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Entretiens sur le livre de Job
par William Kelly
TABLE DES MATIÈRES
Mon but, en considérant aujourd’hui le livre de Job, est d’ordre général. Je désire aider les âmes à mieux comprendre un livre plein d’intérêt et d’un grand profit pratique, mais qui, pour la plupart, n’est pas très facile à saisir, soit dans son but et sa portée d’ensemble, soit dans la manière dont ses différentes parties concourent à atteindre ce but. Rien ne peut remplacer pour nos âmes l’étude constante et habituelle de la Parole de Dieu. De fait, le ministère serait une chose positivement nuisible, au lieu d’être une bénédiction, s’il n’avait pas pour effet de nous rendre cette Parole plus précieuse, de nous y faire mieux pénétrer, et d’amener ainsi notre âme à jouir davantage de Dieu lui-même. Telle est exactement la mesure de la valeur d’un tel ministère, en tous cas de celui qui a pour but l’interprétation des Écritures, car toute vérité doit, en fin de compte, reposer sur cette Parole. Il est certain que non seulement celle-ci est la source et le réservoir de la vérité, mais que Dieu seul peut, par son moyen, présenter cette dernière parfaitement et en puissance vivante. C’est pourquoi lorsqu’une vérité est séparée de celles qui l’accompagnent dans les Écritures, il y a toujours du danger. Il ressort de ce fait qu’il est de la plus haute importance pour nos âmes de nous appliquer à la lecture suivie de la Parole de Dieu. Je ne veux pas dire comme affaire d’intelligence seulement, mais pour le maintien d’une saine condition spirituelle, et afin que nous soyons rafraîchis de jour en jour par cette lecture de la Parole. Dans ce but, il est cependant d’un très grand secours pour nous d’être rendus capables, par la grâce de Dieu, d’embrasser la Parole comme un tout, au lieu de ne recueillir que la bénédiction offerte par certaines de ses parties, dont nous réalisons tous la valeur, en tant que communications isolées de la part de Dieu. En ce moment, toutefois, mon désir, est d’aider le lecteur à acquérir une idée générale du but que le Saint Esprit avait en vue pour le peuple de Dieu, en nous donnant le livre de Job.
Le premier fait qu’il est bon de retenir est que ce livre fut écrit dans les temps les plus reculés de la révélation divine. Il serait hasardé de dire qu’aucun livre de l’Écriture l’ait précédé. Que l’écrivain du livre de Job (je dis : écrivain avec intention, car Dieu est sans nul doute l’Auteur réel de toute Écriture), que celui qui a été employé pour nous donner ce livre fût contemporain de Moïse, si ce n’est Moïse lui-même, paraît assez vraisemblable. On ne peut naturellement formuler que des conjectures sur un tel point. L’Écriture ne nous fait pas connaître l’auteur du livre, et, à mon avis, il ne conviendrait à personne d’émettre une assertion formelle à ce sujet. Il est bon de s’en tenir à l’appréciation morale du caractère du livre qui nous occupe, selon que le Seigneur nous en rend capables, sans discuter pour le moment d’autres marques extérieures. Néanmoins, il est très clair que, soit que Moïse en soit l’auteur inspiré, soit que cet auteur ait été son contemporain, les événements qui ont servi de cadre au livre de Job ont eu lieu à une époque antérieure à celle de Moïse. De plus, nous ne devons pas douter qu’il ne nous donne un récit authentique, une histoire réelle de Job et de ses amis. Ainsi nous apprenons par le livre lui-même que la vie de Job fut prolongée après son épreuve, et il était loin d’être jeune lorsqu’il dut la traverser. Nous pouvons donc en conclure que, à moins qu’il n’y eût dans le fait de son âge une exception spéciale, ce dont l’Écriture ne nous parle jamais, Job doit avoir vécu avant Moïse. De plus, ce dernier lui-même était une exception, et l’Écriture signale sa longue vie comme un fait remarquable en son temps ; car il ressort certainement de ses propres paroles et de sa prière au Psaume 90 que, à cette époque déjà, l’âge de l’homme, en règle générale, avait été réduit à peu près à la limite qu’il a aujourd’hui. Moïse se trouvait à bien des égards en dehors de la condition des hommes de son temps, même à un point de vue extérieur, sans parler ici de sa foi : car il est clair que lui et son frère étaient de remarquables exceptions. Cependant, à en juger par la manière dont les faits sont énoncés, Job doit avoir vécu un peu avant eux.
Il y a une autre chose plus importante encore à considérer, avant que nous entrions dans l’étude de ce livre : Job vivait en dehors du peuple élu. C’est là assurément un fait surprenant au sein d’une révélation qui a ses racines en Israël. Pour cette raison même, l’Ancien Testament est appelé «La Loi». Non seulement le Pentateuque, ou les Psaumes, ou les Prophètes, mais le Livre entier, comme nous le savons, est à maintes reprises et formellement désigné sous ce titre. La raison de cela se trouve dans le fait que la révélation, donnée plus tard au peuple qui avait reçu la Loi de Dieu, revêtait ce caractère. Chaque partie de l’Ancien Testament tirait son nom du fait central caractéristique que la loi avait été donnée par Moïse ; et cependant, il y avait, dès les jours les plus anciens, un livre au moins dont le personnage principal était l’objet du plus profond intérêt de la part de Dieu, et dont Dieu parle en termes qu’il n’a jamais appliqués même aux «pères».
Abraham pouvait être appelé «l’ami de Dieu» et tel est le nom qui lui est donné (Ésaïe 41:8 ; Jacq. 2:23). Néanmoins Abraham lui-même n’a pas retenu à ce point l’attention de Dieu, ni n’a été signalé à Satan comme digne d’être éprouvé, ainsi que Job le fut. Rien n’est plus frappant, me semble-t-il, que le soin avec lequel Dieu met les siens en garde contre les effets d’un ordre de choses légal, propre à rétrécir le cœur. Il allait donner la loi par Moïse, et faire d’un peuple de peu d’importance et habitant un petit pays l’objet particulier de ses voies. Ses dispensations à l’égard de ce peuple devaient se poursuivre pendant des siècles et n’avaient nullement un caractère passager. Il voulait qu’Israël fût son peuple à toujours. Or, en ce moment même, pas plus tard que l’appel adressé à Moïse, ni que la promulgation de la loi, Dieu nous donne un livre entièrement consacré à une seule personne, à un seul individu. Le peuple élu ne doit pas oublier la grande vérité que Dieu s’intéresse profondément à une seule âme. Or c’est là assurément le piège dans lequel Israël est tombé, malgré le livre de Job. Toutefois Dieu a pris soin que son peuple possédât ce livre, tout aussi bien que le Pentateuque.
Dans la Genèse, toutes les voies divines préparent l’appel du peuple élu. Lorsque la loi fut donnée, Dieu traitait les nations comme étant entièrement en dehors ; telle était leur position. Hélas ! nous voyons ensuite Israël devenant toujours plus étroit dans ses affections, et refusant de reconnaître qu’un Gentil fût autre chose qu’un chien aux yeux de Dieu. C’est ainsi que ce peuple fermait ses entrailles à tous les autres, et manifestait de toute manière ce que Dieu avait pourtant pris soin de corriger et de condamner même dans la loi. En effet, nous pouvons constater que, dans ce livre très remarquable donné avant la loi, Dieu met son peuple en garde contre le piège dans lequel il est tombé plus tard. N’est-ce pas là une justification bénie et anticipée du caractère de Dieu ? Job était un Gentil et, à en juger par son lieu d’habitation, il semblait appartenir à un peuple des moins favorisés. Le pays d’Uts est lié par le prophète Jérémie à la terre d’Édom (Lam. 4:21). Rien ne pouvait être plus suspect pour un Israélite. S’il y avait un peuple rempli de haine contre les Juifs, c’étaient bien les Édomites, et ce n’était pas là un trait nouveau dans leur caractère moral. Cela ne veut pas dire que Job fût un Édomite. Néanmoins, pour un Juif prêt à s’enflammer contre tout ce qui ne reconnaissait pas la place particulière du peuple élu, son lieu d’origine était suspect ; il était, en effet, aux frontières du pays d’Édom. Or le lecteur de la Bible sait que la haine de ce dernier s’était manifestée contre Israël dès les premiers jours, même chez ses ancêtres. Cette hostilité s’était perpétuée chez ses descendants, et se manifesta jusqu’à la fin de son histoire, depuis la Genèse à Malachie. L’inimitié d’Édom contre Israël, sans parler de celle d’Israël contre Édom, n’avait jamais disparu. Cette inimitié se trouve communément chez ceux qui n’ont ni Dieu, ni sa bénédiction, à l’égard de ceux qui sont bénis de Lui. Il en était donc ainsi d’Édom, et son état demeurait tel. Aussi le Juif était-il d’autant plus apte à sentir la valeur d’un témoignage dont un homme qui vivait près de ses frontières était l’objet.
Or la grâce de Dieu s’était plu à opérer dans cet homme. Nous avons ainsi le grand fait qu’une âme solitaire était l’objet du plus profond intérêt de la part de Dieu lui-même, et cela nous est révélé dans Sa Parole et ne demeure pas caché dans Son cœur. Il y avait beaucoup plus encore. Dieu avait un dessein sage et digne de sa gloire, en permettant que cette histoire nous fût donnée dans les Écritures. Il voulait qu’elle fût la révélation de sa sollicitude pour Job, sollicitude qu’Il communiqua immédiatement au ciel, et que sa Parole nous révèle pour tous les temps. Aussi, lorsque vint le jour où Israël perdit sa place privilégiée et où la puissante grâce de Dieu ne put être retenue plus longtemps dans les canaux étroits que son gouvernement s’était plu à employer jusqu’alors, ce livre était là pour prouver que cette grâce n’était pas une pensée nouvelle en Dieu. Lorsque le moment fut arrivé où sa grâce entreprit d’opérer pour la gloire de son Nom, dans la Personne de Celui qui descendit lui-même ici-bas pour la faire connaître et déborder par son œuvre, selon les grandes pensées et les desseins de Dieu, — ce livre pouvait être immédiatement cité comme témoignage de sa miséricorde condescendante envers ceux qui étaient en dehors d’Israël. Le Juif pouvait-il trouver cela étrange ? Oserait-il, en ayant le livre de Job sous les yeux, affirmer que Dieu n’avait aucune pensée de grâce pour un Gentil ? Où y a-t-il eu dans le passé un homme dont Dieu ait parlé autant et en termes aussi élevés que Job ? On peut chercher dans tous les livres de l’Ancien Testament : y trouvera-t-on un homme auquel Dieu consacre un livre tout entier pour nous raconter ses expériences ?
Ce fait est si extraordinaire qu’un des porte-paroles du judaïsme moderne, toujours à la tête de l’incrédulité, dit que Job ne peut avoir été un personnage réel, vu qu’il est impossible que Dieu ait parlé en termes semblables d’un Gentil. C’est en cela, au contraire, que se trouvent la force et la beauté de ce livre. Il nous parle d’un homme réel, ainsi que le confirment le prophète Ézéchiel (14:14, 20) et l’apôtre Jacques (5:11), d’un homme qui a vécu en dehors du peuple élu, mais en qui néanmoins Dieu a opéré dans sa grâce pour l’admiration du ciel. Cette grâce a provoqué la malice de Satan, et a donné lieu à une épreuve inouïe, de telle sorte que fût manifestée l’œuvre divine la plus réelle qui pût être vue dans un homme avant la venue de Christ. Il ne s’agissait pas d’un acte de foi isolé, comme nous le voyons dans l’épreuve d’Abraham, abandonnant, à Sa parole, ce qui était le plus précieux pour son cœur et avait été donné de Dieu pour des buts glorieux et bénis. Dans le cas de Job, il fut permis à Satan de déchaîner sa puissance maligne et destructrice sur les biens, la famille et la personne de cet homme de Dieu. Cette épreuve fut suivie de la plus grande angoisse et des plus profonds exercices d’âme de Job devant Dieu. Quelle détresse plus terrible pouvait-il y avoir avant la venue de l’homme parfait qui souffrit plus que tous pour la justice, et souffrit seul pour le péché, selon ce qu’il méritait de la part de Dieu. En Job, nous voyons ce que l’homme peut être appelé à traverser. Son livre est la révélation des voies de Dieu envers les âmes ; il nous montre comment Dieu fait concourir toutes choses au bien des siens, tout en manifestant la victoire sur Satan et les manquements des hommes et des saints. Le tableau de tous ces principes passe devant nos yeux dans ce livre. Mais, à la fin, Dieu montre ce qu’Il est, à savoir un Dieu plein de miséricorde et de tendre compassion.
En premier lieu toutefois, Job lui-même est placé devant nous. Nous voyons en lui un homme sincère, vrai et sans reproche ; il jouit de tous les éléments du bonheur sur la terre : il est béni dans ses circonstances, aussi bien que dans sa famille, et marche habituellement dans la crainte de Dieu. Le fait qu’il était «plus grand que tous les fils de l’Orient» donne d’autant plus d’importance à son épreuve. Mais n’était-il pas béni de Dieu ? Oui, dans une mesure abondante. Il avait sept fils et trois filles. Il avait une part très grande aux biens qui, aux premiers jours et dans ces contrées-là, constituaient les richesses des hommes. Ce n’est donc pas un pèlerin et un étranger que nous trouvons en Job. C’était à cela que Dieu avait appelé les patriarches ; mais Job n’était pas l’un d’eux. Il était en dehors de l’alliance faite avec Abraham, quoique béni de Dieu et d’une façon expresse et évidente. Sans nul doute, Dieu bénissait les patriarches, mais tout en étant fidèle à ses promesses, Il ne s’était jamais engagé à ne pas sortir de leur sphère. C’est là ce que nous voyons en Job, et c’est exactement ce que la grâce se plaît à faire ; elle n’est jamais limitée aux promesses. Tout en accomplissant ces dernières, comme elle le fera très certainement bientôt de la manière la plus complète et à la vue du monde entier, la grâce maintient son droit à bénir au-delà de cette limite. Les alliances ne sont nullement la mesure de la grâce ; celle-ci peut s’étendre dans sa propre puissance illimitée là où la promesse ne peut la suivre. Il n’y a aucune excuse, pour nous tout au moins, si nous ignorons cette vérité, car, comme chrétiens individuellement, aussi bien que comme Assemblée de Dieu, nous sommes amenés en Christ, à la gloire de Dieu, dans une plénitude de bénédiction incomparablement supérieure aux promesses faites aux pères. De fait, une des plus tristes causes de l’état de ruine de la Chrétienté et de la pauvreté de l’enseignement qu’y reçoivent les âmes, gît dans le fait que les hommes s’élèvent rarement au-dessus de ces promesses. Cela est vrai, même de ceux qui retiennent ce que l’on nomme la doctrine évangélique ; car l’essence même de cette dernière, comme système, est de nier la faveur et la gloire spéciales révélées dans le mystère de Christ et de l’Assemblée, en faisant de la loi la règle de la vie chrétienne. On rabaisse ainsi le Nouveau Testament au niveau de l’Ancien, au lieu de comprendre que chacun d’eux a son propre caractère et son but distinct. Il n’est donc pas question simplement pour nous de promesses pour la terre, ni même d’une promesse plus grande et plus élevée que celles qui ont été faites aux pères. Il y avait de toute éternité un secret caché en Dieu, lequel n’a pas été donné à connaître en d’autres générations ; aussi nos bénédictions infinies en Christ n’étaient pas l’objet de promesses révélées à l’homme en aucune manière. Si ces bénédictions doivent être appelées de ce nom, elles étaient une promesse entre le Père et le Fils, mais ce n’est pas là ce que les hommes entendent généralement par ce mot. Elle était entièrement en dehors d’Abraham, d’Isaac ou de Jacob. Que connaissaient-ils du dessein de Dieu relatif à la gloire céleste, révélé par l’Esprit, et qui existait entre le Père et le Fils ? Mais maintenant ce dessein est donné à connaître, et c’est en cela que se trouve précisément le caractère entièrement nouveau du Nouveau Testament. Il était impossible que cette révélation eût lieu tant que Dieu poursuivait ses voies envers Israël, tant que l’œuvre de la rédemption n’avait pas encore été accomplie par un Christ rejeté, et que le Saint Esprit n’avait pas encore été envoyé du ciel, comme fruit de cette œuvre, pour baptiser en un seul corps les Juifs et les Gentils croyants. Le mystère, caché en Dieu jusqu’au temps de sa pleine révélation, consiste dans le fait que Christ a été exalté en haut, et que l’Église lui est unie. Dieu nous le fait connaître, à nous, Gentils, qui, moins que tous les autres, pouvions nous attendre à une telle part, car Il voulait ainsi manifester la plénitude de sa grâce à tous égards. Dans son caractère céleste, cette grâce s’élève absolument au-dessus des promesses faites aux pères, quelque honorés qu’ils fussent. Sous son aspect terrestre, elle dépasse entièrement les enfants d’Israël, dans le déploiement d’une miséricorde qui ne fait aucune différence, et qui, par conséquent, trouve ses objets parmi les plus méprisés et les plus abjects, non seulement pour les sauver, mais pour les unir à leur Chef céleste.
Nous trouvons donc ici Job dans la position la plus marquée d’un homme, béni de Dieu en tout ce que son cœur pouvait désirer. Il n’est pas nécessaire de rappeler que cette bénédiction n’aurait pas été stable si l’élément divin y avait manqué ; dans ce cas, il n’y a que piège et déception. En quoi consistait cet élément selon Dieu ? Job était «parfait et droit, craignant Dieu et se retirant du mal» (Job 1:1). Il n’était pas un homme à angles vifs, partial, défectueux à certains égards et remarquable par quelques qualités. Il était intègre et d’un cœur entier pour Dieu ; ce caractère moral était fondé sur la crainte de Dieu et avait pour trait distinctif le rejet du mal. Sa vie intérieure et sa vie extérieure étaient toutes deux sans reproche. Le mot «parfait» ne donne aucun fondement quelconque à la doctrine insensée de la disparition du péché dans la chair. Telle n’est pas la portée de ce mot dans l’Écriture, mais c’est un caractère spirituel complet avec l’intégrité. Job craignait Dieu et se retirait du mal. C’était là le secret de sa vie. Il donnait à Dieu sa place, et abhorrait le mal qui l’entourait ici-bas et qui était opposé à Dieu. Assurément, il était né de Dieu et marchait avec simplicité et un cœur droit devant Lui. Cela ne nous est pas dit de lui d’une manière générale seulement. Sa position est placée devant nous, ainsi que ses circonstances de famille, avec une beauté remarquable ; de même sa piété zélée et, nous pouvons le dire, pleine de jalousie pour la gloire de Dieu. Car même si ses fils et ses filles se réunissaient en des occasions spéciales, à quoi Job pensait-il ? Il avait une crainte à cet égard. Combien souvent de tels rassemblements ne sont-ils pas des moments de danger pour l’âme ! Combien facilement ils ouvrent la porte à Satan ! Aussi Job craignait que quelque chose ne fût survenu qui fût un reniement effectif des droits de Dieu, et que ses enfants ne l’eussent maudit dans leurs cœurs. Nous n’avons pas besoin de supposer que des paroles mauvaises fussent formellement proférées, ni des actes coupables commis, mais que le cœur des enfants de Job ne fût entraîné, en de tels moments, à s’éloigner de Lui par manque de vigilance. «Job envoyait vers eux et les sanctifiait : il se levait de bonne heure le matin et offrait des holocaustes selon leur nombre à tous» (1:5).
Et cela n’avait pas lieu seulement en quelque occasion particulière, ou dans quelque crise spéciale dans lesquelles ses fils étaient exposés aux efforts de l’ennemi : «Job faisait toujours ainsi». C’était là un trait encore plus élevé de sa piété. Telle était la teneur de sa vie ; tel était l’homme que Dieu, dans son amour, avait spécialement distingué, ainsi que ce livre nous le prouve.
Mais il y avait encore plus. Nous devons apprendre que non seulement le mal abonde dans le monde où nous sommes, mais qu’il s’y trouve un ennemi invisible. Si nous ne tenons pas suffisamment compte, selon Dieu, de sa présence, nous courons un grand danger. Dans ce cas nous serons dans la perplexité et manquerons gravement dans l’appréciation des pièges contre lesquels nous avons à veiller et à lutter.
Il y a une autre vérité qui est mise en lumière ici, à savoir que les événements de la terre sont en intime relation avec le ciel. Maintenant, sans doute, le chrétien est admis à pénétrer dans les cieux ouverts. Mais, avant que cela fût rendu possible, comme c’est le cas aujourd’hui, par l’ascension de Christ et la descente du Saint Esprit, Dieu pouvait donner à ses saints d’autrefois des échappées sur le ciel, et Il le faisait. Non seulement aucun mouvement important des puissances terrestres n’a lieu sans la volonté du ciel, mais les premiers chapitres de notre livre nous apprennent que cela est vrai en tout ce qui concerne un saint isolé ici-bas. Satan a pu pervertir cette vérité, en la remplaçant par une astrologie mensongère, faite pour l’homme curieux mais incrédule ; cependant la vérité demeure. Le monde peut être plongé dans la confusion, les yeux des juges aveuglés ; l’oppression peut remplacer la justice, les gémissements et la misère caractériser toute la scène : néanmoins, en dépit de la tyrannie et de la rébellion, c’est dans le ciel que se trouvent la source et le centre du pouvoir. Ce n’est pas encore le moment où le mal sera abattu et où le gouvernement de Dieu sera établi en puissance ; toutefois Satan lui-même ne peut agir sans la permission de Dieu. Quelle immense consolation ! Il y a de plus un autre et plus grand réconfort pour l’enfant de Dieu, à savoir que ce n’est jamais l’adversaire, mais que c’est Dieu qui commence l’action. Il en est ainsi dans la plus terrible calamité, dans la plus extrême souffrance : Dieu est au gouvernail et dirige tout à son commandement. Il y a un autre trait de ses voies qui se rattache à ce que nous venons de dire et qui en découle. Non seulement Dieu est au commencement, mais Il se trouvera sûrement à la fin de toutes ses voies, et de même dans l’intervalle. Il met des limites à l’épreuve. Le chemin peut paraître sombre et difficile, et assurément ce livre nous montre que Job se révéla absolument incapable de supporter le creuset, car il n’était pas le Christ. Mais il apprit à la fin ce qu’il ignorait au commencement : que c’était le Dieu de grâce qui ouvrait son cœur au terme de l’épreuve et lui donnait de pouvoir Le justifier franchement et sans réserve.
Ici donc nous est révélé ce que nous n’aurions pu savoir autrement : c’était Dieu et non Satan qui avait commencé toute cette dispensation à l’égard de Job. C’était lui qui avait considéré son serviteur et le bon plaisir de son cœur à l’égard de Job (car Dieu trouve ses délices dans ses saints) avait réveillé la haine de Satan.
Nous ajouterons une autre remarque en passant. Il peut paraître singulier à quelques-uns que Satan puisse venir parmi les fils de Dieu dans le ciel, mais cela provient de l’ignorance des Écritures. À première vue, ce fait semble hors de place : Satan paraissant parmi les fils de Dieu, ce qui, sans nul doute, signifie parmi les anges en la présence de Dieu ! Mais il me paraît certain que quiconque est bien fondé dans la connaissance de la Parole comprendra que c’est là une partie du «mystère de Dieu» (Apoc. 10:7), selon lequel Il prend patience jusqu’ici, en vue des buts les plus élevés, avant d’ôter le mal. Celui qui est nourri de la pensée de Dieu révélée dans les Écritures comprendra que c’est justement ce à quoi nous pouvions nous attendre. Qui était Satan et quelle était sa condition première ? N’était-il pas au commencement parmi les fils de Dieu ? Il était l’un d’eux. Cela nous aide à comprendre comment il se fait qu’un être semblable, quoique déchu, puisse avoir accès dans la présence de Dieu, jusqu’à ce qu’ait sonné l’heure du jugement. Ce n’est pas l’homme seul qui est tombé. Il y eut une chute antérieure à la sienne, chute d’une créature plus élevée en dignité. C’est un fait, quoiqu’il y ait des hommes assez audacieux pour donner carrière à leur incrédulité, en niant la chute de l’homme, aussi bien que l’existence de Satan. Nous ne devons pas nous en étonner. Les hommes refusent aisément de croire ce qui leur déplaît ; or la vérité de la chute est offensante pour leur orgueil, et encore plus celle de leur esclavage de Satan par le péché. Mais pourquoi le fait de la chute des anges et des hommes est-il si répulsif pour l’esprit humain ? Parce qu’il est la preuve de la culpabilité et de la ruine de la créature. Cette vérité démontre aussi la faiblesse de cette dernière et la nécessité de la dépendance de Dieu. La condition première des créatures déchues avant leur chute rend un témoignage manifeste à la bonté de Dieu, avant que le mal existât, soit dans le ciel, soit sur la terre. Malgré cela la créature a abandonné son origine. En ces termes, nous apprenons à connaître Satan, le chef infatigable de la désobéissance. Il est impuissant pour séduire les saints anges élus ; il peut accuser les saints avec une apparence de vérité. Ici se rencontrent la première et la dernière révélation divine. Ainsi nous cessons de considérer comme une chose singulière et incompréhensible le fait que l’Adversaire paraît parmi les fils de Dieu en Sa présence. Hélas ! nous apprenons aussi qu’il connaissait très bien le privilège de se trouver là dans des conditions tout autres. Il avait brillé autrefois parmi les fils de Dieu. Qu’était-il maintenant ? Un être rebelle et misérable qui avait fait du moi son objet, au lieu que Dieu le fût. Maintenant le moi ne lui donnant aucune satisfaction, il déchaîne sa malice contre tous, spécialement contre les objets de l’amour de Dieu. Toute son activité a pour but de s’opposer à Dieu en haïssant l’homme et particulièrement tous ceux dans lesquels Il trouve ses délices.
N’y a-t-il cependant pas une certaine consolation pour nos cœurs dans le fait que l’inimitié de Satan, quelque amers qu’en soient les effets dans notre expérience, rend témoignage à l’amour de Dieu, car c’est ce qui l’excite contre nous ? Si nous apprenons avec douleur à connaître la réalité des efforts et des assauts de Satan, n’oublions pas, pour notre encouragement, la source d’où ils proviennent. N’est-ce pas à cause de ce que nous sommes pour Dieu ? Si nous avons le même esprit de foi que Job et si nous marchons fidèlement, Satan nous détestera autant que lui ; aussi nous avons le privilège de trouver notre consolation dans cette portion de la Parole comme dans toute autre. Les mêmes principes s’appliquent à tous les chrétiens maintenant. Christ n’a pas honte de les appeler ses frères. De plus, le Père, peut-on dire, ne manque pas de leur témoigner son amour comme à ses enfants. Chacun d’eux est l’objet du plus profond intérêt pour Dieu lui-même. Satan le sait bien, c’est pourquoi il ne peut les supporter. C’est peut-être une grande épreuve d’expérimenter ce qu’est la malice du diable, mais quelle consolation de connaître l’amour de Dieu, ainsi que ses soins de grâce, et les délices qu’Il trouve en nous. Et c’est cela cependant qui excite l’Ennemi à nous causer tout le dommage possible.
Ainsi, le jour où les fils de Dieu, les anges, vinrent pour se présenter devant Dieu, Satan parut aussi parmi eux. «Et l’Éternel dit à Satan : D’où viens-tu ?» Dieu voulait manifester les choses. Ce n’était pas, sans doute, qu’Il ignorât quoi que ce fût ; mais ici, comme dans la Genèse, nous sommes dans l’atmosphère de ces premiers jours où Dieu parlait comme à des enfants, et plaçait clairement les choses devant les siens, parce qu’ils avaient besoin du langage le plus compréhensible. C’est ainsi qu’ailleurs nous le voyons descendre ici-bas pour s’inquiéter de l’homme. Il savait parfaitement ce qui en était, sans l’appeler dans le jardin d’Éden, mais c’est pour nous qu’Il se révèle ainsi. De même, Il fut affligé dans son cœur, lorsqu’Il vit que la méchanceté de l’homme était grande sur la terre. De même aussi, lorsque les hommes s’unissent pour bâtir une cité et une tour, ou lorsque le cri de l’iniquité de Sodome et Gomorrhe s’élève vers le ciel, Il descend pour voir si les choses sont aussi mauvaises qu’elles le paraissent. Toutes choses sont nues et découvertes à ses yeux ; mais Dieu veut nous donner la sérieuse leçon de ne jamais être précipités dans le jugement du mal. Il sait très bien que nous le sommes souvent. Dieu lui-même veut descendre et voir si le mal est aussi grand que le cri qui en est monté devant Lui, et sinon, Il le saura. Les hommes du moins sont trompés par les apparences et Dieu désire nous mettre en garde contre tout faux jugement. Il aime la patience dans l’examen du mal ; sa Parole nous enseigne d’y apporter les soins les plus minutieux. C’est le même Dieu qui plus tard commanda au sacrificateur de juger dans un cas suspect de lèpre. Mais quelle circonspection et quel examen attentif et répété devaient y être apportés, afin d’éviter toute erreur ! Quel ardent désir de voir se produire le moindre symptôme de bien et la plus petite diminution du mal ! Mais quelle sentence solennelle de jugement lorsque le mal était pleinement manifesté ! C’est le même Dieu partout, mais que de leçons variées pour nous !
Il en est de même ici. Dieu parle en grâce en présence de tous, et manifeste la haine implacable du Méchant, en contraste avec Celui qui devait un jour descendre, en amour, pour sauver des êtres perdus ! «Venez à moi», dit ce dernier à l’heure de son rejet, avec un amour débordant, exempt de toute irritation, malgré ce rejet, «et je vous donnerai du repos». Satan ne sait rien de cet amour, ni les méchants non plus. Ils sont semblables à la mer agitée, mais Christ donne le repos à tous ceux qui sont fatigués et chargés. Je ne dis pas que leur part soit uniquement de se reposer. Il y a pour eux une œuvre de foi et un travail d’amour dans un monde d’iniquité, mais il ne peut y avoir de vrai labeur que pour ceux qui possèdent le fondement du repos réel, qui se trouve en Lui. Il faut d’abord que Christ nous donne le repos pour que nous puissions travailler d’une manière qui lui soit agréable sur une scène qui réclame si hautement ce labeur, et qui en a tant besoin. Mais il y a un Ennemi de Dieu et de l’homme qui ne connaît point de repos, et qui manifeste son agitation dans une activité malfaisante, comme nous le verrons plus loin, jusqu’à ce qu’il disparaisse, après avoir été complètement battu. Il est non seulement un meurtrier, mais un menteur ; toutefois il doit mettre au jour ses pensées et ses désirs, selon que Dieu trouve bon de l’y obliger.
Tout d’abord, Satan fait lui-même le récit de son activité incessante çà et là sur la terre, et des voyages qu’il y accomplit sans relâche. Dieu trouve bon ensuite de signaler son serviteur : «As-tu considéré mon serviteur Job, qu’il n’y a sur la terre aucun homme comme lui, parfait et droit, craignant Dieu, et se retirant du mal ?» Que fait l’Adversaire ? Il se sert de la bénédiction divine pour insinuer une accusation : Job ne craint pas Dieu sans raison ; il a des motifs égoïstes ; c’est uniquement en vue des avantages qu’il peut en recueillir. Un esprit pervers ne peut concevoir d’autres motifs que les siens propres : «Ne l’as-tu pas, toi, entouré de toutes parts d’une haie de protection ?» Tu l’as béni à tous égards. «Mais étends ta main et touche à tout ce qu’il a : tu verras s’il ne te maudit pas en face». Ce devait être la première épreuve.
On voit bientôt sur la terre les résultats de la permission divine. Le reste du chapitre nous présente le tableau des désastres se succédant avec rapidité. On n’y voit pas apparaître la main de l’Ennemi ; et cependant elle est en tout cela. Ce sont des événements terrestres accomplis par des instruments ordinaires, ayant lieu sans doute avec une rapidité extraordinaire, ce qui n’est pas la moindre partie de l’épreuve. Il n’aurait pas suffi à Satan de laisser un intervalle prolongé s’écouler entre ses coups. Tout est très habilement arrangé par lui pour que ces calamités prennent l’aspect de jugements impitoyables envoyés de Dieu, et cependant par des moyens extérieurs et humains. Ainsi, tout d’abord, un jour où ses fils et ses filles mangeaient et buvaient dans la maison de leur frère aîné, un messager vint annoncer une attaque des Sabéens contre le bétail. «Ils ont frappé les jeunes hommes par le tranchant de l’épée». La main de Satan le Destructeur était manifeste en cela. «J’ai échappé, moi seul, pour te l’annoncer». Ainsi il y a un seul survivant, afin que la terrible nouvelle en parvienne sûrement, et que l’épreuve en soit rendue plus poignante. Si, dans chaque coup, il n’y avait pas eu un réchappé, le récit n’aurait pu en être donné de cette manière. Le mal est consommé ; cependant Job sentait, comme nous l’aurions senti, que tout était sous le regard de Dieu. Ne l’oublions jamais ! Si la main de Satan était cachée derrière ces coups affligeants, celle de Dieu était au-dessus de la sienne. Quelle grande et sûre consolation !
Ensuite, par des voies mystérieuses comme auparavant, arrive le reste de l’épreuve. «Celui-ci parlait encore, qu’un autre vint et dit : Le feu de Dieu est tombé du ciel (la foudre sans doute) et a brûlé les brebis et les jeunes hommes, et les a consumés ; et j’ai échappé, moi seul, pour te l’annoncer. Celui-ci parlait encore, qu’un autre vint et dit : Les Chaldéens (un ennemi venant d’une tout autre direction) ont formé trois bandes, et se sont jetés sur les chameaux et les ont pris, et ils ont frappé les jeunes hommes par le tranchant de l’épée ; et j’ai échappé, moi seul, pour te l’annoncer. Celui-ci parlait encore, qu’un autre vint et dit : Tes fils et tes filles mangeaient et buvaient du vin dans la maison de leur frère premier-né, et voici, un grand vent est venu de delà le désert et a donné contre les quatre coins de la maison, et elle est tombée sur les jeunes gens et ils sont morts». Ainsi, de tous côtés, l’ouragan s’est déchaîné, causant non seulement la destruction des biens de Job, mais la perte la plus terrible de toutes, lui enlevant à la lettre tout ce qu’il possédait. N’avait-il pas des fils et des filles ? Tout lui était arraché et d’une manière profondément douloureuse pour son cœur. Dieu n’était-il pas au-dessus de tout ? Ne s’intéresse-t-il pas à tout ce qui se passe ici-bas ? Ce fait n’avait-il pas caractérisé l’histoire de la vie de Job, l’intérêt et la bénédiction de Dieu, non seulement à son égard, mais à l’égard de tout ce qu’il avait ? Et maintenant, en un jour, tout ce que la bénédiction divine avait donné avait disparu et de la manière la plus pénible. Dieu avait-il oublié ? N’avait-Il pas pris garde ? Job dit : «Nu je suis sorti du sein de ma mère, et nu j’y retournerai». Ainsi parla ce juste, après avoir déchiré sa robe, s’être rasé la tête et jeté à terre, car il sentait le coup comme il devait le sentir. Mais ensuite, il se prosterna et dit : «L’Éternel a donné, et l’Éternel a pris ; que le nom de l’Éternel soit béni !» En tout cela Job ne pécha pas, et n’attribua rien à Dieu qui fût inconvenable, rien d’anormal et qui fût indigne de Lui. Le premier assaut avait complètement manqué. Dépouillé de tout, Job ne pécha point.
Un autre jour, les fils de Dieu se présentent de nouveau dans le ciel, et Satan non seulement vient au milieu d’eux, mais, est-il ajouté ici, pour «se présenter devant l’Éternel». On aurait pu croire qu’assurément l’Adversaire était maintenant couvert de honte. Il avait pu agir entièrement à sa guise, et le seul résultat était que Dieu avait été d’autant plus glorifié. Mais il n’en fut rien, car l’inique ne connaît pas la honte ; il n’est pas nécessaire d’ajouter que Satan est le chef et le pouvoir moteur de tous ceux qui sont tels. Ainsi il était présent. Et l’Éternel lui adresse de nouvelles questions et met en avant que son serviteur Job «reste ferme dans sa perfection», bien que l’Ennemi ait fait tout son possible pour l’entraîner à se révolter contre Dieu. Satan demande une nouvelle épreuve. «Peau pour peau», c’est-à-dire, comme plusieurs le pensent : «œil pour œil», ou : «Il te rendra la pareille». Il se peut aussi qu’il rabaisse tout ce qui avait eu lieu jusqu’ici à une épreuve superficielle qui n’avait atteint que la surface des choses. Aussi il ajoute : «Qu’il y ait maintenant une amertume plus profonde, et nous verrons». «Mais étends ta main et touche à ses os et à sa chair : tu verras s’il ne te maudit pas en face». Et l’Éternel dit à Satan : «Le voilà entre tes mains, seulement épargne sa vie». La réserve relativement à sa vie n’avait pas pour but de diminuer l’épreuve, mais de faire éclater le triomphe de Dieu, en vue du bien de l’affligé, ce qui est la grande leçon du livre. De fait, l’épreuve eût été moins grande de toute façon et la leçon perdue, si Dieu avait trouvé bon de retirer à Lui son serviteur Job comme ses enfants ; aussi, lorsque sa foi défaillit, la mort était ce qu’il désirait avec impatience. C’eût été une consolation immédiate pour lui de mourir. Il n’avait aucune crainte quelconque quant à l’amour de Dieu pour lui, si seulement il avait été auprès de Lui, et quelque lamentable que fût la condition à laquelle l’Ennemi pût le réduire encore, celle-ci aurait pris fin immédiatement en quittant la scène d’une telle souffrance. Mais Dieu préservait sa vie, tout en permettant à Satan de déchaîner toute sa malice contre lui, non pas, me semble-t-il, afin d’épargner une épreuve quelconque à Job, ce qui était loin de son but, mais parce que la mort aurait empêché l’accomplissement de son dessein de grâce et de bénédiction, en présence du mal et de l’Ennemi. Que Dieu eût un tel but, c’est, en effet, ce que nous présente ce livre. Nous y trouvons aussi que, quelque grand et infini dans ses ressources que Dieu soit, chaque saint est l’objet de sa sollicitude, et son dessein seul prévaudra. Quelles que soient les douleurs qui atteignent les siens, elles ne sont que les circonstances du chemin ; il n’en est pas ainsi seulement de nous, mais il en était de même dans les jours qui ont précédé la rédemption. Ce grand principe est toujours vrai, parce que Dieu demeure toujours le Même ; il en était ainsi avant la manifestation de Christ.
Satan sortit donc, «et il frappa Job d’un ulcère malin, depuis la plante de ses pieds jusqu’au sommet de sa tête. Et il prit un tesson pour s’en gratter, et il était assis dans la cendre. Et sa femme lui dit : Restes-tu encore ferme dans ta perfection ? Maudis Dieu et meurs». Il y avait une grande aggravation à sa souffrance à voir sa femme défaillir ; toutefois Job resta ferme. C’était un terrible langage arraché, à l’instigation de Satan, aux lèvres de cette femme, sans doute parce qu’elle oubliait de regarder à Dieu. De fait, nous ignorons qui elle était et ce qu’était son état moral. Ce point ne fait pas partie des leçons particulières que Dieu place devant nous, et c’est la seule mention qui nous soit faite d’elle dans ce livre. «Et il lui dit : Tu parles comme parlerait l’une des insensées». Nous trouvons ici une mesure remarquable de patience dans les paroles de Job. Il ne dit pas : «Tu parles comme une insensée», mais simplement : «comme parlerait l’une des insensées». Il est bien connu que le mot «insensé» a un sens moralement mauvais dans l’Écriture. Il n’est pas question d’une faible intelligence, mais de la pire dépravation morale qui cherche à supprimer Dieu et ne tient aucun compte de sa Parole. Quelque grave que fût son langage, Job ne l’accuse pas de cette iniquité, mais lui dit qu’elle parle comme ceux qui sont tels. «Nous avons reçu le bien aussi de la part de Dieu, et nous ne recevrions pas le mal ? En tout cela Job ne pécha point de ses lèvres». Satan n’avait plus d’autre ressource. Job avait reconnu le droit de Dieu à prendre tout ce qu’il avait et à le frapper lui-même de la tête aux pieds. Il était évident que Job servait Dieu à tout prix.
Mais maintenant un changement se produit et une nouvelle épreuve commence. Il est nécessaire d’observer cela, non seulement parce que la femme de Job disparaît de notre vue, mais chose plus frappante encore, que Satan lui-même est désormais passé sous silence. Nous n’entendons plus un seul mot à son sujet, il est complètement défait. C’est une immense consolation pour tous ceux qui sont assaillis par lui de savoir que Satan n’a jamais la victoire, bien qu’il puisse remporter des succès temporaires. Quels que soient les événements que nous considérons, Satan ne triomphe jamais que pour un moment. Il peut avoir le dessus dans un combat, mais à la fin il est vaincu. C’est Dieu seul qui accomplit tout ce qu’Il s’est proposé, et quelle consolation pour nous qui savons qui est Dieu et ce qu’Il est ! Naturellement je parle ici de ses enfants et de ses voies à leur égard, et j’affirme que Satan n’entre en scène qu’en passant ; après avoir fait tout le mal dont il est capable, il est battu et disparaît. Telle a été et telle est son histoire, et il en sera ainsi jusqu’à la fin. Il en fut de même dans le cas de Job. Nous n’entendons plus parler de l’ennemi, mais le grand problème demeure et Dieu en poursuit la solution. Il voulait faire ressortir la vraie leçon de l’épreuve et sa propre suprématie sur le mal.
Trois amis de Job, hommes pieux également, apprirent tout le mal qui l’avait atteint «et vinrent chacun de son lieu, Éliphaz, le Thémanite et Bildad, le Shukhite, et Tsophar, le Naamathite ; et ils s’entendirent ensemble pour venir le plaindre et le consoler». L’épreuve devait évidemment s’être prolongée pendant un temps considérable. Il ne faut pas penser que le creuset n’avait duré que quelques jours pour Job. La limite en était tracée par Dieu, mais celle-ci n’était pas nécessairement de brève durée. La terrible maladie qui avait suivi la destruction de ses biens et de sa famille, de tout ce qu’il avait ici-bas, vint aux oreilles de ses amis qui vivaient à une certaine distance les uns des autres, puisqu’ils eurent à s’entendre pour se trouver ensemble chez lui. Cela seul prouve qu’un certain temps s’était écoulé depuis le début de l’épreuve, et tout ce que nous lisons ensuite dans les plaintes de Job confirme entièrement cette pensée et la corrobore. «Et ils levèrent les yeux de loin, et ils ne le reconnurent pas», si extrême était le changement qu’il avait subi, en un temps si court en somme, et si douloureux à constater, quel que fût l’intervalle qui s’était écoulé dès lors. «Et ils déchirèrent chacun sa robe et répandirent de la poussière sur leurs têtes en la jetant vers les cieux». Ceux qui nient qu’ils eussent une vraie affection pour Job leur font tort ; leur faute était toute différente. C’est méconnaître entièrement le but et les instructions de ce livre que de croire que leurs sentiments fussent superficiels, ou qu’ils eussent peu d’amour pour leur ami. Il n’en est rien, mais Dieu montre ainsi l’insuffisance de l’homme et de toutes ses ressources en dehors de Christ. C’est là l’enseignement du livre de Job ; aussi, plus on rabaisse Job ou ses amis, moins on en retire de profit. Donnons à chacun d’eux sa place, tous ils seront encore incomparablement au-dessous de Celui en qui et par qui nous connaissons le Père. Nous lisons donc qu’ils vinrent et «s’assirent avec lui à terre sept jours et sept nuits, et nul ne lui dit une parole, car ils voyaient que sa douleur était très grande». On ne trouve pas souvent des amis aussi vrais, et caractérisés par une telle profondeur de sympathie.
Ici commence la grande action du livre. Jusqu’à ce point, Job avait été un modèle de patience. Il s’était courbé sous la main de Dieu dont les coups avaient été si graves et si multipliés que jamais, depuis le commencement du monde, aucun homme ne fut atteint par une succession aussi rapide de calamités. Job avait honoré Dieu dans l’épreuve, encore plus que dans la prospérité : qui pouvait trouver occasion de l’accuser ? Si la discipline avait été retirée à ce moment-là, la leçon du livre eût été perdue. Nous aurions entendu parler de la patience de Job, et aurions vu qu’il donnait gloire à Dieu avec une fermeté aussi grande dans la plus profonde misère, que lorsqu’il était béni de tous côtés. Nous aurions appris ce qu’est Satan dans sa méchanceté infatigable, autant qu’audacieuse et sans motif, et aurions assisté à sa défaite, mais nous aurions perdu la grande vérité que Dieu voulait nous communiquer par le moyen de ce livre et que nous apprenons ensuite.
Mais maintenant Dieu fait entrer en scène trois hommes de poids, âgés, sérieux, dignes amis de Job et qui sympathisaient profondément avec lui. Qui pourrait douter qu’il en fût ainsi ? La description de leur douleur le prouve. Néanmoins, c’est ici que commence la chute du fidèle Job, et nous en verrons le tableau se dérouler dans la suite du livre. D’un côté, la théorie de ses amis les fourvoyait, de l’autre, Job s’attachait à son intégrité dont il avait conscience, jusqu’à ce qu’il fut délivré de toute occupation de lui-même pour s’attacher fermement à ce que Dieu était pour lui, et non à ce qu’il avait été lui-même ou à ce qu’il était. Dieu aime trop ses saints pour permettre qu’ils ignorent quoi que ce soit qui soit un déshonneur pour Lui, ou qui entrave leur pleine bénédiction. Aussi Il emploie miséricordieusement l’épreuve, en vue d’accomplir cette entière bénédiction. Il nous donne aussi la consolation inexprimable de savoir que c’est Lui-même, et non pas Satan, qui forme des desseins quelconques et les réalise. C’est Lui, le Dieu de toute grâce, qui, dans sa sagesse et sa justice parfaites, accomplit ce qu’Il veut, et cela en dépit des calamités effroyables que le péché a causées et que Satan peut déchaîner contre ses serviteurs, avec la permission divine.
Ces vérités nous sont graduellement révélées dans ce qui suit. Il faut que Job apprenne à se connaître, comme il n’aurait jamais pensé ou pu le faire autrement. Se connaître soi-même est une toute autre chose que la conversion et c’est indispensable pour l’entière bénédiction de nos âmes. De plus, les amis de Job étant les objets de la même grâce que lui, quoique lui étant très inférieurs, devaient apprendre les mêmes leçons. Ils étaient pieux, mais un homme peut l’être, sans avoir jamais été amené lui-même dans la présence de Dieu, c’est-à-dire pour apprendre à juger entièrement le moi, en l’appréciant selon la mesure de Dieu lui-même. C’est là ce que ce livre nous enseigne, autant que la chose était possible avant la venue de Christ.
Nous entendons maintenant les éclats passionnés de la douleur de Job. Il ne peut supporter la présence de ses amis. Il avait traversé beaucoup d’afflictions et des épreuves amères, mais ces amis étaient venus contempler sa misère sans lui adresser une parole. C’était trop pour lui. Le soupçonnaient-ils ? Il ne pouvait supporter des doutes relativement à ses rapports avec Dieu, surtout de leur part. N’étaient-ils pas ses amis ? S’ils l’aimaient, pourquoi ce silence de mauvais augure de sept jours et sept nuits ? Il se pouvait qu’il eût tout d’abord pour cause leur profonde sympathie pour lui, mais pourquoi n’avaient-ils pas une parole à lui dire ? Pourquoi pas une consolation comme une goutte d’eau pour ses lèvres desséchées ? Ils commençaient à réfléchir et c’est là une chose dangereuse. Dans la présence de Dieu, nous jugeons le moi et nous écoutons sa Parole. Combien souvent nos propres pensées nous fourvoient ! Ce dont nous avons besoin c’est de prier et d’écouter, afin que nous puissions recevoir la Parole de la part de Dieu lui-même. Combien cela est différent, combien cela correspond exactement à ce dont nous avons besoin ! Les oreilles des amis de Job n’étaient pas ouvertes. Il y eut ici-bas un Homme que Dieu réveillait chaque matin, et dont Il réveillait l’oreille pour qu’il écoutât «comme ceux qu’on enseigne» (Ésaïe 50:4). Il ne connut jamais notre lenteur à écouter la parole de Dieu. Quant aux trois amis, ils gardèrent d’abord ce redoutable et angoissant silence, et Job dut bientôt apprendre avec amertume ce que signifiait cette attitude. C’est lui qui commença à parler, puis ils continuèrent, mais c’étaient leurs propres pensées et non celles de Dieu qu’ils lui firent entendre.
Ensuite Job déplore et maudit le jour de sa naissance ; il ne maudit pas Dieu ; rien de semblable n’aborde son esprit. Toutefois il exprime d’une façon inconvenante son horreur du jour dans lequel sa naissance fut annoncée. Toute la scène de ce jour-là lui apparaît comme enveloppée de ténèbres. Tout ce qui avait rapport à son entrée dans ce monde était horrible à ses yeux. Il s’écrie avec amertume : «Périsse le jour auquel je naquis, et la nuit qui dit : Un homme a été conçu ! Ce jour-là, qu’il soit ténèbres». Et encore : «Cette nuit-là, que l’obscurité s’en empare». Puis : «Voici, que cette nuit-là soit stérile ; que les cris de joie n’y entrent pas». Il demande pourquoi il est né pour être destiné à une telle misère, pourquoi il n’a pas été laissé plutôt, s’écrie-t-il d’une façon ironique, «avec les rois et les conseillers de la terre qui se bâtissent des solitudes». Est-ce à quoi aboutit la gloire de ce monde ? À des ruines que les rois élèvent pour eux-mêmes ? Il en est de même pour «les princes qui ont de l’or, qui ont rempli d’argent leurs maisons». Mais l’or et l’argent ne peuvent délivrer l’homme de la douleur et de la mort. C’était donc la vie et l’œuvre dans laquelle les rois d’Égypte cherchaient la renommée : la construction de leurs tombeaux ! Mais le lot de Job paraissait plus lugubre encore. Pourquoi n’avait-il pas été couché dans un lieu désolé comme ceux-là, ou pourquoi était-il né ?
C’est par cette explosion d’amertume que s’ouvre le premier débat entre Job et ses amis. Nous pouvons remarquer certaines différences dans les discours de ces derniers ; ils parlent toujours dans le même ordre durant les trois grandes discussions du livre : Éliphaz, Bildad et Tsophar se suivent régulièrement chaque fois dans le même ordre, et Job réplique à chacun d’eux. On peut constater qu’à la troisième discussion, Tsophar, le dernier interlocuteur, se tait, tandis que Job continue si longuement son discours qu’il semble presque une réponse à celui de Tsophar qui n’avait pas été prononcé. En d’autres termes, Job réfute complètement ce que son ami aurait eu à dire, s’il avait parlé. La partie principale du livre est donc remplie de ce que nous venons de rappeler : d’un côté, nous y trouvons trois séries d’arguments présentés par les amis de Job, de l’autre, et de la manière la plus complète, les réponses de ce dernier à chacun d’eux. Ensuite apparaît un nouveau personnage, Élihu, qui réduit Job au silence aussi complètement que celui-ci l’avait fait à l’égard de ses amis. Finalement l’Éternel termine la discussion, en donnant, pour clore tout raisonnement, la solution du problème. S’il plaît à Dieu, nous considérerons brièvement la première discussion, sans entrer dans tous les détails.
Éliphaz le Thémanite, qui paraît avoir été le plus âgé des trois amis et celui qui parle avec le plus de dignité, reproche tout d’abord à Job son manque de fermeté en présence du premier malheur qui l’avait frappé lui et sa famille. De plus, non content de cela, il reprend Job, parce que, tandis qu’il avait si bien su consoler les autres dans leurs douleurs, il avait cédé sous le poids de l’épreuve, lorsqu’elle l’avait atteint lui-même. Il maintient la justice infaillible des voies de Dieu qui ne peut jamais oublier l’innocent, ni épargner le coupable. Il va plus loin et fait le récit de ce qui lui a été communiqué par un esprit, dit-il, et qui lui a été secrètement révélé, son oreille ayant été ouverte pour entendre quelque peu des choses contenues dans les visions de la nuit. Il fait une description saisissante de ces dernières et des paroles solennelles qui ont été prononcées à ses oreilles. La somme de cette révélation était un jugement de la présomption de l’homme mortel qui veut amener Dieu à la barre de son tribunal, de quelque manière que ce soit. Il insiste aussi sur la folie de celui qui a recours à l’aide de la créature. Toutes choses sont dans la main de Celui qui frappe soudain l’insensé qui se croyait en sécurité. Enfin il convie Job à la repentance, ajoutant que, s’il s’humiliait devant Dieu, cette épreuve ne serait pas dissipée, mais qu’il en sortirait plus béni que jamais. C’est là, je crois, en quelques mots, la portée générale du premier discours d’Éliphaz dans les chapitres 4 et 5.
Il est toutefois un fait trop remarquable pour que nous ne nous y arrêtions pas, à savoir que l’Esprit de Dieu cite comme faisant partie des Écritures, des paroles que l’Éternel juge à la fin du livre comme ayant donné non seulement une fausse appréciation de Job, mais aussi de Lui-même. Ces paroles ne sont pas ce que l’Éternel dit à la fin, ni ce qu’exprime Élihu dans le débat, en qualité d’interprète, ni même le plaidoyer de Job. Ce sont les paroles d’Éliphaz qui sont citées par l’apôtre Paul dans le Nouveau Testament. C’est là un fait très frappant. Dieu lui-même déclare que les amis de Job n’avaient pas parlé comme il convenait ; cependant, le Saint Esprit nous donne leurs discours par inspiration et emploie les paroles de l’un d’eux, comme faisant partie des Écritures. Assurément ces deux points de vue s’accordent sans peine. Il suffit d’examiner les paroles d’Éliphaz pour se rendre compte qu’elles ne contiennent rien qui ne soit selon la vérité. Par contre, si nous en pesons l’application qu’il en fait à Job, elles sont gravement erronées. Combien sont sages les voies du Seigneur et de quelle profondeur admirable sont les enseignements de la Parole !
Dans la première épître aux Corinthiens, comme dans celle aux Hébreux, le Nouveau Testament cite les paroles d’Éliphaz, mais là l’application en est parfaitement juste.
Dans l’histoire de Job, il n’en est pas ainsi, et ses amis sont l’objet de la répréhension divine pour leurs paroles, tandis que l’application en est aussi juste que la portée, lorsque l’Esprit les cite dans le Nouveau Testament ; tout est à sa place. C’est un exemple frappant de la manière merveilleuse dont Dieu fait face à tout selon sa propre sagesse ; nous disons cela en passant.
Job répond ensuite à Éliphaz, mais avec une douleur profonde : «Oh ! si mon chagrin était bien pesé, et si on mettait toute ma calamité dans la balance ! Car maintenant elle pèserait plus que le sable des mers ; c’est pourquoi mes paroles sont outrées ; car les flèches du Tout-Puissant sont en moi, leur venin boit mon esprit ; les frayeurs de Dieu se rangent en bataille contre moi». Ainsi la piété de Job lui fait reconnaître que non seulement Dieu devait être dans toutes ses calamités mais qu’il en était bien ainsi ; il avait raison jusqu’à un certain point. Job ne jette pas le blâme sur les Sabéens ou les Chaldéens, ni sur la foudre, l’ouragan ou l’ulcère, mais il voit beaucoup plus loin que les causes secondes. Il était dans le vrai, en faisant intervenir Dieu dans l’épreuve. Toutefois, il se trompait, comme nous le verrons à la fin, soit en supposant qu’il n’y avait rien à corriger dans l’état de son âme, soit en pensant que Dieu pouvait être autre chose que plein de grâce, tout en étant fidèle envers lui, autre chose que plein de miséricorde, tout en restant juste. Il ne tenait pas compte de la puissance du mal et de Satan, laquelle Dieu permet tout en la limitant. Il ne maintenait pas fermement, comme il aurait dû le faire, que c’est dans son amour pour les siens que Dieu permet qu’ils traversent particulièrement la souffrance ici-bas. Il devait apprendre toutes ces leçons d’une manière pratique, de sorte que, à première vue, sa piété même rendait la difficulté plus grande pour lui, en ce qu’elle lui faisait tout attribuer à Dieu, sans considérer ses voies et son but. Aussi, combien lui paraissaient inutiles les coups écrasants qui étaient tombés sur lui, si rapides et si nombreux ! Comment concilier toutes ces choses ? Il était sûr que Dieu est juste et saint et qu’Il doit être bon, vrai et fidèle ; cependant, c’était de sa part que toutes ces misères s’étaient abattues sur lui, un saint ! La difficulté était d’autant plus terrible pour Job qu’il se trouvait en ce moment-là sous le poids de ces angoisses, et non dans la condition d’un homme qui pourrait y penser avec calme, après en avoir été délivré. Combien la chose est différente pour celui qui en lit la solution complète dans le livre de Dieu ! Nous devons nous en souvenir quand nous considérons ce sujet. C’est là un point important à retenir, en méditant ce qui suit dans la réponse de Job, et en l’entendant exprimer dans son désespoir le désir que Dieu le retranchât, d’autant plus qu’il ne rencontrait que désappointement de la part de ses frères ; aussi il se compare à une caravane mourant de soif auprès du lit desséché des torrents après lesquels elle avait soupiré. Il ne rejette pas la répréhension, mais les paroles de ses amis ne sont qu’une réfutation erronée des siennes. Ils n’avaient en aucune manière saisi son cas. Aussi Job ne fait qu’exprimer encore le désir de mourir ; il va même jusqu’à adresser des reproches à Dieu, mais reconnaît bien vite sa faute et implore son pardon, tout en souhaitant la mort.
Maintenant Bildad le Shukhite succède à Éliphaz, mais parle avec beaucoup plus de sévérité, ce qui provoque de la part de Job une réplique plus acerbe. En reprenant Job, Bildad ne craint pas d’émettre la supposition que ses enfants s’étaient attirés la juste rétribution de leurs actions, et que Job lui-même pourrait bien ne pas être ce qu’il paraissait. Il ne parle que de la justice et ne pense qu’à cela, tout en engageant Job à se repentir, ce qui serait certainement suivi de bénédictions plus grandes que les précédentes. La plante la plus verte et la plus remplie de sève sera la première à se dessécher, et l’espoir de l’hypocrite et de l’impie ne sera pas autre chose qu’une toile d’araignée, et son lieu refusera de le reconnaître, tandis que l’homme intègre sera rempli de joie.
Dans sa réponse, Job repousse les insinuations de Bildad et maintient toujours que la majesté même de Dieu le rendait incapable, lui pauvre et faible créature, de résister à ses coups. C’est là le grand point de son discours. Il démontre que, si même il le voulait, il ne pourrait, quoique juste, faire valoir sa justice devant Dieu, car ses yeux d’une sainteté infinie ne devaient voir en lui que misère et imperfection. Aussi son seul désir était qu’il y eût entre eux un Arbitre qui pût établir une juste balance entre Dieu et l’homme. De plus, dans le sentiment de son impuissance pour résister à la force accablante qui l’avait écrasé, il exprime de nouveau son désir de mourir. Telle paraît être la pensée générale de la réponse de Job à Bildad.
Nous entendons ensuite Tsophar, le plus tranchant et le moins réfléchi des trois. Il accuse Job d’aveuglement moral et de pure vanterie. Il approuve les dures pensées de ceux qui l’attaquaient et n’attache aucun prix aux supplications de Job dans sa misère. Au contraire, il commence par formuler le triste soupçon que tous trois nourrissaient, que quelque mal grave et caché se trouvait au fond de toute cette épreuve, et qu’il était la cause des calamités inouïes et multipliées de Job. Nous trouverons toutefois un développement beaucoup plus grand de cette fausse pensée lorsque nous considérerons la seconde discussion de Job avec ses amis. Nous ne pouvons nous étendre sur ce point pour le moment.
Job établit, dans sa réplique à Tsophar, de la manière la plus complète, la faiblesse et la misère de l’homme condamné à mourir sur la terre. C’est pourquoi personne ne peut parler ici-bas de la puissance de la vie. Christ n’était pas encore venu, et c’est Lui seul qui a remporté la victoire sur le mal. Job, au contraire, considère l’homme sur la terre et reconnaît en termes des plus pathétiques sa complète faiblesse, étant né pour la misère, en contraste avec la majesté incomparable de Dieu lui-même. Job commence son discours avec un certain sarcasme. Puis il répond à l’hypothèse de la rétribution actuelle du bien et du mal par un démenti formel appuyé de preuves positives : «Les tentes des dévastateurs prospèrent, et la confiance est pour ceux qui provoquent Dieu». Et cela n’est pas confiné à l’homme ; dans tous les domaines de la nature animée, le même fait se produit : les bêtes de la terre, les oiseaux de l’air, les poissons de la mer déclarent clairement que les violents triomphent des faibles. Dieu est souverain, mais pour cette raison même, la loi de son gouvernement, supposée par les amis de Job, est un sophisme, et il est injuste de l’appliquer à Dieu. Il fait ce qui lui plaît, et parmi les hommes Il s’élève au-dessus de toutes leurs appréciations et de tous leurs calculs.
Tel était le fruit des observations de Job (chap. 13), et il avait la conscience qu’il était plus dans le vrai que ses amis. C’était avec Dieu qu’il désirait s’entretenir, non avec des consolateurs fâcheux comme l’étaient ses amis, dont la sagesse eût été de se taire. Il jugeait que ce qu’ils avaient proféré était un langage inique et trompeur aux yeux de Dieu qui ne leur avait donné aucune autorité pour parler ainsi, et qui les en reprendrait certainement, comme cela eut lieu, en effet. Il retiendrait ferme son intégrité devant Lui, quoi qu’ils pussent dire ; et il savait qu’il serait justifié, et que sa terreur ne le troublerait pas. Il exprime le désir de découvrir tout ce qui était fâcheux en lui-même, et voudrait savoir pourquoi il était chassé çà et là comme une feuille morte ou du chaume sec. Il ne connaissait pas encore la grâce qui le rendrait capable de se juger lui-même. Il ne voit qu’un réquisitoire de choses amères dressé contre lui, et l’héritage des iniquités de sa jeunesse qui l’atteint. Ses pieds sont mis dans les ceps, ses sentiers sont observés, les plantes mêmes de ses pieds sont marquées, et il dépérit comme une chose pourrie, comme un vêtement que la teigne a rongé.
Job termine sa réponse au chapitre 14 par des réflexions plus générales sur le lot misérable de l’homme dans ce monde. Il est fragile et pécheur de nature, et il n’y a pas d’espoir pour lui de revivre ici-bas, lorsqu’il meurt, tandis qu’un arbre poussera encore des rejetons, même s’il est coupé très bas. Mais «l’homme se couche et ne se relève pas : jusqu’à ce qu’il n’y ait plus de cieux». Alors il se réveillera de son sommeil. Job demande encore d’être caché dans le shéol jusqu’à ce qu’arrive le temps arrêté de Dieu pour qu’Il se souvienne de lui, moment auquel Dieu appellera et il répondra. En attendant il ne voit aucun motif d’espérance ; car, de même que les édifices les plus solides tombent en ruine, de même l’homme passe si complètement qu’il n’en sait rien ; soit que ses fils soient en honneur, ou qu’ils soient abaissés.
J’espère que nous pourrons poursuivre l’étude des chapitres suivants pour y trouver la portée du grand débat engagé entre Job et ses amis. Dans cette étude nous chercherons quelques jalons (ne prétendant pas faire davantage), pour aider les enfants de Dieu à sonder ce livre d’une manière plus profitable pour eux-mêmes.
En examinant le second débat que nous présente la suite de ce livre entre les amis de Job et ce dernier, nous chercherons à recueillir les traits principaux de ces discours pour aider le chrétien à les étudier pour lui-même. Ce ne sont que des jalons, le temps nous manquant pour entrer dans les détails. Du reste, c’est ce que désirent beaucoup de lecteurs de la Parole. En temps et lieu, il est à propos de sonder minutieusement chaque mot des Écritures, mais nous avons aussi besoin d’une esquisse claire des sujets que l’Esprit de Dieu y place devant nous, de façon à en avoir une idée générale, si brève qu’elle soit. Nous espérons ainsi découvrir la vérité fondamentale que Dieu veut nous enseigner dans ce livre, comme Il voulait le faire pour Job en son jour. C’est là sans doute la première condition pour que nous puissions lire ce livre intelligemment et avec profit : il faut pour cela que nous ayons un sentiment profond du grand but que Dieu avait en vue en nous le donnant. J’espère considérer maintenant ce sujet, dans la mesure où cette partie centrale du livre nous le présente.
Le premier point sur lequel nous désirons attirer l’attention est relatif au principe erroné qui était à la base non seulement des pensées d’Éliphaz, mais de celles de Job lui-même. Ce principe faussait l’application de toutes les paroles des amis de Job et fut condamné par l’Éternel lui-même à la fin du livre. Cela nous permettra d’autant mieux de comprendre, quand le moment sera venu, pourquoi, malgré toutes ses erreurs, Job était dans le vrai, tandis que ses amis ne l’étaient pas. C’est là, en effet, la conclusion positive du livre, bien qu’il y eût chez Job ce qui nécessitait la discipline et le jugement de lui-même que Dieu produisit d’une manière très profonde dans son âme à la fin. Il ne s’agit pas là de notre opinion personnelle, mais de la déclaration divine donnée pour l’enseignement de tous les croyants.
Pourquoi donc, au début, les amis de Job furent-ils dans une erreur si complète ? En quoi consistait le caractère si profondément offensant pour Dieu de leurs pensées ? Tous trois étaient des amis de Job et sans nul doute des hommes pieux. Toutefois, ils errèrent gravement et eurent besoin du pardon de Dieu, comme nous le savons. Qu’était-ce donc qui viciait la sagesse, l’expérience et les bonnes intentions d’Éliphaz, de Bildad et de Tsophar ? Qu’est-ce qui irritait Job et rendait impuissants tous leurs appels adressés à sa conscience ? En résumé, qu’est-ce qui non seulement les empêchait de lui venir en aide dans la détresse effrayante dans laquelle il était plongé, mais qui, de plus, les exposa à la sévère répréhension de Dieu lui-même ?
Leur erreur n’était nullement exceptionnelle, particulièrement parmi les justes qui, tout en connaissant Dieu, n’ont cependant jamais été eux-mêmes entièrement brisés. On trouve encore parmi les enfants de Dieu des âmes qui sont dans cet état. Ce trait est commun aux trois amis ; toutefois il devait y avoir un certain fond de vérité dans leurs pensées, comme chaque croyant l’admet. Mais voici en quoi ils se trompaient : ils partaient de ce point de vue que l’aspect actuel du monde nous fournit l’expression complète du jugement de Dieu sur les voies des hommes. Nous trouvons cette pensée erronée dans tous leurs discours ; elle est exprimée d’abord avec une certaine précaution ; puis, à mesure que Job s’irritait davantage en raison des imputations toujours plus formelles d’un mal caché expliquant ces voies de Dieu envers lui, les répliques de ses amis deviennent plus acerbes. Ils avaient devant eux un saint souffrant une succession de maux sans précédent. Qui pourrait citer un autre homme ayant été l’objet de dispensations semblables depuis le commencement du monde ?
À première vue, la difficulté paraît plus grande encore quand nous pensons à la valeur que Job avait pour Dieu et à la tendre miséricorde de Dieu pour ses enfants. Comment comprendre une telle épreuve sur l’un des siens ici-bas, après avoir entendu ce qu’Il dit de lui dans le ciel ? Toutefois une partie importante de la bénédiction que ce livre apporte découle du fait que l’estime de Dieu pour Job, aussi bien que l’attaque de Satan contre lui, ne furent révélés que dans le ciel, de même que le motif de l’épreuve était, pour le moment, un secret, non pas dans le ciel, mais sur la terre. Ni Job ni ses amis, ne savaient rien de ce que Dieu avait dit à son sujet. Satan le savait bien, mais il ne pouvait concevoir que l’intégrité de Job pût être désintéressée et se maintînt dans la souffrance.
En conséquence, nous avons ici l’autre face des événements, non pas ce qui se passait en haut, mais ce qui se déroulait ici-bas. Aucun contraste ne pouvait être plus complet. Par contre, tout le raisonnement des amis de Job était fondé sur la pensée que ce que Dieu permet sur la terre doit être l’expression parfaite de sa pensée dans le ciel. Aussi, plus Job avait paru être un homme pieux, un homme de prière, plus sa vie avait semblé revêtir un caractère d’uniformité absolue, plus il avait été béni d’une manière toute particulière parce qu’il avait marché dans une dépendance habituelle de Dieu ; plus aussi tout cela tournait maintenant à son désavantage, comme étant une pure tromperie. Nous devons nous souvenir que, pour les amis de Job, ce n’était d’abord qu’un travail d’esprit graduel les amenant à une conviction. Ils n’arrivèrent pas d’emblée à conclure. C’était d’abord un sujet d’anxiété pour eux, cela devint un soupçon et nous avons déjà examiné les chapitres où nous le voyons croître dans leur esprit. Ensuite Job nous apparaît, non seulement exhalant ses plaintes, sous cette épreuve inexplicable, mais blessé au vif par les accusations de ses amis.
Dès lors, il n’y a plus de ménagement entre eux. Job les traite comme n’ayant aucune connaissance quelconque de ce qui le concerne, ni aucune intelligence saine des voies de Dieu. En cela il avait raison. Aussi voyons-nous d’un côté se manifester l’impatience de Job qui affaiblissait la confiance de ses amis en la réalité de sa piété, de l’autre ses amis céder à de mauvais soupçons et à un triste esprit d’insinuations sans fondement. Ainsi, des deux parts, toute puissance pour consoler ou reprendre selon Dieu était entièrement détruite.
C’est là, semble-t-il, où en sont les choses à la fin du chapitre 14. Aussi dans le chapitre suivant, Éliphaz considère avec un vrai dégoût l’état d’âme de Job. Il en jugeait par l’apparence : «Le sage répondra-t-il avec une connaissance qui n’est que du vent, et gonflera-t-il sa poitrine du vent d’orient, contestant en paroles qui ne profitent pas et en discours qui ne servent à rien ?» Tel lui semblait être le caractère de la défense de Job : «Certes tu détruis la crainte de Dieu». Il ne se contente plus d’insinuations, mais s’aventure à des accusations formelles contre Job. «Certes, tu détruis la crainte de Dieu et tu restreins la méditation devant Dieu». Comment savait-il cela ? Il s’était trop hâté dans ses jugements et se trompait. En aucune manière, Job n’avait restreint la prière devant Dieu, comme nous pouvons en juger non seulement par ce qui le caractérisait, mais par les réponses qu’il donne ensuite.
Il ne peut y avoir de leçon plus instructive pour nous quant au danger de juger sur les apparences. C’est sans nul doute une des vérités importantes de ce livre merveilleux. Un examen superficiel n’est jamais le moyen de se former un jugement juste ; le Seigneur lui-même, en son jour, nous en avertit. Si une telle manière d’agir était blâmable chez les amis de Job, combien plus l’est-elle en nous ! Un livre entier de la Parole est destiné à nous mettre en garde contre un tel piège. «Car ta bouche fait connaître ton iniquité, et tu as choisi le langage des hommes rusés». Ainsi, à leurs yeux, toute l’expression du désir de Job de s’approcher de Dieu et toute la confiance qu’il exprimait d’être délivré par Lui des soupçons qu’ils avaient conçu à son égard, n’était que tromperie. Ils outrepassent toutes les bornes de l’amour et de la sollicitude et ne craignent pas de prononcer une sentence positive contre Job. Mais leur faute est précisément le moyen que Dieu emploie pour nous avertir d’un danger semblable auquel nous sommes exposés. Les apparences lui étaient contraires : «Ta bouche te condamnera, et non pas moi, et tes lèvres déposent contre toi. Es-tu né le premier des hommes ?» Éliphaz fait sans doute allusion aux paroles déplacées qu’il avait prononcées. Puis il témoigne de la mauvaise humeur évidente produite par le manque de considération de Job pour ses amis. Ils étaient sans doute plus âgés que lui et étaient venus de loin auprès de lui comme ceux qui étaient le plus qualifiés pour le consoler et l’encourager. Mais s’ils avaient été désappointés, n’avaient-ils pas abandonné eux-mêmes le terrain de la dépendance de Dieu ? Il en était certainement ainsi, bien qu’ils eussent gardé le silence pendant un temps prolongé. Il n’était pas seulement question des éclats déplacés de Job, car qu’en était-il d’eux-mêmes ? Il n’y avait pas seulement le fait que Dieu plaçait devant tous un de ses saints dans la souffrance pour montrer comment Il amènerait à bonne fin la leçon amère par laquelle Job passait. Il voulait ainsi nous enseigner le danger d’un faux jugement même pour de saints hommes de Dieu. La bénédiction du livre serait entièrement perdue si nous les considérions simplement comme des propres justes, dans le mauvais sens du mot. Non qu’il n’y eût en eux de la propre justice, et même en Job, car Dieu les convainc tous d’en être entachés. Ainsi il est hors de doute que des taches et des fautes se trouvaient chez Job et ses amis ; mais il est bon que nous recherchions en quoi ces derniers étaient entièrement (et Job en partie) en désaccord avec la vérité, afin que nous connaissions de quoi Dieu veut nous garder en employant ce livre.
Éliphaz donc continue à adresser à Job une réprimande si sévère que son discours n’est plus du tout dans l’esprit paisible qui avait caractérisé l’entretien au début. Il lui déclare péremptoirement qu’il devrait sentir son inexpérience en se comparant à eux et l’inconvenance d’user d’une telle liberté de langage, vu qu’il parlait à des amis plus âgés que lui. Mais tout cela nous montre combien il est solennel et dangereux, même pour un saint, d’avoir son moi devant les yeux plutôt que Dieu — non seulement Dieu dans son caractère général, mais par-dessus tout dans sa grâce infinie. Les amis de Job parlent beaucoup de Lui, mais ce qu’ils disent prouve qu’ils ne le considèrent que comme un Juge. C’était là assurément une grave erreur, dont la réfutation forme la grande leçon du livre entier. Ceux qui pensent que la seule question qui soit placée devant Dieu maintenant soit de nous rétribuer selon nos mérites dans notre vie ici-bas n’arriveront jamais à comprendre que Dieu a pris occasion du mal qui règne dans ce monde pour manifester la grâce qui est en Lui et qui s’élève au-dessus du mal. Il est vrai que le temps n’était pas encore venu pour montrer que le mal a été complètement déconcerté dans ses efforts et mis de côté, car cela ne pouvait avoir lieu que par la croix de Christ. Néanmoins Dieu demeure ce qu’Il est et aime à se faire connaître comme le Dieu de grâce. Il se révélait ainsi au milieu de tout le mal qui était dans le monde. Était-ce là un fait nouveau ? Le témoignage d’amour donné au troisième chapitre de la Genèse avait déjà prouvé qu’Il est le Dieu de toute grâce, même lorsque le péché venait d’entrer dans le cœur de l’homme. La semence de la femme qui devait écraser la tête du serpent était la première déclaration de cette grâce après la chute de l’homme. Je ne nie pas qu’il n’y eût aussi l’expression du jugement dans la sentence prononcée, mais, bien que la terre fût devenue une scène de malédiction et d’épreuve où croissaient les ronces et les épines et où la douleur et la mort étaient désormais la part de l’homme et aussi de la femme, en particulier quant aux souffrances de l’enfantement, il y avait au-dessus de tout les ressources de la grâce, par la semence de la femme, semence dont les souffrances sur la croix devaient détruire le Méchant.
N’est-il pas remarquable qu’aucune allusion à cette promesse ne se trouve dans les discours des amis de Job, tandis qu’au contraire dans la portion de ce livre que nous considérons, la semence de la femme occupait une place importante dans le cœur de Job ? Nous ne nions nullement que ses amis ne fussent des croyants, mais «de l’abondance du cœur la bouche parle». Pourquoi ne font-ils aucune mention de cette Personne bénie qui devait faire valoir et manifester la supériorité de la grâce sur le mal ? Pourquoi ne pouvaient-ils pas s’élever au-dessus de la crainte qu’il n’y eût dans tout cela un mal caché ? Pourquoi enfin jugeaient-ils inutile de faire autre chose que de censurer, d’avertir et de menacer Job, tout en lui présentant des promesses encourageantes de bénédictions présentes, s’il se repentait, et en lui reprochant amèrement sa vie passée ? Leur conclusion était que son péché l’avait trouvé et que le jugement poursuivait l’hypocrite. Hélas ! aucun d’eux ne savait comment surmonter le mal par le bien. Assurément, il y avait en Job un désarroi moral évident en ce moment-là, mais non le mal caché que supposaient leurs esprits soupçonneux. La grâce surmonte le mal par le bien. Pourquoi ne le faisaient-ils pas ? Tous manquaient déplorablement, mais Dieu ne faisait pas défaut, et c’est là encore ce que ce livre démontre clairement.
Une autre leçon ressort encore toujours plus clairement à mesure que les amis de Job avancent dans leurs insinuations injurieuses. Il est difficile de concevoir quoi que ce soit de plus écrasant pour l’esprit d’un homme pieux, car n’ayant point d’accusation claire et positive à lui présenter, ils n’avancent aucun fait qu’ils puissent placer sur sa conscience. L’esprit de jugement qui les dominait les empêchait d’attendre que Dieu manifestât la vérité de la situation, et les disposait à prendre hâtivement avantage des paroles inconsidérées de leur ami affligé pour en conclure qu’il y avait un mal plus grave caché derrière tout cela. Ils pouvaient dire : «Ta bouche te condamnera… et tes lèvres déposent contre toi». Et que pouvait répondre le pauvre Job ? Était-ce tout à fait faux ? Ce n’était que trop vrai, mais quelle conclusion en tiraient-ils ? C’est qu’il y avait en lui quelque ténébreuse et profonde iniquité que Dieu jugeait… Cela était faux, car c’étaient eux qui jugeaient et leur jugement était erroné. Il y avait de la foi chez Job, malgré tout, et une confiance en Dieu incomparablement plus ferme et plus vraie que chez aucun de ceux qui le blâmaient ; aussi Dieu ne manqua pas d’en rendre témoignage à la fin.
Mais continuons notre étude du livre. Éliphaz, après avoir repris Job pour son manque de respect envers ses amis plus âgés que lui, en arrive à ce que Dieu est dans sa sainteté parfaite et, d’un autre côté, à ce qu’est l’homme dans sa méchanceté. Cela était tout à fait vrai, mais ne pouvait résoudre la difficulté. Était-ce là toute la question à débattre ? N’y a-t-il pas d’autre sujet à considérer que l’homme souffrant les conséquences de ses abominations dans ce monde ? Ne voyons-nous pas aussi le juste souffrir sur la terre ? N’y a-t-il pas un Ennemi qui l’afflige et un Dieu qui le châtie ? Pour les amis de Job, il n’y avait pas d’autre pensée que celle de juger les péchés. Leur cœur n’avait pas encore réalisé la solennité du fait que les justes peuvent être éprouvés profondément et que Dieu peut juger nécessaire qu’ils soient jetés dans la fournaise, et souffrent douloureusement. Leurs pensées s’étaient rétrécies jusqu’à n’avoir plus que cette notion étroite que, plus sévères étaient les coups qui s’abattaient sur un homme, plus infaillible était la preuve qu’il était tombé dans un mal d’une gravité exceptionnelle. Si donc des épreuves inouïes avaient atteint Job (et qui pouvait nier qu’il en fût ainsi ?) c’était parce qu’il était le plus méchant des hommes.
Telle était leur théorie et son application, mais ils étaient dans une erreur complète. Ce n’était pas du péché, ni du mauvais vouloir, mais le résultat de leur ignorance des voies de Dieu était un manque complet de charité. Il y a assurément dans cette histoire un sujet de sérieuse méditation pour nous, si nous désirons éviter un tel écueil. Il n’y avait pas chez les amis de Job de méchanceté flagrante et intentionnelle à son égard, et, de fait, ce n’est pas ainsi que d’habitude un enfant de Dieu fait tort à son frère. En règle générale, c’est une vérité incomplète qui devient une cause de trouble. Un inconverti est emporté par sa propre volonté et les mensonges de Satan, mais celui qui craint Dieu peut être gravement fourvoyé par une intelligence défectueuse de ce qu’est Dieu et de ce qu’est l’homme. De là découle l’importance immense qu’il y a pour nous à chercher non seulement une vérité, mais la vérité. En outre, nous sommes d’autant moins excusables que nous avons l’inappréciable privilège de posséder la vérité pleinement révélée en Christ qui n’est pas seulement une vérité, mais la vérité manifestée objectivement, comme l’Esprit l’est en puissance.
Quel usage faisons-nous donc de la grâce qui a été déployée d’une telle manière envers nous ? Est-ce Christ ou nos propres pensées que nous prenons comme mesure pour juger de tout ce qui se place devant nous ? Or si les amis de Job avaient considéré, non la révélation de Dieu que nous possédons, mais celle que donne la toute première communication divine dans le troisième chapitre de la Genèse, auquel nous avons fait allusion, quel en eût été le résultat ? Comment Dieu parle-t-il de Christ dans ce passage et quelle aurait dû être la portée de ces paroles en rapport avec le cas de Job ? N’auraient-elles pas gardé ses amis du jugement injuste dans lequel ils sont tombés ? En Celui qui était annoncé là, se trouvait sûrement le modèle de toute perfection, s’il pouvait être trouvé quelque part. Devait-Il traverser ce monde sans souffrance ? Le serpent l’épargnerait-il ? Il lui briserait le talon, avant que sa propre tête fût écrasée ! Ainsi la première révélation divine relativement à la semence de la femme, au Libérateur promis, aurait dû les garder comme d’autres, de la triste erreur que le livre de Job est destiné à corriger. C’est un Homme de douleurs qui doit écraser Satan à la fin. Quelles que fussent les gloires qui suivraient, il devait beaucoup souffrir. Et quel croyant pourrait supposer du mal dans le cas de cet homme ? La souffrance sans précédent qu’Il a traversée avait-elle une telle cause ? Nullement. Ainsi la théorie que la seule cause des douleurs qu’un homme rencontre dans ce monde se trouve dans le mal dont Dieu le trouve coupable est fausse. De plus, le caractère pernicieux de cette erreur n’est pas diminué par le fait qu’elle contient une certaine part de vérité, mais plutôt le contraire. Une vue ou conception étroite des choses peut être des plus désastreuses.
D’un autre côté, il est faux, en effet, que le mal n’ait rien à faire avec les souffrances de l’homme ici-bas. Si le péché n’existait pas, ces dernières seraient inconnues. Sans aucun doute, il a en général une immense part dans tout ce qui vous afflige. Prenez l’homme dans ce monde, et considérez celui qui pratique un mal quelconque : n’en supporte-t-il aucune conséquence ? Bien au contraire. Ainsi, c’est un principe formel du juste gouvernement de Dieu que l’on ne puisse vivre dans le péché sans encourir les visitations solennelles de sa main, bien qu’il y ait place aussi, dans ce cas, pour la manifestation positive de la grâce et même pour la souffrance qui s’y rattache. Ce n’est pas vrai seulement pour l’avenir, mais bien aussi pour le temps présent, que l’on moissonne selon ce que l’on sème. Mais est-ce la seule vérité ou toute la vérité ? Dieu est-il limité à l’exercice de son gouvernement ? En aucune manière. C’est en cela qu’Éliphaz et ses compagnons se trompaient, et Satan sait comment faire tourner à son avantage, en vue de ses mauvais desseins, le côté de la vérité que nous préférons, comme aussi celui que nous négligeons. De là vient l’immense importance de la première leçon de ce livre, à savoir que nous n’avons pas uniquement à faire avec Dieu, mais avec Satan. Nous avons à résister à un être qui n’est pas seulement un Accusateur devant Dieu, mais aussi un Séducteur parmi les hommes, comme nous l’enseigne le dernier livre de la Bible, aussi bien que le premier. Nous sommes inexcusables si nous nous laissons tromper par lui, car nous possédons maintenant la révélation de cette scène qui se déroule clairement devant nous ici et beaucoup plus encore que cela. Ce qui ne pouvait à juste titre être placé devant Job et ses amis, vu que cela eût été tout à fait prématuré, nous est révélé comme un tout, parce que, en vertu de la rédemption et de la nouvelle vie que nous possédons, nous sommes responsables maintenant de marcher selon la lumière de Dieu pleinement manifestée en Christ.
Le chrétien n’est plus dans l’ombre, comme l’étaient comparativement ces saints d’autrefois. Nous marchons dans la lumière. Et rappelons-nous soigneusement, mes frères, que «marcher dans la lumière» ne signifie pas simplement selon la lumière, quelque important que ce soit, et bien que tel soit notre simple devoir. Le fait que nous marchons dans la lumière est absolument vrai du chrétien. Cela ne veut pas dire, comme beaucoup le pensent, que ce soit un progrès spécial ou une haute mesure de spiritualité qu’atteignent quelques chrétiens. C’est la conséquence du fait que nous avons été amenés à Dieu qui est Lumière et c’est la place révélée de proximité de lui-même dans laquelle la grâce a amené tous ceux qui sont retirés des ténèbres et introduits dans la merveilleuse lumière de Dieu, ce qui est le cas de tout chrétien maintenant. Nous sommes lumière et dans la lumière ; c’est en elle que nous marchons et non dans les ténèbres. Aussi, puisque, par grâce, nous marchons dans la lumière, nous sommes tenus de marcher selon la lumière.
Mais notre responsabilité de marcher selon la lumière est entièrement distincte du fait que nous marchons dans la lumière, quoique cette dernière vérité en soit le fondement. Si nous sommes vraiment chrétiens, nous suivons Christ et avons la lumière de la vie, et ainsi nous marchons dans la lumière, comme le font littéralement les hommes, lorsqu’il fait jour. C’est exactement là que nous amène tous la connaissance de Christ comme lumière. Car maintenant personne ne peut suivre Christ ou, en d’autres termes, ne peut être un chrétien sans marcher dans la lumière. Ce ne sont pas seulement les chrétiens spirituels, mais chaque croyant qui en jouit, comme étant son privilège constant et établi. Mais bien que nous marchions dans la lumière, il ne s’ensuit pas que nous le fassions fidèlement selon la lumière. C’est en cela que nous voyons de nombreuses différences pratiques parmi les enfants de Dieu, mais il n’y en a aucune quant à la grande vérité que maintenant nous marchons tous dans la lumière, comme Dieu est dans la lumière. Au temps de Job, le moment n’était pas encore venu pour le resplendissement de cette lumière, c’est pourquoi nous sommes bien moins excusables que lui, si nous oublions qu’elle a lui, car toute cette histoire nous est donnée pour nous préserver des erreurs dans lesquelles même des hommes pieux tombaient alors.
Dans la réponse de Job à ses amis, nous pouvons remarquer qu’il exprime le sentiment profond qu’il avait de leur complète incapacité pour répondre à ses besoins. Il dit : «J’ai entendu bien des choses comme celles-là ; vous êtes tous des consolateurs fâcheux. Y aura-t-il une fin à ces paroles de vent ? Qu’est-ce qui t’irrite, que tu répondes ? Moi aussi, je pourrais parler comme vous». Puis il ajoute en termes émouvants : «Si votre âme était à la place de mon âme, je pourrais entasser des paroles contre vous et secouer ma tête contre vous !» (16:2-4). Qu’ils échangent seulement leur place contre la sienne, si cela eût été possible. Que les trois amis soient dans la position de Job ; que non seulement leurs possessions, mais leurs familles soient emportées complètement par le balai de la destruction, et de telle sorte que cette visitation paraisse être l’effet du déplaisir de Dieu, puis, qu’ils souffrent dans leurs corps d’une manière aussi profonde et cruelle que Job, de sorte que, pour l’œil le moins exercé, ils soient, de la façon la plus évidente possible, les objets des voies gouvernementales de Dieu les plus effrayantes, qu’ils soient dans de telles circonstances et que Job soit leur ami venu pour leur parler, n’aurait-il pas pu user de paroles aussi sévères à leur égard et leur jeter des regards aussi courroucés que les leurs ? Nous ne pouvons qu’être frappés du caractère touchant de l’appel qu’il leur adresse, en réponse à leurs accusations, surtout lorsqu’il ajoute : «Mais je vous fortifierais de ma bouche» (16:5). En cela il a l’avantage incontestable de la grâce sur eux : «Et la consolation de mes lèvres allégerait vos douleurs». Aucune parole ayant un tel caractère ou un tel but n’était sortie de leurs lèvres.
«Si je parle, ma douleur n’est pas allégée ; et si je me tais, s’éloignera-t-elle de moi ?» Assurément il ne méconnaissait pas ce qu’ils interprétaient à son désavantage, à savoir la profondeur de sa désolation. Avaient-ils insisté auprès de lui sur le fait que Dieu avait permis tout cela ? C’était précisément ce qu’il ressentait si douloureusement. En cela, Job montrait sa piété, sans qu’il fût possible d’en douter. Il reconnaissait la vérité ; il n’attribuait pas sa ruine aux Chaldéens ou à d’autres causes secondaires. Il ne cherchait pas des explications vaines dans les circonstances extérieures. Il voyait la main de Dieu, sans entrer en aucune manière dans sa pensée relativement à son épreuve, encore moins dans son amour qui l’avait permise. C’était justement la raison pour laquelle tout était alors si inexplicable pour son âme. Il tenait ferme à son intégrité, étant parfaitement sûr qu’il n’y avait rien de ce qu’ils imaginaient contre lui, aucun terrible secret, aucun péché accablant dont Dieu tirât vengeance contre lui par cette visitation. Sa conscience était bonne. Job ne pouvait dire comment ou pourquoi Dieu se trouvait en tout cela, tout en le ressentant douloureusement. Toutefois, il n’était pas moins certain que ses amis le traitaient avec une injustice criante et que, s’ils eussent été à sa place, ses paroles à leur égard eussent été toutes différentes. Il ajoute : «Mais maintenant, il m’a fatigué… : tu as dévasté toute ma famille. Tu m’as étreint, c’est un témoignage, et ma maigreur se lève contre moi» (16:7-8). Il n’y avait chez lui aucune tentative de cacher sa souffrance, aucune prétention hautaine qu’elle fût moins grande qu’elle ne l’était en réalité. Au contraire, il va à l’extrême opposé et se laisse aller à un langage profondément regrettable : «Sa colère me déchire et me poursuit ; il grince des dents contre moi ; comme mon adversaire, il aiguise contre moi ses yeux». Ce sont là de tristes paroles, surtout si nous considérons la source d’où Job voyait que son épreuve était survenue, quel qu’en pût être le moyen ou l’instrument. Cependant il admet et maintient fermement que l’ennemi n’aurait pu déverser sur lui les coupes de sa fureur, si Dieu n’avait pas prononcé la parole pour le lui permettre. Il comprenait ainsi cette double vérité : d’une part, Dieu est saint, juste et bon, de l’autre, Il le visitait par des épreuves inouïes et absolument écrasantes. Mais il ne pouvait résoudre ce problème et encore moins ses amis, car ceux-ci interprétaient faussement ces deux vérités, en concluant qu’elles faisaient douter de la foi et de la probité de Job.
Toutefois Job s’attachait encore à Dieu, quoique exhalant des plaintes amères et déplacées. Il ne pouvait comprendre pourquoi ou comment une telle épreuve l’avait atteint, ni dans quel but Dieu avait ainsi changé de manière d’agir à son égard, mais il ne nie pas un instant la vérité. Il emploie un langage qui dépeint douloureusement la détresse que traversait son âme : «Ils ouvrent contre moi leur bouche». Ce n’est pas du tout la seule fois que nous ayons à remarquer dans ce livre un langage qui se rattache d’une manière frappante à celui des Psaumes. Celui qui prend la peine de comparer ces deux livres trouvera facilement un grand nombre d’expressions positivement semblables. Le passage que nous avons cité en est un exemple. Qui est Celui qui dans les Psaumes a dit : «Ils ouvrent leur gueule contre moi, comme un lion déchirant et rugissant» ? (Ps. 22:13). C’est le Seigneur sur la croix. Mais quelle différence ! «Et toi, tu es saint, toi qui habites au milieu des louanges d’Israël» (Ps. 22:3). Aucune parole semblable ne sort de la bouche de Job. En conséquence de l’épreuve ardente qu’il traversait, il parle comme si Dieu agissait durement envers lui, comme s’Il était devenu mystérieusement son ennemi, et il s’exprime avec amertume, ce qui est l’effet naturel d’une telle pensée. L’état de l’âme doit toujours dépendre de la manière dont on regarde à Dieu ou de celle dont on manque à le faire. Aussi, combien il est important que nos âmes possèdent la connaissance de Dieu tel qu’Il est et en jouissent, afin qu’elles soient à l’aise et chez elles en sa présence, tout en jugeant le moi et en se reposant sur son amour.
L’effet d’une réelle jouissance de l’amour de Dieu est naturellement que nous devenons les canaux de cet amour. Il n’en était ainsi ni de Job, ni de ses amis. Job avait raison de sentir que Dieu avait affaire avec sa douloureuse épreuve. Il ignorait complètement ce qui avait eu lieu dans les cieux et qui donnait la clef d’une partie tout au moins de cette épreuve. Toutefois, il ne pouvait laisser Dieu de côté en aucune manière dans cette visitation. Cette dernière avait pour effet de conduire ses amis à porter un faux jugement sur lui et à parler de Dieu d’une manière erronée, car ils étaient complètement dans l’erreur, de même qu’elle tendait pour le moment à donner à Job des sentiments durs à l’égard de Dieu. Il murmure comme s’il était l’objet des voies sans miséricorde de sa part. «Dieu m’a livré à l’inique, et m’a jeté entre les mains des méchants». Il avoue avec la plus grande franchise que sans Lui aucune de ces épreuves n’aurait pu l’atteindre. Il y avait une foi réelle chez lui, bien qu’il fût imparfaitement enseigné jusqu’alors. «J’étais en paix, et il m’a brisé ; il m’a saisi par la nuque et m’a broyé, et m’a dressé pour lui servir de but. Ses archers m’ont environné ; il me perce les reins et ne m’épargne pas ; il répand mon fiel sur la terre. Il fait brèche en moi, brèche sur brèche ; il court sur moi comme un homme fort. J’ai cousu un sac sur ma peau, et j’ai dégradé ma corne dans la poussière». Mais était-ce vrai qu’il restreignait la prière devant Dieu, comme l’en avait accusé Éliphaz ? Écoutons ses propres paroles : «Mon visage est enflammé à force de pleurer, et sur mes paupières est l’ombre de la mort, quoiqu’il n’y ait pas de violence dans mes mains, et que ma prière soit pure» (16:8-17). Éliphaz l’avait entièrement mal jugé. «Ô terre, ne recouvre pas mon sang, et qu’il n’y ait pas de place pour mon cri ! Maintenant aussi, voici, mon témoin est dans les cieux, et celui qui témoigne pour moi est dans les lieux élevés». C’est-à-dire que, quant à ses voies, il peut s’en remettre à Dieu. Lui seul absolument pouvait juger s’il avait restreint ou négligé la prière. Job agit ici selon ce que Dieu savait, semble-t-il ; si je ne me trompe, c’est ce que signifie son appel : «Mes amis se moquent de moi… vers Dieu pleurent mes yeux». Il était absolument faux qu’il ne criait pas à Dieu. «Que n’y a-t-il un arbitre pour l’homme auprès de Dieu, et pour un fils d’homme vis-à-vis de son ami ! Car les années s’écoulent dont on peut compter le nombre, et je m’en vais dans le chemin d’où je ne reviendrai pas».
Nous trouvons la même suite de pensées au chapitre 17, où Job exhale ses lamentations. Si le soupçon (nous pouvons même dire l’accusation) de ses amis avait été fondé, il est un événement terrible qu’il eût appréhendé par-dessus tout. Ai-je besoin de dire que c’est la mort ? Bien au contraire, toutefois, il n’y avait rien que Job désirât davantage. Il était vain de lui parler d’un changement possible sur la terre ou de l’entretenir de sa famille, ou d’un relèvement des désastres qui l’avaient englouti. Aucune de ces espérances n’aurait pu apporter la moindre consolation au cœur de Job. Par contre, si seulement il avait pu mourir et s’approcher assez près de Dieu pour plaider devant Lui sa juste cause, il ne doutait pas qu’il n’eût trouvé faveur auprès de lui, même à ce moment-là. Combien il est clair que, quelque incomplète que fût la révélation qui avait formé le cœur de Job, il possédait la substance de la vérité.
Assurément il n’y a rien qui puisse mettre un homme aussi profondément à l’épreuve que la mort. Une mauvaise conscience fait qu’il recule d’horreur devant la mort, car il sent qu’elle déchire tous les voiles et plonge l’âme dans la perdition. Job, au contraire, prouvait non seulement la réalité de sa foi, mais le bon état de sa conscience, par le fait qu’il désirait ardemment s’en aller pour être avec Dieu. Nous voyons ainsi sa confiance en Lui, même pendant qu’il exposait les douleurs de son âme et qu’il n’avait rien d’autre devant lui que la mort. «Si j’espère, le shéol est ma maison, j’étends mon lit dans les ténèbres. Je crie à la fosse : Tu es mon père ! aux vers : Ma mère et ma sœur ! Où donc est mon espoir ? Et mon espoir, qui le verra ? Il descendra vers les barres du shéol, lorsque ensemble nous aurons du repos dans la poussière».
Le second des amis de Job prend maintenant la parole. Comme nous l’avons remarqué dans le débat précédent, Bildad a beaucoup moins de douceur d’esprit et d’empire sur lui-même que son ami plus âgé Éliphaz, qui occupe la première place dans toutes ces discussions. Aussi est-il beaucoup moins scrupuleux dans l’expression de ses doutes à l’égard de Job et de son soupçon qu’il est un hypocrite, car c’est à cela qu’il en arrive bien vite : «Jusques à quand tendrez-vous des pièges avec vos paroles ? Soyez intelligents, et puis nous parlerons. Pourquoi sommes-nous considérés comme des bêtes, et sommes-nous stupides à vos yeux ? Toi qui déchires ton âme dans ta colère, la terre sera-t-elle abandonnée à cause de toi, et le rocher sera-t-il transporté de sa place ? Or la lumière des méchants (est-ce là ce qu’il insinue à l’égard de Job, que «la lumière des méchants» est en lui ?) sera éteinte et la flamme de son feu ne luira point… Le piège le prend par le talon, le lacet le saisit ; sa corde est cachée dans la terre, et sa trappe sur le sentier» (18:2-10).
«Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés» (Matthieu 7:1). Tel est l’esprit de Bildad. Il était convaincu que, quelles que fussent les apparences, elles étaient toutes sans fondement, et que maintenant la vérité ne pouvait pas demeurer plus longtemps cachée : les jugements de Dieu et le langage de Job manifestaient qu’il était simplement un insensé qui avait prospéré, mais dont la vie se terminait selon une règle juste et habituelle. Nous comprenons tous sans doute ce que l’Écriture entend par un «insensé», un homme sans Dieu. Il n’y a point de folie pareille. C’est là ce que Bildad pense avoir été le cas de Job. N’est-il pas humiliant et solennel que nous puissions être des plus sincères dans ce que nous croyons, mais complètement dans l’erreur ? Nous sommes aussi responsables de ce que sont nos convictions que de ce que nous faisons ou disons. Le seul qui soit compétent pour former en nous des pensées et des sentiments justes est Celui qui seul donne la sagesse et la force pour les manifester ; c’est Dieu lui-même. Nous sommes entièrement dépendants de lui pour nous communiquer ses pensées et former nos sentiments aussi bien que nos voies selon ce qu’Il est.
Mais continuons. Bildad ajoute : «Il n’a pas d’enfants ni de postérité parmi son peuple». Il est pénible de constater que, dans un esprit de dureté, il prenne occasion de la douloureuse calamité qui avait enlevé les enfants de Job pour l’accabler. «Ceux qui viennent après seront étonnés de son jour, comme l’horreur s’est emparée de ceux qui les ont précédés. Certainement, telles sont les demeures de l’inique, et tel est le lieu de celui qui ne connaît pas Dieu». Job était-il tel dans l’estimation de Bildad ?
Comme ce discours était le pire de tous ceux qui avaient été prononcés jusque-là, Job étant sous la main de Dieu, est entraîné bien loin et hors de lui-même. Ce peut être lentement et seulement pour un peu de temps, mais le fait est là. Toutefois, après cet écart, apparaît une brillante lueur concernant Celui qui doit venir, la semence de la femme, que les saints ont attendu dès le commencement. «Jusques à quand affligerez-vous mon âme, et m’accablerez-vous de paroles ?» Job savait que, dans leurs reproches, il n’y avait point de fondement, rien que des paroles. Considérons maintenant ce qu’il dit, en réponse à Bildad. «Mais si vraiment j’ai erré, mon erreur demeure avec moi». Il sentait que ses amis ne l’avaient nullement corrigé. «Si réellement vous voulez vous élever contre moi et faire valoir mon opprobre contre moi» (car ils étaient trop précipités en prenant occasion de ses afflictions profondes et multipliées), «sachez donc que c’est Dieu qui me renverse et qui m’entoure de son filet». Avec quelle hardiesse il parle maintenant. Et ce langage n’aurait pu, dans un certain sens, être tenu sans une foi réelle, quoiqu’elle fût bien au-dessous de l’humble soumission de notre précieux Sauveur. Ses amis disaient que Dieu était contre Job. Il le reconnaît : «C’est Dieu qui me renverse». Si c’était une consolation pour eux de le savoir, il confesse que son épreuve venait de Sa main et déclare : Il «m’entoure de son filet. Voici, je crie à la violence, et je ne suis pas exaucé ; je pousse des cris, et il n’y a pas de jugement. Il a fermé mon chemin et je ne puis passer, et il a mis des ténèbres sur mes sentiers. Il m’a dépouillé de ma gloire, et a ôté la couronne de dessus ma tête. Il m’a détruit de tous côtés, et je m’en vais ; il a arraché mon espérance comme un arbre». Ce ne sont pas eux, mais c’est Job qui signale l’abandon général dont il est l’objet, celui de sa femme, de ses frères, de ses serviteurs, de sa maison : en un mot, même des jeunes gens agissent avec mépris à son égard. Ceux qui le révéraient autrefois l’avaient tous abandonné ! «J’ai appelé mon serviteur, et il n’a pas répondu ; de ma bouche je l’ai supplié. Mon haleine est étrangère à ma femme, et ma supplication, aux fils du sein de ma mère : Même les petits enfants me méprisent». Ces paroles nous disent combien l’abaissement de Job avait été profond autant que rapide. «Tous les hommes de mon intimité m’ont en horreur, et ceux que j’aimais se sont tournés contre moi». Telle était la douloureuse vérité, et il la déclare tout entière.
«Ayez pitié de moi, ayez pitié de moi, vous mes amis ! car la main de Dieu m’a atteint». Ceci paraît excellent jusqu’à un certain point de la part de Job. Ce n’était pas la vérité entière, mais c’était réel, et le fait qu’il tenait ferme l’assurance que ce n’était pas pour quelque iniquité qui se fût attachée à lui qu’il était frappé, n’affaiblissait pas cette vérité. Il n’avait pas caressé consciemment un mal quelconque, et cependant il était manifeste à tous que Dieu le frappait. Il ne rejetait pas la faute sur d’autres ; il ne cherchait pas à l’expliquer par des raisonnements humains. Précisément parce qu’il sentait que l’épreuve venait de Dieu, elle lui paraissait d’autant plus douloureuse. Quels qu’en fussent les instruments, c’est Dieu qui l’avait permise, Celui qui jusque-là l’avait entouré d’une haie de protection et l’avait continuellement béni. Aussi il ne savait comment concilier le présent avec le passé ; pour cela il devait attendre. La réponse vint à la fin, lorsque la patience avait eu son œuvre parfaite.
Pour le moment, Job n’épargne pas les remontrances et les répréhensions à ses amis : «Pourquoi, comme Dieu, me poursuivez-vous et n’êtes-vous pas rassasiés de ma chair ?» La détresse amenée par une telle souffrance était suffisante, sans les reproches de ses amis. Étaient-ils dans le vrai en détruisant sa confiance en Dieu ? Le résultat de leur démarche était de l’amener à douter de la sincérité de sa propre foi, ce qui était manifestement l’œuvre de l’Ennemi. L’Esprit de Dieu ne nous conduit jamais au doute : «Oh ! si seulement mes paroles étaient écrites ! si seulement elles étaient inscrites dans un livre, avec un style de fer et du plomb, et gravées dans le roc pour toujours ! Et moi, je sais que mon Rédempteur est vivant, et que, le dernier, il sera debout sur la terre». Nous arrivons ici à la confiance très formelle de sa foi. Combien elle est touchante dans un moment pareil, dans la désolation et la détresse la plus profonde, lorsque Job n’avait pas un seul ami parmi les hommes et que Dieu lui-même le frappait ! Quelle ressemblance avec Christ jusqu’à un certain point dans les circonstances qu’Il a traversées ! Mais aussi quelle différence entre la confession inébranlable de la sainteté de Dieu faite par l’Homme de douleurs, aussi étrangère à tout sentiment d’indifférence que de plainte, et les lamentations de Job ! Toutefois nous avons eu une déclaration bénie, d’autant plus belle qu’elle fut faite au sein de la tristesse, de la souffrance et de l’abandon. «Et après ma peau, ceci sera détruit, et de ma chair je verrai Dieu» (19:26).
Quelques lecteurs savent peut-être que le sens de ces paroles a été l’objet de contestations pour diverses raisons. Certains commentateurs affirment que les mots : «de ma chair» signifient «hors de ma chair». Mais toutefois il faut se rappeler que l’expression : «hors de ma chair» peut avoir le sens de : «du dedans d’elle», comme quelqu’un qui regarderait au dehors par la fenêtre. Il n’est pas question ici de l’âme séparée du corps. Il ne faut pas confondre l’expression : «hors de ma chair» avec celle de «sans ma chair», laquelle n’est pas nécessairement le sens de la première. C’est la déclaration de sa foi en la vérité que tout croyant (plus particulièrement dans l’Ancien Testament) doit maintenir, à savoir le fait que l’homme aura affaire personnellement avec Dieu. Dans la pensée des saints d’autrefois, la personnalité comprenait la personne tout entière, non seulement l’âme et l’esprit séparément, mais le corps aussi. Il en était ainsi pour Job, et c’est ce qui donne tant de poids à ses paroles. Il pouvait considérer la dissolution prochaine de son corps, voir toutes les choses visibles s’écrouler dans la poussière et sa chair devenir la proie des vers. Néanmoins, il tient ferme sa confiance que non seulement, il verra Dieu, mais qu’il le verra «de sa chair». Ainsi la résurrection est clairement sous-entendue dans ces paroles, et tous les efforts des hommes pour détruire la force de ce passage sont complètement vains.
Il est assurément remarquable que nous entendions l’expression de telles pensées en dehors d’Israël et dans ces jours reculés. Comment cela se peut-il ? Il est de toute évidence, après tout, que, si Dieu donnait alors une connaissance restreinte de ses pensées, si la somme de la révélation divine était comparativement petite, l’Esprit de Dieu lui donnait une grande puissance dans l’âme de ceux qui la recevaient par la foi. Ainsi nous sommes constamment frappés de trouver dans la Genèse les sentiments avancés de ceux que Dieu enseignait par son Esprit. Je suis loin de dire qu’ils parlaient selon la connaissance que donne la pleine lumière par laquelle un chrétien doit juger maintenant de toutes choses. Toutefois, de temps en temps, nous les voyons manifester une connaissance remarquable de la pensée de Dieu. Considérez ce que disent Abraham et Isaac, ce que Jacob lui-même exprime parfois, bien que nous reconnaissions qu’il n’avait pas du tout la même élévation morale qu’Abraham. En résumé, nous apprenons par tout ce qui nous est révélé à leur sujet, qu’ils connaissaient beaucoup plus et pouvaient rendre un témoignage plus positif que nous ne l’aurions pensé en tenant compte de leurs circonstances. Cela me rappelle ce passage des Proverbes : «Il y a beaucoup à manger dans le défrichement des pauvres» (Prov. 13:23). Ainsi, là où il y a peu de ressources, Dieu sait comment les faire fructifier pour qu’elles rapportent beaucoup. Il semble que c’est là ce qu’Il fit pour les patriarches. Notre danger se trouve dans une direction toute différente. La grâce nous a révélé maintenant la plénitude de la vérité en Christ, mais, bien-aimés frères, jusqu’à quel point savons-nous la faire valoir à sa gloire ? Comment apparaît notre abondance, quand nous la comparons à ce que faisaient ces saints avec leurs «petites» ressources ? Si elles étaient telles en effet, il est certain que Dieu les rendait puissantes, comme nous devons le reconnaître, en force morale et en résultats.
En résumé donc, Job dit : «De ma chair je verrai Dieu, que je verrai, moi, pour moi-même». Ce n’est pas seulement l’espérance de la bénédiction pour lui-même, mais une jouissance réelle et personnelle de Dieu, et cela sans la moindre crainte ni aucune arrière-pensée. «Et mes yeux le verront, et non un autre ; mes reins se consument dans mon sein». En attendant, il peut être réduit à rien, mais dans ce jour-là, Dieu sera tout, et Il en donnera la preuve, en établissant les siens devant Lui dans leur personnalité entière. «Si vous dites : Comment le poursuivrons-nous ? et que la racine de la chose se trouve en moi, tremblez pour vous-mêmes devant l’épée !» Job voit aussi que, dans ce jour-là, le jugement divin sera exécuté. Non seulement il y a la perspective de la manifestation du Rédempteur, du «Proche parent» qui prendra la défense de son peuple, mais, comme toute l’Écriture le déclare, il y aura à ce moment-là un temps de jugement : «Car l’épée est l’instrument de la fureur contre les iniquités ; afin que vous sachiez qu’il y a un jugement !».
La confession de Job a-t-elle touché les cœurs de ses amis ? Au contraire, elle est suivie d’un discours particulièrement amer de Tsophar. Il semble avoir été le moins élevé des trois moralement, et, comme cela arrive généralement, le plus présomptueux dans ses paroles et le moins brisé en esprit. «C’est pourquoi mes pensées m’inspirent une réponse». En vérité, il en était ainsi : il nous donne ses «pensées». Ce n’était nullement la crainte de Dieu qui faisait mouvoir ses lèvres, ni un saint désir de défendre sa grâce et sa vérité. Nous avons ici les propres pensées de Tsophar. «Et à cause de ceci l’ardeur de mon esprit agit en moi». Il agit en hâte, ce que ne fait pas la foi. «J’entends une réprimande qui me couvre de honte, et mon esprit me répond par mon intelligence. Sais-tu bien que, de tout temps, depuis que l’homme a été mis sur la terre, l’exultation des méchants est courte». C’est la pensée dominante de Tsophar. «La joie de l’impie n’est que pour un moment». Job était l’impie et l’hypocrite. «Si sa hauteur s’élève jusqu’aux cieux, et que sa tête touche les nuées, il périra pour toujours comme ses ordures ; ceux qui l’ont vu diront : Où est-il ? Il s’envole comme un songe». Il continue jusqu’à la fin de son discours cette attaque effrénée (je ne puis l’appeler différemment) contre un homme incomparablement meilleur que lui. Qu’est-ce que tout cela sinon un effort persévérant, laborieux et extravagant de blesser autant que possible par leurs paroles celui qu’ils n’avaient pu ni convaincre, ni confondre. Les paroles de leurs bouches étaient des épées nues.
«Et Job répondit et dit : Écoutez, écoutez mon discours». À partir de ce moment, il semble y avoir un certain progrès chez lui. Ce n’était pas que son âme fût encore amenée en la présence de Dieu ; nous devons pour cela attendre d’autres voies divines à son égard, que nous espérons pouvoir considérer plus tard. Mais tout rayon de la grâce est consolant pour l’âme, et il semble que Job ne se laisse plus aller désormais à autant d’amertume, ni de découragement, en parlant de Dieu. En outre, nous ne l’entendons plus exprimer un désir aussi intense de mourir pour être délivré de la souffrance. Cette pensée n’avait rien d’étonnant chez un croyant qui ne voyait rien d’autre devant lui que la condition la plus misérable possible et cela de la part de Dieu. C’eût été une grande consolation pour lui d’entrer en sa présence, et il savait ce qu’il trouverait là de sa part.
Ce qui témoigne d’un changement marqué dans les dispositions de Job, c’est que, dès ce moment, il accepte la mesure de vérité que pouvaient contenir les discours de ses amis. Rien ne montre autant l’avantage moral gagné par un homme sur ses adversaires. Que peut-il y avoir de plus pénible que de voir deux contradicteurs s’opposant l’un à l’autre, en prenant chacun, un côté différent de la vérité ? Il n’y a jamais d’issue satisfaisante au débat que lorsque vous reconnaissez la mesure de vérité des arguments de votre opposant. En pareil cas, c’est la preuve formelle que Dieu nous a donné la victoire sur nous-mêmes, ce qui est un grand gain. C’est ainsi que désormais nous verrons Job reconnaître la mesure de vérité qui se trouvait dans ce que lui disaient ses amis, devenus, chose triste à constater, ses adversaires. Mais il démontre également la folie qui consiste à fermer les yeux au fait de la longue patience actuelle de Dieu à l’égard des méchants. «Ma plainte s’adresse-t-elle à un homme ? Et pourquoi mon esprit ne serait-il pas à bout de patience ? Tournez-vous vers moi, et soyez étonnés, et mettez la main sur la bouche. Quand je m’en souviens, je suis terrifié, et le frisson saisit ma chair : Pourquoi les méchants vivent-ils, deviennent-ils âgés, et croissent-ils même en force ?» Ainsi, avant de céder sur le point qu’il pouvait reconnaître, il attire l’attention sur le fait indéniable que, bien loin que la vie présente soit l’expression complète du gouvernement moral de Dieu, il n’y a rien de plus saisissant que de voir qu’il permet souvent que la méchanceté triomphe et que les justes soient en même temps complètement jetés par terre et sévèrement éprouvés. C’était une contradiction absolue de leur thèse, sans doute, et il la formule avant de faire la concession à laquelle nous avons fait allusion. «Pourquoi les méchants vivent-ils, deviennent-ils âgés, et croissent-ils même en force ?»
Qu’est-ce que ses amis ont à dire en réponse ? Le terrain leur manque complètement sous les pieds. Ils avaient prétendu que, selon le gouvernement de Dieu, aucun homme inique ne pouvait prospérer, ni aucun juste être absolu. Il ne pouvait y avoir une appréciation plus erronée du monde tel qu’il est aujourd’hui. Il en sera ainsi lorsque le Seigneur prendra les rênes du gouvernement. Alors, en vérité, les justes seront établis et toute iniquité fermera la bouche. À ce moment-là, aucun mal ne sera toléré. Mais qui peut considérer ce monde tel qu’il est, et admettre sérieusement une telle pensée ? Mais comment ces hommes pieux tombèrent-ils dans une si étrange erreur ? Il n’y a point d’hommes qui soient entraînés dans de plus grands errements que les croyants quand ils ne marchent pas dans la dépendance de Dieu. Leur piété même leur donne une plus profonde horreur du mal ; aussi, à moins que la grâce n’agisse en puissance et produise en eux le sentiment du besoin qu’ils ont d’être gardés par cette grâce de Dieu lui-même, il n’y aura personne de si sévère et de moins juste qu’eux. C’est un solennel avertissement. Et pourquoi les choses sont-elles ainsi ? Est-ce simplement afin que nulle chair ne se glorifie dans la présence du Seigneur ? Il y a un autre fait encore, il y a un Adversaire, le diable, et Dieu veut que nous apprenions que sa grâce seule est suffisante pour nous.
C’est à la démonstration de cette vérité que tend l’action entière de ce livre. Non seulement l’intervention d’Élihu et la conclusion de l’Éternel, mais les raisonnements des interlocuteurs y concourent. Mais chaque partie est à sa place assignée, et il est bon que nous prenions tout en considération.
Job décrit ensuite en termes énergiques la prospérité des méchants. «Leur postérité s’établit devant eux, auprès d’eux, et leurs descendants devant leurs yeux». Ce n’est pas seulement qu’il y ait çà et là des méchants, mais ils prennent réellement racine dans le monde ; ils y sont chez eux. «Leurs maisons sont en paix, loin de la frayeur, et la verge de Dieu n’est pas sur eux». Ils ne sont pas frappés par une discipline spéciale. «Leur taureau engendre sans manquer, leur vache vêle et n’avorte pas. Ils font sortir leurs jeunes enfants comme un troupeau, et leurs enfants s’ébattent. Ils chantent au son du tambourin et de la harpe, et se réjouissent au son du chalumeau». C’est eux qui jouissent du monde, si on laisse Dieu de côté en prenant l’appréciation que l’homme fait de la vie présente. Il est incontestable qu’il en est bien ainsi, que l’on puisse ou non en expliquer la cause, si l’on considère le monde tel qu’il est. «Ils passent leurs jours dans le bonheur, et en un moment descendent dans le shéol. Et ils disent à Dieu : Retire-toi de nous, nous ne prenons pas plaisir à la connaissance de tes voies. Qu’est-ce que le Tout-Puissant pour que nous le servions, et que profitera-t-il de nous adresser à lui ?» Il aurait été juste de dire dans leur cas que la prière avait été retenue (ou méconnue).
L’impiété a toujours caractérisé le monde. Mais, est-ce là toute la vérité ? «Voici, leur bonheur n’est pas dans leur main. Loin de moi le conseil des méchants ! Combien de fois la lampe des méchants s’éteint-elle, et leur calamité vient-elle sur eux, et leur distribue-t-Il des douleurs dans sa colère». Ici nous voyons que Job reconnaît l’autre côté de la vérité, car il n’est pas moins vrai que Dieu ne se laisse pas sans témoignage. Il insiste sur le fait que la scène présente ne nous fournit pas l’expression du gouvernement moral de Dieu. Toutefois il reconnaît qu’au milieu de la prospérité apparente des hommes, un coup divin tombe sur eux ; en un moment leur lampe s’éteint. Ainsi il admet qu’il y a des voies exceptionnelles de Dieu envers les hommes. Il y avait encore un autre genre de dispensations que Job ne comprenait pas, c’était ce qu’il avait à apprendre, à savoir que Dieu agit à l’égard des siens par des voies de châtiments, d’épreuve ou de discipline, tout aussi sûrement qu’Il peut appesantir sa main sur les méchants par des jugements solennels.
Néanmoins, sans aucun doute, le temps n’est pas encore venu pour que toutes choses soient manifestées en puissance selon sa pensée et sa volonté. Il est inutile pour Israël ou l’Église de vouloir en devancer le moment, comme tous deux l’ont fait ; car «le temps propre» (1 Tim. 6:15) ne peut arriver avant que Christ vienne. «Dieu réserve à ses fils la punition de sa méchanceté : il la lui rend et il le saura. Ses yeux verront sa calamité». C’est-à-dire que ce n’est pas seulement le méchant lui-même qui est frappé, mais quelquefois sa famille. Cette ligne de pensées est développée pleinement jusqu’à la fin du chapitre.
Éliphaz, pris tout à fait à l’improviste par une réponse aussi décisive à ses arguments, essaie de répliquer pour la dernière fois, dans le chapitre que nous avons sous les yeux. On ne peut être étonné qu’il n’y réussisse pas. «Et Éliphaz, le Thémanite, répondit et dit : L’homme peut-il être de quelque profit à Dieu ? C’est bien à lui-même que l’homme intelligent profitera». Le terrain qu’il prend maintenant est que Dieu est au-dessus de toutes les questions que l’on pourrait soulever pour savoir si la conduite d’un homme lui est utile ou non. «Est-ce un plaisir pour le Tout-Puissant que tu sois juste, et un gain pour lui que tu sois parfait dans tes voies ? Contestera-t-il avec toi parce qu’il te craint, et ira-t-il avec toi en jugement ?» Il ne craint pas de flétrir comme étant une iniquité positive la persistance de Job à maintenir son intégrité en dépit de leurs imputations. «Ta méchanceté n’est-elle pas grande, et tes iniquités ne sont-elles pas sans fin ?» Piqué au vif par une réplique aussi écrasante à ses arguments, il accuse maintenant Job d’une façon formelle d’un mal caché. Celui qui soupçonne en se fondant sur des apparences, se débarrassera même bientôt de celles-ci. «Car sans cause tu as pris un gage de ton frère, et tu as dépouillé de leurs vêtements ceux qui étaient nus». C’était l’opposé même du vrai caractère de Job ! «Tu n’as pas donné d’eau à boire à celui qui se pâmait de soif, et tu as refusé du pain à celui qui avait faim». Job avait donné plus qu’Éliphaz ne l’avait jamais fait. Qu’est-ce qui pouvait être plus faux que de telles accusations ? «Et l’homme fort… à lui était la terre, et celui qui était considéré y habitait. Tu as renvoyé les veuves à vide, et les bras des orphelins ont été écrasés. C’est pourquoi il y a des pièges autour de toi… Réconcilie-toi avec Lui, je te prie, et sois en paix… et la lumière resplendira sur tes voies». Entièrement dans l’erreur dans ses accusations, ce grave vieillard s’enhardit jusqu’à inviter Job à revenir de son impiété et à s’humilier devant Dieu : «Tu le supplieras et il t’entendra». Il veut dire qu’il n’y avait qu’une seule porte de délivrance pour lui, à savoir l’humiliation devant Dieu à cause de son hypocrisie.
Job répond : «Encore aujourd’hui ma plainte est amère, la main qui s’appesantit sur moi est plus pesante que mon gémissement ! Oh ! si je savais le trouver, et parvenir là où Il est assis !» Est-ce là le langage ou les sentiments de quelqu’un qui a conscience d’être coupable d’iniquité devant Dieu ? Nous n’entendons jamais de telles paroles sortir de la bouche d’Éliphaz ou de ses amis. Je ne nie pas leur foi, mais je constate seulement que leur état spirituel n’était pas comparable à celui de Job, en dépit de toutes ses plaintes amères. «J’exposerais ma juste cause devant lui, et je remplirais ma bouche d’arguments. Je saurais les paroles qu’il me répondrait, et je comprendrais ce qu’il me dirait. Contesterait-il avec moi dans la grandeur de sa force ?» Job connaissait assez Dieu pour parler ainsi. «Non, mais il ferait attention à moi. Là, un homme droit raisonnerait avec lui, et je serais délivré pour toujours de mon juge».
Les amis de Job manifestent d’un bout à l’autre un esprit de jugement, et de telles dispositions sont toujours fâcheuses. Il peut y avoir une mesure de vérité dans ce qui est dit, mais un esprit judiciaire ne peut jamais sauver une âme de la mort et nuit par-dessus tout à ceux qui s’y complaisent ; il ne convient pas à un saint dans un monde tel que le nôtre. Mais telles étaient les dispositions des amis de Job. Ils ne connaissaient pas Dieu comme ce dernier. «Voici, je vais en avant, mais il n’y est pas». C’était là la cause de sa peine. Il ne pouvait jouir de Dieu, car il n’avait pas encore à sa portée la clef de sa détresse. Il désirait Dieu et était malheureux, parce qu’en réalité il était à distance de Lui, toutes ses épreuves intervenant comme un nuage pour obscurcir le sentiment de Sa bonté dans son âme. «Il m’éprouve, je sortirai comme de l’or». Il ne savait pas comment ce pouvait être pour la gloire de Dieu ou sa propre bénédiction qu’il fût ainsi éprouvé, mais il avait la parfaite assurance que l’hypocrisie était la dernière chose dont il pût être accusé avec justice.
Dans ce chapitre, Job décrit, d’une manière frappante et solennelle, le caractère que revêtent souvent les méchants qui réussissent dans ce monde. Nous ne nous étendrons pas sur ce sujet pour le présent.
Vient ensuite Bildad qui en est réduit à ce que nous pourrions presque appeler quelques lieux communs sur la puissance glorieuse de Dieu. Qui mettait en doute ces vérités ? Tout ce qu’il disait était juste, mais comment cela s’appliquait-il au cas de Job ? Comment l’âme de ce dernier pouvait-elle recevoir du bien et les soupçons de ses amis être justifiés par de tels arguments ?
Que trouvons-nous dans la réponse de Job que nous donne le chapitre 26 ? Après avoir adressé un compliment ironique à Bildad pour la puissance et la sagesse du discours qu’il venait de prononcer, en vue de terminer le débat soulevé entre eux, il montre que, malgré toute sa misère, il peut aussi discourir sur la puissance de Dieu et d’une manière beaucoup plus étendue et plus éloquente que ses amis. Il ajoute des réflexions sur les réalités solennelles du monde invisible.
Au chapitre 27, Job examine un autre sujet, non la gloire de Dieu, mais la misère de l’hypocrite et sa fin terrible en termes plus saisissants que ne l’avaient fait ses amis. En traçant ce tableau, il maintient fermement son intégrité, bien que Dieu ne lui eût pas encore rendu justice et que ses amis lui eussent fait tort.
Cette portion est suivie d’une autre encore plus remarquable (chapitre 28) dans laquelle Job dépeint l’homme dans la poursuite ardente des choses rares de ce monde, sa recherche incessante de l’or, de l’argent et des pierres précieuses de toute espèce. Mais où se trouve la sagesse ? L’homme peut sans doute se frayer un chemin à travers les eaux ; il peut creuser une route dans les rochers. Dans son désir intense d’atteindre le but qu’il se propose, il peut non seulement bouleverser les montagnes et combler les vallées, mais atteindre des lieux que l’oiseau de proie ne connaît pas et que l’œil du vautour n’a pas aperçus. Il peut arriver où aucune bête sauvage n’a jamais pénétré ; il creuse un puits dans les entrailles de la terre et, dans la recherche de ce à quoi il attache de la valeur, il pénètre dans des endroits où aucune bête n’a jamais fait son abri et où les plus sauvages craindraient de le suivre. Mais où faut-il aller pour trouver la sagesse ? L’or le plus fin ne peut la procurer, les pierres les plus précieuses et les œuvres d’art les plus belles ne sauraient être données en échange ; les trésors de l’abîme, même les perles, sont sans valeur en comparaison. L’homme n’a aucune connaissance de la sagesse, mais elle n’est pas ici-bas. La mort et la destruction en ont entendu la rumeur ; elles ont appris qu’elle se trouve quelque part. Elle n’est pas dans ce monde, elle n’est pas en l’homme tel qu’il est maintenant ; la poursuite avide des choses présentes ne fait qu’exclure la sagesse ; il n’y en a point ici-bas. Dans la mort et la destruction du moins, il y a une triste réalité. «Mais la sagesse, d’où vient-elle ? et où est le lieu de l’intelligence ?» La réponse vient de Dieu lui-même à la fin du débat et la voici : «Voici, la crainte au Seigneur, c’est là la sagesse, et se retirer du mal est l’intelligence». C’est à cette conclusion que Job amène toute son argumentation. N’est-ce pas solennel et cependant le fondement de toute connaissance, ainsi que le prouve la conversion de tout pécheur ? Telle est la fin merveilleuse de ce chapitre remarquable.
Dans ce qui suit, nous avons la défense finale de Job. S’il en avait été capable, Tsophar aurait pu introduire ici son petit mot, mais il est complètement réduit au silence. Si Bildad avait peu à dire, Tsophar avait la bouche tout à fait fermée. Ainsi les amis de Job sont entièrement réfutés par leur frère malade et dans la souffrance. Pour le moment, et de fait, pour autant que ses amis sont en question, il a le champ tout à fait libre et (chap. 29) dépeint d’une manière touchante sa splendeur passée. Il continue à parler longuement de la douloureuse catastrophe qui l’avait atteint, lui et les siens (chap. 30). Au chapitre 31, il proteste de son innocence de la manière la plus solennelle, ainsi que de sa pureté personnelle, de son équité, de la considération qu’il avait pour ses serviteurs, de ses soins des pauvres, de son horreur de l’idolâtrie, de l’absence de tout esprit de vengeance qui le caractérisait, de ses habitudes hospitalières, du fait qu’il n’avait jamais caché aucune iniquité et cela sans crainte du Tout-Puissant. Si ses champs pouvaient rendre témoignage de quelque fraude ou d’actes de violence commis par lui, il demande que des épines y croissent, au lieu de froment et de l’ivraie au lieu d’orge. Je ne connais pas de plaidoyer plus éloquent, dans son genre, si ce n’est le fruit de l’expérience d’un homme qui exprime non seulement ses sentiments sous le poids de la plus terrible adversité de la part de Dieu, mais encore ceux qui sont produits dans son âme lorsqu’il se courbe sous la main de Dieu dans une parfaite soumission à sa volonté. Mais je ne m’étendrai pas sur ce sujet maintenant, réservant pour la suite de notre étude l’examen de la grande leçon finale du livre.
Le premier de ces chapitres introduit un nouvel interlocuteur dans le grand débat. Comme on le sait, le personnage d’Élihu a donné lieu à beaucoup de dissertations. Il semble que de telles discussions ne parlent pas en faveur du discernement de ceux qui les ont soulevées ou qui y prêtent l’oreille. Il n’y a pas plus de raison de douter de la personnalité d’Élihu que de celle d’Éliphaz, ou de Job, ou de tout autre dont Dieu nous parle. Quant à leur réalité historique, chacun d’eux demeure, ou ils tombent ensemble. Il n’y a pas davantage de raison de supposer qu’Élihu fût un personnage plus surhumain que Melchisédec. Sans doute, ce dernier était un type très frappant du Seigneur Jésus comme le sacrificateur royal, c’est pourquoi l’Écriture ne nous rapporte ni sa naissance, ni sa mort ; elle ne lui donne ni prédécesseur, ni successeur, et cela afin qu’il présente d’une manière plus saisissante la gloire de Celui dont il était l’image. De même, apparaît ici sur la scène un homme exemplifiant d’une manière remarquable l’Esprit de Christ qui, comme nous le savons, agissait dans les saints d’autrefois. Je ne pourrais dire qu’il soit un type de l’Esprit, mais qu’il exemplifie son action. Chez quelques-uns des hommes de Dieu de l’Ancien Testament, cette action prenait un caractère prophétique. Chez Élihu, nous voyons plutôt l’Esprit agissant sur la conscience et revendiquant le caractère de Dieu.
C’est là, en vérité, ce dont Job avait besoin et ce après quoi il soupirait, comme nous pouvons nous en rendre compte par ses premiers discours. Les bénédictions mêmes qu’il désirait lui furent accordées par la grâce au temps convenable. Il avait demandé, lorsqu’il était abattu sous la main de Dieu dans son esprit, qu’un homme, ayant les mêmes infirmités que lui, lui fût envoyé. Il soupirait après quelqu’un qui pût intervenir entre Dieu et lui. Et Dieu lui accorde maintenant sa demande ; ce n’est pas encore l’Homme Christ Jésus, mais un vrai homme de Dieu, quoique ayant les mêmes infirmités que Job. Élihu prend un soin tout particulier pour insister sur le fait qu’il ne se plaçait nullement sur un terrain plus élevé. S’il avait été une manifestation anticipée du Seigneur Jésus, il eût été impossible qu’il fît constamment allusion à ce qu’il avait appris. Quelque abaissée que fût la place qu’avait prise le Seigneur Jésus, Il ne parlait jamais comme les scribes, mais toujours comme quelqu’un qui apportait la parole de Dieu et révélait les paroles du Père. De fait, sa mission était de manifester le Père. «Le Fils unique, qui est dans le sein du Père, lui, l’a fait connaître» (Jean 1:18).
Élihu ne prend pas une telle attitude. Il était un homme, mais un homme en qui l’Esprit de Dieu opérait alors, et qui nous fait connaître la raison pour laquelle il n’était pas apparu sur la scène auparavant. Il était comparativement jeune, et dans ces jours-là, d’autres sentiments que ceux qui se manifestent aujourd’hui gouvernaient les hommes. Il y avait un sens des convenances très développé dans la déférence dont usaient les jeunes gens à l’égard de ceux qui étaient plus âgés. La connaissance de Dieu fortifiait cette réserve au lieu de l’affaiblir. Sans doute, Élihu entrait beaucoup plus dans les pensées de Dieu qu’Éliphaz et ses amis ; il est évident que tel était le cas et qu’il dépassait Job lui-même sans parler de ses trois amis, ces «vieillards» comme il les appelle. Élihu demeure dans l’ombre jusqu’à ce qu’ils fussent tout à fait réduits au silence et qu’ils n’eussent plus un seul mot à dire, soit pour eux-mêmes, soit contre Job. Mais, bien qu’il commence son discours par une assez longue préface, en s’excusant de ce qu’un homme aussi jeune que lui comparativement aux autres donne aussi sa pensée, la sagesse de Dieu se montre dans ses paroles. Tout cela ne nous montre-t-il pas que même dans ces temps reculés les hommes étaient enseignés de Dieu quant à ce qui était bienséant ? Ne voyons-nous pas également que la puissance de l’Esprit, loin de détruire les convenances dans les relations mutuelles, les met en relief, au contraire, avec plus de force que ne le font les sentiments naturels de déférence, parce qu’elle juge le moi dans la présence de Dieu ? En même temps, comme la porte était ouverte pour laisser pénétrer la lumière divine, celle-ci ne manqua pas de briller.
Élihu nous fait connaître le sentiment profond de peine qui remplissait son âme en voyant, d’une part, ces trois hommes plus vexés qu’humiliés de leur insuccès, parce qu’ils n’avaient pas réellement pesé la question dans la lumière de la présence de Dieu et, d’autre part, Job qui, jusqu’à ce moment-là, n’avait pas du tout appris la leçon de soumission de cœur à Dieu, bien qu’il fût l’objet d’une sévère discipline de sa part. Je suis loin cependant de prétendre que Dieu ne lui avait pas donné de salutaires leçons avant que vînt la pleine bénédiction. Soyons assurés, chers lecteurs, qu’aucune phase, ni aucun caractère des voies de Dieu envers nous n’est sans profit pour nos âmes. De plus, ce n’est point ce qui paraît le plus au dehors qui est la partie la plus importante de la bénédiction. On pourrait presque dire que derrière tout le bien qui demeure et qui porte du fruit, il y a une œuvre cachée qui s’opère dans l’âme et qui, quoique n’étant nullement la plénitude de la bénédiction que Dieu a en vue pour nous, en est la condition importante et absolument nécessaire.
Il en était exactement ainsi de Job, une oeuvre s’opérait en lui ; il apprenait à se connaître. Il n’aurait pas cru qu’il fût possible qu’il en vînt à se plaindre de Dieu, ni à se disputer avec des amis respectés. Il n’avait jamais connu, dans toute son expérience précédente, de telles pensées ni de tels sentiments. Il est évident aussi que ses amis n’étaient absolument pas préparés à la manifestation de ce qui avait eu lieu, quelque avisés qu’ils fussent pour découvrir les fautes de Job. Mais avaient-ils découvert les leurs ? Il y avait une poutre dans leur œil, aussi sûrement qu’il y avait un fétu dans celui de Job. Qu’y avait-il donc d’étonnant à ce qu’ils ne vissent pas clairement ? C’est pourquoi l’un des buts de cette dernière portion du livre est de placer devant nous la manière dont Dieu amène la solution de toute la question, dans la mesure où la chose était possible avant la venue de Christ lui-même. Ainsi, Élihu, après s’être excusé de prendre la parole, se met à la dernière place, quoique étant celui qui avait plus de poids que tous les autres, tout en étant si ignoré que jusqu’alors son nom n’avait pas même été prononcé. Or c’est une chose que les hommes ont le plus de peine à comprendre : que les derniers soient les premiers et les premiers les derniers. Il me semble que l’une des harmonies morales, non seulement de ce livre, mais de toute la Parole et de toutes les voies de Dieu en général, se trouve précisément dans le fait que Dieu amène au moment voulu les instruments nécessaires pour son œuvre. C’est donc une leçon importante qui nous est enseignée dans ce fait même. L’homme n’aurait pas agi ainsi. S’il avait essayé d’écrire un livre tel que celui-ci, il nous aurait préparés dès le début à l’apparition d’un personnage tel qu’Élihu. Dieu agit avec une sagesse suprême, et la puissance avec laquelle Élihu entre en scène, lorsque sa présence est nécessaire, est d’autant plus grande que, jusqu’à ce moment-là, il avait gardé une place si humble et retirée.
Qu’il me soit permis en passant de rappeler que nous ne devons pas faire erreur quant au sens du mot traduit dans la version anglaise par «inspiration» et que nous rendons par le mot «souffle» (chap. 32:8). Élihu ne l’emploie pas dans le même sens que celui dans lequel l’apôtre Paul l’applique à toute l’Écriture. Il veut simplement indiquer par là la source de cette intelligence que Dieu donne à l’homme, et ne prétend nullement apporter ici la Parole de Dieu infaillible, absolue et parfaitement communiquée. Quand nous parlons de «l’inspiration» nous entendons la pensée de Dieu communiquée de telle sorte que l’erreur en soit complètement exclue. Élihu prétend-il à cela ? Parlerait-il de ce qu’il sait, comme étant son opinion, s’il en était ainsi ? Il est d’autant plus nécessaire de distinguer cela que l’on aperçoit souvent un double danger que courent les âmes. D’une part, il y a la tendance de perdre de vue l’autorité des Écritures en tant qu’inspirées de Dieu, d’autre part celle de l’affaiblir en appliquant à d’autres hommes ou à d’autres écrits le mot «inspiré» qui ne peut leur être donné que dans un sens inférieur poétique ou figuré. Le contexte doit toujours nous diriger pour la décision de telles questions. Dans le cas d’Élihu, il me paraît clair que le contexte ne justifie pas l’application du mot «inspiration» dans le même sens que celui que Paul lui donne, en déclarant, en 2 Tim. 3, que toute Écriture est divinement inspirée. Naturellement le livre de Job fait partie des Écritures et par conséquent est inspiré. Le Saint Esprit duquel il procède, quel qu’en soit l’instrument, nous a donné ce récit qui est aussi inspiré que la seconde épître à Timothée, laquelle nous affirme que toute la Parole émane de cette source. Toutefois «le souffle du Tout-Puissant» (32:8) dont parle Élihu ne signifie pas autre chose que la source de la connaissance donnée à l’homme.
Nous trouvons dans ce chapitre le premier grand principe introduit pour répondre à la question de Job. Élihu commence par développer la raison morale des voies de Dieu et des épreuves sous le poids desquelles Job gémissait. Il dit : «Mais toutefois, Job, écoute ce que je dis, et prête l’oreille à toutes mes paroles. Voici, j’ai ouvert ma bouche, ma langue parle dans mon palais. Mes paroles seront selon la droiture de mon cœur, et ce que je sais mes lèvres le diront avec pureté. L’Esprit de Dieu m’a fait, et le souffle du Tout-Puissant m’a donné la vie».
Il déclare ensuite la vérité à laquelle nous avons déjà fait allusion : «Voici, je suis comme toi quant à Dieu, je suis fait d’argile, moi aussi». C’est exactement ce que Job avait désiré, et maintenant, au-delà de toute attente, lorsque ses amis l’avaient complètement désappointé, Dieu lui fournit le secours qui lui était nécessaire, à savoir une considération patiente des circonstances terriblement éprouvantes par lesquelles il passait, jointe à une sainte jalousie pour la gloire de Dieu, au moment convenable ; cette intervention a lieu d’un côté qui était sans nul doute le dernier d’où Job l’eût attendue. «Voici, ma terreur ne te troublera pas, et mon poids ne t’accablera pas». Il s’était plaint de ce que Dieu agissait ainsi envers lui, soit à l’égard de son âme, soit à l’égard de son corps. Il avait demandé s’il était un monstre de la terre ou des eaux que Dieu le traitât ainsi. Job avait donc proféré des paroles tout à fait inconvenantes. Mais n’y avait-il pas lieu de tenir compte des provocations de ses amis et de son extrême souffrance d’âme et de corps ? C’était la main de Dieu que Job avait cherché à détourner avec tant de persistance. «Certainement tu as dit à mes propres oreilles, et j’ai entendu le son de tes discours : Moi, je suis net, sans transgression ; je suis pur, et il n’y a pas d’iniquité en moi». Sans nul doute Job était allé trop loin. Il était tout à fait vrai qu’il n’y avait pas en lui d’iniquité cachée comme celle dont ses amis le soupçonnaient, mais il était absolument faux que Dieu n’eût pas les raisons les plus sages pour humilier le moi de Job à ses yeux.
En se complaisant dans les fruits que la grâce avait produits en lui et par lui en abondance, Job avait perdu de vue la source même de cette grâce. Il avait été occupé de ses effets ; aussi les doutes de ses amis, ajoutés aux voies de Dieu à son égard, l’avaient presque mis hors de lui. Au lieu de diriger ses regards vers la grâce qui est en Dieu, Éliphaz l’avait rejeté de plus en plus sur lui-même et ses voies, ce qui était précisément l’erreur dans laquelle Job était tombé. En d’autres termes, Éliphaz pensait que si Job avait mis sa confiance en la justice et s’il y avait eu un vrai fondement de piété pratique dans sa vie, il était impossible qu’il fût affligé de Dieu comme il l’avait été. Tout au contraire, c’était justement parce que Job était tombé dans l’erreur de se complaire beaucoup trop dans sa propre justice, ce qui entretenait dans son âme une dangereuse satisfaction de lui-même, que Dieu devait le faire passer par cette discipline salutaire pour l’humilier. Pour être pleinement béni, il fallait qu’il eût un jugement sain relativement à lui-même, ainsi qu’une appréciation plus juste relativement à Dieu, et c’est là ce que la grâce voulait lui donner.
Or nous avons besoin de la justice pratique et d’une bonne conscience, aussi bien que de la foi, pour résister à l’Ennemi, comme nous le voyons en Éph. 6. Mais il nous faut quelque chose de beaucoup plus précieux encore que cette armure comme vêtement devant Dieu ; là nous avons besoin de la justice divine, et c’est ce que Job devait apprendre. Il avait confondu ces deux points, comme cela arrive à plus d’un croyant aujourd’hui, à son propre dommage et au déshonneur de Dieu.
Élihu déclare ensuite clairement à Job qu’il avait mal parlé de Dieu, tandis qu’il s’était trop glorifié de lui-même : «Voici, il trouve des occasions d’inimitié contre moi, il me considère comme son ennemi». Était-il convenable de parler ainsi de Dieu ? Élihu condamne à juste titre un tel langage. Un saint devrait se montrer plein de révérence à l’égard de Dieu. «Il a mis mes pieds dans les ceps, il observe toutes mes voies. Voici, je te répondrai qu’en cela tu n’as pas été juste, car Dieu est plus grand que l’homme. Pourquoi contestes-tu avec lui ?» Est-il possible qu’un homme pieux se permette d’accuser Dieu d’injustice ? Les trois amis n’avaient pas réussi à convaincre Job selon la vérité, tout en le soupçonnant à tort. Non seulement il jugeait Dieu, mais il ne lui était pas soumis. Il y avait de la rébellion dans son cœur. Si Dieu avait à le reprendre, il aurait dû rechercher sa face, au lieu de murmurer contre Lui. «Pourquoi contestes-tu avec lui ? car d’aucune de ses actions il ne rend compte. Car Dieu parle une fois, et deux fois, — et l’on n’y prend pas garde, — dans un songe, dans une vision de nuit, quand un profond sommeil tombe sur les hommes, quand ils dorment sur leurs lits : alors il ouvre l’oreille aux hommes et scelle l’instruction qu’il leur donne».
Ainsi, dans ce chapitre, Élihu signale à Job une des dispensations habituelles des voies de Dieu bien que ce ne soit nullement toujours ainsi qu’il agisse. Dieu n’est pas du tout limité dans ses méthodes pour atteindre l’homme, mais il peut opérer de diverses manières dans l’âme. Ici, Élihu commence par les vérités fondamentales qu’il expose avec la plus grande intelligence. Il parle d’abord de la première œuvre de Dieu chez un homme qui ne le connaît pas. C’est la grâce qui opère pour réveiller une âme inconvertie. La raison pour laquelle est faite cette remarque deviendra claire par la suite. Telle est la première partie de la solution donnée à la difficulté que tous avaient éprouvée, mais qui, jusqu’alors, était demeurée entièrement inexpliquée : «Pour détourner l’homme de ce qu’il fait ; et il cache l’orgueil à l’homme». C’est exactement ce qui caractérise la miséricorde divine dans les appels qu’elle adresse à l’homme inconverti. Celui-ci est emporté par sa propre volonté, mais Dieu sait comment la faire plier ou la briser. «Il préserve son âme de la fosse, et sa vie de se jeter sur l’épée». Tel est le but miséricordieux de l’intervention divine. Il y a en cela autre chose qu’un songe de la nuit ou une vision passagère. C’étaient des voies disciplinaires, aussi bien que des reflets de la lumière de Dieu et de ses jugements que Job méconnaissait. «Il est châtié aussi sur son lit par la douleur, et la lutte de ses os est continuelle, et sa vie prend en dégoût le pain, et son âme l’aliment qu’il aimait. Sa chair est consumée et ne se voit plus, et ses os, qu’on ne voyait pas, sont mis à nu ; et son âme s’approche de la fosse, et sa vie, de ceux qui font mourir. S’il y a pour lui un messager, un interprète, un entre mille, pour montrer à l’homme ce qui, pour lui, est la droiture, il lui fera grâce» (v. 19-23).
Ainsi il en était autrefois comme aujourd’hui. Dieu, qui emploie ces moyens extérieurs pour s’adresser à l’homme, opère par sa parole et, en règle générale, par le moyen d’un messager dont Il se sert, «un interprète, un entre mille» comme nous lisons : «Il lui fera grâce, et il dira : Délivre-le pour qu’il ne descende pas dans la fosse : j’ai trouvé une propitiation». C’est là un tableau particulièrement saisissant de ce que Dieu devait accomplir au temps convenable ; cette vérité ne nous est pas présentée ici seulement sous la forme typique d’une promesse, mais dans un langage très clair ; de fait, ce sont peut-être les termes les plus explicites que nous donne l’Ancien Testament pour nous faire connaître par anticipation cette œuvre infinie qui a été, comme nous le savons maintenant, accomplie à la croix de Christ.
Or qu’est-ce qui résulte du fait que l’âme s’incline ainsi devant Dieu, en écoutant un interprète tel qu’Élihu ? «Alors sa chair aura plus de fraîcheur que dans l’enfance ; il reviendra aux jours de sa jeunesse. Il suppliera Dieu, et Dieu l’aura pour agréable ; et il verra sa face avec des chants de triomphe, et Dieu rendra à l’homme sa justice. Il chantera devant les hommes, et dira : J’ai péché et j’ai perverti la droiture, et il ne me l’a pas rendu».
En résumé, nous trouvons ici non seulement la grâce de la part de Dieu, mais du côté de l’homme la repentance qui est un don de Dieu tout autant que la foi. Cette œuvre dans l’âme est le fruit de la grâce qui amène le pécheur à se confier en Dieu, tandis que Dieu ne peut avoir aucune confiance en lui. La grâce met Dieu et l’homme à leur vraie place respective. La grande question dans la conversion est que l’homme soit amené à abandonner toute confiance en lui-même et à recevoir avec reconnaissance le témoignage de Dieu. Pour le pécheur réveillé, c’est la seule manière vraie de se confier en Dieu. Or c’est ce que fait la foi et elle en donne la preuve, lorsque le témoignage pénètre réellement dans l’âme, par la repentance. Alors le langage du cœur est celui-ci : «J’ai péché et j’ai perverti la droiture, et il ne me l’a pas rendu». Et que fait Dieu en pareil cas ? «Il a délivré mon âme pour qu’elle n’allât pas dans la fosse, et ma vie verra la lumière. Voilà, Dieu opère toutes ces choses deux fois, trois fois, avec l’homme».
Nous n’avons pas ici une explication doctrinale de la manière dont la grâce réveille les pécheurs du sommeil de la mort, mais une esquisse des voies de Dieu dans leur application détaillée à la vie de l’homme et l’emploi de la maladie et de la douleur, aussi bien que des songes et des visions. Puis, nous voyons comment Dieu se sert particulièrement de ceux qui viennent avec la lumière d’En-Haut pour agir sur la conscience de l’homme. Toutes ces vérités sont présentées d’une façon saisissante, ainsi que les effets qu’elles produisent. Le fruit en sera de «détourner son âme de la fosse, pour qu’il soit illuminé de la lumière des vivants». De fait, ces paroles sont si frappantes qu’elles sont devenues, comme nous le savons, un thème favori pour ceux qui, jusqu’à ce jour, prêchent l’Évangile aux inconvertis. Nous ne voulons nullement dire que les paroles d’Élihu fournissent les matériaux les plus complets et le terrain le plus profond que présente l’Écriture à l’évangéliste. Néanmoins, elles sont un exemple frappant de la puissance vivante qui s’attache aux moindres détails des voies les plus anciennes de Dieu à l’égard d’un pécheur qu’Il réveille de son sommeil. C’est ainsi que, bien des centaines d’années, et de fait environ deux mille ans avant que l’Évangile de la grâce de Dieu fut proclamé, nous en avons une anticipation complète par le moyen d’Élihu l’interprète, qui intervient pour éclairer Job, bien qu’il fût déjà converti.
Élihu commence donc par établir que Dieu se sert des songes, des visions, des peines et de la maladie, aussi bien que de moyens spirituels plus directs pour la bénédiction des âmes. Mais il s’agit de quelqu’un qui n’a aucune connaissance de Dieu, afin qu’il puisse être amené à la jouissance de son amour. Assurément c’était sa miséricorde qui se plaisait à agir ainsi dans l’homme, afin qu’il jouît de sa faveur selon la mesure de la révélation que Dieu donnait de lui-même. Ainsi, bien que le monde fût ruiné devant Dieu et qu’il ne fût que trop évident que Satan était l’agent infatigable du mal ici-bas (fait qui est placé devant nous de la manière la plus claire dans ce livre), Dieu qui est au-dessus de tout cela, et qui semble ne prendre aucune part dans tout ce qui arrive, accomplit ses voies de grâce, afin de convertir et de délivrer ceux qui étaient misérables, vils et rebelles.
Ce n’est pas là ce gouvernement rétributif auquel le cœur de l’homme voudrait sans cesse limiter Dieu, mais celui qui s’exerce sur les âmes, pendant que le monde continue à marcher dans l’orgueil. On aime que ceux qui méritent d’être punis le soient ; c’est naturel au cœur humain. Il y a dans notre nature une disposition qui se donne carrière lorsqu’on ne souffre pas soi-même, ou qu’on n’a pas la perspective de traverser des peines, et qui nous fait désirer trouver quelque raison, bonne ou mauvaise, pourrait-on dire, pour laquelle un autre doit être sous l’effet d’une punition, quand il est dans la souffrance. C’était ce qui caractérisait les trois amis de Job. Mais ce livre a pour but de nous montrer qu’ils se trompaient entièrement dans l’application qu’ils faisaient de cette vérité. Ce n’est pas à dire qu’il n’y aura pas une rétribution parfaite quand le temps en sera venu ; elle sera exercée par Celui qui seul est capable de l’accomplir, mais elle n’est que partielle maintenant. Christ seul agira en perfection à cet égard dans un jour à venir, mais cela n’aura lieu qu’à son apparition en gloire. Il n’y aura point de gouvernement rétributif complet tant que le Seigneur Jésus n’aura pas pris les rênes de son royaume. Il a été Lui-même, comme nous le savons, Celui qui a le plus souffert ici-bas ; de même les saints ont eu à souffrir avant qu’Il vînt, et encore davantage depuis qu’Il est venu. De plus, la grâce manifestée aujourd’hui est si grande que Dieu nous présente la souffrance pour son nom comme un privilège qui nous est accordé. Aussi nous devrions assurément pouvoir bénir Dieu pour cette souffrance, de telle sorte que Job ni aucun autre des saints de cette économie n’aurait pu le faire, parce que nous avons une pleine révélation de Christ. Job ne savait pas pourquoi son Maître miséricordieux l’avait livré à des épreuves aussi terribles et aussi réitérées. Il devait apprendre cette leçon et l’apprendre lentement et douloureusement, mais d’une façon bénie à la fin. Nous commençons au point où Job a fini. Ayant en Christ la vraie lumière de Dieu, nous ne connaissons pas seulement son amour parfait, mais nous apprenons aussi qu’il y a une forme de gouvernement qu’Il exerce ici-bas et qui est tout à fait différente de la rétribution. De plus, nous savons que Dieu agit en grâce pour le bien des âmes en ajoutant à ses voies ce gouvernement moral ignoré du monde et qui, en dépit de toutes les apparences contraires, ne manque jamais d’atteindre son but. Il ne consiste pas en manifestations publiques et ne peut être discerné par l’homme naturel. Néanmoins, Dieu agit dans les âmes et apporte une bénédiction ineffable à tous ceux qui se soumettent à sa parole et à Lui-même. La discipline peut être douloureuse ; nous pourrions même ajouter qu’il faut qu’il en soit ainsi. Quelle bénédiction pourrait-il y avoir pour nous sans cela, dans notre condition présente et dans un tel monde ? La croix nous enseigne ce qu’il en a coûté au Seigneur lui-même pour que notre bénédiction repose sur un fondement de justice, et nous avons dans cette croix la manifestation de la même vérité de la manière la plus riche et la plus profonde. Y a-t-il une seule joie pour nous qui étions autrefois morts dans nos péchés, mais qui sommes maintenant sauvés par grâce, laquelle n’ait pas son fondement dans les douleurs et les souffrances de Celui qui a porté notre jugement ? Telle est la leçon nécessaire pour ceux qui apprennent ce qu’est le péché en la présence de Dieu.
Toutefois ce n’est là que la première partie du gouvernement de Dieu dans ses voies envers le pécheur pour l’amener à la connaissance de sa propre culpabilité et de sa misère, aussi bien que de la bonté de Dieu. C’est ainsi qu’il est gardé de descendre dans la fosse.
Élihu ne s’arrête pas à ce qu’il vient d’exposer. Au chapitre 34, il va plus loin dans le développement de la vérité. Nous pouvons supposer qu’il y eut une pause à ce point de l’entretien. Job avait-il quelque réponse à faire à ce qu’il venait d’entendre ? Ses amis et lui avaient-ils acquis une connaissance plus exacte de la vérité ? Il faut attendre encore pour que ce résultat soit atteint. Ce n’est pas que Job n’eût un peu profité des paroles d’Élihu, mais nous pouvons craindre qu’il n’en fût pas ainsi de ses amis. Tant que la conscience n’a pas jugé le moi devant Dieu, l’esprit travaille en vain dans le domaine divin. Soyons assurés qu’il ne peut jamais y avoir de bénédiction réelle et durable pour nous sans le brisement de nous-mêmes.
«Et Élihu reprit la parole et dit : Sages, écoutez mes paroles, et vous qui avez de la connaissance, prêtez-moi l’oreille. Car l’oreille éprouve les discours, comme le palais goûte les aliments». Il blâme Job en toute fidélité, entremêlant la répréhension avec toutes les paroles de grâce qu’il lui adresse. N’est-ce pas là une leçon salutaire et bénie pour nos âmes ? C’est exactement ainsi que l’apôtre s’adresse aux Colossiens, en plaçant la vérité devant eux. Le discours d’Élihu était toujours, nous pouvons le dire, «dans un esprit de grâce, assaisonné de sel» (Col. 4:6). En effet, le sel ne manque pas dans cet exposé. «Car Job a dit : Je suis juste, et Dieu a écarté mon droit. Mentirai-je contre ma droiture ?» En vérité, Job avait montré une absence complète de brisement d’esprit. «Ma blessure est incurable, sans qu’il y ait de transgression. Qui est l’homme qui soit comme Job ? Il boit la moquerie comme l’eau». Il ne dit pas que Job boit «l’iniquité» comme Éliphaz l’en avait accusé, mais il lui impute «la moquerie». Ses paroles avaient été inconvenantes et irrévérencieuses. Élihu ne lui attribue pas quelque crime secret que Dieu doive punir sévèrement. Mais Job, dans l’assurance de son intégrité, se complaisait à tort dans ce que, par grâce, il était pour Dieu, et c’est ce dont Dieu devra l’amener à ne faire aucun cas. «Il marche dans la compagnie des ouvriers d’iniquité». Élihu ne veut pas dire : «dans ses voies», mais «dans ses paroles», car Job s’était permis de s’exprimer sans retenue, ayant été provoqué par Éliphaz et ses compagnons. Ceux-ci prétendaient que les hommes méchants sont invariablement punis et que les bons prospèrent toujours dans ce monde, ce qui était propre à renverser la foi de l’affligé, si Dieu l’eût permis. Job avait répondu à ces arguments, mais avec une grande intempérance de langage, selon l’aversion justifiée que lui inspiraient ces principes erronés. Toutefois, dans ses répliques, Job donnait l’impression que non seulement il maintenait sa justice, mais qu’il accusait Dieu de n’en pas tenir compte, vu qu’il n’y avait aucune raison quelconque pour qu’il dût être éprouvé. Or ce langage était éminemment propre à encourager ceux qui pratiquent l’iniquité. Et que voulait-il dire en affirmant qu’il est sans aucun profit de trouver ses délices dans la compagnie de Dieu ou dans la communion avec Lui ? Il est tout à fait évident que ni lui ni ses amis n’avaient appris la leçon divine. Le Juge de toute la terre ne pouvait être injuste ; et Job avait-il le droit d’entretenir de telles pensées et de parler comme il l’avait fait ?
Ainsi Élihu condamne sévèrement les discours de Job, puis il s’arrête. Ce n’était pas encore le moment où Dieu appellerait son peuple Israël, comme ensemble, à traverser l’épreuve spéciale par laquelle Il avait fait passer Job. Le chrétien est maintenant appelé à porter toujours dans son corps la mort du Seigneur Jésus, et je ne puis m’empêcher de penser que cet exercice est plus profond qu’aucune des épreuves des saints d’autrefois, mais Christ n’en avait pas encore frayé le chemin.
En attendant, Job fut choisi pour traverser la fournaise, non parce qu’il y avait quelque mal caché derrière son apparente intégrité, mais parce qu’il était l’homme le plus droit de toute la terre. L’Éternel déclare clairement que telle était la raison formelle de l’épreuve inouïe qui l’atteignit. Il fut ainsi prouvé devant les saints anges et devant les anges rebelles, ainsi que devant Dieu et les hommes, que, loin de servir Dieu pour son profit ou sa propre satisfaction, il s’attachait à Lui lors que tout était perdu, sans qu’il y trouvât aucun avantage. Il le faisait dans la souffrance la plus intense de l’âme et du corps, parce qu’il recevait tout de Dieu, sans savoir aucunement pourquoi le Dieu qui aime à bénir livrait à une telle détresse celui qu’Il aimait. Devant l’assemblée complète des créatures célestes, Satan avait mis en doute la réalité du désintéressement absolu de Job dans son service envers Dieu. Mais, comme nous le savons, il fut entièrement battu. Il fut démontré que Dieu était incomparablement plus cher à Job, lorsqu’il fut soudain réduit à la misère et à la souffrance après toute la prospérité que Dieu lui avait accordée jusqu’alors. Mais Dieu fit ensuite sortir du cœur de Job ce dont ni lui ni d’autres hommes, ni même Satan, n’avaient soupçonné l’existence, et cela par la présence et la sympathie de ses trois amis. Qui se serait attendu à cela ?
Cet homme patient tomba dans l’impatience et, provoqué par les faux jugements de ses amis, il donna libre cours à l’amertume de son âme, comme si Dieu était devenu son ennemi, car il ne pouvait s’approcher de Lui. L’épais nuage qui se trouvait entre son âme et Dieu était précisément la cause de sa douleur, la raison pour laquelle il était par moments tout près du désespoir. Ce n’était pas la mort qui l’effrayait, car il savait qu’elle serait la fin de ses calamités ; mais pourquoi un tel Dieu agissait-il ainsi envers son serviteur Job ?
Ainsi, d’une part, il avait parlé d’une manière si inconvenante de Dieu, et de l’autre avec tant de légèreté de la façon dont les méchants prospèrent dans le monde, qu’Élihu pouvait dire justement : «Il marche dans la compagnie des ouvriers d’iniquité, et il chemine avec les hommes méchants», car c’était précisément un tel langage qui aurait plu à ces derniers. C’étaient des paroles propres à obscurcir la conscience et à encourager les pécheurs dans leur mauvaise voie, tout en affligeant les âmes fidèles. «Car il a dit : Il ne profite de rien à l’homme de trouver son plaisir en Dieu. C’est pourquoi, hommes de sens, écoutez-moi : Loin de Dieu la méchanceté, et loin du Tout-Puissant l’iniquité ! Car il rendra à l’homme ce qu’il aura fait, et il fera trouver à chacun selon sa voie».
C’est tout à fait vrai, mais Dieu a son temps à lui, et ses moyens propres pour l’accomplissement de ses voies, indépendamment même de cette rétribution finale qui attend les ouvriers d’iniquité. «Certainement Dieu n’agit pas injustement, et le Tout-Puissant ne pervertit pas le droit». Élihu maintient fermement cette vérité, comme nous l’avons déjà vu, et proclame la grandeur de Dieu qui s’abaisse dans une miséricordieuse condescendance à bénir l’homme au milieu même des douleurs de ce monde. Il rend à Dieu l’honneur qui lui est dû et demeure assuré de sa justice inflexible. «S’il ne pensait qu’à lui-même et retirait à lui son esprit et son souffle, toute chair expirerait ensemble et l’homme retournerait à la poussière. Si tu as de l’intelligence, écoute ceci ; prête l’oreille à la voix de mes paroles». Élihu montre ensuite combien Job était loin de la vérité, car non seulement Dieu agit envers l’homme, mais Il exécute le jugement sur la méchanceté, même ici-bas, selon et quand il lui plaît dans sa souveraine sagesse. Ce n’est cependant pas une règle ou un fait invariable, comme les trois amis l’avaient prétendu. D’un autre côté, Job ne pouvait pas affirmer avec raison que Dieu fût indifférent au mal, comme ses discours semblaient le dire. En d’autres termes, Élihu corrige les pensées des deux parties jusqu’à la fin du chapitre.
Élihu examine ensuite la prétention de Job à des droits supérieurs : «Et Élihu reprit la parole et dit : Penses-tu que ceci soit fondé, que tu aies dit : Je suis plus juste que Dieu ?» Job s’était vraiment permis de parler avec légèreté et arrogance sur ce sujet. «Car tu as demandé quel profit tu en as : Quel avantage en ai-je de plus que si j’avais péché ? Je te répliquerai, moi, par des paroles et à tes amis avec toi : Regarde les cieux et vois, et contemple les nuées : elles sont plus hautes que toi. Si tu pèches, quel tort lui causes-tu ?» Il lui démontre ainsi qu’il n’est pas question pour l’homme de rendre service à Dieu, car c’est Dieu qui bénit l’homme. De plus, indépendamment de ce qui est dû à Dieu : la soumission à sa volonté, l’amour et la gloire, il est impossible que l’homme marche dans l’obéissance sans recevoir en récompense les plus riches bénédictions. Dans tous les sens possibles, c’est bien Dieu qui donne l’accroissement. C’est un principe qui demeure à travers toutes les économies. Ce n’était pas encore le temps du Royaume, dans lequel tout sera établi selon la justice, ni même celui de la pleine lumière dans laquelle nous marchons maintenant, et qui ne pouvait briller avant que vînt la vraie Lumière. Toutefois, il y avait déjà, pour les âmes fidèles, un témoignage de la faveur et de la bénédiction dont elles jouissaient de la part de Dieu, bien que ce ne fût pas manifesté à tous. Ainsi l’iniquité de l’homme n’amoindrit pas la majesté de Dieu, mais elle cause la ruine de celui qui la pratique. D’autre part, comme nous l’avons vu, l’obéissance de l’homme ne procure aucun avantage à Dieu, mais elle assure à celui qui la réalise des bénédictions d’une réalité et d’une richesse infinies.
Maintenant une autre leçon solennelle est placée devant nous. «Et Élihu continua et dit : Attends-moi un peu, et je te montrerai que j’ai encore des paroles pour Dieu. J’apporterai de loin ce que je sais, et je donnerai justice à mon créateur». Il demeure toujours sur ce terrain-ci : Il est impossible que Dieu dise ou fasse quoi que ce soit qui soit indigne de lui-même. «Car certainement mes discours ne sont pas des mensonges ; celui qui est parfait en connaissances est avec toi. Voici, Dieu est puissant et ne méprise personne ; il est puissant en force d’intelligence». Nous avons là la déclaration précieuse de sa grâce. «Il ne fait pas vivre le méchant» ; il le supporte ; c’est pourquoi on ne peut pas dire qu’il le fasse vivre. «Il fait droit aux malheureux. Il ne retire pas ses yeux de dessus le juste, et celui-ci est avec les rois sur le trône» ; peu importe que ce soient les malheureux ou les rois sur le trône : ils sont tous sous le regard de Dieu. «Il les fait asseoir à toujours, et ils sont élevés. Et si, liés dans les chaînes, ils sont pris dans les cordeaux du malheur, il leur montre ce qu’ils ont fait, et leurs transgressions, parce qu’elles sont devenues grandes ; et il ouvre leurs oreilles à la discipline, et leur dit de revenir de l’iniquité».
Ici, me semble-t-il, il n’est pas question des inconvertis amenés dans la faveur de Dieu. Il s’agit plutôt de la discipline exercée envers les justes sous sa bonne main. Ce sont les voies de Dieu et son juste gouvernement qu’Il maintient à l’égard des siens. Mais ces derniers peuvent faillir. Hélas ! qui n’en a connaissance ? Ici donc nous voyons que, dès le commencement, les voies de Dieu étaient en substance les mêmes qu’aujourd’hui. Je parle de ses dispensations morales à l’égard de l’âme individuellement, non de la position, des conseils, de la puissance ou des privilèges que nous révèle sa Parole. Naturellement il n’y a aucune comparaison quelconque à faire entre ce qui était la part de ces saints d’autrefois et les richesses de la grâce et de la gloire manifestées maintenant en Christ. Nous ne voudrions tirer aucun parallèle semblable. Mais les grands principes moraux sont des plus instructifs et, comme dès le commencement, Dieu agissait dans les âmes pour les amener à Lui, Il opérait ensuite dans les siens pour les faire progresser et les instruire. La discipline des saints est donc le grand sujet que nous présente ce chapitre. «S’ils écoutent et le servent, ils accompliront leurs jours dans la prospérité et leurs années dans les choses agréables de la vie. Mais s’ils n’écoutent pas, ils s’en iront par l’épée et expireront sans connaissance. Les hypocrites de cœur amassent la colère ; ils ne crient pas quand Dieu les lie». Nous ne voulons pas dire, sans doute, que chaque mot de ce chapitre s’applique uniquement aux fidèles. En effet, dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, au milieu de la description des privilèges qui appartiennent à la famille de la foi, nous trouvons des paroles d’avertissement adressées aux hypocrites : «Ils mourront dans la jeunesse, et leur vie est parmi les hommes voués à l’infamie. Il délivre le malheureux dans son malheur, et lui ouvre l’oreille dans l’oppression».
Il applique maintenant à Job lui-même les principes qu’il avait exposés : «Il t’aurait aussi tiré de la gueule de la détresse et mis au large, là où il n’y a point de gêne, et la graisse abonderait dans les mets de ta table. Mais tu es plein des jugements des méchants ; le jugement et la justice te saisiront. Puisqu’il y a de la colère, prends garde qu’elle ne t’enlève par le châtiment ; et une grande rançon ne te le fera pas éviter. Tiendra-t-il compte de tes richesses ? Non ; — ni de l’or, ni de toutes les ressources de la puissance. Ne soupire pas après la nuit qui enlèvera les peuples de leur place». C’est ce que Job avait désiré. «Prends garde à toi ! Ne te tourne pas vers l’iniquité, car c’est ce que tu as choisi plutôt que l’affliction. Voici, Dieu se montre élevé dans sa puissance : qui enseigne comme lui ?» Ainsi, le point sur lequel Élihu insiste ici est l’enseignement que Dieu donne ; non seulement le fait qu’Il sauve une âme pour qu’elle ne descende pas dans la fosse, mais la manière dont Il l’instruit. «Qui lui a prescrit son chemin, et qui a dit : Tu as mal agi ?» C’est-à-dire : qui est-ce qui peut dire cela à Dieu ? «Souviens-toi de glorifier son œuvre, que les hommes célèbrent : Tout homme la contemple, le mortel la regarde de loin. Voici, Dieu est grand, et nous ne le connaissons pas ; le nombre de ses années, nul ne le sonde». Élihu continue à développer ce sujet jusqu’à la fin du chapitre.
Après avoir attiré notre attention dans le chapitre précédent sur les voies de Dieu en providence qui sont manifestement justes et bonnes, tout en exprimant sa puissance, et qui servent particulièrement à corriger, en vue de leur bénédiction, ceux qui ne se rebellent pas contre lui, comme le font les méchants à leur honte et à leur perdition, Élihu termine par la description des œuvres merveilleuses de Dieu dans le monde extérieur. Ce sujet s’ouvre à la fin du chapitre 36 par la mention de la pluie et du tonnerre. Il est vrai, et nous l’admettons pleinement, que ces manifestations de sa puissance sont très loin de nous faire connaître les profondeurs de la vérité que la doctrine de Christ et sa grâce nous révèlent. Ce ne sont pas les choses invisibles, mais les visibles. Nous pouvons comprendre que nous sommes ici dans les temps primitifs de l’histoire des saints, où ils épelaient les grandes lettres des premières révélations divines dans les cieux et sur la terre, avant de pouvoir les lire dans les Écritures. Tels étaient ces jours du commencement, dans lesquels Dieu se plaisait à illustrer la vérité par la parole qu’un jour proclame à l’autre jour (Ps. 19:2), et non par le moyen de l’Évangile annoncé maintenant à toute créature, et par le Fils descendu du ciel pour nous montrer le Père lui-même. Pour la raison même que Christ n’était pas encore venu ici-bas, le monde extérieur était considéré comme le témoignage de la majesté, de la fidélité et de la puissance miséricordieuse de Dieu, dans tout ce qui entoure l’homme sur la terre.
À quel point en sommes-nous arrivés maintenant dans le développement des leçons de ce livre ? Qu’avons-nous appris par le ministère d’Élihu ? Beaucoup de vérités importantes, me semble-t-il. Job n’avait pas réussi à comprendre le dessein de Dieu dans la tourmente effroyable qui s’était abattue sur lui. Ses amis avaient manqué beaucoup plus gravement encore que lui. Les manquements de Job avaient plutôt un caractère négatif, tandis que ses amis étaient positivement dans l’erreur avec les meilleures intentions, et tout à fait en dehors du courant des pensées de Dieu. Élihu fait briller devant eux tous la lumière divine, dans la mesure où il était possible à un fidèle de le faire dans ce temps-là. Il démontre que, loin d’être de simples voies judiciaires, les dispensations de Dieu envers l’homme revêtent le caractère d’une discipline juste et miséricordieuse. Appliquées à l’inconverti, elles ont pour but de le briser et de sauver son âme. Elles s’exercent aussi envers le croyant pour le corriger lorsqu’il s’est écarté de la bonne voie, et l’encourager lorsqu’il a besoin d’être stimulé dans sa marche à la suite du Seigneur.
C’est ainsi qu’Élihu place devant Job les voies sages de Dieu, tout en le réprimandant au sujet de sa propre justice, de son impatience et de son manque de respect, mais en évitant les accusations que ses amis avaient formulées contre lui. Nous avons vu, en effet, que, dans l’agonie de sa douleur, Job s’était laissé aller, à maintes reprises, au sentiment qu’il était abandonné de Dieu. Puis il avait prononcé des paroles téméraires et violentes, mais, bientôt après chaque explosion d’amertume, il avait demandé pardon à Dieu. Les paroles profondément blessantes de ses amis, d’autant plus blessantes qu’elles étaient exprimées tranquillement, l’avaient piqué au vif. Malgré leur apparence paisible, elles n’en étaient pas moins extrêmement douloureuses pour son cœur ouvert et généreux. En Élihu, nous trouvons un esprit et un jugement tout différents ; il ne manque pas de censurer les sentiments inconvenants de Job et n’en cache pas les graves conséquences. Toutefois, il sait discerner dans les épreuves les plus incompréhensibles le but miséricordieux de Dieu, même dans ses voies envers les inconvertis, mais plus spécialement envers ses saints.
Que restait-il donc à faire ? Un seul pouvait ajouter du poids au témoignage de l’interprète. Une seule chose pouvait convenablement conclure et couronner l’intervention d’Élihu. Qu’était-ce donc ? C’était la faveur incomparable que Job avait implorée en termes passionnés. Il avait demandé qu’un homme vînt à sa rencontre plutôt que Dieu, mais il avait aussi désiré se trouver devant Lui. Et c’est ce qui a lieu maintenant. Dieu apparaît sur la scène. L’Éternel lui-même lui donne sa réponse du milieu du tourbillon. Il ne nous appartient pas de dire ce que fut cette manifestation. Néanmoins, comme il ne doit y avoir aucun doute quelconque pour nous quant au fait que Dieu répondit à Job, et cela à l’ouïe de tous ses amis, de même ses paroles doivent être concluantes pour terminer ce grand débat. Dire comment se fit cette rencontre serait spéculation ou présomption de notre part. Nous avons simplement à croire qu’elle eut lieu réellement. De plus, ce qui donne une valeur spéciale à la fin de ce livre, c’est de voir que Dieu n’attend pas jusqu’au jour du jugement pour déclarer où se trouve la foi qui se confie en Lui. Seulement aujourd’hui c’est sa Parole qui nous le fait connaître et non une vision spéciale de sa part. Job avait désiré rencontrer Dieu. L’Éternel répondit à cette requête, lorsque le message d’Élihu eut produit son effet.
Remarquons, en outre, que ce n’est pas seulement le nom de Dieu (Élohim ou Éloah) qui est employé désormais. Jusqu’ici, c’est ce nom que nous trouvons dans tout le cours du débat, avec celui du Tout-Puissant, sauf dans un seul passage où se trouve le nom de l’Éternel (chap. 12:9). Dans toutes les discussions du livre, ce dernier n’apparaît pas, sauf dans le passage sus-mentionné, mais, dès ce moment-là, comme au commencement, c’est l’Éternel qui parle. C’est sans nul doute un point de grande importance. L’historien qui a écrit ce livre était familier avec cette révélation de Dieu aux enfants d’Israël. Ce n’est pas que le nom de l’Éternel fût absolument inconnu avant Moïse, mais il fut donné dès lors pour exprimer la relation spéciale de Dieu avec son peuple. Job et ses amis parlaient habituellement de Dieu, du Créateur et même du Tout-Puissant (Shaddaï), nom sous lequel les patriarches le connaissaient. Mais une vérité nouvelle apparaît maintenant. C’est le Dieu d’Israël qui montre sa tendre bonté envers le Gentil qui le cherchait, ainsi que la révélation de sa pensée.
Remarquons aussi que ce n’est pas une révélation abstraite. C’est une application formelle au cas qui est placé devant Lui. Cet homme pieux avait été entièrement écrasé et la présence de ses amis qui le jugeaient faussement avait porté son angoisse à son comble. Comme il avait désiré ardemment, dans sa détresse, que Dieu lui parlât lui-même, l’Éternel lui répond maintenant.
«Et l’Éternel répondit à Job du milieu du tourbillon et dit : Qui est celui-ci qui obscurcit le conseil par des discours sans connaissance ? Ceins tes reins comme un homme, et je t’interrogerai et tu m’instruiras». Il avait demandé de se trouver dans la présence de Dieu, le sommant pour ainsi dire de se rendre à son désir, et Dieu lui répond : «Ceins tes reins comme un homme». Le mot «homme» employé ici n’est pas le même que dans les passages où Job dit : «Qu’est-ce que l’homme mortel ?» et : «Qu’est-ce que l’homme que tu fasses grand cas de lui ?» (chap. 7:17). Dans ces derniers passages, le mot implique la faiblesse et la mortalité. Mais Dieu emploie un terme tout différent, et l’on pourrait traduire : «Ceins tes reins comme un héros», sens que ce mot peut avoir. Il signifie un homme fort. Job avait réclamé cette rencontre avec Dieu pour un examen judiciaire de ses voies en Sa présence et Dieu l’avait exaucé : «Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? Déclare-le moi, si tu as de l’intelligence». Nulle part. «Qui lui a établi sa mesure, — si tu le sais ? Ou qui a étendu le cordeau sur elle ?» Job garde toujours le silence. Il n’avait pas une parole à dire. En outre, considérons le fait que la révélation qui nous est donnée ici date du commencement de l’histoire du monde, pas très longtemps après le déluge et après que les hommes commencèrent à se multiplier de nouveau sur la terre. Puisque l’homme se glorifie abondamment de ses progrès et de son habileté, ainsi que des lumières, de la science et de la civilisation qu’il a acquises depuis lors, pourquoi ne peut-il répondre maintenant aux questions que Dieu adresse à Job ? Les plus sages sont ceux qui sont les plus disposés à confesser leur incompétence et leur ignorance. Ils savent du moins une chose, c’est qu’ils ne sont pas capables de répondre à Dieu. Je ne doute pas qu’il y ait des hommes assez prétentieux pour s’imaginer le contraire. C’est précisément en cela que se trahit l’ignorance. Un homme sans instruction ne pourra peut-être pas se flatter qu’il lui soit possible de le faire, mais ne connaissant pas les limites de la puissance et du savoir humains, il s’imagine qu’il y en a d’autres à ses côtés qui sont assez instruits pour répondre à tout. Plusieurs ne doutent nullement que ce doive être une tâche facile, en face des progrès actuels de l’intelligence et par-dessus tout des sciences naturelles, pour ceux qui sont plus avancés qu’eux dans ce domaine, de répondre à des questions relatives à la création posées il y a trois ou quatre mille ans.
À la vérité, Dieu apparaît donc ici sur la scène dans le but précis d’annuler les prétentions de l’homme. Dans le langage le plus magnifique qui ait jamais à ma connaissance été employé pour décrire de tels sujets, langage digne de Celui dont il nous est dit émaner, l’Éternel se manifeste pour mettre Job à sa vraie place, dans la poussière et dans la cendre, c’est-à-dire dans la mort moralement, afin que le moi soit anéanti devant Lui. Qui était Job et qu’était-il pour parler et murmurer contre Dieu ? L’Éternel ne fait que toucher aux bords de sa puissance et au domaine extérieur de sa gloire, et pourtant qu’est-ce que l’homme peut en dire ? Que pouvait répliquer Job ? Pas une parole. Telle paraît être la force ou la substance de cet exposé. Or celui qui ne pouvait pas expliquer les plus petites manifestations de la puissance de Dieu, était-il à même de juger des parties les plus profondes de ses voies et de ses desseins ? Y a-t-il, en effet, quoi que ce soit de plus insondable que ce qui a trait à ses conseils, à ses affections et à ses voies relativement aux saints qu’Il aime, et cela en dépit de leur faiblesse et de l’inimitié d’un adversaire puissant et rusé ?
Vous connaissez peut-être une pensée qui a été exprimée par un homme de bien et qui n’est pas indigne de lui : «De tous les corps ensemble on ne saurait tirer la moindre pensée… ni un mouvement de vraie charité (*)». Dieu agissait ici selon le même principe, en exposant devant Job une petite partie seulement de sa sagesse et de sa puissance dans le monde extérieur, et cela précisément parce que ces manifestations ne sont qu’une chose insignifiante comparée aux voies de sa grâce. Elles ne sont, pour ainsi dire, que ce que ses doigts ont formé. Si je considère les cieux, le firmament annonce l’ouvrage de ses mains, comme David le dit au Ps. 19. Pensez-vous que ses voies envers nous ne soient que le fruit de la même sagesse ? Elles proclament quelque chose d’infiniment plus grand. Elles manifestent son cœur, ses pensées, son plan d’amour et de bonté. Tout ce que Dieu est a été donné à connaître dans la bénédiction de ses saints, parce qu’Il est apparu lui-même en leur faveur en Christ, en Celui qui est non seulement la seule vraie, mais la complète expression de ce que Dieu est en lui-même et envers nous.
(*) «Pensées» de Pascal.
Naturellement, nous ne trouvons pas ici, même par l’anticipation la plus éloignée, ce qui devait être développé dans le Nouveau Testament. Dieu fait allusion, comme nous l’avons dit, aux manifestations extérieures de sa puissance et de sa gloire. «Où étais-tu quand j’ai fondé la terre ? Déclare-le-moi, si tu as de l’intelligence… Sur quoi ses bases sont-elles assises, ou qui a placé sa pierre angulaire, quand les étoiles du matin chantaient ensemble, et que tous les fils de Dieu éclataient de joie ? Et qui a renfermé la mer dans des portes, quand elle rompit les bornes et sortit de la matrice ?» Peu importait que Dieu dirigeât les regards de Job vers les cieux ou vers les profondeurs de la mer : dans toutes les parties de la création, l’ignorance et l’impuissance de l’homme sont évidentes. Aucune réponse ne pouvait être donnée à une seule question de l’Éternel. «Quand je fis de la nuée son vêtement, et de l’obscurité ses langes ; quand je lui découpai ses limites et lui mis des barres et des portes, et que je dis : Tu viendras jusqu’ici et tu n’iras pas plus loin, et ici s’arrêtera l’orgueil de tes flots ?» (v. 4-11).
Ainsi il est évident que Dieu réduit à néant tous les discours orgueilleux de Job. Mais Il ne se contente pas de démontrer la petitesse de l’homme en parlant de ce qui est grand. Il envisage aussi des choses que nous pourrions considérer comme étant comparativement petites. Après avoir traversé les cieux immenses et la mer indomptée et sondé les trésors de la neige et de la grêle, de l’éclair et des eaux, Il examine en détail divers corps célestes, puis, vers la fin du chapitre, Il s’arrête, en terminant, devant les petites choses de la nature, en présence desquelles l’homme est également réduit au silence. Ainsi : soit que nous considérions les plus grandes ou les plus petites des œuvres de Dieu, partout nous rencontrons ce qui dépasse l’intelligence de l’homme. «Qui a compté les nuages dans sa sagesse ? et qui verse les outres des cieux, quand la poussière coule comme du métal en fusion et que les mottes se soudent entre elles ? Est-ce toi qui chasses la proie pour la lionne, et qui rassasies l’appétit des lionceaux, quand ils sont couchés dans leurs tanières et se tiennent aux aguets dans leur fourré ? Qui prépare au corbeau sa pâture quand ses petits crient à Dieu et qu’ils errent sans nourriture ?» Qu’est-ce qui pouvait mieux que de telles paroles démontrer la folie de l’homme qui veut traduire Dieu à la barre de son tribunal ? Job avait même émis la prétention de juger les profondeurs morales de Dieu, tandis qu’il ne pouvait pas même sonder ce qu’Il est dans la moindre partie de son univers, ni s’en faire une idée quelque peu complète.
Au chap. 39, l’Éternel continue à faire appel à Job, en plaçant devant lui, d’une manière plus complète, la nature animée. Que savait-il relativement aux bouquetins des rochers et aux biches ? Quel contrôle exerçait-il sur les ânes sauvages et les buffles ? Puis, qu’il veuille bien méditer la souveraineté de Dieu manifestée dans la création de l’autruche, du cheval de guerre, de l’épervier et de l’aigle. Nous ne pouvons nous étendre davantage sur ce sujet, quelque intéressants qu’en soient les détails.
Je voudrais encore attirer l’attention sur la question pressante que Dieu adresse au chap. 39 à Job lui-même : «Et l’Éternel répondit à Job et dit : Celui qui conteste avec le Tout-Puissant l’instruira-t-il ?» Il devrait en être capable, puisqu’il juge Dieu. C’est précisément ce qui remplit Job de confusion. Il avait contesté avec le Tout-Puissant. «Celui qui reprend Dieu, qu’il réponde à cela». Maintenant Job répond. Ces paroles sont importantes, car elles se lient au dénouement de tout le débat à la fin du livre. Job fut complètement humilié dans sa propre estime et rendu honteux d’avoir murmuré contre Dieu et ses voies, sans comprendre celles-ci en aucune manière. Ayant accepté cette vérité et s’étant soumis entièrement à Dieu, et possédant dans son âme l’assurance que Dieu devait avoir un but des plus bénis et digne de lui-même dans toutes les épreuves qu’Il lui avait dispensées, Job ouvre maintenant la bouche. C’est un pas important. Il ne garde plus le silence comme ses amis. «Et Job répondit à l’Éternel et dit : Voici, je suis une créature de rien, que te répliquerai-je ? Je mettrai ma main sur ma bouche». Pas un mot de plus au sujet de l’Éternel. «J’ai parlé une fois, et je ne répondrai plus ; et deux fois, et je n’ajouterai rien».
C’est ainsi que Job a été réduit à néant devant Dieu et amené à cette humiliation quant à lui-même, avec une entière confiance dans le Seigneur. À lui seul, l’écrasement de l’homme conduirait presque au désespoir, à moins que le cœur ne puisse se tourner vers Dieu et se reposer sur lui. C’est un point d’une grande importance dans notre marche pratique. Prenez, par exemple, le principe de la séparation, sans laquelle il n’y a pas de vraie sainteté. Mais, frères, quelle en est la valeur si elle ne découle pas de la communion avec Dieu ? Soyons assurés qu’il y a un grand danger dans l’habitude qu’ont certaines personnes d’insister sur la séparation, sans s’attacher à ce qui en fait l’unique puissance divine ; car, séparée de ce ressort et de ce motif que donne la grâce, elle devient non seulement vide de sens, mais réellement repoussante. Ceux qui sont formés par un principe sans vie sont de simples pharisiens, au lieu de rendre témoignage à Christ, le Saint et le Véritable (Apoc. 3). Il est donc d’une grande importance que nous n’ayons pas seulement la manifestation extérieure de la mise à part pour Dieu, mais que nous en possédions le fondement qui seul lui donne la sève et la moelle divines.
Ainsi donc, dans le cas de Job, nous avons la réalisation de ces deux vérités : d’une part sa propre indignité, de l’autre sa confiance en Dieu, et c’est cette dernière, nous pouvons en être assurés, qui lui fit sentir et confesser qu’il était un homme vil. La grâce est la puissance nécessaire. La dernière chose à laquelle un homme arrive est de penser mal de lui-même.
Dans ces deux chapitres contenant la fin de la réponse de l’Éternel, et sur lesquels je ne puis m’étendre, nous ne voyons pas qu’Il embrasse tout le domaine de la nature, mais Il en considère suffisamment pour convaincre Job de son ignorance, et de son incapacité pour parler devant Dieu. Il avait besoin d’apprendre cela, afin qu’il pût se défier de lui-même et mettre toute sa confiance en Dieu. Dans ce dernier exposé, Dieu ne prend, comme nous le voyons, que deux de ses créatures, dont l’une est un animal puissant de la terre, dépeint au chap. 40, et l’autre un monstre des eaux tout aussi puissant, au chap. 41. Le premier est le béhémoth et le second le léviathan. Ces deux chapitres nous donnent en vérité la plus belle description qui ait jamais été faite de ces deux œuvres de Dieu.
Toutefois son but, en nous donnant ce tableau, ne semble pas être du tout celui pour lequel les hommes s’en servent. Ceux-ci parlent comme si l’intention de Dieu était de nous occuper uniquement des choses créées. Au contraire, Dieu nous les présente pour en détourner nos pensées et nous humilier devant lui. En effet, si les œuvres de Dieu sont si merveilleuses, qui est Celui qui les a opérées et qu’est-ce qu’est l’homme pour juger un tel Dieu ? C’est là le point important du discours. Le but de Dieu donc, en décrivant ses œuvres dans ce magnifique langage, n’est pas du tout de nous engager à nous arrêter à les considérer et à en faire l’objet de notre étude, de façon à en occuper notre esprit et à y plonger nos âmes, mais tout le contraire. Il veut nous détourner de nous-mêmes pour nous amener à nous confier en Lui. Pensez-vous qu’après cette rencontre avec Dieu Job fût encore occupé du béhémoth ou du léviathan ? Pas du tout, mais de Dieu, et c’était là le but auquel Dieu voulait l’amener. Ainsi les personnes qui consacrent leur temps et leurs pensées à l’étude des merveilles de la création et qui citent ces chapitres pour justifier leur activité, montrent évidemment qu’elles n’ont pas encore saisi le moins du monde le but de Dieu dans tout ce discours. Il n’en était pas même ainsi dans l’Ancien Testament, encore moins dans le Nouveau.
Considérons maintenant brièvement le tableau du résultat final de l’épreuve. «Et Job répondit à l’Éternel et dit : Je sais que tu peux tout, et qu’aucun dessein n’est trop difficile pour toi. Qui est celui-ci qui, sans connaissance, voile le conseil ? J’ai donc parlé, et sans comprendre, de choses trop merveilleuses pour moi, que je ne connaissais pas». Il répète les paroles humiliantes que Dieu lui avait adressées, afin de se les appliquer à lui-même. C’était juste ; il reconnaît que c’étaient des «choses trop merveilleuses» pour lui et «qu’il ne connaissait pas». «Écoute, je te prie, et je parlerai ; je t’interrogerai, et toi, instruis-moi». C’est ce que l’Éternel lui avait dit auparavant (chap. 40:2) et Job redit les mêmes paroles, en s’humiliant devant Lui. «Mon oreille avait entendu parler de toi, maintenant mon œil t’a vu : c’est pourquoi j’ai horreur de moi, et je me repens dans la poussière et dans la cendre». Il n’y avait plus rien de superficiel chez lui ; il ne s’agissait plus d’une rumeur éloignée. Pensez-vous qu’en sondant l’organisme et les habitudes du béhémoth et du léviathan, Job serait arrivé à une conclusion semblable ? Assurément pas. Il avait à faire avec Dieu lui-même qui s’était servi de ces œuvres de sa puissance dans le but exprès d’amener Job à ses pieds, et l’avait détourné ensuite de toutes ces choses, par leur moyen même, pour qu’il fût entièrement occupé de Lui. «C’est pourquoi j’ai horreur de moi, et je me repens dans la poussière et dans la cendre». C’est ainsi que dans le Nouveau Testament, le Seigneur s’est servi du chant d’un coq pour convaincre de péché le grand apôtre de la circoncision.
«Et il arriva, après que l’Éternel eut dit ces paroles à Job, que l’Éternel dit à Éliphaz, le Thémanite : Ma colère s’est enflammée contre toi et contre tes deux compagnons, car vous n’avez pas parlé de moi comme il convient, comme mon serviteur Job». Dieu s’adresse au plus âgé des trois amis qui, après tout, était celui qui avait parlé avec le moins d’acrimonie, mais cependant d’une manière coupable, car étant le plus ancien, il aurait dû être plus avisé que ses compagnons. Qu’y avait-il dans ce que Job avait dit que Dieu pût signaler comme étant «ce qui convient» ? Car, en examinant le débat superficiellement, on pourrait penser que Job avait dit autant de paroles erronées relativement à Dieu que ses amis. Et même pour un tel lecteur, il pourrait sembler que Job avait parlé de Lui d’une manière plus téméraire que ces derniers. Mais le fait est que la grâce de Dieu supporte beaucoup plus tendrement que les hommes ne le supposent, les paroles inconsidérées que peuvent proférer des affligés sous l’empire d’une épreuve aussi terrible que celle-là.
Ne pensons pas cependant que ce fait diminue en quoi que ce soit la culpabilité de Job. Je répète qu’il y avait toute la différence imaginable entre ces trois hommes qui n’étaient pas dans le creuset et celui qui s’y trouvait. Il est très facile pour ceux qui ne souffrent pas de juger les paroles amères de quelqu’un qui est plongé dans une telle fournaise. Mais Dieu ressentait vivement la manière d’agir d’hommes qui, tout en ayant la prétention de parler selon Lui, avaient complètement failli, malgré leur apparence de gravité, dans l’application de la vérité divine à l’âme de leur ami. C’est là un point d’une grande importance, car cette œuvre ne peut se faire que par l’Esprit.
La vérité abstraite est tout à fait vaine pour les saints de Dieu. Il peut résulter, d’affirmations vraies en elles-mêmes, mais mal comprises et mal appliquées, un dommage plus grand que de celles qui sont positivement erronées, parce qu’une vérité faussée dans son application paraît donner l’autorité de Dieu à une erreur qui a d’autant plus de poids qu’elle est présentée comme une chose vraie. Si une parole insensée ou manifestement fausse est prononcée, chacun la rejette, mais aucun croyant ne peut mépriser la vérité de Dieu. Si donc cette dernière est mal appliquée, et en particulier pour écraser quelqu’un qui, au moment même, est l’objet de la sollicitude la plus grande de la part de Dieu, combien une telle manière d’agir est étrangère et offensante à Celui-ci. Combien Il a en horreur que son nom soit ainsi dénaturé ! C’est ce dont les trois amis de Job étaient coupables. Combien souvent la vérité de Dieu est maintenant employée à l’exaltation du moi ; et pourtant combien une telle manière d’agir est contraire à son caractère et à sa volonté ! Les trois amis n’avaient-ils pas fait ces deux écarts ?
Les erreurs de Job sont parfaitement évidentes. En quoi donc consistait la vérité convenable qu’il avait prononcée ? Il y en avait une que nous pouvons facilement discerner. Il avait assurément parlé selon la justice, lorsqu’il s’était complètement humilié devant Dieu. Je ne veux pas dire que ce fût la seule chose juste qui fût en Job, mais personne ne peut hésiter à accepter et à appuyer la confession qui sortit de ses lèvres. Il avait dit ce qui convenait dans ses dernières paroles en réponse à l’appel de Dieu. C’est alors qu’il fut amené en sa présence. Il parla comme devait le faire un homme qui avait des sentiments convenables au fond de son cœur ; mais, à la surface, que de pensées erronées ! Mais maintenant l’Éternel met au jour les profondeurs de son âme. Il est amené enfin dans la lumière. Tout le reste, tout ce qui n’était que superficiel avait été jugé. Aussi, nous pouvons être assurés qu’il y avait maintenant en Job ce dont Dieu pouvait dire qu’il y trouvait son plaisir ; il ne voyait rien d’autre en lui, car Job justifiait Dieu à ses propres dépens. Il confessait désormais, non sa propre justice, mais son néant dans la poussière et la cendre, et sa souillure devant un Dieu qu’il déclarait sans réserve parfaitement juste dans toutes ses voies.
Ensuite Dieu commande à Éliphaz de prendre pour lui et ses deux amis «sept taureaux et sept béliers» et allez, dit-il, «vers mon serviteur Job et offrez un holocauste pour vous». Il ne paraît pas qu’il y eût encore, en ce temps-là, des sacrifices pour le péché. Ce fait est une indication importante relativement à l’époque extrêmement reculée de laquelle date ce livre ou plutôt les circonstances qui y sont relatées. Elles doivent avoir été avant la loi. Dans les jours du Lévitique, il y aurait eu naturellement un sacrifice pour le péché pour les amis de Job. Par contre, avant que la loi eût promulgué les prescriptions sévères et minutieuses relativement à ce qui était requis quand le péché avait été commis, c’étaient des holocaustes qui étaient offerts régulièrement. C’est ainsi qu’au commencement, nous trouvons dans le temps de Noé, pour lui comme pour d’autres, ces mêmes holocaustes. Il les ordonne comme devant être la confession solennelle de leur péché : «Afin que je n’agisse pas avec vous selon votre folie ; car vous n’avez pas parlé de moi, comme il convient, comme mon serviteur Job». Ainsi fut fait, selon les directions divines.
«Et l’Éternel rétablit l’ancien état de Job, quand il eut prié pour ses amis». C’est là une touchante manifestation de l’œuvre de la grâce. Non seulement Dieu les délivra de leur punition, lorsque Job eut prié pour eux, mais «il rétablit l’ancien état de Job» (ou littéralement Il «ramena sa captivité»), lorsque son cœur s’ouvrit en faveur de ses amis. Job lui-même avait maintenant la conscience qu’il était délivré. Jusqu’alors, il s’était senti comme serré, pour ainsi dire, dans un étau, mais l’Éternel le délivra de sa captivité, lorsqu’il eut prié pour ses amis. Son cœur pouvait agir en grâce ; il en avait fait l’expérience pour lui-même et maintenant il l’exprime, et cela envers ceux qui l’avaient le plus profondément blessé. Job n’avait jamais été plus vivement froissé par personne au monde que par ses trois amis, et cependant ils étaient maintenant les objets de sa sollicitude et ceux pour lesquels il priait. Dieu trouvait ses délices en cela et il rétablit son ancien état en réponse à sa prière pour eux.
De plus, l’Éternel donna aussi à Job deux fois plus de biens qu’il n’en avait auparavant, car le livre ne pouvait se terminer sans un témoignage de la bonté de Dieu même quant aux circonstances extérieures. Bien que le temps ne fût pas encore arrivé pour un redressement complet de tout ce qui est tortueux ici-bas, ou pour rappeler en mémoire toutes les actions bonnes et justes, l’Éternel ne permet cependant pas que son bien-aimé quitte la scène sans avoir des preuves de son intérêt et de sa bénédiction. C’est pourquoi Job reçut alors ce témoignage de ce qu’est Dieu. L’Éternel n’oubliait pas l’homme qui avait passé par une telle tourmente de tribulations et qui s’était attaché à lui, lorsqu’Il semblait être contre son serviteur. Ce dernier dut toutefois apprendre ce qu’il était lui-même, lorsque le diable se fut retiré, et que la première question eut été résolue à la confusion de l’Ennemi. Mais si Job s’était attaché fermement à Dieu, c’est parce que ce dernier l’avait tenu par la main droite. Tel était le véritable secret de toute cette épreuve. C’est la grâce seule après tout qui donne l’intégrité et qui y garde l’âme. Mais Dieu n’était pas injuste pour oublier Job. Il lui montre l’appréciation qu’Il faisait de toute sa piété, même avant que vînt le jour de la rémunération. Job reçut les témoignages les plus complets de respect et de confiance de la part de tous ses parents et même de ses connaissances. «Et tous ses frères, et toutes ses sœurs, et tous ceux qui l’avaient connu auparavant vinrent à lui, et mangèrent le pain avec lui dans sa maison ; et ils sympathisèrent avec lui et le consolèrent de tout le mal que l’Éternel avait fait venir sur lui, et lui donnèrent chacun un késita, et chacun un anneau d’or».
«Et l’Éternel bénit la fin de Job plus que son commencement : et il eut quatorze mille brebis, et six mille chameaux et mille paires de bœufs, et mille ânesses ; et il eut sept fils et trois filles ; et il appela le nom de la première Jémima, et le nom de la seconde Ketsia, et le nom de la troisième Kéren-Happuc. Et, dans tout le pays, il ne se trouvait point de femmes belles comme les filles de Job ; et leur père leur donna un héritage parmi leurs frères. Et, après cela, Job vécut cent quarante ans, et il vit ses fils, et les fils de ses fils, quatre générations. Et Job mourut vieux et rassasié de jours».
Je termine. Que le Seigneur veuille bénir sa bonne Parole et accorder à ses saints la grâce de s’attacher profondément à ce saint Livre dont ils ont tant besoin dans ces jours de confusion et d’incrédulité croissante.