient leur obéir ? L’autorité des hommes est-elle plus grande que celle de Dieu ? Évidemment non. Le Seigneur les avait envoyés prêcher en son nom, ils ne pouvaient qu’obéir au Seigneur. Aussi répondirent-ils : « Jugez s’il est juste devant Dieu de vous écouter plutôt que Dieu ». Puissions-nous être fidèles comme Pierre et Jean.
Ayant été relâchés, ils se rendirent vers leurs frères, les autres disciples, et leur racontèrent tout ce que le sanhédrin leur avait dit. Que firent alors ces humbles chrétiens ? Furent-ils remplis de crainte ? Résolurent-ils d’être plus prudents à l’avenir, et de ne plus parler aussi ouvertement ? Non ; ils savaient bien qu’en eux-mêmes il n’y avait aucune force, mais ils savaient que c’était l’œuvre de Dieu à laquelle ils travaillaient. C’est pourquoi, d’un commun accord, ils élèvent leur voix à Dieu et portent tout devant Lui. Ils Lui demandent de leur donner la hardiesse pour continuer à prêcher la parole et le prient de montrer, par des miracles, la puissance du nom de Jésus.
Dieu répond aux prières que nous lui adressons avec foi, et il fortifie toujours le cœur de ceux qui s’attendent à Lui. Après leur requête, ils furent tous remplis du Saint Esprit et annonçaient la parole de Dieu avec hardiesse ; beaucoup de miracles s’accomplissaient par le moyen des apôtres ; de toutes parts, on leur apportait des malades et des gens tourmentés des esprits malins, et ils étaient tous guéris. Mais ce qui était encore beaucoup plus précieux, un grand nombre de personnes croyaient à l’Évangile et étaient ajoutées à l’Église, de sorte que l’édifice de Dieu allait toujours grandissant. Ainsi l’effort de Satan pour arrêter la prédication de la bonne nouvelle, n’avait servi qu’à manifester d’autant plus la puissance de la grâce de Dieu.
Mais Satan ne se décourage pas, et lorsque des hommes ont refusé la grâce et le salut, leur haine contre le nom de Christ ne fait que s’accroître. Le souverain sacrificateur et les sadducéens furent extrêmement irrités de ce que leurs menaces n’avaient produit aucun effet et de ce que l’Évangile se répandait de plus en plus. Ils firent saisir et mettre en prison, non plus seulement Pierre et Jean, mais tous les apôtres. Ainsi se réalisait la parole du Seigneur : « S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi » (Jean 15:20). Mais Dieu veillait sur ses fidèles serviteurs ; il voulait leur donner un témoignage public qu’il était avec eux. Il envoya un ange qui, de nuit, ouvrit les portes de la prison et dit aux apôtres d’aller dans le temple annoncer la précieuse parole de Dieu qui produit la vie dans l’âme qui la reçoit. Les apôtres n’eurent pas peur de retourner parler en public, là où ils savaient que leurs ennemis les trouveraient aisément. Ils avaient Dieu avec eux, et ils se rappelaient que Jésus a dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui après cela ne peuvent rien faire de plus » (Luc 12:4). Aussi, dès le point du jour, ils s’empressent d’aller dans le temple pour annoncer l’Évangile. C’était la joie de leur cœur de faire connaître le Sauveur. Il n’y a pas de bonheur comparable à celui d’être avec Jésus, de vivre pour Lui, et d’annoncer ses vertus.
Pendant ce temps, leurs ennemis s’étaient rassemblés, et avaient envoyé chercher les apôtres à la prison. Mais représentons-nous quels durent être leur étonnement et leur perplexité, quand ceux qu’ils avaient envoyés vinrent leur dire qu’ils avaient trouvé les portes de la prison bien fermées et les gardes aux portes, mais que la prison était vide ! Quelle plus grande surprise encore, quand on vint leur dire que les apôtres enseignaient le peuple dans le temple ! N’auraient-ils pas dû être frappés dans leur conscience et reconnaître là le doigt de Dieu ? Mais comme le Pharaon d’autrefois, ils s’étaient endurcis ; rien ne les touchait, et ils firent comparaître devant eux les apôtres, auxquels ils reprochèrent leur prétendue désobéissance, en les accusant de vouloir faire venir sur eux le sang de cet homme qu’ils n’osent nommer, c’est-à-dire Jésus. On le voit, la crainte s’emparait du cœur de ces méchants hommes. Ils avaient crié quelque temps auparavant, en demandant que Jésus fût crucifié : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ». Maintenant, ils tremblent à la pensée que cela pourrait s’accomplir, et, en effet, quelques années plus tard, le sang de Jésus fut redemandé à cette nation rebelle.
Aux reproches qui leur étaient adressés, Pierre et les apôtres firent cette réponse si simple et si belle que nous devrions avoir aussi dans nos cœurs : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Mais Pierre, en même temps, rend encore une fois témoignage à la mort de Jésus que les Juifs avaient crucifié, et aussi à sa résurrection que Dieu avait opérée par sa puissance. Encore une fois, il leur présente Jésus comme établi de Dieu pour être Prince et Sauveur, et donner à Israël la rémission des péchés. Et il leur dit : « Nous lui sommes témoins de ces choses », et l’Esprit Saint qui avait été répandu et par qui étaient accomplis tant de miracles, en rendait aussi témoignage.
Les ennemis des apôtres n’avaient rien à répondre. Aussi, dans leur rage, ils auraient voulu les faire mourir. Mais le temps n’était pas encore venu pour eux de donner leur vie pour Jésus, et Dieu, qui tient tout dans sa main, se servit cette fois, pour les délivrer, de la sagesse humaine de l’un d’entre eux, Gamaliel, un savant docteur, que Paul mentionne aussi (Actes 22:3). Cet homme, honoré de tout le peuple, conseilla au sanhédrin de ne pas s’opposer aux apôtres, parce que, peut-être ce que ceux-ci disaient venait de Dieu, et qu’ainsi ils auraient fait la guerre à Dieu. C’était un conseil de prudence, et Dieu fit que le sanhédrin le suivît. Cependant, les ennemis des apôtres avaient trop de haine dans le cœur pour les laisser aller ainsi. L’homme sans Dieu est rempli d’injustice et, sans avoir rien trouvé de coupable chez les apôtres, il les firent battre avant de les renvoyer. Pourquoi ? Ils assouvissaient ainsi leur haine et pensaient, sans doute, les remplir de crainte et obtenir d’eux qu’ils cessassent de parler au nom de Jésus.
Leur attente fut bien trompée. Les apôtres se retirèrent pleins de joie d’avoir été jugés dignes de souffrir pour le nom de Jésus. Ils se rappelaient les paroles de leur divin Maître : « Vous êtes bienheureux quand on vous injuriera, et qu’on vous persécutera, et qu’on dira, en mentant, toute espèce de mal contre vous, à cause de moi. Réjouissez-vous et tressaillez de joie, car votre récompense est grande dans les cieux ; car on a persécuté ainsi les prophètes qui ont été avant vous » (Matthieu 5:11-12). Aussi, bien loin d’être découragés, ils ne cessaient, avec un nouveau zèle, d’annoncer Jésus en public dans le temple, et en particulier dans les maisons.
Ainsi se terminèrent les premiers efforts de Satan et de ses instruments contre l’Assemblée. Ils s’étaient attaqués à ceux qui étaient à la tête, nous verrons plus loin d’autres combats que l’ennemi livra aux disciples du Seigneur. Jésus a dit : « Vous avez de la tribulation dans le monde ; mais ayez bon courage, moi j’ai vaincu le monde » (Jean 16:33). Puissions-nous être aussi de bons et fidèles soldats de Jésus Christ.
Avant d’aller plus loin dans l’histoire de l’Assemblée, je voudrais dire un mot de la vie des premiers chrétiens. La puissance du Saint Esprit qui habitait en eux, ne se manifestait pas seulement par le don des langues et par des miracles ; elle agissait sur les cœurs et produisait dans les croyants une vie céleste, qui se montrait au-dehors par ses fruits excellents. C’était, pour le monde, un témoignage plus puissant que les miracles qu’opéraient les apôtres. De nos jours, il n’y a plus de miracles, mais les chrétiens, et même les enfants, sont appelés comme autrefois à manifester dans leur conduite les mêmes fruits, puisqu’ils possèdent aussi la vie de Christ par le Saint Esprit.
Quatre choses caractérisaient les premiers croyants. La première, c’est qu’ils s’en tenaient uniquement aux enseignements des apôtres. Ceux-ci avaient été envoyés par le Seigneur, pour annoncer ce qu’il avait fait et enseigné pendant son passage ici-bas ; le Saint Esprit le rappelait à leur cœur ; de plus, il leur révélait les vérités du salut — ce qui concerne le Seigneur Jésus et son œuvre de grâce ; ce que le Saint Esprit leur enseignait, les apôtres le communiquaient aux fidèles, et ceux-ci persévéraient dans cette doctrine, en laissant de côté les traditions et les enseignements des hommes. Les apôtres ne sont plus ici-bas ; mais Dieu a pris soin que leur doctrine nous fût conservée dans les écrits du Nouveau Testament, et nous avons à nous y attacher comme les premiers disciples le faisaient, en demandant au Seigneur de nous faire comprendre ces saintes vérités, et de les appliquer à nos cœurs par le Saint Esprit.
En second lieu, les premiers chrétiens persévéraient dans la communion des apôtres. On est en communion avec quelqu’un quand on a les mêmes pensées, les mêmes affections et les mêmes sentiments que cette personne. Alors aussi, on agit ensemble en tendant vers un même but. L’apôtre Jean écrivait aux chrétiens : « Notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ » (1 Jean 1:3). C’étaient donc les pensées et les sentiments du Père à l’égard de son Fils bien-aimé, et ceux de Jésus à l’égard de son Père, qui, par le Saint Esprit, remplissaient l’esprit et le cœur des apôtres ; et les disciples qui avaient appris d’eux à connaître le Père et le Fils, avaient les mêmes pensées et les mêmes sentiments qu’eux. C’étaient des pensées divines et des affections saintes qui remplissaient leurs âmes de joie.
Chacun de nous peut jouir de cette communion et du bonheur qui en résulte, si nous avons reçu Jésus comme Sauveur, car Dieu est alors notre Père.
Une troisième chose dans laquelle persévéraient les fidèles, et qui était un témoignage de leur communion mutuelle, c’était la fraction du pain, c’est-à-dire la célébration de la cène du Seigneur. Nous savons que le Seigneur Jésus, avant de monter au ciel et la nuit même où il fut livré, institua la cène comme un mémorial de ses souffrances et de sa mort pour la rédemption des siens. C’est le gage de son grand amour pour eux, amour plus fort que la mort. Les croyants à Jérusalem étaient ensemble à la table du Seigneur, comme rachetés par son précieux sang et membres d’une même famille, se souvenant d’un même cœur de Celui qui les avait aimés et sauvés. Les rachetés du Seigneur continuent à célébrer la cène et le feront jusqu’à son retour. Alors ils seront avec Lui, ils le verront Lui-même, il n’y aura plus besoin d’un mémorial. Quelle joie devrait remplir nos cœurs à la pensée d’être un jour dans le ciel et de contempler l’Agneau qui a été immolé !
Enfin, les premiers chrétiens persévéraient dans la prière. La prière suppose que nous connaissons notre faiblesse, notre impuissance et le besoin que nous avons de la grâce et du secours tout-puissant de notre Dieu. Elle suppose donc notre dépendance de Lui et la confiance en Lui la certitude qu’il nous écoute et veut nous exaucer. Dans la prière, on s’approche de Dieu tout simplement pour Lui exposer ses besoins ; on le prie, et en particulier, et dans la famille, et dans l’Assemblée. Il nous est recommandé de prier sans cesse, d’exposer nos requêtes à Dieu, et le Seigneur lui-même, qui, lorsqu’il était ici-bas, priait son Père, nous encourage à demander en son nom, nous promettant que tout ce que nous demanderons ainsi, il le fera (*). Tels étaient les traits caractéristiques de la vie intime des premiers chrétiens et le mobile secret de leur vie au-dehors. La puissance de Dieu manifestée par les miracles produisait de la crainte parmi le peuple, mais la vie sainte des disciples agissait sur les âmes pour les attirer à Christ.
(*) 1 Thessaloniciens 5:17 ; Philippiens 4:6 ; Jean 14:13.
Comme il n’y avait dans le cœur des disciples qu’un seul et même sentiment, une seule et même pensée, un seul et même amour, comme ils réalisaient le fait qu’ils étaient enfants du même Dieu et Père, et rachetés du même Sauveur, ils étaient heureux de se rencontrer ensemble, de se trouver réunis, de persévérer ensemble d’un commun accord dans le temple, montrant ainsi devant le monde qu’ils étaient un dans le Père et dans le Fils comme le Seigneur Jésus l’avait demandé à son Père (Jean 17:21). Cette vie d’union et d’amour était un puissant témoignage rendu afin que le monde crût que Dieu avait, en effet, envoyé son Fils ici-bas. Hélas ! cette manifestation visible de l’unité de la famille de Dieu sur la terre n’existe plus ; l’ennemi a réussi à la ruiner ; elle ne sera plus vue que dans la gloire, quand Jésus paraîtra avec ses rachetés et que le monde connaîtra qu’ils étaient aimés comme Jésus lui-même (Jean 17:23). Mais nous n’en avons pas moins le devoir d’aimer tous les enfants de Dieu. Car celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ? (1 Jean 4:20).
L’égoïsme avait disparu du cœur de ces premiers chrétiens ; ce qui était à l’un était aussi à l’autre L’attachement aux biens de la terre, si puissant chez les Juifs, n’existait plus. Les fidèles avaient des biens plus excellents, des biens célestes et permanents. Ils ne pouvaient supporter la pensée que quelqu’un des membres de la famille de Dieu pût souffrir dans le besoin, quand eux-mêmes étaient dans l’abondance, ils vendaient donc leurs possessions et leurs biens, et le produit en était distribué aux nécessiteux. L’apôtre Jean disait plus tard : « Celui qui a les biens de ce monde, et qui voit son frère dans le besoin, et qui lui ferme ses entrailles, comment l’amour de Dieu demeure-t-il en lui ? » (1 Jean 3:17). En ces premiers et heureux temps, l’amour de Dieu avait toute sa place dans le cœur des croyants ; il était en eux dans toute sa fraîcheur et sa puissance, et ils comprenaient la réalité de cette parole : « Celui qui aime Dieu, aime aussi son frère ». C’était le temps du premier amour. Demandons à Dieu de le connaître aussi.
Quel spectacle ce devait être pour les pharisiens avares, pour les sadducéens amis des plaisirs de ce monde, pour tous ces riches égoïstes, attachés aux biens et aux voluptés de la terre ! Ils voyaient là des gens qui avaient été comme eux amateurs du monde et qui maintenant renonçaient à tout pour venir en aide aux autres. Ils les voyaient n’être qu’un cœur et qu’une âme ; il n’y avait point de nécessiteux parmi eux : celui qui possédait pourvoyait aux besoins de celui qui n’avait pas. Et c’était la puissance du nom de Jésus qui accomplissait cette merveille de grâce, qui produisait ce réel amour. Quelle différence avec ce que l’on voit de nos jours dans la chrétienté !
Et tout se passait avec l’ordre qui convenait à la maison de Dieu. Ceux qui avaient vendu leurs biens n’en donnaient pas le produit à droite et à gauche selon leurs propres pensées. Ils venaient le confier aux apôtres, qui étaient alors seuls à la tête de la communauté chrétienne, et ceux-ci, selon la sagesse que Dieu leur avait donnée par le Saint Esprit, le faisaient distribuer à chacun de ceux qui avaient quelque besoin.
Dieu s’est plu à nous conserver dans sa parole les noms de quelques-uns de ceux qui ont servi fidèlement son Fils bien-aimé. Le Seigneur a dit : « Si quelqu’un me sert, le Père l’honorera » (Jean 12:26). Parmi ceux qui renonçaient à leurs richesses en faveur des pauvres, le Saint Esprit cite un Lévite de l’île de Chypre, Joseph, que les apôtres surnommèrent Barnabas, mot qui veut dire « fils de consolation ». Pourquoi fut-il nommé ainsi ? L’Écriture ne le dit pas, mais les apôtres, en lui donnant ce nom, avaient sans doute vu combien son exemple avait été un encouragement pour l’Assemblée. Nous retrouvons plus tard ce serviteur de Christ ; mais ne nous fait-il pas souvenir d’un autre Lévite qui, voyant un blessé demi-mort sur son chemin, passa outre sans le secourir ? C’était l’image de la loi impuissante pour sauver l’homme perdu par le péché. En Barnabas, nous voyons ce qu’opère la grâce. Il avait appris à connaître Jésus qui, étant riche de la gloire du ciel, avait renoncé à tout pour nous sauver, et comme son divin Maître, Barnabas vend tous ses biens pour secourir les pauvres. Puissions-nous apprendre à délaisser notre égoïsme naturel, et, sur les traces de Jésus et de ces premiers disciples, faire du bien aux autres selon nos forces !
Peut-être cette question surgira dans quelque esprit : « Les chrétiens de nos jours sont-ils aussi appelés à vendre leurs biens pour en distribuer le prix aux pauvres ? ». La parole de Dieu n’établit nulle part cela comme une règle à suivre. C’était spontanément que les premiers chrétiens le faisaient. Dieu a voulu montrer par là d’une manière palpable la puissance du Saint Esprit dans le cœur, et en même temps le principe qui, à toutes les époques, doit animer la vie des chrétiens. Le même esprit d’amour, de renoncement et de dévouement, devrait être dans nos cœurs, et se montrer dans nos sentiments et nos actes envers les autres. Ce que l’apôtre Jean écrivait est aussi pour nous : « Bien-aimés, aimons nous l’un l’autre. Enfants, n’aimons pas de parole ni de langue, mais en action et en vérité » (1 Jean 4:7 ; 3:18). L’apôtre Paul dit à son disciple Timothée, d’ordonner aux riches, non de vendre leurs biens, mais de n’être pas hautains, de ne pas mettre leur confiance dans les richesses instables, mais en Dieu qui les donne ; de faire du bien, d’être riches en bonnes œuvres, prompts à donner et libéraux (1 Timothée 6:17-19). Nous voyons aussi, en divers endroits de l’Écriture, que plus tard l’on faisait des collectes parmi les chrétiens pour venir en aide aux pauvres, de sorte que ce qui eut lieu à Jérusalem aux tout premiers temps de l’Assemblée, fut une manifestation unique et éclatante de l’effet produit par l’amour divin dans le cœur. Cette manifestation était tout particulièrement nécessaire au milieu d’un peuple charnel et attaché à la terre, comme l’étaient les Juifs. Il fallait leur montrer qu’à un Christ et un Seigneur céleste, se rattachait un peuple animé d’une vie céleste. La vie de ces premiers disciples était une preuve évidente que Jésus était en haut, et répandait dans les âmes la vie d’en haut. Tout cela était en opposition avec les espérances juives d’un Messie terrestre et des jouissances d’ici-bas. Demandons à Dieu que cette même vie céleste se montre en nous.
Telle était donc la vie des premiers chrétiens, ayant pour mobile l’amour pour Christ qui les avait sauvés. Il en résultait une joie et une simplicité de cœur qui se montraient dans tous les détails de leur vie journalière, mêmes dans leurs repas. Rien n’est indifférent dans la vie d’un chrétien. Il fait tout avec Dieu et pour Dieu. L’apôtre Paul le dit : « Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, ou quoi que vous fassiez, faites tout pour la gloire de Dieu » (1 Corinthiens 10:31). Le chrétien rend grâces pour sa nourriture comme lui étant donnée de Dieu ; il la reçoit avec joie de la main de son bon Père céleste, sur lequel il compte pour le pain de chaque jour. Rien n’est doux comme de jouir de tout avec Dieu.
Un autre résultat de cette vie avec Dieu, était la louange qui débordait de leur cœur envers le Dieu de toutes grâces. Ils rendaient grâces en toutes choses, comme nous sommes aussi exhortés à le faire. Quel contraste avec leur vie d’autrefois, quand ils étaient accablés sous le lourd fardeau des ordonnances selon les traditions des hommes, et qu’ils ne jouissaient pas de la paix avec Dieu et ne le connaissaient pas comme leur Père ! Maintenant, ils étaient heureux ; tout le peuple le voyait et ne pouvait s’empêcher de les approuver. Leur vie sainte, dévouée et joyeuse, était une prédication dont le Seigneur se servait pour sauver de nouvelles âmes et les amener dans l’Assemblée. Puisse notre vie ressembler à la leur !
L’ennemi, Satan, avait attaqué l’Église par la violence en incitant les chefs du peuple contre les apôtres ; il cherche maintenant à y introduire le mal par le mensonge. Satan est menteur et meurtrier dès le commencement.
Nous avons vu le dévouement et l’amour des premiers chrétiens, qui, pour soulager leurs frères pauvres, vendaient leurs biens. Le nom de l’un d’eux nous a été conservé dans le livre de Dieu, c’est Barnabas. Mais l’Écriture mentionne aussi le nom de plusieurs hommes et femmes qui, par leurs péchés, ont attiré sur eux le jugement de Dieu. Car Dieu nous connaît tous, nom par nom ; il sonde les cœurs et les reins, et rend à chacun selon ses œuvres : nous le voyons dans l’histoire de l’Assemblée.
Un certain homme, nommé Ananias et Sapphira sa femme, étaient entrés dans l’Assemblée chrétienne. Ils avaient peut-être été entraînés dans ce grand mouvement de réveil qui avait lieu, et frappés par les effets merveilleux de la grâce du Seigneur, sans que leur conscience et leur cœur eussent été touchés. Rien ne les obligeait à vendre leurs biens, mais ils voulurent se donner les apparences d’être aussi bons, aussi dévoués et aussi généreux que les autres, et Ananias apporta de l’argent aux apôtres, comme si c’était le prix entier de la vente. Mais il en gardait une partie de concert avec sa femme. Ils faisaient sans doute cela dans la crainte de devenir pauvres, en donnant tout. Dans tous les cas, il y avait dans leur cœur et dans leurs actes, avarice, hypocrisie et mensonge.
Mais Ananias et Sapphira, qui pouvaient tromper les hommes par une belle apparence, avaient oublié une chose. C’était la présence de Dieu dans l’Assemblée, qui est l’habitation de Dieu par le Saint Esprit. Or, on ne peut tromper Dieu. L’Esprit de Dieu n’était pas présent seulement pour opérer des miracles et pour convertir les âmes, ni pour produire une vie sainte dans les fidèles, mais aussi pour découvrir le mal et le juger dans ceux qui professaient être chrétiens. Il était nécessaire que l’on vît que le Dieu saint était présent dans l’Assemblée, et que tromper les apôtres, c’était mentir au Saint Esprit et par conséquent à Dieu lui-même.
L’apôtre Pierre discerne par le Saint Esprit le mensonge et l’hypocrisie d’Ananias ; il les dévoile et montre ce qui avait entraîné ce malheureux homme à commettre ce grand péché. C’était Satan, le père du mensonge. « Pourquoi », dit Pierre, « Satan a-t-il rempli ton cœur, que tu aies menti à l’Esprit Saint… ? ». Quelle terrible révélation pour Ananias ! Son péché est mis à nu devant tous, comme autrefois celui d’Acan (Josué 7). La puissance de Dieu saisit le cœur d’Ananias, le jugement de Dieu le frappe, il tombe mort. Ah ! notre Dieu, le Dieu de grâce, est aussi le Dieu saint et un feu consumant. Trois heures après, Sapphira, ignorant le jugement de Dieu sur son mari, se présente à son tour dans l’assemblée. À la question directe de Pierre : « Avez-vous donné le champ pour tant ? » elle répond sans hésiter : « Oui », proférant ainsi délibérément un mensonge évident. Quel oubli ou quel mépris de la sainteté et de la présence de Dieu ! Nous voyons aussi là comment un péché en entraîne un autre plus grave. Mais le jugement ne se fait pas attendre. Pierre prononce la sentence et elle tombe morte à son tour !
Ainsi la présence du Dieu saint dans l’Assemblée était rendue manifeste. Le mal y était découvert et jugé, comme autrefois dans le camp d’Israël. Aussi une grande crainte s’empara de toute l’Assemblée et de tous ceux qui entendaient parler de ces choses.
L’Esprit Saint, comme nous l’avons vu, agissait avec une puissance de grâce dans les cœurs des fidèles et y produisait le dévouement, l’absence d’égoïsme et le renoncement. Ananias et Sapphira, avec hypocrisie et mensonge, avaient voulu faire croire qu’ils étaient animés de ces sentiments, alors que l’amour de l’argent les possédait. Dieu avait jugé ce mal et l’avait ôté de l’Assemblée. Mais Satan est toujours actif contre Christ et ce qui est cher à Christ. Il avait poussé Ananias et sa femme à mentir et les avait ainsi entraînés dans la mort. Cet effort de Satan contre l’Assemblée avait été détourné par la puissance de Dieu. On voyait que Dieu était au milieu des chrétiens, et l’Assemblée augmentait toujours en nombre. Alors l’ennemi, pour la troubler et la ruiner, s’il le pouvait, essaya d’un autre moyen. Il chercha à agir sur la mauvaise nature qui est en nous, et à faire naître dans les cœurs des fidèles des sentiments contraires à la grâce, la jalousie et l’envie, par exemple ; des plaintes et des murmures. Oh ! combien nous avons besoin d’être en garde contre les ruses de ce redoutable ennemi, de veiller et prier, car s’il trouve la moindre ouverture, il s’empresse d’en profiter.
La multitude des disciples se composait de Juifs hébreux, nés en Palestine et parlant la langue syriaque, et de Juifs hellénistes, c’est-à-dire des Juifs venus de pays étrangers et qui parlaient grec pour la plupart. Ces derniers se plaignirent de ce que les veuves qui se trouvaient parmi eux, étaient négligées dans les secours qui étaient distribués chaque jour ; et ils murmuraient contre les Juifs hébreux et sans doute contre les apôtres eux-mêmes. Quelle triste chose quand la jalousie s’empare du cœur ! Se plaindre de ses frères, murmurer contre eux, les accuser, n’est certes pas à l’honneur du nom de Jésus. Ce n’étaient pas des sentiments conformes aux siens, ce n’était pas la douceur qui n’insiste pas sur ses droits ; c’était un sentiment propre à notre nature pécheresse que la Parole appelle « la chair » — un sentiment charnel. Quel remède apporter à ce mal qui menaçait d’introduire des dissensions dans l’Assemblée, et d’en détruire cette belle harmonie ?
La sagesse de Dieu était là, aussi bien que sa puissance, pour déjouer les ruses de l’ennemi. Les apôtres ne pouvaient pas laisser le service de Dieu dans la prédication de l’Évangile, pour s’occuper des besoins matériels de ceux qui avaient cru. Ils avaient besoin de leur temps pour se livrer à la prière et au service de la Parole, ces deux choses intimement unies dans la vie de tout serviteur de Dieu, pour que son action soit bénie envers les âmes. L’Assemblée, sur le conseil des apôtres, choisit donc sept hommes remplis de l’Esprit Saint et de sagesse, pour veiller à la distribution des secours aux nécessiteux. Ces hommes furent présentés aux apôtres qui, après avoir prié, leur imposèrent les mains, les recommandant ainsi à Dieu et s’unissant à eux pour l’œuvre qu’ils auraient à accomplir. Nous voyons quelle place la prière occupait dans la vie des apôtres et des premiers chrétiens, comme aussi dans celle de notre adorable Sauveur. Puisse-t-elle occuper aussi une grande place dans notre vie !
L’Esprit saint nous a conservé les noms de ces sept hommes, que l’on nomme souvent les diacres, d’un mot grec qui signifie serviteur. Ces noms, qui sont grecs, nous apprennent qu’ils étaient tous des Hellénistes, ce qui montre l’esprit de grâce et de condescendance qui était dans l’Assemblée ; c’était aussi un fruit produit par l’Esprit Saint ; la ruse et l’effort de Satan étaient mis de nouveau à néant. Il allait bientôt montrer sa rage et livrer de nouveaux combats contre Christ et l’Assemblée. Mais n’oublions jamais qu’en regardant à Christ, nous sommes toujours plus que vainqueurs. Sa puissance, sa sagesse et son amour déjouent et annulent tous les efforts de l’ennemi.
Ce mot martyr, veut dire témoin. Le Seigneur Jésus est appelé le témoin fidèle et véritable (Apocalypse 3:14), parce qu’il a rendu témoignage à Dieu fidèlement et selon la vérité, quand il était sur la terre ; tous les chrétiens, jeunes ou vieux, sont appelés à être des témoins pour Christ, en confessant son nom et en le servant fidèlement ; mais le nom de martyr est réservé à ceux qui, par amour pour Christ et par fidélité à son nom, ont enduré des souffrances et même la mort. Et la liste en est nombreuse.
Satan, le grand ennemi de Dieu et de Christ et des hommes, est toujours actif pour faire le mal. Les deux moyens qu’il emploie dans ce but, c’est la ruse ou le mensonge, et la violence. Il est menteur et meurtrier dès le commencement (Jean 8:44), et il trouve le méchant cœur des hommes toujours prêt à accomplir ses desseins. Nous avons déjà vu que les apôtres avaient été mis en prison et battus pour le nom de Jésus, et comment Satan chercha à introduire le péché dans l’Assemblée, en séduisant Ananias et Sapphira. Maintenant, nous avons à voir ce que le Saint Esprit nous rapporte de celui qui, le premier, donna sa vie pour le Seigneur Jésus.
C’était Étienne, l’un des sept hommes choisis pour veiller à la distribution des aumônes aux pauvres de l’Assemblée. Il était plein de foi et de l’Esprit Saint, rempli de grâce et de puissance. Il ne se contentait pas de servir les pauvres aux tables, mais accomplissait parmi le peuple des prodiges et de grands miracles, et, le cœur rempli d’amour pour Jésus et pour les âmes des pécheurs, il annonçait l’Évangile. Ainsi la parole de Dieu était reçue et crue par bien des personnes, le nombre des disciples augmentait beaucoup, et même un grand nombre de sacrificateurs étaient convertis. Et c’est là ce qui excita la rage de Satan, qui se servit des Juifs incrédules pour chercher à faire mourir Étienne, comme autrefois ils avaient fait mourir le Seigneur Jésus.
Certains de ces Juifs se mirent à contredire Étienne qui cherchait à amener les âmes à Christ. Mais le fidèle témoin du Seigneur parlait avec une sagesse divine et non avec des raisonnements humains ; l’Esprit Saint dont il était rempli lui enseignait ce qu’il devait dire. Et qui peut résister à la sagesse et à l’Esprit de Dieu ? Personne ; aussi ses adversaires, confondus par ses paroles, se jetèrent sur lui, l’entraînèrent devant le sanhédrin, la grande assemblée des chefs du peuple, et là suscitèrent contre lui de faux témoins qui l’accusaient d’avoir blasphémé contre Dieu et contre Moïse. On avait fait ainsi pour Jésus, qui avait dit : « S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi », car tout disciple accompli sera comme son Maître (Luc 6:40).
Étienne était là, devant cette assemblée imposante qui avait les yeux arrêtés sur lui. Mais l’Esprit Saint remplissait son cœur de pensées célestes. L’éclat des choses divines se reflétait sur son visage, de telle sorte qu’il semblait à ses adversaires voir le visage d’un ange, et c’était bien, en effet, un ange que Dieu plaçait au milieu d’eux pour leur apporter un dernier message (*).
(*) Ange veut dire messager.
Le souverain sacrificateur l’interrogea, en lui demandant si les accusations portées contre lui étaient vraies. Mais le serviteur de Dieu ne pense pas à lui-même ; il pense à la gloire du Seigneur et au bien des âmes. Étienne n’essaya pas même de se défendre et de repousser les accusations de ses ennemis. Il rappela aux Juifs leur histoire depuis le moment où Dieu, le Dieu de gloire, choisit et appela Abraham, leur père. Il plaça devant eux la suite des grâces que Dieu leur avait faites et leurs rébellions constantes contre un Dieu si patient et si bon, et il termina en leur disant : « Vous êtes tels que vos pères ; vous résistez toujours à l’Esprit Saint. Vos pères ont persécuté et tué les prophètes qui avaient prédit la venue du Juste, et vous, vous l’avez livré et mis à mort. Dieu vous avait donné sa loi et vous ne l’avez pas gardée ».
Étienne allait peut-être ajouter à son discours quelques paroles pour les engager à se repentir, mais eux, au lieu d’être touchés de componction, comme ceux qui avaient entendu Pierre le jour de la Pentecôte, résistèrent encore une fois au Saint Esprit. En entendant les paroles du serviteur de Christ, ils frémissaient de rage, et grinçaient les dents contre lui. Quelle chose terrible, quand le cœur se révolte contre Dieu ! Triste tableau que cette fureur qui se peint sur des visages d’hommes, et quel contraste avec ce qui suit. Le Seigneur, dans sa grâce, voulut qu’un dernier et solennel témoignage fût rendu devant les chefs du peuple, et en même temps que son fidèle témoin fût puissamment soutenu dans sa lutte suprême contre ses adversaires. Étienne, rempli de l’Esprit Saint et des pensées du ciel où était son Sauveur bien-aimé, avait les yeux fixés en haut. Et tout d’un coup, Dieu lui ouvre le ciel. Il voit la gloire de Dieu, et, à la droite de Dieu, Jésus lui-même. Étienne ne peut retenir pour lui ce qui fait déborder son cœur ; il faut qu’il rende témoignage, non plus à ce qu’il croit, mais à ce qu’il voit, c’est-à-dire à la gloire de Christ. Il s’écrie : « Voici, je vois les cieux ouverts, et le Fils de l’homme debout à la droite de Dieu ». Ce qui a toujours soutenu les martyrs, tous ceux qui ont souffert pour Christ, ce qui seul soutient le chrétien, c’est la contemplation du Sauveur dans sa gloire.
C’était pour les Juifs le suprême appel. Jésus était debout, prêt à venir pour eux, s’ils avaient cru. Mais leurs cœurs s’endurcirent ; ils bouchèrent leurs oreilles pour ne point entendre la voix du serviteur de Dieu. Tous, d’un commun accord, se précipitèrent sur lui ; aucun n’éleva la voix en sa faveur, et ils le poussèrent hors de la ville. Là, ils le lapidèrent, c’est-à-dire l’accablèrent à coups de pierres jusqu’à la mort, pour faire disparaître ce témoin qui avait fait reluire devant eux la lumière divine. Ceux qui le lapidaient mirent leurs vêtements aux pieds d’un jeune homme nommé Saul. À quel terrible jugement ce pauvre peuple juif s’exposait ! C’est une chose effrayante de rejeter le Seigneur Jésus et de tomber ensuite entre les mains du Dieu vivant ! (Lire Hébreux 10:28-31).
Que faisait le premier martyr, tandis que les lourdes pierres venaient meurtrir ses membres ? Se plaignait-il, accusait-il ses bourreaux, demandait-il vengeance ? Non. Il venait de contempler Jésus, et il était transformé à son image. La pensée de Jésus remplissait tout son cœur, et il Lui remettait son esprit. Mais en pensant à Jésus et à ceux qui le lapidaient, il se rappelle ce qu’avait fait Jésus, quand on le clouait sur la croix. Cet adorable Sauveur avait dit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font ». Et Étienne se soulève sous la grêle de pierres, et, malgré les douleurs que lui causent ses membres brisés, il se met à genoux, et, à l’exemple de son divin Maître, il crie à haute voix — tous entendant ce dernier témoignage d’amour : « Seigneur, ne leur impute point ce péché ». Ses dernières paroles sont des paroles de grâce. Oh ! comme il ressemblait à son Sauveur, quelle communion de pensées avec Jésus ! Demandons au Seigneur que nous puissions le connaître toujours mieux, vivre toujours plus près de Lui, et ainsi Lui ressembler toujours davantage en fidélité, en amour et en grâce.
Après ces paroles, le premier martyr s’endormit. Quel doux repos après ses souffrances ! Son esprit alla auprès de Jésus, et son corps, que des hommes pieux enlevèrent et ensevelirent, attend dans le sépulcre le moment où Jésus viendra, et où, à sa voix, les morts en Christ ressusciteront. Serons-nous tous du nombre des bienheureux témoins de Christ, qui iront à sa rencontre dans les nuées en l’air quand il viendra ? Nous n’aurons pas sans doute à mourir lapidés comme Étienne, mais tous nous sommes appelés à être les serviteurs du Seigneur. Si nous voulons régner avec Lui, il faut le servir et souffrir pour Lui.
Jusqu’alors l’Assemblée ne se composait que des Juifs qui avaient cru à Jérusalem. Mais le Seigneur voulait qu’elle s’étendit au loin. Avant sa mort, il avait dit : « Et moi, si je suis élevé de la terre, j’attirerai tous les hommes à moi » (Jean 12:32). Les Juifs avaient rejeté le Sauveur et l’avaient mis à mort. Dieu avait usé de patience envers eux, en réponse à la prière de Jésus : « Père, pardonne-leur », et il leur avait envoyé des messages par ses apôtres et ses serviteurs qui, remplis du Saint Esprit, leur annonçaient le pardon et le salut s’ils se repentaient. Plusieurs reçurent la bonne nouvelle et crurent au Sauveur ; mais la nation même, conduite par ses chefs, les sacrificateurs et les anciens, résista au Saint Esprit et mit à mort le fidèle martyr Étienne, déclarant ainsi, d’une manière formelle, qu’ils ne voulaient pas que Jésus régnât sur eux (voir Luc 19:14). Alors ce fut fini pour les Juifs comme peuple ; ils n’eurent plus à attendre que le jugement qui tomba sur eux plusieurs années après, quand Jérusalem fut prise et qu’ils furent dispersés. Et ils demeurent sous ce jugement et y resteront jusqu’à ce qu’humiliés, ils reconnaissent Celui qu’ils ont rejeté, Jésus, comme Roi d’Israël. C’est quand le Sauveur apparaîtra des cieux.
Maintenant, le salut allait être annoncé aux Samaritains et aux nations, selon la parole du Seigneur : « Vous serez mes témoins à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout de la terre » (Actes 1:8). La repentance et la rémission des péchés devaient être prêchées à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. Un Juif cessait d’avoir des privilèges particuliers. Il lui fallait croire en Jésus tout comme un Samaritain ou un païen, pour être sauvé, et alors les uns et les autres se trouvaient placés sur le même niveau devant Dieu. Ils recevaient le même Esprit, faisaient partie du même corps de Christ, l’Assemblée, et avaient ensemble accès auprès du Père par un même Esprit (Éphésiens 2:17-18). Il n’y avait plus de peuple terrestre, mais un peuple céleste.
Nous allons voir comment cela se réalisa. La méchanceté des chefs du peuple ne fut pas satisfaite par la mort d’Étienne. La persécution s’étendit à toute l’Assemblée à Jérusalem. À la tête des persécuteurs se trouvait ce jeune homme nommé Saul, aux pieds duquel ceux qui lapidaient Étienne avaient mis leurs vêtements. Il consentait donc à la mort du saint martyr, et non content de cela, transporté de fureur contre les chrétiens, il les entraînait, hommes et femmes, en prison, et s’efforçait de leur faire blasphémer le nom du Sauveur. Telle est l’inimitié du cœur de l’homme contre Dieu et son Fils, et ce cœur, c’est le nôtre.
C’est ainsi que Satan s’efforçait, par la violence, de détruire ou d’entraver l’œuvre de Dieu. Mais cela est-il possible ? Non ; Dieu fait servir les efforts mêmes de Satan contre Lui, pour accomplir ses desseins de grâce. Le résultat de la persécution fut de disperser les croyants, sauf les apôtres, dans la Judée et la Samarie et même plus loin, comme nous le verrons. Et que firent-ils ? Pouvaient-ils garder dans leurs cœurs, pour eux-mêmes, sans rien dire, le trésor de la connaissance du Sauveur et de leur espérance céleste ? Non, c’était impossible. De ce qui remplit le cœur, la bouche parle. Si vous aimez le Sauveur, on le verra bientôt à votre conduite, on l’entendra à vos discours. Ces chrétiens dispersés allaient çà et là, annonçant la parole divine. Chacun d’eux, là ou Dieu le conduisait, était comme un flambeau faisant briller autour de lui la lumière céleste. Ainsi se répandait la bonne nouvelle du salut, et Dieu faisait tourner à la gloire de son Fils et au bien des âmes, la méchanceté de Satan et des hommes.
Parmi ceux qui quittèrent Jérusalem se trouvait Philippe, l’un des sept choisis avec Étienne pour le service de l’Assemblée. On l’appelle Philippe l’évangéliste, parce que le Seigneur lui avait conféré d’une manière spéciale le don d’évangéliser, c’est-à-dire d’annoncer la bonne nouvelle du salut aux âmes inconverties. C’est le Seigneur Jésus qui, étant monté au ciel, donne des dons aux hommes et à l’Assemblée. Par son Saint Esprit, il qualifie les uns pour être apôtres et prophètes, et d’autres pour être pasteurs et docteurs ou évangélistes (Éphésiens 4:7-12). Il les appelle et les envoie pour exercer ces dons de grâce. Philippe ayant donc quitté Jérusalem, le Seigneur dirigea ses pas vers la Samarie. C’était le pays situé entre la Galilée au nord, où se trouvait Nazareth, et la Judée au sud, où était la grande ville de Jérusalem. Les Juifs détestaient les Samaritains, et les Samaritains ne pouvaient souffrir les Juifs. Mais nous savons que le Seigneur Jésus avait plus d’une fois traversé cette contrée et y avait montré sa grâce comme Sauveur du monde. Une fois, fatigué du chemin, il s’était assis au bord d’un puits dans la Samarie. Une pauvre femme, une grande pécheresse, était venue puiser de l’eau, et le Sauveur lui avait fait connaître l’eau vive et éternelle de la grâce. La femme ayant cru en Lui, courut vers les habitants de la ville pour leur parler de Jésus, qui resta avec eux deux jours et leur annonça le salut. Quelle grâce il y avait en Jésus ! Une autre fois, on n’avait pas voulu le recevoir dans un village samaritain. Ses disciples auraient voulu que le feu du ciel détruisît ces gens qui repoussaient leur Maître. Mais que dit Jésus ? « Je ne suis pas venu afin de juger le monde, mais afin de sauver le monde » (Luc 9, 52-56 ; Jean 12:47).
Maintenant, Jésus continue son œuvre de grâce envers les pauvres Samaritains méprisés des Juifs, en leur envoyant Philippe pour leur annoncer la bonne nouvelle du salut. Philippe, par la puissance du Seigneur, guérissait les malades et chassait les démons. Dieu rendait ainsi témoignage à sa parole. Les gens de la ville crurent les bonnes nouvelles touchant le royaume de Dieu et le nom de Jésus Christ ; ils furent baptisés et ainsi reçus dans l’Assemblée chrétienne. Leurs cœurs étaient remplis de joie ; et c’est là toujours ce qui arrive quand on croit en Jésus : on est rempli d’une joie ineffable et glorieuse.
Les apôtres, à Jérusalem, ayant appris l’œuvre merveilleuse que Dieu opérait en Samarie, y envoyèrent Pierre et Jean. Les Samaritains croyants n’avaient pas encore reçu le Saint Esprit, ce grand privilège des chrétiens. Le Seigneur, dans sa sagesse, ne voulait pas que les Samaritains, qui avaient de grandes prétentions, se crussent au-dessus des Juifs. Il avait dit autrefois à la femme de Sichar : « Le salut vient des Juifs ». Et c’est à la prière des apôtres et après l’imposition de leurs mains, que le Saint Esprit vint sur les Samaritains. Ils étaient maintenant unis à Christ et du même corps que les Juifs. Il n’y avait plus de distinction, plus de haine, un même amour remplissait leurs cœurs. La barrière qui les séparait était ôtée. Autrefois Jean, dans son ignorance, avait demandé que le feu du ciel détruisît les Samaritains ; maintenant, il prie pour eux. Telle est la différence entre le cœur naturel et le cœur transformé par la grâce. Les apôtres, après avoir annoncé la parole du Seigneur, retournent à Jérusalem et, en passant dans la Samarie, prêchent l’Évangile dans plusieurs villages. Comme ils devaient se rappeler le temps où, dans ces mêmes contrées, ils suivaient leur Maître, mais avec des cœurs charnels, sans comprendre son amour et son esprit de grâce envers les pauvres pécheurs, et où ils Lui demandaient de détruire ceux que maintenant ils étaient si heureux de voir sauvés !
Quant à Philippe, il avait achevé ce que le Seigneur voulait qu’il fît dans la Samarie, et le Seigneur l’envoie annoncer l’Évangile autre part. Mais ce n’est plus à des foules, à tout le peuple d’une ville. C’est à une seule personne. Le serviteur du Seigneur est soumis à son Maître ; il obéit, quels que soient ses ordres. Philippe, sans doute, se plaisait en Samarie, au milieu de tout ce peuple converti par son moyen, et qui, on peut en être sûr, avait pour lui une grande affection. Mais un ange du Seigneur lui apporte un message. « Va », lui dit-il, « sur le chemin qui descend de Jérusalem à Gaza, lequel est désert ». Quel ordre étrange ! Envoyer un évangéliste sur un chemin désert ! À qui prêchera-t-il ? Dieu le savait, et cela suffisait à Philippe. Aussi obéit-il sans questionner. C’est ainsi qu’ont fait de tout temps les vrais serviteurs de Dieu. Philippe apprit bientôt pourquoi le Seigneur l’appelait là. Il y avait quelqu’un sur ce chemin désert. C’était un homme, un grand seigneur, venu de très loin, d’Éthiopie, à Jérusalem, pour adorer Dieu. C’était, sans doute, un païen qui avait appris à connaître le vrai Dieu par les Saintes Écritures, que les Juifs répandus partout portaient avec eux. Il revenait de Jérusalem, et que faisait-il ? Pensait-il à ses richesses, à son pays, aux amis qu’il allait revoir ? Non, d’autres pensées remplissaient son âme. C’était un homme qui avait de profonds besoins que ses trésors et sa haute position n’avaient pu satisfaire. Il désirait connaître le Dieu qu’il était venu adorer, et pour cela il lisait sa Parole. Pouvait-il faire mieux ? Non, assurément. Mais quelque chose lui manquait. L’homme animal, c’est-à-dire ce que nous sommes par nature, ne peut comprendre les choses de Dieu (*), si la lumière céleste ne l’éclaire. Le grand seigneur éthiopien qui, certainement, était loin d’être un ignorant dans le monde, ne comprenait pas ce qu’il lisait. Mais Dieu répond toujours aux besoins de l’âme et aux désirs sincères du cœur. Il avait conduit l’Éthiopien à lire un chapitre qui parlait de Jésus, et maintenant, sur cette route solitaire qu’il parcourait avec sa suite, se trouvait un messager de Dieu pour lui faire comprendre ce qui était obscur à son esprit. C’était Philippe, à qui l’Esprit de Dieu dit de se rapprocher du char de l’Éthiopien. Philippe obéit et l’entendit lire à haute voix dans le prophète Ésaïe, le beau chapitre cinquante-troisième, qui parle des souffrances et de la gloire du Sauveur. Philippe comprenait bien ce chapitre ; les paroles qu’il entendait plaçaient devant les yeux de son cœur le Maître qu’il connaissait et aimait. Il voulait savoir si l’étranger jouissait du même bonheur que lui, et lui demanda s’il comprenait ce qu’il lisait. Le grand seigneur n’eut pas honte d’avouer son ignorance au pauvre évangéliste qui parcourait la route à pied. Il n’eut pas honte de le faire monter sur son char et de le faire asseoir à ses côtés. Et le voilà devenu écolier, et qui apprend de la bouche de Philippe que Celui qui a été mené à la boucherie comme une brebis, n’est autre que le Fils de Dieu, devenu un homme ici-bas, rejeté, méprisé par les siens, cloué sur une croix, et portant là le poids de nos péchés pour les expier. « Le châtiment de notre paix a été sur lui, et par ses meurtrissures nous sommes guéris… L’Éternel a fait tomber sur lui l’iniquité de nous tous ».
(*) 1 Corinthiens 2:14. L’homme animal est l’homme animé seulement par son âme, sans l’enseignement et la puissance de l’Esprit Saint.
Quelles paroles précieuses ! Voilà pourquoi Philippe avait dû quitter la Samarie et son peuple. Voilà pourquoi il était venu sur une route déserte. C’était pour annoncer l’Évangile à cet étranger. Et l’Évangile fut cru, la lumière jaillit dans le cœur du grand seigneur ; il comprit la Parole et la reçut avec joie. Il apprit que le Dieu qu’il était venu adorer était le Dieu qui l’aimait, le Père de Jésus Christ et son Père. Quelle joie remplit son cœur ! Il fit arrêter son char là où se trouvait de l’eau, et demanda à être baptisé, et fit ainsi profession, devant tous ceux qui l’accompagnaient, de sa foi au Seigneur Jésus. Par la foi, il avait part à la mort et à la résurrection de ce précieux Sauveur ; à sa mort, pour voir ses péchés ôtés, à sa résurrection, pour sa justification ; à sa mort, pour être enseveli quant à ce qui est du vieil homme, à sa résurrection, pour vivre en nouveauté de vie (Romains 4:25 ; 6:4, 6). Il était ajouté lui aussi à l’Assemblée, il était membre du corps de Christ et allait devenir, dans son pays lointain, une lumière pour faire connaître le nom du Sauveur. Dans ce pays, le nom de Jésus est encore connu et le christianisme professé, bien que mêlé hélas ! à une foule d’erreurs et de superstitions. Ainsi s’accroissait l’Assemblée. Elle allait s’étendre encore plus parmi les nations, comme nous le verrons. L’Esprit enleva Philippe pour le conduire vers de nouveaux endroits à évangéliser, et l’étranger continua seul son chemin, plein de joie, possédant dans son cœur un trésor devant lequel s’éclipsaient tous ceux dont il était l’intendant pour sa souveraine.
Le Seigneur voulait que la bonne nouvelle du salut fût annoncée aux nations, jusqu’aux bouts de la terre, afin que ceux qui croiraient fussent sauvés et entrassent aussi dans son Assemblée. Les disciples, que la persécution avait chassés de Jérusalem, s’étaient répandus au loin et avaient annoncé la parole de Dieu. Quelques-uns même, étant venus à Antioche, ne s’étaient pas contentés de parler aux Juifs, mais avaient commencé à évangéliser les Grecs, et le Seigneur avait béni leur parole. Philippe aussi avait annoncé la bonne nouvelle à un Éthiopien, qui avait cru au Seigneur Jésus, et avait été baptisé.
C’était le commencement de la grande œuvre de l’évangélisation des nations. Jusqu’alors elles avaient été sans Dieu et sans espérance (Éphésiens 2:12) dans le monde, mais la lumière s’était levée pour elles aussi ; Christ étant mort sur la croix pour le salut de tous, voulait attirer tous les hommes à Lui.
Mais quand Dieu veut accomplir une grande œuvre, il se choisit un instrument qu’il prépare dans ce but. Ainsi Moïse fut choisi et préparé pour être le libérateur d’Israël ; dans un temps plus voisin de nous, Luther et d’autres furent, en différents pays, choisis et préparés de Dieu pour accomplir dans l’Église déchue, la grande œuvre de la Réformation. Pour l’évangélisation des nations, Dieu choisit aussi un homme qu’il prépara, auquel il donna les qualités nécessaires et qu’il appela par sa grâce et sa puissance quand le temps fut venu. Cet homme n’était pas un païen converti, mais un Juif ; et pour montrer sa gloire et sa grâce souveraine, Dieu choisit le Juif le plus attaché au judaïsme et le plus ennemi de Christ et de ses disciples.
C’était ce jeune homme nommé Saul, qui était témoin de la mort du fidèle martyr Étienne, et qui y consentait ; qui, ensuite, plein de fureur contre les chrétiens, les poursuivait jusque dans leurs maisons et les traînait en prison. C’est ce terrible persécuteur que Dieu avait choisi dès sa naissance pour faire de lui un de ses serviteurs les plus fidèles, afin qu’il annonçât la foi que d’abord il voulait détruire. Je désire retracer ici son histoire, histoire merveilleuse qui nous montre la puissance et l’étendue de la grâce de Dieu agissant dans un homme, histoire liée intimement à celle de l’Assemblée dans les premiers temps, tandis que, par ses écrits inspirés de Dieu, ce fidèle serviteur du Seigneur continue et continuera jusqu’à la fin à instruire et à édifier l’Assemblée de Dieu.
Saul était né à Tarse, ville de Cilicie dans le sud-est de la Turquie actuelle, qui subsiste encore. C’est maintenant une ville de peu d’importance, mais alors c’était une cité grande, populeuse, commerçante, riche, et renfermant des écoles célèbres. Bien que Juif, descendu de parents juifs et de la tribu de Benjamin, Saul, par sa naissance, était citoyen romain. Ce titre conférait de grands privilèges. La personne d’un citoyen romain était sacrée, pour ainsi dire. Il était interdit de le châtier ou de l’emprisonner sans jugement ; certaines peines, par exemple celles du fouet et de la crucifixion, ne pouvaient lui être infligées, et il avait toujours le droit, en dernier ressort, d’en appeler à l’empereur lui-même.
Nous ne savons rien des parents de Saul, sinon que son père était pharisien. Peut être ne restèrent-ils pas à Tarse, mais vinrent-ils à Jérusalem, car Saul fut, dit-il lui-même, élevé dans cette dernière ville (Actes 22:3). Il avait une sœur, dont le fils se retrouve à Jérusalem dans une circonstance importante de la vie de Saul, devenu l’apôtre Paul (Actes 23:16) : ce jeune homme ayant entendu parler d’un complot contre la vie de son oncle, le fit connaître à l’officier qui le gardait. Dieu se servit ainsi de ce jeune homme pour garantir la vie de son serviteur.
Quelques parents de Saul sont encore mentionnés par lui dans l’épître aux Romains. Deux d’entre eux, nommés Andronique et Junias, étaient des chrétiens éminents par leurs services dans l’Assemblée : « Distingués parmi les apôtres », dit Paul, en les faisant saluer. Ils avaient été convertis avant lui, et, comme lui, avaient été prisonniers pour le Seigneur. Un autre parent de Paul, qui se trouvait aussi dans l’assemblée à Rome, se nommait Hérodion, mais nous n’avons sur lui aucun détail (Romains 16:7, 11). Remarquez comme tout est simple dans les écrits divins ; le grand but de Dieu est de se faire connaître à nous ; de nous révéler le salut et le chemin du ciel ; il n’y a donc rien dans ces saints écrits pour satisfaire la curiosité.
Nous aimerions bien avoir, par exemple, quelques détails sur la personne de Saul ; savoir quel extérieur il avait. Mais cela n’importait pas à l’œuvre pour laquelle Dieu le préparait. Dieu se sert de ce qui n’a pas d’apparence, de ce qui est chétif et faible, comme il peut se servir de ce qui est grand et beau extérieurement. Il ne nous est rien dit de la taille, ni de la figure, ni des manières du Seigneur, ni d’aucun apôtre. Quant à Saul, il semblerait, d’après ce qu’il dit de lui-même, que son extérieur était plutôt chétif et méprisable, et que sa parole n’avait rien d’attrayant (*), mais la puissance du Seigneur, pour accomplir son œuvre par le moyen de cet instrument sans apparence, n’en ressort que plus admirablement.
(*) 2 Corinthiens 10:10 ; 12:7 ; 1 Corinthiens 2:3 ; Galates 4:14.
Mais si l’instrument que Dieu préparait pour annoncer l’Évangile au loin parmi les nations, n’avait pas un extérieur qui le recommandât, Dieu lui avait dispensé des dons naturels d’intelligence, auxquels s’ajoutaient des connaissances diverses, en attendant les connaissances et l’intelligence spirituelle sans lesquelles on ne peut pénétrer dans les choses de Dieu. Saul fut sans doute élevé comme les autres jeunes Juifs, apprenant dans les écoles à lire et à connaître la loi et le Talmud. Il acquit aussi une certaine connaissance des auteurs grecs, langue qui était parlée dans l’Orient et qui est celle dans laquelle le Nouveau Testament a été écrit. De plus, comme c’était la coutume chez les Juifs, même lorsqu’ils étaient riches et qu’ils avaient étudié pour être rabbis, ou docteurs de la loi, Saul avait appris un métier. Il était faiseur de tentes. Nous le voyons plus tard, tout en annonçant l’Évangile, exercer ce métier et pourvoir ainsi à ses besoins et même à ceux de ses compagnons de travaux (Actes 20:34).
Nous ne savons pas à quel âge il vint à Jérusalem, mais c’est là qu’il fut élevé et poursuivit ses études afin de devenir rabbi, aux pieds, c’est-à-dire sous les soins et l’autorité de Gamaliel. Celui-ci était un docteur célèbre, vénéré parmi les Juifs, et que nous avons vu prendre le parti de Pierre et de Jean dans le sanhédrin, quand les autres Juifs voulaient les faire mourir. Saul fut donc instruit par Gamaliel selon l’exactitude de la loi et devint zélé pour Dieu. Il se livrait avec application à l’étude et avançait dans le judaïsme plus que plusieurs de son âge, étant le plus ardent à s’attacher aux traditions que les docteurs de la loi avaient ajoutées à la parole de Dieu, sous prétexte de l’expliquer, et qui souvent l’annulaient, comme le disait le Seigneur Jésus aux pharisiens.
Ce n’est pas seulement par son intelligence et ses progrès dans les études, que le jeune Saul se distinguait ; il avait aussi à cœur de vivre selon les enseignements de la loi en toute bonne conscience, s’appliquant à faire tout ce que la loi et les traditions prescrivaient. Il était donc pharisien, comme ses ancêtres. Les pharisiens étaient, parmi les Juifs, la secte la plus exacte de leur culte, opposée aux sadducéens matérialistes et amateurs des biens de ce monde. Ils conservaient et gardaient avec soin les vérités importantes du jugement, de la résurrection, d’une vie éternelle après celle-ci, et de l’existence du monde invisible des esprits ; d’un autre côté, ils observaient avec un soin extrême toutes les ordonnances de la loi et ce que les traditions des anciens y avaient ajouté. Garder la loi était une bonne chose, mais pour le plus grand nombre, la piété n’était qu’une forme et un moyen de s’attirer de la considération parmi les hommes. C’est pourquoi le Seigneur les appelle des hypocrites.
Tel n’était pas Saul. Il était sérieux, sincèrement zélé pour Dieu, et quant à la justice selon la loi, sans reproche. Il était tout entier et de cœur pour ce judaïsme qu’il estimait la vraie religion, il rejetait loin de lui les vanités et les plaisirs du monde qui l’entourait et ne voulait que servir Dieu. C’était bon dans un sens, mais son zèle était aveugle, il ne se connaissait pas lui-même comme un pauvre pécheur perdu et voulait, pour être sauvé, établir sa propre justice devant Dieu.
Il était sans doute à Jérusalem quand Jésus avait été saisi, condamné injustement et crucifié. Saul avait donc entendu parler de ses miracles et de sa résurrection. Mais aveuglé par son propre cœur, et écoutant les enseignements de ses maîtres, les docteurs juifs, il avait peut-être, comme eux, attribué à Satan les miracles du Seigneur et ajouté foi à la fable que ses disciples avaient enlevé son corps pour faire croire à sa résurrection. Comme ses maîtres, il pensait aussi que Christ avait voulu détruire le temple et abolir la loi, et que les chrétiens seraient cause que les Romains anéantiraient la nation juive. Et Saul, sans examiner si ses maîtres disaient vrai, s’était mis à haïr le nom et la personne de Christ, ainsi que ses disciples. En cela, il ne faisait que suivre la pente naturelle de nos pauvres cœurs, ennemis de Dieu, tout en croyant souvent le servir. Il n’y avait donc rien que Saul ne crût devoir faire contre Christ et les siens. Il avait déjà montré sa haine par sa conduite à la mort d’Étienne qu’il approuvait. Et bien loin que les paroles d’amour du martyr mourant eussent touché son cœur, sa fureur contre les chrétiens n’avait fait que s’accroître. Tel est l’homme dans son état de péché, même l’homme religieux quand il n’a pas la vie de Dieu. Il se montre plus acharné même que le monde contre les enfants de Dieu. L’amour de Jésus n’avait rencontré que la haine chez les Juifs ; l’amour et la patience des disciples ne rencontraient que la haine chez Saul et les principaux chefs des Juifs.
Saul avait commencé à persécuter les chrétiens à Jérusalem. Il y mettait toute l’énergie de sa nature, entrant dans les maisons, traînant en prison les hommes et les femmes, donnant sa voix quand on les faisait mourir, les contraignant par la violence, dans les synagogues, à blasphémer le nom de Jésus, et les persécutant outre mesure. Non content d’exercer sa fureur à Jérusalem, il voulut poursuivre les chrétiens même dans les villes étrangères. Dans ce but, il demanda au souverain sacrificateur et aux anciens des lettres pour l’autoriser à saisir, dans les synagogues des autres villes, ceux qui confesseraient le nom de Christ, afin de les amener à Jérusalem pour qu’ils y fussent jugés. Tout cela il le faisait dans l’ignorance, croyant rendre service à Dieu ; mais cela ne l’excusait pas. L’ignorance n’excuse jamais le mal. Lui-même, Paul, reconnaît qu’il était un outrageux, un blasphémateur, le premier des pécheurs, et s’accuse avec douleur et humiliation d’avoir persécuté l’Église de Dieu (1 Timothée 1:13 ; 1 Corinthiens 15:9).
Avec toute sa religion et sa justice selon la loi, avec sa bonne conscience, Saul courait tête baissée dans le grand chemin de la perdition, quand le Seigneur, que lui haïssait, vint dans sa grâce, l’arrêter et le sauver. Comment ?
À mesure que Saul poursuivait les chrétiens, sa haine contre eux s’accroissait, et, comme nous l’avons dit, dans son animosité contre le nom de Jésus et son désir de le faire disparaître de la terre, il résolut de poursuivre les disciples du Seigneur dans d’autres villes, où il pourrait s’en trouver.
Parmi ces villes, il y en avait une très grande et importante. C’était Damas, située à deux cent quarante kilomètres environ vers le nord de Jérusalem, ancienne cité plusieurs fois mentionnée dans l’Écriture même au temps d’Abraham (Genèse 14:15 et 15:2), et qui existe encore maintenant. Elle compte environ 380000 habitants, dont un dixième professent le christianisme. Là se trouvaient, au temps de Saul, un grand nombre de Juifs qui y avaient plusieurs synagogues, et parmi eux des disciples de Jésus. Comment y étaient-ils venus ? L’Écriture ne nous le dit pas, mais ils pouvaient avoir fait partie de ceux qui furent convertis le jour de la Pentecôte, ou bien être des Juifs chrétiens qui, après la mort d’Étienne, furent dispersés par la grande persécution qui s’était élevée.
Quoi qu’il en soit, Saul rempli de pensées de violence contre les disciples du Seigneur, et sachant qu’il en demeurait à Damas, demanda, comme nous l’avons vu, au souverain sacrificateur de lui donner, pour les synagogues de cette ville, des lettres qui l’autoriseraient à saisir les disciples de Jésus qui s’y trouveraient. Il voulait les amener liés, hommes et femmes, à Jérusalem, afin qu’ils y fussent punis. On peut penser si sa demande fut bien accueillie par ces chefs du peuple qui avaient haï le Seigneur et l’avaient fait mourir, et qui venaient de mettre à mort son fidèle témoin Étienne comme pour dire à Jésus : « Nous ne voulons décidément pas que tu règnes sur nous ».
Saul partit donc avec ses lettres. Représentons-nous cet homme, poursuivant son voyage en roulant des pensées de vengeance contre ces misérables Nazaréens qui, pensait-il, voulaient détruire la loi et s’opposaient à Dieu ; voyons-le blasphémant en lui-même contre Christ, qu’il regardait comme un imposteur, haïssant ainsi Dieu qu’il croyait servir. Mais n’avait-il pas eu le cœur touché en voyant la mort si glorieuse d’Étienne ? Non. N’avait-il pas compassion de ceux qu’il persécutait et qui souffraient avec tant de patience tous les outrages ? Non. Telle est la dureté, tel est l’aveuglement du cœur naturel. Saul, avec toute sa sincérité, sa droiture, sa moralité, sa religion, tout en croyant être agréable à Dieu courait tête baissée vers la perdition, puisqu’il rejetait Christ. Et il en est de même maintenant : avec la plus belle profession religieuse, si l’on n’a pas Christ, on est perdu.
Mais Dieu avait des pensées de grâce à l’égard de Saul, et Jésus, qu’il haïssait, le suivait du haut du ciel avec amour : le Seigneur voulait, non le perdre, mais le sauver.
Saul s’avançait sur la route de Damas avec son escorte ; peut-être étaient-ce des hommes que le souverain sacrificateur lui avait donnés pour l’aider à accomplir son dessein. Il approchait de la ville, lorsque, vers midi, tout à coup, avec la soudaineté d’un éclair, une lumière plus éclatante que la splendeur du soleil, brilla du ciel autour de lui et de ceux qui l’accompagnaient. Tous et Saul avec eux, saisis de crainte, tombèrent par terre, sous l’impression puissante de cette manifestation divine. Qu’était-ce donc ? Nous allons le voir. Du sein de cette gloire se fait entendre une voix. Quelqu’un se trouvait dans cette lumière céleste qui éclipsait celle du soleil. « Saul ! Saul ! » dit la voix, « pourquoi me persécutes-tu ? ». C’était quelqu’un qui connaissait Saul, quelqu’un qui voyait ce qui était dans le cœur de Saul, et qui suivait tous ses mouvements contre les disciples de Jésus. Saul savait que cette voix venait du ciel ; il savait aussi que l’Éternel habite dans la nuée, dans l’obscurité ; mais qui était celui qui habitait dans cette splendeur, dans cette gloire qui l’anéantissait, lui, Saul ? Il l’ignorait ; mais qu’il devait être grand et puissant ! Saul, abattu, prosterné contre terre, demanda : « Qui es-tu Seigneur ? ». Il reconnaissait que celui qui lui parlait était digne de ce nom de Seigneur. Et quelle dut être sa surprise, le saisissement de son âme, en entendant la voix lui dire : « Je suis Jésus que tu persécutes ! » Jésus ! Celui qui lui parlait du sein de la gloire divine, c’était le crucifié, le Nazaréen méprisé, celui que Saul pensait ne pouvoir assez haïr. Il n’était donc pas resté dans le sépulcre ; Dieu l’avait donc ressuscité d’entre les morts ; il était donc dans la gloire ; ce qu’Étienne avait dit avant de mourir était donc vrai ! Celui qui parlait était donc le Fils de Dieu, le resplendissement de sa gloire, et c’était Lui que Saul poursuivait de sa haine ! Quelle révolution dans le cœur et tout l’être du pharisien irréprochable gisant dans la poussière ! Tout ce dont il pouvait se glorifier devant les hommes, sa moralité, son zèle pour la loi, sa propre justice, tout était brisé, anéanti. Il était le premier des pécheurs, puisqu’il s’était opposé au Fils de Dieu, à Dieu lui-même. Et ces chrétiens, si misérables et si méprisables à ses yeux, étaient si précieux au Fils de Dieu dans la gloire, Lui étaient si étroitement unis, qu’ils ne faisaient qu’un avec Lui, et que les toucher seulement c’était porter atteinte au Christ ! Quelle révélation merveilleuse de ce qu’est Christ et de la place qu’occupent ceux qui Lui appartiennent ! Et ce sont des vérités précieuses pour nous aussi, que celles qu’apprenait Saul en ce moment solennel, et que plus tard il prêcha. Christ est le Sauveur dans la gloire, et les fidèles Lui sont unis comme membres de son corps.
Mais Jésus, qui a abattu l’orgueil de Saul et l’a convaincu de son état de péché, a autre chose à lui dire. Il a maintenant à lui parler de grâce, mais cela viendra plus tard, quand d’autres exercices de cœur et de conscience auront montré la réalité de l’œuvre accomplie dans l’âme du pharisien. Saul prosterné, humilié, reconnaissant les droits de Jésus sur lui, demande avec soumission : « Que dois-je faire, Seigneur ? ». Le Seigneur ne le lui dit pas, mais lui commande de se lever, et d’aller à Damas. Là, quelqu’un de ceux qu’il avait méprisés devait l’instruire, lui, le disciple de Gamaliel. Le Seigneur veut se servir maintenant d’un instrument pour parler à Saul. Celui-ci ne regimba pas contre les aiguillons, son cœur était soumis : il ne résista pas à la vision céleste. Il se leva, mais l’éclat de la gloire divine avait ôté à ses yeux, quoique ouverts, la faculté de voir les choses extérieures. Elles ne devaient pas le distraire de la contemplation des choses intérieures. Ceux qui étaient avec lui le conduisirent par la main. Le voilà dépendant, lui, l’homme indépendant qui ne suivait que ses propres pensées ; le voilà faible, lui, l’homme fougueux et impérieux ; il est brisé de toutes manières. Il est conduit à Damas, et là, durant trois jours, sans voir, ni manger, ni boire, en dehors du monde extérieur, il reste seul avec Dieu, repassant en lui-même la révélation merveilleuse qu’il avait eue, et, sous le poids de son péché, s’humiliant et priant. Quelle douleur, quelle repentance il devait éprouver ! Quelles angoisses dans son âme, en se voyant dépouillé de tout ce qu’il croyait être devant Dieu ! Il s’estimait juste, et sa justice n’était que des haillons souillés. Comment échapper ? Comment être sauvé ?
Dieu répond toujours à ces besoins d’une âme repentante, à ces prières d’un cœur brisé. Jésus s’était fait connaître à Saul dans sa gloire, afin de lui montrer son péché et son néant ; maintenant, il va se faire connaître à lui dans son amour, afin de gagner son cœur. Et c’est ainsi que Dieu fait toujours.
Il y avait à Damas un disciple nommé Ananias. Rien ne nous est dit de sa position sur la terre, rien ne nous est raconté de sa vie, avant ni après l’événement qui le met en rapport avec Saul de Tarse. Nous voyons seulement qu’il vivait dans l’intimité de Jésus qu’il connaissait. C’est le privilège de tout chrétien, de chacun de ceux qui ont saisi Jésus pour leur Sauveur. Le Seigneur s’adresse à Ananias, et celui-ci, sans éprouver nulle crainte, sans être jeté par terre comme Saul, en entendant cette voix divine, répond : « Me voici, Seigneur ». Qu’il est doux de connaître la voix de Jésus, et qu’il est bon d’être prêt à Lui obéir ! Et le Seigneur charge son fidèle disciple d’aller chercher le pécheur repentant, et, en lui rendant la vue, de lui annoncer le message de miséricorde. « Il prie », ajoute le Seigneur en parlant de Saul. Un homme qui prie et dont Dieu reconnaît la prière, est cher à son cœur. Quel privilège pour Ananias d’être choisi pour porter un tel message ! Mais il ne connaît Saul que comme le terrible persécuteur des saints, et il redoute d’aller le trouver. En toute simplicité, il expose ses craintes au Seigneur qui, plein de condescendance pour la faiblesse de son disciple, le rassure en lui disant : « Va car j’ai choisi cet homme pour porter mon nom devant les nations, et les rois, et les fils d’Israël, et je lui montrerai combien il doit souffrir pour mon nom ». Ananias obéit à son divin Maître, et va, messager de la grâce, annoncer au pécheur brisé la bonne nouvelle du pardon, de la part du même Seigneur qui lui était apparu dans sa gloire, et avait arrêté le persécuteur. « Saul, frère », lui dit-il, « le Seigneur, Jésus qui t’est apparu… m’a envoyé pour que tu recouvres la vue et que tu sois rempli de l’Esprit Saint ». Ananias lui impose les mains, et aussitôt Saul voit l’envoyé du Seigneur. Mais en même temps qu’il a la vue du corps, il a aussi la vue de l’âme qui lui fait discerner dans le Seigneur de gloire, le Sauveur crucifié pour ôter ses péchés — le Fils de Dieu qui l’a aimé et s’est livré pour lui. À l’avenir, il pourra dire et proclamer : « Cette parole est certaine et digne de toute acceptation, que le Christ Jésus est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont moi je suis le premier » (1 Timothée 1:15). Saul est baptisé et entre dans cette Église de Dieu qu’il persécutait et voulait détruire, et dont il va être le serviteur zélé. Il reçoit le Saint Esprit, qui, tout en rendant témoignage avec son esprit qu’il est enfant de Dieu, le remplit de puissance pour le service qu’il aura à remplir. Il se joint aux disciples qui étaient à Damas et qu’il voulait jeter en prison, et prêche avec force dans les synagogues que Jésus est le Fils de Dieu.
Quel changement ! C’est le miracle de la grâce de Christ, pardonnant au plus grand pécheur, et gagnant le cœur le plus éloigné de Lui, pour en faire le disciple le plus fidèle, le serviteur le plus dévoué.
Nous ne sommes pas des Sauls, mais tous nous avons besoin de connaître le Fils de Dieu qui nous a aimés et s’est livré pour nous ; tous nous devons croire en Lui pour être sauvés ; tous nous pouvons jouir du privilège d’être ses disciples et ses serviteurs.
Je suis crucifié avec Christ ; et je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi ; — et ce que je vis maintenant dans la chair, je le vis dans la foi, la foi au Fils de Dieu, qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi (Galates 2:20).
Voilà la devise de Paul, puisse-t-elle être la vôtre !
Saul, dont nous avons vu la merveilleuse conversion, avait bien été choisi de Dieu pour porter l’Évangile aux nations, mais c’est l’apôtre Pierre qui, sur l’ordre du Seigneur, leur ouvrit le premier, d’une manière publique, la porte du salut. Le Seigneur Jésus étant encore sur la terre, lui avait dit : « Je te donnerai les clefs du royaume des cieux ; et tout ce que tu lieras sur la terre sera lié dans les cieux ; et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié dans les cieux ». Le jour de la Pentecôte, Pierre avait ouvert aux Juifs le royaume des cieux, en leur annonçant la rémission des péchés au nom de Jésus, et il allait aussi introduire les gentils, c’est-à-dire ceux qui n’étaient pas Juifs, dans la même bénédiction.
Mais, pour cela, Pierre avait besoin d’un ordre formel de la part de Dieu, car les Juifs n’avaient pas de communication avec les nations ; ils pensaient que les bénédictions divines leur appartenaient à eux seuls, et Pierre lui-même n’avait pas encore compris que le Seigneur voulait que la rémission des péchés fût prêchée en son nom à toutes les nations, ni ce que signifiait cette parole de Jésus : « Et moi, si je suis élevé de la terre (sur la croix), j’attirerai tous les hommes à moi », de quelque nation qu’ils fussent. C’est la croix qui a détruit la barrière entre les Juifs et les païens, en montrant que les uns, comme les autres, étaient des pécheurs et avaient également besoin d’un Sauveur.
C’est à Césarée, et non à Jérusalem, qu’eut lieu ce fait important de la réception des gentils dans l’Assemblée ou l’Église chrétienne, et nous allons voir ce que la parole de Dieu nous en dit.
La ville de Césarée était située au bord de la mer, vers le nord-ouest et à cent-vingt kilomètres de Jérusalem. Il n’en reste actuellement que des ruines, mais, au temps des apôtres, elle était grande et importante. C’était là que résidait le gouverneur romain et que se trouvait le siège de l’administration civile et militaire du pays. Bien qu’un certain nombre de Juifs s’y fussent établis, c’était donc une ville essentiellement païenne, mais qui convenait ainsi aux desseins du Seigneur.
Dans cette ville se trouvait un officier romain nommé Corneille. Il était pieux et craignant Dieu, sans être cependant un prosélyte juif. Nous ne savons pas d’où lui était venue la connaissance du vrai Dieu ; peut-être les Écritures de l’Ancien Testament lui étaient-elles tombées entre les mains. À cette époque, il y avait, parmi les païens, bien des âmes qui étaient dégoûtées du culte des idoles, et que Dieu préparait pour des choses meilleures. Par le moyen des Juifs dispersés, la connaissance d’un Dieu unique et Créateur se répandait, et ces âmes la recevaient avec empressement.
La piété de Corneille se manifestait dans sa vie. Toute sa maison craignait Dieu comme lui ; il avait même dans sa cohorte des soldats pieux : preuve de l’influence qu’il exerçait autour de lui. Il faisait beaucoup d’aumônes au peuple et priait Dieu continuellement. Ces deux choses, l’amour du prochain et la dépendance de Dieu démontraient bien la réalité de sa piété. De plus, toute la nation des Juifs lui rendait un bon témoignage. Il était loin de les mépriser ou de les persécuter, comme le faisaient volontiers les Romains. N’était-ce pas un beau caractère ? Il nous rappelle cet autre centurion romain qui vint demander au Seigneur la guérison de son serviteur malade, et qui donna à Jésus l’occasion d’annoncer d’avance l’introduction des nations dans le royaume des cieux.
Corneille était donc un homme dont le cœur était tourné vers Dieu ; mais cela n’est pas le salut : Corneille n’était pas sauvé par sa piété, ses aumônes et ses prières. Mais Dieu, qui avait commencé la bonne œuvre en lui, voulait aussi l’achever, et lui faire entendre la bonne nouvelle du salut par Christ.
Comme il était, un après-midi vers trois heures, en jeûne et en prière dans sa maison, il vit clairement en vision un homme couvert d’un vêtement éclatant et se tenant devant lui. C’était un saint ange de Dieu, un messager que Dieu lui envoyait en réponse à ses prières. Les anges, est-il dit, sont des esprits administrateurs, des serviteurs que Dieu emploie en faveur de ceux qui vont hériter du salut.
L’ange n’était pas chargé d’annoncer l’Évangile à Corneille, mais de lui faire connaître l’homme que Dieu avait choisi pour cela. C’était déjà un heureux message pour le centurion romain : « Corneille », lui dit l’ange. Corneille fut effrayé de cette apparition soudaine dans le lieu retiré où il priait. « Qu’est-ce, Seigneur ? » demanda-t-il, reconnaissant bien le caractère céleste de celui qui parlait. « Ta prière est exaucée et tes aumônes ont été rappelées en mémoire devant Dieu », dit le messager divin. Dieu répond toujours et partout à la prière sincère. Il a les yeux sur ceux qui sont droits de cœur et qui agissent fidèlement, selon la connaissance qu’ils ont de Lui. Ceux qui le craignent Lui sont agréables. Le craindre est le commencement de la sagesse.
Quelle était donc la prière de Corneille que Dieu avait exaucée ? La suite nous le montre. Corneille désirait mieux connaître Dieu ; il avait soif de salut, et Dieu allait répondre à ces besoins de son cœur. L’ange continua à lui parler, en lui disant : « Envoie des hommes à Joppé, et fais venir Simon qui est surnommé Pierre. Il est logé chez un certain Simon, corroyeur, qui a sa maison au bord de la mer ; lorsqu’il sera venu, il te parlera et te dira des choses par lesquelles tu seras sauvé, toi et toute ta maison ». Ainsi, être sauvé était ce que désirait Corneille. Est-ce là l’ardent désir de votre cœur ? Alors Dieu vous exaucera aussi.
Aussitôt que l’ange se fut retiré d’avec lui, Corneille, le cœur sans doute rempli d’émotion, de joie et de reconnaissance envers ce Dieu si bon qui avait exaucé sa prière, envoya à Joppé deux des gens de sa maison avec un soldat pieux, après leur avoir raconté tout ce qui lui était arrivé. Quelle touchante intimité existait entre ce maître et ses serviteurs ! C’est qu’eux aussi craignaient Dieu et avaient ainsi un intérêt bien grand dans la mission qu’ils avaient à accomplir.
Représentons-nous la sainte impatience qui remplissait le cœur de Corneille en attendant la venue du serviteur de Dieu qui devait lui annoncer le salut. Tandis que Corneille attend et que ses serviteurs sont en route vers Joppé, faisons un peu connaissance avec cette dernière ville et ce qui s’y passait.
Joppé ou Japho, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Césarée, était une ville très ancienne, située dans une plaine riche et fertile. Il en est déjà question dans le livre de Josué, comme appartenant à la tribu de Dan. C’était un port de mer fréquenté ; là, au temps de Salomon et d’Esdras, étaient amenés les bois de cèdre du Liban pour la construction du temple ; là, le prophète Jonas s’était embarqué pour fuir de devant l’Éternel auquel il ne voulait pas obéir. De nos jours, la ville et le port existent encore sous le nom de Jaffa et ont une assez grande importance. Beaucoup de navires y abordent pour le commerce et amènent des pèlerins et des voyageurs qui, de là, se rendent à Jérusalem (*). Voici comment l’apôtre Pierre avait été conduit à Joppé.
(*) Rappelons que tout ceci a été écrit vers la fin du 19° siècle. Depuis, la grande ville de Tel-Aviv est née et s’est développée aux portes de Jaffa ; elle est aujourd’hui la plus peuplée de l’État d’Israël, constitué en 1948. De son côté, Lydde, dont il va être question, est devenue une très importante localité.
Comme il visitait les assemblées de Judée, il arriva à Lydde, ville autrefois nommée Lod et située à une vingtaine de kilomètres de Joppé, sur la route de Jérusalem. C’est maintenant encore un village florissant comptant plusieurs milliers d’habitants, entouré de riches vergers d’oliviers, de grenadiers, de figuiers et d’autres arbres, au milieu d’une contrée très fertile. Là, Pierre guérit, au nom de Christ, un homme paralytique nommé Énée, malade depuis huit ans. Ce fut le moyen dont Dieu se servit pour attirer à l’Évangile un grand nombre de gens de Lydde et du Saron, la contrée environnante : ils se tournèrent vers le Seigneur. Ainsi s’accroissait l’Assemblée chrétienne. Mais Pierre devait aussi exercer son ministère à Joppé. Dieu voulait déployer aussi, dans cette ville, sa merveilleuse puissance et sa grâce, et voici de quelle circonstance il se servit pour y conduire l’apôtre. Il y avait, dans l’assemblée de Joppé, une pieuse femme nommée Dorcas. Sa vie était tout entière consacrée au Seigneur ; elle s’occupait des pauvres parmi lesquels elle répandait d’abondantes aumônes, et des veuves indigentes pour lesquelles elle travaillait, leur faisant des robes et d’autres vêtements. Elle tomba malade et mourut ; mais, comme nous le verrons, sa mort, grande épreuve pour les disciples, devait être pour la manifestation de la gloire de Dieu. Il en est toujours ainsi des épreuves que Dieu envoie à ses enfants. Les chrétiens de Joppé apprirent que Pierre était à Lydde, à peu de distance d’eux, et aussitôt ils le firent chercher, en lui disant le deuil dans lequel ils se trouvaient. Pierre, arrivé à Joppé, fut conduit dans la chambre haute où se trouvait le corps de Dorcas, entouré des veuves qui pleuraient leur amie délogée. L’apôtre, sans doute ému de compassion, comme autrefois son divin Maître, fit sortir tout le monde, et, seul avec son Seigneur, il le pria d’exercer sa puissance pour consoler ceux qui pleuraient, de même qu’autrefois il avait consolé la veuve de Naïn, et Marthe et Marie. Et Pierre savait que sa prière était exaucée, car le Seigneur avait dit : « Quoi que vous demandiez en mon nom, je le ferai ». Aussi, se tournant vers le corps, il dit : « Tabitha (ou Dorcas), lève-toi ». Et la morte revint à la vie. Tout Joppé eut connaissance de ce déploiement merveilleux de la puissance de Dieu par le moyen de l’apôtre, et là aussi, plusieurs crurent au Seigneur. Pierre resta dans cette ville quelques jours avec l’assemblée et les nouveaux convertis, et c’est là, chez Simon, le corroyeur, que les envoyés de Corneille devaient le trouver.
Au moment où les envoyés de Corneille approchaient de Joppé, Pierre, vers le milieu du jour, était monté pour prier sur le toit en terrasse de la maison. Il eut très faim, et, tandis qu’on lui apprêtait à manger, il vit, dans une extase ou ravissement d’esprit, le ciel ouvert et une sorte de récipient comme une grande toile tenue par les quatre coins, descendant sur lui et renfermant des quadrupèdes, des bêtes sauvages, des reptiles et des oiseaux, tous animaux impurs selon la loi, et dont un Juif ne devait pas manger la chair. En même temps, une voix se fit entendre du ciel disant à Pierre : « Tue et mange ». Pierre, en Juif fidèle, répondit : « Non point, Seigneur ; car jamais je n’ai rien mangé qui soit impur ou immonde ». Mais la voix céleste s’adressant de nouveau à lui, dit : « Ce que Dieu a purifié, toi, ne le tiens pas pour impur ». Trois fois la vision se répéta, afin de bien montrer à l’apôtre l’importance de ce que Dieu voulait ainsi lui enseigner. Mais il ne comprenait pas d’abord, et il était en perplexité pour savoir ce que signifiait cette vision.
Dieu allait le lui montrer. Les envoyés de Corneille arrivaient en cet instant devant la maison et demandaient si Simon, surnommé Pierre, demeurait là. En même temps, l’Esprit Saint lui dit : « Voilà, trois hommes te cherchent ; mais lève-toi, et descends et va avec eux sans hésiter, parce que c’est moi qui les ai envoyés ». C’est ainsi qu’en ces temps l’Esprit Saint qui demeurait en eux, guidait directement les serviteurs de Dieu dans leur ministère. C’était particulièrement nécessaire dans un cas tel que celui-ci, car les apôtres, Juifs fidèles, encore attachés aux traditions, n’auraient jamais voulu aller chez un païen sans un ordre exprès de Dieu. Aujourd’hui encore, les serviteurs de Dieu fidèles, qui s’attendent à Lui et le prient, peuvent bien compter que Dieu les dirigera dans ce qu’ils ont a faire pour lui.
Pierre descendit donc et écouta le message de Corneille. Il comprit alors la signification de la vision qu’il avait eue ; il vit que la barrière entre Juifs et nations était renversée, et que ces païens, estimés impurs et représentés par ces animaux dont il n’avait pas voulu manger, étaient purifiés par Dieu lui-même pour avoir aussi part à la grâce du salut.
Pierre n’hésita donc pas à loger les serviteurs de Corneille cette nuit-là, et, le lendemain, partit avec eux, accompagné de six frères de Joppé. De cette manière, il y avait plusieurs témoins de ce que Dieu, dans sa grande grâce, allait opérer en faveur de pauvres païens, plongés jusqu’alors dans les ténèbres et l’ombre de la mort, sans Dieu et sans espérance dans le monde.
Que se passait-il à Césarée ? Corneille n’avait pas voulu être seul à profiter du message que Dieu lui envoyait par Pierre. Il avait réuni ses parents et ses intimes amis. Lorsque nous avons vraiment à cœur le salut de notre âme, nous désirons que les autres entendent comme nous l’Évangile. Pierre étant entré dans la maison, Corneille alla au-devant de lui et se jeta à ses pieds pour l’adorer. Mais l’apôtre le releva, en lui rappelant qu’il n’était aussi qu’un homme. L’adoration n’est que pour Dieu seul. Pierre suivit Corneille dans le lieu où étaient réunis ceux qui désiraient entendre la bonne nouvelle. Il commença par leur rappeler que, comme Juif, il n’aurait pu venir auprès d’eux, mais que Dieu lui avait montré qu’il ne fallait appeler aucun homme impur ou souillé. Ensuite, il leur demanda pour quelle raison ils l’avaient fait venir. Corneille lui raconta la vision qu’il avait eue, l’ordre que l’ange lui avait donné, et termina en disant : « Tu as bien fait de venir. Maintenant donc, nous sommes tous présents devant Dieu, pour entendre tout ce qui t’a été ordonné de Dieu ». Quel sérieux, n’est-ce pas ? Quel sentiment de la présence de Dieu, et quel désir d’entendre sa parole ! Puissions-nous avoir ces dispositions quand un serviteur de Dieu, envoyé de sa part, vient nous parler, et être en présence de Dieu pour écouter sa parole !
Ce fut une réunion bénie, où l’Esprit Saint agit avec puissance par la parole de l’apôtre. Pierre commença par reconnaître avec admiration, devant ses auditeurs gentils, que « Dieu ne fait pas acception de personnes, mais qu’en toute nation, celui qui le craint et pratique la justice lui est agréable ». Puis il leur annonça l’Évangile, la bonne nouvelle touchant Jésus Christ, le Seigneur de tous, du gentil comme du Juif. Il leur dit comment Dieu avait envoyé aux fils d’Israël la bonne nouvelle de la paix par Jésus Christ, comment Jésus de Nazareth, oint du Saint Esprit et de puissance, allait de lieu en lieu faisant du bien, délivrant ceux que le diable opprimait ; comment les Juifs l’avaient fait mourir sur la croix, mais aussi, comment Dieu l’avait ressuscité et établi Juge des vivants et des morts. C’est donc Jésus, notre adorable Sauveur, dans sa vie sainte, dans sa mort sur la croix maudite, dans sa résurrection et son exaltation glorieuses, que Pierre présente à ces gentils qui avaient soif de salut, de paix et de vie. Or Jésus répond seul à ces besoins de l’âme. Il a dit lui-même : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive » (Jean 7:37). Connaître vraiment Jésus dans son cœur, est ce qui rend heureux. Pierre termine son discours si simple par ces paroles : « Tous les prophètes lui rendent témoignage que, par son nom, quiconque croit en lui, reçoit la rémission des péchés ». Quiconque, ce n’est pas seulement les Juifs ; les gentils (gens des nations) sont aussi compris dans ce mot, et vous aussi, lecteur, qui êtes un pécheur, vous êtes un de ces « quiconque » qui a besoin de pardon ; et, si vous croyez en Jésus, vous recevrez la rémission de vos péchés, chose la plus nécessaire, la plus précieuse sans laquelle on est à jamais séparé de Dieu.
Quand Corneille et ses amis entendirent les dernières paroles de Pierre, qui proclamaient la grâce miséricordieuse de Dieu, sans doute ils les saisirent avec joie dans leur cœur et crurent, car Pierre parlait encore que le Saint Esprit tomba sur ceux qui l’écoutaient. On pouvait dire d’eux comme des Éphésiens : « Ayant entendu la parole de la vérité, l’évangile de votre salut ; auquel aussi ayant cru, vous avez été scellés du Saint Esprit de la promesse » (Éphésiens 1:13), C’est le grand privilège de tout croyant, de devenir un temple où le Saint Esprit vient faire sa demeure. Puissions-nous tous jouir de cette bénédiction !
Les Juifs venus de Joppé avec Pierre, s’étonnèrent de voir les gentils participer à la même grâce qu’eux ; mais ils n’en pouvaient douter ; la puissance de l’Esprit Saint se montrait dans ces nouveaux convertis en ce qu’ils parlaient des langues étrangères, et que leur bouche s’ouvrait pour magnifier Dieu. Étant scellés du Saint Esprit, ils faisaient donc partie de l’Assemblée chrétienne, tout comme les Juifs ; aussi Pierre ordonna-t-il qu’on les baptisât au nom du Seigneur, ce qui était le signe extérieur de la réception dans l’Assemblée.
Pierre avait accompli sa mission à l’égard des nations ; il leur avait ouvert la porte, et maintenant Dieu, par le ministère de Paul et d’autres, allait introduire dans l’Église une grande quantité de ces pauvres gentils, jusqu’alors dans l’ignorance de Dieu. C’est du fruit de ces travaux que nous jouissons actuellement.
Pierre resta quelques jours à Césarée avec les nouveaux convertis, sans doute pour les instruire et les affermir dans la foi. Il retourna ensuite à Jérusalem, où était déjà parvenue la nouvelle de la réception de la parole de Dieu par les païens.
Combien elle aurait dû remplir de joie les Juifs croyants ! Mais le misérable cœur de l’homme est toujours le même, égoïste jusque dans les choses de Dieu. Il est jaloux de ce que Dieu se montre bon, comme le Seigneur le disait dans la parabole des ouvriers loués à différentes heures du jour (Matthieu 20:15).
Des Juifs devenus chrétiens, mais attachés à leurs traditions, au lieu de demander à Pierre des explications sur ce qui s’était passé à Césarée, se mettent à l’accuser d’être entré chez des incirconcis et d’avoir mangé avec eux ! Hélas ! c’est de cette manière que nous aussi, nous agissons trop souvent, en étant prompts à juger et accuser les autres.
Que fera Pierre, lui, d’un caractère si ardent ? Par la grâce de Dieu, il reste calme et plein de douceur, et laisse à Dieu le soin de le justifier. Pour cela, il raconte simplement les faits.
Il était en prière ; il était auprès de Dieu, quand Dieu lui montre par une vision remarquable, venant du ciel et répétée trois fois, que la distinction entre Juifs et païens était abolie, et que l’Évangile était pour tous. Ensuite, le Saint Esprit, ce guide infaillible qui devait conduire les apôtres, lui dit d’aller, sans hésiter, avec les hommes envoyés par Corneille, et c’était Dieu qui, par son ange, avait dit à Corneille de faire chercher Pierre. Et quand Pierre a annoncé la bonne nouvelle à Corneille et à ses amis et qu’ils ont cru, voilà le Saint Esprit qui descend sur ces païens convertis, tout comme il était venu sur les Juifs croyants à la Pentecôte.
Tout était donc de Dieu dans cette œuvre, et que pouvait faire Pierre devant cette manifestation de la grâce de Dieu accordée aux païens ? Il avait été un serviteur obéissant. « Dieu », dit-il, « leur a fait le même don qu’à nous… Qui étais-je moi, pour l’interdire à Dieu ?».
« Une réponse douce détourne la fureur » (Proverbes 15:1). Le simple récit de Pierre, qui montrait l’œuvre merveilleuse de Dieu s’étendant sur ceux qui étaient loin, agit sur les cœurs des Juifs croyants comme une rosée rafraîchissante. Ils se turent et glorifièrent Dieu qui donnait aux païens même la repentance et la vie. Soyons heureux aussi de voir l’Évangile se répandre et des âmes être sauvées, car c’est pour la gloire du Seigneur Jésus.
Ce fut un jour de bonheur pour l’assemblée de Jérusalem, mais l’épreuve allait venir. L’ennemi, Satan, ne s’endort jamais. Déjà il avait suscité des persécutions contre les saints. Pierre et Jean avaient été mis en prison et battus, et Étienne avait été lapidé. De nouveau, Satan, voyant les progrès de l’Évangile, cherche à s’y opposer, et il tourne sa rage surtout contre Pierre. Satan est comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer. S’il peut tuer le berger, il sait que les brebis seront plus aisément sa proie. Or le Seigneur Jésus avait établi Pierre pour être berger des brebis d’entre les Juifs, et lui avait dit : « Pais mes brebis, pais mes agneaux » (Jean 21:15-17).
Un méchant roi régnait alors en Judée. Il se nommait Hérode ; mais il ne faut pas le confondre avec le méchant Hérode qui fit mourir les petits enfants de Bethléem, ni avec le méchant Hérode qui fit couper la tête à Jean Baptiste et qui renvoya Jésus à Pilate, en se moquant de Lui. Ce second Hérode était fils du premier, et celui du temps de Pierre était son petit-fils. Par leur cruauté et leur méchanceté, ils se ressemblaient bien.
Ce roi Hérode voulait faire plaisir aux Juifs. Il savait que rien ne leur était plus agréable que de voir les chrétiens persécutés ; il fit donc emprisonner quelques chrétiens et mettre à mort Jacques, frère de Jean. Lorsqu’il vit combien cela plaisait aux Juifs, il fit aussi jeter Pierre en prison dans le but de le faire mourir.
C’était aux jours de la Pâque. Comme Pierre devait se rappeler cette autre Pâque qui avait eu lieu peu d’années auparavant et où il avait renié Jésus ! Mais Jésus lui avait pardonné, et maintenant il était heureux de souffrir pour le nom de son cher Maître, de son précieux Sauveur. Il devait mourir après la fête de la Pâque ; Hérode l’avait ainsi ordonné. Afin qu’il ne pût s’échapper, quatre bandes de quatre soldats chacune le gardaient jour et nuit en se relayant, et Pierre, même en dormant, était toujours attaché par des chaînes à deux de ces soldats. De plus, des gardes étaient placés aux portes, d’ailleurs solidement fermées. Que de précautions, n’est-ce pas ? Hérode se rappelait sans doute que précédemment les apôtres avaient été délivrés de la prison par une intervention surnaturelle, et il croyait que cette fois Pierre, lié aux soldats, ne pourrait sortir sans les éveiller.
Pierre ne tremblait-il pas ? N’était-il pas agité ? Non ; il était paisible ; la nuit qui précédait le jour de sa mort était arrivée, et il dormait tranquillement entre les deux soldats. N’était-il pas sous la garde du Dieu Tout-Puissant, qui pouvait le délivrer s’il Lui plaisait ? Et si les hommes faisaient mourir son corps, pouvaient-ils empêcher son esprit d’aller auprès de son cher Maître qu’il aimait ?
Humainement, Pierre ne pouvait échapper. Toute la prudence et la puissance des hommes s’étaient réunies pour le garder. Mais il y a une puissance qui se joue des chaînes, des gardes et des portes de fer. C’est celle de Dieu, à qui rien n’est impossible. Et qui fait agir cette puissance ? C’est la prière. Le Seigneur Jésus qui a dit : « Toutes choses sont possibles pour Dieu », a dit aussi : « Quoi que vous demandiez en mon nom, je le ferai » (*). Les saints de Jérusalem savaient cela, et l’assemblée adressait à Dieu d’instantes prières pour Pierre. La prière de la foi met en mouvement le cœur et le bras de Dieu maintenant comme autrefois. Nous allons le voir.
(*) Marc 10:27 ; 11:24 ; Jean 14:13-14
Les portes étaient fermées, les gardes faisaient leur office, Pierre dormait, et l’assemblée priait. Alors Dieu agit. Il envoie son ange. La prison était dans l’obscurité de la nuit, mais la lumière de Dieu y resplendit. Pierre dormait ; l’ange le réveille. Pierre était dans les liens ; les chaînes tombent de ses mains. « Ceins-toi », dit l’ange, « chausse tes sandales… jette ton vêtement sur toi, et suis-moi ». Et les soldats ? Dieu les maintient endormis. Et les gardes ? Dieu les frappe d’aveuglement. Et les portes ? Les portes de fer s’ouvrent devant la puissance divine. Qui peut lui résister ? Et c’est cette puissance qui nous garde, nous qui sommes au Seigneur ; oh ! quelle sécurité !
L’ange conduit ainsi Pierre jusqu’au bout d’une rue et se retire. Il avait accompli son service envers un de ceux qui héritent du salut. C’est actuellement le doux emploi des anges. Le temps vient où nous les verrons aussi exercer le jugement.
Et Pierre, que pensait-il ? Il avait cru jusqu’alors que tout ce qui lui arrivait était une vision. Mais, revenu complètement à lui, il reconnaît que le Seigneur, son cher Maître, Jésus, avait envoyé son ange pour le délivrer, et aussitôt il se rend là où il savait trouver des frères.
C’était chez une femme nommée Marie, mère de Marc, qui écrivit l’évangile nommé d’après lui. Chez cette pieuse femme, plusieurs, même dans la nuit, étaient réunis et priaient. Pierre heurtait pour se faire ouvrir. Alors une servante nommée Rhode qui, sans doute, se joignait aux prières, vint demander qui arrivait à cette heure de la nuit. Pierre se nomma, et Rhode qui connaissait et aimait l’apôtre, ayant reconnu sa voix, fut si remplie de joie, qu’elle oublia d’ouvrir la porte et rentra en courant pour annoncer aux autres la bonne nouvelle de son arrivée.
Combien les saints rassemblés chez Marie durent être heureux de voir leurs prières exaucées ! Mais nos pauvres cœurs sont si lents à croire que Dieu nous entend, si lents à se confier en sa bonté, que même ces saints doutent que Dieu les ait exaucés ! Ils disent à Rhode : « Tu es folle ». Elle savait ce qu’elle avait entendu, elle ne peut que leur affirmer qu’elle ne se trompe pas ; alors ils pensent que c’était l’ange de Pierre et non lui-même. Cependant, lorsqu’à la fin ils eurent ouvert, et que Pierre fut entré, ils ne purent plus douter. Ils étaient hors d’eux-mêmes de joie et d’étonnement et, sans doute, rendirent-ils grâces au Seigneur.
Pierre leur raconta comment Dieu l’avait délivré ; il leur dit de faire connaître ces choses aux frères, puis il les quitta.
Cela termine dans l’histoire que le Saint Esprit nous a donnée, ce qui se rapporte au ministère de Pierre, bien que nous le retrouvions encore une fois. Maintenant, un autre serviteur de Dieu, Paul, dont nous avons vu la conversion, va paraître sur la scène dans son activité à porter l’Évangile aux nations.
Tandis que Pierre introduisait à Césarée des gentils dans l’Assemblée de Dieu, le Seigneur, qui emploie les instruments qu’il veut, dirigeait d’humbles missionnaires, dont les noms nous sont inconnus, à annoncer l’Évangile aux païens dans la grande ville d’Antioche
Cette cité célèbre dans l’antiquité, la troisième ville de l’empire romain et surnommée la reine de l’Orient, était située dans un plaine fertile, sur les bords du fleuve Oronte, à 27 kilomètres de la mer. On dit qu’elle compta jusqu’à 500000 habitants, tous païens, sauf un certain nombre de Juifs qui s’y étaient établis. Aujourd’hui, bien que déchue de sa grandeur passée, il s’y trouve trente mille habitants, dont près du tiers professent le christianisme.
Tandis que les grandes cités tombent et que la gloire du monde s’évanouit, ce qui est de Dieu est permanent. Un souvenir impérissable s’attache à cette ville : c’est là que les disciples du Seigneur furent pour la première fois nommés chrétiens.
Nous avons vu qu’après la mort d’Étienne, une grande persécution avait sévi contre l’assemblée de Jérusalem, de sorte qu’un grand nombre de disciples quittèrent cette ville et se répandirent d’abord dans la Judée et la Samarie, et ensuite plus loin. Il y en eut qui, suivant les bords de la Méditerranée, passèrent en Phénicie et arrivèrent enfin à Antioche. Mais en quittant Jérusalem, ces disciples du Seigneur emportaient dans leur cœur un trésor que les hommes ne pouvaient leur ravir. C’était la connaissance de Jésus comme leur Sauveur, la vie de Dieu dans leurs âmes, la jouissance de l’amour de Dieu dans leur cœur et, par conséquent, la paix et la joie. Quand on a acquis ce trésor, on ne saurait le garder pour soi. On peut le partager sans s’appauvrir ; au contraire : et, pour la gloire de Christ, et par amour pour eux, on désire que ceux qui nous entourent en jouissent aussi.
Tels étaient les sentiments de ces disciples dispersés, fuyant la persécution. Leur vie et leurs paroles rendaient témoignage à Jésus. Partout où ils allaient, ils répandaient la bonne odeur de Christ ; ils annonçaient la Parole. Ils n’étaient pas des apôtres, mais de simples fidèles remplis de l’amour de Christ. Et vous qui appartenez au Seigneur, vous pouvez aussi être des missionnaires et des évangélistes autour de vous.
Cependant, retenus encore par leurs préjugés nationaux, la plupart des dispersés n’annonçaient Christ qu’aux seuls Juifs. Mais l’Esprit de Dieu qui avait conduit Pierre à Césarée, agit dans le cœur de quelques-uns de ceux qui étaient venus à Antioche, et, touchés de la triste condition des idolâtres, et pressés, sans doute, par l’amour du Sauveur mort pour tous, ils se mirent à parler aux païens et à leur annoncer le Seigneur Jésus. C’est tout l’Évangile. Connaître le Seigneur Jésus et croire en Lui, répond à tous les besoins de l’âme.
Le Seigneur montre que ces disciples, en annonçant son nom aux païens, étaient bien entrés dans les pensées de son cœur. Sa main, c’est-à-dire sa puissance était avec eux ; il agit par son Esprit dans les cœurs de ceux qui écoutaient la Parole, de sorte qu’un grand nombre crurent et se tournèrent vers le Seigneur laissant leurs misérables idoles et leur ancien train de vie. Quand la parole de Dieu est reçue dans le cœur, c’est toujours l’effet qu’elle produit ; elle détourne nos pensées et nos affections de nous-mêmes et du monde, et les tourne vers le Seigneur. C’est là la vraie conversion. Permettez-nous de vous demander à vous qui avez entendu si souvent l’Évangile et l’appel de Jésus, vous invitant à venir à Lui, vous êtes-vous tournés vers ce précieux Sauveur qui vous a tant aimés ? Êtes-vous convertis, comme ces heureux habitants d’Antioche ?
Ces bonnes nouvelles arrivèrent à Jérusalem ; l’assemblée les apprit, et nous pouvons être sûrs que, préparés comme ils l’étaient par la conversion de Corneille, cette manifestation nouvelle de la grâce de Dieu envers les païens réjouit grandement le cœur des fidèles. Ils y voyaient une preuve manifeste que Dieu avait aussi donné aux nations la repentance pour la vie. Les chrétiens sont toujours heureux d’apprendre que des âmes sont amenées au Sauveur, car c’est la gloire de Christ que des pécheurs soient arrachés à Satan.
Mais il était nécessaire que l’assemblée de Jérusalem où restaient les apôtres, montrât son intérêt à ces nouveaux convertis qui, maintenant, faisaient partie de l’Assemblée de Dieu. Le Seigneur veut nous apprendre ainsi que, bien qu’il y ait des assemblées en divers lieux, elles ne sont pas indépendantes les unes des autres. L’assemblée de Jérusalem envoya donc Barnabas à Antioche. Barnabas était ce Lévite de l’île de Chypre qui avait vendu ses propriétés dont il mit le prix aux pieds des apôtres pour être distribué aux pauvres de l’Assemblée. C’était un cœur désintéressé et tout au Seigneur. De plus, il savait discerner les âmes, les soutenir, et les encourager dans l’épreuve. C’est ce qu’indique son nom, qui veut dire « fils de consolation », et le fait suivant nous le montre. Quand Saul, après sa conversion, fut obligé de quitter Damas, parce que les Juifs voulaient le faire mourir, il vint à Jérusalem. Mais là, personne ne voulait le recevoir ; on le craignait ; on ne croyait pas qu’il fût un disciple. Alors Barnabas, ayant sans doute reconnu en lui l’œuvre de Dieu, l’accueillit et le mena aux apôtres auxquels il raconta comment le Seigneur avait converti le persécuteur. Vous voyez encore en cela un beau trait du caractère de Barnabas. Le Saint Esprit vient confirmer par son témoignage ce que ces actes nous font connaître de lui. « Il était homme de bien », dit la Parole, « et plein de l’Esprit Saint et de foi ». Il était homme de bien, bon et honnête dans son caractère comme homme, mais à cela s’ajoutait ce qui est plus excellent et sans quoi le plus beau caractère ne serait rien dans le service de Dieu ; c’est le don divin, le Saint Esprit qui remplissait Barnabas de la vie de Dieu, et la foi par laquelle il s’attendait à Dieu et mettait en Lui toute sa confiance. Ce sont là les caractères désirables et nécessaires pour un serviteur de Dieu ; mais nous pouvons tous en tirer une leçon ; c’est qu’il ne suffit pas d’avoir un caractère bon et aimable, de nobles et belles qualités ; avant tout, il faut la foi et l’Esprit Saint dans le cœur.
Cet homme de bien, qui aimait le Seigneur Jésus, fut réjoui en voyant la réalité et l’étendue de l’œuvre de la grâce de Dieu chez les convertis d’Antioche. Il les exhorta à rester attachés au Seigneur de tout leur cœur, comme chacun de nous est exhorté à le faire.
Le ministère de Barnabas à Antioche fut béni ; une grande foule de personnes furent ajoutées au Seigneur, c’est-à-dire converties et sauvées. Remarquez cette expression : ajoutées au Seigneur. Ceux qui sont convertis ne sont pas ajoutés à une dénomination humaine quelconque, mais au Seigneur, comme faisant partie de son peuple céleste, comme membres de son corps. Tout était pour la gloire du Seigneur seul.
L’œuvre de la grâce s’étendant ainsi, Barnabas sentit le besoin d’un collaborateur pour l’aider dans son service, et il pensa à Saul qui lui avait sans doute raconté que le Seigneur, lorsqu’il lui apparut, l’avait désigné pour prêcher l’Évangile aux nations. Saul avait bien rendu témoignage de sa foi au Seigneur Jésus dans les synagogues, parmi les Juifs, mais il attendait l’appel du Seigneur pour entrer dans son service auprès des païens.
Où était alors Saul ? Non plus à Jérusalem ; il y avait prêché Christ, et les Juifs, remplis de haine contre celui qui avait été un de leurs principaux appuis et qui s’était tourné vers le Seigneur, avaient voulu le faire mourir. Alors les frères avaient conduit Saul à Césarée, d’où il s’était rendu à Tarse, sa ville natale. C’est là que Barnabas alla le chercher. Saul vint donc avec lui à Antioche, et, pendant un an tout entier, ils se réunirent dans l’assemblée et enseignèrent une grande foule affermissant les nouveaux convertis et annonçant l’Évangile.
Ce mouvement remarquable, cette œuvre merveilleuse de l’Esprit de Dieu, qui faisait que les païens se tournaient des idoles vers le Dieu vivant et vrai, frappa les habitants d’Antioche. On voyait les nouveaux convertis parler de Christ, s’attacher à Christ, se réclamer de Christ, et on les nomma chrétiens, c’est-à-dire ceux qui sont de Christ. C’était, dans la bouche des païens, un terme de moquerie et une injure, mais quel beau nom ! Être de Christ, être à Christ ; il n’y a pas de nom plus glorieux. Aussi l’apôtre Pierre dit-il : « Si quelqu’un souffre comme chrétien, qu’il n’en ait pas honte, mais qu’il glorifie Dieu en ce nom ». En effet, il ne suffit pas de porter ce nom et de vivre comme le monde, mais il faut glorifier Dieu en vivant de la vie de Christ ; alors seulement on est vraiment chrétien.
Les chrétiens d’Antioche comprenaient bien ce que c’était que d’être de Christ. Ils sentaient qu’ils étaient unis aux autres disciples du Seigneur de quelque nation qu’ils fussent, et qu’ils avaient à le leur témoigner par leur amour. Des prophètes, c’est-à-dire des croyants ayant le don de prophétie, étant venus de Jérusalem à Antioche, l’un d’eux, nommé Agabus, annonça par l’Esprit qu’il y aurait une grande famine sur toute la terre habitée. Aussitôt les disciples, le cœur ému d’affection pour leurs frères de Judée appauvris par la persécution, leur envoyèrent par Barnabas et Saul le produit de ce que chacun avait donné selon ses ressources. Ainsi ces païens convertis montraient dans la pratique qu’ils étaient membres du corps de Christ et de la famille de Dieu, tout comme les convertis d’entre les Juifs.
Barnabas et Saul, ayant remis aux anciens de l’Assemblée de Jérusalem la collecte des chrétiens d’Antioche, revinrent dans cette dernière ville. Mais ils n’étaient pas seuls. Un jeune chrétien de Jérusalem les accompagnait ; c’était Jean, surnommé Mare, le fils de Marie chez qui Pierre s’était rendu en sortant de prison, et qui était aussi neveu de Barnabas.
L’assemblée d’Antioche, composée pour la plus grande partie de païens convertis, était riche en ouvriers du Seigneur. Il y avait là des prophètes et des docteurs ; les uns révélant les pensées de Dieu, les autres les exposant et les développant de manière à instruire les fidèles.
C’est Christ qui, étant monté au ciel, donne ainsi des hommes propres à accomplir son œuvre de grâce. Il a commencé par s’offrir Lui-même en sacrifice pour les pécheurs ; Il a remporté la victoire sur le diable, le péché, la mort et le monde, puis, étant ressuscité, Il est monté au ciel. Et maintenant, pour annoncer le salut aux pécheurs perdus, Il donne des évangélistes ; pour instruire et édifier ceux qui ont cru et font ainsi partie de son Assemblée, Il donne des pasteurs et des docteurs.
Un homme ne peut pas entrer de lui-même dans cette sainte carrière d’évangéliste, de pasteur, ou de docteur. Il faut que Christ l’ait donné pour cela. D’autres hommes ne peuvent l’y appeler. Tout doit venir de Christ seul, le Chef de l’Église, et c’est le Saint Esprit qui opère pour former, envoyer et diriger les serviteurs de Christ.
Parmi les prophètes et docteurs d’Antioche, se trouvaient Barnabas et Saul. Tandis que les uns et les autres, avec des cœurs consacrés au Seigneur, s’occupaient de son service, l’Esprit Saint dit : « Mettez-moi à part Barnabas et Saul, pour l’œuvre à laquelle je les ai appelés ». Comment l’Esprit Saint parla-t-il ? Sans doute par la bouche de l’un des prophètes, mais remarquons-le bien, ce n’est pas d’eux-mêmes que Barnabas et Saul agissent, c’est le Saint Esprit, Dieu lui-même, qui les a appelés pour l’œuvre. Et quelle était cette œuvre ? C’était d’aller annoncer l’Évangile au milieu des nations idolâtres. Barnabas et Saul étaient des missionnaires appelés de Dieu.
Il devait leur coûter de laisser leurs frères d’Antioche et cette assemblée si florissante pour aller ils ne savaient encore où. En tout cas, c’était au milieu d’étrangers où ils rencontreraient l’opposition suscitée par Satan et par l’inimitié naturelle du cœur de l’homme. Ils devaient aller seuls, sans appui humain comme des brebis au milieu des loups. Mais le Seigneur les envoyait, ils allaient pour son nom, et ils pouvaient compter sur sa fidélité. Pour Lui d’ailleurs qui les avait aimés et sauvés, pour l’amour des âmes auxquelles ils allaient porter l’Évangile, ils étaient prêts à affronter tous les dangers, à supporter toutes les privations, à perdre même leur vie. C’est l’esprit qui a toujours animé les vrais serviteurs du Seigneur.
Avant leur départ, leurs frères qui restaient à Antioche s’unirent à eux dans le jeûne et la prière. Tous sentaient l’importance de cette mission et le besoin du secours du Seigneur, et pour montrer qu’ils s’associaient à ceux qui partaient, ils leur imposèrent les mains. Ce n’était pas pour les consacrer : Barnabas et Saul l’étaient déjà par l’appel du Seigneur, mais c’était comme pour leur dire : « Nous sommes avec vous de tout cœur dans cette œuvre ».
Ils partirent donc, envoyés non par l’homme, mais par l’Esprit Saint. Jean, surnommé Marc, les accompagnait comme serviteur, c’est-à-dire pour leur rendre des services qui faciliteraient leur tâche. Ils descendirent à Séleucie, port d’Antioche, et de là s’étant embarqués, ils firent voile vers l’île de Chypre.
Chypre est une grande île située dans l’angle nord-est de la mer Méditerranée, en face de la Syrie à l’est, et ayant l’Asie mineure au nord. Elle était renommée par sa fertilité et la beauté de son climat. Deux chaînes de montagnes la traversent de l’est à l’ouest, laissant entre elles une belle plaine nommée Massaria. Deux rivières alimentées par des ruisseaux descendant des montagnes l’arrosent ; l’une se dirigeant vers l’est, l’autre vers l’ouest. Les montagnes renfermaient de riches mines de cuivre.
L’île comptait plusieurs villes parmi lesquelles Salamine, port de mer à l’est, en face de la Syrie. C’est là que les apôtres abordèrent et que d’abord ils annoncèrent la parole de Dieu dans les synagogues des Juifs. Ils avaient à cœur ce pauvre peuple, auquel appartenaient les promesses de Dieu et du milieu duquel le Seigneur appelait encore des âmes au salut. Il ne nous est rien dit du résultat de la prédication de Barnabas et de Saul parmi les Juifs. Nous ne savons pas non plus s’ils s’adressèrent aussi aux païens ; toutefois cela est probable, et sans doute la parole de Dieu ne demeura point sans effet.
De Salamine, ils se rendirent à Paphos, autre port de mer à l’ouest, en face de l’Asie mineure. Pour y arriver, ils traversèrent toute l’île, en passant sans doute par la plaine de Massaria. Il ne nous est pas dit s’ils prêchaient l’Évangile durant ce trajet. Mais comment n’auraient-ils pas parlé de ce qui remplissait leur cœur ?
Paphos, qui n’est maintenant qu’une modeste localité nommée Baffo, était alors le siège du gouvernement romain, représenté par un proconsul. Là s’élevait un temple magnifique consacré à l’impure divinité Vénus. Combien n’était-il pas désirable que l’Évangile fût annoncé à ces pauvres païens que le diable avait amenés à offrir un culte dégradant à des idoles abominables !
Des Juifs s’étaient établis dans l’île de Chypre comme nous l’avons vu en parlant de Salamine. Parmi eux se trouvait à Paphos un homme nommé Bar-Jésus, du plus triste caractère. Ce n’était pas un vrai Juif, ayant la crainte de Dieu dans son cœur et soumis aux Écritures. Dans ce cas, il aurait pu faire du bien en éclairant les païens au sujet du vrai Dieu, et les préparer ainsi à recevoir l’Évangile. Mais c’était un magicien, comme il y en avait beaucoup en ce temps-là, c’est-à-dire un homme qui se livrait à certaines pratiques par lesquelles il prétendait avoir des relations avec le monde invisible, évoquer les morts, et chasser les démons. Or les Écritures de l’Ancien Testament condamnent formellement de telles gens. De plus, Bar-Jésus était faux prophète, prétendant faussement être envoyé de Dieu et parler en son nom.
Cet homme, par quel moyen, nous l’ignorons, se trouvait auprès du proconsul ou gouverneur romain, nommé Serge Paul. Le caractère de celui-ci nous est aussi tracé en un seul mot. Il était un homme intelligent. La vraie intelligence ne consiste pas seulement à comprendre vite et bien ce que l’on nous dit. Elle se montre, avant tout, dans la recherche de la vérité et de ce qui est bon selon Dieu. C’est en ce sens que le proconsul Serge Paul était intelligent.
Les superstitions païennes avaient sans doute dégoûté Serge Paul ; les raisonnements des philosophes n’avaient pas satisfait son intelligence, et les prétentions de Bar-Jésus à des dons surnaturels, n’avaient pas répondu aux besoins de son âme. Aussi, lorsqu’il eut entendu parler de Barnabas et de Saul, il voulut les entendre. Il les fit appeler, et ceux-ci exposèrent devant lui les saintes et salutaires vérités de la parole de Dieu. Nous ne pouvons douter qu’ils ne lui parlassent de l’amour de Dieu et du Seigneur Jésus qu’Il a envoyé pour sauver les pécheurs, tant Juifs que gentils, car c’est là le résumé de la parole de Dieu.
Bar-Jésus était là qui écoutait aussi les apôtres. Mais de même que les Juifs qui s’étaient opposés au Seigneur et l’avaient fait mourir, qui avaient tué Étienne et qui avaient persécuté l’Assemblée, Bar-Jésus aussi, au lieu de recevoir la vérité, résistait à la parole de Barnabas et de Saul, c’est-à-dire à Dieu Lui-même, et cherchait à détourner le proconsul de la foi, faisant ainsi l’œuvre du diable. Il ne voulait pas du salut pour lui-même, et il cherchait à empêcher les autres d’être sauvés. Quelle iniquité !
Alors Saul, non pas saisi d’une indignation charnelle, mais rempli de l’Esprit Saint, s’adressa à lui. C’était la voix de Dieu même prononçant le jugement sur ce misérable instrument de Satan. « Ô homme plein de toute fraude et de toute méchanceté », lui dit Saul, « fils du diable, ennemi de toute justice, ne cesseras-tu pas de pervertir les voies droites du Seigneur ? ». Quelles paroles sévères, n’est ce pas ? Mais elles étaient bien méritées, car tandis que le Seigneur, dans ses voies droites, conformes à son amour, voulait sauver Serge Paul, Bar-Jésus cherchait à l’entraîner à sa perte. Aussi Dieu ne se borne-t-il pas à ces paroles, mais il annonce au faux prophète, par la bouche de Saul, un châtiment qui l’atteint immédiatement : « La main du Seigneur est sur toi, et tu seras aveugle, sans voir le soleil pour un temps ». La main du Seigneur qui s’étend pour bénir ceux qui le craignent, frappe ceux qui Lui résistent. Pauvre Bar-Jésus ! Image de la nation juive qui a rejeté Jésus, il devient aussitôt aveugle ; l’obscurité et les ténèbres tombent sur celui qui avait la prétention d’être la bouche de Dieu ; celui qui voulait conduire les autres, cherche çà et là quelqu’un qui le conduise par la main. Comme je l’ai dit, il est bien l’image de la nation juive qui, ayant rejeté Jésus, est maintenant dispersée, errante, dans les ténèbres, comme le dit le prophète Ésaïe : « Il regardera en haut, et il fixera son regard sur la terre, et voici la détresse et les ténèbres, l’obscurité de l’angoisse ! et il est repoussé dans d’épaisses ténèbres » (Ésaïe 8:22).
Mais ce n’est, comme pour Bar-Jésus, que pour un temps. La miséricorde de Dieu envers ce pauvre peuple s’exercera plus tard. Ainsi que l’ajoute le prophète : « Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; ceux qui habitaient dans le pays de l’ombre de la mort… la lumière a resplendi sur eux » (Ésaïe 9:2). Quand sera-ce ? C’est quand le Seigneur reviendra et que le résidu juif le reconnaîtra pour son Messie et son Roi.
Et le proconsul, que dit-il devant cette manifestation de la puissance de Dieu ? Il crut, mais ce ne fut pas à cause du miracle, bien qu’il ne pût autrement qu’en être frappé ; il crut, étant saisi par la doctrine du Seigneur. Cette doctrine, l’Évangile du salut, répondait pleinement aux besoins de son âme. Elle seule peut aussi répondre aux nôtres.
Tel fut le premier fruit qui nous soit montré de la mission de Saul. Depuis ce moment, il quitte son nom juif et prend le nom grec et romain de Paul. Il ne nous est pas dit comment ni pour quelle raison, mais ce nom convenait bien, puisqu’il était surtout l’apôtre des nations. Cette histoire de Serge Paul et de Bar-Jésus nous présente ce qui partout caractérisera l’œuvre de Paul. On y voit l’apôtre apportant la vérité de Dieu touchant le Seigneur, les nations désireuses de l’entendre, et les Juifs s’y opposant. Ceux qui avaient été le peuple de Dieu deviennent ses plus grands adversaires. Combien cela est triste !
Après avoir accompli l’œuvre que le Seigneur leur avait donnée à faire dans l’île de Chypre, les apôtres avec Marc partirent de Paphos pour se rendre en Asie. Ils débarquèrent dans la province de Pamphylie, au nord-ouest de Chypre, et se rendirent à Perge, ville principale de cette province. Cette ville existe encore et porte le nom de Karahisar ou Château-Noir.
C’est là que Jean, surnommé Marc, quitta Paul et Barnabas pour retourner à Jérusalem. Le motif ne nous en est pas donné ici, mais nous pouvons bien penser, d’après ce qui est dit plus loin, qu’il fut effrayé et découragé en voyant de près les difficultés de l’œuvre. Sa foi et sa confiance au Seigneur ne furent pas assez fortes pour lui faire affronter les luttes et les combats pour l’Évangile. Mais il est doux de penser que ce ne fut que pour un temps. Le Seigneur, dans sa grâce, l’enseigna et le fortifia pour son service. Longtemps, après, il était auprès de Paul, alors en prison à Césarée, et l’apôtre, dans son épître aux Colossiens, leur recommande de le recevoir s’il venait vers eux. Il le comptait au nombre de ses compagnons d’œuvre, et écrivant à Timothée, il lui dit de le lui amener, parce qu’il lui était utile dans le service. L’apôtre Pierre, avec qui il était à Babylone, le nomme son fils (*), et enfin le Seigneur le choisit pour écrire l’évangile qui porte son nom, lui assurant ainsi un précieux service qui durera aussi longtemps que l’Église. Telle est la grâce et la puissance du Seigneur. Il ne brise pas le roseau froissé, mais se glorifie dans les faibles.
(*) Colossiens 4:10 ; 2 Timothée 4:11 ; 1 Pierre 5:13.
Paul et Barnabas s’en allèrent donc seuls dans une contrée inconnue d’eux, pour y annoncer l’Évangile. Ils rencontraient bien partout des synagogues juives, mais partout aussi les Juifs incrédules se montraient les adversaires acharnés des apôtres, de leur doctrine, et du nom de Jésus.
Nous ne savons pas si, en passant à Perge, ils y annoncèrent l’Évangile. Ils traversèrent le pays et arrivèrent à une ville nommée Antioche, comme celle d’où ils étaient partis, mais située dans la province de Pisidie au nord de la Pamphylie. Cette ville, dont il n’existe plus que des ruines magnifiques qui parlent de son ancienne grandeur, était située sur le flanc du mont Taurus, non loin d’un beau lac. Mais si la ville avec sa splendeur a disparu de la surface de la terre, il y aura dans le ciel des monuments impérissables formés au milieu d’elle, des âmes sauvées, fruit du travail des envoyés du Seigneur.
Paul et Barnabas, suivant leur coutume, se rendirent d’abord, le jour du sabbat, dans la synagogue où les Juifs s’assemblaient pour la prière et pour entendre la lecture de la loi et des prophètes. Comme ils étaient étrangers, leur présence fut bientôt remarquée, et les chefs de la synagogue, ceux qui présidaient les exercices religieux, les reconnaissant sans doute pour des Juifs lettrés, leur envoyèrent dire d’adresser, s’ils le désiraient, une parole d’exhortation au peuple. Les apôtres avaient, en effet, une parole, une précieuse parole pour ceux qui se trouvaient rassemblés dans la synagogue. C’était pour l’annoncer que Dieu les avait envoyés et qu’Il avait mis au cœur des chefs de la synagogue de les engager à parler. Quelle était donc cette parole ? Celle du salut par Christ, la parole de la réconciliation.
Ce fut Paul par qui l’Esprit de Dieu s’adressa aux Juifs d’Antioche en ce jour de sabbat. C’était un jour bien sérieux que celui où, pour la première fois, l’Évangile leur était annoncé. Il s’agissait, pour ceux qui l’entendaient, de croire et d’être sauvés, ou bien, en étant incrédules et en restant dans leurs péchés, de risquer de périr pour toujours.
Paul se leva donc pour prêcher Jésus. Avec quelle joie il le faisait ! Lui qui avait été un Juif persécuteur et blasphémateur, mais qui avait trouvé grâce et avait appris à connaître l’amour de Christ, combien ardemment il désirait que ceux de sa nation, le peuple que Dieu avait tant béni et à qui étaient les promesses (Romains 9:3-5), crussent en Celui en qui toutes les promesses avaient leur accomplissement. C’était là ce qui remplissait le cœur de Paul, comme nous le voyons par son discours.
Il n’y avait pas que des Juifs dans son auditoire, mais aussi des prosélytes qui craignaient Dieu. Paul s’adresse à tous : il rappelle d’abord les grâces dont Dieu avait comblé le peuple d’Israël en le choisissant, en le tirant d’Égypte et en l’introduisant en Canaan. Puis il arrive rapidement au choix que Dieu avait fait de David comme roi, en disant : « J’ai trouvé David, le fils de Jessé, un homme selon mon cœur, qui fera toute ma volonté ». Mais si Paul parle de David, c’est pour annoncer à ses auditeurs Celui que Dieu a fait naître dans la postérité de David pour être Sauveur à Israël, c’est-à-dire Jésus. « Hommes frères », dit-il, « fils de la race d’Abraham, à vous et à ceux qui parmi vous craignent Dieu, la parole de ce salut est envoyée ». Et il montre comment les habitants de Jérusalem, la cité privilégiée, et les chefs du peuple, n’ayant pas reconnu Jésus comme le Christ, ni compris les prophètes qui parlent de Lui et qu’ils lisaient cependant chaque jour de sabbat, avaient, sans le savoir, accompli leurs paroles en jugeant et en condamnant Jésus, et en demandant à Pilate de le faire mourir, bien qu’ils n’eussent trouvé en Lui aucun mal.
« Et après qu’ils eurent accompli toutes les choses qui sont écrites de Lui », continue Paul, — choses relatives à ses souffrances et à sa mort, et que nous pouvons lire spécialement dans le Psaume 22 et le chapitre 53 du prophète Ésaïe, — quand Jésus fut mort sur la croix, « ils le descendirent du bois et le mirent dans un sépulcre ».
Mais pouvait-il rester dans le sépulcre ? Non ; « Dieu l’a ressuscité d’entre les morts », dit Paul. Durant plusieurs jours, il a été vu de ses disciples, de ceux « qui sont maintenant ses témoins auprès du peuple » en Judée. Et, tandis que l’Évangile était prêché là où Jésus avait vécu, avait souffert, était mort et avait été ressuscité, Dieu le faisait proclamer aussi au loin. « Et nous », dit l’apôtre, « nous vous annonçons la bonne nouvelle quant à la promesse qui a été faite aux pères, que Dieu l’a accomplie envers nous, leurs enfants, ayant suscité Jésus ; comme aussi il est écrit dans le Psaume second : « Tu es mon Fils, moi je t’ai aujourd’hui engendré ». Ce Jésus, mis à mort sur une croix infâme, était le Fils de Dieu. Et comment cela a-t-il été démontré ? Par la résurrection. Paul ajoute, en citant encore les Écritures : « Or qu’il l’ait ressuscité d’entre les morts… il l’a dit ainsi :… Tu ne permettras pas que ton saint voie la corruption ». Ce sont les paroles de David, au Psaume 16. Mais David ne parlait pas de lui-même, car lui a vu la corruption, « mais Celui que Dieu a ressuscité n’a pas vu la corruption ».
Paul ayant ainsi parlé de la mort et de la résurrection de Jésus, montre à ses auditeurs le résultat glorieux de l’œuvre de Christ : « Sachez donc, hommes frères, que par lui vous est annoncée la rémission des péchés, et que de tout ce dont vous n’avez pu être justifiés par la loi de Moïse, quiconque croit est justifié par lui ».
C’est ainsi que, de même que Pierre l’avait annoncé à Corneille, Paul proclame aussi la rémission des péchés par Jésus, le Sauveur, pour quiconque croit. C’était la parole du salut, la bonne nouvelle de l’accomplissement des promesses de grâce.
Paul termine son discours par une solennelle exhortation à ne pas mépriser un si grand salut.
Tel fut l’Évangile annoncé en ce jour à Antioche de Pisidie ; tel est l’Évangile proclamé encore aujourd’hui. C’est Jésus, sa mort pour nos péchés, sa résurrection pour notre justification, la rémission des péchés accordée à cause de Lui à quiconque croit. Il n’y a pas d’autre voie de salut, et si quelqu’un la méprise, quel espoir y a-t-il pour lui ?
Quel fut le résultat de cette prédication puissante ? Elle avait certainement frappé tous les auditeurs, car on demanda aux apôtres d’exposer de nouveau ces vérités le sabbat suivant. Mais il y eut plus ; plusieurs des Juifs et des prosélytes qui servaient Dieu, furent saisis par la grâce du Seigneur et suivirent Paul et Barnabas qui les exhortèrent à persévérer. Car il ne suffit pas d’avoir écouté la Parole, ni même de l’avoir aussitôt reçue avec joie, il faut persévérer : « Ce qui est dans la bonne terre, ce sont ceux qui, ayant entendu la parole, la retiennent dans un cœur honnête et bon, et portent du fruit avec patience » (Luc 8:15).
Le sabbat suivant arriva ; le bruit de la prédication des apôtres s’était répandu, et presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole de Dieu. Cela aurait dû remplir de joie les Juifs, s’ils avaient eu vraiment à cœur le bien des âmes et la gloire de Dieu ; au lieu de cela, ils furent remplis de jalousie en voyant que d’autres qu’eux-mêmes étaient écoutés des foules. Au lieu de chercher si c’était bien la vérité selon les Écritures que Paul et Barnabas annonçaient, ils se mirent à les contredire et à blasphémer le saint nom du Seigneur. Quelle triste condition ! Ils se fermaient à eux-mêmes la voie du salut, et non seulement cela, ils voulaient empêcher que les nations fussent sauvées. C’était l’œuvre de Satan.
Paul et Barnabas leur adressent alors des paroles sévères : « C’était à vous premièrement », leur disent-ils, « qu’il fallait annoncer la parole de Dieu ; mais puisque vous la rejetez, et que vous vous jugez vous-mêmes indignes de la vie éternelle, voici, nous nous tournons vers les nations ».
Quel terrible sort ! Se juger indignes de la vie éternelle ; en rejetant le Seigneur, être rejeté soi-même et périr ; voilà ce qui attend le pécheur impénitent.
Mais la grâce que les Juifs rejettent, se tourne vers les gentils, méprisés par eux. Paul et Barnabas rappellent aux Juifs les paroles d’Ésaïe : « Je te donnerai aussi pour être une lumière des nations, pour être mon salut jusqu’au bout de la terre » (Ésaïe 49:6). C’est Jésus rejeté par les Juifs, qui est cette lumière qui maintenant nous éclaire, c’est Lui qui est ce salut annoncé partout par les serviteurs du Seigneur.
La grâce rejetée par les Juifs se tourne vers les gentils qui se réjouirent d’apprendre qu’ils étaient les objets de l’amour de Dieu. Mais cela ne suffit pas, il faut croire, recevoir dans son cœur la parole de Dieu, pour posséder la vie éternelle. Il y eut plusieurs de ces gentils d’Antioche en qui la semence jetée porta son fruit, qui crurent et furent sauvés. Et la parole du Seigneur, présentée par ses serviteurs, ne borna pas son effet à Antioche ; elle se répandit dans tout le pays.
Mais l’ennemi ne dormait pas. Il se servit de la jalousie et de la méchanceté des Juifs qui excitèrent contre les apôtres les femmes de qualité qui étaient prosélytes, et auxquelles leur position donnait de l’influence. Ils leur représentèrent, sans doute, Paul et Barnabas comme des séducteurs religieux apportant des doctrines pernicieuses. Ils s’adressèrent aussi aux principaux de la ville près de qui, peut-être, ils firent passer les apôtres comme des perturbateurs de la tranquillité publique ; ils suscitèrent ainsi une persécution contre Paul et Barnabas qui furent chassés du territoire d’Antioche.
Mais cela anéantissait-il l’œuvre accomplie par la grâce de Dieu ? En aucune manière. Des âmes avaient été arrachées à la puissance de Satan, sauvées pour l’éternité, et ajoutées à l’Assemblée. « Les disciples », malgré la persécution, « étaient remplis de joie et de l’Esprit Saint », trésor précieux, que nul ne peut ravir a qui le possède.
Les apôtres, chassés d’Antioche, se rendirent à Iconium, capitale de la province de Lycaonie. C’était une ville célèbre et populeuse, à environ cent kilomètres au sud-est d’Antioche, et qui existe encore sous le nom de Konya. Arrivés là, Paul et Barnabas entrèrent ensemble dans la synagogue pour annoncer l’Évangile.
Nous voyons que ces fidèles serviteurs de Dieu ne se laissaient pas décourager par les persécutions. Ils aimaient Jésus, leur cher Maître qui les avait envoyés, et ne craignaient pas de souffrir pour son nom, et ils aimaient les pauvres pécheurs pour lesquels Jésus était mort. Ils étaient heureux d’annoncer le salut à tous, Juifs et Grecs, malgré tous les maux que cela leur attirait. C’est ainsi que Paul disait : « J’endure tout pour l’amour des élus, afin qu’eux aussi obtiennent le salut qui est dans le Christ Jésus ». Et si nous nous étonnons de ce que, malgré la méchanceté des Juifs, c’était toujours à eux, les premiers, que Paul et Barnabas s’adressaient, il faut nous rappeler que ces Juifs étaient le peuple choisi par Dieu, aimé de Lui à cause de leurs pères, Abraham, Isaac et Jacob, et qu’ainsi ils avaient droit les premiers à jouir de l’accomplissement des promesses de Dieu en Christ. Les apôtres comprenaient très bien cela et, Israélites eux-mêmes, ils étaient heureux de prêcher l’Évangile à leurs frères selon la chair, dans l’espoir qu’ils croiraient et seraient sauvés.
Ils entrèrent donc dans la synagogue d’Iconium, et, pleins de courage dans le Seigneur, ils parlèrent de telle sorte qu’un grand nombre de Juifs et de Grecs crurent. Nous voyons qu’il y avait toujours dans les synagogues des Grecs qui avaient acquis, par le moyen des Juifs, une certaine connaissance du vrai Dieu. Ils étaient ainsi préparés à recevoir l’Évangile, et cela nous donne une autre raison pour laquelle les apôtres commençaient toujours à prêcher dans les synagogues.
Ainsi le Saint Esprit donnait puissance à la parole des envoyés du Seigneur. Mais là aussi les Juifs incrédules ne pouvaient souffrir de voir l’Évangile annoncé et reçu dans les cœurs, et, dans leur méchanceté, ils cherchaient, non seulement à empêcher les païens de croire, mais ils les excitaient contre les frères. « Les frères », tel était le doux nom que les chrétiens se donnaient entre eux, comme membres de la famille de Dieu.
Mais les apôtres ne se laissèrent pas intimider. Ils demeurèrent là assez longtemps, parlant hardiment aux âmes. D’où venait donc leur courage ? Du Seigneur, sur lequel ils s’appuyaient ; du Seigneur à qui toute puissance appartient dans les cieux et sur la terre, et qui a promis à ses disciples d’être avec eux jusqu’à la fin. Le Seigneur était avec Paul et Barnabas, et confirmait la parole de sa grâce par les miracles qu’il leur donnait d’opérer. Remarquons cette expression : « la parole de sa grâce ». Ce que les apôtres annonçaient, c’était la grâce de Dieu qui apporte le salut, et qui est apparue à tous les hommes dans la personne de son Fils bien-aimé, afin qu’ils soient sauvés (Tite 2:11).
Mais Satan ne peut souffrir la prédication de la grâce souveraine qui arrache à sa puissance les pauvres pécheurs. Aussi suscita-t-il une opposition toujours plus grande contre les apôtres. La ville fut partagée en deux camps ; les uns étaient pour les apôtres, les autres pour les Juifs. Et comme les méchants ne craignent pas d’employer la violence, les chefs, soit des païens, soit des Juifs, résolurent de se défaire des apôtres en les lapidant. Paul et Barnabas, l’ayant appris, obéirent à la parole du Seigneur qui avait dit : « Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez dans une autre », et ils s’enfuirent d’Iconium. Ils avaient dû beaucoup endurer, car, longtemps après, Paul écrivait à Timothée : « Tu as pleinement compris… mes persécutions, mes souffrances, telles qu’elles me sont arrivées à Antioche, à Iconium et à Lystre », mais, ajoute-t-il avec un profond sentiment de reconnaissance, « le Seigneur m’a délivré de toutes » (2 Timothée 3:11).
Les apôtres ne s’étaient pas enfuis d’Iconium pour abandonner l’œuvre du Seigneur. Ils étaient heureux de souffrir pour le nom de Jésus. Ils étaient ambassadeurs pour Christ, et leur vie ne leur importait point, pourvu qu’ils portassent aux hommes le message dont ils étaient chargés, celui de la réconciliation avec Dieu par le sang de la croix. Ils allèrent donc plus loin, dans d’autres villes de la Lycaonie, à Lystre, à Derbe et dans les environs, annonçant partout la bonne nouvelle du salut.
Ils se trouvaient dans un pays entièrement païen où régnait la plus grossière idolâtrie. Comme Paul le dit dans l’épître aux Romains : « Les hommes ont changé la gloire du Dieu incorruptible en la ressemblance de l’image d’un homme corruptible ». Innombrables étaient les dieux et les déesses dont les hommes avaient peuplé les cieux, la terre et la mer, qu’ils représentaient sous la figure d’hommes et de femmes, et auxquels ils attribuaient toutes les plus dégradantes passions du cœur humain ; ils excusaient ainsi leurs propres vices. Au fond, comme le dit encore l’apôtre Paul, c’étaient des démons qu’ils adoraient sous ces noms de dieux et de déesses, et auxquels ils rendaient un culte abominable. La divinité en honneur à Lystre était Jupiter, que les païens s’imaginaient être le maître des dieux et celui qui, du haut du ciel, lançait la foudre. Une autre divinité était Mercure, dieu de l’éloquence. On racontait que dans les temps reculés, Jupiter, accompagné de Mercure qui portait la parole, était venu dans cette même contrée de Lycaonie pour punir les hommes méchants. Ce que nous venons de dire fera mieux comprendre la suite de notre récit.
Si les apôtres étaient heureux d’annoncer Jésus, le Messie promis, aux Juifs héritiers des promesses, combien ils devaient aussi se réjouir de pouvoir faire connaître le vrai Dieu aux misérables adorateurs des démons. C’est ce qui arrive encore de nos jours. Tandis que de fidèles serviteurs de Dieu prêchent le salut par la foi en Jésus à ceux qui, tout en portant le nom de chrétiens, n’ont pas la vie de Dieu, d’autres serviteurs du Seigneur vont annoncer l’Évangile aux païens encore si nombreux sur la surface du globe. Rappelons-nous bien que les chrétiens de nom, aussi bien que les païens, ont besoin de connaître Jésus et de croire en Lui comme leur Sauveur pour ne pas périr. Et nous, qui appartenons au Seigneur, souvenons-nous dans nos prières, et des serviteurs de Dieu qui annoncent l’Évangile au près et au loin, et de ceux à qui cette bonne nouvelle est présentée.
Paul prêchait donc aux habitants de Lystre. Parmi ses auditeurs se trouvait un homme impotent dès sa naissance, et qui n’avait jamais marché. Il écoutait l’apôtre parlant d’un Dieu puissant et miséricordieux, et son cœur recevait la parole, car « la foi est de ce qu’on entend, et ce qu’on entend par la parole de Dieu » (Romains 10:17). Paul le vit et discerna l’œuvre de Dieu dans le cœur de ce pauvre homme. L’impotent avait la foi pour être guéri dans son corps et sauvé dans son âme, et Paul lui dit à haute voix : « Lève-toi droit sur tes pieds ». Quelle étrange parole adressée à un homme infirme dès sa naissance ! Mais il croyait à la puissance de Dieu et n’hésita pas. Il se dressa d’un coup sur ses jambes et se mit à marcher. La guérison avait été aussi complète qu’instantanée.
Nous pouvons nous figurer quel effet dut produire sur cette foule d’idolâtres une telle manifestation de la puissance divine. Les fables d’autrefois, dont ils avaient été nourris dès leur enfance, leur revinrent à la mémoire, et ils s’écrièrent en langue lycaonienne, peut-être leur dialecte ancien dans lequel se transmettaient les traditions religieuses : « Les dieux, s’étant faits semblables aux hommes, sont descendus vers nous ». Et ils appelaient Barnabas, Jupiter, et Paul, Mercure, parce que c’était lui qui portait la parole. Un temple de Jupiter s’élevait près de la ville, et le prêtre de ce dieu arriva avec des taureaux ornés de couronnes et de bandelettes selon la coutume, pour les sacrifier à ceux que l’on prenait pour des dieux.
En voyant l’aveuglement de ces pauvres gens, les apôtres éprouvèrent une profonde douleur qu’ils manifestèrent en déchirant leurs vêtements. Comment auraient-ils pu accepter un hommage qui n’est dû qu’à Dieu seul ? Pour détromper la foule et proclamer la vérité, ils s’élancèrent au milieu de ceux qui voulaient les adorer, disant : « Hommes, pourquoi faites-vous ces choses ? Nous sommes nous aussi des hommes ». Puis, exposant leur message, ils exhortèrent ces païens à se détourner de leurs idoles mortes et vaines, sans puissance ni vérité, et de se tourner vers le « Dieu vivant », le Créateur de toutes choses, qui, dans sa providence, gouverne tout, prend soin de tous les hommes, et se plaît à leur faire du bien.
À grand-peine purent-ils empêcher les foules de sacrifier. Mais l’attention avait été éveillée, une preuve visible de la puissance du vrai Dieu avait été donnée, et les apôtres continuèrent, sans doute, à instruire les habitants de Lystre touchant le Dieu vivant, et à leur annoncer que, dans son amour, il a envoyé son Fils bien-aimé pour sauver les hommes perdus.
Le Saint Esprit opéra à Lystre en faisant pénétrer la parole de la grâce dans plusieurs cœurs. Là aussi des âmes furent sauvées et ajoutées à l’Assemblée. Parmi ceux qui crurent se trouvait un jeune homme dont le nom nous est bien connu, et que nous retrouverons plus tard. C’est Timothée, que Paul appelle son enfant bien-aimé.
Telle était l’œuvre du Seigneur à Lystre. Mais Satan, l’adversaire, veillait, et voyant les âmes arrachées au culte des idoles, c’est-à-dire des démons, il suscita là aussi une violente opposition, et ce fut encore par le moyen des Juifs, de ceux qui prétendaient être le peuple de Dieu. Ils avaient haï le Seigneur Jésus et l’avaient persécuté quand il était sur la terre, et maintenant, ils haïssaient et persécutaient ses disciples. Ils aimaient mieux laisser les pauvres païens adorer leurs fausses divinités que de les voir devenir chrétiens. Quelle méchanceté dans le cœur de l’homme !
Il ne semble pas qu’il y eût des Juifs séjournant à Lystre ; mais il en vint d’Antioche et d’Iconium, peut-être pour leurs affaires, et, reconnaissant les apôtres, voyant l’influence qu’ils avaient acquise et l’œuvre de la grâce de Dieu, leur inimitié contre l’Évangile se réveilla. Ils surent, sans doute par leurs mensonges et leurs calomnies contre Paul et Barnabas, détourner d’eux l’esprit des gens de Lystre, et les ayant mis de leur parti, ils purent sévir à leur aise contre les apôtres. Comme notre cœur naturel est changeant et prêt à subir toutes sortes d’influences ! Voilà ce peuple qui avait vu la puissance et la grâce de Dieu et avait voulu sacrifier aux apôtres comme à des dieux, et qui maintenant les abandonne à leurs ennemis !
La persécution alla bien loin. Les Juifs se sentant appuyés par les gens de Lystre, s’emparèrent de Paul le lapidèrent et, croyant l’avoir tué, le traînèrent hors de la ville. Ils espéraient ainsi s’être débarrassés de celui qui, après avoir persécuté l’Assemblée, était devenu un zélé prédicateur de la foi en Christ. Quelles devaient être les pensées de ce cher serviteur de Dieu quand les pierres lancées par ses cruels ennemis, venaient frapper son corps ? Autrefois, il avait assisté à la lapidation d’Étienne, le fidèle témoin de Christ, et avait consenti à sa mort. Le voilà maintenant qui souffre de la même manière et pour le même Maître. Comme il devait se rappeler cette scène ! Mais maintenant, Paul ne se mettait en peine de rien ; sa vie ne lui était point précieuse, il la donnait volontiers pour Jésus qui l’avait aimé et sauvé. Son regard se portait en haut, où Étienne avait vu le Fils de l’homme à la droite de Dieu, et d’où lui-même, Paul, sur le chemin de Damas, avait entendu la voix de Jésus, et en contemplant là son Sauveur, son âme était soutenue au milieu des souffrances.
Mais la vie de Paul était précieuse à son Seigneur, qui voulait encore se servir de lui pour annoncer l’Évangile. Les disciples, fruit du travail des apôtres à Lystre, avaient suivi les Juifs traînant hors de la ville le corps de celui qu’ils croyaient avoir tué. Les persécuteurs s’étant éloignés, ils se tenaient là autour de Paul et pleuraient sans doute le cher serviteur de Dieu qui leur avait annoncé le salut. Mais la puissance divine, puissance de vie, avait gardé Paul de la mort, sous les coups. Fortifié par elle, malgré ses blessures l’apôtre se lève, rentre dans la ville et le lendemain poursuit, avec Barnabas, son voyage d’évangélisation.
L’animosité des Juifs semble s’être portée surtout sur Paul, probablement à cause de sa plus grande activité. Son abandon du judaïsme, après le zèle ardent qu’il avait manifesté, le désignait aussi d’une manière spéciale à la haine de ceux de sa nation qui étaient ennemis de Jésus.
Les apôtres, après avoir quitté Lystre, allèrent à Derbe située à peu de distance. Là aussi, ils annoncèrent l’Évangile, et un grand nombre de personnes crurent et furent ajoutées à l’Assemblée. Ainsi, la persécution qui chassait les apôtres de ville en ville, devenait un moyen de répandre la bonne nouvelle. Le nom d’un de ceux qui crurent alors nous a été conservé ; c’est Gaïus qui, plus tard, devint l’un des compagnons de Paul et qui est, peut-être, le même à qui Jean adressa sa troisième épître (Actes 20:4).
Derbe fut le terme du voyage d’évangélisation des deux serviteurs de Dieu. Ils auraient pu de là se rendre à Tarse, lieu de naissance de Paul et pas très éloigné de Derbe, pour retourner en Syrie, mais ils sentirent le besoin de revoir ceux qui, par leur moyen, avaient été amenés au Seigneur. Ils repassèrent donc par ces lieux où ils avaient souffert pour Christ, par Lystre, Iconium et Antioche. Partout ils affermissaient les âmes des disciples par leurs enseignements ; ils les exhortaient à persévérer dans la foi, qui nous montre Christ, le Sauveur, dans la gloire et revenant pour prendre les siens avec Lui, et, de même que le Seigneur l’avait fait, ils avertissaient les croyants que le seul chemin pour arriver dans la gloire où est Christ, c’est la souffrance. Telles sont aussi les choses que nous avons besoin d’apprendre.
Mais dans ces diverses localités, les fidèles avaient formé des assemblées. C’est-à-dire que, sachant qu’ils étaient tous membres de la grande Assemblée qui est le corps de Christ et qui comprend tous les croyants, ceux de chaque localité se réunissaient et formaient là la représentation de l’Assemblée universelle de Dieu. Ils étaient à Derbe, Lystre, Iconium et ailleurs, les assemblées de Dieu locales, en contraste avec les Juifs d’une part, et les païens de l’autre. Et pour présider ces assemblées, veiller sur elles et les paître, les apôtres, en vertu de l’autorité qu’ils possédaient comme leur ayant été donnée directement par le Seigneur, établirent dans chacune d’elles des anciens. Puis, priant avec jeûne, les apôtres, avant de quitter ces chrétiens nouvellement convertis, les recommandèrent au Seigneur. Qu’auraient-ils pu faire de mieux ? Ils les plaçaient ainsi immédiatement sous la conduite et la protection de Celui qui seul a la puissance de nous garder.
Paul et Barnabas revinrent par la Pisidie et la Pamphylie à Perge, où ils annoncèrent aussi l’Évangile. De là, ils descendirent à Attalie, port de mer au sud-ouest de Perge, et qui se nomme maintenant Antalya ou Adalia. Là, ils s’embarquèrent et retournèrent à Antioche (de Syrie) d’où ils étaient partis.
Ils avaient entrepris leur voyage, choisis et envoyés par l’Esprit de Dieu, et l’assemblée les avait recommandés à Dieu et accompagnés de ses prières pour l’œuvre qu’ils avaient à entreprendre. La puissance et la grâce du Seigneur avaient été avec eux, ils avaient accompli leur tâche pour leur bien aimé Maître, et après leurs fatigues et leurs souffrances, Dieu les avait ramenés dans la chère assemblée qui de cœur avait été avec eux. Ils racontèrent à l’assemblée réunie ce que Dieu avait fait par leur moyen au milieu des pauvres païens. Quelle joie pour les chrétiens d’Antioche d’apprendre que la bénédiction du salut s’était répandue sur les nations ! Le cœur du chrétien se réjouit toujours quand il apprend que des âmes sont sauvées. Si nous avons à cœur la gloire du Sauveur, nous nous réjouirons en apprenant qu’auprès et au loin des âmes sont converties, et nous prierons, et pour les ambassadeurs de Christ, et pour ceux à qui ils portent l’heureux message.
L’assemblée d’Antioche avait été bien réjouie en apprenant comment Dieu avait été avec Paul et Barnabas et, par leur moyen, avait ouvert aux nations la porte de la foi. La foi est ce qui nous introduit dans la connaissance de Dieu et du Seigneur Jésus, dans la jouissance du salut et dans l’espérance du ciel, quand Jésus viendra nous prendre pour être avec Lui. Voilà pourquoi elle est comparée à une porte. Béni soit Dieu, elle est toujours ouverte, et le Seigneur invite les âmes à y entrer.
L’Église s’accroissait donc ; les âmes étaient sauvées, le nom du Seigneur était glorifié. Alors l’ennemi, voyant les progrès de l’Évangile parmi les nations en dépit des persécutions qu’il avait suscitées contre les apôtres, se tourna d’un autre côté pour entraver l’œuvre de Dieu. Des Juifs de la secte des pharisiens qui avaient cru et étaient entrés dans l’Église chrétienne, y avaient apporté tous leurs préjugés juifs. Ils admettaient bien que les gentils pouvaient être sauvés — Dieu lui-même l’avait montré par la conversion de Corneille — mais ils voulaient imposer le joug de la loi aux convertis d’entre les nations. Étant venus à Antioche, ils enseignaient les frères, leur disant que s’ils n’étaient circoncis et s’ils ne gardaient pas la loi de Moïse, ils ne pouvaient pas être sauvés. Ce n’était pas le Saint Esprit qui les avait envoyés, ce n’était pas l’enseignement de Dieu, et les apôtres à Jérusalem ne leur avaient donné aucun ordre à ce sujet. Ils apportaient à Antioche leurs propres pensées et troublaient ainsi les âmes des fidèles.
De tout temps l’homme a voulu ajouter ses pensées à celles de Dieu qui sont parfaites, et ses œuvres pour le salut à l’œuvre unique et pleinement suffisante de Christ. S’il fallait, pour être sauvé, être circoncis et garder la loi de Moïse, alors l’œuvre du Seigneur Jésus sur la croix n’était pas suffisante : il n’avait pas tout accompli. Si, comme on le dit souvent de nos jours, il faut faire des œuvres pour être assuré du salut, notre foi et notre espérance ne reposent pas sur Christ seul, mais en partie sur nos œuvres et, par conséquent, sur nous-mêmes. Or tel n’est pas l’enseignement de Dieu : Jésus est le seul nom donné aux hommes, par lequel il nous faille être sauvés, et l’apôtre dit : « Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi, et cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ; non pas sur le principe des œuvres » (Éphésiens 2:8).
Ceux qui voulaient imposer le joug de la loi aux frères d’Antioche, se trompaient donc grandement ; ils mettaient en question la perfection, la suffisance et la plénitude de l’œuvre de Christ. Sans s’en douter ils étaient des instruments de Satan qui a toujours cherché à rabaisser ou la Personne ou l’œuvre du Seigneur. Retenons cette précieuse vérité que Jésus, par l’offrande de Lui-même faite une fois pour toutes, sauve pleinement ceux qui croient en Lui.
Paul et Barnabas, qui étaient instruits par l’Esprit Saint et avaient à cœur la gloire du Seigneur Jésus, s’opposèrent à ces doctrines pernicieuses. Mais comme ces docteurs juifs venaient de Judée et prétendaient peut-être s’appuyer sur l’autorité des apôtres qui étaient à Jérusalem, l’assemblée d’Antioche résolut d’envoyer dans cette ville Paul et Barnabas avec quelques autres frères, afin de consulter les apôtres et les anciens sur cette question. Il était nécessaire qu’il y eût dans toute l’Église une même pensée. Les chrétiens de Jérusalem et ceux d’Antioche ne formaient pas deux assemblées indépendantes l’une de l’autre. Tous faisaient partie de l’Assemblée unique de Christ, laquelle est son corps, et comme il n’y a qu’un seul Esprit pour former et animer ce corps, il fallait conserver l’unité de l’Esprit. Nous comprendrons cela toujours mieux, si nous nous attachons à la parole de Dieu, et si nous demandons au Seigneur de nous ouvrir l’intelligence pour saisir ses enseignements. Un des efforts de Satan a été de faire oublier aux chrétiens qu’ils sont un seul corps, et il n’a que trop réussi à les diviser.
Paul, Barnabas et les autres frères, accompagnés de cœur par l’assemblée, se rendirent à Jérusalem. Sur leur chemin, dans toutes les assemblées de la Phénicie et de la Samarie, ils racontèrent la grâce merveilleuse de Dieu manifestée dans la conversion des nations. Les frères en éprouvèrent une grande joie. L’amour de Dieu, répandu dans leurs cœurs, les élargissait : ils comprenaient que c’était la gloire de Christ que les Juifs ne fussent pas seuls sauvés, mais que tous, nations et Juifs, eussent part aux bénédictions célestes que Jésus a acquises par sa mort.
Arrivés à Jérusalem, les envoyés d’Antioche furent reçus par l’assemblée, les apôtres et les anciens, et leur exposèrent ce qui s’était passé à Antioche. Une grande discussion s’éleva d’abord. Sans doute que les uns, moins éclairés, pensaient-ils que les docteurs pharisiens avaient raison, tandis que les autres, avec Paul et Barnabas, estimaient que Christ, par sa venue, sa mort et sa résurrection, avait mis de côté la loi ; qu’ainsi tout était remplacé par sa Personne et par son œuvre.
Mais le Saint Esprit, selon la promesse du Seigneur, était au milieu de l’assemblée pour la guider dans la vérité. Pierre, qui avait ouvert le royaume des cieux aux nations à Césarée, se leva et rappela que Dieu l’avait choisi directement pour cela, sans lui commander de leur imposer le joug de la loi. Les Juifs eux-mêmes, ni leurs pères, n’avaient pu le porter ; ils avaient toujours enfreint la loi et avaient besoin, tout comme les nations, pour être sauvés, de la grâce du Seigneur Jésus Christ. Il rappela aussi que, sans circoncision ni loi, le Saint Esprit était descendu pour habiter dans les croyants, dont le cœur avait été purifié par la foi. La loi n’était donc pas nécessaire pour le salut.
Quand Pierre eut cessé de parler, Paul et Barnabas pour appuyer ses paroles, se mirent à raconter ce que Dieu avait fait par leur moyen parmi les nations. Ils n’avaient pas prêché la loi, mais Christ, et les âmes avaient été sauvées. Jacques alors, une des colonnes de l’assemblée de Jérusalem, montra que les paroles des anciens prophètes s’accordaient avec ce qui venait d’être dit, que Dieu a toujours eu dans sa pensée d’étendre le salut à toutes les nations, et qu’il l’avait accomplie en envoyant Christ, le vrai fils de David. Son avis était donc de ne pas obliger les convertis d’entre les nations à se soumettre à la loi de Moïse, mais de leur rappeler de s’abstenir de manger des choses offertes aux idoles, parce que ç’aurait été participer à l’idolâtrie, de fuir les péchés d’impureté si communs parmi les nations païennes, et, enfin, de ne manger, ni des bêtes qu’on aurait étouffées pour les tuer et dont ainsi tout le sang était en elles, ni du sang lui-même. C’était une chose que Dieu avait défendue, non seulement dans la loi, mais aussitôt après le déluge (Genèse 9:4). Dieu nous en donne la raison dans ces paroles : « Car l’âme (ou la vie) de la chair est dans le sang ; et moi je vous l’ai donné sur l’autel, pour faire propitiation pour vos âmes » (Lévitique 17:10-12). Et nous savons que nous sommes rachetés par le précieux sang de Christ, comme d’un agneau sans défaut et sans tache.
Les apôtres, les anciens et toute l’assemblée, acceptèrent les paroles de Pierre et de Jacques. Ils choisirent deux des principaux frères de l’assemblée de Jérusalem, Judas, surnommé Barsabbas, et Silas, et les envoyèrent à Antioche avec Paul et Barnabas porter à l’assemblée une lettre qui répond bien à ce qui avait risqué de troubler l’assemblée d’Antioche et toutes les assemblées parmi les nations. La voici :
« Les apôtres et les anciens et les frères, aux frères d’entre les nations qui sont à Antioche et en Syrie et en Cilicie (partout où Paul et Barnabas avaient prêché) : Salut ! Comme nous avons entendu dire que quelques-uns qui sont sortis d’entre nous, vous ont troublés par des discours, bouleversant vos âmes, disant qu’il faut être circoncis et garder la loi (auxquels nous n’avons donné aucun ordre), il nous a semblé bon, étant tous d’accord, de choisir parmi nous des hommes et de les envoyer vers vous avec nos bien-aimés Barnabas et Paul, hommes qui ont exposé leurs vies pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ. Nous avons donc envoyé Judas et Silas, qui vous annonceront de bouche les mêmes choses. Car il a semblé bon au Saint Esprit et à nous de ne mettre sur vous aucun autre fardeau que ces choses-ci qui sont nécessaires : qu’on s’abstienne des choses sacrifices aux idoles, et du sang, et de ce qui est étouffé, et de la fornication. Si vous vous gardez de ces choses, vous ferez bien. Portez-vous bien ».
Nous voyons par cette lettre que les chrétiens de Jérusalem, et avec eux tous les chrétiens d’entre les Juifs, reconnaissaient comme frères, comme enfants de Dieu au même titre qu’eux, les chrétiens d’entre les nations. Il n’y avait à cet égard ni Juifs, ni gentils, mais une seule famille. Tous étaient d’accord pour cela. Les apôtres, les anciens et les frères de Jérusalem, reconnaissaient Barnabas et Paul comme de vrais serviteurs de Christ dans l’œuvre de l’Évangile, et les entouraient de leur amour ; et enfin, les gentils convertis n’étaient en aucune manière tenus d’observer la loi de Moïse. Christ était suffisant pour eux, comme pour les Juifs ; Christ, l’espérance de la gloire. Et remarquons que c’était guidés par le Saint Esprit que les chrétiens de l’assemblée de Jérusalem proclamaient cette précieuse vérité qui affranchissait du joug de la loi. Comprenons bien cependant que si l’on est affranchi de la loi, c’est pour être tout à Christ qui est notre vie — une vie sainte et pure.
Les ruses de Satan pour jeter le trouble et la désunion dans l’Assemblée furent ainsi déjouées. Il en sera toujours de même, si l’on s’attend à Dieu et si on se laisse guider par sa Parole et son Esprit.
Paul, Barnabas, Silas et Judas, apportèrent à Antioche la lettre de Jérusalem ; elle fut lue à l’assemblée ; les dissensions furent apaisées, les cœurs furent consolés, le trouble cessa, et Judas et Silas, qui étaient aussi prophètes, fortifièrent les frères par leurs exhortations. Le lien qui unissait tous les chrétiens, Juifs ou gentils, de toutes les assemblées, fut ainsi affirmé et resserré, selon ce qui est écrit : En Christ « il n’y a pas Grec et Juif… Christ est tout et en tous » (Colossiens 3:11). Tous les chrétiens sont « baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps » (1 Corinthiens 12:13). De l’effort de Satan pour faire du mal à l’Assemblée, Dieu tira une bénédiction précieuse.
Silas et Judas, après avoir séjourné quelque temps à Antioche, furent renvoyés en paix vers ceux qui les avaient envoyés. Mais il semble que le premier resta à Antioche, car nous le retrouvons bientôt après comme compagnon de Paul.
Après avoir séjourné quelque temps à Antioche, Paul, constamment occupé du Seigneur et de son œuvre, dit à Barnabas : « Retournons maintenant visiter les frères par toutes les villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur, pour voir comment ils vont ». Toujours ce fidèle serviteur de Jésus eut a cœur le bien des assemblées. Il ne se contentait pas d’avoir annoncé l’Évangile et amené des âmes à Christ, mais son ardent désir et l’objet de ses prières étaient que les saints fussent instruits et fortifiés, afin de marcher d’une manière digne du Seigneur.
Barnabas était disposé à se rendre à l’invitation de Paul, mais il voulait que son neveu Jean, surnommé Marc, les accompagnât. Nous nous rappelons que Marc était parti avec les deux apôtres lors de leur premier voyage, mais que, découragé dès le début, il était retourné à Jérusalem. Il avait mis la main à la charrue et avait regardé en arrière, et Paul pensait qu’il n’était pas propre à affronter de nouveau des difficultés devant lesquelles il avait reculé une première fois.
Il y eut donc un dissentiment entre les deux apôtres, et même de l’irritation, ce qui n’aurait pas dû être, car l’irritation dans le cœur est un fruit de la chair et non de l’Esprit. Le résultat fut qu’ils se séparèrent. Barnabas prit Marc avec lui et partit pour l’île de Chypre, sa patrie. Barnabas, sans doute, continua à être employé dans l’œuvre du Seigneur ; Marc aussi fut formé par la grâce pour le service, comme Paul nous le fait comprendre dans une de ses épîtres (2 Timothée 4:11), mais l’Esprit Saint ne nous parle plus d’eux dans l’histoire qu’il trace de l’établissement de l’Église. Paul, abandonné par son ancien compagnon, choisit pour aller avec lui, Silas dont il avait apprécié le dévouement pour le Seigneur et qui, dès lors, ne le quitta plus. Ils partirent, recommandés, comme la première fois, à la grâce de Dieu par les frères. Cela ne nous est pas dit au sujet de Barnabas, et nous pouvons en conclure que l’assemblée d’Antioche approuvait Paul dans sa décision à l’égard de Marc.
Au lieu de suivre le même chemin que dans son premier voyage avec Barnabas, et pour ne pas aller où celui-ci travaillait déjà, Paul se rendit par terre aux dernières villes qu’il avait évangélisées, c’est-à-dire à Derbe et à Lystre. Pour cela, il eut à traverser une partie de la Syrie et de la Cilicie. Partout il rencontrait des assemblées que la grâce de Dieu avait formées. Combien le cœur de l’apôtre devait être réjoui ! Il n’avait pas à prêcher devant des Juifs ou des païens aveuglés, mais à fortifier par ses exhortations et ses enseignements des âmes qui connaissaient Jésus. Il pouvait déployer devant elles toutes les richesses de l’amour de Christ, le Chef de l’Assemblée, afin de les fonder et de les enraciner dans cet amour.
Arrivé à Derbe et à Lystre, il s’adjoignit un autre compagnon de travail, Timothée, dont nous avons déjà parlé. Il avait, sans doute, été converti lors du premier passage de Paul, qui l’appelle son véritable enfant dans la foi et son enfant bien-aimé (1 Timothée 1:2 ; 2 Timothée 1:2), Depuis, ce jeune chrétien avait marché fidèlement ; les frères de Lystre et d’Iconium lui rendaient un bon témoignage. Rien n’est beau comme de voir de jeunes hommes, des jeunes filles, au milieu d’un monde rempli de convoitises et de péché, être dévoués au Seigneur et avoir un bon témoignage. Puisse-t-il y avoir beaucoup de jeunes Timothées.
Par la bouche d’un prophète, Timothée avait été désigné de Dieu pour l’œuvre ; le témoignage de tous l’avait reconnu, et les anciens l’avaient approuvé par l’imposition des mains ; puis Paul lui avait conféré, par l’imposition de ses mains, le don de grâce qui distinguait Timothée pour l’œuvre qu’il devait accomplir (1 Timothée 4:14 ; 2 Timothée 1:6).
Mais Timothée était fils d’une femme juive croyante et d’un père grec. Un tel mariage n’était pas conforme à la loi juive. Pour les Juifs, ç’aurait été un scandale que Paul menât Timothée avec lui pour annoncer l’Évangile. À cause donc des Juifs, et dans un esprit de condescendance et de grâce, Paul assujettit Timothée à la circoncision. Paul ne regardait pas cela comme une condition de salut pour Timothée, ainsi que le pensaient ceux qui avaient voulu obliger les chrétiens à se soumettre à la loi juive, mais il ne voulait pas qu’il y eût un prétexte pour les Juifs de rejeter sa prédication.
Paul, avec ses deux compagnons, continua son voyage. Comme ils passaient dans les villes où il y avait des assemblées chrétiennes, ils remettaient à celles-ci des ordonnances établies par les apôtres et les anciens de Jérusalem, afin qu’elles fussent gardées, et qu’ainsi le lien entre toutes les assemblées fût affirmé et maintenu. En même temps, ces ordonnances étaient une barrière opposée aux chrétiens d’entre les Juifs qui auraient voulu assujettir les gentils à la loi de Moïse. Les assemblées que visitaient les envoyés de Christ étaient ainsi affermies dans la foi et croissaient en nombre de jour en jour. L’Église, l’Assemblée, qui est la maison de Dieu sur la terre, s’édifiait par les travaux des ouvriers du Seigneur et l’action du Saint Esprit.
Mais Dieu allait diriger son serviteur dans un autre champ. Paul avait passé par la Phrygie et la grande province de Galatie, annonçant l’Évangile. L’Esprit Saint avait agi avec puissance parmi les Galates ; un grand nombre avaient été convertis et plusieurs assemblées s’étaient formées. Les chrétiens de Galatie avaient témoigné une grande affection à l’apôtre qui s’était aussi beaucoup attaché à eux. Mais des docteurs juifs se glissèrent plus tard parmi eux, et, malgré les ordonnances des apôtres, réussirent à leur persuader qu’ils devaient s’astreindre à l’observation de la loi de Moïse. En même temps, ils cherchaient à mettre en doute l’apostolat de Paul. Celui-ci dut leur écrire une lettre très sévère, parce que vouloir joindre la loi à l’Évangile, c’est renverser celui-ci.
Paul et ses compagnons, partis de la Galatie, voulaient annoncer la Parole dans cette partie de l’Asie mineure appelée plus spécialement l’Asie, mais l’Esprit Saint, qui les dirigeait, les en empêcha ; ils désirèrent alors aller plus au nord, en Bithynie, mais leur saint directeur, l’Esprit de Jésus, ne le leur permit pas non plus. Qu’ils étaient heureux de marcher ainsi sous la direction de Dieu ! Mais c’est ce qui arrive toujours lorsqu’on s’attend à Lui. Ils se dirigèrent donc vers la Troade, contrée située au bord de cette partie de la mer Méditerranée appelée aujourd’hui l’Archipel, et en face de la Macédoine, province au nord de la Grèce, célèbre dans l’histoire ancienne et qui appartint longtemps à l’empire turc (on sait qu’elle fait partie maintenant de la Grèce actuelle).
Là Paul, toujours occupé de l’œuvre du Seigneur, annonça l’Évangile, et nous verrons plus tard qu’une assemblée s’y était formée, dans laquelle Paul se trouva une autre fois. Mais là aussi, les serviteurs du Seigneur apprirent pourquoi Dieu les avait dirigés de ce côté. Nous ne connaissons pas toujours d’abord les desseins de Dieu à notre égard, et pourquoi il nous conduit dans une tout autre direction que celle que nous pensions devoir suivre. Mais pour le cœur qui Lui est soumis tout s’éclaircit.
Une nuit, Paul eut une vision, sans nul doute envoyée de Dieu. Il vit un homme macédonien qu’il reconnut pour tel à son costume et à son langage. Cet homme se tenant devant l’apôtre, lui dit : « Passe en Macédoine, et aide-nous ». Paul, rempli des pensées de Dieu, et sachant qu’il avait pour mission d’évangéliser les nations, comprit immédiatement avec ses compagnons que le Seigneur les appelait à porter le nom de Jésus dans ces nouvelles contrées, et que l’Assemblée devait s’étendre aussi là et encore plus loin.
Ils quittèrent donc la Troade, passèrent la nuit dans l’île de Samothrace, et étant partis le lendemain, ils se dirigèrent vers la ville maritime de Néapolis où ils débarquèrent. Cette ville qui se nomme maintenant Kavala, a un port important, mais les messagers du Seigneur ne s’y arrêtèrent pas ; ils se dirigèrent vers la ville de Philippes où Dieu avait une œuvre merveilleuse à accomplir. Nous allons en parler ; mais nous avons à remarquer d’abord un fait intéressant. C’est que, dans la Troade, un nouveau et fidèle compagnon s’était joint à Paul. C’est Luc, que Paul appelle, dans une de ses épîtres, le médecin bien-aimé (Colossiens 4:14), qui écrivit l’évangile qui porte son nom et le merveilleux récit des Actes qui nous fait connaître l’établissement de l’Église chrétienne sur la terre. Luc demeura le dévoué compagnon d’œuvre de Paul, à travers les travaux, les peines et les dangers de celui-ci. Et la dernière fois qu’il est fait mention de lui, c’est quand Paul est en prison à Rome, abandonné de tous et sur le point de marcher au supplice. Alors le bienheureux apôtre écrit : « Luc seul est avec moi » (2 Timothée 4:11). Heureuse place pour Luc, témoignage honorable devant le Seigneur, transmis à travers les siècles, et que Dieu n’oubliera pas !
L’apôtre et ses compagnons étaient donc en Europe, et allaient y commencer l’œuvre du Seigneur. Combien ce fait doit avoir d’intérêt pour nous ! C’est dans cette contrée privilégiée que nous habitons, que l’Église devait prendre son plus grand développement. C’est aux extrémités de cette Europe que l’Évangile devait briller et brille de sa plus vive lumière. Nous pouvons nous rappeler à ce sujet l’ancienne bénédiction prophétique du patriarche Noé : « Que Dieu élargisse Japheth, et qu’il demeure dans les tentes de Sem » (Genèse 9:27). C’est de la postérité de Sem, habitante de l’Orient, que sortit Israël, le peuple élu, dont l’Éternel était le Dieu, et c’est dans ce peuple que naquit le Sauveur du monde. Mais la race de Japheth, de laquelle nous sommes, devait se répandre vers l’Occident, peupler l’Europe, et remplir la terre de ses nombreuses colonies : « demeurer dans les tentes de Sem ». En même temps, la connaissance du Dieu de Sem et du Sauveur promis, allait aussi éclairer ces énergiques et actifs enfants de Japheth. Et c’est à ce commencement de bénédiction pour eux que nous a amenés notre récit. Quelle grâce pour nous de vivre dans ces temps et ces pays où la parole de Dieu est répandue, et où l’Évangile est annoncé. Sachons profiter de ce privilège dont Dieu nous demandera compte.
Paul, sans s’arrêter à Néapolis, se rendit à Philippes, ville importante, peuplée en grande partie de colons romains. Vous chercheriez en vain maintenant son ancienne splendeur ; il n’en reste que des ruines près d’un pauvre village nommé Félibah. Mais les monuments de la grâce de Dieu, les âmes qui, par la parole du Seigneur, furent amenées à Lui, demeureront éternellement dans la gloire. Telle est la différence entre les œuvres de l’homme et celles de Dieu : les unes périssent, les autres subsistent à toujours.
Suivant son habitude, l’apôtre chercha d’abord les Juifs qui habitaient à Philippes. Ils y étaient peu nombreux, semble-t-il, car il n’y avait point de synagogue dans la ville. On se réunissait hors de la porte, près du fleuve Strymon. Dans ce lieu, choisi sans doute pour pouvoir y accomplir facilement les ablutions prescrites, les Juifs se rassemblaient pour la prière. C’est là que Paul et ses compagnons vinrent le jour du sabbat se joindre à la petite congrégation qui, au milieu des païens, adorait le vrai Dieu, sans connaître encore toutes les richesses de sa grâce, mais qui allait les entendre annoncer.
Il semble que ce jour-là, il n’y avait point d’hommes juifs dans la réunion ; au moins, le récit de Luc ne mentionne que des femmes qui étaient assemblées et auxquelles les serviteurs de Dieu s’adressèrent. Parmi elles, se trouvait une femme nommée Lydie. Elle était originaire de Thyatire, ville de l’Asie mineure, où se trouva plus tard une assemblée chrétienne à laquelle, dans l’Apocalypse, le Seigneur envoya un message par son serviteur Jean (Apocalypse 2:18). Lydie était marchande de pourpre, étoffe précieuse et très chère, de couleur violette ou rouge, que portaient seulement les empereurs, les rois et les très riches particuliers ; on en revêtait aussi les statues des dieux. La couleur pourpre se tirait d’une sorte d’escargot que l’on trouve sur les bords de la Méditerranée, et comme chaque animal n’en donne que quelques gouttes, on comprend pourquoi les étoffes ainsi teintes revenaient fort cher. Lydie avait sans doute acquis dans son commerce une certaine aisance, mais, ce qui était plus précieux, elle avait la crainte de Dieu dans son cœur et le désir de le connaître. Or l’Écriture dit que « la crainte de l’Éternel est le commencement de la sagesse » (Psaume 111:10) ; et Lydie devait bientôt apprendre à connaître Celui qui est « la sagesse de Dieu », Jésus, « qui nous a été fait sagesse de la part de Dieu » (1 Corinthiens 1:24, 30). Lydie n’était pas Juive de naissance ; mais elle avait appris à connaître le vrai Dieu qu’elle servait, et elle aimait à se réunir avec les Juifs pour le prier. C’est toujours ce qui prouve un besoin de l’âme, d’aimer à se trouver avec ceux qui adorent Dieu, et Dieu y répond par sa bénédiction.
Lydie éprouva bientôt cette bénédiction que Dieu accorde à ceux qui le recherchent. Elle écoutait ce que disaient les envoyés du Seigneur. Quelle perte pour l’âme, quand les paroles de Dieu viennent frapper les oreilles, sans que le cœur y prenne part, sans que l’on écoute ! Combien d’avertissements et d’exhortations à écouter ne trouvons-nous pas dans l’Écriture ! Avant Lydie, nous voyons une autre femme pieuse, Marie, aux pieds de Jésus, écoutant sa parole, et Jésus déclare qu’elle a choisi la bonne part. Et le Sauveur, dans un autre endroit, dit : « Bienheureux sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et qui la gardent » (Luc 11:28). Puissions-nous être de ce nombre !
Telle était Lydie. Elle ne se bornait pas à prêter une oreille distraite à ce qui se disait. Elle appliquait son intelligence à bien saisir les paroles des messagers de Dieu, et bientôt elle fut un de ces bienheureux dont le Seigneur parle en Luc 11:28. Mais tous les efforts de Lydie en écoutant, auraient été inutiles, si Dieu n’avait agi dans son cœur. Pour comprendre les choses de Dieu, il faut que Dieu lui-même nous les découvre, et c’est ce qu’il fait en appliquant sa Parole à notre âme par son Saint Esprit, de sorte que nous voyons ce que nous sommes — de pauvres pécheurs perdus — et ce que Dieu a fait pour nous dans sa grâce afin de nous sauver. Ce sont là les choses précieuses que Paul annonçait. Dieu ouvrit le cœur de Lydie pour qu’elle y fût attentive, et elle reçut dans ce cœur, jusqu’alors ignorant, les bonnes nouvelles du salut et de l’amour merveilleux de Christ et de Dieu.
Lydie avait cru au Seigneur. Elle fut introduite dans l’Assemblée chrétienne par le baptême, et avec elle toute sa maison. Tel fut le commencement de l’église de Philippes, la première en Europe — une simple femme et sa famille. Dieu se glorifie ainsi toujours dans sa faiblesse ; ce qu’il opère semble chétif aux yeux des hommes, mais c’est un commencement de grandes choses. Ainsi que le dit le Seigneur Jésus : « Le royaume de Dieu est semblable à un grain de moutarde, la plus petite de toutes les semences ; mais, après qu’il est semé, il monte et devient plus grand que toutes les herbes » (Marc 4:31, 32). De nos jours aussi, l’Évangile reçu dans un seul cœur devient souvent le commencement d’une grande bénédiction, « et qui a méprisé le jour des petites choses ? » dit la Parole. Puisse chacun de nous être ainsi un instrument béni dans la main du Seigneur ! « Celui qui croit en moi », a-t-il dit, « des fleuves d’eau vive couleront de son ventre » (Jean 7:38).
La parole de Dieu reçue dans le cœur, porte toujours des fruits dans la vie. Et ces fruits sont d’abord l’amour, se montrant premièrement envers les chers serviteurs de Dieu qui se dévouent pour l’œuvre de leur Maître. Lydie ne pouvait supporter la pensée que les apôtres et leurs compagnons fussent obligés de recourir à une hôtellerie, ou fussent logés chez ceux qui n’avaient pas cru. Elle était de la famille de Dieu, comme eux ; sa maison devenait la leur, et elle les contraint à y entrer et à y demeurer, comme preuve qu’ils l’estimaient fidèle au Seigneur ; l’amour qu’elle avait pour Lui dans son cœur avait son expression dans son amour pour ses envoyés. Si nous aimons les serviteurs de Dieu et, en général, les enfants de Dieu, c’est la preuve que nous aimons Dieu et que nous avons la vie divine, ainsi que le dit l’apôtre Jean : « Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons les frères » ; « quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu ; celui qui n’aime pas, n’a pas connu Dieu, car Dieu est amour » (1 Jean 3:14 ; 4:7, 8).
Nous nous sommes un peu étendus sur l’histoire de Lydie, parce que nous avons en elle le modèle d’une vraie conversion, caractérisée par ces trois choses : elle écoutait ; Dieu lui ouvrit le cœur, et, ayant reçu et cru sa parole, la vie de Dieu en elle se manifesta par des œuvres d’amour. Puisse-t-il en être ainsi de chacun de nous !
Nous avons vu le commencement paisible et heureux de l’assemblée de Philippes. Les apôtres continuèrent à se rendre au lieu où l’on se réunissait afin d’y poursuivre l’œuvre de Dieu, et, sans doute, bien d’autres personnes, comme Lydie, furent amenées au Seigneur. L’épître de Paul aux Philippiens en nomme plusieurs.
Mais l’ennemi ne peut voir des âmes sauvées sans chercher à s’opposer à la grâce du Seigneur. C’est ce qu’il fit bientôt à Philippes.
Il se trouvait dans cette ville une pauvre fille esclave qui avait un esprit de python. On disait cela des personnes qui prétendaient avoir le don de deviner ou prédire l’avenir, et ils étaient nombreux dans ce temps-là, comme, hélas ! ils le sont de nos jours, quoique portant d’autres noms. Mais ce sont de misérables instruments de Satan, de même que ceux qui les écoutent sont ses dupes. Le chrétien ne doit rien avoir à faire avec de telles pratiques.
La servante dont nous parlons était réellement possédée d’un mauvais esprit, et ses maîtres se servaient de ses prétendues divinations, pour se procurer un grand gain de la part de ceux qui venaient la consulter.
Un jour que les serviteurs de Dieu se rendaient au lieu de la prière, cette pauvre fille les rencontra. Aussitôt l’esprit qui était en elle, reconnaissant dans les apôtres la puissance divine, fut obligé de le confesser par sa bouche. Elle se mit à les suivre en criant : « Ces hommes sont les esclaves du Dieu Très Haut, qui vous annoncent la voie du salut ». Les démons, quand ils se trouvaient en présence de Jésus sur la terre, s’écriaient aussi : « Tu es le Fils de Dieu », mais Jésus ne voulait pas de leur témoignage et leur fermait la bouche en les chassant du corps des possédés. Paul ne pouvait pas davantage accepter pour son ministère le témoignage d’un mauvais esprit. C’est pourquoi, l’ayant supporté durant plusieurs jours, affligé dans son cœur, il commanda à l’esprit, non point en son nom, mais au nom de Jésus Christ, de sortir de cette fille. À l’instant même, l’esprit sortit et la pauvre servante fut délivrée. Telle est la puissance du nom de Jésus !
Pour les maîtres de l’esclave, tout espoir de gain était perdu. C’était une cruelle déception pour leur avarice. Satan, qui avait cherché à se faire l’auxiliaire des apôtres et qui voyait sa ruse déjouée, se servit des mauvais sentiments des maîtres de l’esclave, pour les exciter contre Paul et Silas. Irrités de la perte d’argent qu’ils faisaient et voulant se venger, ils traînèrent les deux serviteurs de Dieu devant les magistrats qui siégeaient sur la place publique. Ils ne pouvaient les accuser d’avoir fait du bien à leur esclave ; ils eurent alors recours à la calomnie et au mensonge. « Ces hommes-ci, qui sont Juifs », dirent-ils, « mettent tout en trouble dans notre ville et annoncent des coutumes qu’il ne nous est pas permis de recevoir ni de pratiquer, à nous qui sommes Romains ». C’était une grave accusation, car les lois romaines punissaient sévèrement ceux qui cherchaient à introduire des religions nouvelles, et en disant que Paul et Silas étaient Juifs, ils excitaient la haine que les païens avaient pour ce peuple méprisé.
Aussi toute la foule qui entendait ces accusations se souleva-t-elle contre les apôtres, et les magistrats, voulant à tout prix la calmer, au lieu d’examiner la cause avec justice, commandèrent que Paul et Silas fussent battus de verges et jetés en prison. Ils s’inquiétaient peu des deux Juifs étrangers. Ils firent arracher de dessus les apôtres leurs vêtements, et leur firent appliquer sur la chair nue un grand nombre de coups dont chacun laissait une trace sanglante. Puis, meurtris comme ils l’étaient, avec leurs habits déchirés, ils furent jetés en prison, et ordre fut donné au geôlier de les garder sûrement.
Dans la prison, un nouveau supplice les attendait. Le geôlier, ayant reçu un tel ordre, ne pouvait qu’obéir à ses supérieurs. Il enferma donc les apôtres dans la prison intérieure, sans doute un obscur cachot, et fixa sûrement leurs pieds dans le bois. C’était une sorte de poutre double avec des ouvertures pour y passer chaque jambe, de manière à interdire tout mouvement. Quelle position pour les serviteurs de Dieu ! Mais ce fut pour eux l’occasion de montrer comment triomphe la foi.
Satan et les hommes avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir contre les serviteurs de Dieu ; mais ils ne peuvent toucher qu’au corps, et le Seigneur a dit : « Ne craignez pas ceux qui tuent le corps et qui après cela ne peuvent rien faire de plus » (Luc 12:4). Paul et Silas le savaient. Dans ce sombre cachot où ils gisaient, une lumière céleste et divine remplissait leurs cœurs. Il pensaient à Celui qui les avait aimés et qui avait souffert bien plus qu’eux de la part des hommes, à Celui qui, sur la croix, avait subi, pour les sauver, le jugement et la mort, et ils s’estimaient heureux de souffrir quelque chose pour Lui. Ils élevaient leurs regards en haut, et comme Étienne, ils voyaient par la foi, dans la gloire, Jésus, le Fils de l’homme qui les aimait et les prendrait un jour avec Lui. Aussi, bien loin d’être accablés, de se répandre en plaintes, ils étaient remplis de l’amour et de la gloire de leur Sauveur, et goûtaient une paix profonde et un bonheur ineffable.
Ce qui occupait leur âme se manifestait au-dehors. Vers minuit, au sein des ténèbres extérieures, dans ce lieu où habituellement ne se faisaient entendre que des gémissements et des blasphèmes, ces deux bienheureux chantaient les louanges de Dieu. Quel triomphe sur l’adversaire qui avait cru leur fermer la bouche ! Leurs prières et leurs louanges devenaient un témoignage et une prédication : « Les prisonniers les écoutaient ». Quelle devait être leur surprise ! Ainsi, Dieu était glorifié dans une sombre prison.
La réponse à leurs prières et à leur confiance ne se fit pas attendre. Dieu, dans sa puissance, vint montrer ce qu’étaient pour son cœur ces deux pauvres prisonniers juifs. Soudain, il se fit un grand tremblement de terre. Les fondements de la prison, où l’on croyait les prisonniers bien en sûreté, furent ébranlés ; ces portes solides et bien fermées avec leurs barres et leurs serrures s’ouvrent ; les liens, les chaînes, les entraves, qui serraient les membres des prisonniers, sont brisés ; toute la puissance de l’homme est comme anéantie devant Dieu.
Mais cette puissance divine allait aussi arracher à Satan un captif d’un autre genre. Le geôlier, éveillé en sursaut, accourut pour voir si tout était en ordre. Quelle dut être sa stupeur en voyant les portes ouvertes ! Il ne douta pas un moment que tous les prisonniers ne se fussent enfuis, et, comme il répondait d’eux sur sa vie, dans son désespoir, il avait déjà tiré son épée pour se tuer. Mais Dieu n’avait pas ouvert les portes de la prison pour que les lois fussent violées. En déployant sa puissance, il avait d’autres desseins, des desseins de grâce. Lui-même avait retenu les prisonniers qui, voyant que Paul et Silas ne s’échappaient pas, les avaient sans doute imités.
Au moment où le pauvre geôlier allait mettre fin à sa vie et se précipiter ainsi au-devant du jugement de Dieu, la voix de la grâce qui veut sauver le pécheur et non le laisser périr, se fit entendre : « Ne te fais point de mal », lui cria Paul, « nous sommes tous ici ». Le geôlier, frappé de ces paroles si inattendues, demande de la lumière, s’élance dans le cachot où il avait jeté les serviteurs de Dieu, et tombe à leurs pieds, tout tremblant d’émotion et de crainte.
Combien tout est changé ! Dans quelle nouvelle lumière il les voit ! Ce cachot n’est pas la place de ceux pour qui Dieu intervient ainsi. Il les mène dehors. Mais il se voit aussi, lui-même, dans la lumière de Dieu. Il se sent coupable et perdu, et, de son cœur angoissé, s’échappe ce cri : « Seigneur, que faut il que je fasse pour être sauvé ? »
La réponse ne se fait pas attendre. Cette même parole de grâce qui l’a empêché de se faire du mal, va maintenant lui faire du bien et porter la paix dans son cœur. Les apôtres de l’Évangile lui répondent aussitôt : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta maison ». Pour le geôlier, comme pour tous, c’est l’unique voie de salut. Le nom de Jésus est le seul qui soit donné parmi les hommes, par lequel il nous faille être sauvés.
La lumière et la grâce divines étaient ainsi entrées dans cette triste demeure, pour en faire une maison de joie. L’effort de Satan avait tourné contre lui. Il avait fait mettre les apôtres en prison pour les réduire au silence, mais là, des âmes avaient été sauvées. Quelles merveilles de la puissance et de l’amour de Dieu ! Les serviteurs du Seigneur, après leurs premières paroles de paix, continuèrent à annoncer la bonne nouvelle du salut au geôlier et à tous ceux qui étaient dans sa maison, que ces événements avaient sans doute attirés.
Le geôlier avait cru, et sa foi se montra aussitôt par l’amour, comme cela avait été le cas pour Lydie. Il les prit en cette même heure de la nuit, et lava leurs plaies. Après ce témoignage, lui et les siens furent baptisés.
Un autre fruit de la foi se manifesta en lui. Pensant aux besoins de ceux qui maintenant étaient pour lui des frères bien-aimés, il les fit monter chez lui et leur dressa une table, son cœur et ceux des siens étant remplis de joie d’avoir été amenés à la connaissance de l’amour merveilleux de Dieu pour leur salut. Quelle heureuse nuit pour eux tous ! Ils étaient passés des ténèbres à la lumière, et de la puissance de Satan à Dieu.
Le jour étant venu, les magistrats pensèrent que, le tumulte étant apaisé, ils pouvaient renvoyer ces hommes contre lesquels il n’y avait pas eu de jugement rendu. Ils envoyèrent donc au geôlier l’ordre de les relâcher, et le geôlier le transmit à Paul. Mais Paul qui, pour lui-même, avait souffert l’injustice, ne pouvait pas, pour la gloire de l’Évangile, accepter d’être renvoyé en cachette, comme un homme sans aveu. Il refusa donc de sortir de prison, et demanda que les magistrats eux-mêmes vinssent les mettre en liberté, eux qui étaient Romains et que l’on n’aurait pas dû frapper et mettre en prison sans forme de jugement.
Les magistrats furent effrayés en apprenant qu’ils avaient mis les mains sur des citoyens romains ; ils s’empressèrent d’apporter leurs excuses à Paul et à Silas et les firent sortir de prison, leur demandant en même temps, comme une faveur, de quitter leur ville. Les apôtres agirent en toute liberté ; ils rentrèrent chez Lydie où ils logeaient, y rassemblèrent les frères, et, les ayant exhortés et encouragés, partirent de Philippes pour continuer leur œuvre.
Ainsi fut établie la première assemblée chrétienne en Europe. Composée de quelques Juifs, de prosélytes et de païens, elle était dévouée au Seigneur et attachée à ses serviteurs, qui avaient souffert pour lui annoncer l’Évangile. Nous voyons aussi, par la lettre qu’il leur écrivit, combien Paul aimait ses chers Philippiens.
Paul et Silas, en quittant Philippes, y avaient laissé Timothée et Luc, sans doute pour instruire et affermir les saints. Pour eux, ils se dirigèrent vers Thessalonique, autre ville importante de la Macédoine et qui existe encore de nos jours. Là se trouvait la synagogue des Juifs. C’était comme un centre où les Juifs venaient de différentes villes voisines, et se rassemblaient les jours de sabbat.
Malgré tout ce qu’il avait souffert à Philippes, Paul, pour le service de son cher Maître, était rempli de courage et prêt à annoncer l’Évangile, coûte que coûte. Aussi entra-t-il avec hardiesse dans la synagogue, selon l’habitude qu’il avait de porter d’abord la bonne nouvelle à ceux de sa nation. Il trouva là, sans doute, un nombreux auditoire, puisqu’on s’y rassemblait de différents lieux — auditoire composé de Juifs et de Grecs prosélytes, c’est-à-dire qui avaient appris à connaître le vrai Dieu et suivaient le service divin qui se célébrait dans la synagogue. Ce service consistait en prières et en lectures de portions des Écritures, auxquelles s’ajoutaient quelques exhortations (*) que pouvaient adresser à l’auditoire ceux qui s’y sentaient appelés, ou que les chefs de synagogues invitaient à le faire.
(*) Voyez Luc 4:16-27, et Actes 13:14, 15.
L’apôtre Paul profita de cette liberté de parole pour exposer la vérité de Dieu touchant Jésus. C’était ce qui remplissait son cœur. Pendant trois sabbats, l’apôtre discourut, c’est-à-dire s’entretint avec les Juifs d’après les Écritures — celles de l’Ancien Testament bien entendu — que ceux-ci respectaient comme étant la parole de Dieu. Et que leur exposait-il en s’appuyant sur ces saints écrits ? Deux choses : la première, c’est qu’il fallait que le Christ, c’est-à-dire le Messie que les Juifs attendaient, souffrît et ressuscitât d’entre les morts. Il le fallait, puis que les Écritures l’annonçaient (*), et parce que c’était l’œuvre absolument nécessaire à notre salut. Mais les Juifs, remplis de leurs pensées terrestres, ne voulaient voir dans le Messie qu’un Roi glorieux qui les affranchirait du joug de leurs ennemis, et repoussaient la pensée que ce Messie dût d’abord souffrir, mourir et ressusciter, avant d’entrer dans sa gloire.
(*) Voyez entre autres Ésaïe 53 et Psaume 16.
La seconde chose que Paul exposait, c’est que Jésus de Nazareth, celui dont, sans doute, le nom était parvenu aux oreilles des Juifs, était bien le Christ, le Messie annoncé par les prophètes. L’apôtre pouvait montrer que, dans sa naissance, sa vie et sa mort, les Écritures étaient accomplies. Et quant à sa résurrection dont elles parlaient, n’y avait-il pas des témoins nombreux ? Lui-même, Paul, n’avait-il pas vu et entendu Christ dans la gloire divine, de sorte que, de blasphémateur et persécuteur, il était devenu croyant et apôtre ? Mais l’opprobre de la croix était aussi une chose que les Juifs ne pouvaient souffrir. Christ crucifié leur était un scandale.
Cependant la puissance de la grâce opéra dans les âmes de plusieurs personnes ; l’Esprit Saint appliqua la Parole à leur conscience et à leur cœur ; elles reçurent avec joie ce que Paul disait comme étant, non la parole des hommes, mais la parole de Dieu. Parmi ceux qui crurent et se joignirent à Paul et à Silas se trouvaient des Juifs, une grande multitude de Grecs prosélytes, des femmes de premier rang en assez grand nombre, et aussi des païens tournés des idoles vers Dieu, pour servir le Dieu vivant et vrai et pour attendre des cieux Jésus, son Fils, qu’il a ressuscité d’entre les morts. Car ce retour de Jésus, pour prendre avec Lui ses bien-aimés, était aussi une vérité que Paul annonçait aux nouveaux convertis. L’apôtre exerça avec bonheur son ministère parmi ces chrétiens jeunes dans la foi, mais remplis d’amour et d’espérance. Il les soignait comme une nourrice ses propres enfants, travaillant jour et nuit de ses propres mains pour n’être à charge à aucun d’eux, leur donnant ainsi, avec ses instructions, l’exemple d’une vie de dévouement afin qu’ils apprissent à marcher d’une manière digne de Dieu (lisez 1 Thessaloniciens 1:2).
Mais tandis que l’œuvre de Dieu se poursuivait ainsi, l’ennemi veillait et bientôt la persécution éclata. Elle vint encore des Juifs incrédules. Pleins de jalousie de voir l’assemblée de Dieu se former au nom de Jésus, ils ameutèrent les méchants hommes de la populace, et, avec leur aide, assaillirent la maison où demeuraient Paul et Silas, pour les y chercher et les amener dehors à cette foule excitée, dans le but de leur faire un mauvais parti. Mais n’ayant pas trouvé les apôtres, ils saisirent Jason, le maître de la maison, qui était un des nouveaux chrétiens, et le traînèrent avec quelques frères devant les magistrats. De quoi pouvaient-ils les accuser ? D’avoir reçu ces gens qui, disaient-ils, avaient bouleversé toute la terre. Était-ce vrai ? Non, certes. C’était la paix qu’annonçaient les apôtres ; paix avec Dieu et entre les hommes. Ceux qui bouleversaient étaient Satan et ses instruments, les hommes qui ne voulaient pas recevoir Jésus, de peur d’être troublés dans leurs mauvaises œuvres. Mais une autre accusation était portée contre les chrétiens. C’était de désobéir aux lois de César, l’empereur romain, et de dire qu’il y avait un autre roi, Jésus. Était-ce vrai ? Non ; les apôtres exhortaient à être soumis aux autorités comme établies de Dieu, et Jésus avait dit : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean 18:36 ; Romains 13:1).
Les magistrats et la foule qui entendaient ces paroles d’accusation, furent troublés. Mais comme Jason et les autres frères étaient des personnes établies dans la ville et bien connues, les magistrats se bornèrent à exiger d’eux une caution comme garantie que, de leur part, l’ordre ne serait pas troublé ; et ils les renvoyèrent.
Aussitôt après, les frères firent partir de nuit Paul et Silas, pour les mettre à l’abri de la haine des Juifs qui eût pu plus facilement s’exercer envers des étrangers accusés d’être des séditieux.
Mais au milieu des persécutions, l’œuvre de Dieu s’étendait et l’Assemblée du Seigneur s’accroissait. Une église était formée à Thessalonique, et plus tard, Paul, lui écrivant, s’adressait à elle de la manière suivante : « Paul, et Silvain (ou Silas), et Timothée, à l’assemblée des Thessaloniciens en Dieu le Père et dans le Seigneur Jésus Christ : Grâce et paix à vous ! ». Nous voyons dans cette épître que la persécution ne s’était pas arrêtée après le départ des apôtres : « Vous aussi », dit Paul, « vous avez souffert de la part de vos propres compatriotes les mêmes choses que les assemblées de la Judée ont souffertes de la part des Juifs ». Mais au milieu de leurs tribulations, ils avaient tenu ferme, et le cœur de Paul en avait été rempli de consolation : « Quelle est notre espérance, ou notre joie, ou la couronne dont nous nous glorifions ? » dit-il. « N’est-ce pas bien vous devant notre Seigneur Jésus, à sa venue ? » (1 Thessaloniciens 1:1 ; 2:14, 19).
Ce qui réjouit et soutient le cœur d’un serviteur de Dieu, c’est d’abord la conversion des âmes, mais ensuite, c’est de voir ces âmes demeurer fermes et croître dans la connaissance et l’amour du Seigneur, en marchant d’une manière digne de Lui.
Les frères de Thessalonique envoyèrent Paul et Silas à Bérée, autre ville de Macédoine, au sud ouest de Thessalonique. Des chrétiens de cette dernière ville accompagnèrent Paul et restèrent avec lui. Deux d’entre eux sont nommés plus loin, ce sont Second et Aristarque (Actes 20:4). Timothée aussi rejoignit Paul à Bérée.
Quelle consolation pour l’apôtre de se trouver avec ces fidèles compagnons de travaux et de prières ! Aussi le voyons-nous plein de courage entrer avec Silas, à Bérée, dans la synagogue des Juifs, pour y annoncer l’Évangile. Le Seigneur accorda à ses serviteurs la parole de Dieu. Les Juifs n’y montrèrent pas d’opposition ; ils firent voir des sentiments plus nobles que ceux de Thessalonique en n’écoutant ni leur préjugés, ni leurs traditions. Paul leur annonçait les mêmes vérités qu’à Thessalonique et les appuyait sur les Écritures. Les Béréens, pleins de bonne volonté, se mirent à examiner chaque jour les Écritures, pour voir si l’enseignement de Paul s’accordait avec elles. C’est l’exemple que nous avons à suivre et c’est à quoi le Seigneur invitait les Juifs, quand il leur disait : « Sondez les Écritures… ce sont elles qui rendent témoignage de moi » (Jean 5:39). Quel que soit l’enseignement que nous entendons, ou l’homme qui l’apporte, nous avons à en référer à la seule autorité infaillible, la parole de Dieu.
Le résultat des prédications et des instructions des apôtres, ne tarda pas à se manifester dans ces cœurs bien préparés. La semence avait été jetée dans une bonne terre. La Parole avait été entendue et comprise, et elle avait porté du fruit. Plusieurs d’entre les Juifs béréens crurent, ainsi que des femmes grecques de qualité, et des hommes en assez grand nombre. Ces femmes et ces hommes étaient des prosélytes, c’est-à-dire, comme nous l’avons vu précédemment, des personnes nées dans le paganisme, mais amenées à la connaissance du vrai Dieu. D’après cet exemple et d’autres, nous voyons que c’était chez elles que l’Évangile trouvait le plus d’accès.
Une assemblée se trouva ainsi établie à Bérée. Mais les serviteurs de Dieu ne purent pas y continuer bien longtemps leurs paisibles travaux. Les Juifs incrédules de Thessalonique apprirent que Paul annonçait la parole de Dieu à Bérée. Aussitôt ils y vinrent, poussés par leur haine contre Paul et contre le nom de Jésus, et soulevèrent là aussi les foules, sans doute par les mêmes moyens que ceux qu’ils avaient employés à Thessalonique. C’était surtout à Paul qu’ils en voulaient ; ils auraient souhaité faire disparaître du monde ce fidèle témoin du Seigneur, dont la conversion était une preuve si frappante de la puissance de Christ. C’est pourquoi les frères de Bérée renvoyèrent aussitôt Paul, en prenant des précautions pour dérouter les Juifs qui auraient voulu le poursuivre. Ceux qui conduisaient l’apôtre le menèrent jusqu’à Athènes, à une grande distance de la Macédoine. Silas et Timothée restèrent à Bérée pour continuer à instruire les chrétiens ; mais Paul leur fit dire de venir bientôt le rejoindre.
Ainsi, le cher serviteur de Dieu persécuté dans une ville, allait dans une autre, mais c’était pour porter partout la bonne odeur de Christ.
Paul avait été conduit à Athènes où il attendait ses deux compagnons de voyage et de travaux, Silas et Timothée. Athènes, qui maintenant est la capitale de la Grèce, avait été une des cités les plus célèbres de l’antiquité. Au temps de Paul, elle était soumise aux Romains et bien déchue de son ancienne splendeur, mais elle était encore le rendez-vous d’une quantité d’étrangers et d’une foule de philosophes de différentes écoles. Ce qui distinguait ses habitants, c’était, avec une extrême politesse de langage, une grande frivolité qui les faisait courir après tous les diseurs de nouvelles, et un esprit très superstitieux. La ville était remplie de temples et d’autels dressés aux faux dieux de toute espèce.
Nous pouvons nous imaginer les sentiments qui devaient agiter le cœur du fidèle serviteur de Dieu et de Christ, en voyant tant d’âmes plongées dans les vanités du monde, dans les ténèbres de l’idolâtrie, égarées par les vains raisonnements des hommes, et ainsi tenues loin de Dieu. Son esprit était ému en lui-même, et comment aurait-il pu se taire, lui qui connaissait la vérité, la seule vérité qui sauve ? Il s’adressa donc d’abord dans la synagogue aux Juifs et aux prosélytes qui avaient déjà quelque connaissance du vrai Dieu, puis, tous les jours, sur la place publique, il parlait à ceux qui s’y rencontraient. Et quel était le sujet de ses entretiens ? Ce qui remplissait son cœur, savoir Jésus, la personne adorable du Sauveur, et la victoire qu’il a remportée sur la mort, afin de nous introduire dans la vie, affranchis du péché.
Parmi ceux qui l’entendaient, se trouvaient des philosophes, prétendus sages de ce monde, poursuivant la connaissance de la vérité sans jamais l’atteindre, parce que la vérité est en Dieu, et que le monde, par la sagesse, n’a pas connu Dieu (1 Corinthiens 1:21). D’entre ces philosophes, les uns étaient des épicuriens et les autres des stoïciens. Les premiers étaient des matérialistes qui cherchaient le bonheur dans les jouissances des sens, et se livraient aux plaisirs ; les stoïciens prétendaient arriver à la vertu par leur propre force et affectaient de mépriser la douleur : c’étaient des orgueilleux. Tous d’ailleurs étaient dans l’ignorance la plus entière de Dieu.
Les paroles de Paul leur paraissaient très étranges. Ils disaient : « Il semble annoncer des dieux étrangers », prenant pour des noms de divinités, Jésus et la résurrection. Les uns, plus frivoles, se moquaient de l’apôtre et le traitaient de bavard ; les autres voulurent au moins s’enquérir, peut-être par simple curiosité, de ces choses nouvelles que Paul disait. Ils le menèrent donc à l’Aréopage.
C’était une place élevée où siégeait un tribunal autrefois célèbre, mais où se rassemblaient aussi les savants et les hommes d’État pour s’entretenir entre eux. On était là loin du bruit de la place publique, et Paul pouvait plus facilement y exposer devant tous la vérité que Dieu lui avait confiée. C’est ainsi que le Seigneur conduisait son cher serviteur pour Lui rendre témoignage devant les grands et les petits, les savants et les ignorants.
Les philosophes demandèrent donc à Paul : « Pourrions-nous savoir quelle est cette nouvelle doctrine dont tu parles ? ». Alors Paul, se tenant debout au milieu d’eux, leur annonça la vérité touchant Dieu et le jugement, Jésus et la résurrection, selon que ces sages si renommés et pourtant si ignorants pouvaient la comprendre.
L’apôtre, en parcourant la ville, avait vu, au milieu de la multitude des objets de culte, un autel sur lequel était l’inscription : « Au dieu inconnu ». On raconte que, dans les temps passés, une maladie contagieuse ravageait la ville, et que les Athéniens, ne sachant de quelle divinité il fallait détourner la colère, avaient érigé des autels au Dieu inconnu. D’ailleurs, au fond de la conscience de tout homme, et dans toutes les religions du paganisme, il existe le sentiment d’un Dieu suprême, mais inconnu. Paul, conduit par la sagesse de l’Esprit de Dieu, s’empare de cette circonstance qu’il rappelle à ses auditeurs, et leur dit : « Celui donc que vous honorez sans le connaître, c’est celui que moi je vous annonce. Le Dieu qui a fait le monde et toutes les choses qui y sont, lui qui est le Seigneur du ciel et de la terre, n’habite pas dans des temples faits de main ; et il n’est pas servi par des mains d’hommes, comme s’il avait besoin de quelque chose, lui qui donne à tous la vie et la respiration et toutes choses ».
Ainsi, ces philosophes si orgueilleux de leur science, ont besoin que Paul leur apprenne ce qu’un enfant peut savoir dès son tout premier âge, c’est-à-dire qu’il y a un Dieu créateur de toutes choses et qui ne les laisse pas abandonnées à elles-mêmes après les avoir créées : il est le Seigneur, celui qui domine au ciel et sur la terre. De plus, il remplit tout de sa présence. Ces païens cultivés ignoraient ces grandes vérités, mais nous, « par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par la parole de Dieu, de sorte que ce qui se voit n’a pas été fait de choses qui paraissent » (Hébreux 11:3), et nous savons que Dieu est partout.
Mais les philosophes pensaient que la divinité reste éloignée des hommes et ne s’occupe pas d’eux ; ils pensaient aussi que chaque nation avait une origine à part : les Grecs et les Romains estimaient les autres comme des barbares. C’est pourquoi Paul ajoute : « Il a fait d’un seul sang toutes les races des hommes pour habiter sur toute la face de la terre, ayant déterminé les temps ordonnés et les bornes de leur habitation ». Nous, nous n’ignorons pas que l’Africain, comme le Chinois, ou l’Hindou, de même que nous, nous descendons tous du même premier homme, Adam ; nous savons bien aussi que c’est Dieu qui conduit toutes choses dans son gouvernement souverain, puisque pas même un petit oiseau ne tombe en terre sans sa volonté (Matthieu 10:29). Mais les païens ignoraient tout cela.
Paul leur montre ensuite qu’ils auraient pu connaître Dieu s’ils l’avaient cherché, Lui qui avait donné les preuves de son existence et de sa puissance créatrice. « Il n’est pas loin de chacun de nous », dit-il, car en lui nous avons la vie, le mouvement et l’être.
Quelques-uns de leurs poètes avaient entrevu cette autre grande vérité, que l’homme n’est pas simplement un animal, comme de nos jours tant d’esprits faux voudraient le faire croire. Ces poètes anciens, plus sages que nos discoureurs modernes, avaient dit : « Car aussi nous sommes sa race », celle de Dieu qui, après avoir formé le corps de l’homme, a soufflé dans ses narines une respiration de vie. L’apôtre confirme cette parole, pour montrer la vanité des idoles : « Étant donc la race de Dieu, nous ne devons pas penser que la divinité soit semblable à de l’or, ou à de l’argent, ou à de la pierre, à une œuvre sculptée de l’art et de l’imagination de l’homme ».
Mais Paul avait autre chose à annoncer aux philosophes et aux païens auxquels il parlait. On peut reconnaître l’existence d’un Dieu suprême gouvernant toutes choses, la supériorité de la race humaine et la vanité des idoles ; mais il faut de plus que la conscience soit atteinte, que Dieu soit reconnu comme celui qui juge les secrets des cœurs par Jésus, l’homme ressuscité, et que la grâce soit proclamée. L’apôtre continue donc ainsi : « Dieu donc, ayant passé par-dessus les temps de l’ignorance, ordonne maintenant aux hommes que tous (philosophes ou illettrés, riches ou pauvres), en tous lieux (à Athènes, ou à Rome, ou chez les Barbares), ils se repentent ; parce qu’il a établi un jour auquel il doit juger en justice la terre habitée, par l’homme qu’il a destiné à cela, de quoi il a donné une preuve certaine à tous, l’ayant ressuscité d’entre les morts ».
C’est ainsi que Dieu fit briller sa lumière aux yeux de ce peuple savant d’Athènes ; la lumière de sa connaissance qui place la conscience devant Lui, et qui invite les hommes à se repentir, à se tourner vers Lui, en vue du jugement qu’il doit exécuter par Jésus, l’homme qu’il a ressuscité d’entre les morts. La résurrection de Christ était une preuve de sa victoire sur le mal et de son titre à être le Juge du monde.
L’apôtre aurait peut-être continué à parler de Jésus en le présentant, non seulement comme Juge, mais aussi comme Sauveur. Mais la foule savante avait assez de ses paroles. Tant qu’il avait parlé d’un Dieu créateur, on avait écouté, mais, en entendant parler de la résurrection des morts, cette chose incroyable pour l’esprit naturel, mais que Dieu révèle, les uns, dans leur frivolité incrédule, se moquent de la doctrine qui annonce une autre vie et gêne le cœur attaché au plaisir, les autres remettent à plus tard le moment de s’en occuper, comme si plus tard nous appartenait.
Paul sortit du milieu de ces sages du monde qui restèrent dans les ténèbres. N’y eut-il donc aucun fruit de sa prédication ? Oui ; Dieu bénit là aussi sa parole pour quelques âmes. Plusieurs personnes crurent ce que Paul prêchait, et se joignirent à lui. Sans doute les instruisit-il ensuite plus au long dans les saintes vérités de la foi. Parmi eux se trouvait Denys, membre du tribunal de l’Aréopage, et une femme nommée Damaris. Nous ne savons rien de plus sur ces deux personnes, mais le Seigneur les connaissait et a voulu que leurs noms nous fussent conservés. Qu’il est précieux pour les vrais croyants de savoir que s’ils sont inconnus du monde, le Seigneur les connaît par leurs noms !
Plusieurs personnes avaient été converties au Seigneur et une assemblée avait été formée à Athènes. De cette ville, Paul se rendit à Corinthe. C’était aussi une des principales cités grecques, célèbre par son commerce, ses richesses et sa culture intellectuelle, mais surtout par le luxe de ses habitants, leur amour des plaisirs, et la dépravation de leurs mœurs entretenue par le culte de divinités impures. C’était vraiment une forteresse de Satan qui y tenait les âmes enchaînées par les convoitises charnelles et par les faux raisonnements de la sagesse humaine.
Paul se trouvait donc là dans un milieu qui avait bien besoin de l’Évangile, lequel est la puissance de Dieu pour le salut de ceux qui croient ; mais, en même temps, la tâche placée devant lui était particulièrement difficile. Mais le Seigneur est suffisant pour tout, et Paul en fit l’expérience.
Suivant sa coutume, l’apôtre rechercha d’abord ses compatriotes juifs. Parmi eux, il en trouva un, nommé Aquilas. Comme nous le trouvons plusieurs fois mentionné, ainsi que Priscilla, sa femme, dans les Actes et dans les épîtres de Paul, nous dirons d’eux quelques mots. Tandis que les hommes conservent dans leurs histoires les noms de leurs héros et de leurs conquérants fameux, Dieu enregistre dans son livre les noms de ses serviteurs, bien humbles et chétifs devant le monde, mais grands et précieux à ses yeux. Tels étaient Aquilas et Priscilla.
Aquilas était originaire de la province du Pont, en Asie mineure ; mais, ainsi que beaucoup d’autres Juifs, il habitait Rome, la grande ville impériale. Il était fabricant de tentes, objets nécessaires pour les armées en campagne et les voyageurs de ces temps. Des troubles ayant été suscités à Rome par les Juifs, l’empereur Claude expulsa de la ville tous les gens de cette nation, et c’est ainsi qu’Aquilas et Priscilla furent conduits à Corinthe où ils continuèrent à exercer leur profession. Nous avons déjà vu que Paul avait appris ce même métier. C’est en l’exerçant qu’il pourvoyait à ses besoins et même à ceux de ses compagnons, afin de n’être à charge à personne. Ayant fait la connaissance d’Aquilas et de Priscilla, il vint demeurer dans leur maison et travaillait avec eux.
La parole de Dieu ne nous dit pas quand et par quel moyen Aquilas et Priscilla furent convertis. Peut-être fut-ce par le ministère de Paul à Corinthe : en tout cas, nous ne pouvons douter que, dans la société de l’apôtre, ils n’aient fait des progrès dans la grâce et la connaissance du Seigneur, de manière à pouvoir instruire les autres, comme nous le verrons, et à être des « compagnons d’œuvre » de Paul. Ils devinrent ses amis dévoués jusqu’à la mort. L’apôtre, à la fin de son épître aux Romains, parle d’eux en ces termes : « Saluez Prisca (ou Priscilla) et Aquilas, mes compagnons d’œuvre pour le Christ Jésus (qui, pour ma vie, ont exposé leur propre cou ; auxquels je ne rends pas grâces moi seul, mais aussi toutes les assemblées des nations), et saluez l’assemblée qui se réunit dans leur maison ».
Nous voyons par là qu’ils étaient retournés à Rome peu d’années après en être sortis. En effet, après que Paul fut demeuré avec eux à Corinthe un an et demi, ils partirent ensemble et l’accompagnèrent à Éphèse où ils restèrent plus de deux ans et d’où, sans doute, ils se rendirent à Rome. Ce fut peut-être à Éphèse, où Paul courut un grand danger, dans le grand trouble survenu à l’occasion des disciples du Seigneur et dont nous parlerons, qu’Aquilas et Priscilla exposèrent leur vie pour lui. Remarquons encore un autre trait. Nous trouvons soit dans l’épître aux Romains, soit dans celle aux Corinthiens, que l’assemblée se réunissait à Rome et à Éphèse, dans la maison d’Aquilas et de Priscilla (Romains 16:5 ; 1 Corinthiens 16:19). On n’avait pas alors, pour se rassembler, des édifices plus ou moins vastes, plus ou moins splendidement ornés. Non ; c’était dans des chambres hautes (Actes 20:8 ), dans l’humble demeure d’un obscur artisan chrétien comme Aquilas, ou chez un Philémon, probablement plus riche (Philémon 2 ; voyez aussi Colossiens 4:15), que les saints des premiers temps se réunissaient pour s’édifier et rendre culte à Dieu. Quel privilège et quelle bénédiction pour ceux qui ouvraient ainsi leurs maisons à l’assemblée, peut-être au péril de leur vie ! Plus tard, ces deux fidèles serviteurs revinrent à Éphèse, comme nous le voyons dans la seconde épître de Paul à son cher fils Timothée (2 Timothée 4:19). Voilà tout ce que nous savons de Priscilla et d’Aquilas. Ils continuèrent leur humble course, travaillant pour le Seigneur. Comment se termina leur vie ici-bas, nous l’ignorons. Mais ils sont auprès de Jésus avec leur ami Paul, attendant comme lui la venue du Seigneur et la couronne de justice réservée à tous ceux qui aiment son apparition. Quelle heureuse vie et quelle heureuse fin que celles des serviteurs dévoués du Seigneur Jésus !
Reprenons maintenant l’histoire des travaux de Paul à Corinthe. Il s’occupait donc de ses mains à faire des tentes, et nous aurions pu voir ce grand apôtre, ce serviteur éminent du Seigneur, travaillant comme un obscur ouvrier dans l’atelier d’Aquilas. Il n’en avait pas honte, au contraire. Son Seigneur n’avait-il pas vécu dans la pauvreté ? N’avait-il pas été le fils du charpentier, charpentier lui-même, comme nous pouvons le lire dans les évangiles ? (Matthieu 13:55 ; Marc 6:3).
Mais quand le jour du sabbat arrivait, Paul, le faiseur de tentes, se rendait dans la synagogue et y parlait de l’Évangile, persuadant tant les Juifs que les Grecs. Bientôt arrivèrent ses deux fidèles compagnons de labeur, Silas et Timothée, qui jusqu’alors étaient restés en Macédoine. Paul fut tout encouragé par leur venue et les bonnes nouvelles que Timothée lui apporta de la foi et de la persévérance des chrétiens de Thessalonique au milieu des persécutions, et il se mit à annoncer l’Évangile avec plus de zèle encore. La puissance et la vérité de la Parole remplissaient son cœur ; il aurait voulu faire partager aux Juifs sa foi, et, appuyé sur les Écritures, il leur rendait témoignage que Jésus était le Christ. Mais, hélas ! là comme ailleurs, ces malheureux Juifs ne voulaient pas de l’heureux message qui leur annonçait l’accomplissement en Christ de ce que les prophètes avaient prédit, et refusaient les bénédictions célestes qu’il est venu apporter. Incrédules à la parole de Dieu et au témoignage de Paul, ils s’opposaient à lui et blasphémaient Christ.
Alors l’apôtre secoua ses vêtements et leur dit : « Que votre sang soit sur votre tête ! Moi, je suis net : désormais je m’en irai vers les nations ». Déclaration solennelle et terrible ! En secouant ses vêtements, l’apôtre montrait qu’il n’avait plus rien de commun avec eux, et en leur disant : « Que votre sang soit sur votre tête », il rejetait entièrement sur eux la responsabilité de leur ruine et de leur perdition à laquelle ils s’exposaient. Quelle chose sérieuse de ne pas recevoir la parole de Dieu ou de s’y opposer ! Aucun de ceux qui périssent par l’incrédulité ne peut accuser d’autre que lui-même de son sort.
Joignant l’action à la parole, Paul sortit de la synagogue et, pour montrer qu’il rompait avec la masse des Juifs incrédules, il se rendit chez un nommé Juste. Ce n’était pas un Juif, mais un prosélyte d’entre les nations, comme l’indique l’expression « qui servait Dieu ». La maison de Juste touchait à la synagogue, de sorte que si quelqu’un des Juifs qui s’y rendaient, avait le cœur touché et voulait suivre Paul, il n’avait qu’à entrer chez Juste. Il rendait ainsi témoignage ouvertement qu’il désapprouvait les autres Juifs. Mais il faut de la décision de cœur pour renoncer à la religion du monde et suivre Dieu.
Le travail de l’apôtre au milieu des Juifs ne fut cependant pas vain. Le chef de synagogue même, nommé Crispus, crut au Seigneur avec toute sa maison. D’autres Corinthiens qui avaient entendu Paul, crurent aussi. Les uns et les autres furent ainsi introduits dans l’Assemblée chrétienne. Outre celui de Crispus, les noms de plusieurs de ces chrétiens de Corinthe nous ont été conservés, entre autres Gaïus, chez qui l’assemblée, une fois formée, se réunissait, et Stéphanas que Paul lui-même avait baptisé avec toute sa maison, comme il l’avait fait aussi de Crispus et de Gaïus (Romains 16:23 ; 1 Corinthiens 1:14-16). L’apôtre écrivait aux Corinthiens à propos de Stéphanas : « Vous connaissez la maison de Stéphanas, qu’elle est les prémices de l’Achaïe, et qu’ils se sont voués au service des saints » (1 Corinthiens 16:15). Quel bel éloge ! Heureux ceux qui marchent sur les traces de Stéphanas et de sa maison ! Aussi Paul recommande-t-il à l’assemblée de reconnaître de tels hommes.
L’apôtre ne se contentait pas de ce fruit de ses travaux, bien que son cœur en fût réjoui. Il avait dit — et c’était sa mission — : « désormais je m’en irai vers les nations », et il prêchait aux Grecs. Mais là, s’il ne rencontrait pas l’incrédulité juive, il trouvait les raisonnements des faux sages de ce monde, l’éloquence séduisante et subtile des rhéteurs, et l’horrible corruption du paganisme. On comprend qu’il sentît sa faiblesse, lui, pauvre faiseur de tentes, d’une nation méprisée, lui, qui n’avait pas la parole facile et dont l’extérieur ne présentait rien d’attrayant. Que faire en présence de ces philosophes raisonneurs, de ces moqueurs élégants, de ces matérialistes plongés dans les plaisirs ? Il décrit dans son épître ce qu’il ressentait devant cette tâche difficile : « J’ai été parmi vous dans la faiblesse, et dans la crainte, et dans un grand tremblement », dit-il (1 Corinthiens 2:3, 4). Mais le Seigneur savait tout cela ; il connaissait le tremblement du cœur de Paul. Aussi vint-il lui-même encourager son serviteur. Il lui dit, la nuit, dans une vision : « Ne crains point, mais parle et ne le tais point, parce que je suis avec toi, et personne ne mettra les mains sur toi pour te faire du mal, parce que j’ai un grand peuple dans cette ville ». Paul éprouva alors ce qu’il dit lui-même : « Quand je suis faible, alors je suis fort », parce que le Seigneur le fortifiait.
Soutenu par la certitude divine que le Seigneur était avec lui, et que son travail serait abondamment béni pour manifester ceux qui appartenaient au Seigneur dans cette grande ville, Paul se mit à l’œuvre avec zèle, et, durant un an et demi, il y enseigna la parole de Dieu.
Quel était donc le sujet de sa prédication, et quels moyens employait-il ? Il nous l’apprend dans les lettres que, plus tard, il écrivit à l’assemblée de Dieu qui s’était formée à Corinthe, à ceux qu’il appelle les « sanctifiés dans le Christ Jésus ».
« Nous prêchons Christ crucifié », dit-il, « la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu ». « Je vous ai communiqué avant toutes choses », dit-il encore, « ce que j’ai aussi reçu, que Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures, et qu’il a été enseveli, et qu’il a été ressuscité le troisième jour, selon les Écritures » (1 Corinthiens 1:2, 23, 24 ; 15:3, 4). En même temps, l’Évangile que Paul annonçait aux Corinthiens était celui « de la gloire de Christ qui est l’image de Dieu » (2 Corinthiens 4:4 ). C’est-à-dire qu’après leur avoir fait connaître un Sauveur cloué à la croix et mort pour expier les péchés, puis ressuscité par la puissance de Dieu en preuve que Dieu avait accepté son sacrifice, il montrait ce Jésus comme Seigneur, dans la gloire où il est notre garant devant Dieu. Et c’est aussi l’Évangile qui nous est annoncé, le seul Évangile qui, reçu dans le cœur, sauve le pécheur. C’est, disait Paul, le seul fondement qui puisse être posé, savoir Christ.
Mais quels moyens l’apôtre employait-il pour convaincre les Juifs qui traitaient la croix de scandale, qui s’offensaient qu’on leur présentât comme le Messie un homme crucifié, et pour persuader les Grecs, pour qui cette même croix était une folie ? Était-il riche ? Non, il travaillait de ses mains. Avait-il une haute position ? Non, c’était un ouvrier faiseur de tentes. Était-il donc bien éloquent, avait-il un beau langage qui entraînait ses auditeurs ? Non, il dit : « Je ne suis pas allé auprès de vous… avec excellence de parole ou de sagesse… J’ai été parmi vous dans la faiblesse… Ma parole et ma prédication n’ont pas été en paroles persuasives de sagesse, mais en démonstration de l’Esprit et de puissance ». L’apôtre présentait simplement la parole de Dieu, et l’Esprit Saint qui l’animait donnait à cette parole une puissance qui pénétrait et convainquait les cœurs. Ce sont là aussi des moyens que Dieu emploie maintenant pour convertir les pécheurs.
Le résultat de la prédication de Paul à Corinthe fut grand. Il s’y forma une assemblée nombreuse ; mais ce ne fut pas parmi les sages et les grands du monde. L’apôtre leur écrivait : « Frères, il n’y a pas (parmi vous) beaucoup de sages selon la chair, pas beaucoup de puissants, pas beaucoup de nobles…. ». Non, aux yeux du monde, c’étaient des faibles, des petits, des méprisés, mais riches en Dieu. Ils avaient cru au Seigneur, et eux, autrefois de grands pécheurs, ils avaient été lavés de leurs péchés, sanctifiés, justifiés, au nom du Seigneur Jésus et par l’Esprit de Dieu. C’est là une richesse plus grande et un titre plus glorieux que tout ce que la terre peut donner. Christ leur avait été fait de la part de Dieu, « sagesse, et justice, et sainteté, et rédemption », et le Saint Esprit demeurait en eux. Quel plus précieux trésor y a-t-il que cela ? Paul leur écrivait aussi que « la grâce de Dieu leur avait été donnée dans le Christ Jésus, et en toutes choses ils étaient enrichis en lui en toute parole et connaissance » (1 Corinthiens 2:1-5 ; 1:26 ; 6:9-11 ; 1:30, 5). Tels étaient les saints de Corinthe ; le travail de Paul, pendant les dix-huit mois qu’il avait passés dans cette ville, avait porté un beau fruit. Le même Évangile est annoncé maintenant et porte les mêmes fruits là où il est reçu. Puisse chacun de nous avoir Christ pour sagesse, pour justice, pour sainteté et pour rédemption !
Mais tandis que Paul annonçait l’Évangile, que les âmes croyaient et étaient sauvées, et que l’Assemblée s’accroissait, l’ennemi veillait, et bientôt il s’efforça, là comme ailleurs, d’entraver l’œuvre du serviteur de Dieu. Les Juifs furent encore les instruments dont il se servit. Il y avait alors, comme gouverneur romain sur la province d’Achaïe, dont Corinthe était la ville principale, un proconsul du nom de Gallion. C’était un homme lettré, d’un caractère doux, et frère du célèbre philosophe Sénèque, dont les écrits de morale existent encore. Les Juifs incrédules, toujours remplis de haine contre le nom de Jésus et contre son fidèle serviteur Paul, se saisirent de ce dernier et le traînèrent devant le tribunal du proconsul.
Ils ne l’accusèrent pas, cette fois, en prétendant que Paul s’élevait contre l’autorité romaine, mais, comme leur religion était reconnue par les Romains, ils dirent au proconsul : « Cet homme persuade aux hommes de servir Dieu contrairement à la loi ». Les Romains avaient des lois très sévères contre ceux qui introduisaient de nouvelles religions, et les Juifs espéraient que Paul serait condamné à cause de cela. Mais ici leur haine les servit mal. Gallion était un incrédule, plus exactement un de ces hommes auxquels les choses de Dieu sont complètement indifférentes. Pour lui, c’étaient des questions de paroles et de noms. Il était établi, dit-il, pour rendre la justice quand il s’agissait de crimes et de délits, mais non pour trancher des questions religieuses. Et en cela il avait raison. Paul aurait voulu ouvrir la bouche, non pour se défendre, sans doute, mais afin de profiter de l’occasion pour annoncer l’Évangile ; mais le proconsul, après avoir déclaré qu’il ne voulait pas être juge de ces choses, les renvoya tous avec mépris.
Partout les Juifs étaient détestés des païens comme un peuple qui affectait de se tenir à part des autres. Les Juifs avaient raison de ne pas se mêler aux mauvaises pratiques du paganisme, mais tout en se séparant avec dédain des païens, leur vie morale témoignait contre eux, comme Paul le leur reproche dans son épître aux Romains. Ils se vantaient de connaître Dieu et de posséder sa loi, et ils transgressaient cette loi et déshonoraient Dieu de toute manière, en sorte qu’à cause d’eux, le nom de Dieu était blasphémé parmi les nations (Romains 2:17-24). Avec cela, ils persécutaient les serviteurs de Christ. Aussi l’apôtre prononce-t-il contre eux cette parole solennelle : « Ils ne plaisent pas à Dieu et sont opposés à tous les hommes » (1 Thessaloniciens 2:15). Et ils estimaient être religieux ! Rien n’est plus odieux à Dieu qu’une profession de religion, s’il n’y a pas la réalité dans le cœur et dans la conduite.
Quand la foule des païens qui entourait le tribunal et attendait la sentence, eut vu le mépris avec lequel Gallion avait chassé les Juifs, ils donnèrent cours à leur haine contre eux, saisirent Sosthène, le nouveau chef de la synagogue, celui qui, sans doute, avait porté la parole pour accuser Paul, et se mirent à l’accabler de coups. Et que fit Gallion sous les yeux duquel cela se passait ? Rien ; que lui importait qu’un misérable Juif fût battu. Il avait tort, car il devait la justice à tous, mais Dieu qui s’était servi de l’indifférence religieuse de Gallion pour délivrer Paul, permettait que, par son manque d’équité, la méchanceté des Juifs retombât sur leur tête.
Paul put donc continuer encore assez longtemps l’œuvre bénie de l’Évangile, l’annonçant aux pécheurs, instruisant et encourageant les saints. Puis, il prit congé des frères et se rendit, avec ses amis Aquilas et Priscilla, à Éphèse où nous le retrouverons.
Paul revint plus tard à Corinthe, mais nous n’avons aucun détail sur cette visite. Depuis Éphèse, il écrivit deux lettres à l’assemblée de Corinthe. Elles sont parmi les plus longues que nous ayons de lui, et traitent de sujets très importants. Elles complètent ce que la parole de Dieu nous dit des Corinthiens, aussi en dirons-nous quelques mots.
L’apôtre avait été informé par des frères venus de Corinthe, que beaucoup de mal s’était introduit dans l’assemblée. Au lieu d’être tous bien unis, il y avait parmi eux des partis. L’un se vantait d’être de Pierre (ou Céphas), l’autre de Paul, un troisième d’Apollos (*). Faute de vigilance, un de ceux qui faisaient partie de l’assemblée était tombé et vivait dans une immoralité révoltante, et on le tolérait. Sous prétexte de liberté, on s’associait aux fêtes païennes. Quelques-uns mettaient en doute l’apostolat de Paul. Le désordre s’était introduit dans les réunions de l’assemblée : les femmes prétendaient y parler, la cène était profanée, les dons de langues et la connaissance étaient un sujet de vanterie, il n’y avait plus d’édification, car chacun se hâtait de parler, même plusieurs à la fois, et, de plus, de subtiles erreurs relatives à la résurrection avaient cours dans l’assemblée.
(*) Nous dirons plus loin un mot sur ce serviteur de Dieu.
Quel triste tableau pour une assemblée de Dieu ! Que fera Paul ? Son cœur était profondément affligé, mais se confiant en Dieu qui avait appelé les Corinthiens à la communion de son Fils Jésus Christ et qui est fidèle, il leur écrivit pour réveiller leur conscience et les ramener dans le droit chemin et à une conduite propre à glorifier le Seigneur. Et c’est ainsi que, pour tous les temps, la sagesse et la bonté de Dieu ont pourvu, dans ces épîtres, à ce qu’il faut à l’Église pour la diriger dans sa marche ; car, nous dit-il, ce qu’il écrit est aussi pour « tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom du Seigneur Jésus Christ » (1 Corinthiens 1:2). Parcourons donc quelques-uns des enseignements que Paul donne aux Corinthiens, et qui s’adressent aussi à nous.
Il nous apprend d’abord ce qu’était l’assemblée des chrétiens dans un endroit. C’était l’Assemblée de Dieu, tout autant que l’Assemblée universelle composée de tous les croyants. C’était le temple de Dieu, car le Saint Esprit y habitait. Quelle sainteté ne fallait-il donc pas qu’il y eût dans une telle assemblée ! Aussi le méchant, l’homme qui se disait frère et vivait dans le péché, devait en être exclu. L’Assemblée était le corps de Christ, lui-même étant la Tête. Les croyants en étaient les membres, et étaient unis à Christ par le Saint Esprit. Chaque membre a donc sa fonction, son utilité, et tous ont à concourir au bien des autres, sans rivalité, sans jalousie.
La cène du Seigneur, mémorial de sa mort jusqu’à son retour, se célèbre dans l’Assemblée. C’est la communion de son sang, la portion de ceux qui sont rachetés par son sang précieux ; c’est la communion de son corps livré pour nous. Le seul pain partagé entre tous rappelle que ceux qui y participent sont membres du seul corps de Christ. Aux vrais croyants, et à eux seuls, appartient donc le privilège de rompre le pain, de prendre la cène.
Les dons de grâce, tels que l’enseignement, la prophétie, les langues, etc., s’exerçaient dans l’Assemblée, non par le moyen d’un ministère établi par les hommes ou par l’Église, mais l’Esprit opérait, distribuant comme il lui plaisait, donnant à l’un la parole de sagesse, à l’autre la parole de connaissance. Mais tout devait se faire en vue de l’utilité, pour l’édification et avec ordre. Et au-dessus de tout devait régner l’amour.
La marche individuelle est aussi le sujet des exhortations de l’apôtre. Il faut se séparer du mal et vivre dans la pureté, car le chrétien est membre de Christ, et son corps est le temple du Saint Esprit. Nous avons donc à glorifier Dieu dans notre corps. Le chrétien doit éviter les procès et souffrir plutôt qu’on lui fasse tort. Il faut fuir l’idolâtrie ; ne pas participer aux festins et aux fêtes des idolâtres, car c’est participer à la table des démons. Nous n’avons plus d’idolâtres autour de nous, comme il y en avait alors, mais un chrétien peut-il s’associer au monde, à ses fêtes et à ses plaisirs ? Non, car il ne doit toucher à rien d’impur, ni de souillé. En tout, le chrétien doit s’efforcer de n’être en scandale ni à l’Assemblée, ni au monde. Il doit être imitateur de Christ.
Enfin, quant à l’erreur de quelques-uns des Corinthiens qui prétendaient qu’il n’y avait pas de résurrection, l’apôtre établit d’abord le fait indubitable que Christ est ressuscité, ajoutant que, sans cela, nous serions encore dans nos péchés. Puis il montre que si Christ est ressuscité, il s’ensuit que les saints ressusciteront aussi. En Adam, tous meurent ; en Christ, tous seront rendus vivants. Nous avons porté l’image du terrestre, d’Adam, avec des corps corruptibles qui sont poussière ; nous porterons l’image du céleste, Christ, avec des corps incorruptibles. La chair et le sang, c’est-à-dire nos corps corruptibles, tels qu’il sont maintenant, ne peuvent aller dans le ciel, hériter du royaume de Dieu. Mais l’apôtre nous révèle un grand mystère caché jusqu’alors : « Nous ne nous endormirons (ou mourrons) pas tous », dit-il, « mais nous serons tous changés : en un instant, en un clin d’œil, à la dernière trompette, car la trompette sonnera et les morts seront ressuscités incorruptibles, et nous, nous serons changés. Car il faut que ce corruptible revête l’incorruptibilité, et que ce mortel revête l’immortalité ».
Voilà les précieux enseignements que Paul donna aux Corinthiens, et Dieu a voulu qu’ils nous fussent conservés, parce qu’ils s’appliquent aussi à nous. Ils nous conduisent jusqu’au glorieux avenir qui attend les chrétiens ; car il n’est question ici que des croyants. Quand ces choses auront-elles lieu ? Bientôt, quand le Seigneur viendra et appellera ses bien-aimés. Alors, étant « tous changés », rendus propres pour le ciel, il les y introduira.
En quittant Corinthe, Paul se rendit en Asie, dans la grande ville d’Éphèse, sur l’emplacement de laquelle il n’y a plus aujourd’hui qu’un village, mais dont les ruines attestent l’ancienne splendeur. Elle était surtout célèbre depuis longtemps par un temple magnifique dédié à la fausse divinité Artémis (ou Diane), que l’on disait déesse de la chasse et des forêts et présidant aussi au cours de la lune. Plus de trois siècles avant l’époque où Paul prêchait l’Évangile, le temple de Diane avait été brûlé par un insensé qui voulait ainsi s’acquérir un nom illustre, mais on l’avait reconstruit avec une splendeur plus grande que la première. Les Éphésiens prétendaient que ce temple renfermait une image de la déesse, qui était tombée du ciel. La superstition s’était emparée de ce fait et, en bien des lieux, au près et au loin, on vénérait la grande Diane d’Éphèse. L’amour du gain y avait aussi trouvé son compte. Nombre d’ouvriers en argenterie fabriquaient des images en argent du temple de Diane et gagnaient beaucoup, en les vendant aux dévots qui y attachaient une idée superstitieuse.
Quelle folie ! dirons-nous. Hélas ! de nos jours, au sein de la chrétienté, nous trouvons des choses semblables dans une église qui prétend être la seule vraie, et dont les temples splendides renferment une foule d’idoles. Et ce qu’il y a de plus triste et de plus affreux en même temps, c’est que ces idoles sont honorées sous les noms de la vierge Marie ou des apôtres du Seigneur, et que souvent elles représentent de prétendus saints, ou même des hommes dont l’existence est douteuse. Que penser du fait qu’en plus d’une de ces églises on montre des images de la vierge que l’on prétend aussi être descendues du ciel ? Voilà ce qu’est devenue sur la terre la pure et sainte Assemblée de Dieu ! Et de nos jours, comme aux jours de Paul, combien d’artistes et d’artisans employés à la fabrication de crucifix richement ornés, d’images de saints, d’objets pieux, comme on les nomme ! Quel profit ne tirent pas de leur vente nombre de marchands ! C’est une idolâtrie plus horrible que celle des anciens temps, parce qu’elle se couvre du nom de Christ. Ah ! le cœur de l’homme est resté le même et l’exhortation du vieil apôtre Jean est toujours de saison : « Enfants, gardez-vous des idoles ! »
En même temps que le paganisme, il régnait à Éphèse une autre superstition, un autre mal qui se rattache au premier. On s’occupait beaucoup de magie, c’est-à-dire de pratiques par lesquelles on prétendait connaître les choses cachées de la nature et du monde invisible, deviner et prédire l’avenir. Cette science, faussement ainsi nommée, s’enseignait dans quantité de livres auxquels on attachait une grande valeur et dont certains, très célèbres, portaient le nom « d’écrits éphésiens ». Ne savons-nous pas combien il y a, de nos jours aussi, de ces astrologues, voyants, cartomanciennes et de spirites qui disent être en communion avec le monde invisible, avec les âmes des morts ? Toutes ces choses sont formellement condamnées par la parole de Dieu, et nous ne saurions en avoir une assez grande horreur.
Tel était l’état d’Éphèse, lorsque Paul y vint. Il n’y séjourna pas longtemps cette fois. II voulait se rendre à Jérusalem, mais il promit aux Juifs avec lesquels il avait discouru dans la synagogue, et qui voulaient le retenir, qu’il reviendrait vers eux. Il laissait cependant des disciples dans cette grande ville dans la personne d’Aquilas et Priscilla, et peut-être d’autres s’y trouvaient-ils déjà, sans que nous sachions par qui l’Évangile leur avait été apporté.
Durant l’absence de Paul, il se passa à Éphèse un fait intéressant. On y voit comment le Seigneur choisissait et préparait lui-même, en employant souvent d’humbles instruments, les ouvriers qu’il envoyait ensuite travailler à son œuvre.
Il vint à Éphèse un Juif originaire de la grande ville d’Alexandrie en Égypte, célèbre par ses écoles de philosophie, de sciences et de littérature. Ce Juif, nommé Apollos, avait peut-être fait des études dans sa ville natale, où se trouvaient des milliers de ses coreligionnaires. Quoi qu’il en soit, c’était un homme éloquent et puissant dans les Écritures, c’est-à-dire qu’il les connaissait bien et savait exposer et appliquer avec force ce qu’elles enseignent. Les Écritures, c’était l’Ancien Testament qui seul existait alors. Apollos avait une certaine connaissance du Seigneur Jésus, mais il n’était pas allé plus loin que ce que Jean le Baptiseur enseignait à ses disciples. Il reconnaissait donc Jésus comme le Messie, le Christ qui avait été annoncé par les prophètes, et avait sans doute appris sa mort et sa résurrection. Mais il ignorait les grands résultats de l’ascension du Seigneur et de l’envoi de l’Esprit Saint, les précieuses vérités qui s’y rattachent, et les glorieux privilèges qui en découlent pour le croyant. L’accomplissement des promesses de Dieu à son peuple dans la personne de Jésus, remplissait son cœur, de sorte qu’avec ferveur d’esprit, il parlait, enseignant diligemment les choses qui concernaient Jésus, selon les lumières qu’il avait.
Lorsqu’un homme est sincère devant Dieu et qu’il fait bon usage de ce qu’il a reçu, étant disposé à se laisser enseigner, Dieu ajoute à ce qu’il a déjà (Marc 4:25). C’est ce qui eut lieu pour Apollos. Comme il parlait avec hardiesse dans la synagogue, Aquilas et Priscilla l’entendirent et reconnurent bientôt ce qui lui manquait en fait de connaissance de la vérité divine. Ils le prirent chez eux et lui expliquèrent plus exactement « la voie de Dieu », c’est-à-dire ce que Dieu a opéré par Jésus pour le salut des pécheurs et pour les introduire auprès de Lui dans la jouissance de la vie éternelle. L’homme savant et éloquent ne regarda pas comme au-dessous de lui d’être le disciple des humbles faiseurs de tentes ; il profita à leur école, et Dieu bénit leurs enseignements. Apollos devint un zélé serviteur de Jésus.
Apollos s’étant senti appelé à aller à Corinthe, qui était dans la province d’Achaïe, les frères d’Éphèse écrivirent aux disciples de cette contrée et les exhortèrent à le recevoir. C’était une lettre de recommandation, telle que les assemblées du Seigneur la donnent encore aujourd’hui à un frère ou une sœur qui se rendent dans une assemblée où ils sont étrangers. Ainsi se montre et se maintient la communion des saints entre eux, car ils sont membres du même corps, le corps de Christ ; ainsi est manifesté le grand fait de l’union et de la solidarité des assemblées. Apollos étant arrivé en Achaïe, et étant allé à Corinthe, Dieu, dans sa grâce, se servit de lui pour faire avancer les croyants dans la connaissance de Jésus, les affermir dans la vérité, et les défendre contre les raisonnements des Juifs. Avec sa grande connaissance des Écritures, il réfutait publiquement ceux-ci avec une grande force, leur démontrant par les Écritures mêmes que Jésus était le Christ, le Messie promis et attendu.
Apollos avait beaucoup travaillé à Corinthe ; Dieu, par son moyen, y avait fait du bien aux âmes, puis Apollos était retourné à Éphèse. Mais l’ennemi, Satan, avait semé parmi les croyants corinthiens un esprit de parti, comme nous l’avons vu. Les uns se réclamaient de Paul, les autres de l’éloquent Apollos. Aussi quand Paul, revenu à Éphèse, le pria d’aller à Corinthe, sans doute pour être en aide aux Corinthiens dans les difficultés où se trouvait l’assemblée, Apollos refusa de s’y rendre, au moins pour le moment, craignant peut-être d’attiser l’esprit de parti par sa présence. Plus tard, nous retrouvons Apollos en Crète en compagnie de Zénas, docteur de la loi, que nous ne connaissons que par cette mention. Paul écrivant à Tite qu’il avait laissé en Crète, lui recommande d’avoir soin de ces deux serviteurs de Dieu, et de veiller à ce que rien ne leur manque (Tite 3:13). Là se termine dans la parole de Dieu, l’histoire de l’éloquent Apollos. Il a servi dans son temps aux desseins de Dieu, et aura sa récompense ; mais, malgré ses talents, il n’a pas, comme serviteur, la même place que Paul qui, extérieurement du moins, avait moins d’apparence.
Paul revint donc plus tard à Éphèse, après avoir traversé différentes provinces de l’Asie mineure, fortifiant tous les disciples par ses enseignements et ses exhortations. À son arrivée à Éphèse, il se passa un fait qui nous rappelle une vérité d’une très grande importance. L’apôtre y rencontra des disciples dont le langage, sans doute, le surprit comme trahissant une certaine ignorance du christianisme. Il leur dit donc : « Avez-vous reçu l’Esprit Saint après avoir cru ? ».
Il faut nous rappeler que le trait essentiel du christianisme, ce qui l’a inauguré, après la mort et la résurrection du Sauveur et son ascension glorieuse, c’est la descente de l’Esprit Saint qu’il a envoyé du ciel pour être à jamais avec les siens. Il forme l’Assemblée et y demeure, elle est ainsi l’habitation de Dieu, et il habite aussi dans chaque croyant dont le corps est le temple du Saint Esprit. Quiconque a entendu la parole de la vérité, l’Évangile du salut, et qui y a cru, est scellé du Saint Esprit de la promesse (*). C’est le caractère du chrétien : l’Esprit Saint habite en lui. La question de Paul revenait donc à ceci : « Êtes-vous vraiment des chrétiens ? ».
(*) Jean 14:16 ; Éphésiens 2:22 ; 1 Corinthiens 6:19 Éphésiens 1:13, 14.
Les disciples furent bien étonnés en l’entendant. Ils répondirent : « Nous n’avons pas même ouï dire si l’Esprit Saint est ». Ils ne mettaient pas en doute l’existence du Saint Esprit, car l’Ancien Testament en parle en maints endroits, et Jean le Baptiseur, dont ils étaient disciples, l’avait aussi mentionné. Mais ils ignoraient ce grand fait que, le jour de la Pentecôte, l’Esprit Saint était venu pour demeurer sur la terre dans l’Assemblée et en chaque croyant. Combien n’y a-t-il pas aujourd’hui de personnes qui professent être chrétiennes, et qui ignorent, ou ont oublié, ou ne tiennent pas compte de cette grande vérité ! C’est cet Esprit qui rend témoignage avec notre esprit que nous sommes enfants de Dieu, qui nous scelle pour le jour de la rédemption, qui nous fait jouir des choses divines, qui nous guide dans la vérité, et qui est notre force pour nous conduire sainement.
Paul dit alors à ses disciples : « De quel baptême donc avez-vous été baptisés ? ». Car s’ils avaient reçu le baptême chrétien, celui qui se donne en vue de Christ et de sa mort, ils auraient eu connaissance de la venue de l’Esprit Saint. Aussi répondirent-ils : « Du baptême de Jean ». Alors l’apôtre leur dit : « Jean a baptisé du baptême de la repentance, disant au peuple qu’ils crussent en celui qui venait après lui, c’est-à-dire en Jésus ». Jean le Baptiseur annonçait la venue de Christ, et prêchait la repentance, afin que l’on fût préparé à le recevoir. Ceux qui se repentaient étaient baptisés en vue de cela. Le baptême chrétien est la figure de la mort avec Christ, il est le signe de l’introduction de l’Assemblée chrétienne sur la terre ; il était donné aux croyants. Ces disciples encore ignorants mais sincères, furent sans doute heureux d’entendre la bonne nouvelle du salut par la foi en Christ ; ils la reçurent et furent baptisés pour le nom du Seigneur Jésus. Ensuite, Paul leur imposa les mains, et l’Esprit Saint vint sur eux. Sa présence se manifesta aussitôt, comme elle s’était montrée le jour de la Pentecôte dans les disciples, plus tard chez les Samaritains, et ensuite chez Corneille et les siens. Ils parlèrent des langues étrangères et prophétisèrent. Les dons miraculeux, signes extérieurs de la puissance du Saint Esprit, n’existent plus, c’est toujours le privilège de chaque chrétien de posséder le Saint Esprit, dont la puissance se fait sentir dans le cœur et agit dans la vie. « Si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, celui là n’est pas de lui », écrivait l’apôtre Paul aux Romains (Romains 8:9).
Après sa rencontre avec les disciples de Jean, auxquels il avait fait connaître plus exactement la vérité chrétienne, Paul se mit à enseigner dans la synagogue. Pendant trois mois, il parla avec hardiesse, persuadant ses auditeurs « des choses du royaume de Dieu ».
Qu’est-ce que le royaume de Dieu ? Ce n’est pas actuellement quelque chose de visible, comme les royaumes de la terre, mais c’est l’autorité de Dieu établie dans les cœurs de ceux qui croient à l’Évangile, à la bonne nouvelle du salut par notre Seigneur Jésus Christ, le Roi de ce royaume. C’est ainsi que l’apôtre rend « grâces au Père qui nous a rendus capables de participer au lot des saints dans la lumière ; qui nous a délivrés du pouvoir des ténèbres, et nous a transportés dans le royaume du Fils de son amour, en qui nous avons la rédemption, la rémission des péchés » (Colossiens 1:12-13). Ceux qui font partie de ce royaume ne sont pas assujettis à l’observation de cérémonies et de règles extérieures, comme c’était le cas pour les juifs, car le royaume de Dieu… est justice, et paix, et joie dans l’Esprit Saint » (Romains 14:17). L’esprit de Dieu donne aux croyants de marcher dans une vraie justice, car ils ont « revêtu le nouvel homme, créé selon Dieu en justice et sainteté de la vérité », et il remplit leurs cœurs de la paix de Dieu et d’une joie pure. Ce sont les avant-goûts du ciel. Un homme pécheur, dans son état naturel, ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Il lui faut être lavé de ses péchés par le sang du Seigneur Jésus, pour avoir une nature pure et sainte comme celle de Dieu. C’est pour cela que le Seigneur disait à Nicodème : « Si quelqu’un n’est né d’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu ».
Paul annonça donc sans entraves pendant trois mois, dans la synagogue, ce qui concerne le royaume de Dieu. Mais au bout de ce temps, l’inimitié du cœur naturel de l’homme contre Dieu se réveilla. L’apôtre rencontra de la part de plusieurs des Juifs l’opposition qu’ils avaient montrée partout. Le cœur naturel aime mieux les choses du monde que celles du royaume de Dieu, et il préfère une religion terrestre et de formes, à la vérité qui découvre à l’homme son état de péché, de ruine et d’impuissance, et ne lui laisse de ressources que dans la grâce de Dieu.
Ces Juifs qui avaient entendu la bonne nouvelle et n’avaient pas cru, s’endurcissaient et se rebellaient contre Dieu. C’est ce qui arrive toujours quand on résiste à la vérité. Et non seulement ils repoussaient le salut pour eux-mêmes, mais cherchaient à en détourner d’autres en disant du mal des chrétiens devant la multitude. Que devait faire Paul devant l’opposition méchante des Juifs ? Il ne pouvait rester avec eux, ni laisser les disciples parmi eux. La parole de Dieu enseigne qu’il faut se séparer du mal et des méchants. Paul se retira donc, laissant les Juifs rebelles à leur incrédulité, comme il avait dû le faire à Corinthe. Il sépara aussi d’avec eux les disciples, et, au lieu d’enseigner dans la synagogue, il continua son œuvre d’évangélisation dans l’école d’un homme nommé Tyrannus. Nous ne savons rien d’autre sur ce dernier. Peut-être était-il un disciple ; en tout cas, il n’était pas opposé aux chrétiens, et nul doute que ce fût pour lui une bénédiction d’avoir donné son école pour l’œuvre du Seigneur, car Dieu tient compte de tout ce qui est fait pour Lui.
De cette manière, l’assemblée à Éphèse fut nettement et ouvertement séparée de la synagogue et des Juifs. Et dans cette école de Tyrannus, l’apôtre, non plus seulement les jours de sabbat, mais tous les jours durant deux ans, annonça la parole de Dieu. Quelle grande et sainte activité, n’est-ce pas ? Ah ! c’est que Christ était tout pour Paul. Pour lui, vivre c’était Christ, le Fils de Dieu qui l’avait aimé et s’était livré lui-même pour le sauver. Aussi mettait-il tout son bonheur à travailler pour ce précieux Sauveur. Il ne se lassait pas, sa vie même ne lui était pas précieuse, pourvu qu’il accomplit son service pour Jésus, en proclamant l’Évangile de la grâce de Dieu. Puisse-t-il en être ainsi de nous ! Nous ne pouvons sans doute pas avoir le même champ de travail, mais si nous connaissons et goûtons l’amour de Jésus, s’il remplit notre cœur, nous pourrons, même dans la vie la plus humble, travailler pour le Seigneur.
Une grande bénédiction fut le résultat du travail de Paul. La parole du Seigneur se répandit non seulement à Éphèse, mais dans toute la province d’Asie ; et tous ceux qui y demeuraient l’entendirent, tant Juifs que Grecs. Et Dieu, pour confirmer la prédication de son serviteur, faisait des miracles extraordinaires par le moyen de Paul. On portait sur des infirmes des mouchoirs et des tabliers qui avaient touché son corps, et les malades étaient guéris et les esprits malins sortaient du corps des possédés.
Il se passa donc à Éphèse deux faits remarquables : l’un montrait que la puissance que Paul déployait contre les démons était bien celle de Dieu et de Jésus, et le second fait voir la puissance de la parole de Dieu sur le cœur et la conscience de ceux qui la recevaient.
Il y avait des Juifs qui faisaient métier de délivrer des esprits malins ceux qui en étaient possédés. Ils usaient pour cela de certaines pratiques et de paroles magiques. Réussissaient-ils, nous ne le savons pas. Le Seigneur Jésus parlait à ces gens-là, lorsque, accusé par les pharisiens de chasser les démons par le prince des démons, il répondit : « … vos fils, par qui les chassent-ils ? » (Matthieu 12:27). À Éphèse se trouvaient sept fils d’un nommé Scéva, principal sacrificateur juif, qui couraient çà et là pour exercer ce métier d’exorcistes, ou conjureurs. Ayant vu que l’apôtre chassait les esprits malins en invoquant le nom de Jésus, il essayèrent de faire comme lui, en disant aux possédés : « je vous adjure par Jésus que Paul prêche ». Deux d’entre eux étant entrés dans une maison où était un démoniaque, lui parlèrent ainsi. Mais on ne peut se servir du saint nom de Jésus comme d’une formule magique, ce serait le profaner. C’était par la foi en Jésus, en sa puissance, que Paul et les autres apôtres accomplissaient des miracles. Aussi l’esprit malin, par la bouche du possédé, répondit aux exorcistes : « Je connais Jésus et je sais qui est Paul ; mais vous, qui êtes-vous ? ». Le démon reconnaissait l’autorité du Seigneur et la puissance qu’il donnait à son fidèle serviteur, mais des incrédules n’avaient aucun pouvoir sur lui. Au contraire, c’est le démon qui se montre plus fort qu’eux. Avec cette vigueur qui, au temps de Jésus, faisait que nul ne pouvait dompter un démoniaque, même en le liant de chaînes (Marc 5:3, 4), l’homme possédé se jeta sur les deux exorcistes et les maltraita de telle sorte qu’ils s’enfuirent de la maison nus et blessés. Que peut l’homme pécheur contre la puissance satanique ? Jésus seul a pu vaincre le diable et délivrer ceux que le diable opprimait.
Ce fait vint à la connaissance de tous ceux qui demeuraient à Éphèse, Juifs et Grecs, et ils furent saisis de crainte. Il leur était évident que c’était bien la puissance de Dieu qui agissait par le moyen de Paul ; or l’homme, en présence de Dieu, craint toujours. Mais en même temps, le nom du Seigneur Jésus était glorifié.
Le second fait nous montre la puissance de la parole de Dieu sur la conscience de ceux qui avaient cru, et la réalité de leur foi. Plusieurs, saisis aussi par le sentiment de la présence de Dieu, n’eurent pas honte de venir confesser et déclarer quelle avait été leur vie passée, lorsqu’ils vivaient loin de Dieu, assujettis au pouvoir de Satan et esclaves de leurs convoitises. Ils glorifiaient ainsi le grand amour de Dieu et sa riche miséricorde qui était venue les chercher et les sauver par Christ. Plusieurs autres qui s’étaient adonnés aux coupables pratiques de la magie, voyant bien que ce n’étaient que des séductions de Satan, apportèrent leurs livres qui traitaient de ces choses, et les brûlèrent devant tous. Ils faisaient ainsi une confession publique de leur foi et de leur renoncement aux œuvres mauvaises. C’était une grande perte pour eux — une perte d’environ cinquante mille pièces d’argent, car ces livres avaient un grand prix. Mais, ayant compris que le chrétien ne peut s’associer à rien de ce qui est de Satan, ils firent joyeusement ce sacrifice.
Quelques lecteurs penseront qu’au lieu de brûler ces livres, on aurait pu les vendre et en consacrer le prix à de bonnes œuvres, par exemple à soulager les pauvres ? Mais ces livres n’auraient-ils pas fait du mal à ceux qui les auraient achetés ? Les vendre, c’était répandre le poison. Puisqu’ils étaient mauvais, le feu était tout ce qui leur convenait, et plût à Dieu que ce fût le sort de tous les mauvais livres. « C’est avec une telle puissance », dit l’écrivain du livre des Actes « que la parole du Seigneur croissait et montrait sa force ».
Puissent-elle aussi montrer sa force sanctifiante au milieu de nous ! Puissent tous ceux qui lisent ces lignes, et surtout les jeunes gens, faire une sérieuse attention à leurs lectures. Il y a de nos jours une magie, une séduction de Satan bien terrible. D’innombrables livres excitent et souillent l’imagination et le cœur ; poison subtil qui perd les âmes. Dieu veuille nous en garder ! Fuyons-les comme une peste.
Ici se terminent les travaux de Paul à Éphèse, où fut établie une assemblée nombreuse et marchant avec le Seigneur.
Comme nous l’avons dit, Paul avait achevé ses travaux à Éphèse, et l’on peut dire qu’il avait terminé son ministère et son activité comme évangéliste et missionnaire. Paul ne cessa sans doute pas de travailler pour le Seigneur, et bien que nous ne sachions rien par les Écritures des dernières années de sa vie, ni rien de sa mort, nous pouvons être sûrs que, jusqu’à son dernier jour, libre ou dans les chaînes, il glorifia le Seigneur Jésus et rendit témoignage à son nom. Mais le livre des Actes ne nous le montre plus, comme précédemment, allant de lieu en lieu évangéliser les Juifs et les païens, là où le nom du Seigneur n’était pas connu. Lorsqu’on construit un bâtiment, on commence par établir des fondations solides. L’Assemblée de Dieu est comparée à un édifice, et Paul, partout où il avait été, en avait posé le fondement, le seul vrai et solide fondement, c’est-à-dire Jésus-Christ (1 Corinthiens 3:10-11). L’Église était fondée. En une quantité de lieux des assemblées locales furent établies, et maintenant le cher serviteur de Dieu allait être appelé à glorifier son Seigneur d’une autre manière.
Paul se proposait, en quittant Éphèse, de passer par la Macédoine et l’Achaïe, afin d’y visiter les assemblées. Ensuite, il voulait aller à Jérusalem pour la fête de la Pentecôte. Ne pensons pas qu’il s’agisse ici du jour que l’on nomme ainsi maintenant. Nulle part, dans le Nouveau Testament, nous ne voyons que l’Esprit Saint ait établi des fêtes pour les chrétiens. Celles que l’on célèbre dans la chrétienté sont des institutions purement humaines. La Pentecôte, pour laquelle Paul désirait être à Jérusalem, était l’une des trois grandes fêtes juives que l’Éternel lui-même avait instituées pour rassembler son peuple autour de Lui (Deutéronome 16:16). Aussi longtemps que le temple subsista, les Juifs célébrèrent ces fêtes et dans ces occasions, ils venaient en foule à Jérusalem. Paul, qui aimait sa nation, pensait sans doute pouvoir profiter de ce grand concours de monde pour annoncer l’Évangile à ses frères.
Il avait encore une autre pensée : « Après cela », disait-il en parlant de sa visite à Jérusalem, « il faut que je voie aussi Rome ». Il vit Rome, en effet, mais autrement qu’il ne l’avait pensé : il y alla comme prisonnier pour le Seigneur.
Un dernier fait qui se passa à Éphèse nous est encore raconté. Satan est comparé à un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer (1 Pierre 5:8). Il déploie une activité incessante contre les saints et contre les ouvriers du Seigneur, et s’efforce, par tous les moyens possibles, d’entraver l’œuvre de ceux-ci et même de les faire périr, s’il le peut. C’est ce qu’il tenta à Éphèse avant le départ de Paul.
Dans la ville d’Éphèse, comme nous l’avons dit, se trouvait un magnifique temple dédié à la fausse divinité Artémis ou Diane. Nombre d’ouvriers étaient occupés à en faire des copies en argent qui se vendaient avec un grand profit. Un certain Démétrius, qui faisait le commerce de ces objets de superstition, voyant le nombre des chrétiens s’augmenter beaucoup, comprit que c’était la ruine de son industrie et de ses gains. Il assembla donc tous les artisans qui travaillaient à ces ouvrages et leur dit : « Ô hommes, vous savez que notre bien-être vient de ce travail ; et vous voyez et apprenez que non seulement à Éphèse, mais presque par toute l’Asie, ce Paul, usant de persuasion, a détourné une grande foule, disant que ceux-là ne sont pas des dieux, qui sont faits de main ». Quel beau témoignage ce païen rendait à l’activité de Paul et aux résultats de ses travaux ! Démétrius ajoutait : « Non seulement il y a du danger pour nous que cette partie (leur industrie) ne tombe en discrédit, mais aussi que le temple de la grande déesse Diane ne soit plus rien estimé ». On voit avec quelle habileté il faisait appel à l’amour du gain et à la superstition, ces grands mobiles du cœur de l’homme.
Son discours produisit son effet. La foule en colère se souleva, en criant : « Grande est la Diane des Éphésiens ! ». Tous se précipitèrent dans le théâtre, vaste enceinte découverte où se donnaient les jeux publics et où se tenaient les assemblées populaires. Ils entraînaient avec eux Gaïus et Aristarque, compagnons de voyage de Paul. Celui-ci voulait se présenter devant le peuple, espérant sans doute profiter de la circonstance pour annoncer l’Évangile, car, ainsi qu’il le disait, sa vie ne lui était point précieuse, pourvu qu’il servît son Seigneur. Mais les disciples, craignant pour lui, ne voulurent pas le laisser aller. Quelques-uns même des magistrats, hommes riches et influents qui étaient ses amis, le firent prier de ne pas s’aventurer dans ce tumulte. Paul céda à leurs prières.
Les Juifs, de leur côté, craignant d’être confondus avec les chrétiens, poussaient en avant un certain Alexandre, afin qu’il parlât au peuple. Mais celui-ci, ne faisant aucune distinction entre Juifs et chrétiens, dès qu’il eut reconnu la nationalité d’Alexandre, cria plus fortement : « Grande est la Diane des Éphésiens ! »
Durant près de deux heures, ces cris se firent entendre dans cette assemblée tumultueuse. C’est ainsi que se soulève l’orage des passions humaines, sous l’action du prince de ce monde qui conduit les hommes, dans leur aveuglement, pour les faire servir à ses fins. Un grand nombre de ceux qui étaient là ne savaient même pas pourquoi ils étaient assemblés.
Qui peut seul calmer ces flots agités, et empêcher ainsi le mal qui en serait résulté pour les disciples et sans doute pour Paul ? Dieu, qui commande aux vagues et dit à la mer : « Tu viendras jusqu’ici, et n’iras pas plus loin » (Job 38:11) ; Dieu, à qui tout obéit, et qui tient les cœurs comme les flots dans les mains de sa puissance. Il emploie pour cela différents moyens. Cette fois, ce fut le secrétaire de la ville, l’homme d’autorité et de bon sens, duquel Dieu se servit pour calmer, par des paroles de sagesse, la foule irritée. Tout s’apaisa ainsi et, sous l’action de Dieu qui veille sur les siens, le danger fut écarté et la tentative de Satan déjouée.
Le tumulte ayant cessé, Paul, accompagné de quelques amis, partit et se rendit en Macédoine, où il fortifia les disciples par ses exhortations, puis il vint en Grèce, où il séjourna trois mois. De là, il voulait s’embarquer pour aller en Syrie, mais les Juifs lui ayant dressé des embûches, il retourna par la Macédoine et s’embarqua là pour gagner la Troade, contrée de l’Asie où s’élevait autrefois la fameuse ville de Troie. On voit tout ce à quoi le cher serviteur du Seigneur était exposé. Ainsi qu’il le dit : « Dans les périls de la part de mes compatriotes, dans les périls de la part des nations » (2 Corinthiens 11:26), il poursuivait sa course, travaillant pour Jésus qu’il aimait.
Arrivés en Troade, Paul et ses compagnons y demeurèrent quelques jours. Le premier jour de la semaine était arrivé. Ce jour est celui que nous appelons le dimanche ou le jour du Seigneur. Il ne faut pas le confondre avec le jour du sabbat qui est le septième de la semaine, et avec lequel les chrétiens n’ont rien à faire. Le sabbat est le jour que le Seigneur, mis à mort par les méchants, passa dans le tombeau ; le dimanche est le jour glorieux où il ressuscita. C’est le jour des chrétiens. Pour eux, le sabbat n’est plus. En ce premier jour de la semaine donc, les disciples de la Troade étaient rassemblés le soir dans une chambre haute, et Paul et ses amis étaient avec eux. Quel était l’objet de cette réunion ? Était-ce pour être avec Paul et pour l’entendre ? Non ; c’était pour être tous ensemble, Paul comme les autres, avec le Seigneur, rassemblés autour de Lui et pour rompre le pain. Nous savons ce que cela signifie : c’est prendre ensemble la Cène ou souper du Seigneur, que lui-même a instituée avant sa mort ; c’est manger le pain qui rappelle son corps donné pour nous, et boire le vin qui nous fait souvenir de son sang versé sur la croix pour nous sauver. Et en faisant cela ensemble, les chrétiens affirment qu’ils sont rachetés par Jésus et membres de son corps, qui est l’Assemblée. En même temps, ils annoncent la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. Le Seigneur Jésus a voulu ainsi que ses bien aimés rachetés se souviennent du grand amour dont il les a aimés, et se rappellent qu’ils ont à s’aimer aussi les uns les autres. Quel heureux rassemblement ! Quelle fête déjà sur la terre ! Elle fait penser à ce moment bienheureux où les saints dans le ciel seront autour de l’Agneau immolé et célébreront ses louanges.
Paul était parmi ces disciples. C’était sans doute une joie et un bonheur pour eux de le voir et de l’entendre, mais ce n’était pas pour cela qu’ils s’étaient rassemblés. Ils étaient là, nous le répétons, lui et eux, pour être avec le Seigneur et se souvenir de Lui. Et, de nos jours, quel doit être le but des chrétiens en se rassemblant le premier jour de la semaine ? N’est-ce pas comme autrefois d’être autour du Seigneur Jésus, à sa table, pour se souvenir de Lui, et pour adorer ensemble, par le Saint Esprit, le Père et son Fils bien-aimé ? C’est là le vrai culte. Puissions-nous le célébrer comme les chrétiens de la Troade !
Bien des traits intéressants de la vie de l’apôtre Paul nous sont encore rapportés dans le livre des Actes. Mais ce n’est pas son histoire que nous avons à suivre, c’est celle de l’Assemblée de Dieu que, comme évangéliste et missionnaire, il contribua si puissamment à établir, et dont il fut serviteur pour l’édifier. Nous ne parlerons donc de Paul qu’en ce qui concerne l’Assemblée que lui-même avait tant à cœur.
Après avoir quitté la Troade, l’apôtre et ses compagnons se rendirent à Milet, ville de l’Asie mineure, à quelque distance au sud d’Éphèse. Il fit venir là les anciens de l’assemblée de cette dernière ville pour leur faire ses adieux. Et nous pouvons bien dire que les paroles qu’il leur adressa comme derniers avertissements sont pour toute l’Assemblée de Dieu jusqu’à la fin. Combien le Seigneur est bon de les avoir donnés par son cher serviteur qui avait tellement à cœur la gloire de son Maître, le bien de l’Assemblée et le salut des pécheurs !
Paul avait le sentiment que son service comme évangéliste et missionnaire était à son terme. « Je m’en vais à Jérusalem », disait-il aux anciens d’Éphèse, « ignorant les choses qui m’y doivent arriver, sauf que l’Esprit Saint rend témoignage de ville en ville, me disant que des liens et de la tribulation m’attendent ». Et c’est ce qu’il trouva à Jérusalem. Mis en prison, par suite de la haine des Juifs, puis envoyé à Césarée au gouverneur romain, après plus de deux ans de captivité, il fut enfin conduit à Rome pour y paraître devant l’empereur. Il rendit ainsi témoignage à Christ devant les grands de la terre, mais c’était dans les liens. Des âmes furent sauvées par son ministère, tandis qu’il était en prison, témoin l’esclave Onésime ; mais ce n’était plus aller de lieu en lieu annoncer l’Évangile et établir des assemblées. L’Assemblée de Dieu était fondée sur la terre, en grande partie par son travail, et elle n’avait plus qu’à croître.
Ensuite Paul ajoutait : « Je sais que vous tous, parmi lesquels j’ai passé en prêchant le royaume de Dieu, vous ne verrez plus mon visage. « De cette captivité au-devant de laquelle il marchait, il ne devait plus revenir. Il avait dit précédemment : « Il faut aussi que je voie Rome », mais ce fut comme prisonnier qu’il alla dans cette grande ville. Mais il ne se mettait en peine de rien, il ne faisait aucun cas de sa vie, pourvu qu’il achevât avec joie et sa course et le ministère qu’il avait reçu du Seigneur Jésus. Il aimait Christ, le Fils de Dieu, qui s’était donné pour lui ; tout ce qu’il désirait, c’était de le servir jusqu’à la fin. Oh ! que nous fussions animés du même esprit que Paul.
Sachant donc qu’il ne les verrait plus, il avait à cœur de presser les anciens, surveillants du troupeau, établis pour cela par l’Esprit Saint, de prendre soin de l’Assemblée de Dieu. Combien elle est précieuse aux yeux de Dieu, cette Assemblée ! Paul le faisait ressortir en disant : « Laquelle il a acquise par le sang de son propre Fils ». Dieu voulait avoir sur la terre une Assemblée qui Lui appartînt en propre, tirée du monde, formée pour le ciel. Mais pour cela, il fallait que ceux qui la composent fussent lavés de leurs péchés. Et son propre Fils s’est offert pour accomplir cette œuvre, en souffrant et mourant sur la croix. « Il nous a lavés de nos péchés dans son sang ». « Christ a aimé l’Assemblée et s’est livré lui-même pour elle » (Apocalypse 1:5 ; Éphésiens 5:25). Comme cela est beau ! C’est cette Assemblée que Christ se présentera un jour à Lui-même, dans le ciel, glorieuse, sans tache ni ride, pour être avec Lui éternellement.
Mais en attendant elle chemine sur la terre, entourée d’ennemis et de dangers, comme quelqu’un qui traverse une sombre forêt où des brigands rôdent et où des bêtes féroces cherchent leur proie. L’apôtre avait soigneusement veillé sur l’Assemblée, mais il allait partir, être mis en prison, bientôt quitter ce monde, et il voyait les dangers que courrait cette Assemblée si chère à son cœur. « Je sais », dit-il aux anciens, « qu’après mon départ il entrera parmi vous des loups redoutables qui n’épargneront pas le troupeau ! et il se lèvera d’entre vous-mêmes des hommes qui annonceront des doctrines perverses pour attirer les disciples après eux ». Il y aurait des ennemis venant du dehors, et des ennemis surgis du dedans. Et c’est ce qui eut lieu. Il ne fallut pas longtemps après le départ de Paul, pour que s’introduisissent dans l’Église des faux docteurs qui la ruinèrent.
Qu’y avait-il à faire ? L’apôtre recommande aux surveillants de veiller comme lui-même n’avait cessé de le faire. Mais hélas ! ils s’endormirent ou furent gagnés par le mal, et la conséquence fut que les loups ravagèrent le troupeau et que les mauvaises doctrines prévalurent dans l’Assemblée. Elle fut ruinée. C’est ce que sa triste histoire nous apprend. Que restait-il donc ? L’apôtre le dit, et nous montre la ressource qui ne peut manquer et qui est pour tous les temps. C’est Dieu et sa Parole. « Je vous recommande », dit Paul, « à Dieu, et à la parole de sa grâce, qui a la puissance d’édifier et de vous donner un héritage avec tous les sanctifiés ». Et maintenant que l’Assemblée sur la terre est ruinée, divisée, déchirée, c’est ce qui nous reste : Dieu et sa Parole, suffisants pour nous rassembler, nous édifier, nous inspirer jusqu’au bout. Que Dieu est grand et bon ! Quand, par la faute de l’homme, tout manque, Lui se présente et dit : Me voici, comptez sur moi ! attachez-vous à moi seul ! Voici ma Parole, suivez-la !
Paul, après ces exhortations et bien d’autres que nous ne mentionnons pas, parce qu’elles ne se rapportent pas aussi directement à l’Assemblée, se mit à genoux et pria avec eux tous, les recommandant à son Dieu. On peut s’imaginer la douleur qui remplissait leur cœur. Tous versaient beaucoup de larmes à la pensée que c’était la dernière fois qu’ils voyaient l’apôtre bien-aimé, qui, à travers tant de peines, de travaux et de périls, leur avait apporté l’Évangile de la grâce de Dieu. C’est une chose agréable au Seigneur que nous aimions ses chers serviteurs ; Paul recommandait aux Thessaloniciens de « les estimer très haut en amour à cause de leur œuvre » (1 Thessaloniciens 5:12-13), et cette exhortation nous regarde aussi. Les amis de Paul étaient affligés surtout parce qu’ils n’avaient plus l’espérance de le revoir sur cette terre. Le Seigneur ne nous défend pas de pleurer lorsque nous quittons ceux que nous aimons, mais il ne faut jamais oublier qu’il y a un lieu de rendez-vous pour tous ceux qui aiment le Seigneur Jésus. C’est le ciel, la maison de son Père. Les anciens d’Éphèse et tous ceux qui ont été convertis par le moyen de Paul, ont été le rejoindre dans le paradis. Ils sont là, en attendant la résurrection glorieuse. Serons nous avec Paul et tous les saints, quand Jésus reviendra ?
Paul n’oublia pas ses chers amis d’Éphèse. Plus tard, à Césarée, prisonnier pour le Seigneur, il leur écrivit du fond de sa prison une lettre où se trouvent pour notre instruction les grandes et précieuses vérités relatives à l’Assemblée. Nous ne pouvons les présenter en détail, mais nous en dirons cependant quelques mots.
Comme il l’avait fait dans l’épître aux Corinthiens, il enseigne aux Éphésiens que l’Assemblée, composée de tous les vrais croyants, depuis la descente du Saint Esprit jusqu’à l’enlèvement des saints, est un corps dont Christ est la Tête. Cela veut dire que tous ceux qui croient au Seigneur Jésus et sont sauvés Lui sont unis et sont unis les uns aux autres, par le Saint Esprit, aussi étroitement que les membres d’un corps humain sont unis à la tête et les uns aux autres et forment ainsi un tout. N’est-ce pas une belle et précieuse vérité ? Par l’Esprit Saint, c’est la vie même de Christ qui coule en nous d’en haut, de même que la vie circule de notre tête dans tous nos membres (*).
(*) À tout instant sur la terre, l’ensemble des croyants est le corps dont Christ est la tête ; c’est le point de vue de 1 Corinthiens 12. Au premier chapitre des Éphésiens, c’est l’ensemble de tous les croyants dans la gloire.
Paul montre aussi que, dans l’Assemblée, il n’y a plus de distinction de nationalités. Les Juifs n’y sont plus un peuple privilégié. Ils sont sur un même pied que les nations, ayant besoin de la même grâce et du même Sauveur. Mais c’était un mystère que les prophètes et les saints de l’Ancien Testament n’avaient pas connu. Il a été révélé par Paul, auquel Dieu l’a fait connaître.
Ensuite, l’apôtre enseigne que l’Assemblée est l’habitation de Dieu sur la terre par le Saint Esprit. Avez-vous jamais pensé que Dieu eût une demeure ici-bas, non pas faite de pierres matérielles, mais composée de ceux qui appartiennent à Christ ? C’est une demeure plus belle aux yeux de Dieu que le temple de Salomon dans toute sa splendeur. Chacun des vrais croyants est une des pierres de ce merveilleux édifice.
Et puis, nous apprenons que cette Assemblée, Christ l’a aimée, s’est livré pour elle, et veut se la présenter pure, sans tache et glorieuse. Où sera-ce ? Dans le ciel, lorsque seront célébrées les noces de l’Agneau avec l’Assemblée, son épouse. Alors tous les habitants du ciel s’écrieront : Alléluia ! Réjouissons-nous et tressaillons de joie ! Bienheureux ceux qui auront part à cette fête glorieuse ! En attendant ce moment, Christ purifie l’Assemblée ; il la soigne, la nourrit et la chérit.
Enfin, l’apôtre exhorte les Éphésiens, et tous les croyants avec eux, à mener une vie sainte, comme imitateurs de Dieu et ses bien-aimés enfants, et comme scellés par l’Esprit Saint qui est en eux, et qu’il ne faut pas attrister. Puis il leur recommande de revêtir toute l’armure de Dieu pour résister au diable. Que Dieu nous donne, en lisant cette épître, de saisir les grandes et précieuses vérités qu’elle renferme, et de les réaliser dans notre cœur et notre vie.
Nous dirons en quelques mots ce qui arriva au grand apôtre Paul, après qu’il eut fait ses adieux aux anciens de l’Assemblée d’Éphèse. Cela termine ce que l’Esprit de Dieu nous rapporte dans les Écritures, et de l’histoire de l’Assemblée sur la terre, et de l’histoire de celui qui fut le principal instrument pour la fonder.
Paul s’embarqua à Milet avec ses amis qui l’accompagnaient, et, après quelques jours de navigation, aborda à la ville de Tyr, autrefois si fameuse par son commerce, ses richesses et sa puissance maritime, et dont il est déjà parlé dans le livre de Josué (*). Il s’y trouvait une assemblée chrétienne, et Paul s’y arrêta sept jours. Les disciples avertissaient Paul, par l’Esprit, de ne pas aller à Jérusalem ; malgré cela, il continua sa route par mer et arriva à une ville nommée Ptolémaïs, où il resta un jour avec les frères qui y habitaient. De là, il poursuivit son voyage par terre jusqu’à Césarée.
(*) Josué 19:29. Voyez pour ce qui concerne Tyr : 2 Chroniques 2 ; Ésaïe 23 ; Jérémie 25:22 ; Ézéchiel 26-28.
On se rappelle que c’est dans cette ville que le centurion Corneille fut converti par le ministère de l’apôtre Pierre, et que fut établie la première assemblée tirée des nations. Nous ne savons pas si Corneille était encore à Césarée quand Paul y vint, mais l’apôtre y trouva un autre serviteur de Dieu dont nous avons parlé. C’est Philippe l’évangéliste. Quelle joie ce fut sans doute pour ces deux ouvriers du Seigneur qui travaillaient et combattaient dans le même champ, de se rencontrer ! Paul et ses compagnons allèrent demeurer dans cette maison chrétienne et y restèrent plusieurs jours. Le Seigneur donnait ainsi à son cher apôtre quelques moments de repos et de communion fraternelle avec les saints, avant les nouvelles luttes qui l’attendaient. Quel tendre soin le Seigneur prend des siens ! (voyez Marc 6:31)
Tandis que Paul était à Césarée, un prophète nommé Agabus y vint et, par l’Esprit Saint, annonça que les Juifs, à Jérusalem, s’empareraient de Paul et le livreraient aux nations. Entendant ces paroles, tous les disciples de Césarée et les compagnons de Paul se mirent à le supplier de ne pas aller à Jérusalem. Mais Paul leur dit : « Que faites-vous en pleurant et en brisant mon cœur ? Car pour moi, je suis prêt, non seulement à être lié, mais encore à mourir à Jérusalem pour le nom du Seigneur ». C’était vrai ; l’apôtre faisait volontiers le sacrifice de sa vie pour Christ, mais ayant été averti deux fois par l’Esprit Saint, devait-il courir au-devant de ce sort qui l’attendait ? Il semble bien qu’avec tout son dévouement de cœur, Paul suivait en cela sa propre pensée. Nous apprenons ainsi comment les plus éminents serviteurs de Dieu peuvent manquer, et cela avec des motifs qui leur paraissaient légitimes. Mais le Seigneur ne laisse pas pour cela ceux dont le cœur est réellement tout à Lui, quoiqu’ils puissent se tromper. Il veille sur eux et fait tourner à bien même leurs fautes.
Paul partit donc et arriva à Jérusalem. Il n’y était pas depuis longtemps, quand des Juifs d’Asie venus sans doute comme lui pour la fête, l’ayant vu dans le temple, se jetèrent sur lui, ameutèrent le peuple contre lui, sous prétexte qu’il avait profané le saint lieu en y amenant des païens, et ils l’auraient mis en pièces, si l’officier romain préposé pour maintenir l’ordre ne fût accouru avec des soldats et ne l’eût tiré de leurs mains. Mais en même temps, croyant avoir affaire à un malfaiteur, il donna l’ordre de le lier de deux chaînes. Ainsi s’accomplit ce que l’Esprit Saint avait annoncé par le prophète Agabus.
Paul fut conduit en prison, après avoir vainement essayé de convaincre les Juifs de la vérité de sa mission, en leur racontant sa conversion. Quelques jours plus tard, pour le soustraire aux embûches des Juifs qui voulaient le tuer, l’officier romain, nommé Claude Lysias, l’envoya sous bonne escorte à Césarée, au gouverneur romain Félix. Voilà Paul entre les mains des nations. Que deviendra-t-il ? Le Seigneur ne laisse jamais ses serviteurs. Avant que Paul fût conduit à Césarée, au moment où ses ennemis mortels complotaient contre lui, le Seigneur, durant la nuit, vint lui-même, se tint près de son disciple, et lui dit : « Aie bon courage ; car comme tu as rendu témoignage des choses qui me regardent, à Jérusalem, ainsi il faut que tu rendes aussi témoignage à Rome ». Le Seigneur avait ses desseins. Il voulait, suivant ce qu’il avait dit lors de la conversion de Paul, que celui-ci portât son nom devant les gouverneurs et les rois, et c’est ce qui arriva. C’est comme prisonnier que l’apôtre va rendre témoignage devant les grands de la terre !
Le gouverneur Félix avait épousé une femme juive, et, sans doute par elle, avait-il quelque connaissance de la voie — c’est ainsi qu’on désignait les disciples du Seigneur. Il voulut entendre Paul sur ce qui regarde la foi en Christ. Mais le serviteur de Dieu, qui avait à cœur le salut des âmes des pécheurs, ne voulait pas satisfaire une vaine curiosité. Il s’adressait à la conscience qui, une fois réveillée, conduit le pécheur à la voie du salut, si le pécheur lui-même ne s’endurcit pas. Il parla à l’orgueilleux gouverneur romain de la justice, de la tempérance et du jugement à venir qui attend les injustes et ceux qui satisfont les convoitises de la chair. Qu’était Félix ? Sans doute, comme le grand nombre de ses contemporains, injuste et corrompu. La parole sérieuse de l’apôtre l’atteignit ; la pensée d’un jugement à venir l’effraya ; mais au lieu de s’écrier : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? » il renvoya Paul en lui disant : « Pour le présent, va-t’en ; quand je trouverai un moment convenable, je te ferai appeler ». Ce moment vint-il jamais ? Nous ne le voyons pas. Félix aimait l’argent et la faveur des hommes. En quittant son gouvernement, après deux ans écoulés, il laissa Paul en prison pour plaire aux Juifs ; preuve qu’il avait étouffé la voix de sa conscience. Il avait manqué volontairement le moment favorable, le jour du salut, et qu’est-il devenu ? Dieu le sait. « Aujourd’hui, si vous entendez la voix du Seigneur, n’endurcissez pas votre cœur », tel est l’avertissement divin nous invitant à ne pas remettre à demain de répondre à son appel.
Le successeur de Félix, nommé Porcius Festus, voulait aussi plaire aux Juifs. Ceux-ci vinrent auprès de lui accuser le prisonnier et réclamer son jugement. Festus proposa donc à Paul, sur leur demande, de le faire conduire à Jérusalem pour y être jugé. Mais Paul connaissait trop bien les dangers qu’il courrait là, au milieu de ses ennemis acharnés. Pour y échapper, il en appela, comme citoyen romain, au tribunal suprême de César, l’empereur romain. Il fut donc résolu par Festus et son conseil, qu’il serait envoyé à Rome. Le gouverneur était ainsi tiré d’un grand embarras.
Mais avant le départ de Paul, il se trouva que le roi juif Agrippa, avec sa femme Bérénice, vint à Césarée pour saluer Festus. Celui-ci leur parla de son étrange prisonnier. Agrippa exprima le désir d’entendre aussi cet homme qui, tout faible et chétif d’apparence, était cependant bien connu par l’œuvre que Dieu lui avait donné d’accomplir. « Demain », dit Festus au roi, « tu l’entendras ».
Et le lendemain, le roi et la reine étant venus en grande pompe, avec Festus, les principaux officiers et les grands de la ville, le pauvre prisonnier juif lié de chaînes fut amené devant ce brillant auditoire. Quel contraste aux yeux des hommes ! Mais de quel côté était la vraie grandeur ? Du côté de Paul, si humble parût-il, car le Seigneur était avec lui. De l’autre, c’était le monde et sa vaine pompe, avec son chef. Oui, rappelons-nous que la gloire du monde n’est rien, et que la vraie gloire, c’est d’être avec Dieu, fût-on le plus pauvre des hommes.
Agrippa ayant donné la parole à Paul, celui-ci raconta ce qu’il avait été dans sa jeunesse, la vision céleste qu’il avait eue, sa conversion et la mission qu’il avait reçue du Seigneur d’annoncer l’Évangile, afin d’ouvrir les yeux des pécheurs, « pour qu’ils se tournent des ténèbres à la lumière, et du pouvoir de Satan à Dieu ; pour qu’ils reçoivent la rémission des péchés et une part avec ceux qui sont sanctifiés, par la foi en Jésus ». « Ne disant rien d’autre », ajoute Paul, « que ce que les prophètes et Moïse ont annoncé devoir arriver, savoir qu’il fallait que le Christ fût soumis aux souffrances, et que, le premier par la résurrection des morts, il devait annoncer la lumière et au peuple et aux nations ».
L’incrédule païen Festus, entendant ces paroles de Paul, n’y voyait que folie. « Tu es hors de sens, Paul », s’écria-t-il. Mais Paul répondit : « Je ne suis point hors de sens, très excellent Festus… Le roi a la connaissance de ces choses, et je parle hardiment devant lui, car je suis persuadé qu’il n’ignore rien de ces choses ; car ceci n’a point été fait en secret ». Et se tournant vers le roi, il en appelle directement à lui, et s’écrie : « Ô roi Agrippa ! crois-tu aux prophètes ? Je sais que tu y crois ». Quel pressant appel ! Quelle ferveur de cœur ! Aussi le roi se sent-il ébranlé. L’interpellation directe et ardente de Paul lui arrache cet aveu « Tu me persuaderas bientôt d’être chrétien ». Hélas c’est peu, ce n’est rien que d’être à peu près persuadé. C’était la preuve qu’Agrippa résistait et ne voulait pas céder à la puissance de la vérité. Où sont maintenant ces grands de la terre ? Le pauvre prisonnier, lié de chaînes, avait un trésor et un bonheur qu’eux ne connaissaient pas, et il pouvait s’écrier devant eux : « Plût à Dieu que non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m’entendent aujourd’hui, vous devinssiez de toutes manières tels que je suis, hormis ces liens ». Il n’enviait point leur sort, et il aurait voulu leur faire partager son bonheur, la connaissance de Christ, pour lequel il avait fait la perte de tout.
Où est Paul le prisonnier ? Avec Christ, attendant la résurrection de vie et de gloire. Où sont Festus l’incrédule et Agrippa le presque persuadé ? Ah ! qui peut le dire ? Avec qui, ô lecteur, voulez-vous avoir votre part ?
Paul dut donc partir pour Rome, où il devait aussi rendre témoignage devant César. Il fut remis, avec d’autres prisonniers, sous la garde d’un centurion nommé Jules. De fidèles amis continuèrent d’accompagner l’apôtre. Dieu inclina aussi le cœur du centurion envers son serviteur. Il le traita avec égards et avec bonté. Mais la navigation fut longue et périlleuse, et se termina par un naufrage près de l’île de Malte. Le navire fut perdu, mais tous les hommes furent sauvés : Dieu les avait donnés à Paul, et c’est à cause de lui qu’ils furent épargnés. Durant les jours pénibles de la tempête, l’apôtre, toujours calme et paisible, parce que le Seigneur était avec lui, avait encouragé et soutenu l’équipage. Au milieu de tous les orages et les dangers, l’enfant de Dieu peut être tranquille. Que craindrait-il ? Son Père veille sur lui. Est-ce votre cas ? Quand luit l’éclair et que gronde le tonnerre, pouvez-vous dire : « Dieu est notre refuge et notre force, un secours dans la détresse, toujours facile à trouver. C’est pourquoi nous ne craindrons point » ? (Psaume 46:1-2).
Les naufragés durent passer trois mois dans l’île de Malte, en attendant le départ d’un vaisseau qui allait à Rome. Les voyages ne se faisaient pas alors aussi rapidement que de nos jours. Mais ce temps ne fut pas perdu. Paul et ses amis avaient reçu l’hospitalité chez un des principaux de l’île, nommé Publius. Le père de ce Publius était gravement malade et souffrait beaucoup. Paul pria pour lui, lui imposa les mains et le guérit. Mais dès que le bruit de ce miracle se fut répandu, tous les malades de l’île vinrent, et Dieu, par le moyen de son serviteur, les guérit aussi. Et nous ne pouvons douter que l’apôtre, en accomplissant ces guérisons, n’annonçât aussi Jésus, au nom duquel il les faisait. Ainsi le naufrage de Paul devint une bénédiction pour les Maltais. L’Évangile leur fut annoncé. C’est ainsi qu’un chrétien fidèle, partout où il va, dans quelques circonstances que ce soit, répand « la bonne odeur de Christ », comme le disait l’apôtre de lui-même (2 Corinthiens 2:14-15).
Enfin, Paul et ses compagnons partirent pour Rome, la grande ville qui dominait sur les rois de la terre, la capitale du vaste empire romain, établie « sur des peuples et des foules et des nations et des langues » (Apocalypse 17:18, 15). Dieu y avait déjà fait porter l’Évangile et une assemblée s’y était formée. Quels avaient été les instruments dont il se servit, nous l’ignorons, mais dans sa lettre écrite aux Romains depuis Corinthe, assez longtemps auparavant, Paul mentionne un grand nombre de saints, et, parmi eux, Aquilas et Priscilla, chez lesquels se réunissait l’assemblée. Dans cette lettre adressée à tous les bien-aimés de Dieu qui sont à Rome, Paul leur disait : « Demandant toujours dans mes prières, si en quelque manière il me sera accordé par la volonté de Dieu d’aller vers vous. Car je désire ardemment de vous voir ». Maintenant, son désir allait être accompli, mais autrement qu’il ne l’avait pensé quand il écrivait sa lettre. Alors il était libre, il pensait pousser bien loin ses travaux dans l’Évangile et leur disait : « Je me rendrai en Espagne ». « Je vous verrai à mon passage ». Au lieu de cela, il venait comme prisonnier dans les liens pour Christ. C’est ainsi que Dieu dirige les choses autrement que nous ne le pensons, mais tout est pour sa gloire et notre bien. Paul avait dit aux chrétiens de Rome : « Je sais qu’en allant auprès de vous, j’irai dans la plénitude de la bénédiction de Christ », et ce ne sont pas les liens ni la prison, qui empêchent de jouir pleinement de la bénédiction de Christ et d’en faire jouir les autres.
Les chrétiens de Rome, avertis de l’arrivée de Paul et de ses compagnons, vinrent à leur rencontre assez loin de la ville. Beaucoup d’entre eux, la plupart sans doute, n’avaient jamais vu le cher serviteur de Dieu, mais ils savaient combien il avait travaillé et souffert pour Christ, et leurs cœurs lui étaient attachés. Qu’il est beau de voir des hommes qui ne se sont jamais vus, se reconnaître, s’aimer et s’accueillir ! C’est ce qui devrait toujours avoir lieu entre chrétiens, car ils sont de la même famille, enfants du même Dieu, ayant la même vie, la vie éternelle, unis au même Sauveur par le même Esprit. Les liens qui unissent les chrétiens sont des liens d’amour, et s’expriment en tout temps, en tout lieu. « À ceci », disait Jésus, « tous connaîtront que vous êtes mes disciples, si vous avez de l’amour entre vous » (Jean 13:35).
Paul voyant ces chers amis venus pour le recevoir, rendit grâces à Dieu et prit courage. Après tant de dangers, il était sain et sauf à Rome. Dans son constant amour pour sa nation, il fit venir auprès de lui les principaux des Juifs, afin de leur expliquer pourquoi il avait été forcé d’en appeler à César. Mais, ajouta-t-il, je n’ai à porter « aucune accusation contre ma nation ». Ensuite, les ayant convoqués un autre jour, il leur annonça l’Évangile, « rendant témoignage du royaume de Dieu, … cherchant à les persuader des choses concernant Jésus, et par la loi de Moïse, et par les prophètes ». Les uns reçurent ces paroles, les autres ne crurent pas. Paul déclare à ceux-ci : « Sachez donc que ce salut de Dieu a été envoyé aux nations, et eux écouteront ». Ces pauvres Juifs se privaient ainsi de la bénédiction. Prenons garde de ne pas faire comme eux.
Paul avait écrit dans sa lettre aux Romains : « Je suis tout prêt à vous annoncer l’Évangile, à vous aussi qui êtes à Rome », et c’est ce qu’il fit. Quoique prisonnier et devant comparaître devant César, il jouissait d’une certaine liberté. Il loua donc un logement où, durant deux ans entiers, sans empêchement, il annonça le royaume de Dieu et ce qui concerne le Seigneur Jésus à tous ceux qui venaient vers lui. Ainsi la parole de Dieu n’était pas liée, et le Seigneur accorda à son serviteur, étreint par son amour, la grâce de pouvoir, même prisonnier, presser des âmes de venir au Sauveur. Et certes, son travail ne fut pas vain. Nous connaissons au moins un des fruits de sa prédication, l’esclave fugitif Onésime, qu’il a « engendré dans les liens », qu’il appelle son enfant et qu’il renvoie à son maître Philémon (*). Dans sa captivité aussi, l’apôtre, inspiré par l’Esprit Saint, écrivit quelques-unes de ses épîtres si utiles en tout temps à l’Assemblée. Telles sont l’épître aux Éphésiens, écrite sans doute de Césarée, et celles aux Philippiens, aux Colossiens et à Philémon, écrites de Rome.
(*) Lire l’épître à Philémon et Colossiens 4:9.
Qu’arriva-t-il ensuite ? Nous l’ignorons. Nous savons que Paul fut mis à mort pour le nom de Jésus. « Pour moi », écrivait-il plus tard à Timothée, lors de sa seconde captivité, « je sers déjà de libation, et le temps de mon départ est arrivé ». Quand et comment Paul mourut-il ? La Parole ne nous le dit pas. C’est avec la fin du livre des Actes, que se termine ce que la parole de Dieu nous dit de l’histoire suivie de l’assemblée et de celui qui fut un si puissant instrument pour l’établir.
Mais l’Assemblée, l’Église, ainsi établie, a continué sa course sur la terre. Son histoire est bien triste, car elle a été défigurée par les fautes des hommes ; sa beauté a disparu, elle n’est plus qu’une ruine. Toutefois le Seigneur Jésus ne la laisse pas. Et le temps vient où, dans le ciel, débarrassée de toute souillure, il la présentera glorieuse et l’unira à Lui comme son Épouse chérie.
Avant de continuer l’histoire de l’Assemblée de Christ sur la terre, nous dirons encore quelques mots sur les apôtres que le Seigneur avait choisis et envoyés pour annoncer l’Évangile. Nous n’avons plus pour nous guider le récit que Dieu lui-même nous a donné par la plume de Luc dans les Actes, mais ce que nous rapportent des écrivains anciens qui, comme tous les hommes, ont pu parfois se tromper ou être mal renseignés.
L’apôtre Paul avait été conduit à Rome comme prisonnier pour être jugé par l’empereur auquel il en avait appelé. Il resta là durant deux ans, dans une captivité relativement douce. Il demeurait, gardé par un soldat, dans un logement qu’il avait loué, recevant tous ceux qui venaient vers lui, annonçant le royaume de Dieu et enseignant les choses qui regardent le Seigneur Jésus Christ, avec hardiesse et sans aucun empêchement, et son ministère porta des fruits. Il était entouré de plusieurs de ses amis et compagnons d’œuvre, tels que Luc, Épaphras, Marc, Démas, et d’autres ; il recevait des envoyés des assemblées lointaines, comme Épaphrodite, par exemple, venu de Philippes pour apporter à l’apôtre les dons de la part des Philippiens, qui avaient à cœur de pourvoir aux besoins de Paul, et il écrivait ses belles et précieuses épîtres aux Philippiens, aux Colossiens et à Philémon, lettres qui resteront pour l’instruction et l’édification de l’Église de Dieu jusqu’à la fin.
Ainsi, cette captivité de l’apôtre ne ralentissait pas son activité pour le service du Seigneur. Le cœur qui aime Jésus trouve toujours le moyen de s’employer pour Lui dans toutes les circonstances, que l’on soit en santé ou en maladie, libre ou captif, pauvre ou riche, jeune ou vieux. Comme Paul le disait : « Christ sera magnifié dans mon corps, soit par la vie, soit par la mort ; car pour moi, vivre c’est Christ » (Philippiens 1:20-21).
Après ces deux années, Paul fut mis en liberté. Sans doute que les accusations portées contre lui par les Juifs ne furent pas trouvées suffisantes par l’empereur pour motiver une condamnation. Déjà le gouverneur Festus et le roi Agrippa en avaient jugé ainsi. Que fit l’apôtre, une fois libre ? D’après plusieurs passages de ses épîtres, on peut voir qu’il visita les assemblées en Grèce et en Asie, et l’on pense qu’il alla aussi en Espagne, comme il en avait depuis longtemps le désir. C’est pendant cette courte période de liberté qu’il écrivit sa première épître à son cher fils Timothée et celle à Tite, pour leur donner des directions sur la manière « dont il faut se conduire dans la maison de Dieu, qui est l’Assemblée du Dieu vivant, la colonne et le soutien de la vérité » (1 Timothée 3:15).
Paul retourna à Rome. Dans quelle occasion et de quelle manière, nous l’ignorons, mais ce fut pour y retrouver la captivité. Mais cette fois, ce n’était pas comme citoyen romain, en ayant appelé à César, qu’il était en prison. C’était comme chrétien, c’est-à-dire comme faisant partie de cette secte haïe maintenant, non seulement des Juifs, mais des païens. Aussi sa captivité fut-elle autrement étroite et pénible que la première fois. C’est de là qu’il écrivit sa seconde lettre à Timothée, dans laquelle il lui dit : « J’endure des souffrances, jusqu’à être lié de chaînes comme un malfaiteur » (2 Timothée 2:9). Être chrétien était alors un crime digne de mort, et Paul ne pouvait échapper à la condamnation. Bien qu’après une première comparution devant César, il eût été comme il le dit, « délivré de la gueule du lion », il savait que le temps de son martyre approchait. « Pour moi », écrivait-il à Timothée, « je sers déjà de libation, et le temps de mon départ est arrivé ; j’ai combattu le bon combat, j’ai achevé la course, j’ai gardé la foi ; désormais m’est réservée la couronne de justice, que le Seigneur juste juge me donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui aiment son apparition » (2 Timothée 4:6-8). C’est là tout ce que Paul attendait désormais. Il avait aimé et servi son Sauveur ; il allait jouir du bonheur d’être avec Lui ; cette couronne de justice ne lui manquerait pas. Et vous, lecteurs, êtes-vous de ceux qui aiment et servent Jésus et qui attendent sa venue ? N’aimerez-vous pas être avec Paul dans la gloire ?
Paul, comme citoyen romain, fut décapité vers l’an 66 ou 67. La date de son martyre n’est pas exactement connue, non plus que les circonstances dans lesquelles il eut lieu. Nous pouvons croire que ce fut avec joie qu’il livra sa tête au bourreau, car si pour lui, « vivre, c’était Christ » ; pour lui aussi, « mourir était un gain ». Il aimait mieux être « absent du corps et présent avec le Seigneur » (2 Corinthiens 5:8).
Et Pierre, que lui arriva-t-il ? Nous avons encore moins de détails sur lui que sur Paul. Après l’époque où Paul vint à Jérusalem pour que la question fût résolue si les nations devaient ou non garder la loi de Moïse (Actes 15), le livre des Actes ne parle plus de Pierre. Nous savons, par l’épître aux Galates, qu’il alla à Antioche (Galates 2:11). Plus tard, nous le trouvons à Babylone qui n’était plus la grande cité dont l’orgueilleux Nebucadnetsar vantait la splendeur, mais elle existait encore et renfermait une grande colonie de Juifs parmi lesquels le christianisme avait pénétré. C’est de là que Pierre écrivit sa première épître aux chrétiens d’entre les Juifs qui étaient dispersés dans les diverses provinces qui composent maintenant l’Asie mineure. C’était un temps de persécution et de grandes souffrances pour ces fidèles. « Bien-aimés », leur dit-il, « ne trouvez pas étrange le feu ardent qui est au milieu de vous… mais, en tant que vous avez part aux souffrances de Christ, réjouissez-vous, afin qu’aussi, à la révélation de sa gloire, vous vous réjouissiez avec transport ». « Si quelqu’un souffre comme chrétien, qu’il n’en ait pas honte, mais qu’il glorifie Dieu en ce nom » (1 Pierre 4:12, 16). L’apôtre encourage ses frères souffrants, en leur rappelant l’exemple de Jésus qui a souffert pour nous, Lui juste pour des injustes, et il les exhorte à marcher dans l’amour, l’humilité et la sainteté, en attendant la révélation de Jésus Christ, c’est-à-dire sa venue en gloire. Si nous n’avons pas à souffrir comme ces premiers chrétiens, le Seigneur nous épargnant ces épreuves, est-ce une raison pour l’aimer moins et Lui être moins fidèles ? Non, assurément. Écoutons ce que dit l’apôtre en parlant de Jésus : « Lequel, quoique vous ne l’ayez pas vu, vous aimez ; et, croyant en lui, quoique maintenant vous ne le voyiez pas, vous vous réjouissez d’une joie ineffable et glorieuse » (Chapitre 1:8). Demandons au Seigneur que cela soit vrai de nous, et alors nous serons pressés d’annoncer par notre vie et nos paroles, « les vertus de Celui qui nous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (Chapitre 2:9).
On ne sait pas d’où l’apôtre Pierre écrivit sa seconde épître, mais on voit par son contenu, que, de même que Paul, il s’attendait à être bientôt retiré de ce monde. Comme un berger fidèle à qui le Seigneur avait confié ses brebis (Jean 21:15-17), il avertit encore une fois les saints : « J’estime », dit-il, « qu’il est juste, tant que je suis dans cette tente, de vous réveiller en rappelant ces choses à votre mémoire, sachant que le moment de déposer ma tente s’approche rapidement, comme aussi notre Seigneur Jésus Christ me l’a montré ; mais je m’étudierai à ce qu’après mon départ vous puissiez aussi en tout temps vous rappeler ces choses » (2 Pierre 1:13-15). Et il les met en garde contre les faux docteurs, et contre les incrédules et les moqueurs. Et comme l’apôtre regardait en avant vers le jour de l’avènement de Christ, de même Pierre dirige les regards des chrétiens vers le jour de Dieu auquel la terre et les cieux passeront, où les impies tomberont sous le jugement, mais où les saints auront leur demeure sous des cieux nouveaux et sur une terre nouvelle où la justice habite. Quelle consolation pour les chrétiens persécutés ; quelle espérance pour les croyants en tout temps, mais quel solennel avertissement pour les incrédules !
Il paraît certain que pierre souffrit le martyre à Rome, dans les persécutions qui eurent lieu sous Néron et dont nous parlerons plus tard. Un ancien écrivain, Ambroise de Milan, raconte que les chrétiens de Rome avaient engagé Pierre à fuir de cette ville. L’apôtre se rendait à leur désir, mais comme il atteignait les portes de la ville, il rencontra le Seigneur. « Où vas-tu, Seigneur ? » lui demanda Pierre. « Je vais à Rome », répondit Jésus, « pour y être crucifié de nouveau ». Pierre vit dans ces paroles un reproche, et retourna sur ses pas. Cela peut avoir été une vision, ou n’être qu’une tradition. Quoi qu’il en soit, nous savons que le Seigneur avait dit à Pierre, après son relèvement : « Quand tu étais jeune, tu te ceignais, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains et un autre te ceindra, et te conduira où tu ne veux pas ». Et l’évangéliste ajoute : « Or Jésus dit cela pour indiquer de quelle mort Pierre glorifierait Dieu » (Jean 21:18-19). Il est généralement admis que Pierre fut crucifié. On raconte que, comme on le conduisait au supplice, il demanda comme une faveur d’être crucifié la tête en bas, ne s’estimant pas digne de souffrir de la même manière que son Seigneur. Sa requête lui fut accordée. La date exacte de sa mort, comme celle de Paul, n’est pas connue ; ce dut être aussi vers l’an 67 ou 68.
Nous dirons plus loin quelques mots sur d’autres apôtres. Nous avons maintenant à voir les premières souffrances qu’eurent à endurer d’une manière générale les chrétiens de la part des païens.
Quand le Seigneur Jésus, le Fils de Dieu, plein de grâce et de vérité, vint sur la terre, il ne rencontra en général de la part des hommes, que mépris et haine. À la fin de sa vie sainte et pure, il disait avec douleur : « Ils ont, et vu, et haï et moi et mon Père… Ils m’ont haï sans cause » (Jean 15:24-25). Et cette haine ne fut assouvie que lorsqu’ils l’eurent cloué sur la croix.
Les disciples du Seigneur, ceux qui croyaient en son nom et s’attachaient à sa personne, devaient-ils être mieux traités que leur maître ? Non ; le Sauveur leur avait dit : « Parce que… je vous ai choisis du monde, à cause de cela le monde vous hait… L’esclave n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi… » (Jean 15:19-20). Et les disciples en firent bientôt l’expérience. Nous savons comment, dès le commencement de la prédication de l’Évangile, les apôtres furent jetés en prison et fouettés, comment Étienne fut mis à mort, et comment une grande persécution sévit contre les saints à Jérusalem et les dispersa. Nous nous souvenons de l’apôtre Paul qui, persécuteur d’abord, fut ensuite si ardemment poursuivi par la haine des Juifs, lorsqu’il fut devenu serviteur de Jésus Christ.
Mais ces persécutions avaient été jusqu’alors une chose locale. Le pouvoir civil, celui des Romains, ne s’en était pas mêlé. Au contraire, Paul, par exemple, avait pu en appeler à lui pour échapper aux Juifs. Mais les choses changèrent de face, et la puissance redoutable de l’empire qui s’étendait sur tant de peuples et de nations, s’éleva contre les chrétiens et les déclara partout ennemis de l’État. Durant de longues années, avec quelques courts intervalles de répit, les disciples du Seigneur réalisèrent cette parole de leur Maître : « Ils mettront les mains sur vous, et vous persécuteront… Vous serez menés devant les rois et les gouverneurs à cause de mon nom… Et vous serez aussi livrés par des parents et par des frères, et par des proches et par des amis, et on fera mourir quelques-uns d’entre vous » (Luc 21:12-17).
Qu’est-ce qui excitait ainsi les hommes contre les chrétiens ? Pourquoi le gouvernement, au lieu de les protéger, les persécutait-il ? La réponse est claire et simple. La vie pure et sainte des chrétiens était une condamnation perpétuelle des vices et des mauvaises mœurs des païens, des abominations auxquelles ils se livraient, même sous un prétexte religieux. Les disciples de Jésus mettaient en pratique l’exhortation de l’apôtre : « N’ayez rien de commun avec les œuvres infructueuses des ténèbres, mais plutôt reprenez-les » (Éphésiens 5:11), et les hommes s’irritaient contre eux, comme autrefois Caïn contre Abel. Caïn tua son frère, parce que ses œuvres à lui étaient mauvaises et celles de son frère justes. La raison des persécutions a toujours été l’inimitié du cœur contre Dieu, contre Christ qui révèle Dieu, et contre les chrétiens qui manifestent Christ.
Quant au gouvernement romain, il croyait avoir de bonnes raisons pour sévir contre les chrétiens ; en voici quelques-unes.
Rome, la grande ville, qui avait « la royauté sur les rois de la terre », avait ses dieux particuliers, auxquels elle pensait devoir sa grandeur et son pouvoir. Aucun autre Dieu n’était toléré, à moins d’être reconnu légalement. Un des grands écrivains romains dit : « Personne ne doit avoir de dieux particuliers, ni adorer des dieux nouveaux et étrangers, à moins qu’ils ne soient reconnus par les lois publiques ». Or pour les Romains, Jésus était un dieu étranger non reconnu. C’est ce que disaient déjà les philosophes athéniens, après avoir entendu Paul. « Il semble annoncer des divinités étrangères », se répétaient-ils, en l’entendant parler de Jésus et de la résurrection.
Il est vrai que les Romains avaient aussi pour principe de laisser à chaque nation qu’ils avaient soumise, ses coutumes particulières et sa religion. Quand Démétrius et les ouvriers qui étaient avec lui, criaient : « Grande est la Diane des Éphésiens ! » on ne leur en faisait pas un crime, mais bien de troubler l’ordre. Cela nous explique pourquoi les Juifs étaient tolérés et non les chrétiens. Les Juifs formaient un peuple distinct qui avait son Dieu. C’est ce qu’écrivait un philosophe grec du second siècle, grand ennemi des chrétiens : « Les Juifs sont une nation ; ils gardent les institutions sacrées de leur pays, quelles qu’elles puissent être, et, en le faisant, ils agissent comme les autres hommes. Il est juste pour chaque peuple de révérer ses anciennes lois ; mais les abandonner est un crime ». Or les chrétiens n’étaient pas une nation ; ils étaient tirés de toutes les nations et parmi eux se trouvaient même beaucoup de Romains ; en devenant disciples de Christ, ils abandonnaient les dieux particuliers de leur nation et ceux de Rome. Aux yeux de tous les gouvernements, c’était un crime.
L’État, chez les Romains, était pour ainsi dire fondé sur leur religion. Elle se trouvait mêlée à toutes les circonstances de la vie civile et politique. Ne pas reconnaître les dieux, parler contre eux, faire abandonner les temples et les sacrifices, c’était renverser les bases de l’empire. Les images de l’empereur, dressées en divers lieux, devaient être révérées. Refuser de brûler de l’encens en leur honneur, était un crime de lèse-majesté. Or un chrétien ne pouvait s’associer à de tels actes (*), qui étaient l’adoration d’un homme.
(*) Le temps viendra où, d’une manière encore plus formelle, un homme réclamera l’adoration de ceux qui lui seront assujettis (Apocalypse 13:12-17).
Une multitude de personnes, sans compter les prêtres, vivaient de la religion, d’une manière ou d’une autre, comme nous en avons vu un exemple à Éphèse dans l’histoire de Démétrius. À mesure que les chrétiens se multipliaient, la source des gains de ces personnes diminuait, et surtout celle des prêtres des innombrables temples et sanctuaires (*) ; de là une raison de plus pour détester les chrétiens.
(*) Rome seule comptait sept cents temples et des autels sans nombre.
Le culte des disciples du Seigneur formait aussi un contraste complet avec celui des fausses divinités. Aux jours de fêtes de celles-ci, de nombreuses et imposantes processions composées de vieillards vénérables, de jeunes gens dans la force de l’âge, de jeunes filles vêtues de blanc, d’enfants, se formaient et traversaient la ville pour se rendre aux temples des dieux. Là étaient offerts en grande pompe des sacrifices, et l’encens brûlé sur le feu des autels, remplissait les airs de doux parfums. Les chrétiens n’avaient ni temple, ni sacrifices. Ils se réunissaient dans quelque chambre haute pour adorer Dieu en esprit et en vérité ; ils s’exhortaient à l’amour et aux bonnes œuvres, et rompaient le pain entre eux en souvenir de la mort de Christ. En se séparant, ils se donnaient le baiser de paix. Comme ils se rassemblaient d’une manière privée, leurs ennemis en vinrent à prétendre que, dans leurs réunions, ils s’adonnaient à des pratiques abominables, et c’était un nouveau sujet de haine contre eux. Mais un de ceux qui les persécutaient, Pline le jeune, écrivain romain distingué et gouverneur d’une province, est forcé, dans une lettre qu’il écrivait à l’empereur Trajan, de rendre témoignage à la pureté de leurs mœurs.
En même temps que les chrétiens s’abstenaient de participer aux fêtes religieuses païennes, ils évitaient aussi les jeux et les représentations théâtrales qui les accompagnaient d’habitude. À cet égard encore, ils étaient la condamnation vivante de ce qui se pratiquait autour d’eux et qui n’était que manifestation de ce que l’apôtre Jean nomme « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie » (1 Jean 2:16). Quel effet produisait cette séparation si entière ? D’abord, on prit les chrétiens en pitié, puis on les méprisa, et enfin on en vint à les haïr comme des gens qui troublaient les autres dans leurs jouissances.
Ce qui les faisait encore considérer comme ennemis de l’État, c’est que plusieurs répugnaient à être soldats. À ce propos, un de leurs adversaires écrivait : « L’empereur ne vous punit-il pas avec justice ? En effet, si tous étaient comme vous, qui resterait pour le défendre ? Les barbares se rendraient maîtres du monde, et toute trace, et de votre propre religion même, et de la vraie sagesse, disparaîtrait du milieu des hommes ; car ne croyez pas que votre Dieu suprême descendrait du ciel et combattrait pour vous ».
Une dernière chose qui excitait les esprits contre les chrétiens, c’est que ceux-ci ne pouvaient garder secrètes les saintes vérités qu’ils avaient appris à connaître et qui remplissaient leurs cœurs de paix et de joie. « Allez dans tout le monde, et prêchez l’évangile à toute la création » (Marc 16:15), leur avait dit le Seigneur. « Nous ne pouvons pas ne pas parler des choses que nous avons vues et entendues » (Actes 4:20), disaient les apôtres. « L’amour de Christ nous étreint », disait Paul ; « nous sommes donc ambassadeurs pour Christ » (2 Corinthiens 5:14, 20). Ainsi, ils rendaient témoignage à Dieu et à son amour au milieu d’un monde perdu, et annonçaient « les vertus de celui qui nous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière ». Mais « les hommes ont mieux aimé les ténèbres que la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises » (Jean 3:19), et ont de tout temps, d’une manière ou d’une autre, cherché à se débarrasser de ceux qui faisaient briller cette lumière importune.
Je viens de dire les motifs qui agissaient sur les cœurs des hommes pour les porter à persécuter les témoins de Christ, et ces mêmes motifs sont souvent allégués aussi de nos jours pour jeter le blâme sur eux. Mais il ne faut pas oublier qu’il y avait quelqu’un qui poussait les persécuteurs contre les chrétiens. C’était Satan, l’adversaire, le grand ennemi de Dieu et des hommes. Il se servait de toutes les passions, de tous les mauvais sentiments, de tout ce qui se trouve dans le méchant cœur de l’homme, pour chercher, en détruisant les chrétiens, à anéantir la vérité qui sauve. Il est « l’esprit qui opère dans les fils de la désobéissance », le « lion rugissant cherchant qui il pourra dévorer ». Et il s’empara de l’esprit du méchant empereur Néron pour le pousser à persécuter les disciples de Christ (*). Nous allons voir quelle occasion il prit pour le faire.
(*) Dans les derniers et terribles temps qui suivront l’enlèvement des saints pour être avec le Seigneur, Satan chassé du ciel, donnera au chef de l’empire romain qui sera alors rétabli, « sa puissance, son trône et un grand pouvoir », et il fera « la guerre aux saints » (voyez Apocalypse 12:7-9 ; 13:1-7). Néron et ceux qui le suivirent en furent comme les précurseurs.
Une nuit du mois de juillet de l’an 64, éclata dans Rome un incendie terrible. Commencé près du cirque, il étendit bientôt ses ravages de toutes parts, et rien ne put l’arrêter. Excitées par un vent violent, les flammes s’élancèrent dans toutes les directions avec une rapidité inouïe, et bientôt la grande ville ne fut plus qu’une mer de feu. Durant six jours et sept nuits, l’incendie sévit avec fureur. Temples, palais, et maisons, furent réduits en cendres ; une multitude de personnes perdirent la vie, quantité d’autres restèrent sans asile après avoir perdu leurs biens. Des quatorze quartiers que comprenait Rome, quatre seulement restèrent intacts ; trois furent absolument détruits ; les sept autres ne présentaient qu’un amas de ruines. Le feu ne s’arrêta que faute d’aliments, après que l’on fut parvenu à abattre toute une rangée de maisons pour former un vide que les flammes ne purent franchir.
La première stupeur passée, on se demanda quel pouvait être l’auteur ou les auteurs d’un si terrible désastre. Les soupçons du peuple se portèrent sur Néron devenu odieux par ses vices abominables et sa cruauté, lui, meurtrier de sa mère, de son frère et de sa femme. On prétendait l’avoir vu contemplant, du haut d’une tour élevée, l’incendie, en chantant sur sa lyre les vers d’Homère qui décrivent la conflagration de Troie. On alla jusqu’à dire que le feu avait été mis par son ordre, afin qu’il pût jouir de cette vue, et afin d’avoir la gloire de rebâtir la ville sur un nouveau plan et d’y ériger pour lui-même un magnifique palais.
Afin de détourner de lui l’indignation publique, Néron, connaissant la haine du peuple contre les chrétiens, accusa ceux-ci du crime qu’on lui imputait, et les condamna aux plus affreux supplices. L’historien romain Tacite qui, à cette époque, était un enfant, nous en parle. « Néron » dit-il, « chercha des coupables et fit souffrir les plus cruelles tortures à des malheureux que le peuple nommait chrétiens, nom qui leur venait de Christ, condamné à mort sous Tibère, par Ponce Pilate… On commença par saisir ceux qui s’avouaient chrétiens, puis, sur leur déposition, une multitude d’autres. À leur supplice, on ajoutait la dérision ; on les enveloppait de peaux de bêtes et on les faisait déchirer et dévorer par des chiens ; d’autres étaient crucifiés ; d’autres encore, attachés à des pieux, les vêtements et le corps enduits de résine, servaient comme de flambeaux pour éclairer la nuit. Néron avait donné ses propres jardins pour ce spectacle ». L’excès de ces supplices fit que le peuple « se sentit ému de compassion pour ces victimes qui semblaient moins être mises à mort pour le bien public, que pour satisfaire la cruauté d’un homme ».
Comment ces martyrs supportèrent-ils ces cruels tourments ? Aucun récit ne le rapporte, non plus que leurs noms que Dieu seul connaît ; mais nous pouvons être sûrs que Celui pour le nom duquel ils souffraient, les soutint par sa grâce, afin qu’ils fussent « fidèles jusqu’à la mort ». Ils auraient pu racheter leur vie et éviter ces souffrances en reniant Christ, mais ils le confessèrent, préférant souffrir pour Lui pendant un peu de temps et régner bientôt avec Lui. Il n’y avait pas longtemps que Paul avait quitté Rome, et ils avaient la lettre qu’autrefois il leur avait adressée. Ils pouvaient se rappeler, dans leurs tourments, et les exhortations, et ces paroles du bienheureux apôtre : « J’estime que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes d’être comparées avec la gloire à venir qui doit nous être révélée » ; ils étaient ainsi soutenus et élevés au-dessus de tout ce que la rage des hommes inventait, et pouvaient s’écrier en triomphe : « Qui est-ce qui nous séparera de l’amour du Christ ? Tribulation, ou détresse, ou persécution, ou famine, ou nudité, ou péril, ou épée ? Selon qu’il est écrit : « Pour l’amour de toi, nous sommes mis à mort tout le jour ; nous avons été estimés comme des brebis de tuerie ». Au contraire, dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimés. Car je suis assuré que … aucune créature ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu, qui est dans le Christ Jésus, notre Seigneur » (Romains 8:18, 35-39).
Cette première persécution dura, avec plus ou moins de violence, jusqu’à la mort de Néron, qui se fit tuer par un esclave en l’an 68, haï de tous, poursuivi par ses soldats et le sénat révoltés. C’est de lui que Paul parle en disant : « J’ai été délivré de la gueule du lion ». Il avait donc entendu l’Évangile, mais il ne le reçut pas et mourut misérablement et accablé de terreurs. C’est dans la persécution suscitée par lui que Paul, revenu à Rome, et Pierre subirent le martyre et allèrent vers le Seigneur. Quel contraste !
Telle fut la première persécution générale ordonnée par la puissance impériale contre les chrétiens. Nous vivons dans des temps paisibles. Nous pouvons bénir Dieu de ce qu’il retient la méchanceté de Satan, et nous permet de rendre notre culte sans empêchement. Mais rappelons-nous que quand le diable n’use pas de violence, il se sert de la ruse et cherche à endormir les âmes dans une fausse sécurité, en faisant croire à plusieurs qu’ils sont chrétiens, alors qu’ils ne font pas reposer leur espérance sur Christ. On voit des foules remplir chapelles, temples, et lieux de réunions, mais si des soldats étaient postés aux portes pour traîner en prison ceux qui sortent, les auditeurs seraient-ils aussi nombreux ? Dieu veuille que nos cœurs soient attachés à Christ, de telle sorte que rien ne puisse nous séparer de Lui.
Ce grand événement et la dispersion finale des Juifs qui en est la conséquence, ne fait pas partie, à proprement parler, de l’histoire de l’Église. Cependant, comme il s’y rattache d’une manière très intime, nous en parlerons maintenant, parce qu’il suivit de très près la première persécution des chrétiens.
Le siège et la prise de Jérusalem, avec toutes les souffrances inouïes qu’y endurèrent les malheureux Juifs, furent la consommation des jugements dont Dieu frappa, après sa longue patience, le peuple qu’il avait choisi pour le bénir, mais qui s’était toujours montré ingrat et rebelle. Le Seigneur Jésus retrace la conduite des Juifs, dans la parabole des vignerons. Après les fréquents avertissements des prophètes, qu’ils n’avaient pas voulu écouter, Dieu avait dit : « J’enverrai mon Fils bien-aimé ; peut-être que, quand ils le verront, ils le respecteront ». Mais qu’arriva-t-il ? Le Seigneur Jésus nous le dit : « Ils ont, et vu, et haï et moi et mon Père ». Bien loin de le respecter, les chefs de la nation se dirent : « Celui-ci est l’héritier ; venez, tuons-le, afin que l’héritage soit à nous », et c’est ce qu’ils firent. Que restait-il, sinon le jugement que d’ailleurs ils avaient prononcé eux-mêmes : « Le maître de la vigne fera périr misérablement ces méchants ? » (*).
(*) Matthieu 21:37-38 ; Jean 15:24. Nos lecteurs sont instamment priés de lire avec soin toutes les citations des Écritures. Le récit que nous leur présentons éclaircira pour eux les paroles prophétiques du Seigneur.
Bien des fois le Seigneur avait averti les Juifs du sort qui les attendait, s’ils le rejetaient. Mais ils ne voulurent pas venir à Lui pour avoir la vie. Ils refusèrent la grâce qu’il leur offrait. Le Sauveur voyait avec une profonde douleur leur endurcissement et les châtiments terribles qui en seraient la conséquence et qui allaient fondre sur le peuple et la cité qu’il aimait. Écoutons ses accents si tendres : « Jérusalem, Jérusalem », disait-il, « la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés, que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu ». Que devait-il résulter de ce refus de venir à Christ ? Le Seigneur le dit : « Voici, votre maison vous est laissée déserte ». Quelle était cette maison ? Le temple qui allait cesser d’être la maison de Dieu et n’être plus que la maison d’un peuple rejeté de Dieu, maison vide de la présence de Celui qui en faisait la gloire. En effet, aussitôt après ces paroles, Jésus, qui était le Seigneur du temple, « sortit et s’en alla du temple » pour n’y plus rentrer (Matthieu 23:37-38 ; 24:1). C’en était fait ; le jugement était prononcé, et ne tarderait pas à être exécuté.
Les disciples du Seigneur n’avaient pas compris ses paroles. Ils étaient toujours remplis des pensées de gloire et de grandeur terrestres pour leur nation. Ils s’attendaient à ce que Jésus monterait sur son trône comme Fils de David et établirait son royaume. En sortant du temple, ils voulaient lui en faire admirer les magnifiques constructions et leur solidité. Mais le Seigneur leur répond : « Ne voyez vous pas toutes ces choses ? En vérité, je vous dis : il ne sera point laissé ici pierre sur pierre qui ne soit jetée à bas » (Matthieu 24:2).
Les malheureux Juifs consommèrent leur crime inouï. Ils firent crucifier Celui qui était venu leur apporter le salut. Le jugement de Dieu ne tomba pas sur eux immédiatement, car tandis qu’eux avaient crié contre Jésus : « Ôte, ôte ! Crucifie-le ! » Jésus, pendant qu’on le crucifiait, avait prié pour eux et dit : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » (Jean 19:15 ; Luc 23:34). Et à la prière de son Fils bien-aimé, Dieu avait prolongé le temps de sa patience.
Quarante années furent encore laissées à ce pauvre peuple pour se repentir. Le Seigneur leur envoya des messagers pour leur dire : « Tout est prêt ; venez aux noces » (Matthieu 22:4). C’étaient les apôtres et les évangélistes comme Étienne, qui à Jérusalem même, annoncèrent cette bonne nouvelle du pardon que Dieu voulait bien leur accorder pour l’amour de son Fils. « Je sais », leur disait Pierre, « que vous l’avez fait par ignorance, de même que vos chefs aussi ; mais Dieu a ainsi accompli ce qu’il avait prédit par la bouche de tous les prophètes, savoir que son Christ devait souffrir. Repentez-vous donc et vous convertissez, pour que vos péchés soient effacés » (Actes 3:17-19). Que firent-ils devant ces appels si pressants ? Quelques-uns crurent et furent sauvés, il est vrai, mais quant à la masse de la nation, ses chefs en tête, le Seigneur nous dit, dans la parabole des noces, comment ils accueillirent son invitation : « Eux, n’en ayant pas tenu compte, s’en allèrent, l’un à son champ, et un autre à son trafic ; et les autres, s’étant saisis de ses esclaves, les outragèrent et les tuèrent » (Matthieu 22:5-6). Nous avons vu, en nous occupant des premiers temps de l’Assemblée, comment ces paroles se réalisèrent. Les apôtres battus et jetés en prison, Étienne lapidé, Jacques décapité, Paul persécuté avec acharnement, montrent l’incrédulité des Juifs et leur haine contre le nom de Jésus. « La colère de Dieu était venue sur eux au dernier terme » (1 Thessaloniciens 2:16), et la sentence allait être exécutée : « Le roi fut irrité, et ayant envoyé ses troupes, il fit périr ces meurtriers-là et brûla leur ville » (Matthieu 22:7). Jésus, étant proche de la ville, et la voyant, avait pleuré sur elle, disant : « Si tu eusses connu, toi aussi, au moins en cette tienne journée, les choses qui appartiennent à ta paix ! mais maintenant elles sont cachées devant tes yeux. Car des jours viendront sur toi, où tes ennemis t’entoureront de tranchées, et t’environneront, et te serreront de tous côtés, et te renverseront par terre, toi et tes enfants au-dedans de toi ; et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as point connu le temps de ta visitation » (Luc 19:42-44). Tout cela s’accomplit avec la plus minutieuse exactitude. Car la parole de Dieu est ferme, elle « demeure à toujours » ; et le Seigneur Jésus a dit : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront point » (Luc 21:33).
Nous allons voir comment le jugement de Dieu sur les Juifs s’exécuta. Des historiens romains, et en particulier Tacite, nous ont laissé quelques détails sur la guerre de Judée, mais celui qui nous rapporte le plus complètement les événements de cette période de douleurs et de calamités sans égales, est l’historien juif Josèphe qui en fut le témoin oculaire. Nommé gouverneur de la Galilée par les Juifs révoltés contre les Romains, il avait soutenu un long siège dans la ville de Jotopata, avait été fait prisonnier et se trouvait avec le général romain qui assiégeait Jérusalem, lui servant d’intermédiaire et d’interprète auprès de ses malheureux compatriotes.
Les Juifs avaient toujours supporté avec impatience la domination des Romains. Ils ne voulaient pas comprendre qu’ils leur étaient assujettis à cause de leurs péchés, dont ils auraient dû s’humilier, et ne rêvaient qu’un Messie guerrier et conquérant. C’est ce qui les fit mépriser et rejeter un Sauveur humble et débonnaire qui leur prêchait la repentance, et écouter des imposteurs qui les conduisirent à la ruine.
Bien des fois il y avait eu des révoltes partielles (Actes 5:36-37 ; 21:38). De faux messies s’étaient élevés et avaient entraîné après eux des partisans. Les Romains avaient étouffé dans le sang ces tentatives d’insurrection. Voici ce qui amena la révolte générale et finale, pour l’exécution du jugement de Dieu et l’accomplissement des paroles du Seigneur.
Des troubles et des rixes sanglantes avaient eu lieu à Césarée entre les Grecs et les Juifs. Ces derniers en avaient appelé à Gessius Florus, procurateur de Judée, et lui avaient envoyé une somme de huit talents, afin de se le rendre favorable. Florus garda l’argent, mais ne fit rien pour les Juifs. Au contraire, il traita avec le plus grand mépris et fit jeter en prison plusieurs des principaux Juifs de Césarée, venus auprès de lui pour revendiquer leurs droits. En même temps, il exigeait des habitants de Jérusalem une somme considérable, sous prétexte que l’empereur en avait besoin.
Ses demandes furent repoussées avec dédain par les Juifs de Jérusalem qui avaient appris le traitement dont avaient été victimes ceux de Césarée. Le nom de Florus fut couvert d’insultes. Irrité, il marcha contre la ville avec des troupes, et le peuple effrayé se soumit aussitôt. Mais Florus semblait décidé à pousser à bout les Juifs et à les forcer à la révolte. Il donna ordre à ses soldats de piller la ville et de tuer quiconque résisterait. Plusieurs Juifs, même d’entre ceux qui ne firent point de résistance, furent ainsi mis à mort. Alors l’avide procurateur, ayant fait entrer dans Jérusalem un plus grand nombre de troupes, se mit en devoir de piller le trésor du temple. Pour empêcher cette profanation et arrêter les soldats dans leur tentative, le peuple, soulevé, fit pleuvoir sur eux, des fenêtres et du haut des maisons, une grêle de pierres. Florus, devant cette résistance, abandonna son entreprise et se retira avec le butin qu’il avait fait.
Les chefs du peuple juif se trouvant ainsi accablés sous la tyrannie de cet homme dur et injuste, en appelèrent au gouverneur de Syrie, Cestius Gallus, sous les ordres duquel se trouvait Florus. Mais sur ces entrefaites, un événement eut lieu qui alluma définitivement la guerre entre les Romains et les Juifs. Nous lisons au chapitre 5 des Actes, que Gamaliel, prenant la défense des apôtres devant le sanhédrin, parla d’un certain Judas le Galiléen, qui avait entraîné à la révolte un grand peuple. Ce Judas prêchait la guerre contre les Romains et déclarait qu’on ne devait plus leur payer d’impôts. Il fut tué dans un combat, mais son parti, dispersé pour un temps, releva la tête sous les ordres de son fils et poussa le peuple à résister aux Romains par les armes. Il y avait bien aussi un parti qui aurait voulu la paix, mais le parti de la guerre prévalut et commença les hostilités par un acte de trahison insigne. Florus, en quittant Jérusalem, y avait laissé une garnison. Attaqués par les Juifs, les soldats romains, après une vigoureuse résistance, furent forcés de se rendre. Ils le firent, sous la promesse solennelle de la part des Juifs qu’ayant déposé leurs armes, ils pourraient quitter Jérusalem. Mais à peine désarmés, au mépris de la foi jurée, les Juifs se jetèrent sur eux et les tuèrent tous, sauf un seul qui demanda grâce. Cette perfidie détruisit toute espérance de paix. En même temps, les païens à Césarée se ruèrent sur les Juifs et en tuèrent vingt mille. De toutes parts, on prit les armes et la révolte devint générale. Pour la réprimer, Cestius Gallus s’avança avec une armée.
Nous voyons ainsi l’aveuglement terrible auquel Dieu abandonnait ce malheureux peuple et qui le précipitait vers sa ruine, en appelant sur lui les coups de ces redoutables Romains, maîtres alors du monde. Sans le savoir, ceux-ci étaient les armées du grand Roi qui allait venger l’insulte faite à son Fils bien-aimé (Matthieu 21:38-39 ; 22:7).
Cestius Gallus, après s’être emparé de plusieurs villes révoltées de la Palestine, marcha enfin contre Jérusalem. L’attaque commença, et les Romains se rendirent bientôt maîtres d’une partie de la ville. Ils se mettaient en devoir d’abattre la seconde muraille, et les assiégés pressés de si près, étaient dans la plus grande consternation, lorsque sans raison apparente Cestius Gallus fit retirer ses troupes. Cette retraite devint pour les Romains un véritable désastre. Les Juifs enhardis se précipitèrent hors de la ville à leur poursuite. Les Romains, obligés de passer dans le défilé étroit de Beth-Horon, y furent écrasés sous une grêle de pierres par les Juifs qui occupaient les hauteurs. Près de 6000 hommes périrent, et Cestius lui-même n’échappa qu’à grand-peine. Les Juifs rentrèrent à Jérusalem en triomphe et chargés de butin.
Comment expliquer ce fait ? Nous avons là encore l’accomplissement d’une parole du Sauveur. Il avait dit à ses disciples : « Quand vous verrez Jérusalem environnée d’armées, sachez alors que sa désolation est proche. Alors, que ceux qui sont en Judée s’enfuient dans les montagnes ; et que ceux qui sont au milieu de Jérusalem s’en retirent ; et que ceux qui sont dans les campagnes n’entrent pas en elle. Car ce sont là des jours de vengeance ; afin que toutes les choses qui sont écrites soient accomplies » (Luc 21:20-22). Obéissant à ces paroles, les chrétiens, grâce au répit que leur donna la retraite de Cestius, sortirent de Jérusalem et se retirèrent à Pella, de l’autre côté du Jourdain. Rien ne restait donc à Jérusalem qui pût arrêter le jugement de Dieu suspendu depuis si longtemps sur un peuple coupable.
Les Romains ne pouvaient laisser les Juifs se glorifier de leur victoire ; leur révolte devait être réprimée. L’empereur Néron envoya contre eux une armée de 60000 hommes, commandée par Vespasien, le plus habile de ses généraux. Les Juifs, dans l’intervalle, s’étaient fortifiés, avaient amassé des provisions, forgé des armes, et se préparaient à une résistance désespérée. Mais nous nous rappelons la prophétie du Seigneur : « Si tu eusses connu », disait-il en pleurant sur Jérusalem, « toi aussi, au moins en cette tienne journée, les choses qui appartiennent à ta paix ! mais maintenant elles sont cachées devant tes yeux. Car des jours viendront sur toi, où tes ennemis t’entoureront de tranchées, et t’environneront, et te serreront de tous côtés, et te renverseront par terre, toi et tes enfants au-dedans de toi ; et ils ne laisseront pas en toi pierre sur pierre, parce que tu n’as point connu le temps de ta visitation » (Luc 19:42 44).
Ces jours dont Jésus parle, étaient arrivés. Mais avant d’en venir au siège de Jérusalem, écoutons encore une autre partie des paroles prophétiques du Seigneur relatives à ces grands événements. Il disait aux apôtres : « Nation s’élèvera contre nation, et royaume contre royaume ; il y aura de grands tremblements de terre en divers lieux, et des famines et des pestes, et il y aura des sujets d’épouvantement et de grands signes du ciel » (Luc 21:10-11). Il avait dit aussi : « Avant toutes ces choses, ils mettront les mains sur vous, et vous persécuteront… et vous serez haïs de tous à cause de mon nom » (Luc 21:12-17). Nous avons vu précédemment qu’en effet, soit par les Juifs d’abord, puis à la fin du règne de Néron, les chrétiens furent horriblement persécutés.
Quant aux autres parties de la prophétie, les historiens anciens rapportent qu’à cette époque, des guerres civiles et étrangères sévirent partout. En moins de deux ans, quatre empereurs se succédèrent. Néron se tua ; son successeur Galba fut mis à mort par les légions révoltées ; Othon, qui suivit, se donna la mort, et Vitellius fut déchiré par la populace de Rome. Ces changements n’avaient pas lieu sans des luttes sanglantes. En même temps, les armées romaines combattaient les peuples de la Germanie. En Italie, en Crète et en Asie mineure, de violents tremblements de terre renversèrent des villes. Des famines sévirent en divers lieux sous l’empereur Claude (voir Actes 11:28). Des pestes désolèrent plusieurs contrées et particulièrement la Judée. Nous savons que du moment que le Seigneur l’avait dit, la chose devait avoir lieu, car « le ciel et la terre passeront, dit-il, mais mes paroles ne passeront point » (Luc 21:33). Mais il est frappant de voir ces historiens anciens, ennemis des chrétiens et ne connaissant rien de ce que Christ avait annoncé, rendre ainsi hommage à ses paroles.
Il en est de même pour ces « sujets d’épouvantement et les grands signes du ciel ». L’historien Josèphe rapporte qu’une étoile ou comète, avec une longue queue en forme de glaive, resta durant une année au-dessus de la cité. On vit dans le ciel, dit-il encore, des chariots et des troupes de soldats qui s’entrechoquaient et des armes étincelantes. Dans une autre occasion, l’autel parut durant une demi heure enveloppé d’une grande lumière qui ensuite s’éteignit. Les portes d’airain de la cour intérieure du temple, si pesantes qu’il fallait vingt hommes pour les mouvoir, s’ouvrirent d’elles-mêmes, ce que l’on regarda comme un signe que le temple ne serait plus protégé contre l’ennemi.
Tacite, l’historien romain, confirme ces faits. Il dit qu’un embrasement subit de nuages couvrit tout le temple de feux, et ajoute qu’une voix surnaturelle se fit entendre quand les portes s’ouvrirent et prononça ces paroles : « Les dieux s’en vont ». Un païen pouvait parler des dieux, mais, en effet, le peuple juif avait comblé la mesure de ses crimes, et Dieu l’avait abandonné. L’apôtre disait des Juifs : « Ils ont mis à mort et le Seigneur Jésus et les prophètes, ils nous ont chassés par la persécution… nous empêchant de parler aux nations, afin qu’elles soient sauvées, pour combler toujours la mesure de leurs péchés ; mais la colère est venue sur eux au dernier terme » (1 Thessaloniciens 2:15-16).
Dieu donnait ainsi par des signes manifestes, des avertissements à ce pauvre peuple. Il y en eut un surtout qui fit une profonde impression. Un homme nommé Jésus, fils d’Ananus, se mit à parcourir les rues de Jérusalem en criant : « Voix de l’orient, voix de l’occident, voix des quatre vents, voix contre Jérusalem et la sainte maison, voix contre tout ce peuple ! Malheur, malheur à Jérusalem ! » On se saisit de lui et on le battit pour le faire taire ; mais il ne cessa de crier : « Malheur, malheur à Jérusalem ! » Il fut amené devant le gouverneur romain qui lui demanda qui il était, d’où il venait, et pourquoi il proférait ces paroles ; mais on n’obtint de lui aucune autre réponse que ces mots : « Malheur, malheur à Jérusalem ! » Il fut cruellement frappé de verges sans que l’on pût tirer rien d’autre de lui. Enfin on le relâcha, le regardant comme un fou. Il avait commencé avant la révolte, alors que tout était en paix, et continua pendant quatre années. Pendant le siège, il ne cessa de faire entendre son cri, faisant le tour des murailles, insensible au danger, lorsqu’à un certain moment, après avoir dit : « Malheur à Jérusalem » il s’écria : « Malheur, malheur à moi ! » et il tomba mort, frappé d’une pierre lancée par les assiégeants. Mais tous les avertissements furent vains. S’il y avait dans Jérusalem des habitants qui auraient préféré se soumettre aux Romains, ceux qui voulaient la guerre à outrance les firent taire et précipitèrent le peuple dans la ruine prédite.
Vespasien et son fils Titus, après avoir pris et détruit les villes les plus importantes de la Judée, et passé au fil de l’épée ou vendu comme esclaves les habitants, se dirigèrent vers Jérusalem.
Trois partis se divisaient la ville. Ils se haïssaient d’une haine mortelle, et, avant l’arrivée des Romains, avaient rempli Jérusalem de sang. Les plus cruels, nommés les Zélotes, qui avaient pour chef Jean de Giscala, avaient fait périr 12000 des plus riches habitants de la ville, et, pour s’emparer du temple, avaient égorgé la garde qui occupait l’édifice sacré. Sans les Romains, la cité aurait péri des mains de ses enfants qui se dévoraient entre eux comme des bêtes féroces. Mais à l’approche des Romains, ils se réunirent contre l’ennemi commun.
Vespasien, ayant été nommé empereur, laissa le commandement à Titus qui commença le siège de la ville, dans le mois d’avril de l’an 70.
Les Romains s’occupaient à établir leurs retranchements, lorsque tout à coup les Juifs firent une sortie et les attaquèrent avec fureur. Les Romains surpris, furent mis en désordre ; plusieurs furent tués et Titus lui-même échappa à grand-peine. Il rallia cependant ses soldats, et, après un combat d’une journée, repoussa les Juifs dans la ville.
Titus continua les travaux de siège et résolut d’attaquer la partie septentrionale de la ville, nommée Bézétha, comme étant la moins fortifiée. Mais avant de raconter quelques particularités de ce siège mémorable, nous devons dire un mot des moyens qu’employaient les Romains pour s’emparer des villes, et comment les assiégés repoussaient leurs attaques.
Pour ébranler et renverser les murs, les Romains faisaient usage de machines nommées béliers. Elles se composaient d’une énorme poutre terminée à un bout par une puissante pièce en fer de la forme d’une tête de bélier. Cette poutre était suspendue par des cordes à une sorte d’échafaudage assez semblable à un portique de gymnastique, de manière à pouvoir être mise en mouvement. On la retirait en arrière au moyen de cordages, puis on la laissait aller, et elle frappait de tout son poids, augmenté de la vitesse de sa course, contre les murs que l’on voulait renverser. Les hommes qui faisaient mouvoir le bélier étaient abrités par une construction en planches, semblable à un hangar.
Indépendamment de ces machines de guerre, les Romains en avaient d’autres destinées à lancer contre les assiégés de grosses pierres et d’énormes flèches. Ils construisaient aussi des tours en bois recouvertes de fer ou de peau, et qui s’élevaient à une hauteur supérieure à celles des murailles. Ces tours étaient mobiles sur des roues, de sorte qu’on pouvait les faire avancer ou reculer et les porter du côté que l’on voulait. Des archers et des frondeurs en occupaient la plate-forme supérieure et de là, avec leurs traits, cherchaient à chasser les défenseurs des murailles et à protéger ceux des leurs qui manœuvraient les machines de guerre. La partie inférieure renfermait souvent un bélier, et des autres étages on pouvait lancer des ponts volants pour descendre sur les murs de la ville assiégée.
Nous voyons que si l’on ne connaissait pas les puissants et meurtriers engins de guerre que l’on emploie maintenant, le génie inventif de l’homme s’était déjà déployé dans ce champ terrible des luttes sanglantes qui ne prouvent que trop que le monde est sous la puissance de celui qui est meurtrier dès le commencement (Jean 8:44).
Les Juifs à leur tour ne manquaient pas de moyens de défense. Du haut des murailles, ils lançaient aussi des traits et des pierres pour écarter les assiégeants. Mais leur grand effort tendait à détruire les redoutables machines de guerre de leurs ennemis. Pour cela, tantôt ils creusaient des mines qui allaient jusqu’au-dessous du sol où reposaient les machines ; ils soutenaient la voûte de ces galeries souterraines avec des étais en bois, auxquels, avant de se retirer, ils mettaient le feu. Le sol s’effondrait quand les supports étaient consumés et entraînait les machines. D’autres fois, par des portes cachées, ils faisaient une sortie avec des torches allumées et des matières inflammables, et cherchaient à incendier les machines et les tours. Alors Titus lançait sur eux sa cavalerie et les refoulait dans leurs murs.
Titus attaqua donc d’abord la partie de la ville nommée Bézétha. Il mit en action trois béliers pour battre la muraille. En même temps, il fit avancer des tours, du haut desquelles des archers et des frondeurs accablaient de traits les défenseurs de la ville qui s’efforçaient d’entraver ses manœuvres. Sous les coups incessants des béliers, les murailles, bien que formées de pierres de onze mètres de longueur sur cinq et demi d’épaisseur, commencèrent à chanceler.
Enfin une brèche fut faite. Les Romains entrèrent, mais ne trouvèrent personne. Les Juifs s’étaient retirés derrière l’enceinte fortifiée qui fermait la seconde partie de la ville, ou ville basse.
Les machines de guerre furent amenées, et, en peu de jours, une brèche ayant été pratiquée, les Romains entrèrent dans cette seconde partie de la ville. Titus ne voulut pas d’abord en détruire les maisons, espérant toujours que les Juifs renonceraient à se défendre. Mais cette clémence faillit coûter cher à ses troupes. Les Romains, ayant pénétré dans les rues étroites et tortueuses de la ville, se virent assaillis par les juifs qui en connaissaient tous les détours. Titus prit des mesures pour empêcher le retour de semblables attaques et refoula les Juifs dans la troisième partie de la ville, ou ville haute.
C’est là que se trouvait le temple. En contemplant sa magnificence, Titus aurait voulu l’épargner ainsi que le reste de la cité. Il tenta d’engager les Juifs à se rendre, mais ses offres furent rejetées avec mépris. Il dut poursuivre le siège.
Tout ce qui restait des habitants de la ville se trouvait renfermé dans la ville haute. Bientôt la famine commença à se faire sentir. Des personnes riches donnaient tout ce qu’elles possédaient pour un peu de nourriture, et plusieurs moururent de faim. À cela vinrent s’ajouter les violences des brigands qui occupaient le temple et ses alentours. Ils s’étaient pourvus de vivres, mais quand ils virent leurs ressources leur manquer, ils se répandirent dans la ville pour enlever de force tout ce qu’ils pouvaient trouver. Quelqu’un était-il soupçonné de cacher des provisions, ils le mettaient à la torture jusqu’à ce qu’il les leur eût découvertes.
Toutes les affections naturelles disparaissaient dans cette misère horrible. Les parents arrachaient la nourriture à leurs enfants, et les enfants à leurs parents ; les maris l’enlevaient à leurs femmes, et les femmes à leurs maris. Une bande d’hommes armés qui parcouraient les rues de la ville, en quête d’aliments, furent attirés par l’odeur d’un mets que l’on faisait cuire. C’était dans la demeure d’une dame riche, de haute naissance, Marie, femme d’Éléazar. Ils entrent et exigent qu’on leur apporte cette nourriture qu’ils ont sentie. Marie s’avance vers eux, la tenant dans ses mains, mais ces hommes endurcis au mal défaillent en voyant les restes de son propre enfant dont elle avait mangé elle-même une partie. « Mangez », s’écria-t-elle, « puisque moi j’ai mangé ; ne soyez pas plus délicats qu’une mère. Mais si vous êtes trop religieux pour toucher un tel mets, laissez-m’en le reste ». Saisis d’horreur, ils s’enfuirent.
Quel accomplissement terrible de ce que la parole de Dieu avait prononcé contre Israël, s’il était rebelle ! Écoutons ce que disait Moïse, plus de quinze cents ans auparavant : « L’Éternel amènera contre toi, de loin, du bout de la terre, une nation semblable à l’aigle qui vole, une nation dont tu n’entends pas la langue, une nation au visage dur… ». Et elle t’assiégera dans toutes tes portes, jusqu’à ce que s’écroulent, dans tout ton pays, les hautes et fortes murailles en lesquelles tu te confiais ; et elle t’assiégera dans toutes tes portes, dans tout ton pays que l’Éternel ton Dieu t’a donné ». Combien tous les traits de cette prophétie sont frappants, quand on les compare avec ce qui se passait alors. Comme les Romains sont bien décrits, cette nation venue « de loin », dont la langue n’était pas « entendue » des Juifs, et dont « la dureté » envers leurs ennemis était bien connue. Mais écoutons la suite : « Et dans le siège et dans la détresse dont ton ennemi t’enserrera tu mangeras… la chair de tes fils et de tes filles… L’homme tendre et très délicat au milieu de toi regardera d’un œil méchant son frère et la femme de son cœur, et le reste de ses fils qu’il a conservés, pour ne donner à aucun d’eux de la chair de ses fils qu’il mangera… La femme tendre et délicate au milieu de toi, qui, par délicatesse et par mollesse, n’aurait pas tenté de poser la plante de son pied sur la terre,… les mangera en secret » (Deutéronome 28:49-57). Alors aussi se trouvaient justifiées les paroles que Jésus, marchant à la croix, disait avec douleur aux femmes qui le suivaient : « Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ; mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants ; car voici, des jours viennent, dans lesquels on dira : Bienheureuses celles qui n’ont point eu d’enfants ! » (Luc 23:28-29). Peut-être y avait-il dans Jérusalem des femmes qui avaient entendu ces paroles et qui pouvaient s’en souvenir. « C’est une chose terrible que de tomber entre les mains du Dieu vivant ! » (Hébreux 10:31).
Plusieurs des malheureux habitants de Jérusalem tentaient-ils de sortir de la ville pour chercher quelque nourriture, saisis par les soldats de Titus, ils étaient crucifiés en vue des murs pour frapper de terreur les assiégés et les amener à capituler. Plus de cinq cents de ces misérables furent crucifiés en un seul jour. Si grand fut le nombre de ceux qui, poussés par la famine, bravaient le danger et furent pris, que le bois vint à manquer pour cette œuvre de mort. Mais loin d’amener les Juifs à se rendre, ces rigueurs ne faisaient que les exaspérer davantage, et s’il y en avait qui faiblissaient, on les traînait sur les murs et on leur montrait ce qu’il fallait attendre de la miséricorde romaine.
Titus était donc arrivé à la troisième enceinte, à un angle de laquelle s’élevait la tour Antonia qui défendait le temple. Il fit avancer ses machines de guerre et les plaça en quatre points différents. Tout était prêt pour une vigoureuse attaque, qu’on espérait être la dernière. Les soldats n’attendaient que le signal du général, lorsque tout à coup le sol s’ébranla comme sous l’effet d’un tremblement de terre, puis s’enfonça en entraînant les machines de guerre. Le terrain avait été miné par les Juifs qui, voyant tomber les tours et les béliers, se précipitèrent en masse hors des portes avec des torches allumées pour brûler tout ce qu’ils pourraient. Ils attaquèrent les Romains avec une telle furie, que ceux-ci commencèrent à lâcher pied. Titus accourut, rallia ses troupes et repoussa les Juifs dans la ville. Mais les Romains furent très découragés par cet échec.
Le général romain convoqua un conseil de guerre dans lequel on résolut de réduire les Juifs par la famine. Toute l’armée se mit à l’œuvre, et, en trois jours, un mur de circonvallation de six kilomètres et demi, avec treize tours, fut élevé. « Des jours viendront sur toi, où tes ennemis t’entoureront de tranchées, et t’environneront, et te serreront de tous côtés », avait dit le Seigneur Jésus (Luc 19:43).
Aussitôt après ce grand travail, le général romain fit construire de nouvelles machines. Les Juifs ayant encore tenté de les détruire par des travaux souterrains, une partie du mur de la ville que ces travaux avaient ébranlée, s’écroula, ouvrant une large brèche par laquelle les Romains se précipitèrent. Ils se trouvèrent en face d’une autre muraille, mais ayant été construite à la hâte, elle céda bientôt, et, de cette manière, les Romains se rendirent maîtres de la tour Antonia.
Titus voulait conserver le temple. Il fit demander aux Juifs de l’évacuer, promettant solennellement que ses troupes ne le souilleraient pas. Mais les chefs avaient déjà mis à mort les sacrificateurs, bu le vin consacré et consommé les aliments que renfermait l’édifice sacré dont ils ne se souciaient pas. Titus et Josèphe firent un dernier appel aux Juifs ; tous, sauf ceux-ci, désiraient épargner le temple. Titus s’écria : « J’en prends à témoin vos dieux, toute mon armée, les Juifs qui sont avec moi et vous-mêmes, que je ne vous oblige pas à ce crime ». Tout fut inutile. Et comment en aurait-il été autrement ? La parole du Seigneur devait s’accomplir : « Il ne restera pierre sur pierre qui ne soit jetée à bas » (Luc 21:6).
Les cours et les portiques du temple furent attaqués et brûlés ; mais Titus était décidé à épargner le temple même. Le 10 août était arrivé, anniversaire du jour où, environ 650 ans auparavant, le premier temple avait été détruit par le roi de Babylone. Titus avait établi son quartier général dans la tour Antonia et prenait quelque repos, remettant le dernier assaut au lendemain, lorsqu’un cri se fait entendre : un soldat se précipite dans la chambre du général et lui annonce que le temple est en feu. Après le départ de Titus, quelques soldats avaient attaqué des Juifs qui se défendaient encore dans les parvis, et l’un d’eux, monté sur les épaules d’un camarade, avait atteint une des fenêtres du temple et avait jeté dans l’intérieur une torche allumée. Bientôt l’édifice entier fut en flammes.
Titus se hâta d’accourir. Il commanda à ses soldats d’éteindre l’incendie, mais, ou ils ne l’entendirent pas au milieu du bruit et de la confusion, ou ils refusèrent de l’écouter. Un grand nombre de Juifs s’étaient réfugiés dans le temple comme dans une retraite sacrée. Tous furent égorgés. Des ruisseaux de sang coulaient dans l’édifice saint. Titus y pénétra et fut ébloui par la magnificence de l’intérieur. L’or dont étaient faits les ustensiles et qui couvrait les murs, reflétait les flammes et ajoutait à la grandeur et à l’horreur du spectacle. Le lieu saint était encore intact. Titus fit un dernier effort pour le sauver, mais en vain. Les soldats n’écoutèrent pas sa voix. Un plus grand que Titus, Dieu lui-même, devait être obéi. Le lieu saint fut aussi la proie des flammes. Les saints ustensiles, la table des pains de proposition, le chandelier à sept branches, en furent emportés. On les voit, portés par les soldats, dans les bas-reliefs qui ornent l’arc de triomphe élevé à Rome en l’honneur de Titus, et qui représentent son entrée dans la ville au retour de sa victorieuse expédition. Après tant de siècles, ce monument, resté debout, rappelle non seulement la gloire du général romain, mais, par-dessus tout, la fermeté des jugements de Dieu.
Il restait cependant encore une partie des bâtiments qui attenaient au temple. Environ 6000 Juifs s’y étaient amassés, séduits par un faux prophète qui leur avait assuré qu’au dernier moment Dieu interviendrait. Mais Christ, le vrai prophète, que la nation avait rejeté (*), avait annoncé que tout serait renversé. Sa parole fut accomplie, ainsi que celle de Moïse. Tous périrent. Sur les ruines du temple, l’armée romaine offrit des sacrifices à ses dieux et salua Titus empereur, c’est-à-dire général victorieux.
(*) Comparer Deutéronome 18:18-19, et Actes 3:22-23.
La ville haute, protégée par une enceinte munie de trois tours très fortes, restait au pouvoir des Juifs, commandés par Jean et Simon. Ce ne fut que le 7 septembre, près d’un mois après la destruction du temple, que cette dernière partie de Jérusalem tomba entre les mains des Romains. Les deux chefs des Juifs s’enfuirent par des passages souterrains, dans l’espoir de sauver leurs vies ; les autres, découragés et mourant de faim, n’offrirent qu’une faible résistance. Les vainqueurs tuèrent d’abord tous ceux qu’ils trouvèrent, jusqu’à ce que leurs bras fussent lassés du carnage ; ensuite, ils ne mirent à mort que les infirmes et épargnèrent les autres. La ville fut rasée, à l’exception de trois fortes tours qu’on laissa debout comme monuments des difficultés du siège et de la valeur des assiégeants.
Ceux des Juifs qui restaient en vie, furent triés comme du bétail. Les principaux furent mis à mort ; les plus beaux hommes furent réservés pour orner le triomphe de Titus, quand il entrerait à Rome ; plusieurs furent destinés aux travaux des mines, d’autres à combattre dans les provinces comme gladiateurs contre les bêtes féroces, pour l’amusement du peuple. En l’honneur de la fête de l’empereur Domitien, deux mille cinq cents périrent ainsi. Enfin, un grand nombre furent vendus comme esclaves ; mais on les haïssait et on les méprisait tellement, que beaucoup d’entre eux ne trouvèrent pas d’acquéreurs. Un million cent mille Juifs perdirent la vie dans le siège de Jérusalem, par les armes, la famine et les maladies. Ce nombre considérable vient de ce que beaucoup de gens des campagnes s’étaient réfugiés dans la ville, qui, d’un autre côté, était remplie de ceux que la fête de Pâque y avait amenés et qui ne purent retourner chez eux. On estime que, durant cette effroyable guerre — guerre sans merci — treize cent mille Juifs périrent. Quatre-vingt-dix-sept mille furent faits captifs et traités comme nous l’avons dit.
Ainsi périt, au milieu de calamités sans exemple dans l’histoire, la cité chérie, la ville du grand Roi, vouée à la destruction à cause de ses péchés et pour n’avoir pas connu le temps de sa visitation, quand son Messie, le Christ, vint chez elle. Les Juifs le rejetèrent et le mirent à mort. Et maintenant, ce qu’il avait dit s’était accompli : « Ils tomberont sous le tranchant de l’épée, et seront menés captifs parmi toutes les nations » (Luc 21:24). Moïse aussi, quinze siècles auparavant, avait annoncé leur triste sort. Lisez avec attention ses paroles : « Vous resterez un petit nombre d’hommes, au lieu que vous étiez comme les étoiles des cieux en multitude ; parce que tu n’as pas écouté la voix de l’Éternel, ton Dieu… Vous serez arrachés de dessus la terre où tu vas entrer pour la posséder. Et l’Éternel te dispersera parmi tous les peuples, d’un bout de la terre jusqu’à l’autre bout de la terre… Et parmi ces nations tu n’auras pas de tranquillité » (Deutéronome 28:62-65). Avec quelle merveilleuse exactitude toutes les paroles de Dieu ne se sont-elles pas accomplies, et ne s’accomplissent-elles pas encore aujourd’hui !
Mais les paroles mêmes du Seigneur laissent une porte ouverte à l’espérance. « Jérusalem », avait-il dit, « sera foulée aux pieds par les nations, jusqu’à ce que les temps des nations soient accomplis ». C’est ce qui a lieu maintenant. Mais le jour viendra où Dieu se retournera en faveur de son peuple qu’il ne saurait oublier. Les temps où les nations ont l’empire auront fini leur cours, et la prophétie de Jérémie s’accomplira : « L’Éternel m’est apparu de loin : Je t’ai aimée d’un amour éternel ; c’est pourquoi je t’attire avec bonté. Je te bâtirai encore, et tu seras bâtie, vierge d’Israël… Car il y a un jour auquel les gardes crieront sur la montagne d’Éphraïm : Levez-vous, et nous monterons à Sion, vers l’Éternel, notre Dieu… Faites éclater la louange, et dites : Éternel, sauve ton peuple, le reste d’Israël. Voici, je les fais venir du pays du nord, et je les rassemble des extrémités de la terre… tous ensemble,— une grande congrégation : ils retourneront ici. Ils viendront avec des larmes, et je les conduirai avec des supplications ; je les ferai marcher vers des torrents d’eaux par un chemin droit ; ils n’y trébucheront pas… Nations, écoutez la parole de l’Éternel, et annoncez-la aux îles éloignées, et dites : Celui qui a dispersé Israël le rassemblera et le gardera comme un berger son troupeau… Et ils viendront et exulteront avec chant de triomphe sur les hauteurs de Sion, et ils afflueront vers les biens de l’Éternel, au blé, et au moût, et à l’huile, et au fruit du menu et du gros bétail… Mon peuple sera rassasié de mes biens » (Jérémie 31:3-14). Telles sont les merveilleuses promesses que Dieu a en réserve pour son peuple. « Il y a espoir pour ta fin », dit-il (vers. 17).
Sur quelle base l’Éternel répandra-t-il ces bénédictions ? Ce sera en vertu du sang de Christ, que les pauvres Juifs aveuglés ont versé. C’est « le sang de la nouvelle alliance » (Matthieu 26:28). Et voici quelle sera cette nouvelle alliance que Dieu traitera avec son peuple : « Voici, des jours viennent, dit l’Éternel, et j’établirai avec la maison d’Israël et avec la maison de Juda une nouvelle alliance, non selon l’alliance que je fis avec leurs pères, au jour où je les pris par la main pour les faire sortir du pays d’Égypte, mon alliance qu’ils ont rompue… Car c’est ici l’alliance que j’établirai avec la maison d’Israël, après ces jours-là, dit l’Éternel : je mettrai ma loi au-dedans d’eux, et je l’écrirai sur leur cœur, et je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple ; et ils n’enseigneront plus chacun son prochain, et chacun son frère, disant : Connaissez l’Éternel ; car ils me connaîtront tous, depuis le petit d’entre eux jusqu’au grand, dit l’Éternel ; car je pardonnerai leur iniquité, et je ne me souviendrai plus de leur péché » (Jérémie 31:31-34).
Voilà ce que l’Éternel réserve à son peuple d’Israël qu’il n’a pas rejeté pour toujours (Romains 11:1 2). « Les fils d’Israël retourneront et rechercheront l’Éternel, leur Dieu, et David, leur roi, et se tourneront avec crainte vers l’Éternel et vers sa bonté, à la fin des jours » (Osée 3:5). Nous comprenons sans peine de qui parle le prophète, en disant David, leur Roi. C’est de Jésus, de Celui qu’ils ont percé, ainsi que Dieu le dit par Zacharie : « Je répandrai sur la maison de David et sur les habitants de Jérusalem un esprit de grâce et de supplications ; et ils regarderont vers moi, Celui qu’ils auront percé » (Zacharie 12:10).
En ce temps-là, « la ville sera bâtie à l’Éternel… elle ne sera plus arrachée ni renversée, à jamais ». « Tu appelleras tes murs Salut, et tes portes Louange ». Et le nom de la ville, dès ce jour-là sera « L’Éternel est là » (Jérémie 31:38, 40 ; Ésaïe 60:18 ; Ézéchiel 48:35).
Ces choses n’ont pas encore été accomplies, les Juifs sont encore dispersés, et Jérusalem est toujours foulée aux pieds par les nations. Mais toutes les paroles de Dieu auront leur réalisation : « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » a dit le Seigneur.
L’Assemblée, l’Église, avait commencé à Jérusalem. Elle se composait d’abord uniquement de Juifs convertis au Seigneur Jésus. Ces croyants d’entre les Juifs étaient restés attachés au temple et aux cérémonies de la loi (Actes 21:20). Ils n’avaient pas compris que Christ étant venu, cet ancien ordre des choses devait disparaître, comme n’étant que l’ombre de tout ce que Christ apportait (Hébreux 10:1). La destruction de Jérusalem et du temple vint briser ces liens qui les retenaient encore attachés au judaïsme, mais auparavant, dans sa tendre bonté, le Seigneur leur avait adressé, très probablement par le moyen de l’apôtre Paul, une lettre, l’épître aux Hébreux, où il leur montrait Christ dans le ciel, le Fils de Dieu, remplaçant d’une manière infiniment excellente tout ce que la loi donnait. Nous apprenons, dans cette belle épître, qu’Il est la victime parfaite offerte une fois pour toutes pour ôter nos péchés ; Il est le grand souverain sacrificateur paraissant pour nous dans le ciel devant Dieu et intercédant pour nous ; il nous ouvre, par son sang, l’accès du sanctuaire céleste où Il est entré comme notre précurseur ; le ciel est ainsi la patrie vers laquelle nous marchons, les yeux fixés vers Jésus, le grand capitaine de notre salut, qui a vaincu nos ennemis et nous a montré le chemin. Tout cela ne vaut-il pas mieux qu’un temple, un culte et des cérémonies terrestres ? Tandis que tout ce qui est terrestre passe et prend fin, « Jésus Christ est le même, hier, et aujourd’hui, et éternellement ». Aussi l’apôtre termine-t-il en exhortant les croyants hébreux, et nous aussi, à sortir « vers Jésus hors du camp, portant son opprobre ; car nous n’avons pas ici de cité permanente, mais nous recherchons celle qui est à venir » (Hébreux 13:8, 13, 14). Les croyants hébreux ayant ainsi reçu ces divines assurances et ces précieuses consolations, pouvaient abandonner sans regret ce qui n’était que passager et allait être détruit, et saisir un royaume qui ne peut être ébranlé. Ils avaient une espérance céleste de biens éternels. Aussi, après la destruction de Jérusalem, les assemblées composées de chrétiens juifs, perdirent leur caractère mélangé, et il n’y eut plus extérieurement « ni Juifs, ni Grecs ».
Mais si, par la grâce de Dieu, les chrétiens avaient trouvé une abondante consolation dans la certitude des bénédictions célestes, les malheureux Juifs n’en avaient aucune. Ils ne pouvaient renoncer à une ville et à une terre qui leur étaient si chères. Attendant toujours un Messie libérateur et conquérant, ils se rallièrent encore une fois et tentèrent de rebâtir Jérusalem. Pour les empêcher de reconstituer leur nationalité, l’empereur Adrien voulut élever dans cette ville un temple à Jupiter. Alors éclata une terrible insurrection des Juifs, sous la conduite du faux prophète Barcochébas, qui prétendait être l’étoile annoncée par Balaam (Nombres 24:17). La révolte fut étouffée dans le sang. Près de 600000 Juifs périrent. Adrien établit à Jérusalem une colonie romaine et donna à la ville le nom d’Aelia Capitolina. Il fut défendu aux Juifs, sous peine de mort, d’y entrer, et même de la contempler de loin. Ce fut la fin de la nation juive dans sa terre pour de longs siècles. Ils subsistent toujours, un peuple à part, la plupart encore dispersés.
Plus tard, un empereur romain, nommé Julien l’Apostat, parce qu’il avait été chrétien au moins de nom, et qu’il avait renoncé au christianisme pour embrasser le paganisme, plein de haine contre Christ et les chrétiens, voulut faire mentir les prophéties et les paroles de Dieu en rétablissant Jérusalem et le temple. Il adressa un appel aux Juifs, les invitant à venir concourir à cette œuvre. Dieu arrêta cette entreprise impie. Rien ne peut annuler la parole de Dieu.
Avant de continuer l’histoire de l’Assemblée, nous dirons quelques mots sur les apôtres Jacques et Jean. Nous avons déjà parlé de Pierre et de Paul, et ce que nous savons des autres apôtres, en dehors de ce que dit l’Écriture, est trop incertain pour être mentionné.
L’apôtre Jacques dont nous parlons ici, n’est pas le frère de Jean. Celui-ci avait été mis à mort par le roi Hérode (Actes 12). Mais l’autre Jacques, fils d’Alphée, était aussi au nombre des apôtres choisis par le Seigneur. Nous le trouvons mentionné aux chapitres 15 et 21 des Actes et dans l’épître de Paul aux Galates (chapitre 2). Dans ces différents endroits, nous le voyons occuper une place éminente dans l’assemblée de Jérusalem. Avec Pierre et Jean, il était considéré comme une colonne, c’est-à-dire le soutien de l’assemblée (Galates 2:9). Comme les autres, il était resté attaché aux cérémonies de la loi judaïque ; mais il avait un cœur large et, dirigé par l’Esprit Saint, c’est lui qui le premier donna l’avis de ne pas obliger les chrétiens d’entre les nations à observer la loi. C’était un homme humble ; nous le voyons dans la salutation qui est au commencement de l’épître qu’il écrivit aux douze tribus d’Israël dans la dispersion. Bien qu’il fût frère du Seigneur selon la chair (Galates 1:19) et apôtre, il prend seulement le titre « d’esclave de Dieu et du Seigneur Jésus Christ ». Il savait que si « Dieu résiste aux orgueilleux, il donne la grâce aux humbles » (Jacques 1:1 et 4:6). En même temps, il était d’une piété très grande et marchait dans la sainteté et la justice devant Dieu, de sorte qu’on l’avait surnommé le Juste. On voit dans son épître comment il exhorte les chrétiens à montrer la réalité de leur foi par leurs œuvres, en étant patients dans la souffrance, en ne faisant pas acception de personnes, en veillant sur leurs paroles, en ayant une vraie sagesse, pure, paisible, pleine de miséricorde et de bons fruits, en fuyant les convoitises du monde et en vivant dans la dépendance de Dieu et dans la prière persévérante, en attendant la venue du Seigneur.
Ce qu’il disait, il le pratiquait. Aussi tous, chrétiens et Juifs, avaient pour lui un profond respect, et bien des âmes étaient gagnées à Christ par ses exhortations appuyées par la sainteté de sa vie. Cela excita au plus haut point la jalousie et la haine des scribes et des pharisiens, comme ç’avait été le cas pour son Maître, le Seigneur Jésus. Voyant qu’un si grand nombre de personnes étaient amenées par lui à reconnaître Jésus comme Seigneur et Christ, ils résolurent de le faire périr. Voici la tradition raconte à ce sujet.
Pour accomplir leur dessein, ils vinrent le trouver et lui dirent : « Nous te prions d’arrêter le peuple, car tous vont après Jésus, comme s’il était le Christ. Parle-lui, afin qu’il ne s’égare pas. Dis à tous ceux qui viennent à la fête de Pâque ce qui concerne Jésus ». Jacques consentit à leur désir, et ils le conduisirent sur le faîte du temple, afin que tous pussent l’entendre. Alors ils lui dirent « Ô juste, aux paroles duquel nous devons prêter l’oreille, dis-nous quelle est la doctrine de Jésus ». Il répondit. « Pourquoi me demandez-vous ce qui concerne le Fils de l’homme ? Il est assis dans le ciel et à la droite de la puissance, et doit en revenir sur les nuées ». Plusieurs dans la foule furent convaincus et glorifièrent Dieu en s’écriant : « Hosanna au fils de David ! » Mais les ennemis de Jacques, remplis de fureur, précipitèrent le serviteur de Dieu du haut du temple, et, comme il vivait encore, ils le lapidèrent, tandis que, suivant l’exemple de son divin Maître, il priait pour eux. C’était vers l’an 66. L’historien Josèphe regarde la destruction de Jérusalem comme un châtiment infligé aux Juifs à cause du meurtre de celui que même parmi eux on appelait le Juste.
Jean, « le disciple que Jésus aimait », survécut à tous les autres apôtres. Le Seigneur aime tous ceux qui sont à Lui (Jean 13:1), mais il honorait Jean d’une affection spéciale qui était pour ce dernier son plus beau titre de gloire et pour son cœur le bien le plus précieux. Aussi, dans son évangile, aime-t-il à se désigner ainsi. Jésus lui donna de son amour un gage bien touchant. C’est à lui que, sur la croix et devant ensuite quitter la terre, il confia sa mère. Marie était au pied de la croix, l’âme saisie de douleur en voyant les souffrances de son Fils rejeté par Israël (*) ; à côté d’elle se tenait « le disciple que Jésus aimait », que son amour pour son divin Maître avait ramené sur cette scène de douleur. Et Jésus dit à sa mère : « Femme, voilà ton fils », et au disciple : « Voilà ta mère ». Héritage précieux pour Jean ! Et quelle délicatesse d’affection envers sa mère ! Le Seigneur savait que ce qui la consolerait mieux, serait d’être avec celui qu’il aimait. « Et dès cette heure-là, le disciple la prit chez lui ». On ignore combien de temps Marie vécut encore sur la terre, entourée des soins de Jean. Elle est nommée pour la dernière fois dans le premier chapitre du livre des Actes.
Quant à Jean, Paul le mentionne comme étant encore à Jérusalem vers l’an 50 (Galates 2:9). Selon Irénée, auteur chrétien du 2° siècle et qui, dans sa jeunesse, avait connu des personnes qui avaient vécu avec Jean, l’apôtre se fixa plus tard à Éphèse d’où il visitait les assemblées voisines.
(*) « Et même une épée transpercera ta propre âme », avait dit Siméon à Marie, lorsqu’il tenait le petit enfant entre ses bras.
Jean parvint à un âge très avancé ; il mourut dans sa centième année. Cette longue vie faisait penser à ses amis qu’il ne verrait pas la mort, mais resterait jusqu’au jour de Jésus, se fondant sur les paroles du Seigneur à Pierre : « Si je veux qu’il demeure jusqu’à ce que je vienne, que t’importe ? ». L’apôtre ajoute : « Cette parole donc se répandit parmi les frères, que ce disciple-là ne mourrait pas », mais il corrige cette pensée en disant : « Jésus ne lui avait pas dit qu’il ne mourrait pas » (Jean 21:22-23). Il mourut en effet à Éphèse, mais durant sa longue carrière il put veiller sur les assemblées, les édifier par ses enseignements et combattre les erreurs que les faux docteurs introduisaient dans l’Église. Il put aussi voir se former le recueil des saints écrits du Nouveau Testament, auxquels plus tard, furent ajoutés les siens — son évangile, ses épîtres et l’Apocalypse. Il écrivit ces livres dans les dernières années de sa vie, vers l’an 95 et 96, près de trente ans après que Jude eut écrit son épître, et il fut ainsi le dernier des écrivains sacrés.
Nous dirons un mot des écrits du disciple que Jésus aimait. Il est important d’avoir la connaissance des « saintes lettres », qui peuvent rendre sage à salut, et pour les comprendre rien n’est utile comme d’avoir un sommaire de ce que chaque livre des Écritures renferme (*).
(*) Lire 2 Timothée 1:13-14
Jean, dans son évangile, nous présente la même divine et adorable personne dont nous parlent Matthieu, Marc et Luc, c’est-à-dire le Seigneur Jésus Christ, mais c’est dans son caractère de Fils unique et éternel de Dieu, Dieu lui-même, devenu un homme ici-bas pour nous révéler, dans sa Personne, ses actes et ses paroles, Dieu son Père, qui est aussi le nôtre (*). L’évangile de Jean nous parle beaucoup de la vie éternelle, manifestée dans le Fils de Dieu qui est la vie. Cette vie est donnée à ceux qui croient en Lui. Ceux-là sont nés de Dieu ; ils sont enfants de Dieu, et ont la vie éternelle. Aussi Jean, à la fin de son évangile, nous dit-il le but qu’il s’est proposé en l’écrivant : « Ces choses sont écrites afin que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et qu’en croyant vous ayez la vie par son nom ». Dans cet évangile nous trouvons aussi la promesse du Seigneur d’envoyer à ses disciples le Saint Esprit, pour demeurer éternellement avec eux, les conduire dans toute la vérité et les faire jouir des choses célestes en Christ (**).
(*) Lire Jean 1:1, 14, 18 ; 14:7-11 ; 20:17
(**) Jean 1:4-5 ; 11:25 ; 14:6 ; 3:15, 16, 36 ; 5:24 ; 6:40 ; 1:12, 13 ; 14:16, 17, 26 ; 16:13.
Combien il est beau et précieux de contempler ainsi le Fils de Dieu, manifestant sur la terre la vie et le caractère de Dieu, en amour et en sainteté, car la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ. Puissent nos cœurs s’attacher à cette personne divine qui s’est abaissée jusqu’à nous ! Écoutons les enseignements qu’il donne à Nicodème venu à Lui de nuit, et à qui il montre la nécessité d’une nouvelle nature pour connaître les choses de Dieu, et dont en même temps il dirige les regards, comme aussi les nôtres, vers Lui-même élevé sur la croix, Lui, le Fils unique donné de Dieu, pour qu’en croyant en Lui, nous ayons la vie éternelle. Contemplons-le assis au bord du puits de Sichar, fatigué du chemin, mais, dans son amour, oubliant la fatigue et ses besoins pour parler à une pauvre pécheresse de l’eau qui jaillit en vie éternelle. Oui, lisons cet évangile avec soin, demandant au Seigneur que l’Esprit de vérité nous le fasse comprendre et révèle toujours plus à nos cœurs l’amour du Sauveur.
La première épître de Jean est adressée à tous les chrétiens. Chacun de nous doit la prendre pour lui-même. Elle nous rappelle que Christ est la vie éternelle en même temps que le vrai Dieu, que cette vie qui était auprès du Père a été manifestée sur la terre dans la personne du Seigneur, et que les apôtres l’ont vue, entendue et touchée. Mais cette vie est aussi dans le chrétien, et maintenant que Christ est dans le ciel, c’est le chrétien qui manifeste ici-bas, la vie de Dieu en marchant comme Christ a marché, dans l’amour, la sainteté, la justice, le dévouement et la séparation d’avec le monde qui gît dans le mal. Quel grand et précieux privilège pour l’enfant de Dieu ! Ne désirerons-nous pas en jouir ? Cette belle épître nous fait connaître les deux caractères essentiels de Dieu — Il est lumière et Il est amour. Le chrétien a le privilège de marcher dans la lumière, et en ceci il a connu l’amour de Dieu, c’est que Dieu a envoyé son Fils unique dans le monde afin que nous vivions par Lui, et afin qu’il fût la propitiation pour nos péchés. Et maintenant, « celui qui demeure dans l’amour, demeure en Dieu et Dieu en lui ». Jean écrivit aux chrétiens pour les introduire dans la communion du Père et du Fils, afin qu’ainsi leur joie fût parfaite. Et à la fin, il dit : « Je vous ai écrit, afin que vous sachiez que vous avez la vie éternelle, vous qui croyez au nom du Fils de Dieu ».
Après cette épître, Dieu a voulu que nous en eussions deux autres très courtes du même apôtre. L’une est adressée à une dame chrétienne pour la mettre en garde contre les séducteurs qui n’apportent pas la doctrine de Christ ; l’autre est écrite à un chrétien nommé Gaïus, pour l’encourager à marcher dans la vérité et à recevoir les ouvriers du Seigneur. Jean y blâme aussi Diotrèphe qui usurpait dans l’assemblée une place d’autorité. En quelques lignes, l’Esprit de Dieu nous donne ainsi des enseignements et des directives bien simples, mais bien nécessaires, pour marcher selon le Seigneur. Puissions-nous écouter et mettre en pratique l’avertissement de l’apôtre : « Bien-aimé, n’imite pas le mal, mais le bien. Celui qui fait le bien est de Dieu ; celui qui fait le mal n’a pas vu Dieu ».
Sous l’empereur Domitien, persécuteur des chrétiens, Jean fut exilé à Patmos, petite île sauvage de l’Archipel. Là il reçut du Seigneur le livre prophétique de l’Apocalypse ou Révélation. Il nous l’apprend lui-même dans le premier chapitre : « Moi, Jean, qui suis votre frère et qui ai part avec vous à la tribulation et au royaume et à la patience en Jésus, j’étais dans l’île appelée Patmos, pour la Parole de Dieu et pour le témoignage de Jésus Christ. Je fus en Esprit, dans la journée dominicale ». Un jour de dimanche, le Saint Esprit fit passer devant ses yeux de magnifiques visions et le Seigneur lui donna l’ordre de faire connaître aux chrétiens ce qui lui avait été révélé : « Ce que tu vois, écris-le dans un livre, et envoie-le aux sept assemblées ». La première chose que voit Jean, c’est le Seigneur dans tout l’éclat de sa gloire comme Fils de l’homme à qui « Dieu a donné l’autorité de juger » (Jean 5:27). Car l’Apocalypse est surtout un livre de jugement.
Ensuite, le Seigneur fait écrire par Jean aux sept assemblées d’Asie qui représentent l’Assemblée de Dieu sur la terre dans ses différents états successifs, jusqu’à ce que, à cause de son infidélité, elle soit rejetée du Seigneur. Après cela, Jean a les visions des choses qui viennent après que l’église professante a été rejetée et que les saints ont été ravis dans le ciel. Ce sont les jugements terribles qui fondront sur un monde idolâtre et incrédule, et qui amèneront l’établissement du royaume de Christ. Durant mille ans, le diable étant lié, Christ et les siens régneront sur une terre heureuse et bénie. Mais après les mille ans, Satan est délié, il séduit les hommes et les entraîne à une dernière révolte contre Dieu, qui les détruit et précipite Satan dans l’étang de feu et de soufre. Alors le ciel et la terre actuels disparaissent, le grand trône blanc du jugement final est dressé, et ceux qui y comparaissent, les méchants, ont pour partage l’étang de feu et de soufre. Un ciel nouveau et une terre nouvelle surgissent ; Dieu fait toutes choses nouvelles ; c’est le bonheur éternel pour tous les rachetés : « Dieu lui-même sera avec eux, leur Dieu ». Ce saint livre, donné par Jésus lui-même à Jean pour que celui-ci le communique à l’Église, renferme, sans doute, des choses difficiles à comprendre, mais il en contient beaucoup d’autres propres à élever l’âme vers Dieu, Jésus et le ciel. Souvenons-nous que le Saint Esprit a dit : « Bienheureux celui qui lit, et ceux qui entendent les paroles de la prophétie, et qui gardent les choses qui y sont écrites car le temps est proche ».
L’amour que Jean connaissait et qu’il avait puisé dans le cœur de son divin Maître, se manifesta jusqu’à la fin de sa vie. On raconte que trop âgé et trop faible pour se rendre dans les assemblées, il s’y faisait porter, et, incapable de prononcer un long discours, il se bornait à répéter « Mes petits enfants, aimez-vous les uns les autres ».
— Pourquoi, lui demandaient les frères, redis-tu toujours la même parole ?
— Parce que c’est le commandement du Seigneur, répondait l’apôtre, et que, s’il est accompli, tout est accompli. En effet, « l’amour est de Dieu, et quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu ».
Comme nous l’avons dit, sa longue vie faisait penser qu’il ne mourrait pas, mais demeurerait jusqu’au retour du Seigneur. Il passa cependant par la mort, mais dans ses écrits, il nous fait connaître les voies de Dieu jusqu’à la fin. Il s’endormit à Éphèse et son esprit bienheureux s’en alla auprès du Seigneur qu’il avait tant aimé. Avec les autres saints endormis en Jésus, il attend le moment dont Jésus parlait en disant : « Je reviendrai et vous prendrai auprès de moi ». C’est le moment de la résurrection de vie pour ceux qui sont délogés et du changement des « vivants qui demeurent jusqu’à la venue du Seigneur ». Alors tous ensemble rendus semblables au Sauveur glorifié, nous serons conduits par Lui dans la maison de son Père. Glorieuse et bienheureuse espérance !
La mort de Jean eut lieu, pense-t-on, vers l’an 100, sous le règne de l’empereur Trajan.
L’Apocalypse (ou : Révélation), que Jean écrivit à la fin de sa longue carrière, est en effet « la révélation de Jésus Christ que Dieu lui a donnée pour montrer à ses esclaves les choses qui doivent arriver bientôt ; et il l’a signifiée, en l’envoyant par son ange, à son esclave Jean ». Ces choses, qui doivent arriver bientôt, sont les jugements qui frapperont le monde pour amener l’établissement du règne du Seigneur Jésus Christ. Elles sont décrites à partir du chapitre 6. Mais auparavant, le Seigneur a quelque chose à dire à l’Église sur la terre. C’est ce que nous trouvons dans les chapitres 2 et 3 ; il est bon que nous le parcourions avant de continuer l’histoire de l’Église ou l’Assemblée après le délogement du saint apôtre, le disciple que Jésus aimait. Nous avons, en effet, dans ces lettres que le Seigneur adresse par son serviteur Jean à sept assemblées, une histoire prophétique de ce qui avait déjà eu lieu et de ce qui devait encore se passer dans l’Église jusqu’au retour du Seigneur pour les saints.
Le Seigneur apparaît d’abord à Jean dans l’éclat de sa gloire comme Fils de l’homme prêt à exercer le jugement. Mais Dieu commence « le jugement par sa propre maison » (1 Pierre 4:17). Aussi Jean voit-il le Seigneur « au milieu de sept lampes d’or » qui représentent sept assemblées. Et ces assemblées sont celles qui existaient alors à Éphèse, à Smyrne, à Pergame, à Thyatire, à Sardes, à Philadelphie et à Laodicée, toutes les sept dans la province d’Asie, pas très éloignée d’Éphèse, et peut-être celles que l’apôtre visitait plus particulièrement dans ses tournées pastorales.
Pourquoi, dira-t-on, le Seigneur choisit-il sept assemblées et celles-là plutôt que d’autres ? D’abord, il faut nous rappeler que le nombre sept représente toujours, dans l’Écriture, un ensemble complet (par exemple, les sept jours de la semaine) ; nous apprenons ainsi que le Seigneur a en vue l’Église dans son ensemble, bien que dans sept différentes périodes ou états jusqu’à la fin. Et ensuite, il choisit les assemblées désignées, parce que chacune présentait un trait spécial, propre à caractériser un état particulier de l’Église à un moment donné.
Pourquoi, demandera-t-on encore, les églises sont-elles représentées par des lampes d’or ? L’or est le métal précieux par excellence. Il représente ce qui convient à Dieu, à sa présence (*) ; il est l’emblème de la justice divine. Les lampes sont d’or pour montrer qu’elles sont de Dieu, établies par Lui, et fondées sur la justice divine. Et de même que les lampes sont destinées à porter et répandre la lumière, ainsi l’Église était établie pour être le vase destiné à faire briller devant le monde la lumière de la vérité touchant Dieu et son Fils bien-aimé. Ensuite, le Seigneur est représenté comme marchant au milieu des assemblées, pour nous montrer qu’il voit et juge tout dans l’Église.
(*) Dans l’intérieur du tabernacle, la demeure de Dieu, tout était en or. Voyez Exode 25:10-40 ; 26:29
Les traits sous lesquels le Seigneur se montre à Jean sont remarquables. L’apôtre le voit « semblable au Fils de l’homme » ; c’est le Seigneur dans son humanité, car le Père « lui a donné autorité de juger, … parce qu’il est Fils de l’homme » (Jean 5:27). Comme Fils de l’homme il a été méprisé, rejeté et cloué à la croix ; comme Fils de l’homme, Dieu l’a glorifié, et il viendra dans l’éclat de sa gloire pour juger (*). Il était « vêtu d’une robe qui allait jusqu’aux pieds, et ceint, à la poitrine, d’une ceinture d’or ». Cela indique la calme attitude d’un juge, et la ceinture d’or signifie qu’il jugera selon la justice de Dieu. Quand le précieux Sauveur veut faire connaître aux siens qu’il aime jusqu’à la fin, le service qu’il accomplit pour eux dans le ciel, afin qu’ils soient maintenus propres pour la présence et la communion de Dieu, il prend l’attitude de serviteur, et pour cela il ôte ses vêtements, se ceint d’un linge et leur lave les pieds qu’ensuite il essuie (**). Mais ici, il a le caractère de Juge. Jean remarque ensuite une autre chose dans la personne du Seigneur : « Sa tête et ses cheveux étaient blancs comme de la laine blanche, comme de la neige ». Pour comprendre la signification de ces traits, lisons quelques mots dans la merveilleuse vision de Daniel : « Je vis jusqu’à ce que les trônes furent placés, et que l’Ancien des jours s’assit. Son vêtement était blanc comme la neige, et les cheveux de sa tête, comme de la laine pure » (Daniel 7:9). C’est une séance du jugement que se tient. Mais qui est l’Ancien des jours ? Quel autre serait-ce que Dieu, le Dieu qui a précédé les temps, Celui qui « vit aux siècles des siècles » ? Ainsi, le Seigneur Jésus a ici le même caractère que l’Ancien des jours, et cela nous révèle sa divinité. Tout en étant Fils de l’homme, il est le vrai Dieu, Dieu béni éternellement (1 Jean 5:20 ; Romains 9:5).
(*) Voyez Luc 9:22, 26 ; Matthieu 25:31 ; Apocalypse 14:14-20.
(**) Jean 13:4- 5. Comparez avec 1 Jean 2:1.
Mais continuons à examiner les traits de la glorieuse personne du Seigneur. « Ses yeux sont comme une flamme de feu » ; ils sondent et pénètrent tout, même ce qu’il y a de plus caché dans les replis du cœur. N’est-ce pas là aussi un des attributs de Dieu, et un caractère essentiel à celui qui juge ? (Hébreux 4:13 ; Jérémie 17:10). Ensuite, Jean voit « ses pieds, semblables à de l’airain brillant, comme embrasés dans une fournaise ». Les pieds sont ce sur quoi l’homme repose ; l’airain est quelque chose de solide, en même temps il désigne la justice de Dieu s’exerçant en jugement contre le mal (*) ; le feu, est aussi un symbole ou une figure du jugement qui doit consumer les pécheurs (Marc 9:43-48). Ainsi ce que vit Jean indique la fermeté inflexible avec laquelle le Seigneur exercera le jugement. Combien cela est solennel ! « Sa voix », dit ensuite Jean, « était comme une voix de grandes eaux ». Ce n’est plus cette voix tendre et miséricordieuse qui disait : « Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos » (Matthieu 11:28) ; la voix si douce que les brebis entendent, et qu’elles suivent (Jean 10:27) ; non, c’est la voix majestueuse et redoutable qui annonce le jugement qui vient, de même qu’on entend de loin le grondement d’un fleuve débordant qui détruit tout sur son passage. Quel avertissement ! Les pieds du Seigneur qui, sur la terre, le portaient de lieu en lieu pour annoncer la paix et le salut, seront alors fermes pour exécuter le jugement, et sa voix qui prononçait des paroles de grâce, portera la terreur dans les cœurs (Actes 10:36-38 ; Matthieu 12:19).
(*) L’autel sur lequel les victimes étaient consumées, était d’airain (Exode 27:1-8).
« Il avait », dit encore Jean, « dans sa main droite sept étoiles ». Plus loin, nous apprenons que ces sept étoiles sont « les anges des sept assemblées ». Ce sont ceux qui, à cause de la position qu’ils occupent dans les assemblées, les représentent devant Dieu (*). Ils ont à y répandre la lumière que Dieu leur a donnée. Le Seigneur les tient dans sa main, car c’est à Lui, non à un homme, si excellent soit-il, qu’appartient l’autorité dans les assemblées. « De sa bouche sortait une épée aiguë à deux tranchants » (Hébreux 4:12 ; Éphésiens 6:17), c’est la parole du Seigneur qui est ainsi désignée ; sa parole qui atteint et pénètre jusqu’au fond de la conscience du pécheur ; sa parole qui combat et réduit à néant les ennemis de la vérité ; sa parole qui, dans le jugement des rebelles à la fin, les frappera de mort.
(*) Une étoile désigne quelqu’un qui occupe une position élevée, d’où il est responsable de répandre la lumière qu’il a reçue (Ésaïe 14:12-14 ; Daniel 12:3 ; Apocalypse 9:1-2).
« Et son visage [était] comme le soleil quand il luit dans sa force ». C’est le dernier trait. Il nous montre le Seigneur revêtu de l’autorité suprême dont le soleil est toujours l’emblème. C’est l’autorité dont il sera revêtu lorsque son royaume sera établi, qu’à son nom se ploiera « tout genou des êtres célestes, et terrestres, et infernaux, et que toute langue confessera que Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père » (Philippiens 2:10-11), et que l’éclat de sa gloire brillera aux yeux de tous. C’est ainsi que, sur la sainte montagne, Pierre, Jacques et Jean l’avaient déjà contemplé, tel qu’il sera dans son royaume, quand il fut transfiguré devant eux, que son visage resplendit comme le soleil, et que ses vêtements devinrent blancs comme la lumière (Matthieu 16:28 ; 17:2).
Tel apparut le Seigneur à Jean, le disciple bien-aimé, avant de lui donner les messages pour les sept assemblées. Quel effet cette vue glorieuse produisit-elle sur le disciple de Jésus ? Quel œil peut supporter l’éclat de la gloire dont Dieu a revêtu son Fils bien-aimé comme homme ressuscité et qu’il a établi pour être Juge ? Quelle oreille humaine peut entendre sans être frappée de terreur la voix de Celui qui va venir prononcer la sentence contre les méchants ? (Daniel 10:9). Aussi lorsque Jean vit le Seigneur dans cette gloire — Celui qu’il avait connu humble et débonnaire sur la terre — il tomba à ses pieds comme mort. Mais le Seigneur ne voulut pas laisser son cher disciple sous cette impression de crainte. Il mit sa main droite sur lui, cette main dont l’attouchement guérissait autrefois les malades, et prononça ces paroles bénies qui montraient qu’il était toujours le même Jésus, qui aime les siens d’un amour qui chasse la crainte : « Ne crains point » (*). Et il a le droit et le pouvoir de chasser la crainte du cœur de l’homme pécheur et de le vivifier, car, dit-il à Jean, « moi, je suis le premier et le dernier, et le vivant ». C’est-à-dire que c’est Lui qui est l’auteur de toutes choses et pour qui elles ont été faites ; le Vivant est Celui en qui réside la vie et duquel toute vie découle. Cela ne proclame-t-il pas qu’il est Dieu ? Oui, nous ne saurions trop le répéter et le mettre dans nos cœurs : Jésus est Dieu. Comme Jean le dit dans l’évangile : « La Parole était Dieu » (Jean 1:1, 14). Et c’est Lui, la Parole, qui est devenu chair ; il a été un homme qui a habité parmi nous et est mort pour nous. C’est ce que le Seigneur fait comprendre à Jean, car il ajoute : « Et j’ai été mort ; et voici, je suis vivant aux siècles des siècles ; et je tiens les clefs de la mort et du hadès ». Retenons bien cela : Celui qui est le Dieu vivant, qui possède la vie en Lui-même, le Créateur de toutes choses, est devenu un homme pour passer par la mort : « J’ai été mort », dit-il. Nous avons là l’humanité du Seigneur Jésus. Il rappelle sa mort, parce que si alors Satan semblait avoir vaincu, en réalité la mort de Jésus lui brisait la tête et annulait sa puissance. Mais comme homme aussi, Jésus est sorti des liens de la mort ; il l’a vaincue, étant ressuscité par la puissance de Dieu, et il est vivant à toujours comme Homme ressuscité et glorifié. Et à Lui appartient la puissance sur la mort et le hadès, c’est-à-dire le lieu invisible où vont les âmes de ceux qui délogent. Un jour, en vertu de cette puissance, il ressuscitera les morts, ceux qui se sont endormis en Lui, aussi bien que ceux qui seront morts sans Lui. Mais quelle différence ! Les uns pour la vie heureuse auprès de Dieu, les autres pour le jugement et la condamnation éternelle (Jean 5:28-29).
(*) C’est la parole qu’il dit à Pierre pour ôter le trouble de sa conscience réveillée par le sentiment de ses péchés (Luc 5:10) ; c’est aussi ce qu’il dit à Paul pour l’encourager dans son labeur et ses combats à Corinthe (Actes 18:9).
Voilà la Personne glorieuse que Jean contempla : le Fils de l’homme, mais le vrai Dieu en même temps ; Celui qui a été mort, mais qui vit à jamais, et qui dans son abaissement n’a jamais cessé d’être le Vivant.
Examinons maintenant les messages que Jésus donna à son serviteur pour les sept assemblées.
Lorsque Jean qui, à la vue de la glorieuse personne du Christ, était tombé à ses pieds comme mort, eut été ranimé par l’attouchement de la main bénie et par les paroles de grâce du Seigneur, Jésus lui dit : « Écris les choses que tu as vues, et les choses qui sont, et les choses qui doivent arriver après celles-ci ».
Les choses que Jean avait vues, c’était Christ dans sa gloire comme Juge ; celles qui sont, c’est ce qui se rapporte à l’Église, et elles durent encore et dureront jusqu’au retour du Seigneur pour chercher les saints ; celles qui doivent arriver après celles-ci, sont des événements qui auront lieu ensuite sur la terre jusqu’à l’apparition en gloire du Seigneur Jésus Christ.
Après cela, le Seigneur fait écrire par Jean des lettres aux « anges », c’est-à-dire à ceux qui représentaient devant Lui les sept églises d’Asie. Rappelons-nous que ces églises, ou plutôt l’état dans lequel le Seigneur les voit, représentent divers états successifs de l’Assemblée universelle sur la terre.
À chacune de ces assemblées, le Seigneur se présente sous des traits particuliers, en rapport avec leur état. Il indique qu’il en a pris connaissance par ces mots expressifs : « Je connais tes œuvres », ou bien encore : « Je connais ta tribulation », ou : « Je sais où tu habites ». Quelle chose solennelle que d’avoir affaire à Celui auquel rien n’échappe, ni le bien, ni le mal !
Ensuite le Seigneur reconnaît et indique le bien qui se trouve en chacune des assemblées, mais il signale aussi le mal qu’il y voit, et d’après cela il distribue à chacun le blâme ou la répréhension, l’exhortation ou l’encouragement. Pour deux d’entre elles, il n’a point de paroles de reproche : c’est Smyrne dans la tribulation, et Philadelphie dans la faiblesse. Toutes deux ont été fidèles.
Puis Jésus exhorte celui qui a des oreilles à écouter ce que l’Esprit dit aux assemblées. Cela par conséquent concerne individuellement chacun de nous. Et enfin, à ceux qui auront vaincu, c’est-à-dire qui seront restés fidèles au milieu des difficultés, des pièges et des combats, le Seigneur donne les promesses les plus encourageantes (*).
(*) Dans les épîtres aux quatre dernières assemblées, l’exhortation à écouter suit la promesse au vainqueur. C’est que, dans les trois premières, l’exhortation est pour tous dans l’ensemble de l’Église, et dans les dernières, « celui qui écoute » est à part de l’ensemble.
La première assemblée à laquelle le Seigneur s’adresse, est celle d’Éphèse. Il se présente à elle comme ayant l’autorité suprême dans l’Église et y prenant connaissance de toutes choses. Il avait beaucoup de choses à louer en elle, de ces choses qui montrent la piété, la fidélité et le dévouement. « Je connais tes œuvres », dit-il, « et ton travail, et ta patience, et que tu ne peux supporter les méchants ; et tu as éprouvé ceux qui se disent apôtres et ne le sont pas, et tu les as trouvés menteurs ; et tu as patience, et tu as supporté des afflictions pour mon nom, et tu ne t’es pas lassé ». À cela, le Seigneur ajoute plus loin : « Tu as ceci, que tu hais les œuvres des Nicolaïtes (ceux qui faisaient de la grâce un prétexte pour pécher), lesquelles moi aussi je hais ». Quel beau tableau de l’état d’une église ! Que manquait-il donc à ces chrétiens ? Ah ! l’œil scrutateur du Seigneur va bien au delà des œuvres qui se voient. Il sonde le cœur, ce qu’il veut c’est le cœur, les affections, et c’est le cœur qui faisait défaut à Éphèse. « J’ai contre toi », dit Jésus, « que tu as abandonné ton premier amour ». Voilà ce qui leur faisait défaut, et c’était bien grave. L’apôtre Paul écrivait aux Corinthiens : « Quand je distribuerais en aliments tous mes biens, et que je livrerais mon corps afin que je fusse brûlé, mais que je n’aie pas l’amour, cela ne me profite de rien » (1 Corinthiens 13:3). Eh bien, tel était l’état intérieur à Éphèse, et c’était le grand mal, le premier pas dans le déclin et vers la chute. « Christ a aimé l’Assemblée » (Éphésiens 5:25), et n’est-il pas juste de l’aimer en retour ? C’est ce que son cœur désire de nous, et, sans cela, les plus belles œuvres ne le satisfont pas. La gravité de cet état nous est montrée par l’exhortation du Seigneur : « Souviens-toi … d’où tu es déchu, et repens-toi, et fais les premières œuvres », c’est-à-dire les œuvres qui étaient le fruit de l’amour. À cela le Seigneur ajoute une menace bien propre à faire réfléchir : « Autrement, je viens à toi et j’ôterai ta lampe de son lieu, à moins que tu ne te repentes ». Cela veut dire que l’église cesserait d’être reconnue du Seigneur, qu’elle ne serait plus un témoignage pour Lui dans le monde.
Mais à quel moment de l’histoire de l’Église s’applique ce qui est dit à Éphèse ? C’est à l’époque qui avait déjà commencé quand Paul vivait encore, alors qu’il écrivait : « Tous cherchent leurs propres intérêts, non pas ceux de Jésus Christ » (Philippiens 2:21). Et à la fin de sa carrière : « Tous ceux qui sont en Asie… se sont détournés de moi » (2 Timothée 1:15). Le mal s’était accentué quand Jean eut ses visions, et le Seigneur dut donner à l’Église un sérieux avertissement. Et cet avertissement a toujours sa valeur pour nous. La racine de tout le mal qui a amené la ruine de l’Église, est l’abandon du premier amour, et la conséquence sera que, dans un temps peut-être bien rapproché de nous, la lampe sera ôtée, l’Église sera rejetée. Ainsi, la première période de l’histoire de l’Église est caractérisée par un état extérieur de piété, de fidélité et de zèle, que le Seigneur reconnaît, mais au fond il y a l’abandon du premier amour, de ce qui est le seul vrai ressort des œuvres selon Dieu.
Le Seigneur termine en s’adressant au vainqueur, c’est-à-dire à celui qui aura conservé dans son cœur « le premier amour », à celui pour qui le Seigneur Jésus n’aura pas cessé d’être le suprême et unique objet de ses affections. Il lui promet ce qu’il y a de plus précieux pour un cœur qui aime, c’est la jouissance de la présence et de l’amour de la personne aimée. « À celui qui vaincra », dit Jésus, « je lui donnerai de manger de l’arbre de vie qui est dans le paradis de Dieu ». Là il n’y aura plus de chute, ni de ruine, ni de déclin dans l’amour. Tout y sera parfait à toujours. Demandons d’être gardés dans l’amour de Jésus, et nous jouirons dans l’éternité de la vie et des délices du paradis de Dieu.
La seconde époque dans l’histoire de l’Église nous est montrée dans l’assemblée de Smyrne. C’est la période des persécutions que le Seigneur permet pour ramener les cœurs à Lui par l’affliction. Mais pour encourager ses saints dans la souffrance, il se présente d’abord à eux dans le caractère divin : « Voici ce que dit le premier et le dernier », c’était leur dire : « Le Seigneur en qui vous croyez et pour qui vous souffrez, est le Dieu Tout-Puissant d’éternité, ayez bon courage ». Puis il leur rappelle qu’il a été un homme sur la terre, et que comme tel, Lui aussi a souffert la tribulation et la mort, mais qu’il est maintenant vivant : « qui a été mort et a repris vie ». Quelle consolation pour les pauvres chrétiens dans l’épreuve ! « Car si nous souffrons, nous régnerons aussi avec lui ».
Et voici ce que dit le Seigneur à ces saints de Smyrne : « Je connais ta tribulation, et ta pauvreté (mais tu es riche), et l’outrage de ceux qui se disent être Juifs ; et ils ne le sont pas, mais ils sont la synagogue de Satan ». Nous voyons ce qu’ils avaient à endurer : la tribulation, c’est-à-dire la persécution, et nous avons déjà pu voir précédemment, combien terribles les souffrances de la persécution pouvaient être. Nous en aurons encore des exemples. Ensuite c’étaient les peines, les privations et le mépris qui s’attachent à la pauvreté. Et comme nous l’avons vu en particulier dans l’histoire de Paul, c’étaient les Juifs, ceux qui se vantaient d’être le peuple de Dieu, qui étaient les plus acharnés après les chrétiens (1 Thessaloniciens 2:14-16). Mais quelle consolation pour les persécutés ! Le Seigneur connaissait tout ce qu’ils souffraient ; son regard était sur eux, et son cœur sympathisait avec eux. Au milieu de leurs souffrances, de leurs privations et des outrages déversés sur eux, Jésus était avec eux pour les soutenir. Ils étaient ainsi riches d’une richesse que nul ne pouvait leur ravir, riches des richesses éternelles de Dieu (lire Romains 8:17-18, 35-37).
Déjà du temps de Jean, les chrétiens avaient souffert, mais leurs tribulations n’étaient pas finies ; le Seigneur leur en annonçait d’autres. « Ne crains en aucune manière », dit-il, « les choses que tu vas souffrir. Voici, le diable va jeter quelques-uns d’entre vous en prison, afin que vous soyez éprouvés : et vous aurez une tribulation de dix jours ». On voit ici quel est celui qui était derrière les persécuteurs et les faisait agir. C’était le diable, l’adversaire de Christ, celui qui est meurtrier dès le commencement. Il rôdait comme un lion rugissant pour dévorer les chrétiens (1 Pierre 5:8), mais de la part de Dieu qui permettait ces souffrances, c’était l’épreuve de leur foi et de leur amour pour Christ, et c’était destiné à rattacher leurs cœurs à ce précieux Sauveur (1 Pierre 1:6-9). Et d’un autre côté, le Seigneur, qui tient tout entre ses mains, leur annonce que leur épreuve sera limitée : « Vous aurez une tribulation de dix jours ». On a pensé que ces dix jours désignaient les dix grandes persécutions générales qui sévirent contre les chrétiens, jusqu’au règne de l’empereur Constantin. Nous en reparlerons, si le Seigneur le permet. Mais ce qui est précieux, c’est de voir que Jésus tient tout entre ses mains et que même les souffrances qu’endurent les siens sont pour leur bien.
On peut avoir à souffrir jusqu’à la mort, et combien de milliers et de milliers de saints l’ont endurée après des tortures sans nom ! Mais ce qui est devant le chrétien, ce qui soutenait les martyrs dans leurs souffrances et illuminait leur mort, c’était la perspective de la couronne de vie, d’une vie glorieuse et éternelle avec leur bien-aimé Sauveur. « Celui qui vaincra », dit Jésus, « n’aura point à souffrir de la seconde mort » (Voir Apocalypse 20:4-6).
Après avoir encouragé l’assemblée qui était à Smyrne et dont l’état figure la période des persécutions que traversa l’Église chrétienne, le Seigneur s’adresse à l’assemblée qui était à Pergame.
« Et à l’ange de l’assemblée qui est à Pergame, écris : Voici ce que dit celui qui a l’épée aiguë à deux tranchants ». L’épée aiguë qui sort de la bouche du Seigneur est sa parole (Hébreux 4:12), soit qu’elle pénètre et juge le cœur et la conscience, soit qu’elle combatte les ennemis de la vérité, soit qu’elle frappe de mort les rebelles. Ici, le Seigneur se montre armé de cette épée, parce qu’à Pergame il y avait des personnes qui enseignaient des erreurs, et auxquelles il fallait s’opposer. Et l’arme du chrétien pour combattre l’erreur, c’est « l’épée de l’Esprit qui est la parole de Dieu » (Éphésiens 6:17).
Le Seigneur dit ensuite : « Je sais où tu habites, là où est le trône de Satan ». Non seulement le Seigneur connaît les œuvres que l’on fait, mais il sait où l’on habite, dans quel milieu on se trouve, avec quelle société on est mêlé. Et c’est une chose sérieuse. Habiter, ce n’est pas passer, c’est rester. Et l’Église habitait où était le trône de Satan ! C’est le milieu où elle restait. Satan a donc un trône, une autorité ; il gouverne donc. Et où est-il dressé, ce trône ? Dans le monde. Satan est « le chef de ce monde », a dit le Seigneur. Le monde a chassé Christ et l’a mis à mort, et depuis ce moment, Satan gouverne le monde (Jean 16:11 ; 14:30). Il le domine par le moyen des convoitises et des passions (1 Jean 2:16 ; Éphésiens 2:2-3). Or le chrétien n’est pas du monde (Jean 17:14 ; 15:19), comme Christ n’en est pas. Il doit traverser ce monde comme un étranger et non pas y habiter. C’était donc une position fâcheuse et une mauvaise chose pour l’église de Pergame, que d’habiter où était le trône de Satan ; elle se trouvait ainsi associée au monde.
Mais le Seigneur pouvait aussi reconnaître quelque chose de louable à Pergame : « Et tu tiens ferme mon nom, et tu n’as pas renié ma foi, même dans les jours dans lesquels Antipas était mon fidèle témoin, qui a été mis à mort parmi vous, là où Satan habite ». Le nom du Seigneur exprime tout ce qu’il est dans sa Personne adorable — vrai Dieu et véritablement homme ; le Fils unique et éternel de Dieu, et le Sauveur. Tenir ferme son nom, c’est garder dans son cœur et confesser de bouche tout ce qu’il est. Ne pas renier la foi, c’est demeurer fidèle aux enseignements de la Parole. C’est ce que l’église de Pergame avait fait, même dans la persécution où Antipas avait donné sa vie en témoignage pour le Seigneur. Qui était Antipas ? Nous ne savons rien de plus sur son compte, mais quel glorieux titre Jésus lui donne : « Mon fidèle témoin ! » Le Seigneur le connaissait, c’était assez. Il fut mis à mort pour Christ, et Christ lui a donné « la couronne de vie ». Puissions-nous aussi, dans notre faible mesure, être un fidèle témoin du Seigneur !
Mais remarquons que le Seigneur répète : « parmi vous, là où Satan habite ». Il veut appeler l’attention de l’Église sur sa dangereuse position. L’Église habitait là où Satan habitait aussi. C’était parmi eux. Quel danger que ce contact !
Aussi le Seigneur trouve-t-il des choses très répréhensibles à Pergame. « J’ai quelques choses contre toi », dit-il, « c’est que tu as là des gens qui tiennent la doctrine de Balaam, lequel enseignait à Balac à jeter une pierre d’achoppement devant les fils d’Israël, pour qu’ils mangeassent des choses sacrifiées aux idoles et qu’ils commissent la fornication. Ainsi tu en as, toi aussi, qui tiennent la doctrine des Nicolaïtes pareillement ».
Nous savons qui était Balaam. C’était un homme qui prétendait à la qualité de prophète, et qui avait une certaine connaissance de Dieu, mais dont le cœur était rempli de l’amour de l’argent (2 Pierre 2:15). Pour un gain, il s’était mis au service de Balac, afin de maudire les enfants d’Israël. Mais Dieu ne le lui permit pas ; au contraire, il fut forcé de bénir ce peuple. Que fit-il alors ? Il donna à Balac le conseil d’entraîner les Israélites dans des fêtes païennes, de se mêler avec le monde, afin d’attirer sur eux le jugement de Dieu. Voilà ce que le Seigneur voyait dans l’église de Pergame : de faux docteurs, semblables au faux prophète, qui enseignaient aux chrétiens à s’associer au monde, et dont les doctrines tendaient à rétablir l’idolâtrie sous une forme nouvelle.
En même temps, d’autres personnes, dans cette Église, tenaient la doctrine des Nicolaïtes dont le Seigneur haïssait les œuvres. C’étaient, sans doute, ceux dont parle Jude dans son épître, en disant que « certains hommes se sont glissés parmi les fidèles… qui changent la grâce de notre Dieu en dissolution » (vers. 4), gens qui faisaient de la grâce un prétexte pour pécher impunément. On tolérait de telles gens, on les recevait même dans les festins et les agapes (Jude 12 ; 2 Pierre 2:13). L’Église s’était associée au monde, et il n’y avait plus de séparation d’avec le mal ; triste résultat du fait d’habiter là où Satan habite.
Mais le Seigneur avait l’œil sur ce fâcheux état de choses, et voilà pourquoi il adresse à l’Église un sérieux avertissement : « Repens-toi donc ; autrement je viens à toi promptement, et je combattrai contre eux par l’épée de ma bouche ». Comprenons ce que veut dire ce « repens-toi ». Le bien qui se trouvait à Pergame n’excusait pas le mal que l’on avait laissé s’introduire. On ne peut racheter le mal par le bien. L’ange de l’assemblée n’aurait pas pu se justifier, en disant : « Mais tu vois, Seigneur, j’ai tenu ferme ton nom, et je n’ai pas renié ta foi », ni non plus : « Ce n’est pas ma faute si je suis dans le monde, il faut bien y vivre » ; ni non plus : « Si des gens enseignent de mauvaises doctrines, je n’y puis rien ». Non ; rien ne nous excuse de faire le mal, et si nous y avons été entraînés, il faut écouter le Seigneur et se repentir, c’est-à-dire juger tout ce mal et s’en détourner. L’ange devait cesser d’habiter où Satan avait son trône, rompre avec le monde, reprendre sa position d’étranger ici-bas, et repousser résolument les faux docteurs et leurs enseignements. Voilà ce que veut dire : « Repens-toi ». Et comment le pouvons-nous ? Par la Parole, parce que, quand elle demeure en nous, nous sommes forts, et rendus capables de vaincre le méchant et d’échapper au monde (1 Jean 2:14-16 ; 5:4-5). Et si l’on ne se repent pas, alors le Seigneur prend lui-même en main l’épée du jugement. Cela nous regarde aussi, car le Seigneur dit : « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées ».
Celui qui écoute la voix de l’Esprit et s’y attache, sera vainqueur, et voici ce que le Seigneur lui promet : « À celui qui vaincra, je lui donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc, et, sur le caillou, un nouveau nom écrit, que nul ne connaît, sinon celui qui le reçoit ».
Rappelons-nous que la manne était le pain que Dieu envoyait du ciel pour nourrir son peuple dans le désert. Mais la manne qui nourrissait le corps, n’était qu’une figure d’un pain bien plus excellent, du pain de l’âme, je veux dire de Christ. Il disait Lui-même : « Moïse ne vous a pas donné le pain qui vient du ciel, mais mon Père vous donne le véritable pain qui vient du ciel. Car le pain de Dieu est celui qui descend du ciel, et qui donne la vie au monde… Moi, je suis le pain de vie ». « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement » (Jean 6:32-35,48, 51). La manne cachée était celle que, par l’ordre de Dieu, on avait mise dans une cruche d’or et que l’on gardait dans le sanctuaire devant Dieu, en souvenir de ses soins dans le désert (Hébreux 9:4 ; Exode 16:33-34). Christ, le pain de vie, est maintenant dans le ciel, dont le sanctuaire était la figure. Il est auprès de Dieu, caché à la vue du monde. Mais c’est le même Christ qui était sur la terre, et en pensant à tout ce qu’il était ici-bas, en bonté, en douceur, en pureté, en humilité, en patience, en amour, en le goûtant, nos cœurs sont nourris et fortifiés, et c’est bien là ce qu’il faut pour vaincre le monde. Un combattant a besoin de nourriture. Voulez-vous être un bon soldat de Jésus Christ ? Nourrissez-vous de Lui.
Et qu’est-ce que le caillou blanc ? Dans certaines élections en Grèce, on écrivait sur un caillou blanc le nom de celui à qui l’on donnait son suffrage. Le caillou blanc est donc un signe secret de l’approbation du Seigneur. Paul n’avait-il pas cette approbation, quand il pouvait dire : « Je sais qui j’ai cru… Le Seigneur s’est tenu près de moi » ? Oui, il est précieux d’entendre la voix secrète du Seigneur nous dire : « Cela va bien ». Il ne peut approuver que celui qui combat et vainc pour son nom.
Quant à « un nouveau nom », n’est-ce pas ce qui indique quelque chose d’intime dans les affections du Seigneur pour nous ? Quand nous aimons quelqu’un, ne lui donnons nous pas souvent un nom qui nous est doux et que nous réservons pour lui seul ? Un nom que « nul ne connaît, sinon celui qui le reçoit ». Voilà donc la récompense du vainqueur. Christ se donne à lui comme nourriture céleste pour le fortifier ; il lui fait part de son approbation pour l’encourager, et l’introduit dans son intimité pour réjouir son cœur. Quelle grâce ! Ne voulez-vous pas être de ces vainqueurs ?
Maintenant, si l’on demande à quelle période de l’Église correspond ce qui est dit de Pergame, c’est celle qui suivit les persécutions. La dernière persécution générale, la plus terrible de toutes, eut lieu sous l’empereur Dioclétien et dura environ dix années (de l’an 303 à 312). Nous en reparlerons. Après sa mort, il y eut bien des guerres entre ceux qui aspiraient à l’empire. Ce fut Constantin qui l’emporta sur ses rivaux. Il avait toujours été favorable au christianisme et enfin l’embrassa, extérieurement du moins, car on doute s’il fut réellement converti. Depuis ce moment, les chrétiens, au lieu d’être persécutés, furent en faveur auprès du pouvoir civil, et le paganisme perdit son puissant appui. L’empereur soutint et protégea l’Église, et l’Église s’appuya sur lui. Elle avait fait alliance avec le monde. Nous aurons plus tard l’occasion de parler de tout ce qui s’introduisit ainsi au milieu d’elle ; pour le moment, continuons à écouter ce que le Seigneur, par l’Esprit, disait aux assemblées.
Après avoir envoyé son message à l’assemblée de Pergame, le Seigneur s’adresse à celle de Thyatire. Il se présente sous des traits qui conviennent merveilleusement à l’état de cette assemblée, comme nous le verrons.
« Et à l’ange de l’assemblée qui est à Thyatire, écris : Voici ce que dit le Fils de Dieu, qui a ses yeux comme une flamme de feu, et dont les pieds sont semblables à de l’airain brillant ». Pourquoi le Seigneur prend-il ici ce titre de Fils de Dieu, que nous ne lui voyons pas appliqué dans le premier chapitre ? Cherchons à nous l’expliquer. Le Seigneur avait une fois posé à ses disciples cette question : « Vous, qui dites-vous que je suis ? ». Et Pierre avait répondu : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ». Alors le Seigneur dit : « Sur ce roc (*) je bâtirai mon assemblée, et les portes du hadès (c’est-à-dire la puissance de Satan et de la mort) ne prévaudront pas contre elle » (Matthieu 16-16-18). Ainsi l’Église bâtie par Christ, est fondée sur Lui, le Fils du Dieu vivant, qui, dans sa résurrection, a vaincu Satan et la mort, et par conséquent elle ne peut périr, quelles que soient les attaques de l’ennemi. Maintenant, il faut nous rappeler que l’assemblée de Thyatire était dans un état très fâcheux, représentant celui où l’Église tout entière tomba, après qu’elle se fut associée au monde. On aurait pu croire que décidément Satan avait réussi à avoir le dessus. Alors le Seigneur se présente et dit : « Je suis toujours le Fils de Dieu, et quelque triste que soit l’état extérieur de l’Église, mon Assemblée à moi, composée des vrais croyants, ne périra jamais ». Et c’est là pour les fidèles une consolation de tous les temps. Mais le mal qui se trouvait dans cette assemblée devait aussi être jugé. Voilà pourquoi le Seigneur rappelle qu’il a « les yeux comme une flamme de feu », un regard qui pénètre tout ; et « les pieds semblables à de l’airain brillant », c’est-à-dire prêts à le porter là où le jugement contre le mal doit être exécuté.
(*) La vérité que Pierre venait de confesser.
Le Seigneur dit ensuite : « Je connais tes œuvres ». Dans l’adresse à Thyatire, il est plusieurs fois question d’œuvres. Il y a de mauvaises œuvres, celles de la femme Jésabel ; de celles-là, il faut se repentir, c’est-à-dire les abandonner. Ensuite, il y a les bonnes œuvres, celles dont le Seigneur dit « mes œuvres », qui sont faites selon Christ et pour Christ. Celles-là, il faut les garder jusqu’à la fin. Mais le Seigneur les connaît et les pèse toutes, mauvaises et bonnes, et il dit : « Je vous donnerai à chacun selon vos œuvres ». Paroles bien sérieuses et propres à nous rendre vigilants et attentifs à toutes nos voies !
« Je connais tes œuvres » dit le Seigneur à l’ange, et ce qui suit peut nous faire juger de quelles œuvres il parle : « et ton amour, et ta foi, et ton service, et ta patience, et tes dernières œuvres qui dépassent les premières ». Quel beau tableau d’une vie chrétienne, n’est-ce pas ? C’est bien plus que le Seigneur n’avait dit à Éphèse, car celle-ci avait abandonné son premier amour, tandis qu’ici les dernières œuvres dépassaient les premières. Combien il serait à désirer que nous eussions cette foi, cet amour, ce dévouement et cette persévérance dans le bien en attendant le Seigneur !
Mais à qui s’appliquaient ces paroles ? Pas à tous ceux qui étaient à Thyatire assurément, car il y avait là des personnes qui vivaient dans un mal très grand, et dont les œuvres mauvaises ne pouvaient provenir de la foi et de l’amour. Elles s’appliquent donc à ceux qui désapprouvaient le mal et s’en séparaient.
Le Seigneur signale ensuite le grand mal qui constituait l’état de l’assemblée à Thyatire : « J’ai contre toi », dit-il à l’ange, « que tu laisses faire la femme Jésabel qui se dit prophétesse ; et elle enseigne et égare mes esclaves en les entraînant à commettre la fornication et à manger des choses sacrifiées aux idoles ». Déjà à Pergame, il y avait des personnes qui tenaient cette mauvaise doctrine, la doctrine de Balaam, mais ici c’était bien pis. Toutefois, avant de parler de la Jésabel de Thyatire, nous dirons un mot d’une autre personne de ce nom, dont il est question dans l’Ancien Testament. C’est dans l’histoire des rois d’Israël. Achab fut le plus méchant de ces rois, qui tous firent « ce qui est mauvais aux yeux de l’Éternel ». Achab mit le comble à ses péchés en prenant pour femme Jézabel, fille du roi des Sidoniens, une idolâtre méchante et cruelle. Elle poussa dans l’idolâtrie son mari, et avec lui le peuple d’Israël ; elle persécuta avec rage et fit mourir les prophètes, serviteurs de l’Éternel, et ordonna le meurtre de l’innocent Naboth (lire 1 Rois 16:30-32 ; 18:4 ; 21:22, 25). On aurait pu penser que tous les Israélites avaient été séduits, et que le culte de l’Éternel n’existait plus en Israël. Le prophète Élie lui-même le croyait. Il disait à Dieu : « Les fils d’Israël ont abandonné ton alliance, ils ont renversé tes autels et ils ont tué tes prophètes par l’épée, et je suis resté, moi seul, et ils cherchent ma vie pour me l’ôter ». Mais l’Éternel lui répondit : « Je me suis réservé en Israël sept mille hommes… qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal » (1 Rois 19:14, 18 ; Romains 11:2-5). Ces sept mille hommes formaient ce que l’on appelle un résidu. Ce sont ceux qui demeurent fidèles à Dieu quand la foule s’égare. Et c’est ce qui se trouvait à Thyatire.
La Jésabel de Thyatire était ainsi nommée par le Seigneur à cause de sa ressemblance avec la méchante femme d’Achab qui entraînait le peuple dans l’idolâtrie. Mais au lieu d’avoir des faux prophètes à ses ordres, comme la reine d’Israël, Jésabel à Thyatire, pour séduire mieux les âmes, prétendait être elle-même « prophétesse », c’est-à-dire la bouche de Dieu, parlant de sa part, et ainsi ne pouvant pas se tromper, infaillible, comme l’on dit. Et elle enseignait avec cette prétendue infaillibilité, de sorte que ses enseignements devaient être reçus comme venant de Dieu même. Elle mettait sa parole au niveau de celle de Dieu. De cette manière les âmes étaient aveuglées, conduites dans l’erreur et le mensonge, et ainsi détournées de Dieu, tout en croyant Lui obéir. N’est-ce pas un terrible état, provenant d’une œuvre du diable ? Au lieu d’être les esclaves de Dieu, elles devenaient les esclaves de Satan en s’associant aux idoles. L’ange de l’assemblée, ceux qui auraient dû veiller sur le troupeau, qui étaient responsables, au lieu de le réprimer, avaient laissé s’établir ce mal, et le Seigneur lui dit : « J’ai contre toi » ; Il ne peut tolérer le mal.
Le Seigneur, comme toujours, avait montré sa patience : « Je lui ai donné du temps afin qu’elle se repentît ; et elle ne veut pas se repentir ». Que reste-t-il à faire quand, malgré les avertissements et la patience du Seigneur, on ne veut pas se repentir ? Il ne reste plus que le jugement. C’est ce que le Seigneur prononce contre Jésabel. Elle sera réduite à l’impuissance ; « jetée sur un lit », dit le Seigneur, et que deviendront ses orgueilleuses prétentions ? Ceux qui se sont associés avec elle seront châtiés par « une grande tribulation », et quant à ses enfants, ceux qu’elle avait formés et nourris dans ses principes, le Seigneur dit d’eux : « Je ferai mourir de mort ses enfants ; et toutes les assemblées connaîtront que c’est moi qui sonde les reins et les cœurs ; et je vous donnerai à chacun selon vos œuvres ». Oui, le jugement terrible qui atteindra Jésabel montrera que le Seigneur connaît les pensées et les sentiments des cœurs, qu’il fait justice des vaines prétentions, et qu’on ne saurait Lui en imposer par de beaux dehors de religion : Il rend à chacun selon ses œuvres qu’il connaît.
Après avoir prononcé le jugement de Jésabel, de ceux qui se sont joints à elle et de ses enfants, le Seigneur s’adresse à une autre classe de personnes. Ce n’est pas à l’ange qu’il parle, car l’ange représente toute l’Église, et il a laissé faire Jésabel. Le Seigneur parle à un ensemble de personnes qu’il considère en dehors de ce mauvais état — à un résidu. Il leur dit : « Mais à vous je dis, aux autres… qui n’ont pas cette doctrine, qui n’ont pas connu les profondeurs de Satan, comme ils disent ». Le Seigneur, dont les yeux sont comme une flamme de feu, discerne à Thyatire tous ceux qui n’ont pas la doctrine de Jésabel, qui ne la reconnaissent pas comme prophétesse, et repoussent ses enseignements que le Seigneur nomme « les profondeurs de Satan ». En effet, qu’est-ce qui montre mieux la profondeur de la ruse de Satan, que de vouloir allier le christianisme à l’idolâtrie, sous la prétention que c’est un enseignement de Dieu ? Peut-être que ceux qui, à Thyatire, refusaient une telle doctrine, étaient en petit nombre, et étaient méprisés et outragés par ceux qui se vantaient d’être l’Église. Mais qu’importe ? Le Seigneur les connaissait et les approuvait : c’est là le point capital pour eux, comme pour nous.
Que dit le Seigneur à ces fidèles ? « Je ne vous impose pas d’autre charge », je ne demande de vous rien de plus que de vous tenir à part de la doctrine impure de Jésabel ; « mais seulement, ce que vous avez, tenez-le ferme jusqu’à ce que je vienne ». Ils n’avaient peut-être pas beaucoup de connaissances, pas de grandes lumières sur la Parole, mais ce qu’ils avaient leur suffisait pour discerner l’affreuse doctrine de Jésabel, ses prétentions et l’idolâtrie, et pour s’en séparer. Ils n’avaient qu’à tenir ferme dans leurs cœurs, jusqu’au retour de Christ.
C’est la première fois que ce retour de Christ est mentionné dans les épîtres aux assemblées. Cela nous montre que l’état de ces assemblées nous dépeint bien les états successifs par où passe l’Église entière. Les trois états décrits dans Éphèse, Smyrne et Pergame, aboutissent à Thyatire. Mais l’état décrit dans cette dernière dure jusqu’à la fin, jusqu’au retour du Seigneur. Mais quelle période dans l’histoire de l’Église représente donc Thyatire ? Celle qui suit l’époque où l’Église s’est associée au monde sous les empereurs chrétiens. Voyons maintenant les promesses magnifiques faites au vainqueur.
Voici ce que dit le Seigneur : « Et celui qui vaincra, et celui qui gardera mes œuvres jusqu’à la fin, — je lui donnerai autorité sur les nations ; et il les paîtra avec une verge de fer, comme sont brisés les vases de poterie, selon que moi aussi j’ai reçu de mon Père ; et je lui donnerai l’étoile du matin ».
Les premières paroles du Seigneur sont bien frappantes : « Celui qui vaincra ». Une victoire suppose un combat et par conséquent un ennemi, n’est-ce pas ? Quel est l’ennemi qu’il faut vaincre ? C’est Satan, l’ennemi déclaré de Christ et de ses saints. Il a été vaincu deux fois par le Seigneur, au désert d’abord, puis en Gethsémané et sur la croix, et après sa victoire, Jésus ressuscité est monté au ciel et s’est assis sur le trône de son Père. Et maintenant, Satan s’attaque à ceux qui appartiennent au Seigneur Jésus. Il les combat de toutes sortes de manières et avec toutes sortes d’armes, et il s’agit pour nous de le vaincre à la suite de notre grand capitaine.
Voyez-le à Éphèse ; il réussit à endormir les chrétiens dans le sentiment que tout allait bien, et ils perdent leur premier amour. À Smyrne, il use de violence, et excite le monde à persécuter les fidèles ; à Pergame, il se sert du monde et des faux docteurs pour les séduire ; tandis qu’à Thyatire, ce sont les ruses, les mensonges et les séductions de Jésabel qu’il emploie pour faire tomber les chrétiens dans l’idolâtrie. Contre tout cela, il fallait combattre et vaincre en restant fermement attaché à Christ.
Or tout chrétien a à combattre et à être vainqueur. Du moment que vous êtes à Christ, Satan ne peut, ni ne veut vous laisser tranquilles. Il cherchera à vous endormir, en vous faisant croire que vous êtes bien assez religieux, en vous rendant satisfait de vous-même, puisque vous priez, que vous lisez la Bible et que vous allez à des réunions chrétiennes. Il s’efforcera de faire en sorte que vous vous reposiez sur ce que vous faites et non sur Christ, et votre premier amour se refroidira. C’est ce que Satan veut ; car si Christ n’a plus toute la place dans votre cœur, qui l’occupera ? Il s’agit donc de combattre et vaincre, en restant aux pieds du Seigneur, comme Marie.
Satan essayera aussi de vous effrayer en excitant le monde contre vous. Vos compagnons ou compagnes, vos amis, ceux qui vous entourent, se moqueront de vous, vous tourneront le dos en vous donnant des noms de mépris. Il faut combattre et vaincre par la patience et la douceur (lire 1 Pierre 3:14-16). L’ennemi vous attaquera par le moyen du monde et de ses plaisirs. Si vous êtes jeune, il vous dira : « Quand on est jeune, il faut bien s’amuser un peu on a besoin de quelques distractions ; quel mal y a-t-il dans telle ou telle société ? ». Voilà ce que Satan suggérera à votre cœur naturel qui n’est, hélas ! que trop prompt à l’écouter. Résistez-lui par ces paroles : « N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde » (1 Jean 2:15). Il se peut même que Satan cherche à vous séduire par certaines formes religieuses qui agissent sur les sens et les sentiments, et qui les excitent. Prenez-y garde ; ne vous attachez qu’à ce que la parole de Dieu approuve d’une manière positive. Vous voyez donc que la vie, pour le fidèle disciple du Seigneur, est un combat incessant, qu’il soit un jeune Timothée ou un Paul âgé. C’est pourquoi nous sommes exhortés à revêtir toute l’armure de Dieu qu’il nous a préparée Lui-même, et à combattre comme de bons soldats de Jésus Christ, sous son drapeau à Lui, et sous nul autre (lire 2 Timothée 2:3-6). Et il ne faut pas nous décourager, ni nous lasser, mais garder les œuvres du Seigneur « jusqu’à la fin », c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il vienne, afin de pouvoir dire avec Paul, le vaillant combattant : « J’ai combattu le bon combat, … j’ai gardé la foi : désormais m’est réservée la couronne de justice, que le Seigneur juste juge me donnera dans ce jour-là, et non seulement à moi, mais aussi à tous ceux qui aiment son apparition » (2 Timothée 4:7-8).
Ces dernières paroles me conduisent à un autre point. Dans les armées de la terre, on décerne des récompenses à ceux qui ont bien combattu. Il y a des croix, des médailles, des mentions de courage, des places d’honneur. Le Seigneur Jésus Christ, notre grand capitaine, a aussi des récompenses pour ses soldats. Lui qui a combattu et vaincu le premier, est couronné de gloire et d’honneur ; son front est ceint de plusieurs diadèmes ; il est assis sur le trône du Père ; toutes choses Lui sont assujetties. Pour les siens, il a une couronne de justice, une couronne inflétrissable de gloire, une couronne de vie. Nous avons vu qu’à Éphèse, le vainqueur aura le privilège de manger de l’arbre de vie au paradis de Dieu, et qu’à Pergame, il reçoit une marque particulière de l’approbation du grand Chef du salut. Ainsi, le Seigneur est riche en dons pour ceux qui luttent et remportent la victoire.
Occupons-nous maintenant des récompenses que le Seigneur promet au vainqueur à Thyatire. Il dit deux fois : « Je donnerai » ; vous voyez que la récompense est double. La première est : « Je lui donnerai autorité sur les nations ; et il les paîtra avec une verge de fer, comme ont brisés les vases de poterie, selon que moi aussi j’ai reçu de mon Père ». Pour bien comprendre ce que dit ici le Seigneur, lisons ce que Dieu dit dans le Psaume 2, aux versets 7 à 9. L’Éternel s’adresse à Christ et dit : « Tu es mon Fils ; aujourd’hui, je t’ai engendré » Ces paroles se rapportent à la naissance du Seigneur dans ce monde. Ensuite, Dieu continue : « Demande-moi, et je te donnerai les nations pour ton héritage, et, pour ta possession les bouts de la terre ». Maintenant, le Seigneur Jésus a été rejeté et par les Juifs et par les nations, et son royaume n’est pas de ce monde (Jean 18:36). Dieu l’a élevé au ciel dans la gloire, et de là le Seigneur Jésus rassemble l’Église, son peuple céleste. Mais le temps va venir où il demandera l’héritage terrestre qui Lui revient, et Dieu Lui donnera les nations. Après de grands jugements, « le royaume du monde de notre Seigneur et de son Christ » sera établi et « il régnera aux siècles des siècles » (Apocalypse 11:15).
L’autorité que le Seigneur exercera sera irrésistible. Dieu dit : « Tu les briseras avec un sceptre de fer ; comme un vase de potier tu les mettras en pièces ». Imaginez un homme armé d’une barre de fer et frappant sur un vase de poterie. Celui-ci pourra-t-il résister ? Non, n’est-ce pas ? Un seul coup le mettra en pièces. Eh bien, il en sera de même, quand le Seigneur prendra sa grande puissance et entrera dans son règne (Apocalypse 11:17). Les nations s’irriteront et se soulèveront contre Lui. Avec leurs rois et leurs princes, elles diront, en parlant de l’Éternel et de son Oint : « Rompons leurs liens, et jetons loin de nous leurs cordes ». Ce sera le temps de la grande révolte des hommes contre Dieu, et déjà elle a commencé. Mais le Seigneur se rira de leurs vains efforts ; il leur parlera dans sa colère et détruira ces misérables vases de terre (Apocalypse 19:11-21). Ensuite, il établira ici-bas son règne de justice et de paix. Satan sera lié et la terre sera bénie. Mais ce sera toujours la justice qui régnera. Et, nous le savons, la justice est inflexible comme une barre de fer, et si, sous le règne du Seigneur, quelqu’un tente de s’élever contre son autorité, il sera brisé. C’est là le royaume que Christ a reçu de son Père.
Nous comprenons maintenant le sens de la première récompense donnée au vainqueur à Thyatire. Il sera associé à son glorieux Chef dans son royaume. Après avoir combattu à sa suite, il régnera avec Lui (2 Timothée 2:12). Les saints jugeront le monde. Ici-bas, ils sont un petit troupeau, faible, méprisé, souvent persécuté, mais le Seigneur a dit : « Ne crains pas, petit troupeau, car il a plu à votre Père de vous donner le royaume » (Luc 12:32). Les saints ne l’ont pas encore, mais quand Christ viendra prendre possession de son héritage, ils sortiront du ciel à sa suite (Apocalypse 19:14), et, après la victoire, ils hériteront avec Lui et régneront aux siècles des siècles (Apocalypse 22:5). Quelle perspective glorieuse ! Ne vaut-il pas la peine, pour un si grand prix, de souffrir, de combattre et de vaincre, coûte que coûte ?
Mais il y a une seconde récompense infiniment plus précieuse pour le vainqueur. Elle est pour son cœur. L’apôtre disait à Timothée : « Nul homme qui va à la guerre ne s’embarrasse dans les affaires de la vie, afin qu’il plaise à celui qui l’a enrôlé ». Dans les guerres de la terre, on a vu plus d’une fois des soldats qui ne combattaient pas seulement parce qu’il le fallait ou bien pour la gloire, mais par dévouement pour un chef, un général ou un empereur, qu’ils aimaient. Lui plaire, mourir pour lui, voilà ce qu’ils avaient dans leur cœur. Et tel est le vrai combattant chrétien. Il se dit : « Christ m’a aimé ; il s’est donné pour moi. Ah ! je ne suis plus à moi-même, mais à Lui », et il combat et meurt, s’il le faut, par amour pour Christ. Tel fut Paul, tels furent les martyrs. Nul n’est un bon soldat de Christ sans l’amour. Sa bannière, sous laquelle nous marchons, c’est l’amour. Rappelons-nous cette inscription gravée sur les murs de la Tour de Londres par un de ceux qui souffrirent et moururent pour Lui : « Jésus est mon amour ». Voilà où il puisait sa force dans le combat. Puisse-t-il en être ainsi de nous !
À ceux qui aiment ainsi leur divin Chef, et qui, par amour pour Lui, combattent et vainquent, le Seigneur dit : « Je lui donnerai l’étoile du matin ». Que veut dire cela ? Nous savons quel est l’astre que l’on nomme ainsi. C’est cette brillante étoile qui, dans un ciel serein, jette ses feux peu avant le lever du soleil. Ceux-là la connaissent qui veillent, tandis que le reste des hommes est plongé dans le sommeil. Elle précède et annonce le jour ; puis, à mesure que le soleil monte, elle pâlit, et quand, arrivé sur l’horizon, il illumine tout de ses brillants rayons, elle disparaît. Pour savoir de quelle étoile du matin parle le Seigneur, écoutons ce qu’il nous dit lui-même à la fin de ce livre de l’Apocalypse : « Je suis la racine et la postérité de David, l’étoile brillante du matin » (Apocalypse 22:16). C’est donc Christ dans le ciel. Il est nommé ainsi, parce qu’avant de se lever et de briller sur le monde, comme Soleil de justice (Malachie 4:1, 2), avant de venir établir son règne, il se lève dans le cœur des siens qui savent qu’il va venir les chercher pour les placer avec Lui dans le ciel. Le chrétien veille, les regards tournés vers le ciel d’où il attend Jésus qu’il aime. Et cette espérance soutient et réjouit son cœur. Il se dit : « Quand viendra mon bien-aimé ? ». Et le Seigneur répond : « je viens bientôt ». Est-ce là la disposition de votre cœur, lecteur ? Attendez-vous Jésus ? C’est un merveilleux secret pour combattre et vaincre que cette pensée : « Jésus vient ». Et quand il sera venu, Lui, que vous donnera-t-il ? Il se donnera lui-même, avec tout son amour, toute sa tendresse, tout le bonheur dont il jouit dans le ciel et dont vous jouirez avec Lui. Et en attendant, il est déjà à nous, ainsi qu’il est écrit : « Je suis à mon bien-aimé, et mon bien-aimé est à moi ».
Il nous reste à voir à quelle période de l’histoire de l’Église correspond l’état que présentait l’assemblée de Thyatire. C’est l’époque qui suit celle où l’Église s’était placée sous le patronage du monde et des empereurs romains. Le Seigneur, à Pergame, avait donné cet avertissement : « Repens-toi donc » ; mais l’Église ne l’écouta pas, et elle se corrompit de plus en plus.
Le mal dans l’Église se développa et atteignit son plus haut degré pendant le temps qu’on appelle en histoire le Moyen Âge, et qui s’étend de la fin du 4° siècle, à la fin du 14°, c’est-à-dire durant environ mille années. Ce fut une époque d’épaisses ténèbres. Il y avait alors un grand corps religieux qui prétendait au nom de chrétien, et que l’on appelait la Sainte Église catholique ou universelle, la Mère des fidèles ; mais combien elle était différente de l’Église, telle que nous la voyons décrite dans les Actes et les épîtres !
La première chose qui frappe dans ce qui portait alors le nom d’Église, et qui prétendait être la vraie Épouse de Christ, est la distinction profonde faite entre le clergé et les laïques. Au commencement, comme nous le lisons dans le Nouveau Testament, dans les réunions des chrétiens, tous se trouvaient sur le même pied. Tous étaient sacrificateurs pour offrir à Dieu des sacrifices d’actions de grâces par Jésus Christ (1 Pierre 2:5). Dans ces assemblées on priait, on chantait, on rompait le pain, c’est-à-dire on célébrait la cène, et si quelque frère avait un enseignement, une exhortation ou une parole d’édification à présenter, il le faisait librement, selon ce que l’Esprit de Dieu lui donnait (1 Corinthiens 11:20-34 ; 14:26-33 ; Actes 20:7).
Il y avait bien dans les églises des anciens ou surveillants, et des serviteurs ou diacres, mais ils ne formaient ni un ordre, ni une classe à part. Les diacres ou serviteurs s’occupaient des soins à donner aux pauvres et aux nécessiteux de l’assemblée ; les anciens avaient à veiller sur le troupeau, à le paître et le nourrir, en l’enseignant et l’exhortant par le moyen de la Parole. Il y avait plusieurs anciens dans chaque assemblée, et parmi eux, il pouvait y en avoir qui étaient plus spécialement doués pour l’enseignement (1 Timothée 5:17 ; Actes 6:1-6 ; Tite 1:5). Mais si la charge des anciens et des serviteurs était un service honorable comme venant du Seigneur, ils n’avaient pas, à cause de cela, une position d’autorité sur les autres fidèles. Voyez l’exhortation que l’apôtre Pierre leur adresse : « J’exhorte les anciens qui sont parmi vous, moi qui suis ancien avec eux et témoin des souffrances de Christ, qui aussi ai part à la gloire qui va être révélée : paissez le troupeau de Dieu qui est avec vous, le surveillant, non point par contrainte, mais volontairement, ni pour un gain honteux, mais de bon gré, ni comme dominant sur des héritages, mais en étant les modèles du troupeau » (1 Pierre 5:1-3).
Tel était l’ordre primitif dans l’Église de Dieu. Mais peu à peu les choses changèrent. Dans l’assemblée d’une ville, un des anciens vint à occuper une place prééminente. Il fut l’évêque ou surveillant par excellence, les autres formant le presbytère ou corps des anciens ou prêtres, qui, avec l’évêque en tête, prirent entièrement en main la conduite de l’assemblée. Celle-ci bientôt ne fut plus même consultée. Ensuite l’évêque d’une ville étendit son autorité sur les assemblées avoisinantes, et ainsi se formèrent des districts spirituels ou diocèses. Plusieurs districts furent à leur tour soumis à l’autorité supérieure de l’évêque d’une ville plus importante. On donna à celui-ci le titre d’archevêque ou évêque métropolitain. Tous ceux qui étaient au-dessous des évêques et archevêques, étaient les prêtres, les diacres, les sous-diacres et acolytes ou assistants.
Tous ces fonctionnaires dans les églises furent bientôt considérés comme un ordre à part des fidèles et constituèrent le clergé, d’un mot qui veut dire héritage, comme s’ils eussent été l’héritage spécial de Dieu ; les autres chrétiens furent appelés laïques, d’un mot qui signifie le peuple. On entrait dans le clergé par une consécration toute humaine, et au clergé seul, à partir des prêtres, appartenait le droit d’administrer les sacrements. Les laïques furent tenus de se soumettre au clergé, et c’est ainsi que fut mise de côté l’exhortation de l’apôtre Pierre de ne point dominer sur les héritages du Seigneur.
Rome étant la capitale du vaste empire romain, l’évêque de cette ville éleva la prétention d’être au dessus de tous les autres. Il se disait d’ailleurs successeur de Pierre que l’on prétendait avoir été le chef des apôtres. Peu à peu son autorité fut acceptée dans tout l’occident de l’Europe et, sous le nom de pape, il devint le chef absolu de ce que l’on appela la Sainte Église catholique ou universelle, composée du clergé ayant toute l’autorité spirituelle, et les laïques qui devaient croire aveuglément ce que l’Église, c’est-à-dire le clergé, leur imposait.
Quelquefois on réunissait des conciles. C’étaient des assemblées composées des évêques de toute l’église et dans lesquelles on décidait des questions touchant la foi ou la discipline. Les décisions prises étaient réputées dictées par l’Esprit Saint, et par conséquent infaillibles, c’est-à-dire sans erreur possible. Elles étaient donc obligatoires pour tous, et celui qui ne s’y soumettait pas était anathème et rejeté de l’Église. Ainsi l’Église « enseignait » comme Jésabel à Thyatire et prétendait être la bouche de Dieu. Plus tard, le pape lui-même, qui se disait vicaire, ou représentant de Jésus Christ sur la terre, affirma sa propre infaillibilité.
Et c’est ainsi que la soi-disant Église, de même que Jésabel, prit une autorité absolue et fit égarer les âmes de ceux qui portaient le nom de Christ. La parole de Dieu fut mise de côté et l’Église, c’est-à-dire le clergé, s’appuyant sur de prétendues traditions venues, disait-elle des apôtres et dont elle avait le dépôt, introduisit une foule de pratiques superstitieuses que non seulement la parole de Dieu n’approuve pas, mais qu’elle condamne. De peur que le peuple ne fût éclairé sur ces choses par l’Écriture, elle prétendit avoir seule le droit de l’interpréter, et en vint finalement à en défendre la lecture aux laïques.
Le plus affreux des maux introduits dans la chrétienté, fut l’idolâtrie. Non pas que l’on rétablît le culte de Jupiter, de Junon et des autres divinités du paganisme ; l’idolâtrie nouvelle fut pire que celles des païens, parce que ce fut sous le nom de christianisme qu’elle s’imposa aux âmes. On commença par vénérer la mémoire des apôtres et des saints qui avaient souffert le martyre pour Christ. Puis, on en vint à supposer que, comme ils devaient être particulièrement agréables à Dieu, on pouvait s’adresser à eux pour qu’ils intercédassent auprès de Dieu pour ceux qui les invoquaient sur la terre. On eut ainsi à la place du seul Médiateur entre Dieu et les hommes, savoir l’Homme Christ Jésus (1 Timothée 2:5), une foule de médiateurs. Le pape s’arrogea le pouvoir de canoniser, c’est-à-dire déclarer comme saint ou sainte que l’on pouvait invoquer au ciel, des personnes qui s’étaient distinguées, disait-on, par leur piété et en accomplissant des miracles. Le nombre de ceux que l’on pouvait ainsi prier et sur les bons offices desquels on pouvait compter auprès de Dieu, devint incalculable. On leur dressa des images, tableaux ou statues devant lesquelles on se prosterna et que l’on adora, comme les païens faisaient de leurs faux dieux. Chaque personne, chaque métier, chaque ville, chaque église, eurent leur saint qui les patronnait. Dans chaque maison, à chaque coin de rue, dans les chemins et carrefours, on voyait se dresser quelque image devant laquelle on se prosternait. Les anges eux-mêmes devinrent des objets de culte, malgré ce qu’enseigne l’Écriture (Colossiens 2:18).
Au-dessus de toutes ces nouvelles divinités, on plaça la Vierge Marie à laquelle on donnait le nom de mère de Dieu ; on lui rendait des honneurs divins, la considérant comme une toute puissante médiatrice auprès de Christ. Un des plus grands docteurs du Moyen Âge, saint Bernard, disait : « Tu craignais de t’approcher du Père, il t’a donné Jésus pour médiateur. Mais peut-être es-tu encore effrayé de la majesté de ce Jésus qui, bien qu’il soit devenu homme, est toujours Dieu. Il te faut un avocat, auprès de Lui, eh bien, aie recours à Marie ».
Mais on alla encore plus loin. De Christ lui-même on fit une idole. On adora ses images, soit qu’on le représentât enfant dans les bras de sa mère, soit qu’on le figurât attaché à la croix. Bien plus ; on imagina que le pain et le vin de la cène, après certaines paroles prononcées par le prêtre, n’étaient plus du pain et du vin, mais étaient changés dans le corps même du Seigneur. On disait que le prêtre offrait ainsi chaque fois un sacrifice non sanglant pour les péchés, contrairement à ce que dit la Parole (Hébreux 9:22, 26 ; 10:10, 12). Le pain consacré ou hostie était présenté au peuple comme étant Dieu, et le peuple se prosternait et adorait ! Le prêtre, comme l’on disait, avait fait Dieu ! puis, par une aberration étrange, on prétendait que l’hostie étant devenue le corps de Christ avec son sang, il n’était pas nécessaire que la coupe fût donnée au peuple ; elle était réservée au clergé.
La chrétienté était ainsi devenue un vaste temple d’idoles. Comme la Jésabel ancienne avait rempli le pays d’Israël des images de ses dieux et avait ses nombreux prêtres et faux prophètes, de même avait fait la Jésabel du Moyen Âge, entraînant dans la plus affreuse idolâtrie ceux qui n’auraient dû être que les serviteurs de Christ.
Un dernier grand mal se produisit ; ce fut la corruption morale, surtout du clergé. Non content d’avoir usurpé la suprématie spirituelle sur toute l’Église d’Occident, le pape voulut être souverain temporel. Il eut donc son royaume, sa cour et ses richesses, lui le prétendu successeur de Pierre le pêcheur, et le représentant de ce Jésus qui n’avait pas un lieu pour reposer sa tête et qui disait : « Mon royaume n’est pas de ce monde ». Le pape, s’élevant toujours, réclama, comme vicaire de Jésus Christ, des honneurs dus à Dieu seul et il en vint jusqu’à prétendre avoir la suprématie sur les empereurs, les rois et les princes de la terre ! À son exemple, les archevêques, les évêques, les abbés des couvents, voulurent être princes, grands seigneurs, avoir des domaines et des richesses. Et où prendre toutes ces choses ? Les pauvres laïques devaient les fournir ; on leur vendait, à prix d’argent, les grâces spirituelles, et on faisait un trafic honteux des choses saintes. Et pourquoi cela ? Pour satisfaire la cupidité et les convoitises déréglées du clergé. La dégradation morale finit par arriver à un point indicible. N’est il pas vrai que cela répond d’une manière frappante à ce qui nous est dit de la Jésabel de l’Église de Thyatire ?
Mais au milieu de ces sombres ténèbres, il y avait des rayons de lumière, car Dieu ne s’est jamais laissé sans témoignage sur la terre. Au sein de celle qui faussement se nommait l’Église et prenait les titres de sainte Mère et d’Épouse de Christ, il y avait des âmes fidèles isolées qui gémissaient de toute cette corruption. Il existait aussi çà et là des communautés, telles que celles des Vaudois en Piémont et dans le midi de la France, qui repoussaient les prétentions du clergé et de Rome et fuyaient l’idolâtrie. Ils avaient conservé la parole de Dieu, et s’attachaient à mener une vie pure. Ils étaient des témoins pour Dieu, un résidu que Dieu reconnaissait et approuvait. C’étaient ceux que le Seigneur à Thyatire nommait « les autres » et qui n’avaient pas connu les profondeurs de Satan. Leur fidélité à Christ les exposa à de grandes souffrances. Partout où l’Église romaine pouvait les atteindre, elle les persécuta jusqu’à la mort. Nous verrons plus tard, si le Seigneur le permet, quelques détails sur ces temps de l’Église au Moyen Âge et en particulier sur ces fidèles témoins. Ils ont souffert avec Christ et régneront avec Lui, et il leur donnera l’Étoile du matin.
Cette église de Thyatire, ou plutôt ce qu’elle représente, subsiste encore au loin et autour de nous. Elle ira jusqu’à la fin, jusqu’au jour où elle sera jugée. Pour le moment, Dieu ne permet pas que sa puissance se manifeste comme au Moyen Âge. Mais son influence est grande sur des millions d’âmes, son activité est considérable, et ses prétentions à la domination restent les mêmes. Elle a conservé son culte idolâtre, et maintient sa prétendue infaillibilité et celle de son chef, se mettant ainsi toujours au dessus de la parole de Dieu. Elle prépare la Babylone qui à la fin tombera sous la puissante main de Dieu, comme nous le lisons dans l’Apocalypse, aux chapitres 17 et 18.
Nous arrivons à l’épître que le Seigneur adresse à l’assemblée de Sardes. Cette ville n’est mentionnée nulle autre part dans le Nouveau Testament, et l’on ignore par qui l’Évangile y fut porté. Mais comme elle était située dans la contrée où Paul avait annoncé la Parole pendant deux ans, et de laquelle il est dit : « Tous ceux qui étaient en Asie entendirent la parole du Seigneur » (Actes 19:10), nous pouvons penser que c’est alors que fut établie l’assemblée de Sardes.
Voici ce que le Seigneur lui dit : « Et à l’ange de l’assemblée qui est à Sardes, écris : Voici ce que dit celui qui a les sept Esprits de Dieu et les sept étoiles ». Le Seigneur Jésus se présente ainsi pour montrer qu’il possède la plénitude du Saint Esprit, et toute l’autorité pour le gouvernement de l’Assemblée. Toute ressource est en Lui.
Comme il le fait pour presque toutes les assemblées, le Seigneur commence ainsi : « Je connais tes œuvres ». Combien cette parole plusieurs fois répétée est sérieuse ! Les œuvres, ce n’est pas seulement ce que les hommes voient ; c’est tout l’ensemble de la vie, même ce qu’il y a de plus intime dans nos pensées et nos sentiments. Le Seigneur connaît tout. Et voici le jugement qu’il porte sur Sardes : « Tu as le nom de vivre, et tu es mort ». Cela nous montre évidemment que le Seigneur discernait le vrai état intérieur. Il y avait à Sardes une belle forme religieuse, mais Jésus n’y voyait au fond que la mort. Le monde peut dire : « Voilà un homme pieux ; voici un jeune homme, une jeune fille sérieuse », parce qu’on assiste à des services religieux, que l’on prie et qu’on lit la parole de Dieu, mais prenons garde d’avoir seulement un nom de vivre. Le Seigneur, dans sa grâce, donne à l’assemblée de Sardes un sérieux avertissement : « Sois vigilant », dit-il à l’ange, « et affermis ce qui reste, qui s’en va mourir ». Il y avait donc encore quelques personnes à Sardes qui n’étaient pas mortes, qui avaient autre chose qu’un bruit de vivre. Celles-là avaient besoin d’être affermies. Et comment une âme peut-elle être affermie ? C’est en veillant pour que rien ne la détourne du Seigneur. Si l’on aime à s’occuper du monde, de ses plaisirs et de ses affaires, si l’on s’associe à lui, on ne pense plus à Christ, on néglige la communion avec Dieu, et on n’a bientôt plus qu’un nom de vivre. Alors le Seigneur peut dire comme à Sardes : « Car je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites devant mon Dieu ». La conduite que l’on mène, les œuvres que l’on fait, peuvent paraître excellentes aux yeux des hommes mais la question est : « Sont-elles parfaites devant Dieu ? ». C’est devant son Dieu que le Seigneur les apprécie. Si elles sont seulement le résultat d’habitudes religieuses ou d’une bonne éducation morale, ou encore le fruit de la propre justice, elles ne sont pas parfaites devant Dieu. Elles doivent procéder de la vie de Dieu dans l’âme et être accomplies pour Jésus. L’apôtre Paul disait : « Christ est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour celui qui pour eux est mort et a été ressuscité » (2 Corinthiens 5:15). Alors la plus petite œuvre, — même un verre d’eau froide donné au nom de Jésus — est agréable à Dieu.
Le Seigneur ajoute ensuite une autre exhortation : « Souviens-toi donc comment tu as reçu et entendu, et garde, et repens-toi ». Ce que les chrétiens ont reçu c’est la grâce de Dieu par l’Évangile ; ce qu’ils ont entendu, c’est la parole de Dieu. C’est là ce qu’il faut garder, et si l’on s’en est écarté, y revenir. Bien des jeunes chrétiens ont reçu avec joie l’Évangile et entendu la Parole avec bonheur. Ils prenaient tout leur plaisir dans les choses de Dieu. Puis, peu à peu, ils se sont alanguis. D’abord pleins d’ardeur, ils tombent, faute de vigilance, dans un état d’indifférence et de somnolence qui ressemble à la mort. À eux s’adressent les paroles : « Souviens-toi », et « prends garde », et « repens-toi », c’est-à-dire : Reviens à ce que tu as reçu et entendu.
Le Seigneur, après la parole d’avertissement, fait entendre à Sardes une menace bien sérieuse : « Si donc tu ne veilles pas, je viendrai sur toi comme un voleur, et tu ne sauras point à quelle heure je viendrai sur toi ». Les vrais chrétiens, qui ont la vie de Dieu, attendent que le Seigneur vienne pour les prendre avec Lui. Le Seigneur ne vient pas sur eux, mais pour eux et ils sont heureux en l’attendant. Mais ceux qui n’ont que « le nom de vivre » seront traités comme le monde, malgré leur profession religieuse. Ils seront enveloppés dans le jugement du monde, à l’égard duquel l’apôtre dit : « Le jour du Seigneur vient comme un voleur dans la nuit. Quand ils diront : « Paix et sûreté », alors une subite destruction viendra sur eux » (1 Thessaloniciens 5:2-3). Quel moment terrible ! S’être endormi dans une fausse sécurité et se réveiller pour le jugement ! Le Seigneur nous en préserve !
Mais à Sardes, au milieu de l’état général de mort, il y avait encore un résidu. Le Seigneur Jésus aime à reconnaître ceux qui en font partie. C’est un rafraîchissement pour le cœur du Sauveur de voir des âmes qui Lui sont attachées. Lisons ce qui caractérise ces âmes fidèles : « Toutefois tu as quelques noms à Sardes qui n’ont pas souillé leurs vêtements ». « Quelques noms », cela veut dire des personnes que le Seigneur connaît spécialement et qu’il compte, pour ainsi dire. Le Seigneur dit de ces fidèles : « Ils n’ont pas souillé leurs vêtements » ; c’est-à-dire leur conduite a été pure et pour ma gloire. Les autres avaient souillé leurs vêtements en s’associant au monde et en marchant comme le monde. Prenons garde, si nous sommes chrétiens, de ne pas souiller nos vêtements. L’apôtre Jacques nous dit que la religion pure et sans tache « devant Dieu le Père, est… de visiter les orphelins et les veuves dans leur affliction, de se conserver pur du monde » (Jacques 1:27). Quand le cœur est attaché à Christ, on se tient loin du monde.
Représentons-nous une grande et large route boueuse, où courent et s’agitent une foule de gens. Ils sont tout sales ; leurs vêtements sont souillés de boue. Mais il y en a quelques-uns qui se sont dit : « Ne pouvons-nous pas trouver un chemin propre ? ». Et ils découvrent un petit sentier étroit, mais sec, où ils peuvent marcher sans se salir, et ils y vont. Ne seraient-ils pas stupides de redescendre sur la route boueuse, sous prétexte qu’on y est plus au large ? Il y a dans le monde un sentier étroit, mais saint et pur. C’est celui où Jésus a marché. En suivant le Sauveur, on ne souille pas ses vêtements. La vie alors est sainte et Jésus nous approuve.
Écoutons ce qu’il promet à ceux qui n’auront pas souillé leurs vêtements. « Ils marcheront avec moi en vêtements blancs, car ils en sont dignes ». Quel contraste avec ceux qui ont souillé leurs vêtements et qui n’auront point de part avec Lui, mais seront jugés avec le monde ! Les autres marcheront avec le Seigneur ; ils formeront son brillant cortège, revêtus de sainteté et de justice, vêtements dignes de sa glorieuse et pure Personne.
Mais on ne vit pas dans un monde méchant et corrompu, sans avoir à lutter pour ne pas souiller ses vêtements. Le monde et Satan présentent, surtout à ceux qui sont jeunes, toutes sortes de séductions, de plaisirs et d’attraits, pour les attirer dans la boue et les souillures. Il faut résister. C’est pour cela que le Seigneur ajoute : « Celui qui vaincra, celui-là sera vêtu de vêtements blancs, et je n’effacerai point son nom du livre de vie, et je confesserai son nom devant mon Père et devant ses anges ». Quand donc on aura vaincu par la vigilance, la parole de Dieu, la prière, et par-dessus tout, la foi et la confiance dans le Seigneur, Lui-même nous introduira dans cette région heureuse, le ciel, où il n’y a point de souillures possibles. Le péché n’y entre pas. Rien n’altérera la pureté et la fraîcheur des vêtements blancs dont nous serons revêtus. Quand le moment sera venu où le Seigneur effacera du livre de vie, c’est-à-dire du registre de la profession religieuse, les noms de ceux qui avaient seulement le nom de vivre, il y laissera les noms de ceux qui auront remporté la victoire. Ils vivront éternellement. Et ce bien-aimé Sauveur prendra plaisir à confesser leurs noms devant son Père et ses anges. Publiquement il dira : « Ceux-là que vous voyez revêtus de robes blanches, ils sont à moi.
Quelle perspective brillante ! Ne désirez-vous pas faire partie de cette troupe glorieuse et bienheureuse ? « Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées ».
Nous avons à considérer maintenant à quelle époque de l’histoire de l’Église correspond l’état de l’assemblée de Sardes.
Nous avons vu que l’assemblée de Thyatire représentait prophétiquement le papisme, ce grand système religieux corrompu et corrupteur, et que ce qui caractérise ce système est la position de suprématie qu’un homme, le pape, prend comme chef de l’Église ; ensuite l’idolâtrie remplaçant le culte de Dieu en esprit et en vérité ; le salut par les œuvres mis à la place du salut par la foi ; et enfin, la prétention du clergé, d’enseigner et d’expliquer seul les Écritures, avec défense aux laïques de la lire, au moins sans la permission spéciale des conducteurs spirituels. De là, pour le peuple surtout, les ténèbres qui régnèrent dans les âmes durant le Moyen Âge. La Bible, la lumière divine, était cachée.
Mais le Seigneur était là, le chef suprême de l’Église, ayant les sept étoiles, toute l’autorité pour gouverner, et les sept Esprits de Dieu, la lumière parfaite de la connaissance pour la répandre. Au temps fixé, le Seigneur agit dans sa grâce, et fit briller la lumière au sein des épaisses ténèbres du papisme. Cette époque, qui fut pour l’Église comme un nouveau point de départ, se nomme la Réformation.
Même aux temps les plus sombres, le Seigneur avait toujours eu des âmes ou même de petites congrégations qui lui étaient fidèles. Des hommes, tels que Wiclef en Angleterre, Jean Huss en Bohême, éclairés de Dieu pour voir les erreurs du papisme, les dénoncèrent. Mais ils n’étaient que comme des lueurs qui précèdent le jour. Celui que le Seigneur choisit pour être son grand champion est Martin Luther, dont nous aurons à parler plus longuement dans la suite. Nous ne devons jamais exalter un homme, quel qu’il soit : le Seigneur seul est digne de l’être. Mais nous pouvons rendre grâces à Dieu de ce qu’il a suscité, doué et soutenu des hommes comme Paul, Pierre et Jean, pour faire connaître la vérité, et des hommes, tels que Luther et d’autres, pour la remettre en évidence quand elle a été oubliée et méconnue.
La première chose que Dieu fit par le moyen de son serviteur, fut de montrer que l’autorité n’est ni dans le pape, ni dans les conciles, ni dans les docteurs, ni dans l’Église, mais uniquement dans la parole de Dieu, seule infaillible pour faire connaître la vérité. La Bible fut donc tirée de la poussière et de l’obscurité où le pape et les prêtres l’avaient laissée enfouie, et présentée à tous comme le Livre de Dieu où chacun peut et doit chercher la lumière. C’est ce Livre divin qui avait déjà éclairé et soutenu Wiclef et Huss ; c’est lui qui, partout où Dieu suscita des réformateurs, devint pour eux l’autorité à laquelle ils en appelaient pour justifier leurs enseignements. Et ce Livre était pour tous ; aussi fut-il bientôt répandu à profusion par le moyen de l’imprimerie inventée peu d’années avant la Réformation. Ainsi chacun put apprendre directement de Dieu, et put contrôler par cette Parole de vie ce qui lui était présenté.
Ce fut un coup terrible porté au papisme et à la papauté. On vit bientôt la vanité des prétentions du clergé et l’erreur de ses enseignements. La Bible renversait tout cet échafaudage de clergé, de cérémonies, d’idolâtrie, de salut par les œuvres, de pénitences, de pèlerinages, etc., car elle ne dit rien de ces choses ou les condamne formellement. C’est là la grande œuvre que Dieu a faite par le moyen de ses serviteurs les réformateurs : remettre la Bible en lumière, et ainsi renverser les prétentions et les erreurs de Rome.
La grande vérité que Luther proclama et qui lui était particulièrement chère, est celle de la justification du pécheur devant Dieu par la foi au sacrifice de Jésus, mort pour nos fautes et ressuscité pour notre justification. C’est en cela qu’il avait trouvé la paix pour son âme profondément troublée que toutes ses pénitences et ses œuvres n’avaient pu calmer. De ce moment date ce que l’on nomme le protestantisme, qu’il ne faut pas confondre avec la Réformation. Cette dernière est l’œuvre par laquelle la Bible fut remise en lumière et honneur, où la vraie doctrine du salut fut proclamée, et où les prétentions de Rome furent combattues et ses erreurs dénoncées ; le protestantisme est l’état de choses qui en résulta dans l’Église. La chrétienté en Occident fut dès lors séparée en deux grandes sections, le catholicisme romain, comprenant ceux qui restèrent attachés au pape et reconnurent son autorité ; et le protestantisme, comprenant tous ceux qui rejetèrent Rome et ses prétentions, et ne reconnurent d’autre autorité que la Bible, au moins nominalement.
C’est là ce que le Seigneur considère dans l’assemblée de Sardes : non pas la Réformation qui est son œuvre, mais l’état qui en est résulté sous l’action des hommes. Voilà pourquoi il a à dire ces tristes paroles : « Tu as le nom de vivre, et tu es mort » et « je n’ai pas trouvé tes œuvres parfaites ». En effet, d’une manière générale, dans les églises nommées protestantes, soit luthérienne, ou réformée, ou anglicane, ou autres, on en vint à n’avoir plus qu’une profession extérieure. Les confessions de foi étaient orthodoxes, c’est-à-dire selon la saine doctrine, au moins en général, mais laissant les âmes dans l’indifférence, le formalisme et la mort. De plus ces diverses églises, pour la plupart, furent assujetties à l’État, c’est-à-dire aux gouvernements humains, de sorte qu’elles furent mêlées au monde. On voit combien l’avertissement du Seigneur était de saison : « Souviens-toi comment tu as reçu et entendu, et garde, et repens-toi », avertissement semblable à celui que le Seigneur avait déjà fait entendre à Éphèse, et ayant pour but de rappeler les âmes à la Bible et à une foi vivante.
Au milieu de cet état de langueur et de mort, il y avait cependant toujours des personnes qui ne se contentaient pas d’une vaine forme de piété, mais qui saisissaient par la foi, et gardaient dans leurs cœurs les précieuses vérités du salut. Ce sont elles dont le Seigneur dit : « Tu as quelques noms à Sardes qui n’ont pas souillé leurs vêtements ». Outre ces personnes isolées, il y eut aussi à diverses reprises dans le protestantisme des réveils plus ou moins étendus. Mais ce n’est pas le moment d’en parler, ni d’entrer davantage dans le détail de ce qui constitue le protestantisme. Il suffit que nous ayons vu, d’une manière générale, à quoi correspond ce qui est dit de l’assemblée de Sardes.
De même que Thyatire ou le catholicisme romain, Sardes ou le protestantisme continue jusqu’à la venue du Seigneur. Alors toutes deux tomberont sous le jugement. Que le Seigneur nous donne de tenir ferme cette précieuse parole de Dieu qui maintenant n’est plus cachée, mais qui est accessible à tous et qui est entre nos mains ; qu’il nous accorde de marcher à sa lumière et ainsi de garder nos vêtements, c’est-à-dire notre vie, notre conduite, non souillés par le contact avec le monde !
Nous arrivons maintenant à l’épître adressée par le Seigneur à la sixième assemblée, celle de Philadelphie. Elle n’est mentionnée nulle autre part dans le Nouveau Testament, et l’on ignore par qui elle fut établie. Elle n’a pas fait grand bruit dans le monde, mais les paroles du Seigneur nous font connaître sa fidélité et comment il l’apprécie.
Écoutons ce qu’il dit :
« Et à l’ange de l’assemblée qui est à Philadelphie, écris : Voici ce que dit le saint, le véritable, celui qui a la clef de David, celui qui ouvre et nul ne fermera, qui ferme et nul n’ouvrira :
Je connais tes œuvres. Voici, j’ai mis devant toi une porte ouverte que personne ne peut fermer, car tu as peu de force, et tu as gardé ma parole, et tu n’as pas renié mon nom. Voici, je donne de ceux de la synagogue de Satan qui se disent être Juifs, — et ils ne le sont pas, mais ils mentent ; voici, je les ferai venir et se prosterner devant tes pieds, et ils connaîtront que moi je t’ai aimé. Parce que tu as gardé la parole de ma patience, moi aussi je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va venir sur la terre habitée tout entière, pour éprouver ceux qui habitent sur la terre. Je viens bientôt ; tiens ferme ce que tu as, afin que personne ne prenne ta couronne.
Celui qui vaincra, je le ferai une colonne dans le temple de mon Dieu, et il ne sortira plus jamais dehors ; et j’écrirai sur lui le nom de mon Dieu, et le nom de la cité de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d’auprès de mon Dieu, et mon nouveau nom.
Que celui qui a des oreilles écoute ce que l’Esprit dit aux assemblées ».
Nous pouvons remarquer d’abord que le Seigneur n’adresse aucun reproche à l’ange de cette assemblée. C’est comme à l’assemblée de Smyrne. Cette dernière venait après l’assemblée d’Éphèse, qui avait abandonné son premier amour. Elle passait par la persécution et demeurait ferme, et le Seigneur l’exhorte à ne rien craindre et lui fait des promesses de vie. De même, Philadelphie vient après Sardes qui avait bruit de vivre, tout en étant dans la mort ; Philadelphie avait peu de force, mais le Seigneur l’aimait, parce qu’elle gardait sa parole et son nom. Ainsi ce qui plaît au Seigneur, c’est un cœur ferme dans l’épreuve et fidèle dans la faiblesse.
En écrivant à l’assemblée de Philadelphie, le Seigneur Jésus se présente d’un côté comme étant le Saint et le Véritable. Ce sont des titres qui appartiennent à Dieu, comme nous le voyons en plusieurs passages (Ésaïe 40:25 ; 57:15 ; 1 Jean 2:20 ; 5:20). Mais Jésus est Dieu, et c’est pourquoi il prend ces titres. Le Saint veut dire celui qui est absolument séparé de tout mal. Jésus est saint en lui-même et il a manifesté ce caractère sur la terre dans tout ce qu’il a fait. Le Véritable signifie celui qui est vrai en toutes choses, dans sa personne, se faisant connaître comme le vrai Fils de Dieu ; dans ses paroles et ses actes, faisant connaître Dieu comme amour et lumière, et révélant le Père. Qu’il est précieux de connaître cette glorieuse et adorable Personne, séparée du mal et qui nous en sépare, qui est vraie, en sorte que nous pouvons mettre une entière confiance en ce qu’elle dit, et par elle connaître la vérité.
Mais d’un autre côté, comme homme, Jésus était la postérité de David (Apocalypse 22:16). Il a donc la clef de David, c’est-à-dire l’autorité absolue pour gouverner, comme étant le Christ promis. Si nous lisons au chapitre 22 d’Ésaïe, du verset 15 au 23, nous y voyons qu’un certain Shebna était revêtu d’une charge dans la maison royale à Jérusalem. Mais n’en ayant usé que pour satisfaire son orgueil et pour se glorifier dans sa force et ses richesses, le prophète Ésaïe lui fut envoyé de la part de l’Éternel pour lui déclarer qu’il périrait misérablement et que sa charge lui serait ôtée et donnée à Éliakim, serviteur fidèle de l’Éternel. « Et il arrivera, en ce jour-là, que j’appellerai mon serviteur Éliakim, fils de Hilkija… je mettrai ton intendance en sa main ; et il sera pour père aux habitants de Jérusalem et à la maison de Juda. Et je mettrai la clef de la maison de David sur son épaule ; et il ouvrira, et personne ne fermera ; et il fermera, et personne n’ouvrira ». Éliakim était donc revêtu de l’autorité pour administrer la maison de David, pour admettre et recevoir dans la faveur et dans le service du roi, ceux qu’il jugeait dignes, pour exclure les autres, et cela sans appel. Il était ainsi le type du Seigneur Jésus. Au premier chapitre de l’Apocalypse, le Seigneur dit de lui-même : « Je tiens les clefs de la mort et du hadès », c’est-à-dire qu’il a le pouvoir souverain sur la mort et le lieu invisible où vont les âmes séparées du corps. Il a la puissance de ressusciter les morts (Apocalypse 1:18). À Pierre, il avait donné les clefs du royaume des cieux (Matthieu 16:19), c’est-à-dire l’autorité d’ouvrir l’entrée du royaume aux Juifs d’abord, puis aux gentils, par la prédication de l’Évangile, et c’est ce que Pierre a fait, comme nous le lisons aux chapitres 2 et 10 des Actes des apôtres.
J’ai cité ces divers passages pour bien faire comprendre que les clefs désignent l’autorité d’introduire ou d’exclure. Le Seigneur Jésus se présente à l’assemblée de Philadelphie et à nous, comme ayant cette autorité souveraine. Il ouvre la porte de la bénédiction, de la foi, du salut, aux âmes, et personne ne peut l’empêcher de bénir et de sauver (Actes 14:27). Tous les efforts de Satan et du monde sont impuissants pour arrêter le cours des bénédictions qu’il répand. Nous le voyons dans les Actes. Les persécutions que subirent les chrétiens et les apôtres ne firent que répandre l’Évangile (lire en particulier Actes 8:1-8 ; 11:19-21 ; 16). Le Seigneur ouvre la porte à ses serviteurs pour exercer leur ministère, et Satan ne pouvait la fermer. C’est ainsi que Paul disait : « Je demeurerai à Éphèse jusqu’à la Pentecôte ; car une porte grande et efficace m’est ouverte, et il y a beaucoup d’adversaires » (1 Corinthiens 16:9). Combien cela est précieux pour les serviteurs du Seigneur, et comme cela doit nous encourager à prier pour que Dieu leur ouvre la porte pour annoncer la Parole ! (Colossiens 4:3). Il me semble voir une grande porte ouverte, la porte du salut, et les prédicateurs de l’Évangile appelant les âmes à entrer, et tout un flot entrant ; et puis Satan et le monde, les incrédules, les méchants, faisant tous leurs efforts pour pousser cette porte et la fermer, mais sans succès ; la main du Seigneur, invisible pour eux, la tiens ferme et elle ne bouge point.
Mais d’un autre côté, s’il ferme, qui ouvrira ? Ah ! cela est terrible ! Il disait aux Juifs : « Dès que le maître de la maison… aura fermé la porte, et que vous vous serez mis à vous tenir dehors et à heurter à la porte, disant : Seigneur, ouvre-nous ! et que, répondant, il vous dira : Je ne vous connais pas » ; quelle puissance humaine pourra ouvrir ? Aucune ; on sera dehors, hors de la bénédiction et de la joie (Luc 13:25-29). Et aux vierges folles, que leur arrivera-t-il ? La porte sera fermée, et il dira : « Je ne vous connais pas ». La porte de la grâce aura été fermée, et personne n’ouvrira. Ce sera le sort réservé à ceux qui n’auront pas voulu écouter au temps convenable. C’est ce qui va bientôt arriver au monde incrédule. Combien cela est sérieux ! Demandons au Seigneur que bien des portes soient ouvertes à ses serviteurs, et que bien des âmes soient sauvées.
Le Seigneur Jésus s’était présenté à l’assemblée de Philadelphie, comme le Saint, le Véritable, Celui qui a l’autorité absolue pour ouvrir et fermer ; écoutons maintenant ce qu’il est dit aux saints qui composaient cette assemblée.
La première chose qu’il déclare, c’est : « Je connais tes œuvres », mais il ne dit pas quelles sont ces œuvres. Seulement, quand nous lisons la suite, nous trouvons que le Seigneur dit : « Moi, je t’ai aimé ». Nous pouvons en conclure que c’étaient des œuvres qui Lui étaient agréables, provenant de cœurs qui Lui étaient dévoués. Il n’est pas nécessaire que les œuvres que l’on fait soient grandes et attirent l’attention et l’admiration des hommes ; non, des œuvres humbles, sans apparence, accomplies chaque jour dans les diverses positions de la vie, mais ayant pour motif l’amour du Seigneur, voilà celles dont il peut dire avec satisfaction : « Je les connais », et ces œuvres-là, le plus jeune et le moindre des croyants peut les accomplir. Il est bien évident que les saints à Philadelphie ne brillaient pas par l’apparence aux yeux du monde : « Tu as peu de force », leur dit le Seigneur. Mais cet état de faiblesse attirait la sympathie de Jésus. Dans la faiblesse et l’impuissance des siens, il aime à montrer sa force à Lui. Le bienheureux apôtre Paul savait cela. Il disait : « Je me glorifierai donc très volontiers plutôt dans mes infirmités, afin que la puissance du Christ demeure sur moi… Car quand je suis faible, alors je suis fort » (2 Corinthiens 12:9-10).
Les Philadelphiens avaient « peu de force » ; ils étaient peu nombreux, pauvres peut-être, sans talents, et, dans l’assemblée, il n’y avait peut-être que peu de dons marquants ; mais ils avaient l’essentiel, sans lequel tout le reste n’est rien. Ils avaient ce que chacun de nous individuellement, et ce que chaque assemblée, nous devrions avoir. Et quoi donc ? « Tu as gardé ma parole », dit le Seigneur, « et tu n’as pas renié mon nom ».
Voilà ce que Jésus voyait dans leurs vies et dans leurs cœurs, et ce qu’il appréciait par-dessus tout. Leur faiblesse ne les avait pas empêchés de rester attachés à la Parole et à la Personne de Christ, malgré les efforts de Satan et les persécutions du monde. Nous aussi nous avons la Parole, et nous avons appris à connaître le nom précieux de Christ, le Sauveur, le Fils de Dieu. Mais il faut garder la Parole, la garder dans son cœur, et pas seulement l’avoir dans sa maison, ou dans son intelligence. Garder veut dire qu’on l’estime comme une chose de haute valeur. Et il ne faut pas non plus renier le nom de Jésus. Au temps de l’assemblée de Philadelphie, les souffrances causées par les persécutions, faisaient que parfois ceux qui avaient fait profession d’être chrétiens, reniaient Christ. Aujourd’hui, ce n’est pas à la mort ou à la prison qu’on est exposé si l’on confesse Christ. Mais on est exposé aux moqueries, au dédain, au mépris de ses compagnons, de ses amis qui sont encore du monde, et c’est souvent bien difficile de le supporter. Il arrive plus d’une fois qu’on voudrait servir le Seigneur, mais on craint l’opprobre et l’on a honte de Lui. Pensons alors à l’assemblée de Philadelphie qui n’a pas renié le nom du Sauveur qu’elle aimait, et demandons à Dieu la force nécessaire afin d’être en état de nous déclarer franchement pour Christ.
Et voyez ce que le Seigneur dit ensuite à l’assemblée de Philadelphie. Puisqu’elle a peu de force et que cependant elle est fidèle, le Seigneur ajoute : « Voici, j’ai mis devant toi une porte ouverte que personne ne peut fermer ». C’est Lui-même qui ouvre un chemin à ceux qui sont faibles, et personne, Satan, ni le monde, ne peuvent les empêcher d’y marcher en paix et en liberté. Un faible chrétien pourrait dire : « Comment pourrais-je être fidèle et servir le Seigneur, moi qui suis si ignorant et chétif ? On va se moquer de moi, me mettre à l’écart, si je confesse le Seigneur ». N’aie pas peur, cher ami, le Seigneur qui sait que tu n’as pas de force, sera avec toi et t’ouvrira le chemin.
À côté de l’assemblée à Philadelphie, aimée et approuvée du Seigneur, il y avait une autre congrégation, un autre ensemble d’hommes réunis sous les ordres d’un autre maître, et qui avaient des prétentions religieuses. Ils sont appelés la synagogue ou la congrégation de Satan. Quel terrible nom ! Qu’étaient-ils ces hommes ? Ce n’étaient pas des païens. Non ; ils se disaient « Juifs », c’est-à-dire se vantaient de croire en un seul Dieu, d’avoir la parole de Dieu, une loi et des ordonnances données de Dieu, d’être le peuple de Dieu, et avaient une grande apparence religieuse. Mais ils mentaient. Ils n’étaient plus le peuple de Dieu, car ils avaient rejeté le Christ, le Fils de Dieu, Jésus, annoncé par les prophètes, et c’est ainsi que, malgré leur vanterie, ils étaient la synagogue de Satan. Toutes leurs prétentions religieuses n’étaient que mensonge aux yeux du Seigneur. Il en est de même aujourd’hui ; se dire chrétien, parce que l’on a une certaine forme religieuse, qu’on a été baptisé et que l’on fait ainsi partie de l’Église professante, n’est pas selon la vérité. Il faut avoir reçu Christ dans son cœur.
Un temps viendra où toutes les fausses prétentions seront jugées, et où les vrais chrétiens seront reconnus. « Afin que le monde connaisse… que tu les a aimés comme tu m’as aimé », disait le Seigneur à son Père en parlant de ses disciples, et ici, il déclare de ceux qui se disaient Juifs et qui méprisaient les chrétiens : « Ils connaîtront que moi je t’ai aimé ». Qu’il est précieux pour le cœur de savoir que le Père nous aime et que Jésus nous aime ! C’est maintenant un secret entre Lui et nous : le monde n’en sait rien. Mais quand Jésus viendra, que nous serons manifestés, avec Lui en gloire, le monde entier saura combien nous avons été aimés. Il est dit de Jésus que « tout genou » fléchira devant Lui. Nous serons avec Lui, dans la même gloire, et c’est ainsi que le monde reconnaîtra que les pauvres saints, si méconnus et méprisés maintenant, étaient vraiment dignes d’honneur. Alors se réalisera cette parole : « Je les ferai venir et se prosterner devant tes pieds ».
Le Seigneur signale ensuite un autre caractère de l’assemblée de Philadelphie : « Tu as gardé la parole de ma patience », dit-il. Que signifient ces paroles « ma patience », la patience de Jésus ? Essayons de le comprendre. Que désire le Seigneur ? C’est d’avoir avec Lui ses bien-aimés dans la gloire : « Père, je veux, quant à ceux que tu m’a donnés, que là où moi je suis, ils y soient aussi avec moi, afin qu’ils voient ma gloire » (Jean 17:24) ; voilà ses paroles. Mais il attend avec patience le moment que Dieu a fixé pour cela. Et que désirent les saints ? D’être avec leur Sauveur, loin du monde et du péché. L’Esprit et l’Épouse disent : « Viens ». Mais comme Jésus attend, ils attendent aussi avec patience ; c’est ainsi qu’ils ont la même pensée que Jésus, et qu’ils gardent la parole de sa patience, c’est-à-dire qu’ils attendent sa venue.
À ceux qui gardent la parole de la patience, le Seigneur fait une promesse. Un temps solennel approche. Une épreuve terrible va venir sur la terre habitée tout entière. Le Seigneur ne nous en dit pas la nature, mais ce seront des calamités effrayantes qui fondront sur « ceux qui habitent sur la terre », autrement dit ceux dont le cœur, les pensées, les habitudes, sont dans les choses d’ici-bas, qui sont citoyens de la terre et n’attendent de joies que celles qui s’y trouvent. Mais ceux qui gardent la parole de sa patience sont du ciel, d’où ils attendent le Seigneur. « Le Seigneur tarde », pourraient-ils penser, et il semble à voir l’agitation du monde, les bruits de guerre, de révolution et d’anarchie, que de terribles événements vont avoir lieu. C’est vrai ; mais les saints ne seront plus sur la terre ; ils seront avec le Seigneur. Quel bonheur de pouvoir s’appuyer sur cette précieuse promesse : « Je te garderai ».
Et les paroles suivantes nous font bien voir que c’est en venant prendre les saints près de Lui qu’il les préservera de toutes ces calamités à venir. Il dit : « Je viens bientôt » ; c’est ce que l’apôtre rappelait aussi aux Thessaloniciens qui avaient été convertis « pour attendre des cieux … Jésus, qui nous délivre de la colère qui vient » (1 Thessaloniciens 1:10). Et c’est « bientôt » ; chaque jour nous rapproche de cet heureux moment.
Mais à cela le Seigneur ajoute une exhortation : « Tiens ferme ce que tu as », dit-il, « afin que personne ne prenne ta couronne ». Il y a donc un danger, et des ennemis sont là, tout prêts à ravir aux fidèles ce qu’ils ont de précieux, ce qui fait leur ornement et leur gloire. « Ce que tu as », qu’est-ce que c’est ? C’est tout ce que le Seigneur nous a donné : sa Parole, sa connaissance, son amour, la jouissance de ce qu’Il est, l’assurance du salut, de notre relation d’enfants auprès du Père, l’espérance de sa venue, toutes les saintes vérités de la Parole. Voilà ce qu’il faut tenir ferme comme la chose la plus précieuse et que Satan voudrait bien nous enlever. Si vous aviez un objet de valeur qui viendrait de votre mère, combien n’y tiendriez-vous pas ? Si quelqu’un voulait vous le ravir, avec quelle énergie vous le retiendriez ! Supposez que quelqu’un voulût vous persuader qu’après tout, cela n’a pas tant de valeur et se moquât de ce que vous y attachez un si grand prix, avec quelle indignation vous le repousseriez ! Eh bien, ce que le Seigneur nous a donné vaut infiniment plus que tous les trésors de l’univers. Tenons le donc ferme, en dépit de tous les efforts et les ruses du diable. « La couronne », c’est ce que le vrai chrétien a déjà ; c’est Christ qui est sa gloire et sa couronne aux yeux de Dieu, et en quoi il peut se glorifier. Et cette couronne-là que le monde méprise ou méconnaît, elle brillera éternellement sur le front du racheté. Ici-bas tenons donc ferme pour Christ, et ne permettons à personne de nous ôter la gloire de le confesser et de le servir.
Après cela viennent comme toujours les promesses que le Seigneur fait aux vainqueurs, à ceux qui ont tenu ferme ce qu’ils avaient. Et il faut bien nous souvenir que, quoique tous ceux qui croient soient sauvés, il y aura une rémunération, et qu’une récompense spéciale sera donnée à ceux qui auront été fidèles au milieu des difficultés. Celui donc qui vaincra sera établi comme une colonne, dans « le temple de mon Dieu », dit Jésus. La colonne est un emblème de stabilité, de force, en même temps qu’un ornement. Ceux qui, sur la terre, ont eu peu de force, brilleront dans le ciel comme des monuments impérissables de la grâce, rien ne pourra plus les ébranler, ils orneront le sanctuaire céleste, le temple du Dieu du Seigneur Jésus Christ, et ce sera pour l’éternité — « il ne sortira plus jamais dehors ».
En second lieu, le Seigneur dit : « J’écrirai sur lui le nom de mon Dieu », en signe qu’il appartient au Dieu du Seigneur Jésus Christ. C’est un sceau indélébile ; nul ne peut effacer ce que Jésus a écrit sur eux, et il est heureux de les amener à son Dieu. Le Seigneur ajoute : « Et le nom de la cité de mon Dieu, de la nouvelle Jérusalem qui descend du ciel d’auprès de mon Dieu ». Ils appartiennent à cette cité décrite au chapitre 21 de l’Apocalypse, cité céleste et divine dans son origine ; ils en sont les parties constituantes, et non pas simplement les habitants, car la cité, c’est l’épouse, la femme de l’Agneau, l’Assemblée. Et enfin, le Seigneur dit : « Et mon nouveau nom », son nom comme Rédempteur ressuscité et glorifié. Voilà ce qui attend le fidèle vainqueur : Être à jamais en la présence de Dieu, dans le temple où brille sa gloire, comme appartenant à Dieu, au ciel et à Christ, et associé à son précieux Sauveur dans cette position de félicité et de gloire ; ne vaut-il pas la peine de servir le Seigneur et de souffrir pour Lui pendant un peu de temps ici-bas, en attendant un avenir si beau ?
Nous voici arrivés à Laodicée, la dernière des sept assemblées auxquelles le Seigneur Jésus s’adresse. Elle représente le dernier état de l’église professante sur la terre, et c’est un triste état.
Le déclin avait commencé quand l’Église abandonna son premier amour. Le Seigneur permit les persécutions pour ramener à Lui le cœur de l’Église, mais ensuite elle s’allia au monde et laissa s’introduire dans son sein des enseignements pernicieux qui finalement la conduisirent au système d’idolâtrie et de corruption du papisme. Du milieu de cet état de choses, le Seigneur, dans sa grâce, suscita les réformateurs, et un grand et magnifique réveil eut lieu, qui hélas ! fut suivi d’un état de mort. Alors Dieu, par ses serviteurs, fit rappeler les vérités oubliées ou méconnues. Les principales furent celles relatives à l’Église comme corps de Christ, unie à son Chef, Christ dans le ciel ; l’habitation, c’est-à-dire la présence et l’action du Saint Esprit dans les croyants individuellement et dans l’Église, et enfin l’attente de Christ venant chercher les siens avant le jugement du monde. Des âmes, en bien des lieux, réveillées par le cri de minuit : « Voici, l’Époux vient », s’attachèrent comme tout de nouveau à la Personne adorable du Seigneur et à sa Parole. Mais à quoi tout va-t-il aboutir ? La parole de Dieu nous montre que tout ce qui était confié à l’homme, l’homme ne sait pas le conserver et le gâte. Il en est ainsi de l’Église ici-bas. Elle devait être le témoin fidèle du Seigneur, mais les épîtres du Seigneur et l’histoire de l’Église sur la terre montrent qu’elle a manqué à sa mission, et ce qui est dit à l’assemblée de Laodicée nous apprend que le Seigneur est obligé enfin de la « vomir de sa bouche », c’est-à-dire de la rejeter entièrement.
L’assemblée des Laodicéens est mentionnée à la fin de l’épître aux Colossiens (Chap. 4:13-16). Nous voyons là que ces derniers devaient faire passer à Laodicée la lettre qu’ils avaient reçue de Paul, et que les Laodicéens, à leur tour, devaient envoyer à Colosses une lettre qui, probablement, n’est autre que l’épître aux Éphésiens. Nous apprenons ainsi que les chrétiens de Laodicée avaient été bien instruits dans la vérité par ces deux belles épîtres, où la gloire de la Personne de Christ est si admirablement décrite, où les privilèges glorieux de l’Église sont développés, et où tout ce qui peut Lui attacher le cœur nous est présenté. Mais il faut toujours nous rappeler que la connaissance même des vérités les plus précieuses et les plus élevées, si elle est seule, conduit à l’orgueil (1 Corinthiens 8:1-3 ; 13:2). La vraie connaissance est celle qui réside dans le cœur et qui l’attache à Dieu et à Jésus. C’est ce qui manquait à Laodicée qui se croyait riche et se vantait de s’être enrichie, et n’avait qu’indifférence pour Jésus. Hélas ! on ne voit que trop la même chose de nos jours. On est plus satisfait de ce que l’on a, et de ce que l’on fait, que du Seigneur.
Voyons d’abord comment le Seigneur se présente à l’assemblée de Laodicée : « Et à l’ange de l’assemblée qui est à Laodicée, écris : Voici ce que dit l’Amen, le témoin fidèle et véritable, le commencement de la création de Dieu ». L’Amen veut dire que toutes les promesses de Dieu sont accomplies et s’accompliront en Lui et par Lui (2 Corinthiens 1:20), malgré la chute et la ruine de l’Église. Le témoin fidèle et véritable, non seulement Il l’a été sur la terre, mais Il l’est et le demeure toujours. Il se montre fidèle et véritable pour glorifier Dieu quand l’homme, dans l’Église, manque à l’être et se glorifie lui-même. Et enfin, le Seigneur est « le commencement de la création de Dieu ». C’est par Lui que Dieu a fait toutes choses ; Il est l’origine et la source de tout ce qui existe (Colossiens 1:16-17 ; Hébreux 1:2 ; Jean 1:3). Mais dans ce qui est dit à Laodicée, la création de Dieu n’est pas la première création, celle dont les œuvres visibles nous entourent, et dont il est parlé dans le premier chapitre de la Genèse. Cette création-là a été gâtée et ruinée par le péché de l’homme, et sa fin est d’être brûlée (2 Pierre 3:7, 10, 12). Mais il y a une autre création ; une création qui ne peut pas être souillée par le péché, et où Satan ni la mort n’ont accès. C’est d’elle que Dieu parle, quand il dit : « Voici, je fais toutes choses nouvelles » (Apocalypse 21:5). Elle a commencé avec Christ, et a été manifestée dans sa résurrection d’entre les morts, faisant connaître une vie en dehors du péché et de la puissance de la mort et de Satan. Nous y avons part quand nous croyons au Seigneur, car « si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création : les choses vieilles sont passées ; voici, toutes choses sont faites nouvelles » (2 Corinthiens 5:17). Et cette nouvelle création aura sa pleine réalisation et brillera de toute sa glorieuse splendeur, quand le ciel et la terre d’à présent auront disparu, et qu’il y aura un ciel nouveau et une terre nouvelle (Apocalypse 21:1). L’Église aurait dû montrer au monde le caractère de cette nouvelle création, céleste, divine, en dehors du péché. Elle ne l’a pas fait ; elle est retournée au monde et aux choses de la première création dont elle se glorifie. Alors le Seigneur se présente et dit : « Bien que l’Église ait manqué, la nouvelle création n’en subsiste pas moins. Elle est en Moi qui en suis la source et l’origine ». Combien cela est beau, et consolant, et précieux, de voir et d’avoir tout en Jésus dans une réalité, une vérité, une beauté et une fraîcheur inaltérables, tandis que du côté de l’homme tout manque. Ah ! attachons-nous à Lui de tout notre cœur.
Examinons maintenant ce que le Seigneur dit à l’assemblée de Laodicée. Il commence comme toujours par cette déclaration solennelle : « Je connais tes œuvres », c’est-à-dire non seulement ta manière de vivre, ce qui paraît au dehors, mais ton état intérieur. Et voici ce que le Seigneur voit : « Tu n’es ni froid, ni bouillant. Je voudrais que tu fusses ou froid ou bouillant ! Ainsi, parce que tu es tiède et que tu n’es ni froid ni bouillant, je vais te vomir de ma bouche ». Être froid pour Christ est l’état de l’homme naturel, incrédule, dont le cœur de glace ou de marbre n’a pas été touché par la grâce et l’amour du Seigneur. Être bouillant est l’état d’un cœur qui, par l’Esprit Saint, connaît et goûte l’amour de Christ qui surpasse toute connaissance, et qui, par conséquent, est plein de ferveur, n’estime rien en dehors de Christ et Lui est tout dévoué (voir Philippiens 3:7-12). Laodicée était tiède. Bien qu’il y eût des connaissances religieuses dont on était satisfait, la Personne de Christ n’occupait pas le cœur et les pensées ; elle laissait l’âme indifférente. Or nous voyons que le Seigneur préfère à cette tiédeur, au manque d’amour pour Lui, même la froideur et l’incrédulité. En effet, l’incrédule ne connaît pas Christ, et son cœur peut être saisi par la grâce ; l’amour de Dieu peut fondre le glaçon de son cœur. Il y a une indifférence à l’égard de Christ qui provient de l’incrédulité. On ne le connaît pas, et l’on ne se soucie pas de Lui. Mais prétendre avoir la foi et la connaissance, et professer être religieux, et cependant être indifférent à l’égard du Seigneur, sans dévouement pour Lui, est une chose qui Lui est odieuse : c’est de l’hypocrisie. Il ne reste que ce jugement terrible : « être vomi », rejeté comme une chose nauséabonde. Il ne s’agit pas ici d’un vrai chrétien, mais de l’Église en général, quand elle est tombée dans cet état de tiédeur. Toutefois nous devons demander au Seigneur qu’il nous garde individuellement de toute tiédeur à son égard.
Quelle était la cause de cet état ? C’était la satisfaction de soi-même. Quand on est satisfait de ce que l’on est et de ce que l’on a par soi-même, Christ devient indifférent au cœur. Il est laissé dehors. Le Seigneur continue : « Parce que tu dis : Je suis riche, et je me suis enrichi, et je n’ai besoin de rien ». Les richesses dont se vante Laodicée ne sont pas les richesses temporelles seulement, ni essentiellement ; on le voit par le conseil que lui donne le Seigneur. Mais c’est une position dans le monde, la science, les connaissances et une activité religieuse, les lumières de l’intelligence ; Laodicée se vante d’avoir tout cela et ainsi d’être riche, bien plus, de s’être acquis toutes ces choses par son travail. Dès lors, elle n’a besoin de rien, et Christ est mis de côté. Ce sont les tristes traits du dernier état de l’Église, et on ne les voit déjà que trop apparaître.
Mais quelle illusion ! Le Seigneur déchire ce voile trompeur d’orgueil et de propre satisfaction et met à nu le réel état de l’Église : « Tu ne connais pas que toi, tu es le malheureux et le misérable, et pauvre, et aveugle, et nu ». Voilà toutes les hautes prétentions anéanties, et ceux qui se vantaient de leurs richesses, vus du Seigneur comme des misérables manquant de tout. C’est que rien de ce que l’on a acquis par soi-même et par des ressources humaines, ne peut enrichir, couvrir et éclairer l’âme devant Dieu. Aussi le Seigneur, dans sa grâce, montre-t-il le seul et unique remède à cet état déplorable. C’est en Lui qu’il se trouve. « Je te conseille », dit-il, « d’acheter de moi de l’or passé au feu, afin que tu deviennes riche, et des vêtements blancs, afin que… la honte de ta nudité ne paraisse pas, et un collyre pour oindre tes yeux, afin que tu voies ». L’or passé au feu, et ainsi éprouvé, parfaitement pur, est la justice de Dieu en Christ qui met de côté notre propre justice ; les vêtements blancs sont la justice pratique, la sainteté dans la marche, et cela découle aussi de Christ seul ; et enfin le collyre qui fait voir, c’est le Saint Esprit qui seul donne la vraie intelligence des choses de Dieu. C’est de Christ qu’on acquiert ces choses, en Lui qu’on les possède et qu’on en jouit, et voilà ce qui le rend si précieux pour le cœur. La tiédeur alors disparaît. On les achète, à quel prix ? Au prix du renoncement à toutes les fausses richesses dont on se vantait.
L’Église est ainsi rappelée au sentiment de sa responsabilité. Le Seigneur ajoute, pour le lui faire sentir et lui montrer son amour : « Moi, je reprends et je châtie tous ceux que j’aime ; aie donc du zèle et repens-toi ». Les paroles sévères qu’il a adressées à l’Église, sont une preuve qu’il l’aime, et qu’il voudrait l’arracher de la voie fatale dont la fin pour elle sera d’être vomie de la bouche du Seigneur. La repentance lui est ouverte. Quelle tendresse et quelle patience dans le cœur de Jésus !
Et nous le voyons bien dans ce qui suit. L’indifférence et la tiédeur ne Lui ont pas laissé de place dedans : il est dehors. Que fera-t-il ? S’en ira-t-il ? Non ; il aura encore patience. Peut-être que, dans cette Église qui va être vomie de sa bouche, il y a quelque cœur qui répondra encore à sa voix : « Voici », dit-il, « je me tiens à la porte et je frappe ». Quelle place pour le Sauveur ! Être à la porte et solliciter l’entrée, non pas chez un pécheur incrédule, sans connaissance, mais à la porte de cette assemblée autrefois si zélée pour Lui, et maintenant satisfaite d’elle-même et par là l’ayant exclu ! Oui, comme autrefois il s’est abaissé pour servir, maintenant il s’abaisse pour frapper à la porte dans l’espoir qu’au moins une âme entendra et le recevra. Qu’elle est heureuse celle dont la voix de Jésus atteint les oreilles. « Si quelqu’un entend ma voix et qu’il ouvre la porte, j’entrerai chez lui et je souperai avec lui, et lui avec moi ». Il jouit ainsi de la communion avec Jésus, de l’intimité et de la joie de son amour. Oh ! puissions-nous connaître cette joie, ce bonheur ! Écoutons cette voix pénétrante du Sauveur ; ce qu’il désire, c’est d’entrer pour être avec nous, et nous tout près de Lui.
Le vainqueur régnera avec Christ. On est associé de cœur avec Lui ici-bas, on sera là-haut avec Lui dans la gloire.
Nous avons terminé ce que la Parole nous dit prophétiquement touchant l’Église ou l’Assemblée. Depuis ce moment, il n’en est plus question dans l’Apocalypse, comme vue sur la terre. Mais à la fin du livre, l’Église, composée de tous les vrais croyants, de tous ceux qui ont vaincu, depuis le jour de la Pentecôte jusqu’à la venue de Christ, est vue dans la gloire céleste, quand les noces de l’Agneau avec elle, son épouse, sont célébrées aux chants de triomphe et d’allégresse du ciel (Apocalypse 19:6 9).
Hommage à Toi, Chef de l’Église !
L’Épouse, objet de ta faveur,
À tes côtés bientôt assise,
Sans fin bénira son Seigneur.
Ô saints transports ! joie ineffable !
Nous jouirons de ta beauté,
Et de l’amour inexprimable
Qui remplira l’éternité.
Nous avons terminé ce que l’Esprit de Dieu nous présente prophétiquement, dans l’Apocalypse, relativement à l’Église du Seigneur sur la terre. Son histoire, en dehors de cela, doit être tirée de documents humains sujets à l’erreur. Il faudrait beaucoup de volumes pour raconter tout ce qui concerne ce qui porte le nom d’Église chrétienne. Et ce récit renfermerait bien des choses tristes et douloureuses, car l’Église s’est complètement détournée des pensées de Christ, et ce déclin a commencé dès les jours apostoliques. Elle est devenue ce champ où l’ivraie croît en abondance ; le grand arbre qui abrite sous ses branches toutes sortes d’oiseaux ; la pâte imprégnée de levain (Matthieu 13).
Mais au milieu de tout le mal qui a envahi l’Église, Dieu n’a pas cessé à toutes les époques d’y avoir ses fidèles témoins. Les premiers furent ceux que l’on nomme plus spécialement martyrs ou témoins par excellence. Ils scellèrent de leur sang leur foi au Seigneur, et appartiennent à la période figurée par l’assemblée de Smyrne. L’exemple de leur foi, de leur constance dans les tourments, est bien propre à encourager. C’est en même temps un témoignage puissant rendu à la vérité. Pour eux, Christ était une Personne vivante qui avait souffert pour leur salut, et ils donnaient leur vie pour Lui. Ils n’avaient peut-être pas une aussi grande connaissance des vérités de l’Écriture que nous, mais ils connaissaient assez de l’amour de Christ pour n’être ébranlés ni par promesses, ni par menaces, ni par tortures. Puissions-nous, dans nos temps moins difficiles en un sens, avoir un peu de cet amour qui nous fera nous séparer du monde et vivre plus entièrement pour Celui qui nous a aimés.
On a dit : « Croire et souffrir, et non pas écrire, était ce qui caractérisait les premiers chrétiens ». Nous n’avons donc que peu de récits datant de ces temps pour nous dire ce qu’ils endurèrent. Nous avons parlé de la persécution qui eut lieu sous Néron, mais c’est un historien païen qui la rapporte. On peut d’ailleurs aisément se rendre compte de ce qui appelait sur eux l’attention publique et la haine du monde. Les petits groupes de disciples de Christ, dispersés çà et là dans l’empire romain, s’y trouvaient littéralement « comme des brebis au milieu des loups ». Leur croyance n’était celle d’aucune nation ; leur culte n’était pas compté parmi ceux que Rome tolérait, de sorte que leur sécurité était le silence et l’obscurité. Mais la foi dans le cœur est un principe vivant et actif qui ne peut rester ignoré. La religion chrétienne devint agressive à cause de la puissance de vie qui était en elle, et qui la faisait tellement différer des religions mortes du paganisme. Elle devint bientôt importune par le fait même qu’elle se tenait à part des diverses formes de culte qui toutes se distinguaient par une pompe extérieure.
Les règnes de Vespasien et de Titus — celui qui prit et renversa Jérusalem — semblent avoir été un temps de repos pour l’Église. Il en fut autrement sous leur successeur Domitien, prince lâche, soupçonneux et cruel. Elle eut alors à subir une violente persécution qui dura une année. Un bruit était venu aux oreilles de Domitien qu’un personnage de la race de David devait paraître, auquel appartiendrait l’empire du monde. Confondant les chrétiens avec les Juifs, l’empereur se mit à persécuter cruellement les premiers. Il n’épargna même pas les Romains des plus nobles familles, dès qu’ils lui étaient signalés comme chrétiens, les faisant mettre à mort ou les envoyant en exil, après avoir confisqué leurs biens. Il bannit plusieurs membres de sa propre famille, et fit même mourir son cousin Flavius Clément, dont la femme, Flavia Domitilla, sa propre nièce, fut envoyée en exil. Leur crime était d’avoir embrassé l’Évangile. Nous voyons cependant par là, qu’en dépit de tous les efforts de la puissance impériale, malgré le fer et le feu, le christianisme ne s’était pas seulement répandu dans les classes inférieures de la société, mais se trouvait jusque sur les marches du trône.
C’est à cette époque que l’apôtre Jean, le seul survivant des douze apôtres, fut exilé dans l’île sauvage de Patmos, où le Seigneur fit passer devant son esprit les visions de gloire et de jugement qu’il décrit dans l’Apocalypse.
La persécution sous Domitien fut des plus cruelles, mais ne dura pas longtemps. Avant de périr assassiné, il avait permis à ceux qui avaient été exilés à cause de leur foi, de rentrer dans leurs foyers. Mais ce qui laissait subsister le danger pour les chrétiens dans ces premiers temps, c’est qu’on les confondait avec les Juifs toujours prêts à se soulever. Voici, à ce sujet, un fait qui nous est raconté. Domitien, dont l’esprit soupçonneux était toujours en éveil, avait entendu dire qu’en Judée vivaient encore des descendants de David, parents de Christ. Craignant qu’ils ne revendiquassent un jour la royauté, il donna l’ordre de les saisir et de les amener à Rome. C’étaient deux petits-fils de Jude, le frère du Seigneur. Ils furent conduits devant l’empereur qui les interrogea. Ils ne firent aucune difficulté pour reconnaître qu’ils étaient descendants de David et parents de Christ. Domitien leur demanda alors quelles étaient leurs possessions et leurs biens. Ils répondirent qu’ils n’avaient que quelques arpents de terre qu’ils cultivaient et dont le produit leur servait à payer les impôts et à se nourrir. Là-dessus, l’empereur ordonna qu’on examinât leurs mains qui, en effet, étaient rudes et calleuses, comme celles des gens qui travaillent la terre. Interrogés touchant le règne de Christ, quand et où Il devait apparaître, ils répondirent que ce règne n’était pas de ce monde, mais qu’il était céleste et spirituel, et ne serait établi qu’à la fin du monde. Voyant que c’étaient des gens pauvres et inoffensifs, complètement rassuré d’ailleurs par leurs réponses, Domitien les laissa aller, et, pendant un temps, cessa de persécuter les chrétiens. C’est à la fin de son règne que la persécution redoubla de fureur.
Nerva succéda à Domitien. Durant les deux années de son règne, les chrétiens furent en paix. Il rappela les bannis, leur rendit leurs biens, et même ordonna que les esclaves qui avaient trahis leurs maîtres chrétiens, fussent mis à mort. Mais le christianisme restait toujours une religion non reconnue par l’État. Les chrétiens pouvaient parfois jouir d’un temps de répit, mais les lois ne les protégeaient pas ; il n’y avait pour eux aucun recours s’il plaisait à quelque gouverneur de les poursuivre, ou si, pour une cause ou une autre, la populace se soulevait contre eux. Au court règne de Nerva, succéda, l’an 98, celui de Trajan qui dura dix-neuf ans, et dont nous reparlerons. C’est vers le commencement de ce règne que mourut l’apôtre Jean.
Les écrits chrétiens de cette époque sont très rares. Je mentionnerai les deux plus remarquables. L’un est la lettre que Clément écrivit aux Corinthiens. Plusieurs pensent que ce Clément est celui dont Paul parle comme étant un de ses « compagnons d’œuvre dont les noms sont dans le livre de vie » (Philippiens 4:3).
Sa lettre aux Corinthiens était motivée par les dissensions survenues dans cette assemblée. Il rappelle l’état de choses qui y existait plusieurs années auparavant, quand Paul leur écrivit ses deux épîtres, et constate avec douleur que leur condition était pire que lorsque l’apôtre s’adressait à eux. Il les exhorte donc et les supplie de se repentir et de revenir à la paix et à la concorde.
Dans une autre partie de sa lettre, il place devant les fidèles les fondements de leur commune foi en ces termes : « Regardons constamment, bien-aimés, au sang de Christ. Considérons combien est précieux pour Dieu ce sang qui a été versé pour notre salut, et qui place la grâce de la repentance devant le monde entier. Nous ne sommes pas justifiés par nous-mêmes, par notre sagesse, notre intelligence, notre piété, ou par des œuvres que nous aurions accomplies en sainteté de cœur, mais par la foi. C’est par elle que, dès le commencement, le Dieu Tout-Puissant a justifié les hommes ».
Il est intéressant de savoir que ces paroles étaient lues, non seulement à Corinthe, mais dans toutes les assemblées des premiers chrétiens, de même que les écrits d’autres auteurs de cette époque. Mais nous devons ajouter qu’à côté de paroles saines, il se trouve dans les écrits de ce temps, si rapprochés pourtant des apôtres, beaucoup d’erreurs, qui montrent combien l’on s’écartait de leurs purs et simples enseignements. Une profonde ligne de démarcation sépare les écrits inspirés de ceux des pères apostoliques, comme l’on nomme ces écrivains qui étaient les disciples immédiats des apôtres.
Le second écrit est la « lettre à Diognète ». Elle est adressée par un auteur inconnu à quelqu’un qui avait désiré être informé de la doctrine et de la manière de vivre des chrétiens, et date probablement de la fin du premier siècle.
Diognète, avait posé, quant à cette « nouvelle sorte d’hommes », des questions telles que celle-ci : « En quel dieu mettent-ils leur confiance ? Comment rendent-ils culte ? Comment se fait-il qu’ils regardent le monde comme au-dessous d’eux, qu’ils méprisent la mort, ne tiennent aucun compte des dieux légalement reconnus comme tels par les Grecs, et ne suivent pas non plus la superstition juive ? Que signifie cette affection qu’ils se portent l’un à l’autre ? Comment se fait-il que cette nouvelle sorte d’hommes et cette nouvelle manière de vivre, soient entrés dans le courant du monde maintenant et non auparavant ? »
L’écrivain répond : « Les chrétiens ne sont pas séparés des autres hommes par leur demeure terrestre, ni par leur langage ou leurs coutumes. Nulle part ils n’habitent des cités qui leur soient propres. Ils n’ont pas une autre manière de parler que ceux qui les entourent, ni n’affectent une vie singulière. Ils demeurent dans les villes des Grecs et des Barbares, selon que le lot leur a été assigné ; mais tout en se conformant aux usages des pays par rapport aux vêtements, à la nourriture et aux autres choses qui appartiennent à la vie extérieure, ils montrent cependant dans leur conduite quelque chose qui semble étrange à tous. Ils habitent leur contrée natale, mais comme étrangers. Ils prennent leur part de toutes les charges comme citoyens, et cependant endurent toutes sortes de torts comme s’ils étaient gens de dehors. Toute terre étrangère leur est une patrie, et la patrie de chacun d’eux lui est comme un sol étranger. Ils sont dans la chair, mais ne vivent pas selon la chair. Ils séjournent sur la terre, mais leur bourgeoisie est dans le ciel. Ils obéissent aux lois, mais sont au-dessus des lois par leur vie. Ils aiment tous les hommes et sont persécutés par tous. Ils sont inconnus et cependant condamnés ; mis à mort et cependant faits vivants. Ils sont pauvres et en enrichissent plusieurs ; blasphémés et cependant justifiés. On les couvre d’opprobre et eux bénissent ».
Touchant la religion des chrétiens, voici ce que dit notre auteur : « Leur religion ne leur a pas été donnée comme une invention terrestre ; ils n’y ont pas été initiés par le canal de mystères humains. Le Dieu Tout-puissant qui a créé toutes choses, le Dieu invisible Lui-même a inauguré du ciel parmi les hommes la vérité, la sainte et insondable Parole, et l’a fixée fermement dans leurs cœurs. Et ce n’a pas été, comme on pourrait se l’imaginer, en envoyant quelque être subordonné, un prince ou un ange, mais Celui qui est l’architecte et le Créateur de toutes choses. Un fils des hommes aurait dit que, dans ce cas, c’était pour frapper de terreur et dominer par le jugement. Mais non ; Il est venu en douceur et en débonnaireté. Dieu l’a envoyé pour sauver ; pour persuader les hommes et non les contraindre, car en Dieu il n’y a pas de contrainte. Il l’a envoyé en amour, et non en jugement. Il a donné lui-même son propre Fils en rançon pour nous : le saint pour les iniques, l’innocent pour les coupables, le juste pour les injustes. Ô doux et précieux échange ! Œuvre qui passe toute conception ! Bienfaits au-delà de toute attente ! L’iniquité de plusieurs est cachée dans une seule personne juste, et la justice d’un seul justifie plusieurs iniques ! »
On est heureux de lire de telles paroles qui sont encore un reflet de ce que nous trouvons dans les saints écrits des apôtres.
Le Seigneur Jésus avait dit à l’assemblée de Smyrne : « Ne crains en aucune manière les choses que tu vas souffrir. Voici, le diable va jeter quelques-uns d’entre vous en prison, afin que vous soyez éprouvés : et vous aurez une tribulation de dix jours ». Ainsi Jésus annonçait à ses saints un temps de persécution, limité cependant. À dix reprises différentes, il serait permis à l’ennemi de déployer sa fureur contre les chrétiens, mais ce ne devait être que pour montrer la puissance du Seigneur se manifestant dans de faibles instruments. Il les soutiendrait au milieu des souffrances de toutes sortes et à travers la mort même qu’ils auraient à subir pour son nom. « Qui est celui qui est victorieux du monde, sinon celui qui croit que Jésus est le Fils de Dieu », dit l’apôtre Jean (1 Jean 5:5). Ces martyrs donnaient leur vie pour l’amour de Celui qui les avait aimés.
Nous désirons présenter quelques exemples de cette victoire remportée sur le monde par ceux qui croyaient en Jésus, le Fils de Dieu. Puissent ces exemples nous encourager à tenir ferme pour Christ dans un monde qui est toujours le même, bien que sa haine contre Dieu et son Fils ne se montre pas maintenant sous la même forme.
À la fin du premier siècle et durant la première partie du second, le refus persistant des chrétiens de prendre part à aucun acte du culte, soit en l’honneur des dieux ou pour rendre hommage à l’empereur, commença à attirer sur eux l’attention du gouvernement romain. Il y avait une loi contre toutes les religions non sanctionnées par l’État, et cette loi pouvait, d’un moment à l’autre, être mise en vigueur. C’était une épée constamment suspendue sur la tête des chrétiens. Ils couraient aussi le danger d’être amenés devant les gouverneurs à cause des troubles et séditions fomentés contre eux par les prêtres des idoles, par ceux qui fabriquaient des images, et qui craignaient, comme Démétrius, que leur métier ne fût réduit à néant, et enfin par tous ceux qui vivaient des spectacles et des jeux publics, auxquels on ne voyait pas assister les disciples de Christ. Ils se souvenaient qu’ils n’étaient pas du monde, comme leur Maître n’en était pas. De plus, vers cette époque, il circulait d’étranges accusations contre ceux dont le monde ne savait guère que ce fait, qu’ils vivaient à part de lui. Par crainte de la persécution qui ne sommeillait jamais longtemps, ils étaient obligés de se réunir en secret, et il ne manquait pas de gens pour insinuer que dans ces réunions il se passait des choses qui n’auraient pas supporté la lumière.
De bonne heure, sous le règne de Trajan, un édit avait été rendu, déclarant illégales toutes les corporations et associations. On voit aisément combien cette loi mettait en danger toutes les petites communautés de chrétiens, unis entre eux comme frères en Christ par le lien le plus puissant.
Dieu a permis qu’un témoignage clair et non suspect nous fût conservé de ce qu’était alors la situation des chrétiens vis-à-vis de ceux qui les entouraient et du gouvernement romain. Ce sont les lettres échangées entre l’empereur Trajan et le célèbre écrivain Pline le jeune, ami de l’empereur. Elles jettent aussi du jour sur la persécution qui sévissait alors.
Pline avait été envoyé comme gouverneur des provinces du Pont et de la Bithynie dans l’Asie mineure. Des personnes avaient été amenées devant lui accusées de christianisme. Le cas était nouveau pour lui, il ne savait comment agir à l’égard de ce genre de délit, et, dans sa perplexité, il demanda conseil à l’empereur, en lui exposant comment jusqu’alors il avait procédé contre les accusés. Voici quelques passages de sa lettre :
« Avant de venir dans cette province », dit-il, « je n’avais jamais eu l’occasion d’assister à un interrogatoire de chrétiens. Je ne sais donc comment agir et décider, soit dans l’instruction de leur cause, soit dans le châtiment à infliger. Faut-il punir comme si être chrétien est en soi-même un crime, ou bien seulement s’il est accompagné d’autres délits ? Faut-il faire quelques différences en tenant compte de la jeunesse ou de l’âge des accusés ?… En attendant, voici comment j’ai procédé à l’égard de ceux qui étaient amenés devant moi comme chrétiens. Je leur ai demandé s’ils étaient des chrétiens. Le confessaient-ils, je réitérais ma question une seconde et une troisième fois en les menaçant de mort, s’ils persistaient. Persévéraient-ils dans leur confession, j’ordonnais qu’ils fussent emmenés, les uns pour être exécutés, les autres, comme citoyens romains, pour être envoyés à Rome, afin d’y être jugés ».
Pline donne de sa sentence la raison suivante : « Je ne mettais pas en doute que, quoi qu’il en fût de leur confession, leur obstination ne dût être punie ».
L’écrivain continue : « Il m’a été remis récemment une accusation anonyme qui renfermait les noms d’un certain nombre de personnes. Les ayant interrogées, quelques-unes nièrent d’être ou d’avoir été chrétiennes, invoquèrent les dieux comme je le leur prescrivis, offrirent devant tes images de l’encens et du vin, et injurièrent le nom de Christ — toutes choses, m’a-t-on dit, auxquelles on ne peut forcer un vrai chrétien. C’est là le résumé de leur erreur. Je trouvai donc bon de les relâcher. D’autres confessèrent d’abord qu’ils étaient chrétiens, mais ensuite le nièrent… Quant à leur précédente religion — qu’elle soit une erreur ou un délit, — voici ce qu’ils déclarèrent : ils ont coutume de se réunir un certain jour avant le lever du soleil et de chanter ensemble une hymne à Christ comme à un Dieu. Puis ils s’engagent par serment à s’abstenir du mal, à ne commettre ni fraude, ni vol, ni adultère, et à ne pas manquer à leur parole. Après cela, ils ont l’habitude de se séparer pour se rassembler plus tard dans la journée et de prendre part ensemble à un repas simple, paisiblement, et sans aucun scandale. Mais ils ont laissé cette dernière coutume depuis l’édit rendu par ton commandement et qui défendait tout rassemblement ».
Pline était un philosophe, un homme poli et raffiné, bienveillant et généreux, et cependant il n’hésitait pas à employer le moyen le plus barbare pour découvrir toute la vérité touchant ce qu’il traitait de « superstition absurde », vérifiant ainsi la parole de l’apôtre, « sans miséricorde » quand il s’agissait des enfants de Dieu, haïs comme Jésus l’avait été, méconnus du monde comme Lui. Voici comment il continue :
« Après ce rapport, il me sembla d’autant plus nécessaire d’interroger, en leur appliquant la torture, deux femmes, de celles qu’ils nomment diaconesses (*). Mais sauf une méchante et absurde superstition, je n’ai rien pu tirer d’elles… Le nombre des accusés est si grand que l’affaire mérite une sérieuse considération. Beaucoup de personnes des deux sexes, de tout âge et de toute condition, sont accusées, et un plus grand nombre encore le seront, car la contagion de cette superstition a envahi non seulement les villes, mais les plus petits endroits et les campagnes ».
(*) Nos lecteurs savent que ce mot désigne des « servantes », des personnes chargées dans l’assemblée d’un service spécial, comme Phoebé (Romains 16:1).
Pline dit ensuite qu’à son arrivée, les temples étaient presque abandonnés, que les cérémonies sacrées étaient interrompues depuis longtemps, et que les victimes pour les sacrifices ne trouvaient que de rares acheteurs. Mais il laisse voir en même temps que ses efforts pour arrêter les progrès de la superstition n’ont pas été vains, et il termine en disant : « On peut penser qu’un grand nombre pourront être ramenés, si le pardon est assuré à ceux qui se repentent ».
L’empereur répondit à Pline : « Tu as parfaitement agi, mon cher Pline, dans ta manière de procéder à l’égard des chrétiens amenés devant toi. Il est évident que dans des affaires de ce genre, on ne peut poser aucune règle générale. Ces gens ne doivent point être recherchés. Mais s’ils sont accusés et convaincus d’être chrétiens, ils doivent être punis de mort, avec cette restriction toutefois, que si quelqu’un renonce au christianisme et le prouve en invoquant les dieux, on le renverra absous à cause de son repentir, qu’elle qu’ait été sa conduite antérieure. En aucun cas, les dénonciations anonymes ne doivent être reçues ; elles sont un moyen dangereux et qui ne s’accorde nullement avec les principes de notre temps ».
Telle fut la réponse du puissant empereur au philosophe son ami, en un temps qui se vantait de ses lumières et de son urbanité. Mais la parole de la croix a toujours été une folie pour les sages et les intelligents de ce siècle. Combien il eût été facile à ces chrétiens méprisés de sauver leur vie en jetant dans le feu quelques grains d’encens et en s’inclinant devant la statue de l’empereur ! Mais ceux qui suivaient cette « superstition » absurde et incompréhensible pour l’esprit du Romain lettré, savaient bien ce que voulait dire cette cérémonie insignifiante en apparence. Ils refusaient de racheter leur vie en étant infidèles à Christ. Ils gardaient sa parole et, comme le proconsul lui-même est forcé de l’avouer, ils ne voulaient pas renier son nom. Ah ! demandons au Seigneur cette même fidélité, pour être gardés purs des souillures du monde.
Les lettres dont je viens de donner des citations, sont importantes à plus d’un égard. D’abord, bien qu’il ne s’agisse que d’une province de l’empire, nous voyons par un témoignage irrécusable que le christianisme, la foi au Christ comme Dieu, était déjà considérablement répandu, au point de faire presque disparaître le paganisme dans cette province. On comprend que Satan fît tous ses efforts pour garder ses forteresses contre la puissance de la vérité. On voit aussi quelle était cette puissance dans les cœurs et la vie de ceux qui croyaient. En effet, le seul crime dont on pouvait accuser et convaincre les chrétiens, était le refus d’adorer les images de l’empereur, d’invoquer les dieux et de maudire Christ, celui qu’ils regardaient comme leur Dieu Sauveur ; mais leur vie était sans reproche. Ce témoignage d’un païen en faveur des chrétiens de cette époque est bien puissant.
Remarquons encore ce que Pline dit de leurs assemblées, d’après le rapport qui lui en est fait, et qui est confirmé sous la torture même. Ils se réunissaient pour chanter les louanges de Christ et prendre un repas en commun. Il s’agit sans doute de la Cène du Seigneur et des agapes ou repas d’amour qui l’accompagnaient souvent, comme on le voit à Corinthe (1 Corinthiens 11). À cette époque, les assemblées des chrétiens étaient caractérisées par la simplicité. Le souvenir du Seigneur dans sa mort, « annoncer » cette mort, en constituait le fond. Il serait à désirer que ce fût aussi maintenant le caractère des réunions de ceux qui croient en Jésus.
Une circonstance bien intéressante et qui montre d’une manière touchante les soins de Dieu pour les siens, est le lieu où se passaient ces scènes entre le savant et riche gouverneur Pline, et les pauvres et humbles chrétiens. C’était en Bithynie et dans le Pont. Or si nous lisons le commencement de la première épître de Pierre, nous verrons qu’elle est adressée « à ceux de la dispersion, du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce, de l’Asie et de la Bithynie ». Elle était donc envoyée aux pères des saints martyrs du temps de Trajan. Peut-être quelques-uns vivaient-ils encore, et il n’est pas invraisemblable que l’apôtre Pierre ait travaillé parmi eux. Combien les exhortations et les encouragements de cette épître étaient à propos pour ceux qui comparaissaient devant Pline dans ces temps difficiles ! Ils se souvenaient sans doute de ces paroles, bien propres à les fortifier : « Si vous souffrez pour la justice, vous êtes bienheureux ; ne craignez pas… et ne soyez pas troublés, mais sanctifiez le Seigneur le Christ dans vos cœurs ; et soyez toujours prêts à répondre, mais avec douceur et crainte, à quiconque vous demande raison de l’espérance qui est en vous » (1 Pierre 3:14-15). Quelle consolation pour eux de se rappeler que « les yeux du Seigneur sont sur les justes et ses oreilles… tournées vers leurs supplications ». Quelle réalité dans ces autres Paroles : « Bien-aimés, ne trouvez pas étrange le feu ardent (la persécution) qui est au milieu de vous, qui est venu sur vous pour votre épreuve, comme s’il vous arrivait quelque chose d’extraordinaire ; mais en tant que vous avez part aux souffrances de Christ, réjouissez-vous, afin qu’aussi, à la révélation de sa gloire, vous vous réjouissiez avec transport » (1 Pierre 3:12 ; 4:12-13). C’était là le secret de leur force, de leur constance et de leur patience au milieu des souffrances. L’espérance de la gloire et d’un bonheur ineffable, remplissait déjà leur cœur de joie. « Vous vous réjouissez », dit encore l’apôtre, « tout en étant affligés maintenant pour un peu de temps par diverses tentations, si cela est nécessaire ». Puis, de nouveau, il tourne leurs regards vers le moment heureux où apparaîtra Jésus, « lequel », dit-il, « quoique vous ne l’ayez pas vu, vous aimez » (1 Pierre 1:6, 8). Oui, c’était l’amour pour Celui qui avait donné sa vie pour eux, qui les rendait à leur tour « fidèles jusqu’à la mort ». Que pouvaient contre de telles gens qui avaient en vue « un héritage incorruptible », qui étaient « gardés par la puissance de Dieu » pour un si heureux avenir, que pouvaient contre eux les menaces et les châtiments d’un Trajan ou d’un Pline ? Et en même temps, ils étaient soumis à l’autorité royale suivant l’exhortation de l’apôtre : « Soyez soumis à tout ordre humain pour l’amour du Seigneur, soit au roi etc ». Par leur vie, comme par leurs paroles, ils annonçaient les vertus de Celui qui les avait « appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (1 Pierre 1:2-5 ; 2:9, 13).
N’admirons-nous pas le tendre soin de Dieu en donnant cette épître à ces pauvres persécutés ? Relisez-la, et vous verrez comme tout s’appliquait bien à eux. Mais elle s’adresse aussi à nous. Bien que nous ne souffrions pas comme eux, nous aussi avons à nous conduire avec crainte pendant notre séjour ici-bas, et à être saints comme Celui qui nous a appelés est saint. Nous aussi, nous sommes exhortés à marcher ici-bas comme étrangers et forains, nous abstenant des convoitises charnelles qui font la guerre à l’âme, car nous aussi, si nous avons cru en Jésus et si nous l’aimons, nous avons part à l’espérance vivante, et à l’héritage, et au salut réservé à ces saints martyrs. Puissent nos cœurs, comme les leurs, être attachés au Seigneur.
Un mot encore. La vérité, par la bouche de ces humbles témoins, était portée devant les gouverneurs et les princes de ce monde, qui, s’ils s’y opposaient, étaient ainsi sans excuse. Et il en fut ainsi pendant tous ces temps de persécutions, selon la parole du Seigneur : « Vous serez menés même devant les gouverneurs et les rois, à cause de moi, en témoignage à eux et aux nations » (Matthieu 10:18). Nous parlerons maintenant de quelques-uns des martyrs dont les noms et les actes nous sont parvenus.
Aucun fait dans l’histoire de l’Église primitive n’a été conservé avec plus de soin que le martyre d’Ignace ; aucun récit de ce temps n’est plus célèbre que son voyage d’Antioche à Rome comme prisonnier dans les chaînes.
Ignace était l’un des disciples immédiats de l’apôtre Jean, et évêque ou surveillant de l’assemblée d’Antioche, depuis environ l’an 70. Nous nous souvenons que c’est dans cette grande ville, la capitale de la Syrie et l’une des plus importantes cités de l’empire romain, qu’après les travaux bénis de Paul et de Barnabas, les disciples du Seigneur furent premièrement nommés chrétiens (Actes 11).
Vers l’an 107, l’empereur Trajan se dirigeant vers l’Orient pour combattre les Parthes, passa par cette ville. Il est difficile d’assigner les raisons qui portèrent l’empereur à persécuter les chrétiens durant son séjour à Antioche. Était-ce qu’enflé par ses victoires, il ne pouvait supporter la pensée qu’il y eût dans ses États des gens qui refusaient d’adorer les dieux qui, selon lui, l’avaient rendu vainqueur ? Ou bien voulait-il se rendre propices ceux-ci en persécutant les chrétiens ? On ne sait, mais il menaça de punir de mort quiconque à Antioche refuserait de sacrifier aux dieux.
Désireux de détourner, en l’attirant sur sa tête, l’orage qui menaçait son troupeau, Ignace demanda d’être conduit devant l’empereur pour lui exposer le vrai caractère et la position des chrétiens, et, s’il le fallait, afin de s’offrir pour eux à la mort. Ainsi Trajan fut mis face à face avec cette « absurde superstition », dont jusqu’alors il avait seulement entendu parler. Ainsi, comme au temps de Paul, témoignage fut rendu à l’Évangile devant les grands de la terre, les rendant inexcusables s’ils le rejetaient.
Voici ce que des écrivains anciens rapportent de l’entrevue de l’empereur avec le vénérable évêque. Trajan s’adressant à lui, dit : « Es-tu celui qui, semblable à un démon pernicieux, persévère à contrevenir à mes ordres et entraîne les hommes dans la perdition ? »
— Que personne, répond Ignace, n’appelle Théophore [« Théophore » veut dire celui qui porte Dieu] un démon pernicieux.
— Et qui est Théophore ?
— Celui qui porte Christ dans son cœur.
— Ne crois-tu donc pas qu’ils résident en nous, les dieux qui combattent pour nous contre nos ennemis ?
— Tu te trompes, en appelant dieux les démons des nations ; car il n’y a qu’un seul Dieu qui a fait le ciel, et la terre, et la mer, et tout ce qui est en eux ; et un seul Jésus Christ, son Fils unique, duquel le royaume est ma portion.
— Tu veux dire le royaume de Celui qui fut crucifié sous Pilate ?
— Oui, de Celui qui a crucifié mon péché avec son auteur, et qui a mis le péché tout entier et la malice de Satan sous les pieds de ceux qui Le portent dans leurs cœurs.
— Portes-tu en toi Celui qui a été crucifié ?
— Oui, car il est écrit : J’habiterai en eux et je marcherai en eux.
L’empereur coupa court à l’entretien, en rendant cette sentence : « Puisque Ignace confesse qu’il porte en lui celui qui a été crucifié, nous ordonnons qu’il soit conduit, lié par des soldats, à la grande Rome, afin d’y être déchiré par les bêtes, pour l’amusement du peuple ».
Ce châtiment était réservé aux pires criminels, particulièrement à ceux qui étaient convaincus d’exercer les arts magiques, ce dont les chrétiens étaient souvent accusés. Ignace écouta avec joie cette sentence cruelle, heureux d’être jugé digne de souffrir pour le nom de Christ et comme offrande pour les saints ; se réjouissant, comme autrefois le bienheureux apôtre Paul, d’être lié et conduit à Rome.
Ignace fut donc livré à dix soldats qui, sans égard pour son âge avancé, semblent l’avoir traité avec une grande dureté. Il écrivait aux chrétiens de Rome, leur envoyant sa lettre par des messagers qui suivaient une route plus courte que celle par laquelle il était conduit : « Depuis la Syrie, et jusqu’à Rome, je suis abandonné aux bêtes sauvages sur mer et sur terre ; de jour et de nuit je suis lié à dix léopards, une bande de soldats qui, même lorsque je leur fais du bien, se montrent envers moi d’autant plus cruels ».
Il fut conduit par mer à Smyrne, où il lui fut permis de voir Polycarpe, évêque de cette ville qui, lui aussi, avait été disciple de l’apôtre Jean. Plusieurs autres chrétiens vinrent le saluer et lui demander sa bénédiction. Il écrivit à différentes assemblées, en particulier à celles d’Éphèse et de Rome, des lettres qui ont été conservées. Dans ces lettres d’adieu, il insiste beaucoup sur la grande vérité de l’humanité réelle de Christ. Il met en garde ceux à qui il écrivait contre la mauvaise doctrine qui se glissait parmi les chrétiens, et qui enseignait que le Seigneur n’avait pas eu un corps réel, et qu’ainsi tout ce qu’il avait fait durant sa vie ici-bas, de même que ses souffrances et sa mort, n’avait été qu’une apparence. Ignace combat aussi les docteurs judaïsants, c’est-à-dire ceux qui, déjà du temps de Paul, voulaient mêler la loi à l’Évangile (*). Il faut malheureusement ajouter qu’à ces choses excellentes, Ignace en mêle beaucoup d’autres erronées, surtout par rapport à l’autorité des évêques dans les assemblées. Ses enseignements à cet égard montrent le commencement de l’établissement du clergé remplaçant dans l’Assemblée l’action de l’Esprit Saint.
(*) L’apôtre Paul les combat, surtout dans l’épître aux Galates.
Mais Ignace n’en était pas moins un bien-aimé saint de Dieu, un fidèle serviteur et témoin de Christ, pour qui il donnait sa vie. Dans sa lettre aux chrétiens de Rome, il les prie de ne rien faire pour empêcher qu’il soit livré aux bêtes : « Vous ne pouvez », dit-il, « me donner rien de plus précieux que ceci : que je sois offert à Dieu en sacrifice, tandis que l’autel est prêt… Priez seulement pour que la force me soit donnée, afin que non seulement je sois appelé chrétien, mais que je sois vraiment trouvé tel ». Et il dit encore : « Laissez-moi devenir la proie des lions et des ours ; ce sera pour moi un très court passage au ciel ».
Cependant les gardiens d’Ignace hâtaient leur voyage, craignant de ne pas arriver avant la fin des jeux où le martyr devait être exposé à la fureur des bêtes féroces. Aussi assistèrent-ils, sans doute, avec impatience à la scène touchante qui se passa avant qu’ils entrassent dans la cité impériale. Aux approches de Rome, ils rencontrèrent une foule de personnes qui sortaient de la ville. C’étaient des chrétiens affligés qui venaient au-devant d’Ignace. Malgré sa lettre, ils le suppliaient de leur permettre de faire leurs efforts pour le sauver ; mais il n’y consentit point. Les soldats accordèrent à Ignace quelques instants pour prier avec ses frères et leur adresser quelques paroles. Il s’agenouilla avec eux et demanda à Christ de mettre fin à la persécution, car il espérait qu’il lui serait donné de mourir pour son troupeau, et qu’ainsi les faibles brebis qu’il aimait tant, échapperaient. C’était le dernier jour des jeux, et il fut conduit immédiatement à l’amphithéâtre.
On voit encore à Rome l’arc de triomphe bien conservé qui fut élevé en l’honneur de Titus, vainqueur des Juifs. Non loin se trouvent les ruines d’un vaste cirque nommé le Colisée. Près de l’endroit où se trouvaient les fameux jardins de Néron, dans un enfoncement de terrain situé entre deux des collines sur lesquelles Rome était bâtie, cet empereur avait fait un lac artificiel. Titus l’avait fait dessécher et avait commencé à faire construire sur cet emplacement un cirque immense, destiné à contenir 80000 spectateurs. C’était le Colisée. On dit que les Juifs captifs furent employés à élever ce gigantesque édifice. Ses dimensions étaient telles que l’arène centrale ayant été une fois remplie d’eau, on put y donner au peuple romain le simulacre d’un combat naval. Mais habituellement il était réservé aux combats de gladiateurs entre eux ou contre des bêtes féroces. Aux jours de fête, des scènes terribles de luttes sanglantes et de carnage avaient lieu dans cette arène. Les Romains les contemplaient et y applaudissaient du haut de leurs sièges disposés en gradins, garantis par des filets à mailles d’or suspendus à des poteaux d’ivoire, de la fureur des bêtes féroces, rendues plus terribles par la faim.
C’est là que le vénérable évêque d’Antioche, épuisé par l’âge et par la fatigue de son long voyage, fut livré aux bêtes sous les yeux de milliers de spectateurs. Il fut bientôt mis en pièces et dévoré par elles. Le vieux pèlerin fatigué entra ainsi dans le repos du paradis de Dieu, auprès de Celui pour qui il avait donné joyeusement sa vie. Il pouvait dire avec Paul : « J’estime que les souffrances du temps présent ne sont pas dignes d’être comparées avec la gloire à venir qui doit nous être révélée… Qui est ce qui nous séparera de l’amour du Christ ? Tribulation, ou détresse, ou persécution, ou famine, ou nudité, ou péril, ou épée ? … Au contraire, dans toutes ces choses, nous sommes plus que vainqueurs par celui qui nous a aimés » (Romains 8:18, 35, 37).
Les amis d’Ignace ne purent recueillir de ses restes que quelques os. Il fut le premier chrétien qui souffrit cette mort cruelle dans l’amphithéâtre du Colisée. Mais après lui bien d’autres subirent le même sort sous le règne de Trajan. « Ils n’ont pas aimé leur vie, même jusqu’à la mort », mais « ils ont vaincu à cause du sang de l’Agneau et à cause de la parole de leur témoignage » (Apocalypse 12:11). Quelle gloire les attend dans la première résurrection ! Ils régneront avec Christ. Puissions-nous, dans ces temps moins difficiles, être cependant trouvés aussi fidèles, aussi dévoués au Seigneur !
La persécution contre les chrétiens qui avait sévi sous le règne de l’empereur Trajan, se ralentit sous celui de ses deux successeurs Adrien et Antonin le pieux, sans cependant cesser entièrement. Mais elle reprit avec plus de force sous Marc-Aurèle qui succéda à Antonin. Est-ce donc que cet empereur était un homme méchant et cruel ? Non. Il était, au contraire, un de ceux que l’on nomme philosophes — amis de la sagesse. Marc-Aurèle était d’un naturel humain, bienveillant, noble et pieux, et grâce à l’influence de l’éducation qu’il avait reçue de sa mère, ses mœurs étaient pures. Ses écrits renferment des préceptes d’une morale excellente. Et malgré cela, il se montra l’ennemi des chrétiens.
Nous ne devons pas nous en étonner. La sagesse du monde, celle que les hommes puisent dans leur intelligence, dans leurs sentiments et leurs raisonnements, est tout l’opposé de la sagesse de Dieu. C’est Christ qui est « la puissance de Dieu et la sagesse de Dieu », et c’est en Christ crucifié que se montrent cette puissance et cette sagesse pour sauver ceux qui croient. Mais le monde avec sa sagesse n’a pas connu Dieu qui, dans son amour, a donné son Fils. La croix est une folie pour les sages de ce monde qui estiment pouvoir plaire à Dieu et se sauver sans elle. Aussi l’apôtre Paul dit-il que les chefs de ce monde n’ont pas connu la sagesse de Dieu, « car s’ils l’eussent connue, ils n’auraient pas crucifié le Seigneur de gloire » (lire 1 Corinthiens 1:20-24 ; 2:7-8). Ainsi, si les chefs de ce monde ont rejeté le Seigneur, il ne faut pas être surpris qu’ils persécutassent les disciples de Jésus. Il faut aussi ajouter que tout en reconnaissant la vanité des idoles, les philosophes en toléraient le culte et s’y associaient comme étant une chose bonne pour le peuple, tandis que les chrétiens s’en séparaient complètement.
L’empereur, il est vrai, n’intervenait pas directement dans les persécutions. Mais il en avait connaissance et aurait pu les arrêter. Des apologies ou défenses du christianisme avaient été présentées aux empereurs qui l’avaient précédé et à lui-même, et la justice aurait demandé qu’il examinât ce qui lui était dit en faveur des chrétiens. Mais au fond de toutes les persécutions et de l’opposition faite aux disciples de Christ se trouve l’inimitié du cœur naturel contre Dieu. Jésus avait dit. « Si le monde vous hait, sachez qu’il m’a haï avant vous… Ils ont, et vu, et haï et moi et mon Père… S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi » (Jean 15:18, 24, 20).
Et, en effet, le monde les haïssait. On en était venu à considérer les chrétiens comme des ennemis publics. Non seulement on les accusait de crimes abominables commis en secret dans leurs réunions privées, mais on leur attribuait toutes les calamités qui, à cette époque en particulier, vinrent frapper Rome et l’empire romain. Les dieux irrités par la présence de ces impies, de ces athées qui méprisaient leur culte, manifestaient leur courroux par ces fléaux, disait-on. La haine du peuple envers eux allait donc en croissant. Il se soulevait contre eux et obligeait les gouverneurs des provinces à sévir et à exécuter les édits de persécution à l’égard de ceux qui étaient dénoncés comme chrétiens et amenés à leur tribunal. Le Seigneur l’avait annoncé : « Ils vous livreront pour être affligés, et ils vous feront mourir ; et vous serez haïs de toutes les nations à cause de mon nom » (Matthieu 24:9). Mais il avait dit aussi pour l’encouragement de ceux qui souffraient pour son nom : « Vous avez de la tribulation dans le monde ; mais ayez bon courage, moi j’ai vaincu le monde » (Jean 16:33). Et encore : « Celui qui hait sa vie dans ce monde-ci, la conservera pour la vie éternelle. Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ; et où je suis, moi, là aussi sera mon serviteur : Si quelqu’un me sert, le Père l’honorera » (Jean 12:25-26). « Si nous souffrons avec lui », nous serons « aussi glorifiés avec lui » (Romains 8:17).
Voilà ce qui soutenait les chrétiens et les fortifiait dans les souffrances qu’ils avaient à endurer. Ils n’avaient peut-être pas autant de lumières que nous pouvons en avoir, mais Christ était pour eux une Personne vivante qui avait donné sa vie pour eux, et ils donnaient leur vie pour Lui. Puissions-nous marcher dans le même chemin de foi, de renoncement et d’amour.
Parmi ceux qui souffrirent le martyre à Rome sous Marc-Aurèle, se trouve Justin surnommé Martyr. Beau titre, n’est-ce pas, que celui de martyr ou témoin pour Jésus Christ ? L’histoire de Justin est d’autant plus intéressante qu’il avait été un de ces philosophes si opposés à l’Évangile. Mais la grâce de Dieu est souveraine. Elle a amené à Christ le pharisien Saul de Tarse, et elle a converti le philosophe Justin. Elle l’a fait en dépouillant l’un de sa propre justice, et en montrant à l’autre l’impuissance de la sagesse humaine. Il faut que tous, sages ou ignorants, grands ou petits, nous reconnaissions notre état de péché et de ruine, afin de saisir le salut, la paix et la vie en Christ. Celui qui a sauvé Pierre et Jean, Nicodème et Paul, Justin le philosophe et tant d’autres, est aussi Celui qui nous sauve.
Justin était né de parents païens à Néapolis, ville de la Samarie, bâtie sur l’emplacement de l’ancienne Sichem. Il raconte lui-même comment, dans sa jeunesse, désirant ardemment connaître la vérité, il avait parcouru toutes les écoles de philosophie, étudiant avec soin les systèmes des sages de ce monde, sans rien trouver qui satisfît son âme et répondit à ses besoins. Mais Dieu, qu’il ne connaissait pas encore, le suivait comme le berger qui cherche sa brebis errante, et vint lui révéler la vérité qu’il avait en vain demandée aux hommes. Un seul est « la vérité », comme il est « la vie » et « le chemin », pour arriver à Dieu, et c’est Jésus. Justin allait le trouver.
Un jour que, fatigué de l’inutilité de ses recherches, il se promenait au bord de la mer, il rencontra un vieillard d’aspect vénérable qui entra en conversation avec lui. Justin s’ouvrit à cet inconnu, qui avait gagné sa confiance. Il lui dit son ardent désir de trouver Dieu, et tout ce qu’il avait fait, mais en vain, pour y arriver. Le vieillard lui répondit qu’en effet tous les enseignements des philosophes ne pouvaient l’amener à la connaissance de Dieu et à la possession de la paix après laquelle il soupirait, car, dit l’apôtre Paul, « le monde, par la sagesse, n’a pas connu Dieu ». Puis le vieillard parla à Justin de la révélation que Dieu avait donnée aux hommes dans les écrits des prophètes et dans les évangiles, et le pressa de les lire et de les étudier, et de s’enquérir des doctrines du christianisme. « Priez », ajouta le vieillard, « pour que les portes de la lumière vous soient ouvertes, parce que les Écritures ne peuvent être comprises que par l’aide de Dieu et de son Fils Jésus Christ ».
Le vieillard s’éloigna, et Justin ne le revit plus. Mais il suivit ses conseils. Il lut et médita les Écritures ; il pria, et Dieu répondit à ses requêtes. Il trouva la lumière et la paix auprès de Jésus Christ, et, une fois converti, il devint un ardent défenseur du christianisme. Plein de zèle pour la vérité qu’il avait saisie, et qui remplissait et réjouissait son cœur, il se mit à voyager, toujours vêtu de sa robe de philosophe, en Égypte et en Asie, annonçant à tous ceux qui voulaient l’entendre, l’Évangile qui lui était si précieux. De l’abondance de son cœur, sa bouche parlait. Comme il est beau de voir Dieu tirant une âme des ténèbres, l’amenant dans sa merveilleuse lumière, et faisant d’elle un flambeau pour éclairer d’autres âmes ! On n’a pas besoin pour jouir de ce privilège d’être un savant et un philosophe comme Justin ; chacun de nous, dans notre sphère, si humble soit-elle, dès que nous avons goûté que le Seigneur est bon, nous pouvons le faire connaître à d’autres (Actes 26:18 ; 1 Pierre 2:9).
Justin se fixa enfin à Rome et continua d’y enseigner. Il cherchait à se mettre en rapport avec les philosophes, dans le désir de leur faire connaître la vérité. Mais l’un d’eux, nommé Crescent, irrité de ce que Justin l’avait réduit au silence en discutant avec lui, le dénonça comme chrétien. Justin, avec six autres, parmi lesquels se trouvait une femme, comparut devant le préfet de Rome, Rusticus. Celui-ci voyant Justin revêtu de sa robe de philosophe, lui demanda quelle doctrine il professait.
— J’ai cherché à acquérir toutes sortes de connaissances, répondit Justin ; j’ai étudié dans toutes les écoles des philosophes, et je me suis enfin arrêté à la seule vraie doctrine, celle des chrétiens, de ces hommes méprisés par tous ceux qui sont dans l’aveuglement et l’erreur.
— Comment, misérable ! Tu suis cette doctrine ? s’écria le préfet.
— Oui, et c’est avec joie ; car je sais qu’elle est vraie.
Interrogé ensuite sur les lieux où les chrétiens s’assemblaient, il répondit qu’ils se réunissaient où ils le pouvaient, non pas tous en un même lieu, « car le Dieu des chrétiens », disait Justin, « le Dieu invisible, n’est pas circonscrit par l’espace. Il remplit les cieux et la terre, et est adoré et glorifié partout par les fidèles ».
Le préfet l’ayant menacé de la mort s’il persistait dans sa superstition, le témoin de Christ répondit : « Tu peux me faire souffrir tous les tourments, je n’en resterai pas moins en possession de la grâce qui assure le salut, et qui est le partage de tous ceux qui sont en Christ ».
— Tu crois donc aller au ciel ?
— Non seulement je le crois, mais je le sais et j’en ai l’entière certitude.
Telle fut la réponse pleine d’assurance du philosophe qui, après avoir été si longtemps ballotté par tout vent de doctrine humaine, avait enfin trouvé pour son âme une ancre sûre et ferme, et une espérance qui ne confond point (Éphésiens 4:14 ; Hébreux 6:19).
Le préfet s’efforça alors de persuader à Justin et ses compagnons de sacrifier aux idoles.
— Aucun homme dont l’esprit est sain, répondit Justin, n’abandonnera une vraie religion pour l’erreur et l’impiété.
— Sacrifiez, dit le préfet, ou vous serez tourmentés sans miséricorde.
— Je ne désire rien d’autre que de souffrir pour le nom de Jésus, mon Sauveur. Je paraîtrai ainsi avec confiance devant son tribunal, où le monde entier doit comparaître un jour.
Telle fut la réponse courageuse du martyr. Ses six compagnons confirmèrent ses paroles en disant :
— Faites ce que vous voudrez ; nous sommes chrétiens, et nous ne pouvons sacrifier aux idoles.
Le préfet les voyant inébranlables devant ses menaces prononça la sentence : « Ceux qui refusent de sacrifier aux dieux et d’obéir aux édits de l’empereur, seront d’abord battus de verges, puis décapités ».
Les martyrs se réjouirent et bénirent Dieu d’avoir été trouvés dignes de souffrir et de mourir pour le nom de Jésus (Actes 5:41 ; Philippiens 1:29). Ils furent ramenés dans leur cachot, et là, après avoir été fouettés, ils eurent la tête tranchée.
Le Seigneur Jésus a dit : « Vous êtes bienheureux quand on vous injuriera, et qu’on vous persécutera… à cause de moi. Réjouissez-vous et tressaillez de joie, car votre récompense est grande dans les cieux ». Et l’apôtre Paul dit, en écrivant à Timothée : « Si nous souffrons avec lui, nous régnerons aussi avec lui » (Matthieu 5:11-12 ; 2 Timothée 2:12). Justin et ses compagnons avec bien d’autres mis à mort « pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils ont rendu », attendent maintenant auprès du Seigneur la « récompense » : « la couronne de justice » et de gloire qui leur est réservée et qui leur sera donnée à son avènement (2 Timothée 4:8).
« À l’ange de l’assemblée qui est à Smyrne, écris :… Ne crains en aucune manière les choses que tu vas souffrir… Sois fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie ». C’est ainsi que le Seigneur Jésus, Lui, le fidèle témoin ou martyr, qui avait donné sa vie, encourageait d’avance ceux qui seraient appelés à donner leur vie pour Lui.
Ce fut en Asie mineure que la persécution, sous Marc-Aurèle, sévit avec le plus de violence. Une lettre adressée par « l’Église de Dieu à Smyrne à celle de Philomélie et à toutes les parties de la sainte Église universelle », donne un récit détaillé des souffrances qu’eurent à endurer les fidèles confesseurs de Jésus Christ. Parmi ceux que cette lettre mentionne comme ayant été mis à mort, se trouve le vieil évêque de Smyrne, Polycarpe.
Polycarpe, de même qu’Ignace, avait été disciple de l’apôtre Jean. On dit que ce fut Jean qui l’établit évêque de Smyrne. Il est possible, en effet, qu’il l’eût mis à part comme « ancien » dans cette assemblée, car nous savons que les apôtres avaient l’autorité d’établir des anciens dans les églises (Actes 14:23 ; Tite 1:5).
Irénée, un des disciples de ce saint évêque, et qui fut l’évêque de Lyon au commencement du troisième siècle, parle ainsi de Polycarpe : « Je pourrais encore montrer la place où le bienheureux Polycarpe avait coutume de s’asseoir et de discourir ; je pourrais dire sa démarche, son apparence, sa manière de vivre, ses conversations. J’ai encore présentes à l’esprit la gravité de sa conduite, la majesté de son visage, la pureté de sa vie, et les saintes exhortations qu’il adressait à son troupeau. Il me semble encore l’entendre raconter comment il avait conversé avec Jean et plusieurs autres qui avaient vu Jésus Christ, et répéter les paroles qu’il avait entendues de leur bouche, les récits qu’ils faisaient des miracles du Sauveur, de sa doctrine selon les Écritures, comme il les avait reçus de ceux qui avaient été des témoins oculaires. Son zèle pour la pureté de la foi était tel que, si quelque erreur était avancée et soutenue en sa présence, il avait coutume de se boucher les oreilles, et de se retirer en s’écriant : « Dieu miséricordieux, pour quels temps m’as-tu réservé ! »
Tel était Polycarpe. À l’époque de la persécution, c’est-à-dire vers l’an 167, il était âgé d’environ quatre-vingt-quinze ans. Le peuple, irrité de voir la constance et la fermeté des témoins du Seigneur exposés dans l’arène à la fureur des bêtes féroces, demandait à grands cris que l’on saisît et qu’on livrât aux lions le fidèle pasteur du petit troupeau des chrétiens. « Polycarpe ! Amenez Polycarpe ! » criait la multitude.
Polycarpe, ayant entendu les clameurs de la foule, voulait d’abord rester tranquillement dans la ville, et y attendre ce que Dieu ordonnerait de lui. Mais sur les instances des frères, il se retira dans un village voisin. Il y resta quelque temps avec un petit nombre d’amis, priant nuit et jour pour toutes les assemblées. Un de ses esclaves, mis à la torture, fit connaître le lieu de sa retraite, et on envoya des soldats pour se saisir de lui. L’ayant appris, le vieillard refusa de pourvoir autrement à sa sûreté ; il attendit avec calme leur venue, disant simplement : « Que la volonté du Seigneur soit faite ». Les soldats étant arrivés, il commanda qu’on leur donnât à boire et à manger, et demanda qu’on lui laissât une heure de recueillement pour prier. Sa requête lui ayant été accordée, il se retira dans une chambre haute où il pria, dit la lettre citée, « pour tous ceux qu’il avait connus, petits et grands, dignes et indignes, et pour toute l’Église dans le monde entier ». Son cœur était si rempli, que deux heures se passèrent avant qu’il eût achevé ses ferventes supplications. Ceux qui devaient le conduire à la ville, lui firent dire de venir. Son dévouement, sa douceur, son grand âge et son aspect vénérable firent une profonde impression sur ses gardes.
Ayant égard à sa vieillesse, ils le firent monter sur un âne et entrèrent dans la ville remplie d’une foule considérable. Comme ils traversaient les rues, ils rencontrèrent Hérode, le premier magistrat de la ville, qui était sur son char avec son père. Tous deux, avec un semblant de respect, invitèrent l’évêque prisonnier à monter à côté d’eux, et essayèrent par de belles paroles et des promesses à ébranler sa constance. « Quel mal y a-t-il », lui disaient-ils, « à dire : Seigneur César ! ou à sacrifier ? »
Mais voyant leurs efforts inutiles, ils changèrent leurs paroles douces en injures, et irrités, ils précipitèrent le vieillard hors du chariot. Polycarpe, bien que meurtri par sa chute, poursuivit son chemin, conduit par les gardes, et fut amené devant le proconsul.
Celui-ci, ayant compassion de son grand âge et de sa faiblesse, essaya de lui persuader de ne pas répondre à l’appel de son nom, mais Polycarpe refusa de se servir d’un subterfuge pour échapper au supplice.
— Eh bien, lui dit le proconsul, jure par le génie de César, et dis : Loin de nous les athées.
Le vieillard promena lentement ses regards sur la foule furieuse qui remplissait l’amphithéâtre, puis agitant sa main et regardant vers le ciel, il cria « Loin de nous les athées ! » (*)
(*) Les chrétiens étaient accusés d’athéisme, parce qu’ils n’adoraient pas les faux dieux.
— Jure, dit le proconsul, pensant qu’il fléchissait ; maudis Christ, et je te relâcherai.
— Voici quatre-vingt-six ans que je le sers, répliqua le courageux évêque, tandis qu’un sourire illuminait ses traits, et il ne m’a jamais fait de mal ; comment le blasphémerais-je, Lui, mon Roi et mon Sauveur ?
La menace de le livrer aux bêtes féroces ou de le faire périr sur un bûcher, l’ayant trouvé inébranlable, le proconsul ordonna à un héraut de proclamer trois fois au milieu du cirque : « Polycarpe a confessé qu’il était chrétien ».
Aussitôt la multitude de s’écrier : « C’est le docteur de l’Asie, le père des chrétiens, l’ennemi de nos dieux ; c’est lui qui a persuadé à un si grand nombre de ne plus sacrifier. Qu’il soit livré aux lions ».
Mais le président des jeux refusa, en alléguant que les jeux étaient terminés. Alors la foule tumultueuse s’écria : « Qu’il soit brûlé ! » Le proconsul accéda à leur demande, et aussitôt tous à l’envi, Juifs et païens se mirent à apporter du bois pour le bûcher. Le vieillard considérait avec calme les préparatifs de son supplice, mais quand on l’eût entraîné sur le bûcher et qu’on voulut le fixer au poteau avec des cordes : « Laissez-moi ainsi », dit-il. « Celui qui me donne la force d’endurer les flammes, me rendra capable de ne faire aucun mouvement sur le bûcher ». Avant que le feu fût allumé, le martyr pria en disant : « Seigneur, Dieu Tout-puissant, Père de ton bien-aimé Fils Jésus Christ, par lequel nous avons reçu la connaissance de Toi-même, Dieu des anges et de la création entière, de la race humaine et des justes qui vivent en ta présence, je te loue de ce que tu m’as jugé digne de ce jour et de cette heure pour avoir part avec tous tes témoins à la coupe des souffrances de Christ ».
Dès qu’il eut achevé de prier, on mit le feu au bûcher. Mais, chose étrange à dire, attestée cependant par la lettre de ceux qui en furent les témoins oculaires, les flammes, au lieu de l’atteindre, semblèrent vouloir l’épargner, formant autour de lui comme une grande voile enflée par le vent. Son corps brillait comme de l’or et de l’argent, et un parfum exquis se répandit dans l’air. À cette vue, les païens superstitieux, craignant que le feu n’eût aucun pouvoir sur lui, ordonnèrent qu’il fût percé d’un glaive. Le sang éteignit d’abord le bûcher, mais les païens demandèrent que le corps fût consumé, et il n’en resta que quelques ossements. Comme les disciples de Polycarpe désiraient recueillir ces faibles restes de celui qu’ils avaient tant aimé, les Juifs persuadèrent au proconsul de ne pas leur accorder leur requête, « de peur », disaient-ils, « qu’ils n’abandonnent le crucifié pour adorer cet homme ». « Ils ne comprenaient guère », dit la lettre, « qu’il n’est pas possible d’abandonner Christ qui a souffert pour le salut du monde, et que l’on puisse adorer quelqu’un d’autre. Car c’est Lui qu’en vérité nous adorons ; mais nous aimons les martyrs, comme étant ses disciples ».
La mort édifiante de Polycarpe fut une bénédiction pour l’Église. La fureur de la populace s’apaisa, et le proconsul lui-même, fatigué de ces scènes sanglantes, défendit que l’on amenât encore des chrétiens devant son tribunal. Ainsi, le Seigneur mit fin à la tribulation à Smyrne.
Polycarpe écrivit à l’assemblée de Philippes une lettre qui nous a été conservée. Elle est surtout intéressante, parce qu’il leur rappelle l’apôtre Paul, « qui », dit-il, « quand il était au milieu de vous, vous a fidèlement et constamment enseigné la vérité, et qui, absent, vous a écrit une lettre, laquelle, si vous l’étudiez diligemment, sera le moyen de vous établir dans la foi, l’espérance et l’amour ».
Ainsi les mêmes Saintes Écritures que Dieu nous a données pour nous instruire à salut et nous guider, étaient aussi la consolation de ces saints d’autrefois qui souffraient et mouraient pour le Seigneur.
Ce fut encore sous le règne de Marc-Aurèle, l’empereur philosophe, qu’eut lieu une nouvelle persécution contre les chrétiens. Elle sévit surtout dans les villes de Lyon et de Vienne en Gaule. Là, s’étaient établies des colonies venues de l’Asie mineure, et c’est aussi d’Asie que l’Évangile y avait été apporté.
Ainsi, en quelque lieu que ce fût où la parole du salut était portée, l’ennemi du Seigneur, celui qui est appelé « le grand dragon, le serpent ancien, le diable et Satan », ne se lassait pas de poursuivre et de tourmenter les saints de Dieu. Il se servait pour cela de la formidable puissance romaine, représentée dans l’Écriture sous la figure d’une « bête effrayante et terrible, et extraordinairement puissante », avec de grandes dents de fer, qui dévorait et écrasait, et faisait la guerre aux saints (Daniel 7:7, 21).
Des détails concernant la persécution des chrétiens des Gaules, nous ont été conservés dans une lettre qu’ils adressèrent à leurs frères d’Asie. L’écrivain dit comment les frères, qui jusqu’alors avaient vécu paisiblement, furent tout à coup assaillis par les païens. On commença par les exclure des bains et des marchés publics, puis on les dépouilla de leurs biens et on alla jusqu’à piller leurs maisons. Ensuite ils furent poursuivis à coups de pierres et traînés en prison, « accusés », dit la lettre, « de crimes si odieux qu’il ne nous est pas permis de les mentionner, ni même d’y penser ».
C’est en l’absence du préfet que se déchaîna la fureur de la populace, et ce furent les employés subalternes qui, intimidés par la violence de la foule, firent jeter en prison un grand nombre de chrétiens. Quelques-uns de ceux-ci, au moment de l’épreuve, faiblirent ; plusieurs périrent dans les cachots humides et malsains où ils avaient été enfermés.
L’arrivée du préfet n’allégea point les souffrances des prisonniers. Il commença à chercher, par les tortures, à pousser les chrétiens à renier Christ, ou à leur faire avouer les crimes abominables dont on les accusait, comme de manger de la chair humaine dans leurs assemblées secrètes et de se livrer à toutes sortes de désordres. Contrairement à la loi, le magistrat fit mettre à la torture des esclaves des maîtres chrétiens. Quelques-uns, vaincus par les tourments, affirmèrent que leurs maîtres pratiquaient, en effet, les crimes dont ils étaient accusés. Dès lors, le magistrat et le peuple se crurent en droit de punir les chrétiens des plus cruels supplices.
Ni le rang, ni l’âge, ni le sexe, ne furent épargnés. Voici quelques exemples pris parmi ceux qui souffrirent pour le Seigneur. Un jeune homme chrétien de haute naissance et de grands talents, nommé Vettius Apagatus, qui n’avait point été mis en prison, fut indigné d’entendre les fausses accusations portées contre ses frères. Plein d’amour pour eux, il se sentit pressé de prendre leur défense et de rendre témoignage à la pureté de leur vie. Mais le juge, au lieu de l’écouter, lui demanda s’il était chrétien, lui qui se faisait leur avocat. Sur la réponse affirmative de Vettius, le magistrat ordonna qu’il fût conduit en prison. Il n’en sortit que pour souffrir le martyre.
Le vieil évêque de Lyon, Pothin, âgé de quatre-vingt-dix ans, qui probablement était venu d’Asie et avait porté l’Évangile dans cette ville, fut amené, infirme et asthmatique comme il l’était, devant le tribunal. « Quel est le Dieu des chrétiens ? » lui demanda le juge. « Tu le connaîtras, si tu t’en montres digne », répondit tranquillement le vieillard. À ces mots, ceux qui entouraient le tribunal l’accablèrent d’injures et de coups. Le divin Maître de Pothin avait eu aussi à souffrir les injures et les coups devant un tribunal humain (Matthieu 26:67-68). Ramené en prison, le vieillard eut encore à endurer la brutalité de la populace, et mourut deux jours après par suite des mauvais traitements qu’il avait subis.
Mais parmi tous ceux qui souffrirent, il n’y en eut point qui brillèrent plus par leur foi, leur constance et leur fermeté que Blandine. Elle était une pauvre jeune esclave, au corps faible et chétif. Sa maîtresse, chrétienne aussi, et qui mourut martyre, tremblait pour elle, craignant que sa foi ne succombât sous les tourments. Mais le Seigneur se tint près de sa jeune servante, et manifesta en elle sa force. Les bourreaux épuisèrent sur elle tous les genres de supplices : les fouets, le chevalet sur lequel on étendait les membres jusqu’à les disloquer, la chaise de fer rougie au feu sur laquelle on faisait asseoir les martyrs, Blandine supporta tout sans fléchir, répétant seulement : « Je suis chrétienne ; nous ne commettons aucun mal ». Attachée à un poteau dans l’amphithéâtre, elle fut livrée aux bêtes féroces, mais celles-ci, moins cruelles que les hommes, ne la touchèrent pas. On pensait qu’étant une faible femme et une esclave, on pourrait, en multipliant les tortures, l’amener à renier Christ. Mais Celui qui était en elle était plus fort que celui qui est dans le monde. Elle possédait la foi qui rend victorieux du monde, la foi au Fils de Dieu (1 Jean 4:4 ; 5:4-5). « Blandine », dit la lettre déjà citée, « fut revêtue d’une telle force que ceux qui se relayaient pour la torturer du matin jusqu’au soir, avouèrent, lassés qu’ils étaient, qu’elle les avait vaincus. Ils étaient étonnés, après avoir épuisé sur elle toutes les tortures, qu’elle pût encore vivre, ayant le corps déchiré et ouvert de toutes parts ». Le Seigneur rendait ainsi témoignage à la vérité du christianisme, et à la puissance de la foi en Lui. On pouvait dire de ces martyrs comme de ceux d’un autre âge : Ils furent torturés, éprouvés par des moqueries et par des coups, par des liens et par la prison ; ils furent lapidés, sciés, tentés, eux desquels le monde n’était pas digne… Ils ont reçu témoignage par la foi, en attendant la céleste récompense (Hébreux 11:36-39).
Comme l’on ramenait en prison Blandine et ses compagnons de souffrances, beaucoup d’amis affligés vinrent à leur rencontre pour les consoler, les encourager et leur témoigner leur amour, les saluant en même temps du nom de martyrs. « Nous ne sommes pas dignes d’un tel honneur », répondirent-ils ; « le combat n’est pas terminé. D’ailleurs ce nom glorieux de martyr [qui veut dire « témoin »] appartient essentiellement à Celui qui est le Témoin fidèle et véritable, le premier-né des morts et le Prince de la vie, et ensuite à ceux qui ont scellé le témoignage de Christ par leur persévérance jusqu’à la fin. Nous ne sommes que de pauvres faibles confesseurs ». Puis ils demandèrent avec larmes à leurs frères de prier pour eux, afin qu’il leur fût donné de rester fidèles et fermes jusqu’à la fin. Ainsi ils montraient qu’ils sentaient leur faiblesse et n’attendaient de force que de Celui en qui seul elle réside.
Une nouvelle douleur les attendait à leur retour dans la prison. Quelques-uns des leurs, saisis de crainte à la pensée des tourments, avaient renié le christianisme. Ils n’y avaient d’ailleurs rien gagné ; on les retenait en prison comme accusés d’autres crimes. Blandine et ses compagnons prièrent avec beaucoup de larmes le Seigneur, afin que ceux qui avaient faibli devant l’ennemi fussent restaurés et fortifiés. Le Seigneur exauça leurs prières. Ayant comparu de nouveau devant le magistrat, ceux qui étaient tombés confessèrent courageusement leur foi en Christ, et condamnés à mourir, ils obtinrent aussi la couronne des vainqueurs.
La fin de Blandine approchait. Elle allait échanger les douleurs passagères de cette vie, pour la gloire éternelle (2 Corinthiens 4:17-18). Elle fut amenée pour la dernière fois devant le juge avec un jeune homme de 15 ans, nommé Ponticus. On leur ordonna de jurer par les dieux, mais ils refusèrent avec fermeté. On leur fit encore subir les tortures les plus cruelles que la barbarie des hommes puisse imaginer. Ils les supportèrent avec une patience qui ne fit qu’exaspérer au plus haut point la multitude. Le jeune Ponticus, encouragé et soutenu par les prières et les exhortations de sa sœur en Christ, succomba bientôt et s’endormit en Jésus.
Blandine, restée seule, fut gardée pour le dernier jour des jeux. On pouvait bien dire d’elle, comme Paul le disait de lui-même et des apôtres : « Dieu nous a produits les derniers sur la scène… comme des gens voués à la mort… un spectacle pour le monde, et pour les anges et pour les hommes » (1 Corinthiens 4:9). Blandine fut d’abord fouettée jusqu’au sang, puis subit de nouveau l’affreux supplice de la chaise ardente, ensuite placée dans un filet, elle fut livrée à un taureau sauvage qui la secoua longtemps avec ses cornes et la fit souffrir cruellement. Enfin un soldat mit fin à ses souffrances, en la perçant d’une lance.
Tels étaient les tourments que ces fidèles confesseurs endurèrent pour l’amour de Jésus. Leur récompense sera grande dans le royaume des cieux (Matthieu 5:12). Nous qui vivons dans un temps paisible, n’en serons-nous pas reconnaissants envers Dieu ? N’en profiterons-nous pas pour croître dans la connaissance et la grâce du Seigneur Jésus, afin d’être aussi ses témoins dans ce monde, non par des souffrances semblables à celles des martyrs, mais par notre séparation du monde et la pureté de notre vie ?
D’autres que ceux que nous avons nommés souffrirent de même. À propos d’un nommé Sanctus qui endura aussi de cruels tourments, notre lettre dit qu’il les supporta de manière à montrer « qu’il n’y a rien de terrible là où se trouve l’amour du Père, ni rien de pénible là où est la gloire de Christ ».
La rage des persécuteurs ne fut pas assouvie par la mort des martyrs. Leurs corps furent brûlés et les cendres jetées dans le Rhône, afin de les priver ainsi, pensaient leurs ennemis dans leur folie, de ce qui leur était le plus précieux, — la sûre et certaine espérance de la résurrection bienheureuse. Insensés, ils ignoraient la puissance de Dieu. La mort est vaincue pour les chrétiens, sous quelque forme qu’elle se présente. Ils avaient pour eux, ces fidèles témoins, la parole de Christ : « Celui qui vaincra n’aura point à souffrir de la seconde mort ». Ils auront part à la première résurrection, et vivront et régneront avec le Christ. Puisse ce bonheur être aussi le nôtre !
Le cruel gouverneur de Lyon dont nous avons parlé était devenu empereur sous le nom de Septime Sévère. Dans les premières années de son règne, les chrétiens avaient joui d’une tranquillité relative ; mais à son retour d’Orient où il avait fait une guerre victorieuse, il rendit un édit défendant à aucun de ses sujets d’embrasser le judaïsme ou le christianisme. L’occasion de cette nouvelle persécution fut, sans doute, le refus des chrétiens de prendre part aux réjouissances publiques qui accueillaient l’empereur victorieux, réjouissances toujours accompagnées de cérémonies païennes. Les chrétiens mettaient en pratique la parole de l’apôtre : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (Actes 5:29).
La persécution sévit surtout en Égypte et dans la province d’Afrique où le christianisme avait jeté de profondes racines. La grâce de Dieu s’y montra d’une manière merveilleuse dans la patience et le courage qu’elle donna aux saints martyrs dans leurs souffrances.
Parmi eux se trouvaient, à Carthage, deux femmes, Vivia Perpétua et Félicité, et trois jeunes hommes. Ils étaient encore des catéchumènes, c’est-à-dire que, bien que s’étant joints aux chrétiens, ils n’avaient pas encore reçu le baptême, ni pris part à la cène. Félicité était une pauvre esclave qui, dans la prison même, devint mère d’un petit enfant. Perpétua était une jeune dame distinguée par sa naissance, son éducation et sa fortune. Elle n’avait que vingt-deux ans, avait récemment perdu son mari, et était mère d’un jeune enfant qu’elle nourrissait. Sa mère et ses deux frères étaient chrétiens ; son père, seul de la famille, était resté attaché au paganisme. Il aimait passionnément sa fille, et c’était pour lui une immense douleur de la voir attachée à cette religion méprisée, et être un sujet de honte pour lui et le nom illustre qu’il portait. D’un cœur tendre et aimant, la plus grande épreuve pour Perpétua venait de son affection pour son père et pour son enfant. Ce n’était pas seulement la mort sous sa forme la plus terrible qu’elle avait à affronter, mais il lui fallait vaincre aussi les liens naturels les plus puissants. Elle avait compris cette parole : « Celui qui aime père et mère plus que moi, n’est pas digne de moi ; et celui qui aime fils ou fille plus que moi, n’est pas digne de moi » (Matthieu 10:37), et elle aimait Jésus plus que tout : pour l’amour de Lui, elle fut rendue capable de renoncer à tout.
Perpétua a laissé, écrit par elle-même, un récit simple et touchant de son emprisonnement et de son jugement. Nous en citerons quelques parties.
« Lorsque nous fûmes entre les mains de nos persécuteurs », dit-elle, « mon père, dans sa tendre affection pour moi, vint me voir et s’efforça de me détourner de la foi.
— Mon père, lui dis-je, vois-tu ce petit vase ?
— Oui, dit-il, je le vois.
— Alors je dis : « Puis-je le nommer autrement que ce qu’il est ? ». Il répondit : « Non ».
— Je ne puis non plus, continuai-je, me nommer autrement que ce que je suis, c’est-à-dire une chrétienne.
Mon père me regarda comme s’il eût voulu m’arracher les yeux ; mais il m’accabla seulement de paroles dures, puis il partit. Alors je fus plusieurs jours sans le voir, mais je fus rendue capable de rendre grâces à Dieu, et son absence fut adoucie pour mon cœur ».
Quelques jours après, les jeunes chrétiens eurent la grande joie de recevoir le baptême et de participer à la cène, car, bien que gardés, ils n’avaient pas encore été enfermés dans le cachot. Ce jour arriva bientôt, et Perpétua écrit :
« Au bout de quelques jours, nous fûmes jetés dans la prison. Je fus saisie de terreur, car jamais auparavant je n’avais été dans une obscurité aussi complète. Quel jour terrible ! La chaleur excessive causée par le grand nombre de prisonniers, la brutalité des soldats, et l’inquiétude que j’éprouvais à cause de mon enfant, tout m’accablait. Mais deux de nos diacres obtinrent à prix d’argent que nous fussions transférés quelques heures par jour dans une meilleure partie de la prison, loin des autres captifs. Chacun reprit son occupation habituelle, mais moi je m’assis et allaitai mon enfant presque mort de faim. Dans mon anxiété, je parlai à ma mère pour la consoler et je recommandai l’enfant à mon frère. Je m’affligeai en les voyant peinés à mon sujet, et je souffris plusieurs jours. Mais l’enfant s’accoutuma à rester avec moi dans la prison, et aussitôt la force me revint, je fus délivrée de tout souci et d’inquiétude pour mon enfant, et la prison devint pour moi comme un palais. En vérité, j’y étais plus heureuse que je n’aurais pu être nulle part ailleurs ».
Après avoir raconté un songe qu’elle eut et qu’elle regarda comme un signe qu’elle et son frère, emprisonné aussi, souffriraient bientôt le martyre, Perpétua continue :
« Après quelques jours, le bruit se répandit que nous allions être interrogés. Mon père arriva de la ville, la figure dévastée par le chagrin, et essaya encore de m’ébranler. Il me dit : « Ma fille, aie pitié de mes cheveux blancs ; aie pitié de ton père, si tu me crois encore digne de ce nom ! Ne t’ai-je pas élevée ? Ne m’as-tu pas été plus chère que mes autres enfants ? Ne m’expose pas ainsi au mépris des hommes. Pense à ton frère, à ta mère, à ta tante ; pense à ton enfant, à ton fils qui ne peut vivre, si tu meurs. Fais fléchir ton orgueil ; ne nous plonge pas tous dans la ruine ». Ainsi parlait mon père, me baisant les mains et se jetant à mes pieds, et, au milieu de ses larmes, ne m’appelant plus sa fille, mais sa « dame ». Et j’étais affligée à cause des cheveux blancs de mon père, et de ce que lui seul de toute la famille ne se réjouissait pas de mon martyre. Et je m’efforçais de le consoler, lui disant : « Ce qui arrivera quand je paraîtrai devant le tribunal, dépend de la volonté de Dieu, car nous ne subsistons pas par notre propre force, mais uniquement par la puissance de Dieu ». Et il s’éloigna en gémissant.
Un autre jour, tandis que nous prenions notre repas, nous fûmes soudainement appelés à comparaître. Une multitude immense entourait le tribunal. Nous gravîmes les degrés, et les autres furent interrogés et firent leur confession. Et mon tour vint, et aussitôt mon père apparut portant mon enfant. Et il me tirait en bas des degrés, me disant d’un ton suppliant : « Aie pitié de moi et de ton enfant ». Et le procurateur Hilarianus dit aussi : « Épargne les cheveux blancs de ton père ; épargne ton petit enfant ; sacrifie aux dieux pour la prospérité de l’empereur ». Et je répondis : « je ne veux pas sacrifier ». — « Es-tu chrétienne ? » dit Hilarianus. Je répondis : « Je suis chrétienne ». Et comme mon père était encore là près de moi, cherchant à m’entraîner, Hilarianus ordonna qu’il fût jeté par terre et battu de verges. Et je fus affligée de ce qui arrivait à mon père, et je souffris plus, à cause de son âge avancé, que si moi-même j’avais reçu les coups. Hilarianus prononça la sentence, et nous fûmes tous condamnés aux bêtes féroces, et nous retournâmes à la prison remplis de joie ».
Perpétua avait été rendue capable, par la grâce toute puissante de Dieu, de s’élever au-dessus même des sentiments maternels. Il ne lui fut plus permis d’avoir son enfant auprès d’elle, mais elle avait pu le confier aux soins de sa mère et de son frère. Quant à elle, elle avait les yeux fixés sur « Jésus, le Chef et le consommateur de la foi », le Témoin fidèle, qui « à cause de la joie qui était devant lui, a enduré la croix, ayant méprisé la honte, et est assis à la droite du trône de Dieu » (Hébreux 12:2 ; Apocalypse 1:5). Les martyrs aussi, à la suite de leur divin Chef, méprisaient les souffrances et la honte, et attendaient la gloire.
Perpétua et ses compagnons étaient réservés pour être exposés aux bêtes, pour l’amusement du peuple, lors des fêtes célébrées à l’occasion de l’anniversaire du fils de l’empereur. Avant ce moment, l’un d’eux mourut dans la prison. Les autres se réjouissaient d’avoir été jugés dignes de souffrir pour le nom de Jésus (Actes 5:41). Leur paix, leur patience et leur constance agirent de telle sorte sur le cœur de leur geôlier Pudas, qu’il fut gagné au Sauveur. Il permit aux confesseurs du nom de Christ de recevoir les visites de quelques-uns des frères, ce qui consola beaucoup les prisonniers.
Le cœur de Perpétua fut de nouveau soumis à une douloureuse épreuve. « Le jour des jeux approchait », dit-elle, « et mon père entra accablé de douleur. Et il commença à s’arracher la barbe, à se jeter la face contre terre, et à désirer que la mort vînt le prendre, et à dire des paroles qui auraient remué le cœur le plus dur et moi j’étais extrêmement affligée de la peine qui accablait sa vieillesse ». Mais la fidèle servante de Christ, bien qu’ayant le cœur brisé, sortit victorieuse de cette dernière lutte.
L’esclave Félicité montra aussi la fermeté de sa foi. Comme elle était sur le point de mettre son enfant au monde, et qu’elle souffrait et se plaignait beaucoup, un des employés de la prison lui dit : « Que sera-ce donc quand tu seras exposée aux bêtes féroces ? Tu n’y as pas pensé, quand tu as refusé de sacrifier ». Félicité répondit : « J’endure maintenant mes propres souffrances, mais alors un autre sera avec moi, qui souffrira pour moi, parce que je souffrirai pour l’amour de Lui ».
La fin triomphante des martyrs approchait. Quand le jour fut venu, ils portaient sur leurs visages l’expression d’une joie céleste et d’une paix inébranlable, dit celui qui continue le récit de Perpétua. Ils refusèrent de se laisser revêtir, les hommes, de la robe écarlate des prêtres de Saturne, les femmes, de celle des prêtresses de Cérès. « Nous donnons notre vie », dirent les martyrs, « parce que nous ne voulons avoir aucune part à ces coutumes profanes. Laissez-nous notre liberté ». On céda à leur juste demande. Après s’être donné le baiser d’amour fraternel et avoir pris congé l’un de l’autre, dans la ferme espérance de se retrouver bientôt auprès du Seigneur, ils s’avancèrent vers le lieu de leur supplice. Tous louaient Dieu à haute voix, Perpétua chantait un psaume.
Les hommes furent livrés aux lions, aux tigres et aux léopards, et les femmes à une vache furieuse. Après que Perpétua eut subit ses assauts, elle se releva toute meurtrie, et, oubliant ses propres souffrances, elle alla aider et encourager Félicité qui gisait dans l’arène mortellement blessée. Ses dernières paroles furent pour exhorter son frère à persévérer dans la foi. Le peuple demanda que les martyrs fussent livrés aux gladiateurs, afin d’avoir le plaisir de les voir mourir. Perpétua, tombée entre les mains d’un gladiateur maladroit qui la blessa sans la tuer, guida elle-même la main de son meurtrier vers sa poitrine. Ainsi tous s’endormirent en Jésus.
Ils « ont vaincu par le sang de l’Agneau, … et ils n’ont pas aimé leur propre vie, même jusqu’à la mort ». Les persécuteurs voulaient anéantir le nom de Christ, mais plus on les persécutait, plus les chrétiens se multipliaient. Le sang des martyrs était la semence de l’Église.
Après la mort de l’empereur Septime Sévère, sous le règne duquel les chrétiens avaient été si cruellement persécutés, l’Église jouit d’une tranquillité relative jusqu’à l’avènement de Décius, en l’an 249. Cette paix ne fut troublée que pendant le court règne de Maximin, dont nous dirons un mot. Durant une période de moins de quarante ans, dix empereurs se succédèrent sur le trône de Rome, et ce fut peut-être grâce à ces bouleversements incessants dans l’empire, que les chrétiens durent, par la bonté de Dieu, de n’être pas persécutés.
Celui de ces empereurs qui régna le plus longtemps fut Alexandre Sévère. Il n’avait pas seize ans quand il obtint le pouvoir, et le garda durant treize années. Sa mère Mammée, qui eut toujours une grande influence sur lui, aimait les chrétiens. Se trouvant à Antioche, elle avait fait venir auprès d’elle le célèbre docteur chrétien Origène, afin d’être instruite par lui des vérités de la foi. Mais bien qu’un ancien historien la nomme une femme distinguée par sa piété et sa crainte de Dieu, rien ne prouve qu’elle eût été réellement convertie. Toutefois ce fut sans doute grâce à elle qu’Alexandre se montra constamment favorable aux chrétiens, dont plusieurs se trouvaient parmi les officiers de sa maison.
Alexandre d’ailleurs était d’un caractère naturellement religieux et vénérait également toutes les formes de culte ; c’est ainsi qu’il donna aussi une place au christianisme. On dit qu’il avait eu la pensée de faire élever un temple à Christ, et de le mettre publiquement au nombre des dieux reconnus. En attendant, il avait son image et celle d’Abraham dans sa chapelle domestique, au milieu des statues représentant les dieux du paganisme et les bienfaiteurs de l’humanité. Il admirait et citait souvent ces paroles du Seigneur : « Et comme vous voulez que les hommes vous fassent, vous aussi faites-leur de même » (Luc 6:31). Il les fit même écrire en grandes lettres sur les murs de son palais et d’autres édifices publics. Tout cela ne faisait pas d’Alexandre Sévère un chrétien, mais Dieu donnait, par son moyen, du répit à l’Église persécutée. Malheureusement ce temps de calme fut pour les chrétiens une époque de décadence dans la piété.
Pendant le règne d’Alexandre Sévère, la situation du christianisme vis-à-vis du monde subit un grand changement. Ce fut à cette époque que les chrétiens commencèrent à élever des édifices publics pour se rassembler, et l’empereur les favorisa en cela. Jusqu’alors, au grand étonnement des païens, ils n’avaient eu ni temples, ni autels. Tandis que les Juifs eux-mêmes avaient partout leurs synagogues publiques, les lieux où les chrétiens se rassemblaient n’avaient aucun cachet distinctif. Comme nous le lisons dans les Actes et les Épîtres, et comme nous savons que cela eut lieu longtemps après, ils se réunissaient dans des maisons particulières (Actes 12:12 ; 19:9 20:7-8 ; Romains 16:23 ; 1 Corinthiens 16:19 ; Colossiens 4:15 ; Philémon 2). À Rome, ce fut souvent dans les catacombes, le lieu de repos de leurs morts. Dans les temps de persécution, ils pouvaient ainsi plus aisément échapper à leurs ennemis, mais en même temps ces réunions secrètes donnèrent lieu à beaucoup d’accusations. Les païens qui ne pouvaient se représenter un culte sans temple ou édifice sacré, étaient disposés à penser que ces rassemblements mystérieux cachaient des actes honteux et coupables.
Maintenant les chrétiens pouvaient se réunir ouvertement dans des édifices exposés aux yeux de tous. Il sembla, pour un temps, que le christianisme était devenu une des nombreuses religions tolérées. Mais tout, en réalité, ne dépendait que de la bonne volonté de l’empereur ; les sévères édits des empereurs précédents n’étaient nullement abrogés ; le danger était toujours là. Les chrétiens l’éprouvèrent à la mort d’Alexandre Sévère. Ce jeune empereur, âgé seulement de vingt-neuf ans, qui voulait rétablir la discipline dans ses légions, fut assassiné dans sa tente par les soldats révoltés à l’instigation de Maximin.
Ce dernier, choisi par les soldats pour succéder à Alexandre comme empereur, était un rude paysan thrace, d’une taille et d’une vigueur colossales. Il s’était élevé par son courage aux plus hauts grades militaires, mais était d’une cruauté excessive. Il fit périr tous les amis d’Alexandre. Parmi eux, se trouvaient plusieurs évêques chrétiens qu’il fit mettre à mort, non pas tant comme chrétiens que comme ayant joui de la faveur du précédent empereur. Et c’est une chose triste à mentionner, que les conducteurs des églises eussent peu à peu acquis une position terrestre mal en harmonie avec leur vocation comme serviteurs de Christ. Il ne faut pas s’étonner que la main de Dieu s’appesantît sur eux.
Mais Maximin ne se borna pas à persécuter les évêques. Toutes les classes des chrétiens éprouvèrent les effets de sa cruauté. Le peuple entraîné par son exemple, frappé aussi par les désastres que causèrent en divers lieux de grands tremblements de terre qu’il attribuait à la colère des dieux, sentit renaître sa haine contre les chrétiens. Sa fureur ne connut pas de bornes. Les édifices nouvellement érigés pour le culte furent brûlés, et ceux qui professaient la foi furent cruellement persécutés.
Le règne de Maximin fut heureusement de courte durée. Sa cruauté et sa licence soulevèrent contre lui les soldats qui le massacrèrent. Après lui, pendant une période agitée de douze années, durant laquelle se succédèrent quatre ou cinq empereurs, l’Église jouit de la tranquillité. Avant de parler de la terrible persécution générale qui suivit ces temps de paix, nous dirons quelques mots du bas état spirituel où étaient tombés les chrétiens, et qui, disaient quelques-uns de leurs écrivains de ce temps, avait rendu nécessaire une persécution.
Satan est représenté dans la parole de Dieu sous la figure d’un « lion rugissant… cherchant qui il pourra dévorer » (1 Pierre 5:8). Tel il se montre dans les temps de persécution, comme c’était le cas quand Pierre écrivait sa première épître (Chapitre 4:12 ; 5:9). Mais il nous est aussi présenté sous l’image du serpent subtil et rusé, cherchant à séduire les âmes par toutes sortes d’artifices et à les détourner de Christ (2 Corinthiens 11:3 ; Apocalypse 12:9). C’est ainsi qu’il agit aux époques de paix et de tranquillité de l’Église, et, sous cette forme, il est beaucoup plus dangereux que quand il déchaîne sa fureur d’une manière violente. Nous avons donc, nous, à être tout particulièrement en garde contre lui.
C’est par les attraits du monde, par les diverses convoitises de la chair et des yeux, par l’amour des aises de la vie et des richesses, par la recherche des honneurs et d’une position dans le monde, que le diable cherche à agir sur les chrétiens. Ceux de ces temps-là, comme hélas ! ceux du nôtre, ne se laissèrent que trop égarer par l’ennemi, et tombèrent dans la mondanité. Les hommes étaient devenus efféminés et recherchaient leurs aises ; les femmes avaient cessé de montrer dans leur tenue la modestie et la simplicité recommandée par l’apôtre (1 Pierre 3:1-6) ; le clergé lui-même était ambitieux et avide d’honneurs et d’argent.
Ce qui explique la mondanité croissante chez les chrétiens, c’est que, pour un grand nombre, la foi n’était plus, ainsi qu’aux premiers temps, une conviction inébranlable, résultat de l’œuvre de Dieu dans l’âme, mais une croyance inculquée dans l’esprit par une éducation chrétienne. N’est-ce point là ce que l’on trouve aussi si généralement répandu de nos jours ? Il n’y avait donc plus chez un très grand nombre de ceux qui portaient le nom de chrétiens, la vie, la sève fortifiante, mais seulement une forme de piété (2 Timothée 3:5). Origène, en Orient, et Cyprien, en Occident (*), sont unanimes à déplorer dans leurs écrits l’esprit de mondanité qui s’était glissé dans l’Église ; le luxe, l’avidité et l’orgueil du clergé, aussi bien que la vie frivole et profane des simples chrétiens.
(*) Nous reparlerons de ces deux hommes distingués.
Voici sur ce sujet quelques paroles de Cyprien : « Le Seigneur a voulu éprouver son peuple, et comme la règle de vie selon la piété a été mise en oubli durant le long temps de paix dont nous avons joui, un jugement de Dieu est tombé sur nous afin de réveiller notre foi affaiblie, et je pourrais presque dire endormie. Nous aurions mérité davantage pour nos péchés, mais le Seigneur, plein de miséricorde, a disposé de tout ce qui nous est survenu de telle sorte qu’il semble que ce soit une épreuve plutôt qu’une persécution. Au lieu de penser à ce qu’était la vie des croyants du temps des apôtres et à ce qu’elle doit toujours être chez ceux qui sont à Christ, les chrétiens travaillaient avec une avidité jamais assouvie à accroître leurs biens terrestres. Et beaucoup d’évêques qui auraient dû enseigner les autres par leurs paroles et leur exemple, négligeaient leur vocation divine et recherchaient les choses du monde ».
Tel était l’état d’un grand nombre d’assemblées quand la persécution survint. N’y a-t-il pas là de quoi nous faire réfléchir et nous donner une leçon salutaire ?
L’Église en général était donc tombée, durant les années de paix dont elle avait joui, dans un fâcheux état spirituel. Le Seigneur, comme le disait Cyprien, afin de la réveiller de ce sommeil fatal, permit qu’elle passât par une persécution plus terrible qu’aucune de celles qui avaient précédé. Ce qui la distingua fut qu’elle sévit avec une rigueur excessive dans toutes les provinces de l’empire romain.
Une des causes de cette persécution fut probablement le refus des chrétiens de participer aux fêtes solennelles célébrées en l’an 247, à l’occasion du millénaire de la fondation de Rome. Toutefois, aussi longtemps que l’empereur Philippe régna, il protégea les chrétiens contre l’inimitié des prêtres des idoles et la fureur du peuple. Mais en 249, il fut vaincu et tué par Décius qui le remplaça sur le trône impérial.
Le nouvel empereur était un fervent sectateur du paganisme, qu’il voulait rétablir dans toute son ancienne splendeur. Il résolut donc d’extirper entièrement le christianisme, et pour cela ordonna aux magistrats dans toutes les provinces, de remettre en vigueur les anciens édits portés contre les chrétiens. Sous peine de leur propre vie, il leur commanda de faire périr tous les chrétiens sans exception, ou de les ramener à la religion de leurs pères par les menaces, les châtiments et les tortures.
L’empereur Trajan avait rendu un édit qui défendait de rechercher les chrétiens, et un autre contre les dénonciations anonymes et surtout contre les esclaves qui trahissaient leurs maîtres. Sous Décius, on ne tint aucun compte de ces édits. Les magistrats recherchaient les chrétiens, les accusateurs ne couraient aucun risque, et il suffisait du bruit public pour qu’une personne fût considérée comme coupable de christianisme.
Décius, par son édit, ordonna de rechercher exactement tous ceux qui refusaient leur adhésion à la religion de l’État, ou qui étaient même simplement soupçonnés de ne pas s’y soumettre. Partout où ce terrible édit était promulgué, on assignait un jour où tous les chrétiens de l’endroit devaient comparaître devant le magistrat pour abjurer leur religion. On commençait par les sommer de faire profession de paganisme en offrant de l’encens sur les autels des faux dieux. S’ils refusaient, on cherchait d’abord à les intimider et à les ébranler par des menaces ; persistaient-ils, on les soumettait à la torture ; celle-ci n’avait-elle point d’effet, on les conduisait au supplice. Dans l’espace de deux ans — durée du règne de Décius — des milliers de chrétiens furent ou livrés aux flammes, ou emprisonnés et torturés jusqu’à la mort. Les évêques surtout étaient l’objet de la haine du tyran.
Un grand nombre de chrétiens s’enfuyaient avant que le jour fatal où ils devaient comparaître fût arrivé. Ils se condamnaient ainsi volontairement à un exil perpétuel, car leurs biens étaient confisqués et le retour leur était interdit sous peine de mort. Souvent on jetait en prison ceux qui étaient restés fermes dans les tortures, afin que les souffrances prolongées causées par le séjour dans des cachots infects, par la faim et la soif, les amenassent à abandonner leur foi. Plusieurs, en grand nombre, hélas ! étaient relâchés sans avoir sacrifié, après s’être procuré à prix d’argent un témoignage du magistrat attestant qu’ils avaient obéi à l’édit impérial. Mais l’Église les considérait comme ayant de cette manière abjuré en réalité le christianisme, et les repoussait de son sein.
Denis, évêque d’Alexandrie, rapporte en ces termes l’effet produit par l’édit impérial : « Beaucoup de chrétiens distingués par leur position se sont soumis, quelques-uns poussés par la crainte, d’autres pressés par leurs amis. Un grand nombre se tenaient devant le magistrat, pâles et tremblants, ne voulant point participer aux rites idolâtres, mais n’étant point préparés à persévérer jusqu’à la mort. D’autres supportaient jusqu’à un certain point les douleurs de la torture, mais ensuite cédaient ». Tel était le triste résultat du relâchement où les chrétiens étaient tombés en s’associant avec le monde. Il ne nous conviendrait cependant pas, à nous qui vivons dans un temps paisible de liberté religieuse de juger avec sévérité la faiblesse de ceux qui cédaient aux tourments. Dieu nous a épargné ces épreuves jusqu’ici. Qu’aurions-nous fait à leur place ? Demandons au Seigneur de nous donner de Lui être fidèles et de ne pas succomber aux tentations du monde, aux convoitises de notre cœur naturel.
Mais dans ces jours si sombres, le Seigneur eut aussi ses fidèles témoins qui souffrirent pour Lui, perdirent leurs biens et haïrent leur vie dans ce monde-ci, afin de la conserver « pour la vie éternelle » (Jean 12:25). Denys d’Alexandrie raconte qu’un grand nombre, fortifiés par le Seigneur, tinrent fermes comme des colonnes, témoins admirables de sa grâce. Parmi eux, il mentionne un jeune garçon de quinze ans, nommé Dioscore, qui répondit avec la plus grande sagesse aux questions qui lui furent posées, et qui, au milieu des tourments, montra une telle fermeté que le magistrat en fut étonné. Il le relâcha dans l’espérance qu’arrivé à un âge plus mûr, il reconnaîtrait son erreur. Une femme fut traînée par son propre mari devant l’autel, et, tandis qu’un autre lui tenait fortement les mains, il la força, malgré elle, à répandre sur le feu l’encens offert aux idoles. Mais elle, durant tout ce temps, s’écriait : « Ce n’est pas moi qui le fais, ce n’est pas moi qui le fais ». Encore ici, le Seigneur se glorifia dans la faiblesse de ses fidèles témoins.
À Carthage, où, dans une persécution précédente, les chrétiens avaient déjà tant souffert, les confesseurs de Christ jetés dans les cachots, eurent à endurer les souffrances d’une chaleur excessive, de la faim et de la soif. On espérait les obliger ainsi à se soumettre aux ordres de l’empereur, mais bien que la mort la plus douloureuse fût devant eux, ils tinrent ferme. Combien ils devaient être soutenus et rafraîchis en pensant aux temps dont il est parlé dans l’Apocalypse : « Ils n’auront plus faim et ils n’auront plus soif, et le soleil ne les frappera plus, ni aucune chaleur, parce que l’Agneau qui est au milieu du trône les paîtra et les conduira aux fontaines des eaux de la vie » (Apocalypse 7:16-17).
À Rome, plusieurs chrétiens furent enfermés dans les prisons pendant plus d’une année. De leur lieu de souffrance ils écrivaient à Cyprien, évêque de Carthage : « Quel lot plus glorieux y a-t-il pour des hommes que de pouvoir, par la grâce de Dieu, confesser le Seigneur au milieu des tourments et devant la mort même ; d’être rendus capables, avec un corps lacéré et un esprit défaillant, mais libre, de rendre témoignage à Christ, le Fils de Dieu, et d’être pour l’amour de Lui participants de ses souffrances ? Nous n’avons pas encore versé notre sang, mais nous sommes prêts à le faire. Priez pour nous, cher Cyprien, afin que, jour après jour, le Seigneur affermisse chacun de nous et nous fortifie par la puissance de sa force ; afin que, comme un habile général, après avoir exercé et éprouvé ses guerriers dans le camp au milieu des dangers, Il nous conduise enfin sur le champ de bataille qui est devant nous, revêtus des armes invincibles de Dieu ». Bien des évêques de différentes églises succombèrent dans cette terrible persécution. Parmi eux, Babylas, évêque d’Antioche, avait été condamné à être décapité avec six jeunes catéchumènes. Il les vit périr sous ses yeux, puis livrant sa tête au bourreau, il s’écria : « Me voici, mon Dieu, avec les enfants que tu m’as donnés ».
On raconte aussi que du rang même des bourreaux sortirent parfois des confesseurs du nom de Christ. Des soldats de la garde d’un proconsul, voyant un chrétien faiblir devant les menaces, lui firent signe de ne pas céder. Le proconsul les fit aussitôt saisir et emmener, et ils moururent avec joie en confessant leur foi.
Le Seigneur, après deux années de cette épreuve semblable à une fournaise ardente ou à un creuset destiné à épurer l’Église, y mit enfin un terme. Décius périt dans un combat contre les Goths.
Le Seigneur qui « châtie celui qu’il aime », avait donné à l’Église un solennel avertissement, afin de lui faire comprendre qu’elle n’était pas du monde et qu’il voulait qu’elle fût toute à Lui. Il eût été heureux qu’elle écoutât la répréhension. Nous verrons plus tard si ce fut le cas. Mais auparavant, nous aurons à parler de la dernière persécution, et aussi de quelques-uns des hommes éminents dans l’Église à l’époque de ces épreuves.
Après la mort de Décius, il y eut pour l’Église quelques courtes années de relâche ; mais à la fin du règne de Valérien, en l’an 257, la persécution recommença avec violence. Par un premier édit, l’empereur défendit aux chrétiens de se réunir ; un second édit condamna au travail des mines ceux qui n’obéissaient pas ; et un troisième ordonna que tous les évêques, les prêtres (ou anciens) et les diacres fussent mis à mort.
C’est dans cette persécution que l’évêque de Rome Étienne et son successeur Sixte souffrirent le martyre. Comme on conduisait ce dernier au supplice, son fidèle disciple, le diacre Laurent, le suivait en disant : « Où vas-tu, mon père, sans ton fils ? » — « Tu me suivras dans peu de jours », répondit l’évêque. Peu après sa mort, le préfet de Rome fit arrêter et amener devant lui Laurent, auquel il ordonna de lui livrer les richesses immenses que possédaient, disait-on, les chrétiens de Rome. Laurent lui demanda un peu de temps pour mettre tout en ordre. Le magistrat lui accorda trois jours, au bout desquels Laurent l’invita à venir voir les richesses de l’Église, une grande cour, disait-il, pleine de vases d’or. Le préfet accourut, et Laurent l’introduisit dans la cour remplie de pauvres et d’estropiés : « Voilà les trésors que je t’ai promis », dit-il, « et voici les pierres précieuses que j’y ajoute, nos vierges et nos veuves, la couronne de l’Église ». Le préfet irrité ordonna que Laurent fût dépouillé de ses vêtements, puis attaché sur un gril de fer et brûlé à petit feu. Le martyr, près d’expirer, leva les yeux au ciel, pria pour la conversion des habitants de Rome, puis remit son esprit au Seigneur.
C’est aussi dans cette persécution qu’à Césarée, en Cappadoce, un enfant chrétien, nommé Cyrille, soutenu par le Seigneur, montra un courage extraordinaire. Persécuté par ses camarades, chassé par ses parents, conduit devant le tribunal, il demeura ferme, malgré toutes les sollicitations et les promesses du juge. « Je suis chassé de la maison de mes parents », répondit l’enfant, « mais j’ai une plus belle demeure, et je ne crains pas la mort qui m’introduira dans une meilleure vie ». Le juge le fit conduire au bûcher, espérant que la vue du feu triompherait de sa résolution. Mais ce fut en vain, et le jeune martyr subit le supplice.
Ainsi la puissante grâce du Seigneur, dans ces temps de souffrances, soutenait ses fidèles témoins et leur donnait de mépriser les cruelles tribulations du temps présent par amour pour Jésus, et en vue de la gloire éternelle à venir qui les attendait (Romains 8:18 ; 2 Corinthiens 4:16-17).
Mais ce n’est que la force du Seigneur qui pouvait les rendre capables de demeurer fermes, et cette force, il la donnait seulement à ceux qui marchaient dans l’humilité. L’exemple suivant est, à cet égard, bien frappant. On raconte qu’à cette même époque de persécution vivaient deux amis, Nicéphore et Saprice. Ce dernier était un pasteur de l’église. Un différend étant survenu entre eux, ils se brouillèrent complètement. Après un certain temps, Nicéphore chercha à se réconcilier avec son ancien ami, mais tous ses efforts furent vains : Saprice persista dans son ressentiment. La persécution de Valérien survint et Saprice fut conduit devant le gouverneur, qui lui ordonna de sacrifier aux dieux. Sur son refus, le magistrat le fit conduire au supplice. Nicéphore l’apprenant, accourt et accompagne son ancien ami vers le lieu de l’exécution, en le suppliant de lui pardonner ses torts. Tout est inutile, Saprice refuse obstinément le pardon demandé. Mais alors on put voir que Dieu ne saurait être avec un cœur dur et qui désobéit à l’injonction : « Vous pardonnant les uns les autres, si l’un a un sujet de plainte contre un autre ; comme aussi le Christ vous a pardonné, vous aussi faites de même » (Colossiens 3:13). Saprice, tout d’un coup, comme abandonné de Dieu, perd courage et demande à sacrifier. Nicéphore, étonné, l’exhorte à demeurer ferme, mais c’est en vain. Alors il déclare à ceux qui conduisaient Saprice que lui, Nicéphore, croit à ce Jésus que son ami vient de renier. Conduit au gouverneur, celui-ci ordonna que le fidèle témoin de Christ fût exécuté.
Mais le plus célèbre des martyrs qui perdirent la vie durant la persécution de Valérien, fut Cyprien, évêque de Carthage. Né dans cette ville l’an 200, d’une famille distinguée, il était riche et se faisait remarquer par ses talents. Comme professeur d’éloquence, sa renommée s’était répandue au loin. En même temps, il aimait les plaisirs, les spectacles, les jeux et les festins, et s’étonnait de la vie austère que menaient les vrais chrétiens. Ce ne fut qu’à l’âge de 46 ans, qu’il fut converti au Seigneur par le moyen d’un fidèle ministre de Jésus Christ nommé Cécilius. Dès ce moment, il ne voulut plus vivre que pour Celui qui l’avait aimé. Il vendit tous ses biens pour les distribuer aux pauvres, et, plein du feu de la jeunesse quoique déjà d’âge mûr, il se dévoua entièrement au service de son divin Maître, et fut bientôt connu par son zèle et le sérieux de sa vie comme chrétien. L’étude des saints livres devint sa constante et plus chère occupation, et il la continua jusqu’à la fin de sa vie.
Déjà deux ans après sa conversion, le vœu général des chrétiens de Carthage l’appela à occuper la charge d’évêque ou surveillant. Dans le sentiment, de la grandeur de la tâche à remplir, il aurait voulu refuser, mais les instances pressantes de tout le peuple le décidèrent à céder, et durant les dix années qui s’écoulèrent jusqu’à sa mort, il se montra entièrement dévoué à son œuvre. Animé d’un ardent amour pour le Seigneur et pour les âmes, il remplit les devoirs de sa charge avec la plus grande fidélité. C’était un temps de grandes difficultés provenant soit de l’état de relâchement où étaient tombés les chrétiens, soit des persécutions qu’ils avaient à subir, soit enfin des prétentions que commençait à élever l’évêque de Rome. Cyprien fit preuve à la fois de fermeté et de douceur. Il savait encourager et soutenir les faibles, mais résistait fortement au mal qui tendait toujours plus à s’introduire dans l’Église. Il s’opposait en particulier à la légèreté avec laquelle on recevait les nouveaux convertis à la Cène, et à la facilité avec laquelle on admettait de nouveau dans la communion de l’Église ceux qui avaient cédé dans la persécution, soit en sacrifiant aux dieux, soit en achetant des certificats portant qu’ils avaient sacrifié, soit en livrant les livres saints. Il résista aussi énergiquement à l’évêque de Rome qui réclamait la primauté sur les autres évêques, et s’intitulait parfois évêque des évêques. Malgré l’opposition que rencontrèrent ces prétentions, elles s’affirmèrent toujours plus, et c’est ainsi que la papauté prit naissance.
Cyprien se montra aussi ferme dans la persécution. Quand celle de Décius éclata, il fut un des premiers désigné par la haine des païens de Carthage, qui n’avaient pas oublié son changement de religion et que son zèle irritait. « Cyprien aux lions », était le cri qui retentissait au théâtre où le peuple païen de Carthage s’assemblait. Cédant aux instances des fidèles, Cyprien se retira à l’écart durant les deux années que dura la persécution, mais sans cesser de donner à son troupeau, du lieu de sa retraite, tous les soins qu’il pouvait.
Après la mort de Décius, il revint à Carthage, et reprit son ministère actif. Il eut l’occasion de l’exercer d’une manière particulière durant une peste terrible qui éclata dans cette ville. Tous, saisis de frayeur, s’enfuyaient, abandonnant même leurs proches. Cyprien assembla les membres de son troupeau, et leur rappela le devoir de tout disciple de Christ de s’adonner aux œuvres de miséricorde, non seulement envers leurs frères en la foi, mais même envers leurs ennemis. Si pressantes furent ses exhortations que les fidèles, animés du même esprit que lui, se partagèrent les soins à donner aux pestiférés, ne faisant aucune distinction entre les chrétiens et les païens, et montrant ainsi à ces derniers la réalisation de la parole du Seigneur : « Aimez vos ennemis ».
Lorsque éclata de nouveau, l’an 257, la persécution sous l’empereur Valérien, Cyprien fut amené devant le proconsul d’Afrique, Paternus. Sur son refus de sacrifier aux dieux, il fut exilé à Curubes, ville située à une journée de marche de Carthage. Il y resta onze mois. Au bout de ce temps, Paternus fut remplacé par Galère-Maxime. Celui-ci fit arrêter Cyprien dans sa demeure et ordonna de le ramener à Carthage. Le pieux évêque ne se dissimula point que sa fin était arrivée. Avec un cœur paisible et un visage serein, il se mit en route sous la conduite des officiers et des soldats envoyés pour le prendre. Une indisposition du proconsul empêcha qu’il ne comparût le jour même où il avait été cité. Le bruit de l’arrestation de l’évêque bien-aimé s’était répandu partout avec la rapidité de l’éclair. Presque tous les fidèles passèrent la nuit autour de la maison où Cyprien avait été renfermé. Le lendemain, sous une forte escorte et entouré d’une foule considérable, il fut conduit devant le proconsul. « Es-tu Thascius Cyprien, évêque de tant d’hommes impies ? » lui demanda le magistrat. — « Je le suis », répondit Cyprien. — « L’empereur ordonne que tu sacrifies à nos dieux ». — « Je ne le puis, je suis chrétien ». — « Réfléchis sérieusement à ce que tu fais ; il y va de ta vie », dit encore le proconsul. — « Exécute les ordres que tu as reçus », répondit tranquillement Cyprien. « La chose ne demande pas d’autres réflexions. C’est à mon Dieu que je dois obéir ».
Le proconsul se consulta un moment avec ceux qui l’entouraient, puis rendit cette sentence : « Nous ordonnons que Thascius Cyprien, qui a méprisé les dieux et les ordres du pieux empereur, ait la tête tranchée ». — « Dieu soit loué, qui va me délivrer de ce corps de mort », s’écria Cyprien à haute voix. — « Mourons avec lui », dirent les frères qui étaient présents. Cyprien fut aussitôt livré à ses bourreaux, conduit dans un champ voisin et là décapité.
Chose remarquable, Galère-Maxime mourut quelques jours après celui qu’il avait condamné à mort. Et deux ans plus tard, la persécution ayant duré pendant trois ans avec la plus extrême violence, l’armée romaine fut presque entièrement anéantie par les Perses. Valérien, fait prisonnier par Sapor, le roi de Perse, fut traité de la manière la plus ignominieuse par ce dernier qui se servait de lui comme d’un marchepied pour monter à cheval. Après plusieurs années de souffrances, il mourut sous le poids des douleurs et des mauvais traitements qu’il endura. Sapor fit écorcher et saler son corps, et le suspendit à la voûte d’un temple.
Cette triste fin de plusieurs des persécuteurs des chrétiens frappa beaucoup les esprits. On commença à penser que les ennemis du christianisme étaient aussi ceux du ciel. Durant les quarante années qui suivirent, l’Église jouit de la tranquillité extérieure, mais ce fut un temps de grand déclin dans la vie et dans la piété. Alors le Seigneur lui donna encore un dernier grand et solennel avertissement par la persécution qui eut lieu sous l’empereur Dioclétien.
Après la sanglante persécution qui eut lieu sous Valérien, l’Église, comme nous l’avons dit, avait joui d’un long repos. Vers la fin de cette période, de grands changements avaient eu lieu dans le gouvernement du vaste empire romain. Dioclétien, l’empereur d’alors, qui avait commencé à régner en l’an 284, s’était associé son ami Maximin pour gouverner l’empire. Celui-ci avait à régir l’Occident et Dioclétien l’Orient. De plus, chaque empereur s’était adjoint, sous le nom de « césar », un lieutenant qui devait lui succéder. Le césar d’Occident se nommait Constance, celui d’Orient était Galère, gendre de Dioclétien.
Durant la longue période de paix qu’avait traversée l’Église, elle avait atteint un degré de prospérité extérieure que rien n’aurait pu faire présager. Dans toutes les classes de la société, les chrétiens étaient nombreux. Ils occupaient de hautes charges dans l’État, dans l’armée, et même à la cour de Dioclétien. Jusqu’à l’impératrice et sa fille Valéria s’étaient, dit-on, jointes aux chrétiens. Dans la plupart des villes, ils avaient construit des édifices où ils se rassemblaient pour leur culte. À Nicomédie où résidait l’empereur, en face même de son palais, s’élevait un temple chrétien.
Mais si l’Église avait prospéré extérieurement, intérieurement elle s’était bien détournée de la pureté et de la simplicité de l’Évangile. Les persécutions qu’elle avait souffertes, ne l’avaient pas arrêtée dans la voie du déclin, elle n’avait pas prêté l’oreille aux avertissements du Seigneur qui lui avait dit : « Souviens-toi donc d’où tu es déchu, et repens-toi, et fais les premières œuvres » (Apocalypse 2:5). Dans les églises, on commençait à voir de riches tentures, des vases d’or et d’argent, et des cérémonies empruntées au culte judaïque tendaient à s’introduire et à remplacer l’adoration en esprit et en vérité (Jean 4:23-24). Les grandes vérités enseignées par les apôtres touchant la nouvelle naissance et la justification du pécheur par la foi, étaient oubliées ou n’étaient plus comprises. La régénération par l’eau du baptême (1 Pierre 3:21) (*) et la justification par les œuvres étaient mises à la place de ces vérités fondamentales, et l’Évangile était perverti (Galates 1:7 ; 2:16). La philosophie, c’est-à-dire les raisonnements de la sagesse humaine, s’était introduite chez les docteurs de l’Église, et les Écritures n’étaient plus reçues dans leur simplicité (Colossiens 2:8). Aussi toutes sortes d’erreurs étaient enseignées, même par les plus distingués de ces docteurs, par exemple, par le célèbre Origène. Les exhortations des pasteurs des troupeaux, au lieu de présenter Christ et sa grâce, n’étaient plus guère que des discours de morale et de philosophie, et la masse des chrétiens était toujours plus attirée vers le monde. Le clergé s’était constitué comme une classe à part, de sorte que la présence et l’action du Saint Esprit dans l’Église étaient méconnues ou oubliées. Les évêques s’étaient arrogé une autorité toujours plus grande (voyez 1 Pierre 5:1-4) (**) ; leur ambition et leurs luttes causaient, au sein des communautés, des querelles et des dissensions qui souvent amenaient des scènes de violence (Galates 5:15). La foi et l’amour allaient s’affaiblissant ; l’orgueil et l’avarice grandissaient. Tel était le triste état intérieur de l’Église. Alors le Seigneur prit encore une fois la verge pour donner un dernier avertissement (Apocalypse 3:19), en permettant à Satan de livrer un suprême assaut à l’Église. Aussi aucune persécution ne fut plus violente.
(*) Ce passage montre que ce n’est pas l’eau du baptême qui régénère.
(**) Nous citons les passages qui montrent combien les chrétiens s’étaient écartés du sain enseignement.
L’empereur Dioclétien, bien que superstitieux, n’avait au commencement aucune haine contre le christianisme. Constance, en Occident, favorisait les chrétiens, mais Galère, d’un caractère grossier et cruel, les haïssait, et cette haine était entretenue et excitée par sa mère, femme superstitieuse, adonnée à toutes les pratiques du paganisme et tout entière sous le pouvoir des prêtres et des idoles.
Ceux-ci voyaient dans la prospérité croissante des chrétiens le présage de leur propre ruine ; aussi leur inimitié contre le christianisme et ceux qui le professaient devenait-elle toujours plus grande, et cherchaient-ils le moyen de se défaire de cette race odieuse. D’un autre côté, les philosophes et les savants dont Dioclétien s’était entouré, ne haïssaient pas moins une religion dont la pureté les condamnait et dont les doctrines répugnaient à leur raison. Ils auraient aussi voulu l’extirper. Malgré leurs efforts, réunis à ceux des prêtres, pour engager Dioclétien à sévir contre les chrétiens, ceux-ci n’eurent rien à souffrir durant les 14 premières années du règne de l’empereur. Alors les adversaires du christianisme se tournèrent vers Galère, qui avait déjà fait éloigner de l’armée tous ceux qui refusaient de sacrifier aux idoles, et qui en avait même fait mourir plusieurs.
Dans l’hiver de l’année 302 à 303, Galère vint à Nicomédie, dans le but de presser Dioclétien de sévir contre les chrétiens. Le vieil empereur ne céda pas immédiatement. Les prêtres, connaissant son esprit superstitieux, mirent alors en œuvre, pour le décider, les artifices que leur suggéra leur esprit de mensonge. Comme un jour Dioclétien offrait un sacrifice, les prêtres, selon leur coutume, cherchaient, dans les entrailles des victimes, des présages bons ou mauvais. Mais ils déclarèrent qu’il ne s’y trouvait point de présages. De nouvelles victimes furent immolées ; le résultat fut le même, et les prêtres dirent à l’empereur effrayé que c’était à cause des profanes qui étaient présents. Ils désignaient ainsi les officiers chrétiens qui accompagnaient l’empereur, et qui, durant les sacrifices, faisaient le signe de la croix pour dégager leur conscience (*). Dioclétien irrité ordonna à tous ses officiers de sacrifier, sous peine d’être battus de verges et renvoyés de son service. Il commanda aux chefs de l’armée d’agir de même envers les chrétiens de leurs légions.
(*) Nos lecteurs remarqueront que cette coutume, que l’on peut qualifier de superstitieuse, était une de celles déjà introduites dans l’Église.
Mais cela ne satisfit point Galère et sa mère. Ils pressèrent l’empereur de faire étendre la persécution à tous les chrétiens. Avant de se rendre à leur désir, Dioclétien voulut consulter les dieux. Un messager fut donc envoyé dans ce but à l’oracle d’Apollon, à Milet. L’oracle répondit — et l’on prétendit que ce fut le dieu lui-même qui parla — que les justes qui étaient sur la terre, empêchaient les oracles d’être rendus. Qui étaient ces justes ? Les prêtres expliquèrent que c’étaient les chrétiens, et cela décida Dioclétien. Comme nous pouvons voir là la puissance de mensonge de Satan ! Ainsi commença la dixième et dernière persécution qui sévit durant dix années.
Le 24 février de l’année 303, fut rendu le premier édit contre les chrétiens. Il portait que tous ceux qui refusaient de sacrifier seraient privés de leurs charges, de leurs biens, de leur rang et de leurs droits de citoyens ; que tous les esclaves qui persisteraient dans leur foi, perdraient tout espoir de recouvrer leur liberté, et que les chrétiens de toute condition pourraient être soumis à la torture. Toutes les églises devaient être détruites, les réunions religieuses étaient interdites, et les livres saints devaient être livrés aux officiers de l’empereur et brûlés.
Cette tentative de détruire les Écritures où les chrétiens puisaient leur foi, était de la part de Satan un effort tout nouveau. Mais la parole de Dieu, béni soit-Il, ne peut être anéantie (Jean 10:35 ; 1 Pierre 1:25). Satan savait bien, pour l’avoir éprouvé, qu’elle est l’épée de l’Esprit (Matthieu 4:1-10 ; Éphésiens 6:17). La faire disparaître était ruiner le christianisme. Les philosophes de la cour de l’empereur furent sans doute en cela les instruments de l’ennemi. Les Écritures étaient l’arsenal où les chrétiens puisaient leurs armes contre eux. La puissance romaine, représentée par la quatrième bête, et qui reparaîtra plus terrible dans l’avenir, faisait ainsi de toutes manières la guerre aux saints (*) (Daniel 7 ; Apocalypse 13:7 ; 17:8). L’église de Nicomédie fut détruite sous les yeux de l’empereur, et les saints livres qu’on y trouva furent brûlés. En beaucoup d’autres endroits, les églises furent aussi renversées, et les chrétiens qui refusèrent de livrer les Écritures furent mis à mort.
(*) On a vu, dans un temps plus rapproché de nous, les mêmes moyens employés contre ceux qui ne voulaient suivre que la parole de Dieu, et ces persécutions partaient d’un corps religieux qui se dit la véritable Église !
À peine l’édit eut-il été affiché à Nicomédie, qu’un chrétien de noble condition le déchira. On peut comprendre son indignation, mais nous ne pouvons approuver son action, car il faut être soumis aux autorités. Malgré sa haute position, il fut condamné à mort et brûlé à petit feu. Dieu le soutint dans ses terribles souffrances, de sorte que sa fermeté à les supporter frappa d’étonnement ses bourreaux.
Peu de temps après, à deux reprises différentes, le feu prit au palais impérial. Sans qu’il y eût de preuve, on accusa les chrétiens d’être les auteurs de ces tentatives d’incendie. On soupçonna Galère de n’y avoir pas été étranger ; il voulait pousser l’empereur à des mesures plus rigoureuses, et déclara qu’il quittait Nicomédie où, disait-il, sa vie était en danger. Dioclétien crut qu’en effet les chrétiens étaient coupables. Effrayé et irrité au plus haut point, il donna les ordres les plus sévères. Nombre de personnes furent jetées en prison et soumises aux plus cruelles tortures pour leur faire avouer leur crime. Plusieurs furent brûlés, décapités ou noyés. Galère et sa mère avaient ainsi atteint leur but.
La persécution sévit contre tous les chrétiens de quelque condition qu’ils fussent. Dioclétien contraignit même l’impératrice Prisca et sa fille Valéria à sacrifier aux dieux. Il fit de même à l’égard des officiers de sa cour. Plusieurs préférèrent l’opprobre de Christ à la gloire de ce monde. Ils refusèrent d’obéir et subirent en présence même de l’empereur les tortures les plus cruelles. Ainsi l’un d’eux avait eu le corps déchiré. Dans ses plaies vives on versa, pour aviver ses souffrances, un mélange de sel et de vinaigre, mais rien n’ébranla la constance du martyr. Il tint ferme la confession du nom de Christ et refusa de reconnaître d’autres dieux. Alors l’empereur furieux ordonna qu’il fût brûlé à petit feu.
La rage des persécuteurs ne fut pas satisfaite par des supplices isolés. On fit périr en masse les confesseurs de Christ. D’immenses bûchers furent élevés où on les brûlait ensemble. On les jetait dans la mer attachés à de grosses pierres. La persécution s’étendit dans tout l’empire, sauf dans les provinces d’occident où gouvernait Constance. Il se contenta de faire démolir les églises.
Peu après la promulgation du premier édit, un second fut rendu dirigé contre les conducteurs du troupeau. Les prisons se remplirent d’évêques, de presbytres (ou anciens) et de diacres. Bientôt après parut un troisième édit, qui défendait de les relâcher à moins qu’ils ne fussent prêts à sacrifier aux dieux. Ceux qui refusaient étaient déclarés ennemis de l’État, et devaient être soumis à la torture et à d’autres peines pour les contraindre à abjurer le christianisme. Un grand nombre des hommes les plus éminents, les plus pieux et les plus respectables de l’Église furent ainsi torturés, mis à mort, ou condamnés aux durs travaux des mines. L’empereur se flattait que, privés de leurs conducteurs, les chrétiens céderaient plus facilement ; mais il fut obligé de reconnaître qu’il n’avait pas atteint son but.
Poussé par les prêtres païens et par Galère, il rendit alors un quatrième édit qui surpassait les autres en rigueur. Les magistrats reçurent l’ordre d’employer sans restriction et sans réserve, la torture et les supplices pour forcer tous les chrétiens, hommes, femmes et enfants, à adorer les dieux. Ah ! comme du fond des cœurs devait monter le cri : « Jusques à quand, ô Souverain ! » (Apocalypse 6:10). On a peine à croire à une telle cruauté de la part des hommes. Mais à quoi ne peut se livrer le cœur naturel conduit par Satan, qui est meurtrier dès le commencement ? C’était la lutte suprême que l’ennemi soutenait pour maintenir l’idolâtrie contre Christ. L’édit ayant été rendu, on proclama dans les rues des villes que tous, hommes, femmes et enfants, eussent à se rendre aux temples des dieux pour sacrifier ou recevoir la sentence de mort. Aux portes, on arrêtait ceux qui entraient ou sortaient, et on les soumettait à un strict examen pour savoir s’ils étaient chrétiens. Sur le moindre soupçon, on était saisi et emprisonné. Des familles entières furent égorgées après avoir subi toutes sortes de souffrances. On laissait les prisonniers mourir de faim, ils étaient brûlés, noyés, crucifiés, pendus par les pieds, et mouraient ainsi d’une mort lente. Parfois dix, vingt, soixante et même cent personnes, étaient mises à mort ensemble dans un même endroit et toujours de la manière la plus cruelle. Partout les chrétiens étaient abandonnés sans défense à toute la haine du peuple. Ils n’avaient nul recours auprès des autorités, et on peut aisément penser à quels excès ils furent exposés. Sacrifier aux dieux était le seul moyen d’échapper aux injustices, aux souffrances et à la mort.
Pendant quelque temps les persécuteurs crurent qu’ils avaient triomphé. On érigea des colonnes et on frappa des médailles en l’honneur de Dioclétien et de Galère, comme ayant extirpé le christianisme et restauré le culte des dieux. Mais celui qui règne dans les cieux allait étendre sa main et terrasser les ennemis de son nom. Ceux-ci pouvaient tuer les chrétiens, renverser leurs églises et brûler leurs livres saints, mais ils ne pouvaient pas atteindre la source vivante du christianisme. La période des souffrances des chrétiens avait été exactement mesurée, et toute la puissance des empereurs ne pouvait la prolonger d’une heure.
La main de Dieu s’appesantit d’une manière terrible sur les ennemis de l’Église. Dans la huitième année de la persécution, Galère, qui en avait été l’instigateur, fut frappé d’une maladie affreuse. Comme Hérode autrefois (Actes 12:23), vivant il fut rongé des vers. On appela les médecins les plus habiles, on consulta les oracles ; tout fut vain. Les remèdes ne faisaient qu’accroître l’intensité du mal ; le palais était rempli d’une odeur pestilentielle exhalée par ce corps en putréfaction, et les amis même de l’empereur ne pouvant la supporter, l’abandonnèrent. Frappé dans son corps, livré aux plus affreuses souffrances, il cria grâce. Il fit supplier les chrétiens de prier pour lui, et rendit un édit où il leur accordait l’exercice libre et public de leur religion. Quelques jours après, il expira. Durant six mois l’édit fut exécuté. Quantité de chrétiens sortirent des prisons et des mines, mais la plupart pour porter pendant le reste de leur vie les traces des souffrances qu’ils avaient endurées.
Maximin qui succéda à Galère continua à persécuter les chrétiens avec une cruauté encore plus grande. Il ordonna que tous les officiers civils et militaires, tous les hommes libres ou esclaves, et même les petits enfants, sacrifiassent et mangeassent des choses sacrifiées aux idoles. Tous les aliments qui se vendaient au marché étaient aspergés du vin ou de l’eau consacrés pour le service des dieux, afin que bon gré, mal gré, les chrétiens participassent en quelque manière au culte idolâtre. Le sang des martyrs recommença à couler dans tout l’empire, sauf dans les Gaules où était Constance. Mais la main de Dieu se fit de nouveau sentir. La guerre, la peste et la famine sévirent dans toutes les provinces d’Asie. Dans toute la partie de l’empire que régissait Maximin, une sécheresse qui dura toute une année, amena une famine terrible. La peste suivit ; les chrétiens seuls, animés de charité, bravèrent la maladie, et se mirent à soigner les malades que l’on abandonnait, et à ensevelir les morts que l’on laissait sans sépulture. Les païens saisis de crainte, attribuaient leurs maux à la colère du ciel, irrité à cause des persécutions exercées contre les chrétiens. Maximin, effrayé lui-même, arrêta la persécution.
Ainsi se termina la période représentée par l’église de Smyrne, l’ère sanglante où nombre de fidèles furent « égorgés pour la parole de Dieu et pour le témoignage qu’ils avaient rendu » (Apocalypse 2:8 11 ; 6:9). En même temps que le Seigneur montrait en eux sa puissance en les fortifiant dans tant de souffrances, les persécutions étaient des avertissements donnés à l’Église pour ranimer son premier amour et la faire sortir du piège du monde. Écouta-t-elle cette voix de son Chef ? Son histoire, hélas ! nous apprend que non. Mais en dépit de tous les efforts de l’ennemi, ce que Christ a fondé ne peut périr (Matthieu 16:18).
Nous avons parlé de la dernière grande bataille que Satan et le paganisme livrèrent au christianisme. Ce dernier avait vaincu par la constance et la fermeté des martyrs dans les souffrances et la mort. Le nouvel empereur d’Occident, Constantin, le fils de Constance, se déclara ouvertement pour les chrétiens. Ce fut pour l’Église le commencement d’une nouvelle ère. Avant de nous en entretenir, nous donnerons encore quelques détails sur l’époque des persécutions.
Comme nous l’avons vu, dès le commencement on porta contre les chrétiens toutes sortes d’accusations. On les représentait comme étant les ennemis de l’État, comme des athées sans religion et sans culte, comme se livrant en secret aux pratiques les plus coupables. C’étaient les prétextes allégués pour justifier les persécutions. Les Juifs et les païens à l’envi attaquaient les chrétiens et la vérité de l’Évangile. Or si le chrétien ne peut et ne doit jamais user de violence pour repousser les attaques dont il est l’objet, il doit toujours être prêt « à répondre, mais avec douceur et crainte », à quiconque lui « demande raison de l’espérance » qui est en lui (1 Pierre 3:15).
Le Seigneur donna à des chrétiens courageux d’élever leur voix pour montrer la fausseté des accusations par lesquelles on flétrissait les disciples de Christ et pour établir la vérité du christianisme. Ils le firent dans des écrits nommés « apologies », ce qui veut dire « défense ». C’est le mot dont se sert l’apôtre Paul, lorsqu’il se défend devant les Juifs et devant le roi Agrippa et qu’il expose la vérité (Actes 22:1 ; 26:1-2). Ces apologies étaient souvent adressées aux empereurs qui ordonnaient les persécutions, afin de les éclairer sur la vraie nature de la religion chrétienne. Les premières furent présentées, vers l’an 125, à l’empereur Adrien qui se trouvait à Athènes par Aristide, chrétien de cette ville, et par Quadratus, évêque. Ce dernier défend l’Évangile contre les calomnies de ses adversaires, et rappelle les miracles du Seigneur. L’empereur semble avoir tenu compte en quelque mesure des écrits de ces deux serviteurs de Christ, car il écrivit au proconsul d’Asie pour défendre qu’on maltraitât les chrétiens, à moins qu’ils n’eussent violé les lois.
Quelques années plus tard, vers l’an 140, Justin présenta une longue apologie à l’empereur Antonin le Pieux, à son fils et au sénat romain. Il commence par en appeler à l’équité de l’empereur. « Notre devoir à nous », dit-il, « est de bien faire connaître nos actes et nos pensées,… votre devoir à vous, dicté par la raison, est d’instruire la cause et d’agir en bon juge ; sans cela, quelle excuse auriez-vous devant le tribunal de Dieu ? ». Ensuite Justin justifie les chrétiens du reproche d’athéisme, en exposant les doctrines chrétiennes ; et pour en montrer la pureté, il cite plusieurs passages des Écritures, entre autres une grande partie des discours du Seigneur sur la montagne. En plusieurs passages, il parle aussi de Jésus comme du Fils de Dieu qui s’est incarné et est devenu notre Maître, et il fait ressortir l’accomplissement en Christ de plusieurs prophéties. Enfin il termine son apologie en exposant ce qu’était le culte des chrétiens.
Athénagoras, né à Athènes, était un philosophe qui vivait dans la dernière moitié du second siècle. Il se proposait d’écrire contre les chrétiens, et en vue de cela, il se mit à lire leurs livres. Dieu, par cette lecture, lui ouvrit les yeux, et il devint chrétien. Au lieu d’attaquer les disciples du Seigneur, il les défendit et présenta, en l’an 177, à Marc Aurèle et à son fils Commode, une apologie de la religion chrétienne. Dans cet écrit, il dit entre autres choses : « Pourquoi seriez-vous offensés simplement par le nom que nous portons ? Le nom seul ne mérite pas votre haine ; c’est le crime qui est digne de châtiment. Si nous sommes convaincus d’un forfait, grand ou petit, punissez-nous, mais non pas uniquement à cause du nom de chrétien. Nul chrétien n’est criminel, à moins qu’il n’agisse d’une manière contraire à sa profession ». Plus loin, mettant en contraste la conduite des chrétiens et celle des païens, il dit : « Chez nous, vous trouverez des ignorants, des ouvriers, de vieilles femmes qui ne pourraient peut-être pas prouver par des raisonnements la vérité de notre doctrine ; mais par leurs œuvres ils montrent l’effet bienfaisant qu’elle produit quand on est persuadé qu’elle est vraie. Ils ne font pas des discours, mais de bonnes œuvres. Sont-ils frappés, ils ne rendent pas les coups, ils n’intentent pas de procès à ceux qui les dépouillent ; ils donnent à ceux qui leur demandent, et aiment leur prochain comme eux-mêmes ».
C’était un beau témoignage, n’est-ce pas ? Cette conduite pure et cette charité recommandées par la parole de Dieu, au milieu de l’égoïsme, de la sensualité et de la cruauté des mœurs des païens, étaient bien propres à les frapper d’étonnement. Elles auraient dû les gagner à une religion qui produisait de tels fruits, et quelques-uns en effet furent ainsi amenés au christianisme. Mais le plus grand nombre restait hostile, parce que le cœur mauvais de l’homme préfère les mauvaises œuvres. Et quant à l’empereur, son orgueil de philosophe ne pouvait se résoudre à accepter la croix de Christ qui met à néant la sagesse humaine (1 Corinthiens 1:18-24).
Un autre apologiste fut Minutius Félix, né en Afrique au commencement du troisième siècle. Il avait été un avocat et un orateur distingué à Rome. Il écrivit une apologie du christianisme sous forme de dialogue entre deux amis, l’un chrétien et l’autre païen. Ce dernier présente ses raisons en faveur du paganisme, et ses arguments contre le christianisme. Le chrétien répond. Il admet d’abord le fait que les chrétiens n’avaient que du mépris pour les dieux des païens, et il le justifie. « Les souris », dit il, « les hirondelles et les chauves-souris rongent, insultent et déshonorent vos dieux. Si vous ne les chassez pas, ces animaux font leurs nids dans la bouche de vos idoles, et les araignées tissent leur toile sur leurs faces. Premièrement, vous les fabriquez, puis vous les nettoyez, vous les frottez et les défendez vous-mêmes, pour ensuite les craindre et les adorer. Si nous passons en revue tous vos rites, les uns ne peuvent qu’à bon droit exciter le rire, et les autres inspirer la pitié ».
D’un autre côté, voici comment il parle du Dieu des chrétiens : « Lorsque vous élevez les yeux vers les cieux, et que vous contemplez les œuvres de la création qui vous entourent, comment n’y pas voir clairement et avec évidence l’existence d’un Dieu infiniment excellent en intelligence, qui anime, fait mouvoir, soutient et gouverne toute la nature ? Considérez la vaste étendue des cieux et la rapidité de leurs mouvements, soit quand la nuit vous les montre parsemés d’étoiles, ou quand le jour ils sont éclairés par le soleil. Voyez la main toute puissante qui les maintient dans leurs orbes et qui dirige leurs mouvements ». Puis il parle du soleil et de la lune, de la lumière et des ténèbres, et de l’ordre admirable des saisons ; de la mer avec son flux et son reflux, des fontaines et des fleuves qui se rendent à l’océan. Il passe ensuite en revue le monde des animaux où chaque créature a sa sphère propre, et enfin il arrive à l’homme et à sa merveilleuse structure. « Tout », dit-il, « proclame un divin Auteur, et cet Auteur de toutes choses est le Dieu des chrétiens ».
Minutius parle bien aux païens le langage qui leur convient. À des Juifs, il eût fallu raisonner d’après les Écritures. À des païens, il fallait montrer la folie de leur idolâtrie et l’existence du vrai Dieu qui a créé toutes choses. N’est-ce pas ainsi que fait Paul, soit quand il prêche aux habitants de Lystre, ou surtout quand il parle devant l’Aréopage à Athènes ? (Actes 14:15-17 ; 17:22-31).
Je citerai en dernier lieu l’apologie de Tertullien, un des hommes les plus remarquables et les plus célèbres de l’Église, à la fin du second siècle et au commencement du troisième. Il était né à Carthage, en l’an 160. Doué de grands talents naturels, il fit de solides études et entra dans la carrière du droit où il se distingua. « J’étais alors aveugle », dit-il, « et sans la lumière du Seigneur ». Il fut frappé en voyant la constance et la fermeté des martyrs et devint chrétien, mais on ignore les détails de sa conversion. « Autrefois », écrivait-il en s’adressant aux païens, « j’insultais la religion chrétienne, comme vous le faites aujourd’hui. Nous avons tous été des vôtres, car on ne naît pas chrétien, on le devient ». Et il le fut avec le dévouement le plus entier. Dans sa célèbre apologie adressée aux gouverneurs des provinces, il dit des paroles qui montrent combien les chrétiens s’étaient multipliés dans l’empire. « Nous ne sommes que d’hier et nous remplissons tout, vos villes, vos îles, vos châteaux, vos bourgades, vos conseils, vos tribus, vos décuries, le sénat, la place publique ; nous ne vous laissons que vos temples. Si nous nous retirions en quelque autre contrée, vous seriez effrayés de votre solitude ».
À l’accusation portée contre les chrétiens d’être des factieux, il répond : « La faction des chrétiens est d’être réunis dans la même religion, la même morale, la même espérance. Nous formons une conjuration pour prier Dieu en commun et lire les divines Écritures. Si quelqu’un de nous a péché, il est privé de la communion, des prières et de nos assemblées, jusqu’à ce qu’il se soit repenti. Ces assemblées sont présidées par des anciens, dont la sagesse a mérité cet honneur. Chacun apporte quelque argent tous les mois, s’il le veut ou le peut. Ce trésor sert à nourrir et à enterrer les pauvres, à soutenir les orphelins, les naufragés, les exilés, les condamnés aux mines ou à la prison pour la cause de Dieu. Nous nous donnons le nom de frères, et nous sommes prêts à mourir les uns pour les autres ».
N’est-il pas intéressant de pénétrer ainsi quelque peu dans la vie de ces anciens chrétiens ? Quel témoignage ils rendaient ! Il y avait déjà, sans doute, bien du relâchement, mais Tertullien pouvait dire : « J’en prends à témoin vos registres ; vous qui jugez les criminels, y en a-t-il un seul qui soit chrétien ? »
Tertullien termine ainsi son apologie : « Multipliez vos instruments de torture ; vos cruautés les plus raffinées ne servent à rien. Plus vous nous moissonnez, plus nous multiplions. Le sang chrétien que vous répandez est comme une semence qui sort de terre et produit abondamment. Plusieurs de vos philosophes recommandent dans leurs écrits de souffrir avec patience les douleurs et la mort. L’exemple que donnent les disciples de Christ est plus éloquent que ces paroles. Cette invincible fermeté que vous traitez d’obstination et dont vous nous faites un crime, est une instruction puissante pour convaincre. Qui peut en être témoin sans être ébranlé et être conduit à en rechercher la cause ? Et l’ayant pénétrée, ne vient-on pas se joindre à nous ? Qui a jamais considéré avec soin notre religion et ne l’a pas embrassée ? Et qui l’ayant embrassée, n’a pas été prêt à mourir pour elle ? Aussi nous vous remercions des arrêts que vous portez contre nous. Combien les jugements de Dieu sont opposés à ceux des hommes ! Tandis que vous nous condamnez sur la terre, Dieu nous absout dans le ciel ».
Telles étaient les voix qui s’élevaient du sein de l’Église et qui portaient la vérité et la pureté du christianisme devant les empereurs, les rois et les gouverneurs, de sorte qu’en persécutant les chrétiens, ils étaient inexcusables.
Satan n’emploie pas seulement la violence pour s’efforcer de détruire l’œuvre du Seigneur en s’attaquant à la personne de ses disciples, comme il le fit par les grandes et terribles persécutions dont nous avons parlé. Il se sert aussi de la ruse et du mensonge. Il n’est pas seulement « meurtrier dès le commencement », il est aussi « menteur, et le père du mensonge ». « Il n’a pas persévéré dans la vérité » (Jean 8:44), il en est l’ennemi, et il voudrait la faire disparaître de la terre. Or la vérité, c’est Christ et sa doctrine. C’est donc la vérité qu’il attaque pour la nier, la pervertir et en détourner les âmes. Cela est beaucoup plus dangereux que la persécution. Par celle-ci le diable peut tuer le corps, mais par le mensonge et l’erreur, il nuit à l’âme. Sous ce rapport, il a aussi fait tous ses efforts dans les premiers temps de l’Église. Je dirai un mot de ces attaques contre la vérité chrétienne ; cela est d’autant plus important qu’elle se sont reproduites dans tous les temps et se reproduisent de nos jours.
Quand nous parlons de Satan comme ayant persécuté ou comme cherchant à détourner de la vérité, il est évident qu’il faut sous-entendre qu’il se sert pour cela comme instruments des hommes méchants et pervers qui obéissent à ses suggestions.
Au commencement de l’Église, comme aujourd’hui, les chrétiens eurent à maintenir la vérité contre deux sortes d’ennemis : les uns attaquaient le christianisme lui-même, les autres le corrompaient. Nous dirons un mot des uns et des autres.
Les premiers étaient ce que l’on nomme des philosophes ou amis de la sagesse ; mais hélas ! non pas amis de la sagesse selon Dieu, mais d’une sagesse fondée sur les vains raisonnements de l’esprit humain. Ils se divisaient en plusieurs écoles, selon le système mis en avant par le maître qu’ils suivaient. Mais de quelque école qu’ils fussent, ils se distinguaient en général par leur orgueil et le grand cas qu’ils faisaient de leur raison. Nous en trouvons à Athènes, de la secte des épicuriens et de celle des stoïciens, discutant contre Paul, s’étonnant de la nouvelle doctrine qu’il annonçait, et disant : « Que veut dire ce discoureur ?… Il semble annoncer des divinités étrangères ». C’était parce qu’il parlait de Jésus et de la résurrection (Actes 17:18). La doctrine de la résurrection confondait leurs idées et blessait leur raison, et ils s’en moquaient. Et quant à un Christ crucifié pour sauver les hommes perdus, c’était à leurs yeux une folie (1 Corinthiens 1:20-23). Remarquons bien ce que dit la parole de Dieu dans ce passage, à l’égard de la sagesse des savants de ce siècle. Par elle, malgré les prétentions des philosophes, on ne peut connaître Dieu. Jésus seul le fait connaître, le révèle à nos âmes, et c’est pourquoi il est appelé la sagesse de Dieu. On rencontre souvent de ces prétendus sages. Rappelons-nous que la seule vraie sagesse vient de Dieu par Christ, et que son commencement est la crainte de l’Éternel.
L’opposition des philosophes à la vérité chrétienne, commencée aux jours de Paul, continua, et comme nous l’avons dit à l’occasion des persécutions sous Dioclétien, ils se joignaient aux persécuteurs des disciples de Jésus. Les noms et quelques parties des écrits de ces adversaires de Christ nous ont été conservés.
L’un d’entre eux, et peut-être le plus fameux, se nommait Celse. On ne sait autre chose de lui sinon qu’il écrivit, vers l’an 177, un livre contre la religion chrétienne intitulé : « Discours véritable ». Le célèbre Origène le réfuta et c’est par lui que nous ont été conservés des fragments du livre de Celse. Celui-ci objectait aux chrétiens qu’ils ne fissent aucun cas de la raison humaine. « Vous répétez toujours », leur disait-il, « n’examinez pas ; croyez seulement : votre foi vous rendra bienheureux ». Cela est faux du christianisme ; il ne redoute pas l’examen. Tout en lui démontre qu’il est de Dieu. Et si Dieu a parlé, qu’avons-nous à faire ? Nous sommes tenus de recevoir sa parole et de croire, parce qu’Il a parlé, et non parce que sa parole s’accorde avec nos idées du bien et du mal, qui, nous le savons, sont souvent fautives. Et c’est, en effet, en croyant Dieu, que nous sommes rendus heureux.
Celse disait aussi que, dans toutes les autres religions, celui-là est invité à s’approcher qui « est nettoyé de toute souillure, qui n’a sur la conscience aucun mal, qui a mené une vie bonne et juste », tandis que, chez les chrétiens, l’appel s’adresse à « quiconque est un pécheur, un illettré, un insensé, en un mot un misérable, — à de tels est le royaume des cieux ». Oui, béni soit Dieu ! ce sont les pécheurs que Jésus invite à venir à Lui. Le pauvre Celse ne connaissait pas le cœur de l’homme ; il ne savait rien de son état de chute et de ruine. Il ignorait que si pour approcher Dieu, il fallait être sans péché, il n’y aurait personne qui pût y être invité.
Et cependant Celse semblait comprendre qu’un changement moral était nécessaire à l’homme, et même il avouait qu’il ne pouvait être effectué ni par bonté, ni par châtiment. Mais il ne voyait pas que le christianisme fait connaître la puissance qui opère ce changement, c’est-à-dire la nouvelle naissance et une nouvelle création par l’Esprit de Dieu.
Celse avançait encore une chose qui n’est que trop vraie, mais qui ne touche en rien à la vérité du christianisme comme venu de Dieu. C’étaient les divisions et les sectes diverses dans le christianisme. « Au commencement », dit-il, « lorsque les chrétiens étaient peu nombreux, ils s’accordaient entre eux ; mais à mesure que leur nombre a augmenté, ils se sont divisés en partis qui s’attaquent et se réfutent les uns les autres, ne retenant en commun que leur nom, si même ils le font ». Si un adversaire, au second siècle, pouvait déjà parler ainsi, que dirait-il maintenant ? Le mal s’est douloureusement aggravé, la ruine est plus profonde, mais cela vient, non pas du christianisme qui est et demeure la vérité de Dieu révélée dans sa Parole, mais du méchant cœur de l’homme qui pervertit les meilleures choses en introduisant ses propres pensées auxquelles il s’attache, tandis qu’il tord ou met de côté la parole de Dieu. Plusieurs passages du Nouveau Testament annonçaient d’avance ces divisions et ces sectes, et les partis dans l’Église commençaient même du temps des apôtres, mais c’était l’œuvre de l’ennemi (Actes 20:29-30 ; Romains 16:17 ; 1 Corinthiens 1:10-12 ; 11:18-19).
Mais comme hélas ! le font souvent les incrédules, Celse ne se bornait pas aux objections que lui fournissaient sa raison et la conduite des chrétiens ; il jetait le mépris sur Christ, sur sa Personne et son œuvre, ramassant et répétant toutes les moqueries et les blasphèmes que les Juifs et les autres ennemis de Jésus lançaient contre Lui. En cela, Celse a aussi de nos jours des imitateurs. Le croyant se détourne avec horreur des livres qui souillent le saint nom de Jésus et la vérité divine.
Porphyre fut un autre des philosophes adversaires du christianisme. Il était né vers l’an 233, et dans sa jeunesse, il était venu exprès de Rome à Alexandrie pour entendre le savant Origène. Il ne reçut pas la vérité, mais au contraire en devint l’ennemi. Il écrivit un grand ouvrage dans lequel il attaque la divinité des Écritures et s’efforce de faire ressortir les prétendues contradictions que, suivant lui, les saints écrits et surtout les évangiles renferment. C’est aussi ce que font aujourd’hui plusieurs même de ceux qui se disent chrétiens ; mais souvenons-nous que Dieu ne peut se contredire, que sa Parole est pure, et que, s’il est dans cette Parole des choses que nous ne comprenons pas, cela vient uniquement de notre ignorance.
Hiéroclès, proconsul de Bithynie au temps de Dioclétien, fut un de ces philosophes qui, haïssant les chrétiens et leur doctrine, pressèrent l’empereur de les faire mourir. Non content de cela, Hiéroclès écrivit contre ceux qu’il persécutait et tuait, un livre intitulé : « Paroles d’un ami de la vérité », où il répète un grand nombre des objections de Celse et de Porphyre. Il attaquait surtout les miracles de Christ, déclarant qu’ils ne prouvaient pas qu’il fût Dieu. Il leur opposait les prétendus prodiges d’un certain Apollonius de Tyane qui avait, dit-on, opéré des cures merveilleuses sans que, pour cela, on l’eût considéré comme un Dieu, mais seulement comme un ami des dieux. Nous savons que Satan, dont l’homme n’est que l’instrument, a pu contrefaire certains prodiges. L’histoire des magiciens d’Égypte nous le montre (Exode 7:8-25 ; 8:1-15) ; Simon, à Samarie, avait aussi la prétention de faire de grandes choses (Actes 8:9-11) ; plus tard, l’homme de péché viendra et fera des prodiges par la puissance de Satan (2 Thessaloniciens 2:9). Mais qui, par amour, a mis sa vie pour le pécheur ? Qui, après avoir été crucifié, a été ressuscité, et par cette résurrection, déclaré Fils de Dieu en puissance ? (Romains 1:4). C’est Jésus seul. Il est la vérité ; il est le Fils unique et éternel de Dieu, Dieu même et notre bien-aimé Sauveur.
Telles étaient quelques-unes des objections des orgueilleux philosophes contre le christianisme, qui humiliait leur raison, qui les abaissait au rang des pécheurs ignorants, coupables et perdus, et qui ne leur montrait de salut et de vraie sagesse que dans la foi en un homme pendu à la croix. Les mêmes objections sont avancées de nos jours, et de nos jours aussi, il n’y a de salut en aucun autre qu’en Christ crucifié, et de réelle sagesse qu’en croyant en Lui. Les hommes et leur science faussement ainsi nommée, passent avec leurs objections. Le christianisme, venu de Dieu, défie tous les efforts de l’homme. Il reste debout, établi sur le Rocher des siècles, Christ mort, ressuscité et glorifié.
D’autres ennemis que les philosophes avec leurs raisonnements, attaquaient le christianisme. Ceux-ci et les persécuteurs étaient des ennemis du dehors. Il en sortit de plus dangereux du milieu même des chrétiens. Tout en semblant accepter la doctrine chrétienne, ils la corrompaient. L’apôtre Paul mettait en garde les anciens d’Éphèse et toute l’Église contre ces deux classes d’adversaires : « Je sais », dit il, « qu’après mon départ il entrera parmi vous des loups redoutables qui n’épargneront pas le troupeau ; et il se lèvera d’entre vous-mêmes des hommes qui annonceront des doctrines perverses pour attirer les disciples après eux » (Actes 20:29-30).
Ces paroles se réalisèrent. Les apôtres, déjà de leur vivant, virent des hommes enseignant de fausses doctrines se glisser dans l’Église, et eurent à les combattre. Plusieurs passages des épîtres sont dirigés contre les faux docteurs et étaient des avertissements adressés aux fidèles pour les mettre en garde contre ces pernicieux enseignements. Nous profitons de nos jours de ces avertissements, car Satan, l’ennemi du Seigneur, a renouvelé et renouvelle de tout temps ses attaques contre la vérité qui sauve. Quelle grâce Dieu nous a faite en nous donnant sa Parole, qui est l’épée de l’Esprit, au moyen de laquelle nous pouvons repousser les assauts de l’ennemi !
L’une des premières erreurs que les apôtres eurent à combattre, fut celle qu’introduisaient les docteurs judaïsants. Ils voulaient astreindre les chrétiens à observer la loi de Moïse et allaient même jusqu’à prétendre que, sans cela, on ne pouvait être sauvé (Actes 15:1). C’était dire que l’œuvre de salut accomplie par Christ à la croix n’était pas suffisante ; c’était introduire le principe du salut par les œuvres et anéantir la grâce de Dieu. Aussi les apôtres à Jérusalem condamnèrent-ils en termes énergiques cette doctrine (Actes 15:24), et nous voyons l’apôtre Paul la combattre fortement dans plusieurs de ses épîtres, mais surtout dans celle aux Galates. De nos jours, on ne cherche pas à nous ramener à l’observation des cérémonies de la loi ; mais il ne manque pas de personnes qui pensent et disent qu’il faut faire des œuvres, de bonnes œuvres, pour obtenir le salut, tandis que les bonnes œuvres sont le fruit du salut reçu dans le cœur par la foi (Éphésiens 2:8-10).
Malgré la décision des apôtres, les docteurs judaïsants continuèrent à enseigner. D’un autre côté, des chrétiens sortis d’entre les Juifs restèrent attachés aux cérémonies judaïques en les regardant comme obligatoires, même après la destruction de Jérusalem. Ils formèrent en Judée une secte peu nombreuse, nommée les Ébionites ou pauvres. D’autres erreurs très graves s’introduisirent parmi eux. Ils regardaient Jésus comme n’étant qu’un homme, fils de Joseph et de Marie, et revêtu de l’Esprit divin à son baptême. C’était renverser le christianisme. Hélas ! on trouverait de nos jours, parmi ceux qui se disent chrétiens, des personnes qui déshonorent ainsi le Seigneur, qui est « sur toutes choses Dieu béni éternellement » (Romains 9:5), en même temps qu’homme parfait. Tenons ferme à la parole de Dieu et à ce qu’elle nous dit de la Personne adorable de Christ.
Outre les paroles prophétiques de Paul aux anciens d’Éphèse, les épîtres annoncent que, dans les derniers jours, les choses iraient de mal en pis, les imposteurs séduisant et étant séduits (2 Timothée 3:13). « L’Esprit », annonce Paul, « dit expressément qu’aux derniers temps quelques-uns apostasieront de la foi, s’attachant à des esprit séducteurs et à des enseignements de démons » (1 Timothée 4:1). Pierre dit : « Il y aura parmi vous de faux docteurs qui introduiront furtivement des sectes de perdition » (2 Pierre 2:1), et l’apôtre Jean exhorte les saints à éprouver les esprits, parce que « beaucoup de faux prophètes sont sortis dans le monde », et ailleurs il dit : « Maintenant aussi il y a plusieurs antichrists… qui sont sortis du milieu de nous » (1 Jean 4:1 ; 2:18-19). Un antichrist, nous le savons, est celui qui s’oppose à Christ.
On donnait à ces faux docteurs ou faux prophètes le nom d’hérétiques, et leurs doctrines, contraires à la vérité selon les Écritures, étaient appelées des hérésies. De très bonne heure, il surgit un grand nombre d’hérésies dans l’Église. Toutes provenaient du travail de l’esprit humain qui veut s’ingérer « dans les choses qu’il n’a pas vues » (Colossiens 2:18), qui veut par lui-même pénétrer dans les choses profondes de Dieu (1 Corinthiens 2:10-11), et expliquer ce qui lui est incompréhensible, en raisonnant et inventant, au lieu de se soumettre simplement à la parole de Dieu.
Il serait bien long et superflu de raconter toutes les hérésies qui surgirent. Nous rappellerons seulement quelques traits qui leur sont communs. En général, ces hérétiques prétendaient arriver par la philosophie, par les efforts de leur intelligence et de leur raison, à une connaissance des choses de Dieu, plus élevée, plus profonde, que celle que donne l’Écriture. C’est pourquoi ils se nommaient gnostiques, d’un mot grec qui veut dire connaissance, et leur doctrine est appelée le gnosticisme. Ils distinguaient deux sortes de personnes, les spirituels ou parfaits qui avaient la possession de la science, et ceux qui croyaient sans avoir pénétré dans les profondeurs de la connaissance. Pour eux la parole écrite était insuffisante ; ils la complétaient ou la redressaient par d’anciennes traditions ou par la lumière intérieure, c’est-à-dire celle de leur propre esprit ou de leur imagination. Nous pouvons comprendre d’après cela, pourquoi l’apôtre Paul avertissait les Colossiens de ne pas se laisser séduire « par des discours spécieux », « par la philosophie et par de vaines déceptions, selon l’enseignement des hommes » (Colossiens 2:4-8).
Ces hérétiques prétendaient qu’il y avait deux principes éternels et opposés, Dieu et la matière origine du mal, de sorte que le mal dans l’homme gît dans son corps. Ils oubliaient ou mettaient de côté l’Écriture, qui nous apprend que Dieu a créé toutes choses (Genèse 1:1), et que le mal vient de la rébellion de la créature contre son Créateur et gît non dans son corps, mais dans son cœur (Matthieu 15:19).
Une autre grande et mortelle erreur des gnostiques était qu’ils ne croyaient pas que le Fils de Dieu eût réellement pu revêtir un corps, souffrir et mourir. Ils disaient donc que le corps de Christ n’était qu’une apparence, un fantôme. En niant ainsi la vraie humanité du Seigneur et la réalité de ses souffrances et de sa mort, ils annulaient la rédemption. Cérinthe, qui vivait du temps de l’apôtre Jean, était un de ces gnostiques que l’on nommait docètes ou apparents, à cause de leurs idées sur le corps de Christ. Plusieurs passages des épîtres de Jean font allusion à ces fausses doctrines, par exemple quand l’apôtre écrit : « Tout esprit qui ne confesse pas Jésus Christ venu en chair, n’est pas de Dieu ; et ceci est l’esprit de l’antichrist » (1 Jean 4:3). « Plusieurs séducteurs sont sortis dans le monde, ceux qui ne confessent pas Jésus Christ venant en chair » (2 Jean 7). Mais ces paroles ont une portée plus étendue et s’appliquent aussi à des erreurs qui ont cours de nos jours touchant la Personne adorable du Seigneur.
Selon les gnostiques, ce monde, où le mal règne, ne saurait avoir pour auteur le Dieu suprême. Ils prétendaient qu’il avait été créé par une intelligence céleste d’une nature inférieure, qu’ils nommaient le démiurge et que quelques-uns estimaient ennemi de Dieu. Ils enseignaient que de Dieu le Père existant par Lui-même était né un être supérieur nommé Intelligence, de l’Intelligence procédait la Parole (ou le Logos), de la Parole la Prudence, de celle-ci la Sagesse et la Puissance, et de ces deux les Puissances, les Principautés et les Anges qu’ils nommaient anges supérieurs, par qui le ciel le plus élevé fut fait ; de ceux-ci procédaient d’autres anges et d’autres cieux. Tous ces êtres qu’ils imaginaient, ils les nommaient des éons. Les éons servaient, disaient-ils, d’intermédiaires entre le vrai Dieu suprême et le Jéhovah des Juifs qui n’était pas le Dieu suprême, entre le Père et le Fils, entre le Christ et les hommes. Selon ces hérétiques, le Père ineffable aurait envoyé son premier-né, l’Intelligence, qui est aussi appelé Christ, pour sauver ceux qui croient en Lui, et les délivrer de la tyrannie des créateurs du monde. Il vint sur la terre en apparence d’homme, mais ne souffrit point.
À ces folles imaginations, ils en ajoutaient bien d’autres. Nous avons cité quelque chose de ces erreurs, pour montrer à quels dangers on est exposé quand on laisse le terrain solide de la Parole écrite. On comprend aussi mieux par là ce que l’apôtre Paul écrivait aux Colossiens qui risquaient d’être entraînés par ces faux docteurs. Ces hérétiques abaissaient la gloire de Christ, qu’ils disaient n’être qu’une créature. L’apôtre nous présente Christ comme le Fils de l’amour de Dieu, son image, Dieu lui-même, Créateur de toutes les choses visibles et invisibles, dans les cieux et sur la terre, Créateur des principautés et des puissances. En Lui, dit-il, habite corporellement toute la plénitude de la déité. Puis, quant à son œuvre, Paul nous le montre faisant la paix par le sang de sa croix, nous réconciliant avec Dieu par le corps de sa chair, par la mort (Colossiens 1:14-17 ; 19-22). Ainsi, à l’occasion de ces erreurs, l’Esprit Saint déploie devant nos yeux toutes les gloires de la Personne du Seigneur, en création et en rédemption, et nous fait voir qu’en toutes choses Christ tient la première place. Quel trésor nous avons dans la parole de Dieu et dans la Personne de Jésus, pour réjouir nos cœurs, pour établir nos âmes dans la vérité, et nous garantir ainsi de l’erreur !
Il faut encore ajouter que parmi ces faux docteurs, les uns, estimant que le mal gît dans le corps, exhortaient à dompter la chair par de sévères mortifications, tandis que d’autres, pour la même raison, s’abandonnaient à la sensualité et à l’immoralité, estimant que les actions du corps ne touchaient pas à la pureté de l’âme. L’apôtre Paul a en vue les premiers, en Colossiens 2:21-23, et Jude parle des seconds, aux versets 4, 8, 12, de son épître.
Deux traits caractérisent tous ces hérétiques. Le premier, c’est que, d’une manière ou d’une autre, ils attaquaient la Personne et l’œuvre du Sauveur ; le second, c’est qu’ils tronquaient ou altéraient les Écritures. Ainsi Marcion, l’un d’eux, qui vivait au second siècle, enseignait que le Dieu et le Messie de l’Ancien Testament n’étaient pas le Dieu et le Christ du Nouveau. En même temps, pensant pouvoir ainsi appuyer ses erreurs, il n’admettait que l’évangile de Luc et dix des épîtres de Paul, et rejetait le reste des Écritures.
De nos jours nous voyons aussi l’ennemi attaquer ces deux fondements du christianisme : la parole de Dieu et la Personne du Seigneur. Il cherche ainsi à ébranler la foi des croyants et à empêcher les âmes d’être sauvées. Tenons ferme ces deux choses. Que le Seigneur puisse dire de nous : « Tu as gardé ma parole, et tu n’as pas renié mon nom » (Apocalypse 3:8).
Des écrivains chrétiens comme Irénée, Tertullien, Origène réfutèrent dans leurs écrits, soit les philosophes, soit les hérétiques. Malheureusement eux-mêmes ne furent pas à l’abri d’erreurs dans leurs enseignements. Ainsi l’Église était attaquée par les ennemis du dehors et du dedans, et ses conducteurs eux-mêmes ne veillèrent pas assez et laissèrent s’introduire, soit dans la doctrine, soit dans le culte, bien des choses que n’enseigne point la parole de Dieu et qui même sont condamnées par elle. On suivit des traditions d’hommes et des raisonnements, et on finit même par accepter des pratiques qui tenaient du paganisme, du judaïsme et des erreurs gnostiques. C’est ainsi que l’Église déchut de son premier amour et se corrompit de plus en plus.
Avant de continuer l’histoire de l’Assemblée chrétienne sur la terre, disons quelques mots du Livre divin où les disciples de Christ puisaient leurs enseignements, leurs consolations et leurs espérances ; ce Livre, la parole de Dieu, objet des attaques des ennemis de Christ en tout temps, mais que rien ne peut détruire, « car la parole du Seigneur demeure éternellement » ; ce recueil de saints écrits, donnés de Dieu et inspirés par son Esprit, et que nous trouvons dès le commencement du second siècle, lu dans les églises, considéré et conservé comme un trésor précieux ; si précieux pour les chrétiens que, plutôt que de le livrer, plusieurs fidèles aimèrent mieux mourir.
Ce volume sacré, la Bible ou le LIVRE, est en effet le Livre par excellence, car il ne vient pas de l’homme, mais de Dieu, qui s’est servi de certains hommes pour l’écrire. Il se divise, comme nous le savons, en deux parties. La première est l’Ancien Testament qui fut écrit avant la venue du Sauveur. Il raconte les origines du monde, l’histoire d’Israël, le peuple élu de Dieu sur la terre, et renferme, avec des préceptes moraux, des prophéties concernant Israël et les nations. Mais ce qu’il contient surtout, ce sont les promesses de la venue d’un grand Libérateur, d’un Sauveur pour Israël et le monde entier, d’un Roi qui doit établir ici-bas un règne de justice et de paix. Tout dans l’Ancien Testament nous parle de Lui, les récits, les cérémonies du culte, les sacrifices, les traits caractéristiques des hommes dont il nous dit l’histoire, mais surtout le livre des Psaumes et ceux des prophètes. L’Ancien Testament est ainsi tout entier prophétique. Ce Roi Sauveur annoncé par le saint Livre est Christ, la semence de la femme, le descendant promis à Abraham, le prophète qui devait paraître semblable à Moïse, libérateur comme lui, l’héritier du trône de David, le Messie, le Fils, comme le nomment David et Ésaïe (Genèse 3:15 ; 22:18 ; Deutéronome 18:18 (comparez Actes 3:22-23) ; 1 Chroniques 17:11-14 ; Psaume 2:7 ; Ésaïe 9:6-7). Mais cette personne glorieuse devait aussi souffrir et mourir avant de régner. C’est ce que disent en type les sacrifices et ce qu’annoncent les Psaumes et les prophètes (Ésaïe 53 et Psaume 22 ; comparez avec Luc 24:25-27, 44).
L’Ancien Testament était donc un livre bien précieux pour les Israélites, et il ne l’est pas moins pour nous. Le Seigneur Jésus le nomme l’Écriture, les Écritures, la parole de Dieu, et le cite constamment. L’apôtre Paul l’appelle les oracles de Dieu, les saintes lettres, l’Écriture divinement inspirée, et Pierre nous dit que les saints hommes de Dieu qui l’ont écrit, étaient poussés par l’Esprit Saint. « Dieu », dit l’épître aux Hébreux, « nous a parlé par les prophètes » (Jean 10:35 ; Matthieu 22:29 ; Romains 3:2 ; 2 Timothée 3:15-16 ; 2 Pierre 1:21 ; Hébreux 1:1). Aussi de tout temps les fidèles ont pris plaisir à lire et méditer ce saint volume. « Combien j’aime ta loi ! », dit le psalmiste, « tout le jour je la médite… Tes paroles ont été douces à mon palais, plus que le miel à ma bouche… La loi de ta bouche est meilleure pour moi que des milliers de pièces d’or et d’argent… Ta parole est une lampe à mon pied, et une lumière à mon sentier » (Psaume 119:97, 103, 72, 105). Puissions-nous aussi aimer, apprécier, lire et étudier cette Parole, de laquelle il est dit que bienheureux est celui qui y prend son plaisir (Psaume 1:2).
Cette première partie du saint volume est bien digne de toute notre attention. Existe-t-il un autre livre qui, en ayant une portée infinie, soit plus instructif et plus intéressant en même temps ? Il ne nous parle pas seulement pour le temps, mais pour l’éternité ; pas seulement des choses terrestres, mais des choses célestes et divines. Où trouverons-nous autre part, dans les livres humains, une histoire des premiers temps du monde ? Ce sont des choses que l’œil n’a pas vues et que l’oreille n’a pas entendues, mais que Dieu nous fait connaître. Dans ce livre qui, à le voir, n’est pas considérable, nous avons toute une bibliothèque ; livres historiques, récits touchants, cantiques sublimes, préceptes importants, exemples saisissants, révélations de l’avenir, tout se trouve dans les trente-neuf livres de l’Ancien Testament. On les lit, on les relit, et c’est toujours nouveau. Chaque fois on y trouve des richesses que l’on n’y avait pas découvertes. C’est pourquoi le Seigneur Jésus disait : « Sondez les Écritures », ce trésor inépuisable. Elles montrent le chemin de la vie éternelle, car elles font connaître Jésus (Jean 5:39).
Les trente-neuf livres de l’Ancien Testament ont été écrits par une trentaine d’auteurs différents de tout rang, de tout âge et de toute condition. Les uns étaient savants, comme Moïse, et les autres ignorants, comme Amos. On trouve parmi eux des rois et des bergers, des sacrificateurs et des hommes du peuple, écrivant dans des temps et des lieux différents. Pendant une période de plus de mille années, ils font entendre leur voix, car Moïse, le premier, écrivit vers l’an 1500, et Malachie, le dernier, rendit son oracle vers l’an 400 avant Jésus Christ. Et cependant, quoique traitant de sujets divers, écrivant en des temps différents, éloignés les uns des autres, ils ont un même objet en vue, leurs écrits forment un tout parfait. N’est-ce pas frappant ? C’est qu’un même Esprit les anime, l’Esprit de Dieu ; ce qu’ils écrivent n’est pas leur livre ; c’est le livre de Dieu.
Et ce que nous venons de dire de l’Ancien Testament, est vrai de la seconde partie de la Bible, c’est-à-dire du Nouveau Testament. Il faut lire avec un soin égal ces deux portions du livre de Dieu, car elles s’éclairent l’une par l’autre. Nous voyons d’ailleurs dans les évangiles, les Actes et les épîtres, que constamment le Seigneur et les apôtres citent l’Ancien Testament pour établir ce qu’ils enseignent. Occupons-nous maintenant du Nouveau Testament.
Durant quatre siècles après Malachie, le dernier prophète, il y eut un grand silence. Aucun prophète ne se leva en Israël humilié sous le joug des nations. Mais de plus en plus l’attente du Messie à venir devenait vive dans les cœurs des Israélites pieux. Malachie avait dit : « Voici, j’envoie mon messager, et il préparera le chemin devant moi ; et le Seigneur que vous cherchez viendra soudain à son temple, et l’Ange de l’alliance en qui vous prenez plaisir — voici il vient, dit l’Éternel des armées… Pour vous qui craignez mon nom, se lèvera le soleil de justice » (Malachie 3:1 ; 4:2), et les cœurs fidèles, comme Zacharie, Siméon et Anne, attendaient la consolation d’Israël, la délivrance, c’est-à-dire le Messie (Luc 1:78 ; 2:25, 38).
Enfin le Christ annoncé parut. Il naquit à Bethléem, de la race de David, selon les prophéties. Il vint dans l’abaissement et la pauvreté, mais il était le Fils éternel et bien-aimé de Dieu, devenu un homme pour nous sauver. En Lui, Dieu lui-même nous a parlé (Hébreux 1:1). Le Seigneur, ayant commencé son ministère, annonça l’Évangile, la bonne nouvelle de la grâce de Dieu envers les pécheurs, le grand salut qu’il donne à qui croit en Lui (Marc 1:14-15 ; Hébreux 2:3). Et, comme nous le savons, après qu’il eut accompli son service d’amour, les hommes iniques l’ont pris et l’ont fait mourir en le clouant sur la croix. Mais là il s’offrait volontairement à Dieu en sacrifice pour nos péchés (Éphésiens 5:2 ; Hébreux 9:26, 28). Il en a porté la peine et Dieu a accepté ce sacrifice, qui a remplacé d’une manière parfaite ceux que la loi demandait (Hébreux 10:9-10). Nous avons la preuve que Dieu a été satisfait en ce qu’il a ressuscité Jésus et l’a fait asseoir à sa droite dans le ciel. Et maintenant Dieu peut pardonner et pardonne leurs péchés à ceux qui croient en Jésus, mort et ressuscité pour eux. C’est pourquoi l’apôtre Jean dit : « Je vous écris, enfants, parce que vos péchés vous sont pardonnés par son nom » (1 Jean 2:12). Quelle grâce, n’est-ce pas ? Quel bonheur de savoir cela ! Que c’est bien là une bonne nouvelle !
Cet Évangile de la grâce de Dieu n’était pas pour les Juifs seulement. Il devait être annoncé à toutes les nations. Avant de monter au ciel, le Seigneur avait dit à ses apôtres : « Il est ainsi écrit ; et ainsi il fallait que le Christ souffrît, et qu’il ressuscitât d’entre les morts le troisième jour, et que la repentance et la rémission des péchés fussent prêchées en son nom à toutes les nations, en commençant par Jérusalem… Allez dans tout le monde, et prêchez l’évangile à toute la création » (Luc 24:46-47 ; Marc 16:15). Mais qu’étaient les apôtres pour accomplir une telle tâche ? Des hommes faibles, lâches, timides et ignorants. Jamais par eux-mêmes ils n’eussent pu ni la commencer, ni la poursuivre. Mais le Seigneur leur avait promis l’Esprit Saint, l’Esprit de vérité, pour leur enseigner ce qu’ils auraient à dire et être ainsi des témoins fidèles ; l’Esprit de puissance pour les remplir de courage. « Vous recevrez », leur dit-il, « de la puissance, le Saint Esprit venant sur vous ; et vous serez mes témoins à Jérusalem et dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’au bout de la terre » (Jean 14:16-17, 26 ; 15:26-27 ; 16:13 ; Actes 1:8).
Le Seigneur accomplit sa promesse le jour de la Pentecôte (Actes 2). L’Esprit Saint descendit sur les disciples rassemblés dans un même lieu, et, dès ce moment, les apôtres et leurs compagnons, auxquels d’autres, comme Paul, furent adjoints plus tard, annoncèrent l’Évangile partout, « le Seigneur coopérant avec eux, et confirmant la parole par les signes qui l’accompagnaient » (Marc 16:20). Ainsi le « grand salut », annoncé d’abord par le Seigneur, « a été confirmé par ceux qui l’avaient entendu, Dieu rendant témoignage avec eux par des signes et des prodiges, et par divers miracles et distributions de l’Esprit Saint » (Hébreux 2:3- 4). C’est ainsi que l’Église fut fondée, et les apôtres, toujours conduits par l’Esprit Saint, enseignèrent aux croyants les saintes vérités qui concernent le Seigneur, son Assemblée, son retour, et leur donnèrent aussi les directions nécessaires pour se conduire d’une manière digne du Seigneur au milieu d’un monde méchant (1 Thessaloniciens 2:11-12 ; 4:1-2 ; 2 Thessaloniciens 2:15 ; Col. 1:10). Mais il fallait conserver la connaissance des faits de la vie du Seigneur et des vérités qui se rapportent à sa Personne et à l’Église ; c’est ce que nous trouvons dans les écrits du Nouveau Testament.
Mais il faut toujours bien nous rappeler que l’Ancien et le Nouveau Testament forment un seul et même Livre, une seule et même parole de Dieu, contenant ce que Dieu nous a communiqué par son Esprit avant la venue de Jésus Christ, et ce qu’il nous a communiqué par le même Esprit après l’apparition de son Fils sur la terre, tout se rapportant à la gloire de son Fils bien-aimé.
De même que l’Ancien Testament, le Nouveau n’a pas été écrit par une seule personne, mais par plusieurs, en des occasions, des temps et des lieux différents. Seulement, tandis que la formation de l’Ancien Testament a pris mille années pour s’accomplir, les écrits du Nouveau Testament ont tous paru dans un espace d’environ cinquante ans, de sorte qu’au commencement du second siècle après Jésus Christ, ils formaient déjà un tout. Il renferme les écrits de huit auteurs, et se compose de cinq livres historiques — les évangiles et les Actes — de vingt et une épîtres ou lettres, et d’un livre prophétique, l’Apocalypse.
On peut remarquer, en lisant les Actes des apôtres, que ceux-ci, dans leurs prédications, s’appuyaient sur les faits, bien connus autour d’eux, de la vie de Jésus. Voyez, par exemple, les chapitres 2, 10 et 13. Il était nécessaire, en effet, que les témoins de cette vie divine sur la terre, la représentassent aux Juifs pour leur montrer, en les comparant avec les textes de l’Ancien Testament, que Jésus était bien le Christ promis, — et aussi aux gentils, pour leur faire connaître Celui dont ils étaient les ambassadeurs. Ils prêchaient Christ, — Christ humilié et souffrant, Christ mis à mort et ressuscité, Christ monté au ciel. Dieu d’ailleurs rendait témoignage à leur parole par les miracles de sa puissance ; il leur enseignait par son Esprit ce qu’ils avaient à dire, et ce même Esprit appliquait la parole aux cœurs et aux consciences des auditeurs (Actes 2:37), qui recevaient cette parole comme étant vraiment ce qu’elle était — la parole de Dieu (1 Thessaloniciens 2:13).
Mais les apôtres, témoins de la vie de Jésus, ne pouvaient être en tous lieux, ils ne devaient pas rester sur la terre, et la mémoire de ceux qui avaient été convertis par leur prédication pouvait ne pas garder fidèlement ce qu’ils avaient entendu de l’histoire et des discours du Sauveur, de manière à le transmettre exactement à d’autres. Alors Dieu mit au cœur de quelques-uns de ses serviteurs d’écrire ce qu’il jugeait bon de nous communiquer de la vie et des paroles de son Fils bien-aimé sur la terre. Ces écrits sont ce que l’on nomme les évangiles, et leurs auteurs sont appelés d’une manière spéciale les évangélistes. Ce nom d’évangiles donné aux récits de la vie du Seigneur est justifié par le premier verset de Marc : « Commencement de l’évangile de Jésus Christ, Fils de Dieu ».
Dieu, qui avait conduit Matthieu, Marc, Luc et Jean à écrire les évangiles, ne les abandonna pas à leurs facultés naturelles, leur mémoire, leur intelligence, leurs recherches, pour accomplir leur tâche. Il les éclaira et les guida par le Saint Esprit, de manière à les garder de toute erreur dans ce qu’ils avaient à nous transmettre. Jésus, avant de quitter ses disciples, leur avait dit : « Quand celui-là, l’Esprit de vérité, sera venu, il vous conduira dans toute la vérité » ; et « l’Esprit Saint… vous enseignera toutes choses et vous rappellera toutes les choses que je vous ai dites » (Jean 16:13 ; 14:26). Nous avons donc dans ces livres, inspirés de l’Esprit de Dieu, toute la vérité et rien que la vérité.
Bien que les quatre évangiles soient chacun le récit de la vie et des enseignements du Sauveur, et que l’on y trouve certains faits communs, ils ne se répètent pas, et ils n’ont pas non plus été écrits pour se compléter les uns les autres. L’Esprit de Dieu a conduit les évangélistes à présenter chacun le Seigneur Jésus sous un caractère spécial. Nous voyons ainsi briller les divers rayons de la gloire de sa Personne adorable.
Matthieu écrivit son évangile essentiellement en vue des Juifs. C’est pourquoi il présente le Seigneur dans son caractère de Messie, fils de David, fils d’Abraham, Roi des Juifs, répondant aux promesses et aux prophéties qu’il cite souvent. Cela ne rend pas cet évangile moins précieux pour nous ; car nous voyons que le Messie ayant été rejeté par les Juifs, ceux-ci sont mis de côté, et le Seigneur bâtit son Église composée de ceux qui croient.
Marc, que Pierre nomme son fils (1 Pierre 5:13), écrivit, dit-on, son évangile comme disciple et interprète de cet apôtre. Son récit est plus bref. En général, il rapporte moins des discours du Seigneur, et s’attache plutôt à raconter les faits, les miracles, avec beaucoup de détails qui les font ressortir. Il nous dit ce que Jésus a fait, plus que ce qu’il a dit, et nous le montre ainsi dans son caractère de serviteur, « qui a passé de lieu en lieu, faisant du bien », comme Pierre le dit à Corneille (Actes 10:38).
Luc, le compagnon de voyage et d’œuvre de l’apôtre Paul, écrivit son évangile selon ce que Paul annonçait. Il proclame la grâce qui est pour tous les pécheurs, pour les païens comme pour les Juifs, pour les publicains et les gens de mauvaise vie comme pour ceux qui se croient justes. On peut le remarquer en plus d’un endroit. Luc présente donc le Seigneur comme le Fils de l’homme, venu en grâce, cherchant les pécheurs où qu’ils soient, de toute classe ou nationalité.
Ces trois évangiles furent écrits avant l’an 70, sans que la date précise puisse être indiquée. Mais Jean écrivit le sien longtemps après, à la fin du premier siècle, quand tous les autres écrits du Nouveau Testament, sauf les siens, avaient paru, et qu’il survivait seul de tous les apôtres. Beaucoup d’hérésies touchant la Personne du Seigneur se répandaient, et l’Esprit Saint, pour les combattre, nous présente, par la plume de Jean, Jésus comme le Fils de Dieu, le Fils unique et éternel, source de vie et de lumière pour les croyants, venu comme homme sur la terre, marchant au milieu des hommes et manifestant la grâce et la vérité, le caractère de Dieu, montrant Dieu lui-même, le Père, dans sa Personne.
Aux évangiles se joignent les Actes des apôtres, qui racontent la venue de l’Esprit Saint, et, par son action puissante, la fondation et les commencements de l’Église chrétienne essentiellement par les travaux de Pierre et de Paul. Ils font suite à l’évangile de Luc qui les écrivit à peu près dans le même temps, vers l’an 63.
Après les Actes, viennent les vingt et une lettres ou épîtres écrites à différentes époques par Paul, Jacques, Pierre, Jean et Jude. Elles étaient adressées à des assemblées locales, ou à des individus, et quelques-unes à l’ensemble des chrétiens. Elles furent composées à l’occasion des besoins divers qui se manifestaient dans les assemblées et parmi les enfants de Dieu, et l’Esprit de Dieu donna à leurs auteurs ce qui était nécessaire pour répondre à ces besoins, en instruisant et édifiant les âmes, et en les mettant en garde contre les faux prophètes et les faux docteurs. C’était aussi la parole de Dieu, et ces épîtres ont été conservées pour l’instruction de l’Église jusqu’à la fin.
Les premières épîtres furent celles que Paul écrivit aux Thessaloniciens, vers l’an 52. Celles de Jean, de même que son évangile, furent écrites les dernières, à la fin de la longue vie de l’apôtre. Il en est de même du livre de l’Apocalypse ou Révélation de Jésus Christ, qui termine le Nouveau Testament et la Bible, et nous fait connaître l’avenir de l’Église et du monde.
C’est ainsi, en lui donnant sa Parole, que le Seigneur a pourvu à tout ce dont l’Église a besoin jusqu’au terme de sa course ici-bas. « Il la nourrit et la chérit », est-il dit. C’est pourquoi il donne « les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs ; en vue du perfectionnement des saints, pour l’œuvre du service, pour l’édification du corps de Christ » (Éphésiens 5:29 ; 4:11-12). Et ces dons ne s’exerçaient pas seulement par la prédication : les apôtres et prophètes nous ont laissé les écrits inspirés qui composent le Nouveau Testament.
À mesure qu’un de ces récits paraissait, soit qu’il fût adressé à quelque assemblée ou à un individu, il était communiqué aux autres assemblées, car les liens qui unissaient alors les chrétiens étaient très étroits. Du reste, nous voyons que Paul recommandait de le faire : « Je vous adjure par le Seigneur », dit-il, « que la lettre soit lue à tous les saints frères » (1 Thessaloniciens 5:27). Et aux Colossiens il écrit : « Quand la lettre aura été lue parmi vous, faites qu’elle soit aussi lue dans l’assemblée des Laodicéens, et vous aussi lisez celle qui viendra de Laodicée » (Colossiens 4:16). Les premiers chrétiens comprenaient bien que ce qui était donné de Dieu par le Saint Esprit à quelques-uns, était pour tous, pour toute l’Église. Bientôt on fit des copies de ces écrits, afin que chaque assemblée pût les posséder, mais on gardait avec respect l’original reçu des écrivains sacrés mêmes, comme le fait entendre Tertullien qui vivait à la fin du second siècle et au commencement du troisième : « Parcourez », dit-il, « les églises apostoliques (*) … chez lesquelles on fait lire leurs lettres authentiques ». C’est ainsi que se forma, par les soins de Dieu, le recueil des livres inspirés du Nouveau Testament que l’on trouve déjà, dans le second siècle, tel que nous l’avons. On peut dire qu’il s’est fait sous les yeux des apôtres, car Jean mourut au commencement de ce siècle-là, le Seigneur l’ayant laissé si longtemps sur la terre, comme gardien des vérités divines. On voit aussi, dans un passage de la seconde épître de Pierre, que l’on rassemblait déjà alors les écrits apostoliques : « Notre bien-aimé frère Paul… vous a écrit selon la sagesse qui lui a été donnée… dans toutes ses lettres où il parle de ces choses… que les ignorants et les mal affermis tordent, comme aussi les autres écritures » (2 Pierre 3:15-16).
(*) C’est-à-dire fondées par les apôtres.
L’apôtre Pierre met donc les écrits de Paul au nombre des Écritures, par où il entend l’Ancien Testament. En effet, dans les églises primitives, on plaça immédiatement les écrits du Nouveau Testament sur le même rang que ceux de l’Ancien, comme inspirés par le même Esprit. Ils étaient envisagés comme « oracles de Dieu ». On le voit, par exemple, dans la belle épître à Diognète, écrite tout au commencement du second siècle. L’auteur dit : « Alors la crainte de la Loi est exaltée, la grâce des Prophètes est connue, la foi des Évangiles est affermie, l’enseignement des apôtres est gardé, et la grâce de l’Église triomphe ». De même que dans les synagogues juives on lisait chaque jour de sabbat les Écritures de l’Ancien Testament (voyez Luc 4:16-17 ; Actes 13:15 ; 15:21), ainsi, dans les assemblées chrétiennes, le premier jour de la semaine on lisait les écrits du Nouveau Testament en même temps que ceux de l’Ancien. C’est le témoignage que rend Justin martyr : « Le dimanche », dit-il, « les mémoires des apôtres et les écrits des prophètes sont lus ». On donnait alors au recueil des écrits apostoliques différents noms ; celui du Nouveau Testament prévalut plus tard.
Cette lecture de la parole de Dieu dans les assemblées était bien en harmonie avec l’exhortation de Paul aux Thessaloniciens. Il y avait donc, dans chaque assemblée, un ou plusieurs lecteurs chargés de faire la lecture d’une portion des saints écrits. On les nommait « anagnostes », et la lecture elle-même était « l’anagnose ». Ce mot grec se trouve dans le Nouveau Testament, en particulier au chapitre 13 des Actes, vers. 15: « Après l’anagnose ou la lecture de la loi ». C’est sans doute à cette coutume que se rapporte le passage de l’Apocalypse : « Bienheureux celui qui lit et ceux qui entendent les paroles de la prophétie » (Apocalypse 1:3). « Celui qui lit » est l’anagnoste.
À cette époque, où l’imprimerie n’était pas inventée, tous les livres étaient écrits à la main. Les exemplaires n’étaient pas nombreux et ils coûtaient fort cher. Chacun ne pouvait pas se procurer et posséder comme aujourd’hui un exemplaire des Saintes Écritures. Mais chaque assemblée, même la plus pauvre, avait le sien. C’était par ces lectures publiques que les fidèles apprenaient à les connaître. Et tel était le zèle des auditeurs, telle leur attention, tel le prix qu’ils attachaient à la parole de Dieu, qu’ils finissaient par en savoir par cœur tous les mots, et reprenaient le lecteur s’il employait une expression pour une autre. C’est ce que l’on raconte en particulier d’un pauvre aveugle, nommé Jean de Palestine, qui mourut martyr. On rapporte aussi qu’un évêque ayant changé un mot dans la lecture qu’il faisait des Écritures, les fidèles exigèrent qu’il reconnût son tort. Quelle grâce pour nous d’avoir chacun le Saint Livre que nous pouvons lire tous les jours ! Mais apprécions-nous ces oracles de Dieu ? Les gardons-nous dans notre mémoire ? Les serrons-nous dans notre cœur ?
Un autre fait montre la valeur qu’attachaient au Nouveau Testament comme étant la parole de Dieu, les auteurs chrétiens du second, du troisième et du quatrième siècles. Pour eux, c’étaient les Écritures, les oracles divins, et soit dans leurs enseignements, soit dans leurs discussions contre les hérétiques et les incrédules, ils le citaient constamment comme autorité infaillible. Et si nombreuses sont leurs citations qu’en les réunissant on reconstituerait le Nouveau Testament tout entier, à part quelques versets. Les hérétiques et les incrédules de ces temps-là le reconnaissaient aussi comme le livre où les chrétiens puisaient les vérités de leur foi ; ils en connaissaient la puissance, car nous avons vu que, dans la dernière persécution, les ennemis du christianisme firent un effort suprême pour en détruire toutes les copies et arracher ainsi des mains des chrétiens cette arme redoutable, l’épée de l’Esprit, la parole de Dieu. Mais cette Parole demeure éternellement. Les cieux et la terre passeront, mais elle reste. Elle est de Dieu, comment serait-elle détruite ? Béni soit Dieu ! en dépit de l’ennemi, nous la possédons, et l’Église la possédera jusqu’à la fin.
Le Nouveau Testament fut écrit originairement en grec, l’une des langues les plus répandues à cette époque. Mais de très bonne heure on en fit des traductions en d’autres langages. Les deux plus anciennes sont la version latine, nommée Itala, qui date du commencement du second siècle, et la version en syriaque, langue que parlait le Seigneur et qui était répandue en Orient. Cette version qu’on appelle la Peshito, semble être plus ancienne encore que l’Itala et dater de la fin du premier siècle. La version égyptienne est aussi fort ancienne. Plus tard, à mesure que le christianisme s’étendit parmi les nations barbares, on fit d’autres versions, non seulement du Nouveau Testament, mais de toute la Bible. Mais c’est de nos jours surtout que le Saint Livre a été traduit, on peut le dire, dans toutes les langues importantes qui se parlent sur la surface du globe, et que des millions d’exemplaires en ont été répandus et se répandent. Mais en parler en détail, sortirait de notre sujet. Que le Seigneur nous donne d’apprécier réellement ce trésor qu’il a mis entre nos mains — sa Parole !
L’Évangile se répandit et le christianisme s’établit dans le monde avec une rapidité merveilleuse. Le Seigneur avait dit : « Le royaume des cieux est semblable à un grain de moutarde qu’un homme prit et sema dans son champ : lequel est, il est vrai, plus petit que toutes les semences ; mais quand il a pris sa croissance, il est plus grand que les herbes et devient un arbre » (Matthieu 13:31-32). Nous savons, en effet, quel petit commencement eut l’Église. C’étaient douze hommes pauvres et illettrés, des pêcheurs et des publicains méprisés, qui annoncèrent d’abord l’Évangile. C’était là la petite semence, le grain de moutarde. Et combien d’obstacles s’opposaient à eux ! D’abord, ils étaient Juifs, d’une race méprisée et haïe, assujettie au joug des Romains. Ensuite, ce qu’ils annonçaient heurtait tous les sentiments naturels du cœur humain. Il fallait se reconnaître pécheur, coupable devant Dieu, sans force et sans ressource ; combien cela soulevait l’orgueil de l’homme ! Et le salut, où se trouvait-il ? Dans un homme de cette même nation juive, crucifié entre deux brigands. Il est vrai que les apôtres le présentaient comme le Fils de Dieu venu pour racheter par sa mort les pécheurs perdus. Mais c’est là précisément ce qui heurtait la raison des uns, les préjugés des autres. Un Dieu crucifié pour Sauveur ! C’était, dit Paul, un scandale pour les Juifs, une folie pour les nations (1 Corinthiens 1:23-24). Cet homme crucifié avait été ressuscité d’entre les morts et devait juger le monde, prêchaient encore les apôtres. En entendant ces paroles, les philosophes et les sages du monde se moquaient (Actes 17:32). Que demandait l’Évangile de ceux qui l’embrassaient ? Le renoncement au monde, à ses convoitises et à ses plaisirs, la mortification des passions, une vie d’humilité et d’abnégation entière. La propre justice des Juifs était renversée, l’orgueilleuse raison des sages était annulée, la religion licencieuse des idoles était ruinée. Le christianisme était tout à fait contraire à tout ce qu’aime et réclame l’homme naturel. Aussi nous avons vu quelle opposition il rencontra partout et de la part de tous, et quelles sanglantes et persistantes persécutions il eut à subir, depuis son apparition jusqu’au commencement du quatrième siècle. En dépit de tout, le grain de moutarde leva, crût, devint un arbre, de sorte qu’au bout de quarante années, le christianisme s’était répandu au-delà même des bornes du vaste empire romain.
À quoi attribuer ces conquêtes extraordinaires par des instruments si faibles, sinon à la main de Dieu, à l’action toute-puissante de son Esprit ? Le Seigneur avait dit à ses disciples : « Vous recevrez de la puissance, le Saint Esprit venant sur vous ; et vous serez mes témoins… jusqu’au bout de la terre » (Actes 1:8). « Eux donc, étant partis, prêchèrent partout, le Seigneur coopérant avec eux » (Marc 16:20). C’est là le secret des résultats surprenants de la prédication des apôtres et de ceux qui les suivirent : le Seigneur travaillait avec eux.
Après dix-sept ans de son ministère, Paul, l’apôtre des nations, écrivait aux Romains que le mystère révélé « a été donné à connaître à toutes les nations » (Romains 16:26). Lui-même avait annoncé l’Évangile du Christ, depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie (Romains 15:19). Le Seigneur avait dit à ses apôtres : « Allez donc, et faites disciples toutes les nations » (Matthieu 28:19), et, en effet, leur voix était allée par toute la terre (Romains 10:18). Paul en rend témoignage quand il écrit aux Colossiens : « L’Évangile… est parvenu jusqu’à vous, comme aussi il l’est dans tout le monde… lequel a été prêché dans toute la création qui est sous le ciel » (Colossiens 1:6, 23).
Les témoignages d’écrivains païens, comme Tacite et Suétone, constatent que vers l’an 64, Rome renfermait une multitude de chrétiens. Nous avons parlé de la lettre de Pline à l’empereur Trajan, au commencement du second siècle. Il mentionne la quantité de personnes de tout âge et de tout rang, qui partout en Bythinie étaient devenues chrétiennes. Les persécutions, bien loin d’arrêter les progrès de l’Évangile, ne faisaient que les activer. Les chrétiens remplissaient l’empire, comme le disaient hautement des écrivains chrétiens aux persécuteurs, dans la seconde moitié du deuxième siècle : « Nous sommes en si grand nombre, que si nous quittions votre État, nous causerions votre ruine… Nous ne sommes que d’hier, et nous avons tout rempli dans votre empire ; nous ne vous laissons que vos temples ». C’est Tertullien, déjà cité, qui parle ainsi. Il dit aussi que les peuplades des Goths, les tribus des Maures, toutes les régions des Espagnes, des Gaules, et même celles de la Bretagne, encore inaccessibles aux Romains, se sont soumises à Christ, comme aussi les Daces, les Sarmates, les Germains et les Scythes. Il ne faudrait pas croire d’après cela que, chez tous ces peuples, le paganisme avait cédé la place au christianisme ; mais l’Évangile y avait pénétré et des âmes l’avaient reçu.
On aimerait à avoir des détails sur les moyens dont se servit Dieu pour faire luire dans toutes ces contrées la lumière de la vérité ; mais l’on n’a à ce sujet que peu de renseignements certains.
Les provinces voisines de l’Asie mineure et de la Syrie, où existaient déjà, du temps de Paul, de nombreuses assemblées chrétiennes, furent évangélisées de bonne heure. Il faut nous rappeler que, soit par la persécution, comme en Actes 11:19, soit par d’autres circonstances, les chrétiens étaient amenés loin des lieux où ils avaient été convertis, et portaient avec eux le trésor de l’Évangile. Des évangélistes aussi allaient faire connaître le nom de Jésus parmi les nations (3 Jean 5-7). On raconte qu’Abgare, roi d’Édesse en Mésopotamie, reçut le christianisme par le ministère d’un certain Thaddée, vers l’an 45. De là, l’Évangile, dès le second siècle, se répandit en Arménie. Mais ce n’est que dans le troisième siècle que le roi d’Arménie, Tiridate, fut amené à la foi chrétienne. Dieu se servit pour cela d’un nommé Grégoire l’illuminateur, qui était le fils d’un prince parthe et avait été converti au christianisme. La conversion de Tiridate entraîna celle de presque tout le peuple. De nombreuses écoles furent établies, et là les enfants furent instruits dans la doctrine du Christ.
Un peu plus tard, l’Évangile pénétra dans l’Ibérie, au nord de l’Arménie et au sud du Caucase. La manière dont le christianisme y fut introduit, nous montre de quels faibles instruments Dieu se servait parfois pour répandre la connaissance de Christ.
Une femme chrétienne, nommée Nunia, avait été emmenée captive dans le pays dont nous parlons. La sainteté de sa vie et la pureté de ses mœurs avaient frappé les habitants de l’endroit où elle vivait. Le plus jeune fils du roi étant tombé malade, la reine ordonna à sa nourrice de s’enquérir auprès de quelques femmes âgées des remèdes par lesquels le mal pourrait être conjuré. Nunia, consultée à son tour, dit qu’elle n’avait d’autre secours à offrir que ses prières. « Jésus Christ », ajouta-t-elle, « qui a guéri tant de malades, guérira aussi l’enfant ». Puis elle se mit à genoux et pria le Seigneur qui exauça sa requête. Le roi voulait récompenser richement la pauvre captive, mais elle refusa, ne désirant autre chose que la conversion de ses maîtres. Quelque temps après, la reine aussi tomba gravement malade et dut sa guérison aux prières de Nunia. Jusqu’alors il n’y avait eu aucune conversion à Christ ; mais un jour le roi, étant à la chasse, fut surpris par d’épais brouillards. Séparé de sa suite, il courait les plus grands dangers. Dans sa détresse, il se souvint du Dieu tout-puissant de Nunia et invoqua son secours, promettant de le servir s’il était exaucé. Il fut sauvé du péril, et fidèle à sa promesse, il se mit à propager lui-même la bonne nouvelle parmi son peuple, et fit venir des missionnaires de Rome et d’Arménie pour l’aider dans cette œuvre.
Des soldats romains faits prisonniers, portèrent sans doute aussi l’Évangile en Perse. Au temps de l’empereur Constantin, les chrétiens y étaient nombreux. De là, le christianisme se répandit dans l’Inde, où peut-être il avait déjà pénétré dès le premier siècle, car on rapporte que l’apôtre Thomas y alla prêcher et y souffrit le martyre.
Si nous passons en Occident, nous savons qu’au temps de Paul, il y avait une nombreuse assemblée à Rome. De là, l’Évangile se répandit dans l’Afrique septentrionale où il fit de rapides progrès. On se rappelle les nombreux martyrs de cette contrée. L’Espagne fut évangélisée à la fois par Rome et par Carthage. Au second siècle, Tertullien disait que toutes les régions des Espagnes étaient soumises à Christ, et l’on sait qu’au troisième siècle de nombreuses églises y étaient établies.
Des colonies venues de l’Asie mineure apportèrent le christianisme dans la Gaule méridionale dès le second siècle. Lyon fut comme le centre de l’activité chrétienne dans cette contrée. Là, ainsi qu’à Vienne, il y eut ainsi que nous l’avons vu, un grand nombre de martyrs qui donnèrent leur vie pour Jésus Christ. La Gaule septentrionale fut évangélisée plus tard.
Les îles Britanniques reçurent l’Évangile dès le premier siècle, soit par des otages bretons convertis à Rome et rentrés dans leurs pays, soit par des soldats chrétiens qui se trouvaient dans les légions, soit enfin par des évangélistes venus de l’Asie mineure. Les chrétiens de ces contrées eurent aussi leur part dans les persécutions, et surtout dans la dernière. Là comme ailleurs, les exemplaires des Saintes Écritures furent brûlés, les pasteurs des troupeaux furent mis à mort, et beaucoup de simples fidèles perdirent la vie.
Un des pasteurs, nommé Amphibalus, ayant réussi à échapper aux persécuteurs, avait trouvé un refuge à Vérulam (*), chez un païen nommé Alban, ancien soldat romain. Le Seigneur récompensa la charité d’Alban envers son serviteur. Amphibalus lui enseigna la vérité chrétienne, et Dieu la fit pénétrer dans son âme. Recherché par les persécuteurs, Amphibalus fut forcé de quitter sa retraite. Afin qu’on ne le reconnût pas, Alban lui fit mettre ses habits, et ainsi il échappa. Mais la chose fut découverte, et le nouveau converti fut saisi. On lui laissa le choix ou de sacrifier aux dieux, ou de subir le sort destiné à celui qu’il avait fait échapper. Alban refusa de sacrifier. Il fut d’abord frappé de verges, puis décapité.
(*) Vérulam était au nord de St-Alban, à environ 30 kilomètres nord-ouest de Londres.
C’est ainsi que l’activité de la foi avait répandu partout la connaissance de Christ, en dépit de toutes les oppositions. Au commencement du IVe siècle, le grain de moutarde était devenu un arbre qui étendait ses branches au-delà des limites de l’empire romain. Le paganisme et ses abominations tendait à disparaître devant le christianisme.
Mais ce qui est triste à ajouter, c’est qu’à mesure que l’Église grandissait sur la terre, elle s’écartait de sa pureté primitive relativement à la doctrine et à la vie. L’apôtre Paul compare l’Église, quant à son développement extérieur, à un édifice que des ouvriers travaillent à élever. Il y a de bons et de mauvais ouvriers qui emploient de bons ou de mauvais matériaux. « J’ai posé le fondement », dit Paul, et « personne ne peut poser d’autre fondement que celui qui est posé, lequel est Jésus Christ. Or si quelqu’un édifie sur ce fondement de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, du bois, du foin, du chaume, l’ouvrage de chacun sera rendu manifeste… quel est l’ouvrage de chacun, le feu l’éprouvera » (1 Corinthiens 3:10-13). L’Église chrétienne tire son nom de Jésus Christ, le fondement qui a été posé et qui demeure. Mais de mauvais matériaux pour l’édifier y furent de plus en plus introduits, et c’est ainsi qu’elle s’accrut. Ces mauvais matériaux étaient, comme nous le verrons, soit des personnes qui n’étaient pas réellement converties, soit des doctrines, des ordonnances et des règlements humains. En même temps eut lieu ce que le Seigneur montre par la parabole « du levain qu’une femme prit » et cacha dans la pâte pure formée de trois mesures de farine. Le levain pénétra toute la pâte (Matthieu 13:33). Or le levain représente toujours une chose mauvaise, le péché ou la mauvaise doctrine (1 Corinthiens 5:6-7 ; Matthieu 16: 6, 11,12 ; Galates 5:8-9). Et c’est ce qui arriva dans l’Église le levain des mauvaises doctrines s’étendit partout en elle.
Dans ce qui précède, nous avons surtout parlé du témoignage rendu par les chrétiens devant un monde qui les persécutait. Pour terminer ce qui se rapporte à cette époque de souffrances, nous dirons quelque chose du culte, de la discipline, et enfin du gouvernement de l’Église.
Les écrivains anciens donnent peu de détails sur la manière dont avaient lieu les réunions des chrétiens, dans ce temps où ils étaient obligés de se cacher de leurs persécuteurs. Dans la lettre de Pline à Trajan, nous avons quelques mots sur ce sujet. Justin martyr, dans sa première apologie adressée à l’empereur Antonin, vers l’an 140, décrit plus longuement la manière dont les chrétiens rendaient leur culte au Seigneur.
« Au jour appelé du soleil » (le dimanche), dit Justin, « tous ceux qui habitent dans les villes et dans les campagnes, se réunissent en un même lieu. Alors on lit, aussi longuement que le temps le permet, les mémoires des apôtres ou les écrits des prophètes. Ensuite, quand le lecteur a fini son office, celui qui préside fait une allocution pour l’instruction de l’assemblée et pour l’exhorter à suivre ces nobles exemples. Notre prière étant terminée, on apporte du pain et du vin mélangé d’eau, et celui qui préside offre, selon sa capacité, des prières et des actions de grâces auxquelles l’assemblée répond en disant : Amen. Le pain et le vin pour lesquels on a rendu grâces, sont ensuite distribués ; chacun y participe et une portion en est portée par les diacres à ceux qui sont absents. Puis on fait une collecte ; ceux qui le peuvent et ont bonne volonté donnent chacun ce qu’il trouve convenable, et on en remet le produit à celui qui préside. Il en assiste les orphelins et les veuves, ceux qui, par maladie ou autres causes, sont dans le besoin, les prisonniers et les étrangers qui se trouvent parmi nous, en un mot, il prend soin de tous ceux qui se trouvent dans quelque nécessité ».
« Nous nous rassemblons le jour du soleil », continue Justin, « parce que c’est le premier jour où Dieu, ayant opéré un changement dans les ténèbres et la matière, a fait le monde ; et parce qu’en ce même jour, Jésus Christ, notre Sauveur, ressuscita d’entre les morts. Car il fut crucifié le jour avant celui de Saturne (le samedi), et le jour qui suit celui-ci, c’est-à-dire le jour du soleil (*), il apparut à ses apôtres et à ses disciples, et leur donna ses enseignements ».
(*) Justin désigne les jours de cette manière, afin d’être compris de l’empereur. Chaque jour de la semaine était consacré à une divinité.
Voici encore ce qu’il dit touchant la Cène du Seigneur : « Nous appelons ce repas eucharistie (actions de grâces), et nul n’est admis à y participer, s’il n’a reçu comme vraies les choses que nous enseignons, s’il n’a été lavé du lavage qui est pour la rémission des péchés et pour la régénération, et s’il ne vit comme Christ l’a ordonné… Les apôtres, dans les mémoires qu’ils ont écrits et que l’on nomme les évangiles, nous ont transmis ce qui leur fut ordonné, savoir que Jésus prit du pain et qu’ayant rendu grâces, il dit : « Faites ceci en mémoire de moi », et que de même, ayant pris la coupe et rendu grâces, il dit : « Ceci est mon sang », et il la leur donna ».
Nous voyons donc qu’au temps de Justin, dans le second siècle, le culte avait conservé toute la simplicité avec laquelle nous le voyons célébré chez les premiers chrétiens d’après les Actes et les épîtres. On se réunissait le premier jour de la semaine, et la Cène du Seigneur, la fraction du pain, était le grand but du rassemblement, la partie principale et le centre du culte, comme aux jours de Paul (Actes 20:7). Elle se célébrait suivant l’institution même du Seigneur Jésus.
Dans ces assemblées, la lecture de la parole de Dieu avait une grande place. On tenait compte des oracles de Dieu et des exhortations faites par les apôtres relativement à ces écrits inspirés (2 Timothée 3:16 ; 2 Pierre 3:1-2). À cette lecture se joignaient l’enseignement et l’exhortation adressés à l’assemblée par celui qui y était appelé. C’est ainsi que nous voyons Paul « faire un discours » aux disciples assemblés pour rompre le pain, et que nous trouvons dans l’assemblée de Corinthe des « docteurs » pour enseigner, et d’autres qui parlaient pour édifier, exhorter et consoler (1 Corinthiens 12:28 ; 14:3, 4). L’apôtre recommandait que « le surveillant » fût « propre à enseigner » (1 Timothée 3:2).
Une collecte était faite pour ceux qui étaient dans le besoin. Chose touchante, fruit de l’amour, et qui est bien selon la pensée du Seigneur, qui a dit : « Vous avez toujours les pauvres avec vous, et quand vous voudrez, vous pourrez leur faire du bien » (Marc 14:7). Nous lisons encore : « Que chaque premier jour de la semaine chacun de vous mette à part chez lui » (1 Corinthiens 16:2), et encore : « Subvenant aux nécessités des saints » (Romains 12:13). Quantité d’autres passages des Actes et des épîtres nous montrent ces tendres soins exercés envers les pauvres, les malades, les prisonniers, et qui continuèrent à se montrer dans l’Église.
Ainsi, en toutes ces choses, l’Église était restée fidèle aux enseignements des apôtres et aux exemples donnés par les assemblées de leur temps. Mais, dans ce que dit Justin, nous avons pu remarquer deux choses qui n’ont pas de fondement dans le Nouveau Testament. La première est la coutume de porter la Cène à ceux qui étaient absents. Dans l’épître aux Corinthiens, nous voyons que la Cène se célébrait quand les fidèles étaient réunis « ensemble » (1 Corinthiens 11:20), et il n’y est pas question des absents. La seconde chose est le mélange de l’eau avec le vin de la Cène. Quelle que soit la pensée qui a donné lieu à cette pratique, rien dans l’Écriture ne l’autorise. On voit là cette fâcheuse tendance de nos cœurs à vouloir ajouter à ce que Dieu a établi, comme si nous pouvions perfectionner son ouvrage. Cela a été la source de toutes sortes d’abus et de maux dans l’Église.
D’autres coutumes et pensées humaines furent introduites parmi les chrétiens, sans qu’elles eussent la sanction de l’Écriture, et même en opposition avec son enseignement. Ainsi Justin parle autre part du pain et du vin de la Cène comme s’ils étaient vraiment changés dans le corps et le sang du Seigneur, au lieu d’en être simplement les signes. Une autre pensée inexacte est celle que l’eucharistie conférait en quelque sorte la grâce et l’assurance du pardon des péchés. Sans doute que s’approcher de la table du Seigneur, participer à ce repas qui nous rappelle son amour, annoncer sa mort jusqu’à ce qu’il vienne, est une grâce précieuse, une bénédiction très grande. Mais à qui appartient ce privilège ? Aux rachetés du Seigneur, membres de son corps, qui jouissent déjà du pardon de leurs péchés et de l’assurance du salut. On vient à la table du Seigneur, non pour recevoir ces grâces, mais parce qu’on les possède, et on vient là pour l’en bénir.
On avait une grande vénération pour les martyrs, et on le comprend. Ils avaient donné leur vie pour le Seigneur. Mais on en vint à les honorer après leur mort par des cérémonies spéciales. On se rassemblait le jour anniversaire de leur mort sur leurs tombeaux ; on y célébrait la Cène ; on priait même pour eux, et plus tard, on se figura qu’on pouvait s’adresser à eux comme à des intercesseurs auprès de Dieu. Ces superstitions s’introduisirent de bonne heure. Tertullien, à la fin du second siècle, en parlant contre les secondes noces, dit que la première femme a été « déjà reçue en la présence du Seigneur, elle pour l’esprit de laquelle tu fais des requêtes, pour qui tu offres des oblations annuelles ». Autre part, il parle d’intercession pour les morts, ainsi que le fait aussi Cyprien.
Une autre coutume s’est aussi introduite de très bonne heure, c’est le signe de la croix. Justin dit : « Le signe de la croix est sur notre front et sur notre cœur. Sur notre front, afin que nous puissions toujours confesser Christ ; sur nos cœurs, afin que nous l’aimions toujours ; sur notre bras, afin que nous agissions toujours pour Lui ». Tertullien, à son tour, nous apprend ceci : « Dans toutes nos allées et nos venues, dans nos voyages et tous nos mouvements, en mettant nos chaussures, au bain, à table, en allumant nos lumières, en nous couchant, en nous asseyant, à quelque occupation que nous vaquions, nous faisons le signe de la croix ». Il le recommande encore pour se garantir de la piqûre des scorpions. Les fidèles le faisaient aussi en entrant aux réunions et en en sortant. C’est ainsi que se frayait peu à peu le chemin des superstitions et des coutumes anti-bibliques du romanisme. C’est l’homme qui veut ajouter ses règles et cérémonies extérieures à ce que la parole de Dieu demande de son cœur.
Le signe de la croix fait, comme Tertullien le dit, en toute circonstance, devait montrer qu’en tout nous avons à nous souvenir de Jésus Christ ; mais il devint une pratique simplement machinale. Ce que Christ demande, c’est le cœur, et voici à ce sujet une recommandation bien importante de l’apôtre Paul : « Quelque chose que vous fassiez, en parole ou en œuvre, faites tout au nom du Seigneur Jésus » (Col. 3:17). Voilà à quoi nous appelle la parole de Dieu, et non à une vaine pratique dont elle ne parle pas, et que l’on accomplit sans que le cœur y soit. C’est notre cœur que veut Jésus, et quand notre cœur est à Lui, notre vie lui sera consacrée et lui rendra témoignage. Ce n’est pas par le signe de la croix, ce n’est pas par des vêtements ou des coiffures spéciales, ni par aucun emblème ou signe extérieur, que nous sommes appelés à le glorifier. Tout cela n’est que commandements d’hommes ; il faut nous en garder, quelque belle apparence que cela puisse avoir. Le Seigneur a dit : « Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, en sorte qu’ils voient vos bonnes œuvres », et non pas votre apparence extérieure, et Pierre nous exhorte à annoncer « les vertus de celui qui nous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière » (Matthieu 5:16 ; 1 Pierre 2:9).
Avant de nous occuper de cette question, nous dirons un mot des lieux où se réunissaient les chrétiens aux premiers temps. Dans les Actes et les épîtres, nous voyons que c’était dans quelque chambre haute, dans des maisons particulières, comme dans « l’école d’un nommé Tyrannus », ou chez quelque chrétien, heureux d’avoir l’assemblée dans sa maison (Actes 20:8 ; 19:9 ; Romains 16:5 ; Colossiens 4:15 ; Philémon 2). Ils n’élevaient point d’édifices qui auraient attiré sur eux l’attention ; ils savaient d’ailleurs qu’il n’y a plus de temple sur la terre, plus de monument qui puisse être appelé « la maison de Dieu ». La maison de Dieu était spirituelle, composée de tous les vrais croyants. On y adorait Dieu en esprit et en vérité. Partout, quel que fût l’endroit où deux ou trois étaient réunis au nom de Jésus, le Seigneur se trouvait au milieu d’eux ; là était la maison de Dieu, et il en est de même maintenant (1 Pierre 2:5 ; Jean 4:21, 23, 24 ; Matthieu 18:20). À Rome, objets de haine, poursuivis et réduits à se cacher pour servir Dieu, ils se réunissaient dans les catacombes où ils enterraient aussi leurs morts. Cet état de choses dura un certain temps, mais plus tard, comme nous l’avons dit, dans les intervalles de paix que laissaient les persécutions, les chrétiens élevèrent des lieux de culte publics que l’on nomma basiliques. Elles se composaient d’une nef et d’un chœur où se trouvait la table de communion que l’on nomma bientôt autel. Les simples fidèles se tenaient dans la nef ; le chœur était réservé aux membres du clergé ; ceux qui n’avaient point encore été baptisés et qui désiraient l’être, restaient en dehors dans un endroit nommé le parvis. On voit là combien l’on tendait à s’écarter de plus en plus de la simplicité de la parole de Dieu, où nous ne trouvons rien de semblable. Les formes usitées pour le baptême des néophytes (*) nous le montrera aussi.
(*) On nommait ainsi les nouveaux convertis qui désiraient être joints à l’assemblée chrétienne. Néophyte veut dire nouvellement né ou planté.
Dans ces temps où se déclarer chrétien était s’exposer au mépris général, à la perte de ses biens et souvent de sa vie, nous pouvons penser que, dans la plupart des cas, il y avait une conviction profonde de la vérité du christianisme et une œuvre de Dieu dans les cœurs. Il est cependant remarquable que, lorsqu’il s’agit de personnes désirant se joindre aux chrétiens, les auteurs anciens parlent très peu de la « conversion » et de la « foi », la foi qui sauve et justifie, ainsi que nous la voyons partout mentionnée dans le Nouveau Testament comme une chose absolument nécessaire. « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé », dit Paul au geôlier. « Vous êtes sauvés par la grâce, par la foi », écrit-il aux Éphésiens. Et aux Romains : « Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi » (Actes 16:31 ; Éphésiens 2:8 ; Romains 5:1). Au lieu de cela, il est question de la régénération et toujours en rapport avec le baptême, parce que l’on prenait les paroles du Seigneur : « Si quelqu’un n’est né d’eau et de l’Esprit », comme désignant cet acte, et qu’ainsi l’on croyait qu’on était « né de nouveau » quand on avait été baptisé. On pensait que le baptême purifiait de tous les péchés. Aussi plusieurs de ceux qui s’étaient déclarés chrétiens, comme l’empereur Constantin, par exemple, ne se faisaient-ils baptiser que sur leur lit de mort, afin de n’être pas exposés à commettre des péchés après leur baptême. Combien l’on avait oublié les précieuses vérités de la Parole qui nous dit que, non par le baptême, mais « le sang de Jésus Christ… nous purifie de tout péché » (1 Jean 1:7).
Qu’est-ce donc que le baptême ? Il est le signe de notre mort avec Christ, comme l’explique l’apôtre Paul en Romains 6:3-4, afin que nous marchions en nouveauté de vie. On l’administre comme signe que celui qui le reçoit entre dans l’Église chrétienne, qui est sur le terrain de la mort et de la résurrection de Christ. Mais on demandera peut-être aussi : « Que veulent dire les paroles du Seigneur, être né d’eau et de l’Esprit ? ». L’eau désigne la parole de Dieu, qui agit dans l’âme par la puissance du Saint Esprit pour la purifier et produire une vie nouvelle qui nous met en relation avec Dieu. Lisons avec soin les passages qui montrent clairement ce que nous venons de dire : « En la purifiant (l’Église) par le lavage d’eau par la parole » (Éphésiens 5:26). « Par parole » explique ce que veut dire l’eau. « Il nous a engendrés par la parole de la vérité » (Jacques 1:18), et vous avez été « régénérés… par la vivante et permanente parole de Dieu » (1 Pierre 1:23) ; ces passages nous font bien voir que ce n’est pas l’eau du baptême qui lave et régénère, mais que c’est l’action de la parole de Dieu.
Maintenant, voyons ce qui avait lieu avant la réception du baptême et comment cet acte s’accomplissait. On commençait par s’informer si celui qui désirait être baptisé avait une conduite recommandable. Dans ce cas, il devait avant tout recevoir une instruction qui durait un an ou plus. Cet enseignement comprenait d’abord toute l’histoire sacrée depuis la création, et les récits des évangiles. Ensuite, on traitait les sujets qui se rapportent à Dieu le Père, à Christ, au Saint Esprit, au corps et à l’âme, et au jugement à venir. Pendant que durait l’instruction celui qui la recevait portait le nom de catéchumène. Il était bien considéré comme chrétien, mais ne portait pas le nom de fidèle, réservé à ceux qui avaient reçu le baptême,
Les catéchumènes n’assistaient qu’à la première partie du service des chrétiens, c’est-à-dire à la lecture des Écritures et à l’exhortation. Cela terminé, un diacre les invitait à se retirer. Les fidèles seuls restaient pour le culte et la célébration de la Cène.
On choisissait pour baptiser le temps compris entre les fêtes de Pâques et de la Pentecôte (*). Pendant quarante jours, les catéchumènes se préparaient par le jeûne et la prière à recevoir le baptême. On leur faisait apprendre alors la confession de foi et l’oraison dominicale, et on les instruisait touchant la nature des sacrements et la discipline de l’Église. Le baptême était administré à minuit par l’évêque ou par un ancien, à la lueur des torches. Les femmes étaient séparées des hommes par des rideaux. Le catéchumène, tourné vers l’ouest, étendait la main et disait : « je renonce à toi, Satan, à toutes tes œuvres, à toutes tes pompes et à tout ton service ». Puis se tournant vers l’est, il répétait la formule de foi : « Je crois au Père, au Fils et à l’Esprit Saint ». On l’oignait alors d’huile et l’évêque le conduisait vers la piscine où il était plongé trois fois après avoir répété la confession de foi. Il était ensuite de nouveau oint d’huile et revêtu d’une robe blanche, symbole de la pureté de son âme après avoir été régénéré par le baptême. Il recevait le baiser de paix et on lui présentait un peu de miel et de lait. Alors, pour la première fois, il disait l’oraison dominicale. Il était compté parmi les fidèles et pouvait participer à la Cène. Dans les temps de persécution, on abrégeait souvent la durée du catéchuménat, et on donnait le baptême à ceux qui avaient confessé Christ.
(*) Déjà parmi les chrétiens s’était introduit l’usage de célébrer des fêtes à certains jours fixés. Mais rien, dans le Nouveau Testament, n’autorise cette coutume. Les Juifs avaient les fêtes établies par la loi de Moïse — les fêtes de l’Éternel. Mais tout cela a été aboli par la venue de Christ. C’était une ombre des choses à venir (Colossiens 2:16-17).
Tout ce cérémonial montre combien la simplicité évangélique s’était altérée et était remplacée par des formes dont nous ne trouvons aucune trace dans le Nouveau Testament. Que l’on compare avec ce que nous venons de dire des récits du livre des Actes des apôtres où il est question de baptême. Ceux qui ont entendu la prédication de Pierre et qui ont cru, sont baptisés et ajoutés à l’assemblée (Actes 2:41). Il en est de même à Samarie (8:12). L’officier de la reine Candace reçoit la parole du Seigneur, descend de son char et est baptisé sur la route déserte (8:36-38). Mais surtout lisons ce qui a lieu quand le geôlier à Philippes eut été converti (Actes 16:28-34). Il avait demandé, dans l’angoisse de son âme : « Que faut-il que je fasse pour être sauvé ? ». Et Paul et Silas lui avaient dit : « Crois au Seigneur Jésus, et tu seras sauvé, toi et ta maison », et ils lui annoncèrent la parole du Seigneur. Et cette même nuit, dans la prison ou dans sa demeure, il fut baptisé avec tous les siens, après avoir montré, par les tendres soins qu’il donne aux apôtres, ce que Dieu avait opéré dans son âme. Combien cela est simple. Ce que le Seigneur demandait, c’était que l’on crût en Lui. On était baptisé, on rompait le pain, on se réjouissait d’avoir cru et d’être sauvé, et le Seigneur avait soin que l’assemblée fût instruite, enseignée, édifiée par les pasteurs et les docteurs qu’il lui donnait (voir Actes 11:21-26). Et il en est de même maintenant. En général, les parents font baptiser leurs enfants et ils sont tenus de les élever sous la discipline et les avertissements du Seigneur (Éphésiens 6:4). Ils ont pour les diriger en cela la parole de Dieu. Et les enfants et jeunes gens peuvent suivre les réunions où les Écritures sont exposées et expliquées par des serviteurs de Dieu. Seulement, ils sont sous la responsabilité d’écouter et de retenir dans leurs cœurs les choses qu’ils entendent (Proverbes 3:1 ; Ésaïe 55:3 ; Luc 11:28). Souvent aussi Dieu met au cœur d’amis chrétiens de s’entretenir plus spécialement de la Parole avec les enfants et les jeunes gens. Et il faut en profiter, en être reconnaissants, et il faut lire soi-même la sainte parole de Dieu, en Lui demandant de nous la faire comprendre. Mais nulle part, dans cette Parole, nous ne trouverons qu’il faille un enseignement d’un an ou plus pour pouvoir participer à la Cène du Seigneur. Ce que Dieu demande, c’est la conversion du cœur et la foi au Seigneur Jésus comme Sauveur, accompagnées d’une vie sainte par la grâce et la puissance de l’Esprit Saint.
En parlant de l’église de Thyatire, nous avons déjà touché ce sujet. Nous entrerons maintenant dans quelques détails. Bien des abus et bien des erreurs s’étaient peu à peu glissés dans l’Église, soit dans ses ordonnances, soit dans le culte et même dans la doctrine. Une autre chose fâcheuse s’était introduite ; c’était l’établissement d’un clergé distinct des simples fidèles que l’on nommait les laïques ou le peuple. Le clergé formait un corps à part composé des évêques, des anciens ou presbytres, des diacres, et de plusieurs fonctionnaires en sous-ordre, tels que les sous-diacres qui aidaient les diacres, les acolytes qui suivaient l’ancien lorsqu’il portait la cène aux malades, les lecteurs chargés de la lecture et de la garde des Écritures, les exorcistes qui, dans la cérémonie du baptême, prononçaient les paroles par lesquelles on pensait éloigner du néophyte les puissances infernales. Or nous ne trouvons rien de semblable dans la parole de Dieu.
Nous n’y voyons mentionnées que deux charges dans l’Église : les anciens et les serviteurs ou diacres. À ces derniers appartenaient le soin des pauvres et des veuves, et la distribution des aumônes aux nécessiteux (Actes 6:1-6 ; 1 Timothée 3:8-13). Il y avait aussi des diaconesses ou servantes, comme nous le dit ce passage : « Or je vous recommande Phœbé, notre sœur, qui est servante de l’assemblée qui est à Cenchrée (*), afin que vous la receviez dans le Seigneur » (Romains 16:1). Quant aux anciens, ils sont aussi nommés surveillants, qui est la traduction du mot grec « episcopos » d’où l’on a fait évêque. On n’a qu’à lire ce que Paul dit aux anciens de l’église d’Éphèse : « Prenez donc garde à vous-mêmes, et à tout le troupeau au milieu duquel l’Esprit Saint vous a établis surveillants pour paître l’assemblée de Dieu » (Actes 20:28). Nous voyons par là que, dans une assemblée, il y avait plusieurs anciens, et que leur charge consistait à veiller sur le troupeau des fidèles afin d’y maintenir l’ordre, une saine doctrine et une conduite pure. Parmi les anciens, il pouvait y en avoir qui fussent spécialement doués pour présenter aux âmes la parole de Dieu et pour enseigner la vérité ; ceux-là et ceux qui présidaient dûment, qui s’appliquaient bien au gouvernement de l’assemblée, devaient être « estimés dignes d’un double honneur », c’est-à-dire particulièrement respectés, dit Paul à Timothée (1 Timothée 5:17).
(*) Cenchrée était le port de la ville de Corinthe. Cette ville est aussi mentionnée en Actes 18:18.
Qui établissait les anciens ? La Parole nous montre que c’étaient les apôtres ou quelqu’un, comme Tite, qui en avait reçu la commission de la part de Paul, un apôtre (Actes 14:23 ; Tite 1:5). Même quand il s’agit des serviteurs ou diacres, c’est bien l’assemblée qui les présente, mais ce sont les apôtres qui les établissent. Nous le voyons par ces paroles : « Jetez donc les yeux, frères, sur sept hommes d’entre vous, qui aient un bon témoignage, pleins de l’Esprit Saint et de sagesse, que nous établirons sur cette affaire » (Actes 6:3). Les anciens et les diacres étaient donc établis par l’autorité apostolique.
Mais il nous faut bien remarquer que l’Écriture ne nous dit pas qu’aucune autorité ait été laissée pour en établir après les apôtres. Il n’y a pas un mot dans la Parole qui confère aux assemblées cette autorité. On dit que toute société d’hommes a à sa tête des personnes qu’elle choisit pour la diriger et l’administrer, et qu’ainsi une église doit se choisir aussi de telles personnes. Mais raisonner ainsi, c’est faire des assemblées chrétiennes de simples associations d’hommes qui s’établissent des règles à leur convenance, tandis que ceux qui sont vraiment réunis au nom de Jésus, par l’action et la puissance de l’Esprit Saint, sont des assemblées de Dieu qui n’ont d’autre règle que la parole de Dieu. Christ est le Chef de l’Assemblée qu’il aime, qu’il chérit et nourrit (Éphésiens 5:23, 25, 29), c’est à Lui que nous devons laisser le soin de donner aux assemblées ce qui leur est nécessaire.
Remarquons à ce sujet ce que dit l’apôtre Paul aux anciens de l’assemblée d’Éphèse après les avoir avertis du mal qui s’introduirait dans l’Église après son départ. Ce n’est pas : « Faites-vous des règlements pour l’élection d’anciens, quand moi et vous, nous ne serons plus là » ; mais il dit : « Je vous recommande à Dieu, et à la parole de sa grâce » (Actes 20:32). Voilà donc ce qui restait après les apôtres : Dieu et sa Parole. N’était-ce pas tout à fait suffisant ? Certainement, et c’est aussi pleinement suffisant pour nous de nos jours.
Si l’on demande : « Mais qui instruira et édifiera dans les assemblées ? » la réponse est : « Ceux à qui Dieu a dispensé quelque don spirituel », comme il est dit dans les épîtres aux Romains et aux Corinthiens (Romains 12:6-8 ; 1 Corinthiens 14:1-4, 12). Ensuite nous voyons que le Seigneur Jésus donne des évangélistes et des pasteurs et docteurs (Éphésiens 4:11, 12) ; mais ceux-là n’ont pas besoin d’être établis par des hommes, puisque Jésus les donne et que l’Esprit Saint les qualifie. De plus, ils ne sont pas pour une assemblée locale, comme l’étaient les anciens et les diacres, mais pour toute l’Église.
Mais on dira peut-être encore : « Qui prendra soin des pauvres et des saints qui sont dans la nécessité, qui veillera sur l’ordre dans les assemblées ? ». Si nous nous attachons à la parole de Dieu et si nous nous attendons à Lui, soyons sûrs qu’il y pourvoira, en mettant au cœur de quelqu’un ou de quelques uns de s’employer pour Lui au service de l’Assemblée. C’est ainsi que, du temps de Paul, la maison de Stéphanas s’était « vouée au service des saints », et que d’autres coopéraient à l’œuvre du Seigneur et y travaillaient (1 Corinthiens 16:15-16).
On vit bientôt dans l’Église le danger qu’il y a à ne pas rester soumis à la parole de Dieu. Déjà à la fin du premier siècle, quand l’apôtre Paul était encore là, on voit Diotrèphe s’arroger une place d’autorité dans l’assemblée dont il faisait partie. Il aimait à être le premier et ne recevait pas l’apôtre et ceux qui lui étaient attachés (3 Jean 9, 10). C’était le commencement del’esprit clérical, en complète contradiction avec ce que dit Pierre aux anciens de son temps, de ne pas dominer sur le troupeau, mais d’en être les modèles (1 Pierre 5:2, 3). Ignace, le martyr, dans ses lettres, attribue à l’évêque, aux anciens et aux diacres, une place qui n’est nullement celle que leur donne l’Écriture. Nous voyons déjà alors celui qui, par ses dons, son dévouement ou son activité, se distinguait parmi les anciens d’une église, prendre ou recevoir le titre d’évêque qui n’est attribué qu’à lui seul. Les anciens sont son conseil ou les exécuteurs de ses ordres. Il était ainsi le chef de l’église. D’abord choisi par les anciens avec l’approbation de l’église, il fut plus tard nommé ou consacré par les évêques du voisinage, et alors ce fut lui qui nomma les anciens que confirmait l’assemblée. Tout un ordre humain s’introduisit ainsi dans l’Église, sans aucune sanction de l’Écriture. Peu à peu les évêques des localités de la campagne furent subordonnés à ceux des villes et n’eurent plus que le nom de presbytres. On forma ainsi des diocèses ou circonscriptions qui avaient à leur tête l’évêque, celui-ci ayant sous son autorité les églises de cette circonscription.
Au commencement, les évêques et les autres fonctionnaires des églises étaient simples dans leurs mœurs, travaillant souvent de leurs mains pour leur subsistance et ne recherchant pas le gain. Ils obéissaient ainsi aux exhortations des apôtres Pierre et Paul (1 Pierre 5:2 ; 1 Timothée 3:3). On pourvoyait aux besoins de ceux qui n’avaient point de ressources au moyen de dons volontaires, ou de dîmes, comme chez les Juifs. Dans les campagnes et les villes peu importantes, cette simplicité se conserva longtemps. Mais dans les grandes villes les dons étaient abondants, et les évêques et les hauts fonctionnaires qui en avaient la plus large part, commencèrent à vivre dans le luxe. Déjà Cyprien, évêque de Carthage, déplorait cette tendance. Au 6° siècle, les choses étaient venues au point qu’un auteur de ce temps, Ammien Marcellin (*), écrivait à propos des évêques de Rome : « Il ne faut pas s’étonner de voir ceux qui ambitionnent la grandeur humaine, lutter avec tant d’ardeur pour obtenir cette dignité (celle d’évêque). Le candidat préféré est enrichi par les offrandes des matrones (les dames romaines) ; ils peuvent alors déployer un grand faste, se faire traîner sur des chars magnifiques, vêtus de riches habits, et la somptuosité de leurs festins dépasse celle des tables royales. Ils seraient plus révérés si, au lieu d’étaler leurs vices, ils ressemblaient aux évêques de province, sobres, simples et modestes ». C’était cette gloire et cette puissance mondaines des évêques de Rome qui faisaient dire à un païen. « Faites-moi évêque de Rome, et je me fais chrétien ».
(*) Sans être païen, il ne professait pas le christianisme. Il écrivit une histoire de Rome qui allait de l’empereur Nerva à Valens, mais dont le commencement est perdu. Le reste comprend l’histoire de l’empereur Julien et de ses successeurs.
Voilà, hélas ! où en venaient peu à peu ceux qui auraient dû être les modèles des troupeaux. Combien peu ils ressemblaient à cet humble Jésus qui n’avait pas un lieu où reposer sa tête et dont, cependant, ils professaient être les disciples ! Combien peu ils marchaient sur les traces de Paul, le faiseur de tentes ! Ce sont bien eux qui sont représentés par ce serviteur dont parle le Seigneur et qui disait dans son cœur : « Mon maître tarde à venir », et qui se mettait à battre les serviteurs et les servantes, et à manger, et à boire, et à s’enivrer (Luc 12:45). Ce mal, une fois introduit, ne fit que s’accroître dans la période suivante de l’histoire de l’Église. Toutefois il ne faut pas oublier que ce n’étaient encore que des cas isolés, et qu’il y avait bien des évêques dévoués à leurs troupeaux et qui montrèrent un grand courage dans les persécutions.
La dernière persécution que les chrétiens eurent à subir avait été la plus générale et la plus terrible de cette période où les ennemis du christianisme tentèrent de l’anéantir par la violence. Bien loin d’y réussir, il ne fit que grandir sous l’épreuve, et par son influence et par le nombre de ceux qui l’embrassaient. L’ennemi du nom de Christ, Satan, changea alors de tactique. De lion rugissant (1 Pierre 5:8), il se montra ce qu’il n’a jamais cessé d’être, le serpent ancien et rusé qui séduit les cœurs par l’attrait des jouissances que le monde présente (Apocalypse 12:9). La puissance impériale devint la protectrice du christianisme, au lieu d’en être l’ennemie, et par là l’Église, au sein de laquelle s’étaient déjà introduits tant d’abus, fut amenée à s’associer au monde et oublia sa vocation céleste.
Pour bien comprendre ce que nous venons de dire, il faut nous rappeler que, lorsque le Seigneur Jésus était ici-bas, il fut rejeté du monde qui le haïssait et le mit à mort (Jean 15:24). Il disait à Pilate : « Mon royaume n’est pas de ce monde » (Jean 18:36). Il était venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité, pour accomplir la volonté de son Père, mais nullement pour y être riche, honoré d’une gloire terrestre, ni pour y exercer l’autorité parmi les hommes (Jean 18:37 ; 17:4 ; 2 Corinthiens 8:9 ; Jean 5:41 ; Luc 12:13-14). Il vint manifester ici-bas l’amour du Père dans une vie céleste, puis, ayant achevé l’œuvre du salut, il retourna au ciel. Que doivent donc être ici-bas ceux qui Lui appartiennent, ses disciples ? Le Seigneur l’a dit dans sa prière au Père : « Ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde » (Jean 17:16) ; et l’apôtre Paul écrivait aux chrétiens de Philippes : « Notre bourgeoisie est dans les cieux, d’où aussi nous attendons le Seigneur Jésus Christ » (Philippiens 3:20). L’Église, l’Assemblée, a pour Chef Christ dans le ciel. Quant à son appel, elle est donc céleste, comme son divin Chef. Si le chrétien est laissé dans le monde, c’est pour y être un témoin de la vérité et de la grâce de Dieu, en y vivant comme son Sauveur y a vécu, ainsi que Jésus l’a demandé au Père : « Sanctifie-les par la vérité ; ta parole est la vérité. Comme tu m’as envoyé dans le monde, moi aussi je les ai envoyés dans le monde » (Jean 17:17-18). Sanctifier veut dire mettre à part pour Dieu, alors que le monde « gît dans le méchant » (1 Jean 5:19), et est dominé par « la convoitise de la chair, la convoitise des yeux et l’orgueil de la vie » (1 Jean 2:16). C’est la parole de Dieu qui, reçue dans le cœur, opère, par l’Esprit Saint, cette mise à part pour le service de Dieu. Les chrétiens sont envoyés dans le monde, comme Jésus y avait été envoyé, pour y mener cette vie sainte. Par conséquent l’Église avait à marcher dans le monde ainsi que Christ y avait marché (1 Jean 2:6), séparée de ce monde qui a rejeté et fait mourir son divin Maître. Elle n’avait donc pas à s’associer à lui, à rechercher son approbation, ni à ambitionner les positions, les richesses, les honneurs qu’il peut donner. « Ne vous conformez pas à ce siècle ; mais soyez transformés par le renouvellement de votre entendement », telle est la parole de l’apôtre (Romains 12:2). Telle devait être l’Église, une lettre de Christ connue et lue de tous les hommes, une fiancée pure pour son céleste époux (2 Corinthiens 3:2-3 ; 11:2).
Mais par un effet de la ruse de l’ennemi, l’Église a méconnu sa haute, sainte et céleste vocation. Elle en est déchue, et elle est devenue du monde auquel elle s’est associée. Et elle n’a cessé, infidèle à son Seigneur et Maître, de continuer et même de progresser dans cette voie fatale. C’est pourquoi Jésus, s’adressant à l’église de Pergame, qui représente l’époque de l’Église où s’est consommée cette association, dit : « Je sais où tu habites, là où est le trône de Satan… parmi vous, là où Satan habite » (Apocalypse 2:13). Quelle chose terrible d’être là où habite Satan, le prince de ce monde, alors que la place de l’Église est le ciel ! Et descendant toujours plus cette pente funeste, l’Église en arrivera à perdre entièrement son caractère et est représentée par cette femme « vêtue de pourpre et d’écarlate, et parée d’or et de pierres précieuses et de perles », et qui dit dans son cœur : « Je suis assise en reine » (Apocalypse 17:4 ; 18:7).
Mais n’oublions pas que, dans toutes les périodes de l’histoire de l’Église, même les plus sombres, le Seigneur a eu ses fidèles témoins. Souvenons-nous aussi que, quelle que soit la ruine de l’église professante, l’Assemblée que Christ bâtit, composée des pierres vivantes, ne peut être touchée par Satan.
Venons-en maintenant au grand événement qui fut pour l’Église le commencement d’une nouvelle ère. Constantin, qu’on a surnommé le Grand, était fils de ce Constance dont nous avons parlé, qui gouvernait dans les Gaules au temps de Dioclétien et qui s’était montré favorable aux chrétiens. Après la mort de son père, Constantin fut élevé par l’armée au rang d’auguste et devint l’un des six compétiteurs à l’empire romain. Le sénat et le peuple de Rome, exaspérés par la cruauté du tyran Maxence qui régnait dans cette ville, appelèrent à leur aide Constantin. Celui-ci, heureux de cette occasion de se défaire d’un rival se dirigea sur l’Italie avec son armée, vainquit Maxence dans plusieurs rencontres et arriva aux portes de Rome. Là devait s’engager une action décisive. À ce moment, Constantin était encore païen de profession.
La veille même de la bataille, raconte Eusèbe, l’historien de l’Église, contemporain et ami de Constantin, celui-ci ayant offert des prières pour le succès de ses armes, vit dans les cieux, comme le soleil se couchait, une grande croix lumineuse avec cette inscription en lettres de flammes : « Par ce signe tu vaincras ». L’armée entière, dit-il, fut témoin de cette vision. Retiré dans sa tente, l’esprit rempli de ce qu’il avait vu, l’empereur dans la nuit eut un songe. Il lui semblait que le Sauveur se tenait près de lui, ayant à la main une croix semblable à celle qui lui était apparue dans le ciel, et qu’il lui ordonnait d’en faire une image qui serait placée sur ses étendards, lui donnant l’assurance qu’ainsi il serait victorieux dans tous les combats.
Constantin obéit. D’habiles ouvriers confectionnèrent, d’après ses indications, un étendard portant une croix ornée de pierres précieuses avec le monogramme de Christ (*). On nomma cet étendard le labarum, du mot assyrien labar qui signifie « victoire ». Dès lors il fut porté à la tête des armées impériales et confié à la garde de cinquante hommes d’élite que l’on considérait comme invulnérables par la vertu de la croix.
(*) Formé des deux premières lettres du nom de Christ en grec.
Constantin fit appeler des docteurs chrétiens qui lui enseignèrent quel était Celui qui lui était apparu, et quelle était la signification de la croix. Dès lors il se déclara converti au christianisme.
Les deux armées se rencontrèrent au pont Milvius, et Constantin remporta une victoire signalée sur Maxence qui en fuyant se noya dans le Tibre. Le vainqueur entra dans Rome et fit élever dans le Forum [La place publique] une statue qui le représentait tenant dans la main droite un étendard en forme de croix avec cette inscription « Par ce signe salutaire, vrai symbole de la bravoure, j’ai délivré notre ville du joug du tyran ». Il reconnaissait ainsi publiquement qu’il devait la victoire au Dieu des chrétiens et à l’emblème sacré de la croix. Mais pour le moment, son christianisme n’alla pas plus loin. Comme homme, il n’avait pas encore éprouvé le besoin personnel d’un Sauveur, et il est douteux qu’il l’ait jamais senti. Il accepta sérieusement le christianisme comme religion et l’apprécia très haut comme une puissance qui servait sa politique, mais Dieu seul sait s’il est jamais venu à Christ, le Sauveur, comme un pécheur perdu. Rien dans sa vie ne le prouve.
Avant de voir quelles furent les conséquences de la conversion de Constantin au christianisme, demandons-nous ce qu’il faut penser de cette vision et de ce songe. On ne peut certainement pas y voir une intervention divine, ni d’un autre côté suspecter la bonne foi de Constantin. Mais celui-ci, dont le père avait été favorable aux chrétiens et qui, à Nicomédie, avait été témoin de leur constance dans la persécution, était, dit Eusèbe, hésitant entre les deux religions. Il n’ignorait pas la fin terrible de plusieurs des persécuteurs, et il la comparait à la mort paisible de Constance. Au moment de livrer une bataille d’où dépendait son sort, il se demandait vers quel Dieu se tourner pour obtenir la victoire. Fortement préoccupé de ces pensées et d’un esprit porté à la superstition, il est possible que l’éclat du soleil couchant brillant dans les nuages, ait frappé sa vue, et que, son imagination aidant, il ait cru y voir la forme d’une croix qu’il savait être le symbole du christianisme. Il y aura vu une réponse à ses doutes et, dans son sommeil, un songe, résultat de son état d’esprit, l’aura confirmé dans sa résolution d’embrasser la religion chrétienne. Voilà comment nous pouvons nous expliquer ce fait.
Quoi qu’il en soit, cette conversion de Constantin au christianisme qui eut lieu en l’an 312, fut un événement d’une importance immense dans l’histoire de l’Église sur la terre, mais non pas, hélas ! pour son bien spirituel.
L’habileté militaire de Constantin, son courage et ses grands talents politiques, l’ont fait surnommer le Grand. C’est un titre que les hommes donnent à ceux qui ont remporté des victoires et fait des conquêtes. Mais ce n’est pas la vraie grandeur devant Dieu. Celle-ci consiste dans l’humilité, dans le renoncement, dans la victoire remportée sur le monde et les convoitises, dans l’exercice de la bonté, de la douceur, de la miséricorde et de la justice, en un mot dans la vraie conversion du cœur (Matthieu 18:1-4). Or, quel que fût le zèle que Constantin déploya pour la religion qu’il avait embrassée, on peut douter qu’il y ait eu chez lui une réelle conversion. Peut-être son intelligence se convainquit-elle que le christianisme valait mieux que le paganisme, sans que sa conscience et son cœur eussent été saisis par la vérité. Il ne faut pas oublier que Constantin était un politique habile. Il voyait l’influence croissante du christianisme ; il savait que les chrétiens étaient des sujets dociles, soumis aux lois, et que leur nombre lui assurait une force considérable, s’il les protégeait. Ces raisons pesèrent sans doute puissamment dans la balance, pour le faire renoncer à une religion vieillie et qui tombait en décadence, et lui faire adopter celle dans laquelle il voyait une puissance nouvelle qui servirait son ambition. C’est ainsi que les hommes comme lui agissent : mus par des vues humaines et dans leur propre intérêt, ils emploient pour cela même les choses saintes !
Pour ménager sans doute ceux qui restaient attachés à l’ancienne religion, il conserva plusieurs pratiques païennes. Ainsi, il inaugura son règne par l’apothéose, c’est-à-dire la mise au rang des dieux, de son père Constance. C’est ce que l’on avait coutume de faire pour tous les empereurs après leur mort, quelle qu’eût été leur vie. On leur élevait des statues et on les honorait comme des divinités. Convenait-il à un chrétien de faire une semblable chose ? L’apôtre Paul ne dit-il pas aux chrétiens : « Quelle convenance y a-t-il entre le temple de Dieu et les idoles ? Car vous êtes le temple du Dieu vivant » (2 Corinthiens 6:16). Et encore : « Mes bien-aimés, fuyez l’idolâtrie » (1 Corinthiens 10:14 ; voyez 1 Jean 5:21). Constantin prit aussi le titre païen de souverain pontife, c’est-à-dire celui qui était à la tête des chefs du culte idolâtre, et ses monnaies portent, avec le nom du Christ, l’image d’une divinité païenne. Il favorisait encore d’autres usages du paganisme. C’était associer Christ avec l’iniquité ; or la parole de Dieu dit : Quelle communion y a-t-il « entre la lumière et les ténèbres ? et quel accord de Christ avec Béliar ? » (2 Corinthiens 6:14-15 ; voyez Apocalypse 2:14). Constantin agissait ainsi pour ne pas froisser ses sujets païens. C’était habile, mais était-ce selon Dieu ?
Un autre trait du caractère de cet empereur est que rien ne l’arrêtait pour satisfaire ses vengeances ou arriver à bout de ses desseins ambitieux. Perfidies et meurtres, il employait tout sans scrupules. Il fit périr son beau-père, deux de ses beaux-frères, « dont l’un était Licinius, qui avait été empereur d’Orient. Sur une fausse accusation de sa seconde femme, l’impératrice Fausta, il fit mettre à mort son propre fils Crispus ; puis, ayant reconnu l’injustice de l’accusation, il fit aussi mourir Fausta. La parole de Dieu dit : « Aucun meurtrier n’a la vie éternelle demeurant en lui » (1 Jean 3:15).
En ayant ces tristes faits devant les yeux, on voit quel était l’homme qui se plaçait à la tête de l’Église, et on comprend mieux dans quel état de ruine celle-ci tombait. Peut-être est-ce parce que Constantin sentait combien peu sa vie répondait aux enseignements de l’Évangile, qu’il ne se fit baptiser que sur son lit de mort. Jusqu’à ce moment il fut seulement catéchumène. Comme on pensait que le baptême effaçait tous les péchés, le pauvre empereur crut sans doute s’assurer ainsi le ciel. Quelle erreur profonde ! Le sang de Christ seul purifie de tout péché, et Dieu demande que nous croyions à l’efficacité de ce sang, si nous voulons être sauvés (1 Jean 1:7 ; Romains 3:24-25). Il y avait aussi une grande responsabilité pour les évêques et docteurs de l’Église de laisser Constantin dans cette fatale erreur et cette fausse assurance ; mais, hélas ! ils n’étaient que trop heureux et trop fiers d’avoir le puissant empereur pour les protéger, les enrichir et mettre en honneur le christianisme, au lieu de le persécuter.
Car il faut bien dire, d’un autre côté, que le zèle de Constantin pour établir, affermir et répandre le christianisme, ne se démentit jamais. Jamais non plus il n’usa de contrainte violente envers ceux qui restaient fidèles au paganisme ; mais il protégea le christianisme de toutes ses forces et étendit sa faveur sur ceux qui le professaient. Ainsi il fit construire de nombreuses églises, et obligea les païens à réédifier celles qu’ils avaient renversées. Les communautés chrétiennes furent autorisées à recevoir des donations ; lui-même leur fit de riches dons. Les membres du clergé chrétien jouirent de tous les privilèges qu’avaient autrefois les prêtres païens. Ils furent comblés d’honneurs et de richesses, exemptés des charges publiques, et reçurent pour leur traitement et l’entretien du culte, des sommes tirées des revenus de chaque ville.
Le premier soin de Constantin en parvenant à l’empire, avait été de publier, de concert avec Licinius, empereur d’Orient, un édit de tolérance qui arrêtait toute persécution. Plus tard, Licinius n’ayant pas observé cet édit, Constantin en prit occasion pour lui faire la guerre, le vainquit, et devint seul maître du vaste empire romain, en l’an 323. Il continua à favoriser les chrétiens, leur donna les places dans les administrations publiques, prescrivit l’observation du dimanche, somma les gouverneurs de province encore païens de renoncer à leur culte idolâtre, et accorda des privilèges aux villes qui renversaient les autels des faux dieux, exhortant les populations à les abandonner. Plus tard, il interdit la célébration des fêtes païennes, et fit fermer les temples, sauf à Rome. Mais une chose plus réellement utile à l’Église fut l’ordre qu’il donna de faire, pour différentes églises, cinquante copies de la Bible en grec. À cette époque où l’imprimerie n’était pas connue, les livres se multipliaient par des copies faites à la main, et qui coûtaient fort cher. C’était donc un don à la fois riche et utile que l’empereur faisait aux églises.
De toutes manières, Constantin travailla donc à substituer au paganisme la religion nouvelle, au moins comme forme extérieure. Mais quels furent pour l’Église les résultats de cette association avec les pouvoirs du monde ? Tristes et fâcheux à tous égards. L’Église, dont l’empereur était devenu de fait le chef, bien qu’il semblât toujours plein de déférence pour les évêques, fut placée dans une étroite dépendance de l’État, elle qui ne devait avoir pour Chef que Christ. Elle devint ainsi toujours plus une puissance mondaine.
En second lieu, l’empereur professant le christianisme et favorisant les chrétiens, les foules ignorantes voulurent être de cette religion ; d’un autre côté, quantité de personnes plus instruites, désirant s’attirer la faveur de l’empereur, se rangèrent aussi sous ce drapeau. L’Église admit les uns et les autres dans son sein, sans conversion vraie. Ainsi il n’y eut plus, en général, qu’une profession de christianisme sans réalité vivante dans les âmes. La chrétienté, l’ensemble de ceux qui professaient être chrétiens, devint ce grand arbre dont parle le Seigneur dans la parabole, beau et puissant d’apparence, mais abritant toute sorte de mal (Matthieu 13:31-32). Et ce triste état de choses a subsisté dès lors, et même s’est toujours plus accentué, comme nous le voyons.
Un autre mal qui avait déjà commencé, même durant les persécutions, fut l’autorité toujours plus grande du clergé. Les honneurs que l’empereur lui conféra, ne firent qu’exalter ses prétentions à dominer sur le troupeau, et il en vint à se considérer comme représentant seul l’Église. Celle-ci s’organisa dans le cadre de l’administration impériale. Chaque cité avait son évêque, élu par le clergé et les fidèles, et sous l’autorité duquel les prêtres desservaient bourgs et villages. À la tête de chaque province était un métropolitain, ou archevêque. Pour décider des questions importantes de discipline ou de doctrine, les évêques se réunissaient en conciles, soit provinciaux, soit généraux, soit œcuméniques (universels). Les simples fidèles n’eurent qu’à se soumettre à ce que le clergé décidait. Nous avons déjà remarqué ce que dit à ce sujet l’apôtre Pierre (1 Pierre 5:1-4). Nous allons voir comment cet état de choses se manifesta, dans une occasion célèbre, sous le règne de Constantin.
Nous avons vu que des hérésies, c’est-à-dire des fausses doctrines, avaient surgi dans l’Église. C’est une triste partie de son histoire sur la terre, mais nous savons que l’apôtre Paul, en faisant ses adieux aux anciens de l’assemblée d’Éphèse, leur avait annoncé les efforts que ferait l’ennemi pour corrompre la foi des saints (Actes 20:29-30). Pierre aussi, dans sa seconde épître, dit : « Il y aura parmi vous des faux docteurs, qui introduiront furtivement des sectes de perdition, reniant aussi le Maître qui les a achetés » (2 Pierre 2:1). L’Esprit Saint mettait ainsi les fidèles en garde, et les conducteurs du troupeau devaient veiller pour que le mal ne s’introduisît pas parmi eux. Si pénible que soit ce sujet, nous avons à le considérer, afin qu’il en ressorte quelque enseignement pour nous.
Nous avons mentionné plusieurs de ces hérésies, mais celle qui causa le plus de mal dans l’Église, à cause de la gravité de son objet et de l’extension qu’elle prit, est l’arianisme. On la nomme ainsi du nom d’Arius, qui en fut le plus ardent promoteur et le plus habile défenseur, car on pense que la même fausse doctrine ou d’autres semblables avaient été tenues avant lui.
Arius, né vers l’an 270, était un prêtre de l’église d’Alexandrie, cette grande et célèbre ville d’Égypte. C’était un homme d’un extérieur imposant, en même temps que d’un abord très agréable et prévenant, de mœurs pures, ayant de vastes connaissances, beaucoup d’intelligence, une grande habileté dans le raisonnement, parlant avec aisance et exposant ses vues avec un talent persuasif. Mais sous une apparence d’humilité, il cachait un grand orgueil et une ambition démesurée. Il y a, sous ce rapport, de grands pièges pour les hommes richement doués sous le rapport de l’intelligence et du talent, et, s’ils sont chrétiens, ils ont à être particulièrement en garde contre les séductions de Satan qui cherche toujours les meilleurs instruments pour combattre la vérité. Tel fut Arius. Il avait tout ce qu’il faut pour séduire après avoir été séduit lui-même (2 Timothée 3:13).
La fausse doctrine d’Arius portait sur un point vital du christianisme, la gloire de Christ comme Fils éternel du Père. Arius enseignait que le Fils n’a pas existé de toute éternité ; qu’il était le premier et le plus excellent des êtres que Dieu le Père avait tirés du néant ; qu’il n’était donc qu’une créature, bien qu’infiniment élevée au-dessus des autres, et qu’en puissance et en gloire, il était, dans sa nature, inférieur au Père. En résumé, Arius niait la divinité éternelle de Christ. Pour lui, Christ était un Dieu, mais non pas Dieu. Or l’Écriture nous enseigne tout autrement.
Dieu est infini, et nous ne sommes que de pauvres créatures bornées ; nous ne pouvons donc sonder, connaître, ni comprendre le mystère de l’essence divine. Comme le disait un des amis de Job : « Peux tu, en sondant, découvrir ce qui est en Dieu, ou découvriras-tu parfaitement le Tout-puissant ? Ce sont les hauteurs des cieux — que feras-tu ? C’est plus profond que le shéol, qu’en sauras-tu ? » (Job 11:7 8). Mais il nous faut retenir et garder avec soin ce que Dieu nous a révélé de Lui-même dans sa Parole. Or partout elle nous dit qu’il y a un seul Dieu (Deutéronome 6:4 ; Marc 12:29 ; Jean 17:3 ; 1 Timothée 2:5). Mais en même temps, elle nous parle du Père qui est Dieu (Jean 17:3 ; 1 Corinthiens 8:6), du Fils qui est Dieu (Hébreux 1:8-9 ; Jean 1:1 ; Romains 9:5), et de l’Esprit Saint qui est Dieu (Actes 5:3-4, et comparez Actes 7:51, avec 2 Rois 17:14). Ce sont trois Personnes distinctes dans l’unité d’un seul Dieu ; l’Écriture l’enseigne clairement, mais c’est un mystère que notre faible esprit ne peut expliquer. Nous voyons constamment, dans le Nouveau Testament, ces trois Personnes divines agir d’un même accord, mais chacune d’une manière distincte, pour notre salut. Le Père qui est Dieu a, dans son amour, donné son Fils pour que nous ne périssions pas, mais que nous ayons la vie éternelle (Jean 3:16). Le Fils, Jésus Christ, qui est Dieu, nous a aimés, et est devenu un homme pour nous sauver en mourant pour nos péchés (Galates 2:20 ; Éphésiens 5:2) ; et l’Esprit Saint, qui est Dieu, agit dans nos âmes pour nous régénérer et nous donner l’assurance que nous sommes enfants de Dieu (Jean 3:5-6 ; Tite 3:5 ; Romains 8:15-16). Et, de plus, le Nouveau Testament est rempli de passages qui attestent la divinité éternelle du Seigneur Jésus, son unité de nature et son égalité avec le Père (Jean 1:1 ; 8:58 ; Romains 9:5 ; Jean 5:17-19 ; 10:30 ; 14:9). C’est cette grande vérité qu’Arius niait.
Il est très vrai que le Fils de Dieu est devenu un homme (Jean 1:14), et qu’ainsi il s’est abaissé en prenant la forme d’esclave, et a été fait un peu moindre que les anges (Philippiens 2:6-8 ; Hébreux 2:9). Et c’est là aussi un mystère que nous ne pouvons comprendre, cette union de Dieu et de l’humanité en une même Personne, l’Homme Christ Jésus, vrai homme et vrai Dieu en même temps (1 Timothée 2:5-6 ; 3:16). Aussi Jésus dit-il : « Personne ne connaît le Fils, si ce n’est le Père ». Aucune créature ne peut sonder le mystère de sa Personne (Matthieu 11:27 ; 1 Timothée 3:16). Mais pourquoi le Fils de Dieu s’est-il ainsi abaissé et est-il devenu un homme ? Ah ! nous le savons. Il est devenu un homme, afin de pouvoir se charger de nos péchés, afin de subir le jugement de Dieu, afin de souffrir et mourir à notre place. Comment sans cela, nous pécheurs, aurions-nous pu être sauvés ? Mais pour accomplir cette œuvre, il fallait qu’il fût Dieu. Pensons-nous qu’une créature, si excellente fût-elle, eût pu expier nos péchés ? Non ; la valeur infinie du sacrifice de Jésus vient de la grandeur infinie de sa Personne. Celui-là seul qui a fait les mondes, qui est le resplendissement de la gloire de Dieu et l’empreinte de sa substance, qui soutient tout par sa parole puissante, qui est Dieu, en un mot, pouvait faire par Lui-même la purification des péchés (Hébreux 1:1-3). Et Dieu, selon sa justice, n’aurait pu punir une créature pour nous. Son Fils seul pouvait se présenter comme victime.
Ainsi la funeste doctrine d’Arius non seulement privait le Seigneur Jésus de sa gloire comme Dieu sur toutes choses béni éternellement (Romains 9:5), mais détruisait aussi le fondement de notre rédemption, car si Christ n’est qu’une créature, il ne peut nous sauver. Mais il est, béni soit Dieu, « notre grand Dieu et Sauveur » (Tite 2:13), que nous adorons et adorerons durant l’éternité. Il est important que nous soyons bien au clair sur ce sujet, parce que la fausse doctrine d’Arius, sous une forme ou une autre, subsiste encore de nos jours. Satan, dès le commencement de l’Évangile, a cherché à diminuer ou à annuler la gloire du Seigneur et il continue. Retenons donc ferme les enseignements de la sainte Parole. Jésus « est le Dieu véritable et la vie éternelle » (1 Jean 5:20).
Arius prêchait avec zèle et succès ses fausses et pernicieuses doctrines dans la ville d’Alexandrie et dans les campagnes, et se faisait beaucoup de partisans. Alors l’évêque d’Alexandrie, qui se nommait Alexandre et qui était zélé pour la saine doctrine, le fit comparaître deux fois devant lui et le clergé de la ville. Alexandre, secondé énergiquement par le diacre Athanase, qui fut aussi plus tard évêque de cette ville, s’efforça de convaincre Arius de ses erreurs et de le faire se rétracter. Mais tout fut inutile. « L’impie Arius », s’écria l’évêque, « a osé proférer des blasphèmes contre le divin Rédempteur ». Et il convoqua à Alexandrie un concile, c’est-à-dire une assemblée des évêques des églises environnantes. Ce concile condamna Arius, ses doctrines et ses partisans. Il fut exclu de l’Église de la ville, et se retira en Palestine, où, nullement découragé, il continua avec activité à répandre ses vues. Par la puissance de sa parole, il gagna de nombreux partisans, parmi lesquels deux personnages très influents, Eusèbe, évêque de Césarée, l’historien de l’Église, et Eusèbe, évêque de Nicomédie. Ce dernier convoqua un concile en Bithynie, qui annula ce que le concile d’Alexandrie avait décidé et réhabilita Arius. On voit quelles tristes et profondes divisions se formaient et se creusaient dans l’Église où autrefois on n’était qu’un cœur et une âme, où l’on n’avait qu’une même pensée. Quel désolant spectacle aux yeux du monde païen ! Que devenaient les âmes des simples fidèles au milieu de ces dissensions ? Nous pouvons être sûrs que les soins du bon Berger ne manquaient pas à ceux qui étaient humbles de cœur, mais sans doute plusieurs étaient troublés et scandalisés. Mais c’est une chose précieuse de voir des hommes de foi comme Alexandre et Athanase se lever pour maintenir la gloire du Seigneur. Jésus le reconnaît, quand il dit à l’ange de l’assemblée de Pergame, qui représente cette période de l’histoire de l’Église : « Tu tiens ferme mon nom, et tu n’as pas renié ma foi » (Apocalypse 2:13). Que le Seigneur nous donne, dans les jours où nous vivons, d’être aussi fidèles à Christ et à sa Parole !
Qu’arriva-t-il après qu’Arius eut été réhabilité ? Il avait de nombreux partisans à Alexandrie ; ses amis sollicitaient Alexandre de le recevoir, Arius ayant dans ses correspondances habilement atténué celles de ses affirmations qui avaient le plus choqué. Mais Alexandre fut inflexible ; il tenait ferme pour la pure doctrine de Christ et se refusait à des compromis.
Bientôt toutes les églises d’Orient furent agitées et troublées par cette dispute où la vérité chrétienne était en jeu, et le bruit en vint à l’empereur Constantin qui s’en émut.
Il ne se rendait pas bien compte de la question, mais de même qu’il n’aurait pas voulu qu’on touchât à l’unité de l’empire, il pensait qu’il ne devait pas y avoir de divisions dans l’Église. Il chercha d’abord à ramener la paix entre les deux partis, par une lettre qu’il adressa à Alexandre et à Arius et qu’il envoya par Hosius, évêque de Cordoue en Espagne. C’était un fidèle serviteur de Christ, qui avait souffert durant les persécutions et qui n’approuvait pas les vues d’Arius. L’empereur dans sa lettre, pleine de sagesse humaine et de modération, exhortait Alexandre et Arius à cesser leurs querelles au sujet de questions vaines et subtiles. Il ne comprenait pas qu’il s’agissait, non de disputes de mots, mais de la gloire de Christ et du salut des âmes.
L’effort de Constantin échoua ; les deux partis refusèrent d’entendre Hosius, et l’empereur commença à voir que l’objet de la lutte était plus sérieux qu’il ne pensait. Il résolut donc de convoquer un concile général, c’est-à-dire une assemblée de tous les évêques de la chrétienté, dans l’espérance qu’ils établiraient la vraie doctrine, et mettraient fin pour toujours à des querelles qui n’engendraient que l’animosité.
Le concile devait se tenir à Nicée, ville de Bithynie (*). On fournit aux évêques tout ce qui leur était nécessaire pour leur voyage, absolument comme s’il se fût agi de fonctionnaires de l’État, et vers la fin du mois de juin de l’année 325, se trouva rassemblé ce vaste concours des conducteurs spirituels de l’Église, pour s’occuper principalement de la grande question qui touchait à la gloire de la Personne de Christ. Outre trois cent vingt évêques environ, l’assemblée se composait d’un grand nombre de prêtres (ou anciens) et de diacres. « La fleur des serviteurs de Dieu », dit Eusèbe, « venus des nombreuses communautés d’Europe, d’Afrique et d’Asie, se rencontrait là ». Ils avaient été convoqués par l’empereur lui-même ; et c’était lui, le maître du vaste empire romain, qui devait présider leurs assemblées.
(*) La Bithynie était une province située au nord-ouest de l’Asie mineure. Elle est mentionnée en Actes 16:7, et 1 Pierre 1:1.
Quel spectacle étrange, et pour les évêques, prêtres et diacres, les tout premiers. Bien peu d’années auparavant, ils étaient méprisés et livrés à l’opprobre, en butte aux plus cruelles persécutions, aux souffrances et aux tribulations, de la part d’empereurs qui haïssaient le christianisme. Un grand nombre d’entre eux portaient sur leurs corps les traces des supplices qu’ils avaient endurés pour le nom de Christ. Maintenant tout était changé. Les portes du palais impérial leur étaient ouvertes ; ils passaient sans crainte au milieu des gardes rangés sur leur passage pour leur faire honneur, et allaient s’asseoir à la table même de l’empereur. « C’était », dit encore Eusèbe, « comme une image du royaume de Christ, un rêve plus qu’une réalité ».
Cela paraît grand et beau aux yeux de l’homme ; il semble que ce fût un immense avantage et un glorieux triomphe pour le christianisme d’être arrivé à cette place d’honneur. Mais loin de là ; rien ne démontrait mieux le déclin de l’Église, combien elle était déchue de sa simplicité primitive et avait perdu sa beauté aux yeux de Dieu. Mieux valait pour elle l’opprobre et les souffrances de la persécution. Alors elle suivait son Seigneur dans la voie où il marcha Lui-même sur la terre, méprisé et séparé du monde, tandis que maintenant elle s’était associée au monde et lui était assujettie.
L’empereur arriva à Nicée le 3 juillet. Le jour suivant, les évêques se rassemblèrent dans une salle du palais préparée à cet effet. Un trône d’or y était dressé pour Constantin. L’assemblée, raconte Eusèbe, demeura dans un silence profond pendant l’entrée des hauts dignitaires de l’empire, et attendit avec une vive impatience l’arrivée de l’empereur. Enfin celui-ci apparut vêtu magnifiquement, couvert d’or et de pierreries, de telle sorte que les yeux des évêques étaient presque éblouis par cette splendeur inaccoutumée pour eux. À son entrée, l’assemblée entière se leva. Il se dirigea vers le trône préparé à son intention, mais, par déférence pour les évêques, il resta debout jusqu’à ce qu’on l’eût prié de s’asseoir. Après le chant d’une hymne, Constantin s’adressa en ces termes à l’assemblée : « En vous voyant ainsi réunis, mes bien-aimés, je jouis de l’accomplissement de mes plus ardentes supplications… Lorsque, par la faveur et avec l’aide du Tout-Puissant, mes armes eurent été rendues victorieuses, je pensai que je n’avais plus qu’à Le louer pour ses bénédictions, et à me réjouir avec ceux qu’il m’avait rendu capable de délivrer. .Mais lorsque la nouvelle inattendue de vos dissensions m’arriva, je jugeai aussitôt nécessaire de prendre la chose en considération. Espérant que je pourrais par là trouver un remède au mal, je me suis empressé de vous convoquer… Hâtez-vous donc, bien-aimés, comme de fidèles serviteurs et ministres de notre commun Seigneur et Sauveur, d’écarter d’entre vous les causes des dissensions actuelles… En faisant ainsi, vous rendrez au Tout-Puissant un hommage agréable, et vous m’accorderez une précieuse faveur à moi, votre compagnon de service ».
C’étaient là de belles paroles, sans doute, et Constantin était sincère dans son désir de rétablir la paix et l’unité dans l’Église. Mais était-il en son pouvoir, ou au pouvoir des évêques de le faire ? Non ; Dieu seul pouvait porter remède au mal, et pour qu’il agît, tous auraient dû s’humilier devant Lui et s’attendre à Lui.
Voyons ce qui se passa. Pendant les deux mois que dura le concile, l’empereur en présida habituellement les séances, écoutant patiemment les débats, et s’entretenant souvent en particulier avec quelques-uns des évêques. Plus d’une fois, il dut exhorter le concile à la charité et au support mutuels. Plusieurs évêques avaient porté devant lui des sujets de plainte qu’ils pensaient avoir l’un contre l’autre. L’empereur leur dit de mettre leurs griefs par écrit, et qu’à un jour fixé, il les examinerait. Mais le jour venu, il jeta au feu sans les lire, toutes ces récriminations, en disant qu’il ne lui appartenait pas de décider entre les différends des évêques chrétiens, et qu’il fallait remettre ces choses au jour du jugement.
Dans le concile se trouvaient plusieurs philosophes habiles dans l’art du raisonnement, et qui cherchaient à confondre leurs adversaires par des arguments subtils. Alors un vieillard vénérable d’entre les évêques, se leva et dit : « Le Christ et ses apôtres ne nous enseignent pas l’art de la logique, ni à user de vaines subtilités. Ils nous présentent la vérité toute simple et nue, afin que nous la gardions par la foi et dans la pratique des bonnes œuvres ». Les raisonneurs se turent.
Après de longues et sérieuses délibérations, le concile condamna Arius et sa doctrine. On dressa une confession de foi nommée depuis « le symbole de Nicée » dans laquelle on maintenait la doctrine de la sainte Trinité, et celle de la divinité de Christ et de son unité avec le Père en essence, en puissance et en gloire. Arius, appelé devant le concile, ne craignit pas d’exposer de nouveau et de soutenir les fausses doctrines par lesquelles il avait troublé l’Église. Athanase d’Alexandrie combattit avec énergie les raisonnements subtils du faux docteur, et établit avec force la vraie foi. La grande majorité des évêques, à l’ouïe des blasphèmes d’Arius, se bouchèrent d’un commun accord les oreilles, et prononcèrent l’anathème contre lui et ses enseignements.
Tous les évêques, à l’exception de quelques-uns, partisans d’Arius, signèrent la confession de foi. La décision du concile fut soumise à l’empereur qui, croyant reconnaître dans cette unanimité l’action de Dieu, la reçut avec respect. Mais il est à regretter qu’il déclara en même temps que tous ceux qui ne l’accepteraient pas, seraient envoyés en exil. C’était une sorte de persécution opposée aux principes de la parole de Dieu. Celle-ci nous dit : « Rejette l’homme sectaire » ; et elle nous recommande de n’avoir pas de communion avec ceux qui n’apportent pas la doctrine de Christ (Tite 3:10 ; 2 Jean 10). Mais elle ne commande pas aux autorités établies d’agir dans les choses qui concernent la foi. Ce fait-là nous fait aussi voir que l’Église, qui ne doit avoir pour chef que Christ, s’était placée, à son grand dommage, sous la dépendance du pouvoir séculier, c’est-à-dire du monde.
Les évêques qui n’avaient pas adhéré à la confession de foi, furent saisis de crainte en apprenant l’arrêt de l’empereur, et s’empressèrent de signer. Ils donnèrent ainsi un triste exemple de servilité humaine et de manque de droiture. D’autres n’agirent pas plus droitement en signant la confession de foi, mais en altérant un mot par le changement d’une lettre. Ils faisaient dire ainsi que Christ est semblable au Père en substance, mais non de même substance. C’était une misérable subtilité et un manque de vérité. Le Seigneur a dit : « Moi et le Père, nous sommes un » (Jean 10:30). Deux évêques d’Égypte seuls, Secundus et Théonas, maintinrent hardiment les vues d’Arius et furent avec lui bannis en Illyrie. Trois mois après, par ordre de l’empereur, Eusèbe de Nicomédie et Théognis de Nicée les suivirent dans leur exil. Des peines sévères furent prononcées contre tous les partisans d’Arius, ses livres furent condamnés au feu, et ce fut un crime de conserver secrètement un de ses écrits.
Tel fut le résultat du concile de Nicée quant à ce point important de la foi chrétienne. Il est triste de voir la puissance mondaine soutenir par la force la vérité de la Parole. Cela ne lui appartient pas. Mais d’un autre côté, on est heureux de voir la gloire de Christ maintenue par l’Église dans cette période représentée par l’assemblée de Pergame, de sorte qu’il y avait lieu de lui appliquer les paroles du Seigneur : « Tu tiens ferme mon nom » (Apocalypse 2:13).
Le concile décida d’autres sujets importants, comme par exemple la fixation du jour de la fête de Pâques. Les églises d’Orient la célébraient le vendredi, en mémoire de la crucifixion de Christ, et celle d’Occident, le dimanche, en souvenir de la résurrection. Ce fut pour ce dernier jour que le concile se décida, et dès lors la fête de Pâques se célébra le dimanche.
Si bon qu’il fût que le concile de Nicée ait condamné la fausse doctrine d’Arius, ce n’est pas sa décision qui fait loi pour nous. L’apôtre Paul qui, par l’Esprit, annonçait que d’entre les anciens même s’élèveraient des hommes qui annonceraient des doctrines perverses (Actes 20:30), et l’apôtre Pierre qui prédisait que de faux docteurs surgiraient parmi les chrétiens (2 Pierre 2:1-2), ne nous renvoient ni l’un ni l’autre, à des conciles pour établir la vérité. Paul dit : « Je vous recommande à Dieu, et à la parole de sa grâce » (Actes 20:32), et Pierre exhorte les chrétiens à se souvenir des paroles du Seigneur par les apôtres (2 Pierre 3:1-2). C’est donc à la parole de Dieu que nous devons recourir pour connaître la vérité, et non aux conciles, ni aucune autorité humaine.
Quant à la fête de Pâques, que la chrétienté célèbre en souvenir de la résurrection, nous savons qu’il n’est jamais question, pour nous chrétiens, de fêtes instituées par le commandement de Dieu dans sa Parole. Au contraire, elles sont plutôt condamnées en principe (Colossiens 2:16-17). Ce sont des ordonnances humaines, établies dans l’Église en imitation des fêtes juives et, hélas ! quelquefois des fêtes païennes. Si l’apôtre, dans le passage que j’ai cité, condamnait les fêtes juives comme ayant pris fin, ce n’est pas pour que les chrétiens les rétablissent. Chaque premier jour de la semaine nous rappelle la résurrection du Seigneur. C’est pour cela qu’en ce jour-là, l’on est heureux de se rassembler comme le faisaient les premiers chrétiens (Actes 20:7), pour rendre culte à Dieu et à l’Agneau mort et ressuscité, et pour rappeler à la table du Seigneur sa mort jusqu’à ce qu’il vienne (1 Corinthiens 11:23-26).
La fête de Pâques fut célébrée de bonne heure dans l’Église, accompagnée de quantité de cérémonies, et sous l’empire de fausses idées qui montrent à quel point l’Église s’était écartée de la simplicité des Écritures.
Nous venons de voir quel tableau toujours plus triste présente l’histoire de l’Église sur la terre. Satan, l’ennemi de Christ, s’est efforcé dès le commencement de ruiner l’édifice que les apôtres avaient commencé d’élever (voyez 1 Corinthiens 3:10-15), en introduisant dans l’Église de mauvaises doctrines et de faux enseignements (voir Actes 20:30 ; 2 Pierre 2:1). Et enfin, il s’est attaqué, comme il le fait encore, au fondement même, à la Personne adorable du Seigneur Jésus Christ : c’est ce que faisaient Arius et ses sectateurs, c’est ce que font de nos jours tant de personnes au sein de la chrétienté.
Mais le fondement ne peut être ébranlé ; il demeure, en dépit de tous les efforts de l’ennemi. À Pierre qui avait dit : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant », Jésus répond : « Sur ce roc je bâtirai mon assemblée, et les portes du hadès (la puissance de Satan) ne prévaudront pas contre elle » (Matthieu 16:16-18). Le Fils du Dieu vivant est le rocher inébranlable sur lequel l’Église, composée des vrais croyants, est bâtie ; tous les efforts de l’ennemi ne sauraient détruire le fondement, ni ce que Christ établit dessus.
Dans tous les temps, le Seigneur a suscité des témoins pour maintenir la vérité de ses paroles. Athanase, au 4° siècle, fut un de ces témoins. Il combattit avec énergie et constance, fidèle à travers des persécutions, pour la doctrine fondamentale du christianisme, la divinité éternelle de Christ. Jetons un coup d’œil sur la vie de ce serviteur de Dieu, qui la consacra tout entière à la défense de cette vérité dont il comprenait et sentait toute l’importance, selon cette parole de l’apôtre : « Celui qui a le Fils a la vie, celui qui n’a pas le Fils de Dieu n’a pas la vie. » (1 Jean 5:11-12). Et autre part : « Quiconque nie le Fils n’a pas non plus le Père ; celui qui confesse le Fils a aussi le Père » (1 Jean 2:23).
Athanase était né de parents chrétiens à Alexandrie, vers l’an 296. Appliqué de bonne heure à l’étude des saintes lettres, il fut remarqué par l’évêque Alexandre, qui fit de lui son secrétaire et l’emmena en qualité de diacre au concile de Nicée. Là, comme nous l’avons vu, il défendit la vérité contre la fatale erreur d’Arius, et contribua puissamment à faire proclamer par le concile la divinité du Sauveur.
En l’an 326, Alexandre mourut, et l’église d’Alexandrie choisit pour son successeur Athanase qui n’avait alors que trente ans. Athanase qui comprenait les grands devoirs et les difficultés d’une telle charge, aurait bien voulu s’y soustraire, mais il céda aux instances pressantes des chrétiens d’Alexandrie, et s’appliqua dès lors de toute son âme à accomplir les devoirs de la position qu’il avait acceptée.
L’élévation d’Athanase au siège épiscopal d’Alexandrie, cette ville qui avait une grande influence dans le monde, remplit de joie tous ceux qui étaient attachés à la vraie doctrine scripturaire proclamée par le concile de Nicée ; mais les évêques qui tenaient le parti d’Arius, comme Eusèbe de Nicomédie et Eusèbe de Césarée, en éprouvèrent contre Athanase des sentiments d’inimitié d’autant plus grands. Ils réunirent tous leurs efforts pour le perdre, en amenant l’empereur à sévir contre lui. D’abord ils obtinrent de Constantin un décret ordonnant à Athanase, sous peine d’être déposé, de recevoir dans la communion de l’église d’Alexandrie Arius et ceux de ses adhérents qui le désiraient. Athanase répondit avec fermeté qu’il ne pouvait recevoir des personnes condamnées par une décision de toute l’Église.
Ses ennemis alors portèrent contre lui des accusations telles que l’empereur, à moitié persuadé de sa culpabilité, convoqua un concile à Tyr et ordonna à Athanase de s’y rendre. Bien que le concile se composât en grande partie de ses ennemis, il s’y présenta. On l’accusa, entre autres crimes, d’avoir fait mourir Arsène, évêque des Mélétiens, et d’avoir conservé un de ses bras pour servir à des opérations magiques. Pour preuve, on présenta un bras desséché renfermé dans une cassette. À cette vue un frisson parcourut l’assemblée, et même ceux qui étaient favorables à Athanase se demandaient comment il pourrait se disculper.
Mais lui, sans se laisser troubler, demanda si quelques-uns des évêques présents avaient connu personnellement la prétendue victime. Sur leur réponse affirmative, il fit introduire devant le concile un homme entièrement couvert d’un manteau. Écartant le vêtement, il demanda : « Est-ce ici Arsène que l’on m’accuse d’avoir assassiné, et dont j’aurais coupé le bras ? ». C’était en effet Arsène que les Ariens tenaient caché, mais qui s’était échappé de sa retraite et qu’Athanase faisait paraître pour confondre ses accusateurs.
Le Seigneur avait protégé son serviteur et manifesté son innocence, mais quel tableau nous avons là de l’état de l’Église, ou plutôt de ceux qui y occupaient la place de conducteurs !
Les ennemis d’Athanase ne se découragèrent pas. Laissant de côté les questions religieuses, ils l’accusèrent auprès de l’empereur d’avoir menacé d’arrêter le départ des vaisseaux qui devaient porter du blé à Constantinople, et cela afin d’amener une famine dans la nouvelle capitale de l’empire. Athanase comparut devant Constantin et se justifia aisément. Il ne fut pas moins déposé de sa charge et banni à Trèves dans les Gaules.
Sur ces entrefaites, Arius était revenu triomphant à Alexandrie. Mais sa présence y ayant suscité des troubles graves, l’empereur le fit venir à Constantinople où il ordonna à Alexandre, évêque de cette ville, de le recevoir dans la communion de l’Église le jour suivant, qui était un dimanche. Le vieil évêque — qui avait près de cent ans — dans sa perplexité se tourna vers le Seigneur le suppliant d’intervenir pour empêcher cette profanation. Arius se vantait déjà de son triomphe, mais dans la nuit, frappé d’une maladie douloureuse, il mourut. Constantin le suivit de près, ayant été baptisé seulement sur son lit de mort, comme nous l’avons dit.
Ses trois fils, Constantin, Constance et Constant, se partagèrent l’empire. Alexandrie se trouva dans la part de Constantin, qui rappela d’exil Athanase et le rendit à son troupeau, à la grande joie de celui-ci qui était profondément attaché à son évêque. Mais Constantin mourut en l’an 340, et les Ariens, soutenus par Constance, déposèrent de nouveau Athanase dans un concile tenu à Antioche en 341. Ils mirent à sa place Grégoire de Cappadoce. Cet homme, violent et éhonté, soutenu par le préfet d’Égypte, entouré d’une troupe de soldats et même de païens et de Juifs, s’empara de vive force des églises. Des scènes de violence et d’impiété eurent lieu, et Athanase ne put s’échapper qu’à grand peine. Il se réfugia à Rome où Jules, évêque de cette ville, le reçut, et où il resta sept années. Il fut protégé par l’empereur Constant, qui ne favorisait pas les Ariens, et qui obtint de son frère qu’un concile fût réuni à Sardique, en Illyrie, pour mettre un terme aux troubles dans l’Église. Athanase fut rétabli encore une fois dans sa charge, et Grégoire de Cappadoce étant mort, il put rentrer sans opposition à Alexandrie, où de nouveau il fut accueilli avec des transports de joie.
Mais sa tranquillité dura peu de temps. Il devait continuer à faire l’expérience que ceux qui veulent être fidèles au Seigneur souffriront de la part du monde. Constant mourut, et Constance, le protecteur des Ariens, devint seul maître de l’empire. Pour faire condamner Athanase, il convoqua à Milan un concile où il assista entouré de sa garde. Les ennemis d’Athanase présentèrent avec habileté sa déposition comme la seule mesure qui rendrait la paix à l’Église, et, malgré l’énergique protestation des amis de l’évêque, Constance prononça la condamnation d’Athanase qui fut solennellement déposé.
Il s’ensuivit une persécution contre tous les partisans de l’orthodoxie. Plusieurs furent emprisonnés et d’autres bannis. Athanase reçut l’ordre de quitter Alexandrie, mais son troupeau ne voulait pas le laisser partir. Un soir que l’évêque était dans l’église avec le peuple réuni autour de lui, un corps de 5000 soldats cerna l’église et voulut y pénétrer pour s’emparer de l’évêque. Celui-ci calma son troupeau terrifié, et ils commencèrent à chanter le Psaume 135:
« Louez le nom de l’Éternel ; louez-le, serviteurs de l’Éternel,
Qui vous tenez dans la maison de l’Éternel, dans les parvis de la maison de notre Dieu !
Louez l’Éternel ! car l’Éternel est bon ».
Mais les portes furent enfoncées, une troupe de soldats se précipita dans l’église et en chassa le peuple avec une violence cruelle. Athanase ne voulait pas fuir, mais le peuple l’entraîna, et ses amis parvinrent à le faire échapper. Il se réfugia parmi les moines et les ermites de la Thébaïde, errant durant six ans de solitude en solitude, poursuivi par les soldats envoyés pour se saisir de lui. Plusieurs de ceux qui le cachaient courant risque de leurs vies, il se vit forcé de s’enfoncer toujours plus avant dans les déserts. On raconte qu’ayant été reçu dans une maison, on l’avait caché dans une citerne vide. Une servante qui était chargée de lui porter des vivres, le trahit et découvrit le lieu de sa retraite. Mais la nuit où les soldats devaient venir le prendre, Athanase, par une direction de Dieu, avait quitté son lieu de refuge ; le maître et la maîtresse de la maison s’étaient aussi enfuis, et la servante demeurée seule, fut punie comme ayant donné au magistrat un faux avis. Quelle triste chose de voir un serviteur de Dieu ainsi poursuivi, non par des païens, mais par ceux qui prétendaient au nom de chrétien ! Hélas ! c’est un fait qui ne s’est que trop souvent reproduit dans l’histoire de la chrétienté.
Constance mourut en 361, et Julien l’Apostat lui succéda. On l’a surnommé ainsi, parce que, élevé dans la religion chrétienne, il retourna au paganisme qu’il favorisa de toutes ses forces. Au commencement, il rappela tous les évêques exilés. Il pensait ainsi montrer sa modération, tout en espérant qu’en laissant les partis chrétiens se combattre, le christianisme se détruirait par lui-même. Athanase revint donc à Alexandrie et se dévoua avec tant de zèle, soit à apaiser avec douceur les querelles, soit à annoncer l’Évangile, que nombre de païens se convertirent. Julien en fut très irrité et ordonna à l’évêque de quitter la ville. Athanase se cacha quelque temps dans le voisinage, et la mort de Julien, survenue après un court règne de 22 mois, lui permit de revenir auprès de son troupeau.
Il dut encore le quitter pendant quelques mois sous le règne de l’empereur arien Valens. Mais celui-ci, craignant que des troubles ne survinssent dans Alexandrie, où il savait que le peuple était fortement attaché à son vieil évêque, le laissa bientôt revenir occuper son poste. Athanase y termina paisiblement sa vie si agitée, dans l’année 373. Il entra dans le repos céleste, après avoir combattu fidèlement pour maintenir la gloire de son Seigneur et Sauveur. On peut lui appliquer les paroles de Jésus à l’ange de l’assemblée de Pergame : « Tu tiens ferme mon nom, et tu n’as pas renié ma foi » (Apocalypse 2:13). Il fut ainsi un des vainqueurs à qui est faite la belle promesse du verset 17: « Je lui donnerai de la manne cachée, et je lui donnerai un caillou blanc, et, sur le caillou, un nouveau nom écrit, que nul ne connaît, sinon celui qui le reçoit ». La communion intime et cachée avec son Sauveur consola et fortifia Athanase pendant les épreuves multiples de sa longue vie.
Citons, en terminant, quelques paroles de l’un des écrits de ce défenseur de la vérité : « Peut-on, si on a le moindre bon sens, ne pas aimer mieux se trouver du côté du petit nombre qui marchent dans la voie du salut, que d’être avec le grand nombre qui suivent la voie large aboutissant à la mort ? Vous pouvez préférer, si vous voulez, être dans la foule de ceux qui périront dans le déluge universel ; pour moi, je veux me réfugier et me sauver dans l’arche avec le petit nombre. Joignez-vous, si vous l’aimez, au grand peuple de Sodome, quant à moi je veux avec Lot me séparer de la multitude pour ne pas périr avec elle ».
À mesure que nous avançons dans l’histoire de l’Église sur la terre, nous la voyons s’écarter de la simplicité première et des enseignements que le Seigneur a donnés par ses saints apôtres et prophètes. Elle oublie de plus en plus leurs avertissements (2 Pierre 3:1-2 ; Jude 17). La lumière qu’elle devait répandre comme une lampe brillante (Apocalypse 1:20), s’obscurcit toujours davantage, jusqu’à ce qu’enfin viennent les ténèbres profondes de cette époque que l’on nomme le Moyen Âge.
Malgré cela, cette histoire nous fournira de précieux enseignements, en l’étudiant à la lumière de la parole de Dieu. Nous y verrons comment l’homme se livrant à ses propres pensées, s’égare et corrompt ce qu’il y a de meilleur, mais nous y verrons aussi comment, dans les temps les plus sombres, la grâce de Dieu agit, et comment il y a toujours eu des témoins de cette grâce.
Dans la seconde moitié du troisième siècle commença à se former une institution qui se développa toujours plus à mesure que la corruption de l’Église s’accentuait, et qui eut une très grande, et, en général, une mauvaise influence dans l’Église. C’est la vie monacale, ou des moines.
Disons un mot de l’origine de ces institutions. De bonne heure, il y eut, parmi les chrétiens, des personnes qui cherchaient à atteindre à un haut degré de sainteté et de spiritualité. Poursuivre la sainteté est une exhortation adressée à tous les croyants (Hébreux 12:14). Nous sommes tous appelés à la sainteté ; l’apôtre Paul le disait aux Thessaloniciens, et Pierre dit aussi : « Comme celui qui vous a appelés est saint, vous aussi soyez saints dans toute votre conduite » (1 Thessaloniciens 3:13 ; 4:3 ; 1 Pierre 1:15). Les personnes dont nous parlons, et que l’on nommait des ascètes, ermites ou anachorètes, se proposaient donc un but qui était bon en lui-même, et vers lequel tous les chrétiens doivent tendre, mais elles erraient quant aux moyens d’y arriver. Elles pensaient qu’il fallait faire mourir la chair avec ses passions et ses convoitises, et pour cela, châtier son corps, s’imposer des privations et des macérations. Elles croyaient qu’elles parviendraient ainsi à vaincre les tentations du monde, de la chair et du diable, et en être affranchies. Ce n’est pas là l’enseignement de la parole de Dieu. Jamais par ses propres efforts, ni par ses austérités, un homme ne parviendra à la sainteté, comme plus d’un exemple le montre. Que nous dit l’Écriture à cet égard ? Elle nous enseigne que ceux qui ont cru au Seigneur Jésus et qui Lui appartiennent « ont crucifié la chair avec les passions et les convoitises », et non pas doivent crucifier la chair : ils en ont fini avec ces choses. De plus, elle dit qu’ayant reçu de Dieu, par le Saint Esprit, une nouvelle vie, ils ont aussi à marcher, c’est-à-dire à se conduire, par la puissance de ce même Esprit qui habite en nous dans « l’amour, la joie, la paix, la longanimité, la bienveillance, la bonté, la fidélité, la douceur, la tempérance ». C’est là le fruit de l’Esprit et la vraie sainteté (Galates 5:22-25). Ainsi, ce n’est pas par nos propres forces et nos efforts que nous marcherons saintement, mais par la force de Dieu en nous. Et ce n’est pas en nous occupant de nous-mêmes pour savoir si nous sommes assez saints, que nous y parviendrons ; mais c’est en ayant nos cœurs et nos pensées occupés du Seigneur Jésus, notre modèle. Le Saint Esprit nous transformera alors de plus en plus à son image, et nous nous purifierons comme Lui est pur (lire 1 Pierre 2:21 Philippiens 2:5 ; 4:7-8 ; 2 Corinthiens 3:18 ; 1 Jean 3:3). Cela évidemment ne doit pas nous empêcher d’être vigilants et sobres, et nous ne devons pas prendre soin de la chair pour satisfaire à ses convoitises (1 Pierre 1:13 ; Romains 13:14). Dieu opère en nous le vouloir et le faire, et c’est pour cela que nous sommes sous la responsabilité de travailler à notre salut avec crainte et tremblement (Philippiens 2:12-13).
Les ascètes crurent aussi qu’afin d’échapper à la corruption qui règne dans le monde et aux tentations que l’on y rencontre, le mieux à faire était d’en sortir et d’aller vivre dans la solitude. Plusieurs se retirèrent donc dans des lieux déserts, ayant pour retraites des cavernes ou des huttes qu’ils se bâtissaient. Là, ils pratiquaient leurs exercices religieux et se livraient à leurs austérités, priant, méditant, luttant contre le diable et les tentations, châtiant leurs corps par le jeûne, couchant sur la dure et se privant de sommeil. On donna à ceux qui se retiraient ainsi loin des autres hommes, le nom d’ermites, d’un mot grec qui veut dire « désert », on d’anachorètes, qui signifie « ceux qui se retirent ».
En ceci encore, ils suivaient leurs propres pensées, et s’écartaient des enseignements du Seigneur. La parole de Dieu nous dit bien : « N’aimez pas le monde, ni les choses qui sont dans le monde » (1 Jean 2:15) ; elle dit aussi que nous ne sommes pas du monde, mais elle ne nous dit pas d’en sortir. Au contraire, le Seigneur Jésus, priant pour ses disciples, dit à son Père : « Je ne fais pas la demande que tu les ôtes du monde, mais que tu les gardes du mal » (Jean 17:15) Dieu n’est-il pas puissant pour exaucer en notre faveur cette prière de son Fils bien-aimé ? C’est par la foi en ses promesses que nous échappons à la corruption qui est dans le monde par la convoitise, et c’est par sa grâce que nous pouvons vivre dans le présent siècle, sobrement, justement et pieusement (2 Pierre 1:4 ; Tite 2:12). Sans cela, quand même nous nous retirerions dans le désert le plus reculé et le plus aride, nous y porterions notre méchant cœur naturel, Satan nous y suivrait pour nous tenter par les convoitises et l’orgueil, et la solitude ne nous donnerait pas la moindre force pour résister. D’ailleurs, loin d’avoir à sortir du monde, Dieu nous y laisse pour y être les témoins du Seigneur Jésus, pour y annoncer ses vertus (1 Pierre 2:9), pour y marcher d’une manière digne de Lui et comme des enfants de Dieu irréprochables, brillant comme des flambeaux dans le monde, portant devant nous la parole de vie (Colossiens 1:10 ; Philippiens 2:15-16).
Il faut ajouter qu’une des causes qui conduisirent des chrétiens à se retirer dans les déserts, fut la persécution. Ils s’enfuyaient là pour échapper à la prison, aux tortures et à la mort. Plusieurs d’entre eux trouvant dans la solitude une vie paisible, y restèrent et augmentèrent le nombre des ermites. Ce fut, par exemple, le cas d’un jeune homme d’Alexandrie, nommé Paul. Lors de la persécution de Décius, il s’enfuit dans le désert de la Thébaïde, dans la Haute-Égypte. Il trouva une grotte avec une source ombragée d’un palmier, et y demeura jusqu’à la fin de ses jours. On le regarde quelquefois comme le premier ermite, et l’Église romaine l’a mis au nombre de ses saints. Mais le véritable père des ermites et des moines, fut Antoine (*).
(*) L’Église romaine ajoute à son nom, comme à celui de beaucoup d’autres, l’épithète de « saint ». Mais la parole de Dieu appelle « saints » tous les vrais chrétiens. Voyez à ce sujet, entre autres passages, les adresses de beaucoup d’épîtres de Paul : Romains 1:7 ; 1 Corinthiens 1:2 ; 2 Corinthiens 1:1 ; Éphésiens 1:1 ; Philippiens 1:1 ; Colossiens 1:1. Voir encore Jude 3. Tous les rachetés de Christ ont été sanctifiés, de par la volonté de Dieu et l’offrande du corps de Christ (Hébreux 10:10). C’est pourquoi ils sont exhortés à vivre « comme il convient à des saints » (Ephséiens 3:3).
Antoine fut certainement un homme remarquable à plusieurs égards, ayant de vrais besoins d’âme et de la piété. Mais il se laissa souvent conduire par ses propres pensées et son imagination, au lieu de s’attacher simplement à la parole de Dieu, et ainsi fit fausse route en plus d’une chose.
Il naquit de parents riches, vers l’an 251, à Coma, dans la Haute-Égypte, et montra dès son enfance un caractère sérieux, réfléchi et réservé. Il n’avait pas grand goût pour les études, et attachait peu de valeur au savoir humain ; mais il désirait ardemment acquérir la connaissance des choses de Dieu, et aimait à entendre lire sa Parole dans l’assemblée des chrétiens. On se souvient que c’était une des parties importantes du culte dans la primitive Église.
Ayant perdu ses parents de bonne heure, il se trouva, à l’âge de dix-neuf ans, possesseur d’une grande fortune. Un jour, la portion des Écritures qui fut lue dans l’assemblée, était l’histoire du jeune homme riche (Luc 18:18-22). Antoine fut frappé par ces paroles : « Vends tout ce que tu as et distribue-le aux pauvres, et tu auras un trésor dans les cieux ; et viens, suis-moi ». Il y vit un appel que Dieu lui adressait directement. Aussitôt il donna ses terres aux habitants de son village, et aux pauvres le reste de son avoir, ne se réservant que le strict nécessaire pour ses besoins et ceux de sa sœur unique. Quelque temps après, il entendit lire : « Ne soyez donc pas en souci pour le lendemain » (Matthieu 6:34). Il crut voir là un nouvel ordre du Seigneur à donner le reste de ses biens, ce qu’il fit. Il confia sa sœur à une association de jeunes chrétiennes, et se mit à travailler de ses mains pour sa subsistance, se nourrissant de la manière la plus frugale, couchant sur la terre nue, et donnant aux pauvres le superflu de son gain.
Antoine vivait ainsi en véritable ascète. Son désir était d’arriver à pratiquer toutes les vertus chrétiennes, et l’on dit que, dans ce but, il visita les solitaires les plus renommés, afin de s’instruire auprès d’eux. Son désir était bon, mais n’aurait-il pas mieux fait de se tourner vers le seul vrai Modèle, Celui qui, dans sa vie, a présenté l’ensemble parfait et harmonieux de toutes les vertus, Christ, qui nous a laissé un modèle, afin que nous suivions ses traces, et qui est notre vie et Celui qui nous fortifie pour marcher à sa suite ? (1 Pierre 2:21 ; Colossiens 3:3-4 ; Philippiens 4:13). Mais Antoine comptait sur ses propres forces. Il croyait pouvoir arriver à la sainteté intérieure, en se débarrassant d’abord des mauvaises pensées et des convoitises de la chair, afin de pouvoir ensuite ne faire que ce qui était bon. Pour cela il luttait sans relâche, pensant arriver à son but par des austérités toujours plus grandes, en châtiant son corps de toutes manières. Mais c’était en vain, toujours il retrouvait en lui le mal, et son imagination échauffée lui faisait voir les démons sous une forme corporelle, l’entourant et lui présentant tous les objets propres à exciter ses convoitises et à lui inspirer de mauvaises pensées. Il avait beau les combattre par des jeûnes, des macérations, des veilles, des exercices religieux ; toujours ils revenaient. Pauvre Antoine ! Il ignorait ce que l’apôtre dit : « En moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’habite point de bien », et que nous sommes « sans force » pour vaincre le péché (Romains 7:18 ; 5:6 ; 7:15, 24). Il ne savait pas que le seul moyen de délivrance, la seule chose qui mette en fuite l’ennemi, c’est de regarder à Christ (Romains 7:25).
Antoine pensa alors qu’en se retirant tout à fait du monde, en devenant ermite, il réussirait mieux à se débarrasser des mauvaises pensées et des désirs coupables qui surgissaient constamment en lui, et qu’il détestait. Il choisit pour demeure, dans un lieu écarté, un tombeau en ruine, où il passa dix années, redoublant d’austérités pour dompter la chair et les convoitises, ignorant que « ceux qui sont du Christ ont crucifié la chair avec les passions et les convoitises », et que, par l’Esprit Saint seul, ils peuvent réaliser dans leur vie cette vérité précieuse (Galates 5:24-25), comme nous l’avons dit. Antoine se contentait chaque jour pour nourriture de six onces de pain, humecté d’eau et assaisonné d’un peu de sel. Quelquefois, quand il se sentait trop affaibli, il s’accordait un peu d’huile et quelques dattes, mais faisait ensuite pénitence, en jeûnant, pour cette infraction à son régime habituel. Il se vêtait d’une grossière chemise faite d’un sac, et par-dessus mettait un manteau de peau de mouton. Il passait la plus grande partie des nuits en méditation et en prières.
Atteignit-il ainsi enfin son but ? Non. Ni son éloignement du monde, ni son isolement, ni ses jeûnes, ni ses prières, ne lui firent remporter la victoire sur les tentations et les démons. Et cela n’était pas possible. L’apôtre dit que « la chair… ne se soumet pas à la loi de Dieu, car aussi elle ne le peut pas » (Romains 8:7). Jamais l’homme, avec ses propres forces, ne pourra surmonter la chair et vaincre Satan. Le diable est plus fort que lui. C’est comme dans l’histoire du démoniaque. « Personne ne pouvait le lier, même avec des chaînes ». Il rompait les chaînes et mettait les fers en pièces ; « personne ne pouvait le dompter » (Marc 5:1-4). C’est Jésus seul qui est le grand Libérateur, et qui nous affranchit de la loi du péché et du pouvoir de Satan (Romains 8:2 ; Hébreux 2:14-15). Le pauvre Antoine en vint au point qu’épuisé par les privations et les luttes qu’il soutenait, on le trouva une fois à moitié mort, et on le rapporta dans son village.
Il se retira alors dans un vieux château en ruines, au bord de la mer Rouge, et se mit à cultiver une petite pièce de terre. Il semble qu’occupé ainsi, son esprit se calma. Le Seigneur eut compassion de lui, et lui apprit par sa grâce qu’en Lui seul réside la force pour vaincre le mal et résister à Satan ; Antoine vécut ainsi plus heureux et paisible. Nous pouvons le conclure des paroles suivantes qu’il adressait plus tard à ses disciples, et qui étaient le fruit d’une longue et douloureuse expérience : « Ne nous faisons pas des épouvantails des mauvais esprits, et ne nous désolons pas comme si nous étions perdus. Bien plutôt, réjouissons-nous d’être des rachetés ; pénétrons-nous de la pensée que le Seigneur est avec nous, Lui qui a vaincu et réduit à néant les mauvais esprits, et soyons assurés que, puisqu’Il est avec nous, ils ne peuvent nous nuire. Les démons se présentent à nous de diverses manières, selon les dispositions où ils nous trouvent. Mais si nous sommes joyeux dans le Seigneur, occupés de la contemplation des choses divines, pensant que tout est entre les mains de Dieu, et qu’aucun mauvais esprit ne peut rien contre le chrétien, les démons se détourneront de l’âme remplie et gardée par ces pensées ». Nous voyons qu’Antoine avait fini par apprendre une précieuse leçon. Il expérimentait ce que nous lisons en Philippiens 4:4-7.
Dans ces temps-là le peuple attachait une pensée de sainteté spéciale à ces hommes qui renonçaient à toutes les commodités de la vie pour se livrer à des exercices religieux et, croyait-on, pour mieux servir Dieu. La renommée d’Antoine, comme étant un pieux et saint ermite, s’était répandue, et de toutes parts on se rendait auprès de lui. Les uns lui demandaient ses conseils et ses prières ; d’autres, des consolations dans leurs peines ; quelques-uns voulaient qu’il fût arbitre dans leurs contestations. L’empereur Constantin lui-même lui écrivit, et comme ses compagnons s’en étonnaient, il leur dit : « Ne soyez pas étonnés qu’un empereur nous écrive — ce n’est qu’un homme écrivant à un autre homme ; soyez plutôt surpris que Dieu nous ait écrit, et nous ait parlé par son Fils ». Pressé par ceux qui l’entouraient de répondre, il fit dire à l’empereur et à ses fils : « Pensez au jour du jugement ; souvenez-vous que Jésus Christ est le seul Roi véritable et éternel ; pratiquez l’humanité et la justice envers les pauvres ».
Plusieurs ascètes sollicitèrent d’Antoine la faveur de se joindre à lui. Il consentit à leur désir, et ils s’établirent dans des cellules autour de la sienne. Il leur donna certaines règles à suivre, mais refusa d’être leur supérieur, et souvent, pour être seul, il se retirait dans des parties plus reculées du désert.
Il aurait certes été plus conforme à la parole de Dieu qu’Antoine et les autres anachorètes, au lieu de s’en aller vivre dans les déserts, restassent au milieu des autres hommes, pour y servir Dieu et y être les témoins de Christ, en vivant comme de fidèles enfants de Dieu (voir Philippiens 2:15). Mais la retraite dans laquelle Antoine s’était imposé de vivre, ne l’empêcha pas de reparaître quelquefois sur la scène publique. Et les occasions où il se montra, nous font voir que, quelles que fussent ses pensées erronées sur la vie du chrétien dans le monde, il avait un cœur fidèle à Christ et un amour véritable pour les chrétiens. Dans la persécution qui sévit en l’an 311, sous l’empereur Maxime, il se rendit courageusement à Alexandrie pour encourager les persécutés. Son apparition produisit une impression extraordinaire. Il visita ceux qui enduraient des maux pour leur foi, et les exhorta à demeurer fermes. Il témoigna surtout son amour et sa sollicitude aux prisonniers et à ceux qui étaient condamnés aux durs travaux des mines. Il s’exposait ainsi sans crainte aux plus grands dangers ; mais personne n’osa mettre la main sur lui. Une sorte de prestige entourait ce vieillard qui, exténué par les veilles et les privations, était sorti de sa solitude et bravait la rage des persécuteurs pour consoler ses frères affligés.
La persécution ayant pris fin, Antoine retourna dans le désert. Il revint plus tard, âgé de cent ans, à Alexandrie, afin de protester contre les Ariens et de combattre leurs erreurs, en défendant énergiquement la sainte doctrine touchant la Personne adorable du Seigneur Jésus. Les foules accouraient pour voir ce vénérable « homme de Dieu », comme on l’appelait, et pour l’entendre prêcher. Beaucoup de païens, dit-on, furent amenés au christianisme par sa parole.
Antoine mourut, âgé de 105 ans. Avant sa fin, il légua son manteau à Athanase, en signe de communion avec lui dans la vraie foi, et recommanda qu’on tînt secret le lieu de sa sépulture, de peur qu’il ne devînt un endroit de vénération superstitieuse. En effet, déjà alors s’introduisait dans l’Église une sorte de culte des martyrs et de ceux que l’on estimait mériter cet honneur à cause de leur sainteté.
Plusieurs solitaires, avons-nous dit, s’étaient groupés autour d’Antoine, et ainsi c’est à lui qu’on peut faire remonter l’origine de la vie monacale. Cet ensemble d’anachorètes, ayant chacun leur cellule distincte, séparée des autres, et non réunies dans un même bâtiment, s’appelait une laure. Leurs habitants n’avaient en commun que certains exercices religieux.
Toutefois, le vrai fondateur des couvents, c’est-à-dire des communautés d’hommes ou de femmes se séparant extérieurement du monde pour vivre ensemble dans un même bâtiment (couvent, monastère ou cloître) en s’assujettissant à certaines règles, est un nommé Pacôme, originaire aussi de la Haute-Égypte. Il établit la première communauté dans une île du Nil, puis d’autres se formèrent, de sorte qu’à la mort de Pacôme, vers l’an 350, il y en avait huit, comptant ensemble 3000 moines. Sa sœur avait fondé de son côté le premier couvent de nonnes. Au commencement du 5° siècle, on comptait quelques 50000 moines, et le nombre alla croissant, tant en Orient qu’en Occident, durant tout le Moyen Âge. Des milliers et des milliers de personnes peuplaient les innombrables couvents, où s’introduisirent souvent de grands désordres.
Malgré les services qu’ils ont pu rendre, l’établissement de couvents n’était en rien une chose conforme à la Parole de Dieu. Nous avons dit en parlant des ermites l’inefficacité des exercices religieux aussi bien que des austérités, qui y étaient prescrits et auxquels ils consacraient, surtout au commencement, une grande partie de leur temps. Sans doute, plusieurs cultivaient la terre, d’autres se livraient à des œuvres charitables, telles que le soin des malades, et il en est encore ainsi. Faire du bien aux autres est assurément excellent, mais tout chrétien n’est-il pas appelé à « marcher dans les bonnes œuvres », selon ce que Dieu lui donne à faire ? Et si quelqu’un a la vocation de soigner les malades, il n’a pas besoin pour cela de se faire « religieux » ; nombre de femmes ou jeunes filles chrétiennes se vouent au service des malades dans les hôpitaux, sans faire partie d’un ordre monastique.
D’autre part, religieux ou religieuses, en se joignant à telle ou telle des nombreuses communautés ou ordres, prononcent des vœux, c’est-à-dire prennent certains engagements solennels, comme de vivre dans la pauvreté, sans rien posséder en propre ; de ne point se marier, et d’obéir strictement et en tout à leur supérieur, celui ou celle qui est à la tête de la communauté. Ce sont là les trois vœux essentiels de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Il n’est pas difficile à qui ouvre la parole de Dieu, de voir que, non seulement nous n’y trouvons rien de semblable, mais que plusieurs des prescriptions monacales lui sont opposées (lire 1 Timothée 4:2-3 ; Matthieu 23:8-10 ; 1 Timothée 6:17-19). L’apôtre ne dit point aux riches de faire vœu de pauvreté. La Bible n’offre qu’un seul exemple de vœu, celui du nazaréat (Nombres 6), mais il diffère totalement de ceux des moines, et il présente un type de la séparation pour Dieu du Seigneur Jésus et des chrétiens qui marchent sur ses traces. Nous sommes tous appelés, comme ses disciples, à vivre séparés du monde tout en restant au milieu du monde.
Nous avons parlé de la vie monacale à ses débuts pour montrer le déclin et la ruine de l’Église qui allait en s’accentuant : les hommes remplaçant par leurs inventions, leurs règles et leurs ordonnances, ce qu’enseignent les Écritures. Ce que nous avons dit, renferme aussi des leçons pour nous. D’ailleurs, comme il sera souvent question plus tard des moines, il était bon de savoir comment cette institution s’était introduite dans l’Église.
Toutefois, malgré tant d’erreurs, la grâce de Dieu ne cessait pas d’agir, et comme dans le cas d’Antoine, il ne manqua pas dans les cloîtres du Moyen Âge, au milieu des ténèbres et de la corruption, des âmes pieuses qui aimaient le Seigneur. Nous aurons occasion de le voir.
L’Église devenait toujours plus un grand corps de professants d’où la vie se retirait et était remplacée par des formes religieuses. De nombreuses superstitions s’y introduisaient aussi. Elle était ainsi semblable à la grande maison remplie de vases à déshonneur de 2 Timothée 2:20, et au grand arbre qui étend au loin ses rameaux et a une belle apparence, mais qui abrite une foule de mauvaises choses de Matthieu 13:31-32.
À l’époque à laquelle nous sommes parvenus, c’est-à-dire à la dernière moitié du quatrième siècle et au commencement du cinquième, les empereurs d’Orient et d’Occident professaient le christianisme. Avaient-ils vraiment la vie de Dieu provenant de la foi du cœur, et sans laquelle on n’est chrétien que de nom ? Dieu seul le sait. Les actes de persécution et de cruauté par lesquels plusieurs se signalèrent, permettent d’en douter pour ceux-ci. D’un autre côté, et surtout en Orient, ils donnaient le spectacle d’une mollesse de mœurs et d’un luxe qui ne s’accordaient guère avec le renoncement à soi-même et au monde, qui caractérise le vrai chrétien.
Ils prétendaient être les chefs de l’Église qu’ils protégeaient, et ainsi se mêlaient de décider dans les discussions théologiques qui se multipliaient sans fin. Tantôt l’un soutenait la foi orthodoxe du concile de Nicée et persécutait les Ariens ; bientôt après un autre empereur, gagné à la doctrine d’Arius, sévissait contre les orthodoxes.
Si nous considérons d’autre part le clergé, et particulièrement ceux de ses membres qui occupaient les hautes charges d’évêques dans les grandes villes, leur importance, leur autorité et surtout leur ambition, allaient en croissant. Ils devenaient toujours plus les dominateurs des troupeaux, contrairement à l’enseignement de l’apôtre Pierre (1 Pierre 5:1-4), et tendaient à faire prévaloir leur autorité même sur celle des rois. En même temps, suivant ce que rapportent des écrivains païens et chrétiens, beaucoup des membres du clergé se distinguaient par une vie qui n’était en rien conforme aux enseignements de la parole de Dieu, recherchant les richesses, le luxe et les jouissances de la chair. Si ceux qui étaient à la tête donnaient de tels exemples, que devaient être les simples chrétiens ?
Il est vrai que les empereurs cherchèrent à faire disparaître entièrement de l’empire les restes de l’idolâtrie. Mais quels moyens employèrent-ils ? La violence et la persécution, détruisant les temples et obligeant de force des populations entières à recevoir le baptême. Les évêques même, en certains endroits, encourageaient ou laissaient faire ceux qui maltraitaient et même tuaient les païens qui refusaient de se convertir ou plutôt d’être baptisés.
C’est ainsi qu’à Alexandrie, une jeune fille aimable et savante, nommée Hypathie, qui enseignait dans l’école de cette ville, fut saisie et entraînée par la populace chrétienne dans une église, et massacrée de la manière la plus barbare. L’évêque laissa s’accomplir ce meurtre sans intervenir, comme il l’aurait dû.
Nous pouvons nous demander : Où était alors la vie de Christ ? N’y avait-il donc pas des âmes vraiment au Seigneur dans ce triste état de choses ? Oui ; nous pouvons être sûrs que Dieu avait de ses élus, comme il en eut toujours, même dans les jours plus sombres encore qui suivirent les temps dont nous parlons. Il y avait certainement des âmes dont l’histoire ne nous est pas rapportée, mais que Dieu connaît et qui aimaient Jésus, bien que peut-être au milieu de beaucoup d’ignorance. Il en est d’elles comme des 7000 hommes au temps d’Élie (1 Rois 19:18).
Nous transcrirons ici quelques pages qui se rapportent à ce sujet.
« Le Nouveau Testament nous enseigne qu’il n’y eut jamais et qu’il ne pourra y avoir qu’une seule Église de Dieu. Quels que soient les noms donnés par les hommes à différentes sectes ou partis, il ne peut exister qu’une seule et unique Église qui est le corps de Christ et la maison du Dieu vivant (Colossiens 1:18 ; Éphésiens 1:22 ; 4:4 ; 1 Timothée 3:15).
Cette seule vraie Église est, était et sera toujours composée de ceux — et ceux-là seulement — qui, ayant cru en Jésus, et ayant reçu le pardon des péchés et la vie éternelle, sont ainsi devenus des pierres vivantes dans la structure du seul temple, et des membres vivants du seul Christ, unis à Lui par l’Esprit Saint envoyé du ciel (1 Pierre 2:3-7 ; 1 Corinthiens 12:12-13 ; Éphésiens 1:13 ; 2:20-22).
Si donc nous désirons retracer l’histoire de cette Église à travers la confusion, la ruine et les égarements des siècles passés, nous ne devons pas suivre seulement le fil historique de cette chose extérieure qui s’appelle l’Église.
En fait, l’histoire de la vraie et vivante Église n’a pas été et ne peut pas être écrite dans son ensemble. De même qu’on ne saurait écrire l’histoire de ceux qui en Israël n’avaient pas fléchi les genoux devant Baal, ainsi nous ne pourrions suivre tout le cours de ce fleuve d’eau vive — la grâce agissant dans les croyants, membres de la vraie Église — qui a coulé dans les lieux cachés, ignoré des hommes.
Mais, maintenant comme alors, dans une secte ou dans une autre, une éclaircie se fait, l’eau pure apparaît et nous montre l’existence permanente de ce fleuve de grâce et de vie. Et nous voyons alors, autour de ces endroits, les lieux desséchés se couvrir de verdure et devenir fertiles, et des fruits se produire. Ici et là, on recueille des paroles et des chants révélant des âmes passées de la mort à la vie, et de la puissance de Satan à Dieu ».
Nous aimerions savoir quelque chose de la vie de ceux qui alors vivaient pour Christ, séparés d’un monde méchant. Nous en connaissons très peu de chose, mais la vie de quelques hommes qui ont occupé une haute place dans l’Église, nous a été conservée, et nous voyons en eux des chrétiens fidèles et dévoués, bien qu’ayant souvent des idées erronées. Ils combattaient avec énergie contre le mal moral qui envahissait l’Église, et sans doute leur influence s’est exercée salutairement sur plusieurs de ceux qui étaient commis à leurs soins. Nous pouvons espérer que, parmi les empereurs romains même, il y en eut qui eurent une vraie crainte de Dieu.
Ambroise, évêque de Milan, fut un de ces fidèles serviteurs de Dieu parmi le clergé. Il naquit à Trèves de parents romains, en l’an 340. Son père, qui était gouverneur des Gaules, le destinait au barreau. Venu à Rome, il s’y distingua par ses talents, et fut nommé en 370 gouverneur de la province de Ligurie, dans l’Italie du nord, À cette époque de sa vie, Ambroise n’était encore que catéchumène et n’avait pas été baptisé. Comme tout nous montre en lui un homme sérieux, nous avons tout lieu de croire que ce ne fut pas à la légère qu’il prit cette place de catéchumène, et qu’il s’était enquis avec soin des vérités du christianisme. Il nous rappelle ce gouverneur romain du temps de Paul, un « homme intelligent », qui avait désiré « entendre la parole de Dieu », et qui fut « saisi par la doctrine du Seigneur » (voir Actes 13).
On peut se demander pourquoi Ambroise ne s’était pas fait baptiser, s’il croyait au Seigneur Jésus. Il faut nous rappeler que l’on s’était beaucoup écarté de la simplicité des Écritures. On exigeait des catéchumènes une longue instruction qui durait au moins trois ans avant qu’ils pussent recevoir le baptême, tandis que, dans les Actes, nous voyons que ceux qui avaient cru, étaient aussitôt baptisés (Actes 2:41 ; 8:12, 36, 38 ; 16:31-33). Outre cela, on avait la fausse pensée que le baptême d’eau efface le péché et régénère, de sorte que beaucoup de catéchumènes ne se faisaient baptiser que sur leur lit de mort, afin d’être sûrs d’aller au ciel. On avait oublié que tout ce que l’Évangile demande, c’est que l’on croie au Seigneur Jésus et qu’alors on est sauvé pour l’éternité. Il va sans dire que l’on doit être baptisé comme signe de l’introduction dans la maison de Dieu ; mais le baptême ne sauve pas ; il faut la foi du cœur (Romains 10:9-10).
Pendant qu’Ambroise était gouverneur de la Ligurie et qu’il résidait à Milan, l’évêque de cette ville vint à mourir, et il fallait lui nommer un successeur. C’était la multitude dans l’Église qui faisait ce choix, chose dont nous ne voyons aucune trace dans le Nouveau Testament. Or la querelle entre les Ariens et les orthodoxes, c’est-à-dire ceux qui soutenaient l’éternelle divinité du Fils, se poursuivait avec passion. Sans doute ceux-ci avaient raison de maintenir cette vérité que la parole de Dieu proclame si clairement et qui est si importante, car sans elle il n’y a pas d’expiation de nos péchés. Mais un grand nombre des orthodoxes apportaient dans leurs discussions un esprit charnel et violent, ce en quoi ils étaient suivis par les Ariens. Ces luttes entre les deux partis, qui dégénéraient parfois en conflits sanglants, avaient lieu souvent lors de la nomination des évêques, chaque parti voulant faire prévaloir son candidat. C’est ce qui arriva à Milan. Mais n’est-ce pas une chose profondément triste de voir de telles choses se passer dans l’Église de Dieu ? Les chrétiens ne devraient-ils pas en tout se montrer pleins de douceur et de support ? Nous savons bien que l’erreur des Ariens était mortelle pour l’âme, mais le vrai chrétien ne doit jamais employer d’autres armes que la parole de Dieu et la prière, et il doit s’attendre à Dieu.
Quoi qu’il en soit, les partis à Milan ne pouvaient s’entendre. Comme magistrat, Ambroise était présent pour empêcher la lutte de dégénérer en violence. Il y réussit, mais sans arriver à établir l’accord. Comme il exhortait la foule à la concorde, tout à coup une voix d’enfant s’écria : « Qu’Ambroise soit évêque ! » Telle était la considération dont il jouissait à cause de ses vertus, que tous furent unanimes pour le prier d’accepter cette charge. Mais lui, effrayé de la grandeur et de l’importance de la tâche, refusa d’abord. Le peuple le pressa, et Ambroise, pour échapper à ses instances, s’enfuit de nuit. Mais on raconte que, s’étant égaré, il se retrouva le lendemain matin devant la ville de Milan. Il crut voir là une direction divine, et accepta d’être évêque. Par ce que nous venons de dire, nous pouvons avoir une idée du point où en était arrivée l’Église. Comparons ce qui se passait alors avec ce qui nous est dit de l’assemblée à Jérusalem, au chapitre 15 des Actes, où il s’agissait aussi d’une question très importante. On n’avait pas besoin là d’un magistrat pour maintenir l’ordre. L’Esprit Saint présidait.
Ambroise avait consenti à être évêque, mais comment le consacrer, lui qui n’avait pas même été baptisé, et qui, par conséquent, extérieurement du moins, n’était pas chrétien ? Il fut donc d’abord baptisé ; puis comme on ne pouvait pas être évêque sans avoir été prêtre, ni prêtre sans avoir été diacre et sous-diacre, on le fit passer rapidement par ces différents degrés, et, au bout de huit jours, il fut établi évêque de Milan.
Cela ne nous semble-t-il pas étrange ? Où voyons-nous chose semblable dans l’Écriture ? Paul écrivait à Timothée relativement à l’évêque ou surveillant : « Qu’il ne soit pas nouvellement converti » (1 Timothée 3:6). Et, dans le cas d’Ambroise, il n’est pas même question de conversion !
Quoi qu’il en soit, Ambroise prit au sérieux la tâche qu’il acceptait et qui exigeait beaucoup de dévouement et de sagesse, en même temps que d’énergie. Malgré bien des choses que l’Écriture ne justifie pas et qu’il crut devoir faire, on peut dire que, dans l’état où était la société de ce temps-là, Dieu se servit de lui pour faire du bien, car il était un homme droit et qui ne transigeait pas avec le mal.
Devenu évêque, afin de pouvoir se consacrer tout entier aux devoirs de sa charge, il donna tout son argent aux pauvres et ses biens à l’Église. Il réserva les revenus de ces derniers à sa sœur et en confia l’administration à son frère. Suivons-le dans sa vie. Toute la journée il était accablé de mille soins ; il jugeait les affaires d’une foule de chrétiens, surveillait les hôpitaux, s’occupait des pauvres, et accueillait tout le monde avec douceur. Il lui fallait en même temps lire, méditer et étudier les Écritures, puisqu’il devait les enseigner aux catéchumènes et aux chrétiens. Tous les dimanches, et quelquefois plusieurs jours de suite, il prêchait dans la basilique de Milan. Il avait souvent à s’occuper des affaires publiques, et il écrivit plusieurs ouvrages. Nous voyons donc que sa vie était bien remplie. Sa charité était inépuisable. Pour racheter les chrétiens que les Barbares avaient fait prisonniers, il se privait du nécessaire et faisait tous ses efforts pour se procurer l’argent qu’il fallait afin d’en délivrer le plus grand nombre possible.
Il se montrait aussi très énergique pour maintenir la foi à la divinité du Sauveur. L’impératrice d’Occident, Justine, qui était arienne, voulait le forcer à céder aux Ariens une église près de Milan. Ambroise refusa en disant : « Prenez ce que je possède, jetez-moi en prison ou livrez-moi à la mort, mais les choses de Dieu ne sont pas soumises au pouvoir impérial ». Des soldats furent envoyés une fois pour le conduire en exil ; il se réfugia dans la basilique, et la foule des chrétiens réunie autour de lui, passa la nuit en chantant de beaux cantiques qu’il avait composés, tandis que lui les exhortait. Les soldats n’osèrent l’arracher de son asile. Cette fermeté pour soutenir la gloire du Seigneur Jésus, le Fils éternel de Dieu, est un exemple que nous avons à suivre. Nous ne sommes pas exposés à une persécution ouverte de la part de ceux qui ne croient pas, mais à leurs raisonnements subtils. Restons attachés de cœur à Celui qui est « le Dieu véritable et la vie éternelle » (1 Jean 5:20).
Avant de parler d’autres faits qui nous font connaître Ambroise, son caractère et son influence, nous dirons quelques mots de l’empereur d’Orient Théodose, dont il fut l’ami constant, bien qu’il ait dû plus d’une fois s’opposer à lui. Théodose était né en Espagne, en l’an 346, et fut associé à l’empire, en 379, par Gratien, fils de cette impératrice Justine que nous avons mentionnée plus haut. Plus tard, Théodose devint seul empereur. À cette époque, l’empire romain, la quatrième monarchie dont parle Daniel (Daniel 2:40-43 ; 7:7-8, 19-26), était menacé de toutes parts par les Barbares. Théodose, qui était un brave et habile général, sut les contenir autant par les armes que par sa prudence et sa générosité. À l’intérieur de l’empire, le paganisme n’avait pas encore perdu toute sa puissance et cherchait à relever la tête. Symmaque, préfet de Rome et orateur distingué, avait fait en faveur du paganisme un plaidoyer éloquent qu’Ambroise réfuta. D’un autre côté, les Ariens et d’autres sectes combattaient la saine doctrine relativement au Sauveur. Théodose semble avoir été un instrument dans la main de Dieu pour arrêter les Barbares, et donner quelque répit à cet empire romain si corrompu et qui avait versé le sang des saints (Daniel 7:21 ; Apocalypse 18:24 ; 17:6), et aussi pour détruire en grande partie les restes du paganisme et réprimer l’arianisme.
Théodose, tout en professant le christianisme, n’avait pas été baptisé. Mais étant tombé gravement malade, vers la fin de la première année de son règne, il demanda le baptême. Aussitôt après, il rendit un édit dans lequel il confessait sa foi et ordonnait que « toutes les nations qui étaient sous sa domination, s’attachassent fermement à la doctrine enseignée par Pierre aux Romains, et crussent à la divinité du Père, du Fils et du Saint Esprit, comme égaux en majesté, en formant une Trinité bénie ». Ceux qui contreviendraient, devaient, dit l’empereur, s’attendre à des peines sévères.
Cela ne nous rappelle-t-il pas l’édit du roi Nebucadnetsar rapporté en Daniel 3:29-30 ? Théodose avait bien raison de confesser sa foi, c’était un bel exemple, mais, comme chrétien, il aurait dû en savoir plus qu’un roi païen, et ne pas vouloir obliger ses sujets à croire comme lui, sous menace de peines temporelles. Malheureusement les évêques qui l’entouraient, et Ambroise lui-même malgré sa piété, l’encourageaient dans cette voie et même excitaient ses rigueurs. L’exemple suivant nous le montre. En Palestine, des chrétiens conduits par un évêque avaient incendié une synagogue des Juifs, et des moines avaient saccagé le lieu où certains hérétiques se réunissaient. Théodose, informé de ces faits, avait ordonné que les coupables fussent condamnés à rétablir les édifices détruits ou à en payer le prix. Mais Ambroise l’ayant appris, écrivit à l’empereur pour le prier de retirer cet ordre, prétendant que reconstruire la synagogue serait un triomphe des Juifs sur la foi, et que ce serait léser les chrétiens. L’empereur ne céda point d’abord, mais Ambroise ayant insisté publiquement, Théodose promit solennellement de ne pas punir les coupables.
Telle était l’étrange idée qu’Ambroise avait de sa mission comme évêque chrétien. Au lieu d’encourager l’empereur dans la voie de la justice, il l’en détourne sous un faux prétexte. Là est le germe de ce qui se développa plus tard d’une manière terrible dans l’Église romaine, qui en vint à prétendre qu’il fallait chasser et brûler les Juifs et les hérétiques. On voit encore en cela le commencement de cette domination que le clergé prétendit plus tard exercer sur les rois et les princes, en opposition avec ce que dit l’apôtre Paul : « Que toute âme soit soumise aux autorités qui sont au-dessus d’elle » (Romains 13:1-5).
Dans une occasion toute différente, Ambroise employa son influence et son autorité vis-à-vis de l’empereur d’une manière plus conforme à son caractère d’évêque chrétien.
Avec toutes ses nobles qualités, Théodose avait un caractère violent et se laissait aller à des accès de colère qui l’entraînaient dans des actes injustes et cruels, dont ensuite il se repentait amèrement, mais souvent aussi lorsqu’il était trop tard. C’est ce qui eut lieu dans l’occasion suivante. À Thessalonique, durant des jeux publics (*), le gouverneur avait refusé de mettre en liberté un cocher de cirque, aimé du public, mais coupable d’un crime affreux. Le peuple se souleva et tua le gouverneur et plusieurs de ses officiers. En apprenant cette nouvelle, l’empereur entra dans une colère terrible et ordonna un massacre général des habitants de Thessalonique. Ambroise intervint, et l’empereur promit de pardonner. Mais excité par ses conseillers et en particulier par Rufin, son premier ministre, qui fit ressortir la nécessité de châtier un si grand crime, Théodose revint de son premier mouvement de clémence, et le message de mort fut expédié. L’empereur ensuite, sans doute saisi de remords, voulut le révoquer, mais le second message arriva trop tard : 7000 personnes réunies dans le cirque avaient été massacrées par les soldats, sans distinction de rang, d’âge, ni de sexe.
(*) Malgré la profession chrétienne de la majorité de la population, les jeux et les représentations théâtrales, restes du paganisme, continuaient dans les villes de l’empire, et même les chrétiens étaient souvent passionnés pour ces fêtes. Les pasteurs fidèles et les âmes sérieuses les réprouvaient. Qu’est-ce à dire de nos jours ?
Ambroise apprit bientôt cette triste nouvelle. Saisi de douleur, il se retira à la campagne pour éviter la présence de l’empereur. Mais, en fidèle serviteur de Dieu, sans se préoccuper du rang du coupable, agissant, comme autrefois Nathan à l’égard du roi David, il écrivit à Théodose une lettre dans laquelle il plaçait devant lui la grandeur de sa faute, et lui déclarait qu’il ne pourrait plus être admis dans l’Église avant d’avoir donné des preuves d’une vraie repentance. L’empereur sentait vivement les reproches de l’évêque et ceux de sa conscience. Il se rendit cependant à Milan et voulut entrer dans l’église. Mais Ambroise l’arrêta sur le seuil et lui défendit d’aller plus avant, lui qui était souillé du sang innocent. Théodose protestait de sa contrition réelle, mais l’évêque lui dit qu’une faute publique devait être expiée publiquement. Et comme l’empereur invoquait l’exemple de David, Ambroise lui dit hardiment : « Tu as imité David dans son crime, imite-le aussi dans sa pénitence ». L’empereur se soumit à ce que l’évêque lui imposait. Durant huit mois, le puissant monarque, dépouillé de ses ornements impériaux, resta confondu avec la foule des pénitents à la porte de l’église, durant les services publics. Aux fêtes de Noël, il supplia l’évêque de le recevoir de nouveau dans la communion des fidèles, disant : « Le temple de Dieu, ouvert aux esclaves et aux mendiants, est fermé pour moi ! » Ambroise le reçut, à la condition que désormais il ne sanctionnerait un arrêt de mort que trente jours après la sentence. Utile restriction qui permettait à la colère de se calmer. L’empereur entra dans l’église, se dépouilla des insignes de son pouvoir, et, prosterné sur le sol nu, fit confession de son crime, en disant : « Mon âme est attachée à la poussière ; fais-moi vivre selon ta parole » (Psaume 119:25). Le peuple tout entier avec Ambroise mêlaient leurs larmes et leurs prières aux siennes (*). C’est un grand spectacle ; il nous rappelle que, devant Dieu, il n’y a point d’acception de personnes. Nous pouvons admirer l’humilité de ce grand empereur qui reconnaît les droits de Dieu, et y voir l’effet d’une conscience exercée et une vraie crainte de Dieu. Quant à Ambroise, nous voyons qu’il avait une vraie sollicitude pour l’empereur qu’il aimait, et un sentiment profond de ce qui est dû à Dieu. Il agissait avec la conscience sérieuse de son devoir, et pour le maintien de la justice. Plus tard, malheureusement, le pouvoir clérical a pris en main la conscience des princes pour exciter de mauvais sentiments, les engager dans des actes coupables, et ensuite tranquilliser leurs consciences.
(*) Dans le discours qu’Ambroise prononça à l’occasion de la mort de Théodose, il dit que plus un jour ne se passa, sans que l’empereur se souvînt de cette grande faute où l’avait entraîné la colère.
Théodose mourut à Milan en l’an 395, et Ambroise le suivit deux ans plus tard, accomplissant jusqu’au bout les devoirs de sa charge.
L’histoire d’un autre homme remarquable de cette époque nous fera connaître, mieux qu’une description, l’état de l’Église à la fin du quatrième siècle. On y voit d’une manière frappante ce que le Seigneur annonçait d’avance dans la lettre à Pergame (Apocalypse 2:12-17). L’Église habitait dans le monde, assujettie au pouvoir impérial, et cherchant sa faveur ; le clergé se corrompait toujours plus dans cette association avec le monde, poursuivant la domination, les richesses, le luxe et les jouissances de la chair ; les cérémonies et les ordonnances d’un culte de plus en plus fastueux remplaçaient le culte en esprit et en vérité ; les saintes vérités de l’Écriture touchant le salut tendaient à disparaître sous des traditions et des idées superstitieuses, et des hérésies nombreuses troublaient les esprits et entretenaient des disputes sans fin. Au milieu de cet état de choses, il y avait cependant des hommes qui désiraient vivre pieusement et servir le Seigneur. Chrysostôme était de ce nombre.
Il se nommait Jean, mais à cause de sa merveilleuse éloquence, il fut surnommé Chrysostôme ou « bouche d’or », longtemps après sa mort. Il naquit en l’an 347, à Antioche, cette ville célèbre, non seulement comme l’opulente capitale de l’Asie, mais parce que là fut formée la première grande assemblée tirée d’entre les païens, et que là les disciples furent d’abord appelés « chrétiens ».
Le père de Jean mourut quand celui-ci était encore en bas âge. Sa mère était une femme pieuse qui sentait que son devoir était d’élever son enfant sagement et selon le Seigneur. Elle y consacra donc tous ses soins, et, bien qu’étant encore jeune, elle refusa de se remarier pour se vouer entièrement à sa tâche. Nous pouvons donc nous représenter le jeune Chrysostôme instruit dans les saintes lettres par sa mère, comme Timothée l’avait été autrefois.
Mais le jeune homme devait aussi avoir une vocation terrestre. Sa mère le destinait au barreau ; il fit donc les études nécessaires pour cette carrière, et se distingua bientôt par son éloquence. Il était ainsi en grand danger d’être entraîné dans le monde et ses dissipations, mais les pieuses instructions de sa mère portaient leurs fruits. Il se dégoûta bientôt de la vie licencieuse des jeunes avocats, et vit aussi combien était difficile pour un chrétien l’exercice de cette vocation. Recevoir des honoraires pour avoir employé son éloquence à montrer qu’une mauvaise cause était bonne, ou au moins pour en atténuer la gravité, lui semblait un mensonge. C’était, pensait-il, le salaire de Satan et un péché contre sa propre âme.
Ce qui attirait Jean plus que l’éloquence mondaine, plus que la philosophie, c’était l’étude des Saintes Écritures. Dieu agissait dans son cœur pour l’occuper ainsi de ce qui est bien au-dessus de toutes les gloires du monde. Il s’adressa, pour satisfaire son désir, à Mélétius, alors évêque d’Antioche. C’était un homme doux et saint dans sa vie, et orthodoxe dans sa doctrine. Les dons excellents qu’il découvrit chez Chrysostôme le frappèrent ; il crut voir que ce jeune homme serait une lumière brillante dans l’Église. Après que Jean eut passé dans la retraite trois années, pendant lesquelles il fut instruit dans les saintes vérités du christianisme, il fut baptisé, et Mélétius l’ordonna pour être « lecteur ». Comme tel, il avait la charge de lire les Écritures dans les services publics de l’Église. Il n’en continua pas moins à les étudier diligemment pour lui-même. Un certain Diodore, qui était à la tête d’un monastère près d’Antioche, lui fut pour cela d’une grande aide. Il l’engagea à éviter les interprétations allégoriques de l’Écriture, si communes chez les docteurs de l’Église primitive et à la prendre dans son sens simple, lui laissant signifier ce qu’elle dit. Ces conseils furent plus tard très utiles à Chrysostôme lorsqu’il eut à instruire les autres, et donnèrent à sa prédication un cachet moral très pratique.
Chrysostôme vit bientôt combien le monde avait envahi l’Église, et combien peu la vie des chrétiens répondait à leur profession. Qu’en est-il de nos jours à cet égard ? Il résolut donc, avec un ami, de sortir du monde et de se chercher quelque lieu retiré où ils pussent pratiquer le plus rigide ascétisme, et ne s’occuper que des choses de Dieu. Nous avons déjà fait remarquer combien peu cela est conforme aux enseignements de la parole de Dieu. La pieuse mère de Chrysostôme le supplia avec larmes de ne pas donner suite à son projet, de ne pas l’abandonner, elle qui était veuve, n’ayant que lui pour consolation et soutien. « Ne me rends pas veuve une seconde fois », lui disait-elle. « Pendant que je respire encore, supporte ma présence et ne t’ennuie pas de vivre avec moi. N’attire pas sur toi l’indignation de Dieu, en m’accablant par une si grande douleur ».
Chrysostôme renonça à s’éloigner de sa mère ; c’était son devoir selon la parole de Dieu (Éphésiens 6:2 ; 1 Timothée 5:4), mais il se créa dans sa propre maison une sorte de retraite pour y vivre comme un ascète, en veilles, en jeûnes et en mortifications, couchant sur des planches nues, se relevant souvent la nuit pour prier, sortant rarement, et évitant le plus possible de parler, de peur de pécher de ses lèvres. Justement Il n’est pas besoin de dire que l’on peut vivre sobrement, et pieusement, selon l’enseignement de la grâce de Dieu (Tite 2:11-12), sans se livrer à ces pratiques exagérées qui sont le plus souvent le fruit de l’imagination et de la propre volonté (voir Colossiens 2:16, 20-23). « L’exercice corporel est utile à peu de chose », dit encore l’apôtre Paul (1 Timothée 4:8). Mais nous ne pouvons douter que Chrysostôme ne fût sincère, et ne crût par là échapper au monde et servir Dieu.
Au bout d’un certain temps cependant, sa mère étant morte, Jean, toujours poursuivi par la pensée qu’il devait se retirer encore plus entièrement du monde, quitta la ville et se joignit à un certain nombre de chrétiens qui étaient allés dans les montagnes voisines d’Antioche pour y mener la vie de cénobites. Mais trouvant que ce n’était pas encore assez pour crucifier la chair et la soumettre, il se retira seul dans une caverne du mont Casius. Là il était exposé au froid, ne prenait presque point d’aliments, et restait debout durant la nuit pour dompter le sommeil. S’il ne réussit point à tuer la chair, ce qui est impossible, il faillit se tuer lui-même par ses austérités. Au bout de deux ans, il dut retourner à Antioche, exténué et avec une santé détruite pour le reste de sa vie. Aussi longtemps que nous sommes ici bas, la chair est en nous et ne peut être ni tuée, ni domptée par les austérités les plus grandes. Combien n’y a-t-il pas d’âmes sincères qui en ont fait l’expérience ! La puissance de la vie en Christ par l’Esprit Saint est seule capable de nous faire remporter la victoire sur la chair (Galates 5:16-25).
Le temps que Chrysostôme avait passé dans la retraite n’avait pas été employé tout entier en exercices de pénitence. Jean avait continué à s’instruire et avait même écrit quelques ouvrages. À Antioche, il continua ses travaux et en même temps se dévoua au service des pauvres. Sa charité envers eux fut le trait distinctif de toute sa vie. À cette époque, il écrivit un livre pour consoler un ami qui croyait être incessamment possédé par un démon, et était tombé dans une mélancolie profonde. Il lui dit entre autres choses : « Va dans les hôpitaux et considère toutes les souffrances, les douleurs et les infirmités qui les causent ; visite les prisons et les malheureux qu’elles renferment ; va voir les pauvres dans leur dénuement ; et tu comprendras combien tu as tort de te plaindre de ta condition ». Et il ajoute : « En supprimant ta tristesse, tu désarmeras le démon ». Et, en effet, il est bien certain que c’est en nous occupant de nous-mêmes et de nos maux que nous donnons prise à l’ennemi. Mais Chrysostôme aurait aussi et surtout dû tourner les pensées de son ami vers Christ, par qui « nous sommes plus que vainqueurs » (Romains 8:37).
L’évêque Mélétius voulant que Chrysostôme eût un plus grand cercle d’activité, l’ordonna diacre. Comme tel il eut, non seulement à prendre soin des pauvres, mais aussi à instruire le peuple, tâche pour laquelle il avait un talent remarquable qui le rendit très populaire. Quatre ans plus tard, il fut ordonné prêtre par l’évêque Flavien, successeur de Mélétius. Flavien, connaissant le don remarquable de Chrysostôme, lui confia la tâche importante de la prédication. Pendant dix années, ce fut l’occupation principale de Chrysostôme. Ce que nous venons de dire montre comme l’ordre humain avait remplacé l’ordre divin dans l’Église. C’étaient des hommes qui ordonnaient, qui consacraient, qui appelaient à tel ou tel ministère ; ce n’était plus, comme au commencement, l’Esprit Saint qui qualifiait et envoyait (Actes 13:2-4 ; 1 Corinthiens 12:7-11). Toutefois, nous ne pouvons douter que le Seigneur dans sa grâce ne se servît, alors comme maintenant, de quelques-uns de ces évêques ou prêtres lorsqu’ils étaient fidèles dans ce qu’ils connaissaient et dévoués au Seigneur. C’est ce que nous voyons chez Jean Chrysostôme.
Il était doué, avons-nous dit, d’une grande éloquence. Les foules se pressaient pour l’entendre. Mais malheureusement ce n’était pas tant pour l’amour de la vérité et pour satisfaire les besoins de leurs âmes, que pour avoir leurs oreilles charmées par des discours bien dits. Ce n’est pas que Chrysostôme n’exposât pas la vérité ou qu’il flattât leurs vices ; au contraire, il s’élevait avec force contre la corruption, le luxe et l’orgueil qui régnaient dans cette grande ville. Mais c’était pour ses auditeurs comme une musique agréable à entendre ; leur cœur et leur conscience restaient en général insensibles à ses paroles. Ils se laissaient même aller, quand les parties de ses discours leur semblaient particulièrement belles, à applaudir comme dans un théâtre. Chrysostôme s’en affligeait, censurait fortement ses auditeurs, et leur reprochait sans cesse d’être plus assidus à ses prédications qu’aux prières publiques. Mais rien n’y faisait, et, comme passant d’un divertissement à un autre, ils sortaient de l’église pour se rendre aux jeux du cirque. Voilà à quel niveau était descendue la vie chrétienne dans cette Antioche où Paul avait tant travaillé, et où Barnabas exhortait les âmes converties au Seigneur à Lui demeurer « attachés de tout leur cœur » (Actes 11:23). Au temps de Chrysostôme, il n’y avait plus que la profession de christianisme. Le nom seul de chrétien restait ; pour le reste on ne différait guère des païens. On avait « la forme de la piété », mais on en avait « renié la puissance » (2 Timothée 3:5). L’état de choses de nos jours ne ressemble-t-il pas beaucoup à celui que présentait alors Antioche et le monde chrétien ? Souvenons-nous que Dieu demande de nous la réalité de la piété dans le cœur et dans la vie.
Mais Dieu allait frapper d’un grand coup ce peuple indifférent et léger, attaché aux voluptés plus qu’à Dieu.
En l’an 387, à l’occasion de taxes nouvelles imposées par l’empereur, le peuple d’Antioche se souleva et se livra à des actes de violence. Les bains publics furent saccagés, on attaqua le prétoire, et le gouverneur, incapable de résister, fut obligé de s’enfuir. Dans sa fureur inconsidérée, le peuple détruisit les images des empereurs, et renversa et brisa les statues de Théodose, l’empereur d’alors, et de l’impératrice Flaccille. L’apparition d’une troupe d’archers envoyés par le préfet, empêcha d’autres dégâts, et l’ordre fut enfin rétabli. Mais la consternation et l’effroi remplirent alors la ville coupable. Que dira et fera l’empereur en présence de cette insulte faite à lui et à sa femme bien-aimée ? Nous avons vu, dans l’histoire d’Ambroise, combien Théodose était terrible dans ses mouvements de colère. Tout le monde craignait que dans un premier mouvement d’indignation, il n’ordonnât de détruire la ville et ses habitants, comme le lui conseillaient ses courtisans. Il se contenta d’envoyer deux commissaires avec des pleins pouvoirs et des ordres rigoureux contre ceux que l’on trouverait coupables.
La terreur régna bientôt dans la malheureuse ville, car les commissaires impériaux avaient commencé par jeter en prison les plus riches citoyens, par confisquer leurs biens et soumettre à la torture ceux qu’ils croyaient les plus coupables. Que faire dans ces cruelles circonstances ? Le vieil évêque d’Antioche donna alors un grand exemple de dévouement. Malgré son âge avancé, ses infirmités et une sœur mourante qui réclamait ses soins, il se décida à aller à Constantinople pour implorer le pardon de l’empereur. Pendant son absence, Chrysostôme le remplaça, s’efforçant par ses discours de calmer les craintes du peuple, de le consoler et de l’encourager en lui faisant tout espérer de la clémence de l’empereur. En même temps, il profitait de la circonstance pour appeler les inconvertis à la repentance. « Si l’on redoutait à ce point », disait-il, « la colère d’un empereur qui n’était qu’un homme, combien plus fallait-il craindre celle d’un Dieu offensé par nos péchés ! »
Chrysostôme ayant dû s’absenter, les terreurs du peuple reprirent avec plus de force. Il voulait quitter la ville et fuir au désert. Le gouverneur, qui était cependant un païen, se rendit lui-même dans l’église pour rassurer la multitude. À son retour, Chrysostôme s’indigna du manque de foi des chrétiens. « Bien loin de vous laisser instruire par le gouverneur », leur dit-il, « c’est vous qui auriez dû faire la leçon aux infidèles ».
Des ermites chrétiens descendirent aussi de leurs retraites dans la montagne, pour venir soutenir le courage des malheureux habitants d’Antioche. L’un d’eux, rencontrant au milieu de la ville les commissaires impériaux, les arrête, leur ordonne de descendre de cheval, et leur dit : « Portez de ma part ce message à l’empereur. Tu es empereur, mais tu es homme, et tu commandes à des hommes faits à l’image de Dieu. Crains la colère du Créateur, si tu détruis son ouvrage. Tu es irrité, parce qu’on a abattu tes images : Dieu le serait-il moins si tu détruis les siennes ? Tes statues de bronze sont déjà rétablies sur leurs bases, mais quand tu auras tué des hommes, comment réparer ce mal ? Peux-tu les ressusciter ? »
Flavien cependant était arrivé à Constantinople et avait été admis devant l’empereur. Celui-ci commença par rappeler les faveurs qu’il avait accordées à Antioche, et se plaignit de l’ingratitude de ses habitants et de l’insulte qu’ils lui avaient faite. Flavien reconnut les bontés de l’empereur et les torts du peuple, puis il adressa un appel fervent à la clémence de Théodose. Nous ne pouvons citer ici tout son discours ; en voici seulement quelques paroles : « Songe », dit-il, « qu’à cette heure, les Juifs et les Grecs, le monde civilisé et les barbares, ont appris nos malheurs. Ils ont les yeux sur toi, et attendent l’arrêt que tu porteras sur nous. Si ta sentence est humaine et généreuse, ils rendront gloire à Dieu et diront : Qu’elle est grande la puissance du christianisme ! Cet homme qui pouvait tout perdre et détruire, elle l’a soumis. Il est grand, le Dieu des chrétiens. Il élève les hommes au-dessus de la nature… ». « Je viens », dit-il encore, « au nom du Souverain des cieux, pour dire à ton âme clémente et miséricordieuse ces paroles de l’Évangile : Si vous remettez aux hommes leurs offenses, Dieu vous remettra les vôtres. Souviens-toi de ce jour où nous rendrons compte de nos actions… Je te conjure d’imiter ton souverain Maître qui, malgré nos fautes, ne se lasse pas de nous prodiguer ses bienfaits ».
Théodose fut touché et fléchi par les paroles de Flavien. Il pardonna à la ville coupable en disant : « Qu’y a-t-il d’étonnant si nous autres hommes, nous pardonnons à des hommes qui nous ont offensés, lorsque le Maître du monde, descendu sur la terre, fait esclave pour nous, et mis en croix par ceux qu’il avait comblés de biens, a prié son Père pour ses bourreaux, disant : Pardonne-leur, Père, car ils ne savent ce qu’ils font ! »
On aime à entendre ces paroles sorties de la bouche du grand empereur. On y voit que le christianisme avait une influence réelle et puissante sur lui. Flavien retourna en hâte annoncer la bonne nouvelle au peuple d’Antioche, et les pleurs y furent changés en joie.
Les prédications de Chrysostôme pendant cette période où la colère de l’empereur planait sur Antioche, ne furent pas sans fruit. Plusieurs des citoyens païens furent gagnés à la foi chrétienne, et il eut ensuite à leur consacrer beaucoup de soins pour les établir dans la vérité. Il n’eut pas moins à faire auprès de ceux qui se disaient chrétiens, pendant les dix années de son ministère à Antioche. Ses discours ne traitaient pas en général de la doctrine ; il exhortait surtout à la pratique de la vie chrétienne. Il combattait chez les riches l’amour du luxe et des plaisirs, et les engageait à la charité envers les pauvres. Il censurait l’abandon des assemblées où l’on venait en foule les jours de fête, mais que l’on négligeait les autres jours. Il se plaignait de ce que l’on ne craignait pas de s’exposer à la fatigue et à la chaleur pour les affaires ou les divertissements, tandis qu’on les redoutait lorsqu’il s’agissait d’aller entendre la parole de Dieu. Il insistait avec force auprès de ses auditeurs sur la nécessité de prêter une sérieuse attention aux enseignements qui leur étaient donnés, et les pressait de montrer dans leur conduite qu’ils avaient vraiment pénétré dans leur cœur. « La meilleure instruction », disait-il, « vient de l’exemple. Quand même vous ne parleriez pas, si, à votre sortie de l’assemblée, le calme de votre maintien, vos regards, votre voix, montrent à ceux qui n’y sont pas venus, le profit qu’a tiré votre âme de ce que vous avez entendu, ce sera une puissante exhortation. Que tous aient la preuve du bien que vous avez reçu. Ils l’auront, cette preuve, s’ils voient que vous êtes devenus plus doux de cœur, plus dévoués et plus pieux ». Ces paroles n’ont-elles pas leur application de nos jours ?
Un grand changement allait avoir lieu dans la vie de Chrysostôme. En l’an 397, Nectaire, évêque de Constantinople, mourut, et il fallut lui trouver un successeur. Nombre de candidats ambitionnaient une place aussi éminente, mais l’eunuque Eutrope, le tout puissant ministre du faible empereur Arcadius (*), déploya toute son influence sur celui-ci pour l’engager à choisir Chrysostôme comme évêque. Eutrope l’avait entendu prêcher à Antioche et avait été frappé de son éloquence ainsi que de sa vie austère et dévouée. Arcadius accéda à la proposition de son premier ministre, et on donna l’ordre au comte Astérius, qui gouvernait en Orient, d’envoyer Chrysostôme à Constantinople, sans dire à celui-ci de quoi il s’agissait. On craignait un refus de sa part, car il avait déjà décliné la charge d’évêque. D’abord Chrysostôme, enlevé par surprise, et conduit par des gardes de station en station, protesta contre cette étrange manière de faire à son égard. Mais, ayant appris le but de son voyage, et y ayant réfléchi, il crut voir dans le fait une direction de Dieu et se soumit.
(*) Théodose était mort en 395. Ses deux fils, Arcadius et Honorius, lui succédèrent. Le premier eut l’empire d’Orient dont Constantinople était la capitale ; le second régna sur l’Occident dont Rome était la métropole.
Grande fut la stupeur des évêques réunis à Constantinople lorsqu’ils apprirent la décision de l’empereur. Chacun d’eux avait espéré ou bien être nommé, ou pour le moins faire arriver à cette charge un de leurs protégés. Parmi les plus irrités se trouvait Théophile, évêque de la grande et célèbre ville d’Alexandrie en Égypte. Comme il sera encore question de lui dans cette histoire, quelques mots sur son caractère sont nécessaires. Théophile passait pour être très versé dans la science théologique, mais aussi pour un des plus méchants hommes de son siècle. Habile, actif, rusé, il exerçait sur les évêques qui dépendaient du siège d’Alexandrie et sur les prêtres de son église, une domination tyrannique. En même temps, avide d’or et d’argent et aimant le luxe, il n’hésitait pas, non seulement à dépouiller de leurs richesses les temples païens, mais à s’emparer aussi des biens des églises. Il ne craignait même pas d’user pour cela de violence. Tels étaient les sentiments qu’excitaient sa conduite et ses exactions, qu’on le flétrissait du nom de Pharaon chrétien. Triste tableau, et combien il fait contraste avec le caractère de l’évêque, comme nous le présente l’apôtre Paul : « Il faut que le surveillant (ou évêque) soit irréprochable comme administrateur de Dieu, non adonné à son sens, non colère, non adonné au vin, non batteur, non avide d’un gain honteux », etc (Tite 1:7-8, et voyez aussi 1 Pierre 5:1-3). Mais tel n’était pas Théophile, et bien d’autres évêques lui ressemblaient. Ils étaient de ces serviteurs qui disent : « Mon maître tarde à venir », et qui se laissaient aller à toute sorte de mal ; de ceux que l’apôtre désigne comme estimant que « la piété est une source de gain » (Matthieu 24:48-49 ; 1 Timothée 6:5). Ce Théophile qui avait déjà une grande influence à Constantinople, aurait voulu, pour l’augmenter encore, faire nommer un de ses prêtres comme évêque de cette grande ville. Déçu dans son espérance, il refusa d’abord de consacrer Chrysostôme, comme il y avait été invité. Mais Eutrope, qui connaissait des faits à sa charge et qui en avait les preuves, l’ayant menacé de le faire passer en jugement s’il continuait à s’opposer à l’ordination de Chrysostôme, Théophile céda et consacra lui-même Jean d’Antioche en présence d’une foule innombrable. Mais dans son cœur il garda contre lui une haine implacable, qu’il réussit à satisfaire plus tard, comme nous le verrons. N’est-il pas profondément affligeant de voir mêler tant de méchanceté avec le nom du Seigneur et un zèle apparent pour Lui ?
Voilà donc Chrysostôme évêque de Constantinople, la seconde capitale de l’empire, résidence de l’empereur d’Orient. Jetons un coup d’œil sur la manière dont il entendait remplir les devoirs de sa charge, et n’oublions pas que cette charge lui donnait rang parmi les plus hauts dignitaires de l’empire et accès auprès de l’empereur.
Son prédécesseur Nectaire avait vécu plus comme un haut fonctionnaire de la cour que comme évêque chrétien. Facile dans la vie, homme du monde, il avait un grand train de maison, et déployait beaucoup de magnificence, ayant une bonne table et donnant des festins aux clercs et aux laïques. Chrysostôme changea tout cela, et ramena tout à la plus grande simplicité. Les riches ameublements, la vaisselle précieuse, les robes d’or et de soie destinées aux évêques, les équipages somptueux furent vendus, ainsi que tous les vases et ornements de prix des églises. Le produit en fut consacré à des œuvres charitables et à des aumônes aux pauvres. De ses propres revenus comme évêque, Chrysostôme fonda un hôpital pour les étrangers malades, se souvenant peut-être des paroles du Seigneur, en Matthieu 25:35-36. Ses ennemis l’accusèrent plus tard d’avoir fait son profit de ces ventes, mais il fut pleinement justifié de cette calomnie. Nul homme ne fut plus désintéressé que lui. Sa vie privée était des plus simples. Les austérités de sa jeunesse l’avaient affaibli, néanmoins il continuait à se traiter frugalement, mangeant seul chez lui et n’invitant jamais personne. À moins que ce ne fût pour des affaires urgentes de l’Église, il ne paraissait point à la cour. S’il était obligé de se trouver en public, il parlait peu. Cette manière de vivre le fit passer pour morose, avare et orgueilleux, mais en réalité, il voulait être tout entier aux devoirs de sa charge qu’il estimait tenir de Dieu et qu’il prenait au sérieux. Il désirait aussi être en exemple aux autres.
Comme évêque, il avait la surveillance du nombreux clergé de la ville. Or, sauf de très rares exceptions, tout ce clergé était extrêmement corrompu. Les clercs vivaient dans la dissolution et la mollesse, recherchant les tables des riches, visant à obtenir des mourants des donations, détournant ce qui appartenait aux pauvres. Chrysostôme réprima énergiquement tous ces vices et s’efforça de ramener prêtres et diacres à la simplicité et à la pureté de vie qui convenaient à leur profession, excluant de la communion les plus coupables. Il fit aussi revivre l’ancienne coutume des services religieux du soir pour les membres du troupeau que leurs occupations retenaient dans la journée. Ce fut un coup sensible pour le clergé, qui s’était habitué à l’oisiveté, et qui cherchait ses aises plus que le bien du peuple.
Chrysostôme réprimandait aussi fortement les veuves qui, au lieu de se conduire d’une manière modeste, vivaient dans la dissipation. Comme l’apôtre Paul le dit, il les exhortait à se marier et à mener une conduite honnête (1 Timothée 5:13-14). Il y avait aussi des diaconesses ou servantes de l’église qui, par leur amour de la toilette, par leur luxe et leurs mœurs, déshonoraient leur profession. Chrysostôme les reprenait, les suivant jusque dans leurs maisons, pour les inviter à se conduire honnêtement.
On voit combien avait à faire cet homme fidèle, qui avait à cœur de ramener l’ordre dans la maison de Dieu où tant de mal s’était introduit. C’est au sujet de cette corruption que le Seigneur reprend l’ange de l’assemblée de Pergame (Apocalypse 2:14-15). La période de l’Église durant laquelle Chrysostôme vivait, est précisément celle que préfigure Pergame.
L’évêque n’avait pas moins à faire avec ceux qui n’avaient point de charges dans l’Église. On ne saurait se faire une idée du luxe et de la mollesse, de la dissipation et de l’amour du plaisir qui régnaient à la cour et chez les grands. Chrysostôme aurait voulu les ramener à la simplicité, et leur faire consacrer au moins une partie de leurs richesses au soulagement des pauvres. C’était souvent le texte de ses exhortations. Il aimait les pauvres, les souffrants, les déshérités, et son cœur saignait en voyant l’égoïsme des riches à leur égard. Aussi le peuple de Constantinople, ces pauvres dont il prenait si généreusement le parti, était-il plein d’admiration pour son évêque et lui avait-il voué un attachement sans bornes. Quand il prêchait, les édifices sacrés étaient trop petits pour contenir les foules qui s’y pressaient.
En agissant comme il le faisait, l’évêque de Constantinople était sincère, et donnait dans sa vie l’exemple de ce qu’il aurait voulu voir chez les autres. Il pensait que ceux qui avaient une place spéciale dans l’Église devaient être les modèles du troupeau, et il se souvenait de ce que Paul disait aux riches. Malheureusement, il n’y avait pas chez lui la douceur qui aurait tempéré la sévérité de ses réprimandes. Il ne pouvait pas tolérer le mal, sans doute, mais il aurait dû se souvenir de l’exhortation de Paul à Timothée : Il faut que l’esclave du Seigneur « soit doux envers tous,… ayant du support ; enseignant avec douceur les opposants » (2 Timothée 2:24-25). La verge de Chrysostôme était de fer, et non celle de l’amour. Aussi sa sévérité lui attira-t-elle bientôt nombre d’ennemis dans le clergé et à la cour, surtout parmi les femmes riches dont il censurait les vices, si opposés à ce que l’apôtre Pierre demande des femmes chrétiennes (1 Pierre 3:3-5).
Au commencement de son séjour à Constantinople, Chrysostôme fut en faveur auprès de l’empereur et de la fière Eudoxie, son épouse, dont l’influence sur Arcadius grandissait chaque jour. Le bon vouloir de l’impératrice se montra dans une circonstance que nous rapporterons, parce qu’elle jette un nouveau jour sur ce qu’était devenue l’Église en ces temps.
Dans un accès de dévotion, Eudoxie avait fondé, à quelque distance de Constantinople, une chapelle dédiée à Saint Thomas. Elle voulait y transférer les reliques de quelques martyrs inconnus, conservées dans une Église grecque (*). On devait faire ce transport en grande pompe et de nuit à la lueur des torches. Naturellement, l’évêque était appelé à y prendre part. Le cortège se mit en marche. La châsse contenant les os des martyrs était portée en tête ; venait ensuite l’impératrice ceinte de son diadème, couverte de ses riches vêtements de pourpre, et accompagnée de dames et des grands de sa cour. À côté d’elle marchait l’évêque, et derrière s’avançaient les prêtres et les religieux et religieuses de toutes les communautés. Le vif éclat des torches qui éclairait la scène, la faisait ressembler à une mer de feu. Que dire d’un tel étalage de pompe mondaine ? Était-ce à la gloire de Dieu qui veut être adoré en esprit et en vérité ? Cela n’aurait-il pas mieux convenu à une cérémonie païenne ? Hélas ! ces processions somptueuses se voient encore de nos jours !
(*) On voit par là que déjà l’on vénérait les saints et les reliques ou restes de martyrs, comme le fait encore l’Église romaine. Tant la superstition s’introduit aisément dans les cœurs.
On n’arrive à la chapelle qu’au lever du jour, et là Chrysostôme fit un discours. Mais au lieu de montrer l’inanité de ces cérémonies qui ne tendaient qu’à glorifier des hommes, et que nulle part la parole de Dieu n’approuve, au lieu de diriger les cœurs vers la gloire céleste de Christ, le discours de l’évêque fut rempli de louanges de l’impératrice, et des expressions de sa propre joie d’avoir pris part à cette fête. Le lendemain, ce fut l’empereur qui à son tour vint au même lieu faire ses dévotions, et Chrysostôme, dans un autre discours, exalta sa piété et son humilité. Voilà jusqu’où l’on en était arrivé dans ce qui se nommait l’Église de Christ, de Celui qui reprochait aux Juifs de rechercher la gloire qui vient des hommes, et dont le royaume n’est pas de ce monde. Et si un homme tel que Chrysostôme, qui connaissait cependant les Écritures, donnait son approbation à de telles choses, quelles ténèbres devaient régner parmi les ignorants. La superstition allait grandissant, et la foi, qui seule sauve, était de plus en plus remplacée par de vaines formes.
Mais Chrysostôme avait à accomplir une œuvre plus belle, et où nous le voyons sous un autre jour. Les Goths, peuple barbare, avaient attaqué l’empire romain. Dans leurs incursions, ils avaient sans doute emmené, parmi leurs prisonniers, quelques chrétiens par lesquels ils apprirent à connaître le christianisme, et un grand nombre d’entre eux en vinrent à le professer. Persécutés par leurs propres rois, ces nouveaux chrétiens se réfugièrent dans certaines parties de l’empire romain où les empereurs leur permirent de s’établir. Ils étaient pour la plupart Ariens, sans bien savoir peut-être eux-mêmes ce qu’était cette profession religieuse ; mais l’empereur Valens, Arien lui-même, avait exigé d’eux qu’ils y adhérassent, sous peine d’être exclus du territoire de l’empire. Plusieurs étaient venus à Constantinople, et Chrysostôme, ému de compassion envers eux, se sentit pressé de prendre soin de leurs âmes. Il mit donc à part pour eux une des églises de Constantinople, fit traduire dans leur langue quelques portions des Écritures, et les leur fit lire par un prêtre de leur nation, qui leur adressait ensuite des exhortations. L’évêque lui-même prenait plaisir à venir parfois leur parler au moyen d’un interprète. Il eut toujours à cœur, et ce fut jusqu’à la fin une des préoccupations de sa vie, de répandre parmi les peuples barbares la connaissance de Christ. Dans ce but, il fit envoyer des missionnaires aux tribus des Goths et des Scythes qui habitaient sur les bords de la mer Noire ; plus tard, il s’efforça de convertir les païens, adorateurs d’Astarté (*), qui se trouvaient encore en grand nombre en Phénicie, et son zèle s’étendit jusqu’en Perse, chez les adorateurs du feu. On est heureux de voir brûler dans le cœur de Chrysostôme ce désir de faire connaître le nom de Christ. Il n’épargna pour cela ni ses peines, ni l’argent. Il y a encore de nos jours bien des peuples qui se prosternent devant les idoles, prions pour que la lumière de l’Évangile les éclaire, et pour les serviteurs de Dieu qui travaillent parmi eux.
(*) Astarté est cette divinité païenne que nous trouvons souvent mentionnée dans l’Ancien Testament sous le nom d’Ashtoreths ou Ashtaroth (voir Juges 2:13 ; 1 Samuel 7:4 ; 1 Rois 11:5, etc.).
Chrysostôme devait son élévation au siège de Constantinople à Eutrope. Cet homme ambitieux, avide de pouvoir et d’honneurs, espérait que l’évêque serait dans ses mains un instrument docile pour appuyer ses plans et ses desseins, qui étaient loin d’être toujours bons et justes. Mais il trouva en Chrysostôme un homme d’une tout autre trempe, qui ne craignait pas de blâmer, et même du haut de la chaire, ce qui ne lui semblait pas honorable et conforme à l’esprit chrétien, et cela chez les personnes les plus haut placées. Se mettre en opposition à Eutrope aurait exposé Chrysostôme à un grand danger, mais ce fut lui qui se vit bientôt appelé à protéger le hautain ministre. Voici dans quelle circonstance. Eutrope, irrité de l’influence toujours plus grande de l’impératrice et se croyant tout permis, s’emporta jusqu’à la menacer et lui faire entendre qu’il pourrait bien la faire chasser du palais. Eudoxie, profondément blessée, se plaignit avec véhémence à l’empereur. Celui-ci fit appeler Eutrope, le cassa de sa charge, lui retira tous ses biens, et lui ordonna de quitter le palais sous peine de la vie. Eutrope vit bien qu’il était perdu. L’impératrice avait donné ordre de le suivre et de le saisir ; il se savait détesté du peuple ; où se réfugier pour mettre sa vie à l’abri ? Autrefois, pour qu’aucun de ses ennemis ne pût lui échapper, il avait cherché à faire enlever aux églises le droit d’asile et n’y avait réussi que pour les criminels de lèse-majesté, c’est-à-dire d’offense contre l’empereur. Ce fut cependant là, dans l’église métropolitaine, que dans sa terreur il alla chercher un refuge. Poursuivi par les soldats et la populace qui demandaient sa vie, il souleva le voile qui cachait la table de communion, et embrassa une des colonnes qui la soutenaient. La foule envahissant l’église réclamait à grands cris le coupable, mais Chrysostôme refusa énergiquement de le livrer et, l’ayant fait cacher dans la sacristie, lui-même se présenta devant les soldats menaçants et demanda à être conduit auprès de l’empereur. Là il plaida la cause d’Eutrope de telle manière qu’Arcadius promit que la retraite du coupable serait respectée.
Le lendemain était un dimanche. Une foule immense remplissait l’église. Chrysostôme, choisissant pour texte les paroles de l’Ecclésiaste : « Vanité des vanités ! Tout est vanité » (Ecclésiaste 1:2), les appliqua au cas d’Eutrope qui était hier tout-puissant et que l’on voyait aujourd’hui pâle, couvert de cendres et tremblant, agenouillé auprès de la table de communion. Dans son discours, l’évêque fit ressortir combien sont instables tous les biens et les honneurs que la terre peut offrir, et combien il est dangereux et coupable de s’y fier en méconnaissant les droits de Dieu. Espérons que les pensées des auditeurs auront été tournées de la gloire et des biens périssables, vers les biens invisibles qui sont éternels et que personne ne peut nous ravir.
Eutrope, sauvé pour le moment, fut quelque temps après conduit à l’île de Chypre, puis ramené à Chalcédoine où il fut décapité, après avoir été condamné comme coupable de lèse-majesté.
Chrysostôme, dans ces temps si troublés, n’eut pas seulement à s’occuper de son ministère, en cherchant à réprimer le mal, en évangélisant et exhortant les âmes, en plaidant pour les coupables, il eut, chose étrange à dire, à protéger l’empire contre les Barbares, et cela par la seule puissance de sa parole.
En l’an 400, l’armée des Goths, sous la conduite de leur général Gaïnas, qui aspirait à occuper le premier rang dans l’armée impériale, s’approcha de Constantinople et menaça de s’emparer de la ville, si l’empereur ne lui livrait pas trois de ses principaux officiers. Ceux-ci, pour sauver l’État et épargner à l’empereur la honte de les livrer, se rendirent eux-mêmes au camp du Barbare. Gaïnas les fit charger de chaînes et, pour jouir de leur terreur, ordonna à un soldat de les décapiter. Mais celui-ci, d’accord avec son maître, se contenta de les effleurer de la pointe de son glaive, et Gaïnas les garda comme prisonniers. Ce Goth était Arien de profession, et exigeait d’Arcadius que l’on donnât à ses coreligionnaires une église dans Constantinople. Arcadius ne sachant que faire devant un si terrible adversaire, le renvoya à Chrysostôme. L’évêque, zélé pour la vraie foi au Fils de Dieu, se rendit sans crainte au camp des Barbares, et parla à Gaïnas avec une telle autorité que celui-ci ne sut que répliquer. Il renonça à sa demande d’une église et, plus tard, ses prisonniers aussi furent délivrés. Gaïnas lui-même, attaqué et défait par un autre général goth, périt en fuyant. Tous ces événements étaient pour Chrysostôme des occasions de montrer au peuple la fragilité des choses terrestres.
Ce que nous venons de raconter montre combien étaient variés dans ces temps-là les devoirs d’un évêque d’une grande ville, d’un évêque au moins qui, quels que fussent ses manquements, avait à cœur le maintien du christianisme, pour autant qu’il le comprenait. À mesure que l’empire déclinait, les évêques furent ainsi appelés à se porter pour soutiens et défenseurs de leurs troupeaux contre les Barbares. Nous aurons encore l’occasion de le voir. Pour le moment, nous allons considérer Chrysostôme aux prises avec des difficultés plus grandes que celles qu’il avait rencontrées jusqu’alors.
L’austérité de Chrysostôme, son zèle pour réformer le clergé corrompu de Constantinople et pour réprimander les grands à cause de leur luxe et de leur mollesse, lui avaient fait beaucoup d’ennemis. L’impératrice, dont il ne pouvait flatter l’orgueil toujours plus grand, s’était aussi rangée contre lui. Cela encouragea ses ennemis à chercher une occasion de le perdre et de se débarrasser ainsi d’un censeur importun, et cette occasion se présenta bientôt.
L’église d’Éphèse, dont il est tant question dans le Nouveau Testament, était alors dans le plus triste état. Son évêque, indigne d’une telle charge, était mort, et plusieurs candidats se disputaient sa place, cherchant chacun à obtenir les suffrages du peuple en répandant de l’argent. Des partis se formaient ainsi, prêts à user de violence les uns contre les autres pour faire prévaloir leur candidat. Triste spectacle, pour une assemblée chrétienne. Le clergé de la ville, ne sachant comment mettre fin au désordre, demanda à Chrysostôme de venir les aider. Voici ce qu’on lui écrivait : « Depuis nombre d’années, nous sommes gouvernés contre toute règle et tout droit. Nous te prions donc de vouloir bien te rendre ici