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Exposé sur la

 

 

Troisième épître de Jean

 

William Kelly

Original en anglais publié en 1905 et réimprimé en 1970 par Bible Truth Publishers

 

Tables des matières :

1     Introduction et généralités

2     Verset 1a

3     Versets 1b-2

4     Verset 3

5     Versets 4-6

6     Verset 7

7     Verset 8

8     Verset 9

9     Verset 10

10       Verset 11

11       Verset 12

12       Versets 13-15

 

 

1                        Introduction et généralités

On ne peut concevoir d’épître présentant des points en contraste plus fort avec la deuxième épître de Jean, que cette troisième épître qui est devant nous. Elles ont néanmoins une racine commune, et le fruit qui en résulte ne diffère en couleur qu’à cause des différences de besoins des chrétiens. En Christ il n’y a pas de réelle discordance, mais une adaptabilité infinie à tous nos besoins. Néanmoins le but de ces deux épîtres diffère de manière bien frappante. La deuxième épître communique un avertissement très solennel, et ce qui à la fois lui confère un caractère spécial et rend son application générale, c’est qu’elle est adressée à une femme chrétienne dont le nom n’est pas donné, et non pas à un surveillant ou à des gens comme Timothée et Tite, qui ont représenté l’apôtre dans une région limitée et pour une raison particulière, pour une mission dépassant les charges locales de surveillant ou d’ancien. À une dame élue, et à ses enfants, il est enjoint à eux tous ensemble un devoir qu’ils sont tenus d’accomplir. Ce n’est pas une question d’action publique ou ecclésiastique, mais de loyauté individuelle à Christ, d’application si rigoureuse qu’il leur était interdit de recevoir un faux docteur à la maison, ou même de le saluer de manière ordinaire, car c’était un antichrist.

La troisième épître est l’épanchement de la plus profonde affection chrétienne, adressée à un chrétien déjà bien connu pour son amour, spécialement parce qu’il prenait soin de ceux engagés dans l’œuvre du Seigneur. Son cœur les recevait, et les accompagnait dans leur service pour les seconder et faciliter leur œuvre selon tout ce qui était en son pouvoir. C’est pourquoi le mot-clef de l’épître est « recevez », comme celui de la deuxième épître était « ne recevez pas ». Cela peut paraître incohérent et arbitraire à l’homme naturel, mais que peut-on attendre de lui ? L’homme naturel ne reçoit pas les choses de l’Esprit de Dieu, car elles lui sont folie (1 Cor. 2:14). Ici au contraire, la direction est entièrement opposée : il y a réellement une harmonie parfaite, et ce qui fait l’harmonie, c’est Christ. Il y avait et il y a des âmes qui s’identifient avec la vérité de Christ ici-bas ; aussi la parole dans la troisième épître est-elle « recevez-les ».Il suffit qu’ils apportent la doctrine de Christ, étant toujours admis que leurs voies sont selon Christ. Il n’est soulevé aucune question de position de ministre. Dans ce temps-là, l’église ne s’était pas encore arrogée le droit d’interférer avec les droits de la Tête. La libre action du Saint Esprit que les apôtres maintenaient dans les premiers temps était encore honorée. Dans ces jours où les limites paroissiales n’avaient pas encore été inventées, la mesure et le caractère des dons pouvaient varier beaucoup. Un prédicateur pouvait être lent à voir ce qui se rapportait à Christ dans chaque partie de la Bible, alors qu’un autre pouvait saisir les choses promptement et brillamment. D’autres pouvaient être enclins à la sentimentalité et à l’émotion sans être réellement chrétien, tandis que d’autres s’adonnaient à la dialectique ou à l’érudition. La foi et l’amour sont des choses très différentes ; or c’était elles qui étaient à l’œuvre dans le service fatigant et accompli dans le renoncement, dont Gaïus faisait grand cas à cause du Seigneur.

La première épître s’élève par le Saint Esprit au-dessus des questions de personnalités, et lie tous les saints ensemble, dans la foi et l’amour, en vue de la personne de Christ, et dans la communion avec le Père et Son Fils Jésus Christ, le Seigneur Jésus. Aucune épître ne prend en compte plus complètement et à tous égards l’ensemble de la  famille de Dieu ; aucune n’est moins en rapport avec un temps ou un lieu particulier. Mais la deuxième s’adresse à une dame élue et à ses enfants, comme la troisième au bien-aimé Gaïus ; malgré un contraste aussi marqué avec la première épître, la deuxième et la troisième épître ne sont pourtant que des applications particulières de la même vérité et du même amour en Christ que la première épître nous a fait connaître.

Dans la troisième épître, on a une largeur de cœur formée divinement. « L’amour dans la vérité » est ce qui gouverne ici comme dans les autres épîtres. Gaïus refuse de dévier de ce qui est dû à Christ sous l’effet soit de la flatterie soit de la frayeur. L’autorité, effective ou prétendue, œuvrait pour critiquer la vérité et l’amour. Quelqu’un étroit de cœur s’élevait lui-même, dans l’assemblée même où était Gaïus, semble-t-il — or il ne cherchait pas à gouverner selon l’Écriture, mais à sa manière à lui. Beaucoup le suivaient ; on ne manque pas de successeur dans ce genre de ligne de conduite. Les apôtres et prophètes ont fait leur travail, puis sont délogés, laissant leur témoignage incontestablement inspiré. Mais les hommes animés par leur volonté propre n’ont jamais manqué à aucune époque.

C’est pourquoi il nous est donné une instruction de valeur inestimable, ce qu’il faut penser de tels hommes et comment il faut se comporter à leur égard. C’est l’une des leçons si utiles de cette épître, de ne pas se préoccuper d’eux, mais de poursuivre soi-même le chemin de Christ. Le Seigneur ne manque pas, dans Ses voies, de rappeler l’œuvre dépourvue d’amour et les racontars (v. 10), et de manifester par une censure méritée, le néant égoïste qui écartait l’autorité apostolique, s’opposait au témoignage actif de l’évangile, et usait de fausses prétentions pour chasser de l’assemblée ceux qui résistaient à de telles pratiques. Nous faisons bien de ne pas nous occuper outre mesure de ce qui est inconvenant, ni de nous laisser dévier du vrai chemin de dévouement à Christ. Nous n’avons pas non plus à craindre les paroles de grandes apparences, habituelles chez ceux qui cherchent à s’exalter eux-mêmes et leur parti, plutôt que de suivre Christ. S’attacher à Christ est le seul vrai moyen d’être délivrés de nous-mêmes. Il y a une manière orgueilleuse de mépriser un Diotrèphe, sans même avoir pitié de son âme ; Christ n’a pas de tels sentiments, mais il l’avertit.

Le grand principe pour l’église comme pour le chrétien, c’est l’obéissance, spécialement quand il n’y a guère de force. La soumission à la Parole est du Seigneur ; qu’y a-t-il de plus humble et de plus ferme que cela ? Elle donne du courage et de l’humilité, avec une entière dépendance de Celui en qui nous croyons, dont les oreilles sont attentives, et qui défendra Sa propre Parole. Il est indispensable d’avoir des principes, mais ce n’est pas tout. Les principes à eux seuls n’ont jamais rendu le croyant humble ou aimant. Ils sont souvent pris en compte de manière sèche, dure et légale. Or nous ne pouvons jamais nous passer d’un Christ vivant ; Il est accessible à tous ceux qui s’attendent à Lui, et Il est actif envers eux, aussi précieuse que soit la vérité, et Dieu nous donne le droit d’avoir toutes les ressources de Christ dans Son amour, comme étant dans Sa main et dans celle du Père.

 

2                        Verset 1a

« L’ancien à Gaïus, le bien-aimé ».

Il laisse ici épancher son cœur, ce qu’il ne faisait pas envers la dame. Il y a une sagesse divine dans le langage de l’Écriture. On a trop souvent vu des expressions pleines d’une grande douceur conduire à la folie, voire au péché. L’expression « la dame élue » était un rappel à Dieu, tandis qu’envers Gaïus l’affection pouvait se déverser sans risque en toute simplicité. L’apôtre était donc conduit à utiliser le bon mot « élue ». Si Dieu avait choisi cette dame, Il ne l’avait pas fait pour qu’elle cède au diable, mais pour qu’elle lui résiste, et alors il s’enfuirait (Jacq. 4:7). Le chemin dans lequel cette dame était éprouvée était très difficile pour elle. Une dame a tendance à éviter instinctivement tout ce qui serait inconvenant pour un dame. Combien il était choquant de refuser de recevoir sous son toit un monsieur peut-être convenable, probablement même une connaissance de longue date. Ne même pas lui donner la salutation ordinaire ! Cela semble dur en effet à tous ceux qui n’aiment pas notre Seigneur ; pourtant c’est justement ce que l’Esprit de Dieu enjoint. Pouvait-il en être autrement quand Christ est attaqué de manière fondamentale, et que nous sommes appelés à être Ses bons soldats ?

« Une dame élue » est tenue d’honorer Christ tout comme chacun de ceux pour lesquels Il est mort et est ressuscité. Aucun chrétien ne peut être déchargé de ce devoir. En tout cas, c’est ce qui semblait bon à l’Esprit de Dieu autrefois. La question est de savoir ce qu’on fait et ce qu’on enseigne maintenant. L’homme pouvait avoir été l’instrument de la conversion d’elle ou de ses enfants, et il lui serait dur pour elle — une dame — d’ignorer cet homme. Mais les circonstances avaient changé, et il était devenu maintenant un ennemi de Christ au lieu d’annoncer vraiment Christ. Peut-être qu’en secret l’homme était un opposant. Car il nous faut garder à l’esprit que ces séducteurs étaient eux-mêmes séduits, étant aussi conduits par Satan à penser qu’ils étaient de meilleurs amis de Christ que les vrais chrétiens, et que leur doctrine était dans le droit-fil de la vérité, suprêmement belle et nouvelle.

Mais dans la troisième épître, il y a un tout autre devoir. Si nous n’avions que la deuxième épître, nous serions en danger de devenir rigides, durs et soupçonneux. Alors la troisième épître nous recevons des exhortations au sujet de qui recevoir, le faisant de tout notre cœur. Si d’un côté des gens dangereux vont ça et là, cherchant à entrer, nous ne devons pas oublier les hommes vrais sérieusement occupés à diffuser la vérité de Christ. La dame élue devait se méfier des hommes méchants sous des apparences spécieuses ; le frère est appelé à persévérer dans l’amour sincère pour le bien et pour la vérité. Il arrive quelquefois qu’un tel frère soit rebuté parce qu’il a été déçu une ou deux fois. Il déteste être piégé, et de telles circonstances lui sont en pierre d’achoppement, en sorte qu’il est bien décidé à ce que cela ne se reproduise plus.

 

3                        Versets 1b-2

Quoi qu’il en soit, l’apôtre écrit à Gaïus pour l’encourager dans le chemin de l’amour. Il ne suffit pas de bien commencer : il y a un but encore plus grand, qui est de croître dans l’amour, sans jamais se lasser de faire le bien. C’est pourquoi l’apôtre dit de Gaïus « qu’il l’aime dans la vérité ». C’est la base commune aux deux épîtres ; quelles que soient les différences d’application et de but recherché, l’amour dans la vérité est une caractéristique que les deux épîtres soulignent pareillement.

« Bien-aimé, je souhaite qu’à tous égards tu prospères et que tu sois en bonne santé, comme ton âme prospère » (v. 2). Que cela est simple, vaste et cordial !

Il n’y a pas de hâte à aborder le sujet, et c’est bien là un beau trait de l’Écriture. Il y a en général des considérations mutuelles de grâce, à moins qu’un grave danger ne requiert un appel immédiat, comme nous le voyons dans l’épître aux saints de Galatie. Mais en l’absence d’un tel danger, Gaïus est assuré de l’intérêt personnel de l’apôtre envers lui. Il lui souhaite de prospérer en toutes choses. La version autorisée du Roi Jacques exprime qu’ « il lui souhaite par-dessus tout de prospérer » : cela va trop loin. Peut-être que certains ont adopté l’idée extravagante qu’il importe peu si nos affaires vont mal ou si notre santé est mauvaise, et que la seule question intéressante est de savoir si l’âme prospère. L’apôtre inspiré ne favorise pas un tel fanatisme. Un frère peut prospérer ou non dans ce qu’il entreprend. L’apôtre avait un vrai sentiment fraternel, mais bien sûr il prend bien soin de donner la première place à la bonne santé de l’âme. Si celle-ci est préservée et réelle, nous pouvons compter en règle générale sur l’intérêt porté par le Seigneur à l’égard tant de nos affaires ou de nos entreprises que de notre santé corporelle. Si l’âme prospère, notre Dieu de grâce prendra à la fois plaisir en nous et en toutes nos affaires. Les cheveux même de notre tête sont tous comptés. Si aucun passereau ne tombe en terre sans Lui (Matt. 10:29), s’Il s’occupe des corbeaux et des lis des champs, à quel Père avons-nous à faire chaque jour et en toutes choses !

Nous savons que, si notre maison terrestre est détruite, nous avons un édifice plus glorieux de la part de Dieu, et si l’homme extérieur dépérit, l’homme intérieur est renouvelé de jour en jour (2 Corinthiens 4:16 ; 5:1). C’est ce qui est le plus élevé à considérer, et qui devrait l’être de très près. Malgré cela, il s’agissait ici de ce bon frère qui avait démontré sa bonté dans ses soins envers les autres, spécialement ceux qui avaient renoncé à tout pour servir le Seigneur Jésus. Comme il prospérait dans son âme, l’apôtre lui souhaite de prospérer en toutes choses, et d’être en bonne santé, de manière à être réjoui, libre et sans entrave.

Pour que l’âme prospère, il arrive que Dieu fasse flétrir ce qui nous accapare trop ; et si cela ne suffit pas, il nous discipline avec une maladie corporelle. Le Seigneur ôte les idoles et les brise en morceaux. C’est une grâce de Sa part. Bien sûr, cela peut être douloureux, mais nos cœurs s’associent à ce que le Seigneur fait pour enlever un piège et regagner l’âme pour qu’elle L’honore et se réjouisse en Lui. Quelquefois un homme zélé est mis de côté pour apprendre que le Seigneur peut faire Son œuvre sans lui. Il a été absorbé à enseigner les autres et à leur prêcher, et il s’est laissé aller à diminuer sa vigilance à l’égard de la communion de son âme. Dans Sa bonté et Son amour, le Seigneur corrige, et un peu de maladie est tourné en beaucoup de bien. Mais ici, comme Gaïus prospérait dans son âme, l’apôtre lui souhaite la prospérité dans tout le reste, et aussi dans son corps.

 

4                        Verset 3

« Car je me suis très fort réjoui quand des frères sont venus et ont rendu témoignage à ta vérité, comment toi tu marches dans la vérité » (v. 3).

La vérité réjouissait le cœur de l’apôtre. Gaïus marchait dans la vérité. C’était un indice de la prospérité de son âme. La bonté envers les frères, les égards envers les autres, la prospérité dans ses affaires et dans la santé de son corps : quel était le rapport de tout cela avec tenir ferme la vérité — « ta vérité », et sa propre marche dans la vérité ? Or c’était le témoignage que les frères portaient à son égard, et cela produisait une très forte joie pour l’apôtre ; Gaïus cherchait premièrement le royaume de Dieu et Sa justice, et tout le reste lui était donné par-dessus (Matt. 6:33). Son cœur n’était pas fixé sur ses propres affaires. Il n’y avait pas de compromis à l’égard de Christ, il ne faisait pas de la vérité une question secondaire, mais il persévérait à marcher fidèlement. Le témoignage en était rendu très clairement de la part des autres. « Des frères sont venus et ont rendu témoignage à ta vérité [ou : à la vérité qui est en toi] ». Si c’était Gaïus qui en avait parlé, cela aurait pu être sujet à caution ; car qui a jamais vu des gens dont l’amour pour la vérité est inébranlable et qui font beaucoup de bruit au sujet de leur fidélité et de leur service ? Plus on aime et apprécie la vérité, plus on juge ses propres manquements dans le service et la vie journalière.

 

5                        Versets 4-6

« Je n’ai pas de plus grande joie que ceci, c’est que j’entende dire que mes enfants marchent dans la vérité ».

Ce n’est plus les enfants de la dame, ou « les enfants de la sœur élue ». Il est question ici de « mes enfants », ceux qui étaient apparentés spirituellement à l’apôtre et dont Gaïus faisait partie : c’est pour cela qu’il était cher à l’apôtre. Gaïus n’avait pas seulement bien commencé, mais il continuait bien en face du mal. Il y avait alors le besoin de l’encourager à continuer ; cette question est amenée d’une manière fort délicate. « Bien-aimé, tu agis fidèlement dans tout ce que tu fais envers les frères, et cela [envers ceux-là même qui sont] étrangers, qui ont rendu témoignage à ton amour devant l’assemblée ; et tu feras bien de leur faire la conduite d’une manière digne de Dieu » (v. 5-6).

Les qualificatifs que la plupart des chrétiens auraient utilisés auraient été : bienveillant, prévenant, généreux, affectueux. Avec Gaïus, c’était avant tout une question de foi devant Dieu. La foi introduit toujours Dieu d’un côté, comme l’amour L’introduit de l’autre. La foi introduit la Parole de vérité, et l’amour est l’énergie de la nature divine dans des affections de grâce.

Dans la dernière phrase du v. 5, le texte de la version autorisée du Roi Jacques est non seulement défectueux, mais contraire au vrai sens. Il comporte en effet la notion qu’il y a deux objets : « ce que tu fais envers les frères et envers les étrangers ». Le texte correct, tel qu’attesté par les meilleurs manuscrits est « ce que tu fais envers les frères, et cela [envers ceux-là même qui sont] étrangers ». Le point important est que l’amour était montré, avec foi, aux frères, non pas les anciens amis, mais ceux qui étaient étrangers. L’Écriture indique expressément la valeur que Dieu attache à l’amour envers les étrangers, bien qu’ici avec le lien supplémentaire de frères. Les enfants de Dieu sont plus près de Dieu que les anges ne pouvaient l’être ; et on peut dire ainsi qu’il devrait nous être plus précieux de loger des frères, notamment des étrangers, que de loger des anges. Combien la superstition a renversé la vérité, et la nature a obscurci le sens de nos relations avec Dieu !

Beaucoup de saints sont attirés par l’amour pour les ouvriers qu’ils connaissent et admirent, mais ils sont réservés vis-à-vis de frères étrangers dont ils n’ont rien entendu. L’amour de Gaïus pour les frères étrangers a l’approbation bien marquée de l’apôtre. Ils ont « rendu témoignage de ton amour » devant l’assemblée. La « charité » (terme utilisé par la version autorisée du Roi Jacques au v. 6) a un autre sens inconnu de l’Écriture, et entièrement étranger au cas qui est devant nous, et en-dessous de l’affection divine envisagée ici. Sans doute l’usage qui en est fait en 1 Cor. 13 dans la version anglaise l’élève bien au-dessus du sens conventionnel, mais le terme « amour » n’est pas équivoque sauf à celui qui est vil. C’est un mot qui fait bien partie de notre langue maternelle, alors que le mot « charité » nous vient du latin. L’Esprit de Dieu utilise un mot qui, dans la bouche d’un païen, avait une portée de sensualité, et il lui donne un sens béni et saint, en le christianisant et le sanctifiant pour toujours.

Mais l’apôtre voudrait plutôt ajouter qu’enlever, au courant d’amour quand il écrit « et tu feras bien de leur faire la conduite d’une manière digne de Dieu » (v. 6b). Même si on avait abusé de l’amour de Gaïus, l’apôtre ne voulait pas penser qu’il puisse s’arrêter. Ces frères étaient en train d’aller ailleurs, et la parole donnée par l’apôtre est « si tu leur fais la conduite d’une manière digne de Dieu, tu feras bien ». La force de l’expression est complètement ramollie si l’on traduit (selon la version autorisée du Roi Jacques) « d’une manière pieuse », ce qui est une expression affaiblie. Certes, une conduite pieuse est, en soi, précieuse et excellente, mais c’est plus sûr de s’en tenir aux mots utilisés effectivement par l’Esprit de Dieu, et c’est faire preuve de plus de révérence. Il n’y a rien de plus intelligible que de faire la conduite, non pas d’après une pensée humaine de piété, mais d’une manière « digne de Dieu ». Car Dieu est amour, et l’amour est de Dieu. Cela peut être en rapport avec de petites choses ici-bas, mais cela met l’âme en relation, dans la foi et l’amour, avec ce qui est invisible et en dehors d’elle, avec Dieu qui bénit pour toute éternité.

Pourtant, dans sa suggestion, l’apôtre n’en dit pas plus que « tu feras bien ». Ce langage prudent du Saint Esprit est la simplicité quant à Christ, car il évite toute approche avec des pressions, et  toute exagération, bien que la chose tînt au cœur de l’apôtre. On se rappelle quelque chose de ce genre en Héb. 13 (v. 15-16) où l’apôtre parle de deux sortes de sacrifices : « le sacrifice de louanges offert sans cesse à Dieu, c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent Son nom » ; « mais n’oubliez pas la bienfaisance, et de faire part de vos biens, car Dieu prend plaisir à de tels sacrifices ». Le premier a une importance et une valeur incomparables ; quant à la forme inférieure qui consiste à faire du bien, et à faire part de ses biens ici-bas, elle découle de la même foi et du même amour, « car Dieu prend plaisir à de tels sacrifices ». Les sacrifices spirituels font les délices de Dieu ; ceux qui se rapportent au côté humain Lui font plaisir.

 

6                        Verset 7

« Car ils sont sortis pour le nom, ne recevant rien de ceux des nations ».

C’est ici ce qui rendait ces ouvriers spécialement chers à l’apôtre. Ils s’abstenaient eux-mêmes totalement de profiter des ressources du monde. Quels que fussent leurs besoins, ils gardaient la dignité céleste de l’évangile, et prouvaient qu’ils cherchaient le plus grand bien des Gentils, non pas à leur prendre leurs biens. Qu’est-ce qui dégrade le plus l’évangile que de laisser l’église ou ceux qui le prêchent se mettre à mendier au monde ? N’est-ce pas nier ouvertement la foi que le Seigneur a soin de Son œuvre ? Inversement, qu’il est rafraîchissant de voir quelqu’un qui, dans son dévouement au Seigneur, est au-dessus de l’inquiétude pour lui-même ! Combien le cœur de Gaïus était attaché à ceux « qui étaient sortis pour le Nom » ! Ils n’étaient pas envoyés par l’homme. L’église n’a pas d’autorité pour choisir les serviteurs du Seigneur, les établir ou les envoyer au dehors. C’est une erreur de l’église et des serviteurs — erreur présomptueuse et indigne — d’usurper la place de Christ. Christ est la tête, la source des dons pour le ministère, et Celui qui les envoie, et Lui seul l’est. Les charges locales sont une toute autre chose

L’église devrait pourtant être heureuse de reconnaître ceux que le Seigneur envoie. C’est ce que nous trouvons à Antioche (Actes 14:27) au retour de Paul et Barnabbas de la mission dans laquelle l’Esprit de Dieu les avait envoyés. Les frères « les laissèrent aller » (απελυσαν) ; mais ils étaient « envoyés » (εκπεμφθεντες) par l’Esprit Saint (Actes 13:3, 4). Le Seigneur Lui-même « envoya » les douze et les soixante-dix (Luc 9:2 ; 10:1) quand Il était ici-bas : et maintenant qu’Il est en haut, par l’Esprit de Dieu, Il continue toujours à donner et à envoyer ceux qui sont vivants, qu’Il a qualifiés pour Son œuvre quelle qu’elle soit. Il n’a pas abdiqué Ses droits, ni ne les a légués à l’Église, ou à des individus en elle. Néanmoins Actes 13:3 nous dit que leurs compagnons de travail avaient communion avec les envoyés du Saint Esprit, et le signifièrent en leur imposant les mains comme signe, ce qu’ils paraissent avoir répété plus tard, non pas pour Barnabbas, mais pour Paul quand il est reparti une autre fois (Actes 15:40). Cela n’a aucun rapport avec ce qu’on appelle l’ordination. C’était simplement un signe solennel de recommandation à la grâce de Dieu : on l’a aussi fait récemment dans des occasions appropriées, sans prétendre à quoi que ce soit. Mais il n’y avait dans ces affaires aucune pensée d’autorité de l’Église. La mission, comme le don, appartiennent au Seigneur ; Lui demeure encore le même, ce que la chrétienté a oublié ; l’Esprit de Dieu est ici-bas pour donner efficace au don en nous, aujourd’hui comme alors. Il peut ne pas y avoir la même puissance manifestée selon ce que nous trouvons maintes fois dans les Actes des apôtres. Mais Dieu sait comment faire valoir le même principe divin par des voies adaptées à l’état présent de l’Église, ce qui demande de l’humiliation de notre part. Mais c’est manquer de foi que de délaisser le chemin de Dieu pour une invention de l’homme dépourvue d’autorisation divine.

 

7                        Verset 8

« Nous donc, nous devons recevoir de tels hommes ».

Que cela est plein de grâce et de sagesse ! Ce n’est pas seulement un appel à Gaïus et à d’autres saints pour qu’ils reçoivent ou accueillent de tels hommes. Nous donc, dit l’apôtre, nous devons recevoir de tels hommes. Quelle beauté morale il y a là. Il aurait pu sembler suffisant d’insister en disant « Vous, recevez de tels hommes » ; combien c’est plus fort quand tous sont inclus dans ce « nous » ! L’apôtre ne prenait pas une place supérieure, comme si se joindre aux autres était au-dessous de lui. Il donne ainsi son approbation et ses encouragements à ceux qui sortent humblement pour l’œuvre, même si aucun autre n’avait une position comparable à la sienne dans l’Église : voilà qui sollicitait la grâce de Christ de manière remarquable, et était une réprobation du cléricalisme naissant qui méprisait ces ouvriers zélés, et c’était une preuve publique pour tous qu’ils bénéficiaient entièrement de l’appui et de l’amour de l’apôtre.

Non content de cela, qui était déjà beaucoup, l’apôtre va encore plus loin jusqu’à dire « afin que nous coopérions avec la vérité ». Mes chers frères, puis-je vous recommander chaudement ces paroles à tous ! Quel honneur ! La vérité est ici personnifiée comme étant haïe par le diable et par le monde, par lequel il opère de mille manières pour contrecarrer Christ et tous ceux qui s’identifient en ce qu’ils Lui rendent témoignage. C’est ce que faisait Diotrèphe, quoi qu’il ne soit pas dit qu’il sympathisât avec l’antichrist ou ceux qui tenaient quelqu’autre hérésie. C’est une forme de mal tout à fait différente. Son état était affreusement mauvais, en sorte qu’on fait bien de ne pas en dire plus. — Tout chrétien peut coopérer avec la vérité, et c’est juste de le faire. Certains ne peuvent pas prêcher, mais nous pouvons et devons, vraiment et pratiquement, sympathiser avec ceux qui font l’œuvre. Prions-nous pour eux habituellement ? Veillons-nous à les servir selon toute manière que nous pouvons ? Si oui, nous sommes des coopérants, non seulement avec eux, mais « avec la vérité ». On ne peut pas supposer qu’il y ait une difficulté réelle pour aucun saint de coopérer avec la vérité. L’amour de Gaïus était remarquable, mais pour tous ceux qui sont sérieux devant Dieu, il y a le même appel d’amour. « Si la promptitude à donner existe, elle est agréable selon ce qu’on a, non selon ce qu’on n’a pas » (2 Cor. 8:12). D’une manière ou d’une autre, tous peuvent aider de manière agréable au Seigneur, ce qui fait d’eux, dans Sa grâce, des coopérants de la vérité.

 

8                        Verset 9

« J’ai écrit quelque chose à l’assemblée ».

Nous apprenons par là que c’est une erreur de croire que les apôtres n’ont jamais écrit d’autres épîtres que celles que nous avons. Dieu a pris soin que celles utiles pour la bénédiction permanente des croyants ne soient pas perdues ; c’est Lui qui les a inspirées pour un service continuel, et en conséquence c’est Lui qui a veillé sur elles. Nous n’avons pas besoin d’imaginer que les apôtres n’ont jamais rien écrit d’autre. Pourquoi donc ? Sans même insister outre mesure sur l’allusion faite ici, on ne peut nier qu’il y a eu des communications écrites par des hommes inspirés sans être nécessairement inspirées pour faire partie des Écritures. Nous trouvons la même chose dans l’Ancien Testament, avec les livres de Salomon par exemple, ou d’autres. Si Dieu n’a pas tout préservé, Il a mis à l’abri ce qui était inspiré pour un usage permanent, ce dont Ses prophètes ont reçu compétence pour en juger. Quand une telle inspiration a cessé aussi bien pour l’Ancien Testament que pour le Nouveau Testament, les prophètes ont aussi cessé.

La sélection divine est quelque chose à admirer au lieu d’y voir une source de difficultés. Si tous les livres qui peuvent être écrits l’avaient été, le monde entier ne pourrait les contenir, déclare notre apôtre (Jean 21:25). Les paroles et les œuvres de notre Seigneur à Lui seul, si elles étaient écrites comme elles le méritaient, rempliraient le monde, et plus encore. Combien est précieuse cette sélection parfaitement sage, caractéristique de l’inspiration ! Dieu est le seul juge de ce qui fera le meilleur profit. Même la Bible telle qu’elle est, combien en réalité elle est peu connue par ceux-là même à qui elle est plus chère que la vie ! Puissent tous les enfants de Dieu la connaître tous plus complètement ! Si même vous lisiez la Bible souvent chaque jour de votre vie, et pas seulement d’une manière pieuse et studieuse, tout vrai chrétien vous dira combien vous serez encore loin d’en sonder les profondeurs. Cela dépasse toujours le meilleur des professeurs. S’il y avait seulement autant de livres qu’il y a de versets ou même de chapitres, et avec une longueur égale, il est évident que la difficulté serait déjà considérablement accrue pour le lecteur sérieux.

Admirons la sagesse divine qui a choisi par inspiration ce qui était pour usage perpétuel dans le cadre limité de la Bible telle qu’Il nous l’a donnée. Selon un adage assez correct, en matière de bonnes choses, on peut aussi bien avoir trop que trop peu. Dans la Bible, nous n’avons ni trop ni trop peu, mais ce que le Dieu seul sage a estimé le meilleur pour Sa gloire et notre bénédiction. Il était de toute importance que Sa Parole soit aussi brève que possible tout en conservant la plénitude de la vérité révélée. « J’ai écrit quelque chose à l’assemblée ; mais Diotrèphe, qui aime à être le premier parmi eux, ne nous reçoit pas ». Il n’est pas difficile de comprendre pourquoi nous n’avons pas la lettre que Jean a écrite. Il semble que Diotrèphe montrait son mauvais esprit en soustrayant cette lettre à l’assemblée, et que de cette manière l’apôtre n’a pas été reçu par lui.

 

9                        Verset 10

« C’est pourquoi, si je viens, je me souviendrai des œuvres qu’il fait en débitant de méchantes paroles contre nous ; et, non content de cela, lui-même il ne reçoit pas les frères et il empêche ceux qui veulent [les recevoir], et les chasse de l’assemblée » (v. 10).

Quelle qu’ait été sa doctrine, ses œuvres étaient mauvaises. « C’est pourquoi, si je viens, je me souviendrai des œuvres qu’il fait ». L’esprit que Diotrèphe montrait en rejetant ce que l’apôtre écrivait — si tel est le sens de ne pas recevoir l’apôtre — ce même esprit se manifestait dans son mépris des frères qui allaient prêcher ça et là. Il semble qu’il pensait comme suit : « À quoi sert-il qu’ils viennent ici ? Je suis ici. C’est à moi à veiller à la vérité ; je n’ai jamais pensé de demander leur aide, surtout du fait que ce sont des étrangers qui viennent sans avoir été envoyés dans ce but, ou de toute autre manière. Ce sont des intrus ». Ce sentiment n’est pas rare, et même si certains ne l’expriment pas, combien souvent n’est-il pas ressenti ! Il imprégnait l’esprit et la conduite de cet homme, si élevé à ses propres yeux qu’il faisait preuve d’un manque total de respect vis-à-vis de l’apôtre. Qui s’étonnera de son hostilité à l’égard des frères humbles qui s’adonnaient à prêcher largement et au loin ? Sans doute estimait-il qu’il eût été meilleur pour eux de s’en tenir à gagner honnêtement leur vie au lieu d’aller là où lui au moins ne les désirait pas.

 

10                  Verset 11

« Bien-aimé » — cela est signalé solennellement — « n’imite pas le mal, mais le bien ».

Diotrèphe faisait clairement ce qui était mal ; Gaïus devait éviter d’imiter le mal, car le mal contamine. Qu’il s’en tienne au bien. « Celui qui fait le bien est de Dieu ; celui qui fait le mal n’a pas vu Dieu ». Nous ne pouvons pas affirmer que Diotrèphe était absolument visé par ce caractère terrible, mais il suscitait de sérieuses craintes dans ce sens. Le langage est général, et mesuré. L’apôtre établit simplement le principe sûr — faire le mal n’est pas de Dieu. Celui qui le fait comme une habitude de vie n’a pas vu Dieu. Combien l’autre côté est consolant ! Lui est de Dieu. Voir Dieu laisse une empreinte sur l’âme pour toujours. On ne peut pas avoir vu Dieu et être un faiseur de mal. Faire le mal était vrai de Diotrèphe jusqu’à un certain point assez grave. Laissons de côté la question de savoir si cela le caractérisait.

 

11                  Verset 12

« Démétrius a le témoignage de tous et de la vérité elle-même ; et nous aussi, nous lui rendons témoignage : et tu sais que notre témoignage est vrai ».

Voici un beau caractère dont n’avions pas encore entendu parler. La vérité elle-même, et tous en même temps, rendaient témoignage à Démétrius ; et nous aussi, nous lui rendons témoignage, ce que Gaïus savait bien être vrai. « Nous aussi, nous lui rendons témoignage ». Gaïus pouvait être en complète communion avec Démétrius. Il semble qu’une raison pour laquelle l’Esprit de Dieu parle de cette manière de Démétrius est que, comme dans nos jours mauvais, nous pouvons chercher d’autres qui invoquent le Seigneur d’un cœur pur. Ainsi ici, s’il nous est parlé d’un (1) Diotrèphe, il y en avait deux (2) à louer, Gaïus et Démétrius, pour ne rien dire des frères fidèles, quoiqu’étrangers, dont Diotrèphe n’avait rien de bon à dire. L’apôtre voudrait que nous ne soyons pas trop accablés par le sentiment du mal ou de ceux qui médisent, mais que nos cœurs soient encouragés dans la vérité et dans l’amour.

 

12                  Versets 13-15

« J’avais beaucoup de choses à t’écrire, mais je ne veux pas t’écrire avec l’encre et la plume, mais j’espère te voir bientôt et nous parlerons bouche à bouche. Paix te soit. Les amis te saluent. Salue les amis, chacun par son nom ».

Il ne faut pas que nous tombions sous une accumulation de mal. Il y a toujours le danger de lever les bras au ciel en déclarant que tout est perdu. Je ne pourrais jamais sympathiser avec une pensée aussi incrédule. Que le pire mal prévale, que beaucoup de ceux qui avaient semblé fidèles s’écroulent, ce sont là d’autant plus de raisons de nous défier de nous-mêmes, et de demeurer malgré tout dans le Seigneur d’un cœur résolu. N’oublions jamais que l’Esprit Saint demeure en nous et avec nous pour toujours, plus même pour rassembler à Son nom que pour convertir des pécheurs, bien qu’Il fasse les deux.

Quelles paroles simples et vraies dans la conclusion de la troisième épître comme de la deuxième ! Les grands artistes ont l’habitude de représenter le Seigneur, les apôtres et les saints avec une auréole sur la tête. L’Écriture parle de tous avec une simplicité sans prétention : le Seigneur a été le plus débonnaire et le plus humble des hommes ; et les apôtres diffèrent des autres frères par une abnégation plus profonde et un sens plus vif de demeurer en Dieu, — c’est le privilège de Sa grâce. On ne manquera pas de discerner ici la dignité de n’être qu’un « esclave de Jésus », comme le plus grand d’entre eux aimait à se désigner, — une dignité de quelqu’un dont les pensées sont célestes. Le Saint Esprit donnait l’énergie d’opérer des signes et des prodiges et des miracles, tout en travaillant comme si l’on n’était rien. L’homme inspiré avait beaucoup de choses à écrire avec l’encre et la plume, mais il espérait voir son bien-aimé Gaïus et alors ils parleraient bouche à bouche. Il préférait une communion vivante, et lui souhaitait la paix entre temps. Nous avons ici des amis se saluant mutuellement, non pas de manière vague, mais « chacun par son nom » ; de la même manière dans la deuxième épître il y avait une salutation familiale : « les enfants de ta sœur élue te saluent ».