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MÉDITATIONS SUR L’ÉPÎTRE AUX PHILIPPIENS

 

William Kelly

 

 

Table des matières :

1     Chapitre 1

2     Chapitre 2

3     Chapitre 3

4     Chapitre 4

 

 

1                    Chapitre 1

Nous nous proposons, avec le secours de Dieu, de développer quelque peu les traits propres à l’épître aux Philippiens. Pour mieux comprendre ce qui est placé devant nous, comparons son caractère avec celui des autres épîtres. Quelques-unes de ces particularités apparaissent dès le tout premier verset. L’apôtre Paul se présente de la manière la plus simple possible : «Paul et Timothée, esclaves de Jésus Christ, à tous les saints dans le Christ Jésus qui sont à Philippes, avec les surveillants et les serviteurs : grâce et paix à vous, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ !» Ailleurs, même lorsque Paul se nomme esclave, il ne manque pas d’ajouter son titre apostolique ou quelque autre distinction par laquelle Dieu l’avait mis à part du reste de ses frères. Mais ce n’est pas le cas ici. Paul est conduit par le Saint Esprit à se présenter aux enfants de Dieu à Philippes sur le terrain le plus vaste ; il pouvait de la sorte s’associer pleinement Timothée. Ainsi dès le tout début de cette épître, nous saisissons que nous ne devons pas nous attendre aux merveilleuses révélations de la vérité tant au sujet de la position chrétienne que de l’Église, comme c’est le cas dans les épîtres aux Romains, aux Corinthiens ou aux Éphésiens, où l’apostolat de Paul est établi avec le plus grand soin.

 

Dans l’épître aux Romains, Paul s’intitule «esclave de Jésus Christ, apôtre appelé» (v. 1). Il n’était pas apôtre par naissance, mais par l’appel de Dieu. Il ajoute plus loin que ceux à qui il s’adresse étaient des saints en vertu du même appel divin par lequel lui était apôtre — ils étaient «saints appelés» et lui comme eux avaient été appelés par la même grâce souveraine de Dieu. Rien, ni chez lui ni chez eux, qui leur permît d’émettre une prétention quelconque devant Dieu. Le péché, et par conséquent la mort, leur étaient communs ; mais la grâce de Dieu qui avait fait d’eux tous des saints par appel, avait fait de Paul, également par appel, non seulement un saint mais un apôtre. Comme tel, il s’adresse à eux dans la pleine conscience de la place que Christ leur avait donnée, à eux comme à lui, et il développe la vérité en partant des tout premiers fondements sur lesquels repose l’évangile, savoir la grâce de Dieu et la ruine de l’homme. Aussi cette épître aux Romains se rapproche-t-elle, plus que toute autre portion du Nouveau Testament, d’un traité doctrinal. Dieu avait pris soin qu’aucun apôtre ne visitât Rome avant qu’il n’y eût déjà de nombreux saints dans cette ville ; et ensuite Il leur écrit par l’apôtre Paul. Ainsi l’orgueilleuse cité impériale ne peut se prévaloir d’une fondation apostolique ; les hommes n’en ont pas moins élevé cette prétention et l’ont imposée par le feu et par l’épée. Paul, cependant, a écrit dans la plénitude de son propre apostolat et il leur révèle la vérité de Dieu avec le plus grand soin, de sorte que l’ignorance même des saints de Rome a été l’occasion pour l’Esprit Saint de nous donner l’exposé de la vérité chrétienne le plus vaste que contienne la Parole de Dieu. Par vérité chrétienne, j’entends ici l’instruction individuelle dont l’âme a besoin pour parvenir à la connaissance de sa position inébranlable devant Dieu et des devoirs qui en découlent. L’apôtre écrit là expressément comme apôtre. Cela ne saurait être compris comme quelque chose que l’homme eût composé. Il y faut voir l’autorité de Dieu, revendiquée par l’apôtre ; et en même temps qu’il affermit les Romains dans leur position de saints, l’apôtre développe par là la vérité chrétienne, ce qui rend cette épître si précieuse.

 

Dans l’épître aux Corinthiens, l’apôtre s’adresse à ceux-ci non pas simplement en tant que saints, en tant que chrétiens pris individuellement, mais en tant qu’assemblée ; et là aussi il affirme son apostolat. Cela n’illustre-t-il pas la vérité qu’il n’y a pas dans l’Écriture un seul mot ou une seule omission qui ne soit plein d’instruction pour nos âmes, pour autant que nous soyons disposés à être instruits ? Aux Corinthiens, Paul n’ajoute pas comme dans l’épître aux Romains : «esclave de Jésus Christ» ; il dit simplement : «apôtre appelé de Jésus Christ par la volonté de Dieu». Il prend soin ici de mettre Sosthène à la place qui était la sienne, comme un frère, tandis qu’il distingue son propre apostolat. La raison en est évidente. Les Corinthiens étaient dans un état de désordre ; ils allaient jusqu’à contester l’apostolat de Paul. Mais Dieu ne rabaisse jamais ce qu’il a donné quand même les hommes ne l’aiment pas. Agir et parler comme apôtre faisait partie autant de la grâce de Dieu envers Paul que de l’humble obéissance de Paul devant Dieu ; s’il ne l’avait pas fait, il aurait manqué à son devoir ; il n’aurait pas accompli ce qui était essentiel pour la gloire de Dieu et le bien de ses saints. Chaque chose est mise à la place qui lui appartient. Si donc les Corinthiens mettaient en doute ce que Dieu avait opéré en et par l’apôtre Paul et la place que, dans sa sagesse, il lui avait donnée, l’apôtre revendique tout cela avec dignité ; ou plutôt, le Saint Esprit présente Paul devant eux uniquement comme apôtre ; il parle d’autres hommes, mais non pas comme apôtres, et il s’adresse aux Corinthiens comme à «l’assemblée de Dieu qui est à Corinthe, aux sanctifiés dans le Christ Jésus, saints appelés, avec tous ceux qui en tout lieu invoquent le nom de notre Seigneur Jésus Christ, et leur Seigneur et le nôtre».

 

Seul quelqu’un qui savait ce que Dieu est pour ses saints et qui connaissait la puissance de sa propre grâce, pouvait considérer les Corinthiens comme tels ; seul un coeur qui comprenait l’amour de Dieu pour les siens, et, hélas ! jusqu’où ceux-ci peuvent être entraînés lorsque la chair l’emporte ; seul quelqu’un qui connaissait d’une façon remarquable, divine, et son propre coeur et Dieu, pouvait s’adresser à eux dans les termes que nous trouvons au début de cette épître. Mais c’était Dieu qui écrivait par son apôtre. Et, vu que la conduite de l’Église sur la terre est le sujet de l’épître aux Corinthiens, il nous expose là le principe suivant lequel on exclut et l’on réintègre, l’administration de la Cène du Seigneur et sa signification morale, l’opération des différents dons dans l’Église, etc. Toutes ces choses, qui sont les fonctions de l’Église, se trouvent dans les épîtres aux Corinthiens. Mais même dans l’exercice des dons, il s’agit des dons dans l’assemblée. Aussi l’évangélisation n’est-elle pas mentionnée en 1 Cor. 12 et 14, le don d’évangéliste ne s’exerçant pas au sein de l’Église. L’évangéliste va, à proprement parler, en dehors de l’Église pour exercer son don. Vous trouvez des prophètes, des docteurs, etc. C’étaient là des dons d’un ordre plus élevé, et exercés normalement dans l’assemblée de Dieu.

Ici aussi, dans l’épître aux Philippiens, nous allons voir comment l’introduction s’accorde de façon appropriée avec l’objet que le Saint Esprit a en vue tout au long de l’épître. «Paul et Timothée, esclaves de Jésus Christ, à tous les saints dans le Christ Jésus qui sont à Philippes, avec les surveillants et les serviteurs : Grâce et paix à vous, de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ !» Nous avons ici l’unique assemblée où l’apôtre s’adresse aux «surveillants» et aux «serviteurs» aussi bien qu’aux saints. La raison en est peut-être que c’était plus ou moins un état transitoire. Nous avons trois catégories de personnes dans l’Église du Nouveau Testament.

 

1. — Les apôtres, agissant dans la pleine puissance de leur don et de leur office.

2. — Les serviteurs, ainsi que les surveillants ou anciens (car ces deux termes désignent la même fonction, mais sous un nom différent), établis par les apôtres dans la charge que le Seigneur leur avait donnée ; les surveillants ayant affaire à ce qui est interne, les serviteurs, à ce qui est externe, mais les deux étant des charges locales, tandis que l’apôtre, où qu’il aille, tenait son autorité du Seigneur. Le Saint Esprit nous montre ainsi toute l’organisation dans les assemblées ; c’est-à-dire, les apôtres, dans leur sphère d’action élevée, appelés pour établir pratiquement les fondements de l’Église et pour exercer leur autorité sur une large échelle dans toute l’Église de Dieu sur la terre ; et à côté d’eux, les surveillants et les serviteurs, charges purement locales.

3. — Enfin, les saints eux-mêmes. L’apôtre était maintenant isolé de l’Église et, par conséquent, il ne pouvait plus veiller personnellement sur les saints. Il écrit alors à ceux qui ne jouissaient plus de ses soins apostoliques, non seulement là où ils n’avaient pas de surveillants ni de serviteurs, mais aussi, comme dans le cas de Philippes, là où ils en avaient. Pourtant, dans les dernières épîtres, alors que l’apôtre est conscient de l’imminence de son départ, il ne se trouve pas la moindre allusion à quelque mesure que ce soit en vue du maintien de ces charges — pas même lorsqu’il écrit confidentiellement à celui (Tite) à qui il avait ordonné d’établir des anciens en Crète, ni à cet autre qu’il avait revêtu d’une charge à Éphèse (Timothée).

 

Ainsi, cette épître nous amène à une sorte de transition. Elle suppose l’assemblée en bon ordre ecclésiastique. Mais l’absence personnelle de l’apôtre semble être voulue de Dieu pour préparer l’Église à l’absence définitive d’apôtres. Dans sa grâce, Dieu a en quelque sorte préparé l’Église à leur disparition de la scène. De fait, bien que Paul fût encore sur la terre, il leur était retiré et avait quitté la scène, pour ce qui en était des soins apostoliques. Le moment arrivait où il n’y aurait plus de surveillants ni de serviteurs établis par les apôtres. L’Esprit de Dieu, semble-t-il, cherchait par là à accoutumer l’Église à trouver en Dieu son seul point d’appui stable, lorsque les apôtres ne seraient plus à portée de ceux qui avaient l’habitude de regarder à eux et de faire appel à leur sagesse, dans leurs difficultés. Mais si l’apôtre n’était pas là, ils avaient les «surveillants et les serviteurs», non pas un surveillant (ou évêque) et plusieurs serviteurs, et encore moins des surveillants (ou évêques) et des anciens (ou prêtres) et des serviteurs (ou diacres), mais plusieurs conducteurs spirituels, des plus élevés aux plus humbles.

 

En ces temps-là, un évêché n’était pas une grandeur terrestre convoitée, mais une charge spirituelle sérieuse ; si excellent que fût un tel service, il n’était pas un objet d’ambition ou une source de gain. «Si quelqu’un aspire à la surveillance, il désire une oeuvre bonne» ; mais cela demandait un tel renoncement à soi-même, un exercice si constant nuit et jour, plus profond encore dans l’assemblée que face au monde extérieur, que même celui qui aurait été le plus qualifié par l’Esprit ne pouvait en aucun cas s’y engager à la légère, mais au contraire avec la plus grande gravité, comme ce à quoi il était appelé par Dieu. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’Église ne prétendait jamais choisir ou établir un surveillant. Cela se faisait invariablement par l’autorité apostolique. Un ou plusieurs apôtres agissaient à cet effet — non pas nécessairement Paul seul, ou les douze. Ce pouvait être Barnabas ; du moins, trouvons-nous en certains cas Paul et Barnabas agissant ensemble pour choisir des anciens ou surveillants. Ce fait est propre à montrer combien c’était une tâche délicate. Le Seigneur ne la confie à personne d’autre qu’un apôtre ou un délégué apostolique (c’est-à-dire, un homme envoyé par un apôtre pour accomplir cette mission à sa place, tel Tite et peut-être Timothée). Mais l’Écriture ne dit rien de plus à ce sujet ; et tandis que nous avons des directives pour la marche de l’Église, et l’assurance du maintien des dons jusqu’à la fin, aucune indication n’est donnée en vue de perpétuer la nomination d’anciens ou de surveillants.

 

Y avait-il donc oubli d’un besoin élémentaire de la part de l’apôtre, ou plutôt de la part de Dieu ? Car c’est bien à quoi revient la question ; et celui qui suppose qu’une telle chose a été ainsi omise dans l’Écriture par négligence, s’en prend en fait à la fidèle sagesse de Dieu. Qui a écrit l’Écriture ? Ou bien vous adoptez la misérable notion que Dieu a été indifférent et les apôtres oublieux, ou bien, reconnaissant que l’Écriture découle de la source la plus élevée, vous ne pouvez échapper à la conclusion que Dieu est resté à dessein silencieux quant à la façon de pourvoir l’Église d’anciens. Mais le Dieu qui connaissait et ordonnait toutes choses dès le commencement, n’a rien oublié ; au contraire, dans sa propre sagesse, il n’a expressément laissé aucun moyen pour continuer à désigner des anciens et des serviteurs, dans l’état de ruine qu’il prévoyait de la chrétienté. N’était-il donc pas désirable, sinon nécessaire pour les assemblées d’avoir de tels hommes ? Si nous raisonnons ainsi, les apôtres seraient certes aussi hautement réclamés que ceux qui avaient des fonctions moindres.

 

Il est de toute évidence que le même Dieu qui a jugé bon d’empêcher une lignée continue d’apôtres, ne s’est pas plu à donner les moyens scripturaires d’assurer la continuité des surveillants et des serviteurs. Comment se fait-il donc que nous n’ayons plus de tels hommes maintenant ? La réponse est très simple. C’est parce que nous n’avons pas d’apôtres pour les établir. Voulez-vous me dire si quelqu’un d’autre a jamais pu le faire ? Soyons au moins prêts à reconnaître toute notre incompétence à cet égard ; c’est notre devoir envers Dieu, parce que c’est la vérité ; et admettre la chose nous gardera de beaucoup de présomption. Car, d’une manière générale, la chrétienté fait sans les apôtres ce qui ne peut légitimement se faire que par eux ou avec eux. La désignation d’anciens et de serviteurs repose sur la notion qu’il réside encore dans des hommes ou dans l’Église la puissance nécessaire pour cela. Mais la seule puissance pouvant procéder à cette désignation selon les Écritures, c’est un apôtre, agissant directement ou indirectement. Tite ni Timothée ne pouvaient aller ordonner des anciens, si ce n’est quand et où des apôtres les habilitaient. Aussi, une fois sa mission accomplie, Tite devait revenir auprès de l’apôtre. Il ne se trouvait en aucun cas investi d’un certain fonds qu’il pourrait employer en tout temps, où et comme il lui plairait. L’Écriture montre qu’il agissait sous la direction apostolique. Mais après la disparition des apôtres, il n’est plus dit un mot de l’autorité exercée par un Tite ou par un Timothée, ni par d’autres délégués de l’apôtre.

 

Que Dieu nous garde de prétendre soit nommer un apôtre soit faire peu de cas de son absence ! Il est plus humble de dire : nous sommes reconnaissants de nous servir de ce que Dieu a donné et de ce que Dieu veut continuer à donner, sans prétendre à davantage. N’y a-t-il pas de la foi, de l’humilité et de l’obéissance dans la position qui reconnaît la pauvreté actuelle de l’Église et qui se contente d’agir selon la puissance qui reste, puissance toute suffisante pour chaque besoin et pour chaque danger ? La vraie manière de glorifier Dieu n’est pas d’assumer une autorité apostolique que nous ne possédons pas, mais d’agir en nous confiant dans la puissance et dans la présence du Saint Esprit qui, lui, demeure. C’était manifestement le Seigneur Lui-même qui, opérant par le Saint Esprit, agissait sur tous les saints et les mettait, chacun d’eux, dans le corps, à la place particulière qu’il savait être la bonne. Il n’est pas question pour nous de déduire de l’existence des dons d’un homme qu’il est un apôtre. Être apôtre exigeait un appel formel, personnel, émanant du Seigneur, d’une manière remarquable ; et sans cela, il n’y a jamais eu de puissance adéquate, personnelle ou par délégation, pour en nommer.

 

Avant d’entrer dans le sujet de l’épître, l’apôtre éclate en actions de grâces envers Dieu. «Je rends grâces à mon Dieu», expression souvent répétée dans cette lettre. Cela aussi est individuel : il connaissait bien le Dieu en qui il se confiait, et en même temps il exprimait l’affection et l’intimité. Premièrement, dit l’apôtre, «je rends grâces à mon Dieu pour tout le souvenir que j’ai de vous, dans chacune de mes supplications pour vous tous, avec joie». Cela m’amène à faire observer que la proximité de Dieu va toujours de pair avec un coeur débordant de la joie nécessairement produite lorsque Sa présence est réalisée, comme aussi avec un esprit d’intercession pour les objets de l’amour de Dieu sur la terre. Il peut y avoir parallèlement le plus profond exercice d’esprit et la douleur la plus vive ; car dans la présence de Dieu, chaque péché, chaque peine, chaque opprobre est ressenti de la manière la plus vraie et la plus complète. Ce qu’est Dieu est connu, et il en résulte une paix parfaite ; ce qu’est l’homme, et par conséquent la misère, est réalisé, et le Saint Esprit rend sensible au déshonneur jeté sur Christ. Mais ici la joie est le sentiment dominant et durable ; elle est l’effet grand et caractéristique de la présence de Dieu imprimée sur l’âme, là où la conscience est nette d’offense à l’égard de Dieu et de l’homme.

Non pas que même Paul pût parler ainsi de chaque assemblée ou de chaque saint de Dieu — loin de là. Tout le souvenir qu’il avait des saints de Philippes ouvrait les écluses de sa reconnaissance envers Dieu. Pourtant dès le début, les prières étaient nécessaires ; et l’apôtre faisait toujours des supplications pour eux tous, et cela, avec joie, «à cause, dit-il, de la part que vous prenez à l’évangile depuis le premier jour jusqu’à maintenant». Quel fait merveilleux qu’un homme, bien qu’il fût le grand apôtre des Gentils, ait pu être sensible à une telle chose et qu’il se soit trouvé ici-bas des saints dont il ait pu écrire cela ! Hélas ! dans ces jours d’égoïsme, nous connaissons peu ce que nous avons perdu, et d’où nous sommes déchus. L’apôtre ne priait pour ces Philippiens qu’avec joie et cependant il les portait constamment devant Dieu. Si l’apôtre était ici-bas, pourrait-il avoir les mêmes pensées à notre égard ? Pourtant, aussi remarquable que cela fût, c’était la simple vérité ; et il est bienfaisant pour nos âmes de nous juger nous-mêmes par rapport à un tel modèle.

Un autre trait de l’épître aux Philippiens est que la condition pratique de l’âme y est beaucoup plus pleinement développée que partout ailleurs ; et cela non pas tant doctrinalement qu’en action et en expérience. L’apôtre met à nu ses propres motifs et sa marche, comme aussi ceux mêmes de Christ. C’est par conséquent dans cette épître que se trouve plus particulièrement déployé l’exercice de la vie chrétienne individuelle. Nous avons ici la puissance de l’Esprit de Dieu agissant dans l’âme du croyant, le rendant capable d’avoir en réalité Christ dans son coeur et dans son chemin ici-bas. Mais qu’est-ce qui a donné lieu à une instruction d’un tel caractère ? Quelles circonstances l’ont provoquée ? L’absence de l’apôtre, retiré aux Philippiens et à son ministère ordinaire, et emprisonné à Rome. Ce n’était pas, comme à Corinthe, que son absence eût permis de mettre au jour leur vanité, leur esprit de parti, leur relâchement mondain et leurs querelles. Elle amenait plutôt les Philippiens à sentir la nécessité de vivre toujours plus avec Christ, pour Christ et en vue de Christ. Pour chacun d’eux, il n’y avait rien d’autre à faire qu’à regarder au Seigneur lui-même et à aider son frère à en faire autant. Cet effet ayant été produit, l’apôtre était rempli de joie en pensant à eux. Il était loin d’eux depuis de nombreuses années et extérieurement il se trouvait lui-même dans les circonstances les plus tristes ; mais sa joie n’était nullement assombrie. Au contraire, il ne se trouve aucune autre épître aussi pleine de bonheur réellement goûté ; alors que tout sur la terre paraissait particulièrement sombre et affligeant. Tant il est vrai que Christ est l’unique circonstance qui régit toutes les autres pour le croyant.

On peut comprendre la joie et la louange continuelles de l’apôtre quand il se déplaçait çà et là et voyait à la fois la piété des saints et la conversion de pécheurs amenés de partout à Dieu. Mais pensez à ce Paul emprisonné depuis des années, enchaîné entre deux soldats, privé du travail qu’il aimait, tandis que d’autres profitaient de son absence pour l’affliger en prêchant l’évangile par esprit de dispute et de parti ; et néanmoins son coeur était tellement débordant de joie qu’il la communiquait à d’autres !

Tel est le caractère de l’épître aux Philippiens. S’il est un témoignage de la puissance de l’Esprit de Dieu opérant par des affections humaines, par le coeur d’un saint sur la terre, au milieu de toute la faiblesse et de l’épreuve, c’est là qu’on le trouve. Ce n’est pas le tableau d’un homme accablé par les circonstances éprouvantes, car jamais l’apôtre ne l’a été : il avait conscience d’être plus que vainqueur. Non pas qu’il n’ait jamais su ce que c’était d’être abattu. Celui qui a écrit la seconde épître aux Corinthiens a pleinement expérimenté tout ce dont Dieu, dans sa grâce, a fait comme une sorte de préparation morale pour apporter la consolation nécessaire aux saints, alors et pour tous les temps. Mais cette épître nous montre qu’il n’y a pas la moindre trace de lassitude, pas plus que de trouble dans son esprit. Vous ne pourriez davantage en déduire qu’il s’occupât du tout de la chair, bien que Paul fût quelqu’un qui tenait parfaitement compte de la chair ailleurs, dans les Romains et les Corinthiens par exemple, où vous avez un tableau effrayant de ce que peut être la condition du chrétien et de l’Église.

 

Non seulement il n’y a pas trace de cela dans les Philippiens, mais il n’y est pas non plus insisté sur nos privilèges et nos bénédictions, comme en Éphésiens 1. Ce que nous trouvons, c’est la puissance de l’Esprit de Dieu réalisée — puissance qui jour après jour élève un homme au-dessus de la terre, alors même qu’il y marche ; et cela en faisant de Christ le tout de l’âme, de sorte que les épreuves, si nombreuses et accablantes qu’elles puissent être, ne sont que des occasions d’une jouissance plus profonde. Voilà ce dont nous avons spécialement besoin, en tant que chrétiens, afin de glorifier Dieu ; et c’est ce sur quoi l’Esprit de Dieu insiste, une fois que nous avons saisi notre position chrétienne individuelle ainsi qu’elle nous est présentée dans les Romains, notre place comme membre de l’assemblée telle qu’elle est révélée dans les Corinthiens et enfin notre bénédiction dans les lieux célestes en Christ dont nous parlent les Éphésiens.

 

Une question se pose alors : comment est-ce que j’apprécie et manifeste ces merveilleux privilèges, en tant que saint de Dieu sur la terre ? Supposer qu’une telle question est difficile et qu’elle engendre la servitude, serait d’une part douter de la parfaite bonté de Dieu et de l’autre tomber dans un piège du diable. Le désir de Dieu est que nous soyons bénis encore plus que nous ne le sommes. Il voudrait par là nous rendre plus heureux. L’épître aux Philippiens est propre à remplir le coeur de joie, pour autant que le regard soit fixé sur Christ. L’apôtre rend grâces à son Dieu pour eux : «à cause, dit-il, de la part que vous prenez à l’évangile depuis le premier jour jusqu’à maintenant». Quel épanchement de coeur ! quelle vigueur fortifiante ! Ce n’est pas maintenant «la communion de son Fils» , comme dans 1 Corinthiens, qui certes serait vraie d’un chrétien dans quelque circonstance que ce soit. Que Satan fût parvenu à entraîner à nouveau un saint dans la folie et le péché, le Saint Esprit pouvait rappeler à celui-ci que Dieu, par qui il avait été appelé à la communion de son Fils, est fidèle. Et peut-Il avoir communion avec les oeuvres infructueuses des ténèbres ? C’est la raison pour laquelle nous devrions supplier Dieu qu’il ne permette pas à l’ennemi d’entraîner dans la boue ceux qu’Il a appelés à la communion de son Fils, mais qu’Il réveille leur conscience à l’égard de leur grave inconséquence.

 

Il y a toutefois davantage. Ici, il s’agit de leur participation à l’évangile, non pas seulement comme un message béni qu’ils avaient reçu pour eux-mêmes, mais à l’évangile dans son progrès, ses luttes, ses dangers, ses difficultés, etc. Cela ne signifie pas nécessairement prêcher l’évangile, mais, ce qui était aussi bon sinon même meilleur en soi — avoir le coeur totalement engagé en lui et avec lui. Devrais-je hésiter à dire que quel que puisse être l’honneur qui repose sur ceux qui sont appelés à répandre l’évangile, avoir le coeur à l’unisson avec l’évangile est une part supérieure à tout service comme tel ? Ainsi, les affections des Philippiens étaient attachées de la manière la plus simple et la plus chaleureuse à l’évangile ; ils s’identifiaient à sa carrière, du commencement à la fin. C’était réellement la communion avec Dieu dans la propagation de Sa propre bonne Nouvelle à travers le monde. L’apôtre appréciait particulièrement de tels coeurs. Rien de moins que la puissance fortifiante de l’Esprit de Dieu avait opéré cela dans ces chers Philippiens.

Nous voyons, en Actes 16, comment l’évangile leur était parvenu. Paul était en prison, les pieds serrés dans des fers ; et néanmoins, au sein de la honte et de la souffrance, l’apôtre et son compagnon Silas chantaient les louanges de Dieu, sur le minuit ! Et ici, nous le retrouvons, seul cette fois, mais de nouveau prisonnier ; et les louanges de Dieu s’élèvent encore — chose extraordinaire — dans la grande ville de Rome. Les Philippiens étaient bien loin ; mais en esprit Paul pouvait les entendre, comme si de rien n’était, chantant des louanges à Dieu, de même que lui aussi rendait grâces à Dieu pour eux. C’était la même communion bénie dans l’évangile qui les avait caractérisés, non seulement lui, mais eux aussi, dès le premier jour et jusqu’à maintenant.

 

Mais l’apôtre poursuit : «Étant assuré de ceci même, que celui qui a commencé en vous une bonne oeuvre, l’achèvera jusqu’au jour de Jésus Christ». Remarquez le fondement de son assurance. Dans les Corinthiens, c’est parce que Dieu était fidèle. Dans les Galates, où l’épreuve était encore plus sérieuse, l’apôtre dit qu’il a été en perplexité à leur sujet jusqu’à ce qu’il pense au Seigneur ; et alors son coeur a été réchauffé par l’espérance réconfortante qu’ils étaient néanmoins des chrétiens. Il avait de la peine à comprendre comment des gens qui pratiquement étaient en train de délaisser Christ (encore qu’ils pussent n’en avoir que peu conscience) pour des éléments du monde, pouvaient être des chrétiens. Se tourner d’un Christ crucifié et ressuscité vers les rites d’une religion terrestre est pire que la simple mondanité, quelque destructive que soit celle-ci. Ici, c’est autre chose. L’assurance de Paul est fondée non pas seulement sur ce que Dieu est dans son caractère et dans ses conseils, mais sur ce qu’il voyait de Christ en eux par le Saint Esprit. Lorsqu’il se souvenait de ce qu’ils avaient été et étaient alors, pouvait-il hésiter à reconnaître le travail évident de Dieu par son Fils ? Il voyait une jouissance de Dieu si manifeste et une telle identification d’intérêts avec Lui sur la terre, que sa confiance n’était pas seulement la pensée générale qu’il les verrait bientôt avec Christ, mais qu’elle reposait dans la solidité de l’oeuvre de Dieu opérée en eux tout au long du chemin. Celui qui avait commencé en eux une bonne oeuvre, l’achèverait jusqu’au jour de Jésus Christ, il en était assuré (v. 6).

 

«Comme il est juste que je pense ainsi de vous tous, parce que vous m’avez dans votre coeur» (v. 7). L’apôtre veut dire ici que cela leur était dû, non seulement parce qu’il les aimait, mais parce qu’il sentait et avait la preuve qu’eux l’avaient lui-même dans leur coeur. Le nom de Christ et son évangile sont un lien béni entre les coeurs, dans tous les temps. D’une manière générale, l’état des saints peut être mesuré avec précision et mis en évidence par l’état de leurs affections pour ceux qui sont identifiés avec l’oeuvre de Dieu sur la terre ! Satan déploiera ses plus puissants efforts pour détacher les saints de tels serviteurs et les tourner contre eux, qu’ils soient absents ou présents. Il en était ainsi aux jours de l’apôtre Paul ; ceux qui s’attachaient avec simplicité au Seigneur s’attachaient à lui aussi. C’était l’opposé même d’un simple sentiment charnel, comme en recherchaient ses adversaires qui, flattant les autres, étaient flattés en retour. Paul, lui, était parfaitement conscient que plus il aimait, moins il était aimé ; et quelle prise cela donnait à Satan pour détourner les saints de la vérité !

 

Les faux docteurs et ceux qui, tout en étant peut-être réellement convertis, n’ont pas jugé à fond la chair, et dont la mondanité est grande, cherchent toujours à gagner des adhérents pour former un parti autour d’eux, en épargnant la chair et en flattant le caractère naturel, de manière à parvenir à leurs fins sans obstacle (2 Cor. 11:19, 20). Le but de l’apôtre était de gagner les âmes à Christ. Mais la fidélité l’appelait souvent à toucher des points sensibles à l’un ou à l’autre. Aussi longtemps que l’amour s’épanchait librement et que les regards étaient fixés sur Christ, tout allait bien ; mais lorsqu’un sentiment était froissé parce qu’ils n’avaient pas mortifié leurs membres sur la terre, la tendance invariable était de faire des partis, des divisions, des oppositions, précurseurs de maux pires encore. Toutefois, bien que l’apôtre méprisât une pensée telle que rassembler un parti autour de lui, ces saints l’avaient lui-même dans leur coeur.

 

Il appréciait cet amour. Comment se montrait-il ? «Dans mes liens et dans ma défense et dans la confirmation de l’évangile, vous avez tous été participants de la grâce avec moi». Ils se jetaient, coeur et âme, dans les activités et les souffrances de la grâce de Dieu opérant dans l’apôtre. Est-ce que ses liens les rendaient honteux ou défiants ? Avoir un ami en prison n’a jamais été bien considéré. Commencèrent-ils à se dire : Il doit avoir fait quelque mal puisqu’il est prisonnier ? Au contraire, voyant que l’apôtre Paul se trouvait dans l’affliction la plus profonde, ils estimaient cela le plus grand honneur. S’il était monté à Jérusalem, ce n’était pas pour s’épargner ; et bien que cette visite ait pu être une erreur, personne certes ne devrait en parler à la légère. C’était un sacrifice total de soi-même, à chaque pas du chemin. L’apôtre, quoiqu’il fût maintenant de ce fait prisonnier à Rome, ne s’est jamais laissé aller à des regrets et encore moins à des murmures, mais il voyait tout dans la bonne main de Dieu, servant à l’avancement de la cause de Christ. Est-ce que, par exemple, ses propres liens ne tournèrent pas à la louange de Dieu ? Il était là, parfaitement heureux, plus heureux peut-être, ainsi lié, qu’il ne l’avait été. Les saints de Philippes comprenaient ce que c’était que de puiser à la source divine ; et par conséquent leur coeur était avec lui, en joie aussi bien qu’en sympathie. Cela affaiblissait-il l’amour de l’apôtre pour eux, personnellement ? «Dieu m’est témoin que je pense avec une vive affection à vous tous, dans les entrailles du Christ Jésus» (v. 8). Son bonheur comme prisonnier du Seigneur n’émoussait aucunement ses plus ardents sentiments d’amour envers eux.

 

Mais outre tout cela, son amour pour eux le remplissait de sollicitude à l’égard de leurs besoins réels ; aussi, il se tourne vers le Seigneur pour eux. «Et je demande ceci dans mes prières, que votre amour abonde encore de plus en plus en connaissance et toute intelligence» (v. 9). Il désirait qu’ils puissent aimer, non pas moins certes, mais avec une connaissance plus parfaite et une intelligence exercée. L’amour (ou la charité) est la base sans laquelle il n’y aurait pas d’édification ; sur ce fondement d’un amour qui abonde, la pleine connaissance, au lieu d’enfler, conduit et garde. Plus il y a d’intelligence, si celle-ci est réelle et spirituelle, plus grand sera le désir de croître en elle. Ceux pour lesquels l’Écriture n’est pas un objet d’étude constante, une source de croissance et d’un désir ardent d’en savoir davantage, sont ceux, on peut le craindre, qui ne voient rien de divin, pratiquement, en elle. Aussitôt que la lumière infinie qu’elle renferme est discernée, le désir d’en connaître toujours plus s’ensuit nécessairement. Mais c’est en vue de la pratique. Et cette épître nous montre le progrès spirituel dans l’apôtre et dans les saints, d’une manière plus complète que nulle autre, car c’est dans cette épître que nous voyons le plus ardent désir de poursuivre. Nous le savons par expérience : dès que nous commençons à être satisfaits de ce que nous avons reçu, c’est la fin du progrès ; tandis qu’un pas en avant, même petit, mais réel, s’accompagne du désir d’en faire d’autres. Tel était le cas des saints pour lesquels l’apôtre priait : «Pour que vous discerniez les choses excellentes», etc Ils avaient besoin de croître en intelligence, afin d’être capables de juger de toutes choses et ainsi de s’approprier ce qui était plus excellent.

«Afin que vous soyez purs et que vous ne bronchiez pas jusqu’au jour de Christ» (v. 10). Admirable pensée ! L’apôtre, en effet, prie pour ces croyants comme s’il considérait possible que, croissant en amour et en intelligence, ils pussent marcher dans le sentier de la foi jusqu’au jour de Christ, sans aucun faux pas. Paul aurait sans doute été surpris que nous estimions la chose étonnante. Hélas ! nous savons que nous faillissons chaque jour parce que nous ne sommes pas spirituels. Pourquoi laissons-nous échapper une parole futile ou manifestons-nous un mauvais sentiment ? Parce que nous ne réalisons pas la présence et la grâce de Dieu. Aucun progrès dans les choses de Dieu ne gardera jamais personne — rien, sinon une réelle proximité du Seigneur et la dépendance de lui. Qu’est-ce qu’un chrétien, et quelles sont la condition et les expériences que lui reconnaît l’Écriture, ici-bas ? Par grâce, en vertu du sang de Christ, il est amené dans la présence de Dieu ; il a une puissance en lui, le Saint Esprit, et une puissance en dehors de lui sur laquelle il peut s’appuyer, le Seigneur Jésus Christ lui-même ; et cela d’une façon permanente et constante. Voilà la théorie, mais qu’en est-il de la pratique ? Dans la mesure où ces choses sont réalisées, la marche est exempte de tout faux pas. Et souvenons-nous que c’est là l’unique chemin sanctionné pour tous les saints. Il n’appartient pas, de droit, à quelques âmes avancées. C’est ce que chaque chrétien doit désirer. Nous comprenons alors facilement comment certaines personnes, entendant exprimer de telles pensées, peuvent embrasser l’idée d’un état de perfection. Toutefois, bien que cela soit faux et ne réponde absolument pas à notre vraie position dans le second Homme, le dernier Adam, un chrétien ne devrait jamais acquiescer à la pensée qu’il faut bien qu’il manque et pèche chaque jour. Qu’est-ce d’autre que prendre calmement notre parti de déshonorer Christ ? Si nous faillissons, soyons au moins toujours prêts à dire : c’est notre faute, notre manque de vigilance ; pour n’avoir pas usé de la grâce et de la force que nous avons en Christ. Ce trésor-là nous est ouvert ; nous n’avons qu’à y puiser ; le résultat est un progrès spirituel régulier et sans à-coups ; si la chair était continuellement jugée et le coeur débordant de joie en Christ il s’ensuivrait une marche sans un faux pas jusqu’au jour de Christ.

 

Il y a davantage encore, remarquons-le ; l’apôtre prie afin qu’ils soient remplis du fruit de la justice ; non pas seulement de tels ou tels actes justes dans le détail, mais de tout le produit béni de la justice «qui est par Jésus Christ à la gloire et à la louange de Dieu» (v. 11). Il n’y a pas ici la moindre pensée, la moindre intention d’imposer la loi ; celle-ci est plutôt éliminée, n’étant pas la mesure propre pour le chrétien. Mais ce qui est à la fois notre nouvel objet et notre règle c’est Christ lui-même, l’image de Dieu, la vie et la puissance données au croyant pour porter du fruit. Quelle règle pour notre marche pratique journalière !

 

De l’introduction qui témoigne amplement de l’amour dans l’Esprit que l’apôtre portait aux saints de Philippes ainsi que de la confiance qu’il avait en eux et à son ardent désir envers eux, nous passons au premier grand sujet pour lequel Paul écrit : sa propre condition à Rome. Il sentait la nécessité de la placer devant eux, dans la lumière du Seigneur, non pas seulement à cause de leur affectueuse sollicitude à son égard, ni à cause des mauvais ouvriers qui s’en servaient volontiers contre lui et contre son ministère ; mais principalement dans le saint désir dicté par l’amour de faire tourner son emprisonnement à leur propre profit et même à leur affermissement dans la vérité, la diligence dans l’oeuvre et l’unité de vues en les attachant au Seigneur.

 

L’apôtre était certes bien fondé à compter sur une bénédiction à travers les agissements de Satan pour nuire aux âmes. L’opposition de l’adversaire avait déjà tourné en résultats heureux en ce qui concernait l’oeuvre de l’évangile ; et il attend d’aussi bons fruits quant à ce qui le touchait lui, soit pour le présent, soit pour l’avenir, que ce soit par la vie ou par la mort. Telle est la confiance et la joie de la foi. Elle est victorieuse du monde ; elle réalise la victoire de Christ sur l’ennemi. Que peut l’homme, que peut Satan, sur quelqu’un qui ne s’inquiète de rien, mais qui en toutes choses rend grâces ? Qu’est-ce qui parviendra à troubler quelqu’un dont la consolation est en Dieu et qui attribue toutes les circonstances à Son amour, avec une confiance inébranlable en Sa sagesse et en Sa bonté ?

 

Tel était l’apôtre, qui maintenant va faire tourner à salut pour les saints à Philippes, si tendrement aimés, ce dont la malice de Satan et de ses instruments ne manquerait pas de se saisir avec avidité pour en troubler quelques-uns et en faire broncher d’autres comme si Dieu de son côté ne veillait pas sur son Église et sur son serviteur ! C’est d’expérience qu’il nous est parlé ici plutôt que de doctrine ; c’est le fruit riche, doux et mûr de l’Esprit dans le propre coeur de l’apôtre, tandis qu’il leur expose les faits de sa vie journalière selon Dieu. Quel privilège de l’entendre — et combien il est doux de savoir que cela n’a pas été écrit seulement ni principalement pour nous renseigner à son sujet, mais pour rendre ainsi les saints pratiquement conformes à Christ ! Quelque bénie qu’ait été pour Paul la leçon apprise dans les liens, c’est sans aucun doute pour nous que cela a été écrit. C’est pour cela que l’apôtre a été inspiré. L’inspiration n’exclut cependant pas les saints sentiments du coeur.

«Or, frères, je veux que vous sachiez que les circonstances par lesquelles je passe sont plutôt arrivées pour l’avancement de l’évangile ; en sorte que mes liens sont devenus manifestes comme étant en Christ, dans tout le prétoire et à tous les autres» (v. 12, 13). Le diable avait espéré placer l’apôtre au rang du commun des criminels ; mais Dieu qui veille toujours au bien, rendait manifeste que son serviteur n’était emprisonné pour aucune faute morale, mais à cause de Christ. Ainsi, l’artifice de l’ennemi avait eu pour résultat un témoignage rendu au Sauveur, et l’évangile pénétrait là où auparavant il était tout à fait inconnu. Les liens de l’apôtre étaient manifestement pour la cause de Christ. La grâce de Christ était donnée à connaître et son serviteur était justifié.

Mais ce n’était pas tout. Car, comme le leur dit l’apôtre : «La plupart des frères, ayant, dans le Seigneur, pris confiance par mes liens, ont beaucoup plus de hardiesse pour annoncer la parole sans crainte» (v. 14). Voici un pas de plus dans la bénédiction, et riche de promesses aussi. Combien peu s’y attendait l’ennemi ! Il était pourtant sur ses gardes ; et s’il ne pouvait faire taire les langues qui rendaient témoignage au Sauveur, il ne manquerait pas d’introduire des motifs mélangés et d’encourager quelques-uns à un esprit et à des fins profanes, même dans une oeuvre aussi sainte. Cela n’échappait pas à l’apôtre, ni ne troublait en aucune mesure son assurance triomphante que toutes choses travaillaient ensemble non seulement pour le bien de ceux qui aiment Dieu, mais pour l’avancement de la bonne nouvelle de sa grâce ; aussi l’apôtre ne cache-t-il pas la chose avec tristesse ou honte, mais il l’expose ouvertement. «Quelques-uns, il est vrai, prêchent le Christ aussi par envie et par un esprit de dispute, mais quelques-uns aussi de bonne volonté ; ceux-ci par amour, sachant que je suis établi pour la défense de l’évangile ; ceux-là annoncent le Christ par esprit de parti, non pas purement, croyant susciter de la tribulation pour mes liens» (v. 15-17).

 

Le fait est que l’apôtre jouissait alors de la manière la plus heureuse de cette vérité que, peu auparavant, il avait placée devant les saints de Rome. Il se glorifiait dans les tribulations du chemin, comme aussi dans l’espérance de la gloire de Dieu, au bout de la course ; et non seulement cela, mais aussi il se glorifiait en Dieu par notre Seigneur Jésus Christ (Rom. 5:1, 2, 11). Ses liens ne servaient qu’à prouver combien la liberté de la grâce est totalement indépendante de tout ce que l’homme ou Satan peuvent déchaîner. Son secret : il tient ferme dans cette grâce et a devant son coeur Celui par qui seul cette grâce est venue et pouvait être donnée. Paul n’était nullement aveugle quant aux sentiments de ces hommes dont le zèle ne pouvait cacher les désirs malveillants ; mais rien n’affaiblissait la source de sa joie en Dieu, ni son assurance pleine de reconnaissance que, quelles que fussent les intentions de l’homme, le témoignage de la grâce se répandait au loin et avec puissance ; et Christ était toujours davantage présenté et exalté. Car ce n’était pas ici une question de doctrine ; il n’y a aucune raison de penser que même ces hommes, qui agissaient par un esprit de dispute ou de parti, ne prêchaient pas sainement. C’était le bien que Dieu se proposait qui occupait les pensées de Paul, quelles que fussent les leurs. Aussi donne-t-il libre cours aux épanchements d’un coeur dénué de tout égoïsme : «Quoi donc ? — Toutefois, de toute manière, soit comme prétexte, soit en vérité, Christ est annoncé ; et en cela je me réjouis et aussi je me réjouirai» (v. 18).

 

Combien heureuse est la simplicité, combien profonde la sagesse de la foi qui voit ainsi en toutes choses, même lorsque la chair s’introduit dans l’oeuvre du Seigneur, la défaite de Satan ! Quelle félicité présente pour son âme qui, délivrée de la confiance en soi d’une part et de l’anxiété de l’autre, discerne l’opération sûre, ferme et constante de Dieu pour la gloire de Christ. De même, bientôt, lorsque Christ sera manifesté dans son royaume, tout sera ordonné à la gloire de Dieu le Père ! (chap. 2). Aussi dans le sentiment de l’avancement du témoignage de l’évangile et de sa propre bénédiction à travers tout ce que son emprisonnement occasionnait, l’apôtre peut dire : «Je sais que ceci me tournera à salut par vos supplications et par les secours de l’Esprit de Jésus Christ, selon ma vive attente et mon espérance que je ne serai confus en rien, mais qu’avec toute hardiesse, maintenant encore comme toujours, Christ sera magnifié dans mon corps, soit par la vie, soit par la mort» (v. 19, 20). Bien qu’emprisonné, il ne pouvait se dissocier du puissant combat qui se livrait dans le monde ; il savait que la victoire était assurée, si chaudement que l’ennemi la disputât. Ici comme dans toute notre épître, le mot «salut» signifie la défaite finale de l’ennemi ; ce n’est jamais une chose passée, comme en Éph. 2 et 2 Tim. 1:9, mais toujours une chose future, ainsi que les chapitres 2 et 3 le montrent clairement. Dans l’épître aux Philippiens comme dans celle aux Hébreux, etc., c’est la pleine délivrance à la fin. Les deux points de vue sont vrais et chacun a son importance propre.

 

Nous avons vu l’attente et l’espérance de l’apôtre, qu’il ne serait confus en rien, mais qu’avec toute hardiesse, maintenant encore comme toujours, Christ serait magnifié dans son corps, soit par la vie, soit par la mort. Son regard était ainsi fixé sur Christ, non pas seulement pour le début et pour la fin, mais pour tout le chemin. Dans le verset suivant, v. 21, il se met à justifier la confiance de son coeur. Car, dit-il : «Pour moi, vivre, c’est Christ ; et mourir, un gain». Ailleurs, l’apôtre nous dit que la pensée de l’Esprit est vie et paix. Ici, parlant de sa propre expérience journalière, il montre qu’il n’avait qu’un seul but, un seul motif, un seul objet, une seule préoccupation — Christ. Et il le dit non pas au commencement de sa carrière, tout étreint par la surabondante grâce du Sauveur envers celui qui avait été son persécuteur enflé d’orgueil et de propre justice, mais après de longues années d’un labeur qui n’a pas eu son pareil, de péril et d’afflictions à l’extérieur, ainsi que de peines à l’intérieur de l’Église. «Pour moi, vivre, c’est Christ». Certes le principe était vrai dès le début de sa vie si mouvementée en tant que chrétien. Toutefois je ne doute pas que cela fut vérifié plus que jamais à l’époque même où il écrivait, prisonnier dans la cité impériale.

 

... Que Christ fut sa vie est parfaitement vrai ; c’est la doctrine des Galates et des Colossiens, dans des passages pleins de beauté et d’intérêt (voir Gal. 2 ; Col. 3). Mais ici, il n’est pas question de doctrine, de position ou de vie en Christ. Tout ce dont il s’agit, c’est du caractère de sa vie journalière ; et c’est cela qu’il déclare être «Christ», comme l’arrêt de la vie ou la mort serait, dit-il, un «gain».

 

... «Car pour moi, vivre c’est Christ ; et mourir, un gain ; mais si je dois vivre dans la chair, il en vaut bien la peine ; et ce que je dois choisir, je n’en sais rien ; mais je suis pressé des deux côtés, ayant le désir de déloger et d’être avec Christ, car cela est de beaucoup meilleur ; mais il est plus nécessaire à cause de vous que je demeure dans la chair. Et ayant cette confiance, je sais que je demeurerai et que je resterai avec vous tous pour l’avancement et la joie de votre foi, afin qu’en moi vous ayez plus abondamment sujet de vous glorifier dans le Christ Jésus, par mon retour au milieu de vous» (v. 21-26). Ainsi l’apôtre met en comparaison la continuation de sa vie et sa mort ; vivre, pour lui il en valait bien la peine, et ce qu’il devait choisir, il n’en savait rien. Il était perplexe à l’égard des deux choses ; car certes il avait le désir d’échapper à tout ce qui le retenait ici-bas et d’être avec Christ ; mais d’un autre côté, il sentait qu’il était plus nécessaire à cause des saints qu’il demeure ici-bas. À peine cette pensée lui monte-t-elle à l’esprit que tout devient clair. Il n’est plus pressé des deux côtés. Il a confiance ; il sait qu’il demeurera et restera avec eux tous pour l’avancement et la joie de leur foi. Quelle douceur et quel désintéressement dans l’amour que le Saint Esprit donne au coeur concentré sur Christ ! Leur profit spirituel fait pencher la balance, quel que soit son désir personnel.

Je suis sûr que la plupart d’entre nous perdons beaucoup en méconnaissant qu’à nous aussi ce sentier est ouvert et que c’est la volonté de notre Dieu à notre égard que nous le suivions. Nous sommes trop peu conscients de l’effet déprimant, obscurcissant et endurcissant qu’exerce sur notre expérience spirituelle le fait de nous permettre un objet ou un désir autre que Christ. Combien souvent, par exemple, a-t-on l’air de trouver normal qu’une courte période après la conversion constitue non seulement le moment propice au premier amour, mais l’unique moment où il ait lieu de se manifester ! Quel contraste lumineux forme avec de telles pensées ce que nous venons de lire des expériences de l’apôtre bien-aimé ! Cela pouvait-il laisser insensibles les Philippiens ? Et cela n’est-il pas aussi pour nous ? Jamais Dieu ne laisse supposer, dans sa Parole, que le saint doive fléchir après sa conversion ; que son amour, son zèle, la simplicité de sa foi doivent aller en s’appauvrissant et en s’affaiblissant. Des dangers l’attendent plus tard sans doute, mais les premiers jours ont les leurs, comme ceux qui suivent d’ailleurs ; beaucoup de choses ne sont considérées comme bonnes au début que par manque de spiritualité. Là où existe une vraie décision du coeur de s’attacher au Seigneur, Il donne, au contraire, une connaissance toujours plus approfondie de Lui-même. Ce n’est pas : Pour moi, vivre c’est l’évangile, ou même l’Église, mais : «Pour moi, vivre c’est Christ». L’avoir Lui comme le seul motif qui absorbe et gouverne la vie, jour après jour, est la force ainsi que la pierre de touche de tout ce qui est de Dieu ; cela donne, comme rien d’autre ne saurait le faire, à chaque chose sa place et sa proportion divines. «Pour moi, vivre c’est Christ», semble aller plus loin que : «mourir est un gain». Car cette dernière déclaration est vraie dans l’expérience de bien des saints, qui pourraient difficilement prendre à leur compte la première. Il n’y a cependant pas de phrase plus caractéristique ; c’est la substance même de notre épitre. L’expérience chrétienne est le grand sujet. Dans les Philippiens, nous avons avant tout le développement de cet important problème : comment vivre Christ. Quant à Paul, c’était la seule chose qu’il fît ; et ainsi la mort qui entraîne naturellement la perte de tel ou tel objet, en fait de toutes les choses terrestres, il la considérait, lui, au contraire comme un gain. C’est là la vérité, et il en jouissait.

 

Depuis des années, l’apôtre, prisonnier, avait la mort devant lui comme son sort probable. Mais certainement son oeil spirituel n’en est que plus vif ; sa force n’est nullement abattue, elle est accrue au contraire, et sa connaissance de Dieu, de Sa volonté et de Ses voies, plus vaste que jamais. Aussi, au lieu de penser que c’était une question qu’il appartenait à l’empereur de décider, il voit, sent et parle comme si Dieu avait tout placé entre ses mains ; dans un autre chapitre, il dit : «Je puis toutes choses en celui qui me fortifie». Vous le voyez ici délibérant, comme le juge lui-même, s’il doit vivre ou mourir. Il laisse entièrement César de côté et considère la chose comme si Dieu demandait à son serviteur s’il désirait vivre ou mourir. Sa réponse est que, quant à lui, mourir serait de beaucoup meilleur, mais que, pour l’Église, il serait bon qu’il vive encore un peu. Ainsi sa décision est éminemment selon le modèle de Christ, à l’encontre de son ardent désir, parce que son oeil était simple ; et il sacrifie le moi pour le bien de l’Église. En conséquence il conclut, avec une foi et un désintéressement magnifiques, qu’il doit vivre.

«Je suis pressé des deux côtés, ayant le désir de déloger et d’être avec Christ, car cela est de beaucoup meilleur ; mais il est plus nécessaire à cause de vous que je demeure dans la chair». Cela, parce que Christ prédominait dans son coeur, Lui qui certes ne décidait pas des questions en fonction de son propre gain, mais du bien des autres ; c’est pourquoi, persuadé en lui-même, Paul dit : «Ayant cette confiance, je sais que je demeurerai et que je resterai avec vous tous pour l’avancement et la joie de votre foi, afin qu’en moi vous ayez plus abondamment sujet de vous glorifier dans le Christ Jésus, par mon retour au milieu de vous». Je ne connais pas de preuve plus étonnante et plus instructive de la puissance de l’Esprit de Dieu, accordant à un homme d’être en communion pratique avec Dieu. La chair étant brisée et jugée en lui, il pouvait entrer dans la pensée et les sentiments de Dieu, et dans le coeur de Christ quant à l’Église. Était-il vraiment désirable pour l’Église que Paul demeurât ? Alors, sans hésitation ni sentiment charnel, il peut dire : Paul demeurera. Il tranche ainsi la question et déclare avec calme et confiance qu’il les reverra. Et c’est un homme emprisonné, à la merci du plus impitoyable des empereurs romains, qui pense, décide et dit tout cela !

Il ajoute encore : «Seulement conduisez-vous d’une manière digne de l’évangile du Christ, afin que, soit que je vienne et que je vous voie, soit que je sois absent, j’apprenne à votre sujet que vous tenez ferme dans un seul et même esprit, combattant ensemble d’une même âme, avec la foi de l’évangile». Le désir de son coeur était, lorsqu’il viendrait et les reverrait, de les trouver tous ensemble heureux dans l’unité, et qu’il en fût ainsi non seulement comme un bonheur découlant de Christ pour eux, mais débordant tellement de Lui que leurs coeurs soient libres de répandre partout la connaissance de l’évangile.

 

Il désirait ensuite qu’ils ne soient «épouvantés en rien par les adversaires : ce qui pour eux est une démonstration de perdition mais de votre salut, et cela de la part de Dieu : parce qu’à vous, il a été gratuitement donné, par rapport à Christ, non seulement de croire en lui, mais aussi de souffrir pour lui». Il ressort clairement de ce passage qu’il est très important, spirituellement, que nous gardions bon courage dans notre âme face à l’ennemi, et confiance en Dieu, non seulement à cause de nous-même, mais pour les autres. Il ne peut être rendu aucun témoignage exprimant mieux la grâce, ni plus solennel pour nos adversaires. Néanmoins qu’il est heureux de savoir que le jour viendra où, si nous marchons avec Dieu, tous les adversaires, si orgueilleux soient-ils, disparaîtront ; où toute la malice, les ruses et la puissance qui peuvent s’unir pour faire tomber les saints, ne seront là que pour faire mieux ressortir la puissance de Dieu en faveur de ceux-ci ! La foi sait que toute la puissance de Dieu lui appartient, avant que vienne ce jour.

Il est de la plus grande importance que nous entretenions une confiance calme, humble et patiente en Dieu, et que notre coeur se repose en Son amour ; mais il ne peut jamais en être ainsi sans une soumission présente à Christ et la jouissance de ce qu’il est pour notre âme. Pour leurs adversaires, cette assurance était une démonstration de perdition, de même qu’elle l’était du triomphe final des saints de Philippes sur tout ce que Satan pourrait entreprendre pour leur nuire. Dieu permettait cela, parce qu’il leur avait été donné, par rapport à Christ, non seulement de croire en Lui, mais aussi de souffrir pour Lui. Paul, qui à ce moment même souffrait pour Christ, en était parfaitement heureux et il place la chose devant eux. C’était un don excellent de la grâce ; il pouvait dire : «Les cordeaux sont tombés pour moi en des lieux agréables, bien qu’il fût prisonnier. Ils avaient à soutenir le même combat qu’ils avaient vu en lui lorsqu’il était prisonnier à Philippes et qu’ils apprenaient être maintenant en lui à Rome. Si le Seigneur daigne nous accorder en quelque mesure cette place bénie, puissent nos coeurs savoir l’apprécier !

 

2                    Chapitre 2

Nous avons vu, au chapitre 1, quel rafraîchissement était pour l’apôtre l’état des Philippiens, dans son ensemble, car à n’en pas douter, des cas particuliers demandaient correction. Néanmoins leur condition pratique, et plus spécialement celle que manifestait leur communion dans l’Évangile, éveillait puissamment les affections de l’apôtre envers eux, de même que les leurs envers lui. Or cette communion même rendait témoignage de l’état sain et fervent de leurs âmes à l’égard du Seigneur, de ses ouvriers et de son oeuvre. Car la communion dans l’Évangile est beaucoup plus que contribuer simplement à la conversion des âmes. Les «petits enfants» qui viennent de naître à Dieu, ceux qui ont fait quelques progrès, si peu que ce soit, dans la vérité, sont capables d’éprouver une grande sympathie pour l’appel d’êtres perdus, pour la bonne Nouvelle répandue, pour la joie d’âmes nouvellement vivifiées et pardonnées, amenées à la connaissance de Christ. Mais il y avait bien davantage dans la part que les Philippiens prenaient à l’Évangile. L’orientation et la force de leur vie tout entière étaient visiblement celles de personnes qui s’identifiaient totalement avec les conflits et les peines de l’Évangile aussi bien qu’avec ses joies. Il n’y avait rien en eux qui arrêtât ou retint l’Esprit de Dieu, les empêchant d’être dans le même courant que Lui, pour la louange de Christ et la bénédiction des âmes.

 

Et c’était ainsi qu’ils avaient le privilège d’avoir communion avec l’apôtre lui-même. «Si donc il y a quelque consolation en Christ, si quelque soulagement d’amour, si quelque communion de l’Esprit, si quelque tendresse et quelques compassions, rendez ma joie accomplie en ceci que vous ayez une même pensée, ayant un même amour, étant d’un même sentiment, pensant à une seule et même chose». Tout cela avait été mis en pratique, et l’apôtre voyait chaque petite offrande qui lui était faite, alors qu’il était en prison à cause de l’évangile, dans la lumière des saintes affections spirituelles de Christ qui l’avaient dictée. Dans le cas des Philippiens, il semblerait qu’il ne s’agissait pas seulement de la manière dont la grâce de Dieu apprécie le service des saints. Paul l’interprétait non pas selon les pensées des saints, mais selon celles de Dieu, y discernant ainsi une valeur beaucoup plus profonde que n’en avait le sentiment humain qui avait été conduit par le Saint Esprit dans ce service.

Prenez par exemple Marie, dans les évangiles, et voyez comment notre Sauveur bien-aimé considéra l’acte de dévouement qui l’avait amenée à répandre sur sa Personne le parfum de grand prix qu’elle avait gardé pour ce moment. Là où l’oeil est simple, il y a Quelqu’un qui guide les saints, bien qu’ils puissent ne pas s’en rendre compte distinctement. Rien ne permet de supposer que Marie avait nettement conscience qu’elle oignait le Seigneur pour sa sépulture ; mais Lui, dans sa grâce divine, a attribué cette valeur à son acte. L’amour qui était dans son coeur sentait instinctivement qu’un terrible danger menaçait le Seigneur ; qu’un lourd et sombre nuage s’amoncelait sur Lui — ce que les autres ne comprenaient que faiblement, ou même pas du tout. Dieu était de fait dans cette intuition d’affection divine.

 

Mais vous pouvez voir quelque chose d’analogue dans les soins providentiels que Dieu exerce parfois ; et même dans les soins de parents chrétiens envers leur enfant, il entre plus que de la prévoyance consciente. Il y a un sentiment de malaise indéfinissable, mais réel — l’Esprit de Dieu donnant une certaine conscience du péril — et cela stimule souvent l’affection des parents pour l’enfant, de sorte qu’ils cherchent à détourner le danger imminent ou à adoucir les souffrances dans la plus grande mesure possible. Il en était ainsi dans un sens bien plus élevé, dans la manière d’agir de Dieu avec Marie. Hélas ! combien peu les disciples étaient dans le secret, alors qu’ils auraient dû mieux que quiconque savoir ce qui se préparait, étant en rapport constant avec le Seigneur et le connaissant.

 

Ils avaient certes eu beaucoup plus d’occasions que n’en avait jamais eues Marie ; mais ce n’est nullement une telle connaissance qui donne la vue la plus pénétrante — ce ne sont pas du tout les circonstances terrestres qui rendent compte des intuitions de l’amour. Il y a une cause qui se situe plus profondément encore, savoir la puissance de l’Esprit de Dieu agissant dans un coeur simple, droit et aimant, intensément sensible à l’égard de l’objet de sa vénération : Christ lui-même. Si notre oeil est fixé sur le Seigneur, nous pouvons être assurés qu’Il agira avec nous et en nous, comme aussi pour nous. Il ne manquera pas de nous donner l’occasion de le servir de la manière la plus appropriée et au moment voulu.

 

Nous ne savons pas depuis combien de temps Marie conservait ce vase ; mais il y avait Quelqu’un qui aimait Marie et qui désirait lui accorder le privilège qu’elle avait à coeur, de témoigner son amour à Son Fils. Lui-même amena Marie (elle que sa soeur, croyante, mais agitée, avait méprisée comme indifférente) à manifester son amour à ce moment précis. Ainsi, à côté de la direction ordinaire, intelligente, il peut y en avoir une autre sous les mains expertes de Celui qui prend soin de nous, et qui agit maintenant — d’une manière plus intime encore — par son Esprit demeurant en nous.

 

Dans le cas des Philippiens, il y avait la communion consciente de l’Esprit ; un dévouement et une spiritualité remarquables se manifestaient parmi eux, de sorte que Dieu les honore d’une manière particulière : ils sont en contraste frappant non seulement avec les Galates, mais aussi avec les Corinthiens. Non pas que ceux-ci et ceux-là ne fussent nés de Dieu ; il n’y avait point de différence sur ce point. Il nous est expressément dit que les Corinthiens avaient été appelés à la communion du Fils de Dieu ; ils l’étaient aussi véritablement que les Philippiens. C’est d’eux que le Saint Esprit dit : «Dieu, par qui vous avez été appelés à la communion de son Fils Jésus Christ, notre Seigneur, est fidèle» (1 Cor. 1:9). Mais il y avait avec les Philippiens cette très grande différence que la même communion avec l’Évangile n’existait pas chez les Corinthiens, et c’est peut-être la raison pour laquelle l’apôtre souhaite qu’ils aient «la communion du Saint Esprit» (2 Cor. 13:13). Ils ne l’avaient assurément jusqu’alors que pauvrement goûtée (comp. 1 Cor. 3 ; 4 ; etc.).

Mais Paul pouvait dire en voyant les Philippiens : «Si donc il y a quelque consolation (ou plutôt encouragement) en Christ, si quelque soulagement d’amour, si quelque communion de l’Esprit»... Toute cette manifestation pratique de Christ était en pleine activité parmi eux : une telle tendresse dans leur esprit, une telle compréhension de la pensée de Dieu au sujet du puissant conflit dans lequel l’apôtre était engagé, qu’ils s’identifiaient, coeur et âme, avec lui. Aussi peut-il leur dire : S’il en est bien ainsi (et il n’en doutait pas) «rendez ma joie accomplie en ceci que vous ayez une même pensée, ayant un même sentiment, pensant à une seule et même chose». Voilà où ils manquaient ; ils n’étaient pas suffisamment d’une même pensée ; et ils ne nourrissaient pas, comme ils l’auraient dû, le même amour. Aussi y avait-il de la dissension parmi eux à ce moment. Il semble même que ce fût au sujet de l’oeuvre du Seigneur dans laquelle ils étaient vraiment zélés. Aussi triste que cela fût en soi, ce n’était toutefois pas aussi vil et indigne que les mesquines querelles dont nous entendons parler parmi les Corinthiens. Non pas que cela dût être traité à la légère, mais le manquement lui-même et sa cause prouvaient qu’ils étaient dans un état plus spirituel que les Corinthiens.

 

Vous pouvez de même trouver maintenant parmi les enfants de Dieu ce qui répond à l’épreuve d’un Abraham ou d’un Lot. Le juste Lot, qui habitait au milieu des méchants dans les villes de la plaine, tourmentait de jour en jour son âme à cause de leurs actions iniques. Quelle méchanceté sans frein remplissait la scène qui avait d’abord attiré ses regards trop cupides ! Il était étrange qu’un saint pût se trouver là chez lui, ne fût-ce que pour un temps ! Abraham a manqué, sans doute ; mais quel contraste entre la faute d’un Abraham et celle d’un Lot ! Lorsque ce dernier, par manque de vigilance, tomba dans un péché qui devait avoir des suites funestes, ce ne fut pas seulement une tache douloureuse, mais les conséquences en demeurèrent : pour les siècles à venir, ses descendants devaient être les ennemis du peuple de Dieu. Les tristes circonstances de la fin de sa vie ont eu ce résultat honteux, et entraînent une affliction perpétuelle. L’Israël de Dieu l’éprouvera encore dans les derniers jours. Abraham a eu de son côté ses épreuves et ses manquements ; et certes l’Éternel en a pris connaissance et les a repris dans son juste gouvernement. Mais quoique cela montre qu’il n’y a rien en l’homme qui soit digne de Dieu, qu’il n’y a aucun bien dans l’homme naturel, fût-il un saint, que la chair reste la chair en qui que ce soit, pourtant, en dépit de tout cela, le caractère même des faux-pas et des infidélités d’un Abraham nous dit qu’il était dans une condition spirituelle tout à fait différente de celle de son neveu Lot.

 

Il en était exactement ainsi, en quelque mesure, des Corinthiens et des Philippiens. Chez ces derniers, se rencontrait un manque d’unité, de jugement et d’intelligence, mais ils étaient remplis de la ferveur de l’Esprit ; ils portaient un ardent intérêt à l’Évangile et au bien des enfants de Dieu. Ainsi, même là où le service du Seigneur se trouve être la pensée dominante, la chair trouve toujours occasion d’agir. Rien de pareil si nous avons Christ lui-même pour objet. C’était là ce que Paul connaissait, en quoi il vivait, et ce qu’il désirait que les Philippiens connussent mieux. Le service met en oeuvre l’intelligence, les sentiments et l’énergie de l’homme. Nous sommes en danger d’être trop occupés de ce que nous faisons ou de ce que nous souffrons. Là-dessous se cache encore le danger des comparaisons, avec ce qui s’ensuit : l’envie, la recherche de soi-même, et les querelles. Nous avons déjà vu, au chapitre 1, de quelle manière bénie l’apôtre plaçait devant eux ce qu’il ressentait en présence d’activités propres à l’affecter bien plus profondément et plus douloureusement. Il semble qu’il y avait quelque chose de même sorte à l’oeuvre parmi les Philippiens. Aussi leur signifie-t-il ici qu’une chose était nécessaire pour rendre sa joie accomplie : il désirait les voir d’une même pensée, et cela en ayant non pas les mêmes opinions, mais le même amour, leurs âmes étant unies pour penser à une seule et même chose. Son propre esprit jouissait toujours plus de Christ. La terre et les hommes qui la peuplent étaient bien peu de choses à ses yeux ; les pensées du ciel étaient tout pour lui, de sorte qu’il pouvait dire : «Pour moi, vivre c’est Christ». Cela rendait son coeur sensible à leur égard, parce qu’il y avait en eux quelque chose qui les privait de Christ, des objets autres que Lui. Il désire pour eux une plénitude de joie.

À des coeurs purifiés par la foi, l’Esprit de Dieu donne un objet : Christ lui-même. Ce que Paul avait apprécié chez eux le rendait d’autant plus sensible à ce qui était défectueux chez ces saints. Aussi insiste-t-il sur des points qu’il aurait tus s’il avait écrit à d’autres. Dans une assemblée où il y aurait eu beaucoup de choses qui déshonoraient Dieu, il eût été inutile de relever chaque détail. La sagesse aurait consisté à appliquer la grâce de Christ aux maux les plus manifestes ; les points moins importants seraient restés en attente pour être traités plus tard par la même puissance. Mais en écrivant à des saints dans un relativement bon état, une tache même petite prend de l’importance dans la pensée de l’Esprit. Il y avait quelque chose qu’ils pouvaient faire ou à quoi ils pouvaient remédier pour remplir l’apôtre de joie. Combien il aurait été heureux d’apprendre qu’ils brillaient par leur unité d’esprit ! Il reconnaissait et sentait leur amour ; eh bien, il désirait qu’ils cultivent entre eux le même amour ! Comment pouvaient-ils être davantage de la même pensée ? En ayant leurs esprits dirigés sur une seule et même chose ! Dieu a un objet pour ses saints, et cet objet c’est Christ. Pour Paul, chaque but, chaque devoir était subordonné à Christ ; de même que dans le chapitre suivant, il est dit : «Je fais une chose», ainsi ici il désirait produire cette seule et même pensée chez les saints de Philippes.

 

Il touche alors le point sur lequel ils avaient à veiller. «Que rien ne se fasse par esprit de parti, ou par vaine gloire». Il est humiliant, mais trop vrai, que le principe du mal extérieur le plus grossier opère même parmi les saints de Dieu. Les traces en étaient peut-être si faibles que seul l’oeil d’un apôtre pouvait les discerner. Mais Dieu rendit son serviteur capable de déceler en eux ce qui n’était pas de Christ. Aussi l’apôtre place-t-il devant eux les dangers d’être opposés les uns aux autres comme aussi de s’exalter soi-même : les querelles et la vaine gloire. Oh ! combien facilement ces choses peuvent s’introduire et souiller le service de Dieu ! Le chapitre précédent avait démasqué des gens qui, ailleurs, profitaient de l’emprisonnement de l’apôtre pour annoncer le Christ par envie et par esprit de parti. Il avait triomphé par la foi et pouvait se réjouir de ce que, de toute manière, Christ était annoncé. Il met maintenant en garde ses chers Philippiens contre quelque chose de semblable au milieu d’eux. Le principe était là et il ne manque pas de le placer sur leur coeur.

Comment surmonter cet esprit d’opposition et d’élévation de soi ? «Que, dans l’humilité, l’un estime l’autre supérieur à lui-même». Quelle pensée bénie ! et combien manifestement divine ! Comment les querelles et la vaine gloire pourraient-elles alors subsister ? Lorsque nous pensons à nous-mêmes, Dieu aimerait que nous sentions toute notre propre insuffisance. Avoir des privilèges célestes si doux en Christ, être aimés de Lui, et faire néanmoins ces misérables retours en arrière que même nos propres coeurs savent être tout à fait indignes de Lui, voilà l’amère expérience que nous faisons quant à ce que nous sommes. Tandis que lorsque nous regardons aux autres, nous sentons facilement non seulement combien Christ est en bénédiction pour eux et combien Sa bonté est fidèle ; mais l’amour nous conduit à couvrir les manquements, à voir et à garder sous nos yeux ce qui est aimable et de bonne renommée dans les saints — s’il y a quelque vertu et quelque louange, à penser à ces choses. Cela semble être à la base de l’exhortation et il est évident que cela devient ainsi un devoir simple et heureux. «Que, dans l’humilité, l’un estime l’autre supérieur à lui-même».

En résumé, cet esprit fâcheux est surmonté d’une part en ayant conscience de notre propre bénédiction par pure grâce en présence de la misérable réponse que nous lui donnons dans notre coeur et dans notre marche ; et d’autre part, en reconnaissant avec bonheur les autres comme les objets du tendre amour du Seigneur, avec tous ses fruits, sans penser à leurs imperfections. Le Seigneur ne veut pas que nous soyons occupés de ce qu’il y a de mauvais en eux, mais de ce que Christ est pour eux et en eux. Car ici, il n’est pas question de discipline, mais de l’état ordinaire, heureux, des enfants de Dieu. L’assemblée à Philippes était certainement composée d’hommes au coeur rempli d’ardeur pour étendre les frontières du royaume de Christ, et qui se réjouissaient en Lui. Mais ils avaient besoin d’une plus grande tendresse les uns à l’égard des autres.

En outre, si quelqu’un était maltraité partout, c’était bien l’apôtre Paul. Il était véritablement considéré comme la «balayure du monde». L’Asie entière s’était détournée de lui. Où y avait-il quelqu’un qui s’identifiât à sa cause ? C’était là évidemment le résultat d’une marche dans l’Évangile, fidèle, désintéressée, sainte, qui, de temps en temps, blessait des centaines de personnes, même parmi les enfants de Dieu. Il ne pouvait pas ne pas toucher la mondanité de l’un, la chair d’un autre. Par-dessus tout, il soulevait contre lui les judaïsants d’une part et d’autre part tous les schismatiques, les hérétiques, etc. Tout cela fait qu’un homme est craint et n’est pas aimé ; et personne n’a jamais connu cette amère épreuve plus que l’apôtre Paul. Mais dans le cas des Philippiens, l’effet contraire était produit : leurs coeurs s’attachaient d’autant plus à lui qu’il était emprisonné à Rome, et qu’il connaissait cette douleur, la plus profonde, d’une défection surprenante de la part de beaucoup qui avaient été bénis par son moyen. Ce fidèle amour des Philippiens ne pouvait que réjouir le coeur de l’apôtre.

C’est une chose de se laisser aller à une dépendance charnelle vis-à-vis d’un instrument de Dieu ; c’en est une tout autre que d’avoir les mêmes intérêts que lui, de sorte qu’on lui soit plus intimement attaché que jamais dans un temps de peine. C’était vraiment là de la communion, et dans une mesure qui allait loin, mais pas aussi loin que l’apôtre le désirait pour eux. Il pensait à leurs affaires, non pas seulement aux siennes ; et c’est pourquoi il leur donne maintenant un autre avertissement : «Chacun ne regardant pas à ce qui est à lui, mais chacun aussi à ce qui est aux autres». S’ils l’aimaient tant, pourquoi ne pas s’aimer les uns les autres plus qu’ils ne le faisaient ? Pourquoi être tellement occupés de leurs propres pensées ?

Cet égoïsme est une autre source féconde de mal. Nous savons tous que nous sommes enclins à apprécier les qualités que nous possédons nous-mêmes et à faire peu de cas de celles des autres. C’est le fait de la nature non jugée ; car là où il y a la puissance de l’amour, celle-ci opère dans une direction tout opposée. Elle produirait alors la conscience de notre faiblesse et de notre indignité, ainsi que du peu d’usage que nous faisons de ce que Dieu nous donne ; nous apprécierions alors ce que nous voyons chez un autre, et que nous n’avons pas reçu nous-mêmes. Quel bienfait pour l’Église d’avoir tout cela, et bien davantage !

L’apôtre introduit là ce qui est le grand secret pour être délivré de tous ces efforts des «tessons de terre» que nous sommes : «cette pensée qui a été aussi dans le Christ Jésus» (v. 5). Vous remarquerez que dans ce chapitre, c’est Christ tel qu’il a été ; dans le chapitre suivant, Christ tel qu’il est. Ici, c’est Christ s’abaissant, bien que, évidemment, il ait été ensuite exalté. L’apôtre insiste sur le fait que nous devrions considérer la pensée de Christ, celle qui a été manifestée en Lui alors qu’il était ici-bas. Au chapitre 3, ce n’est pas tant la pensée ou le propos moral qui était en Lui, que sa Personne comme objet, un objet glorieux, centre d’attraction maintenant dans le ciel — le prix pour lequel l’apôtre courait : Christ lui-même en haut, le centre de toute sa joie. Ici (chap. 2) c’est l’esprit d’amour désintéressé qui ne cherche rien pour lui-même, mais veut le bien des autres coûte que coûte. Voilà la pensée qui était en Christ.

L’apôtre insiste ensuite sur l’humilité dans l’amour en plaçant la marche du Seigneur lui-même devant leurs yeux. C’est là la vraie «règle de vie» pour le croyant depuis Sa manifestation ; non pas seulement toute la Parole écrite, mais cette Parole vue d’une façon vivante en Christ, dont l’Esprit Saint fait une source de puissance pour l’âme qui est occupée de Lui. «Qu’il y ait donc en vous cette pensée qui a été aussi dans le Christ Jésus, lequel, étant en forme de Dieu, n’a pas regardé comme un objet à ravir d’être égal à Dieu, mais s’est anéanti lui-même».. (v. 5-7).

Quel glorieux témoignage à la divinité vraie, personnelle, intrinsèque de Christ ! Témoignage d’autant plus fort que, comme beaucoup d’autres, il est indirect. Qui, sinon une personne qui a conscience d’être Dieu dans le sens le plus élevé pourrait non seulement affirmer sans équivoque : «Avant qu’Abraham fût, je suis» ; ou : «Moi et le Père, nous sommes un», mais encore revendiquer la divinité d’une manière non moins réelle (quoique cachée) par les paroles mêmes dont l’incrédulité se sert si volontiers contre Lui ? Quel sens y aurait-il pour tout autre homme (et Il était et est véritablement homme) de déclarer : «Mon Père est plus grand que moi» ? Ce serait une bien étrange affirmation dans la bouche, je n’entends pas seulement d’un Socrate ou d’un Bacon, par exemple, mais d’un Moïse ou d’un Daniel, d’un Pierre ou d’un Paul. Mais de Lui, combien elle était convenable et même nécessaire, et cela uniquement parce qu’il était véritablement Dieu et égal au Père, tout en étant homme, l’Envoyé, et qu’ainsi le Père était plus grand que Lui ! Prenez encore cette déclaration frappante de Jean 17:3 : «C’est ici la vie éternelle, qu’ils te connaissent seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ». Certes il était homme ; il a daigné naître de femme, autrement l’incrédulité n’aurait aucun motif d’argumentation à cet égard. Mais quel homme ordinaire oserait jamais, à moins d’être le plus vil des imposteurs, se mettre calmement au rang de Dieu, oui, oserait parler de la connaissance du seul vrai Dieu, et de Lui-même comme étant la vie éternelle ?

Ainsi en est-il du passage placé devant nous. Rien de plus concluant ne peut être avancé pour prouver sa propre gloire divine que le simple énoncé de ce verset 6. Ni Gabriel, ni l’archange Michel lui-même n’ont de dignité plus élevée que celle d’être des serviteurs de Dieu, dans la sphère assignée à chacun. Seul le Fils de Dieu eut à s’anéantir Lui-même, prenant la forme d’esclave, étant fait à la ressemblance des hommes. Tous les autres étaient, au mieux, des serviteurs de Dieu ; et rien ne pouvait accroître cette dignité pour eux ou les élever au-dessus. De Christ seul il pouvait être dit en vérité qu’il prit la forme d’esclave ; de Lui seul cela pouvait être vrai, parce qu’il était «en forme de Dieu». Il subsistait originellement dans cette nature, et cela aussi véritablement qu’il reçut celle d’esclave ; toutes deux étaient réelles, également réelles — l’une intrinsèque, l’autre celle qu’il condescendit à prendre, dans sa grâce infinie.

Et ce n’était pas tout. «Étant trouvé en figure comme un homme, il s’est abaissé lui-même, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix» (v. 8). C’est là un pas de plus dans son abaissement en grâce pour glorifier Dieu. En premier lieu il y eut pour lui l’humiliation de devenir un esclave et un homme ; ensuite, étant homme, il s’est abaissé lui-même dans son obéissance jusqu’à la mort (contraste béni avec la désobéissance d’Adam jusqu’à la mort). Et cette mort a été — outre son caractère expiatoire — le point extrême de la honte humaine. Il nous faut cependant bien garder à l’esprit qu’il serait aussi impossible pour une personne divine de cesser d’être Dieu, que pour un homme de devenir une personne divine. Mais ce fut la joie et le triomphe de la grâce divine que Celui qui était Dieu, égal au Père, lorsqu’il s’agit de devenir homme, ne vint pas ici-bas dans la gloire et la puissance de la Déité pour confondre l’homme devant Lui, mais s’anéantit Lui-même ; sa perfection morale se déployait là par voie de contraste. Il fut ainsi l’homme entièrement dépendant, ne tombant pas une seule fois dans la confiance en soi-même ; mais en toutes circonstances, et en face des pires difficultés, le modèle le plus parfait et la manifestation de Quelqu’un qui s’attendait à Dieu, qui avait toujours le Seigneur devant Lui, qui n’agissait jamais de Lui-même, mais dont la viande et le breuvage étaient de faire la volonté de son Père dans les cieux ; en un mot, il devint le parfait serviteur. Voilà ce que nous avons ici.

Il est dit de Christ qu’il a été en forme de Dieu ; c’est-à-dire qu’il n’y avait pas là une simple apparence : il avait cette forme-là et non point celle d’une créature. La forme de Dieu signifie qu’Il a Sa forme et aucune autre. Il était donc dans cette essence de son être et rien d’autre. Il n’avait en quoi que ce soit l’être d’une créature quelle qu’elle soit ; il était simplement et lui seul, Dieu le Fils. Subsistant dans cette condition, il n’a pas regardé comme un objet à ravir d’être égal à Dieu. Il était Dieu ; toutefois, dans la place d’homme qu’il a réellement prise, il a eu, comme cela convenait, la volonté de n’être rien. Il s’est anéanti Lui-même. Combien cela est admirable ! combien cela magnifie Dieu ! Il a mis de côté toute sa gloire. Ce ne fut même pas en majesté angélique qu’il consentit à devenir un esclave, mais à la ressemblance des hommes. Nous avons ici la «forme d’esclave» aussi bien que la «forme de Dieu» ; mais cela ne veut en aucun cas dire qu’il n’était pas réellement les deux. En vérité, de même qu’il était véritablement Dieu, de même il devint l’esclave le plus véritable que Dieu ou l’homme aient jamais vu.

Mais nous pouvons aller plus loin encore. «Et, étant trouvé en figure comme un homme, il s’est abaissé lui-même, étant devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix». Remarquez les deux grandes étapes dans la venue et l’humiliation du Fils de Dieu. La première est en rapport avec sa nature divine, sa divinité propre ; il s’est anéanti Lui-même. Il ne voulait pas agir sur un terrain qui l’exemptât de l’obéissance humaine lorsqu’il prit ici-bas la place d’esclave. En fait, nous pouvons dire qu’il agissait selon ce que Dieu le Père était pour Lui, non point selon ce que Lui le Fils était pour le Père. D’une part, quoiqu’il fût Fils, il a appris l’obéissance par les choses qu’il a souffertes. D’autre part, s’il n’avait pas été une personne divine — le Fils, sans doute possible — il n’aurait pas été l’homme parfait qu’il fut. Mais il a marché au travers de la honte, de peines et de souffrances inouïes, comme quelqu’un qui ne cherchait que la volonté et la gloire de son Père en toutes choses. Il ne décidait de rien Lui-même, pas même pour sauver des pécheurs ou pour recevoir une âme (Jean 6). Il ne faisait rien sans le Père. Il ne voulait recevoir que ceux que le Père tirait. Tous ceux que le Père Lui donne, tous ceux qui viennent à Lui, il les reçoit ; il n’en mettra jamais aucun dehors, si mauvais qu’ils soient. Rien ne prouve davantage qu’il est entièrement serviteur, que le fait que Lui, le Sauveur, renonce entièrement à tout choix quant à ceux qu’il sauvera ! Lorsqu’il agit en tant que Seigneur à l’égard de ses apôtres, il nous dit qu’il les a choisis ; mais quand il est question du salut, il dit virtuellement : Me voici, moi le Sauveur ; quiconque est attiré à moi par le Père, cela me suffit ; quiconque vient à moi, je le sauverai. De qui ou de quoi qu’il s’agît, vous trouvez dans le Seigneur Jésus cette soumission parfaite et ce complet renoncement, et il en était ainsi dans la seule personne qui n’eut jamais la volonté de pécher, ni de rechercher en quoi que ce soit ses propres désirs. Il a été le seul homme qui n’ait jamais fait sa volonté propre ; sa volonté comme homme était soumise sans aucune réserve à Dieu. Mais il y a autre chose : si, lorsqu’il prit la forme d’esclave, il s’est dépouillé de sa déité, une fois devenu homme, il s’abaissa Lui-même et devint obéissant jusqu’à la mort.

C’est important parce que cela montre aussi, entre autres choses, que la mort n’était pas le lot naturel de notre Seigneur comme homme, mais ce jusqu’à quoi, «étant trouvé en figure comme un homme, il s’est abaissé lui-même, étant devenu obéissant». Il n’y avait pas de mort pour Lui simplement en tant qu’homme, car la mort était les gages du péché, non point de l’homme comme tel sans péché, encore moins du Saint de Dieu. Comment pouvait-il être assujetti à la mort ? C’était là le contraste entre Lui et le premier Adam. Le premier Adam est devenu désobéissant jusqu’à la mort ; Christ, au contraire, a obéi jusqu’à la mort. Nul autre n’avait ce pouvoir de laisser sa vie. Les pécheurs n’avaient rien à donner ; la vie était due à Dieu et ils n’avaient aucun titre à offrir. Y prétendre eût été un péché. Mais en Christ, tout est renversé. Sa mort dans un monde de péché est Sa gloire — non pas seulement une grâce parfaite, mais la justification de Dieu dans tout Son caractère. «J’ai le pouvoir», dit-il, «de la laisser, et j’ai le pouvoir de la reprendre». En laissant sa vie, il rendait la gloire de Dieu accomplie. «Maintenant le fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui» (Jean 13:31). Si Dieu a été satisfait et exalté par chaque pas de la vie du Seigneur Jésus Christ, la plus grande gloire morale de Dieu brille cependant dans la mort de Christ. Jamais il n’y eut ni ne pouvait y avoir une telle obéissance auparavant ou en aucun autre. Il est «devenu obéissant jusqu’à la mort, et à la mort de la croix».

Dans ce chapitre, il n’est pas question d’ôter le péché. C’est ignorer les pensées de Dieu que de limiter la mort de Christ, fût-ce même à ce côté merveilleux, tout en admettant pleinement qu’il n’y a rien et qu’il n’y aura jamais rien qui puisse s’y comparer. Mais la mort de Christ embrasse, par exemple, la réconciliation de toutes choses aussi bien que le fait que nous sommes amenés à Dieu, nous qui croyons ; car maintenant que le monde est assujetti à la vanité, rien ne pourrait, sans cette mort, être tiré d’une telle ruine, où tout est manifestement souillé et gâté par la puissance de Satan. De plus, où serait, sans cette mort, la parfaite manifestation de ce que Dieu est ? Où trouver ailleurs toute l’étendue des souffrances et de l’humiliation de Christ, et celle de l’obéissance qu’elles montrent ? La vérité, l’amour, la sainteté, la sagesse et la majesté de Dieu ont toutes été revendiquées au plus haut point dans la croix du Seigneur Jésus Christ. Il n’y a pas un seul caractère de Dieu qui ne trouve — bien que s’exprimant ailleurs en Christ — sa réponse la plus riche et la plus complète dans la mort de Christ. C’est ici le parfait serviteur, qui ne manqua en aucune chose, non pas seulement dans l’amour le plus vrai pour nous, mais de façon absolue pour la gloire de Dieu. C’est à ce point de vue qu’il est fait mention ici de sa mort ; et l’Esprit de Dieu ajoute (v. 9, 10) : «C’est pourquoi aussi Dieu l’a haut élevé et lui a donné un nom au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus se ploie tout genou des êtres célestes, et terrestres, et infernaux».

Il ne s’agit pas simplement des saints ou d’Israël, mais «tout genou» se ploiera, etc. Cela comprend les anges et les saints, et même ceux qui sont pour toujours sous le jugement de Dieu ; car la pire signification s’attache à l’expression «infernaux». Ainsi les êtres infernaux, ceux qui sont perdus, apparaissent ici ; le verset renferme aussi bien ceux qui ont rejeté le salut que ceux qui confessent le Sauveur. C’est la soumission universelle de tous à Christ. Jésus en a acquis le droit même comme homme. Si les incrédules le méprisent comme homme, c’est comme fils de l’homme qu’il les jugera. Ils devront se courber devant Lui, comme homme. Le nom d’abaissement qui a été le sien comme Nazaréen sur la terre doit être honoré partout ; il y va de la gloire de Dieu. Au nom de Jésus, ou en vertu de son nom, tout genou se ploiera et toute langue confessera que «Jésus Christ est Seigneur, à la gloire de Dieu le Père» (v. 11).

 

Là encore, il ne s’agit pas du fait qu’il est Fils (ce que, naturellement, il était de toute éternité), mais du fait qu’il est aussi Seigneur. Nous savons que le croyant le confesse dès maintenant en esprit. Toute âme qui actuellement est née de Dieu, ploie les genoux en vertu du nom de Jésus et devant Lui. Le chrétien confesse maintenant par le Saint Esprit que Jésus Christ est Seigneur ; mais bientôt cet hommage sera rendu dans une sphère infiniment plus vaste. Il sera alors trop tard pour être sauvé. Le salut est reçu maintenant par la foi qui trouve la félicité et la vie éternelle dans la connaissance de Dieu et de Jésus Christ qu’Il a envoyé. Et personne, en dehors de ceux qui sont sauvés, ne le confesse comme Seigneur par le Saint Esprit. Mais il y aura bientôt plus que cela. Lorsque le jour de la grâce aura pris fin et que Dieu, non seulement rassemblera ses élus, l’Église, mais détruira toute autorité adverse, alors le nom de Jésus sera reconnu d’un bout à l’autre de tout l’univers, même par ceux qui le feront par contrainte et qui par cette reconnaissance même confesseront leur propre misère éternelle.

En Éph. 1:10, il nous est parlé du propos de Dieu pour l’administration de la plénitude des temps, «de réunir en un toutes choses dans le Christ, les choses qui sont dans les cieux et les choses qui sont sur la terre». Il a souvent été remarqué qu’il n’est rien dit là des choses qui sont «sous la terre», car ici il ne s’agit pas d’une reconnaissance universelle de Christ, de gré ou de force, même par les démons et les perdus, mais simplement la mise de toutes choses sous la seigneurie de Christ. Ni les hommes perdus ni les démons ne seront jamais dans une telle relation avec Christ. Il les jugera certainement et les uns et les autres. Dans les Éphésiens, c’est Christ vu comme chef de toute la création de Dieu, toutes choses, les célestes et les terrestres, étant réunies sous son administration. Outre cela, il est le chef de l’Église qui, par conséquent, partagera sa place d’exaltation sur toutes choses, célestes et terrestres, en tant qu’Épouse du véritable et dernier Adam. Il «l’a donné pour être chef sur toutes choses à l’assemblée, qui est son corps, la plénitude de celui qui remplit tout en tous». Christ remplit tout en tous ; mais l’Assemblée est la plénitude de l’homme mystique glorifié, de même qu’Ève était nécessaire à l’accomplissement des pensées de Dieu quant au premier Adam.

 

L’Assemblée est l’Épouse, la femme de l’Agneau. Ce mystère est grand et il est largement développé dans les Éphésiens ; mais ce n’est pas le sujet de notre épître. Le but de celle-ci est pratique, confirmé par Celui qui est descendu de la gloire infinie et s’est anéanti Lui-même, et qui maintenant est exalté et fait Seigneur de tout, de sorte que toute créature doit se courber. Voilà ce qui est placé devant les Philippiens comme le plus puissant des motifs et l’exemple du plus grand poids pour produire le renoncement au moi, dans l’amour, à la gloire de Dieu.

Dans l’ensemble, nous l’avons vu, l’état des saints à Philippes était bon et sain. Il n’en était pas d’eux comme des Galates dont la chute rapide dans l’erreur — et dans quelle erreur ! — surprenait et affligeait l’apôtre. Dans la doctrine comme dans la pratique, quel recul ! Leur amour, d’abord excessif pourrait-on dire, s’était changé en amertume et en mépris, car la chose la plus douce dans sa nature, une fois corrompue, devient la plus amère de toutes. «Vous savez que dans l’infirmité de la chair je vous ai évangélisé au commencement ; et vous n’avez point méprisé, ni rejeté avec dégoût ma tentation qui était en ma chair ; mais vous m’avez reçu comme un ange de Dieu, comme le Christ Jésus. Quel était donc votre bonheur ? Car je vous rends témoignage que, si cela eût été possible, arrachant vos propres yeux, vous me les eussiez donnés. Je suis donc devenu votre ennemi en vous disant la vérité ? Ils ne sont pas zélés à votre égard comme il faut, mais ils veulent vous exclure, afin que vous soyez zélés à leur égard» (Gal. 4:13-17). «Mais», ajoute l’apôtre avec une sévérité incisive, «il est bon d’être toujours zélés pour le bien, et de ne pas l’être seulement quand je suis présent avec vous».

Quel contraste rafraîchissant offrait l’état des Philippiens ! Ce n’était pas seulement que leur amour était vrai et fervent, prouvant leur communion avec l’évangile et leur sympathie de coeur pour ceux qui étaient engagés dans ses travaux et ses souffrances ; mais leur fidélité brillait plus encore alors que l’apôtre n’était pas au milieu d’eux. «Ainsi donc, mes bien-aimés, de même que vous avez toujours obéi, non seulement comme en ma présence, mais beaucoup plus maintenant en mon absence..».. Quelle réserve dans le ton à l’égard des premiers et quel épanchement de ses profondes affections pour les autres ! Et ce n’est pas étonnant. En Galatie, Christ était voilé par la nature ; il y avait peut-être de la religion, mais sans soumission à Dieu, et aussi sans amour, malgré de vains discours sur l’amour. À Philippes, Christ était toujours plus l’objet de leurs pensées ; l’amour était exercé d’une manière vraie et saine ; et l’obéissance s’affirmait toujours plus, parce que la liberté et la responsabilité étaient heureusement réalisées, d’autant plus en l’absence de l’apôtre et sans son aide immédiate.

Aussi les exhorte-t-il en ces termes : «Travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement : car c’est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire, selon son bon plaisir» (v. 12, 13). En Éph. 2, les saints sont vus comme assis ensemble dans les lieux célestes dans le Christ Jésus ; ici ils sont considérés comme travaillant à leur propre salut avec crainte et tremblement. Comment pouvons-nous concilier ces deux choses ? Très facilement si nous nous soumettons avec simplicité à la parole de Dieu.

Si vous cherchez à établir qu’il n’y a qu’une seule signification au mot «salut» dans le Nouveau Testament, vous aurez certes beaucoup de peine, et vous constaterez qu’il n’y a pas moyen de mettre d’accord tous les passages où on le rencontre. En fait, il est facile de démontrer que, dans le Nouveau Testament, le salut est plus fréquemment présenté comme une action encore incomplète, une oeuvre non terminée, que comme un but atteint. Il ne s’agit donc pas de rejeter quelque chose, mais de recevoir une idée complémentaire. Prenez par exemple Rom. 13:11, 12 : il y est parlé du salut comme n’étant pas encore arrivé. «Maintenant le salut est plus près de nous que lorsque nous avons cru». D’après le contexte, nous comprenons qu’il est en rapport avec «le jour» qui «s’est approché» ; ainsi le salut dont il est question dans ce passage est évidemment une chose que nous n’avons pas obtenue présentement ; sans doute, il se rapproche chaque jour davantage, mais il ne sera effectivement nôtre que lorsque le jour sera arrivé. «La nuit est fort avancée, et le jour s’est approché». Le salut est donc ici manifestement futur.

Dans la première épître aux Corinthiens (chap. 1:8 ; 5:5 ; 9:24-27 ; 10) il en est de même bien que les expressions soient moins nettes. Prenez encore l’épître aux Hébreux, comme exemple très clair. Il y est dit (chap. 7:25) que Jésus «peut sauver entièrement ceux qui s’approchent de Dieu par lui». Le passage est clairement limité aux croyants. «Sauver» s’applique à des personnes qui sont dans une relation vivante avec Dieu. Christ est considéré comme sacrificateur, et il n’est sacrificateur que pour le peuple de Dieu — les croyants. On ne saurait donc se servir de ce verset pour l’appliquer au salut des pécheurs comme tels. Encore, au chap. 9 : «Comme il est réservé aux hommes de mourir une fois — et après cela le jugement, ainsi le Christ aussi, ayant été offert une fois pour porter les péchés de plusieurs, apparaîtra une seconde fais, sans péché, à salut à ceux qui l’attendent». Il ne peut y avoir l’ombre d’un doute qu’ici l’Esprit parle du salut (salut du corps, non pas seulement de l’âme) comme d’une chose qui ne sera effective que lorsque Christ en personne apparaîtra pour nous et qu’il nous prendra à Lui, dans et à sa propre gloire.

 

Sans nous arrêter à toutes les déclarations semblables dans les autres épîtres, permettez-moi de mentionner la première épître de Pierre. Il me semble qu’à l’exception d’une seule phrase en 1 Pierre 1:9, le salut y est toujours regardé comme une chose non encore accomplie, et qui ne le sera en fait que lors de la rédemption du corps. Cette unique phrase est : «Recevant la fin de votre foi, le salut des âmes». En effet le salut de l’âme ne sera pas plus complet pour les croyants après que Christ sera revenu qu’il ne l’est maintenant qu’ils croient et qu’ils sont portés à travers le désert : c’est une bénédiction dont ils jouissent déjà en tant que lieu de repos pour la foi. Mais, à cette exception près, le salut, en Pierre, s’applique à la délivrance qui couronne la fin de toutes les difficultés que nous pouvons rencontrer pendant notre passage à travers le désert de ce monde, de même qu’aux soins et à la sollicitude avec laquelle notre Dieu nous garde présentement pour nous le faire traverser en sécurité. C’est un salut qui ne sera parfait qu’à l’apparition de Jésus (voir chap. 1:5 ; 2:2 et 4:18).

 

C’est là ce que je crois être aussi le sens du mot «salut» dans l’épître aux Philippiens ; nous le verrons plus clairement encore lorsque nous parviendrons au chap. 3 où il est parlé de notre Seigneur comme d’un «Sauveur» précisément quand il viendra pour transformer nos corps. «Notre bourgeoisie est dans les cieux, d’où aussi nous attendons le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur» — et cela quand il viendra pour transformer «le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire». Voilà le caractère du salut ; c’est une question touchant non pas seulement à l’âme, mais à nos corps. Si, recevant cette pensée comme étant la vraie et la réelle portée du mot «salut» dans tout le contexte, nous interprétons ici ce passage d’après l’objet général que le Saint Esprit a en vue, la signification de notre verset 12 devient claire : «Travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement». C’est comme si l’apôtre disait : Je ne suis plus avec vous pour vous avertir, vous exhorter et vous stimuler lorsque votre courage faiblit ; vous êtes maintenant entièrement rejetés sur Dieu. Vous avez le secours ordinaire des surveillants et des serviteurs, mais il n’y a plus à attendre de soins apostoliques actuels.

 

Nul doute que l’absence de l’apôtre ne fût une immense perte. Mais Dieu peut changer toute perte en un gain, et pour eux le gain était celui-ci : qu’ils étaient plus consciemment dépendants des ressources de Dieu Lui-même. Lorsque l’apôtre était là, ils pouvaient aller à lui pour toute question qui se présentait, chercher directement ses conseils. Maintenant, son départ les conduit à s’attendre à Dieu Lui-même pour être dirigés. L’effet sur des hommes spirituels devait être de leur faire sentir le besoin de prier davantage et d’être plus vigilants que jamais. «De même que vous avez toujours obéi, non seulement comme en ma présence, mais beaucoup plus maintenant en mon absence, travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement». Je ne suis pas là pour veiller sur vous, pour vous donner mes conseils, pour vous aider dans les difficultés, les circonstances imprévues et les dangers. Vous avez affaire à un ennemi puissant, subtil, actif. Aussi, levez les yeux non pas vers les montagnes, mais vers Dieu, et travaillez à votre propre salut avec crainte et tremblement. «Car c’est Dieu qui opère en vous et le vouloir et le faire, selon son bon plaisir».

 

Si l’apôtre n’était pas là, mais en prison, bien loin, il leur dit : Dieu est là. Et c’est Dieu qui «opère en vous». Cela devait donner de la solennité aux sentiments, mais aussi inspirer de la confiance. Il y aurait crainte et tremblement dans leurs coeurs, ils ressentiraient combien c’est une chose amère et douloureuse de compromettre Dieu en quelque manière que ce soit, par manque d’un jugement jaloux du moi dans leur marche — crainte et tremblement à cause du sérieux du conflit. Ils avaient à faire avec Satan qui déployait ses efforts contre eux. Mais d’autre part, Dieu était avec eux, opérant en eux. Ce n’était pas une question d’anxiété et d’effroi ; la peur de faillir et d’être perdus, mais la crainte devant la lutte dans laquelle ils étaient engagés avec l’ennemi, privés de la présence d’un apôtre qui leur aurait apporté son inestimable secours.

 

Maintenant il en vient aux choses pour lesquelles les Philippiens pouvaient être à blâmer et pour lesquelles certes ils devaient être sur leurs gardes. «Faites toutes choses sans murmures et sans raisonnements, afin que vous soyez sans reproche et purs, des enfants de Dieu irréprochables, au milieu d’une génération tortue et perverse, parmi laquelle vous reluisez comme des luminaires dans le monde». Il les appelle à ce qui serait manifestement une marche et un esprit irréprochables aux yeux de la génération tortue et perverse qui les entourait. Mais en outre il regarde à ce qui devrait les diriger et montrer clairement aux hommes la manière d’être délivrés de leur misère et de leur péché : être des luminaires dans le monde, «présentant la parole de vie». Et cela avec un motif pour leurs affections : «pour ma gloire au jour de Christ en témoignage que je n’ai pas couru en vain ni travaillé en vain».

 

Il place maintenant une autre considération devant eux. Qu’en serait-il si lui, Paul, devait être appelé à mourir dans la carrière de l’évangile ? Jusqu’ici, il leur avait communiqué sa pensée et ses sentiments avec l’idée qu’il allait vivre ; il avait affirmé sa propre conviction que Dieu voulait qu’il reste un peu plus longtemps ici-bas pour le bien de l’Église. Mais il suggère la possibilité de sa mort. En admettant qu’il ait à souffrir jusqu’à la mort, qu’en serait-il alors ? «Mais si même je sers d’aspersion sur le sacrifice et le service de votre foi, j’en suis joyeux et je m’en réjouis avec vous tous» (v. 17). Pour lui, la pensée de servir ainsi de libation sur ce qu’il appelle d’une exquise manière le sacrifice et le service de leur foi était tout l’opposé d’une douleur ou d’une affliction. Bien plus, il les appelle à partager ses sentiments. «Pareillement, vous aussi, soyez-en joyeux et réjouissez-vous-en avec moi» (v. 18). Ainsi l’apôtre triomphe, transformant en un sujet de joie non seulement son emprisonnement, mais aussi la perspective — si telle était la volonté de Dieu — de laisser sa vie pour l’oeuvre. Il les invite même à se réjouir de cette joyeuse nouvelle. Combien la puissance de la foi est grande et désintéressée ! Il les exhorte à cette parfaite réciprocité de joie par la foi ; à considérer la chose comme un honneur personnel et à éprouver un intérêt commun dans sa joie, autant que si c’était pour eux. C’est précisément ce que produit l’amour. De même que l’apôtre s’identifiait avec eux, ainsi eux, dans leur mesure, s’identifieraient avec lui. Veuille le Seigneur nous accorder de mieux connaître cela par sa grâce.

 

«Or j’espère dans le Seigneur Jésus vous envoyer bientôt Timothée, afin que moi aussi j’aie bon courage quand j’aurai connu l’état de vos affaires» (v. 19). Quel exemple magnifique du même amour désintéressé que l’apôtre avait signalé en Christ et qu’il cherchait à former dans le coeur des Philippiens ! Nous savons ce qu’était Timothée pour l’apôtre ; pourtant, bien que le fait de le perdre, à ce moment spécialement, fût pour lui la plus grande privation, il dit : «J’espère dans le Seigneur Jésus vous envoyer bientôt Timothée».

L’amour divin pense au bien des autres et la grâce avait opéré cela dans l’apôtre. C’était se mettre lui-même entièrement de côté. Il désirait connaître leur état afin que son propre coeur fût consolé. N’est-ce pas là la pensée qui était aussi dans le Christ Jésus ? L’apôtre prisonnier leur enverrait Timothée dans l’espoir de recevoir de bonnes nouvelles de ces saints qui étaient si chers à son coeur. «Car je n’ai personne qui soit animé d’un même sentiment avec moi pour avoir une sincère sollicitude à l’égard de ce qui vous concerne» — personne qui ait une affection et une sollicitude aussi vraies, non seulement envers moi, mais envers vous. «Parce que tous cherchent leurs propres intérêts, non pas ceux de Jésus Christ. Mais vous savez qu’il a été connu à l’épreuve, savoir qu’il a servi avec moi dans l’évangile comme un enfant sert son père» (v. 21, 22). Il y avait en même temps ce qui était le lien commun. L’amour de Christ les remplissait tous deux et les amenait tous deux à servir. Ils faisaient la même chose. Il y avait de la confiance réciproque pour la même raison : car Christ et les pierres d’achoppement sont incompatibles. «J’espère donc l’envoyer incessamment, quand j’aurai vu la tournure que prendront mes affaires. Mais j’ai confiance dans le Seigneur que, moi-même aussi, j’irai vous voir bientôt» (v. 23).

 

Qu’ajoute-t-il ensuite ? Il ne pouvait venir lui-même pour le moment ; il retenait Timothée jusqu’à ce que le résultat de son jugement fût connu, afin que les Philippiens eussent les nouvelles les plus récentes sur ce qui leur tenait à coeur, il en était assuré. Mais en attendant les laisserait-il sans un mot ? Loin de là. Il dit : «Mais j’ai estimé nécessaire de vous envoyer Épaphrodite mon frère, mon compagnon d’oeuvre» (v. 25). Nous voyons comment l’amour se plaît à tout partager avec les autres. Il choisit des termes qui unissaient Épaphrodite à lui-même — «mon frère, mon compagnon d’oeuvre et mon compagnon d’armes» — tout ce qui pouvait l’honorer et le rendre cher aux saints, «mais votre envoyé et ministre pour mes besoins». Il avait toutes ces marques d’honneur dans la cause de Christ. Rien de plus doux que ce déploiement d’affection ; mais il ne pouvait en être ainsi que parce que l’état des Philippiens était foncièrement sain devant Dieu. Nous ne voyons rien de semblable lorsque l’apôtre écrit aux Galates ou aux Corinthiens. Bien loin d’être dans un bon état, ils n’étaient même pas sains dans la foi. Les Galates, nous le savons, étaient en train d’abandonner la justification. Aussi n’y a-t-il aucune épître plus réservée et plus distante, comme nous le souligne l’absence significative de salutations personnelles. Il leur écrivait par devoir, comme un service urgent suscité par son amour qui désirait leur délivrance, mais il n’avait aucune espèce de liberté pour donner libre cours à ses affections, comme nous le trouvons ici. Dieu lui-même le conduisait à agir ainsi d’une manière différente.

 

«Car il pensait à vous tous avec une vive affection, et il était fort abattu parce que vous aviez entendu dire qu’il était malade ; en effet il a été malade, fort près de la mort, mais Dieu a eu pitié de lui, mais aussi de moi, afin que je n’eusse pas tristesse sur tristesse» (v. 26, 27). Je ne peux concevoir un tableau plus admirable d’affections divines s’épanchant sans empêchement envers ces saints. Il s’étend sur ce que Timothée, qu’il espérait leur envoyer, était pour lui, et maintenant sur Épaphrodite qui était venu de chez eux comme leur envoyé. Son coeur brûle et il découvre tous ses sentiments quant à ce lien entre lui et eux. «Il pensait à vous avec une vive affection, et il était fort abattu», non point parce qu’il était lui-même malade ou près de la mort, mais «parce que vous aviez entendu dire qu’il était malade».

Tel était le coeur d’Épaphrodite ; tel celui de Paul pour le discerner et le rapporter. Tous deux avaient le désir que les Philippiens fussent soulagés en apprenant comment le Seigneur s’était manifesté en leur faveur. «Mais Dieu a eu pitié de lui, et non seulement de lui, mais aussi de moi, afin que je n’eusse pas tristesse sur tristesse» (v. 27). Voyez comment l’apôtre se plaît à relever la bonté de Dieu, non pas seulement à l’égard de la personne qui était l’objet immédiat des soins de Dieu, mais envers lui également. Nulle part l’Écriture ne sanctionne qu’il puisse être dans la pensée de Dieu que la maladie ou la mort de ses enfants soient considérées froidement. C’est trop souvent le cas parmi nous, comme si cela n’avait pas beaucoup d’importance, ou comme si c’était faire preuve de spiritualité que d’avoir un coeur de pierre.

 

De fait, l’Esprit de Dieu s’identifie aussi bien avec les affections humaines qu’avec les affections divines. Nous trouvons les affections divines au chapitre 1 et les affections humaines ici au chapitre 2. Le Saint Esprit s’est plu non seulement à apporter ici-bas les affections divines, pour ainsi dire, et à les placer en nous, mais aussi à animer les affections humaines des saints. Christ lui-même les éprouvait dans son coeur, car il était véritablement homme, et maintenant l’Esprit de Dieu donne une valeur autre et plus élevée à ces affections dans les saints de Dieu. Cela est aussi simple qu’important. Le Saint Esprit, peut-on dire, intervient en tout. «Je l’ai donc envoyé avec d’autant plus d’empressement, afin qu’en le revoyant vous ayez de la joie, et que moi j’aie moins de tristesse» (v. 28). L’apôtre ne dit pas : et que j’aie, moi aussi, de la joie. Il n’y a là nulle affectation, mais une sincérité transparente, ainsi que l’amour le plus béni. C’est afin que «vous ayez de la joie, et que moi j’aie moins de tristesse». Il ressentait la vive douleur de se séparer d’Épaphrodite, mais il pouvait se réjouir qu’un tel aide allât vers eux, parce qu’ils en auraient de la joie ; et lui-même serait moins triste. C’était une perte pour lui, mais ce serait un gain certain pour eux.

«Recevez-le donc dans le Seigneur avec toute sorte de joie, et honorez de tels hommes» (v. 29). Remarquez quel soin il met à recommander son compagnon d’oeuvre à l’estime des saints. Épaphrodite ne semble pas avoir été un homme très marquant extérieurement. Mais les hommes hautement doués devraient avoir à coeur le bien de ceux qui le sont moins. L’apôtre, pour sa part, au lieu d’être jaloux des autres, s’attache à relever leur valeur aux yeux des saints. «Honorez de tels hommes». D’autres auraient pu craindre pour Épaphrodite ou pour d’autres comme lui qu’ils ne s’enorgueillissent. «Recevez-le», dit-il, «avec toute sorte de joie, et honorez de tels hommes ; car, pour l’oeuvre, il a été proche de la mort, ayant exposé sa vie, afin de compléter ce qui manquait à votre service envers moi». Il ne nous est pas rapporté grand chose de ce qu’il avait fait, en prêchant ou en enseignant ; mais ce bien-aimé homme de Dieu accomplissait le service sincère et désintéressé de l’amour ; c’était suffisant pour l’apôtre Paul, et cela devrait l’être aussi pour les enfants de Dieu.

 

Le Seigneur veuille que nous soyons ainsi prompts pour discerner, et zélés pour apprécier ce qui est de Christ dans les autres, quels qu’ils soient. Cultivons bien moins une vision aiguë de ce qui est affligeant et inconséquent chez les saints, qu’un constant désir de tout ce qui place Christ devant l’âme, de tout ce qui rend le son du métal pur, de tout ce qui porte le sceau de l’Esprit de Dieu.

 

3                    Chapitre 3

L’apôtre avait mentionné diverses sources de joie pour lui-même et pour les saints auxquels il s’adressait. C’était avec joie qu’il faisait des supplications pour eux tous (chap. 1:4) ; c’était avec joie, et une joie toujours nouvelle, qu’il voyait ses liens même donner une impulsion nouvelle à la prédication de Christ (chap. 1:18). Ainsi encore a-t-il confiance qu’il demeurera avec eux tous pour l’avancement et la joie de leur foi, afin qu’en lui ils aient plus abondamment sujet de se glorifier dans le Christ (chap. 1:25). Il les exhorte ensuite à rendre sa joie accomplie (chap. 2:2), non seulement en manifestant leur amour pour lui, mais en cultivant l’unité de pensée et l’amour mutuel selon Christ, Lui qui, bien qu’étant le plus grand, a pris, en grâce, la place la plus basse, et qui maintenant est exalté au faîte de la gloire. «Mais si même je sers d’aspersion sur le sacrifice et le service de votre foi, j’en suis joyeux et je m’en réjouis avec vous tous. Pareillement, vous aussi, soyez-en joyeux et réjouissez-vous en avec moi» (chap. 2:17, 18). Ainsi encore, l’apôtre renvoie son compagnon et son réconfort, Épaphrodite, une fois celui-ci rétabli, aux Philippiens qui étaient en peine, ayant appris sa grave maladie, «afin qu’en le revoyant, dit-il, vous ayez de la joie, et que moi j’aie moins de tristesse» (chap. 2:28).

 

Il y a toutefois une joie indépendante de toutes les circonstances passagères, plus profonde que toutes les autres, parce qu’elle est plus intime et parce qu’en vérité elle est l’unique source de toute joie ; c’est à celle-là que l’apôtre les invite maintenant. «Au reste, mes frères, réjouissez-vous dans le Seigneur. «Il est de toute importance que nous — que tous les saints — soyons attentifs à cette exhortation. Nous avons vis-à-vis de Celui en qui nous sommes appelés à nous réjouir, le devoir de rendre un vrai témoignage à cet égard. Je ne dis pas un témoignage digne de Lui, car aucun ne l’est, sinon celui que Dieu le Père a rendu et rend, et celui que le Saint Esprit rend en paroles et en actes. Néanmoins, quelque grande que soit notre insuffisance, le Saint Esprit est en nous pour donner une appréciation divine du Seigneur. Veillons alors à ne pas le déshonorer par des pensées sombres, par des sentiments d’incrédulité, par des manières d’être trahissant la crainte, le doute, le mécontentement, la soif de plaisirs humains sous quelque forme que ce soit ; mais puissions-nous, par la foi, d’un coeur vrai, avec simplicité, seul ou avec d’autres, en public ou en privé, nous réjouir «dans le Seigneur».

 

Il en était ainsi de Paul et de Silas lorsque le fondement de l’assemblée à Philippes fut posé, vers minuit, dans la prison, et que le geôlier et sa maison furent parmi les premiers fruits recueillis (Actes 16:25-34). Depuis lors, il y avait eu de longs travaux, de nombreuses années d’opprobre et de souffrance. L’apôtre, dont le coeur était aussi sensible que jamais, bien que prisonnier à Rome exhorte les saints à se réjouir «dans le Seigneur». C’est ce qu’il leur avait enseigné lorsqu’il était avec eux ; c’est ce qu’il leur avait déjà rappelé dans cette épître, bien que maintenant il insistât avec plus de netteté sur le motif et la source de cette joie. «Vous écrire les mêmes choses n’est pas pénible pour moi, et c’est votre sûreté». Ce n’était pas pénible pour lui, il les aimait trop pour que ce fût le cas, et c’était leur sûreté, face aux menaces de Satan. La joie dans le Seigneur est la plus sûre sauvegarde contre les pièges religieux de l’ennemi. Là où la vérité est connue, le principal est d’avoir les affections fixées sur le bon objet, et cela dans une heureuse liberté. Celle-ci est assurée par la joie dans le Seigneur, ce qui suppose un coeur se reposant dans sa grâce, et Lui-même connu et aimé comme l’objet le plus cher et le plus précieux devant nous. Tenez-le à distance, enveloppez-le de nuages et d’obscurité, pensez à Lui surtout comme au Juge inflexible prêt à être révélé en flammes de feu pour tirer vengeance, mêlez à tout cela vos propres associations et relations avec Lui, selon votre expérience ; est-il étonnant que, dans ces conditions, la paix soit inconnue, et que la vie éternelle reste une question irrésolue et insoluble jusqu’au jour de la mort ou du jugement ? Dans un tel état, le «réjouissez-vous dans le Seigneur» n’a aucune réalité, pas d’application pratique, ni même de signification précise ; et, si la miséricorde divine n’emploie pas d’autres moyens pour la préserver, l’âme est exposée à s’enfoncer de plus en plus profondément dans le bourbier et les tromperies des judaïsants.

 

Aussi, dit l’apôtre, «prenez garde aux chiens, prenez garde aux mauvais ouvriers, prenez garde à la concision» (v. 2). La mise en garde s’accompagne d’une accumulation d’amer mépris envers ces orgueilleux. Car, rejetant la grâce et ne se soumettant pas à la justice de Dieu, ils rôdaient partout sans relâche, eux qui étaient impurs malgré leurs prétentions ; leur oeuvre était néfaste, les privilèges dont ils se vantaient, non seulement nuls, mais méprisables à l’extrême. Ils étaient des «chiens» maintenant, même plus des Gentils, encore moins des chrétiens, tout au plus des judaïsants. Ils étaient de mauvais ouvriers, et, au lieu de la circoncision dont ils se prévalaient littéralement ou en principe, ils n’étaient que «la concision» (*). «Car», dit l’apôtre avec emphase, «nous sommes la circoncision (quels que nous ayons pu être dans la chair, Juifs ou Gentils — peu importe), nous qui rendons culte par l’Esprit de Dieu, et qui nous glorifions dans le Christ Jésus, et qui n’avons pas confiance en la chair» (v. 3).

(*) Le mot concision ne signifie plus en français que la qualité de ce qui est bref, condensé, en matière d’écrit ou de discours. La version Darby l’emploie ici de façon insolite, dans le sens originel de coupure, entaille, incision, pour essayer de rendre l’intention méprisante de l’apôtre : celui-ci désigne en effet la circoncision juive par un terme différent, quoique proche, du terme habituel (katatomé au lieu de péritomé). Il y a là une paronomase (= jeu de mots) difficile à conserver dans une traduction. Il ne s’agit pas à proprement parler de faux circoncis, c’est la circoncision charnelle qui est considérée non seulement comme sans valeur (Galates 5:6), mais comme destructrice du vrai christianisme (id., 2). Le terme ordinaire (péritomé) est repris au verset 3 pour signifier la vraie circoncision, spirituelle, du chrétien (Réd.).

 

Ce serait une erreur d’imaginer que ces adversaires de l’oeuvre de Dieu plaidaient pour un retour au simple judaïsme. D’autres le faisaient — comme on le voit dans l’épître aux Hébreux — mais ils sont traités là d’apostats. La catégorie en vue ici est plutôt composée de personnes qui professaient le christianisme, mais qui cherchaient à y mélanger la loi — un système pernicieux qui, loin d’être rare, est aujourd’hui des plus communs. N’entendez-vous pas parler d’un nouveau recours à la croix, et d’une nouvelle aspersion du sang pour restaurer l’âme ? N’y a-t-il pas des âmes qui prennent place dans l’Église comme enfants de Dieu, et qui cependant confessent n’être que de misérables pécheurs, implorant la grâce — des brebis de son troupeau et cependant attachées et liées par les chaînes de leurs péchés ? N’est-ce pas là retourner à l’expérience juive, sous des tuteurs et des curateurs, rejeter le christianisme, nier la rédemption et l’Esprit d’adoption ? N’y a-t-il pas, parmi ceux qui sont baptisés pour la mort de Christ, des notions telles que des lieux saints et des castes saintes, des jours de fêtes et des jours de jeûne, et l’administration de sacrements. Même lorsque la parole de Dieu est lue, et Christ plus ou moins prêché, ces éléments incontestablement juifs sont mélangés avec ce qui est chrétien. Il s’ensuit que des formules humaines de prière, des ordonnances, etc., prennent la place de l’Esprit de Dieu comme puissance du culte ; l’accomplissement de la loi (quoique par Christ) est ouvertement présenté comme la porte conduisant au ciel, et notre seul titre de justice. Le fait d’être ressuscité en Christ, d’être non pas dans la chair, mais dans l’Esprit, est considéré comme illusion et exaltation, au lieu d’être reçu comme l’unique condition proprement chrétienne que le Saint Esprit reconnaisse maintenant.

 

Puis, dans les versets 4-6, l’apôtre expose brièvement toute l’inanité de leurs prétentions en comparaison des siennes, si la chair devait avoir de la valeur dans les choses divines : «Bien que moi» (il parle de nouveau avec emphase), «j’aie de quoi avoir confiance même dans la chair. Si quelque autre s’imagine pouvoir se confier en la chair, moi davantage : moi circoncis le huitième jour, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu des Hébreux ; quant à la loi, pharisien ; quant au zèle, persécutant l’assemblée ; quant à la justice qui est par la loi, étant sans reproche». Si donc l’on prenait en considération l’appartenance à la meilleure classe terrestre, l’honneur dû aux ordonnances anciennes et divines, un haut rang acquis à l’école de la tradition, le rejet et la haine tenace des nouveautés en matière de religion, et enfin une vie irréprochable quant à la loi, qui pouvait s’affirmer avec autant de force que Paul ? «Mais, ajoute-t-il, les choses qui pour moi étaient un gain, je les ai regardées, à cause du Christ, comme une perte. Et je regarde même aussi toutes choses comme étant une perte, à cause de l’excellence de la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur, à cause duquel j’ai fait la perte de toutes et je les estime comme des ordures, afin que je gagne Christ, et que je sois trouvé en lui, n’ayant pas ma justice qui est de la loi, mais celle qui est par la foi en Christ, la justice qui est de Dieu, moyennant la foi ; pour le connaître, lui, et la puissance de sa résurrection, et la communion de ses souffrances, étant rendu conforme à sa mort, si en quelque manière que ce soit je puis parvenir à la résurrection d’entre les morts» (v. 7-11).

Qu’était-ce donc qui avait opéré un changement si profond, si définitif et, ainsi que nous le savons par Actes 9, si soudain ? Qu’est-ce qui avait rendu méprisables tous les avantages naturels, tous les avantages religieux, que Paul avait eus depuis sa naissance jusqu’au jour où, muni de lettres du souverain sacrificateur, il approchait de Damas ? La vision céleste qui l’avait arrêté sur le chemin : Christ vu dans la gloire, et pourtant un avec ceux que, dans son zèle acharné, Paul persécutait jusqu’à la prison et la mort. «Je suis Jésus que tu persécutes». Convaincu que Celui dont la lumière brillait sur lui plus éclatante que la splendeur du soleil, n’était nul autre que le Seigneur, le Dieu d’Israël, Saul de Tarse terrassé apprend de sa propre bouche qu’Il était le Crucifié dont lui, Saul, voulait jusqu’à ce moment en toute conscience exterminer les disciples. Il n’est pas étonnant donc que cet Israélite converti et délivré, obéissant à la vision céleste, juge toutes choses à cette lumière nouvelle et divine Nouvelle création en Christ, pour lui les choses vieilles étaient passées ; toutes choses étaient faites nouvelles et toutes étaient de ce Dieu qui nous a réconciliés avec lui-même par Jésus Christ. Aussi les choses qui pour lui étaient un gain, il les regarde comme étant une perte, à cause de Christ ; et il regardait même toutes choses comme une perte à cause de l’excellence de la connaissance «du Christ Jésus, mon Seigneur», comme il le dit avec tant de tendresse. À cause de Lui, il avait non seulement fait au début la perte de toutes choses, mais maintenant et jusqu’à la fin, il continuait à les estimer comme des ordures, afin qu’il gagnât Christ (ou, qu’il l’eût pour son gain). Quelle était la justice dont il se glorifiait maintenant ? Sa seule préoccupation était d’être trouvé en Christ, n’ayant pas sa propre justice qui devait nécessairement être selon la loi, mais celle qui est par la foi en Christ, la justice qui est de Dieu, moyennant la foi ; pour connaître Christ et la puissance de sa résurrection (non pas même Christ de ce côté-ci du tombeau), et la communion de ses souffrances. Son regard était fixé sur Christ en haut, et s’il s’y joignait quoi que ce fût de Christ ici-bas, ce n’était pas Christ dans ses actes de puissance, ni Christ reconnaissant l’ancienne bergerie juive, mais Christ dans la gloire morale de ses souffrances. C’était dans ce qui prouvait l’éloignement total de Dieu où l’homme se trouve non seulement dans ses mauvaises oeuvres mais aussi dans ses bonnes ; dans sa religion, et non pas simplement dans ses convoitises et ses passions. Sa propre expérience en témoignait. Sa confiance en la tradition des anciens, en Israël, en la loi même, n’était que ruine et rébellion contre Dieu tel qu’Il se révèle maintenant Lui-même en Celui qui est mort, ressuscité, et monté au ciel. Rien, par conséquent, sur quoi son âme se reposât, rien qui eût de la valeur à ses yeux, sinon Christ ; et même si quelque chose d’autre pouvait lui paraître bon, il ne voulait connaître personne que Christ, et n’avoir pour sa portion rien qu’un Christ souffrant, ressuscité et maintenant dans le ciel. La conformité à sa mort était maintenant un joyau à gagner plutôt qu’un mal à fuir. Quelque dangereux que soit le chemin, quoi qu’il puisse arriver, tout serait accepté, «si en quelque manière que ce soit je puis parvenir à la résurrection d’entre les morts» (v. 11). Ce n’est pas là une expression de crainte ou de défaillance, mais le langage d’un coeur qui estimait si haut la bénédiction d’être ainsi avec Christ qu’il ne regardait pas aux souffrances qui pouvaient intervenir.

Quel que fût le chemin, l’apôtre se déclarait tenu d’y être. Telle était à ses yeux la valeur de la résurrection des justes. Comme pour l’Israélite se rendant à Jérusalem, au Psaume 84, les chemins frayés étaient dans son coeur. Il aimait le sentier de Jésus, de ses souffrances, de la croix, et non pas seulement la gloire à la fin. «Non que j’aie déjà reçu le prix ou que je sois déjà parvenu à la perfection». Il ne s’agissait pas simplement du bonheur de l’âme. «Plût à Dieu», avait-il dit au roi Agrippa, «que non seulement toi, mais aussi tous ceux qui m’entendent aujourd’hui, vous devinssiez de toutes manières tels que je suis, hormis ces liens». Quel homme était aussi heureux que l’apôtre Paul ? Pourtant, il nous met en garde contre la supposition qu’il eût déjà obtenu ce qu’il désirait. Il n’est pas question pour nous de recevoir le prix avant la résurrection d’entre les morts. Mais il ajoute : «Je poursuis, cherchant à le saisir, vu aussi que j’ai été saisi par le Christ» (v. 12). Il garde les yeux fixés sur Christ tout le long du chemin aussi bien que pour la fin. C’était là le secret de ses victoires sur toutes les difficultés qui survenaient. Aucune expérience présente, aucune joie du moment ne détourne son coeur du but de Dieu. L’apôtre désirait saisir Christ bientôt ; mais aussi Christ l’avait déjà saisi.

«Frères, pour moi, je ne pense pas moi-même l’avoir saisi (quelles que puissent être les prétentions d’autres) ; mais je fais une chose : oubliant les choses qui sont derrière et tendant avec effort vers celles qui sont devant, je cours..» (v. 13, 14). L’apôtre ne veut pas dire qu’on doive oublier ou qu’il oubliait ses péchés et ses manquements passés. Il serait, au contraire, très mauvais de méconnaître ce que Christ a souffert pour nous sauver, et aussi les innombrables occasions dans lesquelles nous avons déshonoré Dieu. S’en souvenir ne troublera en rien la paix établie — bien au contraire. Quelqu’un peut d’autant plus se réjouir dans le Seigneur qu’il a jugé à fond ses manquements. Vouloir éviter de penser à tout ce en quoi nous nous sommes sciemment détournés, en attristant l’Esprit Saint, provient d’une conscience qui n’est pas complètement heureuse. Il est juste de nous sonder entièrement ; il est bon de demander à Dieu qu’il nous sonde et nous éprouve, et nous conduise dans la voie éternelle. La confiance en la grâce, bien loin d’affaiblir le sentiment de nos propres insuffisances ou de couvrir nos manquements, est le ressort même qui nous permet de voir la réalité des choses dans la présence de Dieu et d’agir en conséquence. Aussi quand l’apôtre parle d’oublier «les choses qui sont derrière» , il n’a pas en vue ses manquements, mais plutôt ses différents progrès, les pas ou les étapes par lequels il avait avancé dans la connaissance de Christ. Au lieu de s’attarder sur quelque succès, comme si c’était une chose remarquable (tel le pharisien qui se comparait avec son prochain), nous avons ici ce bienheureux apôtre oubliant tout ce qui aurait pu nourrir sa propre suffisance ou ce qui aurait pu lui être à honneur. Il tournait le dos au terrain parcouru. «Tendant avec effort vers celles qui sont devant, je cours droit au but pour le prix de l’appel céleste de Dieu dans le Christ Jésus» (v. 14). Cela ne peut être que dans l’état de résurrection. Jusque-là, il était satisfait de courir. C’était sa seule affaire. Il avait à vivre Christ, car Christ était son objet.

 

Vient ensuite un autre point dont il faut nous souvenir. Nous trouvons, chez les enfants de Dieu, différentes conditions, et un degré de progression pas du tout égal. Quel est donc le grand principe directeur pour nous ? Supposons un groupe de croyants rassemblés, tous du même avis, chacun d’eux amené à penser exactement de même sur tout, du baptême d’eau à la venue et au royaume de Christ, ayant leurs pensées formées à s’accorder même sur les points de détail. Cela satisferait-il le coeur ? Cela donnerait-il un témoignage juste des voies de Dieu envers ses enfants ? Je n’oserais le penser. Il est heureux d’avoir un même sentiment quand Dieu y amène les âmes en exerçant leur jugement spirituel. Mais peut-il y avoir quelque chose de plus misérable que l’uniformité résultant d’un endoctrinement de gens auxquels on a ressassé les choses pour les leur imposer, et de règles et ordonnances comprimant les esprits dans la monotonie ? L’apôtre pose la seule règle divine pour traiter ces cas. Nous avons affaire à un état de choses comprenant tous les degrés de connaissance. Dans le ciel, nous connaîtrons comme nous avons été connus, mais la question est de savoir comment nous conduire quant à ces choses, ici-bas. Il est naturel de désirer que tous croissent et parviennent à un certain niveau de la stature de Christ. Mais ne sommes-nous pas enclins à confondre la mesure désirée avec l’idée propre que nous nous en faisons ? à vouloir que tous aient notre pensée ? Nous avons à prendre garde à cela ; et le vrai correctif est donné ici.

 

«Nous tous donc qui sommes parfaits, ayons ce sentiment» (v. 15). Il parle de lui-même et d’autres aussi, comme étant des «parfaits» ; il n’y a toutefois pas contradiction avec ce qui précédait. Lorsque, au v. 12, il avait reconnu n’avoir pas encore reçu le prix ni être parvenu à la perfection, il voulait dire qu’il n’en avait pas encore fini avec la lutte et n’était pas encore dans une condition de résurrection. Mais quand il s’adresse ici à «nous tous... qui sommes parfaits» , il entend ceux qui sont d’âge mûr dans la foi, pleinement fondés dans la position chrétienne, y entrant par la foi et par l’intelligence spirituelle. Cela désigne un chrétien qui n’est pas un petit enfant, mais un adulte ; non pas, évidemment, un chrétien qui a tout à fait achevé sa course, car cela ne peut être que dans la résurrection, mais quelqu’un qui est devenu un homme en Christ. Un tel croyant ne sera pas parvenu à une pleine ressemblance de Christ avant que Christ vienne et nous transforme en la conformité de sa gloire. Mais il doit se produire ici-bas une croissance jusqu’à la pleine connaissance de la pensée de Dieu, et elle se produit en ayant maintenant devant nous Christ dans la gloire comme objet personnel de notre âme. Mais supposez que d’autres parmi les enfants de Dieu soient encore dans les difficultés et dans le doute ; allons-nous leur faire adopter nos propres façons de sentir et de juger ? Certes pas. Ce serait une perte positive, à moins que ce ne soit par la puissance du Saint Esprit, amenant les saints à mieux saisir Christ.

 

Il n’est pas fait ici allusion à des questions de foi ou de pratique qui excluent toute divergence. Nous ne devons pas avoir d’hésitation quand la gloire du Seigneur est en cause. Il ne peut y avoir le moindre doute quant au péché. Dans la Bible, il est admis comme allant de soi qu’aucune divergence de pensée ne saurait être tolérée là où il s’agit de Christ. Tous les saints sentent instinctivement l’énormité qu’il y aurait à apporter un mal moral à la table du Seigneur. Le Saint Esprit attend de nous que nous ayons le sentiment de ce qui offense Dieu. L’obéissance que nous Lui devons dirige la conscience et éveille le coeur de chaque saint de Dieu, s’il est bien fondé. Dieu compte sur cela. Aussi ce ne sont pas seulement les sages et les intelligents qui sont capables de juger les choses de cette sorte, mais également les petits enfants. Les seuls cas qui devraient être portés devant l’assemblée comme telle sont ceux que tout croyant est capable de juger. C’est une erreur complète de traîner tout, d’une façon habituelle, devant l’assemblée ; mais lorsque des choses qui ont un caractère nettement immoral ou hérétique se manifestent, chaque saint rejette le poison, l’un aussi bien que l’autre. Ce ne sont généralement pas les petits enfants qui ont des difficultés ou occasionnent du trouble. Combien souvent des personnes capables et intelligentes font du mal alors que les simples sentiraient tout de suite ce qu’il y a de mauvais dans de telles choses ! Ici, au contraire, il s’agit de questions telles que certains peuvent y entrer et d’autres pas. Ce peuvent être des questions pratiques ou doctrinales, comme la manière particulière selon laquelle les enfants devraient être élevés, ou le mode de vie, d’ameublement, de maison. Là, il nous faut nous contenter d’indiquer les saints principes de Dieu, et non pas supposer hâtivement que notre propre mesure est telle que nous devrions chercher à amener tous les autres à s’y conformer, pour leurs enfants, ou leur maison. Dieu se réserve jalousement l’éducation de ses saints. Un bon exemple est précieux et nous ne saurions être trop soigneux quant à ce que nous nous permettons. Mais cela dit, c’est aux enfants de Dieu à s’examiner consciencieusement à la lumière de sa Parole. En de telles choses il nous faut être patients et nous attendre à Dieu pour qu’il agisse par sa propre vérité sur les âmes de ses saints.

 

Nous pouvons suggérer ce que nous savons de la vérité de Dieu pour influencer le coeur ; mais il n’existe aucune règle absolue qui puisse être imposée par qui que ce soit sur des points de ce genre. On a souvent connu des personnes s’avançant hardiment sous l’empire d’une certaine idée et cherchant avec zèle à y assujettir les autres. Combien de temps cela dure-t-il ? Cela même dont elles s’étaient glorifiées est propre à les faire tomber. C’est Christ que Dieu donne comme mesure de tout. Le reste disparaît. Pourquoi insister avec tant d’énergie et de hâte ? «Si en quelque chose vous avez un autre sentiment, cela aussi Dieu vous le révélera». Il n’y a alors pas lieu de s’inquiéter. «Cependant, dans les choses auxquelles nous sommes parvenus, marchons dans le même sentier» (v. 16). Tant que nous sommes occupés ensemble de Christ, et que nous voyons sa pensée ou sa volonté, il est de toute importance que nous marchions ensemble.

 

Mais l’apôtre va plus loin ; il se réfère à son propre exemple, et, comme un phare, indique la marche de certains, reconnus une fois comme frères. Ai-je besoin de dire qu’il n’y avait rien de charnel en l’apôtre à parler ainsi de lui ? En tant qu’homme, il serait honteux pour quelqu’un de parler de lui-même ; ce serait de la vanité. L’apôtre était tellement au-dessus des pensées des hommes, il réalisait si complètement la puissance de Dieu en Christ, que parler ainsi ne faisait qu’illustrer l’énergie de l’Esprit en lui. Il était conduit par le Saint Esprit à le faire. Il les invite par conséquent à être tous ensemble ses imitateurs et à porter leurs regards sur ceux qui marchent ainsi suivant le modèle que tous avaient dans les apôtres (v. 17). «Car plusieurs marchent, dont je vous ai dit souvent et dont maintenant je le dis même en pleurant, qu’ils sont ennemis de la croix du Christ, dont la fin est la perdition, dont le dieu est le ventre et dont la gloire est dans leur honte, qui ont leurs pensées aux choses terrestres» (v. 18, 19). Il ne nous est même pas dit si ces hommes avaient été retranchés de l’Église de Dieu. Ils sont caractérisés comme ennemis de la croix du Christ, et cependant ils peuvent ne pas avoir été formellement mis dehors. Si tel était le cas, quel état de choses déplorable devant les yeux de l’apôtre ! des personnes probablement non coupables d’un mal assez flagrant pour exiger l’exclusion, et néanmoins source de la plus profonde affliction pour lui. Elles allaient de l’avant, insouciantes, indifférentes. Combien il est terrible de voir certains «du dedans» qui laissent peut-être moins d’espoir que d’autres qui ont dû être retranchés pour un péché flagrant ! Nous savons tous combien cela se vérifie, hélas, dans l’état présent de la chrétienté. Combien portent le nom de Christ mais manifestent par leurs voies qu’il n’y a pas en eux le moindre souffle de vie divine ! Professant de connaître Dieu, ils le renient par leurs oeuvres (Tite 1:16).

 

Cela arrachait des larmes à l’apôtre au milieu même de sa joie ; mais il tourne la chose en profit pratique et invite les saints à prendre garde. Soyons en garde contre les premiers symptômes d’indulgence envers nous-mêmes ou de tolérance de la mondanité. «Car notre bourgeoisie est dans les cieux» (v. 20) ; notre vraie association est avec Celui qui est là. Quoi que nous ayons pu être en tant que citoyens de la terre, c’en est fini maintenant et pour toujours. Nous appartenons à Christ en haut. Ce n’est pas seulement que nous allons là-haut, mais nous appartenons dès maintenant au ciel. Notre bourgeoisie, notre citoyenneté est là ; et par conséquent, c’est de là aussi que «nous attendons le Seigneur Jésus Christ comme Sauveur». Il veut nous avoir dans une pleine communion avec l’habitation à laquelle nous appartenons, parce que c’est la sienne. Il va venir du ciel, et lorsqu’il viendra, il «transformera le corps de notre abaissement en la conformité du corps de sa gloire, selon l’opération de ce pouvoir qu’il a de s’assujettir même toutes choses» (v. 21). Alors sera manifesté ce que nous sommes maintenant de par notre appel, notre vie et notre espérance. Nous sommes maintenant célestes, et alors la chose sera manifestée et prouvée. Nous appartenons au ciel même pendant que nous sommes sur la terre ; alors il sera rendu manifeste que nous n’avions point de lien réel avec la terre, mais bien avec Christ en haut.

 

Que le Seigneur nous accorde de chercher à introduire cette pensée dans tout ce avec quoi nous avons affaire, dans le coeur, dans le foyer, dans toute la vie. Il a fait de nous ses amis, et nous invite, avec une conscience purifiée et un coeur qui se réjouit en Lui, à attendre ce moment béni où nous le trouverons fidèle à toutes les promesses qu’il nous a données.

 

4                    Chapitre 4

La vérité principale, qui occupait les pensées de l’apôtre et qu’il avait été chargé par le Seigneur de placer devant le coeur des saints de Philippes, était maintenant clairement exprimée et développée. Le reste de l’épître, ce dernier chapitre, comprend plutôt les exhortations en relation avec cette vérité et son application pratique, pour leur profit présent. En fait, on aura remarqué que cette épître, d’un bout à l’autre, est éminemment pratique. Absolument tout en elle a une portée immédiate et importante sur la communion et la marche du saint de Dieu. Certes, d’une façon générale, il n’y a point de vérité qui ne soit destinée à atteindre d’une manière ou d’une autre le coeur et à influer sur la marche ; je n’hésite cependant pas à dire que cette épître est remarquable surtout parce qu’elle est l’expérience personnelle de l’apôtre, lui-même cherchant à élever celle des saints de Philippes à la hauteur de la sienne, selon le modèle de Christ Lui-même. Aussi, après nous avoir pleinement révélé Christ, tant comme modèle ici-bas que comme motif dans le ciel (l’exemple terrestre étant spécialement donné au chap. 2, et le motif céleste au chap. 3), nous arrivons maintenant à l’objet pratique auquel cela s’applique.

 

«Ainsi donc, dit-il, mes frères bien-aimés et ardemment désirés, ma joie et ma couronne, demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, bien-aimés». Il est évident que les affections spirituelles de l’apôtre étaient profondément émues. Son amour fraternel se déversait avec puissance par le fait qu’il avait été occupé de Christ, du sentiment profond de ce que Christ avait été et est aujourd’hui, ainsi que de la bienheureuse anticipation de ce que les saints sont destinés à être lorsqu’ils le verront venir du ciel dans la plénitude de sa grâce et de sa puissance, pour changer le corps même de leur abaissement et les transformer en la conformité du corps de sa gloire. Ce n’est qu’alors, et là, que le salut sera complet ; aussi les exhorte-t-il : «Demeurez ainsi fermes dans le Seigneur, bien-aimés». Et cela d’autant plus que, à ce qu’il semble, quelques-uns de ces Philippiens étaient en désaccord entre eux.

 

Il y avait là des choses qui travaillaient à la désunion, au moins dans le service du Seigneur, de ceux qui y avaient été engagés dès les tout premiers jours.

Et cela peut se trouver là où pourtant rien ne se produit qui ait un caractère scandaleux, car l’ardeur même et le zèle du serviteur de Dieu peuvent facilement le mettre en danger, s’il n’est pas occupé de Christ de façon appropriée ; même le service est en piège et met en danger lorsqu’il se substitue à Christ comme objet du coeur. Il semblerait que tel était le cas de certains saints actifs de Philippes. «Je supplie Évodie, et je supplie Syntyche, d’avoir une même pensée dans le Seigneur. Oui, je te prie, toi aussi, vrai compagnon de travail, aide celles (c’est-à-dire les femmes qu’il vient de nommer) qui ont combattu avec moi dans l’évangile avec Clément aussi et mes autres compagnons d’oeuvre, dont les noms sont dans le livre de vie» (v. 3).

L’apôtre insiste manifestement sur deux choses : D’abord, la grande importance d’avoir une même pensée non seulement dans le Seigneur, mais aussi dans l’oeuvre du Seigneur. Le danger est d’avoir quelque but ou quelque voie qui nous soient propres dans cette sainte activité. Le Seigneur est assurément jaloux de ceux qu’il emploie et il travaille sans cesse à maintenir chaque serviteur dans le sentiment direct de sa responsabilité propre envers Lui. Personne n’a à craindre que cela ne nuise au respect mutuel ou n’empêche l’épanchement de l’affection divine unissant les différents serviteurs de Dieu. L’homme serait enclin à le penser parce qu’il doit juger selon son coeur égoïste. C’est la chair qui cherche ses propres intérêts ; tandis que l’Esprit de Christ, quel que puisse être son saint jugement du mal, n’est jamais égoïste. C’est une erreur des plus grossières de supposer que lorsque le coeur est conduit à estimer toutes choses selon Dieu, vous introduisez un élément de division entre les frères ; ce n’est pas cela, mais bien le fait de laisser agir la chair, qui ouvre la porte aux querelles et aux schismes.

Prenez un enfant de Dieu qui s’est égaré ; qu’est-ce qui le sépare de ses frères ? Rien sinon le mal auquel il a cédé. Puis le Saint Esprit agit dans l’âme de cet homme : maintenant il sent, il confesse ce qui est charnel et s’en sépare. Aussitôt l’équilibre est rétabli et vous êtes peut-être davantage unis dans l’amour avec cette âme revenue de son égarement que vous ne l’aviez jamais été auparavant. Jusqu’à ce moment, il peut y avoir eu beaucoup de choses qui empêchaient la communion. Un esprit irritable, la disposition à la critique, la vanité, la confiance en soi se manifestaient trop souvent dans le service même et dans l’adoration de Dieu — tout cela avait précédemment inquiété des frères spirituels, justement parce qu’ils avaient un amour réel pour l’âme de celui qui s’était égaré. Et c’était cela, jusqu’ici, qui faisait séparation, non dans la marche extérieure, mais dans la communion des coeurs. Il est possible que, la chair n’ayant pas été jugée, le péché ait effectivement éclaté et entraîné une complète séparation, mais dès le moment où par l’action du Saint Esprit l’homme en question ressent le mal commis et reconnaît franchement avoir péché contre le Seigneur, votre coeur est attiré vers lui et vous avez en lui une confiance qui n’a peut-être jamais existé auparavant.

 

Par conséquent, la notion que le jugement sérieux du mal est ce qui divise les frères est fausse. Au contraire, c’est le mal (non pas la séparation du mal) qui sème la discorde ou rend la séparation nécessaire parmi les frères. La séparation du mal dans la grâce lie les coeurs de ceux qui sont vrais devant le Seigneur. C’est la sainteté en fait. Dans la séparation du péché, on jouit de Dieu Lui-même et de sa volonté bonne et agréable. La sainteté ici-bas implique le jugement et la séparation du mal dans le coeur et en pratique, en ce qui nous concerne. La croix du Seigneur Jésus Christ rassemble les enfants de Dieu dans le sens que là toute leur méchanceté a été jugée et séparée d’eux à jamais par Sa mort.

Considérez la chose, sous quelque angle que ce soit, c’est toujours le mal qui divise et c’est le jugement du mal qui unit les coeurs dans un monde mauvais selon Dieu. Toute unité des enfants de Dieu qui ne serait pas fondée sur la séparation du mal est un péché positif contre Lui.

Nous étant arrêtés sur le principe capital de la séparation du mal, qui se révélera être éminemment pratique, nous pouvons maintenant examiner comment elle s’applique au sujet placé devant nous.

À Philippes, le coeur de l’apôtre rencontrait des personnes pieuses et actives ; mais l’activité n’est pas toujours selon Christ ; elle peut aussi être cause de division. La tendance à dénigrer ce qu’un autre fait et à nous exalter dans notre domaine, n’est hélas pas rare. Cela tend à rompre l’heureuse communion de coeur ; et s’il y a un tant soit peu d’atmosphère spirituelle, ces choses sont profondément ressenties. Chez les Corinthiens, ce n’aurait été qu’un petit détail en comparaison des maux grossiers qui sévissaient au milieu d’eux. Mais à Philippes, où l’état était comparativement sain et béni, où aussi, comme nous le savons, l’esprit d’obéissance prévalait, le manque d’harmonie, quelle qu’en ait été la cause, prend de l’importance. Aussi le désaccord entre ces deux soeurs est-il mis en avant par l’Esprit de Dieu, mais seulement après que de nombreuses consolations qui devaient encourager leurs coeurs à regarder à Christ, eurent été dispensées.

Combien l’appel adressé à ces deux femmes chrétiennes est tendre, et en même temps personnel ! «Je supplie Évodie, et je supplie Syntyche, d’avoir une même pensée dans le Seigneur». Il commence par le Seigneur, non par le service, bien que le désaccord ait pu s’être manifesté dans l’accomplissement de celui-ci. Il les exhorte l’une après l’autre (car une pouvait écouter, si l’autre ne le faisait pas) à avoir une même pensée dans le Seigneur. Soyez sûrs que lorsque nous sommes occupés du Seigneur, les différences s’amoindrissent bientôt. Chacun ayant les yeux fixés sur Lui, Il est un objet d’attraction commun et ainsi l’espoir de l’ennemi de produire de la discorde est aussitôt détruit.

 

L’apôtre adresse une requête également à son vrai compagnon de travail (en grec : «celui qui est sous le même joug»). Je suppose qu’il s’agit d’Épaphrodite, dont il avait parlé avec une ardente affection au chapitre 2. Le «joug» dans l’Écriture est, suivant le cas, une marque d’union ou d’assujettissement dans le service. Ainsi, en 2 Corinthiens 6, le croyant est-il exhorté à ne pas se mettre sous un joug mal assorti avec les incrédules. Beaucoup limitent ce passage à la relation naturelle du mariage. Mais bien que le lien de mariage entre croyants et incrédules ne soit évidemment pas selon Dieu, je doute pourtant qu’il y soit fait allusion dans ce verset. L’objet de l’Esprit de Dieu y est plutôt de considérer l’association du croyant avec l’incrédule dans le service et dans le culte. L’apôtre présente le temple de Dieu ainsi que les affaires individuelles et montre que nous ne devons pas avoir communion — pas plus collectivement qu’individuellement — avec des incrédules. L’habitude erronée de restreindre cette injonction au mariage empêche que la conscience des enfants de Dieu soit exercée comme elle devrait l’être quant à la pleine portée de ce verset. Aussi mal que ce soit pour un croyant d’épouser une incrédule, Dieu ne dit même pas alors : Sortez de cette relation ; laissez votre femme ; séparez-vous de votre mari. — En donnant à ce verset sa portée véritable (c’est-à-dire l’association avec des incrédules dans les choses de Dieu), nous avons une maxime d’une importance extrême. Je ne dois m’associer au monde en rien de ce qui touche au service et à l’adoration de Dieu. Telle est la vraie signification de ce joug mal assorti. «Sortez du milieu d’eux, et soyez séparés», est alors l’injonction spéciale valable pour toute alliance profane de cette sorte.

Il devient facile de répondre à ceux qui demandent si nous n’avons pas quelque chose à faire pour le monde. N’avons-nous pas à aider ceux qui souffrent ? Tout en ayant une responsabilité particulière envers ceux de la maison de la foi, nous sommes aussi tenus de faire du bien à tous les hommes ; mais sans pour cela nous associer ni avoir communion avec d’autres en dehors de Christ. L’homme mondain donne parce qu’il est généreux, ou a de la sympathie pour les besoins d’autrui, ou parce qu’on s’attend à ce qu’il donne. L’enfant de Dieu le fait parce que c’est la volonté de Dieu. L’un agit en vertu de sentiments naturels, l’autre par la foi. Même dans les actes les plus ordinaires et les plus nécessaires, comme manger et boire, je peux et je devrais faire tout pour la gloire de Dieu.

 

Supposez un homme en train de se noyer, ou une maison en feu ; tout homme a évidemment le devoir de donner son assistance ; mais prétexter l’aide qu’un serviteur de Dieu pourrait apporter dans de telles occasions comme une raison pour associer le monde au saint dans le service de Dieu, c’est tromper ou être trompé — volontairement peut-être. Je n’ai aucune hésitation à dire qu’amener un incrédule à se joindre aux prières, aux cantiques et à la participation à la Cène du Seigneur, sanctionner son association à vous dans de tels services, c’est, pour autant que cela dépende de vous, faire tort à l’âme de cet homme sinon la détruire. Ce que le Saint Esprit cherche pour l’âme irrégénérée, c’est de la convaincre de sa ruine ; mais si elle est associée à vous dans l’oeuvre ou dans le temple de Dieu, vous la conduisez (ou elle vous conduit) sur un faux terrain. Vous la traitez ainsi comme un adorateur agréé et l’amenez à croire qu’elle accomplit le service de Dieu aussi réellement que vous, quoique peut-être pas aussi bien. C’est aussi contraire à la sainteté qu’à l’amour, aussi opposé à la gloire de Dieu qu’au bien de l’homme.

Ces deux femmes pieuses, énergiques, étaient-elles séparées en esprit ? Non seulement l’apôtre les exhorte chacune séparément, mais il demande à Épaphrodite comme, je le suppose, son vrai compagnon de service, de les aider. Car ces femmes avaient pris part aux souffrances de l’apôtre dans l’évangile lorsque celui-ci était venu à Philippes, sans qu’il soit fait aucune allusion ici à un service public ; il n’est pas dit qu’elles prêchaient.

Il y a une grande différence entre prêcher l’évangile et prendre part aux luttes de l’évangile. Quelqu’un peut avoir travaillé diligemment sans avoir jamais prêché dans sa vie. Et certains peuvent combattre journellement dans l’évangile avec autant de zèle, ou même davantage, que ceux qui l’annoncent publiquement chaque jour. Quelle précision merveilleuse dans le langage du Saint Esprit ! Nous devrions tous savoir que le Nouveau Testament place la femme chrétienne dans une très grande bénédiction, et bannir toute pensée qui lui attribuerait une position d’infériorité en Christ ; mais, en même temps, elle est mise aussi à l’arrière-plan chaque fois qu’il s’agit d’action publique. Là, officiellement, pour ainsi dire, l’homme est appelé à être découvert, la femme, à être voilée. Elle est ainsi, en quelque sorte, placée derrière l’homme ; tandis que lorsque vous parlez de nos privilèges en Christ, il n’y a ni homme ni femme. Il est important de distinguer les cas qui ne comportent pas de différence et ceux où il en existe une.

La première épître aux Corinthiens établit très clairement que le chef de la femme, c’est l’homme ; et que, de même que Christ est la gloire de l’homme, l’homme est la gloire de la femme. Nous trouvons là la différence administrative entre l’homme et la femme. Lorsque vous en venez aux privilèges célestes que nous avons en Christ, toutes ces distinctions disparaissent. À ma connaissance, aucune action publique dans le monde ou dans l’Église n’est assignée à la femme chrétienne. Quant à s’occuper d’âmes dans le particulier, le cas est différent. Dans la maison de leur père, les quatre filles de Philippe peuvent avoir prophétisé. Elles étaient manifestement des femmes hautement douées ; car il n’est pas dit d’elles qu’elles avaient travaillé dans l’évangile, mais qu’elles prophétisaient — l’une des formes les plus élevées des dons de Christ. Parallèlement, le Saint Esprit qui nous dit qu’une femme pouvait et avait réellement prophétisé, nous instruit qu’il est interdit à une femme de parler dans l’assemblée où la prophétie avait, à proprement dire, sa place. Mais là, il était interdit à une femme de parler, y compris pour poser une question et à plus forte raison pour donner une réponse. En revanche, dans le domaine privé, à la maison, même avec un Apollos, une femme pouvait agir à juste titre ; c’est-à-dire, si elle le faisait sous et avec son mari. Priscilla pouvait avoir spirituellement plus de poids qu’Aquilas ; mais cela même la conduisait à mettre d’autant plus de soin à garder une place humble et modeste. Le compagnon de service de l’apôtre semble avoir éprouvé quelque timidité à aider ces femmes. L’apôtre, par conséquent, le prie aussi de même qu’il l’avait exhorté. «Aide celles qui ont combattu avec moi dans l’évangile». Elles ne se mettaient pas en avant d’une manière publique inconvenante, mais elles avaient pris part aux premières épreuves de l’évangile avec l’apôtre Paul.

À Corinthe, les femmes se permettaient beaucoup, et l’apôtre manifeste ce qu’il en pense par la question réprobative : «La parole de Dieu est-elle procédée de vous, ou est-elle parvenue à vous seuls ?» (1 Cor. 14:36). Ainsi, et non seulement en cela, ils s’étaient tout à fait écartés de ce qui prévalait dans les assemblées des saints. Sans aucun doute, leur raisonnement était que si les femmes avaient des dons, pourquoi ne les exerceraient-elles pas en tout lieu ? Mais Celui qui donne le don est seul en droit de dire quand et par qui il doit être exercé. À Philippes, où régnait un esprit d’obéissance, on aurait pu être trop peu enclin à intervenir entre ces femmes estimables par ailleurs, mais éloignées l’une de l’autre. L’apôtre ordonne à Épaphrodite de donner son aide. «Aide celles qui ont combattu avec moi dans l’évangile». Il leur adresse un éloge spécial. Elles avaient lutté pour et avec lui dans l’oeuvre. Il s’associe à ces personnes que son compagnon de service aurait pu craindre d’exhorter. Il les unit aussi à Clément et à d’autres compagnons d’oeuvre. Quelle tendresse pour aborder le cas ! Il encourage la communion dans le service de l’évangile non seulement avec des hommes fidèles, mais avec des femmes dont la fidélité n’était pas oubliée, malgré les pénibles circonstances du moment présent.

Laissant maintenant la question de discorde parmi eux, il revient à son sujet qui est celui de la joie surabondante. Il venait d’encourager celui qui avait sa sympathie et sa confiance à aider ces soeurs. Maintenant, il les invite tous à se réjouir toujours dans le Seigneur. Il avait abordé ces sujets douloureux, mais qu’ils ne supposent pas qu’il voulait atténuer leur joie ; au contraire : «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; encore une fois, je vous le dirai : réjouissez-vous» (v. 4). C’est là, permettez-moi de le répéter, une chose importante quant à la pratique. C’est une grande erreur de laisser les difficultés ou les discordes parmi les saints de Dieu entraver notre joie parfaite dans le Seigneur. Désirons-nous la gloire de Christ au milieu de ceux qui lui appartiennent ? Il me faut toujours maintenir cette gloire dans ma propre âme si je veux être un témoin pour Christ parmi d’autres. Est-ce que l’amour du Seigneur est touché ou diminué en quelque mesure par ces circonstances passagères ? Sa gloire est-elle moins éclatante parce que quelques ombres du «moi» se trahissent sur le front de ses saints ? Certes pas. Aussi revient-il à la note dominante de cette épître, cette joie dans le Seigneur dont il avait parlé comme étant sa propre portion maintenant et plus tard aux chapitres 1 et 2, et celle à laquelle ils étaient appelés, au chapitre 3 et encore au chapitre 4.

N’est-il pas affligeant de voir où les chrétiens en sont arrivés à cet égard — combien cette réponse du coeur à Christ a disparu chez un si grand nombre ? Même le rassemblement de nous-mêmes pour nous souvenir de Christ dans la Cène n’éveille pas toujours une plénitude de joie, mais parfois un sentiment de malaise, d’où un éloignement des plus affligeants de sa Table, comme si celle-ci couvrait quelque danger caché, quelque lion aux embûches sur le chemin, et ne parlait pas hautement, au contraire, de Jésus mon Sauveur et Seigneur, qui m’a aimé et s’est donné lui-même pour moi. Ne devrions-nous pas être humiliés en pensant à tout ce qui déshonore ainsi le nom de Christ ? Mais est-ce que Dieu veut que cela même fasse obstacle à notre joie ? En aucun cas. Que l’état de ruine du peuple de Dieu soit celui d’Israël ou celui de l’Église, ceux qui l’ont le plus ressenti ont invariablement joui de la plus grande proximité avec Lui et sont entrés dans Sa propre joie, tout en menant deuil sur les manquements de ceux qui portent Son nom. Les deux choses vont ensemble. Il y a des coeurs qui, bien que pieux, ne sont pas heureux : des coeurs absorbés par les circonstances de l’Église, constamment préoccupés du mal et du bas état qui règne ici et là ; ce ne seront jamais des âmes jouissant profondément du Seigneur et de sa grâce. Tandis que chez celui qui jouit véritablement du Seigneur, qui a conscience de ce qu’est Christ et de ce que l’Assemblée de Dieu est en Christ et devrait être maintenant dans la puissance de l’Esprit ; chez celui qui par conséquent mesure le mieux ce qu’est devenue la chrétienté, les deux sentiments seront en harmonie — le coeur se reposant sur Christ, demeurant dans son amour ; et parallèlement un sain jugement de la faiblesse de l’homme et de la malice de Satan pour tout ruiner. Nous devons cultiver ces deux courants de pensée.

 

«Que votre douceur soit connue de tous les hommes ; le Seigneur est proche ; ne vous inquiétez de rien, mais, en toutes choses, exposez vos requêtes à Dieu par des prières et des supplications avec des actions de grâces» (v. 5, 6). Aux prières sont ajoutées les actions de grâces, car le Seigneur y a droit. Nos coeurs ne devraient pas oublier quel est le Dieu auquel nous exposons nos requêtes. Dans cette confiance, rendons-lui grâces, même lorsque nous plaçons nos besoins devant lui. Mais l’apôtre avait dit auparavant : «Que votre douceur soit connue de tous les hommes» (v. 5). À supposer que quelqu’un nous ait vu un peu hors de nous-même pour insister sur nos droits, réels ou imaginaires — ce qui est en contradiction avec la douceur de Christ — ne devrions-nous pas nous sentir humilié, et saisir la première occasion pour effacer ce qui peut avoir donné une impression fâcheuse pour l’âme de cet homme ? Dieu veut que notre promptitude à céder, à ne pas résister, soit connue, non seulement en certaines occasions ou de quelques personnes, mais «de tous les hommes». Par douceur, l’apôtre entend cet esprit de débonnaireté qui n’existe que là où notre volonté n’est pas laissée libre de poursuivre la satisfaction de tous nos désirs. Pour que nous n’ayons pas d’inquiétude, du fait que nous nous abstenons d’insister sur nos droits même lorsque nous avons raison, l’apôtre nous donne ce puissant motif : «Le Seigneur est proche» (v. 6). Lorsque l’âme est dans l’heureux sentiment qu’on fait ce qui plaît à Dieu, elle se trouve généralement disposée à se confier dans le Seigneur, disposition qui repousse l’inquiétude et abandonne tout entre ses mains. D’ailleurs, il vient bientôt.

 

Il manifestera tout ce qui est selon lui. Il bénira tout désir partout où il a pu en résulter un vrai témoignage pour Lui. «Le Seigneur est proche». Il n’est pas encore venu, mais vous pouvez aller à lui maintenant et placer toutes vos requêtes devant lui, avec l’assurance qu’il est proche, qu’il va venir. Et quel est le résultat ? «La paix de Dieu, laquelle surpasse toute intelligence, gardera vos coeurs et vos pensées dans le Christ Jésus» (v. 7). Lorsque le coeur remet à Dieu tout ce qui pour lui serait un fardeau, la conséquence est que Sa paix, la paix dans laquelle Il se meut et vit, nous préserve de tout ce qui pourrait nous harceler. Les sources d’inquiétude sont rejetées dans le sein du Seigneur et la paix de Dieu lui-même, qui surpasse toute intelligence, devient la sauvegarde de nos coeurs.

 

Chaque fois que la grâce nous est accordée de placer devant Dieu ce qui nous éprouverait si nous nous en inquiétions et le gardions, la propre paix de Dieu est la réponse infaillible. Les affections sont en repos, de même que le travail d’esprit qui autrement envisagerait le pire. Tout est réglé par la paix de Dieu lui-même.

La paix est considérée sous plus d’un aspect dans les Écritures. La paix de Dieu ici n’a rien à faire avec la purification de la conscience. C’est le coeur et les pensées qui sont gardés. Lorsque la conscience est encore chargée, il n’est qu’une seule manière de trouver la paix. «Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus Christ». Les péchés étaient là , et comment la nature morale et la majesté de Dieu pouvaient-elles être satisfaites à l’égard du péché ? Loin de Dieu, en inimitié contre lui dans toutes nos voies, comment pouvions-nous avoir la paix avec lui ? La seule porte par laquelle nous, pauvres ennemis, passons d’une telle condition à la paix avec Dieu, c’est de croire le témoignage qu’Il a rendu au sujet de son Fils. Mais c’est là «la paix avec Dieu», non pas «la paix de Dieu». Si je m’efforce d’acquérir le soulagement de ma conscience en exposant mes besoins devant Dieu, ma conscience ne trouvera jamais un plein repos. Le seul moyen pouvant donner le repos à ceux qui sont convaincus de péché est la foi en l’assurance donnée par Dieu que les péchés sont effacés par le sang du Seigneur Jésus Christ, et que le péché a été parfaitement jugé à la Croix. «Quiconque croit est justifié par lui». Si nous regardons à notre propre état, même un seul instant, c’est une illusion de nous attendre, sur une telle base, à la paix avec Dieu. Mais si je crois en Christ et en ce qu’il a fait, je peux dire avec hardiesse que Christ a mérité que même mes péchés soient pardonnés. Aussi je puis ajouter : «Ayant... été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu». La valeur n’est pas dans la foi, mais dans notre Seigneur Jésus Christ. Vous ne pouvez obtenir la bénédiction sans croire, mais c’est une réponse à la valeur qu’a Christ aux yeux de Dieu.

Mais, outre cette paix établie que nous avons par l’oeuvre de Christ, il y a la paix de Dieu en pratique, qui n’a rien à faire avec la rémission des péchés (bien qu’elle suppose que celle-ci soit fondamentalement réglée), mais avec les circonstances par lesquelles le croyant passe jour après jour. Paul était en prison lorsqu’il écrivait aux Philippiens, dans l’incapacité d’édifier les assemblées ou de travailler dans l’évangile. Il aurait pu être abattu dans son esprit ; pourtant il n’avait jamais été plus heureux dans sa vie. Comment est-ce possible ? C’est qu’au lieu de s’inquiéter et de se tourmenter à propos du danger guettant l’Église, des afflictions des saints, des âmes qui périssaient, il considérait tous ces sujets comme dépendant de Dieu et non pas de lui. Dieu était en paix quant à ces choses, pourquoi ne le serait-il pas, lui aussi ? Ainsi la simple ressource consistant à tout placer devant Dieu, à tout rejeter loin de soi-même pour le placer dans le sein de son Père, avait pour résultat que la paix de Dieu gardait son coeur et ses pensées. Et ce n’était pas le cas de l’apôtre seulement. Il met la chose devant les saints comme ce qui devrait être leur part également. L’anxiété n’a évidemment plus de place. Dieu ne veut pas que ses enfants soient accablés ou troublés par les circonstances. La source bénie du soulagement est là jusqu’à la venue du Seigneur. Dieu est en activité, et sa paix garde nos coeurs et nos pensées dans le Christ Jésus, lorsque nous lui rendons l’honneur qui lui est dû et que nous lui donnons notre confiance.

Mais ce n’est pas encore tout ; d’autres choses nous sollicitent et nous éprouvent, outre les inquiétudes et les soucis. Nous avons besoin d’être fortifiés dans notre vie chrétienne ordinaire ; comment pourrons-nous l’être ? Voici la parole, le conseil apostolique (v. 8) : «Au reste, frères, toutes les choses qui sont vraies..». Il peut ne pas y avoir beaucoup de points lumineux à l’horizon, mais il y en a quelques-uns ; ne dois-je pas penser à ceux-ci ? C’est ce que je suis appelé à faire — à être prompt à discerner non pas ce qui est mauvais, mais ce qui est bon. Il se peut que j’aie à juger ce qui est mauvais ; toutefois ce que Dieu attend, c’est que mon esprit soit occupé du bien. «Toutes les choses qui sont vraies, toutes les choses qui sont vénérables, toutes les choses qui sont justes, toutes les choses qui sont pures, toutes les choses qui sont aimables, toutes les choses qui sont de bonne renommée — s’il y a quelque vertu et quelque louange — que ces choses occupent vos pensées» (v. 8). Nos consciences peuvent dire si ce sont là les choses auxquelles nous sommes le plus portés à penser. Si nous sommes prompts à écouter plutôt tout ce qui est pénible, et lents à entendre ce qui est de Dieu, il en résulte qu’au lieu d’avoir le Dieu de paix comme compagnon, nous nous trouvons arrêtés, nous-mêmes et d’autres, par de mauvaises pensées et de fâcheuses communications. Car ce que l’âme désire, c’est seulement ce qui est bon. Nous ne sommes pas exhortés à être instruits dans l’iniquité du monde ou de l’Église, mais à être «sages quant au bien, et simples quant au mal». Dieu a qualifié, pour juger le mal, des hommes spirituels qui peuvent s’en charger comme d’un devoir envers Lui, étant remplis d’affliction et d’amour à l’égard de ceux qui sont concernés. Mais Dieu emploie de tels hommes, entre autres desseins, pour garder la généralité de ses saints de la nécessité d’accomplir de telles tâches. Il est heureux que nous ne soyons pas tous appelés à examiner et scruter le mal, à voir et à entendre les détails. Tandis que le Seigneur, dans sa grâce, intervient pour nous préserver d’être trompés, puisse notre propre sagesse croître dans ce qui est selon Dieu. Appartient-il par exemple à n’importe quel enfant de Dieu de s’occuper ordinairement d’un mauvais livre ou d’un faux docteur ? Qu’il nous suffise d’avoir de bons motifs de juger qu’une chose est nuisible : la seule attitude à adopter alors est de l’éviter. Au contraire, ce que je reconnais bon a droit à mon amour et à mon respect ; non seulement pour moi, mais pour les autres. Nous n’avons jamais raison d’exclure de nos coeurs la sympathie de Christ pour les membres de son corps, ou certaines opérations de son Esprit ici-bas. Si même il y avait un prêtre catholique romain qui connût et exposât la vérité de Dieu plus clairement que d’autres, ne disons pas : «Peut-il venir quelque chose de bon de Nazareth ?», mais venons et voyons si la chose porte d’une manière évidente le sceau de Dieu sur elle. Ne limitons pas Celui qui est au-dessus de toutes circonstances ; même parmi ce qu’il y a de plus affligeant, rendons grâces à Dieu de ce que sa puissance miséricordieuse refuse d’être entravée par quelque limite humaine que ce soit. Il est de toute importance que nous ayons le coeur assez large pour penser à tout ce qui est bon, où que ce puisse être.

 

«Ce que vous avez et appris, et reçu, et entendu, et vu en moi — faites ces choses» (v. 9). Si jamais il y a eu un homme au coeur large, c’était l’apôtre Paul. Et pourtant aucun serviteur de Dieu n’avait une vue plus profonde et une horreur plus intense du mal. Ici, l’Esprit dirige les Philippiens par ce qu’ils avaient vu dans les mobiles et dans les voies de l’apôtre. Il ne s’agit pas d’une question de doctrine, mais de vie pratique. Cela va plus loin que surmonter l’inquiétude par la sauvegarde qu’assure la propre paix de Dieu ; c’est la puissance pratique du bien positif. Quel est l’effet sur le coeur ? «Le Dieu de paix sera avec vous». «Le Dieu de paix», c’est bien davantage que même «la paix de Dieu». C’est Lui-même la source, c’est la jouissance de sa propre présence bénie de cette manière. Il y a du soulagement à avoir la «paix de Dieu» pour garder nos coeurs et nos pensées ; mais il y a de la puissance à avoir «le Dieu de paix» avec nous. Nous manque-t-il quelque chose ? Impossible. «Or je me suis grandement réjoui dans le Seigneur de ce que maintenant enfin vous avez fait revivre votre pensée pour moi, quoique vous y ayez bien aussi pensé, mais l’occasion vous manquait» (v. 10). Ils avaient manifesté de l’amour à l’apôtre Paul précédemment, comme nous le voyons plus loin (v. 15) où il met en contraste le «commencement de l’évangile» avec «enfin».

Les Philippiens avaient été comblés par Dieu et avaient montré leur amour envers l’apôtre dans les premiers jours. Il ne l’avait pas oublié. Il semblerait qu’il recevait rarement une aide de la part des saints de Dieu, peut-être parce qu’il n’avait affaire qu’avec un petit nombre, même parmi eux, en qui il aurait pu avoir confiance. En raison d’un manque général de spiritualité, certains auraient pu tirer de cette aide matérielle des déductions préjudiciables à l’évangile ou à d’autres serviteurs. Mais les Philippiens étaient suffisamment simples et spirituels, et nous savons quels sentiments délicats la puissance de l’Esprit peut produire. Ils eurent par conséquent le privilège de subvenir aux besoins de l’apôtre. C’est à cela qu’il fait allusion, avec une délicatesse touchante. Il sentait que le mot «enfin» pourrait être interprété comme une sorte de reproche, comme s’ils l’avaient oublié pendant longtemps. Aussi s’empresse-t-il d’ajouter : «Quoique vous y ayez bien aussi pensé, mais l’occasion vous manquait» (v. 10). D’autre part, il prévient la supposition qu’il désirait davantage d’eux. «Non que je parle ayant égard à des privations» (v. 11).

 

La corruption du coeur humain est telle que même l’expression de la gratitude peut être une allusion indirecte à ce que de nouvelles faveurs ne seraient pas malvenues. L’apôtre coupe court à de telles pensées par les paroles : «Moi, j’ai appris à être content en moi-même dans les circonstances où je me trouve». Voilà un état d’esprit bien étranger à la nature humaine. Même un Paul pouvait ne pas l’avoir toujours connu ; il l’avait appris. «Je sais être abaissé, je sais aussi être dans l’abondance» (v. 12). Il avait connu de bonne heure, par expérience, ce que c’était que d’être dans le dénuement absolu, comme aussi il savait ce que c’était que de ne manquer de rien. «En toutes choses et à tous égards, je suis enseigné aussi bien à être rassasié qu’à avoir faim, aussi bien à être dans l’abondance qu’à être dans les privations. Je puis toutes choses en celui qui me fortifie». Paroles merveilleuses dans la bouche d’un homme emprisonné, de quelqu’un qui apparemment se trouvait dans les circonstances les plus accablantes, et dans un danger certain — incapable de faire quoi que ce soit, auraient dit les hommes. Mais la foi parle selon Dieu, et l’homme qui, au jugement de ses semblables, ne pouvait rien faire, est celui-là même qui pouvait affirmer qu’il était capable de toutes choses en Celui qui le fortifiait (v. 13).

 

Lorsque le monde entre en conflit avec un chrétien, lorsqu’il l’accuse, le dépouille et l’emprisonne, et que le chrétien est manifestement aussi heureux qu’auparavant, le monde est forcé de ressentir qu’il est entré en contact avec une puissance qui est entièrement au-dessus de la sienne. Si tel n’est pas le cas, nous avons manqué. Ce que le monde devrait trouver en nous, dans toutes les circonstances, c’est l’expression de Christ et de sa force. Ce n’est pas seulement quand l’épreuve survient qu’il nous faut aller au Seigneur et placer notre insuffisance devant lui ; nous devons être avec lui préalablement. Si nous attendons l’épreuve pour chercher sa présence, nous ne résisterons pas. Dans la vie du Seigneur, on voit la victoire dans l’épreuve remportée par la foi alors qu’il avait déjà traversé la souffrance. Il la traversait avec Dieu, et pourtant nul n’a ressenti l’épreuve comme lui. La souffrance n’est pas diminuée pour autant, au contraire. Voyez par exemple Gethsémané. De quel autre que le Seigneur a-t-il jamais été dit que sa sueur a découlé comme des grumeaux de sang, en pensant à la mort ? D’autres pourtant peuvent avoir connu cette angoisse, quoique à un degré bien moindre ; et la mesure a toujours été la puissance de l’Esprit de Dieu leur donnant de ressentir ce qui est contraire à Dieu dans ce monde ; car, dans ce monde, celui qui aime le plus souffre le plus. Mais ici, nous trouvons Paul, quelqu’un qui avait beaucoup souffert, qui avait connu l’opprobre comme peu d’hommes l’ont jamais connue, qui avait rencontré l’inimitié du monde comme bien peu ont eu à l’éprouver. Et cependant cet homme, en de telles circonstances, dit qu’il peut toutes choses en celui qui le fortifie. Soyez assurés que Celui qui donne la force est près de tous ceux qui s’appuient sur Lui. Paul ne parle pas ici d’un privilège apostolique, mais il parle en tant que saint, il est sur un terrain où il peut s’unir à nous, afin que nous apprenions à marcher dans le même sentier que lui. Après avoir librement reconnu l’amour des Philippiens (dans les v. 14-16), après avoir montré que ce qu’il recherchait, c’était du fruit qui abondât pour leur compte, au v. 17, il conclut : «Or j’ai amplement de tout, et je suis dans l’abondance ; je suis comblé, ayant reçu d’Épaphrodite ce qui m’a été envoyé de votre part... un parfum de bonne odeur, un sacrifice acceptable, agréable à Dieu» (v. 18). Et, chose merveilleuse à remarquer, il est lui-même un donateur. En tout cas, il compte sur Celui qui donnerait tout ce qui était nécessaire, en abondance. «Mais mon Dieu suppléera à tous vos besoins selon ses richesses en gloire par le Christ Jésus» (v. 19).

Quel langage chez un homme qui venait de connaître la nécessité, et dont les besoins avaient été comblés par les saints auxquels il écrivait ! Il se tourne vers eux maintenant et dit : «Mon Dieu suppléera à tous vos besoins». Le Dieu dont il avait éprouvé l’amour, les soins et les ressources tout au long de sa carrière chrétienne — «mon Dieu», dit-il, «suppléera à tous vos besoins selon ses richesses en gloire par le Christ Jésus». Il répond aujourd’hui aux besoins des saints selon toutes les richesses de ses ressources en gloire même, en Christ. Là-haut toute ombre d’un besoin sera inconnue, mais Dieu agit selon les mêmes richesses déjà maintenant. Aussi l’apôtre donne-t-il aussitôt libre cours à la louange envers Dieu : «Or à notre Dieu et Père soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen» (v. 20).

 

Notez le changement d’expression. Il dit d’abord : «Mon Dieu suppléera à tous vos besoins», et ensuite : «notre Dieu et Père». Lorsqu’il s’agit de connaissance expérimentale et de confiance, il ne convenait pas de dire «notre Dieu» parce qu’ils pouvaient ne pas avoir la même mesure de connaissance de Son amour que lui qui avait éprouvé et appris si profondément et de façon si variée ce que Dieu est. Mais lorsqu’il attribue, aux siècles des siècles, la gloire à Dieu le Père, il ne peut que les associer pleinement à lui. «Or à notre Dieu et Père soit la gloire», etc. Son coeur s’ouvre à tous les croyants. «Saluez chaque saint dans le Christ Jésus» (v. 21). Quelle joie pour ceux qui étaient à Philippes d’entendre parler de frères dans des endroits inattendus ! L’apôtre était allé à Rome pour être jugé devant César. Maintenant, à ce qu’il paraît, il y avait des saints dans la Maison impériale qui envoyaient une salutation spéciale aux Philippiens par l’apôtre. «Les frères qui sont avec moi vous saluent. Tous les saints vous saluent, et principalement ceux qui sont de la maison de César» (v. 21, 22).

 

Le coeur est merveilleusement soulagé en considérant les choses qui sont aimables et de bonne renommée, et propres à donner de la confiance dans les jours les plus sombres. Quelle que soit la grandeur de l’épreuve du moment présent (et jamais il n’y eut de pièges plus subtils ou de danger plus imminent), il n’en reste pas moins que la grâce de Dieu, sa bénédiction envers les hommes suffit à tous égards. N’oublions pas l’exhortation : «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; encore une fois, je vous le dirai : réjouissez-vous» (v. 4). Cette épître n’a pas été écrite en regardant en arrière au jour de la Pentecôte, mais en vue du temps où l’apôtre serait empêché d’aider les assemblées et à un moment où les saints étaient avertis qu’ils devraient travailler à leur propre salut avec crainte et tremblement. L’épreuve est toutefois plus grande pour l’esprit, si elle ne l’est pas corporellement, pour ceux qui marchent avec le Seigneur maintenant. Ne doutons pas de son amour, mais soyons certains que Dieu est au-dessus de toutes les circonstances. Si Dieu a fixé notre lot dans ces jours, ne doutons pas de sa bonté, mais sachons que nous pouvons avoir une joie aussi profonde et même plus profonde, parce qu’elle réside moins dans les saints, moins dans les circonstances, et plus exclusivement en Christ.

 

C’est le péché qui a fait obstacle à la bénédiction de l’Église, de cette manière et d’autres ; mais puisque nous avons été appelés à l’époque et au lieu où nous sommes maintenant, puissions-nous rejeter le souhait incrédule d’échanger notre place pour quelque autre. C’est, très simplement, une question de foi en Dieu. Il nous aime et il prend soin de nous. Que nos coeurs sachent mieux répondre aux perfections de sa grâce. Tout en ressentant plus profondément les afflictions des saints, les souffrances de l’Évangile, l’état de l’Église, comme affectant la gloire de Dieu, sachons, dans nos coeurs, compter sur un Dieu connu, éprouvé, qui sera toujours Dieu, supérieur à toutes les difficultés, à tous les ennemis, à tous les pièges, à toutes les peines. «Que la grâce du Seigneur Jésus Christ soit avec votre esprit ! Amen» (v. 23).