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LE CULTE CHRÉTIEN
Jean 4:23, 24.
William Kelly
Les titres et sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest ; ME 1927 p 189, 201, 213, 231, 256
Table des matières :
1.1 Le culte dépend de la relation de l’adorateur avec Dieu
1.2 Le terrain chrétien n’est pas celui de la propre justice ni des mérites propres
1.3 Chercher la volonté de Dieu à propos du culte
1.4 Le culte provient de la grâce de Dieu envers nous et de la vie nouvelle
1.5 L’enfant de Dieu est fait adorateur
1.6 D’abord réaliser la proximité avec Dieu, et la paix du coeur et de la conscience
2.1 Le culte n’est ni la prière ni la confession des péchés
2.2 Le culte n’est ni la prédication ni l’évangélisation
3.2 Culte collectif de vrais croyants
3.3 À la base du culte il y a la communion des enfants de Dieu
3.4 L’adorateur a conscience d’être enfant de Dieu
3.5 Il faut avoir goûter l’affranchissement
3.6 Le culte exige le jugement de soi-même
3.7 L’Esprit est la puissance du culte
3.8 L’intelligence du culte passe par Jésus Christ
4 Adoration du Père et du Fils
5 Le culte et l’action de l’Esprit
Il est impossible de comprendre la nature du Culte si l’on ne tient pas compte de la relation entre l’adorateur et Dieu et de la position dans laquelle il est placé, soit sous la responsabilité, soit sur le pied de la grâce divine. Il fut en effet un temps où Dieu avait une nation d’adorateurs, lui peuple placé sur le pied de sa propre responsabilité envers Lui. Telle était la position d’Israël reconnue dans son histoire. La conclusion que l’Écriture en a tiré, est que sur ce terrain il n’y avait et ne pouvait y avoir que ruine absolue. L’homme lui-même reconnaissait que ce terrain était juste puisque c’était lui-même qui l’avait choisi (Ex. 19:4-8). Israël ne fit en cela que ce que tout autre peuple sur la terre aurait fait dans les mêmes circonstances — ce que la masse des hommes fait encore aujourd’hui, car ils n’ont pas appris quelle est la conclusion véritable de toute l’histoire de l’homme.
La plus grande partie du monde civilisé — au moins dans nos contrées — cherche à se trouver en rapport avec Dieu essentiellement sur le même terrain qu’Israël : c’est-à-dire ce sont des hommes possédant la Parole de Dieu et essayant comme ils disent, de conformer leur conduite à la loi divine, tout en regardant au Sauveur avec quelque espoir que, s’ils sont sincères, ils seront à même de gagner le ciel et d’être sauvés. Tel est le principe simple et évident — personne ne peut le nier — de la chrétienté. On le rencontre sous sa forme la plus crue dans le catholicisme romain, mais aussi en substance dans les pays protestants ; il n’est pas limité à une classe, à une confession ou à un système politique particuliers. Je considère ce fait comme la position universelle prise par l’homme, soit qu’il ait entendu l’Évangile, soit qu’il mette sa confiance dans la Parole de Dieu. Dieu plaça ce principe devant Israël, mais dans le but d’amener l’homme à éviter de prendre jamais une position semblable. Le principal objet de l’Ancien Testament était de montrer que, sur le pied de leur responsabilité, les Israélites étaient pourvus de tous les secours possibles pour être une nation d’adorateurs. Or le résultat de cette épreuve fut le rejet du Fils de Dieu et la ruine absolument irrémédiable du peuple pour l’éternité, mais aussi pour ce monde. Ils tombèrent sous le châtiment de Dieu jusqu’à ce que, renonçant au simple châtiment, Il les supprimât comme peuple et les dispersât parmi les nations. Et en réalité, toute cette ruine ne fut pas autre chose que le résultat de l’effort que fit ce peuple pour mettre en valeur sa propre justice, ses mérites ou son obéissance. Il n’y a pas lieu de supposer qu’ils ne regardaient pas à Dieu ou qu’ils ne priaient pas ; il n’est pas dit qu’ils ne mêlaient pas des formes ou des apparences de dépendance de Dieu à l’expression de leur piété. Mais de fait toutes ces formes n’étaient et ne sont qu’un voile qui sert à cacher notre état réel à nos propres yeux. C’est ainsi que l’homme couvre ses fautes qui éclatent continuellement aux yeux de Dieu et au sujet desquelles il faut enfin qu’Il exerce le jugement, à moins, ce qu’Il ne fera jamais, d’abandonner Son propre caractère.
Dans le chap. 4 de Jean, le Seigneur répond à la question d’une pauvre Samaritaine qui n’avait en réalité pas de réputation à perdre et qui, encouragée par Sa grâce, s’aventure à Le questionner sur le Culte. Elle peut penser être inconnue, mais Jésus connaît parfaitement son histoire, et lui montre qu’Il la connaît. Néanmoins dans la plénitude de Sa bonté divine Il ne cache pas, même à une telle femme, ce que toute âme devrait assurément savoir et ce qu’il convient spécialement au chrétien de connaître, c’est-à-dire quelle est la volonté du Seigneur au sujet du Culte.
Je dois du reste faire remarquer qu’il n’est pas un seul ordre de vérités auquel les sentiments et les propres pensées de l’homme soient plus attachés ; aucun où il désire moins connaître la volonté de Dieu ; aucun où il soit plus prompt à s’irriter s’il rencontre de la discussion ; aucun où il soit plus sensible à l’opposition des autres ; aucun où il adopte davantage des idées et une marche traditionnelles, que celui-là. Il aime à rendre culte comme son père, son grand-père, ses ancêtres avant lui, l’ont fait, et, s’il peut remonter encore plus haut, il n’en est que plus fier. Il aime considérer la longue succession de personnes qui ont rendu culte comme lui. Bref, il n’a pas même la pensée de s’enquérir sérieusement auprès du Seigneur de la volonté de Dieu à ce sujet. Or Jésus est le seul dont nous puissions apprendre parfaitement la pensée et la volonté de Dieu. Il a prévu cela et ne nous a pas laissés en proie au doute ; Il a répondu à la demande que la Samaritaine lui a faite en choisissant le cas d’une personne aussi simple que possible et en lui donnant une réponse qui concerne assurément toute âme réellement sérieuse. On pourrait à peine dire que la Samaritaine fût depuis longtemps sérieusement exercée, mais le Seigneur ne la laisse pas avant qu’elle le soit. Nous apprenons ici une chose très importante ; il ne s’agit pas seulement du contraste entre le Culte qui allait être introduit et le culte traditionnel suivi jusqu’alors, mais aussi de ce qui pour chaque individu doit en être le fondement et la puissance.
On trouve un ordre dans les chapitres 3 et 4 de cet évangile et il ne faut pas les prendre isolément. La vérité du chap. 4 suppose celle du chap. 3 connue. Ce dernier n’introduit pas le sujet du Culte, mais établit ce qui, comme préparation, en est inséparable. La grande vérité du chap. 3 est la nécessité d’être né de nouveau et le fait que la nouvelle naissance ne peut être séparée de la croix de Jésus-Christ. Si je suis né de nouveau c’est par la foi dans le Fils de l’homme qui fut élevé sur la croix — dans le Fils de Dieu donné par Lui, — dans l’amour de Dieu pour le monde — «afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle». Cette vérité en soi ne fait pas de l’homme un adorateur, mais elle est l’admirable fondement du Culte, le seul fondement qui lui convienne. Mais nous avons besoin de puissance aussi bien que d’une nouvelle nature pour rendre Culte selon les exigences de la sainteté de Dieu et selon l’amour qui veut nous rendre parfaitement heureux dans l’adoration : car le Culte n’est pas simplement une froide obligation dont on s’efforce de s’acquitter envers le Seigneur, mais une pleine effusion de joie s’épanchant devant Lui.
Remarquez que je n’exclus point du Culte l’idée du devoir, car il n’y a pas, que je sache, une seule chose dans le Culte qui découle de nous-mêmes, sauf ce qui, étant produit par la grâce de Dieu, devient aussi un devoir pour nous. De fait, si nous considérons le Culte sous ces deux points de vue, celui de la grâce et celui du devoir, nous trouverons dans ce chap. 4 de Jean que l’un et l’autre nous sont révélés comme envisagés par Dieu : «Le Père en cherche de tels qui l’adorent» et «Il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en Esprit et en vérité».
Le Seigneur montre donc à cette femme que, si cela suffisait aux désirs de l’homme, il ne suffisait pas à Dieu que nous fussions tout juste capables d’entrer dans son royaume (chap. 3:3). Il voulait désormais remplir notre coeur de joie divine. La puissance de l’Esprit Saint nous associe avec son amour en Christ ; je parle ainsi parce qu’on pourrait considérer la puissance de l’Esprit de Dieu d’une manière simplement extérieure. Un homme peut posséder cette puissance ainsi, en manifester l’énergie, et néanmoins après tout être perdu. Je conviens que c’est une chose que beaucoup ne comprennent pas, mais Héb. 6 est parfaitement clair là-dessus. Nous voyons des personnes qui ont goûté la bonne Parole de Dieu, et les miracles du siècle à venir, qui sont devenues participantes de l’Esprit Saint, et qui cependant sont perdues. Il faut se rappeler que de tels apostats n’ont jamais été nés de Dieu. Il n’y a pas dans le Nouveau Testament de fait ou d’enseignement selon lequel quelqu’un qui est né de Dieu puisse périr ; seulement nous ne sommes pas toujours juges de ceux qui sont nés de Dieu et de ceux qui ne le sont pas, car nous pouvons être trompés. Il y en a qui en apparence commencent bien, marchent avec zèle et se détournent ensuite. Nous pouvons en voir d’autres doués de grande puissance, faisant des miracles, ou déployant d’autres effets de la présence de l’Esprit de Dieu (et ce sont eux qui sont placés ici devant nous) et dont néanmoins la chute est irréparable. Mais ici, dans Jean 4, il n’est pas parlé de l’oeuvre extérieure de l’Esprit comme en Héb. 6, mais de Sa puissance associée avec une nouvelle vie, la vie divine que possède chaque croyant et qui agit en lui. Ceci rend tout de suite le sujet très clair.
Le cas supposé en Héb. 6 ne touche pas au culte chrétien comme le chapitre 4 de Jean qui est notre sujet, mis en contraste avec les formes religieuses des Juifs ou des Samaritains. La religion samaritaine n’était au fond que la rivalité jalouse de populations qui n’avaient aucune part dans les promesses de Dieu. Mais la vérité solennelle que le Seigneur révèle désormais à chacun est que le Culte chrétien suppose la suppression et la fin du culte juif. Le peuple juif, témoin de Dieu pendant des siècles, a perdu son témoignage public et a été chassé hors de son seul pays d’origine. Il a perdu le lieu consacré où se trouvait le sanctuaire de Dieu — où le Dieu qui se cachait dans l’obscurité profonde fut annoncé une fois au monde et dont le Souverain Sacrificateur ne s’approchait qu’en tremblant avec le sacrifice et l’encens. Or maintenant tout est changé et seuls les vrais adorateurs sont censés posséder non seulement une nouvelle vie qui les rende capables de partager les pensées de Dieu et Ses sentiments, vie qui est nécessairement la part de ceux qui sont nés de Dieu ; mais cette vie possède en outre une nouvelle puissance divine par laquelle ils sont rendus capables d’adorer Dieu. C’est là le sujet principal de ce chapitre 4 de Jean
Je ne parle pas d’une chose qui nous soit étrangère. Si nous aimons le Seigneur Jésus, si nous nous sommes tournés vers Lui dans l’amertume de notre âme, si nous connaissons l’angoisse d’être convaincus de péché aux yeux de Dieu, si la proclamation de Sa grâce a touché notre âme et l’a gagnée pour Lui, bref, si nous croyons au Seigneur Jésus, nous sommes des enfants de Dieu. Alors ne craignons pas ceux qui trouvent présomptueux de prendre la place d’adorateurs. Si nous ne croyons pas en Lui, c’est, en effet, de la présomption, mais si nous croyons, c’est de la vraie humilité. Nous devons cela à Jésus. Nous trahissons notre Sauveur si nous mettons en question ce qu’Il a fait pour nous. C’est une marque de fidélité envers Lui de faire connaître à tous les grandes choses qu’Il a faites pour nous. Et, comme conséquence de l’oeuvre accomplie par le Seigneur Jésus pour notre salut, nous revêtons le caractère d’adorateurs. Nous ne sommes plus devant Dieu sur le pied de la nation juive mise à l’épreuve pour garder par ses efforts la loi de Dieu, mais nous sommes devenus par grâce des enfants de Dieu. Le premier culte était jadis celui d’Israël. Mais le culte chrétien est fondé sur le fait capital que la croix de Christ a mis fin à toutes les épreuves de la créature sur le terrain de sa propre responsabilité et que Dieu a introduit une chose entièrement nouvelle où l’homme n’est plus mis à l’épreuve, mais où Dieu devient le Dieu Sauveur et où l’homme croyant est placé dans une nouvelle relation avec Lui — qu’il soit tiré de l’ancien peuple de Dieu ou de toute autre nation, car le fait capital n’est pas ce qu’il peut avoir été, mais ce que la grâce a désormais fait de lui. Il s’agit de donner Christ à ceux qui n’ont nulle autre part devant Dieu que leurs péchés et qui ont été amenés à les confesser.
Je vous accorde que sans la confession des péchés, sans le fait de justifier ainsi Dieu à l’égard de nous-mêmes, il n’y a aucune oeuvre divine dans notre âme. Mais alors si vous confessez le nom du Seigneur vous n’avez aucun droit de choisir votre place : Dieu l’a entièrement déterminée comme Sa grâce l’a entièrement donnée. Il donne à ceux qui reçoivent Jésus, à Ses propres enfants, cette position d’hommes lavés de leurs péchés après avoir eu leur vraie nature jugée devant Lui et en ayant fini avec elle. Cette vérité très consolante, lorsqu’elle a été révélée à leurs âmes, les rend d’autant plus libres de Le connaître mieux et d’adorer Celui qui les a tant aimés. C’est pourquoi en principe chaque chrétien est devenu un adorateur.
Constatons néanmoins le triste fait qu’il y a, en réalité, très peu de chrétiens qui saisissent ce que c’est que le christianisme. En effet, la dernière vérité que les hommes semblent capables d’apprendre est la plus importante de toutes celles qui les concernent eux-mêmes. Ce n’est pas qu’ils n’aient pas certaines notions du christianisme, mais l’intelligence claire et simple de la nouvelle position dans laquelle Christ les a introduits est en général ce que les croyants possèdent le moins.
Supposons que vous visitiez les chrétiens appartenant aux diverses dénominations de ce pays-ci, trouverez-vous dans leurs hymnes de louange, dans leurs cantiques spirituels, la proclamation qu’ils ont une parfaite communion avec Dieu, un repos parfait dans le Seigneur, la jouissance de sa présence par l’Esprit de Dieu, l’attente de Son retour pour les ravir à Lui ? Est-ce là le langage uniforme des chrétiens que vous rencontrez ? Je ne crois calomnier aucune congrégation, aucune secte, ni forme de culte comme on les appelle, si je dis que rencontrer de tels principes est tout à fait l’exception et non la règle. La raison en est manifeste. Même les chrétiens sont effrayés de paraître mépriser l’Ancien Testament et la position d’Israël sous la loi. Par conséquent, la plus grande partie d’entre eux — et je ne parle d’aucune dénomination particulière, que vous alliez en France, en Angleterre ou en n’importe quel autre pays — rend culte de la même manière qu’Israël, sans doute avec de grandes différences. Il ne serait pas juste de dire que leur langage ou leurs formes soient exactement les mêmes ; mais la question que je pose est celle-ci : y a-t-il simplement chez ce corps d’adorateurs la sainte et heureuse réalisation de la proximité de Dieu, une paix sans nuage, un ciel sans tache, une conscience sans souillure ni crainte ? Celui qui répondrait affirmativement devrait avoir une expérience très différente de la mienne, car pour moi le contraire est vrai. Pour la plus grande partie d’entre eux, les prières de vrais enfants de Dieu — et plus ils sont vrais, plus vous pourrez vous en convaincre — dénotent l’anxiété d’hommes pieux dont le sérieux désir est de réveiller les âmes de l’indifférence et des formes par le sentiment de leurs péchés, d’alarmer les hommes du monde par des avertissements, des prières et des supplications et de chercher si possible à les gagner pour Dieu. Est-ce donc cela qui est le culte ? Pas le moins du monde. Cela peut être un service d’évangélisation, mais la confusion de choses si complètement différentes, rend d’autant plus nécessaire d’expliquer ce qu’est le culte chrétien, quels sont sa nature et son caractère distinctifs, c’est-à-dire l’expression commune de reconnaissance et d’actions de grâces adressées à Dieu et à l’Agneau avec des coeurs purifiés par la foi, des coeurs qui, par la puissance du Saint Esprit, connaissent le Père et le Fils et peuvent s’approcher de Dieu dans une heureuse confiance en Son amour et dans la jouissance de ce qu’Il est et de ce qu’Il est pour eux. Prêcher ou prier à la manière de ceux qui cherchent la conversion des âmes n’est pas le culte. Même l’intercession pour les saints ne l’est pas, à moins qu’elle ne prenne le caractère d’actions de grâces et de bénédictions.
Très souvent des prières peuvent se joindre au culte ; toutefois la prière dans sa nature essentielle n’est pas l’action de grâces, mais la présentation à Dieu de nos besoins, jointe au désir qu’Il nous secoure et nous réponde dans Sa grâce. Bien plus encore, il me semble qu’il n’y a rien de moins heureux que de mêler l’enseignement ou la prédication avec des prières en leur donnant le nom de culte. Ces chrétiens arrivent à savoir à peine ce qu’est la prière tout en ignorant absolument le culte. Ce qu’ils lui substituent est souvent la répétition de vérités qui sont tout à fait hors de place. Si nous avions affaire à des individus, leur répéter des vérités pourrait être à sa place ; mais si nous pensons parler à Dieu, nous convient-il de l’enseigner Lui ? Je n’ai pas besoin de dire comment ceux qui qualifient cet acte-là de culte oublient la présence véritable de Celui auquel ils parlent. Ils pensent à telle ou telle personne. Je veux croire à la sincérité de leur amour et de leurs voeux, mais alors même leur sincérité ne peut jamais couvrir ni excuser un pareil manque de réalité. Ils ne sont nullement sur le terrain du culte chrétien, et c’est là une faute essentielle lorsque le culte est l’objet de la réunion. Je répète donc qu’exprimer à Dieu nos besoins, chose excellente à sa place, n’est pas le culte. De même la «confession des péchés» n’est pas le culte. J’accorde absolument que ceux qui ne confessent pas leurs péchés jour après jour, ne sont pas capables de rendre culte lorsqu’ils se réunissent ; s’ils sont consciencieux, le fait de n’avoir pas confessé leurs péchés à la maison ou d’avoir manqué de vigilance dans le jugement journalier d’eux-mêmes, les conduit à changer le culte en confession de péchés parce que leur conscience n’est pas délivrée de ceux-ci. Ainsi au lieu de nous approcher de Dieu avec joie et d’élever ensemble nos coeurs en adoration devant Lui — au lieu de Lui dire ce que nous découvrons en Lui et combien Il est digne que nous L’aimions — nous ne sommes occupés que de nos manquements journaliers et de notre indignité ; et nous passons le temps consacré au culte à nous occuper de nous-mêmes au lieu de nous adresser à Dieu dans la puissance du Saint Esprit pour louer Sa grâce et les richesses insondables de Christ.
Chacun sait qu’il est impossible qu’une âme soit née de Dieu sans qu’elle éprouve le besoin de la prière. Crier à Dieu est toujours nécessaire — mais, comme nous l’avons dit, notre sujet est le culte, non la prière. De même pour produire le sentiment du besoin et quelque mesure de confiance en Dieu, il faut qu’il y ait une conversion, le Saint Esprit se servant de la Parole pour vivifier l’âme ; comme nous le savons, cela est produit habituellement par la prédication de l’Évangile.
Mais si la prière n’est pas le culte, la prédication l’est encore moins et le mélange de ces choses tend à les obscurcir toutes et à détruire en partie la connaissance du vrai culte pour les enfants de Dieu. De là vient que vous trouverez deux partis parmi ceux qui portent le nom de Christ : les simples formalistes qui souvent ont raison à un certain degré et vous diront que ce dont les chrétiens ont le plus besoin, c’est du culte chrétien. C’est pourquoi ils blâment ceux qui s’attachent surtout aux sermons, soit pour réveiller les inconvertis, soit pour instruire les croyants. En effet, mais il ne serait pas de faible importance, avant de commencer le culte, d’être sûrs que nous sommes au milieu de chrétiens.
C’est exactement ce qui conduit une autre classe de gens sur un terrain diamétralement opposé. Ils regardent autour d’eux, ils connaissent plus ou moins le caractère, la vie, l’état moral de la plupart de ceux qui composent la congrégation, et ayant le sentiment très juste que ceux-ci ne sont en général pas nés de Dieu, mais dans un état d’éloignement naturel et de ténèbres devant Lui, ils saisissent avec empressement l’occasion (quoique sous le nom de culte) soit pour fulminer avec la loi contre les pécheurs, soit pour prêcher l’Évangile et gagner les âmes à Dieu. Cela, nous l’avons dit, est parfait à sa place ; mais c’est une profonde erreur de l’appeler le culte. N’est-ce pas le tableau de ce qu’on rencontre des deux côtés ?
Nous rencontrerons toujours des dangers et des difficultés à moins que nous ne regardions simplement à Christ et que nous nous contentions de suivre sa Parole. Tout devient clair lorsque nous regardons à Lui. L’Écriture montre que l’évangile est nécessaire pour apporter Dieu lui-même à l’âme, et plus exactement, pour amener l’âme à Dieu.
Si quelqu’un a trouvé le Seigneur, s’est soumis à la justice de Dieu, et possède le Saint Esprit habitant en lui, il devient un adorateur (comme l’aveugle-né en Jean 9 : «Je crois Seigneur ! Et il lui rendit hommage»). Mais, bien qu’en principe chaque enfant de Dieu ait la liberté de Lui rendre culte, de fait il y en a beaucoup qui ne sont pas capables de s’élever aussitôt à l’adoration. La raison en est qu’ils ne sont pas dans l’état pratique nécessaire pour jouir du Seigneur. Ils ne sont pas complètement à l’aise en Sa présence, ils seraient effrayés de mourir, ils espèrent aller au ciel, mais ne possèdent ni le bonheur, ni l’assurance. Bien plus encore, ils pensent qu’il est dangereux d’avoir cette assurance ; ils ont été enseignés ainsi par ceux qui sont censés le savoir, et ils les croient religieusement. La grâce de Dieu et le trône de jugement sont pour eux un sujet d’effroi. Si, renversant les choses, ils étaient effrayés de se confier en eux-mêmes, ils auraient raison. S’ils craignaient de s’appuyer sur le fondent habituel de leurs propres mérites, de leur fidélité ou de leur obéissance, ce serait parfait. Mais après avoir regardé à Jésus et à Son grand salut, après avoir entendu la manière dont Dieu parle du Sauveur et dont le Saint Esprit exalte la perfection de la rédemption, se permettre une seule question sur ce sujet n’est pas autre chose que de l’incrédulité devant Dieu.
Supposons maintenant que tout cela a été jugé et que 1’âme a reçu en toute simplicité le message de la grâce de Dieu qui apporte le salut. Dans ce cas l’on est devenu capable d’adorer. Désormais l’âme est à l’aise, en liberté et en paix, et prend plaisir à s’approcher de Dieu, non pas seule toutefois, mais en communion avec d’autres. La grâce produit dans l’âme de nouveaux instincts d’obéissance et la pensée ne lui vient pas d’établir un culte suivant ses propres plans ; il lui faut encore écouter le Seigneur qui ne parle pas simplement d’une âme seule, s’approchant ici et là pour adorer, mais des «vrais adorateurs» et de «ceux qui adorent en Esprit et en Vérité». Le culte chrétien ne suppose pas plus l’isolement que la propre volonté. Sans doute il y a de la liberté dans le culte, mais seulement pour plaire à Dieu ; ce n’est pas un culte rendu par l’un d’une manière, par l’autre d’une autre. Celui qui seul révèle le Père, qui seul est avec Lui l’objet de notre culte (comme nous le voyons ailleurs) nous dit comment nous devons adorer. Et si nos coeurs, connaissant le seul vrai Dieu, et Jésus-Christ qu’Il a envoyé, désirent réellement L’adorer, sûrement nous voudrons le faire selon Sa volonté. Si nous ne rendons pas culte à Dieu dans un esprit d’obéissance nous perdons nos peines et notre culte devient une source de déshonneur pour Lui, sans parler de la perte que nous faisons nous-mêmes.
Il est manifeste que, si dans l’Ancien Testament il est beaucoup parlé du culte d’Israël, dans le Nouveau Testament nous trouvons le culte des croyants. Le jour de la Pentecôte, après la croix, lorsque les croyants reçurent le don du Saint Esprit, ils ne furent pas laissés où ils étaient ; ils commencèrent dès lors à former une compagnie qui est appelée «les leurs» (Actes 4:23). Que signifie ce mot ? Sans aucun doute la compagnie de ceux qui confessaient comme eux le nom du Seigneur Jésus.
Cela ne signifie pas que des incrédules ne puissent pas se glisser au milieu d’eux, mais que personne n’était reçu qui ne fût pas supposé croire en Lui. Je suis d’accord qu’il ne convient pas à un chrétien d’être soupçonneux ; mais c’est le devoir de la foi, c’est même l’amour selon la Parole de Dieu et autant que nous pouvons le discerner, de préserver l’assemblée portant le nom de Jésus de ceux qui ne sont pas à Lui — de mettre ces derniers en garde qu’ils ne prennent pas une place à laquelle rien ne peut s’adapter qu’une vie par la puissance de l’Esprit. Quelle misère, qu’il s’agisse de tromper les autres ou de se tromper soi-même, que l’on puisse professer la vie éternelle sur la terre et être après tout condamné à l’enfer ! Je ne vois ni souci de l’honneur de Christ, ni amour pour le pécheur dans une telle indifférence, que quelques-uns appellent la charité et qui n’est en réalité que la répugnance à porter pour l’amour du Seigneur un aveu pénible à la chair et qui blesse et scandalise le monde.
Mais comment reconnaître la nature divine chez les autres ? Le seul vrai principe pour un chrétien est l’obéissance. Nous sommes sanctifiés pour l’obéissance de Jésus-Christ. Cela constitue la vraie respiration de la nouvelle nature. Cela fut manifesté en perfection dans la personne de Christ et Dieu nous appelle maintenant à marcher comme Il a marché. Je ne nie pas du tout qu’il y ait une distance incommensurable entre la marche de Christ est la nôtre ; mais il est certain que nous sommes engagés à marcher dans la même direction. Lui peut nous devancer et Il le fait, mais nous sommes engagés à suivre le même chemin, à contempler le même but, à marcher selon la mesure de nos forces à Sa suite. C’est ce que contient l’expression : être sanctifiés pour l’obéissance de Christ. Dieu nous a donné d’en voir la perfection en Christ, mais Il nous a placés dans le même chemin. Il dit Lui-même : «Suis-moi». Nous devons le faire aussi en ce qui concerne cet objet élevé entre tous : le Culte.
La nouvelle nature a deux et n’a que deux sphères pour s’exercer, l’une en haut et l’autre en bas. Elle se répand en louange et en adoration envers Dieu comme elle se déploie en bonté active envers l’homme. Je parle naturellement de ceux qui sont membres du même corps et seulement de ceux qui possèdent la vie de Christ et le Saint Esprit. Outre leur amour pour toute l’humanité, et plus spécialement pour leurs frères, il n’y a rien qui doive plus que cela caractériser les chrétiens. L’amour qui était en Christ doit être reproduit dans le chrétien. Ce dernier a la même vie et cette vie s’exerce dans ses affections divines par l’Esprit de Dieu. Mais alors, la plus haute sphère, où se déploie cet amour n’est pas ici-bas, mais eu haut. De là vient que, quelque précieux que puisse être le ministère, même dans sa partie la plus élevée, à savoir : enseigner à l’Assemblée la grâce de Christ et la vérité de Dieu, ou bien annoncer au monde l’évangile de Christ (et ce sont là les différentes parties d’un ministère chrétien) quelque précieux que tout cela puisse être, rien n’égale le culte. Dans le premier cas vous regardez à l’homme ou aux saints ; dans le second cas vous êtes devant Dieu, et autant Dieu est au-dessus de l’homme, autant le culte chrétien est au-dessus du ministère chrétien.
Le culte chrétien est le terrain de la communion des enfants de Dieu. Dieu voulait leur donner la meilleure place, et le véritable objet du ministère chrétien est de sortir les âmes de ce monde méchant, par la grâce de Dieu et par la vérité qui leur est communiquée et de les placer dans la sainte liberté et la joie de la communion avec Dieu. Il est évident par conséquent que le ministère chrétien ne s’arrête pas, pour ainsi dire, à l’entrée de l’édifice entre le peuple de Dieu et son Dieu et Père. Le ministère indique la porte, plus que cela, il introduit dans la maison ; mais lorsque la porte est atteinte, le ministre se perd dans la foule de ceux qui entrent. S’il agit autrement, il cesse d’être un ministre chrétien et fait simplement partie d’un clergé qui est un ministère pour la chair et pour le monde — ministère qui a pour conséquence, sinon pour but, d’exagérer et d’exciter le moi. Or ce résultat n’est jamais Christ.
Voici donc ce que le Seigneur nous présente — Dieu tel que Christ le connaît. Dieu se manifestant de deux manières. En premier lieu comme Père ; non pas Dieu comme tel dans sa majesté abstraite, ni l’Éternel qui gouverne les peuples et reste ainsi caché dans les nuées et derrière un voile, de manière à ne pouvoir être intimement connu, mais seulement approché de loin et dans l’obscurité. Il en a été ainsi au temps du judaïsme, mais un changement était proche ainsi que Jésus l’annonce à la Samaritaine. Le christianisme est l’ineffable amour de Dieu descendant en Christ pour chercher des adorateurs qui deviennent par grâce Ses enfants, non seulement venant les sortir de leur misère, mais les appeler aussitôt à Lui, comme à un Père. Car il n’est pas question ici d’une ascension graduelle, d’une sorte de purification progressive, soit sur la terre, soit dans le ciel, soit dans quelque invisible séjour des morts. Le christianisme est si précieux parce qu’il vient du ciel et rencontre les âmes sur la terre, les mettant en relation avec le ciel, pendant qu’elles sont encore ici-bas. C’est là le christianisme et tout ce qui supprime cette vérité ne l’est pas. Privé de ses privilèges, il peut contenir quelques éléments de vérité. Les âmes qui connaissent Christ et qui L’aiment en possèdent toujours quelque mesure. On rencontre des chrétiens qui prêchent beaucoup de choses mauvaises avec une très petite mesure de l’Évangile ; et pourtant cela ne nous réjouit-il pas qu’ils prêchent Christ et que Dieu se serve d’eux, même s’il y a de tristes lacunes dans leur service. Quelle bonté de Sa part qu’Il ne limite pas ses bénédictions à ceux qui prêchent la plénitude de Christ, que Sa grâce accompagne toutes sortes de prédications et de prédicateurs, même ceux qui sont le plus mêlés avec le monde ! On rencontre néanmoins chez eux quelque chose de Christ, aussi Dieu peut s’en servir et le fait. En sommes-nous jaloux ? N’êtes-vous pas heureux que Dieu sauve des âmes dans l’église catholique ou n’importe ailleurs ?
Ce n’est pas que nous estimions bien que des personnes se joignent indifféremment aux diverses réunions religieuses. Je pense, au contraire, que si l’on connaît et possède la vérité on doit lui être fidèle. Ne craignez jamais de donner une approbation franche et résolue à ce que vous savez être la vérité. Nous respectons l’homme qui se tient inflexiblement à ce qu’il accepte comme divin ; seulement ayez soin en tout premier lieu que ce soit divin — que ce soit la vérité et la volonté de Dieu. Je le répète, celui qui se vante de ne jamais abandonner un principe doit s’assurer qu’il l’a reçu de Dieu ; qu’il le possède par enseignement divin. Et qu’est-ce qui témoigne qu’il l’a reçu de Dieu ? Lorsqu’un homme possède la vérité, il ne craint pas de la considérer toujours de nouveau. Il ne va pas comme Balaam s’enquérir au sujet de sa propre volonté, quand Dieu lui a donné une réponse simple. Mais je dis qu’un homme qui a la vérité peut supporter d’être passé au crible et examiné, parce qu’il est parfaitement certain que cette vérité révélée de Dieu est l’objet de sa foi. Et cependant il n’est pas capable de répondre aux objections de chacun. Il cherchera à estimer modérément les difficultés des autres, mais, alors même qu’il ne pourrait les résoudre, cela ne diminuerait pas sa conviction de la vérité. Je puis avoir une parfaite certitude que je suis vivant, mais si quelqu’un me demandait d’expliquer comment je sais que je suis vivant, je pourrais avoir quelque difficulté à donner des raisons convenables pour convaincre mon interlocuteur ; mais cela n’empêche pas ce fait d’être certain, et moi-même d’en être convaincu. Dans sa conscience celui qui soulève l’objection sait cependant parfaitement bien qu’il dit une folie. Il sait que raisonner à l’encontre de la vérité en accumulant des sophismes, n’a pas de sens. Assurément, mes chers amis, dans les choses de Dieu nous ne pouvons nous permettre un tel esprit : mais nous devons toujours traiter les contradictions à la vérité comme un péché. En même temps si vous avez la certitude de posséder la vérité de Dieu vous pouvez et devez user de patience envers les autres ; et vous agirez sagement en évitant de les attaquer. Cela ne peut qu’exciter l’animosité des autres. Dieu, qui vous a amenés à Lui et a fait de vous un adorateur, en a agi de même envers tous ses enfants en sorte que ce qui est selon Dieu pour un chrétien doit l’être pour tous. Si votre oeil est simple, vous ne craindrez pas la lumière de Dieu. Vous prendrez plaisir à consulter la Parole de Dieu pour voir si en cela vous la suivez — si réellement, selon la description que le Seigneur fait d’un vrai adorateur, vous adorez le Père en Esprit et en vérité.
De ces observations il résulte évidemment que le premier trait d’un adorateur est non seulement d’être réellement un enfant de Dieu, mais d’en avoir conscience. Celui qui, tout en étant un vrai enfant de Dieu, en doute (et beaucoup sont dans ce cas) ne peut pratiquement adorer Dieu tant qu’il est dans cet état. Ce qu’il lui faut, c’est de comprendre mieux la vérité, ou plutôt de connaître mieux l’Évangile. Il peut être un croyant, mais il est loin d’être au clair : il ne connaît nullement la liberté chrétienne. Supposons que dans cet état il prenne sa place au milieu des adorateurs ; il s’associe à des expressions qui sont tout à fait au-dessus de sa propre expérience, qui dépassent sa foi : il serait par conséquent en danger de paraître plus ou moins hypocrite lorsqu’il dit au Seigneur combien il se réjouit en Lui et en Son salut, alors qu’il ne s’en réjouit point ; qu’il n’a pas de doutes, alors qu’il en a ; qu’il chante avec une grande joie que toutes ses craintes ont pris fin, alors qu’il est plongé dans l’anxiété. Il est évident qu’une telle condition n’est en rien d’accord avec la simplicité et la vérité qui doivent caractériser les chrétiens. Il est dû, selon l’Écriture, à la gloire de Dieu que l’Assemblée de Dieu et le culte de l’Assemblée soient plus brillants que la lumière du soleil ; aussi vrais que peut les réaliser la rédemption connue et reçue dans une bonne conscience, et unie à la puissance de l’Esprit de Dieu dans le coeur du croyant. Je dis donc que tant qu’un homme est dans une condition aussi malheureuse, la sagesse lui suggérera de ne pas s’approcher de la table du Seigneur qui est le grand centre du culte chrétien. De même l’amour ne l’appellera pas non plus à participer à ce repas qui est nécessairement l’expression de la paix parfaite, du repos dans le Seigneur Jésus, de la jouissance de Sa grâce, de l’attente de Son retour.
Que faut-il faire pour les âmes qui sont dans un tel état ? C’est là que vient l’enseignement chrétien et l’instruction donnée par le Seigneur. Après tout, sans aller plus loin, on la trouve lorsque l’Évangile est annoncé dans sa plénitude. Je ne parle pas ici de vérités plus ou moins cachées, mais de ce que la conscience de chaque chrétien doit reconnaître comme étant la vérité puisque cela est tiré de la Parole de Dieu.
D’où vient alors que beaucoup de chrétiens ne goûtent pas le plein témoignage de la grâce dans la rédemption ? C’est qu’ils préfèrent l’obscur crépuscule du judaïsme et la vague incertitude dans laquelle il laisse l’âme. La raison morale en est évidente ; lorsque les hommes sont enveloppés de brouillard, ils peuvent céder aux attraits de l’homme naturel et jouir des plaisirs terrestres sans remords. Comprenez-moi bien. Je crois que l’intention de Dieu est que ses enfants soient parfaitement heureux et marchent en liberté. Mais cette liberté est l’affranchissement du péché pour servir le Seigneur. C’est une jouissance toujours croissante pour le coeur de faire la volonté de Dieu, en s’attachant à Lui, en apprenant à connaître plus parfaitement Sa volonté et en renonçant à soi-même pour glorifier le Seigneur Jésus.
Nous savons que le diable essaye de nous présenter chaque vérité comme un sujet obscur ou comme un effort pénible. Il n’en est pas ainsi : sous la loi régnaient l’obscurité, la condamnation et la mort, mais l’Évangile nous révèle une vie qui jouit de la liberté et de la lumière dans la présence de Dieu. C’est précisément là que les hommes se trompent. Ils ne peuvent concevoir l’obéissance chrétienne que comme l’obéissance à des commandements contraires à nos désirs. Je n’hésite pas à dire que telle n’est jamais l’obéissance d’un chrétien, comme ce ne fut jamais celle de Christ ; et Christ décide toujours de ce qui est la vérité pour un chrétien. Lorsqu’un croyant a reçu Christ, la nouvelle vie qu’il possède trouve son plaisir à faire la volonté de Dieu, et est profondément affligée toutes les fois qu’elle oublie ou agit contrairement à sa Parole.
C’est ici qu’apparaît le rapport de cette nouvelle vie avec le culte. Nous savons, hélas ! qu’un chrétien peut glisser dans le mal, et de là par conséquent provient le besoin de se juger soi-même ; or si le jugement de soi-même n’a pas lieu, le niveau du culte étant abaissé, ce dernier devient une formalité sans réalité. Si nous vivons par l’Esprit, notre marche doit être en rapport avec cette vérité, sinon nous cesserons bientôt de rendre culte. Ainsi au lieu d’être une assemblée de croyants qui jouissent librement et pleinement de la grâce de Dieu, nous vivrons dans les gémissements, les soupirs et les regrets, ce qui peut être nécessaire et juste pour chacun en particulier, quelquefois même aussi pour toute l’Assemblée, mais cette humiliation est la triste substitution d’un autre service à celui du culte chrétien.
Ayant pour objet de parler du culte, j’insiste sur ce point-ci : tous ceux d’entre vous, enfants de Dieu, qui ne cherchez pas à prendre la place de vrais adorateurs adorant le Père, place qui vous est donnée par la Parole du Seigneur, vous perdez votre temps sur la terre ; vous oubliez vos plus doux privilèges. Je ne vous donne aucun conseil, je ne vous dis pas où aller, ni que faire, ni avec qui vous associer, mais seulement ceci : consultez à ce sujet la Parole de Dieu pour vous-mêmes. Si vous en craignez le contact, si vous ne voulez pas suivre ses directions, c’est parce que vous avez mauvaise conscience. Rappelez-vous pourquoi vous êtes mis à part. N’estimez rien autant que la gloire de Christ, ne cherchez aucune autre autorité que celle de la volonté révélée de Dieu.
J’insiste aussi sur ceci, chers amis : si vous mêlez chrétiens et non chrétiens, gens du monde et croyants, il ne peut pas y avoir pour vous de culte chrétien ; depuis que le Seigneur en a défini la nature, il n’y a jamais eu ni ne peut y avoir de culte chrétien là où existe un tel mélange. Le résultat pratique n’est pas que les gens du monde seront élevés jusqu’au niveau et à la puissance du culte en Esprit et en vérité, mais que les chrétiens devront descendre jusqu’au niveau des gens du monde. C’est-à-dire que vous abandonnez tous vos propres privilèges ; et pour quoi ? et d’après quelle autorité ? Il n’y a pas de chose plus terrible que de mettre un tel langage, le langage de la communion chrétienne, sur les lèvres d’hommes éloignés de Dieu. Chez le plus grand nombre, même chez ceux qui sont appelés évangéliques, le culte est pratiquement aussi bien qu’en principe, à peine connu. Ceux qui ont les formes extérieures le maintiennent nominalement, mais à un niveau terrestre et presque entièrement sans réalité ; c’est pour la plus grande partie une sorte de mouvement galvanique inconscient, communiqué parmi les morts ; chose fatale pour l’homme et profane aux yeux de Dieu.
En effet, c’est la vie divine et la rédemption qui doivent être à la base du culte ; et l’Esprit de Dieu est la puissance qui dirige ce dernier. Il est adressé d’une part à notre Dieu et Père au nom du Seigneur Jésus ; il est offert d’autre part sur le principe de l’unité du corps de Christ. Il est essentiellement au-dessus de la mesquinerie des sectes et il faudrait que son vrai caractère meure et disparaisse avant qu’il soit destiné à exprimer des vues particulières. Lorsque Dieu forma Son Assemblée sur la terre, il n’était nullement question de faire un exposé humain de doctrines ou un code de préceptes ; il ne doit pas non plus en être ainsi aujourd’hui. L’Assemblée de Dieu est la meilleure école de doctrine, car pratiquement nous y apprenons nous-mêmes et d’autres avec nous, comme nulle part ailleurs ; mais c’est l’oeuvre de Dieu que l’on n’apprend pas avant d’être entré dans le sanctuaire. De nos jours les hommes apportent constamment leurs propres idées dans l’Assemblée au lieu de former leurs jugements d’après l’enseignement de l’Esprit de Dieu dans ce lieu de lumière et de vérité. Je maintiens qu’en agissant ainsi, vous ne pourrez jamais avoir raison ; et par conséquent, loin d’attacher une valeur quelconque aux prescriptions de ceux qui vous instruisent, je vous supplie de ne penser qu’à Christ, avant de venir chercher pour le culte la communion de ceux qui Lui appartiennent.
Un grand nombre, ne voyant pas cela, s’adonnent à des théories avant de prendre leur place d’adorateurs. Mais c’est en vain. Ils sont toujours en danger de faire fausse route dans les détails les plus importants. Il n’est jamais sage de bâtir des théories indépendantes des faits de l’Écriture ; et nul ne peut douter de ce que ces faits enseignent. Soyez certains de ne jamais avoir une vraie intelligence tant que vous n’avez pas pris la place d’une vraie obéissance. Toute vraie intelligence, quand il s’agit des choses divines, vient de la foi et ne peut être séparée de notre état moral. Le résultat de l’obéissance et le fruit du jugement de soi-même par la Parole de Dieu, c’est qu’on ne s’imagine pas pouvoir juger des choses de Dieu par soi-même. C’est ce que font les gens qui voudraient être intelligents avant de recevoir et de n’être quelque chose que par Jésus-Christ. C’est là ce que je crois être le vrai chemin pour nous tous. Le Seigneur commence par humilier les âmes et les élève ensuite ; ceux qui s’abaissent ont cette précieuse promesse. Le vrai chemin est Christ ; ne venez pas avec des vues et des jugements déjà tout prêts, mais contentez-vous seulement de cette vérité : Dieu en grâce m’a rencontré au milieu de ma folie et de mes péchés, et Il m’a donné Christ. Après l’amour qu’Il m’a montré dans la rédemption, il n’y a rien que je ne désire apprendre d’un tel Dieu, et il n’y a rien que Son amour ne veuille me révéler. Ainsi la grâce nous fait désirer non seulement de recevoir, mais aussi d’être actif pour Son nom.
Disons maintenant un mot sur l’objet du culte. Vous trouverez dans l’Écriture que le Dieu et Père du Seigneur Jésus y a habituellement la première place. Par exemple dans ce chapitre 4 de l’évangile de Jean, Il est Celui que le Seigneur Jésus met en avant. Mais il ne faut pas en conclure que le Fils de Dieu ne soit pas un objet de culte comme le Père. La raison pour laquelle le Fils ne pouvait pas être mis en avant en Jean 4 est manifeste : c’était le Fils lui-même qui parlait et, comme Il venait pour glorifier le Père, il était naturel et nécessaire qu’Il ne traitât pas de Sa propre gloire. Le Saint Esprit ne parla pas non plus de sa propre gloire lorsqu’il fut envoyé du ciel à la Pentecôte pour glorifier Christ. Prenons le premier chapitre des Actes, après que Christ fut monté au ciel. Les disciples ayant à désigner un apôtre à la place de Judas ont aussitôt recours — non pas au Père, mais au Seigneur. Et lorsque Étienne se met à genoux, au moment de mourir, il demande au Seigneur, non au Père, de recevoir son esprit. De même lorsqu’une bénédiction spéciale est demandée dans la Parole pour les saints, que ce soit l’Assemblée ou les individus, elle est toujours demandée à Dieu le Père et au Seigneur Jésus Christ.
Le culte qui ne s’adresse qu’au Père n’est pas complet. Nous voyons dans l’Écriture que ce ne sont pas seulement les anges qui rendent hommage au Seigneur Jésus, mais que les saints glorifiés louent le Seigneur Dieu et l’Agneau. Nous avons dans l’Apocalypse une révélation approfondie du culte que nous devons rendre lorsque nous sommes ainsi dans la présence de Dieu : les chapitres 4 et 5 l’expliquent clairement en nous décrivant cette scène céleste ; le premier de tous à recevoir l’hommage est Dieu comme tel, le Seigneur Dieu Tout Puissant. Le chapitre 4 parle de voies terrestres et de jugements, et le Seigneur Dieu Tout Puissant dont l’univers entier est le domaine, est ainsi adoré. Mais dans le chapitre 5, il y a progrès. Les anciens adressent leur cantique de louange en premier lieu et très spécialement à l’Agneau : «Tu es digne de prendre le livre» ; et cela dans la présence même de Dieu le Père. Il est dit ailleurs : «Que tous les anges de Dieu lui rendent hommage» ; mais tous les anciens, tous les rachetés l’adorent aussi ; ceux qui ont la connaissance la plus élevée de Sa pensée l’adorent personnellement : «Tu es digne de prendre le livre». C’est assurément l’affirmation la plus complète. Il ne sert à rien de dire que tout ceci est une scène future. Pourquoi nous est-elle révélée maintenant ? quel est le but de Dieu en révélant ce qui doit arriver, sinon d’agir maintenant sur nos âmes ? Ce n’est pas simplement pour nous informer de quelque chose qui arrivera bientôt, mais pour donner à nos coeurs une communion actuelle de pensée avec Lui et nous peindre ainsi le tableau du culte qui convient aux saints, c’est-à-dire d’un culte pleinement céleste. Je pense et j’ai confiance que tous mes lecteurs comprendront clairement que le culte de l’Agneau, du Seigneur Jésus, de Celui qui pour nous est mort et ressuscité, est aussi conforme à l’Écriture que le culte du Père.
Pour notre bénédiction actuelle, il est évident que la conscience de posséder le Saint Esprit et l’assurance directe qu’il nous conduit, maintenant que nous connaissons le Père et le Fils, sont d’une importance vitale. Je dirai encore quelques mots sur ce sujet. Comment des chrétiens qui se réunissent, sauront-ils de quelle manière il leur faut rendre culte ? Je vous demande ceci : Ne savez-vous pas que le Saint Esprit a été envoyé ici-bas dans le but exprès de diriger les enfants de Dieu ? Certainement s’il les conduit dans leur service et leur marche, il ne prend pas un moindre intérêt et une place moins active dans leur culte. De là vient que dans 1 Cor. 14, lorsque l’Assemblée des enfants de Dieu se réunit, vous trouvez la bénédiction et la louange aussi bien que la prière. Ce n’est pas seulement l’exercice des dons dans le ministère ou le chant. Les éléments variés du culte sont tous introduits. Car qu’est-ce qui peut être plus précieux que de recevoir la bénédiction et de rendre la louange ? C’est pourquoi l’Esprit de Dieu est aussi bien la puissance pratique dans l’Assemblée que dans les individus. La volonté de l’homme est la misère même. L’Esprit seul peut nous conduire dans le droit chemin. Par conséquent, tandis que le service pour répondre aux besoins a sa place, il y a des temps où l’Esprit dispose nos coeurs au culte. Dieu, comme tel, peut être devant nos yeux. C’est tout à fait juste et vrai, comme cela plus que tout autre objet peut être exactement à propos. En une occasion le Père peut être davantage devant nos coeurs, en un autre moment, l’Agneau, le Seigneur Jésus Christ.
Je ne crois pas que ces choses puissent être le moins du monde établies par l’esprit de l’homme, ni qu’il puisse y avoir des règles quelconques à ce sujet ; mais le discernement spirituel entretenu aussi bien que formé par la Parole de Dieu sentira et possédera ce qu’il faut pour le moment convenable. C’est sans doute très difficile ; mais l’Assemblée de Dieu n’est pas censée nous décharger des difficultés, mais elle est exercée dans ce qui serait entièrement impossible à la nature humaine. Abandonnez ce principe et vous faites simplement de l’Assemblée un terrain pour l’exercice de la chair et du monde. Vous dégradez et ruinez le culte de Dieu du moment qu’il n’est pas soutenu par la puissance divine qui seule en est capable, et par l’Esprit divin auquel seul nous avons le besoin de nous confier.
Quelle bénédiction pour les croyants s’ils sont réellement fidèles au Seigneur, d’occuper la place où Lui les veut, de travailler selon l’amour de Son coeur, de s’associer à un culte qui ne demande rien d’autre que la présence du Seigneur et la puissance de l’Esprit de Dieu. Il est clair par conséquent qu’un incrédule, ou un croyant non encore affranchi de la loi, apporterait dans un tel culte un élément de trouble et de désordre. Mais alors, s’il y a de la spiritualité dans une assemblée, le mal sera découvert et supprimé en temps voulu, sans qu’il y faille de la hâte. Vous connaissez la patience du Seigneur qui sait comment manifester pour Sa gloire toutes choses au moment convenable. Il ne faut en aucun cas, avons-nous dit, de la hâte ; mais toujours l’exercice de la dépendance et la confiance en Dieu : La grâce et l’amour gardent et garderont les coeurs des enfants de Dieu.
Puisse-t-Il nous accorder de tenir ferme, de chercher à Le connaître mieux, et de prendre la place la plus élevée qui puisse appartenir aux chrétiens sur la terre — la place d’adorateurs qui, s’ils se réjouissent de rendre culte au Père qui les a appelés et s’est révélé Lui-même en Christ, doivent adorer Dieu, selon les exigences de Sa sainteté, en Esprit et en vérité !