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LA DOCTRINE DU NOUVEAU TESTAMENT SUR
LE SAINT ESPRIT
William Kelly
Table des matières :
1 Méditation 1 — La nouvelle naissance et la vie éternelle — Jean 3:5
1.1.1 [La nouvelle naissance, un besoin de toujours]
1.1.2 [Dieu ne se borne pas à se révéler, Il opère dans l’homme]
1.1.3 [Ce qu’on comprenait de la nouvelle naissance avant Jean 3]
1.1.4 [Le Seigneur expliquant par des figures]
1.2 [Né d’eau (la Parole de Dieu)]
1.2.2 [La source de la vie nouvelle est le Saint Esprit (la Parole son instrument)]
1.3 [La nouvelle naissance : une nécessité]
1.5 [Dieu se fait connaître dans l’homme né de nouveau]
1.8 [L’oeuvre de la croix pour apporter la vie éternelle]
1.9 [La vie éternelle, privilège spécifique des croyants du Nouveau Testament]
1.10 [La croix base d’une vraie paix]
1.11 [Dieu a agit par amour, non pas par simple nécessité]
2 Méditation 2 — «Une fontaine d’eau jaillissant en vie éternelle» — Jean 4
2.1 [Pour connaître Dieu, il faut une vie divine, la vie éternelle, la vie du Fils de Dieu (Jean 3)]
2.2 [Jean 4 — En plus de la vie nouvelle, Dieu communique la puissance (le Saint Esprit)]
2.3 [La femme samaritaine, son état et ses besoins]
2.4 [Choses à ne pas confondre]
2.4.1 [Le don du Saint Esprit (l’eau vive) autre chose qu’être né de l’Esprit]
2.4.2 [La source de la joie est autre chose que la vie elle-même]
2.5 [La puissance conférée ; la personnalité du Saint Esprit n’est pas en Jean 4]
2.6.1 [Les aspirations de l’homme déchu]
2.6.2 [L’eau vive, réponse divine à la soif de l’homme + un objet pour le coeur et une puissance]
2.6.3 [Avec le don du Saint Esprit, le croyant n’aura plus soif à jamais]
2.7 [Lien entre la puissance du Saint Esprit (source de joie dans l’âme) et le culte]
2.7.1 [Les systèmes religieux mis de côté]
2.7.2 [Les vrais adorateurs ont une source de joie au-dedans]
2.7.3 [Ne pas souffrir les contacts avec un culte mélangé]
2.7.4 [Sauvés pour adorer — le culte n’est pas l’édification]
2.7.5 [Distinguer les relations avec Dieu, le Père, Christ — influence sur le culte par l’Esprit]
3 Méditation 3 — «Des fleuves d’eau vive» — Jean 7:1 à 39
3.1 [Ne pas séparer ce qu’est Christ de ce qu’Il fait]
3.3 [Jean 6 et 7 — Le règne de Christ précédé par sa mort]
3.4 [Le sens de la fête des Tabernacles]
3.5 [Un Christ glorieux introduit le don du Saint Esprit]
3.7 [Différence entre l’eau jaillissante (Jean 4) et les fleuves d’eau vive (Jean 7)]
3.8 [Vie professionnelle et témoignage rendu à Christ]
3.9 [Que Christ reste l’objet de nos coeurs]
4 Méditation 4 — Le «Paraclet» ou le Consolateur — Jean 14:26 ; 15:26 ; 16:7 à 15
4.1 [Le Saint Esprit, plus qu’une puissance : une personne sur la terre]
4.2 [Dieu glorifie Jésus à cause de la croix]
4.4 [Le Saint Esprit : une personne envoyée, non pas une bénédiction répandue]
4.4.1 [Effusions annoncées par l’Écriture]
4.4.2 [Caractère unique de la période chrétienne]
4.4.3 [Le Saint Esprit pendant le millénium]
4.4.4 [Excellence du privilège chrétien]
4.4.5 [Le Paraclet / Consolateur : nom et fonction]
4.4.6 [Goûter la présence personnelle du Saint Esprit]
4.4.7 [Le Saint Esprit éternellement avec l’Église]
4.4.7.1 [Le Saint Esprit exclusivement avec l’Église]
4.4.7.2 [Le Saint Esprit en nous]
4.4.8 [Croire effectivement à la présence du Saint Esprit — Conséquences pratiques]
4.5 [Mission du Saint Esprit selon Jean 15 : Il rend témoignage au sujet de Christ]
4.6 [Mission du Saint Esprit selon Jean 16]
4.6.1 [Mission par rapport au monde (convaincre…)]
4.6.2 [Mission par rapport aux disciples]
4.6.2.1 [Conduire dans toute la vérité]
5 Méditation 5 — «Recevez l’Esprit Saint» — Jean 20:17 à 23
5.1 [La Résurrection de Christ et les disciples]
5.1.4 [Matt. 28:9, 10, 16, 17]
5.2 [Jean 20:17 — Une nouvelle manière de connaître Christ]
5.2.1 [La connaissance de Christ propre au christianisme]
5.2.2 [Connaissance de Christ comme Messie selon l’Ancien Testament]
5.2.3 [Une nouvelle révélation (Jean 20:17)]
5.2.4 [Une nouvelle relation avec Dieu (Jean 20:17)]
5.3 [Jean 20:20, 21 — Paix vous soit]
5.4 [Jean 20:22, 23 — …Recevez l’Esprit Saint…]
5.4.1 [Des interprétations inacceptables]
5.4.3 [Le Saint Esprit comme puissance de vie de résurrection]
5.4.4 [Remettre et retenir les péchés — l’autorité pour le faire (Jean 20:23)]
6 Méditation 6 — Le don de l’Esprit et les dons — Actes 2:1-4 ; 33-38 ; ch. 8 ; ch. 10 ; ch. 19
6.1.1 [L’Esprit Saint en forme de colombe ou de langues de feu]
6.1.2 [Des signes et des prodiges]
6.1.3 [Le don du Saint Esprit]
6.1.4 [Le Saint Esprit remplissant la maison]
6.2 [Manières variées par lesquelles le Saint Esprit est conféré]
6.2.1 [Actes 2:33-41 — Prédication de Pierre à la Pentecôte]
6.2.1.1 [Les signes extérieurs sont accessoires]
6.2.1.2 [Une vraie foi et une vraie repentance sont nécessaires]
6.2.1.3 [Le don du Saint Esprit subséquent à la foi]
6.2.1.4 [Ne pas confondre LE don et LES dons]
6.2.2.1 [La rivalité Jérusalem – Samarie]
6.2.2.2 [Distinction entre la conversion et le don du Saint Esprit]
6.2.2.3 [Le don du Saint Esprit différé pour assurer la communion avec Jérusalem]
6.2.3.2 [La Parole annoncée à Corneille personnellement]
6.2.3.3 [Le Saint Esprit tombe sans préalable]
6.2.3.4 [Des intermédiaires ne sont pas nécessaires pour le don du Saint Esprit]
6.2.3.6 [Dieu achève le travail commencé]
6.2.3.7 [Baptême par des frères sans particularité]
6.2.4 [Actes 19 — Croyants d’Éphèse]
6.2.4.1 [Le don du Saint Esprit n’était pas connu]
6.2.4.2 [La puissance est liée au Saint Esprit]
6.2.4.3 [Le don et les dons du Saint Esprit sont distingués]
6.3 [L’imposition des mains n’est pas nécessaire]
7 Méditation 7 — Vous êtes dans l’Esprit et l’Esprit habite en vous — Romains 8:1 à 27
7.1 [La justice de Dieu — la justification par le sang]
7.1.1 [Importance de saisir ce qu’est cette justice]
7.1.2 [Le péché nécessite le jugement]
7.1.3 [Dieu appelle le pécheur]
7.1.4 [La loi fait sentir le péché]
7.1.5 [Christ a porté le jugement]
7.1.6 [Le chrétien fait justice de Dieu en Christ]
7.1.7 [Christ glorifié à cause de la justice de Dieu]
7.1.8 [La justice de Dieu permet à l’homme de se tenir devant Dieu]
7.1.9 [Le croyant doit être au clair quant à la justice de Dieu]
7.2 [Le péché et la délivrance]
7.2.1 [L’âme tourmentée par son péché, son état]
7.2.2 [La délivrance : la justification de vie]
7.2.3 [Vivant à Dieu en Christ ressuscité]
7.2.4 [Baptême pour la mort de Christ]
7.2.5 [La bénédiction en Christ n’est pas atteinte graduellement, ni par la loi]
7.2.6 [Encore le baptême — la mort à la chair et au monde — mort et ressuscité en Christ]
7.3 [Romains 7 — La loi de Dieu — le chrétien mort à la loi]
7.4.1 [La délivrance en Christ]
7.4.2 [La loi de l’Esprit de vie en Christ m’a affranchi]
7.4.3 [Les états de Romains 7 et 8 sont incompatibles]
7.5 [Est-ce encore réalisable ?]
7.6 [3 catégories d’hommes : spirituels, charnels, naturels]
7.7 [Les causes de retard spirituel]
7.7.3 [La loi — les bonnes résolutions qu’on ne tient pas]
7.8 [La position «dans l’Esprit» : l’Esprit habite dans le croyant]
8 Méditation 8 — «Baptisés d’un seul Esprit pour être un seul Corps» — 1 Corinthiens 12:13
8.1 [La préparation de Paul en vue de ses écrits]
8.2 [L’Église, corps de Christ, est la réponse glorieuse à l’abandon de Christ à la croix]
8.3 [La gloire de Christ racontée par le Saint Esprit qui forme un corps sur la terre]
8.4 [Il peut y avoir de la puissance malgré le désordre (perte de bénédictions)]
8.5 [Des choses qu’il faut reconnaître]
8.5.1 [D’abord reconnaître la seigneurerie de Christ]
8.5.2 [Reconnaître la diversité de dons, mais le même Esprit]
8.5.3 [Reconnaître la diversité de services, mais le même Seigneur]
8.5.4 [S’effacer pour que Dieu agisse selon Sa volonté]
8.5.5 [Reconnaître ce que l’Esprit a formé]
8.5.5.1 [Témoignage en un temps de ruine]
8.5.5.2 [Le nombre et l’ordre selon l’homme ne remplacent pas l’Esprit]
8.6 [Juger l’état de l’Église selon la Parole de Dieu]
8.7 [Attitude devant ce qui est contraire à l’Écriture]
8.8 [1 Cor. 12:12-13 — Le baptême du Saint Esprit pour être un seul corps]
8.9 [Variété des membres du corps et des oeuvres de l’Esprit]
8.10 [Éphésiens 4 — L’Église liée avec la Tête dans le ciel]
8.11 [Les dons ne sont pas indépendants de l’Église (évangélisation)]
8.12 [Responsabilité de pratiquer ce qu’on a compris]
8.13 [Disparition de certains dons]
9 Méditation 9 — «Une habitation de Dieu par l’Esprit» — Éphésiens 2:22
9.1 [Un enseignement spécifique sur l’Église]
9.2 [Apôtres et prophètes du Nouveau Testament]
9.3 [L’habitation de Dieu était connue]
9.3.1 [L’habitation de Dieu par l’Esprit était une chose nouvelle]
9.3.2 [Pas d’habitation de Dieu dans la Genèse]
9.3.3 [La Rédemption est nécessaire pour qu’il y ait une habitation de Dieu]
9.3.4 [La sainteté accompagne l’habitation de Dieu]
9.4 [Rédemption, sainteté et habitation de Dieu dans la Nouveau Testament]
9.4.2 [1 Cor. 3 — La présence du Saint Esprit fait qu’il y a temple de Dieu]
9.4.3 [Présence de faux chrétiens]
9.5 [La maison de Dieu et la responsabilité de l’homme]
9.6 [Le chrétien face au mal dans l’Église]
9.6.2 [La Cène, le ministère, le culte]
9.6.3 [Pas de simples arrangements préférés]
9.6.4 [Pratiquer l’Église comme dans la Parole de Dieu]
9.6.5 [Des égards pour les faibles et ignorants ; pas d’indifférence pour le péché reconnu]
9.7 [La présence de Dieu dans l’Église]
9.7.1 [Cette présence comme encouragement et source de responsabilité]
9.7.3 [L’autorité est celle de Dieu]
10 Méditation 10 — L’Esprit dans l’Apocalypse et dans les Épîtres — Apocalypse 1:4, 5 ; 19:10
10.1 [Résumé sur le Saint Esprit dans les épîtres]
10.1.2 [1° Épître aux Corinthiens]
10.1.3 [2° Épître aux Corinthiens]
10.1.4 [Épître aux Éphésiens ch. 1 v. 12-14]
10.1.5 [Épître aux Galates 3 et 4]
10.1.6 [Épître aux Romains : la mort, la chair, et moi]
10.1.7 [Épître aux Éphésiens, survol des ch. 1 à 6]
10.1.8 [Épître aux Philippiens et Colossiens]
10.1.9 [Épître aux Thessaloniciens]
10.1.14 [2° Épître de Pierre et 1° Épître de Jean]
10.2.1 [Apoc. 1:4 — Les 7 esprits de Dieu]
10.2.2 [L’Esprit parlant aux assemblées]
Note de l’éditeur du texte imprimé (2° Ed. 1969 ; Bibles et traités chrétiens, Vevey) : L’ouvrage de W. Kelly a paru en traduction intégrale dans l’Écho du Témoignage de 1868 à 1870, et elles furent réunies en 1871 en un volume. Le texte ci-joint est une forme révisée et quelque peu abrégée, sans que rien soit perdu, estime-t-on, de la pensée de l’auteur.
Notes Bibliquest :
1. les notes comportant l’indication (Réd) sont de l’éditeur du texte imprimé (Bibles et traités chrétiens, Vevey)
2. les sous-titres sont de Bibliquest
Le sujet que je me propose de traiter, d’après la Parole de Dieu, envisagera essentiellement les opérations du Saint Esprit consécutives à la mort et la résurrection du Seigneur Jésus et particulières à la période chrétienne. Mais je suis heureux de commencer par présenter une vérité générale, s’étendant aux voies de Dieu en miséricorde envers ses saints dans tous les temps. À la différence des révélations divines propres à des circonstances particulières et à une époque spéciale des voies de Dieu envers l’homme, ce dont nous allons nous occuper d’abord concerne tous les croyants, existait dès l’entrée du péché dans le monde, n’a jamais été remplacé et ne saurait l’être, jusqu’à ce que la dernière trace de mal ait disparu pour toujours. C’est la réponse au besoin fondamental de toute âme, tandis qu’elle est retirée de la condition de l’homme déchu, qui est de mourir une fois et après cela d’être jugé. Le désir de Dieu était de se faire connaître. Il ne l’a fait d’abord que d’une manière partielle sans doute, selon diverses mesures, aussi bien qu’en plusieurs manières, comme l’apôtre le déclare en Hébreux 1 ; mais quelle que soit la mesure ou le mode de ses révélations, Dieu a toujours agi en souveraine miséricorde envers les âmes, et Il a donné de sa propre nature à ceux qui croient sur la terre. Tel est le sens de l’expression : être né de nouveau. Or il est nécessaire aujourd’hui plus que jamais, non seulement d’affirmer ce qui est particulier à l’économie chrétienne, mais de s’attacher à ce qui est universel. Ne perdons pas de vue ce qui ne change jamais, sans pour cela laisser de côté tout ce qu’il peut plaire à Dieu, selon sa propre sagesse, d’introduire pour simplifier, éclaircir, jeter de la lumière sur ces sujets ou leur donner de la profondeur. Dieu s’est manifesté de façon progressive jusqu’au moment où Christ parut et où son oeuvre fut accomplie. Le développement de la Parole de Dieu depuis le commencement fournit une vision des voies de Dieu qui s’élargit toujours, jusqu’au moment où Dieu lui-même, et non ses voies seulement, a été pleinement manifesté.
À travers tout le cours de ces économies diverses, nous trouvons la jouissance de cette bénédiction incomparable : la révélation divine. Et la raison en est manifeste : il y a d’un côté un Dieu de bonté, de l’autre l’homme perdu. «Mon Père travaille jusqu’à maintenant» (Jean 5:17), dit le Fils, qui travaillait aussi en grâce. La conscience peut suggérer l’idée d’un Dieu et de son jugement ; mais l’esprit de l’homme ne peut jamais s’élever plus haut que le fait, ou plutôt la conclusion, qu’il existe nécessairement un Dieu. Dieu lui-même n’est jamais connu de cette manière. L’esprit humain, comme tel, est incapable de découvrir Dieu ; et de fait, qu’est-ce qui donna l’essor à la raison de l’homme, sinon sa propre ruine ? Il raisonne au sujet de Dieu parce qu’il a perdu Dieu ; et tout ce que le raisonnement peut découvrir, ce n’est pas ce qui est, mais seulement, à partir de faits et d’hypothèses, ce qui doit nécessairement être. Mais un Dieu dont l’existence est simplement une nécessité, est une chose terrible pour une conscience chargée de sa culpabilité. Le Dieu qui doit exister pour un tel homme — c’est-à-dire pour un pécheur — ne peut être qu’un juge ; et si Dieu est le juge du péché et du pécheur, quelle doit être la portion de ce pécheur ? Si le juste lui-même est sauvé difficilement, où paraîtra l’impie ? Or en face de tout cela, Dieu ne s’est pas contenté de donner une révélation, de faire des promesses, de donner même des esquisses prophétiques de ce qu’il avait l’intention de faire : il a opéré dans l’homme. Et il est bien important de reconnaître qu’il ne s’agit pas seulement de l’âme du croyant tournée vers Dieu par la foi, mais d’une oeuvre intérieure qui est et a toujours été bien autre chose. Penser que les âmes ne font que regarder à Dieu est une façon de voir bien limitée et même pernicieuse. Outre le regard de la foi, outre l’acte de saisir la Parole de Dieu par l’opération de l’Esprit dans l’âme, il y a ce qui s’appelle la vie spirituelle. Et elle a toujours existé, car c’est la condition nécessaire pour avoir affaire avec Dieu. Dans tous les temps, et aujourd’hui encore, une nature nouvelle, positive, a été donnée au croyant. Autrement dit, il ne s’agit pas seulement de la foi, mais d’une nouvelle vie. Sans doute la foi est-elle le seul moyen par lequel cette nouvelle nature est communiquée, et la foi est aussi le moyen pour l’âme de s’assurer qu’elle est vraiment née de Dieu. Il peut y avoir d’autres preuves pour ceux qui nous observent ; mais la foi est destinée, selon la pensée de Dieu, à donner à celui qui la possède la certitude qu’il est né de Dieu.
Or il est évident que cette vérité, je dirai même cette nécessité de la vie nouvelle, quoiqu’elle fût toujours réalisée dans les âmes, était bien faiblement comprise avant Christ. De fait, dans les temps de l’Ancien Testament, elle était plutôt sous-entendue qu’enseignée explicitement. Nous pouvons l’y trouver présentée en figure, ou sous la forme d’une expression morale ; mais nous n’y trouvons nulle part la déclaration distincte d’une nouvelle naissance, sinon comme un privilège annoncé. Aussi, lorsque Nicodème vint au Seigneur Jésus, frappé par ce qu’il avait vu, mais ayant en même temps le sentiment d’un besoin plus profond dans son âme (bien qu’il ait ignoré totalement de quoi il avait besoin), il demeura tout interdit et confondu par la déclaration formelle du Seigneur que si quelqu’un n’est né de nouveau, il ne peut même voir le royaume de Dieu. Les Juifs s’étaient tranquillement reposés sur la conviction que le Messie pourrait et voudrait tout faire pour eux. Or, dans un sens, ils n’avaient pas tort. Lorsqu’il vint, les Samaritains même étaient convaincus que le Messie leur ferait connaître toutes choses ; et les Juifs savaient que non seulement il enseignerait, mais qu’il accomplirait toutes choses. Il introduirait la justice éternelle, il scellerait la vision, il oindrait le Saint des saints, il en finirait avec les péchés et ferait propitiation pour l’iniquité (Dan. 9:24). Ils ne savaient guère comment la chose se ferait. Néanmoins il y avait dans l’esprit de tout Juif, sauf chez la portion incrédule de la nation, une conviction vague que l’avènement du Messie changerait la face du monde, en même temps qu’il introduirait plus particulièrement pour Israël la bénédiction promise et attendue. Dès lors, combien il était saisissant d’entendre annoncer cela solennellement par Celui qui se trouvait maintenant présent au milieu d’eux, par Celui que son précurseur, Jean le baptiseur, avait déclaré être le Messie, par Celui qui avait manifesté par des miracles qu’il était réellement, à tout le moins, un docteur venu de Dieu. Et pourtant c’est Lui qui, dès l’abord, arrête Nicodème en déclarant sans équivoque une nécessité dont celui-ci n’avait jamais eu conscience auparavant. Et cette condition était présentée d’une manière si générale, qu’elle devenait aussi absolue pour un Juif que pour un Gentil. «Si quelqu’un n’est né de nouveau...». Aucune exception n’est supposée, aucune question soulevée au sujet de la famille d’Abraham qui avait été choisie. Dieu l’exigeait aussi bien de ceux qui étaient près que de ceux qui étaient loin. «Si quelqu’un n’est né de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu».
C’est pourquoi Nicodème adresse à notre Seigneur une question dépourvue d’intelligence : «Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ?» L’étonnement de Nicodème prouve la force de l’expression employée par le Seigneur ; je n’en connais même pas de plus forte dans l’Écriture : être né de nouveau. Mais la question posée conduit notre Seigneur à faire la déclaration sur laquelle je désire m’étendre un peu : «En vérité, en vérité, je te dis : Si quelqu’un n’est né d’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu». Celui qui voit le royaume (v. 3) entre dans le royaume (v. 5) ; mais il n’existe pas de possibilité de voir ni d’entrer, à moins d’avoir passé par cette nouvelle naissance. Quels en sont donc la source et le caractère ?
Ici le Seigneur explique la chose ; il le fait d’une manière figurée, selon son habitude dans les discours qu’il adresse aux Juifs dans cet évangile. Dans le chapitre précédent, il s’est servi de l’image du temple pour désigner son propre corps. Dans le chapitre qui suit, il prend occasion des besoins de la femme samaritaine ; et «une fontaine d’eau» devient l’image de cette bénédiction infinie sur laquelle nous espérons nous arrêter un peu tout à l’heure. Je pourrais parcourir ainsi cet évangile et prouver que ce choix de quelques figures bien connues, s’il embarrasse peut-être d’abord par le fait même qu’il s’agit de figures, ne jette aucune obscurité ; car ce n’est jamais là le but des figures dans l’Écriture, pas plus que dans aucun écrit honnête. Leur véritable but est plutôt de renfermer dans une seule expression une vérité qui, autrement, demanderait à être longuement développée ; en sorte que cette expression devient l’illustration d’une vérité, et dès lors brille de la lumière même de Dieu. Or les mêmes images étaient employées par les prophètes de l’Ancien Testament pour désigner les mêmes bénédictions. C’est pourquoi le Seigneur pouvait, avec une pleine justice qui en appelait à la propre conscience de Nicodème, censurer celui qui avait la responsabilité d’être le docteur d’Israël et ne connaissait pas ces choses.
Notre Seigneur rappelle par allusion plusieurs passages de l’Ancien Testament qui auraient dû rendre le sens de ses paroles intelligible pour Nicodème. Prenez par exemple Ésaïe 44. Dieu n’y avait-il pas promis de verser de l’eau sur celui qui a soif (v. 3) ? N’avait-il pas promis de répandre son Esprit sur la postérité de Jacob ? N’avait-il pas encore plus clairement déclaré, dans Ézéchiel 36, versets 24 à 26, que lorsqu’il aurait rassemblé Israël dans sa terre, il ôterait leur coeur de pierre, et mettrait en eux un coeur de chair, qu’il répandrait sur eux des eaux pures et mettrait son Esprit au-dedans d’eux — ce qui constitue précisément les deux éléments de la déclaration du Seigneur ? Ainsi, dans notre passage, le Sauveur parle clairement, ayant toujours en vue ces figures de l’Ancien Testament. Ce n’était donc pas quelque privilège nouveau qu’Il annonçait mais au contraire le rappel d’un besoin universel. Le Seigneur, avec la dignité et la gloire qui Lui sont propres, ne fait que donner sa pleine portée à une vérité qui se trouve dans toute l’Écriture, en la revêtant de l’autorité même du Fils de Dieu prenant la place de docteur sur la terre. «Jamais homme ne parla comme cet homme» (Jean 7:46). Tout en ne faisant que se servir d’une image existante et supposée connue, Jésus donne néanmoins à la vérité une profondeur caractéristique par la forme sous laquelle Il la présente à Nicodème. Il ne s’agit ici ni du baptême d’enfants, ni de recevoir un nouveau coeur, ou un nouvel esprit ; mais de la naissance d’eau et de l’Esprit, vérité capitale et de la plus grande portée pratique.
D’autres vérités sont peut-être plus propres à attirer les affections et à les fixer sur la personne du Sauveur, amenant l’âme dans une plénitude de liberté, de paix, de joie, aussi bien que de puissance ici-bas. Mais aucune n’a le caractère fondamental de celle-ci (à l’exception de l’oeuvre de Christ, dans laquelle Dieu Lui-même fut glorifié au point de pouvoir avec justice bénir un pauvre pécheur en lui donnant sa propre nature). Ici le Seigneur, avec la divine perfection qui lui est propre, confère à la vérité une nouvelle beauté, et une autorité divine. En sorte que nous discernons combien doit être glorieuse la personne qui profère la vérité d’une telle manière. «Si quelqu’un n’est né d’eau et de l’Esprit...». Il s’agit bien d’une nouvelle nature, de quelque chose qui n’a aucun fondement dans l’homme et n’a de source qu’en Dieu. N’est-ce pas en effet Dieu lui-même, qui a son propre royaume dont Il est le centre, qui seul par conséquent peut donner une nouvelle nature ? Et quelle est la nature qu’il Lui convient de communiquer ? Ce ne peut être que la nature divine. «Si quelqu’un n’est né d’eau et de l’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu». Ainsi en arrivons-nous aux conditions.
J’ai attiré l’attention sur la force de l’expression «être né de nouveau» que nous trouvons dans les premières déclarations du Seigneur. Mais maintenant, si nous considérons la manière dont cette naissance est caractérisée, nous lisons : «né d’eau». L’eau, dans l’Écriture, est employée habituellement comme la figure de la Parole de Dieu appliquée par l’Esprit. Elle peut aussi représenter l’Esprit lui-même dans sa propre puissance. Mais ici nous avons l’eau distincte de l’Esprit parce que Dieu veut attirer l’attention sur la Parole appliquée à l’homme en vue d’agir moralement sur lui. Au premier abord celui-ci pourrait ignorer que c’est l’Esprit de Dieu qui lui a donné le sentiment de sa souillure ; mais ce qu’il sait toujours très bien, c’est que la Parole le juge, qu’elle le déclare coupable et entièrement incapable de se tenir en la présence de Dieu. Ainsi l’eau exprime l’action morale de la Parole sur une âme, non seulement pour la purifier mais pour la convaincre de sa souillure. Il s’agit d’abord de la communication d’une nouvelle nature que l’homme ne possédait pas auparavant. Et de même que nous avons vu le côté extérieur de cette action divine, de même nous en trouvons le côté intérieur : «si quelqu’un n’est né d’eau et de l’Esprit...».
Arrivé à ce point, il peut être bon de rappeler quelques passages de l’Écriture qui confirment indiscutablement le sens de cette expression. Dans l’épître à Tite, chapitre 3, Paul déclare que Dieu nous a sauvés «par le lavage de la régénération et le renouvellement de l’Esprit Saint». À dessein je ne cite pas la suite du passage qui présente un caractère plus complet de bénédiction que ce que le Seigneur exprime ici. Jusque-là, il existe une liaison bien évidente avec notre passage. Le lavage de la «régénération» correspond à la vérité que le Seigneur a ici devant Lui, et qu’Il présente avec force à Nicodème. En outre, quand nous lisons dans l’épître de Jacques (1:18) : «De sa propre volonté, il nous a engendrés», nous y voyons le commencement d’une vie que nous ne possédions pas auparavant. Ce n’est pas seulement que Dieu nous ait ainsi éclairés ; ce n’est pas seulement que des pensées, des vues, des vérités nouvelles aient été communiquées à l’esprit ; mais une nouvelle sorte de vie ou de nature est conférée que l’âme n’a jamais eue auparavant. «De sa propre volonté, il nous a engendrés par la parole de la vérité». Non seulement nous y trouvons le fait que nous sommes engendrés de la part de Dieu, mais aussi le moyen dont Il s’est servi : la parole de vérité. Cela se lie évidemment avec l’expression «né d’eau» dans notre verset de Jean 3. Et encore, nous trouvons dans la première épître de Pierre, chapitre 1, versets 22-23 : «Ayant purifié vos âmes par l’obéissance à la vérité, pour que vous ayez une affection fraternelle sans hypocrisie, aimez-vous l’un l’autre ardemment, d’un coeur pur, vous qui êtes régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la vivante et permanente parole de Dieu».
Il n’est pas nécessaire d’accumuler des textes sur un point qui doit être familier à la plupart des lecteurs ; mais j’ai pensé qu’il serait bon d’en citer assez pour montrer que ce sujet se retrouve chez tous les écrivains inspirés de la dernière partie de la révélation de Dieu. J’ai donc à dessein choisi des passages de différents apôtres. Que ce soient Paul, Pierre ou Jacques, qui écrivent, à des Juifs ou à des Gentils, c’est toujours la même vérité fondamentale ; mais, de fait, elle a reçu son expression la plus riche et la plus complète, sa forme la mieux définie et en même temps la plus profonde, des lèvres divines de notre Seigneur Jésus Christ.
Une autre vérité d’une grande importance se rattache à celle-là. Pas plus que la nature de l’homme ne peut jamais être rendue spirituelle, ni améliorée ou modifiée de manière à s’élever jusqu’à une certaine connaissance des choses de Dieu, ni non plus être changée en une nature divine par un procédé spirituel quelconque ; de même, d’un autre côté, la nouvelle nature ne peut se détériorer, ne peut dégénérer en «la chair», ou en la nature de «l’homme animal». D’un côté, comme notre Seigneur le dit : «ce qui est né de la chair est chair» ; ainsi de l’autre : «ce qui est né de l’Esprit est esprit». La chose participe du caractère de sa source. La source de la vie nouvelle est donc le Saint Esprit, grand agent vivant qui la communique par un instrument : la parole de Dieu. Si le Seigneur n’avait présenté que cette dernière, la porte aurait été laissée ouverte à l’activité de l’esprit de l’homme, autrement dit à «la chair». Et ses prétentions à comprendre la Parole par ses propres moyens ne pouvaient que le mener au plus subtil des rationalismes. Mais il n’en est rien ; «ce qui est né de l’Esprit est esprit». La parole de Dieu est incontestablement le moyen que Dieu emploie ; mais, précisons-le bien, l’homme est né par la Parole, non de la Parole seule. Par contre il est né de l’Esprit, qu’est la source réelle, active et personnelle de la vie divine.
«Ne t’étonne pas», dit le Seigneur à Nicodème, «de ce que je t’ai dit : Il vous faut être nés de nouveau». Non seulement Il présente cette vérité comme une nécessité pour tout homme qui désire entrer dans le royaume de Dieu, mais Il enjoint : «Il vous faut être nés de nouveau». Ce qui conduit Nicodème à poser sa nouvelle question : «Comment ces choses peuvent-elles se faire ?». «Tu es le docteur d’Israël, et tu ne connais pas ces choses ?» — répond Jésus — «En vérité, en vérité, je te dis : Nous disons ce que nous connaissons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu, et vous ne recevez pas notre témoignage». Remarquons la place que prend notre Seigneur Jésus Christ dans ce chapitre. Il parle comme celui qui est absolument et parfaitement intime avec Dieu. «Nous disons ce que nous connaissons», affirme-t-il ; et l’expression implique une connaissance personnelle et intrinsèque ; non pas communiquée et retransmise, à la manière de ce qu’un prophète, par exemple, pourrait exprimer après en avoir reçu la révélation. Jésus s’exprime comme connaissant Dieu et sa gloire, et en ayant la pleine conscience. «Nous disons ce que nous connaissons». Dieu seul, celui qui est Dieu, a le droit de parler ainsi. En même temps Jésus rend témoignage de ce qu’Il avait vu. Il n’est pas seulement celui qui était venu de Dieu et s’en allait à Dieu ; Il est aussi celui qui, en tant que Dieu, parle de scènes de gloire qui Lui sont familières. Il était avec Dieu en même temps qu’Il était Dieu ; Il savait pour l’avoir vu ce qu’exigeait la présence de Dieu ; Il avait la pleine connaissance non seulement de ce qui convenait à Dieu Lui-même, mais aussi de la scène où Dieu habite.
Ainsi donc, selon cette parfaite connaissance de Dieu et cette absolue intimité avec le ciel, Jésus déclare : «Nous disons ce que nous connaissons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu». Or l’homme n’avait aucun goût pour une révélation céleste — pas plus les Juifs que l’homme en général. Leur scène était la terre, et, comme Juifs, leur idée constante, fondée sur le témoignage de Dieu, c’était Dieu se révélant ici-bas ; Dieu bénissant ici-bas ; Dieu abolissant le mal ici-bas ; Dieu délivrant son peuple par des jugements ici-bas. Mais maintenant il y avait au milieu d’eux Celui qui différait essentiellement de tous ceux qui s’étaient jamais trouvés sur la terre, le Fils de Dieu Lui-même. Il n’est pas seulement celui que le Père reconnaît sur la terre comme bien-aimé et Fils ; car ceci n’impliquerait pas obligatoirement qu’Il soit Dieu de façon absolue et dans le sens le plus étendu. Or nous discernons dans la personne de Christ, unies en elle, non seulement la relation qui est la sienne comme l’objet des délices infinies du Père, mais la nature même de Dieu. En conséquence, il n’existe ni n’a jamais existé une seule pensée dans la Divinité à part de lui, si toutefois il nous est permis de parler de la pensée comme appartenant à Dieu — car, de fait, c’est une expression peu exacte. Dieu ne pense pas à la façon de l’homme : Dieu connaît. Ainsi Jésus, le Fils de Dieu, possédait entièrement en dehors d’une révélation cette connaissance absolue de Dieu, de ce qui était en harmonie avec la présence de Dieu, avec la nature et le royaume de Dieu ; en sorte qu’ici-bas sur la terre Il peut communiquer cette connaissance. Quelle place que la nôtre ! Quelle communion que celle dans laquelle nous sommes introduits, chers frères et soeurs, au milieu de cette mer de péché et d’iniquité, au milieu de la rébellion des hommes dont l’orgueil ne fait que souligner leurs propres pensées, et prouve combien ils sont éloignés de Dieu ! Quelle merveilleuse chose que nous soit ainsi présenté Celui même que l’homme rejette en niant qu’il soit Dieu !
Pendant que nous nous occupons de ce sujet — sujet du plus profond intérêt possible — savoir, que celui-là seul qui était homme pouvait faire connaître Dieu à l’homme, ajoutons qu’il n’est pas dans la nature de la Divinité de se faire connaître à l’homme. Et le plan béni que Dieu a conçu est tout aussi nécessaire pour que nous Le connaissions, qu’il l’était pour nous sauver. Nous regardons volontiers aux moyens de notre délivrance, c’est-à-dire à l’incarnation du Seigneur Jésus Christ ici-bas, et au fruit de son oeuvre dans l’expiation : nous sommes, au contraire, portés à moins estimer le privilège infini de connaître Dieu ; alors qu’après tout, connaître le seul vrai Dieu et celui qu’Il a envoyé, c’est la vie éternelle. Dieu n’est jamais appelé la vérité dans aucune partie de l’Écriture, ni désigné par aucun terme équivalent, alors que le rationalisme et l’incrédulité en ont fait leur expression favorite. Et voici pourquoi : c’est que l’homme, de lui-même, prétend connaître Dieu et s’approcher de Lui par ses propres raisonnements ; mais de fait il ne le connaît jamais, et ne peut y atteindre. Car Dieu n’est connu qu’en Christ. Il m’est impossible de connaître Dieu, à moins d’être participant de la nature divine ; c’est là la raison pour laquelle je viens d’insister sur la vérité de la nouvelle naissance qui est la communication de cette nature. Ce n’est pas simplement la foi, bien que celle-ci soit nécessaire, car elle est le seul moyen d’être introduit dans la possession de cette nature. Et ce n’est pas non plus accompli seulement par la Parole, mais par l’application que le Saint Esprit fait de la Parole. Ainsi participons-nous à une nouvelle nature en vertu de laquelle nous connaissons Dieu. Or je crois pouvoir affirmer que cette participation à sa nature ne pourrait avoir lieu par la simple et unique action de Dieu, car un Être uniquement divin ne saurait ainsi donner de sa propre nature à l’homme, à moins qu’il ne se révèle dans l’homme : c’est ce qui a eu lieu en Christ, et seulement en Christ, de sorte qu’aucune âme n’aura jamais été rendue participante de la nature divine, qu’aucune âme ne sera jamais née de Dieu, sans que ce soit en rapport avec Christ. Je n’ai pas besoin de dire que les saints de l’Ancien Testament étaient ainsi nés de Dieu. Ainsi notre Seigneur Jésus ne parle pas ici en vue de l’avenir seulement, mais d’une manière absolue et universelle en vertu du caractère qu’Il prend dans l’Évangile de Jean, celui du Fils de Dieu. Il a devant les yeux à la fois l’avenir et le passé ; son regard embrasse tout le cours du temps jusque dans le royaume de Dieu. Et voici quel est le passeport pour y entrer : il faut qu’un homme soit né de Dieu, ou, comme cela est expliqué ici, né d’eau et de l’Esprit.
Il appartient à Dieu selon son bon plaisir, son amour souverain et sa propre sagesse, de s’introduire lui-même, pour ainsi dire, dans la nature de l’homme — de se révéler dans l’homme, aussi bien qu’à l’homme. Ne demeure-t-il pas en effet Lui-même dans une condition qui Lui est propre, dans laquelle il est parfaitement impossible que l’homme soit introduit, si ce n’est de cette manière bénie ? Mais maintenant qu’Il se révèle dans un homme, moi qui suis un homme je puis le connaître. Par l’opération de l’Esprit Saint, selon sa propre Parole, je puis être introduit dans une association vitale avec cet Homme béni qui est Dieu. Tout se trouve étroitement lié dans la foi des enfants de Dieu ; et si ces derniers admirent la merveilleuse manière dont il a plu à Dieu d’envoyer son Fils, né de femme, seulement en voyant la chose comme nécessaire pour l’abolition du péché, ils peuvent apprendre qu’elle était nécessaire aussi pour toute connaissance réelle de Dieu et toute communion avec Lui. Je ne puis rien connaître de Dieu, ni jouir aucunement de Lui, comme je le connais et jouis de Lui maintenant dans le christianisme, à moins que Lui ne trouve bon de se révéler par le moyen de l’homme Christ Jésus. Autrement dit, pour me servir du langage du jour, tant qu’il est simplement celui qui est absolu, je ne puis le connaître. Il faut qu’Il daigne devenir relatif quant à moi, qu’Il accepte de descendre dans la condition dans laquelle je me trouve.
Il semble que c’est précisément là le besoin que notre Seigneur a ici en vue. Il affirme de la manière la plus forte sa divine prérogative : «Nous disons ce que nous connaissons, et nous rendons témoignage de ce que nous avons vu». Descendu ici-bas pour parler à l’homme, il avait un témoignage à rendre. Il rendait témoignage à la vérité qu’il n’y a pas d’autre moyen par lequel l’homme puisse être introduit dans la félicité dont nous jouissons maintenant ; il faut que l’homme soit né d’eau et de l’Esprit. Mais comment fut reçu ce témoignage ? L’homme voyait les choses qui lui étaient propres, autour de lui, là où il était né et avait été élevé. Il ne se souciait pas des choses divines ; bien plus, il était ennemi de Dieu. Éloigné de Dieu, il n’aimait pas entendre parler des choses de Dieu, ni de la sphère dans laquelle ces choses-là, et celles-là seules, apparaîtraient, c’est-à-dire le Royaume. Telle est la tendance de l’homme naturel : «Vous ne recevez pas notre témoignage». Or il est remarquable que cette constatation suive immédiatement ce que nous lisons dans le chapitre précédent (Jean 2:23-25), et qui semble une bien prompte réception des choses concernant le Seigneur. Il y est question de ceux qui crurent, contemplant les miracles que Jésus faisait. En fait il n’y avait de leur part aucune réception de son témoignage. Ils acceptaient des faits, autrement dit, ils recevaient ce qu’ils pouvaient voir, et ce dont ils pouvaient juger. Une telle attitude a pour effet de renforcer la bonne opinion que l’homme a de lui-même, parce que le fait de recevoir les choses d’après des preuves le place dans la position de juge : il conçoit, déduit, conclut, et ne fait ainsi que s’enfler de sa propre importance. Cela s’accorde avec l’orgueil de l’homme, qui s’érige en juge, même pour apprécier un miracle opéré par la puissance de Dieu ; tandis qu’il s’agit ici du témoignage de Dieu.
N’est-ce pas là ce que nous constatons tous les jours ? Tant que les âmes demeurent sans être exercées, elles ne s’inquiètent pas de ce qu’elles entendent. Quand les hommes sont sérieux, ils doutent, ou tout au moins ils examinent et ils pèsent. Tout autant qu’une résistance opiniâtre, la réception indifférente d’un témoignage, prouve qu’aucune oeuvre réelle n’est opérée dans la conscience. La raison en est simple. Si la Parole pénétrait le coeur, celui-ci prenant en elle un profond intérêt, il s’y trouverait aussitôt de l’activité. L’anxiété elle-même conduirait une personne à un plus ample examen. En même temps il y aurait le désir que cette Parole soit vraie. Par contre, quand une personne est entièrement morte dans ses fautes et dans ses péchés, le témoignage de Dieu ne produit aucun effet. Il est tout aussi facile de mépriser ce témoignage que d’en faire profession. L’effet de l’indifférence, c’est tantôt la profession facile, tantôt l’opposition ouverte à la vérité. En apparence totalement différentes, ces dispositions de l’esprit humain sont au fond deux manifestations de la même incrédulité. Tandis que, toutes les fois qu’une âme réalise l’importance de la vérité, celle-ci, lorsqu’elle a été crue, touche nécessairement le coeur. Si je sens ma culpabilité et combien j’ai mérité l’éternelle condamnation et si je crois que la grâce de Dieu en Christ m’en a délivré pour me donner une part au ciel avec Jésus, il m’est impossible, croyant tout cela, d’envisager froidement une vérité qui me concerne de si près. C’est pourquoi, lorsque vous rencontrez cette espèce de foi traditionnelle, inerte et sans portée, qui reçoit les choses avec une extrême rapidité et sans que se produise aucune action réelle sur la conscience et sur le coeur, il est tout à fait évident qu’elle ne correspond à aucune oeuvre vitale de Dieu : c’est tout simplement une conviction humaine, une affaire de sentiments, et par conséquent une chose sans valeur. Notre Seigneur, qui connaît ce qui est dans l’homme (chap. 2 v. 25), ne cache pas la résistance ou l’indifférence qu’il rencontre de sa part. Mais en même temps Il fait entrevoir des choses plus élevées : «Si je vous ai parlé des choses terrestres, et que vous ne croyiez pas, comment croirez-vous, si je vous parle des choses célestes ?» Et si ces «choses célestes» conduisent plusieurs d’entre nous en dehors de leurs pensées ordinaires, qu’ils veuillent bien peser les paroles du Seigneur ; car c’est sur celles-ci que je désire insister, et non sur des spéculations humaines.
Le Seigneur Jésus avait affirmé, de la manière la plus forte possible, la nécessité absolue et générale de la nouvelle naissance pour entrer dans le royaume de Dieu. Tous ceux qui doivent se trouver dans les différentes sphères de ce royaume, soit ici-bas, soit en haut, quand il sera établi et manifesté dans ses deux parties, doivent être nés de nouveau. Une âme qui reçoit l’évangile maintenant est donc née de Dieu. Mais dans sa réponse à Nicodème, le Seigneur va bien au-delà de cette vérité. «Personne n’est monté au ciel, dit-Il, sinon celui qui est descendu du ciel, le Fils de l’homme qui est dans le ciel». Il confirme ainsi qu’il est bien véritablement homme, le Christ rejeté, le Fils de l’homme, mais aussi certainement Dieu. Le ciel était le lieu auquel il appartenait, ou plutôt qui Lui appartenait. Comme né de femme, né sous la loi, il fut lui-même vu et connu sur la terre et dans les limites du temps. Et malgré toute Sa grâce, toute Sa puissance et toute Sa gloire, l’homme ne voulut point de Lui. Mais celui qui était maintenant manifesté en chair ici-bas était réellement «le Fils unique, qui est dans le sein du Père», et revendiquait, même étant rejeté, le titre de «Fils de l’homme qui est dans le ciel». Ce n’est pas seulement, remarquons-le bien, qu’il avait été dans le ciel ; il est là ; peu importe quand ou comment — il est toujours le Fils de l’homme qui est dans le ciel. Son humiliation ne faisait que fournir l’occasion d’une nouvelle gloire pour Dieu et pour l’homme, en même temps qu’elle constituait le point de départ d’une nouvelle et plus pleine connaissance de Dieu de la part de l’homme. Il y avait là celui qui, étant lui-même l’Infini, entra dans ce qui était limité, afin que les hommes comme tels puissent eux-mêmes entrer dans la connaissance de Dieu et voir le Père en Lui. Il faut qu’ils aient affaire à la Parole ; qu’ils écoutent celui qui est à la fois Dieu et homme. C’était la grâce, mais c’était en même temps la vérité : la seule manière dont celle-ci pouvait être révélée. La vérité n’avait eu jusque-là qu’une manifestation partielle ; mais, chose merveilleuse, sa pleine manifestation se trouve maintenant dans l’homme — dans celui qui est Dieu, mais qui n’en est pas moins Homme. Cette venue en chair du Fils de Dieu apparaissant dans une sphère limitée cacherait-elle la vérité ? Au contraire, celle-ci ne pouvait être pleinement révélée qu’au moment où la Parole a été faite chair. C’est précisément dans la combinaison d’éléments en apparence incompatibles, unis dans la personne de Jésus, que vous trouvez la vérité. «Car la loi a été donnée par Moïse ; la grâce et la vérité vinrent par Jésus Christ». Cet Homme béni, modèle de toute débonnaireté, efface d’un seul mot toute la gloire de l’homme : «Personne», dit-il, «n’est monté au ciel, sinon celui qui est descendu du ciel». Or ce n’était pas seulement qu’il en était descendu. D’autres pouvaient y être ravis, comme nous le savons, par un acte de puissance ; mais Lui pouvait y prendre sa place comme la portion même qui lui était propre, et y entrer aussi simplement que possible quand l’heure serait venue. Plus encore, comme nous l’avons vu, il est dans le ciel, non seulement celui qui peut monter au ciel mais «le Fils de l’homme qui est dans le ciel». Cette gloire lui appartient en tant que personne divine et n’appartient qu’à lui.
Le Fils de Dieu s’étant ainsi présenté va montrer qu’une oeuvre doit être accomplie qui permette à Dieu de conférer à l’homme pécheur la bénédiction de sa propre nature. «Comme Moïse éleva le serpent dans le désert, ainsi il faut que le Fils de l’homme soit élevé, afin que quiconque croit en lui, ne périsse pas, mais» — quoi ? qu’il naisse de nouveau ? Non — «qu’il ait la vie éternelle». Il y a évidemment ici une différence importante et significative. Le Seigneur a déjà proclamé la nécessité pour tous d’être nés de nouveau. Mais lorsqu’il en vient à exprimer l’application au croyant de cette vérité fondée sur la rédemption, sur sa propre mort comme le Fils de l’homme élevé sur la croix, il ne veut pas décrire la chose simplement comme une nouvelle naissance, mais il se sert d’une expression différente. Sans doute est-il, Lui, le Fils, celui qui vivifie tous les saints, et par conséquent pour ma part je ne mets nullement en doute que les saints de l’Ancien Testament n’aient été aussi réellement vivifiés que nous-mêmes. Il n’y eut jamais qu’un seul Sauveur, et par conséquent, la nouvelle naissance, dont tous ont besoin pour le royaume de Dieu, ne peut être autre chose que la communication, par l’Esprit, de la vie qui est dans le Fils de Dieu.
Ce n’est pas sans raison cependant que le Sauveur refuse, quand il lui plaît de décrire notre place, de la confondre simplement avec ce qui appartenait aux saints de tous les temps. Pour parler de cette vérité universelle et commune, dans son application aux croyants du Nouveau Testament, il emploie une expression particulière. L’Esprit de Dieu souligne ainsi l’honneur qu’il attribue à Christ et à la rédemption, lorsqu’il présente ce fait glorieux, cette oeuvre digne de Dieu, la plus grande en laquelle Dieu se soit jamais montré. Bien qu’elle concerne tous ses rachetés à travers tous les âges et toutes les économies, le Sauveur en présente maintenant les effets sous un jour et à un titre nouveaux et beaucoup plus élevés. Si nous sondons l’Ancien Testament, nous y trouvons la mention de la vie éternelle, ou de ce qui lui est équivalent ; car nous ne tenons pas à des termes techniques, mais nous considérons ces vérités sous un point de vue pratique. En les exprimant ici, le Seigneur change certains termes de ses phrases et ce n’est pas fortuitement qu’Il emploie une autre tournure. Ne pas tenir compte de ces différences serait de notre part indifférence et manque de sagesse.
Il est par exemple question dans Daniel 12 de la vie éternelle, et nous trouvons «la vie pour l’éternité» à la fin du Psaume 133. Mais nous pouvons remarquer que ces deux expressions sont liées avec l’espérance de la présence et du règne du Messie quand il introduira le royaume de Dieu d’une manière visible. Tandis que la merveilleuse vérité qui apparaît dans Jean, c’est que la gloire de la personne du Fils, maintenant manifestée, nous introduit dans la bénédiction indépendamment de toute cette manifestation future. Nous n’attendons rien de plus ; et pour quelle raison ? Parce que nous le possédons Lui. En conséquence, quoique le royaume terrestre n’ait pas encore paru avec la bénédiction publique correspondante, quoique les Juifs, au lieu d’être bénis, soient encore soumis à la malédiction sous laquelle ils se sont eux-mêmes placés (Matt. 27:25), et que la colère soit venue sur eux au dernier terme (c’est-à-dire, pour le moment, la suspension complète des promesses à leur égard) malgré tout cela, nous sommes introduits dès maintenant dans une scène illimitée de bénédictions riches et divines réunies dans sa Personne.
Ce qui rend cette vérité aussi touchante qu’instructive, c’est qu’elle nous assure maintenant la consolation et la joie d’une association personnelle avec Lui-même. Être «né de nouveau», est assurément une grande miséricorde mais ne confère rien de semblable. Sans doute, ce titre est-il indispensable pour avoir part au royaume de Dieu, privilège dont Christ est à la fois la source et le dispensateur. Mais il ne m’associe pas à proprement parler avec Christ. Dire de Christ qu’il est né de nouveau serait un blasphème, la négation même de sa personne. Ainsi donc, s’il n’était question pour nous que d’être «nés de nouveau», cela nous empêcherait plutôt de réaliser que nous sommes identifiés avec Christ, car cela nous rappellerait la différence essentielle qui subsiste entre ce que l’homme acquiert par grâce, et ce qui était en Christ. Mais du moment qu’il parle de la vie éternelle, j’ai part directement à cette bénédiction. Ma portion en lui c’est la vie éternelle ; car il est Lui-même cette vie éternelle qui était auprès du Père (1 Jean 5:20 fin). De sorte qu’au lieu de souligner une différence avec Lui, comme l’implique le don qui m’est fait d’une nouvelle nature, cet état béni est maintenant présenté d’une manière qui est vraie de Christ Lui-même. Il n’est pas seulement question d’être introduit dans la position du corps en relation avec la Tête ; tel n’est pas le sujet ici, ni d’une manière générale dans les écrits de Jean, dont l’objet, plutôt que l’union du corps avec la Tête, est la communauté de vie et de nature. Nous voyons ainsi que la plénitude de la bénédiction est devenue nôtre. Le Seigneur ne se contente pas de dire : «Il vous faut être nés de nouveau». Cela fut toujours vrai, et il ne peut en être autrement ; mais maintenant, bien qu’il s’agisse en substance de la même bénédiction, le caractère dont Jésus la revêt, et sous lequel il la présente à mon âme, me donne cette pleine assurance : j’ai reçu par grâce ce qu’il a et ce qu’il est. Lui, le Fils, est la vie éternelle aussi bien que le Dieu véritable. Mais à quoi servait-il, pour ce qui nous concernait, que Dieu soit ainsi manifesté en Christ ici-bas ? Il demeurait seul ; et l’homme de son côté lui restait étranger, mort aussi bien que plongé dans d’impénétrables ténèbres. Or Lui, le Sauveur, est mort et ressuscité ; et je le reçois, sachant que «celui qui a le Fils a la vie», et que cette vie est la vie éternelle.
Mais si j’envisageais simplement la croix du Seigneur Jésus Christ comme la base nécessaire de la justice divine, en même temps qu’elle était aussi la plus riche manifestation de miséricorde envers moi, pécheur coupable et ruiné, cela ne suffirait jamais en soi pour établir mon âme en parfaite paix devant Dieu. Encore moins cela me donnerait-il de Lui une connaissance adéquate. C’est pourquoi une autre expression est introduite, conduisant au même résultat que dans les versets 13 et 14, mais en réalité découlant d’une source plus élevée encore. «Car Dieu — dit le Fils — a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas, mais qu’il ait la vie éternelle». Il n’y avait pas eu auparavant, dans ce discours, un mot au sujet de l’amour de Dieu pas plus qu’au sujet du monde ; c’était purement l’intervention, et l’intervention nécessaire, du Fils de l’homme. Tout comme il faut qu’un homme soit né de nouveau pour entrer dans le royaume, ainsi il faut que le Fils de l’homme soit élevé sur la croix. Telle est la double condition d’une oeuvre efficace en justice pour le pécheur.
Mais une simple nécessité ne pouvait satisfaire l’amour de Dieu. Et s’il n’y avait pas davantage qu’un : «il faut», cet amour resterait bien imparfaitement connu. Eh bien, mon privilège est d’entrer dans Ses propres sentiments, d’apprécier le témoignage de Sa propre grâce en Christ ! Est-ce une faveur extorquée à Dieu ? Certes non ! N’aime-t-il point ? N’est-il pas amour ? Écoutons plutôt ce que Jésus nous dit, Lui qui savait ce que nul autre ne pouvait savoir ou déclarer ! Oui ; Lui, le Fils, connaissait Dieu parfaitement et voulait le faire connaître tel qu’Il est, nous faire pénétrer dans ses sentiments mêmes au sujet du monde. C’est pourquoi cette révélation bénie de la grâce et de la vérité de Dieu, manifestées dans son oeuvre comme aussi dans sa personne même, est par Lui couronnée d’une déclaration vraiment divine : «Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque croit en lui ne périsse pas mais qu’il ait la vie éternelle». Quelle bénédiction, mes frères, d’avoir cette vie éternelle, et de savoir que nous la possédons ; de l’avoir, non seulement comme des dépouilles péniblement conquises dans la rédemption, mais aussi comme le fruit gratuit, complet et pour ainsi dire spontané de son amour, manifesté en celui qui était Lui-même l’objet le plus intime de l’amour du Père ! Ainsi, envers les plus indignes, Dieu veut se révéler dans le don le plus précieux qu’il pouvait faire, non seulement parce que je ne pouvais, moi, être béni d’une autre manière, mais parce qu’il voulait, lui, selon son propre coeur, me bénir pleinement. Il m’a donné en son Fils cette vie dont il n’est jamais parlé comme étant en aucun autre, une vie dont je considère en Lui la perfection. Et parce que je la possède en Lui, je suis capable de communion avec Lui-même ici-bas.
Assurément c’est une grande bénédiction que de connaître l’oeuvre qui répond à nos péchés et à notre misère. Mais c’en est une incomparablement plus grande que d’avoir part aux délices que Dieu lui-même pouvait trouver et trouva en effet en Jésus, le contemplant lorsqu’il marchait en toute dépendance et obéissance, dans la lumière et dans l’amour. Et cette perfection était d’autant plus merveilleuse qu’elle brillait dans un homme sur la terre. Eh bien, cette vie en nous partage ses propres pensées et ses propres sentiments, entre dans toutes ses joies, prend part à toute sa douleur, celle avec laquelle Il contemple l’homme rebelle, un monde ruiné, et maintenant, hélas ! nous devons ajouter, une chrétienté coupable. En Lui «était la vie». Quel privilège pour nous d’avoir en Lui cette vie, une vie déjà mise à l’épreuve au milieu et en dépit de tous, s’élevant à la plénitude de Dieu et pourtant exercée dans toutes les circonstances que peut rencontrer le coeur de l’homme ! Et c’est à cela que nous participons, mes frères, en possédant la vie éternelle en Christ selon la grâce de notre Dieu ; car ce que nous vivons maintenant dans la chair, nous le vivons dans la foi au Fils de Dieu, fondée sur la rédemption qu’Il a lui-même accomplie en amour.
Que le Seigneur veuille bénir sa propre Parole, donnant à nos âmes de retenir fermement toutes les vérités que nous connaissons, mais d’apprendre aussi que Dieu est toujours actif dans son amour. Son désir est de nous donner une plus grande liberté et une plus grande plénitude par un sentiment croissant de notre association avec Christ ! Si nous avons déjà fait quelques progrès réels, cela n’a pu être que dans cette direction et le secret n’en est pas ailleurs. Telles sont nos plus précieuses bénédictions ; et l’éternité tout entière le confirmera. Puissions-nous, en attendant, «être fortifiés en puissance par son Esprit, quant à l’homme intérieur» de sorte que le Christ habite par la foi dans nos coeurs, afin que nous soyons capables de comprendre la gloire qui est devant nous et de connaître son amour — lequel surpasse toute connaissance — de manière à en être remplis jusqu’à toute la plénitude de Dieu !
Le chapitre précédent nous a présenté le sujet de la nouvelle naissance, oeuvre du Saint Esprit dans l’homme. Celle-ci n’est pas, comme prétendent certains, un changement de la nature humaine, mais la communication de celle de Dieu (quoique dans l’homme), une naissance d’eau et de l’Esprit, sans laquelle personne ne peut voir le royaume de Dieu ni y entrer. Il faut pour le royaume de Dieu une nature qui soit de Dieu. Seule une nature divine est capable de connaître Dieu et de jouir de Lui ; et nulle bénédiction extérieure accordée à l’homme, nulle oeuvre accomplie en sa faveur, si précieuse qu’elle soit, ne suffisent à le rendre propre pour la présence de Dieu. Elles peuvent justifier Dieu à l’égard du péché et même le glorifier infiniment, comme cela a été réellement le cas dans l’oeuvre de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. Mais j’ose affirmer que rien de simplement extérieur à l’homme ne saurait mettre celui-ci, qui est pécheur, en état soit de connaître Dieu maintenant, soit d’en jouir plus tard. Or cette même grâce de Dieu, qui donne Christ pour l’accomplissement de l’oeuvre de la rédemption, révèle Christ par le Saint Esprit au moyen de la Parole ; et par là, l’âme est née d’eau et de l’Esprit. Plus que cela : depuis la rédemption, l’homme a droit de connaître la vie divine dans sa forme pleinement révélée, dans son expression la plus élevée, celle qui appartient au Fils de Dieu lui-même. Il n’est pas seulement converti ou né de nouveau, mais il a la vie éternelle. Je ne veux pas nier le moins du monde qu’être né de nouveau c’est en réalité posséder la vie éternelle : je ne fais qu’expliquer, dans le sens qu’à mon avis nous devons lui donner, le langage du Seigneur. Au lieu de s’en tenir à l’expression la plus générale, ou à l’affirmation de l’absolue et universelle nécessité d’une nouvelle naissance, il daigne nous présenter la bénédiction acquise à la croix, sous ce caractère qui lui convient à Lui-même. Car Lui est la vie éternelle qui était auprès du Père et qui nous a été manifestée. Ainsi la grâce a opéré d’une manière digne du Fils de Dieu.
Mais nous arrivons maintenant à une autre partie de notre sujet. Il ne s’agit pas simplement des besoins de l’homme, ni de la nécessité d’une nature qu’il n’a pas, et qui vient de Dieu seul. En envoyant son Fils bien-aimé dans un monde tel que celui-ci, Dieu ne se limite pas à faire ce qui est indispensable pour nous permettre de nous tenir dans sa présence. Il agit comme Dieu. Il ne communique pas seulement la nature elle-même, mais aussi une puissance capable d’opérer en elle. Il donne ce qui constitue l’énergie et la source de joie propres à la nature divine. En un mot, ce n’est pas seulement de la vie éternelle qu’il fait don, toute précieuse qu’elle est, mais il donne le Saint Esprit.
Ici les circonstances étaient, comme toujours, appropriées à ce que Dieu voulait révéler. Dans le chapitre précédent, l’homme était appelé d’une manière particulièrement pressante, en dépit des difficultés qui pouvaient lui sembler grandes. Mais à présent un pas de plus a été fait dans le sentier de grâce du Fils de Dieu : il est virtuellement rejeté. Le temps n’est plus où beaucoup croyaient en lui à cause des miracles qu’Il faisait. À présent la jalousie des pharisiens est excitée, et le Fils de Dieu quitte avec douleur cette Judée qu’il avait visitée en grâce de la part de Dieu. Son amour ne pouvait que ressentir douloureusement ce rejet qui n’était pas simplement le sien. En méprisant les grâces dont il était l’objet, le peuple rejetait Dieu Lui-même. Mais ce rejet conduit Jésus à une manifestation de grâce comme on n’en avait jamais entendu parler en Judée. Une femme de la Samarie, apparemment peu faite pour la compagnie du Messie, une pauvre femme de la ville de Sichar, dégradée même au jugement de l’homme, le rencontre tout seul au puits de Jacob où il s’était assis, fatigué de son voyage. Et Jésus s’ouvre bientôt un chemin vers son coeur.
Jésus demande un peu d’eau à boire. Il s’approche de cette femme, non pas comme le Messie, bien qu’il le soit, mais comme le Fils de Dieu qui n’avait pas besoin de gloire, mais qui avait besoin de montrer de la grâce. Car Dieu était ému de compassion envers sa créature perdue, et un seul pouvait s’occuper d’elle dans cet état, c’était Lui-même. Aussi, mû par son propre amour, il s’arrête et adresse une demande à la femme. Que ne ferait-il pas pour atteindre son coeur ? La femme est toute surprise ; car les Juifs n’ont pas de relations avec les Samaritains. Pour elle, il n’est qu’«un Juif», et elle-même seulement «une femme de la Samarie». Quelle erreur à l’égard de l’un et de l’autre ! Mais Jésus lui dit : «Si tu connaissais le don de Dieu, et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, toi, tu lui eusses demandé, et il t’eût donné de l’eau vive». Elle ne le connaissait pas. On pouvait à peine dire qu’elle connaissait la loi de Dieu, quoiqu’elle en parlât ; mais pour ce qui est du don de Dieu — qui avait jamais entendu parler d’une telle chose ? Qui, même en Israël, ce peuple si favorisé, s’était jamais arrêté à cette vérité que Dieu donne ? Le système religieux auquel cette femme était attachée lui fournissait de Dieu une conception toute différente. La religion de l’homme le considère comme un être qui reçoit. Cette femme sans doute n’était qu’une pécheresse perdue, mais, même dans une pareille condition, on peut avoir l’orgueil religieux et partager la jalousie de ceux qui s’estimaient supérieurs. Pour cette femme, mais aussi pour ceux qui auraient dû avoir une connaissance bien plus grande, Dieu est toujours un être qui exige, et non pas quelqu’un qui donne comme Dieu seul peut donner. L’esprit de l’homme ne s’élève jamais au-dessus de cette notion de Dieu. Il peut constater les effets de la sagesse et de la puissance divines. Mais Dieu lui-même demeure inconnu, car il ne peut être connu qu’en Christ, c’est-à-dire en son Fils. Ceci, cette femme ne l’avait pas appris encore. Elle ne se doutait pas le moins du monde qui pouvait être celui qui lui avait dit : Donne-moi à boire. Sinon elle aurait eu distinctement et glorieusement devant son âme Dieu comme donateur.
Mais la grâce était loin de ses pensées. Elle ne voyait qu’un Juif qui lui demandait à boire. Elle ne connaissait pas la dignité de celui qui était maintenant sur la terre un homme parmi les hommes. Elle ne savait pas qu’il était le Fils unique ; elle ignorait la gloire de celui qui ne prouva jamais mieux cette gloire que lorsqu’il s’abaissa pour le salut des pécheurs. Car qu’y a-t-il de plus profond de la part de Dieu, ou du Fils de Dieu, que cette expression de grâce, cet abaissement en amour — non pas en condescendance, mais en réelle bonté ? La condescendance n’est qu’une sorte de patronage, une attitude purement humaine et mondaine. Il ne pouvait y avoir aucun sentiment semblable en Celui qui est la vraie, la seule manifestation de l’amour divin, d’un amour qui n’avait pas de motif en dehors de lui-même. Et celui qui était amour dans sa propre nature était maintenant sur la terre pour le manifester. Qu’y avait-il dans une aussi pauvre créature de propre à attirer l’intérêt ? Rien, mais cette misère complète met en pleine évidence un Dieu qui donne et le Fils qui s’humilie. Quand bien même il formule une demande ici, c’est afin de pouvoir donner. Cette demande d’un peu d’eau n’est pour Lui que l’occasion de donner l’eau vive ; et si quelqu’un en boit, il n’aura plus soif à jamais. Certes c’était pour elle un son bien nouveau que cette expression «de l’eau vive».
Être né de l’Esprit est tout autre chose que le don de l’Esprit ou de l’eau vive, dont le Seigneur parle à la femme de Sichar (Jean 4). Ces deux pensées n’ont aucune connexion entre elles, bien que, naturellement, l’une soit tout aussi vraie que l’autre. La première de ces choses avait toujours été. L’Esprit de Dieu n’avait cessé de travailler dans les âmes depuis que le péché était entré dans le monde. Mais il ne fut jamais donné jusqu’à ce que le Fils de Dieu soit manifesté, jusqu’à ce que Dieu lui-même ait pris la position de donateur, et que le Fils ait pris celle d’humiliation en amour pour les pécheurs. Voyez quelle place celui-ci prend en demandant à la plus nécessiteuse des âmes de lui donner à boire, éveillant sa confiance par sa grâce parfaite. C’est là la grande vérité qui rayonne de toutes parts dans cet évangile. Et vous le remarquerez, Christ est le donateur. Il ne s’agit pas de lui-même, non plus que de la vie éternelle simplement ; nous avons déjà trouvé pleinement ce sujet, et l’Écriture ne se répète pas. Quoique toutes les parties de la vérité de Dieu soient très certainement en parfaite harmonie, toutefois nous sommes ici sur un nouveau terrain, en présence d’une tout autre nature, de besoins plus profonds donnant lieu à une plus profonde manifestation de la grâce. Ce n’est pas un docteur d’élite comme Nicodème qui est devant nous, mais une misérable femme, repoussée de tous, indigne aux yeux du monde. Tel est l’être à qui les profondeurs de la grâce dans le Fils de Dieu commencent d’être révélées. Certes cette femme prouve de la manière la plus évidente qu’elle n’est pas préparée à recevoir le don inestimable. Et nous n’avons pas lieu de nous en étonner. Le chapitre 3 d’ailleurs n’est pas davantage à la gloire du savant Nicodème que le chapitre 4 n’honore la femme ignorante de la Samarie. La vérité sur laquelle le Seigneur insiste dans la première de ces deux scènes était capitale pour l’homme et le docteur d’Israël aurait dû la connaître. Jusqu’à quel point la saisit-il alors ? C’est ce que nous ne saurions dire. Dans le second récit, le don de l’eau vive était une vérité dans laquelle, avant ce moment-là, personne ne pouvait entrer. Loin d’être une nécessité générale dont on était tenu d’avoir connaissance, comment aurait-on pu la concevoir ? Quand avait-il jamais été donné une révélation de Dieu et de sa grâce telle que celle que Jésus présente à cette femme ? Où y avait-il jamais eu un pareil déploiement de la grâce divine : Dieu donnant de la sorte, le Fils s’abaissant ainsi en amour jusqu’à une créature dépourvue de toute justice, et le Saint Esprit devenant une source vive de rafraîchissement pour le coeur ? La femme cependant se rejette sur ce qui est la ressource constante de la nature dans ce monde, c’est-à-dire la tradition : «le puits de notre père Jacob». C’était un effort pour échapper à ce qui était trop vaste, trop profond, trop divin pour qu’elle y entre. Jésus avait quitté le lieu où son peuple habitait à l’ombre d’ordonnances divinement imposées. Des desseins d’un ordre plus élevé étaient en voie de s’accomplir. Notre évangile ne le présente pas comme venu pour accomplir les destinées du pays de la promesse ; car, après tout, qu’est-ce que la promesse ? C’est la grâce mesurée. Et Jésus était venu dans une grâce sans mesure car tout était perdu. Mais plutôt que de l’admettre, l’homme se trouve toujours un objet servant de paravent pour son âme. Même cette pauvre femme de la Samarie se retranche derrière cet abri pour son orgueil : «le puits de son père Jacob». Le patriarche en avait bu, ses enfants et son bétail : Es-tu donc plus grand que lui ? demande la femme. Oh ! la flétrissante incrédulité du coeur, si prompte à obscurcir la riche grâce de Dieu. Toutefois la réponse du Seigneur est pleine de patience : «Quiconque boit de cette eau-ci» — quoique puits de Jacob — «aura de nouveau soif ; mais celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, moi, n’aura plus soif à jamais». Plus que cela : «L’eau que je lui donnerai sera en lui une fontaine d’eau jaillissant en vie éternelle».
Cela suppose que la vie éternelle est communiquée, mais suppose en même temps une source divine de joie que la vie éternelle en elle-même n’est pas, ni ne saurait jamais être. Au contraire, on détruirait toute la vérité de cette nouvelle et divine nature si on maintenait que la vie elle-même est une source. Telle n’est pas la nature de la vie ; elle est essentiellement dépendante ; mais ici je trouve une source, une source continuelle de secours. Autrement dit, il ne s’agit pas simplement d’une nouvelle créature qui, par le fait même qu’elle est une créature nouvelle, s’appuie sur Celui dont elle tire la vie et dont elle dépend ; mais ce que nous trouvons ici c’est une source vivante de joie. La figure même du puits l’illustre parfaitement et n’est-elle pas encore dépassée par cette expression : «l’eau vive» ? N’y voyons pas en effet quelque condition absolument indispensable pour être en relation avec Dieu. Hélas ! quel aurait été dans ce cas le sort de ceux qui avaient vécu avant sa révélation ? Non, il s’agit d’un privilège nouveau, d’une plénitude de joie qui, dans les voies et les conseils de Dieu, ne trouvait son temps et son application propres qu’à la venue du Fils. Dieu se devait de signaler dignement la venue de son Fils, sa propre manifestation en grâce dans la présence de son Fils ici-bas, aussi bien que l’accomplissement de l’oeuvre infinie de la rédemption. Non que cette oeuvre soit mentionnée ici ; mais elle est cependant impliquée dans l’humiliation du Fils. Il était impossible, répétons-le, que Dieu ne signale pas par quelque nouvelle bénédiction, quelque nouvelle source de joie pour le croyant, la révélation et l’accomplissement du plus grand des desseins de sa pensée et de son coeur. Pour peu qu’on Le connaisse, on confessera qu’il ne pouvait en être autrement. L’homme s’efforcera de rabaisser les magnifiques scènes des voies de Dieu, et de contester les éclatants témoignages de sa bonté et de sa sagesse dans ce monde, il mettra même en cause la révélation de Dieu. En dépit de tous ces efforts, la Parole de Dieu demeure et demeurera éternellement. Le dessein de Dieu est de faire tout concourir à la gloire de son Fils. Aussi, quand celui-ci vient, il donne à l’homme quelque chose de plus qu’une nouvelle nature.
En grâce, Dieu avait toujours fait naître de nouveau les âmes séparées pour son nom, les rendant propres pour sa présence ; et maintenant, outre la communication de cette nouvelle nature et le fait que Dieu regardait d’avance à l’oeuvre magistrale qui le justifierait dans le pardon des péchés, la nouvelle naissance pour le croyant est manifestée dans sa véritable nature et sa pleine valeur, comme la vie éternelle dans le Fils. Mais nous avons vu qu’il y a davantage encore. Une puissance divine est donnée à celui qui reçoit la vie éternelle, une fontaine d’eau jaillit en lui, en vie éternelle. Ce n’est pas seulement le fait, mais la puissance de la vie éternelle qui est conférée et cela non pas tant dans une nature communiquée, que dans un flux intarissable se rattachant à la source. J’admets qu’il n’est point question encore ici de la personnalité du Saint Esprit. Cette vérité se trouve plus loin, et elle nous sera présentée à sa place dans une autre occasion. C’est au moment où le saint Fils de Dieu s’en ira que cette question sera pleinement présentée. Alors une autre Personne viendra et prendra la place de Christ. Ainsi tout le sujet est présenté admirablement et dans l’ordre. Ici ce que nous avons c’est la puissance, plutôt qu’une personne ; mais une puissance intérieure pour celui qui a la vie éternelle, afin que son âme puisse sentir la pleine joie de la grâce. C’est ce dont parle le Seigneur quand il dit : «Celui qui boira de l’eau que je lui donnerai, moi...».
Maintenant considérons un moment l’état de l’homme depuis la chute, et en contraste ce que Dieu est. Voyons-le se révéler dans et par le Fils à une pauvre créature déchue. Quel fut le changement qui survint lors de la chute de l’homme ? Quand Adam fut créé, éprouva-t-il quelque soif dans le sens spirituel de ce mot ? Absolument aucune ! Cela aurait été dans la création un défaut que le Créateur ne pouvait y attacher, puisque tout était très bon. Je ne pense pas que tel ait été le cas même sous le rapport physique ; mais je suis sûr que, dans le sens dans lequel parlait notre Seigneur, Adam n’éprouvait pas le besoin d’une nourriture qu’il ne possédait pas. Il était incapable de la soif spirituelle parce qu’elle suppose que le coeur n’est pas satisfait, qu’il n’y a rien autour de lui pour répondre à ses besoins, qu’il éprouve un incessant désir de ce qu’il n’a pas trouvé ni ne peut trouver. Telle n’était pas la condition d’Adam dans son état d’innocence. Sa satisfaction de créature éclatait, sans aucun doute, non pas certainement en culte spirituel, mais au moins en actions de grâces rendues à Dieu. Il jouissait de la bonté et de la sagesse de Dieu dans les innombrables choses excellentes répandues autour de lui et placées sous sa dépendance. Il pèche, tombe, et, en même temps que la connaissance du bien et du mal qu’il vient d’acquérir, il voit naître en lui ce désir de ce qui ne pourra jamais le satisfaire. Et telle est, depuis lors, la condition de tout être déchu. Sous sa forme la meilleure, c’est l’espérance, car l’homme espère et ne peut qu’espérer. De fréquents et amers désappointements à l’égard des choses de ce monde peuvent accabler l’esprit ; toutefois, même quand il en est ainsi, chacun sait comment l’espoir survit toujours, espérant contre toute espérance. Voilà ce qui a été acquis avec la chute : cette soif de l’âme dont la meilleure forme est celle de l’espérance, en tant qu’impulsion constante à l’activité. L’homme est devenu «comme Dieu». Et ainsi a germé en lui ce désir d’être quelqu’un, quelque chose, dans ce monde ; en fait, de prendre virtuellement la place de Dieu lui-même. Naturellement cette audacieuse aspiration est tenue en échec par Dieu ; elle ne s’est d’ailleurs pas encore pleinement manifestée ; mais elle existe dans chaque coeur et se donnera certainement pleine et libre carrière lorsque Dieu retirera tous les obstacles et que Satan mènera à bout tous ses desseins. En attendant ce temps qui approche rapidement, c’est précisément ce désir insatisfait qui, depuis le jour où le péché est entré jusqu’à aujourd’hui, a poussé l’homme à sa fiévreuse activité dans un monde perdu.
En contraste Jésus vient et donne, non seulement la vie éternelle, mais «l’eau vive». Et tout aussitôt il y a un objet parfait pour le coeur, ce qui n’avait jamais eu lieu auparavant, avec une puissance nouvelle pour en jouir. Jadis, même ce qui éveillait les affections du coeur prenait encore le caractère d’une espérance. La confiance en Dieu et en ses promesses existait. Mais désormais un changement immense avait lieu. Christ était venu, Celui qu’on attendait était présent. Dieu lui-même était ici, dans la personne de cet homme assis fatigué près du puits de Sichar. Lui le plus humble des hommes, le plus effacé, montrait d’autant plus, du sein même des profondeurs de son abaissement, qu’il était le vrai Dieu dans son amour. Car en le donnant, Dieu ne voulait donner rien moins que Dieu. Non seulement il voulait communiquer sa nature, mais il voulait qu’il y eût dans l’homme une capacité divine de jouir de cette nature, ainsi que des relations qui lui sont propres.
Merveilleuse et divine réponse à la chute et à ses conséquences ; réponse qui n’est pas une simple accommodation à la ruine humaine, un stérile remède, une vaine réparation, mais qui manifeste Dieu lui-même en donnant toute leur riche et vaste portée aux ressources qui sont en lui. C’est la révélation de la grâce du Fils dans la puissance du Saint Esprit. C’est le christianisme dans quelques-uns de ses éléments les plus simples, les plus élevés, les plus essentiels. Une Personne divine est descendue ici-bas dans un amour parfait. Et Jésus est là, comme un Juif en dehors du judaïsme, ayant devant lui une femme samaritaine coupable, lui adressant une demande, non pas pour lui, mais pour elle, lui demandant la plus petite chose qu’elle puisse donner, en vue de fixer son attention. Mais c’est afin qu’il puisse la bénir de sa plus grande bénédiction à lui, d’une bénédiction impérissable dès à présent et pour toujours. Ce n’est pas seulement d’une nature nouvelle qu’il est question, mais d’une puissance effective à la fois pour l’homme et dans l’homme, communiquée de la part de Dieu, et en elle-même formellement divine. Et c’est là précisément ce que nous possédons maintenant pour la joie de nos âmes. Il nous a donné l’Esprit de Dieu ; il a accompli sa parole. Dieu a envoyé, comme il est dit, l’Esprit de son Fils dans nos coeurs, criant : «Abba, Père». «L’amour de Dieu est versé dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné» (Rom. 8:15 ; 5:5).
Nous n’avons pas simplement reçu la vie éternelle, mais outre et par-dessus le don de cette vie, le Saint Esprit lui-même nous est donné. Et, remarquez-le, c’est alors que nous trouvons que le croyant «n’aura plus soif à jamais». Cela n’est pas dit de celui qui est simplement né de nouveau, ni même quand il est fait mention de la vie éternelle seule. Et, de fait, ce n’était pas vrai lorsque les âmes étaient seulement nées de nouveau et rien de plus, car jusqu’au temps où Dieu a donné en Christ et par Christ le Saint Esprit de grâce, il y avait dans les âmes croyantes un certain désir des choses du monde ; et Dieu lui-même ne condamnait pas absolument cela mais le permettait dans une certaine mesure — peut-être à cause de la dureté de leur coeur. Un homme pouvait, pour ainsi dire, avoir ce monde-ci, et avoir aussi le monde à venir, équivoque que bien des personnes tristement aveuglées et ignorantes du vrai christianisme estiment être possible même aujourd’hui. Les croyants d’alors n’étaient pas traités comme absolument morts à la chair et au monde. Dans l’Ancien Testament nous ne rencontrons nulle part un pareil langage même chez les saints de Dieu, pas plus chez les patriarches que parmi les enfants d’Israël ; nous trouvons même tout l’opposé, en particulier dans la forme de la condition juive : une espérance tout premièrement en quelqu’un qui devait venir, mais pas de délivrance du monde en tant que système jugé. On y trouve des fruits de la foi pleins d’intérêt pour nous, dans lesquels les saints s’élevaient par la grâce de Dieu bien au-dessus de tout ce qui les entourait. Dieu nous donne ainsi de précieuses instructions par le moyen d’Abel, d’Énoch, de Noé, d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, de Joseph, de Moïse, et de tous les autres. Mais, outre que l’objet de leur espérance n’avait pas encore été révélé et que leur foi ne reposait pas sur l’oeuvre infinie de la rédemption puisque celle-ci n’était pas alors accomplie, on trouve chez eux une certaine mesure d’attachement aux biens d’une terre qui n’était pas encore entièrement jugée.
Maintenant, si Christ ne suffit pas à mon coeur, comment cela se fait-il ? Ce peut être parce que le Saint Esprit ne remplit pas mon coeur jusqu’à le faire déborder de la grâce de Jésus. Tout en étant divinement attiré à Christ, je ne me repose pas réellement en lui et suis encore occupé de moi-même. Je rampe dans la boue de ma nature, au lieu d’être emporté par la puissance de l’Esprit avec ce Christ qui est ma vie. C’est pourquoi il ne me satisfait pas à lui tout seul, et je soupire ardemment après ce qui est sans valeur, mondain ou charnel. N’est-ce pas bien triste que Dieu en Christ dans la plénitude de sa grâce ne suffise pas au coeur ? La possession et la connaissance d’un privilège accroissent la responsabilité. Mais la première chose, pour la foi, c’est d’y entrer et de le posséder. Dieu alors ne permettra pas que nos coeurs en soient occupés simplement comme affaire de témoignage ; il veut que notre âme y prenne ses délices par la puissance qu’il nous a donnée. Toutefois ce que j’affirme maintenant, c’est que le christianisme est parfaitement manifesté, et qu’il l’est selon la sagesse de Dieu. En premier lieu la nature divine est révélée dans la Personne qui en est la plénitude et la complète expression. En second lieu la puissance pour en jouir est communiquée. Le coeur trouve dans l’objet révélé ce qui seul peut le satisfaire : une Personne divine, celle du Fils de Dieu qui m’a aimé. Mais en même temps la puissance de l’espérance n’est pas perdue. Car nous avons aussi une espérance — non pas à présent une simple et lointaine espérance, comme c’était le cas jadis quand il n’existait rien d’autre. Mais dans un monde tel que celui-ci, tandis que nous sommes encore dans le corps, Dieu ne nous en laisse pas manquer, sachant que nous avons besoin d’un pareil stimulant. La soif spirituelle a cessé lorsque par l’Esprit nous jouissons de Christ, mais l’espérance subsiste, avec cette différence que Celui qui en est l’objet est Celui-là même que je possède. Le Christ après lequel je soupire est le Christ que j’ai actuellement, et je ne trouverai pas en lui quand je le verrai la plus légère différence. Je connaîtrai mieux ce bien-aimé Sauveur et le louerai davantage, car je serai dans une condition où c’en sera fini de mes infirmités, où mon corps lui-même sera incorruptible et glorieux, et où ne se trouvera rien de nature à nuire, à détruire, ou à produire de l’obscurité. Je le trouverai, lui, le même Christ qui m’aime aujourd’hui parfaitement. N’est-ce pas précieux de savoir que cela est vrai maintenant pour nos âmes, que nous le possédons ici, aussi certainement que nous le posséderons dans le ciel ? Ainsi tout en ayant dans un sens le bénéfice de la recherche, celui d’avoir à espérer quelque chose, dans un autre sens tout aussi vrai nos coeurs goûtent déjà un repos réel dans la possession de leur objet. Nous n’avons pas perdu l’espérance comme énergie d’activité, justement excitée et exercée dans un monde ruiné. En être privé serait une perte pendant que nous sommes ici-bas. Mais il faut que l’espérance passe. Dans le ciel, il n’est plus question, nous le savons, ni de foi, ni d’espérance, car elles supposent toujours une condition imparfaite, déchue, pour ce qui concerne le milieu dans lequel elles ont à s’exercer. Maintenant, avec l’espérance, nous possédons en Christ révélé à notre foi l’objet parfait pour un coeur renouvelé. Et nous sommes nous-mêmes bénis selon la perfection de l’oeuvre qu’il a accomplie, de sorte que la conscience aussi bien que les affections jouissent d’un repos parfait. Or comme en même temps la vieille création est encore là, et nous dans le corps au milieu d’elle, nous possédons dans l’espérance un précieux aiguillon pour nous exciter à l’activité de l’amour. Tout cela, je le demande, n’est-il pas digne d’un Dieu tel que le nôtre ? N’est-ce pas l’action de son amour parfait envers ses enfants, qu’il a ainsi bénis avec Christ, son propre Fils, et en lui ?
La preuve de l’amour divin a été donnée avant le réveil de la conscience et il est précieux qu’il en soit ainsi. En effet je comprends que la conscience ne puisse supporter d’être atteinte quand un témoignage d’amour n’a pas été préalablement donné. Mais inversement ce témoignage d’amour serait par lui-même sans aucun profit pour un pécheur. Il faut qu’il y ait réveil et mise en exercice de la conscience ; et c’est ce que nous trouvons ici.
Mais le point sur lequel notre attention doit être maintenant attirée, c’est le rapport de cette précieuse puissance de l’Esprit, source divine de la joie dans l’âme, avec le culte, au sujet duquel la femme, sachant peu quelle révélation elle allait provoquer, adresse une question au Sauveur. Pourquoi la pose-t-elle ? Par simple curiosité intellectuelle, peut-être même comme échappatoire pour une conscience qui était touchée et ne se prosternait pas encore complètement devant Dieu. Mais quel que puisse avoir été le motif de sa question, quelque mélangé qu’ait été ce motif (chose hélas ! que nous connaissons trop bien), cette femme nous fournit l’occasion de recevoir de la bouche du Seigneur, pour notre édification, un précieux enseignement sur une très importante portée du don de l’Esprit. Car nous ne sommes pas seulement en possession de la vie éternelle et du Saint Esprit, mais tout cela est en vue de fins excellentes selon Dieu. Et ce qui réclame ici notre attention est nécessairement la fin la plus élevée — ce qui monte, non pas ce qui descend. Nous avons notre place de culte, nous avons notre place de service ; et le culte et le service sont précisément les deux directions dans lesquelles le Saint Esprit conduit nos âmes, agissant en nous comme l’eau qui jaillit jusque dans la vie éternelle. Le culte de Dieu lui-même, de notre Père, est l’activité suprême. Il faut qu’il ait la première place. Sinon pourrait-il convenir à Dieu ? Mais nous sommes encore dans un monde où des âmes périssent ; d’autres sont dans une extrême nécessité réclamant notre service ! L’état actuel de la chrétienté est celui d’une profonde pénurie. Et en conséquence le ministère de la grâce trouve ici-bas sa pleine justification.
Ce qui se présente ici pour le croyant, c’est donc cette connexion de l’Esprit avec le culte tel qu’il est expliqué par le Seigneur. «Nos pères», dit la femme, «ont adoré sur cette montagne-ci (car elle avait son opinion, et une opinion très décidée), et vous, vous dites qu’à Jérusalem est le lieu où il faut adorer. Jésus lui dit : Femme, crois-moi : l’heure vient que vous n’adorerez le Père, ni sur cette montagne, ni à Jérusalem». Ainsi, devant la présence du Fils disparaissent non seulement les faux systèmes mais même ce qui, comme révélation partielle, avait été sanctionné par Dieu : non seulement la montagne de Samarie, mais Jérusalem elle-même. Comment Jérusalem pouvait-elle garder sa place en présence du Fils de Dieu rejeté ? Elle était la ville du grand Roi ! Si le grand Roi y avait été reçu comme tel, il aurait occupé son trône dans cette cité conformément aux termes de l’ancienne promesse. Mais c’est là précisément ce qu’on lui avait refusé, et maintenant le Roi, méprisé par ceux qui passaient pour les meilleurs et les plus sages, avait tourné le dos à cette ville rebelle. Fait qui ne sert qu’à souligner la plénitude de la grâce divine, et atteste en outre qu’ici, comme toujours, la plénitude de la grâce est attachée à la plénitude de la gloire. Un péché aussi flagrant touchait à la gloire et donnait occasion à la grâce de Dieu de se manifester. Ne vous y trompez pas : il n’y a pas d’indifférence en Dieu. Il s’oppose à tout péché commis contre Christ, en vertu de l’amour même qu’il porte à son peuple coupable, aussi bien que du soin qu’il porte à l’honneur de son Fils. Pareillement, même s’il ne s’agissait que de l’intérêt de l’Église ici-bas, il ne veut pas laisser passer la plus petite tache, la moindre souillure, tolérer un affront fait à Christ. Outre cela, l’homme religieux avait éprouvé et éprouverait de plus en plus l’entière incapacité des ordonnances pour satisfaire à ses besoins ou à la gloire de Dieu.
Cette femme avait entendu parler des promesses concernant le Messie mais était bien peu préparée à le reconnaître en celui qui parlait avec elle. Il n’était entouré d’aucune pompe, et n’exerçait pas le jugement. En tant que Roi, il aurait pu naturellement envoyer ses armées et brûler Jérusalem, mais en tant que Fils, il lui suffisait de prononcer ces seules paroles : «l’heure vient, et elle est maintenant...». Celui qui avait tout créé par une parole effaçait de la terre par une parole, d’un mot, la place de Jérusalem comme centre du culte divin. Je le répète, non seulement les faux systèmes, mais même la révélation partielle touchant l’homme sur la terre, reçoit sa sentence et disparaît, afin que le Fils demeure. «Vous adorez, vous ne savez quoi — dit-il — nous, nous savons ce que nous adorons ; car le salut vient des Juifs». Il y avait dans la Samarie présomption et ignorance ; et le Seigneur ne dissimule pas non plus les avantages qu’Israël possédait en toute manière. Mais une chose à remarquer, c’est que Jésus ne parle jamais ainsi sauf de dehors. Il défend les Juifs quand il se trouve au milieu de leurs rivaux, et qu’il est lui-même rejeté. Quelle grâce ! Le Seigneur rejeté ne méconnaît pas ce qui avait été institué avec gloire, lors même que cette institution d’Israël fût active contre Lui-même. Il ne méprise pas la ligne de la promesse ; il n’oublie pas le fait capital dont dépendait la bénédiction de toute la terre : «Le salut vient des Juifs». Mais il ajoute : «L’heure vient». Il insiste même sur le fait qu’à ce moment-là, elle était pour ainsi dire arrivée : «L’heure vient, et elle est maintenant, que les vrais adorateurs adoreront le Père en Esprit et en vérité ; car aussi le Père en cherche de tels qui l’adorent». La loi que Dieu donna était en harmonie avec la relation dans laquelle son peuple était avec lui-même. Il s’agissait de ses voies morales envers la chair dans des hommes qui, comme peuple, ne possédaient rien d’autre. Mais c’est là précisément le changement immense qui intervient maintenant que le Messie est venu et a été rejeté. Le Père appelle et forme des fils par Celui qui est le Fils premier-né. Plus que cela, il leur donne l’Esprit d’adoption, l’Esprit de fils, afin que les vrais adorateurs l’adorent en Esprit et en vérité ; car le Père en cherche de tels qui l’adorent. Que signifie donc tout cet ensemble de rites et de cérémonies flattant les sens, qui montent actuellement de cette terre devant Dieu avec la prétention d’être son culte ? Que représente le culte des multitudes chrétiennes aujourd’hui ? Une flagrante et audacieuse contradiction à la gloire de Christ, jetée à la face de Dieu, un sujet de profonde peine pour tous ceux, contredits comme Lui, qui l’aiment et qui craignent son nom. Eh bien, la Parole de Dieu montre combien c’est chose sérieuse de jouer avec ce qui concerne de si près le Saint Esprit. Il est le témoin du Fils de l’homme, rejeté des hommes, mais exalté par Dieu. Et l’Esprit lui-même est méprisé parce qu’il rend témoignage au Fils de l’homme méprisé des hommes pour sa grâce et son humiliation. Quelle démonstration de ce que Dieu est, et en même temps de ce qu’est l’homme ! La superstition dans ses formes les plus grossières et les plus outrageantes trouve des sectateurs et des défenseurs dévoués, non pas simplement parmi les ignorants, mais parmi ceux qui se glorifient de leur savoir, de leur culture, et même de leur connaissance de la Bible. En dépit d’un témoignage tel que celui de notre chapitre — les paroles de Jésus lui-même — ces marchands de légendes s’arrogent la position de peuple de Dieu. Le culte qu’ils prétendent rendre à Dieu prouve qu’ils ne sont que des sectes mondaines faisant la guerre à l’Esprit de Dieu.
Seul quelqu’un qui a la vie éternelle est capable d’adorer. Mais même alors, c’est dans la puissance du Saint Esprit que le culte est rendu. Ainsi l’adorateur est quelqu’un qui, ayant le Fils, a la vie ; c’est quelqu’un qui a le Saint Esprit comme source de joie au-dedans, et qui connaît le Père. Il n’est pas d’autre culte acceptable aujourd’hui. Le Père ne cherche pas d’autres adorateurs. Il cherche ceux-là. Permettez-moi de vous demander, chers amis, si vous faites tous partie de ces vrais adorateurs ? La joie cherche toujours à être partagée. La douleur peut s’épancher toute seule, rester comme un secret avec Celui qui est seul capable de sympathiser, de secourir comme nul autre ne le peut, de délivrer comme lui seul délivre. La joie, elle, est d’autant plus riche qu’elle en trouve d’autres pour y prendre part. Et quand découvrez-vous cette communion pour la première fois ? Pas avant que le Saint Esprit soit donné ! Vous voyez par là comment la vérité fait un tout. Tant que les âmes étaient simplement nées de nouveau, l’une ici, l’autre là attendaient la venue du Christ ; elles exprimaient leur peine devant Dieu, faisant monter vers lui des soupirs dans l’espérance du moment où paraîtrait le Sauveur promis. Mais il est venu, porteur de la grâce divine, il a ôté nos péchés, et en même temps nous a donné la vie éternelle. Plus que cela, en vertu du don de Dieu, nous avons reçu la puissance de nous approcher du Père par l’Esprit ; car c’est par l’Esprit que Juifs et Gentils qui croient maintenant ont accès auprès de lui. De cet aspect de la vérité découle la communion de joie, et, en conséquence, la communion de culte. Il ne s’agit plus seulement de la bénédiction de chaque âme là où elle se trouve. Maintenant, pour la première fois dans l’histoire de ce monde, il est question de la recherche individuelle de vrais adorateurs et de leur rassemblement, afin que ces adorateurs puissent eux-mêmes offrir en commun leurs actions de grâce et leur adoration. Pourquoi ? Parce qu’ils ont un seul et même Esprit, qui, par conséquent, les unit pour la célébration de la grâce de Dieu, en même temps qu’il les sépare de tous ceux qui ne sont pas de vrais adorateurs.
Jusqu’à ce moment le culte avait été mélangé. Les samaritains adoraient ils ne savaient quoi. Les Juifs rendaient leur culte à Jéhovah le Dieu d’Israël ; ils adoraient le Tout-Puissant, l’Éternel Dieu des armées ; mais les adorateurs étaient isolés l’un de l’autre et rien n’était tenté pour les distinguer de la masse du peuple et les réunir ensemble. Ceci ne pouvait se faire avant que le Fils soit venu, que la grande oeuvre de la rédemption ait été opérée, et que le Saint Esprit ait été donné ! Le mur mitoyen de clôture était encore debout. Mais à présent Christ est venu. Méconnaître ce qu’il enseigne ici, c’est revenir en arrière, se défier du Saint Esprit, apostasier de la grâce et de la vérité. Soyez certains qu’elle approche à grands pas, cette effrayante apostasie. Et je vous y exhorte de la façon la plus solennelle, ô vous qui avez de jeunes âmes sous votre responsabilité, ne laissez jamais vos enfants, même s’ils sont encore inconvertis, avoir rien de commun avec les adorateurs de ce monde. Non pas que les hommes comme tels soient capables d’adorer, mais ils prétendent rendre culte, tout en étant pleinement responsables de sentir qu’ils ne sont pas de vrais adorateurs. Il est grave de permettre à nos enfants, sous prétexte qu’ils sont inconvertis, de se mêler avec le monde et d’en suivre la marche religieuse. Ne le tolérons jamais, par curiosité ou pour quelque motif que ce soit, car rien n’égale l’habileté du diable à fournir de bonnes raisons pour de mauvaises actions. Mais, chers amis, traitons toujours comme une imposture de celui qui séduisit Éve, les sollicitations à faire quelque chose qui ne soit pas la volonté de Dieu, même si on met en avant le bien qui pourrait en résulter. «L’heure vient, et elle est maintenant, que les vrais adorateurs adoreront le Père». Peut-il exister un autre culte que celui que Dieu approuve ?
J’admets que sa grâce pénètre là où nous, nous ne pouvons ni ne devons aller ; je reconnais qu’elle peut opérer partout, même quand est offert le «sacrifice de la messe». Car ce n’est pas le péché qui peut retenir la grâce de Dieu. Certes, si le péché avait pu faire obstacle à l’action du Fils, c’en était ici l’occasion. Mais c’était précisément parce que le péché était là, afin d’en délivrer les pécheurs, que le Fils de Dieu était ainsi venu. Et je n’en ai aucun doute, ce qui est vrai de la grâce en Christ l’est aussi de la grâce manifestée par le Saint Esprit. Mais, ne supposons surtout pas que la grâce excuse le mal ou le traite légèrement. Il n’y a rien, au contraire, qui le condamne d’une manière plus absolue. Et en même temps, il n’existe rien d’autre qui puisse délivrer ; car pendant qu’un Autre porte la condamnation, le coupable est sauvé dans l’amour divin, et cela non par la mort seulement, mais dans la puissance de la vie de Christ ressuscité d’entre les morts. Ainsi le Saint Esprit donne de la force pour accomplir le bien, de même qu’il est l’agent de la bénédiction et fait qu’on y prend ses délices. Il est ainsi la seule puissance réelle pour résister au mal dans ce monde. Voilà qui est propre à agir sur la conscience d’un saint. Avez-vous jamais adoré Dieu votre Père en esprit et en vérité ? Ou bien vous êtes-vous contentés jusqu’ici d’être mêlés au monde et de prendre part à ses cérémonies et à son rituel ? Rien de plus facile que d’être associé à un tel système. Un simple instrument de musique, sans coeur ni conscience, suffit à y jouer son rôle. Le culte tel que le monde le conçoit est un ensemble de formes propres à agir sur les sentiments, mais ne différant pas finalement des pratiques de l’idolâtrie. À la vérité, c’est ce que l’apôtre discernait chez les Galates (chap. 4) lorsqu’ils reprenaient les formes juives. Mais, qu’aurait-il pensé et dit de l’état actuel de la chrétienté ? Chose solennelle, cet état progresse de jour en jour et ne cessera pas jusqu’à ce que le Seigneur Jésus soit révélé du ciel, exerçant la vengeance contre ceux qui ne connaissent pas Dieu, et contre ceux qui n’obéissent pas à l’évangile de notre Seigneur Jésus Christ.
Eh bien, nous sommes sauvés pour adorer maintenant, oui, pour adorer en esprit et en vérité. Encore faut-il, j’en supplie mes frères, adorer réellement dans la joie de notre coeur et ne pas nous contenter simplement d’en parler. Il semble parfois qu’il en est ainsi quand nous nous assemblons pour adorer le Seigneur. Ce sont plutôt des exhortations ou des prières concernant le culte que l’adoration réelle. Bien-aimés, parler du culte ce n’est pas rendre culte. Nous ne nous réunissons pas en un tel moment pour exposer le sujet ou y insister avec force, chose qui peut être parfaitement convenable en une autre occasion. Si nous sommes réunis pour adorer, que chacun réalise qu’il est dans la présence du Seigneur pour le célébrer, l’exalter et se réjouir en lui. Le culte chrétien est l’effusion devant Dieu de coeurs qui ont trouvé, par le Saint Esprit, leur joie et leur satisfaction dans le Fils et dans le Père. Le coeur dont tous les besoins ont été pleinement satisfaits dans le Christ désire louer, et ne peut que louer, en communion avec tous ceux qui sont bénis de la même manière. N’a-t-il pas trouvé un objet, le Christ, celui que Dieu lui a donné présentement dans un monde tel que celui-ci ? Il refuse de s’associer avec les éléments d’un système ignorant de la grâce ou même du péché, étranger par conséquent à la communion avec le Fils et avec le Père. Il sent le besoin d’être conduit dans le culte par la volonté de Dieu qui a envoyé le Saint Esprit du ciel ici-bas pour en être la puissance. Et quel chrétien, sachant qu’il existe une telle puissance pour bien conduire les enfants de Dieu dans le culte, pourrait se contenter de quelque autre conducteur que le Saint Esprit agissant souverainement dans l’assemblée par le moyen de qui Il veut ? Il en résulte que le culte chrétien a toujours pour son objet central le Fils de Dieu révélant le Père, et suppose nécessairement le don spécial du Saint Esprit comme la puissance en nous pour jouir de Dieu et le célébrer convenablement. Mais seuls peuvent le réaliser les vrais adorateurs qui connaissent le Père. C’est un culte d’une nature inférieure, que d’être simplement occupés de nous-mêmes et les uns des autres et que de nous étendre sans cesse sur nos propres privilèges. L’édification elle-même, toute précieuse qu’elle est, n’est pas le culte : elle a pour objet les saints et non le Père et le Fils. À sa place et à sa manière, elle est admirable, et je ne nie pas que, si nous sommes réellement occupés en adoration du Père de notre Seigneur Jésus, il y aura rafraîchissement et édification. Mais il demeure toujours vrai que le but propre du culte, c’est notre commune louange montant vers Dieu, de même que celui du ministère, c’est la grâce et la vérité de Christ descendant ici-bas, et ainsi édifiant les saints. L’action de grâces elle-même, tout en faisant réellement partie du culte chrétien, me semble en être la forme la plus inférieure. En effet, elle n’est pas tant l’expression de notre joie en Dieu que de notre joie dans ce qu’il nous donne. Sans doute cette dernière est-elle toujours juste, et il est très convenable que nous gardions toujours le sentiment de ce qu’il a fait pour nous et nous a donné. Mais nous qui avons le titre et la position d’enfants, nous sommes si richement bénis comme chrétiens que nous pouvons laisser nos coeurs s’abandonner aux révélations de l’Esprit sur ce que notre Dieu est en Lui-même et ainsi nous réjouir en sa présence. Tout a son temps et sa place, les soins à donner aux âmes et la conduite réelle du Saint Esprit pour l’adoration.
Une autre chose qui doit être remarquée, c’est que le Sauveur ne parle pas simplement d’adorer «le Père». Il nous dit : «Dieu est esprit, et il faut que ceux qui l’adorent, l’adorent en esprit et en vérité». Le culte chrétien est donc l’opposé d’une religion de formes, mais, bien que spirituel, il n’en est pas moins réel. Il y a des occasions où le Saint Esprit fait que le culte a spécialement Christ pour objet ; et d’autres où le Père est plus particulièrement devant l’assemblée. Parfois aussi c’est la seigneurie ou la grâce de Jésus qui occupent la première place, et d’autres fois encore c’est de notre repos en Dieu lui-même que nos coeurs sont davantage frappés ! Je ne veux pas dire que le culte se caractérise par l’un ou l’autre de ces thèmes exclusivement, mais je dis qu’on peut généralement sentir que tel ou tel des points de vue sous lesquels se présentent les vérités divines a donné au culte son ton et son caractère. Le formalisme naturellement est aveugle à ces différences, et les effacerait. Et certainement, là où le don et la présence du Saint Esprit ne sont pas réalisés, les âmes ne sont pas en état de comprendre ou d’apprécier cela. Certainement aussi tout est parfaite grâce ; et je connais peu de choses qui démontrent mieux combien nous sommes bénis, que le fait de pouvoir non seulement nous réjouir en notre Père, mais aussi nous réjouir en Dieu, nous glorifier en Lui comme il est dit en Romains 5:11. Réconciliés avec lui, et connaissant son amour par le Saint Esprit qui nous a été donné, nous avons notre sujet de gloire en Dieu comme Dieu. Car sa nature même et son caractère moral ont été si parfaitement justifiés et satisfaits dans l’oeuvre du Seigneur Jésus Christ pour nous, que désormais tout en lui peut se déclarer justement pour nous, maintenant et pour toujours. Lui qui hait le mal et en a par sa nature une horreur parfaite, qui ne saurait non plus aucunement l’excuser en nous, a été si absolument glorifié en Christ que son amour peut dorénavant se déployer sans réserve en notre faveur. Et pour notre part nous sommes libres de nous tenir sans cesse devant lui le coeur rempli de joie et débordant de louange. Ce n’est pas qu’il nous épargne la discipline nécessaire. Ne pas la connaître serait une perte et un danger pour nous qui sommes ici-bas, dans nos corps. Aussi en sommes-nous les objets de sa part dans son caractère de Père. Le châtiment dont nous sommes visités maintenant vient de notre Père (comp. Héb. 12 et 1 Pierre 1:17). Incontestablement notre Père est Dieu, mais il est bon de distinguer la nature des relations ; et l’Écriture le fait toujours. Il importe au plus haut point que nous connaissions cette étroite relation de Père qui, comme Jean nous le déclare, caractérise déjà les tout jeunes enfants de la famille de Dieu. Mais il est aussi de la plus haute importance de savoir que c’est le triomphe de la rédemption de nous avoir établis dans la paix avec Dieu comme tel, et de nous amener à nous glorifier en Lui, maintenant que toute sa nature peut se reposer pour nous en Jésus et en nous par Jésus.
Nous pouvons donc à juste titre nous réjouir de ce que ce Dieu est notre Père. Seulement il y a danger de nous limiter à cette vérité et de perdre de vue notre profond et parfait repos en Dieu comme tel (1 Pierre 1:21). Or, je dis que là où le coeur ne s’est pas soumis à la justice de Dieu et ne connaît pas pleinement la profondeur de la rédemption, on rencontre plus de confiance dans la relation de «Père», que dans le fait d’avoir affaire avec «Dieu» ; on n’apprécie pas assez l’oeuvre de Christ, ni peut-être sa gloire. Et comme la foi et l’état du coeur laissent à désirer, cela se trahit aussi par un défaut de liberté et de plénitude à la fois dans le culte et dans la marche pratique ; car toutes ces choses vont ensemble. «C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, retenons la grâce par laquelle nous servions Dieu d’une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte. Car aussi notre Dieu est un feu consumant» (Héb. 12:28, 29). Car «aussi Jésus, afin qu’il sanctifiât le peuple par son propre sang, a souffert hors de la porte. Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, portant son opprobre ; car nous n’avons pas ici de cité permanente, mais nous recherchons celle qui est à venir. Offrons donc, par lui, sans cesse à Dieu un sacrifice de louanges, c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom» (Héb. 13:12 à 15).
Mon but n’est pas de développer ces quelques remarques pratiques concernant le christianisme et le culte en général mais de montrer comment nos bénédictions et nos responsabilités se rattachent au don du Saint Esprit. Cette bénédiction qui résulte de la venue du Fils en humilité et en amour ici-bas, nous est donnée par Lui en vertu de sa gloire et de son humiliation en même temps. Dans le chapitre précédent, la nouvelle naissance est décrite par notre Seigneur comme une nécessité absolue et universelle pour le royaume de Dieu, avant qu’il dise un mot de sa présence dans ce monde, et bien moins encore de la rédemption. Les saints de l’Ancien Testament étaient nés d’eau et de l’Esprit tout aussi bien que ceux du Nouveau Testament ; mais ici nous nous trouvons en présence d’une bénédiction qui attendait la venue de Christ pour être accordée selon la pleine grâce de Dieu. Car véritablement notre communion est avec le Père et avec son Fils Jésus Christ. Elle est liée à la rédemption, mais la rédemption n’est pas introduite directement dans ce passage. Le but de celui-ci est de rapprocher étroitement la gloire de Dieu, tel qu’il nous est connu maintenant, la gloire du Fils malgré son humiliation, et dans son humiliation même, enfin le don de l’Esprit au croyant, qui en a été la conséquence bénie.
Le sujet qui va nous occuper ne peut être séparé des chapitres précédents. Il se relie aux incidents relatés dans le chapitre 7, et surtout à l’aspect particulier sous lequel le Seigneur s’y présente à nous. C’est d’ailleurs là le secret de toute connaissance de la vérité. L’enseignement divin ne nous est pas dispensé d’une manière sèche et dogmatique, mais avec amour. Il fait partie de ces révélations de Dieu qui ont Christ pour objet primordial, car Dieu veut que Christ soit le centre de toutes choses. Gardons-nous par conséquent de «forcer la vérité» ou de la sortir de la place qu’elle occupe dans les plans divins, et ne séparons jamais ce qu’a fait Christ d’avec ce qu’Il est à la gloire de Dieu. Nous ne ferons des progrès qu’à cette condition, même si ces progrès peuvent paraître lents à première vue. Car nous ne pouvons recevoir de bénédictions solides et durables que de Dieu directement. Au lieu d’acquérir la connaissance par des moyens purement humains, nous recevons la vérité par l’action de la grâce divine, nos coeurs sont formés par la Parole et nous entrons ainsi dans le courant des pensées de Dieu. En examinant à ce point de vue le chapitre que nous venons de lire, nous reconnaissons dans la déclaration du Seigneur Jésus touchant le Saint Esprit un caractère nouveau. Par rapport aux chapitres 3 et 4 de cet Évangile, il y a ici un progrès évident qui dépend comme toujours d’une manifestation plus complète de Christ. Car la connaissance du coeur s’accroît en raison du degré de cette manifestation en même temps qu’augmente la force puisée dans la Parole de Dieu.
Nous avons observé cette progression dans nos deux premiers entretiens et ici je dois appeler l’attention sur l’ordre admirable observé dans l’Évangile de Jean. Nous y contemplons Christ, la Parole, seul de toute éternité avec Dieu et nous pouvons le suivre jusque dans le royaume à venir, où sa gloire sera pleinement manifestée (chap. 1). Alors il répandra la joie là où régnaient la désolation et la stérilité, et il fera disparaître tout ce qui peut offenser Dieu, par le jugement qu’il exercera là où l’homme avait corrompu et souillé la maison de son Père, savoir à Jérusalem (chap. 2).
Nous sommes ainsi amenés jusqu’au royaume durant lequel Christ établira la gloire de Dieu ici-bas. Et c’est alors que se pose la question : Quel homme pourra avoir part à ce royaume de Dieu ? Le troisième chapitre nous donne la réponse et démontre que, de tout temps, Dieu avait en vue des âmes qu’il préparait pour le royaume à venir. Il révèle la forme sous laquelle cette nouvelle nature est communiquée quand le Fils de Dieu Lui-même est manifesté. Il n’est pas un des attributs divins, ni une grâce accordée aux hommes, qui ne resplendisse avec un éclat jusqu’alors inconnu, quand Christ apparaît. Il était la vraie lumière, et, si nombreuses et précieuses qu’aient été les bénédictions goûtées avant sa venue, le seul contact avec la lumière de Christ les revêt d’une forme nouvelle. Forme riche, harmonieuse et bénie, qui, sans rien changer à la substance de la vérité déjà révélée, la transforme et l’illumine. Dès le commencement, tous les saints de Dieu participaient nécessairement de cette nouvelle et divine nature capable d’entrer en communion avec Dieu. Mais maintenant ils savent qu’elle n’est autre que la Vie Éternelle, leur portion actuelle dans son Fils.
Mais il y a plus encore ! Le chapitre 4 nous a montré le Fils de Dieu abaissé, donnant le Saint Esprit ; non pas seulement une nouvelle naissance qui provient du Saint Esprit, mais le Saint Esprit Lui-même pour être en nous une puissance de communion avec le Père et le Fils. Le Christ, celui qui avait été annoncé, était rejeté, et c’est pourquoi les anciennes promesses faisaient place à des révélations touchant l’indicible et éternelle gloire de sa Personne. Ainsi cette réjection avait pour résultat de faire ressortir toute la gloire du Fils de Dieu, mais du Fils de Dieu manifesté sur la terre dans sa grâce parfaite. Il ne s’agit pas ici de quelque important docteur juif venant à Jésus, mais du Seigneur de gloire allant au-devant d’une pauvre pécheresse samaritaine et développant un sujet d’une grâce ineffable : le don du Saint Esprit, par lequel le croyant peut entrer dès maintenant en communion avec le Père et son Fils Jésus Christ. L’homme est souillé, mort dans ses péchés, et par sa nature incapable d’hériter du royaume de Dieu ; il faut pour cela une nouvelle naissance et il en a toujours été ainsi ; mais nous avons un privilège transcendant qui va bien au-delà de ce royaume, et dont rien ne nous sépare. Pourquoi Dieu fait-il cette extraordinaire révélation ? Parce qu’il veut honorer son Fils rejeté par Israël. Il faut que toutes choses soient soumises au Fils, et rien n’est trop grand pour être donné par Lui. La venue du Fils dans l’abaissement était une raison de plus pour hâter ce don du Saint Esprit. C’est pourquoi, percevant la gloire du Fils, notre coeur peut savourer l’amour du Père par la puissance du Saint Esprit que Jésus donne. C’est pourquoi aussi ce bienfait inestimable est la source de tout culte réel. Les choses anciennes naguère ordonnées de Dieu sont mises de côté ainsi que la «dévotion volontaire» de l’homme.
Nous abordons maintenant un sujet tout différent (chap. 7). Le Seigneur Jésus ne veut plus demeurer en Judée, parce que les Juifs cherchent à le faire mourir. Le peuple, aussi bien que ses chefs, est jaloux de lui. Leur haine est arrivée à son comble, et ils n’attendent pour la satisfaire qu’une occasion favorable. Autant que cela dépend d’eux, ils veulent éteindre cette lumière de Dieu, et seul l’accomplissement de ce dessein pourra les contenter. Comme la fête des Tabernacles était proche, ses frères le pressent de se rendre en Judée pour montrer ses oeuvres miraculeuses. Le Seigneur Jésus avait été peu à peu chassé de Jérusalem, cette cité qui était un centre de grandeur et détenait orgueilleusement un monopole religieux parmi les Juifs. C’était en Galilée qu’il avait fait le plus grand nombre de ses miracles, et il semblait impossible à ses frères qu’un homme capable d’opérer ces prodiges ne cherche pas la publicité. «Si tu fais ces choses, montre-toi au monde toi-même».
Mais qu’avait été l’enseignement de Jésus au chapitre précédent ? Il avait frappé à la racine toutes ces espérances en refusant d’être fait roi par les Juifs (v. 15). Le Seigneur leur avait fait du bien en multipliant les pains ; et il se peut que ce miracle leur ait rappelé l’attente du Messie d’après le Psaume 132, verset 15. Ils désiraient hâter l’établissement du royaume, car certainement le Roi était parmi eux. Le Seigneur y répond par un refus absolu, et lorsque le peuple persiste à s’adresser à Lui, il se sert du miracle qu’il vient d’accomplir pour montrer le but de sa mission, qui dans cet Évangile n’est pas d’être reçu comme le Christ. Il va sans dire que dès le commencement Dieu savait que les Juifs rejetteraient le Messie, et les prophètes l’avaient clairement prédit. L’offre fut faite et l’homme ainsi mis à l’épreuve ; mais si l’homme faillit, Dieu y trouva l’occasion de faire de plus grandes choses. Ce n’est pas que Jésus n’ait pas donné les preuves les plus convaincantes qu’il était le Messie. Mais l’Évangile de Jean le considère dans sa nature divine et dans sa gloire éternelle et essentielle. Il était le Rejeté. Des desseins d’une portée plus profonde s’accomplissaient alors, savoir, la rédemption par son sang.
Tous les éléments voulus paraissent réunis si l’on regarde aux circonstances extérieures : le vrai Roi, le vrai peuple, le vrai pays. Que manque-t-il donc ? Dieu n’est pas dans les pensées des Juifs, et le péché n’a pas été jugé en sa présence. Jésus au contraire ne cherche que la volonté et la gloire de Celui qui l’a envoyé. C’est pourquoi l’établissement prématuré du royaume aurait été une offense à Dieu. Jésus ne peut accepter le royaume avec l’homme dans son péché et sans que l’honneur de Dieu soit sauvegardé. Aussi le point capital du discours de notre Seigneur est-il celui-ci : qu’au lieu de s’élever pour prendre possession du royaume, il est descendu pour faire la volonté de Celui qui l’a envoyé. Et cette volonté est de sauver, de recevoir tous ceux qui viennent à lui. Car il ne vient pas ici-bas pour faire sa propre volonté, ni pour choisir les personnes qui lui sont agréables. C’est une question de vie éternelle et de résurrection au dernier jour. Après ces vérités étonnantes, Jésus en exprime une autre plus extraordinaire encore. Il était venu afin de donner sa vie pour le monde ; et à moins de «manger sa chair et de boire son sang», on ne pouvait avoir la vie. C’est donc le Fils de l’homme apparaissant dans l’abaissement et dans la souffrance qui prend la place du Roi que les Juifs attendaient, et qui devait amener avec lui la prospérité, l’abondance et le bien-être ici-bas.
Remarquons qu’en Jean 5 Jésus est considéré comme le Fils de Dieu travaillant de concert avec le Père pour donner la vie aux hommes. Ceux qui ne voudront pas recevoir Jésus trouveront en lui leur juge, car il est aussi le Fils de l’homme auquel le Père remet tout jugement. En Jean 6 nous avons une vérité plus profonde encore. Le Seigneur n’est plus considéré comme juge, mais comme Fils de l’homme venant mourir, donner sa chair à manger et son sang à boire. Merveilleuse manifestation de l’amour de Christ qui se montre divin au moment même où son humanité est le plus clairement manifestée. Quel autre que lui est venu mourir ? Toute cette gloire royale du Messie si longtemps attendue disparaît et s’efface pour la mort, parce qu’il faut avant tout que Dieu soit exalté, que le péché soit jugé, et que l’homme puisse être béni selon les desseins de Dieu. À cette condition seulement nous réalisons la communion avec Christ lui-même dans son amour et dans son renoncement. Ces paroles «manger la chair» de Jésus et «boire son sang» impliquent non seulement son sacrifice offert mais encore la communion de sa mort, la reconnaissance de cette sentence de mort qui en est le résultat et qui pèse sur tout ici-bas, car même la gloire du Messie s’éclipse pour un temps. Nous savons que cette gloire sera bientôt manifestée et que le règne de Jésus sera fécond en bénédictions, étant fondé sur des bases immuables, mais maintenant c’est la mort qui est devant Jésus, et c’est ce fait avec les résultats qui en découlent qu’il expose à la multitude. La mort du Christ, le Fils de l’Homme, nous ayant donc été présentée comme la base de toute communion véritable avec ceux qui sont à lui, nous avons au chapitre 7 la fête des Tabernacles qui était une figure de la glorieuse perspective de la promesse de Dieu.
Les frères du Seigneur le pressent de se faire connaître. Il leur semblait que le moment favorable était arrivé. Le Seigneur énonce cette solennelle vérité que «leur temps était toujours prêt». Ils étaient du monde, ils parlaient le langage du monde, et le monde les écoutait ; mais quant à lui son temps n’était pas encore venu. Quelle grâce infinie nous découvrons dans ces paroles : «mon temps n’est pas encore venu», si nous nous rendons compte de la gloire de Celui qui les a prononcées, lui qui a créé le monde, et qui, héritier légitime de toutes les promesses, a le droit de tout prendre, de tout posséder ! Et aussi quelle condamnation du pécheur dans ces mots : «votre temps est toujours prêt» ! Quelle sentence de mort portée sur toutes les notions humaines, car le temps de l’homme c’est le présent, et par conséquent il est toujours prêt ! Sa principale préoccupation consiste à s’exalter lui-même. C’est en fait le mobile de toutes ses activités. En contraste, ce qui doit nous faire admirer le plus la voie du Seigneur, c’est que sa puissance n’est ici pas en question. Ses frères «ne croyaient pas en lui» mais ils ne doutaient pas de cette puissance. Admettre que Jésus était capable de faire ce qu’il voulait n’était pas de la foi. Au contraire, l’incrédulité de ces hommes se trahissait de bien des manières. Ils n’avaient aucun sentiment de ce qui est dû à Dieu, aucune intelligence de sa gloire, aucune notion juste de la condition de l’homme. Ils ignoraient tout de la grâce qui était en Jésus, ou de la contradiction qui existait entre lui et tout ce qui l’entourait. Mais Celui qui possédait toute puissance pour changer en un clin d’oeil la face des choses attend l’heure convenable. Son temps n’était pas encore pleinement venu.
Ses frères montent à la fête, et nous voyons là se manifester les pensées des hommes quant à Jésus, puis les Juifs montrer leur incrédulité. Ils murmurent, ils raisonnent, mais leurs pensées sont celles d’hommes qui n’ont aucune connaissance de Dieu. L’intelligence naturelle est totalement incapable de s’élever jusqu’à l’amour de Dieu. Les idées humaines sont aussi impuissantes que l’être qui les conçoit, et elles portent l’empreinte de la sécheresse et de la mort. En Jésus demeurait toute la puissance, mais aussi quelque chose d’incomparablement plus précieux encore : un amour divin. Il vint dans la pleine prescience de l’humiliation suprême qui l’attendait, et quand les hommes cherchèrent à le faire mourir, son esprit sonda toutes les profondeurs de ce qu’il devait endurer. Rien ne pouvait le prendre au dépourvu ; tout était mesuré, tout était prévu ; malgré cela Jésus ne hâte pas le dénouement. Il s’attend à Dieu avec calme et sérénité. Il ne court pas au-devant des événements qui doivent faire éclater le danger qui le menace et consommer la ruine de l’homme. Ce n’est pas non plus du mépris qu’il éprouve pour ce que le monde veut faire. Car, hélas ! il s’agissait du triomphe éphémère de Satan et de la plus insigne de toutes les folies de l’homme, lequel supposait qu’on pouvait se défaire ainsi de Celui qui jetait le trouble partout ici-bas. Mais l’amour, Dieu Lui-même qui est amour, est dans toutes les pensées et les sentiments de Jésus. C’est pourquoi il attend que la fête soit commencée, et alors, coûte que coûte, il s’y présente.
Il commence par annoncer son prochain départ (v. 33 à 36), ce qui, en rapport avec notre sujet, a une grande importance. En effet, le don du Saint Esprit suppose la mort du Seigneur Jésus et son départ pour le lieu où l’homme ne pouvait le suivre. C’est pourquoi «en la dernière journée», la grande journée de cette fête qui était la dernière de l’année parmi les Juifs, Jésus se tint là, et cria, disant : «Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive».
Occupons-nous un instant de la signification de cette fête. Elle avait été instituée pour commémorer le fait que le peuple de Dieu, après avoir séjourné dans le désert, était maintenant introduit dans la terre promise. Cette fête avait lieu après la moisson et la vendange, lesquelles préfiguraient deux aspects du jugement de Dieu. Un premier jugement sépare les bons des mauvais : c’est la moisson. Ensuite vient la vendange, autre jugement terrible et inexorable, qui atteint tout ce qui est impie et rebelle envers Dieu. Dieu montrait ainsi à son peuple quand et comment il pouvait compter sur la délivrance. Attendre la gloire avant l’exécution du jugement était une folie. Il est nécessaire que le jugement ait son libre cours avant que la gloire ne resplendisse. Mais cette fête des Tabernacles ne ressemblait pas aux autres fêtes juives. Elle offrait une particularité qui mérite notre attention, savoir qu’elle n’était pas limitée à sept jours, division ordinaire du cours du temps ici-bas. Il s’y ajoutait un jour surnuméraire, en plus de la semaine entière qui marque le cycle habituel de la vie humaine. Ce n’était pas le sabbat, figure de ce temps de repos béni vers lequel, d’après la Parole, se tournent les conseils de Dieu concernant Israël et la terre (bien que le Seigneur ne perde jamais de vue dans ses desseins et dans sa pensée le repos qui reste pour le peuple de Dieu). Ce n’est pas au septième, mais au huitième jour que Jésus se montre, le jour, non de l’amour créateur, mais de la gloire de la résurrection. «Jésus se tint là et cria, disant : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive».
Il est évident qu’il ne s’agit pas ici de la vie conférée par l’Esprit de Dieu, ni davantage de la communion qu’il nous permet de réaliser avec Jésus le Fils de Dieu. Le point que le Seigneur met en évidence dans tous les détails de ce chapitre est celui-ci : la gloire qui lui appartient dès maintenant dans le ciel détermine l’introduction immédiate ici-bas du Saint Esprit répandu sur tout croyant, comme un fleuve irrésistible et abondant en bénédiction. C’est là quelque chose de tout nouveau. Seule la mort de Jésus pouvait avoir une telle conséquence. Quel témoignage Dieu rend ainsi à la valeur de l’insondable abaissement où descendit son Fils !
L’amour du Fils se complaît dans le don gratuit du Saint Esprit au croyant, afin que celui-ci puisse jouir de la communion avec le Père et le Fils. Et sans ce don ineffable, qui pourrait comprendre l’amour de Christ ou apprécier la majesté de sa Personne ? Prétendre entrer en communion avec le Fils par notre propre capacité serait nous placer sur le même niveau que lui, car même la nouvelle nature que nous avons reçue ne peut y prétendre. C’est au Saint Esprit seul qu’il appartient d’établir ce lien.
Ici, en Jean 7, Jésus n’est pas présenté en sa qualité de Fils de Dieu, mais comme le Fils de l’homme, celui qui, ayant été rejeté, devait mourir, mais ressusciter des morts, puis être glorifié dans les cieux. Et remarquez que ceci se passe avant l’exécution du jugement de Dieu, avant qu’un seul châtiment ne tombe sur l’homme, qu’il s’agisse de prendre à lui les sauvés en laissant les perdus, ou d’exercer une vengeance inflexible sur les religions de convention qu’il a en abomination. Mais avant ces actes judiciaires de la part de Dieu, le Fils de l’homme quitte cette terre, qui demeure dans une parfaite insouciance. Il monte au ciel, et, de ce ciel où il a pris place, il envoie le Saint Esprit pour constituer le lien divin entre l’homme ici-bas et l’Homme glorifié à la droite de Dieu. C’est ainsi que le coeur trouve ses délices par la puissance de l’Esprit, d’abord en se réjouissant de l’élévation du Sauveur, ensuite en rendant son témoignage au près et au loin : Voilà Celui que je possède et que je sais être ma vie. Il est mort sur la croix pour me racheter et me nettoyer de mes souillures. Et maintenant il a rompu avec cette scène terrestre, ayant été rejeté par le peuple même qui aurait dû le recevoir. Les promesses pour ici-bas ont été différées pour un temps ; mais celui qui en est le centre, l’objet et l’auteur en même temps que le Oui et l’Amen, attend le jour où elles seront pleinement accomplies ; car ce que Dieu a garanti ne peut ni changer ni faillir. La ruine de l’homme a été consommée dans la croix de Jésus. Mais Dieu se sert de l’intervalle qui sépare sa mort de l’accomplissement des promesses pour introduire un état de choses incomparablement plus élevé. Au lieu de Christ, le Fils de l’homme établissant son règne universel ; au lieu de la manifestation d’une gloire terrestre, un ordre de choses est introduit auquel l’homme n’aurait jamais songé. Jésus envoie le Saint Esprit du ciel pour faire connaître d’avance aux siens le séjour qui leur est destiné, de manière qu’ils apprennent dès maintenant à s’y habituer, si je puis ainsi parler. Il me fait don du Saint Esprit qui connaît si bien ce séjour de gloire, afin qu’il puisse élever toutes les pensées, toutes les aspirations, toutes les affections de mon coeur vers Celui qui m’y attend.
«Si quelqu’un a soif...» : cette invitation suppose d’abord que l’homme reconnaît le dénuement de son âme et se place au point de vue de Dieu. Il reçoit alors en Christ la réponse à tous ses besoins réels. Il ne s’agit pas de ce que feront les autres ; on vient à Christ pour soi-même, et il répond lui-même aux besoins individuels.
Rien n’est plus dangereux que les théories appliquées aux vérités de la Parole. Soyons sur nos gardes ! Ce sont nos âmes plus que notre intelligence qu’il nous faut satisfaire. Toutefois, si c’est avec sincérité que nous avons été amenés à Dieu, ne craignons pas de sonder les précieuses vérités divines.
Car si Dieu produit le sentiment de ces besoins, c’est afin de les satisfaire dans sa grâce infinie : «... qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Celui qui croit en moi, selon ce qu’a dit l’Écriture, des fleuves d’eau vive couleront de son ventre». Ainsi l’âme qui a soif se désaltère, et trouve sa joie dans tout ce qu’accorde le Saint Esprit. Mais il y a plus encore, car Christ est maintenant ressuscité d’entre les morts et glorifié dans les cieux d’où il est la source de la puissance. Cette puissance, celle de l’Esprit, triomphe de tous les obstacles. Le monde reste sans doute un désert aride et désolé — mais cela ne rend que plus merveilleux ce Don ineffable. La scène terrestre n’est pas changée ; l’iniquité de l’homme subsiste ; l’inimitié du monde contre Dieu n’est nullement atténuée, au contraire elle a été pleinement prouvée par la mort de Christ. Eh bien, c’est au milieu d’un tel état de choses que le Saint Esprit est donné pour être non seulement une source de vie pour le croyant, mais des fleuves d’eau vive qui se répandront sur tous ceux qui l’entourent. Que les voies de Dieu sont admirables ! Comme il fait face d’une manière digne de sa gloire au mal qui est dans le monde, et remédie au triomphe apparent de Satan ! L’adversaire n’est jamais aussi complètement vaincu que lorsqu’il semble être arrivé à ses fins. La défaite apparente du Fils de l’homme était précisément le moyen par lequel il devait accomplir l’oeuvre de la rédemption, et par là prendre une position nouvelle. Dès lors il établit un lien entre le croyant et Lui-même par le Saint Esprit envoyé des cieux et se répandant en fleuves d’eau vive pour rafraîchir un monde aride et désert.
Permettez que je vous adresse quelques questions solennelles : Comment Jésus vous apparaît-il, et quelles sont vos relations avec lui maintenant qu’il est dans le ciel ? N’avez-vous rien de plus que l’espoir d’y être vous aussi un jour ? Assurément, c’est là une espérance aussi précieuse qu’elle est certaine ; et plus encore, de savoir que nous serons avec lui éternellement. Mais est-ce simplement une espérance ? N’y a-t-il pas dès maintenant une part pour le coeur, une puissance actuelle nous unissant à Jésus là où il se trouve ? Il me semble que c’est ce que le Seigneur voulait révéler aux siens. Il ne veut pas que nous nous contentions de désirer avec ardeur le jour de la gloire ; il veut en donner à nos coeurs l’avant-goût, et nous procurer dès à présent la force et la joie du ciel. Il veut que nous traversions le monde, non seulement comme ceux qui reçoivent, mais aussi comme ceux qui donnent selon la riche miséricorde de Dieu. Les croyants qui sont venus à Christ dans leur dénuement, et ont bu l’eau vive alors que tout en eux n’était que lassitude et tourment, ont reconnu que Jésus les avait comblés des vraies richesses, bien qu’il ait quitté ce monde et que leur position soit de plus en plus précaire et isolée. Ainsi la part actuelle des croyants offre un contraste frappant avec tout ce que les saints de l’Ancien Testament connaissaient ou attendaient ici-bas. Écoutez par exemple les soupirs et les aspirations des Psaumes. Étudiez les prophéties de Jérémie, d’Ézéchiel ou tout autre : la condition de ces écrivains sacrés est-elle la même que celle des disciples ? Ce n’est pas certes qu’ils ne fussent pas bénis ou honorés de Dieu. Mais ces saints de Dieu, malgré leurs visions ineffables de l’avenir, ne jouissaient pas quant au présent de cette puissance d’adoration et de témoignage.
Incontestablement les souffrances des chrétiens peuvent être plus poignantes encore que celles de Jérémie ou d’Ézéchiel, car l’Homme de douleurs, l’affligé des affligés, n’épargne pas aux siens cette association avec lui. Mais nous ne jouirons pleinement de Christ et de notre union avec lui que dans la mesure où le peuple de Dieu sera rejeté par le monde, où nous serons les objets d’un mépris inconnu dans les anciens temps, car aucun Juif n’a eu à subir ce qui assaille aujourd’hui le chrétien. Et plus on prend la place qui convient au chrétien, c’est-à-dire la place de Christ (car après tout le christianisme n’est autre chose que notre association par le Saint Esprit avec Christ), autrement dit plus on est uni à Christ par la puissance de l’Esprit, plus on est rejeté par le monde.
Mais d’un autre côté, quelle gloire, quelle joie, quelle bénédiction sont notre part dans une telle position ! Pourquoi les chrétiens sont-ils si souvent découragés et oublieux des liens qui les attachent au ciel ? Pourquoi ne trouve-t-on pas chez eux cette joie abondante qui a sa source à la fois dans Celui auquel ils appartiennent, et dans leur position céleste ? Parce que, n’ayant pas appris à contempler le ciel par l’Esprit, ils ne regardent pas la terre comme un désert, bien que les fleuves d’eau vive puissent découler d’eux. Ils oublient ce que Jésus leur a donné ; ils considèrent la terre comme un lieu désirable. Pourquoi, se disent-ils, Christ ne serait-il pas exalté maintenant ici-bas ? Pourquoi n’aurions-nous pas, lui et nous, un nom glorieux dès à présent ? Pourquoi ? Parce que son heure n’est pas encore venue, ni la nôtre non plus, étant donné que nous sommes un avec lui. L’heure de l’homme signifia un entier mépris pour Christ. Le rejet et la mort furent sa part. La nôtre est de n’être rien, d’être méprisés, haïs des hommes comme il l’a été. Telle fut la portion de Christ sur la terre, et assurément nul ne peut l’éprouver comme lui, mais du moins pouvons-nous par sa grâce nous attacher fortement à lui, et prendre ainsi dans une certaine mesure notre part de son opprobre.
C’est pour cela que le Saint Esprit nous a été donné. Voyez la force de cette expression : «des fleuves d’eau vive». La puissance du Saint Esprit remplit le coeur du racheté de la gloire dans laquelle Christ est maintenant. Quelle puissance peut mieux convenir au désert qui nous entoure dans toute son aridité et sa stérilité, sans une seule source où puiser, sans un point verdoyant où reposer notre regard, sans le moindre abri pour nos âmes ? Quand le sentiment du vide de ce monde a pénétré notre coeur, l’Esprit prépare et fortifie notre âme selon Dieu.
Dans Jean 4 nous avons trouvé le Saint Esprit mettant le croyant en rapport avec le Fils et le Père, ce qui le place sur le terrain du culte véritable. Quelle est donc la bénédiction nouvelle et spéciale qui est promise ici ? Elle s’applique plutôt au service qu’au culte, car l’expression «des fleuves d’eau vive couleront de son ventre» suggère la pensée d’une effusion abondante. Mais elle suppose aussi que, par la grâce, le croyant est élevé dans une atmosphère supérieure à celle du désert qu’il traverse. Le racheté sans cesse rempli de Christ qui le fait jouir de sa paix reçoit la puissance communicative du Saint Esprit. Le ciel devient alors un séjour présent dont la grâce lui a ouvert l’entrée à cause de Christ qui y est déjà. Ainsi le Saint Esprit unit si étroitement le croyant au Seigneur Jésus, que tout ce que le monde peut lui présenter ne lui semble plus qu’un hochet misérable. En contrepartie cet Esprit lui révèle d’inépuisables richesses, telles que le coeur de l’homme ne saurait les imaginer. Et nous reconnaissons que, s’il nous est donné de nous les approprier, c’est uniquement par la grâce du Sauveur. En somme, ce qui nous est présenté dans ce passage n’est pas tant l’Esprit du Fils nous donnant de nous réjouir dans sa Personne et dans sa grâce aussi bien que dans l’amour du Père, c’est plutôt la puissance du Saint Esprit dépeinte par Celui qui est maintenant élevé dans la gloire afin de nous donner l’assurance que cette gloire est nôtre en lui, et de nous remplir tellement de sa plénitude que nous soyons en mesure de communiquer des bénédictions à autrui.
Bien que le sujet ne soit pas identique, il me semble que la différence que nous trouvons dans 1 Pierre 2, entre la sainte sacrificature (v. 5) et la sacrificature royale (v. 9), peut jeter quelque lumière sur le passage que nous étudions. Quelles sont les fonctions de la «sainte sacrificature» dont nous sommes revêtus ? Offrir des sacrifices spirituels. Ainsi consacrés, nous nous approchons de Dieu pour accomplir un service en rapport avec le culte du Seigneur. D’autre part nous sommes appelés une «sacrificature royale», et alors il n’est plus question de sacrifier à Dieu les louanges et les actions de grâces, mais d’annoncer les vertus de Celui qui nous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière. De sorte que l’une de ces sacrificatures s’exerce en louant Dieu par notre Seigneur Jésus Christ, tandis que l’autre a pour objet de manifester parmi les hommes l’excellence de ce Nom béni. Que le chrétien ne perde jamais de vue la dignité de cette vocation. Pour lui, chercher la gloire terrestre c’est en réalité s’avilir.
La plupart des chrétiens pendant le cours de leur pèlerinage ici-bas sont dans l’obligation de gagner le pain quotidien pour eux et pour leurs familles. Et cela est bon, car peu d’entre nous seraient capables de supporter qu’il en fût autrement. Mais pourquoi ce travail nécessaire m’empêcherait-il de rendre un témoignage vivant d’amour et de fidélité à notre adorable Sauveur ? Toutefois pour le croyant ce travail est un gagne-pain, rien de plus. Aussitôt qu’on veut y attacher l’importance d’une vocation ou en retirer quelque honneur aux regards des hommes, le témoignage rendu à la gloire de Christ devient impossible. Nul doute que la grâce de Dieu ne puisse appeler des individus activement engagés dans des professions honorables selon le monde. Nous avons connu des hommes ainsi appelés de Dieu au moment même où ils entraient dans une de ces carrières chères au coeur naturel, et nous en avons vu quelques-uns faire preuve ensuite d’une grande simplicité de coeur. Nous ne disons pas qu’on ait tort de suivre ce genre de profession ; mais au nom de la gloire céleste de Christ, nous condamnons l’esprit dans lequel tout ce qui appartient au monde est organisé, et nous mettons en garde les enfants de Dieu contre la vaine gloire des hommes, contre le désir des grandeurs terrestres, contre la recherche de la bonne opinion du monde. L’heure de Christ n’était pas venue ; la nôtre ne l’est pas non plus. Si nous lui appartenons, nous n’avons que faire de la gloire de ce monde. Soyons convaincus que ces honneurs-là sont un déshonneur pour l’enfant de Dieu. Peu importent les biens que le monde nous offre ; quel besoin en avons-nous ? Toutes choses sont à nous. Nous jugerons le monde et même les anges. Au reste nous savons que les choses terrestres portent souvent l’empreinte de leur futilité et que les sages de ce monde admettent que le plaisir consiste plutôt à poursuivre qu’à atteindre l’objet de nos désirs.
Permettez-moi donc d’insister sur l’importance pour le chrétien (qu’il s’agisse de lui ou des siens) de se tenir constamment sur ses gardes quant au monde, le regard attaché sur Christ dans le ciel. Loin de moi la pensée que le christianisme impose à tous les croyants une uniformité d’occupations. La foi ne se manifeste pas nécessairement par l’abandon d’une profession, si l’on peut y demeurer avec Dieu, ou par la recherche d’un état qui soit en dehors de nos aptitudes. Ce n’est pas de la foi, mais un coupable dérèglement d’esprit. En vérité un seul mobile est digne d’un chrétien, c’est de tout faire en vue du Seigneur, que notre occupation journalière consiste à rédiger des actes notariés ou à réparer des souliers. Et si nous savons que nous accomplissons la volonté de Dieu, nous pouvons tout faire avec une bonne conscience et un coeur joyeux. Ce qui perd le chrétien, c’est d’oublier qu’il est sur la terre pour faire la volonté de Dieu et pour être un fidèle témoin d’un Christ rejeté par le monde, mais glorifié dans le ciel.
À l’inverse, quelle est l’ambition de l’homme du monde ? C’est de faire son chemin, d’accomplir quelque chose de grand. Et ce qu’il a pu acquérir aujourd’hui devient un marchepied pour obtenir demain de nouveaux honneurs. Il est naturel peut-être de souhaiter avoir une position plus brillante ou plus facile ; mais est-ce compatible avec l’attachement du coeur à Christ ? N’est-ce pas plutôt le signe qu’on lui préfère le premier Adam ? Toute la question est là. Si mon coeur appartient au second Adam, ne dois-je pas le montrer dans ma vie de chaque jour ? Ne faut-il honorer Christ que le dimanche ? Ce ne serait pas là assurément la loyauté que nous devons à notre Chef. Peut-être avez-vous été amenés par la grâce de Dieu à la connaissance de son amour pendant que vous occupiez une position regardée par le monde comme basse et méprisable ? Si vous pouvez demeurer avec Dieu en conservant cette position, quelle admirable occasion vous aurez alors d’exercer votre foi, une foi qui apprécie tout en fonction d’un Christ dans la gloire ! Il vous appartiendra en sondant la Parole de déterminer dans quelle mesure il vous sera possible d’honorer Dieu là où vous êtes. Car nous devons être ses épîtres lues et connues de tous les hommes. Et n’est-ce pas ainsi que par sa grâce des fleuves d’eau vive couleront de nous ? Nous ne manifestons nullement Christ quand nous étreignons avec force les biens que nous possédons, quand nous maintenons rigoureusement nos droits, quelques fondés qu’ils puissent être selon le monde ; quand nous résistons avec raideur à tout empiétement qui nous semble injuste. De même l’esprit de Christ n’est pas manifesté par un chrétien de condition dite inférieure qui profite avec avidité de toutes les occasions d’avancement qui peuvent se présenter. Que votre condition soit élevée ou modeste, l’occasion ne vous manquera pas de montrer ce que vous pensez de Christ.
La parole de Dieu seule peut nous diriger d’une manière infaillible, car notre propre sagesse n’est que folie. La volonté du Seigneur est tout. Il faut que la conscience chrétienne reconnaisse que, quelle que soit la position du croyant, chacun de nous peut faire la volonté de Dieu, peut être son serviteur, peut manifester que nous l’estimons infiniment au-dessus du monde. La bénédiction pour moi consiste à être satisfait du service que le Seigneur me donne à faire, quel qu’il soit. Quant aux circonstances qui doivent le glorifier, et qui conviennent à son serviteur, c’est à lui à en juger. Je les regarde simplement comme autant de moyens de publier ses louanges. Pour ce qui concerne ma profession, qu’elle soit honorée ou méprisée par les hommes, elle ne doit être pour moi qu’un gagne-pain. Ce point de vue n’est pas celui du monde. Traiter une profession honorable de gagne-pain ? Oui assurément ; un Sauveur crucifié ici-bas et élevé dans la gloire fait peu de cas du monde et de ce qui s’y trouve. Prenons un exemple. Je dois travailler comme cordonnier ; ai-je le désir d’être le premier cordonnier de Paris ? Supposez que je sois médecin. Mon ambition m’incite-telle à rechercher la plus nombreuse clientèle ? De semblables désirs proviennent-ils de Christ, et est-ce ainsi que nous honorons Jésus glorifié ? Est-ce de sa main que j’accepte mon travail, et pour lui que je le fais ? Si le Seigneur nous donnait réellement quelque chose à accomplir pour lui, notre amour s’appliquerait sans aucun doute à le faire le mieux possible. Loin de nous la pensée que les chrétiens doivent être négligents ou insouciants dans la manière de vaquer à leur occupation. Mais ce qu’il faut pour la foi, c’est la ferme conviction que Christ est le but de notre travail, que celui-ci soit important ou humble.
C’est ainsi que nous manifestons, même dans notre vie journalière, que nous ne vivons pas pour nous-mêmes en ce monde mais pour Celui qui est mort et qui est ressuscité. Alors nous aurons certainement pour nous la puissance du Saint Esprit. Précieux témoignage, bien qu’il soit rendu au milieu des choses passagères de ce monde, mais témoignage qui ne passera jamais. Nous ne faisons que traverser un pays étranger. Notre patrie est avec Christ et nous ne sommes que pour peu de jours là où le Seigneur lui-même nous a placés. Nous séjournons ici-bas aussi longtemps qu’il nous appelle à travailler pour lui. Nous campons au commandement de l’Éternel, et au commandement de l’Éternel nous partons (Nombres 9:18). C’est à lui à disposer de nous. Nous sommes au désert, mais, en attendant, au lieu de boire de l’eau d’un rocher, nous avons une source au-dedans de nous d’où découlent des fleuves d’eau vive. C’est la joie de Jésus qui se reproduit ici-bas — la puissance du Saint Esprit qui permet dès à présent au coeur de se réjouir en Celui qui est là-haut. Nous savons que nous lui appartenons, et ainsi les vanités de ce monde sont jugées pour ce qu’elles sont, c’est-à-dire comme l’appât dont se sert Satan pour séduire un monde condamné.
Bien-aimés, dans quelle mesure nos âmes ont-elles ce but devant elles ? Je désire, par la grâce de Dieu, que les vérités qu’il a placées devant nous ne dégénèrent pas en une connaissance stérile. Plus que d’autres chrétiens, nous avons à nous méfier de ce piège. Dieu dans sa miséricorde a réveillé ses enfants en leur rappelant cette vérité, et en ravivant la foi qui a été «une fois enseignée aux saints». C’est là, sans doute, un grand privilège, mais il entraîne avec lui une sérieuse responsabilité et de graves périls. Qui sont ceux qui sont le plus exposés à perdre de vue cette vérité et peut-être à en devenir les adversaires déclarés ? Ceux-là mêmes qui l’ayant connue ont cessé de la réaliser et par conséquent de l’apprécier. Et comment peut-on la réaliser, à moins que Christ et non le moi soit notre premier objet ? Remplacez dans nos coeurs le Seigneur par des préoccupations personnelles touchant notre renommée ou notre bien-être, et aussitôt tout se corrompt jusqu’à la source. Dieu seul sait où s’arrêterait cette folie sans la grâce qui, après nous avoir pris quand il n’y avait pas dans nos coeurs la moindre étincelle d’amour pour Dieu, nous a gardés malgré toute notre misère, et qui peut encore empêcher les funestes conséquences de notre indécision et de notre infidélité. Dieu, qui a toujours Christ en vue et qui veut qu’il soit glorifié en nous, nous laisse assez de liberté d’action et de responsabilité morale pour montrer jusqu’où l’incrédulité peut nous entraîner. Mais il peut relever une âme, et c’est ce qu’il ne manque pas de faire. Puissions-nous toujours compter sur cette grâce pour nous garder aussi bien que pour nous relever. Qu’il nous apprenne à discerner la manière dont il juge les personnes et les choses, et à traiter avec sévérité tout ce qui tend à affaiblir la Parole, ou à abuser de la grâce pour diminuer la gloire du Seigneur Jésus Christ.
Veuille le Seigneur nous rendre humbles et nous maintenir dans l’humilité. Qu’il nous donne de le contempler continuellement dans la gloire, en sorte que tout ce qui est de ce monde soit jugé comme devant subir l’heure de la moisson et celle de la vendange, qui ne sont pas encore accomplies. Mais en attendant, notre joie, elle, est accomplie dans la glorification de Christ et dans le Saint Esprit qui nous a été donné avant cette heure. Nous connaissons Jésus dans la gloire céleste et nous savons qu’il a déjà envoyé le Saint Esprit pour nous faire participer dès maintenant à la richesse de cette gloire. Puissions-nous être ses fidèles témoins, même s’il faut pour cela que nous soyons brisés afin que les fleuves d’eau vive se répandent plus librement à la louange de la grâce et de la gloire de Dieu.
Les chapitres que nous abordons maintenant présentent au sujet du Saint Esprit une vérité d’une si grande valeur en elle-même, et aussi d’une telle immensité dans ses conséquences que nous n’aurions pu en aucune manière la déduire des communications précédentes du Seigneur Jésus. Il ne s’agit plus seulement d’une source imprimant son propre caractère à la vie nouvelle donnée au croyant, comme au chapitre 3, ni d’une puissance qui opère intérieurement ou extérieurement, et cela dans le culte (chap. 4) aussi bien que pour le témoignage (chap. 7). Nous sommes ici en présence d’une Personne divine prééminente : le Saint Esprit présent sur la terre.
Or l’occasion de cette révélation explique une telle différence. Le Seigneur Jésus était sur le point de s’en aller, lui, la personne bénie qui avait appelé à lui les disciples et formé leur coeur pendant son ministère terrestre en leur révélant le Père. La scène allait se terminer par sa mort, dans laquelle Dieu serait infiniment glorifié. Comme il le déclare lui-même : «Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui». Pourquoi nomme-t-il Dieu et non le Père ? Parce que le péché était contre Dieu et devant Dieu ; il était par conséquent impossible que Dieu passe par-dessus. Sa nature morale devait se manifester dans toute sa force et toute son indignation contre le péché. Jésus, le Fils de l’homme, le Christ rejeté, prend le péché sur lui-même, devient responsable pour les iniquités de son peuple et acquiert pour Dieu sur la croix une gloire qu’il n’avait jamais eue auparavant et qu’il est impossible qu’il reçoive jamais une seconde fois. Dieu y fut glorifié, parfaitement et pour toujours. Dès lors et jusque dans l’éternité, Dieu a devant lui l’oeuvre à la fois grande et précieuse de témoigner sous toutes les formes possibles son appréciation des souffrances infinies dans lesquelles Jésus l’a glorifié. En premier lieu par la résurrection ! Ensuite Jésus, ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père, prit sa place à la droite de Dieu dans le ciel. Rien d’autre n’aurait pu être pour lui un témoignage convenable de la valeur de la croix. D’autres résultats seront manifestés en leur temps. Aucune bénédiction passée ni à venir n’aura jamais été donnée qui ne résulte de la croix du Seigneur Jésus. Mais en même temps la croix a si parfaitement et entièrement satisfait la justice, la sainteté, la majesté et l’amour de Dieu — tout son caractère aussi bien que ses affections — qu’il n’a plus maintenant devant lui, pour ce qui concerne Christ et ceux qui le reçoivent, qu’une heureuse tâche : celle de satisfaire pleinement sa propre nature en bénissant selon tout ce qui est en son coeur. Cela seul explique tout ce qu’il fait maintenant. En vertu de cette gloire acquise à la croix, non seulement Dieu place Jésus à sa droite, mais il proclame son évangile, ce qu’il n’avait jamais fait auparavant — et il l’adresse à toute la création. Dieu est le même Dieu, et pourtant des milliers d’années avaient passé sur ce monde sans qu’il ait jamais fait annoncer aux hommes un pareil message. Il pouvait y avoir occasionnellement de bonnes nouvelles pour Abraham ou pour les enfants d’Israël ; mais jamais auparavant la bonne nouvelle de sa grâce n’avait été envoyée au loin à toute créature. Est-ce à dire que Dieu a commencé alors à être amour ? Certes non ! Ni Jésus Christ, ni sa croix, n’ont jamais produit l’amour en Dieu. Le caractère distinctif de l’amour divin est de n’être ni créé, ni causé, ni mis en action par ce qui est en dehors de lui. L’amour est dans la nature même de Dieu. L’amour y existerait même s’il n’y avait pour lui aucun objet, car ce ne sont pas les objets qui créent l’amour. Toutefois, selon la souveraineté de Dieu, son amour se manifeste, et c’est envers ceux qui sont les plus nécessiteux, les plus déplorablement coupables, les plus éloignés de lui-même, et les plus hostiles. Dieu peut dorénavant déployer son amour ; c’est la croix de Christ qui le justifie quand il le fait.
Mais ce n’est pas tout. Jésus disparaît de ce monde. Il fallait qu’il en soit ainsi. Le monde n’atteignait pas à ce que méritait son oeuvre. Tout ce que Dieu aurait pu y accomplir par sa providence, le don du trône de David et même la domination universelle du Fils de l’homme sur toute nation, tribu et langue, n’auraient pas été une récompense suffisante de la part de Dieu pour la croix du Seigneur Jésus. En conséquence, Dieu élève Jésus à sa droite dans une gloire céleste ; et c’est cet événement qui fournit l’occasion des incomparables enseignements de Jean 14.
Tout d’abord notre Seigneur présente la certitude de son retour. S’il s’en allait au Père, ce n’était pas que son amour pour ses disciples ait diminué. Il allait leur préparer une place. Aussi sûrement qu’il allait à la maison de son Père, il reviendrait et les prendrait auprès de lui, afin que là où lui serait, ils y soient aussi avec lui. Il leur avait manifesté le Père ici-bas. Ils avaient connu, ou ils auraient dû connaître, non seulement que le Père était en lui, mais que Lui était dans le Père. Il était une personne divine ; il était le Fils. Vérité essentielle, indépendante de son oeuvre ; mais en même temps qui donnait à cette oeuvre une valeur infinie. Maintenant il va plus loin et montre que pendant son absence dans la maison du Père, il fera aux siens un don digne de son amour et digne de la croix — une bénédiction nouvelle surpassant tout ce qui avait jamais été connu par l’homme sur la terre auparavant. Et voici comment il l’introduit : «Si vous m’aimez, dit-il, gardez mes commandements». Il ne voulait pas que leur vie et leurs affections se consument en inutiles regrets pour son absence ; il désirait par contre qu’ils prouvent leur amour d’une manière réelle et pratique — «gardez mes commandements». Lui, de son côté, prouverait son amour d’une manière parfaitement divine. «Et moi, je prierai le Père, dit-il, et il vous donnera un autre Consolateur, pour être avec vous éternellement, l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas ; mais vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure avec vous, et qu’il sera en vous» (v. 15 à 17). Et plus loin il le désigne de manière explicite. Il est «le Consolateur, l’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom» (v. 26). Remarquez ces derniers mots : «enverra en mon nom». Ce n’est pas seulement : «donnera». Pour parler de communiquer simplement de la puissance ou de fournir à l’homme une source divine de bénédiction jaillissant en lui, le verbe donner convient. Tandis qu’«enverra» s’applique à une personne consciente et consentante. «L’Esprit Saint, que le Père enverra en mon nom — dit Jésus — lui, vous enseignera toutes choses et vous rappellera toutes les choses que je vous ai dites».
Arrêtons-nous quelques moments pour considérer qui est celui que le Père a envoyé au nom du Fils, du Seigneur Jésus. Lorsque l’Esprit Saint nous est présenté en figure comme répandu ou communiqué, il s’agit clairement de montrer la profusion de la bénédiction, la richesse, l’abondance et la prodigalité, si je puis dire, de ce que Dieu le Père donne maintenant pour la gloire de son Fils. Mais si grandes que soient les richesses du don et l’abondance de la grâce, nous avons ici, répétons-le, une pensée entièrement différente. Nous sommes en présence d’une Personne divine et non pas simplement d’une plénitude de bénédiction. Le langage même qu’emploie le Seigneur contribue à souligner cette grande vérité, car il savait qu’elle serait, hélas ! promptement oubliée par l’Église de Dieu.
L’Écriture nous enseigne qu’un temps viendra où les hommes ici-bas recevront une autre effusion de l’Esprit Saint. La pluie de la dernière saison est aussi certaine que celle de la première. Alors s’accomplira le beau type d’Exode 28 : le son des clochettes s’y fait entendre, non pas pendant que le Souverain Sacrificateur est au-dedans du lieu saint mais quand il y pénètre, puis de nouveau quand il en sort. Ainsi, de même qu’un témoignage a été rendu à la Pentecôte quand notre grand Souverain Sacrificateur fut entré dans le saint lieu, il y aura un autre témoignage de l’Esprit Saint, quand le Souverain Sacrificateur sortira pour apparaître «une seconde fois... à salut à ceux qui l’attendent» (Héb. 9:28). Aussi certainement que le son se fit entendre par la puissance de l’Esprit lorsque Jésus est entré dans les cieux, une nouvelle plénitude de la bénédiction de l’Esprit Saint sera répandue sur toute chair quand il en sortira (Joël 2:28 à 32). Mais avec cette différence que cet événement futur ne concernera pas le même corps de croyants qui avait reçu par l’Esprit Saint la première bénédiction de la grâce divine. Comme nous le savons, c’est l’ancien peuple de Dieu qui en sera l’objet. Dieu visitera de nouveau Israël en grâce. Il ne limitera pas, sans doute, la bénédiction à ce peuple. Mais de même qu’il a plu à Dieu maintenant d’appeler ses élus du milieu de toute nation sous le ciel, il en sera ainsi, d’une manière encore plus étendue au temps du second avènement de Christ et de son règne sur la terre.
Reconnaissons-le toutefois, ces faits tels qu’ils sont annoncés par les prophètes seraient loin de nous apporter une pleine lumière relativement à l’Esprit de Dieu, aussi le Seigneur lui-même nous en explique-t-il la portée. Il ne s’agit pas simplement d’influences pour le bien de l’âme, ni d’une source jaillissante de la faveur divine, mais maintenant, pour la première et pour la seule fois, la présence personnelle du Saint Esprit est connue sur la terre, oui, l’Esprit Saint effectivement descendu du ciel ici-bas comme fruit de la rédemption et du départ du Seigneur Jésus pour le ciel.
Sans doute, conjointement avec cette présence personnelle, se manifeste une abondante distribution de puissance. Et nous savons aussi que bientôt, lorsque le Seigneur Jésus reviendra du ciel, il se produira une effusion plus grande encore, un déploiement beaucoup plus considérable de la bénédiction de Dieu. Mais où voyons-nous qu’il enverra l’Esprit dans ce temps-là ? Où trouvons-nous le Père envoyant le Consolateur au nom de Christ, le Fils ? À nulle autre période que celle-ci. Selon la parole de Dieu, l’économie chrétienne actuelle constitue l’unique époque et présente les seules circonstances et les seules conditions qui correspondent à la mission de l’Esprit sur la terre.
La clé de ces déclarations du Seigneur réside dans ce fait : la présence du Consolateur. Cette présence personnelle du Saint Esprit, mentionnée ici, est en rapport étroit avec l’absence personnelle de Christ après la rédemption, absence qui en est le fondement. Au contraire, le jour éclatant du Seigneur, ce jour qui vient, sera marqué, non par l’absence de Christ, mais par sa présence ; non par sa séance dans le ciel, mais par sa propre venue pour régner sur la terre ; et à ce jour-là ne se rattache aucune présence personnelle de l’Esprit. Il pourra alors y avoir une manifestation de puissance plus étendue, sinon plus profonde. Mais ce sera un état de choses absolument différent. Et l’une des différences les plus frappantes se trouve dans un fait qu’en passant nous pouvons mentionner ici : à savoir, que, dans ce jour-là, le Saint Esprit n’introduira personne dans le lieu très saint pour adorer. Cette activité qui est la sienne aujourd’hui aura pris fin. Le voile ne sera plus déchiré dans le jour millénial lorsque le règne du Seigneur Jésus Christ sera établi sur la terre.
Certains peuvent être choqués que nous parlions ainsi d’un retour à un sanctuaire terrestre, à un voile de séparation, et à une sacrificature humaine aussi bien qu’au renouvellement des sacrifices extérieurs. Cependant rien n’est plus certain, si nous reconnaissons l’autorité des Psaumes et des Prophètes. Et quand ce jour viendra et que Dieu reprendra ses relations avec son ancien peuple Israël, il n’y aura plus de Pentecôte parmi les fêtes rétablies. La Pâque et la fête des Tabernacles seront célébrées mais non pas la fête des Semaines. En même temps aura lieu une effusion plus abondante de l’Esprit ; de telle sorte que certains dons extérieurs, communiqués au jour de la Pentecôte et par la suite, sont désignés sous le nom de «miracles (ou puissances) du siècle à venir» (Héb. 6:5). Pourquoi sont-ils ainsi appelés ? Parce qu’ils sont un spécimen actuel de cette énergie qui alors opérera sans entrave et fera connaître au vaste univers la délivrance que le Sauveur a accomplie en faveur de «toutes choses» aussi bien que de ceux qui croient. Les «puissances» conférées de la part du Seigneur par le Saint Esprit sont donc à juste titre appelées «miracles du siècle à venir» — miracles tels que la guérison des malades, des lépreux, la résurrection des morts, la vue rendue aux aveugles, l’usage de leurs membres aux impotents, etc. Ce sont là en effet autant d’expressions de cette puissance qui se déploiera librement et largement dans ce grand jour du règne du Seigneur. Il guérira alors toutes leurs maladies aussi véritablement qu’il pardonnera toutes leurs iniquités. En ce temps-là, il introduira et associera les deux bénédictions. Il est donc clair qu’il s’agit ici d’un état de choses bien différent de ce que nous possédons maintenant.
C’est pourquoi, chers frères et soeurs, nous jouissons actuellement de ce privilège sans égal de la présence ici-bas du Saint Esprit, personne divine. Dieu l’accorde afin de publier l’excellente valeur et le bon plaisir qu’il trouve en l’oeuvre du Seigneur Jésus. Cette oeuvre qui a, sans nul doute, aux yeux de Dieu une valeur éternelle et infinie, comment se fait-il donc que, maintenant plutôt qu’en un autre temps, il en soit fait une estimation aussi extraordinaire et aussi divine ? Je crois qu’en voici la raison : le jour qui vient sera l’accomplissement de la promesse et de la prophétie touchant la bénédiction accordée au peuple de Dieu sur la terre. Ce peuple était terrestre, et, comme tel, les promesses le concernaient dans leur application littérale. C’est pourquoi ce jour sera celui où se réaliseront les promesses que Dieu avait expressément mises devant eux, le jour du peuple terrestre et de la terre (la terre d’Israël spécialement), comme centres de leur accomplissement. Mais Dieu ne s’est jamais limité à l’accomplissement pur et simple de ce qu’il avait promis. Et bien loin d’épuiser les richesses et d’atteindre le fond de la grâce de Dieu en saisissant les promesses, on constate en la sondant de plus en plus profondément que cette divine grâce va toujours au-delà des besoins de l’homme et de la terre elle-même (Rom. 5:20). Eh bien, cette grâce qui n’a jamais été définie dans la prophétie et dont la promesse n’a jamais été la mesure doit être nécessairement proportionnée à la profondeur de la bonté de Dieu lui-même. C’est parce que toutes ses promesses devaient être dépassées que Dieu a gardé par devers lui cette réserve bénie en la cachant «dès les siècles en Dieu» (Éph. 3:9). Et si maintenant le mystère n’est plus caché, c’est parce que dorénavant Dieu peut agir librement à cause de la croix. Il a, à sa droite, Celui qui a été rejeté par le monde. Considérant Christ entré là après avoir achevé l’oeuvre et apportant dans sa présence toute la valeur de la rédemption, Dieu ne se contente plus de donner selon la mesure du besoin d’un peuple terrestre ou selon les nécessités de ce pauvre monde. Il donne ce qui est digne de Lui-même et de Christ ; Il donne ce qui serait un honneur dans le ciel même. Qu’est-ce qui peut attester ou prouver cela mieux que l’envoi ici-bas de l’Esprit bienheureux, lequel connaissait si bien le ciel et pouvait partager tous les sentiments de Dieu le Père au sujet du Fils et de la rédemption ? De là la raison pour laquelle nous entrons aujourd’hui si pleinement dans cette bénédiction infinie.
C’est donc avec tout le poids de ces vérités nouvelles que le Seigneur Jésus Christ s’adresse à ses disciples. Il voulait les introduire dans les profondeurs jusque là impénétrables de la grâce du Dieu Sauveur et leur révéler la pensée même de Dieu le Père. Mais ce à quoi il engage son nom, ce qu’il promet aux siens de la part de son Père comme une ample compensation à la perte que son départ allait représenter pour eux, c’est de leur envoyer un autre «Consolateur» pour demeurer avec eux.
Sans doute ce terme de «Consolateur» a-t-il rapport à notre affliction ? Il suggère l’idée d’une personne qui sympathise avec nous au milieu des détresses de ce bas monde. En effet, le Saint Esprit nous console et nous encourage. Mais cela n’est qu’une bien faible partie des fonctions dont le terme original «Paraclet» donne l’idée. Il s’entend de quelqu’un qui est identifié avec nos intérêts, soutient nos causes, s’engage à nous visiter dans nos difficultés, de quelqu’un qui, à tous égards, devient à la fois notre représentant et le grand agent personnel qui traite toutes nos affaires à notre place. Ce nom et cette fonction ont donc une portée incomparablement plus grande que celle des mots «avocat» ou «consolateur» : il signifie l’un et l’autre et bien davantage encore. En fait, il s’entend de quelqu’un qui est absolument et infiniment compétent pour se charger de tout ce qui peut être fait en notre faveur, quelle que soit la grandeur de nos besoins dans les difficultés ou dans les exigences de la grâce de Dieu pour la bénédiction de nos âmes. Tel est le Saint Esprit maintenant, et quelle bénédiction de le posséder ainsi ! Ceci d’autant plus que semblable bénédiction n’a jamais été connue auparavant et ne sera jamais connue de nouveau. La présence personnelle de l’Esprit ici-bas comme réponse à la gloire de Christ élevé à la droite de Dieu est un état de choses qui ne pourra jamais se renouveler. Tandis que le Souverain Sacrificateur est en haut, l’Esprit envoyé ici-bas fournit à l’homme un accès céleste dans sa gloire aussi bien que dans la rédemption. Et lorsque le Souverain Sacrificateur sortira pour occuper le trône terrestre, l’Esprit répandu alors rendra un témoignage approprié à la terre sur laquelle le Seigneur devra régner.
Si ces pensées restent présentes à notre esprit, quelle solennelle impression nous ressentirons en considérant le tragique état de la chrétienté ! N’est-ce pas elle qui était appelée à refléter au plus haut degré la gloire de Dieu ? Qu’est-ce donc qui pourrait être plus cher à l’Esprit, lequel est ici-bas pour glorifier le Fils en glorifiant le Père ? Et que pourrait-il y avoir de plus important pour les saints ? Ne vous étonnez donc pas si le diable tend tous ses pièges et déploie toutes ses ruses pour effacer et défigurer, pervertir et corrompre ce qu’il ne peut détruire. Or s’il est une chose qui plus qu’une autre devrait caractériser aujourd’hui les enfants de Dieu partout, quelle est-elle, d’après ces paroles du Sauveur ? N’est-ce pas la présence personnelle du Saint Esprit, la certitude que cette Personne divine est venue remplacer Christ ? Je veux bien que pour l’esprit de l’homme elle soit impénétrable, et pour les sens invisible, ainsi que cela est dit du monde dans ce passage. Évidemment, s’il s’agissait d’une chose que les sens et l’esprit puissent saisir, le monde aurait pour cela la même capacité que le croyant. Mais précisément le monde ne le voit pas et ne le connaît pas ; tandis que vous, vous le connaissez, dit le Seigneur. Nous le connaissons et nous savons qu’il est présent, d’abord sur la simple parole du Seigneur Jésus, mais aussi par la consciente jouissance de cette présence.
Il faut d’abord que je le reçoive simplement sur la parole du Seigneur. Mais quand j’ai reçu la vérité dans mon âme, suis-je privé du sentiment de sa présence ? Suis-je empêché de goûter la joie de l’Esprit Saint habitant soit en moi soit dans l’assemblée de Dieu ? Assurément nos coeurs peuvent bien attester le contraire. Seulement il ne suffit pas de croire pour que cela devienne une réalité. «Ne savez-vous pas», dit l’apôtre, «que votre corps est le temple du Saint Esprit ?» Ce qui signifie que ce n’est pas seulement une affaire de foi. Une âme est d’abord amenée à la bénédiction par la foi en Christ et rien de plus. Mais ne pas laisser de place pour la jouissance qui est ensuite trouvée en lui, tout réduire à une affaire pure et simple d’acceptation de la parole de Dieu concernant le Seigneur Jésus, ce ne serait de notre part qu’un bien pauvre témoignage à la puissance de l’habitation de l’Esprit ou à la révélation de la grâce du Sauveur. Que penserait-on d’un homme qui n’aurait d’autre assurance, concernant la réalité de la relation de sa femme avec lui, que le nom de celle-ci inscrit en face du sien au registre de l’état civil ? Cela dénoterait un état de choses bien extraordinaire et bien fâcheux. Et supposez-vous que la présence du Saint Esprit, Personne divine envoyée ici-bas expressément pour nous communiquer la puissance, la joie, la bénédiction et le rafraîchissement de la grâce de Dieu dans la connaissance de Christ, supposez-vous que la présence de cette Personne divine soit pour le nouvel homme une moins grande réalité que la consolation fournie par une épouse donnée à l’homme pour la vie présente ?
Sans doute, si mon âme une fois réveillée se contente d’accepter l’évangile et ne désire rien de la part de Celui qui est ici-bas pour glorifier Christ, je ne dois pas m’étonner si je reste au-dessous de la jouissance goûtée par d’autres. Le Saint Esprit ressent ce mépris fait à sa grâce, et ce qu’a d’outrageant cette disposition à être satisfait de la plus faible mesure possible dans la connaissance de Christ. J’éprouverai immanquablement une perte si je m’obstine à ne rien chercher de plus. En soi cette disposition est, quant au principe, rationaliste : elle réduit la parole de Dieu à une simple lettre ; c’est le coeur se refusant à avancer dans la jouissance de cette puissance et de cette présence bénie de l’Esprit, sous prétexte qu’il a cru l’évangile du salut sur la parole du Seigneur. Nous remarquons au contraire que la Parole prend tout particulièrement soin de montrer que la puissance de l’Esprit nous communique individuellement une assurance divine de notre relation avec Dieu. De même, dans l’assemblée de Dieu, j’ai le droit non seulement de croire que l’Esprit est là, mais aussi celui de goûter la douceur et les puissants effets de sa présence. C’est pourquoi, en Romains 8, passage qui se rapporte à la nouvelle position de l’âme en Christ, il n’est pas simplement déclaré que le Saint Esprit demeure en moi, croyant, mais qu’il «rend témoignage avec notre esprit, que nous sommes enfants de Dieu». Est-ce que cela signifie seulement qu’un homme croit l’évangile ? Sans doute est-ce bien par là qu’il nous faut commencer, c’est-à-dire par une foi pure et simple au témoignage que Dieu a rendu de sa propre grâce à l’égard de nos âmes, par une foi qui ne repose sur aucune émotion ou expérience, sur rien d’autre que sur la parole de Dieu dans la bonne nouvelle du salut par Christ. Mais supposez que je conclue que c’est là tout ce à quoi la grâce me donne droit, ne serait-ce pas une erreur presque aussi préjudiciable que celle qui consiste à confondre la foi avec les sentiments et avec les expériences ? Là où la foi est réelle, elle conduit nécessairement à une expérience profonde, tant pour ce qui est personnel à une âme que pour ce qui regarde l’Église de Dieu. Quoi qu’il en soit, j’espère que ces remarques suffiront pour éclairer notre sujet. Il m’a paru d’autant plus profitable d’y faire allusion que, par réaction contre la confusion ordinaire produite par la recherche d’évidences intérieures, un retour à la foi simple expose les âmes à limiter tout ce qui regarde le Saint Esprit à la simple parole du Seigneur concernant l’Évangile. Cette parole est bien donnée comme fondement ; mais il y a autre chose encore à rechercher. Et il nous faut veiller, en évitant une erreur, à ne pas tomber dans l’erreur opposée. Accepter l’Évangile sur la simple parole du Seigneur, c’est une chose bénie et admirable que le Seigneur nous enseigne d’autant plus clairement peut-être quand nous sommes criblés par l’Adversaire. Mais supposer que l’Esprit, personne divine descendue ici-bas et demeurant réellement en nous, ne communique à nos âmes aucune jouissance sensible de sa présence, c’est se tromper d’une manière tout aussi grave.
Le Seigneur commence par prier le Père, comme il l’annonce, en vertu de la position de médiateur qu’il prend dans ce chapitre : «Je prierai le Père, et il vous donnera un autre consolateur, pour être avec vous éternellement». Nous sommes ainsi en présence d’une vérité majeure concernant le Saint Esprit. Il n’est pas donné seulement pour une occasion ; mais lorsqu’il vient, c’est pour demeurer éternellement avec nous. Toute cette portion de l’évangile de Jean considère déjà la rédemption comme accomplie sur la terre et Christ exalté dans le ciel. Cette perspective donne ses dimensions à la bénédiction présentée ici. La rédemption n’y est pas vue dans l’une ou l’autre de ses nombreuses applications, mais comme fondement de la glorification de Christ en haut et de la descente du Saint Esprit sur la terre. C’est pourquoi, l’Esprit est promis ici, non pas pour un séjour limité, comme c’était le cas du Seigneur Jésus, mais bien «pour être avec vous éternellement».
Ces considérations nous font mesurer combien est tragique le tableau qui partout frappe nos regards dans la chrétienté. S’il y a une vérité qui a été particulièrement abandonnée, c’est bien celle de la présence personnelle du Saint Esprit. Alors que d’autres vérités, telles que la nécessité d’être né de nouveau, la valeur de l’oeuvre de Christ, la gloire de sa personne comme Dieu et comme homme, sont encore enseignées dans les systèmes de la chrétienté, celle qui nous occupe a été presque complètement perdue de vue. Certes, on ne met pas en doute l’existence ni la divinité de la personne du Saint Esprit. Mais je parle de sa mission personnelle sur la terre et de sa présence actuelle avec les chrétiens, soit individuellement, soit collectivement. Où trouve-t-on réalisé ou confessé ce qui est pourtant la grande vérité caractéristique du christianisme, une vérité qui devrait retentir au-dehors et gouverner l’Église au-dedans ? N’est-ce donc pas un sujet de solennelle réflexion et d’humiliation que de voir cette vérité (qui constitue la gloire du chrétien, la force de l’Église de Dieu et le privilège spécial en vue duquel il était avantageux que Christ s’en allât) à ce point méconnue dans les divers systèmes de la chrétienté ?
La promesse du Seigneur aux siens comporte une autre précision. Le Consolateur sera éternellement avec eux. Nulle part l’Écriture n’enseigne que l’Esprit sera donné à tous les hommes. Seuls le reçoivent ceux qui font partie de l’Église. Les croyants de l’Ancien Testament n’ont même pas eu connaissance de cette vérité. Les saints du millénium ne la connaîtront pas non plus sous sa forme actuelle, bien qu’il doive y avoir alors, nous l’avons dit, une puissante effusion de l’Esprit sur toute chair. Israël même n’aura pas l’Esprit comme nous le possédons maintenant, quoique dans un jour prochain ce peuple doive être richement béni et même doué, je pense, d’une puissance extérieurement supérieure à tout ce qui a été jamais connu dans l’Église. Car le jour millénial sera témoin des manifestations les plus merveilleuses que la puissance divine ait jamais opérées en permanence au milieu des hommes dans ce monde. Je ne doute nullement que les efforts dont l’homme s’enorgueillit tellement à présent : ses inventions, ses sensationnelles acquisitions scientifiques et techniques, sa civilisation raffinée, tout cela disparaîtra du monde pour faire place à un état de choses incomparablement meilleur. Et Dieu ne permettra jamais que l’homme ait le dessus sur lui et ne voudra rien lui devoir. Ne nous imaginons pas qu’une époque de péché et de volonté propre, dans laquelle Jésus est rejeté et l’Esprit méprisé, puisse fournir à Dieu les matériaux convenables pour le règne de son Fils sur une terre réconciliée. Il me semble impossible que Dieu se serve des moyens stériles de l’homme dans ce jour éclatant. Tout comme autrefois Jéricho dut tomber et les anciens centres cananéens disparaître afin que Dieu en choisisse de nouveaux pour son peuple, pareillement dans le jour qui va venir, le Saint Esprit substituera sa puissance et son activité à celles de l’homme. Et il est évident qu’il n’y aura ni fléchissement ni interruption dans ce qu’il entreprendra, mais que le déploiement de sa puissance sera approprié au caractère du Seigneur régnant alors sur le monde, ainsi qu’aux instruments qu’emploiera le Saint Esprit.
Actuellement l’Esprit opère d’une façon différente et pour d’autres fins. Envoyé ici-bas par Christ glorifié à la droite de Dieu, il amène les âmes dans une association vitale avec Jésus. C’est le Céleste nous rendant célestes par le Saint Esprit, lien divin entre Lui en haut et nous sur la terre. Voilà ce dont notre passage parle ici, et pour cette raison le contraste se trouve établi entre le croyant et le monde. Il est, ajoute le Seigneur, «l’Esprit de vérité, que le monde ne peut pas recevoir». Jésus insiste sur le fait d’une possession spéciale de l’Esprit et de sa présence personnelle qui est la part du chrétien seul et que le monde ne peut pas recevoir, «parce qu’il ne le voit pas et ne le connaît pas ; mais vous, vous le connaissez». Ce privilège appartient exclusivement ici-bas au croyant : «il demeure avec vous, et... sera en vous». Loin de leur donner simplement la jouissance d’une bénédiction transitoire, l’Esprit demeure avec eux ; et qui plus est, il est aussi «en eux». Ces deux vérités sont capitales. L’Esprit ne demeure pas seulement avec les saints comme occupant une position extérieure, ce qui est vrai dans une assemblée de croyants ; mais il est en eux. Chers frères et soeurs, retenons ce fait essentiel que le Saint Esprit demeure avec nous, que ce n’est pas par occasion seulement qu’Il nous visite, mais qu’il demeure réellement avec nous, afin que nous puissions continuellement regarder à lui. Mais en outre, ainsi que l’ajoute le Seigneur, «il sera en vous», ce qui implique la présence la plus intime qu’il soit possible de concevoir : l’Esprit de Dieu «dans» aussi bien que «avec» ceux auxquels il était envoyé, et cela «éternellement».
Les conséquences en sont ensuite développées. «Je ne vous laisserai pas orphelins», ajoute le Seigneur ; «je viens à vous». «Encore un peu de temps, et le monde ne me verra plus ; mais vous, vous me verrez ; parce que moi je vis, vous aussi vous vivrez».
Le Saint Esprit nous forme en un seul corps, unissant le croyant à Christ comme la Tête. Plus que cela : ici, c’est la communauté de nature qui est enseignée, et non, comme dans les épîtres de Paul, l’unité du corps. «Parce que moi je vis, vous aussi vous vivrez». Rien ne saurait être plus intime. Puis Jésus montre de quelle manière cela a lieu : «En ce jour-là, vous connaîtrez que moi je suis en mon Père, et vous en moi et moi en vous». «Ce jour-là» est venu ! Et ceci fait voir de nouveau combien cette présence actuelle du Saint Esprit diffère de l’effusion de l’Esprit pendant le millénium. Ce verset 20 sera-t-il vrai des saints de ce temps-là ? Il est clair qu’il n’existera alors rien de semblable. La base dont dépend la vérité qui nous occupe a été posée maintenant, et maintenant seulement. Christ a pris place en haut ; non pas seulement dans le ciel, mais, comme il le dit, «en nom Père». «En ce jour-là vous connaîtrez que moi je suis en mon Père...» Il ajoute : «et vous en moi», pendant que lui est là-haut, en même temps que «moi en vous», pendant que nous sommes ici-bas. Ce verset constitue donc la preuve décisive que notre Seigneur fait correspondre ce don merveilleux dont il parle avec sa présence dans le ciel. C’est alors seulement que se réalise notre association avec lui en haut par le Saint Esprit envoyé en bas. Lorsque le Seigneur Jésus Christ quittera le ciel et prendra possession du royaume, tous ces éléments seront changés. Un nouvel état de choses s’établira, en harmonie avec la position nouvelle que lui prendra. Autrement dit, c’est toujours en rapport avec la position occupée par Christ que le Saint Esprit agit ou est donné. À l’absence personnelle de Christ correspond la présence personnelle de l’Esprit Saint. Et comme c’est la présence personnelle de Christ qui caractérisera ce siècle à venir, l’action du Saint Esprit s’en trouvera nécessairement modifiée.
Je me suis attaché à comparer l’état de choses actuel avec ce qui a existé et ce qui pourra exister dans les jours à venir, de façon à faire ressortir le caractère spécial de notre bénédiction. C’est toujours en regardant à Christ que la foi entre dans la pensée présente de Dieu, dans ses conseils et dans ses voies. C’est pourquoi quand l’âme réalise clairement la présence de Christ à la droite de Dieu dans le ciel, chaque aspect de la vérité se trouve à sa véritable place. À l’inverse, lorsque nos âmes ne font pas de cette vérité la clef de voûte de notre relation avec Dieu aussi bien que de notre position vis-à-vis du monde, tout est perdu — j’entends quant à ce qui nous distingue comme chrétiens. Sans doute, il peut exister cette foi en Christ qui saisit le pardon des péchés et une certaine mesure de paix avec Dieu. Mais notre propos n’est pas de nous arrêter aux simples consolations de l’âme, ni même à la grâce qui nous fait traverser ce monde après nous avoir éternellement sauvés par Christ. Nous nous occupons de la gloire de Dieu et de ce qui répond à ses affections, de ce qui est bon et saint, source de puissance et de bénédiction pour le chrétien qui réalise sa relation avec Dieu. Assurément rien de cela ne sera connu si l’oeil de la foi n’est pas continuellement fixé sur Christ à la droite de Dieu. Avoir nos regards dirigés vers lui dans le ciel, voilà ce qui assure à l’Esprit sa liberté d’action dans l’âme. Et c’est pourquoi nous constatons que ceux qui ne croient pas à la présence personnelle du Saint Esprit ici-bas n’ont aucune intelligence de la position actuelle de Christ comme Tête de l’Église dans le ciel. Ils ne mettent pas en doute qu’il soit à la droite de Dieu. Ils déclarent formellement croire au Saint Esprit, ainsi qu’à la communion des saints. Mais il ne s’agit pas maintenant de répéter les paroles d’un formulaire ou d’un credo, telles qu’en établissent toutes les dénominations religieuses fondées sur des principes humains absolument indépendants de la présence et de l’opération de l’Esprit Saint dans l’assemblée. On peut dire que l’état actuel de la chrétienté sous toutes ses formes est caractérisé par l’incrédulité à l’égard de la principale vérité distinctive de l’Église, savoir celle qui concerne le Saint Esprit.
Il est de la plus haute importance que les enfants de Dieu se pénètrent de cette vérité. La question n’est pas de savoir comment et en quel endroit ils ont pu recevoir du bien pour leurs âmes. L’Esprit de Dieu bénit parmi et souvent malgré ces systèmes. En tous il se trouve des âmes chères à Christ ; en tous on rencontre non seulement des membres vivants, mais des serviteurs du Seigneur, tout au moins partout où les grands fondements se rattachant à la Personne ou à l’oeuvre de Christ sont reconnus en quelque mesure. La question consiste pour chacun à se demander : «Suis-je là où le Saint Esprit envoyé du ciel peut agir librement, conformément aux intentions du Seigneur et à sa Parole ? Suis-je là où le fait de sa présence est cru ? L’assemblée dont je fais partie est-elle l’expression de la présence du Saint Esprit ?» Ce n’est pas des prédications que je veux parler, ni même des réunions pour la lecture en commun et la méditation de la Parole de Dieu. Celles-ci ont leur place ; mais je fais allusion aux occasions dans lesquelles l’Église, c’est-à-dire les membres du corps de Christ, se rassemblent au nom du Seigneur Jésus, soit pour le culte qui est la grande occasion centrale et distinctive, soit pour l’édification. Or dans ces occasions-là, avons-nous présente à nos âmes cette vérité transcendante qu’au milieu de nous il en est Un qui est compétent pour toutes les difficultés ; Un qui prend soin de la gloire de Christ ? Oui, Un qui, à cause de l’amour qu’il porte à Christ, et de la valeur qu’il attache à son oeuvre, soutient nos intérêts, nous comble de toutes sortes de joies, nous aide dans nos afflictions, nous fortifie contre les pièges du diable, nous rend capables, par sa propre grâce, d’être simples, humbles, vrais et fidèles ; enfin, Un qui s’occupe de nous sur le principe de la Parole de Dieu lorsque nous manquons à ce qui est dû à la Personne de Christ ou à la vérité de Dieu.
Or, je maintiens que de toutes les vérités divines concernant le corps de Christ, aucune n’est plus importante ni plus nécessaire que celle-là. Et la raison en est bien simple. Si l’on croyait vraiment qu’il existe une Personne divine envoyée du ciel, et que cette Personne est réellement présente avec nous pour diriger l’assemblée, pensez-vous que le comportement des chrétiens ne serait pas bien différent ? Je ne veux pas parler seulement de l’opération de l’Esprit ; car il peut agir dans une chapelle méthodiste, par un ministre anglican, ou par un pasteur de l’Église réformée. J’admets pleinement que, sans l’opération de l’Esprit Saint, nulle âme ne pourrait être convertie ou recevoir aucune vérité de la Parole de Dieu. Ainsi l’opération de l’Esprit est aussi diverse que sa propre grâce, souveraine et variée ; ou, suivant la comparaison du Seigneur, semblable au vent qui souffle où il veut. Mais ceci est sans rapport avec la reconnaissance de la présence de l’Esprit Saint et de son action libre et souveraine dans les membres qu’il lui plaît d’employer au sein de l’assemblée chrétienne.
Les chrétiens connaissent-ils la réalité de cette présence de l’Esprit sur laquelle on peut compter ? Assurément l’Écriture est claire à ce sujet et les saints sont appelés à reconnaître ce fait de façon à y trouver leur bénédiction. Or, peut-elle être pleinement connue, à moins qu’elle ne soit aussi crue ? Hélas, tous les chrétiens individuellement n’ont pas une mesure complète de foi. Tous ne sont pas parvenus à une plénitude d’assurance et de simplicité dans cette confiance qui nous convient relativement à la présence du Saint Esprit — confiance d’autant plus souhaitable qu’il s’agit d’une des vérités les plus élevées, quoiqu’elle soit une des plus simples après tout. Assez souvent en effet, les plus hautes vérités deviennent les plus simples une fois qu’on les a saisies. Que pourrait-on concevoir de plus simple, par exemple, que la présence de Christ à la droite de Dieu dans le ciel ? Cependant n’est-ce pas là le centre même du mystère, la source de toutes les bénédictions spirituelles que Dieu nous a données en Lui ? De même, je ne connais rien de plus simple et de plus profond à la fois que la présence du Saint Esprit sur la terre, concordant avec la séance de Christ à la droite de Dieu. Tout chrétien, où qu’il se trouve, devrait être versé dans la connaissance de ces grands faits. Et je sens que Dieu nous a donné cette charge sérieuse de travailler à l’instruction des enfants de Dieu où que nous les rencontrions, afin que, comme ils ont reçu Christ, ils croient aussi réellement en la présence du Saint Esprit sur la terre. Mais tout en ayant ce sentiment, ce n’est pas une raison pour exiger de chacun de ceux qui sont reçus qu’il possède une connaissance préalable ou une foi exercée à l’égard de cette présence de l’Esprit. Nombreux sont les membres du corps de Christ qui sont bien faibles dans cette connaissance et qui n’en mesurent guère le prix. Mais aussi longtemps que l’assemblée comme ensemble est dirigée par l’Esprit, aussi longtemps que Sa présence est reconnue sans empêchement fixé ou sanctionné ; aussi longtemps qu’on n’a pas recours à des plans humains, règles ou arrangements qui gênent l’action du Saint Esprit, aussi longtemps qu’il en est ainsi, tous les enfants de Dieu peuvent y être entièrement heureux. On peut bien se tromper, sans doute ; nous sommes tous sujets à errer. Mais dans ce cas, notre consolation est de savoir qu’il est présent avec nous, qu’il est seul à même de redresser toutes les erreurs, et que, dans sa propre grâce, il est descendu du ciel dans l’intention expresse de s’occuper des saints. C’est pourquoi nous ne devons jamais désespérer, quelles que soient les difficultés. Et nos âmes ne devraient jamais abandonner cette confiance que le Saint Esprit, présent avec nous et en nous, saura pourvoir à tous les empêchements et à tous les dangers. Qu’il nous suffise d’avoir foi en Lui et d’invoquer le nom du Seigneur. Soyons assurés que l’Esprit est ici dans le but, je ne dirai pas d’honorer notre foi, mais dans le but bien plus sûr et plus excellent de glorifier Christ. À ceci il ne peut jamais manquer. En même temps, si la foi en sa présence est la grande pensée de la réunion dans son ensemble (bien que ce puisse ne pas être la pensée dominante de chaque enfant de Dieu présent) on fera l’expérience de sa puissance divine. Inversement, si l’assemblée n’est pas gouvernée par cette grande vérité, il est évident qu’on pourra y introduire toutes sortes de règlements humains qui seront en contradiction avec l’action du Saint Esprit dans ces mêmes réunions. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet en considérant les Épîtres. Je n’y fais allusion ici que pour le lier, en passant, avec Jean 14, comme montrant la souveraine importance de cette grande vérité de la présence personnelle du Saint Esprit.
Permettez-moi de renouveler ici ma question. Si vous admettez qu’un chrétien, quel qu’il soit, croie à la présence d’une Personne divine, ne pensez-vous pas que pour lui toutes choses seront gouvernées d’après une vérité aussi considérable ? S’il s’agissait seulement d’un chef ou d’une personnalité parmi les hommes, aurions-nous la présomption, vous ou moi, de prendre en sa présence des décisions qui ne relèvent que de lui ? À supposer qu’un souverain traverse ses États, ou visite une de ses administrations, le premier devoir de chacun de ses subordonnés ne serait-il pas de lui rendre l’honneur et le respect ? En tout cas partout où existent l’intelligence et le sentiment vrai de ce qu’est la volonté de Dieu en matière d’autorité terrestre, il est évident que nul homme qui recevrait le chef de l’État dans sa maison ne pourrait ne pas en tenir compte et se conduire comme si celui-ci n’était pas là.
Eh bien ! chers frères et soeurs, ce qui est vrai de notre propre maison l’est à plus forte raison de celle de Dieu, c’est-à-dire de l’Assemblée. Assurément si quelqu’un peut y agir de plein droit, c’est bien Celui qui est Dieu. En conséquence, il est évident qu’il ne saurait y avoir la foi en la présence du Saint Esprit sans qu’on Lui reconnaisse dès lors la primauté et qu’on s’attende à son action dans l’Assemblée. En général ce n’est pas cette autorité du Saint Esprit qu’on met en discussion, car de fait le raisonnement habituel est le suivant : on admet que dans les jours primitifs de l’Église, il y avait des apôtres, des miracles, une puissance divine à l’oeuvre, mais qu’à présent tout est changé. Ce qui revient à dire pratiquement qu’une partie des Écritures se trouverait aujourd’hui périmée. Aussi, lorsque les personnes qui raisonnent ainsi parlent du Saint Esprit, elles sous-entendent qu’Il se confond avec les grandes énergies et les serviteurs remarquables qui ont existé autrefois. Mais elles ne croient pas à la présence sur la terre d’une Personne divine qui a daigné, pour la première fois, descendre du ciel pour agir au milieu des saints assemblés pour adorer et prendre la Cène du Seigneur, ou accomplir quelque autre acte de culte ou d’édification chrétienne. Et la preuve qu’on n’y croit pas, c’est que tous les arrangements et précautions sont pris par l’homme pour que la machine fonctionne précisément comme s’il n’était pas là. Ils espèrent que Dieu bénira les moyens employés, agira par des instruments qui ont été arbitrairement établis ; mais le but de toute cette organisation est de faire marcher les choses aussi bien que possible dans l’ignorance évidente de la présence personnelle de l’Esprit dans l’assemblée. Or, il n’est personne qui oserait agir de la sorte s’il avait le sentiment que seulement un auguste personnage humain est présent. Cette présence suffirait à apporter un changement au ton et aux habitudes ordinaires. À plus forte raison, si au lieu d’un personnage humain, on réalise que c’est une Personne divine qui est présente ; alors, ce qui en résultera : la révérence, la conscience de son amour, la soumission à sa direction, ne sera de notre part que l’expression légitime de cette foi.
Nous qui sommes redevables au Seigneur de tant de bénédictions, nous avons besoin de veiller attentivement à ce que, quand «nous nous réunissons ensemble» nous agissions en ayant par la foi conscience de la présence du Saint Esprit. Qu’elle soit la pierre de touche de nos voies et de notre comportement. Il suffit quelquefois de bien peu de chose pour trahir la vraie mesure de notre foi en sa présence réelle. Prenons-y garde si nous proposons une hymne, si nous prions, si nous prononçons une parole, ou enfin quoi que nous fassions. Le Seigneur veuille que nous ne jetions pas de discrédit sur cette précieuse vérité qu’il a donnée à nos âmes. Je suis persuadé qu’il n’existe pas d’attaque, pas d’opprobre du dehors, pas de persécution de la part des ennemis, pas de dénigrement de la part des faux frères, pas de moquerie de la part du monde qui puissent jamais renverser ceux qui ont foi en la présence du Saint Esprit. En revanche, hélas, la pauvreté de notre foi pratique, ainsi que nos fréquents et affligeants manquements, ouvrent la porte à l’ennemi. Et c’est de cela plus que de tout le reste que Satan se sert comme pierre d’achoppement pour ceux qui, dans l’état actuel de confusion et d’agitation des systèmes de la chrétienté, cherchent ici et là un port de sûreté au milieu de leur désarroi. Que Dieu nous accorde, aux frères et aussi aux soeurs, de ne pas oublier à quelle place de dignité et de responsabilité nous avons été appelés. Veillons à ce que notre esprit, notre tenue, nos regards même et nos paroles, s’il nous arrive d’ouvrir la bouche, ne se trouvent jamais en discordance avec la foi en la présence du Saint Esprit.
Avant de terminer, nous dirons quelques mots des deux autres chapitres. La fin du chapitre 15 présente l’Esprit Saint, le Consolateur, sous un point de vue légèrement différent du chapitre 14. «Quand le Consolateur sera venu, lequel moi je vous enverrai d’auprès du Père, l’Esprit de vérité, qui procède du Père, celui-là rendra témoignage de moi. Et vous aussi, vous rendrez témoignage ; parce que dès le commencement vous êtes avec moi». Le point particulier enseigné ici est le caractère céleste du témoignage de l’Esprit. Selon le chapitre 14, l’Esprit rappelle les choses que Jésus a dites (v. 26). Suivant le chapitre 15, il rend témoignage au sujet de Christ lui-même. Les disciples rendent témoignage, parce qu’ils étaient avec lui dès le commencement. Et maintenant le Saint Esprit vient et leur apporte du ciel un témoignage complémentaire. Ainsi, c’est le Saint Esprit qui descend du ciel, lui qui connaît la place et la gloire dans lesquelles Christ a été reçu. Il leur est expressément envoyé, non seulement pour leur rappeler ce qu’ils avaient vu et entendu sur la terre, mais aussi afin de leur apporter, pour le développement de leur connaissance et la joie de leurs âmes, ce que lui seul pouvait dire de la gloire céleste de Christ. En un mot, le Saint Esprit est vu ici comme apportant une connaissance originale, un nouveau et céleste témoignage concernant Christ, sans que les disciples perdent le témoignage terrestre qu’ils avaient reçu préalablement et dans lequel le Saint Esprit vient au contraire les fortifier comme témoins de Christ.
Au chapitre 16, nous avons une déclaration qui va plus loin encore, concernant l’Esprit de Dieu. Notre Seigneur avait dit à ses disciples, au chapitre 14:28, qu’au lieu de s’attrister de son départ, ils auraient dû s’en réjouir : parole particulièrement touchante, parce qu’elle montre combien le Seigneur apprécie notre amour et combien il compte sur la joie exempte d’égoïsme qu’il nous convient de trouver dans son propre bonheur et sa propre gloire. Assurément, c’était pour lui une heureuse transition que de passer des plus profondes douleurs de la croix à la présence de Dieu le Père au ciel. Est-il étonnant dès lors que le Seigneur attende que les siens portent de l’intérêt à ce qui le concerne, et qu’ils se réjouissent de ce que lui s’en va au Père, quoique ce soit en soi une grande perte pour eux ? Mais maintenant il présente l’autre côté de la vérité, et leur dit que, dans un sens, c’est aussi pour eux-mêmes qu’ils devraient se réjouir. La tristesse avait rempli leur coeur, mais lui leur déclare : «Toutefois, je vous dis la vérité : Il vous est avantageux que moi je m’en aille». Le chapitre 14, annonce que c’est avantageux pour lui, le chapitre 16 montre que c’est avantageux pour eux, parce que s’il ne s’en allait pas, le Consolateur ne viendrait pas à eux. «Si je ne m’en vais, le Consolateur ne viendra pas à vous ; mais si je m’en vais, je vous l’enverrai». Ainsi, nous voyons que, sous différents aspects, le sujet de la mission personnelle du Saint Esprit est commun à tous ces chapitres. «Et quand celui-là sera venu, ajoute le Seigneur, il convaincra le monde de péché, de justice et de jugement». En premier lieu nous trouvons ici quelle est la position que prend l’Esprit vis-à-vis du monde. C’est à bien des égards celle de la loi. Dans les dispensations de Dieu envers Israël, la loi était le grand censeur. Maintenant le Saint Esprit prend sa place, et au lieu de limiter son action à un peuple particulier, il vient pour «convaincre le monde». Le monde pouvait être moral, ou religieux, ou zélé pour la loi ; mais l’Esprit le convainc de péché (non seulement de péchés, les actes, mais de péché, son état), et de justice, et de jugement. «De péché», non parce qu’ils avaient enfreint la loi, mais parce qu’ils ne croient pas au Seigneur. «De justice», non parce que Christ avait gardé la loi pour eux, mais «parce que, dit-il, je m’en vais à mon Père, et que vous ne me voyez plus». La justice maintenant est inséparable de Christ. Il est la seule justice qui soit valable pour l’âme aux yeux de Dieu. Je ne parle pas de ce qui peut avoir de la valeur parmi les hommes au point de vue social. Cela, sans doute, a sa place. Mais maintenant j’ai en vue l’éternité, et ici Christ seul est la vie, seul le chemin de la vie. C’est pourquoi ne pas croire en lui est une chose fatale et sans appel. Quelque apparence de justice qu’il puisse y avoir parfois dans le monde, il n’y a réellement pas d’autre justice devant Dieu que celle de Christ, attestée et caractérisée par sa glorification à la droite de Dieu le Père. C’est justice que le Père ait placé là le Christ que la terre a rejeté. Si nous sommes faits justice de Dieu, par grâce, c’est en Christ, qui a reçu du Père honneur et gloire en haut (voyez 2 Cor. 5).
Mais une autre et très solennelle vérité s’ajoute à ce verset 10. «Et que vous ne me voyez plus», dit le Seigneur. Le monde a perdu Christ. Jésus est venu, non pour juger, mais pour apporter la bénédiction. Il avait tout pouvoir et il ne dépendait que de lui d’introduire le royaume, pour autant qu’il s’agissait de sa propre puissance et de sa propre gloire. Mais l’état du monde par rapport à Dieu était tel qu’introduire le royaume eût été, d’une part, faire peu de cas du péché, et en même temps, traiter légèrement la gloire de Dieu qui avait été totalement compromise. C’est pourquoi en fait, bien que le Messie fût venu et qu’il ne se trouvât en lui ni tache ni défaut, bien que l’homme fût responsable de la manière dont il recevait Christ, néanmoins, l’homme étant coupable devant Dieu, il était impossible moralement que le royaume fût établi alors. C’eût été la négation de la ruine de l’homme et de la gloire de Dieu, chose que Jésus ne pouvait sanctionner. C’est pourquoi dans cet évangile, Jésus ne se présente jamais comme le Christ. D’autres pouvaient le désigner comme tel, mais lui ne le fait jamais (sauf en reconnaissant la vérité quand elle est confessée). En effet, dans l’évangile de Jean, Christ a toujours conscience de son rejet comme Messie, bien qu’il soit en même temps le Fils unique de Dieu. De là vient que, quoiqu’il soit sur la terre, qu’il accomplisse la prophétie et que d’autres le désignent comme le Christ ou le Fils de David, il se donne à lui-même un autre titre, celui de Fils de l’homme. On trouve continuellement en lui, le sentiment noble et serein de sa gloire personnelle, gloire qu’aucun rejet, aucun opprobre de la part de l’homme ne pouvait ternir un seul instant. C’est pourquoi les bénédictions qui nous sont propres sont fondées sur sa personne rejetée, mais excellente et glorieuse (voyez Matt. 16), et répondent à sa gloire comme Homme exalté dans la puissance de résurrection du Fils de Dieu.
Ainsi donc, dans le temps actuel, l’Esprit de Dieu remplit vis-à-vis de ce monde une fonction en harmonie avec la position de Celui auquel il rend témoignage. Et il fait des Écritures, pour ainsi dire, le texte de son témoignage à Christ. D’où il résulte que le monde, qui ne croit pas en Christ, est convaincu de péché, de justice et de jugement. La justice est hors de vue et ainsi on en fait peu de cas. L’exécution du jugement est également différée ici-bas où le monde marche dans sa volonté propre. Mais la croix, aussi bien que l’exaltation de Christ, est la preuve la plus positive que le prince de ce monde est jugé aux yeux de Dieu. Ce monde comme tel, n’a jamais été digne de l’attention du croyant depuis la croix de Christ. Jusque-là Dieu a manifesté envers lui une longue patience, pleine de grâce. Depuis lors, Dieu regarde ce monde comme son ennemi. Le croyant qui a de l’intelligence sait, lui aussi, que le monde est en effet l’ennemi mortel du Père. De même que la chair a été condamnée, le monde l’a été pareillement ; le caractère de l’un et de l’autre ayant été déterminé par la croix de Christ. L’Esprit rend ce témoignage vis-à-vis du monde ; et de quelle manière ? Non pas en y habitant selon la doctrine qui prétend que tout le monde possède l’Esprit ; mais, bien au contraire, en se tenant en dehors du monde. Si le monde avait cru en Christ, le Saint Esprit y aurait demeuré. Mais le monde ne croyant pas, le Saint Esprit se tient en dehors et par conséquent il convainc le monde, au lieu d’y demeurer comme un consolateur. Ce n’est que parmi les saints et dans l’Assemblée qu’il peut faire son habitation.
De là découle une autre question : quel service, quel ministère exercera le Saint Esprit par rapport aux disciples ? Le Seigneur aborde ainsi ce sujet : «J’ai encore beaucoup de choses à vous dire ; mais vous ne pouvez les supporter maintenant. Mais quand celui-là, l’Esprit de vérité, sera venu, il vous conduira dans toute la vérité». Le Saint Esprit remettra toutes choses en mémoire. Ce n’est pas seulement qu’Il rendra témoignage à Christ dans sa gloire céleste. Venu personnellement pour être avec et dans les saints, comme un divin Compagnon, il s’attachera à les conduire dans toute la vérité. Le Seigneur ajoute : «Il ne parlera pas de par lui-même». Cela ne signifie pas que l’Esprit ne parlera jamais au sujet de Lui-même. Au contraire, dans presque toutes les Épîtres, l’Esprit nous fournit une large somme d’instruction à son propre sujet. Ces mots signifient que le Saint Esprit ne parle pas au titre de son autorité indépendante, mais qu’il agit de concert avec le Père, dans le but de glorifier le Fils ; ainsi que le confirme le contexte : «Il ne parlera pas de par lui-même ; mais il dira tout ce qu’il aura entendu». Il est descendu ici-bas pour rendre honneur à Christ. Ce qu’il entend du Père, aussi bien que ce qu’il entend du Fils, il nous le communique. Il lui a plu de prendre sur la terre, si nous pouvons ainsi parler avec révérence, une position subordonnée à cette intention, tout comme le Fils prit ici-bas une position de subordination au Père. Par rapport à sa divinité, le Fils était sur un pied d’égalité avec le Père ; néanmoins Il vint sur la terre dans le but exprès de faire la volonté du Père en qualité de serviteur. Pareillement le Saint Esprit daigne maintenant se faire le serviteur des desseins du Père et de la gloire du Fils, tout comme le Fils le fut auparavant à l’égard du Père.
C’est pourquoi nous lisons : «Il dira tout ce qu’il aura entendu, et il vous annoncera les choses qui vont arriver». L’Esprit ne se contente pas de nous conduire dans toute la vérité que Jésus avait révélée précédemment. Bien des choses restaient à communiquer que les disciples n’avaient pu supporter jusque-là. De plus, l’Esprit parle de «choses qui vont arriver», vérité importante pour les âmes qui sous-estiment les révélations de Dieu concernant l’avenir. Ce n’est pas simplement, me semble-t-il, la mise à notre disposition de la Parole révélée de Dieu. Mais, possédant cette révélation de Dieu maintenant complète, et le Saint Esprit lui-même habitant en nous, l’Église devrait pouvoir interpréter tout ce qui l’entoure dans ce monde. Il n’y a rien maintenant que le croyant soit incapable de comprendre par le Saint Esprit, à la condition qu’il se serve de la Parole de Dieu dans la puissance de l’Esprit. Le chrétien a, dans un certain sens, une position prophétique aussi bien qu’une position sacerdotale. Il est appelé à discerner les temps ; il peut lire ce qui se passe dans le monde, et il doit le faire. Sans doute, ses sens peuvent ne pas être exercés à discerner le bien et le mal, et ainsi il sera paresseux à écouter. C’est ce que l’apôtre reproche aux Hébreux (5:11-14). Mais je parle maintenant du rôle pour lequel nous sommes considérés comme compétents par la vertu de l’Esprit Saint.
«Celui-là me glorifiera», dit le Seigneur. Nous avons ici le ministère principal du Saint Esprit clairement désigné, soit qu’il s’agisse de révéler la vérité, de dire ce qu’il a entendu, ou d’annoncer les choses à venir ; la gloire de Christ est le centre autour duquel, pour ainsi dire, tous ses offices et toutes ses fonctions font converger leur complète opération. «Celui-là me glorifiera ; car il prendra de ce qui est à moi, et vous l’annoncera». C’est, je crois, pour cette raison principale qu’il n’est jamais parlé dans l’Écriture du gouvernement ou de la domination du Saint Esprit. Le Saint Esprit affirme la seigneurie de Christ : il exalte Christ au lieu de se glorifier lui-même. C’est pourquoi il n’est jamais présenté comme gouvernant l’Église. Il est parfaitement clair et sûr qu’il agit souverainement, mais parler de gouvernement du Saint Esprit est une assertion différente tendant à déplacer le Seigneur de la position qui lui est due et à introduire le désordre dans la relation des saints vis-à-vis de lui. Jésus rejeté et glorifié est le «seul Seigneur» dans le sens officiel (dans un autre sens, le Père et l’Esprit le sont également comme Dieu). Le Saint Esprit est présent pour soutenir cette vérité conforme à la volonté de Dieu. C’est pourquoi il agit au milieu des saints pour exalter Christ devant nos yeux. L’Esprit opère, et en nous, et avec nous, et par nous. Mais Jésus Christ est notre Seigneur, et il nous est ainsi révélé par l’Esprit, qui par conséquent nous place dans une position de sujétion envers lui. Il a pris à tâche de glorifier Christ dans le temps présent, et imprime sur nous le caractère d’esclaves de Christ.
Veuille le Seigneur réveiller dans chacun de nos coeurs le sentiment que ses paroles avaient pour objet de produire dans celui de ses disciples : le sentiment vif et distinct de la présence personnelle du Saint Esprit, envoyé par lui qui est à la droite du Père. Et que cette précieuse vérité occupe non seulement une place de plus en plus importante dans nos coeurs individuellement, mais qu’elle soit toujours davantage estimée dans les assemblées de Dieu sur la terre.
Peu de passages souffrent plus que celui que nous avons sous les yeux d’être séparés de leur contexte. Impossible de saisir la force des communications spéciales du Seigneur, de sa conduite à l’égard de Marie de Magdala, de ce qu’il a dit et fait le soir de cette glorieuse journée, si l’on ne rattache pas strictement ces faits et ces paroles à sa résurrection en qualité de Fils de Dieu. C’est parce qu’il ressuscite les morts qu’il est démontré être tel (Rom. 1:4). Et c’est essentiellement comme Fils de Dieu que le Saint Esprit le contemple dans ce chapitre : non pas ici comme ressuscitant les autres, mais bien comme se ressuscitant lui-même. La parfaite aisance qui préside aux circonstances, les linges pliés avec ordre, et, à part, le suaire qui enveloppait sa tête, sont pour l’oeil tant soit peu exercé la preuve évidente que, toute glorieuse que soit la scène, elle s’est opérée avec la simplicité et la sérénité d’un homme qui se lèverait du lit où il vient de passer la nuit. En vérité, c’est le Fils de Dieu qui vient d’accomplir l’oeuvre de grâce pour laquelle il était envoyé du Père ; il ne nous est pas présenté ici comme l’objet de la puissance divine pour le ressusciter des morts. Cette dernière vérité a sa place dans d’autres passages. Il est bien vrai que Dieu l’a ressuscité ; Pierre et Paul insistent sur ce fait. Mais il n’en est pas moins vrai que Christ ressuscite les morts ainsi que lui-même comme Fils de Dieu.
«Détruisez ce temple», dit-il au chapitre 2 de cet Évangile, «et en trois jours je le relèverai». Il ne manque pas d’ajouter plus tard : «j’ai reçu ce commandement de mon Père» (10:18). Son obéissance parfaite unit la conformité à la volonté du Père à la puissance divine qui le proclame Fils de Dieu par le moyen d’une telle résurrection. Il s’agit de la même puissance par laquelle il avait lui-même ressuscité des morts : la fille de Jaïrus, le fils de la veuve, ainsi que Lazare au sujet duquel il déclarait : «cette maladie n’est pas à la mort, mais pour la gloire de Dieu, afin que le Fils de Dieu soit glorifié par elle» (Jean 11:4). Ainsi maintenant il se ressuscite lui-même. Pierre et Jean toutefois nous montrent de quelle faible manière la vérité de sa résurrection selon l’Écriture avait pénétré leur esprit. Bien que ce soit à sa propre honte ainsi qu’à celle de Pierre, Jean en donne le récit et conclut : ils entrèrent et virent et crurent. Tout en étant de vrais enfants de Dieu, ils ne s’étaient que bien pauvrement approprié la pensée révélée de Dieu. Ils n’avaient pas saisi le «il fallait» de l’Écriture (Luc 24) et pas davantage ils n’avaient encore compris que la grâce et la gloire de Dieu ne pouvaient trouver leur digne et parfaite expression que dans la résurrection du Fils. Quant aux faits, ils les voient ; ils constatent les preuves, puis s’en retournent chez eux, ce qui trahit l’impuissance de l’esprit de l’homme pour apprécier les faits divins, même si la conclusion qu’il peut en tirer est juste.
Mais il n’en est pas ainsi de Marie. Elle n’a peut-être pas plus de connaissance de la gloire de la résurrection, ou de la parole qui l’annonçait, que n’en avaient Pierre et Jean. Mais pour elle au moins, Jésus est Celui qui répond aux besoins du coeur. Si grande est la peine de son âme qu’elle ne peut que demeurer attachée au lieu où le corps de son Maître avait reposé. Il lui est impossible de prendre son parti de sa disparition aussi facilement que les deux apôtres. De fait, elle ne peut plus avoir de «chez elle» dans un monde dont son Sauveur est absent. C’est pourquoi elle s’arrête à ce sépulcre vide du Seigneur. Voici bien ce qui révèle à quel point son esprit était absorbé dans ses pensées et son amour pour Jésus : elle regarde à nouveau dans ce tombeau qu’un moment auparavant elle savait être vide (puisqu’elle venait d’en apporter la nouvelle), et voit deux anges, vêtus de blanc, assis l’un à la tête, l’autre au pied du lieu où le corps de Jésus avait été couché, mais cette vue ne produit en elle aucun signe d’alarme, tel que chez les femmes dont il est question ailleurs. En des circonstances ordinaires, quelle surprise, quelle frayeur, une pareille apparition ne lui aurait-elle pas causées ! Eh bien, notre évangéliste ne lui attribue pas même l’ombre d’une pareille émotion. Le besoin de Jésus possédait tellement son coeur que la présence de tous les anges n’aurait pu la troubler le moins du monde. Les deux anges qui sont là l’interrogent : «Femme, pourquoi pleures-tu ?» Aussitôt, elle épanche le sentiment de son coeur : «parce qu’on a enlevé mon Seigneur — répond-elle — et je ne sais où on l’a mis». Alors elle se tourne en arrière et aperçoit Jésus, qui lui aussi demande : «Pourquoi pleures-tu ? Qui cherches-tu ?» Tout d’abord ne reconnaissant pas le Maître, pensant que c’était le jardinier, elle répond en exprimant de nouveau son unique préoccupation : «Seigneur, si toi tu l’as emporté, dis-moi où tu l’as mis, et moi je l’ôterai». Mais un mot rompt le charme, lui rappelle la vérité, et révèle le Seigneur. C’était sa voix, la voix du Bon Berger appelant sa propre brebis par son nom. «Marie», dit Jésus. Aussitôt elle se tourne vers lui et le reconnaît comme son «maître».
«Ne me touche pas», enjoint alors le Seigneur, expression qui ne rend pas complètement la force de l’expression originale, qui se traduirait littéralement : «Ne me touche pas avec la main». Jésus invite Marie à ne pas céder à son désir de s’attacher familièrement à sa personne (le mode particulier du verbe suppose un attachement continu au Seigneur). Autrement dit la phrase aurait cette portée : «Ne persiste pas à t’attacher à moi !».
Cela me semble donner à ce passage beaucoup plus de force et de précision. En effet, nous voyons en Marie de Magdala quelqu’un qui regarde à Jésus selon les espérances juives, quelqu’un qui, dans la ferveur de ses sentiments, ne pouvait que mener deuil sur son absence corporelle et aurait même trouvé une douloureuse satisfaction à penser que son corps mort était encore là. Ceci étant, nous comprenons facilement l’instinct, dirai-je, par lequel elle se saisit du Seigneur sitôt qu’elle le reconnaît. Mais tout de suite, il le lui défend. Et cela est d’autant plus frappant que, dans l’évangile de Matthieu, lorsque les femmes de la Galilée lui saisissent les pieds, il ne refuse pas cet hommage ; au contraire, il l’accepte. Bien plus, dans ce même chapitre de Jean, nous entendons, huit jours plus tard, le Seigneur inviter Thomas à avancer le doigt, à mettre sa main dans son côté.
À quoi attribuer ces différences ? Comment concilier ces attitudes en apparence contradictoires : le fait que Matthieu nous présente l’hommage comme accepté, alors qu’il est ici refusé ? La raison en est aussi simple qu’instructive. En Matthieu, où le Messie nous est présenté comme rejeté par son peuple, nous trouvons aussi le dessein auquel la grâce de Dieu va faire servir ce rejet : celui de proclamer l’évangile aux nations, et d’appeler des disciples du milieu de toutes ces nations. Pensée bénie ! La grâce se refuse, pour ainsi dire, à l’inaction. Il faut à l’énergie de l’amour de Dieu que cette grâce se manifeste. Si le Juif la repousse, il est impossible que Dieu ne prenne pas de nouvelles mesures, qu’il ne répande même de plus grandes bénédictions. Si l’ancien peuple abandonne ses propres miséricordes, il en est d’autres, pauvres et misérables, que Son amour avait jadis comparativement négligés. Israël incrédule, ingrat et aveugle à l’Orient d’en-haut qui l’avait visité, a consommé cette incrédulité par le rejet et la mort de son propre Messie. Dieu alors se sert de ce rejet même pour l’accomplissement de la rédemption et fait proclamer ces bonnes nouvelles à toutes les nations sous les cieux. Et pourtant, malgré ce déploiement des ressources de la grâce envers les Gentils, Matthieu nous fait voir les femmes de Galilée, se tenant fermement attachées à Jésus ressuscité et l’adorant. Quel témoignage ! Jésus est rejeté de la nation ; Dieu va faire servir ce rejet au développement de sa grâce ; et toutefois il prend le plus grand soin que les espérances juives soient maintenues sur une base immuable. Le rejet du Messie signifie la ruine d’Israël, mais le dernier mot est-il dit ? C’est bien la justice, mais que fera la grâce ? Le temps viendra où la miséricorde de Dieu attirera à Lui les coeurs impénitents, à Lui qu’ils auront trop longtemps méprisé. Cette miséricorde ranimera leurs espérances et les liera si étroitement au trône du Fils de l’homme glorifié, qu’au moment même où Dieu jugera le monde en justice, eux seront reçus en grâce ! La chaîne de la miséricorde divine se trouve si fortement rivée à la mort et à la résurrection du Seigneur que, toutes différées que soient leurs espérances, elles conservent pourtant une base inébranlable, et la grâce de Dieu les bénira alors dans la plénitude de ses conseils souverains aux derniers temps.
La fin de l’évangile de Matthieu nous fournit de cette vérité en quelque sorte un gage assuré. Non seulement par les paroles du Seigneur (comme dans la prophétie du chapitre 24) mais encore dans le culte figuratif du chapitre 28. Les femmes de la Galilée forment le type de ce résidu du peuple juif qui, au dernier jour, sera attiré par la grâce, et s’attachera à Jésus, trouvant en lui le Seigneur. Et lui-même ne rejettera pas le culte de ce résidu ; culte qui se distingue par sa présence personnelle et corporelle, après qu’il sera revenu au milieu de son peuple élu. Le Juif, en tant que tel, n’est guère appelé comme le chrétien à marcher par la foi, mais plutôt par la vue : Ils verront celui qu’ils ont percé, déclare Zacharie 12. En effet, ils le contempleront réellement. Il ne s’agit pas de la foi ; ils le verront de leurs propres yeux. Aussi, cette réception du Seigneur par les femmes de la Galilée, leur attachement à sa personne, le fait même qu’il accepte leur culte, tout cela constitue le gage sûr de cette miséricorde du Seigneur qui se déploiera au dernier jour envers le résidu de son ancien peuple, quand il apparaîtra pour régner sur eux ici-bas.
Telle est aussi probablement la raison pour laquelle la scène de l’ascension n’est pas décrite dans l’évangile de Matthieu — circonstance qui plonge le critique dans la perplexité mais qui est pour le croyant la simplicité même. Si l’ascension de Christ avait été introduite ici, elle aurait fait sortir le Seigneur de cette relation. Tandis que sa présence corporelle au milieu des siens, sans mention aucune dans ce chapitre de son départ pour le ciel, le laisse pour ainsi dire avec eux comme leur joie éternelle pour les bénir à tout jamais en miséricorde. Mais au 20° chapitre de Jean, nous avons précisément le contraire : nous y avons une femme, pleinement pénétrée de sentiments israélites, qui, à la vue de Christ ressuscité des morts, témoigne encore de son attachement à ces espérances juives, et cela d’autant plus ardemment que la croix et la mort l’avaient pour un moment privée de tout espoir. Ce qui explique qu’elle ne veuille pas se dessaisir de Christ. Mue par cet amour instinctif, elle s’empare de lui, mais lui la prie de ne pas le saisir ainsi : «Je ne suis pas encore monté vers mon Père». C’est d’une autre manière en effet qu’il se fera maintenant connaître. Il va quitter la scène unique où le résidu d’Israël, plus tard, se rattachera au Messie. Cette espérance-là ne sera pas flétrie ; elle fleurira en son temps et en son lieu ; mais à présent le Seigneur met le résidu à part d’Israël. De fait, c’est ainsi que commença le christianisme : «Le Seigneur», est-il dit, «ajoutait tous les jours à l’assemblée ceux qui devaient être sauvés» (Act. 2:47 note).
Marie de Magdala représente ici ce résidu d’Israël. Jusqu’à ce jour elle avait nourri l’espoir que le Seigneur allait introduire la gloire et la félicité ici-bas pour Israël. Mais Jésus lui apprend que ce n’est pas de cette manière que dorénavant il se plaît à bénir. C’est comme monté auprès du Père qu’il devait être connu du chrétien. Par conséquent songer à le retenir ici, même si cela avait été possible, était hors de saison. Il avait au coeur une pensée infiniment plus haute et allait précisément charger Marie d’en faire part à ses disciples. Annonce, non pas d’un éloignement ou d’une séparation, mais au contraire des liens les plus étroits qui soient : ceux qui nous unissent à Jésus à la droite de Dieu. N’est-ce pas une étrange manière d’opérer l’union, contraire aux pensées de la chair ? Mais la chair n’est aucunement le moyen de notre association avec le Seigneur, tandis qu’il en est ainsi d’Israël. Jésus était lui-même Juif d’origine et de naissance. Mais le chrétien ne le connaît pas ainsi, comme le dit Paul : «Et si même nous avons connu Christ selon la chair, toutefois maintenant nous ne le connaissons plus ainsi» (2 Cor. 5:16). C’est d’une façon bien plus excellente que nous avons affaire à lui. Le connaître ici-bas comme le Messie était une vraie bénédiction, et à ces femmes de la Galilée le Seigneur donna un avant-goût de l’accomplissement de cette bénédiction dans un jour encore à venir. Mais, répétons-le, ce n’est pas cette connaissance-là de Christ qui est le propre du christianisme.
Ayant accompli l’oeuvre de la rédemption, Christ prend sa place à la droite de Dieu comme l’homme céleste. De sorte que le christianisme n’est pas seulement la bénédiction descendant sur la terre, bien que cela aussi soit parfaitement vrai. Mais la scène et la nature de notre félicité sont célestes, notre bien-aimé Sauveur étant déjà au ciel et notre bénédiction s’y trouvant en Lui. En tant que manifestation de Dieu, il n’est rien de plus béni que de contempler dans les évangiles le Seigneur Jésus comme homme ici-bas. Mais ne perdons pas de vue la position spéciale qui résulte de notre union avec lui là-haut. Christ a achevé l’oeuvre qui efface nos péchés et glorifie la nature de Dieu à l’égard de tout ce qui pouvait la compromettre dans ce bas monde. Il est maintenant monté au ciel où il est révélé à nos âmes, et où aussi nous lui sommes unis. En même temps qu’il doit monter au ciel à cette fin, à cette fin aussi le Saint Esprit doit en descendre. La présence de l’Esprit Saint sur la terre est la réponse nécessaire à l’absence de Jésus monté à la droite de Dieu, après avoir opéré la rédemption.
Telles sont les deux grandes et nécessaires vérités qui constituent le christianisme et la raison pour laquelle le Seigneur défend à Marie de le retenir ; car il n’était pas encore monté vers son Père. Tel il devait dorénavant être connu ; telle était la relation qui s’établissait avec lui pour ceux qui croiraient, débarrassés de leurs préjugés juifs et mis en rapport avec l’amour et la gloire dans lesquels il allait entrer lui-même, dans la maison du Père.
Un passage de l’Ancien Testament nous aidera à éclaircir un peu le sujet qui nous occupe. Ce sont au chapitre 5 de Michée les versets annonçant la naissance du Seigneur : «Et toi, Bethléhem Éphrata, bien que tu sois petite entre les milliers de Juda, de toi sortira pour moi celui qui doit dominer en Israël, et duquel les origines ont été d’ancienneté, dès les jours d’éternité». Ce verset 2 associe sa naissance humaine d’origine israélite et sa gloire éternelle — Celui qui, quoique né de femme, était néanmoins «d’ancienneté, dès les jours d’éternité». De qui s’agit-il ? De celui qui est désigné au verset 1 comme le dominateur d’Israël, de qui il est écrit : «ils frappent le juge d’Israël avec une verge sur la joue» (v. 1). Il ne peut évidemment s’agir que de l’humiliation du Messie — né ici-bas à Bethléhem de Juda ; et pourtant, tout aussi bien qu’il est homme, il est Dieu de toute éternité. De sorte que ce verset nous met en présence de vérités touchant Jésus Christ qui ont une importance capitale et dont découle une bénédiction immense. Aucune imagination humaine n’aurait pu les concevoir. Dieu seul, dans la connaissance absolue et parfaite qui lui est propre, peut nous les enseigner dans toute la plénitude de leur simplicité. Voilà ce qui met le comble à la culpabilité d’Israël : c’est qu’une telle Personne, qui était en même temps leur Juge, ait pu être frappée, et surtout par eux, d’une verge sur la joue. «C’est pourquoi il les livrera», ajoute le verset 3. C’est exactement ce qui a eu lieu. Le Juge d’Israël, frappé, a abandonné Israël pour un temps, «jusqu’au temps où celle qui enfante aura enfanté».
Grand est le dessein de Dieu pour les derniers jours ! Le chapitre 12 de l’Apocalypse met en scène cette femme (Israël) mettant au monde un fils mâle (le Messie). Le dragon qui la menaçait est précipité ; la lutte en faveur de la terre et du peuple terrestre se poursuit. Enfin le Juge d’Israël revient, et l’ancien peuple reprend de nouveau sa place, mais dorénavant sous l’autorité de son Messie ici bas. Autrement dit, selon les voies de Dieu, il doit y avoir aux derniers jours un retour à ses conseils concernant les Juifs. De fait, où en sommes-nous aujourd’hui ? Christ a paru ; il a été rejeté par les Juifs et lui les a abandonnés. Depuis la croix, non seulement ils sont abandonnés comme nation, mais Dieu en a appelé du milieu d’eux un certain nombre pour les unir aux Gentils qui ont cru, et pour composer ainsi le corps de Christ. Ce sont ceux dont il est écrit au second chapitre des Actes que «le Seigneur ajoutait tous les jours à l’assemblée ceux qui devaient être sauvés» (v. 47). Mais quand viendra le moment d’accomplir les conseils futurs et éternels de Dieu envers Israël sur la terre, alors, poursuit le passage de Michée, «le reste de ses frères (au lieu d’être séparés comme aujourd’hui pour former l’Église) retournera vers les fils d’Israël» (v. 3). Aujourd’hui les croyants juifs perdent leur caractère israélite, pour former avec ceux des nations «un seul homme nouveau». Mais dans ce jour futur, ils retourneront aux conseils anciens et aux voies initiales de Dieu envers son peuple terrestre. Admirons la clarté et l’harmonie de toute la vérité, l’ancienne et la nouvelle. N’est-ce pas à la fois la preuve et le fruit de la vérité divine qu’elle nous mette encore à même de trouver une nouvelle beauté, un nouvel ordre dans ce qui, avant cette connaissance additionnelle, pouvait sembler incohérent, un amas immense de matériaux que nous n’avions jusque-là aucun moyen de coordonner ? Mais il suffit que Dieu nous dise touchant n’importe quelle partie de la vérité : «que la lumière soit», pour que tout s’illumine aux yeux de notre foi. À sa manière propre et glorieuse, Dieu montre alors comment la nouvelle lumière s’adapte heureusement à l’ancienne.
Ce qui paraît ici interrompre les conseils de Dieu, introduire la confusion dans ses voies, en constitue précisément la clé de voûte. De fait aucun conseil de Dieu ne saurait jamais faillir. Peut-être le coeur devra-t-il être mis à l’épreuve par une longue attente. L’incrédulité semble avoir tout pour elle ; mais la foi seule a toujours raison, et chaque parole que Dieu a prononcée sera accomplie, tous ses desseins aboutiront infailliblement, et cela par le moyen de la mort de Christ.
Le Seigneur fait ici une révélation tout à fait nouvelle. Elle concerne sa Personne. Remarquons d’ailleurs comment dans l’évangile de Jean tout se rattache à cette Personne ; il s’agit non de dispensation, mais de lui-même. Ici il est considéré dans son ascension. En vérité après la rédemption, rien n’est plus important à comprendre si nous voulons faire des progrès et jouir du christianisme. Prenez n’importe quel autre système : les personnes qui s’y rattachent sont comparativement insignifiantes ; l’une disparaît, une autre la remplace. Mais séparez Christ du christianisme, que reste-t-il ? De plus, le Saint Esprit peut-il sceller de son sceau le moindre déshonneur fait au Seigneur Jésus, le moindre mépris de son oeuvre ou de sa gloire ?
Jésus annonce à Marie qu’il va monter vers le Père, et que pour cette raison l’hommage rendu à sa présence corporelle ne concorde pas avec la manière dont il veut désormais se révéler, manière qui ressort de tout l’évangile de Jean. Celui-ci se compose de deux grandes parties. La première est la révélation du Fils de Dieu et de son oeuvre ; la seconde, la révélation d’une autre Personne, également divine, qui, au départ de Christ, prend sa place ici-bas parmi les disciples. Tout le christianisme est là : Christ lui-même, l’objet de la foi ; et le Saint Esprit, la puissance qui établit la gloire de Christ dans l’Église aussi bien qu’en chaque chrétien.
De ces deux parties, c’est spécialement la première, concernant Christ, que nous trouvons dans le message confié à Marie par le Seigneur : «Va vers mes frères, et dis-leur : Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu». Non seulement il associe les siens avec lui — fait d’une immense valeur — mais, en outre, il détermine leur relation avec Dieu. Cette relation n’a aucun rapport avec les formes anciennes de bénédiction. Ce n’est pas la révélation de sa puissance protégeant ses pauvres pèlerins sur la terre. Il n’est pas fait mention du Dieu Tout-puissant. Ses voies de gouvernement envers Israël dont il était le Dieu comme Jéhovah l’Éternel, ne s’y trouvent pas davantage. Ici tout est en rapport avec Christ montant au ciel. C’est le texte même de son message : «Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu». Parole pleine de bénédiction ! Ce que le Père est pour le Fils, il le devient désormais pour les fils. Ce que le Père était pour cet Homme béni qui vient d’abolir le péché, il le devient, et rien de moins, pour ceux dont les péchés ont été abolis. Dieu qui est pleinement en relation avec Jésus comme Dieu et Père l’est dorénavant aussi avec nous par la rédemption de Christ et dans la résurrection.
Il ne s’agit pas d’une connaissance vague de Dieu comme paternel dans ses voies. Dans la grande détresse d’Israël, Ésaïe le prophète fait dire à ce peuple : Véritablement, «tu es notre Père : si Abraham ne nous connaît pas, et si Israël nous ignore, toi, Éternel, tu es notre Père» (És. 63:16). Le but de ce langage n’est évidemment pas de décrire leur relation mais simplement de leur apporter de la consolation. Ce n’est que comme nation qu’Israël pouvait réclamer une place pareille, comme le montre par exemple Exode 4. Mais ici, nous avons infiniment plus. En effet, lui qui était Fils, et qui connaissait le Père comme nul autre ne pouvait le connaître, était descendu sur la terre. Il était venu ici-bas comme un homme, l’objet alors des délices du Père tout aussi parfaitement que lorsqu’il était simplement Dieu, dans sa présence. Jamais un mot n’avait été prononcé par lui, jamais aucune émotion ressentie, jamais pensée ne lui était entrée au coeur, jamais motif ne l’avait inspiré, qui n’ait été la parfaite expression de la bonté même de Dieu. Seul, Jésus répondait moralement en esprit, en oeuvres et en paroles à tout ce qui se trouvait en Dieu. Aussi Dieu se penchait-il du ciel pour considérer ce seul Objet qui puisse faire en tout temps ses délices. Sur ce monde coupable dont les iniquités le provoquaient continuellement, il portait le regard d’en haut et parfois y répondait par les coups terribles de son jugement. Mais maintenant, pour la première fois depuis le commencement des âges, il ne s’agissait pas seulement d’entrevoir un rayon éloigné de sa gloire : Dieu se réjouissant dans un Énoch ou un Noé. Le Fils se trouve là lui-même ; le ciel s’ouvre et Dieu fait descendre le Saint Esprit sur Jésus en tant qu’homme. Il ne peut être en effet question de la descente du Saint Esprit sur lui comme Dieu ; c’est comme homme qu’il fut oint de l’Esprit Saint. «C’est lui que le Père... a scellé» — «le Fils de l’homme». Afin de trouver pour la première fois ce qui répondrait à tout son jugement, à tous ses sentiments, à tout son être moral, à ses plus intimes affections, Dieu eut à porter le regard sur un homme !
Mais, l’heure vient où un changement immense s’opère sur le Bien-aimé. Une scène nouvelle se présente : les cieux sont voilés par d’épaisses ténèbres. Dieu lui-même, du sein de cette profonde obscurité, agit contre lui. C’est l’heure où il est permis à l’homme poussé par Satan de se dresser contre le Messie et de l’accabler. Et au milieu de cette scène, Dieu, dans toute sa majesté et son horreur absolue du mal, se déploie contre le péché dont la sainte personne de Christ est chargée comme victime de propitiation.
C’est bien l’heure redoutée où les comptes doivent être rendus. Le jugement divin contre toute iniquité et indifférence, contre l’injustice envers l’homme et la révolte contre Dieu, ce jugement tombe sur le Saint de Dieu. Aussi, ce n’est pas seulement l’heure de l’homme, ni exclusivement la puissance des ténèbres, c’est encore, et au-delà de tout, l’heure de Dieu ; l’heure où sa sainteté, qui ne saurait rien épargner, revendique ses droits sur Celui qui porte le péché : son propre Fils se livrant Lui-même, victime responsable, pour porter le jugement de nos péchés sur la croix. Tout ce que Dieu pouvait ressentir contre le péché s’épuisa alors sur le Fils, sans qu’aucune circonstance atténuante vienne briser, pour ainsi dire, la force de sa colère et de son indignation. Et c’est pourquoi cette rédemption par le sang de Christ est parfaite dans le sens absolu. Dieu n’a plus besoin dorénavant pour la justification et le maintien de son caractère d’ajouter un seul mot, un seul acte, qui n’ait déjà fait valoir ses droits sur la personne du Seigneur Jésus Christ. À une oeuvre aussi entière, ne peut que répondre une révélation entière aussi bien de sa nature de Dieu que de l’amour du Père. Rien dans le saint caractère de Dieu n’est plus caché ni gardé en réserve : tout ce qu’il ressent contre le péché s’est épuisé sur le Seigneur Jésus. Et par conséquent, tout ce qui se trouve en lui, comme Père et comme Dieu, s’exprime désormais en notre faveur. Le mal qui est en nous a été si pleinement condamné qu’il ne s’agit plus maintenant pour Dieu, non seulement comme Père mais comme Dieu, que de témoigner sa parfaite satisfaction dans la rédemption accomplie par le Seigneur Jésus.
Et c’est bien dans ce sens-là que le Seigneur s’adresse à ses disciples par le message qu’il leur envoie. Ils l’avaient vu se remettre à son Père lorsque personne ne pouvait sympathiser à ses douleurs, déjà comme homme de douleurs dans ce monde sans être encore la propitiation pour le péché. Ils avaient su que chaque jour, avant l’aurore, il était avec son Père. Ils avaient pu voir que pendant le sommeil des autres, lui était toujours devant le Père. Ils avaient pu voir aussi que chacun des fardeaux dont il se chargeait, chaque souffrance humaine qui attirait son regard remplissait son coeur de divine compassion et l’amenait plus près du Père. Mais à la croix, il ne s’agit plus de sympathie ni de communion. Il s’agit de ce que Dieu ressent contre nos péchés imputés au Seigneur Jésus, nullement toutefois contre lui-même. Jamais au contraire Christ n’est davantage l’objet des délices ineffables de Dieu qu’au moment où il porte le jugement de nos péchés. Néanmoins il importe au caractère de Dieu que les souffrances de Jésus ne soient nullement un semblant de souffrance, mais qu’il endure réellement, effectivement, le jugement divin. Car il prend réellement en notre faveur cette position devant Dieu, de même qu’auparavant il avait joui réellement, durant sa vie entière, d’une communion parfaite avec son Père.
Nous comprenons maintenant toute la précieuse portée du message dont Marie est chargée. Ce que Jésus connaissait comme Fils de Dieu né dans le monde, il le remet, en quelque sorte, entre nos mains. Ce n’est pas, certes, que nous puissions partager ce qui lui appartenait ici-bas en tant que Personne divine. Il est, il était le Fils unique avant la création des mondes. Là, évidemment, nous ne saurions prendre place avec lui. Comme tel, il est pour nous tout simplement l’objet de l’adoration et du service dévoué. Mais lui, le Fils avant toute création, était né Fils de Dieu. Il était Fils de Dieu comme homme ici-bas, et c’est à l’évangéliste Luc qu’a été commise la charge de retracer sa marche comme tel parmi les hommes. Tous, par nature, nous étions enfants de colère. Lui, dans sa nature humaine aussi bien que dans sa nature divine, était Fils de Dieu. L’ange annonce à Marie que le saint (enfant) qui naîtra sera appelé Fils de Dieu (Luc 1:35).
Entre Christ et l’homme, existait à tous égards un contraste parfait. Alors qu’il était impossible à ce dernier de goûter la communion avec Dieu, celle de Jésus avec Dieu était continuelle et il était pour le coeur du Père l’objet de parfaites délices. La condition de l’homme pécheur était celle du mal et de la colère. Mais la rédemption délivre celui qui croit, de tout mal, de toute colère. Sinon, serait-il possible de se fier à la Parole de Dieu ? Que voudraient dire les assurances constantes et solennelles qui y sont adressées à la foi ? Si la Parole m’a apporté un tel témoignage touchant la croix, mon âme se repose-telle sur ce témoignage ? Suis-je bien assuré que devant Dieu il ne reste plus sur moi, comme croyant en Jésus, absolument aucun mal ? Il est entièrement effacé et banni. Ce n’est pas de l’expérience que je parle ici. Il est clair que quiconque a de la conscience sent son propre mal ; et nous qui avons la foi, par cela même, nous le sentons davantage. Plus nous connaîtrons son amour, et plus nous aurons horreur du péché. Nous ne serons pas jugés pour le péché ; c’est précisément pour cela que nous devons nous-mêmes condamner tout péché. Si nous étions jugés, nous serions perdus. Ce que Christ a accompli nous met à même, nous qui croyons, de juger maintenant le péché. La responsabilité du chrétien consiste à porter, pour ainsi dire, dès à présent, la sentence de Dieu contre le péché ; en nous-mêmes premièrement, mais aussi quand nous le rencontrons chez ceux qui portent le nom de Christ et avec lesquels nous sommes unis comme membres de son Corps, qui est un. Si le mal est détestable quelque part, c’est bien chez l’enfant de Dieu. Et c’est là précisément qu’il nous faut l’intervention de la rédemption et la puissance de l’Esprit.
Beaucoup de chrétiens semblent ne jamais dépasser le stade de la rémission des péchés et de la nouvelle naissance. Ils se privent du privilège de vivre pour Dieu. Ils méconnaissent les nouvelles relations de la grâce dans laquelle ils sont placés. C’est cette base et la forme de ces relations, tant envers Dieu qu’envers Christ lui-même, qui nous sont présentées dans le message confié à Marie : Dis à mes frères : Je monte vers mon Père et votre Père, et vers mon Dieu et votre Dieu. Ainsi je puis regarder en haut comme quelqu’un que Jésus n’a pas honte d’appeler son frère. Je puis regarder en haut et voir son Père et le mien, son Dieu et mon Dieu, dans la certitude absolue que je suis ainsi amené à lui dans toute la valeur et la relation intime de Jésus, et que l’oeuvre accomplie par lui et acceptée de Dieu est la base morale de mon salut et de ma bénédiction. Dans la grâce qu’il nous témoigne aujourd’hui, Dieu rend, en quelque sorte, justice à cette oeuvre et en reconnaît la pleine valeur. On peut même affirmer que l’oeuvre infinie de la croix ne serait pas pleinement justifiée par Dieu s’il n’usait pas envers nous de grâce entière et ne reconnaissait pas les relations proclamées maintenant par Jésus lui-même. Hâtons-nous d’ajouter que ces bénédictions n’ont pas été péniblement extorquées à Dieu. Au contraire, elles répondaient à ses propres desseins. Il désirait trouver des êtres qui prendraient place dans son amour et en jouiraient en vertu de ces relations mêmes, établies par le Seigneur Jésus. Le Père avait contemplé le Fils comme un homme sur la terre. Et maintenant c’est comme s’il disait : il me faut des fils ; il me faut des âmes, jadis pécheresses, qui deviennent mes enfants. Autrefois j’avais un peuple ; en dépit d’une bonté inépuisable à son égard, celui-ci s’est corrompu ; il est devenu aussi misérable que le péché pouvait le rendre ; mais voilà, je vais me former un peuple nouveau, une famille qui ne soit pas de ce monde, bien qu’elle soit encore dans ce monde.
Et c’est de cela que Dieu s’occupe maintenant. Son amour agit sur la base de l’oeuvre de la croix, et de la résurrection qui en est le résultat. Ceux qui sont appelés, Jésus les reconnaît comme ses frères, et cela après sa mort et sa résurrection. Contrairement aux affirmations du rationalisme et de la religion conventionnelle, d’accord pour une fois, le seul moyen d’avoir de saintes relations avec Dieu conformément à sa pensée est bien cette base posée sur la croix de Christ. Ce n’est pas, comme certains théologiens l’ont prétendu, et le prétendent encore, l’incarnation du Seigneur Jésus qui établit l’union avec sa créature. Dans l’Écriture, la base invariable du lien qui nous attache à notre Chef glorifié, c’est sa mort, sa résurrection, son ascension. L’incarnation était nécessaire pour manifester un homme parfait et une personne divine : le Fils de Dieu, ici-bas. Mais la rédemption fut accomplie afin de nous introduire dans sa propre relation. La rédemption ne se proposait et n’effectuait rien moins que cela. Car la justice de Dieu qui sans la croix aurait dû s’abattre en châtiment sur nous, nous place maintenant, autant que la chose est possible, dans la position de Christ devant Dieu. Combien notre Dieu est bon et sage ! Quelle efficace dans la mort et dans la résurrection de Christ, sauvant ceux qui croient et leur donnant déjà le titre (et, par la puissance du Saint Esprit, la joie aussi dès à présent) de sa propre position comme Fils de Dieu et homme ressuscité ! Je le répète : sa place de Fils, objet pour nous d’un culte incessant, n’est pas mise de côté. Mais il nous accorde, à nous, d’être fils, et de goûter ses propres affections dans cette relation si intime ; en contraste avec la simple position de saints, ou de membres d’un peuple béni sur la terre. Voilà ce que notre Seigneur Jésus établit tout d’abord.
Mais il fait encore davantage. Le soir de ce même jour, le Seigneur se trouve au milieu des siens rassemblés. Et le premier mot qu’il prononce, c’est celui de paix : «Paix vous soit !» Précieuse parole ! Ce n’était pas simplement la rémission des péchés, toute bénie qu’elle soit. La paix est bien autre chose que le simple pardon des péchés. «Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté». Il leur fait voir ce qui constitue le signe et le témoignage du sang versé sur la croix, par lequel il a fait la paix. «Les disciples se réjouirent donc quand ils virent le Seigneur». Il leur dit encore une fois : «Paix vous soit !», moins comme une parole personnelle que comme préambule à leur mission. Car il ajoute : «Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie». La première parole de paix est essentiellement pour leur propre joie, tandis que la seconde déclaration se présente comme prélude à leur ministère. C’est le message avec lequel ils sont envoyés vers d’autres. Ils se mettront en route munis de la force renouvelée de cette paix. Comme le Père l’avait envoyé, de la même manière le Fils les envoie, lui qui parle toujours comme le Fils de Dieu, dans la jouissance consciente de sa communion avec le Père.
Mais un signe remarquable accompagne cette parole. «Ayant dit cela, il souffla en eux, et leur dit : Recevez l’Esprit Saint. À quiconque vous remettrez les péchés, ils sont remis ; et à quiconque vous les retiendrez, ils sont retenus» (v. 22, 23).
Deux théories contradictoires se sont fait jour dans la chrétienté au sujet de ce passage. L’une affirme que notre Seigneur établit ici une sorte d’autorité sacerdotale, en vertu de laquelle ceux à qui il s’adressait alors, ainsi que leurs successeurs, recevaient le pouvoir d’accorder en son nom la rémission des péchés à quiconque confesserait convenablement ses fautes. Ils admettent bien tous qu’il se peut que les conditions ne soient pas remplies — et qu’après tout, la rémission ne soit pas effectuée. Mais pourtant, ils soutiennent que, là où existe la droiture de la part de l’homme, le Seigneur s’engage à faire sa part par l’entremise de ses serviteurs, et par cela on entend l’absolution prononcée par le moyen d’un clergé mandaté à cet effet. Non, rétorque le parti opposé, ce n’est pas ce que le Seigneur institue ici. Ce passage suppose une action miraculeuse. Si de nos jours on a la prétention d’absoudre les gens de leurs péchés, pourquoi ne pas aussi guérir les lépreux et ressusciter les morts ? Pourquoi ne pas opérer les autres miracles que le Seigneur rendait ses disciples capables d’accomplir ? Il est clair que cet argument suppose que, si les hommes pouvaient guérir les lépreux et ressusciter les morts, ils auraient aussi le pouvoir d’absoudre les péchés. Mais je nie que les disciples aient jamais possédé le droit d’accorder une telle absolution.
En vérité, il est difficile d’affirmer laquelle de ces deux théories s’écarte le plus de l’Écriture. Ce qui donne la clef du sujet, c’est la résurrection du Seigneur telle qu’elle est présentée ici. Une plus intime connaissance de Christ et de la puissance de sa résurrection ferait comprendre ce qui en est le fruit. Observons-le bien : c’est après que notre Seigneur a envoyé ses disciples comme messagers de sa paix qu’il souffle en eux. Je ne connais dans la Bible qu’un seul acte dont celui-ci puisse être rapproché tout en comportant avec lui un contraste plein d’instruction. En nous reportant au deuxième chapitre de la Genèse, nous constatons une différence très frappante entre la formation de l’homme par l’Éternel et celle des autres animaux. Quand il créa les variétés multiples d’animaux : poissons, oiseaux, reptiles, bêtes des champs... chacun eut en lui «une âme vivante» par le simple fait qu’il possédait une organisation appropriée. Mais pour l’homme, il n’en fut pas ainsi. Il fut fait de la poussière du sol ; mais ce n’est pas pour avoir été ainsi façonné qu’il devint une âme vivante. Lui seul reçut sa vie directement d’en haut : L’Éternel Dieu «souffla dans ses narines une respiration de vie, et l’homme devint une âme vivante» (Gen. 2:7). Aucun autre être animé ne fut fait de la même manière. L’homme seul possède le souffle de l’Éternel Dieu. C’est là la vraie source de l’immortalité de l’âme (*). C’est aussi la raison pour laquelle seul l’homme se trouve directement dans une position de responsabilité morale vis-à-vis de Dieu ; il doit rendre compte des choses faites dans le corps à ce Dieu qui lui donne ainsi son âme et son esprit. Le principe vital de la bête périt avec elle, parce qu’il s’agit simplement de ce qui, par la volonté de Dieu, se rattache à son organisation physique. Tandis que l’homme possède une âme et un esprit qui, en vertu de leur origine, subsistent à toujours, distincts du corps, ayant avec Dieu lui-même un rapport conscient. L’âme participe à une immortalité que le corps tout seul, vivant ici-bas de sa propre nature, ne possède point. La mortalité du corps relève simplement de la volonté de Dieu. Au contraire l’immortalité de l’âme et de l’esprit dépend d’un principe intrinsèque, indestructible qui leur est attaché. Voilà pourquoi aussi le corps de l’homme sera ressuscité et réuni à son âme et à son esprit ; et ainsi «chacun de nous rendra compte pour lui-même à Dieu» (Rom. 14:12).
(*) Immortalité : ici et plus loin : dans le sens d’existence éternelle. À strictement parler, l’âme n’est pas immortelle puisque celle de l’incrédule connaîtra l’horreur de la seconde mort après la résurrection de jugement qui aura réuni cette âme à son corps (Réd.).
Revenons à notre sujet, c’est-à-dire à la Personne du Seigneur Jésus Christ sous le double caractère que cet évangile est seul à réunir : Il est homme — ici, homme ressuscité — mais il est aussi l’Éternel Dieu ; et Thomas le confesse peu après : «Mon Seigneur et mon Dieu». En ce premier jour de la semaine, il est devant nous, lui, l’homme ressuscité, le second homme ; et comme Esprit vivifiant, il souffle en ses disciples pour leur donner la vie. C’est l’Esprit du Christ Jésus ressuscité des morts ; c’est le Saint Esprit accompagnant cette vie de résurrection et en étant la puissance, que le Seigneur, comme Chef d’une nouvelle famille, confère aux membres de celle-ci. Ils avaient cru en lui, ils avaient donc déjà la vie éternelle. Mais maintenant ils reçoivent cette vie en abondance.
C’est donc là le changement capital qu’introduit l’acte de notre Seigneur Jésus Christ. Certains diront peut-être : «Si l’on obtient la vie éternelle, je ne vois pas quelle différence cela fait que ce soit une vie de résurrection — ni ce qu’elle peut donner de plus». Je voudrais qu’ils prennent conscience à quel point la victoire complète diffère de la lutte avec la mort, la liberté diffère de la servitude, le repos en Christ diffère du tourment qui consiste à poursuivre le bien sans parvenir à l’atteindre, à s’efforcer d’éviter le mal tout en y étant sans cesse entraîné. Ce dernier état est celui de l’homme qui ignore la puissance libératrice de la résurrection de Christ. Mais pour celui qui a la foi, cet état a pris fin. Le croyant réalise qu’il est introduit dans une position nouvelle par la mort et la résurrection du Seigneur Jésus Christ. La vie que je reçois aujourd’hui en Christ est une vie qui n’est pas asservie à la loi ; elle n’a rien à faire avec la terre ni avec ses ordonnances. C’est la vie de Celui qui m’a fait entrer dans la paix parfaite avec Dieu, de Celui qui m’a mis en possession de sa propre relation. Et c’est pour donner cette vie dans sa forme la plus condensée, dans sa plus entière puissance, que le Seigneur souffle dans ses disciples. Il détermine ainsi le nouveau caractère de la vie que déjà ils possédaient, attestant que ce qu’ils vivaient dans la chair était véritablement la vie de la foi au Fils de Dieu. «Je ne vis plus, moi, dit l’apôtre, mais Christ vit en moi» (Gal. 2:20). Et c’est en soufflant ainsi en eux qu’il leur communique cette vie. Il les fait participer à lui-même, tel qu’il est en résurrection, maintenant que toutes les questions ont été à jamais réglées et que la délivrance parfaite, assurée par lui, est accordée aux siens.
Paul fait allusion à cette vérité quand il s’écrie : «Il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus». Et pourquoi ? «Car, ajoute-t-il, la loi de l’Esprit de vie dans le Christ Jésus, m’a affranchi de la loi du péché et de la mort» (Rom. 8:1, 2). La loi (ou le principe) de l’Esprit de vie dont parle l’apôtre est exactement ce qui est ici accordé aux disciples. C’est l’Esprit Saint, mais comme Esprit de vie ; non pas ici comme l’Esprit de puissance, opérant des miracles, ou déployant son énergie — ce que les hommes sont portés à admirer beaucoup plus. Encore bien moins était-ce cette prétention extrême selon laquelle l’homme prend la place de Dieu et prétend pardonner les péchés sur la terre. Jamais apôtre ne s’est arrogé un tel droit. C’était un privilège de tout autre nature, et il est aussi vrai actuellement qu’au jour où Jésus ressuscita des morts. Cette action du Saint Esprit consistait, et consiste encore, simplement dans la communication de la vie selon le caractère et la puissance de la résurrection par l’entremise de Jésus Christ, le second homme, ressuscité des morts. C’est la portée de l’expression : «Recevez l’Esprit Saint». L’Esprit de Dieu accompagne toujours la vie que le Seigneur donne. Sans doute, c’est Christ qui est l’objet de la foi et qui donne la vie ; mais, c’est par l’opération du Saint Esprit qu’il la donne. Communiquée durant le cours de sa vie humaine ou dans les jours actuels, c’est toujours l’Esprit de Vie qui accompagne cette vie ; et c’est pourquoi ces paroles de Jésus en confèrent la puissance.
Mais il ajoute : «À quiconque vous remettrez les péchés, ils sont remis ; et à quiconque vous les retiendrez, ils sont retenus». On dira : Croyez-vous cela ? Assurément ; et bien plus, je crois que tous les enfants de Dieu possèdent ce pouvoir et sont responsables envers Dieu d’y conformer leur marche. Voilà, diront certains, une prétention peu ordinaire ! Appartient-il à un autre qu’à Dieu de remettre et de retenir les péchés ? Le passage répond par l’affirmative. Mais à qui le Seigneur s’adressait-il ce jour-là ? Non pas seulement aux douze apôtres, mais à tous les disciples. «Le soir donc étant venu, ce jour-là, le premier de la semaine, et les portes du lieu où les disciples étaient... étant fermées...» Si cela avait été une prérogative restreinte au corps des apôtres, assurément l’Esprit aurait pris soin de le signaler. Mais ici le Seigneur parlait aux disciples — à leur nombre tout entier. Prenons la Parole telle qu’elle est écrite. Ce qu’il dit alors ne s’applique-t-il pas à tous ? La vie de résurrection du Seigneur Jésus Christ n’était-elle que pour les douze ? La paix conférée par le Seigneur avec tant de solennité et d’une manière répétée, n’était-elle que pour les apôtres ? Évidemment non ! Les apôtres y eurent part, sans doute, et y attachèrent certainement le plus grand prix.
Sans parler de dons personnels, le Seigneur conférait à ses apôtres une autorité spéciale pour former les assemblées et pour les gouverner une fois formées. Ce privilège de poser le fondement comportait des actes d’initiative et de gouvernement que l’Écriture n’assigne qu’aux apôtres. Mais il entre si peu dans le dessein et le caractère de l’évangile de Jean de s’arrêter à ce qui est officiel, que le mot «apôtre» ne se trouve nulle part dans son récit. L’esprit, la forme, la substance de cet évangile sont consacrés à ce qui est essentiel et qui ne passe pas. De plus, nous le verrons, cette portion de l’évangile place expressément le christianisme sur une base qui lui est propre et lui imprime un caractère tout à fait distinctif devant Dieu et devant les hommes. Ce sont autant de raisons pour nous convaincre que nous ne devons pas restreindre l’application de ces paroles aux douze, ou à d’autres qui leur succéderaient. Encore moins peut-on les rattacher aux fonctions des anciens, comme si le pouvoir de remettre et de retenir les péchés leur avait été officiellement confié ainsi que certains corps religieux le prétendent avec tant d’assurance. Le fait est que le Seigneur Jésus a devant lui ses disciples comme tels ; c’est à eux tous qu’il communique l’Esprit ; c’est donc bien eux tous qu’il charge de cette importante mission. Mais l’histoire inspirée des apôtres, ainsi que les épîtres, ne jettent-elles aucune lumière sur le sens dans lequel les premiers croyants entendirent les paroles de Christ, et dans lequel nous devons aussi les interpréter ? Prenez, par exemple, ceux qui furent convertis le jour de la Pentecôte, et d’autres que le Seigneur ajoutait progressivement. Par qui leurs péchés étaient-il remis ? Ils ne se contentaient pas de croire à l’Évangile individuellement ; ils soumettaient à ceux qui étaient chrétiens avant eux leur confession du nom du Seigneur. C’est là un fait de la plus haute importance. Il ne m’est pas permis de me déclarer chrétien sur la seule opinion que je forme de moi-même, sur mon propre jugement quant à la foi que je professe ; je dois soumettre mes prétentions à ceux qui ont été en Christ avant moi. Toute miraculeuse qu’ait été sa vocation, Paul lui-même n’en fut pas dispensé. Il fut baptisé par un certain disciple ; plus tard il fut reçu par d’autres. Voilà qui est plein de consolation. Pour un chrétien, se refuser à ce privilège, ou l’affaiblir, est de la présomption. En effet, plus la foi d’un homme est véritable et plus il désirera que d’autres en fassent l’examen. Il est bon de se soumettre les uns aux autres et cela dès le commencement, dans la crainte de Dieu qui est plus sage que l’homme et qui a déclaré sa volonté par le moyen de ces paroles du Seigneur Jésus.
Lorsqu’une personne fait profession de revenir à Dieu avec repentir et foi ; lorsqu’elle croit au nom du Seigneur Jésus Christ, il ne lui est pas seulement demandé de se reposer sur ce divin Sauveur pour le salut de son âme ; elle doit «confesser de sa bouche» aussi bien que «croire dans son coeur» (Rom. 10). Cette confession a normalement lieu en rendant témoignage devant le monde. Mais il convient qu’elle soit faite aussi devant d’autres enfants de Dieu. Un nouveau converti pourrait nourrir des pensées portant atteinte à la gloire de Christ ou ne pas être assez sur ses gardes contre tel danger pour son âme et pour celle des autres. Alors s’exerce cette fonction de la plus haute importance qui échoit à ceux qui sont avant lui dans la foi — fonction que l’Écriture ordonne pour la gloire de Dieu, comme nous voyons faire à l’apôtre Paul dans le 15° chapitre des Romains (v. 7). Soyons sûrs que les disciples constitués en assemblée de Dieu sanctionnèrent dans certains cas la rémission des péchés, dans d’autres les retinrent. Ils avaient à recevoir cordialement et en simplicité, comme frères de Jésus, ceux qui peu auparavant se corrompaient peut-être dans toute espèce de péchés, mais qui d’un moment à l’autre s’étaient tournés vers Dieu. N’était-il pas capital dans ces conditions qu’il y ait dans ce monde un corps constitué par le Seigneur, possédant une autorité positive pour reconnaître la réalité de ces conversions ? Capital de prendre acte de la confession de ceux qui étaient sincères et d’examiner les prétentions de ceux qui faisaient profession de christianisme ? Un tel examen ne pouvait aucunement nuire à un véritable enfant de Dieu. Au contraire, c’était une grande consolation pour lui, une joie de plus pour son coeur. Il était reconnu et accueilli ici-bas comme il l’était au ciel où les anges se réjouissent devant Dieu au sujet d’un pécheur qui se repent. Par contre c’était un frein sérieux chaque fois qu’il y avait de la réserve, que quelque méchanceté se cachait ou qu’on percevait le désir d’introduire quelque chose en secret !
L’assemblée de Dieu agissait constamment dans l’esprit de cette règle ; on remettait et on retenait les péchés. Je ne parle pas de la circonstance solennelle où Ananias et Sapphira furent frappés de mort à l’instant et sur place, mais d’occasions où ceux qui péchaient devaient être retranchés puis rétablis publiquement. Les deux épîtres aux Corinthiens illustrent les deux faces de ce sujet. Un homme avait été retranché comme méchant à la suite de ce que Paul avait écrit dans la première épître (chap. 5). Dans la seconde, le cas est de nouveau examiné : «il suffit, pour un tel homme — déclare l’apôtre — de cette punition qui lui a été infligée par le grand nombre, de sorte qu’au contraire, vous devriez plutôt pardonner et consoler, de peur qu’un tel homme ne soit accablé par une tristesse excessive. C’est pourquoi je vous exhorte à ratifier envers lui votre amour» (2 Cor. 2:6 à 8). Dans ce cas, nous trouvons d’un côté le péché retenu, de l’autre le péché remis. Et je pense qu’une des raisons pour lesquelles les chrétiens ont cessé de tenir leur position séparés du monde et de marcher heureux dans la joie que le Seigneur donne, source de riches bénédictions pour les autres, c’est qu’ils ont perdu de vue cette responsabilité, la traitant de fonction ministérielle ou de puissance depuis longtemps évanouie. L’Église, qui avait pour dot l’amour et la gloire du Seigneur Jésus, n’a pas, sous prétexte de charité, maintenu sa position de peuple à part ; elle a cru pouvoir annexer le monde, christianiser des foules et des peuples entiers sans ce contrôle de la foi individuelle. Mais aucune indulgence charitable ne peut être en profit à ceux qui ne croient pas. Il n’en est pas même question envers ceux qui ont la foi. Les bornes publiques et distinctives de la grâce et de la sainteté ont ainsi été foulées aux pieds, et par conséquent la fonction qui consiste à remettre et à retenir les péchés — si l’on excepte les superstitieux qui en font un acte sacerdotal — a été sous-estimée ou même absolument mise de côté.
Les paroles du Seigneur enseignent au contraire que l’assemblée chrétienne dans ce monde doit être connue comme le témoignage public et l’expression de ce que la grâce a fait. De quelle manière ? En recevant ceux dont la confession lui paraît satisfaisante et en rejetant publiquement ce qui ne se recommande pas à sa conscience. Précisons bien que le critère pour être reçu n’est pas un certain degré de lumière et d’intelligence. Sans aucun doute, l’intelligence spirituelle a sa place et sa valeur. Mais soyons certains d’une chose : ce que Jésus souffla en ses disciples n’était pas de l’intelligence simplement ; c’était sa propre vie de résurrection. Et c’est bien là ce qu’il voudrait nous voir accueillir ; c’est là ce que nous devons reconnaître chez ceux qui se présentent. Il vous a vivifiés ensemble avec lui, vous ayant pardonné toutes vos fautes (Col. 2:13). Ceci ne permet pas de sanctionner le péché sous prétexte que la vie de Christ est aussi là. Mais nous devons accueillir les brebis et les agneaux de Christ et témoigner un grand support en nous occupant des fautes qui sont les fruits d’une fausse position et d’un mauvais enseignement. Prenons bien garde de ne pas faire le jeu de l’ennemi en ayant même l’apparence de confondre le principe sur lequel nous recevons, avec un certain degré d’instruction ou d’expérience chrétiennes. Retenons ferme ce fait — grand, simple et infini — que Jésus souffle en ses disciples l’Esprit de sa propre vie de résurrection. À ce titre nous devons recevoir les plus faibles comme faisant partie de l’assemblée chrétienne. Mais si d’une part nous accueillons, de l’autre ne craignons pas de rejeter, selon que la confession est, ou n’est pas digne du nom de Jésus. Un homme a-t-il véritablement la vie de résurrection de Christ ? attendez-vous de sa part à la sainteté, fruit d’une conscience purifiée. De plus nous pouvons admettre que Christ sera la mesure de tous ses jugements, de même qu’il est la source de toutes ses bénédictions, et, après tout, l’objet dont son âme sera occupée. C’est pourquoi, le nom de Jésus, passeport unique et suffisant pour la simple créature qui possède en lui la vie éternelle, ce même nom reste la pierre de touche pour rejeter toute prétention qui compromet Sa gloire. Que le Seigneur soit pour nous, comme il l’est en vérité, la parfaite, la seule mesure. S’il est reconnu honoré tout ira bien, et nous en serons bénis. En revanche, essayer d’unir Christ au péché est une tentative fatale. Quoi de plus outrageant pour Dieu ? Aussi, il est de toute importance que nous le tenions, lui, fermement devant les yeux ; nous éviterons ainsi les pièges tendus pour nous faire ériger des systèmes, des théories ecclésiastiques, choses que nous avons laissées derrière nous.
Soyons persuadés que toute théorie religieuse est fausse si d’une manière quelconque on lui permet de voiler la valeur de Christ. S’associer avec un système voulant retenir quelque chose qui n’est pas de Christ, ne pas «apporter la doctrine de Christ», c’est la ruine. Un homme pourrait paraître aussi orthodoxe qu’un apôtre sur la vérité ecclésiastique, et posséder impeccablement toute autre vérité du Nouveau Testament, que vaut toute cette science là où le nom de Christ est déshonoré ? Mais inversement là où Christ est l’objet de l’âme, même si celui qui le confesse est très ignorant, Christ a soufflé Sa vie en lui. Et si nous sommes soumis à Christ, notre règle de conduite est claire : Quiconque se présente au nom de Jésus est le bienvenu de nos coeurs. C’est l’affaire de l’Église d’accueillir tous ceux-là, et de les instruire. Comment, en effet, croîtraient-ils en lumière, où trouveraient-ils à redresser leurs fausses notions, si ce n’est dans l’Église de Dieu ? Par contre si nous les tenons à l’écart jusqu’à ce qu’ils soient parfaitement établis, c’est pour eux-mêmes une impossibilité et pour nous cela signifie l’abandon de notre position de secours et de responsabilité envers eux. L’Assemblée de Dieu est la colonne et le soutien de la vérité, et la vérité ne peut réellement s’apprendre que si l’on vit en elle ; m’en faut-il davantage pour recevoir ceux qui eux-mêmes ont reçu Christ ? Puis-je moi-même me vanter d’en posséder davantage ? Alors, pourquoi la moindre hésitation ?
Que le Seigneur nous apprenne à écarter les difficultés et qu’il ouvre nos coeurs pour accueillir les âmes chaque fois qu’il n’y a pas trace d’opposition à Dieu dans la foi ou dans les moeurs. Je ne dis pas chaque fois que se trouve la doctrine de la justification par la foi : bien des choses mauvaises peuvent marcher de concert avec cette doctrine retenue et même enseignée. Ces paroles de notre Seigneur Jésus Christ constituent une règle immuable, et nous sommes responsables d’agir d’après elles. Si nous sommes rassemblés en son nom, une expression claire, ferme, de notre position, de nos privilèges doit y correspondre. Notre action collective doit être aussi ferme en faveur de la vérité que notre marche individuelle. Possédant Christ, estimant ce don, nous sommes tenus en son Nom de remettre les péchés, et de les retenir s’il reste quelque chose qui soit incompatible avec ce Nom ! Nous n’avons aucunement la prétention de nous interposer entre Dieu et l’homme. Le pardon aussi bien que la condamnation restent du ressort du Juge suprême. Jamais l’Église ne réclama un tel droit ; jamais les apôtres n’aspirèrent à une action pareille. Mais il est clair que Jésus appelait les disciples collectivement à se charger tant de retenir que de remettre les péchés. Et, comme nous l’avons vu, ce privilège fut exercé dans l’Assemblée chrétienne sous son double aspect, à savoir de retrancher ou au contraire de rétablir devant les hommes. Non pas, répétons-le, comme question éternelle entre Dieu et l’âme, mais comme affaire d’administration, comme devoir envers Christ d’accueillir le vrai et le bien, de rejeter le faux et le mal.
Que le Seigneur nous accorde de ne pas manquer à cette responsabilité et de L’honorer ainsi collectivement !
Nous sommes arrivés au moment où Dieu s’étant pleinement manifesté en Christ, Israël aurait dû reconnaître le Messie comme Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous. Et la foi aurait dû voir en Christ mort et ressuscité, comment Dieu est pour nous. Mais Dieu allait maintenant prendre un nouveau caractère, et faire un pas immense en avant : il voulait être Dieu en nous. Ceci ne pouvait avoir lieu sans l’effusion du précieux sang de Jésus. Et le Saint Esprit ne pouvait demeurer que là où avait eu lieu l’aspersion de ce sang. Selon la parole du Seigneur, les disciples s’assemblent jusqu’à ce que, comme il le leur avait annoncé, ils soient «baptisés de L’Esprit Saint, dans peu de jours» (1:5).
«Et comme le jour de la Pentecôte s’accomplissait, ils étaient tous ensemble dans un même lieu». Dieu introduit ce fait nouveau d’une manière appropriée à sa sagesse, par un signe extérieur. Soudain il se fit un son d’en haut, le Saint Esprit descendant du ciel, «un son, comme d’un souffle violent et impétueux, et il remplit toute la maison où ils étaient assis. Et il leur apparut des langues divisées, comme de feu ; et elles se posèrent sur chacun d’eux. Et ils furent tous remplis de l’Esprit Saint, et commencèrent à parler d’autres langues, selon que l’Esprit leur donnait de s’énoncer» (Actes 2:1-4). Il est vrai que le Saint Esprit était déjà descendu auparavant, mais pour demeurer dans un seul homme — l’homme Christ Jésus. Dans le cas de Jésus, il n’était besoin d’aucune oeuvre préparatoire, mais la manière, aussi bien que la forme sous laquelle l’Esprit descendit sur le Seigneur Jésus attestaient l’immense différence qui existe entre Lui, en qui il n’y avait point de péché, et nous qui avions besoin d’être délivrés à la fois de nos péchés et du péché. Or cette oeuvre souveraine de la grâce de Dieu a été accomplie par le moyen des souffrances et de la puissance en résurrection de Celui qui, n’ayant point de péché, subit et la mort et le jugement.
Pour Jésus, le Saint Esprit apparut sous la forme d’une colombe — belle expression de la manière dont l’Esprit s’adaptait à cet homme sur lequel il pouvait venir et demeurer sans qu’il y ait effusion de sang. Le Saint Esprit pouvait adopter cet emblème bien connu de la pureté, en descendant ainsi pour habiter dans le Fils de l’homme. Mais dans le cas de l’homme, c’est-à-dire de ces croyants assemblés à Jérusalem, il descend sous la forme de langues divisées, parce que Dieu allait maintenant se rendre à lui-même un vaste et puissant témoignage ; la bonne nouvelle allait être propagée. En outre ces langues étaient «comme de feu». Le jugement du péché avait eu lieu à la croix. L’état de l’homme avait rendu le jugement nécessaire et en fait, avait été déjà jugé par Dieu en Christ, parfait sacrifice pour le péché. La langue «comme de feu» en constituait le rappel nécessaire, quel que puisse être le déploiement de la puissance du Saint Esprit, et elle rendait témoignage à la grâce divine.
Dans ces langues diverses qui depuis Babel divisaient les hommes condamnés par le juste déplaisir de Dieu, sa miséricorde allait maintenant s’étendre jusqu’à eux. Les «choses magnifiques de Dieu» devaient ainsi être proclamées à toute nation sous le ciel. Ce fait attire l’attention générale ; toutes sortes de préjugés relatifs à ce phénomène étrange et inconnu remplissent les esprits des assistants. Mais Pierre explique comment cet événement répond à la prophétie. Il n’affirme pas que c’est l’accomplissement de la déclaration de Joël ; car cet accomplissement dans un sens plein et entier n’aura lieu que dans un jour à venir. Néanmoins ce qui se passait, loin d’être équivoque et douteux, devait être reconnu comme venant de Dieu. C’était ce qui a été dit par le prophète Joël : «Et il arrivera aux derniers jours, dit Dieu, que je répandrai de mon Esprit sur toute chair». Il ne s’agissait que du principe de la prophétie ; car, en fait, bien qu’il y ait eu diverses langues parlées, et que cette multitude soit venue de toutes les nations, il ne s’agissait pourtant que de Juifs. Toutefois le fait que des paroles étaient prononcées dans les langues des Gentils (encore que les personnes qui écoutaient aient été juives) annonçait pour tout esprit intelligent ce que Dieu allait produire en temps opportun.
Gardons-nous de limiter l’oeuvre de Dieu à tel ou tel de ses aspects. Le déploiement de la puissance de l’Esprit manifestée en ce jour-là avait une signification variée. C’était d’abord l’accomplissement de la promesse du Père, la grande et infinie vérité de la descente du ciel du Saint Esprit lui-même. C’était aussi l’accomplissement de l’assurance spéciale que le Seigneur avait donnée à ses disciples, qu’il les baptiserait du Saint Esprit, ce qui aurait pour effet la formation «d’un seul corps». Ils pouvaient ne pas connaître, et effectivement ils ne connaissaient pas encore, ce qu’impliquait cette doctrine du «seul corps», jusque-là complètement cachée. Elle attendait un autre ministère et un serviteur de Dieu approprié, Paul, qui se désignera lui-même comme «né hors de temps». De fait cette doctrine ne fut révélée, selon la sagesse de Dieu, qu’après la réjection, par les Juifs, du témoignage de sa grâce (chap. 7). Alors seulement les Gentils sont effectivement appelés (chap. 8), et le «seul corps» formé de Juifs et de Gentils, uni par le Saint Esprit descendu du ciel, peut être manifesté d’une manière conforme aux voies de Dieu. Mais déjà, ce qui était la puissance de ce corps, la Personne qui seule était à même de le former, était de fait donnée alors en ce jour de la Pentecôte.
Il fallait aussi, conformément à la parole prophétique, que soient opérés des signes et des prodiges. Et enfin des dons variés allaient être communiqués de la part du Seigneur, pour son oeuvre ici-bas : «Étant monté en haut, il a... donné des dons aux hommes... les uns comme apôtres, les autres comme prophètes, les autres comme évangélistes, les autres comme pasteurs et docteurs» (Éph. 4:8, 11). Ceci a évidemment eu lieu par le Saint Esprit ; c’était, selon 1 Corinthiens 12, «la manifestation de l’Esprit en vue de l’utilité».
Toutes ces opérations bien distinctes furent simultanément accomplies ce jour-là, en même temps que l’Esprit de Dieu était donné pour demeurer en chacun de ceux qui croyaient. Ainsi, nous avons ce qui était individuel et ce qui était collectif, ce qui était universel et ce qui était particulier, le tout accompli en ce jour de la Pentecôte, chaque manifestation toutefois devant être distinguée de l’autre. Certaines épîtres embrassent une partie, d’autres une partie différente de ce vaste sujet. Nous reviendrons plus loin sur chacune d’elles, mais ce sur quoi nous insistons particulièrement en ce moment, c’est la grande vérité du don du Saint Esprit, distincte d’une opération spéciale de sa puissance par le moyen d’hommes ayant reçu des dons particuliers.
Ces derniers dons diffèrent ; alors que l’Esprit est un seul et même don (Éph. 4:4), rien moins qu’une Personne divine, descendant ici-bas pour habiter en chaque chrétien et dans l’Église. Ce serait évidemment détruire la vérité que de voir en Lui des différences sinon des contradictions. Il peut y avoir variété dans les formes et les mesures sous lesquelles sa puissance se déploie ; il peut y avoir, et il y a en fait, différents degrés dans la jouissance de sa présence. Mais un fait demeure : il habite également en tout croyant qui se repose sur la rédemption accomplie dans le Christ Jésus. Et que peut-il y avoir de plus glorieux ?
Ce n’est pas tout ! L’Esprit demeure non seulement en nous, mais avec nous. Tandis que les langues se posent sur chacun des disciples, simultanément un vent impétueux remplit toute la maison. La présence de l’Esprit de Dieu est attestée par un double signe : ce qui demeure sur chaque personne et ce qui, d’une manière générale, remplit la maison où ils sont assis. Cette double vérité de la présence de l’Esprit avec et dans les croyants traverse tout le livre des Actes. Par exemple, au chapitre 4, quand le lieu où ils étaient fut ébranlé (v. 31), était-ce le fait que l’Esprit de Dieu habitait dans cette personne-ci, ou dans celle-là ? Évidemment non : le Saint Esprit était là et faisait sentir sa présence au milieu d’eux. Lors de la fraude d’Ananias et de Sapphira, qui pouvait dire que ceux-ci mentaient à un croyant plutôt qu’à un autre ? Pierre déclare que ce n’est «pas aux hommes, mais à Dieu», qu’ils ont menti, à Dieu présent dans l’Église, c’est-à-dire au Saint Esprit. Lui est Dieu descendu sur la terre et peut maintenant en justice, selon la plénitude de la grâce, demeurer en ceux qui non seulement étaient pécheurs par nature mais encore avaient le sentiment profond de ce qu’était le mal hérité d’Adam.
Eh bien, malgré ce qu’ils avaient été et malgré ce qu’ils ressentaient, la grâce de Dieu dans le don de Jésus était si bénie, le caractère de son amour dans la mort et la résurrection du Seigneur était si riche, que le Saint Esprit pouvait en justice, et pour la gloire du Père et du Fils, descendre et demeurer en eux sur la terre. Et celui qui demeurait réellement dans chaque croyant était avec eux Iorsqu’ils se réunissaient ou qu’ils travaillaient à l’oeuvre. Ainsi par exemple, au chapitre 8, l’Esprit dit à Philippe : «Joins-toi à ce char». Un ange du Seigneur lui avait préalablement enseigné la direction qu’il devait prendre. Pourtant ce ne fut pas l’ange mais l’Esprit qui lui parla quand il fut question de s’adresser directement à une âme. L’ange était simplement l’expression de la providence de Dieu sur son chemin. Il en est encore ainsi aujourd’hui. Nous ne voyons pas les anges et pouvons ne pas avoir conscience de leur action, mais elle n’en est pas moins aussi réelle que jadis. Et pareillement à l’égard de l’Esprit de Dieu. Nous pouvons ne pas entendre sa voix comme Philippe l’entendit ce jour-là, mais le fait n’en est pas moins certain. L’Esprit est à l’oeuvre. Sans doute, il attend que l’état des coeurs soit approprié, bien que ce soit un état que lui seul puisse produire ; mais il est aussi actif maintenant que jamais.
Un peu plus loin encore l’Esprit ordonne : «Mettez-moi maintenant à part Barnabas et Saul, pour l’oeuvre à laquelle je les ai appelés» (Actes 13:2). Il est donc évident que l’Esprit de Dieu n’agit pas seulement au-dedans, car il ne nous est pas dit que c’est en Paul ou en Barnabas qu’il agissait ; il ressort au contraire de l’ensemble du passage que cette action était extérieure. L’Esprit parlait à leur sujet, plutôt qu’à eux et plutôt encore qu’il n’opérait en eux. Sans doute le Saint Esprit était-il déjà réellement en eux, mais il se fait entendre ici Lui-même, sans mention d’un intermédiaire humain, comme une personne divine descendue ici-bas pour y manifester la grâce et la gloire du Seigneur. Et l’on retrouverait aisément ces mêmes principes à travers tout le livre des Actes. C’est ainsi que dans une autre occasion, l’Esprit de Jésus enseigne à Paul où il doit aller (chap. 16). Il n’est pas nécessaire de multiplier les exemples.
Mais il est un autre point d’une immense importance, qui a souvent causé à certains une grande perplexité : c’est la différence dans la manière dont est donné le Saint Esprit. L’incrédulité se prévaut des modes variés dans lesquels l’Esprit de Dieu est conféré, pour nier que l’on puisse recevoir le Saint Esprit aujourd’hui comme autrefois, ou au contraire pour préconiser quelque panacée de charlatanerie religieuse par le moyen de laquelle on pourrait infailliblement attendre le Saint Esprit.
C’est pourquoi je passerai en revue les grandes occasions que l’Esprit de Dieu rapporte pour notre instruction, espérant montrer clairement qu’il n’y a rien d’arbitraire dans la manière dont le Saint Esprit était conféré, rien non plus qui donne à l’homme comme tel la moindre importance. Au contraire, la sagesse de Dieu s’y montre pour consoler, affermir l’âme, et augmenter en nous le sentiment de sa grâce. Combien il est évident, ici encore, que la simplicité dans les choses de Dieu est le secret réel pour les comprendre ! Car la simplicité n’est pas occupée de nos affaires propres, ni surchargée par les pensées des autres ; elle a confiance en Dieu et sait qu’il a toujours devant lui son grand objet : celui de glorifier Christ, par qui le Père a été glorifié.
Dans la première occasion, c’est-à-dire au jour de la Pentecôte, nous avons bien la plus ample et, dans un certain sens, la plus riche forme sous laquelle le Saint Esprit a été donné d’en haut. La plus haute des autorités nous déclare que Jésus «ayant été exalté par la droite de Dieu, et ayant reçu de la part du Père l’Esprit Saint promis, il a répandu ce que vous voyez et entendez». Des témoignages palpables et irrécusables de l’accomplissement de la promesse du Père étaient là. Le Saint Esprit en lui-même n’était pas perceptible par les sens. Seule était discernable la puissance extérieure qui l’accompagnait. Il est très important de faire cette distinction, sans laquelle les hommes sont en danger, en l’absence de signes extérieurs, de nier ou de mépriser cet incomparable don qui est toujours au-dessus de ses effets. Quelle que soit l’importance des signes, ils n’étaient pour l’homme que les garants accompagnant le don et la présence invisibles du Saint Esprit désormais présent sur la terre.
La réponse de Pierre à ses auditeurs de Jérusalem jette une lumière considérable sur ce point. Ouvertement accusés par l’apôtre d’avoir rejeté et crucifié leur propre Messie que Dieu avait exalté à sa droite, ces Juifs étaient angoissés au sujet de leur état. Pierre leur dicte ce qu’ils ont à faire : «Repentez-vous, et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ, en rémission des péchés ; et vous recevrez le don du Saint Esprit». Pesons bien ces paroles. Pierre ne les invite pas positivement à croire. Inutile de dire que c’est dans sa sagesse que Dieu les appelle à se repentir plutôt qu’à croire. Nous voyons l’inverse dans une autre occasion : lorsque Paul et Silas invitèrent le geôlier de Philippes à croire plutôt qu’à se repentir.
Une telle différence a sa raison d’être, et ne doit être pour personne une cause de perplexité. Dieu a écrit ainsi, et Il mérite toujours toute confiance. Sans la foi, nous le savons, il ne peut y avoir de vraie repentance envers Dieu. Il peut y avoir contrefaçon dans la foi, comme il peut y avoir aussi contrefaçon dans la repentance ; mais où la puissance de Dieu produit la vraie repentance, il y a nécessairement la vraie foi et réciproquement.
Cependant, chacun le sait par expérience et la Parole de Dieu, qui est la clef de toute connaissance, le montre, il existe des différences dans la forme du sentiment et de l’expression de l’âme devant Dieu. En l’un prédomine une profonde oeuvre morale dans la conscience ; dans un autre c’est la joie et la paix en croyant qui sont les plus apparentes. Néanmoins il ne peut y avoir d’oeuvre réelle de quelque valeur spirituelle dans la conscience sans la foi, et il ne peut y avoir la foi selon Dieu sans une oeuvre vraie de l’Esprit dans la conscience. Pierre à Jérusalem exhorte les Juifs à se repentir et Paul de son côté déclare aux Athéniens que «Dieu... ordonne maintenant aux hommes que tous, en tous lieux, ils se repentent» (Actes 17:30). En d’autres occasions, tant Juifs que Gentils étaient invités et pressés de croire. La vérité est que les uns et les autres se repentaient et que les uns et les autres croyaient ; mais il se rattache une signification importante au fait qu’il est insisté sur l’une plutôt que sur l’autre de ces choses.
Selon la sagesse de Dieu, ce qui convenait dans l’occasion qui nous occupe, c’était l’humiliation de ces Juifs orgueilleux. Aussi est-ce la repentance, c’est-à-dire ce qui brise la chair et traite l’homme comme ne valant rien, qui est mise en avant. «Repentez-vous», enjoint l’apôtre, «et que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ» — au nom de Celui-là même que vous avez crucifié et rejeté. En lui est la seule source de bénédiction. Il est l’unique espérance pour vos âmes. — Ils furent effectivement brisés et amenés à recevoir la Parole. Ce n’était pas encore le jour de la puissance de Dieu selon le Psaume 110, mais c’était le jour de sa grâce. Celle-ci avait touché leurs coeurs et leur faisait accepter la sentence de Dieu contre eux-mêmes. Ils pouvaient alors croire du mal d’eux-mêmes et c’est la dernière chose que l’homme consente à croire. Ils étaient réellement amenés à ce point d’être prêts à se reconnaître méchants dans la présence de Dieu. C’est pourquoi Pierre s’applique à faire pénétrer ce sentiment dans leurs consciences.
Il ne prend pas pitié d’eux parce qu’ils étaient à juste titre saisis de componction, mais insiste au contraire sur la nécessité d’être entièrement humiliés devant Dieu. Pierre pouvait le faire d’autant plus volontiers qu’il connaissait en Jésus une grâce prête à répondre à ces dispositions. Aussi ajoute-t-il : «Que chacun de vous soit baptisé au nom de Jésus Christ». Plus la grâce est proclamée, plus aussi nous pouvons inviter à une vraie repentance, et plus les âmes peuvent la supporter. Ne craignons pas d’y insister et ne nous contentons pas d’employer des termes vagues, en disant : «On doit se repentir si l’on croit». Ce n’est pas ainsi que Dieu soulève la question. Il amène les âmes à sentir leur état réel devant lui. C’est toujours une grande bénédiction pour tous, et d’ailleurs si ce n’est pas de bonne heure qu’une âme est travaillée à ce sujet, elle se réserve pour plus tard des exercices humiliants et pénibles. Car si nous n’apprenons pas ce que nous sommes au début de notre carrière, si nous n’avons pas alors un profond sentiment de notre péché ainsi qu’il convient à un nouveau converti, peut-être faudra-t-il que nous l’apprenions par quelque grande chute, par un péché manifeste. Un éloignement flagrant de Dieu sera peut-être nécessaire, suivi d’un retour pénible, après avoir erré d’autant plus loin de lui que nous aurons eu trop peu le sentiment du péché au commencement de notre profession chrétienne. Qu’elles sont nombreuses les âmes qui ont passé par là ! Ajoutons que les plus exposés sont ceux qui ont grandi dans la connaissance de la grâce — enfants de parents chrétiens — lorsque devant Dieu, leur conscience n’a pas été sondée en proportion.
Remarquons que, lorsque l’apôtre exhorte les Juifs à se repentir et à être baptisés au nom de Jésus Christ pour la rémission des péchés, il conclut : «et vous recevrez le don du Saint Esprit». Assurément, s’ils se repentaient, ce ne pouvait pas être sans l’opération du Saint Esprit. L’exhortation de l’apôtre aurait été sans objet pour ceux qui l’entendaient, s’ils n’avaient pas cru au nom du Seigneur Jésus ; et qui leur donnait cette foi avec la repentance, si ce n’est le Saint Esprit ? Il s’ensuit que la réception de l’Esprit telle que Pierre la présente ensuite, est une chose entièrement différente de l’acte d’amener des hommes à croire et à se repentir. C’est une opération ultérieure (*), une bénédiction distincte et corollaire, un privilège fondé sur la foi déjà agissante dans le coeur. Il est si peu vrai qu’un homme reçoit «le don du Saint Esprit» au moment même où il croit, qu’il est permis de douter qu’un cas semblable se soit jamais présenté. Non seulement nous n’en trouvons aucun exemple dans la Parole, mais il semble bien que celle-ci en exclut la possibilité. La raison en est bien simple : le don du Saint Esprit est fondé sur le fait que nous sommes fils par la foi en Christ, croyants se reposant sur la rédemption en Lui : ce don suppose donc clairement que l’Esprit de Dieu, opérant en nous, nous a déjà régénérés. Ainsi le don du Saint Esprit n’est pas fait en vue de la repentance, ni dans le but de faire recevoir Christ par la foi. Nous voyons ici l’inverse : après que les âmes se sont repenties et ont été baptisées au nom de Jésus pour la rémission des péchés, elles reçoivent le don du Saint Esprit comme privilège subséquent.
(*) L’intervalle entre ces deux opérations peut différer beaucoup selon le cas. Il peut être réduit au point que la seconde apparaisse comme quelque chose d’immédiat, quoique distinct. L’auteur revient sur ce sujet dans la méditation n° 10. Voir aussi point 6.3.3.5 (Réd.).
Un autre point ne doit jamais être perdu de vue : c’est que le don du Saint Esprit ne signifie jamais les dons. Beaucoup confondent le don avec les dons, mais la Parole de Dieu fait toujours la distinction, employant même dans l’original un mot différent pour les désigner. Les deux choses sont invariablement séparées. Quelqu’un peut recevoir par l’Esprit la puissance nécessaire pour porter l’Évangile au monde, ou pour être pasteur ou docteur dans l’ÉgIise. Cependant, le don du Saint Esprit est un privilège totalement différent, à savoir cette bénédiction commune que nous voyons ici conférée à toute âme qui se repentait et était baptisée.
L’appel de Pierre à ces Juifs est immédiatement suivi de la réception de la Parole, après quoi «ils sont baptisés» au nom du Messie qu’ils avaient autrefois méprisé. «Et en ce jour-là furent ajoutées environ trois mille âmes». Ces nouveaux croyants, la dernière partie de ce chapitre nous les montre remplis de grâce et de puissance de la part de Dieu.
L’occasion suivante (chap. 8) présente un état de choses entièrement différent. Étienne avait rendu son témoignage, et les Juifs l’avaient absolument et définitivement rejeté. Comme leurs pères, ils résistaient au Saint Esprit, en résistant à Étienne qui en était rempli. Celui-ci scella de son sang son témoignage ; et la persécution dont il fut la première victime dispersa toute l’Assemblée qui était à Jérusalem, à l’exception des apôtres. Ceux-là mêmes que le Seigneur avait appelés pour aller dans le monde entier furent exceptés de cette dispersion. Tellement l’homme, même dans le meilleur état, est lent à entrer dans les conseils de la grâce de Dieu et à travailler à leur accomplissement !
Mais Dieu lui-même voulait les accomplir, dût-il se servir pour cela de circonstances pénibles. Si l’amour, si la puissance de la grâce, si le sentiment du besoin des âmes et de la gloire de Christ, ne réveillaient pas ceux qui avaient reçu ce commandement, Dieu aurait soin que des vases plus faibles, mais pourtant remplis des puissantes nouvelles de sa grâce, répandent en tous lieux la bonne odeur de Christ. Et ainsi ils allèrent «çà et là, annonçant la parole». Philippe, qui au chapitre 6 avait été choisi pour le service journalier, maintenant que ce service se trouve brusquement interrompu, acquiert «un bon degré» et s’en va prêchant l’Évangile. Il visite l’ancienne rivale de Jérusalem, la ville de Samarie. Les Juifs n’avaient pas de relations avec les Samaritains. Ils n’avaient pas su gagner leur confiance, ni leur faire accepter la vérité telle qu’ils la connaissaient, c’est-à-dire telle qu’elle était renfermée dans la loi commise à leur charge. Mais l’Évangile va maintenant démontrer sa puissance là où la loi a été infructueuse. Philippe annonce Jésus avec tant de force et de simplicité, et il est si béni dans sa prédication, que la ville entière est dans une grande joie. Même le plus méchant d’entre ceux qui sont là, homme depuis longtemps versé dans la connaissance des voies et des ruses du diable, est impressionné par la sainte influence de la vérité, sans que, toutefois, elle pénètre dans sa conscience ni gouverne son coeur. Néanmoins, le courant est trop fort pour qu’il puisse y résister. Simon le magicien s’incline devant la vérité de l’Évangile, intellectuellement du moins, et il est baptisé avec les autres.
Mais là, prenons-en bien note, le don de l’Esprit Saint n’est encore fait à personne. Et voilà qui souligne la différence entre le don de l’Esprit et l’oeuvre par laquelle Il amène une âme à se repentir et à croire à l’Évangile. On ne peut douter que la masse des Samaritains convertis n’ait été composée de vrais croyants, lors même que Simon ne l’était pas. Pourtant l’Esprit Saint n’était «encore tombé sur aucun d’eux». Ce n’est pas seulement qu’ils n’avaient pas encore parlé d’autres langues, ou qu’il n’y avait pas encore eu de prodiges accomplis, sauf par l’évangéliste lui-même (versets 6, 7, 13). La descente du Saint Esprit est une chose totalement différente, bien qu’elle puisse être accompagnée de ces manifestations extérieures de sa puissance. Confondre ces deux choses, c’est porter le plus grand coup à la vérité capitale de la présence de l’Esprit Saint. Car alors l’absence de manifestations extérieures (ce qui est le cas aujourd’hui) signifierait que le Saint Esprit n’est pas présent non plus dans l’Église. Il est donc évident qu’on va loin dans l’incrédulité si l’on ne distingue pas entre les signes et témoignages fournis par l’Esprit et l’Esprit Lui-même. Je répète que ce n’est pas seulement le pouvoir de faire des miracles qu’ils n’avaient pas reçu, mais que l’Esprit Saint n’était pas encore venu sur eux. Cela, l’Écriture l’affirme, et c’est ainsi que nous lisons : «Les apôtres qui étaient à Jérusalem, ayant appris que la Samarie avait reçu la parole de Dieu, leur envoyèrent Pierre et Jean, qui, étant descendus, prièrent pour eux, pour qu’ils reçussent l’Esprit Saint : car il n’était encore tombé sur aucun d’eux, mais seulement ils avaient été baptisés pour le nom du Seigneur Jésus».
Nous rencontrons tout de suite une notable différence par rapport à la Pentecôte. À Jérusalem, quand les Juifs se repentirent et furent baptisés au nom du Seigneur Jésus, l’Esprit Saint vint sur eux sans délai. À Samarie au contraire, il n’était tombé sur personne, bien qu’ils aient cru et aient été baptisés. D’où vient cela ? D’une raison bien digne de Dieu. La nature humaine est telle que si le Saint Esprit était descendu sur ces croyants de Samarie à la prédication de Philippe, l’ancienne rivalité de la Samarie aurait subsisté. La Samarie n’aurait pas manqué de lever de nouveau la tête, et la grâce même de l’Évangile aurait servi d’appui à ses prétentions religieuses. Placées d’emblée sur un pied d’égalité devant cette nouvelle et extraordinaire bénédiction de l’Évangile, Jérusalem et «cette montagne-ci» auraient continué à se faire concurrence. Et l’effet que Dieu avait l’intention de produire par la présence de l’Esprit Saint aurait été manqué, à savoir la manifestation de l’unité dans l’amour, le maintien à la fois d’une seule tête et d’une seule énergie — une tête en haut et une puissance en bas opérant dans le corps comme réponse à la gloire de Christ. Dieu rendit cette rivalité impossible et prit soin que rien ne puisse justifier l’esprit d’indépendance, qui est le plus grand principe destructeur de la vérité de l’Église de Dieu sur la terre.
C’est pourquoi, lorsque l’assemblée de Jérusalem entendit cela (ou tout au moins les apôtres, car l’assemblée était maintenant dispersée), ils envoyèrent Pierre et Jean, deux des principaux, appelés aussi des colonnes (Gal. 2:9). Ceux-ci prièrent ; mais Dieu en outre montre clairement pour quelle raison il avait différé le don de l’Esprit Saint. L’imposition des mains des apôtres devait avoir lieu pour exprimer à la fois la bénédiction que Dieu communiquait par les apôtres et l’identification de l’oeuvre en Samarie avec celle de Jérusalem. Elle attestait devant le monde entier que Dieu ne souffrirait dans son Église rien qui ressemble à une rivalité, que ceux qui étaient à la tête de l’oeuvre dans un endroit n’étaient pas moins indispensables dans l’autre.
Ainsi donc chaque différence dans la manière de communiquer la même bénédiction témoigne de la sagesse et des soins que Dieu déploie envers nos âmes. Oui, la moindre de ces différences que nous offre la Parole contribue à prouver combien Dieu nous aime, combien le Seigneur prend soin de l’Église, et comment, même dans la manière dont il communique cette suprême bénédiction de l’Esprit, il veut nous armer contre notre propre nature.
La circonstance suivante (Actes 10) se présente encore autrement. Corneille, le centurion Gentil, pendant qu’il prie et jeûne à Césarée, reçoit un visiteur angélique qui lui ordonne d’envoyer chercher Simon Pierre. Ce dernier se trouve à Joppé, où, pendant qu’approchent les serviteurs de Corneille, il lui survient une triple vision concernant cette grande affaire. Pierre, encouragé par l’Esprit, se met à la disposition des messagers de Corneille et les accompagne à Césarée. Dès qu’il ouvre la bouche, c’est pour appeler leur attention sur ce qui avait pour lui une extrême importance ; car, au commencement, c’était bien à contre-coeur qu’il était venu. N’avait-il pas osé contester avec le Seigneur qui lui commandait de tuer et de manger du contenu de la grande toile ? Il n’avait, disait-il, jamais mangé ce qui est impur ou immonde. Mais par trois fois, il entend cette parole de blâme : «ce que Dieu a purifié, toi, ne le tiens pas pour impur» ; et finalement il fait son profit de la leçon. «En vérité, je comprends que Dieu ne fait pas acception de personnes, mais qu’en toute nation celui qui le craint et qui pratique la justice, lui est agréable».
Ainsi donc, il est évident que le premier appel aux Gentils n’est pas adressé à un païen idolâtre. Pierre ne parle, dans le cas présent, que d’un homme qui déjà craignait Dieu et pratiquait la justice. Tel était le cas de Corneille. Ce n’était pas une âme inconvertie, mais une âme qui craignait Dieu. Il abondait en prières et en aumônes. Il est certain que ce ne sont pas les prières et les aumônes de la propre justice qui auraient pu le recommander à Dieu. Semblables choses, lorsqu’elles sont présentées à titre de propitiation pour l’âme devant Dieu, appartiennent, nous le savons, aux ressources sacrilèges de l’incrédulité. Mais Corneille craignait Dieu en réalité et non pas seulement par profession extérieure. Il était régénéré, et Dieu avait signalé son état et la connaissance qu’il avait de sa justice dans le message dont l’ange était chargé — message qui me paraît parfaitement impossible d’interpréter comme signifiant que Corneille n’avait que la profession extérieure de la connaissance du vrai Dieu. Son état était celui que le Seigneur avait produit et qu’Il pouvait par conséquent reconnaître comme Lui étant agréable. Et de la part du Seigneur, c’était sagesse et grâce qu’en allant vers les Gentils, il commence par une âme dont aucun Juif ne pouvait nier la piété.
C’était bien, à n’en pas douter, la même miséricorde infinie qui sauvait les perdus et, parmi eux, le premier des pécheurs. Toutefois ici, il ne s’agissait pas de réveiller pour la première fois une âme morte dans ses péchés, mais plutôt d’asseoir une âme déjà réveillée sur un terrain connu de relation avec Dieu et de parfaite liberté, de telle sorte que nul de ceux qui craignaient Dieu et sa Parole ne puisse contester son titre. En d’autres occasions nous voyons la conversion et l’affranchissement se produire à peu près simultanément ; mais il n’en est pas ainsi de Corneille, qui, au moment choisi de Dieu, reçoit avec toute sa maison la parole de Pierre.
Ce n’était pas la première fois, remarquons-le, qu’ils entendaient cette parole : «Vous connaissez», leur dit Pierre, «la parole que Dieu a envoyée aux fils d’Israël... ce qui a été annoncé par toute la Judée». Il est donc clair que ce centurion, non seulement craignait et priait Dieu auparavant, mais qu’il avait connaissance de ce qui avait été prêché par toute la Judée. Comment se faisait-il que cela n’ait pas été appliqué à sa propre âme et accepté réellement par lui ? Simplement parce que Corneille craignait Dieu et tremblait à sa parole, sentiment qui était juste à sa place. Cette révérence envers Dieu pouvait le rendre lent à saisir ses voies. «Si Dieu a envoyé sa Parole à Israël, pouvait-il se dire, je sais qu’elle est certaine pour lui ; et heureux le peuple qui a un tel Dieu ! Mais moi, je ne possède aucun droit». Aussi attendait-il que la parole lui soit envoyée à lui-même. L’Évangile, proclamation de la parole de la grâce de Dieu à toute créature, était alors une chose nouvelle. Corneille avait connaissance, sans doute, des anciennes Écritures. Il ne mettait pas en question les promesses, non plus que leur accomplissement en faveur d’Israël par Christ et en Christ.
Mais maintenant la parole lui était envoyée à lui, Corneille, un Gentil, par le moyen de Pierre. «Comme Pierre prononçait encore ces mots» (plus particulièrement, je suppose : «tous les prophètes lui rendent témoignage, que, par son nom, quiconque croit», etc.), cette vérité fut empreinte sur son âme. C’était un témoignage direct, et qui, selon tous les prophètes, ouvrait la porte à n’importe qui : «Quiconque croit en lui reçoit la rémission des péchés. Comme Pierre prononçait encore ces mots, l’Esprit Saint tomba sur tous ceux qui entendaient la parole». Quoi ! sans le baptême ? Sans l’imposition des mains ? Sans qu’on priât pour eux ? Oui, sans aucune condition préalable, sur-le-champ, pendant que la parole est prêchée par l’apôtre Pierre, le Saint Esprit leur est donné à tous.
Chacune de ces trois grandes expériences est donc introduite d’une manière différente, conforme au plan divin. À Jérusalem, les Juifs non seulement devaient croire à l’Évangile, mais encore être baptisés au nom de Jésus Christ, en rémission des péchés, avant de recevoir le don de l’Esprit Saint. En Samarie, il n’a pas suffi qu’ils soient baptisés d’eau ; il a fallu aussi la prière et l’imposition des mains des apôtres, à défaut de quoi le Saint Esprit ne serait descendu sur aucun d’eux. À Césarée, par contre, avant le baptême et sans imposition des mains de la part de l’apôtre, le Saint Esprit tombe sur eux tous. Le Dieu seul bon et seul sage, dans sa parfaite grâce, reconnaissait ces Gentils. Le moment était venu de révéler pleinement sa pensée, aussi la première manifestation de sa grâce envers eux eut lieu d’après ce riche et singulier procédé. Lors de la conversion des trois mille âmes, il avait fallu le brisement de coeur des Juifs qui s’étaient montrés endurcis et orgueilleux dans leur mépris pour Jésus de Nazareth. Il est nécessaire qu’ils ploient les genoux à ce nom-là ; bien plus, c’est en ce nom qu’il leur faut être baptisés ; de toute autre manière, ils n’auraient pu recevoir l’Esprit. À leur tour, les Samaritains reçoivent une leçon spéciale pour contrecarrer leur tendance à l’indépendance et pour établir le grand principe de l’Assemblée universelle (pas seulement d’assemblées), que Dieu formait sur la terre.
Mais dans la scène qui nous occupe, Dieu voulait encourager et gagner les Gentils que Pierre lui-même avait méprisés. En effet, il ne s’était pas conformé à l’ordre du Seigneur d’aller et de faire disciples toutes les nations. Les apôtres, s’il nous est permis de le remarquer, étaient tous lents à agir dans l’oeuvre du Seigneur ; ils étaient peu entrés dans sa puissante grâce qui surpassait tellement les pensées de ses propres enfants. Mais lorsque Pierre prêcha à Césarée, combien Dieu blâma — quoique dans une pleine miséricorde — la lenteur de son serviteur ! À peine les paroles tombèrent-elles de ses lèvres qu’il se manifesta une grâce telle que Jérusalem n’en avait pas vu et dont la Samarie n’avait pas été témoin. Selon la sagesse de Dieu, aucun délai ne s’écoule, aucune imposition des mains n’est exigée pour que la complète bénédiction divine soit communiquée.
Sans doute y avait-il dans les âmes de ces Gentils une oeuvre préalable de l’Esprit qui leur avait donné la repentance envers Dieu et la foi en Jésus. Cela est toujours nécessaire. Mais ils n’avaient à se soumettre à aucun acte extérieur préparatoire qui les aurait rendus dépendants des chrétiens d’origine juive. Le baptême se présentait ensuite comme un privilège (ce qu’il est réellement) qui ne pouvait pas leur être refusé. Pour le Juif, pour le Samaritain, Dieu posait certaines conditions propres à les humilier. Aux Gentils au contraire, il ne donne qu’un précieux encouragement. En les attirant, il prend soin de fermer la bouche à tous les contradicteurs. Jusque dans la manière dont il fait le don, Dieu prouve qu’il déploie une grâce d’autant plus grande que ceux qui en sont les objets sont plus éloignés. Il n’y a jamais eu de miséricorde plus riche que celle qui a cherché et trouvé les pauvres Gentils.
La présence de Pierre à Césarée, lui qui était incontestablement placé au premier rang et qui avait imposé les mains aux Samaritains, confirme que si Dieu avait voulu l’utiliser ici de la même manière, il l’aurait fait. À tous, l’apôtre annonce les étonnantes nouvelles, mais c’est là tout ce qu’il est appelé à faire. Aucune action préparatoire de l’homme telle que l’imposition des mains ou le baptême n’a lieu avant que le Saint Esprit soit donné, bien que Pierre fût là et pour baptiser et pour imposer les mains si l’intervention d’un apôtre avait été nécessaire. En vérité l’homme disparaît devant le déploiement de la grâce divine, et combien c’est heureux que nous ayons là notre bénédiction et notre place devant Dieu !
Nous y trouvons de quoi répondre à ceux qui insistent sur la nécessité d’avoir aujourd’hui des apôtres. L’incrédulité méprisa les apôtres lorsqu’ils étaient ici-bas ; l’incrédulité prétend maintenant que leur présence est indispensable comme unique canal de la communication de l’Esprit, alors que ce canal n’existe plus aujourd’hui. Comment donc, nous qui ne sommes ni Juifs ni Samaritains, recevons-nous le Saint Esprit ? De la même manière que Corneille, sans aucun intermédiaire humain. On peut dire que ceux qui dans la chrétienté se prévalent de tels intermédiaires prennent en fait la position des Samaritains ou des Juifs. Au contraire, c’est à ceux qui se contentent de reconnaître qu’ils ne sont que des pécheurs d’entre les nations, que le Seigneur fait don de sa plus riche miséricorde. Puissent ceux qui s’attachent encore aux formes et aux ordonnances, à des instruments humains quels qu’ils soient, consentir à prendre leur véritable place, afin que, disposés à accepter leur néant, ils reçoivent la pleine bénédiction qui est selon le coeur de Dieu ! C’est ainsi que Dieu bénissait au commencement et c’est encore ainsi qu’il bénit aujourd’hui. D’après l’Écriture, ce sont les Gentils et non les Juifs qui reçoivent le Saint Esprit sur la simple prédication de la Parole ! Et n’est-ce pas par le même moyen, c’est-à-dire par la Parole de la grâce de Dieu, qu’il est encore aujourd’hui communiqué ?
Dans certains cas, sans doute, il peut se passer quelque délai. Vous pouvez trouver des âmes réellement touchées par l’Esprit de Dieu — je ne veux pas dire touchées seulement d’une émotion sentimentale et passagère, mais travaillées par une oeuvre réelle de grâce dans le coeur et la conscience — tout en n’ayant pas la paix et en n’étant pas établies dans le repos et l’affranchissement dans le Sauveur. Ce cas n’est pas rare, aussi gardons-nous de mettre en doute la réalité de l’oeuvre de Dieu dans une âme sous prétexte que cette âme n’entre pas encore dans la simple et pleine conscience de tout ce que Christ a fait pour elle. Il peut nous arriver de faire du mal à un jeune converti en exigeant trop tôt la pleine expérience chrétienne et en ne reconnaissant pas suffisamment l’oeuvre de Dieu en lui.
Mais il existe un danger inverse. Ne soyons satisfaits de l’état spirituel de quelqu’un que quand il est établi dans l’affranchissement et qu’il a conscience d’une pleine délivrance devant Dieu. Se contenter d’une mesure moindre est une forme d’incrédulité et révèle un manque de connaissance de la Parole et de la grâce de Dieu. C’est sous-estimer la présence et l’opération de l’Esprit de Dieu dans l’âme. Il est bon d’appeler les choses par leur nom. On ne peut être que malheureux sous un sentiment de péché ou d’anxiété tant qu’on n’a pas saisi la grâce de Dieu qui y correspond.
Sans doute lorsque quelqu’un soupire après Jésus, quand même il ne possède pas la paix de la conscience et encore moins celle du coeur, nous devons appeler cela conversion et y reconnaître une oeuvre de la grâce de Dieu. Mais «s’installer» dans cet état, ou supposer qu’il suffise à un homme de se tourner du péché vers Dieu et de sentir son indignité en regardant à Jésus, est également une faute. C’est gravement méconnaître la plénitude de l’Évangile ; c’est pour ainsi dire s’accrocher à Jésus plutôt que de trouver en lui une paix positive. Efforçons-nous plutôt de persuader les âmes qu’elles possèdent en Jésus bien plus que ce qui touche le coeur et réveille la conscience. Une réelle conviction de péché et des désirs tournés vers Dieu ne constituent pas le véritable état chrétien. Je crois que nous manquons si nous n’insistons pas auprès de ceux qui se sont arrêtés là, pour le leur faire comprendre. Puisque la Parole nous apprend qu’une pleine paix est la portion des enfants de Dieu, devons-nous nous déclarer satisfaits tant qu’ils n’en jouissent pas ? Apprenons-leur plutôt à connaître la position glorieuse et bénie dans laquelle Dieu introduit les siens. Position dans laquelle toutes les craintes, tous les doutes s’évanouissent sous le sentiment de la grâce parfaite qui nous a rapprochés de Lui, sans qu’il reste devant Lui contre nous l’ombre d’un péché ou d’une incertitude.
Aussi longtemps qu’un croyant connaît le combat et le trouble intérieur, ses sentiments ne dépassent pas ceux des saints de l’Ancien Testament. La seule différence est que ceux-ci ne pouvaient aller au-delà. Le Libérateur n’était pas encore venu ; la délivrance n’avait pas encore été opérée. Le fondement béni sur lequel on reçoit la paix d’après le principe de la foi et par la grâce de Dieu n’avait pas encore été posé devant eux ; et les voies de Dieu ne peuvent être anticipées. Nous ne pouvons devancer Dieu, mais nous pouvons le suivre et considérer sa bonté comme par derrière (Ex. 33). Maintenant le salut est venu. Christ a passé ici-bas ; il est mort et ressuscité ; et cependant les âmes vivifiées ne saisissent pas toujours au même moment les puissants résultats qui découlent de ce grand fait. Il peut bien arriver qu’elles le fassent et je ne doute pas qu’il se présente encore des cas analogues à celui du geôlier de Philippes. À l’heure même où la conscience de cet homme fut atteinte, il se fit en lui et chez les siens une oeuvre complémentaire de Dieu, en vertu de laquelle il put se réjouir immédiatement avec toute sa maison. Quelque misérable qu’eût été cet homme l’instant d’avant, la grâce divine le rendit sur l’heure même pleinement heureux. Ainsi donc, nous sommes loin de nier que la même double opération puisse avoir lieu dans un laps de temps très court, mais le cas est plus rare qu’on ne le suppose.
Prenez par exemple l’apôtre Paul. Si jamais homme fut converti, c’est bien celui-là. Il fut sur le chemin de Damas le témoin et l’objet d’une manifestation de puissance extraordinaire. Pourtant il est évident que Dieu ne l’établit pas sur-le-champ dans une pleine liberté. Pendant trois jours et trois nuits, Saul fut aveugle et bouleversé au point de ne manger ni de boire ; image de son état spirituel. Il avait réellement contemplé Christ dans la gloire, et cela pour la délivrance de son âme. Mais avait-il été amené aussitôt à la paisible jouissance de tout ce qu’il avait vu et entendu ? Je ne doute pas qu’il se soit fait en lui une oeuvre immédiate, fruit de la vérité agissant dans l’homme intérieur. Cependant il ne connut le repos et la pleine liberté qu’après qu’Ananias soit venu à lui et qu’il ait été baptisé. Nous savons que c’est à ce moment-là qu’il fut rempli de l’Esprit Saint et que, comme c’est toujours le cas, il entra dans la conscience de la pleine bénédiction.
Cet intervalle de temps entre les deux expériences ne met pas en cause la plénitude de l’Évangile, non plus que l’affranchissement qu’il apporte. Mais il explique l’état intermédiaire dans lequel gémissent beaucoup d’âmes. Si nous avons de la sollicitude pour elles, nous saurons les reconnaître à des signes qui ne trompent pas. Bien qu’elles soient l’objet d’une action réelle de l’Esprit de Dieu, ces âmes peuvent néanmoins rester dans cette condition pendant des jours, des semaines, des mois, des années avant d’être amenées dans un complet affranchissement devant Dieu. Or, là où l’on entre dans l’affranchissement, il y a, selon moi, non pas seulement la vie, mais la réception de l’Esprit Saint.
Je voudrais dire encore un mot avant de quitter cette partie du sujet. Chaque fois que Dieu commence une oeuvre en quelqu’un, il l’achève, lors même que les deux opérations mentionnées ci-dessus ne se suivent pas immédiatement. La gloire de Dieu exige que jamais, en ceux qui meurent, l’oeuvre ne soit restée incomplète. Chaque fois que Dieu vivifie, il donne aussi le Saint Esprit. Je ne crois pas que ce soit toujours au premier moment, et, de fait, l’Écriture semble montrer le contraire ; mais celui que Dieu entreprend de bénir maintenant, sera tôt ou tard, soyons-en certains, amené à la jouissance simple et entière de la paix avec Dieu (progrès qui n’est pas à confondre avec l’intelligence spirituelle, chose, hélas, trop rare chez les croyants). Nous savons tous comment des âmes vraiment pieuses peuvent rester malheureuses pendant des années ; mais pour ma part je n’en connais pas une seule qui n’ait été rendue joyeuse avant que le Seigneur l’appelle à Lui. J’ai été personnellement témoin de cas véritablement merveilleux, où se sont complètement évanouis tous les doutes et toutes les craintes qui avaient assombri l’existence entière de personnes qui pourtant avaient la vie. Avant de quitter ce monde, elles ont pu voir la grâce de Dieu dissipant enfin tous les nuages qui avaient plané sur leur âme. En conclusion, lorsqu’une âme est vivifiée par l’Esprit de Dieu, ou convertie, ce qui au fond signifie la même chose, il se pourra qu’elle reçoive le Saint Esprit aussitôt après, mais il se pourra aussi qu’elle ait à attendre, à cause d’un manque de soumission présente à la justice de Dieu.
Il est bon de remarquer qu’à Césarée le baptême suit le don de l’Esprit. L’apôtre Pierre attire l’attention sur le fait que non seulement l’Esprit Saint tombe sur eux comme il était tombé sur les Juifs le jour de la Pentecôte, mais que ceux des nations se mettent à parler en langues. Il se produisait le même irrécusable témoignage du grand don. Ce fait avait une importance considérable en ce qu’il fermait la bouche aux fidèles de la circoncision qui accompagnaient l’apôtre. En les entendant magnifier Dieu, Pierre s’écria : «Quelqu’un pourrait-il refuser l’eau ?» Il savait parfaitement bien comment le préjugé des Juifs pourrait se montrer. C’était également une chose nouvelle que les Gentils soient baptisés d’eau. «Quelqu’un pourrait-il refuser l’eau, afin que ceux-ci ne soient pas baptisés, eux qui ont reçu l’Esprit Saint comme nous-mêmes ?»
Encore un autre fait à observer, à l’appui duquel l’Écriture fournit d’ailleurs d’autres preuves, c’est que le baptême n’a jamais été institué pour être, dans son administration, le privilège d’un personnage officiel dans l’Église. Pierre est là, et si l’on avait rattaché à cet acte une question de dignité ou de supériorité chez les personnes, assurément c’est à un apôtre que serait revenu le droit de baptiser. Eh bien ! le texte indique clairement que ce n’est pas lui qui administre le baptême. Il a soin que Corneille et les siens soient baptisés, et même il le commande, mais il n’est dit nulle part qu’il les baptise lui-même. Pareillement lorsqu’il parle de son oeuvre à Corinthe, Paul est heureux de rendre grâces à Dieu de ce qu’il n’a baptisé aucun d’eux, à l’exception d’un nombre insignifiant (1 Cor. 1:14 à 17). Je ne doute pas qu’ici Pierre n’ait été divinement conduit à s’abstenir de baptiser. Dieu, qui opérait à sa propre louange, ôtait ainsi toute occasion de donner gloire à l’homme. Le grand apôtre Paul lui-même fut baptisé par un simple disciple ; et, assurément, si la personne de celui qui baptisait avait ajouté quelque chose à l’acte, nous pouvons penser que cette distinction aurait été particulièrement maintenue par Dieu lorsqu’il s’agissait de baptiser un apôtre. Mais Ananias, sur l’ordre de Dieu, va vers Saul qu’il appelle «frère», et le baptise sur-le-champ. On n’attend aucun personnage officiel.
N’est-ce pas une preuve étonnante de l’incrédulité des hommes, que l’on passe par-dessus un fait aussi patent ? Les anciens ou les modernes se flattent-ils de faire mieux que l’Écriture ? Connaissent-ils la volonté du Seigneur mieux que les écrivains inspirés ? L’usage qui consiste à faire de ministres officiels de l’Évangile les seules personnes compétentes pour baptiser, n’a nullement le sceau de Dieu. La Parole met le plus grand soin à montrer que le baptême pouvait être appliqué sans eux. Pour Corneille, par exemple, il n’était pas besoin de chercher quelqu’un remplissant une fonction élevée, puisqu’un apôtre était présent. Si l’ordre selon Dieu avait exigé la forme que les hommes ont imposée depuis, pourquoi aurait-elle été omise dans une occasion aussi sérieuse, occasion dont la religion n’aurait pas manqué de faire un précédent pour tous les temps à venir ? Or, de même que Saul, le centurion Gentil et sa maison sont baptisés par ceux que l’on désigne aujourd’hui sous le nom de laïques. Les apôtres et les évangélistes ont quelquefois baptisé ; mais le baptême n’était nullement considéré comme un rite officiel ; d’autres frères pouvaient baptiser et le faisaient même quand un apôtre était présent.
Il ne reste plus qu’un seul cas, relaté dans les Actes, sur lequel nous avons quelques mots à dire en rapport avec notre sujet. «Or il arriva, comme Apollos était à Corinthe, que Paul, après avoir traversé les contrées supérieures, vint à Éphèse ; et ayant trouvé de certains disciples, il leur dit : Avez-vous reçu l’Esprit Saint après avoir cru ? Et ils lui dirent : Mais nous n’avons même pas ouï dire si l’Esprit Saint est. Et il dit : De quel baptême donc avez-vous été baptisés ? Et ils dirent : Du baptême de Jean. Et Paul dit : Jean a baptisé du baptême de la repentance, disant au peuple qu’ils croient en celui qui venait après lui, c’est-à-dire en Jésus. Et ayant ouï ces choses, ils furent baptisés pour le nom du Seigneur Jésus ; et, Paul leur ayant imposé les mains, l’Esprit Saint vint sur eux, et ils parlèrent en langues et prophétisèrent» (Actes 19:1 à 6). Voilà une circonstance dont le sens est bien clair, et qui n’est pas moins remarquable que celles que nous venons d’examiner. L’apôtre, sans doute, avait discerné chez ces «disciples» d’Éphèse un manque de liberté qui le porta à s’informer s’ils avaient reçu l’Esprit Saint «après avoir cru». Il est donc vrai — et cela l’était certainement dans la pensée de l’apôtre — qu’on peut recevoir le Saint Esprit après avoir cru. Il ne met pas en question la réalité de leur foi ; mais il avait un motif pour demander s’ils avaient reçu le Saint Esprit depuis qu’ils étaient dans la foi. Et leur réponse est également simple : «Nous n’avons même pas ouï dire si l’Esprit Saint est».
Non pas qu’ils aient prétendu ignorer l’existence de l’Esprit. La question portait sur sa réception par les croyants, promesse ancienne dont ils ne savaient pas qu’elle était réalisée. Jean avait annoncé que celui dont il était le précurseur ne baptiserait pas d’eau seulement, mais de l’Esprit Saint. En fait, tout lecteur de l’Ancien Testament connaissait non seulement l’existence de l’Esprit, mais la bonne promesse de Dieu, que dans les derniers jours l’Esprit serait répandu. Et, de tous les prophètes, Jean est celui qui a le plus insisté sur cette vérité, que le Messie serait l’instrument de cette oeuvre et de cette faveur merveilleuse parmi les hommes. Mais, pour une cause ou pour une autre, ces disciples ne savaient pas que la promesse était actuellement en voie d’accomplissement, que des croyants Juifs, Samaritains et Gentils avaient déjà reçu l’Esprit, par l’ouïe de la foi et non par des oeuvres de loi.
L’apôtre leur demande ensuite de quel baptême ils ont été baptisés. À quoi ils répondent qu’ils ne connaissent que le baptême de Jean. Ceci provoque une importante explication. Jean n’avait pas été au-delà du baptême de la repentance. Il avait, en effet, insisté sur ce jugement de soi-même que l’Esprit seul produit dans les âmes quand elles s’inclinent devant la Parole de Dieu, jugement qui leur découvre leur ruine morale devant Lui. Mais la puissance qui est basée sur la rédemption n’avait pas encore été communiquée. Et cette puissance ne pouvait demeurer dans un homme pécheur tant que n’avaient pas eu lieu l’effusion et l’aspersion du sang qui était en quelque sorte le fondement de l’habitation de l’Esprit. Or, c’est cette puissance, communiquée en vertu de l’oeuvre de Christ, qui lie l’âme délivrée et rachetée avec Celui qui a remporté la victoire, et la conduit victorieusement au travers d’un monde méchant. Jean ne pouvait que dire aux hommes de croire en Celui qui venait après lui, c’est-à-dire en Christ. Tandis que Paul prêche un Sauveur déjà venu et qui a effectué la rédemption. «Et ayant ouï ces choses, ils furent baptisés pour le nom du Seigneur Jésus ; et, Paul leur ayant imposé les mains, l’Esprit Saint vint sur eux, et ils parlèrent en langues et prophétisèrent».
Ici encore les signes extérieurs ne manquent pas ; mais, pas plus que dans les autres circonstances, ils ne sont confondus avec le don du Saint Esprit. Ces disciples sont baptisés du baptême chrétien ; le baptême de la repentance était insuffisant. Ils sont baptisés au nom de Celui qui mourut et ressuscita ; et là-dessus, ils reçoivent l’Esprit, mais cette fois avec l’imposition des mains de Paul. C’est ainsi que si Dieu a honoré Pierre et Jean en Samarie, il n’honore pas moins l’apostolat de Paul. Et l’on remarquera aussi que, comme Pierre et Jean avaient rempli cet office non à Jérusalem, mais dans sa religieuse rivale, Samarie, de même Paul est appelé à imposer les mains, non pas à des Gentils convertis par sa prédication, mais à des disciples déjà baptisés du baptême de Jean.
Il n’y a donc en cela rien qui soit de nature à susciter une difficulté, ni à affaiblir la portée des explications précédentes. Les deux cas dans lesquels des apôtres imposèrent les mains à des croyants afin que ceux-ci reçoivent l’Esprit sont des cas exceptionnels et subordonnés aux occasions principales où nous ne voyons pas que pareil acte soit accompli par les apôtres. Dans la première et la principale de ces circonstances, la visitation des Juifs à la Pentecôte, l’Écriture ne fait pas mention d’un seul cas d’imposition des mains ; et d’ailleurs, qui aurait pu imposer les mains à ceux qui, les premiers, reçurent le Saint Esprit en ce jour-là, que ce soient les apôtres ou les cent vingt disciples ? Dans la pensée de Dieu, ce don devait émaner directement de Sa main. La conclusion est évidente : si même aujourd’hui il existait des apôtres, l’imposition de leurs mains ne serait pas nécessaire pour que nous, ou tous autres croyants gentils, recevions le Saint Esprit. Croyant en Christ par leur parole, nous avons eu part à la bénédiction de la même manière que nos devanciers, savoir ces premiers chrétiens non Juifs, à Césarée.
Le Seigneur soit béni non seulement pour le don de son Esprit, mais pour sa Parole écrite, qui manifeste la folie des hommes prétentieux et réprouvés quant à la foi, lesquels cherchent à inquiéter les timides et à enhardir les superstitieux. Puissions-nous retenir, «selon la foi des élus de Dieu... la connaissance de la vérité qui est selon la piété, dans l’espérance de la vie éternelle que Dieu, qui ne peut mentir, a promise avant les temps des siècles !» (Tite 1:1, 2).
Notre sujet embrasse deux points principaux qu’il importe de bien distinguer. Le premier est la vérité bénie que nous sommes dans l’Esprit. En contraste avec la nature et la chair, c’est là une condition entièrement nouvelle que les rachetés du Seigneur revêtent déjà sur la terre. Le second est celui de la demeure actuelle, personnelle, du Saint Esprit dans celui qui croit. Notre chapitre, qui insiste avec force et précision sur ces deux vérités, va nous donner l’occasion d’en expliquer la différence et de tirer la conclusion qui ressort de chacune d’elles pour la bénédiction du chrétien, à la propre gloire de Dieu. Pour bien saisir la première de ces vérités, il nous faut rappeler les grandes lignes de l’épître aux Romains.
La clef de cette épître est la justice et essentiellement la justice de Dieu. Celle-ci est la qualité divine, révélée par l’Évangile et fondée sur la rédemption, qui permet à Dieu d’être parfaitement conséquent avec lui-même en justifiant le coupable qui croit en Christ.
Cette épître nous apprend comment il se fait que Dieu puisse ainsi nous justifier. La justice divine est par Jésus Christ, le Seigneur. Elle est fondée sur son sang, sur sa mort. Mais elle ne se limite pas à la rédemption, bien que la plupart des croyants aiment à s’arrêter là. Tout en bénissant Dieu de ce que beaucoup de pécheurs en arrivent à ce point, nous devons vivement regretter que certains de nos frères n’avancent pas au-delà. Nous le regrettons pour eux-mêmes, pour la joie qu’ils perdent par rapport à la liberté chrétienne. Nous le déplorons surtout parce que tout ce qui dérobe à l’âme sa bénédiction propre, son entière liberté devant Dieu, diminue d’autant la gloire de Christ, et entraîne, en proportion, faiblesse dans le service aussi bien que dans le culte chrétien.
Plusieurs considèrent cette perte comme de minime importance ; ils estiment que la seule chose désirable est qu’une âme soit sauvée de la colère à venir. Nous ne pouvons que les plaindre. Si le salut de l’homme était le seul but de Dieu, cette attitude se justifierait. Mais jamais Dieu ne se propose moins que sa propre gloire, et celui qui fait du simple salut la grande question, prouve qu’il est plus occupé de lui-même et de son entourage qu’exercé dans son âme à l’égard de ce que le Saint Esprit révèle de Dieu et de son Fils. Du reste, jamais on n’a vu une âme ayant appris à jouir de Dieu, à triompher du monde et à adorer dans l’énergie de l’Esprit Saint, consentir à revenir en arrière pour s’enfermer dans les pauvres limites de la théologie humaine. Cette dernière est la science qui prétend s’occuper des vérités divines. C’est un système de raisonnements qui, parce qu’ils sont le produit de l’intelligence, et non de la foi, empêchent la puissance, sacrifient la liberté, s’opposent à la gloire de Dieu, et donnent à l’homme une place qui ne lui appartient pas. Les enfants de Dieu qui s’en contentent sont arrêtés dans leurs progrès ; ils ne croissent pas, et le Saint Esprit est contristé par le déshonneur qu’on lui fait ainsi. Lui seul en effet est qualifié pour guider le racheté. Lui seul peut bénir ceux qui appartiennent à Christ pour la gloire de Dieu le Père.
En premier lieu, j’appelle donc l’attention sur les grands principes développés dans l’épître aux Romains. On n’y trouve pas un mot sur l’amour de Dieu ni sur la victoire dont jouit le chrétien, jusqu’à ce que la question entière de la justice soit décidée. Au premier abord, il ne semble pas que ce soit le moyen le plus court de soulager le coeur, de lui donner la paix et la liberté ; pourtant c’est bien le moyen dont Dieu se sert. Dès les premiers versets apparaît ce mot toujours inflexible et accablant pour l’homme : «la justice de Dieu». Cette justice en effet, place devant l’homme l’autorité divine et ne lui permet pas d’oublier le droit solennel que Dieu a de juger.
Jusqu’au moment où le péché fut entré dans le monde, il n’était pas question de justice. Qu’y avait-il à juger avant que l’homme se soit ruiné lui-même en même temps que la création dont il était le chef ? Auparavant, tout était très bon. Le jugement n’était donc nullement la relation normale entre Dieu et l’homme dans l’état d’innocence. Dieu n’agissait alors envers Adam que pour le combler de toutes les bontés dont s’accompagnait la création. L’homme ne faisait alors que se réjouir, et adressait à Dieu les actions de grâces d’une créature sans péché. Mais bientôt la scène fut changée et gâtée. La conscience acquise à l’homme par la connaissance du bien et du mal (connaissance du bien qu’il avait perdu et du mal qu’il avait acquis, gain amer du péché par lequel il avait été vaincu), cette conscience porta l’homme tout d’abord à cacher sa nudité puis à se dérober à la présence de Dieu. Hélas ! bien avant que la voix de Dieu ne prononce contre lui la sentence judiciaire, la conscience de l’homme l’avait déjà condamné et banni moralement. Il sentait qu’il n’y avait plus place pour lui dans la présence de Dieu. La conséquence fatale fut manifestée dès ce jour-là, bien qu’elle ne se soit déclarée que progressivement, selon le bon plaisir de Dieu, et avec une clarté toujours croissante : le péché nécessitait le jugement.
Il s’ensuit évidemment que si l’homme devait être sauvé, il fallait qu’il fût appelé ; et cela par la gloire et par la vertu, comme il est dit en 2 Pierre 1. C’est là le caractère de l’appel de Dieu. Il appelle l’homme à ce qu’il ne possède pas. Il ne s’agit pas seulement pour ce dernier de maintenir ce qui lui reste et d’en user sagement. Il a perdu sa possession originelle ; bien plus, il a perdu non seulement tout ce que Dieu avait placé au-dessous de lui, sous sa responsabilité, mais encore Celui qui était au-dessus de lui : Dieu lui-même. Et sa propre conscience, nouvellement acquise, en portait le témoignage pénible mais véritable. C’est pourquoi Dieu l’appelle dans sa grâce ; mais il l’appelle par la gloire. Il l’appelle à ce qui ne se voit pas, tout en agissant sur lui par des motifs moraux comme frein pour le mal qui s’était introduit dans le coeur de l’homme et l’avait soumis à sa domination.
Tout cela est, sans contredit, développé dans le christianisme avec une force incomparablement plus grande ; toutefois, le principe n’en est pas moins vrai à partir du moment où l’homme tomba. Au moment convenable, Dieu fit des promesses ; et celles-ci, est-il besoin de le dire, agirent puissamment en ceux qui avaient la foi. Plus tard la loi fut donnée et avec elle une certaine connaissance du péché. Car la loi soulevait le problème de l’état de l’homme, question que les promesses ne touchaient point. Les promesses ne faisaient que présenter une bénédiction que Dieu donnerait assurément en son propre temps. Elles ne dépendaient pas de l’état de l’homme mais de la parole et de la volonté de Dieu agissant en grâce. Toutefois l’homme étant pécheur, il est évident qu’il ne serait pas bon pour lui de ne pas sentir son état réel. C’est pourquoi, les promesses étant données mais non encore accomplies, la loi fut introduite ; elle sonda l’homme, mettant en évidence sa méchanceté et son entière culpabilité ; elle prouva en outre que, même doué de la connaissance de sa méchanceté, il ne possédait ni la volonté ni la force d’amender ses voies.
Christ vint enfin. Soumis à la loi, il aurait pu s’approprier les promesses. En effet, il était l’héritier véritable aussi bien que le témoin fidèle — le seul qui ait jamais fait ressortir la beauté de la loi comme instrument moral ; le seul qui ait répondu à cette expression du droit que Dieu a sur l’homme. Seul il justifia dans toutes ses voies ici-bas Celui qui avait donné la loi. Mais s’il s’était saisi des promesses comme se rattachant à l’observance de la loi, il est bien évident que personne n’aurait pu partager avec lui l’héritage. C’est pourquoi dans la croix du Seigneur Jésus se fait voir une chose toute nouvelle : Lui qui avait accompli la loi, lui, l’héritier même des promesses, au lieu de la couronne prend sur lui la malédiction — au lieu du royaume de Dieu, il subit le jugement !
Alors s’accomplit cette oeuvre, la plus merveilleuse de toutes : tout ce que Dieu ressentait contre le péché s’exprima contre Celui qui n’a pas connu le péché ; tout ce que, dans sa sainte indignation, Dieu pouvait contre le mal, tomba sur Celui qui n’avait point commis le mal, dans la bouche duquel il ne se trouvait aucune fraude. Lui, son propre Fils, l’objet de ses parfaites délices, de sa pleine et éternelle faveur, fut abandonné au jugement impitoyable, Dieu agissant envers lui comme jamais il n’avait agi, ni ne le pourra jamais de nouveau envers aucun autre. La gloire même de la personne du Fils unique, qui lui donnait la force de soutenir ce jugement, rendait cette colère d’autant plus insupportable. Le fait même qu’il était Dieu, sa qualité de Fils en rapport avec le Père (car il possédait et la nature de Dieu et la connaissance du Père), ajoutait aux souffrances du Seigneur, à cette heure solennelle, ce qu’il y a de plus poignant et d’indicible. Mais, «c’est accompli...» ! Et, dès ce moment, la justice de Dieu n’est plus seulement promise ; elle commence à être révélée. Ce sujet-là n’est peut-être pas entièrement exposé dans les Romains ; mais cette épître en contient l’essentiel, notamment ce qui se rattache aux besoins de l’homme.
Dans la seconde épître aux Corinthiens, l’Esprit considère un autre aspect de la justice de Dieu : «ce que nous sommes faits en Christ». À cet égard, le point principal c’est que Jésus est glorifié au ciel dans la gloire de Dieu. Il n’est fait que très brièvement allusion à cette vérité dans le chapitre 8 des Romains, le but de cette épître étant de présenter les bases du salut et de la paix avec Dieu, plutôt que la hauteur céleste à laquelle nous donne droit la justice divine. Ce dernier point de vue aurait pu contrarier le courant de l’Esprit, occupé dans cette épître à faire ressortir la vie en Celui qui est ressuscité des morts plutôt qu’à révéler la gloire de Christ assis dans les cieux. Car ce qu’il y avait de plus absolument indispensable pour établir la base et la manifestation de la justice divine c’est que Dieu entre dans la scène de la mort, là où Jésus s’abaissa comme sacrifice pour le péché, s’étant en grâce parfaite rendu responsable pour nous. Ensuite il ressuscite Christ d’entre les morts, et enfin le fait asseoir à sa droite dans les lieux célestes.
En tout cela s’exprimait la justice de Dieu, comme conséquence de la croix. C’était ce que Dieu devait à Jésus ; une dette dont il lui fallait s’acquitter soit comme Dieu, soit comme Père. Car Jésus était l’homme qui l’avait glorifié au plus haut degré, comme jamais auparavant il n’avait été glorifié, et cela quant à ce qu’il détestait le plus : le péché lui-même. Christ ne s’est rien épargné ; il a tout enduré ; il n’a pas cherché à montrer sa gloire, il l’a mise de côté. Il se plaça, pour ainsi dire, complètement entre les mains de Dieu, prenant sur lui tout ce qui était dû à Dieu pour le péché. La conséquence en est que Dieu, aussi bien comme Dieu que comme Père, ressuscita par sa propre gloire, celui qui était à la fois Fils et homme (Rom. 6:4).
Mais cela même n’aurait pas suffisamment exprimé la valeur de l’oeuvre et des souffrances de Christ. Aux yeux de Dieu, la croix méritait encore incomparablement davantage. Jésus y mourut, portant nos péchés en son propre corps. Par la grâce de Dieu, il goûta la mort pour tout. Voilà ce qui détruisait la puissance de Satan, effaçait le péché, rapportait à Dieu une gloire infinie, et à cet égard le rendait redevable envers l’homme, le Fils de l’homme. C’est pourquoi Jésus pouvait déclarer dans le chapitre 13 de Jean : «si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui-même, et incontinent il le glorifiera». Sans attendre «l’administration de la plénitude des temps», ce moment où lui seront données la terre et toutes les nations de la terre, Dieu glorifie Christ en lui-même immédiatement et dans le ciel. La justice de Dieu était en question, sa gloire morale et céleste était en jeu. Il relève Christ d’entre les morts et le place sur son propre trône dans le ciel. Qui, excepté Dieu, eut jamais la pensée d’un tel dessein ? Sans doute, les Psaumes et d’autres passages contenaient des paroles inspirées qui ont pu être comprises après que Dieu eut agi de la sorte, et montrer que telle était déjà, dans le passé, la pensée divine. Mais glorifier le Fils de Dieu en lui-même, c’est là un moyen d’exprimer la gloire dont il couronna Jésus qu’on chercherait en vain dans la Parole jusqu’à ce que lui-même le déclare au moment où il allait quitter la terre.
Et pourtant, toute glorieuse qu’elle soit, cette portion ne suffirait pas à Dieu. Elle était personnelle à Christ et précieuse par-dessus tout ; mais son oeuvre s’appliquait à d’autres, et voilà le côté de la justice de Dieu que déploie l’épître aux Romains : savoir l’effet de sa justice par rapport aux croyants plutôt que par rapport à son Fils. Il souffrit sur la croix et fut exalté dans la gloire céleste ; mais que deviendraient ceux pour lesquels il mourut ? Dieu les laisserait-il dans leurs péchés ? Serait-il juste que Jésus fût ainsi traité ? Comment estimer à sa pleine valeur l’oeuvre accomplie par le Fils de l’homme pour ses brebis perdues qu’il était venu chercher et sauver ? Avait-il échoué ou au contraire vaincu dans cette puissante entreprise ? Il avait souffert et il était mort pour eux et pour leurs péchés : qu’en est-il résulté ? La réponse se trouve dans l’épître aux Romains, qui nous présente la conséquence de cette vérité pour l’homme dans le péché : il est mis au bénéfice de la justice de Dieu «envers (ou pour) tous, et sur tous ceux qui croient». Le 3° chapitre, auquel nous empruntons ces paroles, (v. 22), nous apprend que la justice de Dieu a satisfait entièrement aux péchés. Nous y trouvons l’expiation, ou la propitiation, pour les péchés des hommes. Mais ce chapitre prouve que la mort de Christ ne se borne pas à répondre aux besoins de l’homme : tout se rapporte maintenant à la gloire de Dieu. Les hommes n’atteignent pas à sa gloire ; mais si Dieu introduit son salut, ce doit être pour rendre l’homme capable de se tenir en sa présence dans le ciel. Si le salut s’accomplit, ce n’est pas simplement pour réinstaller l’homme où il était avant sa chute, mais bien pour lui fournir la capacité de se tenir dans la présence de la gloire de Dieu.
Eh bien ! c’est ce qu’exposent les chapitres 4 et 5, en nous montrant par quel moyen s’accomplit cette oeuvre. Non pas cette fois par la mort de Christ, mais par sa résurrection. «Il a été livré pour nos fautes et a été ressuscité pour notre justification». Et c’est aussi la foi qui s’empare de ce complément glorieux de l’oeuvre de Christ pour nous. «Ayant donc été justifiés sur le principe de la foi, nous avons la paix avec Dieu» ( 5:1).
C’est là, remarquons-le, que, pour la première fois dans cette épître, nous trouvons la paix avec Dieu, l’accès à cette faveur dans laquelle nous sommes, et notre privilège de nous glorifier dans l’espérance de la gloire de Dieu. L’épître aux Romains ne nous considère jamais, ainsi que le fait celle aux Éphésiens, comme actuellement unis à la gloire ; mais elle nous représente comme capables, ici-bas, d’abonder dans l’espérance de la gloire que nous avons en perspective.
Puis, au milieu des tribulations, dont nous pouvons tirer de quoi nous glorifier, il est dit que nous avons l’amour de Dieu versé dans nos coeurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné. Ainsi la première allusion à l’amour de Dieu n’apparaît qu’après que la justice de Dieu a été expliquée aussi complètement que l’exigeait cette épître. Pour quelle raison ? Parce que Dieu voulait d’abord produire en ceux envers lesquels il agissait avec tant de grâce un sentiment profond, solennel, du péché. Je ne dis pas que c’est ainsi que nous devions agir envers une pauvre âme inquiète ; mais, en fait, l’épître aux Romains ne s’adresse pas à ceux qui sont inquiets et troublés dans leur conscience. Il ne s’agit pas là de gagner à Dieu des âmes non encore converties. Avec celles-là, rien de plus important que de démontrer l’amour : et c’est là d’abord ce que fait Jésus. Il attire l’attention, gagne la confiance, puis il éveille la conscience avant de la mettre dans la parfaite liberté telle que nous la connaissons par le Saint Esprit depuis que l’oeuvre est achevée. Mais dans nos rapports avec ceux qui croient, et surtout avec les âmes qui ont saisi la bénédiction de l’Évangile sans que la conscience ait été bien profondément labourée, il est de toute importance de présenter avec la plus grande clarté possible le côté de la justice de Dieu et de comprendre distinctement que l’Évangile est «la puissance de Dieu en salut» parce qu’il est la justice de Dieu. C’est là le raisonnement de l’apôtre dès le premier chapitre de l’épître.
Jusqu’au chapitre 5 (v. 11), nous voyons ainsi en présence : des pécheurs coupables, et un Dieu qui, à sa manière propre, vient au-devant d’eux tels qu’ils sont, dans leurs péchés. Mais alors, pour l’âme réveillée qui a trouvé la paix, un sujet de plus grand tourment encore apparaît : ce ne sont plus ses péchés mais son péché ; non pas ce qu’elle a fait, ce dont elle est coupable, mais son état même devant Dieu. Après sa conversion, après avoir trouvé la paix, voici cet homme qui découvre la misère de son état, qui voit dans son coeur des replis de méchanceté qu’il ne pouvait croire possibles chez un enfant de Dieu ; replis qu’aucun homme ne soupçonne avant d’en faire l’expérience personnelle. La parole de Dieu en parle bien, mais l’homme passe outre et ne s’arrête pas à ces passages. À vrai dire, du reste, personne ne comprend la chose avant d’en avoir fait l’expérience personnelle une fois que le coeur est véritablement amené à Dieu.
C’est la grande lacune du christianisme de nos jours, et depuis bien longtemps assurément. Il laisse les âmes, je puis bien le dire, à demi sauvées ; il leur présente des vérités partielles, mais il ne leur apprend pas qu’elles sont en Christ. Je ne veux pas dire que l’expression «en Christ» n’est jamais employée ; mais qu’en lisant ce passage : «il n’y a donc maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus» — la plupart des personnes n’y comprennent rien, sinon que Christ est mort et ressuscité pour elles, et que par conséquent elles sont justifiées devant Dieu. Mais c’est loin d’être toute la signification de ce passage. Dès le milieu du chapitre 5, le Saint Esprit soulève une question nouvelle, à savoir : la culpabilité de l’homme, sa nature pécheresse, la manière dont Dieu y répond et dont une âme peut être délivrée. Tout cela a été décidé ; et c’est là la doctrine propre de l’épître aux Romains du chapitre 5 au chapitre 8. C’est une instruction de la plus haute importance pour l’âme qui a déjà trouvé Christ. Non seulement elle me révèle un Sauveur mort pour mes péchés et ressuscité pour ma justification, mais elle m’apprend que ma vieille nature a été jugée, condamnée dans la mort de Christ. «Comme par un seul homme le péché est entré dans le monde…». Il ne s’agit donc pas de ce que j’ai fait mais de ce que je suis.
Tous mes péchés étant effacés et pardonnés, je puis me trouver encore dans un état misérable pour moi-même, et plein de déshonneur pour Dieu. D’où vient cet état ? Il a été introduit par un seul homme : Adam. Mais, de même que ce premier homme a introduit le péché et la mort, Christ, le second homme, a accompli, lui, la justice ; et la grâce règne par la justice pour la vie éternelle, par Jésus Christ notre Seigneur (5:21). Voilà la délivrance. Il ne s’agit plus de pécheurs condamnés par la loi, mais d’Adam à une extrémité et de Christ à l’autre. Aucun Juif ne pouvait nier les conséquences de la position d’Adam à l’égard de toute sa race. Le monde était ruiné avant même que la loi n’entrât ; et la loi, loin de réparer la ruine, ne fit qu’imposer à l’homme de nouvelles entraves. Elle ne pouvait que prouver plus complètement l’étendue de la ruine. Mais maintenant était venu un autre homme, Jésus, qui passa, par la mort, dans la vie de résurrection. Par conséquent, depuis le verset 12 du chapitre 5, le Saint Esprit aborde une question toute nouvelle : ce n’est plus la justification par le sang, c’est la justification de vie. Il n’est pas question de ce que le Seigneur a fait, mais d’un état nouveau, d’une condition fondée sur la rédemption et déployée dans sa résurrection.
Christ a magnifié Dieu en toutes choses ; et ce qui était absolument nécessaire pour la gloire de Dieu constitue en outre une part essentielle de notre bénédiction, parce que nous possédons réellement un Christ entier. Quand il s’agit de ce qui fait face à notre état de péché comme hommes, l’Écriture ne fait pas ressortir ce que Jésus fit ici-bas, mais ce à quoi il fut élevé. C’est pourquoi, de même qu’Adam n’est devenu chef de race qu’après être devenu pécheur (on pourrait dire, quand il eut accompli l’oeuvre du péché), de même, le Seigneur Jésus ne devient Chef, le Chef reconnu et révélé — «un Esprit vivifiant» — qu’en entrant en résurrection. C’est seulement lorsqu’il eut déposé sa vie dans la mort que l’oeuvre fut achevée. C’est alors que le grain de blé, qui était tombé en terre et était mort, maintenant ressuscité, pouvait porter du fruit en abondance.
Le 6° chapitre applique ce principe au péché qui tourmentait le croyant. Le point principal de ce chapitre n’est pas que nous sommes ressuscités mais que nous vivons à Dieu en Christ ressuscité. Le raisonnement de l’apôtre ne va pas ici comme dans l’épître aux Colossiens jusqu’à contempler celui qui croit comme ressuscité avec Christ (dans les Éphésiens, il est même assis en Christ dans les lieux célestes). Car, si je suis ressuscité, je ne puis en même temps me tenir pour mort ; ce serait une contradiction dans les termes. Une telle erreur est exclue par le raisonnement même ainsi que par la portée de chacune de ces deux épîtres, et c’est un point d’une très grande importance comme on le verra dans l’Écriture. Aussi dans les Romains, le croyant n’est-il jamais considéré comme ressuscité : il est simplement «mort au péché et vivant à Dieu». Mais c’est là justement ce qui me fournit une délivrance bien merveilleuse pour la pratique ; délivrance à laquelle j’ai droit dès le premier moment de ma carrière chrétienne, dès que je reconnais le Seigneur Jésus et que je suis baptisé en son nom.
Le baptême est un signe de mise à part, un sceau mis sur quelqu’un dans un but déterminé. On est baptisé pour quelqu’un ou quelque chose. Pour quoi donc suis-je baptisé ? Pour la vie de Jésus ? Pour ce qu’il a fait ? Non pas ; c’est pour sa mort que je suis baptisé. Mon point de départ est cet acte infini de grâce divine qui a répondu à mon état et non seulement à mes péchés (pour ceux-ci en effet, je trouve son sang précieux). Ce n’est pourtant pas pour le sang de Christ que je suis baptisé mais pour sa mort — expression plus vaste et plus profonde. Voilà ce qui répond à ma condition comme pécheur — comme homme «vivant au péché». J’ai besoin d’être délivré de cette condition. Or la seule délivrance possible d’un état de péché, c’est la mort. C’est là précisément ce qu’il me fallait. Je ne suis pas seulement pardonné, chose nécessaire et du plus haut prix. Mais ce n’est pas là tout ce qui est appelé le salut. J’ai besoin de me voir appliquer la mort de Christ et sa vie au-delà de la mort, aussi bien que son sang précieux : et c’est là ce que je possède en Christ. Dieu soit béni, j’ai le droit de considérer la mort de Christ comme satisfaisant pleinement à ma condition quant à toute la racine du mal.
De sorte que j’ai le bonheur de savoir non seulement que je suis pardonné par son sang, mais que, ressuscité par lui, j’ai le droit de me tenir pour mort à tout péché demeurant en moi, péché qui serait autrement un fardeau insupportable. Une bénédiction du plus haut prix résulte d’un Christ mort et ressuscité. Avec la rémission des péchés, une délivrance plénière m’est accordée. Celui-là seul qui est mort est quitte du péché. Le sang de Christ suffit pour les péchés ; mais pour le péché, il me faut la mort de Christ dans sa pleine efficace. Elle seule répond à nos besoins. Car Celui qui est mort est ressuscité dans un état tout à fait nouveau où ne saurait jamais reparaître la terrible question du péché ni de son expiation.
La bénédiction entière de Christ est la part du croyant et cela dès qu’il croit. Ce n’est pas quelque chose que l’homme atteint par degrés, et qui donnerait une certaine valeur à ses expériences : cela ne tendrait qu’à l’exposer tristement à être content de lui-même et, par suite de la subtilité de son coeur, à lui fournir le moyen de dépouiller Christ sous prétexte d’honorer l’oeuvre de l’Esprit de Dieu au-dedans de lui-même. C’est là précisément hélas ! malgré le soin de Dieu à nous mettre en garde dans l’Écriture et dans les faits du christianisme (lire l’épître aux Galates), c’est là que trébuchent tant de chrétiens ; et voulez-vous savoir pourquoi ? Parce qu’ils se remettent sous la loi. Lorsque Dieu était occupé de fait de son peuple Israël, il leur donna sa loi qui agissait en frein, une espèce de mors, de bride pour leur chair rebelle. D’une part il fallait réprimer celle-ci ; de l’autre, pour ainsi dire, la pousser. Mais revenir aujourd’hui à la loi dans une bonne intention en visant à la piété c’est simplement renier le christianisme. Car la loi, au lieu d’être une règle de vie, est nécessairement une règle de mort pour celui qui a le péché dans sa nature. Loin d’être une puissance libératrice, elle ne peut que le condamner ; loin d’être un moyen de sainteté, elle est de fait, et d’après l’apôtre, la force du péché.
Ce qu’il me faut avant tout c’est la délivrance. Et comment l’obtenir ? Par la mort. Dois-je mourir moi-même ? Ce serait ma destruction, et non mon salut ; ce n’est pas là non plus l’enseignement de l’Écriture. Mais en me reposant sur la mort de Christ, je puis, avec l’apôtre, mourir chaque jour (1 Cor. 15:31), je puis, selon la mesure de ma foi, me soumettre au mépris du monde, m’exposer à ce qui m’obtiendra de sa part et la mise à l’écart et la souffrance. C’est la gloire du chrétien — tout en se séparant ainsi — d’avancer avec humilité, et pourtant avec hardiesse, dans le sentier qui est semé de toute l’amertume de l’épreuve. Mais que me faut-il comme point de départ ? Si j’avais à mourir graduellement à ma nature mauvaise, il y aurait occasion pour moi de me glorifier moi-même. Or il n’en est pas ainsi ; et de là l’importance de la vérité mise en évidence dans le baptême du chrétien. L’homme commence à professer Christ en confessant Sa mort et Sa résurrection. Que signifie le baptême ? que le Sauveur qu’on a confessé n’est pas vivant sur la terre, mais mort et ressuscité. Tous ceux qui sont baptisés pour Jésus Christ sont baptisés «pour sa mort» (Rom. 6:3).
Outre le sang, il y a sa mort ; c’est elle qui a affaire avec ma nature, et me met en liberté devant Dieu en Christ ressuscité. Plus je reçois cette vérité avec simplicité, mieux cela vaut. Dans les choses de Dieu, il n’y a rien de comparable à la simplicité ; et la vraie foi est celle qui reçoit Sa parole (même encore peu comprise) sur sa propre autorité. Si Dieu me dit à moi, chrétien, que je suis mort, dois-je le croire ou non ? Si donc il est incontestable que je suis mort, ne dois-je pas aussi croire les conséquences que sa parole en déduit pour moi ? Quelles sont ces conséquences ? Que mon jugement est tombé sur Christ, que Lui ressuscité est la puissance et le garant de ma délivrance, et que l’homme et le monde n’ont plus aucun droit sur moi, puisque j’appartiens désormais à un autre, savoir à Celui qui est ressuscité des morts ? Quel droit peut-on encore exercer sur un homme qui est mort ? Aucun ! Il ne reste qu’à l’ensevelir. La loi ne s’applique pas aux morts : non qu’elle perde sa force, mais elle n’a plus sur qui s’exercer. Son autorité se limite à des hommes vivants dans le monde. Or je suis moralement sorti de cet état-là par la mort et la résurrection de Christ ; de sorte que pour ce qui est de ma vie proprement chrétienne, je ne suis plus vivant dans le monde. Je suis mort à la chair et au monde ; et c’est bien là mon point de départ dans le baptême et dans ma confession du Seigneur Jésus. En tant qu’homme naturel, je vivais ; mais un Christ mort et ressuscité a terminé tout cela pour moi. Ce n’est pas seulement que je crois en Christ et que je connais le pardon de mes péchés par son sang précieux ; la parole de Dieu me donne encore le droit de savoir et de déclarer que, dans la mort de Christ, je suis mort moi-même.
La vertu du sang de l’Agneau pascal était expérimentée en Égypte même, mais la mer Rouge séparait manifestement le peuple du pays de la servitude afin que, racheté et délivré, il soit désormais seulement au Seigneur. Il est donc absolument nécessaire que la marche du chrétien s’effectue dans la pure lumière de la grâce de Dieu. Nous ne sommes pas «sous la loi, mais sous la grâce». Le 6° chapitre des Romains insiste sur ce point. Et c’est là une marche aussi humble que sainte, où la chair ne compte pour rien ; aussi n’y est-il pas dit un mot de la loi, si ce n’est pour déclarer expressément celui qui croit complètement affranchi de sa juridiction. Elle n’est pas faite pour un homme juste, et c’est bien sûrement ce qu’est un croyant. Sa force est contre les injustes : elle s’applique aux méchants qui vivent dans le monde, soit que les hommes lâchent la bride à la chair impure, soit qu’ils se retranchent dans les prétentions religieuses de la chair exaltée. C’est pour de telles personnes qu’est la loi (1 Tim. 1:9). Mais, quant au chrétien, il commence par la mort de sa nature, ce qui est le sens du baptême chrétien. Ce qui est si terrible pour le coeur naturel, la mort, devient pour le chrétien sa bénédiction. Mais c’est dans la mort de Christ qu’il est un homme mort devant Dieu, mort à tout ce en quoi il vivait auparavant. Et maintenant il jouit, comme faisant partie de la grâce de Dieu à son égard, du privilège de se tenir pour mort au péché et vivant à Dieu par Jésus Christ notre Seigneur.
Voilà un des privilèges auxquels l’Esprit Saint applique la mort et la résurrection de Christ ; et à ce privilège se rattache une grave responsabilité. Remarquons encore qu’il ne s’agit pas de nos péchés, ni de la grâce de Dieu qui nous en purifie dans le sang de Christ. Le péché comme tel, la nature charnelle, trouve son juste sort, sa fin en condamnation, dans la mort de Christ qui, ressuscité, communique une vie nouvelle, une nature spirituelle, dans la puissance de Sa résurrection. Cet Homme est mon Sauveur et cette nouvelle nature devient ma part dans la nouvelle création ; car, «si quelqu’un est en Christ, c’est une nouvelle création : les choses vieilles sont passées ; voici, toutes choses sont faites nouvelles». La deuxième épître aux Corinthiens peut développer cette doctrine, car elle s’occupe de la gloire de Christ et non pas seulement de la justice de Dieu comme base du salut, ce qui est le sujet de l’épître aux Romains.
Le chapitre 7 de cette épître traite la question de la loi. Bien que ce ne soit pas à proprement parler notre sujet, remarquons que nous trouvons ici, de la part de Dieu, une aussi pleine délivrance de cette difficulté-là que de celle dont traite le chapitre 6 par rapport au péché. «C’est pourquoi, mes frères», dit l’apôtre, «vous aussi, vous avez été mis à mort à la loi par le corps du Christ». Que signifie cette expression : «le corps du Christ» ? Personne ne l’emploierait pour décrire la vie de Christ ici-bas. Mais appliquez-la à sa mort et tout devient simple. «Vous aussi, vous avez été mis à mort à la loi par le corps du Christ, pour être à un autre». Est-ce comme à Celui dont le sang a été versé pour vous ? Non pas ; mais comme à Celui «qui est ressuscité d’entre les morts, afin que nous portions du fruit pour Dieu. Car, quand nous étions dans la chair...», continue l’apôtre, preuve que nous n’y sommes plus maintenant. Et c’est là ce qu’il nous faut. Mais ceux qui insistent sur la loi comme règle de vie du chrétien, lorsqu’ils font allusion à cette expression de l’apôtre, «vous n’êtes pas dans la chair», lui prêtent un sens erroné ; ils entendent par là notre ancienne condition d’inconvertis. En réalité cette expression va plus loin. Quelle est, en effet, l’expérience que nous présente le Saint Esprit à la fin du chapitre ? Celle d’un homme misérable, mais évidemment converti. Il lui a été donné de revenir à Dieu ; il déteste le péché, pourtant il y tombe toujours. Il aime la sainteté, mais jamais il n’y atteint. Ses sentiments sont droits ; mais, pour faire le bien ou éviter le mal, aucun effort ne lui réussit. Le mal est présent ; le bien semble toujours lui échapper. Telle est l’expérience de son coeur ; je ne parle pas de sa vie extérieure ; car ce n’est pas là la question, c’est quelque chose de bien plus profond. Il peut n’y avoir aucun péché manifeste, mais le péché est tristement à l’oeuvre au-dedans de lui.
Ce que l’apôtre rapporte ici à lui-même, comme pour se l’appliquer, c’est l’amertume d’une âme qui pensait n’avoir plus que bénédiction, et qui pourtant ne s’est jamais trouvée aussi malheureuse dans sa vie. Avant d’être régénéré, cet homme aurait pu goûter les plaisirs du monde qui ne donnent pas de vraie satisfaction. Maintenant il a tourné le dos au monde et la face vers Dieu ; et pourtant jamais il n’a connu une si grande misère, au point qu’il finit par pousser ce cri de douleur : «Misérable homme que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ?» Dès lors l’obscurité disparaît, la lumière se fait et apporte le calme et la sérénité. C’est donc l’expérience d’une âme qui avait connu Christ comme son espérance, une âme née de Dieu, et n’ayant néanmoins aucun sentiment de délivrance. Dieu lui laisse sentir son mal propre, intérieur, jusqu’à ce qu’elle regarde tout à fait hors d’elle-même à Christ, comme son libérateur, non seulement de la condamnation et de la colère, mais «de ce corps de mort».
Ce ne sont pas tant ses péchés, c’est le péché qui tourmente cette âme et cela d’autant plus que sa conscience est devenue plus sensible à ce qui est dû à Dieu. Mais ne connaissant suffisamment ni la grâce, ni la rédemption, ni Dieu, ni son propre coeur, elle est dans le plus grand désarroi jusqu’à ce qu’elle apprenne la réalité, la nature et l’étendue de la liberté en Christ. Aussi c’est précisément à cette angoisse et à cette perplexité que le Saint Esprit fournit la réponse au chapitre 8. Il commence par m’apprendre la portée de la délivrance que Dieu dans son amour a déjà assurée à mon âme. Il m’apprend que, plus tard, une délivrance aussi entière interviendra pour mon corps mortel. Ainsi donc la parfaite délivrance déjà accomplie en grâce, devient le gage de tout ce qui suit dans la gloire. Si, en parlant de ce que Dieu donne maintenant, je me sers du mot «partiel», c’est simplement en raison de la coexistence du corps et de l’âme. Pour tout ce qui regarde l’âme, la délivrance est parfaite, mais elle ne l’est pas pour le corps ; elle est accomplie pour l’homme intérieur, non encore pour l’homme extérieur.
C’est ce que l’apôtre nous présente dans les premiers versets du chapitre 8 des Romains : «Il n’y a donc maintenant aucune condamnation», proclame-t-il, parce qu’il n’envisage que Christ ; il «est» et se repose en Lui seul. Telle est la première et bienheureuse réponse à l’âme qui confesse sa misère et réclame un libérateur. Réveillé pour sentir que ce n’est pas le pardon seul qu’il lui faut, mais bien d’être délivré de soi-même, l’homme découvre que cette délivrance est dans Un Autre. Il s’était imaginé jusque-là qu’ayant obtenu le pardon en Christ, il lui fallait se délivrer par l’opération intérieure de l’Esprit de Dieu. Mais au moment même où son secours lui était le plus nécessaire, il a appris que l’Esprit Saint, non seulement ne l’aidait pas, mais le rendait profondément misérable. La raison en est claire : en fait il s’était placé sous la loi. Et le Saint Esprit — précisément parce qu’il est l’Esprit de Dieu descendu pour glorifier Christ — ne donnera jamais la puissance à l’homme tant que celui-ci cherchera à mettre la loi à la place de Christ ; au contraire, il lui fera éprouver son impuissance totale. Le Saint Esprit est descendu du ciel sur la terre pour glorifier le Seigneur et non pas la loi.
C’est dans les gémissements que le croyant du chapitre 7 avait appris l’impossibilité de se délivrer lui-même. Réduit à se tourner vers le Libérateur, la conclusion qu’il en tire c’est qu’«il n’y a donc maintenant aucune condamnation» — non pas pour ceux pour lesquels Christ mourut — mais «pour ceux qui sont dans le Christ Jésus». Nous sommes maintenant par grâce établis dans un Autre : Christ ressuscité. Voilà ce qui détermine notre condition devant Dieu. Rien ne peut être plus béni. La comparaison suivante pourra aider à s’en faire une faible idée. Prenez un homme noble, dont les sentiments sont à la hauteur de sa situation sociale. Il fait choix d’une femme et il lui plait de la prendre dans un milieu tenu pour indigne. Qu’en résulte-t-il ? Celle qu’il a choisie et qui devient sa femme acquiert de ce fait, publiquement, l’état propre à son mari, et tous les antécédents, la misère, l’humiliation disparaissent entièrement. Aux yeux de tous la femme prend un nouveau nom, celui de son mari ; le sien propre est à jamais abandonné. Il en est de même pour ceux qui sont dans le Christ Jésus. Quelle est leur place ? Là où Lui se trouve. Ma position ne peut être celle de Jésus marchant sur la terre. En tant qu’exemple parfait nous sommes invités à le suivre, mais il «demeure seul». S’il n’y avait eu que sa vie, j’aurais été à jamais exclu. Mais Christ est mort, bien plus, il est ressuscité, il peut me donner son Esprit. Sa mort a agi de deux manières à l’égard du mal : les péchés ne sont plus, mais aussi la nature même est jugée, saintement et justement. Dès lors, Dieu peut révéler la nature nouvelle qu’il a donnée, et conférer une position correspondante.
Christ ressuscité est le seul chef de la famille de Dieu (à l’exception de l’allusion au «seul corps en Christ» que nous trouvons en 12:5), l’épître aux Romains ne va pas au-delà de la famille). Or ici je trouve la demeure et la condition de cette famille devant Dieu, comme résultat de la mort et de la résurrection de Christ. «Me voici, moi, et les enfants que Dieu m’a donnés», déclare Jésus ressuscité (Héb. 2:13). La grâce fait participer la famille tout entière à l’état même de Christ. Et quel en est le résultat pour eux ? «Aucune condamnation». Christ avait souffert pour le chrétien, et maintenant qu’Il est ressuscité, le chrétien, pour ainsi dire, fait partie de la justice de Dieu, ainsi que 2 Corinthiens 5:21 l’affirme avec plus de force encore. Comment Dieu pourrait-il, en justice, exiger une seconde fois le paiement de la même dette ? Et désormais Christ est entré dans cette position où il pouvait avoir avec Lui ses rachetés, identifiés avec sa propre bénédiction devant Dieu, bénédiction caractérisée par le fait qu’il n’y a «aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus».
Et puis vient la raison : ce que l’apôtre appelle «la loi de l’Esprit de vie». Remarquons bien que le sang de Christ n’est pas tout ce dont nous avons besoin. Si efficace qu’il soit pour faire disparaître les conséquences de notre ancienne condition, ce n’est pas ce sang qui nous donne une position nouvelle devant Dieu. Certes, sans son précieux sang, je ne pourrais jamais entrer dans cette condition nouvelle. Mais ce qu’il me faut ce n’est pas seulement le sang qui nettoie les péchés de ma vie passée, mais encore l’affranchissement complet hors de l’ancienne condition et une place sainte, sûre et joyeuse dans la création nouvelle. Et qu’est-ce qui peut produire cela ? Christ mort et ressuscité. De même que c’est lui qui a été la parfaite propitiation pour les péchés ; qui, plus que cela, fut jugé pour le péché ; de même c’est lui qui est le Modèle béni et la puissance du nouvel état en résurrection. Il est le chef et la source de toute la bénédiction. Voilà pourquoi lorsqu’il fut ressuscité des morts, après avoir, au prix de son sang, acquis les bénédictions les plus chères et les plus hautes, il souffla en ses disciples : sa personne adorée en accorde le signe. Le jugement était tombé sur Christ au lieu de tomber sur nous ; le péché était aboli, la mort vaincue ; rien ne peut affecter la vie nouvelle qui est en Christ. Ce n’est pas qu’un chrétien ne puisse tomber dans le péché, comme il peut aussi mourir. Mais ce n’est pas parce qu’il possède la vie nouvelle qu’il pèche ou qu’il meurt. Il pèche, parce qu’il a cédé à la vieille nature ; il meurt, parce qu’il plaît à Dieu que Jésus ne vienne pas encore. La vie que le chrétien obtient de Jésus ne pèche, ni ne meurt. C’est une vie sainte, au sujet de laquelle Dieu peut déclarer : «Quiconque est né de Dieu ne pratique pas le péché» (1 Jean 3:9). De même, quant à la nature nouvelle, le chrétien ne meurt pas, puisqu’il n’a rien moins que la vie éternelle du Christ. Mais répétons que toute cette délivrance n’est au profit que de l’homme intérieur. Quant à l’âme, la réconciliation est complète ; mais pour ce qui regarde le reste de notre être, elle n’est que partielle. Et Dieu ne se contentera jamais de ce qui n’atteint pas à ses propres conseils. Il se propose de nous affranchir complètement, et cet affranchissement sera digne de Lui-même, du Saint Esprit, de Christ et de sa rédemption.
Plus loin, l’apôtre donne la raison pour laquelle la loi de l’Esprit de vie en Christ a affranchi le chrétien de la loi du péché et de la mort. Il dit : «Ce qui était impossible à la loi, en ce qu’elle était faible par la chair», Dieu l’a fait. Remarquez que la loi et la chair vont naturellement ensemble : la loi, dit l’apôtre, était faible par la chair. Pour répondre à cette impuissance, Dieu a envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché. Né de femme, mais par puissance surnaturelle, cet Être béni n’a pas refusé de se trouver dans un monde souillé par le péché. Il n’est venu qu’«en ressemblance de chair de péché», et pourtant il est véritablement né dans le monde ; condition nécessaire pour qu’il participe à la nature humaine. Celui qui était Fils de Dieu devient homme aussi véritablement qu’il était Dieu de toute éternité, et meurt dans la nature qu’il avait prise, meurt pour l’homme, meurt pour glorifier Dieu quant aux péchés de l’homme ; plus encore, il meurt non seulement pour les péchés, mais pour le péché. Dieu a «envoyé son propre Fils en ressemblance de chair de péché, et pour le péché». Ce n’est pas seulement d’une accumulation de péchés mais de la nature même qu’il est ici question. Le pardon de mes péchés m’est indispensable et je le possède ; mais comment pourrais-je désirer que Dieu pardonne à ma mauvaise nature ? Je ne lui pardonne pas moi-même ! Non, ce qu’il me faut, c’est que cette nature soit condamnée et que moi je sois affranchi. Et c’est là exactement le caractère du nouvel état dans lequel Christ nous introduit et nous place devant Dieu. Quant à l’âme, c’est la liberté parfaite ; la délivrance, non seulement de ce que j’ai fait, mais de ce que je suis. De sorte que, comme chrétien, je n’ai plus affaire avec la responsabilité qui s’attache à l’homme mortel ; je suis déjà passé à un état nouveau, lors même que je suis encore dans le monde. Avant de quitter les choses d’ici-bas, j’ai déjà acquis par grâce une relation nouvelle envers Dieu. Et Celui qui proclame cette relation, qui l’établit, qui en est le modèle, c’est Jésus dans la présence de Dieu. Telle est, en vertu de la rédemption, la place du croyant ; et elle appartient à tous les chrétiens.
La question sérieuse est de savoir si nous occupons cette place réellement et d’une manière consciente. Selon l’Écriture, nul ne peut douter que Dieu n’ait véritablement destiné cette position aux siens. Mais la foi devrait y entrer dès à présent, la réaliser en regardant à Christ. C’est se tromper soi-même et se méprendre sérieusement sur la parole de Dieu, que de supposer que l’homme puisse au même instant être engagé dans la lutte entre le mal et le bien, décrite au dernier verset de Romains 7, et jouir de la liberté de Romains 8. Un homme peut-il être au même instant esclave et libre ? Ce sont deux états qui se contredisent et s’excluent mutuellement. Personne ne peut être à la fois misérable et heureux, à la fois «affranchi de la loi du péché et de la mort» et «charnel», «vendu au péché». Mais après avoir été «misérable», on peut dire : «Je rends grâces à Dieu».
On peut être accablé sous des épreuves répétées, tout en jouissant de la paix dans le Saint Esprit ; on peut avoir la paix avec Dieu et souffrir pourtant profondément à cause de l’état du monde et de celui du peuple de Dieu. Cette douleur pleine de grâce pesait sur notre bien-aimé Sauveur ici-bas, et provoquait ses soupirs. Or nous pouvons et devons connaître la communion de ses souffrances. Mais ces soupirs n’étaient pas ceux de quelqu’un à qui manquait la paix de Dieu. La communion ininterrompue est précisément ce que posséda sans cesse le Seigneur Jésus dans les jours de sa chair. Ne dit-Il pas, en effet : «Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix» ? Eh bien, cette paix est maintenant notre part. Elle a été faite par son sang, établie pour nous dans la puissance de sa résurrection ; mais nous n’en jouissons qu’après avoir laissé derrière nous les tourments décrits dans le chapitre 7. Hélas, combien d’âmes vivifiées s’attachent encore à la loi et se font un devoir de travailler comme des galériens à la rame de cet amer esclavage, alors que Dieu les appelle à la liberté du Christ ! Elles ne sont pas mortes à la loi. La mort de Christ nous place absolument en dehors de cette condition-là. Si un homme emprisonné pour ses dettes vient à mourir, la justice ne peut plus rien exiger de lui. Tant qu’il est en vie, la loi s’applique à lui ; mais que la mort survienne, et il est impossible dès lors que la justice le retienne. Pour le chrétien, il en est précisément de même.
Certains traitent tout cela de mysticisme. Sans doute est-ce dans un style figuré que l’apôtre nous parle, mais c’est pour rendre plus expressive une bienheureuse réalité. Ceux qui n’y croient pas en toute simplicité se privent de la certitude et de la puissance qui en découlent. Prendre la loi comme règle de vie, c’est éprouver aussitôt son esclavage. La loi est la force du péché et non de la sainteté. C’est la défaite qui en est la fin, non la victoire. Ce n’est jamais ainsi qu’on trouve la force ; celle-ci est le fruit de la grâce et non pas de la loi. Quand une âme est ainsi sous la loi, plus le Saint Esprit agit sur la conscience, et plus cette âme est malheureuse ; il s’ensuit que ce sont souvent les plus consciencieux qui en sont là. Osera-t-on affirmer que c’est là ce que Dieu veut ? Est-ce bien son oeuvre qu’un chrétien pieux et consciencieux demeure privé d’une joie paisible et du repos en Christ ? Qu’est-ce qui explique un état si étrange, sinon le fait que l’âme n’a jamais compris la condition de mort à la loi dans laquelle Christ voulait l’établir ?
La mort au péché par la mort de Christ est une vérité essentielle du christianisme. Celui qui borne l’évangile au pardon par le moyen du sang de Christ, qui, dans l’oeuvre de Jésus, n’admet rien de plus que sa mort pour les péchés, celui-là n’a pas saisi le côté positif du christianisme. Savoir que toutes mes oeuvres mauvaises et ma culpabilité sont entièrement effacées est une immense bénédiction de la part de Dieu ; mais cela tout seul est comparativement négatif, et explique pourquoi tant d’enfants de Dieu s’acharnent à établir un terrain positif de justice à partir de la vie de Christ prise pour modèle. Or le côté positif existe aussi bien que le côté négatif ; seulement il se trouve au-delà de la croix, dans la résurrection — et non pas sous la loi, avant la mort de Christ.
Ainsi le chrétien apprendra qu’il a besoin de tout ce que Dieu lui a donné — y compris cette précieuse vérité. Être mort à la loi est une partie essentielle de la bénédiction du chrétien. L’ignorer, c’est méconnaître tout le côté positif du christianisme révélé dans les Romains depuis le verset 12 du chapitre 5 jusqu’au chapitre 8. Je ne parle même pas des épîtres aux Colossiens et aux Éphésiens, épîtres qu’on ne doit jamais s’attendre à voir comprises par ceux qui se retranchent sur le terrain de la loi. Je limite mon sujet à ce dont le chrétien a besoin pour la liberté et l’affermissement de son âme. Remarquez que, jusqu’à ce que nous en soyons arrivés là, il n’est pas question de victoire ni d’être «plus que vainqueurs», la joie et les soupirs de l’Esprit, ce travail intime de Dieu dans l’âme, sont absents jusqu’à ce qu’on soit solidement affermi sur le terrain précieux où nous placent la mort et la résurrection du Seigneur Jésus Christ. Que Dieu garde ses enfants d’abandonner ce qu’il a fait et déclaré pour leur délivrance et pour la victoire pratique ! L’Écriture est bien claire : comme toujours l’obscurité et les difficultés viennent d’ailleurs : de ce que le coeur recule devant une condamnation de la nature sous toutes ses formes.
Les jours sont-ils mauvais ? Raison de plus pour tenir ferme ! Que trouvons-nous dans la 2° épître de Pierre et dans celle de Jude, deux portions de la parole de Dieu qui ont particulièrement en vue un jour de déclin, de méchanceté croissante, et même d’apostasie ? Que les saints sont abandonnés au déclin comme à une chose inévitable ? Point du tout ! C’est dans ces épîtres-là plus que dans toutes les autres que nous sommes exhortés à croître et à avancer dans la vérité de Dieu. Telles sont les ressources de la grâce pour un jour de ténèbres de plus en plus profondes. Considérons, chers amis, comme l’oeuvre de l’Ennemi tout ce qui contribue à affaiblir, à effacer une vérité à la fois si simple et si fondamentale se rattachant même à notre baptême.
Comment donc décrire cette position nouvelle où le Seigneur Jésus place le chrétien ? Selon le Nouveau Testament, il n’y a pas deux, mais bien trois conditions dans lesquelles l’homme peut se trouver. J’y insiste car c’est une question de foi aussi bien que de pratique. Il n’est pas vrai que, si l’on n’est pas un homme spirituel, on doive nécessairement être un homme naturel. Ce dernier état est évidemment celui de quelqu’un dont les péchés ne sont pas encore remis — qui est simplement enfant d’Adam, sans rien posséder d’autre que la nature déchue.
Quand une telle âme est convertie par la grâce de Dieu, elle reçoit une nouvelle nature, et, sur le pied de la rédemption, elle est amenée à Dieu. Mais tout homme ainsi réconcilié avec Dieu n’est pas nécessairement un homme spirituel. Ceux qui sont spirituels (ou parfaits selon Philippiens 3:15 et d’autres passages) sont ceux qui ne sont pas «dans la chair, mais dans l’Esprit», comme s’exprime l’apôtre Paul.
Parlant aux saints de Corinthe, malgré la gravité de leurs fautes, l’apôtre ne leur dit pas qu’ils sont des hommes naturels. Il pose ce principe : «l’homme animal (ou naturel : Jude 19 note) ne reçoit pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu». Ce n’est nullement ainsi qu’il désigne les saints ; mais il leur parle comme à de petits enfants non encore parvenus à la maturité spirituelle, en sorte qu’au lieu de pouvoir les entretenir des choses profondes de Dieu, il est contraint de les nourrir du lait qui convient à leur état. Et qu’étaient-ils donc ? «Des hommes charnels». Il s’ensuit que les hommes sont ou naturels ou charnels ou spirituels. C’est là une vérité bien humiliante. On comprend facilement que les hommes ne l’aiment pas ; ils craignent, si les croyants peuvent être charnels, sans être des hommes naturels, qu’on ne les estime pas, eux, comme spirituels. Faites allusion à une action du Saint Esprit qui soit distincte de la nouvelle naissance, et ces personnes-là dressent l’oreille. Elles refusent d’entendre parler de ses opérations qui sont distinctement chrétiennes, comme si l’assertion de privilèges si brillants devait les priver de ce qu’ils ne possèdent pas au lieu de leur faire sentir le manque de ce qu’ils devraient posséder. N’est-ce pas là le moyen de rectifier le mal, et d’obtenir de Dieu qu’il supplée à ce qui fait défaut ?
Eh bien, il y a plusieurs causes qui retardent le progrès spirituel du croyant. La première est qu’il n’ait pas encore la conviction intime que, dans sa chair, il n’existe absolument que le mal, ni la foi que la chair a été complètement jugée dans la mort de Christ. Un tel chrétien ne peut vraiment être considéré comme spirituel, tout en ayant peut-être un sentiment bien profond de l’amour de Christ. Mais une autre difficulté peut se présenter : non plus la loi, mais la sagesse de la chair. Attribuer de la valeur aux pensées de l’homme, admirer ses capacités, se laisser influencer par la philosophie de ce monde, sous une forme ou sous une autre, c’est également être charnel. Ceux qui sont spirituels manifestent les caractères moraux du second homme ; et, quant au premier, ils désirent non le cultiver, mais le mortifier. Loin d’admirer la chair, le chrétien spirituel la traite en chose morte, en sorte qu’il reçoit de Dieu la puissance d’échapper à cette emprise de la gloire de l’homme.
Le piège dans lequel Satan cherche toujours à entraîner les enfants de Dieu, c’est de leur faire croire qu’ils peuvent saisir d’une main les privilèges chrétiens tout en retenant fermement de l’autre ce qu’ils souhaitent des aises de ce monde. Il est clair que le coeur et la conscience du croyant doivent repousser de telles pensées et un tel comportement. Du reste, le monde lui-même le comprend : qu’un enfant de Dieu soit découvert là où il ne devrait pas être, les autres exprimeront leur étonnement qu’un chrétien puisse se trouver là. N’est-ce pas profondément humiliant pour un chrétien d’étonner le monde de cette manière-là ? — se permettant, lui, une liberté qui, d’après le sentiment des hommes en général, convient si peu au nom de son Maître ? Le monde sait apprécier une conduite conséquente. Il peut inciter le chrétien à le suivre dans ses occupations et ses plaisirs ; il peut souligner le rôle social et exemplaire que le chrétien pourrait remplir utilement en aidant à bien diriger le monde, en siégeant dans ses sénats, dans ses tribunaux, et en exerçant l’autorité dans toutes les sphères imaginables. Or, sans aucun doute, il est fort agréable à la chair de participer à la dignité et au pouvoir ! Mais n’est-ce pas précisément ce que Christ a formellement interdit aux siens aussi bien par l’esprit de son enseignement que par son exemple ? Il est mort et ressuscité afin de nous retirer de ce présent siècle mauvais. Au milieu de notre humble sort, sa grâce peut nous rendre heureux et contents des circonstances, quelles qu’elles soient, qu’il a plu à Dieu de nous départir. Dans un monde tel que celui-ci, puissions-nous estimer Christ à un tel prix, et jouir si pleinement de la place que Dieu nous a faite en Christ, que nous ne soupirions qu’après Sa volonté et Sa gloire.
En troisième lieu, nous l’avons vu, aussi longtemps qu’un homme travaille et lutte sous la loi, livré à ses propres forces, il est toujours faible à cause de la chair. Il prend des résolutions qu’il n’est pas capable de tenir ; il fait des efforts considérables, mais au bout de chaque journée, il est contraint de reconnaître que ce qu’il voulait, il ne le fait pas, et ce qu’il ne voulait pas, il le fait. Il passe ainsi son temps à se repentir et à pécher, à pécher et à se repentir. Telle est la condition invariable d’un homme sous la loi. Mais est-ce celle du chrétien ? L’état de bien des enfants de Dieu y ressemble en fait, mais c’est entièrement anormal et contraire à ce que suppose l’Écriture chez tous les rachetés du Seigneur. En faisant valoir que ce n’est pas là une condition chrétienne, je ne prétends pas qu’aucun chrétien ne puisse s’y trouver, mais seulement que cet état est tout l’opposé de ce que notre Dieu nous accorde et de ce qu’Il attend de nous. Un enfant de Dieu peut être dans un état qui ne répond pas à la grâce qui lui a été témoignée. Mais quelle intention de Dieu se discerne dans toutes les épîtres ? Il veut que, par le moyen du Saint Esprit agissant par la Parole, je m’empare de la place qu’il m’a donnée, de manière à m’établir dans une paix stable et dans la joie véritable du coeur. Pour le témoignage pratique, cela est de la plus haute importance. En tant que vase du Saint Esprit, Dieu veut que je sois toujours occupé à rendre témoignage à Christ dans ce misérable monde. Voilà la raison principale de tant de bénédictions octroyées par la grâce, grâce qui veut que nous les connaissions et que nous en jouissions pleinement.
Ce qui précède explique ce que c’est qu’être «dans l’Esprit», position qui est à la fois la conséquence et la preuve du fait que le Saint Esprit habite en nous. Ce n’est pas l’Esprit agissant sur l’âme pour y produire la foi ; c’est l’Esprit habitant en celui qui croit. «Vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’Esprit, si du moins l’Esprit de Dieu habite en vous ; mais si quelqu’un n’a pas l’Esprit de Christ, celui-là n’est pas de lui» (v. 9). C’est là ce qui caractérise celui qui est de Christ. Sans Son Esprit, on n’est pas revêtu de l’empreinte de son caractère essentiel. C’est le Saint Esprit, et non seulement la nature humaine, qui distingua Christ dès sa conception ; de même, au temps convenable, il fut scellé par l’Esprit, et jamais il n’agit que «dans l’Esprit». Il en est ainsi du chrétien. De même qu’il vit par l’Esprit, il est appelé désormais à marcher par l’Esprit. Il ne s’agit pas de ne pas être perdu, — ce n’est pas là la force de l’expression du verset 9 (fin) du chapitre 8 — mais bien d’être distinctement de Christ, même ici-bas. «Mais si Christ est en vous, le corps est bien mort à cause du péché, mais l’Esprit est vie à cause de la justice».
L’homme qui est converti mais tourmenté sous la loi n’a aucun sentiment d’une telle position, aucun pouvoir de tenir le corps pour mort. Tant qu’il est dans cet état, l’Esprit lui donne la conviction du péché, et non pas la force de glorifier Dieu en paix. Mais qu’il accepte simplement la condamnation de Dieu sur la chair, trouvant en Christ une entière délivrance, aussitôt l’Esprit le fortifie intérieurement. Non seulement il est affranchi, mais il peut encore user de sa liberté en puissance pratique. Il y a plus encore : «Et si l’Esprit de celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, celui qui a ressuscité le Christ d’entre les morts vivifiera vos corps mortels aussi, à cause de son Esprit qui habite en vous» (v. 11). C’est là la pleine délivrance garantie même pour le corps, et la réponse complète à la question soulevée dans la détresse du chapitre 7, verset 24.
Ainsi donc, l’Esprit Saint qui rend témoignage de la rédemption n’assure pas seulement mon état présent en Christ mort et ressuscité devant Dieu ; tandis que je regarde à Christ, il est encore le gage divin que ce corps mortel sera pénétré de cette vie dont je jouis déjà dans mon âme. Car ce n’est pas seulement comme Fils de Dieu que j’envisage Christ, mais comme ressuscité selon la justice et par la gloire du Père. En grâce, il descendit et mourut ; désormais il est ressuscité en justice et assis à la droite de Dieu. Et nous jouissons pleinement des justes et glorieuses conséquences de l’oeuvre infinie qu’il accomplit en grâce. Jadis esclaves du péché et de Satan, nous qui maintenant croyons en lui sommes affranchis par Dieu selon la liberté même de Christ — pour l’âme d’abord, puis pour le corps quand Lui-même viendra nous réveiller. L’Esprit est le sceau de l’une de ces deux parties de notre bénédiction et les arrhes de l’autre.
Christ est-il ma portion ? C’est lui-même qui détermine l’étendue de la justification. Elle est réellement aussi parfaite que Christ devant Dieu. Quelle mesure devant Dieu que Christ lui-même ! C’est pourquoi il est déclaré que «nous sommes devenus justice de Dieu en Lui».
Avec cette justice pour base, l’Esprit Saint vient dès maintenant non seulement agir mais habiter en moi ; de là, il anticipe le jour radieux de la gloire, et, en attendant, me donne la puissance dans la mesure même où je tiens pour morte la vieille nature et fais de Christ mon tout. Voilà donc la réponse complète pour celui qui crie après un Libérateur. L’âme est d’abord émancipée ; plus tard, le corps aussi sera vivifié. En attendant, l’Esprit Saint prend sa place bénie, non seulement par rapport à l’âme, mais aussi par rapport au corps. Lorsque aura lieu, bientôt, la résurrection du croyant, elle ne s’effectuera pas sans le Saint Esprit. C’est le Fils qui donne la vie, mais il le fait par l’Esprit qui a sa part dans toutes les parties de la bénédiction que reçoivent l’âme et le corps. Qu’il est doux, qu’il est glorieux de posséder ainsi l’Esprit de Dieu s’identifiant avec chaque partie de la bénédiction ! Combien il est grave d’attrister le Saint Esprit de Dieu par lequel nous avons «été scellés pour le jour de la rédemption» ! Mais ce n’est pas tout ! Assurément le Saint Esprit n’a pas encore ressuscité nos corps mortels ; néanmoins il opère en nous déjà, inspirant le cri : «Abba, Père». C’est là l’action première, l’action propre du Saint Esprit quand le croyant a bien compris la délivrance. Elle oriente l’âme vers Dieu, et elle est l’action de l’Esprit comme Esprit filial ou d’adoption. Ce n’est donc pas dans la bénédiction seule que l’âme se réjouit, mais dans la source d’où elle a découlé : aussi l’expression est-elle bien : «Abba, Père».
Et ce n’est pas seulement de cette manière qu’opère le même Esprit qui habite en nous. Il donne la certitude que nous serons bientôt délivrés ; bien plus : Il soupire en nous ; et ce sont «des soupirs inexprimables». Ce n’est pas parce que je ne suis pas affranchi que l’Esprit de Dieu pousse ces soupirs, mais justement parce que je le suis. Il est vrai que je ne suis délivré encore qu’en partie. Si l’Esprit soupire en moi, c’est parce que, affranchi dans mon âme, je sens l’état contraire de mon être extérieur et de tout ce qui m’entoure (conflit qui auparavant ne m’était pas sensible). Et mon coeur envisage le jour où la création même sera affranchie de la servitude de la corruption pour entrer dans la liberté de la gloire des enfants de Dieu. La liberté de la grâce de Dieu, je la possède déjà ; la liberté de la gloire, pour le corps même, sera à moi tout à l’heure. Notre place bénie est celle que prend l’Esprit en tant que Personne, distincte de la nouvelle nature. Mais en même temps le Saint Esprit donne son nom, pour ainsi dire, à la condition dans laquelle je suis introduit comme âme affranchie, comme chrétien, en vertu de la mort et de la résurrection de Christ ; et ainsi je suis dans l’Esprit en même temps que l’Esprit habite en moi.
Il n’est pas possible dans cette courte esquisse d’envisager toutes les applications d’une aussi grande vérité. Mon propos était principalement de traiter la question, généralement peu comprise, de l’Esprit comme condition dans laquelle nous nous trouvons à présent. La vérité qui nous est la plus familière est probablement celle de l’Esprit de Dieu habitant en nous. Mais celle que nous avons considérée n’est pas de moindre importance et elle a pour la pratique de notre vie chrétienne d’incalculables conséquences.
Je me propose maintenant de parler de quelques-uns des puissants effets de la présence du Saint Esprit. L’un de ces effets est ici désigné comme son baptême, par lequel il forme un corps nouveau et uni : le corps de Christ sur la terre. Non seulement cette vérité appartient exclusivement au Nouveau Testament, mais, même dans le Nouveau Testament, sa révélation pour nous en est confiée à un seul apôtre. On ne la trouve que dans les écrits de Paul. Je ne prétends pas que l’Église, le corps de Christ, n’existait pas avant que Dieu ait suscité cet apôtre pour faire connaître cette grande vérité. Mais tandis que le mystère de Christ et de l’Église fut révélé par l’Esprit aux saints apôtres et prophètes, il ne fut annoncé que par un seul d’entre eux.
Or l’histoire de Paul, telle que l’Écriture nous la présente, montre combien il était propre pour l’oeuvre que Dieu lui confiait. Il avait été ennemi tant que le témoignage de Christ glorifié en haut était limité au peuple juif. Il fut un témoin consentant du martyre d’Étienne, l’émissaire actif des Juifs dans la persécution des croyants non seulement à Jérusalem mais de ville en ville. Et dans l’ardeur de la haine qu’il portait au nom de Jésus, il avait reçu des lettres des plus hautes autorités religieuses, afin de poursuivre implacablement les chrétiens sous le couvert de la religion. C’était un moment où les voies de Dieu envers la terre prenaient un autre cours. La bénédiction ne descend plus vers Jérusalem, mais en découle. Tout ce qui constituait alors la vraie gloire est foulé aux pieds ou dispersé. L’Esprit de Dieu regarde, pour ainsi dire, en dehors ; il bénit les anciens ennemis de Jérusalem. Non seulement il opère parmi les Samaritains (et nous savons leur jalousie à l’égard de Jérusalem), mais même envers un étranger venu d’un pays lointain. L’eunuque éthiopien est recherché par le Seigneur qui le rencontre en grâce en dépit de sa complète ignorance, et le renvoie son chemin tout joyeux, non pas montant à Jérusalem, mais s’en éloignant vers sa demeure lointaine.
C’est à ce moment critique qu’il plaît à Dieu d’appeler Saul de Tarse sur son chemin vers Damas. Lui aussi s’éloignait de Jérusalem, plein de fureur persécutrice contre ceux qui confessaient le nom de Jésus. Plongé dans les ténèbres quant à la véritable grâce de Dieu et pourtant avec bonne conscience, il poursuit la mission de douleur, de honte et de mort dont l’avaient chargé les chefs religieux poussés par Satan. Le voici soudainement renversé par une lumière plus brillante que le soleil en plein midi ; aveuglé et en même temps rendu capable de voir surnaturellement le Seigneur de gloire et d’entendre sa voix. Il est appelé non seulement comme saint, mais aussi comme apôtre : invité non pas simplement à goûter la grâce dont il devait être un témoin si remarquable, mais à servir dans le ministère, avec l’autorité du Seigneur. Il devient son ambassadeur non seulement pour cette seule journée, mais en tout temps, non seulement pour un peuple, mais pour tous les pays sous le ciel. À cet homme béni fut donnée, dans les paroles mêmes qui convertirent son âme, la substance de la grande vérité qui est l’objet de notre présente méditation. Il apprit, à son grand effroi, de Celui qu’il ne pouvait pas douter être le Seigneur, non seulement qu’il était Jésus — vérité merveilleuse qui confondit son coeur — mais que ce Seigneur glorifié, Jésus de Nazareth, qui avait été crucifié, s’identifiait avec les objets de son implacable persécution : «Je suis Jésus que tu persécutes». L’union de Christ avec ses rachetés, autrement dit l’Église, était ainsi révélée pour la première fois. Et celui à qui était faite cette révélation se trouvait par là qualifié pour la développer dans ses écrits et l’appliquer d’une manière pratique. Son ministère consisterait à poser les fondements de l’Église de Dieu, à insister sur son caractère céleste comme corps de Christ, et à combattre pour la gloire de Dieu en elle. Cela devenait sa vie ; c’est à cela désormais que Dieu l’appelait par Jésus Christ notre Seigneur.
C’est Paul qui, aussitôt après sa conversion, commence à prêcher le Seigneur Jésus, non seulement comme le Christ, mais comme le Fils de Dieu (Actes 9) — autre grand point de ses écrits. Je ne dis pas que cette doctrine soit aussi caractéristique de Paul, ou tout au moins lui appartienne aussi exclusivement que celle du Corps de Christ ; mais je la fais remarquer pour montrer la largeur des voies de Dieu développées par le bienheureux apôtre. Quoique l’Église de Dieu se rattache directement davantage à Christ comme l’Homme exalté, n’oublions pas que Celui qui est l’Homme exalté dans le ciel est le Fils ; et Dieu ne manque pas d’insister sur cette relation de Christ avec lui-même, aussi bien que sur celle dans laquelle le Seigneur se tient pour nous comme homme à sa propre droite. Bref, l’apôtre n’est pas conduit par l’Esprit à insister uniquement sur ce que d’autres ont dit avant lui. Il n’attire pas simplement, comme Pierre, l’attention sur le fait que Jésus a été fait Seigneur et Christ ; il ne parle pas de Lui comme le saint serviteur de Dieu (Actes 3 et 4). Non, Paul prêche immédiatement dans la synagogue que Jésus est le Fils de Dieu. Le Saint Esprit l’a rendu capable de saisir ce qui ne nous est pas déclaré lui avoir été dit sur la route de Damas. Dans ce qui se passa entre Christ et Saul, Dieu ne dirige pas particulièrement notre attention sur le caractère de Fils. Pourtant, les deux grandes vérités de la gloire de Christ, comme Fils et comme Tête céleste, deviennent dès lors son témoignage. Le temps de Le proclamer comme Messie sur la terre était passé, le Seigneur lui-même ayant mis fin à cette prédication avant de quitter ce monde (lire Matt. 16:20 et Luc 9:20 à 22).
Jésus monté au ciel fut fait et Seigneur et Christ. Qu’il soit Seigneur est la confession la plus élémentaire qui puisse être faite parce que c’est simplement reconnaître son autorité, et il est clair que l’autorité, quoique très réelle, est après tout le côté le moins élevé de la vérité en Christ. Elle ne fait pas ressortir sa grâce, elle ne manifeste pas sa gloire infinie. Elle représente ce qu’il fut fait, non ce qu’il était et ce qu’il est en lui-même. Elle n’est donc pas ce qui lui est intrinsèque, mais une place qui lui fut donnée, qu’il revêtit, dans laquelle il a été exalté. L’apôtre Pierre et les autres prêchent cela. Ensuite Étienne le voit d’une autre manière, découvrant tragiquement combien est totalement rejetée (en sa propre personne) la vérité divine quant au Seigneur et Christ exalté. Il rend son témoignage que Jésus n’est plus seulement le Christ exalté dans la position de Seigneur mais le Fils de l’homme dans la gloire debout à la droite de Dieu. Finalement, Paul non seulement entre d’emblée dans la vérité déjà connue, mais il apprend là, au moins en substance, le grand mystère que Christ et les saints qu’il persécutait étaient un ; et il prêche aussitôt Jésus comme le Fils de Dieu.
Ce caractère de Fils de Dieu, bien que ne nous concernant pas aussi directement que les autres, est plus élevé qu’aucune autre de ses gloires, y compris son exaltation à la droite de Dieu. Non pas que nous prétendions comparer et apprécier ce qui touche à une telle personne ou opposer une vérité à l’autre ; mais nous avons à maintenir la vérité entière de la gloire de Christ. Et je suis persuadé que c’est de la manière dont nous sentons et reconnaissons dans nos âmes la vérité de sa gloire personnelle que découle toute puissance pour saisir le reste de la vérité, en jouir et y marcher. À mesure que la vérité de Christ exalté nous sera plus précieuse, la Parole tout entière prendra plus de réalité dans nos coeurs. Inversement tout ce qui peut atténuer, affaiblir, corrompre, détruire la vérité de Dieu, prend naissance dans les vues étroites de l’homme au sujet du Seigneur Jésus. Nous pourrons le vérifier dans ce que nous allons considérer présentement.
Qu’est-ce en effet que l’Église, sinon le corps même de Christ ? Elle est la réponse, produite sur la terre par le Saint Esprit, à la gloire de cet Homme exalté dans le ciel. Comme corps elle est inséparable de la Tête glorieuse. La plupart des enfants de Dieu n’ayant jamais été exercés quant à cette gloire, la place dans laquelle Christ est entré ne peut que leur être inconnue. La gloire et la bénédiction de l’homme exalté dans le ciel sont aussi faiblement senties que la misère de l’homme maintenant, fût-il le plus grand sur la terre. Même les enfants de Dieu envisagent souvent les choses présentes comme capables de les satisfaire. Ils se croient autorisés à en jouir et en tirer le meilleur parti. N’est-ce pas là faire contribuer autant que possible la vérité et la miséricorde de Dieu aux aises et aux joies terrestres ? Ce qui n’est pour le monde qu’une vaine recherche de plaisir n’a pas, sans doute, ce même caractère pour le chrétien : des pensées spirituelles sont en lui. Mais combien sont peu nombreux cependant les chrétiens qui considèrent ce monde comme une scène jugée et condamnée ! Jusqu’à sa mise à l’épreuve finale, le monde avait été l’objet de témoignages continuels de la part de Dieu. Alors vint le Fils, l’Homme Christ Jésus. Et ce fut la rencontre décisive, si l’on peut parler ainsi, entre Dieu le Père, qui avait donné son Fils, et le monde conduit par la puissance de Satan. Mais Dieu ne voulut pas reculer devant ce qui — nous pouvons bien le dire — était pour Lui l’épreuve infinie, celle de l’abandon de Jésus. Il permit que toute injustice soit faite à celui qu’il aimait par-dessus tout ; et le Fils de Dieu lui-même ne s’épargna aucune douleur, aucune honte dont l’homme pouvait l’accabler. En vérité, c’est pour cela qu’il était venu. Il fallait, selon les voies de Dieu, que le monde manifeste son état de péché comme il ne l’avait jamais fait auparavant ; et c’est ce qu’il fit. Ainsi tout le mal fut mis en évidence afin que Dieu puisse agir d’une manière unique et définitive, afin qu’il puisse en finir par un coup suprême de son jugement, non pas sur le monde, mais sur son Fils ; oui, afin qu’il puisse agir en grâce absolue envers ce pauvre monde. Dès lors tout est changé. Au lieu d’un homme chassé hors d’un jardin, en pleine déchéance au milieu d’un monde sans Dieu, l’homme dans la personne de Jésus entre maintenant dans le ciel même et s’assied sur le trône de Dieu dans la gloire.
C’est seulement lorsque Dieu eut accompli cela qu’un corps a pu être formé sur la terre ; car il fallait qu’il y ait d’abord une Tête suffisante, et une seule personne était digne d’être cette Tête, ce Chef. Or Jésus, cet Être béni, ne pouvait être Tête avant d’être homme aussi bien que Dieu, et plus encore, avant que le péché ait été jugé et que la grâce, en conséquence, puisse avoir son libre cours. Admirons de quelle façon merveilleuse toute la vérité se concentre en Christ, dans sa croix et dans son exaltation à la droite de Dieu. En outre une puissance compétente et suffisante était nécessaire ici-bas. Ce serait le Saint Esprit, Agent divin habituel des voies de Dieu sur la terre, mais agissant d’une manière nouvelle, conforme à celle dans laquelle Dieu s’était manifesté. Il s’était montré dans le Fils de Dieu, et il ne voulait pas en sortir.
Une seule personne, même dans la divinité, pouvait manifester Dieu : c’était le Fils, resplendissement de sa gloire et empreinte de sa substance. Dès l’Ancien Testament, il pouvait venir sous la forme d’un ange visitant Abraham ou Manoah, pourtant c’était toujours le Fils. Mais s’il y eut jamais une puissance à l’oeuvre, soit dans l’homme juste, soit dans l’inconverti, accomplissant quelque chose de divin par l’homme ou en lui sur la terre, c’était invariablement celle de l’Esprit de Dieu. Aussi prend-il maintenant sa place dans cette nouvelle oeuvre de Dieu. Le Fils était entré comme homme dans la gloire qu’il avait eue auparavant comme Dieu. Il avait en quelque sorte porté l’humanité dans sa personne jusqu’au trône de Dieu. Chose merveilleuse, désormais tout dans le ciel était assujetti à un homme. Et Dieu manifestait ainsi publiquement, en haut, les conseils jusque-là cachés de son coeur.
Mais qui pouvait raconter cela dignement ici-bas, être un témoin véritable de cette gloire céleste ? Celui qui la connaissait parfaitement ; celui qui seul était capable de glorifier Christ et était prêt à le faire, celui qui était habitué à enseigner à l’homme les pensées de Dieu et à l’en faire jouir. C’était le Saint Esprit qui descendit, céleste Témoin de la gloire de Christ, pour nous la révéler. Et voici le fruit de sa venue : il forme sur la terre un corps et un seul. Dieu peut-il reconnaître plusieurs corps de chrétiens sur la terre ? Une telle pensée non seulement est choquante pour le coeur du croyant, mais elle est une offense à Jésus, un tort fait à cette manière bénie par laquelle Dieu glorifie son Fils, par le Saint Esprit envoyé du ciel.
Il existe désormais ici-bas ce que Dieu appelle son Église, le corps de Christ, identifié avec Jésus lui-même. Cela est si vrai que l’Esprit va jusqu’à appeler le tout (c’est-à-dire Christ et l’Église) le Christ (1 Cor. 12:12), tant les saints constituent une partie de sa gloire. Et, chose intéressante (bien qu’humiliante pour nous), ce furent les tristes désordres qui s’étaient introduits au milieu des saints de Corinthe qui donnèrent à l’Esprit l’occasion de nous instruire largement sur l’Église, le corps de Christ. Remarquons que ces désordres n’excluaient pas la puissance. Bien des personnes supposent que la faiblesse est la grande raison des désordres qui peuvent exister dans l’Église de Dieu. Il n’en est rien. De fait, quelques-uns de ceux qui ont causé les plus grands désordres dans l’Église ont trahi moins de faiblesse que de forte volonté charnelle. La cause du désordre à Corinthe et ailleurs a toujours été l’insoumission à Christ, la vanité avec l’abus du pouvoir, le désir plein d’ostentation de montrer ce qu’ils possédaient, en un mot la séparation de la puissance de l’Esprit d’avec la glorification de Christ. Quelles que soient la puissance ou les qualités que l’on possède, les posséder indépendamment de Christ est quelque chose de fatal — fatal à sa gloire — fatal à la bénédiction des saints et des autres âmes — par-dessus tout, fatal à celui qui est ainsi abusé par Satan. C’est ce qui précisément se manifestait parmi les Corinthiens à cette époque. Combien nous devrions bénir Dieu pour l’instruction qu’il nous donne à ce propos.
Deux puissances sont à l’oeuvre ici-bas : l’esprit du mal qui agit dans les fils de la désobéissance, et l’Esprit Saint qui travaille dans les enfants de Dieu. La première s’emploie à élever l’homme contre Jésus, la seconde, à soumettre les croyants au Seigneur (car c’est le grand point présenté ici : Jésus comme Seigneur). Les Corinthiens faisaient de la cène du Seigneur leur propre repas, et de l’assemblée le théâtre où ils se donnaient en spectacle, comme si la Parole émanait d’eux, au lieu d’être venue à eux en réclamant leur obéissance à Dieu. De fait, ce n’est que lorsque les âmes sont rendues indépendantes par l’orgueil ou la négligence, qu’il est nécessaire d’insister sur cette vérité de la seigneurie de Jésus. Le racheté qui jouit de Christ n’a nullement besoin d’une telle pression ; il ne voudrait pas avoir d’autre Seigneur et il fait ses délices de Sa grâce. Il va sans dire que cela devrait être réalisé par tout croyant, mais il est nécessaire de rappeler cette vérité chaque fois que l’insubordination prédomine, et que la chair se fait valoir comme c’était le cas à Corinthe. C’est pourquoi l’apôtre commence par établir un fait sérieux et de toute importance : l’Église de Dieu se trouve là où le Saint Esprit maintient Jésus comme Seigneur. C’est le principe préliminaire atteignant les Corinthiens en fonction de leur état et c’est toujours ainsi que l’Esprit de Dieu opère. Dieu agit moralement ; cela seul peut être digne de lui, et bon pour nous. Son but est de ramener nos âmes à la jouissance de lui-même ; nous n’avons alors même plus besoin de penser à notre marche, car en fait il n’y a rien qui agisse aussi puissamment sur notre marche pour la conformer à sa nature.
L’apôtre poursuit en déclarant qu’il y a «diversité de dons de grâce, mais le même Esprit», et encore : «il y a diversité de services, et le même Seigneur ; il y a diversité d’opérations, mais le même Dieu qui opère tout en tous». Ces trois versets sont essentiels pour l’intelligence pratique de ce que le Seigneur place devant nous. Les plus simples éléments sont ici : pourtant dans la pratique l’Église les a oubliés. Ce sont les plus petites conditions requises qu’il puisse accepter, le seul caractère qu’il puisse reconnaître de l’assemblée de Dieu, envisagée dans son oeuvre journalière.
La première des conditions requises est donc «la diversité des dons». Partout où un groupe chrétien prétend répondre à l’idée de l’Église de Dieu sur la terre, il faut que soit reconnu le principe du libre exercice des dons. Quand ceux-ci sont méconnus et que la congrégation se contente de s’attendre à un ou à plusieurs individus (doués ou non) la preuve est faite que ce terrain n’est pas celui de la Parole de Dieu. Il y a diversité de dons, mais le même Esprit (pas le même ministre).
Tout ce qui nie cette vérité en principe ou en pratique n’est pas l’Église de Dieu et n’a par conséquent aucun droit à ma soumission ni à la vôtre. Puis-je sanctionner ou paraître approuver ce qui est contraire à la volonté du Seigneur dans ces graves sujets concernant le Saint Esprit ? Ne dois-je pas traiter comme une association humaine même une congrégation de vrais chrétiens s’ils jettent par-dessus bord ce qu’enseigne l’Écriture par exemple au sujet de la liberté de l’exercice de tous les dons ? Si des règles sont substituées à l’autorité de la Parole de Dieu, n’avons-nous pas affaire à l’Église de l’homme ? De quel droit un chrétien réglemente-t-il l’assemblée de Dieu ? Qui a permis à l’homme d’intervenir ? La formation de l’Église était une grande oeuvre, même pour Dieu. Elle nécessitait, une fois la rédemption achevée, que le Fils monte au ciel et que le Saint Esprit descende sur la terre. Dieu fit le monde par sa parole pour le premier Adam, quoique, sans doute, son but final ait été Christ manifesté comme Roi dans sa gloire. Mais quant à l’Église, Dieu ne la constitua pas et, en toute révérence, nous pouvons dire, ne pouvait la constituer avant d’avoir reçu le second Homme, comme Tête glorifiée en haut, et envoyé le Saint Esprit pour former le corps en bas. Seules la mort et la résurrection de Christ pouvaient en être la base ; seul le Seigneur Jésus ressuscité et glorifié pouvait en être la Tête. Ainsi, l’Église de Dieu sur la terre n’est pas une société organisée pour répondre aux besoins religieux des hommes : elle est le corps que le Saint Esprit a formé ici-bas pour Christ en revendiquant d’emblée ses droits de Seigneur.
Nous apprenons en effet ensuite qu’«il y a diversité de services, et le même Seigneur». Les activités chrétiennes sont multiples, mais c’est le Chef, Christ, qui les ordonne et les dirige. Le Saint Esprit ne prend pas ici la place du Seigneur. Et je suis sûr que ce n’est pas là une manière juste d’envisager l’Esprit de Dieu. J’admets entièrement la puissance, l’oeuvre et la souveraineté de l’Esprit, et je suppose que c’est cette souveraineté qu’entendent certains quand ils parlent de son gouvernement. Pourtant il y a danger à s’écarter du langage de la Parole de Dieu. Les paroles de l’Écriture sont les plus propres à exprimer les vérités de l’Écriture ; aussi, lorsque nous nous écartons des paroles, sommes-nous en danger d’affaiblir la vérité elle-même. Dans certaines sectes de la chrétienté, il existe une tendance à donner au Saint Esprit la place qui appartient au Seigneur. Or, puisque le Saint Esprit agit en l’homme et par lui, cela revient plus ou moins à mettre l’homme à la place de Christ. Tandis que, si nous nous tenons à ce qu’enseigne l’Écriture, il est clair que le Saint Esprit lui-même, dans l’oeuvre de l’Église, ne prend pas la place de tête et de Seigneur mais celle de serviteur, prenant soin de tout et glorifiant Christ. De même que le Fils ici-bas prit la place de serviteur du Père pour l’accomplissement des conseils divins, de même le Saint Esprit, quoiqu’il soit Dieu dans sa personne et par suite souverain, daigne, pour la poursuite des conseils de Dieu, s’assujettir actuellement au Seigneur Jésus. C’est ainsi qu’il imprime le caractère de serviteur sur le saint réellement animé et conduit par lui, pour la gloire de Christ. Autrement dit, même si sa fonction est de gouverner l’Église de Dieu, le Saint Esprit se constitue serviteur dans sa relation avec le Seigneur Jésus et il donne à chaque croyant ce caractère. Au contraire, lorsque c’est l’homme qui commande, quelle valeur, quelle autorité ou quelle puissance peut-il y avoir ? Et si un homme est appelé à une quelconque administration, que sa sphère soit grande ou petite, il n’en reste pas moins serviteur, et il ne l’est réellement que s’il poursuit l’accomplissement de ce que le Seigneur lui a donné à faire. En le servant ainsi, quel que soit son don ou sa place, ce n’est pas le moi qui est glorifié, c’est Christ lui-même. Il y a diversité de services mais le même Seigneur, comme il y a diversité de dons mais le même Esprit.
«Il y a diversité d’opérations» ; ajoute l’apôtre, mais c’est «le même Dieu qui opère tout en tous». Dans l’Église l’homme n’a pas le moindre droit et il ne s’y trouve pas la plus petite place pour sa volonté. Si Dieu y travaille, le devoir de l’homme est de s’effacer pour que Dieu puisse réellement agir d’après Sa volonté. Sont-ce là, chers frères et soeurs, des vérités qui remplissent nos coeurs ? Quand nous nous réunissons pour l’édification ou l’adoration, est-ce comme l’assemblée de Dieu regardant au Saint Esprit, au Seigneur Dieu lui-même ? Plusieurs peuvent trouver fort présomptueux qu’on s’appelle l’assemblée de Dieu. Mais si ce n’est pas l’assemblée de Dieu qu’est-ce, sinon l’assemblée de l’homme, autrement dit pas une assemblée du tout ? Ce qui reviendrait à détruire toute responsabilité des saints de Dieu sur la terre.
Accepteriez-vous que Jésus n’ait aucune gloire par vous, si pauvrement qu’elle puisse être réfléchie ? Qu’il ne reçoive de votre part aucune réponse à sa grâce ? que le Saint Esprit soit contrarié, entravé, supplanté, maintenant qu’il a daigné descendre pour glorifier Christ dans les saints ? Eh bien, s’il en est ainsi, ne devons-nous pas être prêts à faire sa volonté ? Et comment mieux la faire qu’en prenant à coeur ce qui lui est cher ? Or un objet lui est incomparablement plus cher que tout ce que poursuivent les hommes. Que représentent pour Christ tous les mondes, comparés à l’amour qu’il éprouve pour son Épouse, l’Église qui est son corps ici-bas ? Dans ces conditions, est-ce que nous Lui obéirions moins volontiers sous prétexte que c’est pour nous une obligation ?
Le respect mêlé de tendresse, sentiment qu’une épouse doit normalement témoigner à son mari, illustre ce que devraient être les dispositions du coeur de l’Église pour Christ son Seigneur. Faible comparaison, suffisante toutefois pour montrer que l’intimité des relations n’affaiblit pas l’amour et le respect pour quelqu’un qui en est digne de toute manière.
C’est un mensonge de Satan, de dire que connaître Dieu comme notre Père en Christ affaiblit notre obéissance ; c’en est un autre de refuser à des enfants de Dieu le titre de membres de Christ. Les reconnaître comme Siens donne essor à l’amour mutuel, inspire de la confiance et encourage la persévérance à chercher à les servir. Si vous ne tenez pas compte de leur relation avec le Seigneur, avec quelle différence de sentiments vous agirez envers eux ! En vertu de quel principe leur demanderez-vous d’abandonner les voies et les systèmes de l’homme ? À quel titre leur parlerez-vous de la bénédiction qu’il y a à se réunir au seul nom de Christ sur la terre, avant de le rencontrer dans la gloire ? Il devrait être affreux et choquant pour le chrétien de voir le monde, souillé de la sanglante culpabilité de la croix de Christ, oser se mêler du corps et de l’Épouse de Christ ! Quelle désastreuse inconséquence pour un croyant que de s’associer à une «religion» gouvernée suivant des règles d’invention humaine ! Dans une telle conjoncture la responsabilité de chaque enfant de Dieu est simple : qu’il s’attache uniquement à ce que Dieu a fait et révélé, ne doutant nullement de la puissance et du vouloir de l’Esprit pour le rendre fidèle.
Mais une autre vérité se rattache à cela. L’Esprit de Dieu étant présent sur la terre, il ne s’agit nullement d’y former une nouvelle Église, encore moins de procéder à une espèce de raccommodage. Il nous appartient de reconnaître ce que l’Esprit a formé et n’abandonne jamais, de nous conformer aux injonctions de la Parole de Dieu en nous purifiant de ce qu’elle condamne et en cherchant à être fidèle à ce que Dieu lui-même a donné ! Il se peut que, dans un endroit, deux ou trois seulement aient la foi nécessaire pour sentir et agir de la sorte. Mais n’y en aurait-il, même dans une grande ville, que deux ou trois assemblés au nom du Seigneur Jésus, ils ne devraient rien tolérer d’incompatible avec les enseignements de la Parole touchant «la diversité de dons», «la diversité de services», et «la diversité d’opérations» de l’Esprit. La vérité et la volonté de Dieu ne peuvent jamais perdre leur autorité sur le peuple de Dieu par suite du changement des circonstances. Le cléricalisme et le libéralisme religieux sont également et entièrement opposés à l’Écriture et à l’action du Saint Esprit. Ce sont des formes différentes et opposées de la volonté de l’homme. Or quel autre que Dieu possède un droit réel au gouvernement de son Église ? Si c’était «notre Église» nous pourrions légitimement l’organiser, la modifier ou l’élargir comme bon nous semble. Mais l’Église est une institution divine où l’ordre de Dieu doit régner et où le Saint Esprit seul peut tout mener à bien selon la Parole écrite.
Mais, même s’il n’y a que deux ou trois saints seulement qui, à cause des droits méconnus du Seigneur Jésus, sont sortis de cette religion organisée par l’homme, je suis tenu de les reconnaître comme étant sur le vrai terrain de l’Église de Dieu. Les sentiments qui leur conviennent sont : l’humilité, la reconnaissance envers Dieu, l’humiliation à l’égard de la ruine de la chrétienté responsable, le désir de la bénédiction pour tous les croyants, et une sainte crainte que leur propre faiblesse ou leur négligence n’attire du déshonneur sur le témoignage. Je me garde de dire que ces deux ou trois seuls sont l’Église de Dieu, mais je les appelle, marchant ainsi ensemble, son Église. N’y aurait-il, dans le monde entier, que ces deux ou trois ainsi rassemblés selon la Parole, ils seraient la seule chose de cette nature ici-bas. Ainsi ce qui constitue l’Église de Dieu sur la terre, ce n’est pas seulement que les saints qui la composent sont membres de Christ — cela, sans doute, est essentiel — mais qu’ils soient assemblés et marchent ensemble selon la Parole de Dieu, laissant au Saint Esprit sa place en action souveraine pour la gloire du Seigneur Jésus.
Inversement, beaucoup de saints peuvent s’être réunis ; mais s’ils se sont arrangés comme ils l’ont trouvé convenable, en dehors des Écritures, s’ils ont reçu quelqu’un selon leur sagesse, appliqué leur discipline, reconnu cette doctrine-ci et non celle-là, que représentent-ils ? Rien d’autre qu’une association de chrétiens plus ou moins pieuse, plus ou moins prudente ou active. Il suffit d’un seul de ces principes humains, contraire à la Parole de Dieu, et substitué au Saint Esprit opérant dans l’Église, pour ôter à un tel rassemblement le caractère d’Église de Dieu. Quoique individuellement nous ayons à aimer ces chrétiens, ils n’ont dans ce cas aucun droit à être reconnus comme corps. L’Église, envisagée comme étant sur la terre, est l’assemblée des saints où Dieu agit par le Saint Esprit envoyé du ciel : c’est son assemblée, et non pas simplement une assemblée de saints. Une assemblée de saints est une bonne chose ; mais s’ils ne sont que cela, ils ne peuvent prétendre avec vérité à la place d’Église de Dieu. Ce n’est pas leur présence mais celle du Saint Esprit qui les constitue son Église. Qu’il est précieux qu’il y ait sur la terre des saints édifiés ensemble pour être l’habitation de Dieu par l’Esprit !
Mais de même que pour le Fils de Dieu quand il était ici-bas, ainsi de nos jours la place du Saint Esprit lui est contestée. L’état actuel de la chrétienté oblige, hélas, à en convenir. Chose vraiment remarquable, de la même manière que Dieu permit à l’homme de faire ce qu’il voulut à Christ, il lui permet maintenant d’outrager l’Esprit de grâce en méconnaissant sa présence et sa gloire dans l’Église. L’homme a failli successivement à cette double responsabilité. Mais nous savons que le temps approche où l’Église quittera le monde pour rejoindre son Chef et occuper avec lui la position de gloire qui lui est destinée. Devant le monde aussi elle brillera au temps convenable. Combien il serait désirable que chaque enfant de Dieu examine jusqu’à quel point il a reçu dans son âme et jusqu’à quel point il réalise dans sa marche la vérité de Dieu concernant son Église ! Si vous dites que vous ne vous en préoccupez pas particulièrement et que vous vous contentez du salut, je vous demande : Où est votre amour pour Christ ? Où sont vos affections pour ceux qui appartiennent à Christ et pour sa gloire en eux ? Quelle condition égoïste et inférieure pour un chrétien ! Au reste ceux qui s’en contentent se condamnent généralement à une incertitude continuelle quant à leur acceptation personnelle devant Dieu et trouvent dans la mondanité un soulagement à leur manque de paix réelle.
Quelle différence avec la voie de Dieu ! Il sauve d’un parfait salut ; il nous rend parfaitement libres afin d’accomplir en nous toutes ses pensées, pour sa gloire en Christ et tout particulièrement dans l’Église. Chrétien, Dieu vous a-t-il sauvé pour vous laisser en dehors de ses propres desseins et sans un souci pour la gloire de Christ ? Si Dieu vous a montré une telle miséricorde, est-ce que votre coeur éclairé par sa Parole et sous l’action de l’Esprit ne vous pousse pas à servir Christ ? Le servir comment ? Tout spécialement en apprenant et en accomplissant la volonté de Dieu dans un domaine aussi précieux à Christ que celui de son Église. Que Dieu donne à chacun de nous de considérer sérieusement la chose.
Mais ce chapitre 12 des Corinthiens nous enseigne encore bien davantage. L’apôtre parle de la manifestation de l’Esprit sous des formes diverses. Elle est donnée à chaque saint, non seulement pour lui-même, mais pour l’utilité de tous. «À l’un est donnée, par l’Esprit, la parole de sagesse ; et à un autre la parole de connaissance, selon le même Esprit ; et à un autre la foi, par le même Esprit ; et à un autre des dons de grâce de guérisons, par le même Esprit ; et à un autre des opérations de miracles ; et à un autre la prophétie ; et à un autre des discernements d’esprits ; et à un autre diverses sortes de langues ; et à un autre l’interprétation des langues». Ce chapitre envisage les dons comme un signe pour le monde. Ils étaient dans l’Église, dans les différents membres du corps de Christ ; mais pas exclusivement pour le profit de l’Église puisque certains constituaient une marque extérieure en faveur de tous les hommes. Prenez par exemple le don des langues. Quel témoignage de la grâce parfaite de Dieu qui ne se limite plus à la nation élue, mais qui rencontre maintenant tous les hommes en grâce, là où son jugement les avait placés après le déluge ! Les choses magnifiques de Dieu dans la rédemption sont proclamées par l’Esprit à chaque nation dans sa propre langue.
«Le seul et même Esprit opère toutes ces choses — ajoute l’apôtre — distribuant à chacun en particulier comme il lui plaît». Quelle que soit la place de dépendance qu’il plaît à l’Esprit Saint de revêtir maintenant, il n’en est pas moins souverain, agissant comme il veut ; il est divin ; il est Dieu. «Car de même que le corps est un et qu’il a plusieurs membres, mais que tous les membres du corps, quoiqu’ils soient plusieurs, sont un seul corps, ainsi aussi est le Christ». Avez-vous été amenés à Dieu ? Avez-vous cru de coeur et confessé de votre bouche que Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts ? Alors vous êtes à lui pour magnifier celui qui est votre Sauveur et Seigneur. Reconnaissez-le comme seul Seigneur. Reconnaissez le Saint Esprit comme le seul agent opérant dans les saints, en tant qu’assemblée de Dieu ici-bas. J’admets que l’Esprit de Dieu, agissant librement en grâce, ne se confine pas à l’assemblée comme telle. Il peut agir dans les membres de Christ, parfois même quand ils ne sont pas dans la place où Dieu les voudrait. Aussi n’ai-je pas la pensée de nier un instant que le Saint Esprit travaille dans quelque système ou dénomination chrétienne que ce soit. Mais celui qui apprécie et comprend l’Écriture peut voir que toute cette concurrence de sociétés chrétiennes prouve un total éloignement de la Parole de Dieu quant à son Église.
L’Église est-elle libre de choisir certaines doctrines particulières ? Voyons-nous dans la Parole qu’elle désigne ses propres ministres ? Quand l’Église prend une telle place, elle abandonne en principe la sujétion au Seigneur. C’est la femme s’efforçant de prendre la place du mari. Rien ne peut être plus simple si nous tenons ferme ce que Dieu lui-même a établi. L’Église ne confère point de mission, elle n’enseigne pas ; en revanche elle est tenue de juger, et non seulement quand il s’agit de mal moral, mais aussi de la doctrine, ne tolérant rien de ce qui peut nuire à la vérité ou à la sainteté de Dieu. Elle doit être vigilante sur tout ce qui touche la gloire de Christ. Mais entre cette fonction et le fait d’établir un clergé ou de définir des articles de foi, la différence est grande. En considérant l’Église dans l’Écriture, je la vois chargée de l’obligation de maintenir la vérité dont elle est la colonne et le soutien ici-bas. Je ne cherche pas au loin dans le monde pour trouver la vérité. Je sais qu’elle ne se trouve que dans l’Église. Et son état de désordre n’a pas mis fin à sa responsabilité.
L’état de choses actuel contraste fâcheusement avec ce qui est présenté dans la Parole de Dieu. En présence de toutes les dénominations qui chacune s’intitule Église, que doit faire un enfant de Dieu qui désire être fidèle ? Juger sa position d’après la Parole de Dieu ; s’assurer si ce qu’il approuve ou sanctionne par sa présence est bien selon l’Écriture. Prétendre que l’on n’a rien à faire avec les autres, que le seul devoir consiste à bien marcher soi-même est une piètre excuse, et revient à abandonner entièrement le terrain de l’Église de Dieu. Par contre, chers enfants de Dieu, si vous vous trouvez — peut-être à deux ou trois seulement — sur le terrain où la Parole seule a toute autorité, quelle heureuse part est la vôtre ! Car Dieu honorera en son temps ceux qui l’auront honoré. En attendant, la lumière divine brille sur votre sentier chaque fois que vous vous réunissez. Elle peut vous montrer votre faiblesse et vos manquements ; n’importe, vous êtes à la place où Dieu vous veut, où Il prend soin de vous, satisfait aux besoins de votre âme en utilisant tantôt tel serviteur, tantôt tel autre, car «toutes choses sont à vous». Sous l’effet de la vérité votre âme fera des progrès dans les voies de Dieu. S’il existe du mal ici ou là, il est manifesté et jugé, le Saint Esprit agissant à cet effet par la Parole. Surtout, qu’il est doux de savoir qu’en fait et en vérité, nous faisons la volonté de Dieu ! Celui qui la fait subsistera à toujours. Heureux le croyant qui a ainsi la certitude d’être soumis à Jésus tout le long de l’aride chemin !
C’est là ce que l’apôtre désirait pour les Corinthiens. Pratiquement, ils avaient introduit chez eux le plus complet désordre, mais il ne leur refuse pas pour autant le caractère d’assemblée. Dois-je me détourner de l’assemblée à cause des fautes qui peuvent se trouver chez l’un ou chez l’autre ? Ce n’est sûrement pas le chemin du Seigneur. Il enseigne comment le mal doit être jugé et corrigé. Ce que nous avons à faire, c’est d’appliquer la Parole d’une manière intelligente et d’agir contre chaque source de mal à mesure qu’il se manifeste.
Sans doute, l’indifférence au sujet de la volonté du Seigneur n’est pas moins mauvaise que tel mal que je discerne chez les autres. Mais il est aussi contraire aux Écritures de sortir sur-le-champ à cause du péché des autres que de fermer les yeux à son sujet ou de l’encourager. L’assemblée confessant que Dieu est là n’est jamais excusable de tolérer le mal, mais je dois chercher à éveiller la conscience et à agir en obéissance même quant à cela. C’est dans l’Église (et non pas en sortant précipitamment) que je puis compter sur Dieu pour qu’Il opère dans ses saints et par eux. Et ainsi, quel que soit le mal qu’introduit Satan, fausse doctrine, ou immoralité la plus flagrante, nous ne devons ni être trop surpris, ni refuser notre aide à l’Église dont le devoir est de faire la volonté du Seigneur en tout. Je dois en appeler à lui et compter sur lui, ensemble avec mes frères, afin que toutes nos consciences soient en activité et que nous puissions avoir la grâce de mettre dehors tout ce qui offense la gloire de Dieu, si aucun soin, aucune discipline n’a pu remédier au mal.
Ainsi ce n’est pas la faiblesse, ni même l’entrée d’un mal positif qui doit nous conduire à la séparation, quelque grands et pénibles que soient le chagrin et la honte pour nos coeurs. Ce qui est funeste c’est le refus d’agir contre le mal, c’est le rejet pratique de l’Esprit de Dieu s’élevant par la Parole pour le réprimer. C’est quand la volonté propre de l’homme prévaut et est sanctionnée, qu’on préfère les facilités d’une paix extérieure en conservant l’apparence de l’unité, quoique tout ce qui rend l’unité précieuse soit parti. Car quel est le sens d’une unité qui n’est plus fondée et maintenue selon la volonté de Dieu ? Si le Saint Esprit ne peut y mettre son sceau, si la gloire du Seigneur Jésus n’y est pas maintenue, c’est une iniquité. Et une telle assemblée n’a aucun droit à mon obéissance.
Il se trouve des difficultés dans le sentier de Christ, mais la foi surmonte tout. L’Église se compose d’hommes qui, quoique dans l’Esprit, ont néanmoins la chair en eux. Si celle-ci n’est pas tenue pour morte, Satan s’efforcera de lui faire produire des fruits et d’en étendre les effets tout à l’entour d’une manière aussi funeste et aussi contraire que possible à la gloire du Seigneur. Ceignons nos reins et regardons vers Celui à qui appartient l’Église et qui demeure au milieu des siens. De lui proviennent toute force et toute puissance ! Il manifestera son précieux pouvoir en notre faveur, et agira contre ce qu’il hait.
Mais que faire si un mal subtil, spécialement contre Christ (car tel est le but de Satan), prend le dessus dans l’assemblée, et si celle-ci rejette tout avertissement, toute tentative pour appeler l’attention sur la sentence que la Parole de Dieu prononce contre ce qui est certainement opposé à sa gloire et détruit la vérité et la sainteté ? Évidemment, s’il en est ainsi, si le mal flagrant est tenu caché et non jugé, et si l’assemblée s’obstine dans le rejet des appels du Saint Esprit à juger ce qui est contraire à Christ, alors nous devons sortir, au nom du Seigneur, avec douleur, peut-être bien avec une honte profonde, un coeur déchiré, mais sans hésitation d’esprit. La preuve a été faite qu’ayant eu la lumière de Dieu, on a refusé de propos délibéré d’agir selon cette lumière ; qu’ayant été au bénéfice de la grâce de Dieu, on est demeuré sourd à sa Parole et on a tourné contre lui sa grâce en dissolution.
Que le Seigneur nous délivre d’un tel état de choses et nous rende toujours sensibles à sa gloire et à sa volonté révélée. Mais commençons par être lents à croire au mal. N’agissons jamais dans un cas individuel, encore moins vis-à-vis d’une assemblée, avant d’être forcés de reconnaître la certitude triste et humiliante que le saint ou l’assemblée est entièrement infidèle à Christ. La précipitation à mettre dehors des individus ou à juger ce qui a été reconnu comme l’assemblée de Dieu, est la dernière chose qui devrait caractériser l’enfant de Dieu. Lente et pénible devrait être pour nous une telle découverte, patients nos exercices et nos efforts en vue d’une restauration, jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de supporter le mal sans nous identifier avec lui, et qu’il faille agir. Lorsque Dieu place cette responsabilité sur nos consciences, nous n’avons pas le droit de fermer les yeux ni de nous dérober. Ces quelques remarques peuvent nous aider à comprendre non seulement le principe des opérations du Saint Esprit telles que la Parole nous les révèle, mais aussi les conséquences pratiques pour notre marche au milieu des difficultés et des devoirs actuels.
Et maintenant quelques mots pour attirer notre attention sur la grande vérité contenue dans le verset 12, savoir que quoiqu’ils soient plusieurs, tous les membres sont «un seul corps». Le verset 13 complète : «nous avons tous été baptisés d’un seul Esprit pour être un seul corps, soit Juifs, soit Grecs, soit esclaves, soit hommes libres». Pas un enfant de Dieu n’est laissé dehors. Tout chrétien a cette qualité de membre du corps de Christ à partir du moment où il est baptisé du Saint Esprit, c’est-à-dire tôt ou tard. Et, dans quel but sommes-nous baptisés du Saint Esprit ? Non pas pour rester indépendants les uns des autres, ce qui était anciennement l’état des saints en Israël ; mais c’est justement pour nous retirer de cet état de choses que le Saint Esprit est descendu. Certes, sous le christianisme, je ne perds pas ma bénédiction individuelle — bien au contraire — mais à côté d’elle existe un terrain que Dieu nous a imparti collectivement ici-bas. J’appartiens au seul et unique corps, à l’Église. Je suis baptisé en un corps par le Saint Esprit descendu du ciel. C’est une vérité que je saisis par la foi au même titre que mon privilège d’être enfant de Dieu. Est-ce que je crois à la réalité de ce seul corps résultant de la présence infaillible du Saint Esprit ? Si oui ne suis-je pas tenu de marcher en conséquence ? Et mon chemin sera clair si j’y avance avec cet oeil simple qui ne cherche pas ses intérêts propres mais ceux de Jésus Christ.
Comment concevoir en effet qu’il puisse y avoir autre chose qu’une seule et même direction pour tous les enfants de Dieu qui se laissent guider par Sa Parole et Son Esprit ? Ce serait affirmer l’insuffisance de la révélation et de la conduite présente du Saint Esprit. Si nous étions simples et soumis aux Écritures, le Saint Esprit pourrait et ne voudrait produire qu’une seule et même conviction. La seule raison pour laquelle les chrétiens diffèrent tellement, c’est parce que la chair, non jugée, prévaut contre le Saint Esprit. Mais que Dieu nous accorde de n’abandonner ni l’assurance de la présence de l’Esprit, ni la suffisance de la Parole de Dieu maniée par le Saint Esprit. Le Saint Esprit n’est-il pas ici pour se servir puissamment de cette Parole en vue de la gloire de Christ dans le chrétien et dans l’Église, en proportion de la foi ? Par conséquent la responsabilité de chaque enfant de Dieu est de mettre de côté toute tradition et le poids mort de l’incrédulité qu’il reconnaît ; de quitter ce qu’il pratique ou tolère en contradiction avec l’Écriture ou qui s’en éloigne d’une manière ou de l’autre, afin de suivre complètement et en toutes choses la Parole de Dieu par l’Esprit.
Le reste du chapitre, qu’en rapport avec notre sujet, il n’est pas nécessaire de développer, nous enseigne d’abord que le corps n’est pas un seul membre. La variété des membres indique combien ils sont tous nécessaires — l’oeil aussi bien que le pied ou la main — principe des plus importants. Ils n’ont pas tous la même fonction, ni la même place ; néanmoins ils sont tous utiles, petits et grands. Dans la faiblesse présente et la dispersion de l’Église de Dieu, l’oeil peut être ici et la main là-bas, dispersés au lieu d’être rassemblés : hélas, qu’en est-il aujourd’hui de la manifestation extérieure du corps de Christ sur la terre ? D’où la confusion et la perplexité qui règnent ! Mais Dieu est toujours fidèle et opère encore par le Saint Esprit descendu du ciel, lequel est suffisant pour toutes les circonstances. L’Église peut être faible, et le ministère aussi ; mais l’Esprit de Dieu est-il faible ? Ainsi ce n’est plus qu’une question de foi dans la réalité de la présence et de l’opération du Saint Esprit. Celui-ci rend forts et emploie des individus comme il veut pour la gloire de Christ, chacun en tant que membre de son corps. Eh bien, il est de toute importance d’user de hardiesse et de tenir ferme cette vérité, sans toutefois forcer les autres croyants au-delà de leur foi. Mais qu’y a-t-il de plus heureux sur la terre que d’entrer ainsi de coeur dans les oeuvres variées de l’Esprit de Dieu ? Il distribue à celui-ci un don qui diffère essentiellement de celui d’un autre. On peut affirmer qu’il n’y a jamais eu deux dons exactement semblables dans l’Église de Dieu. D’une manière générale, nous le savons, il n’existe pas dans le monde deux individus absolument identiques. En dépit de ressemblances qui peuvent être grandes, il y a tel cachet qui caractérise un homme, que nul autre ne possède ni ne posséda jamais. Il en est exactement de même dans l’Église. Dieu a besoin de toute cette diversité pour l’oeuvre qu’il nous a donnée à faire. Le discernement spirituel, fruit de la foi, saura reconnaître ces variétés dans l’oeuvre du Seigneur. La chair au contraire, envieuse et jalouse, tendra toujours à effacer ces traits divins, assimilera lourdement fonctions et serviteurs et gâtera par là les beaux traits et les diverses opérations de l’Esprit de Dieu.
En rapport avec notre sujet, un dernier passage mérite notre attention, c’est Éphésiens 4. Le corps de Christ y est aussi mentionné, mais d’une manière bien différente et bien frappante. L’apôtre envisage ici l’Église non pas comme la scène des opérations du Saint Esprit sur la terre (1 Cor. 12) mais comme liée à sa Tête dans le ciel. Au lieu d’unir Christ à l’Église envisagée sur la terre comme le champ où le Saint Esprit manifeste la volonté de Dieu, ici un autre aspect nous est découvert. Christ lui-même est présenté comme monté en haut, et le corps de Christ comme un avec Christ en haut. En sorte que si je regarde à Christ, je suis aussitôt lié avec le ciel (Éph. 4) ; si je regarde au Saint Esprit, je suis lié à la terre, comme la place où il est lui-même à l’oeuvre pour la gloire de Dieu dans l’Église (1 Cor. 12). Telle est la différence dans tout le cours de ces épîtres. Les deux points de vue sont vrais et importants et aucun ne doit être négligé. Sans doute n’agissent-ils pas également sur les affections, mais ils sont tous deux utiles, tous deux divins, tous deux révélés pour notre profit et notre bénédiction.
Ainsi, ce que nous trouvons comme le sujet principal en Éphésiens 4, c’est Christ la source infaillible de nourriture pour son corps. Il lui dispense ses dons — des apôtres, des prophètes, des évangélistes, des pasteurs, et des docteurs ; mais pas un mot des langues et des guérisons — signes dont nous avons une si grande variété dans 1 Corinthiens 12 et 14. Dans Éphésiens, tout est moyen direct de nourriture pour le corps et envisagé comme découlant de Christ pour les siens, plutôt qu’un témoignage de puissance dans l’Église de Dieu pour le monde. En 1 Corinthiens, l’Esprit agit puissamment dans ce qui est appelé le Christ au verset 12 du chapitre 12 (la Tête et le corps ensemble) ; en Éphésiens, Christ, comme Tête, nourrit et chérit personnellement son corps. Christ est aussi prééminent dans un cas, que le Saint Esprit est la grande énergie dans l’autre, agissant comme il lui plaît dans ces manifestations variées qui sont données à chacun dans l’Église. Alors que, répétons-le, en Éphésiens, le grand objet c’est : «en vue du perfectionnement des saints, pour l’oeuvre du service, pour l’édification du corps de Christ».
La vraie et exacte manière dont Dieu voulait que ses dons fussent déployés, c’est au titre de membres du corps de Christ. Ainsi en 1 Corinthiens 12, les dons ne s’exercent pas indépendamment de l’Église de Dieu, mais comme membres du seul corps. Cela est vrai, même pour l’évangélisation. Quand Paul et Barnabas partent, ils sont recommandés par l’Église à la grâce de Dieu. De même à leur retour, ils racontent à l’Assemblée ce que Dieu a opéré. Ce n’est nullement comme ayant reçu leur mission de l’Église, car celle-ci n’a aucune compétence pour choisir et envoyer un serviteur du Seigneur. Ce point est à souligner car il est totalement méconnu dans les systèmes de la chrétienté. Sans doute y a-t-il de vrais et sincères serviteurs du Seigneur parmi les ministres officiels des religions chrétiennes. Mais alors, de nos jours, pour exercer un ministère ou un don dans la chrétienté, vous devez avoir l’approbation et le soutien de quelque soi-disant Église, autrement dit vous devez faire partie de ce qui déshonore le Seigneur, et honorer l’Église dans sa place d’usurpation, afin d’obtenir une mission ou un service. Ce principe n’est pas particulier au système romain, tous s’accordent dans cette substitution coupable de l’Église à la place du Seigneur.
Si Dieu nous a fait la grâce de nous éclairer au sujet de ces grandes vérités liées au don du Saint Esprit, qu’il nous préserve de nous en glorifier et de nous complaire à nous-mêmes ! Au contraire, c’est pour nous une grande responsabilité. Plus encore : nous devrions réellement être honteux à la pensée que nous ne présentons pas ces vérités au coeur et à la conscience des autres avec une puissance telle qu’ils soient saisis par la crainte d’être en dehors des voies de Dieu. Reconnaissons que notre manque de spiritualité et de dévouement, notre mondanité et toutes les misères qui nous ont atteints individuellement ou collectivement, ont été les plus grands obstacles au témoignage ; car toute la puissance de Satan unie à celle de l’homme ne pourrait nous surmonter un instant s’il n’y avait pas en nous manque de foi ou infidélité non jugée. Voilà pour nous le vrai danger et notre sujet de honte devant notre Dieu ! Tenons ferme la vérité que lui-même nous a donnée pour en être les témoins aussi bien que pour la croire. Les calomnies du dehors n’ont de puissance que sur ceux qui aiment le mal. Laissons les hommes dire ce qu’ils veulent ; mais pour nous nous n’avons pas à craindre tant que notre oeil est simple, notre coeur vrai à l’égard de Christ, et le Saint Esprit l’objet de notre humble confiance selon la Parole.
Au sujet d’Éphésiens 4, un autre point peut encore être signalé. Ces dons sont tous accordés jusqu’à ce que nous soyons parvenus à la mesure de la stature de la plénitude de Christ. Ceci contraste encore avec 1 Corinthiens 12 où la même assurance n’est pas donnée au sujet des dons qui sont des signes pour le monde. Ainsi s’explique que ces signes n’existent plus. Le Seigneur ne s’est jamais engagé à faire continuer les guérisons ou les langues qui furent données à l’Église primitive. Par contre, quand il s’agit de ce qui est nécessaire à l’édification, aux dons ministériels de sa grâce nécessaires pour l’appel de nouvelles âmes, ou pour le soin et la surveillance de celles déjà appelées, l’Écriture affirme qu’ils sont donnés «jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme fait, à la mesure de la stature de la plénitude du Christ». Tout ce qui contribue au bien réel dans les circonstances présentes, demeure pour l’Église de Dieu jusqu’à la fin.
Celui qui nourrit et chérit son assemblée, qui la nourrit parce qu’il la chérit, le fera fidèlement jusqu’à Son retour.
Le Saint Esprit, dans cette épître, envisage l’Église non seulement comme le corps de Christ (Éph. 1:23) mais comme l’habitation de Dieu (Éph. 2:22). Le corps de Christ implique notre communion avec Lui-même comme Tête dans le ciel. L’habitation de Dieu se lie à la position actuelle de l’Église sur la terre. L’Église n’a pu être formée, sous ce double caractère, que sur la base de la rédemption, donc après la croix, et par le Saint Esprit envoyé du ciel.
Hélas ! beaucoup d’enfants de Dieu n’acceptent pas ces vérités et n’en jouissent pas. C’est une grande perte pour eux, mais ils n’en participent pas moins à la bénédiction, car notre ignorance n’affecte pas notre relation mais seulement la jouissance de cette relation. Et c’est une grande miséricorde de la part de Dieu ! Il en est de ce privilège comme de tous les autres que confère sa grâce. Bien des personnes regardent simplement à Christ et par cela ont la vie éternelle ; mais si vous leur demandez : «Avez-vous la vie éternelle ?», peut-être hésiteront-elles à répondre. Ce n’est pas qu’elles mettent en doute les paroles de l’Écriture, mais elles connaissent fort peu le caractère, la nature ainsi que les conséquences (actuelles et futures) de la vie éternelle. Il en est de même pour la vérité de l’Église de Dieu sous ses deux aspects — son union avec Christ en haut, ou l’habitation de Dieu par l’Esprit ici-bas. Dans notre dernière méditation, nous avons traité rapidement la première de ces vérités ; aujourd’hui nous nous occuperons de la deuxième, en engageant les lecteurs à méditer les portions de la Parole qui développent l’une ou l’autre de ces grandes vérités. Je mentionnerai en passant quelques-unes de leurs conséquences pratiques, car une vérité quelconque n’est vraiment bénie pour nos âmes que si nous la traduisons dans notre expérience, dans nos voies, dans notre culte, par les fruits de ce que Dieu nous a fait connaître.
Dans ce chapitre 2 de l’épître aux Éphésiens, il est clair que le Saint Esprit a mis de côté le système juif et introduit un état de choses entièrement nouveau. Dieu agit d’une manière sans précédent : il introduit des Gentils, appelés l’incirconcision dans la chair, gens qui, avant de recevoir l’Évangile, étaient éloignés et étrangers, sans espérance et sans Dieu dans le monde. Et il les place, avec les croyants d’Israël, ensemble dans une position nouvelle devant lui. Comment est-ce possible ? Parce que la rédemption est maintenant accomplie.
Toute notre épître, du commencement à la fin, a donc en vue des chrétiens, et des chrétiens seulement, indépendamment de leur origine juive ou gentile. Certains ont cru pouvoir appliquer aussi cette portion de l’Écriture aux saints de l’Ancien Testament, mais ceux-ci ne pouvaient être appelés «saints et fidèles» en Christ. C’est méconnaître tout à fait la portée de l’épître et atténuer la profondeur et la nature spéciale des privilèges présents, aussi bien que leur force et leur caractère céleste. Dieu a révélé ces vérités distinctement et uniquement à des âmes amenées à la connaissance de sa grâce, depuis qu’il s’est manifesté en Christ et que l’oeuvre de la rédemption a été opérée. Répétons par conséquent que notre épître, dans chacune des pensées qu’elle exprime, envisage exclusivement les saints qui ont été appelés entre l’apparition de Christ dans le monde pour mourir comme victime de propitiation et son retour pour les prendre à lui.
Il est utile à cette occasion de remarquer que, d’une manière générale, toute tentative d’atténuer les diversités dans la Parole et dans les voies de Dieu a pour effet d’affaiblir notre appréciation des privilèges accordés par Dieu à ses enfants et d’effacer la précision de la révélation de Dieu. On croit par exemple que c’est l’Église qui a été de tout temps l’objet des voies de Dieu dans ce monde ; que de nos jours elle a un peu plus de lumière, un peu plus de bénédiction (car on ne peut pas nier les différences). Mais c’est là une profonde erreur. Que chaque lecteur soumette ses propres pensées et les suggestions des autres sur cette grande question à la seule pierre de touche que Dieu reconnaisse, à la seule source de lumière et de vérité possible, sa divine Parole. Il apprendra d’abord que l’oeuvre de la rédemption est appliquée aux âmes d’une manière complète et sans distinction. C’est-à-dire que maintenant il ne s’agit pas de savoir si un homme est Juif ou Gentil.
Que l’Église soit envisagée sous son aspect de corps de Christ ou d’habitation de Dieu, dans les deux cas il est supposé cette chose nouvelle, le renversement complet de ce que Dieu avait institué et sanctionné dans les premiers temps : «Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui étiez autrefois loin, vous avez été approchés par le sang du Christ. Car c’est lui qui est notre paix, qui des deux en a fait un et a détruit le mur mitoyen de clôture, ayant aboli dans sa chair l’inimitié». Ainsi s’évanouit la clôture qui par ordre de Dieu subsistait dans les temps de l’Ancien Testament, savoir «la loi des commandements qui consiste en ordonnances, afin qu’il créât les deux en lui-même pour être un seul homme nouveau». Autrement dit, non seulement nos péchés sont effacés, et le ciel assuré pour nous plus tard ; mais une création entièrement nouvelle est formée ici-bas. C’est la communication de privilèges inconnus et impossibles tant que Dieu avait des relations avec son ancien peuple, agissait au milieu d’eux et les gouvernait par une loi. Il fallait que Christ «les réconciliât tous les deux en un seul corps à Dieu par la croix, ayant tué par elle l’inimitié. Et il est venu, et a annoncé la bonne nouvelle de la paix à vous qui étiez loin, et la bonne nouvelle de la paix à ceux qui étaient près ; car par lui nous avons, les uns et les autres, accès auprès du Père par un seul Esprit» (2:17, 18).
Nous arrivons ici au point qui constitue plus particulièrement notre sujet. «Ainsi donc», est-il déclaré, «vous n’êtes plus étrangers ni forains, mais vous êtes concitoyens des saints et gens de la maison de Dieu, ayant été édifiés sur le fondement des apôtres et prophètes, Jésus Christ lui-même étant la maîtresse pierre du coin». Remarquez qu’il n’est pas question ici des prophètes de l’Ancien Testament. L’ordre même dans lequel le Saint Esprit fait son énumération exclut une telle pensée : «les apôtres» sont placés avant «les prophètes». Plus encore, la construction de la phrase implique une classe commune de personnes qui établissent un fondement pour cet édifice que Dieu allait construire. Et à quelle époque ce fondement fut-il posé ? Ce ne fut pas aussitôt après le péché de l’homme, ni aux temps des patriarches que Dieu commença à exécuter cette grande oeuvre sur la terre. C’est seulement quatre mille ans plus tard, après la venue et la mort de Christ, que le fondement fut posé par les apôtres et les prophètes. La classe commune déterminée par l’article grec nous empêche de songer aux prophètes de l’Ancien Testament. Les prophètes dont il s’agit étaient présents alors et associés avec les apôtres dans cette oeuvre. Et les apôtres et les prophètes, savoir ceux du Nouveau Testament, sont ceux qui posèrent ce nouveau fondement (*) «en qui tout l’édifice, bien ajusté ensemble, croît pour être un temple saint dans le Seigneur». Tel est le résultat final. Ce saint temple sera vu plus tard ; mais remarquez la fin du chapitre : «en qui vous aussi, vous êtes édifiés ensemble, pour être une habitation de Dieu par l’Esprit». La conclusion est évidente : dès maintenant, avant que le saint temple ait atteint ses pleines proportions, cette oeuvre existe sur la terre, mettant de côté le système d’Israël, une toute nouvelle construction qui est véritablement l’habitation de Dieu en vertu de la présence de l’Esprit.
(*) Comparez Éph. 3:5 «révélé maintenant» aux deux (c’est-à-dire à ses apôtres et prophètes).
Ainsi aujourd’hui les croyants, ceux des nations comme les croyants juifs, constituent cette habitation de Dieu, «en qui, vous aussi» — déclare Paul aux Éphésiens — «vous êtes édifiés ensemble, pour être une habitation de Dieu». De quelle manière ? «Par» ou «dans l’Esprit» (cf. v. 22, note). Autrement dit, l’Esprit est aussi nécessaire pour l’habitation de Dieu que pour le corps de Christ dont nous nous sommes occupés dans notre méditation précédente. Toutefois, l’habitation de Dieu, à un certain point de vue, n’est pas une pensée aussi exclusivement nouvelle que le corps de Christ. Nous trouvons dans l’Ancien Testament des types distincts de la grande vérité de l’habitation de Dieu au milieu des hommes sur la terre, alors que rien n’était révélé de la réunion du Juif et du Gentil en un seul corps — et encore moins qu’ensemble ils composeraient le corps de Christ. Nous en avons bien un type dans l’union d’Adam avec Ève, mais qui ne révèle évidemment rien du Juif et du Gentil réunis en un. On ne peut faire valoir que le fait, et nous savons que l’Esprit de Dieu s’en est servi lorsque l’Église vint à la lumière, mais rien de plus.
Quant à l’habitation de Dieu, nous n’en avons, comme chacun le sait, aucune mention dans la Genèse, pas même sous forme de promesse. Constatation d’autant plus frappante que, s’il y a dans l’Ancien Testament un livre qui contienne plus qu’aucun autre les éléments ou types de la vérité divine, c’est bien le livre de la Genèse ! Tous les autres livres ensemble ne présentent peut-être pas autant de vues variées des voies à venir de Dieu. Cette exception n’en est que plus remarquable : nous n’y trouvons pas la moindre allusion au dessein de Dieu d’avoir une demeure sur la terre. La raison en est claire. Quoique la Genèse mentionne de nombreux sacrifices et holocaustes, quoique des relations d’alliance soient souvent placées devant nous, il n’y est pourtant pas encore question de rédemption, et cette omission est aussi remarquable que l’absence de toute allusion à la demeure de Dieu dans ce livre merveilleux.
Puis vient le second livre de Moïse, qui ne présente pas comme le premier un ensemble des révélations des voies de Dieu et de ses conseils qui devaient plus tard s’accomplir en Christ. Par contre ce livre de l’Exode nous présente en types les vérités que nous cherchons : la rédemption d’abord, la demeure de Dieu avec les hommes ensuite. Nous pouvons ajouter en passant que, quoique la loi s’y trouve aussi, celle-ci contient l’assurance renouvelée de ces mêmes vérités (Ex. 20:2, 24). Ces pensées de Dieu, présentées en figure dans le livre de l’Exode, font partie des choses révélées en Éphésiens 2 et sont exposées dans le même ordre.
La première partie de l’Exode dépeint la condition misérable et désespérée du peuple de Dieu. Du fond de sa détresse, celui-ci crie à l’Éternel qui l’entend et s’occupe de sa délivrance. Il ne se contente pas de lui adresser des messages de miséricorde : au temps convenable, il se met à l’oeuvre non pas d’abord pour juger, quoiqu’il le fasse, mais pour réclamer son peuple pour lui-même. Il envoie Moïse et Aaron, et, comme signes accompagnant leur mission, des plaies par lesquelles il châtie l’orgueil du monde qui tenait Son peuple en esclavage. Et c’est pour en arriver au type le plus remarquable de la rédemption dans l’Ancien Testament, en ses deux parties : la Pâque et la mer Rouge. Un seul de ces types aurait été insuffisant pour présenter la rédemption, qui ne peut être bien comprise que lorsque ses deux côtés sont considérés ensemble. À la Pâque, en effet, Dieu juge encore ; et il faut qu’il en soit ainsi : Dieu est armé de puissance, il agit en vengeance contre le péché. Mais, en même temps, dans son admirable sagesse, il procure à son peuple un juste et parfait refuge.
Ainsi la vérité la plus marquante dans la Pâque, c’est Dieu en jugement, quoique pourvoyant au salut des siens. Ceci constitue, ne l’oublions pas, un des aspects de l’évangile. Une des pensées centrales de ce dernier, c’est la parfaite justice de Dieu (Rom. 1:17). Nous pensons plus volontiers à sa miséricorde. Toute précieuse qu’elle est, celle-ci est très différente de la justice divine, bien que sans la miséricorde la justice ait manqué et de base et d’occasion de se déployer. Mais la gloire de l’évangile, c’est que Dieu s’y montre juste en justifiant. Lorsque le pécheur est reconnu juste, ce n’est pas simplement que Dieu pardonne et montre de la miséricorde, mais qu’il est juste en justifiant. Il en est ainsi à la Pâque. Dieu, cette nuit-là, descendit en jugement à la fois sur l’homme et sur les dieux de l’Égypte. Il manifesta sa haine pour le péché comme il ne l’avait jamais fait précédemment et cela d’une manière tout aussi évidente dans ses rapports avec Israël que dans ses rapports avec les Égyptiens. La mort passa ; elle est le salaire du péché. Cette nuit-là, dans toutes les maisons d’Égypte, le premier-né était étendu sans vie, et les lamentations annonçaient à tout le pays ce que c’était que mépriser les avertissements du Seigneur. Au même moment, à la porte de chaque maison israélite, les poteaux aspergés de sang déclaraient non moins clairement que Dieu est juste et en même temps celui qui justifie ; ils parlaient d’un substitut, du sang d’un autre : images de l’Agneau de Dieu et de l’effusion de son sang.
Toutefois ce n’était pas là toute la bénédiction. L’agneau pascal tenait simplement Dieu dehors, empêchait seulement son jugement de tomber sur les Israélites. Est-ce là toute la rédemption ? C’est l’opinion de beaucoup, mais combien elle méconnaît la rédemption selon Dieu ! Pour nous faire comprendre celle-ci, Dieu ajoute un autre type comme complément du premier, savoir la mer Rouge. L’élite de l’Égypte y trouva son tombeau, alors que Dieu faisait passer Israël à travers ce qui semblait devoir être une mort certaine, mais qui en réalité devint un type de la vie éternelle et leur pleine sécurité. C’est l’aspect que prennent pour le chrétien la mort et la résurrection de Christ. Maintenant pour la première fois Dieu daigne parler de salut en rapport avec son peuple (Exode 14:13, 30 ; 15:2), alors que rien de ce qui avait été opéré antérieurement n’a pu être appelé le salut.
Remarquons à cette occasion combien il est inexact et dangereux pour les âmes de parler d’une connaissance non mûrie et incomplète de Dieu comme étant le salut. On entend par exemple dire quelquefois : «Il est vrai, cet homme n’est pas encore heureux, il n’a aucune liberté d’âme ; mais en tout cas, il est sauvé». L’Écriture ne sanctionne jamais un pareil langage. Ce qu’elle désigne comme le salut n’est pas simplement la vie nouvelle, l’état d’une âme ayant reçu de Christ ce qui lui permet de se juger et de crier vers Dieu. L’Écriture réserve généralement le nom de «salut» au fait d’être amené par l’Évangile dans une liberté dont on a conscience, en réalisant la délivrance actuelle de tous les ennemis, par la puissance de Dieu en Christ.
Aussi n’entendons-nous parler de salut que lorsque Israël parvient à la mer Rouge, au moment où s’opère la pleine et entière délivrance du pays d’Égypte et la destruction totale de ses fiers ennemis. «Tenez-vous là, dit Moïse, et voyez la délivrance de l’Éternel, qu’il opérera pour vous aujourd’hui» (v. 13). Ce n’était pas la nuit de la fête pascale ; c’était le jour où ils purent regarder derrière eux la mer Rouge traversée pour toujours. D’où l’importance de nous en tenir strictement au langage des Écritures et de ne reconnaître rien de moins comme étant le salut. Sinon comment aider les enfants de Dieu à s’emparer par la foi de la puissante victoire de Christ, à défaut de quoi ils demeurent dans l’anxiété et le trouble, au lieu de jouir de la paix. Il est capital, en effet, pour une âme d’être travaillée profondément par l’Esprit et de découvrir ce qu’elle est devant Dieu ; mais jusqu’à ce qu’elle puisse se reposer avec simplicité et confiance sur l’oeuvre achevée de Christ, elle ne possède pas ce que Dieu appelle le salut dans son sens complet.
Après que cette oeuvre puissante est opérée — pour autant qu’il s’agit du type — alors, pour la première fois, nous entendons chanter Israël. Le cantique est entonné sur l’autre bord de la mer Rouge. «Je chanterai à l’Éternel, car il s’est hautement élevé ; il a précipité dans la mer le cheval et celui qui le montait. Jah est ma force et mon cantique, et il a été mon salut. Il est mon Dieu, et je lui préparerai une habitation». La vérité ressort ici d’une manière remarquable ! Le type tout entier de la résurrection aussi bien que de la mort est placé devant nous ; et alors pour la première fois, nous entendons parler du salut, et immédiatement le coeur désire que Dieu ait une habitation. Devons-nous supposer que ceux qui chantèrent ainsi dans le désert aient été plus agréables à Dieu que leurs pères ou que les patriarches du livre de la Genèse ? Au contraire ! Parmi ces derniers, il s’en trouvait plusieurs que Dieu avait honorés de façon exceptionnelle et choisis pour être les dépositaires de ses secrets : un Noé exempté du jugement infligé au monde entier, un Hénoc élevé au ciel sans passer par la mort, un Abraham, ami de Dieu qui lui avait fait l’honneur de souper avec lui. Est-il nécessaire de rappeler comment ce dernier fut fait l’objet des promesses divines — promesses qui poursuivront leur cours en bénédiction jusqu’à ce que tous les âges soient achevés dans l’éternel repos de Dieu ?
Il est donc impossible de supposer que Dieu ait révélé la rédemption aux fils d’Israël plutôt qu’aux patriarches par préférence pour les premiers. Mais c’est justement ce qui met en relief les merveilles de la rédemption. Elle ne doit rien à l’homme. Et seule la mort de Christ et la rédemption elle-même pourront l’expliquer. Pensons, en effet, à ce que mérite la rédemption, par qui et comment elle a été acquise. Elle réclamait l’intervention personnelle du Fils de Dieu, sa venue dans ce monde comme un homme, comportant non seulement l’abandon pour un temps de la jouissance de sa gloire propre, mais aussi l’entrée en grâce dans les circonstances de sa créature avec leur lot de honte et de souffrances. Puis, au lieu d’entrer dans une place de bénédiction et de gloire, il est descendu au contraire dans un abîme plus profond, après que l’homme eut fait contre lui tout ce qu’il pouvait, après que Satan eut épuisé ses efforts ; oui, c’est alors seulement que fut résolue la question suprême qui devait se régler entre Dieu et ce Bien-aimé. Question qui devait entre toutes être la plus terrible, la plus éprouvante et pour Dieu et pour Christ. Car que peut-on comparer à cette heure extraordinaire où le péché dut être jugé par Dieu, et puni de la plus étrange manière que l’homme puisse concevoir — imputé à celui qui y était le plus étranger : le Saint Fils de Dieu, et cela par Dieu lui-même ?
Dès lors peut-on s’étonner que Dieu voie dans la rédemption une valeur aussi infinie ? Il peut trouver là son repos, en sorte que les cieux des cieux cessent, pour ainsi dire, de le contenir. C’est comme s’il disait : «Mon Esprit ne peut davantage demeurer en haut. Il faut qu’il descende et habite où se trouve ce sang précieux». Ce lieu a beau avoir été le plus souillé de toute la création, le témoin de la rébellion la plus insensée ; ni l’état de la terre, ni la révolte de la créature contre Dieu et contre son Oint, ne pouvait retenir Dieu dans le ciel plus longtemps. Son estimation des souffrances de Christ le contraignait en quelque sorte à venir demeurer sur cette même terre et parmi les membres de cette même race qui l’ont toujours traité d’une manière outrageuse. Cela seulement explique pourquoi Dieu peut avoir sa demeure parmi nous sur la terre. La rédemption explique le fait et le Saint Esprit l’effectue dès que la rédemption est accomplie. Aussi est-ce lorsque le type de la rédemption est accompli que l’habitation typique de Dieu devient immédiatement l’objet du désir des siens sur la terre. Et quand la vraie rédemption, la rédemption éternelle, fut un fait accompli, Dieu descendit réellement pour habiter ici-bas, demeurant pour toujours dans les rachetés par le Saint Esprit. En vérité rien ne peut être plus harmonieux que les faits typiques d’un côté, ou leur accomplissement réel de l’autre, dans la rédemption éternelle que Christ a acquise pour le chrétien.
Mais un autre point encore mérite d’être souligné. Ce chapitre 15 de l’Exode, qui exprime le désir du peuple de préparer une habitation pour Dieu, est aussi le premier chapitre de la Bible dans lequel la sainteté de Dieu soit présentée. Comment comprendre que Dieu ait attendu tant de temps avant de donner une révélation de lui-même, dans son caractère de sainteté et dans ses voies avec les hommes ici-bas ? Sans doute trouvons-nous une allusion à la sainteté quand Dieu sépara et sanctifia le septième jour (Gen. 2:3), seul passage qui puisse paraître faire une exception. Ainsi, avant qu’il soit question de péché, Dieu trouva bon de donner en instituant le sabbat un gage de «ce repos qui reste pour le peuple de Dieu». Mais lorsqu’il s’agit des rapports de Dieu avec l’homme, pas un mot n’est prononcé sur la sainteté divine dont, avant la rédemption, l’homme ne pouvait avoir aucune vraie notion et qu’il n’aurait pu supporter.
Un peu plus bas, verset 11, nous lisons : «Qui est comme toi parmi les dieux, ô Éternel ? Qui est comme toi, magnifique en sainteté, terrible en louanges, opérant des merveilles ?» Cette louange, nous le verrons, se lie avec l’habitation de Dieu selon le Nouveau Testament. Ici les deux faits sont pour la première fois présentés ensemble comme conséquence de l’accomplissement de la rédemption typique. Car ce n’est que lorsque la rédemption est accomplie que l’homme peut supporter la pleine révélation de la sainteté de Dieu. Mais, dès l’instant où l’Éternel accomplit la délivrance, type de la rédemption, les Israélites peuvent parler sans anxiété et, dans leur mesure, se réjouir et louer son nom. Il ne s’agit encore que d’une délivrance terrestre, néanmoins ils chantent la sainteté de Dieu.
À présent, si nous nous tournons vers le Nouveau Testament, nous y voyons la réalité qui répond à ces figures (Éph. 2). La pleine rédemption est opérée. Le Fils de l’homme a donné sa vie en rançon pour plusieurs. L’effet en est d’amener les âmes près de Dieu, même les plus éloignées et cela dans une parfaite paix dont Christ lui-même est l’expression. «C’est lui qui est notre paix» (v. 14), bénédiction à laquelle rien ne peut être comparé et dont rien n’approche. Mais c’est alors que nous commençons à entendre parler de l’habitation de Dieu.
Et cette vérité n’est pas confinée à une seule épître. Prenez par exemple, 1 Corinthiens 3. «Nous sommes collaborateurs de Dieu, proclame l’apôtre ; vous êtes le labourage de Dieu, l’édifice de Dieu». L’apôtre parle de sa propre responsabilité : «Selon la grâce de Dieu qui m’a été donnée, comme un sage architecte, j’ai posé le fondement», déclare-t-il. Celui-ci est bâti sur le fondement des apôtres et des prophètes. À ce titre, Paul en appelle à eux : «Ne savez-vous pas, dit-il, que vous êtes le temple de Dieu et que l’Esprit de Dieu habite en vous ?» Et c’est le point de départ d’un ardent appel à la sainteté : «Si quelqu’un corrompt le temple de Dieu, Dieu le détruira, car le temple de Dieu est saint, et tels vous êtes». Ce verset n’est pas une simple révélation de ce que doit être l’Église dans la suite, mais il parle de faits actuels. Il est de la plus grande importance que les chrétiens sachent et comprennent que le christianisme ne se compose pas seulement de doctrines, mais de faits, lesquels sont le fondement de la doctrine. Ces faits concernent une personne, un homme réellement vivant, qui est né dans ce monde ; qui a vécu, est mort puis a été ressuscité ici-bas, quoiqu’il soit maintenant allé au ciel. Et cette personne, Christ, n’est pas seulement l’intermédiaire par lequel nous apprenons à connaître la vérité, il est lui-même la substance de la vérité qu’il fait connaître. Ôtez Christ du christianisme et que reste-t-il ? Et maintenant qu’il est parti, Dieu réalise le christianisme par une autre personne, savoir le Saint Esprit descendu sur la terre, qui, au lieu de supplanter Christ, est aujourd’hui la puissance pour nous le faire connaître. Je ne puis réellement connaître Celui qui est parti, sinon par Celui qui est venu. C’est sa présence qui constitue le temple de Dieu. Le Saint Esprit habite dans les saints sur la terre, selon qu’il est déclaré : «Vous êtes édifiés ensemble, pour être une habitation de Dieu par l’Esprit».
Mesurons-nous, chers frères et soeurs, l’immense importance d’un fait tel que celui-là ? Est-ce la pensée qui remplit nos coeurs lorsque nous nous rassemblons, soit pour adorer, soit pour nous édifier mutuellement ? La foi en la présence du Saint Esprit nous console-t-elle ? Comptons-nous sur le Seigneur comme étant vraiment au milieu de nous ? Ou bien ne sommes-nous occupés que de ceux qui composent cette assemblée ou qui ouvrent la bouche pour l’adoration, ou pour l’édification des saints ? Que penserait-on de l’invité d’un roi qui ne s’intéresserait qu’à de menus détails de l’organisation du palais ? Il est évident que le but même de la visite serait perdu pour lui. À plus forte raison si nous réfléchissons qu’il se trouve une personne vivante et divine, présente dans l’assemblée ici-bas, et dont seule la présence fait que l’assemblée est celle de Dieu. La foi de ceux qui sont réunis ne suffit pas à leur donner collectivement ce caractère d’assemblée de Dieu, pas plus que leur foi ne donnait aux saints de l’Ancien Testament le droit de faire partie de l’Église. Ce n’est pas davantage la vie nouvelle qui donne ce droit. Tous les saints depuis le commencement étaient nés de nouveau, et pourtant l’assemblée de Dieu n’a existé qu’à partir de la Pentecôte. Le seul fait qui pouvait donner à un rassemblement de croyants le titre d’assemblée de Dieu, c’est la présence de Dieu lui-même ; et il est là par le Saint Esprit.
Je dirai plus : cela est si capital que le fait que quelques personnes non nées de Dieu ont pu se glisser furtivement parmi les saints ne détruit pas son assemblée. Une telle situation est pénible et humiliante ; mais je n’ai pas à m’en alarmer, ni à en être trop abattu. Nous devons être affligés d’avoir eu assez peu de discernement pour permettre à des âmes non nées de Dieu de pénétrer dans l’assemblée de Dieu. Mais ne nous étonnons pas que Satan mette tout en oeuvre pour souiller et détruire celle-ci. Elle est ce qui est le plus près du coeur de Dieu sur la terre, la plus grande gloire présente de Christ. C’est à elle que Dieu a confié sa vérité, d’elle qu’Il attend une réponse à sa gloire morale et à son caractère ici-bas. Il a envoyé son Esprit pour demeurer dans l’Église, celle-ci devenant sa propre habitation par l’Esprit. Cette présence du Saint Esprit est la raison même (et la seule) de nos riches et multiples bénédictions.
Il est donc possible, si triste que ce soit, que quelques personnes, après avoir été amenées sans posséder la vie dans leur âme, sortent ensuite de l’Église. On constate alors que ces faux chrétiens sont capables de devenir les plus ardents adversaires, non seulement de l’Assemblée, mais de Christ lui-même, haïssant son nom, et reniant sa gloire. Le chapitre 6 des Hébreux parle de personnes de ce genre. Elles avaient eu part à d’étonnants pouvoirs, jusqu’à être devenues participantes du Saint Esprit, chose que certains ont peine à comprendre mais qui s’accorde parfaitement avec la vérité et nous donne la clef des faits qui, hélas, peuvent arriver en tout temps. Il s’est trouvé dès le commencement des hommes qui se sont glissés parmi les saints. Et ces hommes, quand ils se détournent ensuite, sont d’autant plus mauvais — deux fois morts, comme les qualifie l’apôtre Jude — parce qu’ayant assumé la place de témoins du Seigneur Jésus, ils se sont éloignés de Lui, ont abandonné la vérité, l’ont traitée avec le plus grand mépris, et sont devenus des fanatiques infiniment plus violents contre la vérité de Dieu qu’ils n’ont été jadis zélés pour la défendre. Ces hommes peuvent avoir possédé un grand nombre de privilèges extérieurs, car il en existe et non de médiocre valeur, mais ils y ont eu part entièrement en dehors de la vie éternelle. Aucun de tels professants n’a jamais été vivifié de Dieu.
La vie éternelle n’est nullement un privilège extérieur, et il n’est jamais question dans la Parole d’un homme qui, ayant été rendu une fois participant de la vie éternelle, ait ensuite perdu cette vie. Ceux qui ont reçu la vie divine ne peuvent pas la perdre. Par contre il est très possible qu’un homme, touché seulement dans ses sentiments et persuadé dans son intelligence, renie le Christ qu’il professait, et cesse de marcher avec lui. Tel fut le cas de certains disciples scandalisés par l’enseignement du Sauveur, si impitoyable pour la chair et le monde. Le chrétien de pure profession, mort par nature, était désormais deux fois mort, comme dit Jude, ayant renoncé à ce qu’il semblait avoir, et étant retourné aux ordonnances terrestres, ou même au péché flagrant avec plus de plaisir qu’auparavant et une haine accrue contre ce qu’il abandonnait ainsi ouvertement. Telles sont les personnes décrites en Hébreux 6 et 10, et de telles désertions, annoncées par l’Écriture, se présentent de temps en temps devant les yeux des chrétiens attristés.
Ainsi la chair peut aller fort loin dans la profession de la vérité et la possession de tous les privilèges et pouvoirs extérieurs dont il soit permis de jouir, et cela plus encore sous l’économie chrétienne que dans les temps anciens. Nous savons par exemple que, dans l’Ancien Testament, Saül s’insinua parmi les prophètes ; d’autres furent doués de grands pouvoirs par le Saint Esprit, qui, alors comme à présent, était le seul agent d’énergie divine pouvant opérer par qui il voulait pour la gloire de Dieu. Maintenant la grâce divine, lorsque l’homme ose s’en prévaloir, fournit occasion à plus d’abus encore. Il est tout à fait possible aux inconvertis de tromper à la fois eux-mêmes et l’Église de Dieu, et de s’introduire dans celle-ci, faisant profession du nom de Jésus d’autant plus facilement qu’ils ont moins de conscience.
Dieu scelle maintenant du Saint Esprit celui qui a la véritable foi et la vie éternelle. Mais le fait que l’Esprit soit donné comme sceau ne doit pas nous faire oublier les pouvoirs extérieurs qu’il confère. Hébreux 6 ne parle pas plus de son sceau que de la vivification des âmes, ni du gage que le chrétien possède en Lui de l’héritage prochain de la gloire. Les termes employés dans ce passage sont parfaitement pesés et ne laissent place à aucune équivoque. Il s’agit là de faux chrétiens qui ont pu participer au pouvoir du Saint Esprit mais dont on ne peut s’étonner qu’ils abandonnent ensuite le nom du Seigneur, en vertu duquel de tels pouvoirs leur avaient été conférés.
Cela explique aussi l’état présent de la chrétienté — l’extension de l’habitation de Dieu aux incrédules et aux profanes, qui extérieurement portent le nom du Seigneur Jésus, et s’aventurent indûment là où la présence de Dieu est réalisée par le Saint Esprit. Par négligence, on en est venu à disposer légèrement des privilèges extérieurs, comme, par exemple, du baptême au nom du Seigneur Jésus, et à permettre par l’appropriation irrégulière de ces avantages que des multitudes de professants inconvertis envahissent l’Église. Ainsi la maison de Dieu, quoique l’Esprit y habite, a été progressivement corrompue de toutes manières ; et, à mesure qu’une ambition profane rechercha un accroissement d’influence en dehors des intentions de Dieu, l’homme, comme toujours, perdit de vue sa responsabilité solennelle et tourna la grâce de Dieu en dissolution.
Une remarque importante s’impose ici. Nous avons dans l’Écriture, non seulement la maison de Dieu selon la pensée divine, décrite à la fin d’Éphésiens 2, mais aussi sa connexion avec le travail de l’homme et sous sa responsabilité, dans 1 Corinthiens 3. Enfin 2 Timothée 2 nous fournit une esquisse, à la fois morale et prophétique, de ce qui était déjà à l’oeuvre au temps de l’apôtre. Celui-ci exhorte Timothée à se montrer approuvé de Dieu et à éviter les vains babils. Il parle de personnes qui s’étaient égarées de la vérité, mais en même temps il réconforte son fidèle compagnon de service, accablé par les difficultés et les dangers du moment, en lui adressant ces consolantes paroles : «Toutefois le solide fondement de Dieu demeure, ayant ce sceau : Le Seigneur connaît ceux qui sont siens, et : Qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur. Or, dans une grande maison, il n’y a pas seulement des vases d’or et d’argent, mais aussi de bois et de terre ; et les uns à honneur, les autres à déshonneur. Si donc quelqu’un se purifie de ceux-ci, il sera un vase à honneur, sanctifié, utile au maître, préparé pour toute bonne oeuvre». Nous avons évidemment ici une description très exacte d’un état de choses en voie de progrès rapides. Cette condition de «grande maison» est pleinement réalisée de nos jours où la chrétienté a atteint sa pleine croissance. Elle se présente comme un vaste édifice, où se trouvent des vases à honneur aussi bien que des vases à déshonneur.
Que doit donc faire le chrétien qui veut être fidèle ? Abandonner la grande maison ? Certainement non. En sortir serait cesser d’être chrétien. Ce que nous avons à faire, c’est de nous séparer de tout ce qui est contraire à la volonté du Seigneur, sans jamais abandonner la profession de son nom. Cette profession de Christ est en elle-même la seule position révélée qui soit bonne et complète ici-bas. Les rachetés la Lui doivent et c’est une bénédiction pour eux au même titre que leur salut. Car qui peut être sauvé, sinon celui qui invoque le nom du Seigneur ? De sorte que pour le croyant sur la terre, depuis qu’il est arrivé à la connaissance du Seigneur, confesser son nom est évidemment une joie autant qu’un devoir. Il n’est jamais autorisé à abandonner la maison caractérisée par la profession du nom du Sauveur. Mais, dans cette grande maison, il existe des vases à honneur et des vases à déshonneur. Que doit faire l’enfant de Dieu ? Il lui est enjoint de se purifier des vases à déshonneur. Telle est la signification du texte, telle est l’intention manifeste du Saint Esprit. «Si donc quelqu’un se purifie de ceux-ci...», est-il écrit en parlant des vases à déshonneur. En pratique, c’est cesser d’avoir communion avec ce que l’on sait être condamné par la Parole de Dieu, abandonner tout ce que l’Écriture démontre opposé à sa volonté.
Si donc un homme se trouve rattaché et soumis à un ministère établi contrairement à la Parole ou bien encore qui falsifie une institution du Seigneur (la cène, par exemple), qu’il l’abandonne aussitôt ! Le Seigneur ne veut pas que son serviteur sanctionne ce qui est contraire à la vérité et à la sainteté. Comment par ma présence, m’associerais-je à la profanation de la cène du Seigneur transformée en un sacrement, devenue moyen de grâce pour n’importe qui ? Celui qui possède tant soit peu de connaissance de la Parole de Dieu sait parfaitement que la volonté du Seigneur est méconnue dans ces graves questions. Dois-je donc abandonner la cène du Seigneur, ou me passer du ministère de la Parole ? Certainement non. Ce qu’il me faut abandonner, c’est l’abus qu’en ont fait les hommes. Je dois en avoir fini avec ce qui, n’étant pas selon les Écritures, est manifestement au déshonneur de Dieu. Je ne renonce donc ni au ministère chrétien, ni à la cène du Seigneur ; mais je juge, selon la Parole de Dieu, autant que j’en suis rendu capable par sa grâce, quelle est sa volonté à cet égard. Le même principe s’applique à tous les autres points. Prenez le culte, par exemple ; je dois sonder les Écritures pour juger ce qu’est aujourd’hui le culte chrétien selon la Parole de Dieu. Ne suis-je pas tenu d’agir ainsi, de suivre la volonté de Dieu ?
Ce n’est donc pas assez pour moi et ce ne devrait satisfaire aucun chrétien de savoir que ceux qui composent la congrégation à laquelle je me rattache sont tous des enfants de Dieu. Encore moins s’agit-il d’organiser des chrétiens en diverses classes de doctrines en fonction de leurs préférences. Quelle présomption ! Qui vous a chargé de régler l’ordre de la maison de Dieu ? Qui vous a donné le droit d’établir ceux-là ici et ceux-ci là ? Le caractère et le témoignage de l’Église de Dieu sont détruits par tout arrangement pareil. À supposer que tous ceux qui sont en communion professent exactement mes vues ou les vôtres sur tous les points, je regarderais cela comme une grande calamité pour l’Église de Dieu. Ce serait donner de l’état des saints une appréciation tout à fait fausse que de les voir ainsi ligués ensemble avec des vues identiques ; tous absolument remplis des mêmes pensées ; satisfaits les uns des autres, et méprisant ceux du dehors qui n’ont pas les mêmes sentiments. Même en admettant que toutes les vues professées soient justes et que les choses faites soient conformes à la pensée de Dieu, à mon avis, un pareil tableau ne répond ni à l’Écriture ni à l’amour de Christ.
Disons-le sans détour : l’Église de Dieu n’est pas une citadelle pour les forts, les sages et les intelligents seulement. Ce n’est pas une belle résidence pour ceux qui sont arrivés à un certain degré de sainteté, encore moins de connaissance. Le Seigneur veut que je considère toujours tous les saints (excepté ceux qui sont dans le péché ou la fausse doctrine). L’Assemblée constitue le corps de Christ, dans lequel les divers membres occupent chacun leur place : l’oeil, la main, le pied. Le faible a sa fonction aussi bien que le fort, selon qu’il plaît à Dieu de distribuer et d’ordonner. Comme l’enseigne l’apôtre au coeur large, les membres les moins honorables, loin d’être laissés en dehors, sont traités avec plus d’honneur parce qu’ils sont en danger d’être méprisés. Serions-nous plus sages que l’Écriture ? Les forts sont appelés à porter les infirmités des faibles au lieu de se plaire à eux-mêmes. Les rationalistes religieux ne prennent guère en considération que les forts, c’est-à-dire ceux qui ont la même pensée, ou qui ont atteint un certain degré de connaissance. Mais est-ce là Christ ? L’Église de Dieu devrait être devant nos coeurs telle qu’elle est dans sa Parole. Souhaiter établir autre chose que ce qu’il nous a donné est une preuve d’insoumission et engendrera la confusion partout où on aura cherché à appliquer ces théories.
Soyons convaincus que c’est la volonté de Dieu à notre égard, particulièrement dans l’état actuel de ruine de l’Église, que celui qui est le plus affermi dans la sagesse divine veille affectueusement sur les ignorants et les faibles ; qu’il cherche à marcher envers tous les saints selon l’amour de Christ pour l’Église. Assurément Christ chérit, non seulement les membres de son corps les plus dignes et les plus honorables, mais l’Église comme un tout. Et s’il peut exister des différences, ce sont précisément ceux qui ont le plus besoin de son amour qu’il chérit le plus. Ne devons-nous pas avoir communion avec lui et lui ressembler en cela ? De la même manière Dieu considère son Église tout entière comme étant son habitation par l’Esprit. Il reconnaît tous ceux qui invoquent le nom du Seigneur. Ici naturellement, en Éphésiens 2, seuls ceux qui portent vraiment son nom y ont part, mais en est-il de même pour ceux qui le font indûment ? Pas le moins du monde assurément, si ce n’est pour le jugement. Dans l’état présent de la chrétienté, nombreux sont les vases à déshonneur. Dois-je m’unir à eux ? L’Esprit Saint ne me le permet pas et m’invite au contraire à m’en purifier. La communion avec des vases à déshonneur est un mal. Je suis appelé à m’en séparer si eux refusent de se séparer de ce qui porte le nom du Seigneur. Sans quoi je fais partie du mystère d’iniquité, car si un chrétien continue à être en communion avec un mal reconnu, c’est reconnaître implicitement qu’il y a accord de Christ avec Bélial, et il en est ainsi soit dans le support d’une fausse doctrine ou d’un péché moral, soit dans l’indifférence qui ignore la présence du Saint Esprit neutralisé par des interventions humaines.
Mais quelles que soient les formes particulières du mal toléré, lorsqu’il n’est pas possible de le juger, le devoir clair et positif consiste à s’en purifier. Agir ainsi n’est pas de la présomption, c’est la simple obéissance à Dieu. Il est formellement requis de tout homme qui invoque le nom du Seigneur de se retirer de l’iniquité ; il doit se purifier des vases à déshonneur quels qu’ils soient et où qu’ils soient. Si des personnes portant le nom du Seigneur s’adonnent au péché, ce sont des vases à déshonneur, et le chrétien est tenu de s’en éloigner et de se maintenir pur. C’est la ligne de conduite invariable, prescrite en un état de corruption de la chrétienté, aussi sûrement que d’autres passages traitent de cas individuels dans lesquels l’assemblée doit agir en discipline. Jamais le désir de paix ou d’unité n’autorise la moindre atteinte au caractère de Christ qui ne doit être compromis à aucun égard. Le premier devoir chrétien est de rendre au nom de Christ ce que nous lui devons. Nous n’avons jamais à sanctionner le mal ou à fermer les yeux à son sujet.
Soulignons qu’il ne s’agit pas seulement de mal grossier ou de torts flagrants. L’Église, étant l’habitation de Dieu, doit être intolérante pour tout ce qui ne convient pas à Sa présence, quoique nous ayons aussi besoin de patience ; et qui est aussi patient que Dieu ? Mais il veut être sanctifié dans tous ceux qui l’approchent, et au milieu desquels il habite. Tout ce qui est contraire à sa Parole doit être jugé. À supposer qu’il n’y ait, comme disent les hommes, qu’un peu de mal, dois-je lier le nom et la présence du Seigneur, pour ne pas parler de moi-même, même avec un «petit» mal ? Loin de nous une telle pensée ! Non que nous soyons appelés à nous séparer pour toute faute, mais nous ne devons jamais participer à ce qui est contraire à la Parole et, par la grâce de Dieu, nous en tenir toujours purs. En même temps, la manière dont cela doit être fait doit être déterminée par la Parole de Dieu. Par exemple il peut être nécessaire de blâmer un frère sans pour cela l’éloigner de l’assemblée, ce qui, par contre, doit être fait pour «le méchant» (1 Cor. 5). En aucun cas, un chrétien n’est tenu de cheminer avec ce qu’il sait être offensant pour Dieu. De plus, nous avons à nous juger, de peur d’être trop prompts à imputer le mal. Dieu veut que ses enfants soient lents à soupçonner, à parler, à agir en de telles circonstances. Hélas ! combien nous sommes prompts à imputer aux autres le mal que nos consciences nous reprochent à nous-mêmes !
D’un autre côté, notre encouragement et notre consolation, aussi bien que la source de notre responsabilité, c’est que Dieu habite dans l’Assemblée. Nous pouvons et devons compter sur ce fait béni, assurés qu’Il nous aidera, nous entendra, se montrera pour nous. Oui, quels que soient la difficulté, le chagrin, la honte, ayons cette confiance : Dieu habite dans l’Assemblée qui est son temple. Elle peut n’avoir qu’une humble apparence, elle peut n’être représentée dans tel ou tel endroit que par deux ou trois individus seulement. Il peut arriver qu’un enfant de Dieu soit obligé de se tenir tout seul à l’écart ; il peut même ne pas y avoir de sentiment suffisant de la vérité pour produire ce résultat ; quoi qu’il en soit, il n’existe pas de circonstance possible où un membre de Christ soit obligé d’avoir communion avec ce qui est contraire à la volonté de Dieu. Il peut avoir à faire de sages et fermes remontrances, à attendre patiemment, mais tolérer le mal connu, jamais ! Ce n’est pas le mal en lui-même ni son importance qui détruisent la qualité de temple de Dieu, mais l’acceptation d’un mal connu, le fait de le supporter consciemment, même par simple indifférence. Lorsque ce qui porte le nom de maison de Dieu se rend coupable d’associer ce nom avec un mal toléré, Dieu se doit à lui-même de renier toute relation avec elle. La question est alors simple, quoique douloureuse : il faut abandonner ce qui a cessé d’être un témoignage au Dieu de vérité. Quel droit un tel groupement pourrait-il avoir encore sur la foi du croyant pour le retenir ? En même temps son départ constituera un puissant appel à la conscience de ceux qui restent.
En fait le caractère d’Église selon la Parole est déterminé par la présence de Dieu et nullement par la profession, le préjugé, la tradition ou la volonté humaine. N’est-ce pas alors chose extrêmement sérieuse de reconnaître ou de méconnaître un rassemblement comme assemblée de Dieu ? Celui qui le fait à tort ou à la légère fait bon marché du nom de Dieu et le méprise. Il ne s’agit donc pas de simples divergences de vues fondées sur l’opinion et les sentiments des hommes, mais de savoir si oui ou non Dieu est là. Sa Parole est la pierre de touche et son Esprit la puissance ! Et chaque fois qu’Il rencontre une foi simple, Dieu se manifeste, entend le cri et vient en aide. Rien ne peut être plus simple et en même temps plus certain : l’Esprit rendra évident le sentier d’un croyant qui est exercé et qui s’attend au Seigneur.
Ce n’est pas, observons-le, à son infaillibilité que se reconnaît l’Église. Elle peut hélas, cela va sans dire, commettre bien des erreurs. Les mesures prises dans la discipline sont parfois trop promptes, trop lentes, parfois même arbitraires ou erronées. De fait, il en est de l’Assemblée comme du chrétien individuellement. Et nous le comprenons. Si les saints collectivement sont le temple de Dieu, chacun l’est aussi individuellement. Or, qui oserait soutenir qu’un chrétien est exempt de mal ou d’erreurs parce que le Saint Esprit habite en lui ? Le principe est le même pour l’Assemblée de Dieu, elle aussi est toujours faillible. Elle peut être gardée dans la pratique, compte tenu des hommes de Dieu qui s’y trouvent. Un individu peut facilement se tromper, mais il est difficile de supposer qu’au milieu d’une assemblée fidèle, il ne s’en trouve pas un seul qui regarde au Seigneur de manière à comprendre sa pensée. Cela pourtant peut hélas arriver ; et particulièrement lorsque l’influence dominatrice d’un ou de plusieurs frères affaiblit le sentiment que doit avoir l’assemblée de sa dépendance de Dieu. Il est évident qu’un faux principe, une fausse position ou même une simple précipitation peut exposer une assemblée de Dieu à mal agir. Aussi est-il capital, quels que soient les serviteurs de Dieu à l’oeuvre, de se rappeler que la seule sauvegarde est celle-ci : Dieu est là. Il peut trouver bon de corriger le plus sage de ses serviteurs sur la terre par un faible enfant dans la foi.
Répétons-le avec force : l’Église n’est pas l’assemblée d’un homme, même d’un Paul ; c’est l’Assemblée de Dieu. Ce qui signifie par exemple que dans un cas de discipline, ce serait la destruction de cette assemblée si les mesures prises devaient l’être pour elle par un ou plusieurs frères agissant indépendamment du reste de l’assemblée. Certes l’Église doit savoir apprécier les dons et les charges que le Seigneur a donnés pour la guider. L’Église abandonnerait ses propres grâces si elle méprisait le secours de l’un ou de l’autre. Incontestablement certains frères ont de la sagesse, du discernement, l’expérience des âmes, et sont plus que d’autres capables de juger justement sur ces sujets pratiques. Mais l’autorité appartient à Dieu, et il entend l’exercer lui-même dans sa propre assemblée jusqu’au dernier moment. C’est pourquoi lorsque dans un rassemblement il n’est pas laissé de place pour réviser ce que des individus ont pu juger, lorsque l’Esprit n’a plus la liberté de récuser par le plus faible membre présent du corps de Christ, le jugement du plus sage des conducteurs, un tel rassemblement n’a pas plus le caractère d’assemblée de Dieu qu’aucune autre société de croyants sous le soleil.
Ainsi, l’Assemblée ne résulte pas simplement d’une doctrine pure, de grands dons, ou de précieuse communion fraternelle. Toutes ces choses y ont leur place, mais la vérité fondamentale à saisir et à maintenir toujours c’est que l’Église, même aujourd’hui, est la propre Église de Dieu. Et Dieu, parce qu’il y habite, exercera son action souveraine, répandra de nouvelles lumières, corrigera par qui il lui plaira les frères les plus expérimentés et sur lesquels on s’appuie trop. Cette possibilité doit toujours exister, car Dieu ne permettra pas que nous nous glorifiions dans la chair, à plus forte raison par le moyen des dons qu’il a accordés. Soyons reconnaissants pour tous les fruits de sa bonté, bénissons-le pour tout ce qu’il nous a donné, mais souvenons-nous que l’Église est à Dieu, qu’il aime à y être reconnu, et qu’il fera sentir sa présence dans l’Assemblée qui a foi en lui.
La foi aime à savoir et à voir Christ au milieu des siens ; et cela dans les temps les plus sombres quand même deux ou trois seulement seraient réunis en son nom. Et si nous regardons ainsi à lui, l’Esprit ne manquera pas de nous guider. Mais la trop grande confiance dans un conducteur, la présomption de celui-ci, la hâte de l’incrédulité, le relâchement, la propre justice ou tout autre triste fruit de la chair peut pratiquement séparer l’assemblée de la pensée de Christ dans un cas particulier. Ainsi l’assemblée, aussi bien que l’individu, doit toujours être accessible à la correction de l’Esprit par les Écritures. Et s’il y a manquement de sa part, l’humiliation lui convient devant le Seigneur qu’elle a déshonoré.
Veuille le Seigneur nous pénétrer de cette vérité que nous sommes l’habitation de Dieu, par l’Esprit. Qu’il nous donne d’en déduire les conséquences pratiques : à la fois la bénédiction et la responsabilité qu’elle entraîne pour nous.
L’aspect sous lequel la vérité nous est présentée par le Saint Esprit dans le dernier livre du Nouveau Testament contraste avec le témoignage des épîtres. Aussi, avant de commenter ces versets de l’Apocalypse, nous examinerons brièvement la manière dont le Saint Esprit est présenté dans les épîtres, manière qui est toujours et entièrement déterminée par le but de celles-ci.
Dans l’épître aux Romains, après avoir proclamé la ruine de l’homme et la justice de Dieu, l’apôtre en vient à la justice pratique qui y répond dans les enfants de Dieu, et le Saint Esprit prend sa place en rapport avec l’une et l’autre. Quand cette question de la justice est entièrement éclaircie, il peut être fait librement mention de l’amour de Dieu répandu dans nos coeurs par le Saint Esprit qui nous a été donné (5:5). Le Saint Esprit est ensuite manifesté comme une puissance qui non seulement remplace celle du péché mais se substitue à la loi, laquelle ne donne à des êtres tels que nous aucune capacité pour accomplir la justice (chap. 8). Ainsi d’une part la question entière de nos péchés et du jugement de Dieu contre eux, d’autre part celle du péché et de la délivrance du péché, ont été complètement résolues avant que l’Esprit de Dieu soit lui-même introduit. Il n’était pas convenable de présenter l’oeuvre qui doit se poursuivre dans le croyant, avant que Dieu ait été montré pleinement satisfait dans la rédemption et la résurrection de Christ. Mais c’est dans le chapitre 8 (c’est-à-dire quand non seulement le sujet de nos péchés, mais celui du péché ont été épuisés) que l’apôtre s’engage dans une ample exposition doctrinale : la doctrine de l’Esprit envisagé à la fois comme condition, comme état du chrétien, et aussi comme personne qui demeure dans le croyant.
Dans la première épître aux Corinthiens, le Saint Esprit nous est présenté sous un aspect tout à fait différent, et avec une plénitude remarquable. Ce qui avait donné lieu à l’apôtre de l’écrire, c’est la manière dont la chair était à l’oeuvre dans l’église de Corinthe, où elle opérait sous toutes les formes possibles, excepté le légalisme. On y était trop relâché pour aimer la loi, mais l’état charnel de ces chrétiens était tel qu’il n’y avait aucune puissance dans la loi pour y remédier : la loi ne peut que condamner celui qui est charnel. Christ seul peut remédier à un mal pareil, comme à tout autre mal, l’efficacité de son oeuvre étant appliquée à la conscience par la puissance du Saint Esprit. De là vient que nous trouvons dans cette épître la sagesse de l’homme jugée d’abord par la croix (chap. 1) et ensuite supplantée par les communications de l’Esprit de Dieu (chap. 2). Celui-ci donne la vérité, les paroles qui l’expriment, enfin la capacité de les recevoir et de les comprendre. Il est donc évident que les Corinthiens, qui, dans l’espoir de rendre l’Évangile plus agréable à la chair, voulaient introduire quelque sagesse humaine, étaient complètement en défaut, et, de fait, en opposition avec la pensée de Dieu.
Le chapitre 3 montre comment le Saint Esprit a constitué les croyants en un temple de Dieu et la sérieuse responsabilité qui en découle pour eux de n’y rien faire entrer qui soit incompatible avec cette présence. «Si quelqu’un corrompt le temple de Dieu, Dieu le détruira». Mais à supposer même qu’un homme ne corrompe pas le temple de Dieu — dans toute la force du mot — s’il y introduit des matériaux sans valeur, tout son travail sera perdu et brûlé ; quant à lui personnellement il sera sauvé, mais comme à travers le feu. Figure bien instructive, impliquant le jugement de Dieu sur l’oeuvre de chacun, quoique l’homme lui-même puisse échapper.
L’application suivante — et bien solennelle — de ce don du Saint Esprit concerne le corps du croyant (chap. 6). Ce n’est plus seulement le fait que les chrétiens constituent ensemble le temple de Dieu, mais que le corps de chaque chrétien est son temple. Les Corinthiens étaient tombés dans une erreur grossière qui s’est perpétuée de nos jours, à savoir que, pourvu que nous soyons intérieurement dans un bon état, ce qui affecte le corps est sans conséquence. Ne soyons pas trop difficiles, disent ces personnes, le corps n’est qu’une enveloppe charnelle dont nous n’avons pas à nous préoccuper ; ce qui compte, c’est l’homme intérieur, la santé morale de l’âme. Pas du tout, répond l’apôtre, le Saint Esprit se plaît à habiter dans le croyant et fait son temple, non pas de l’âme, mais du corps. Si le corps est consacré au Seigneur, s’il est mis dans un état de séparation par la puissance du Saint Esprit, tout ira bien pour l’âme. Au reste les raisonnements de ceux qui disent mépriser le corps servent souvent d’excuse pour s’adonner librement à la sensualité, en faisant taire la conscience et en cultivant même des pensées d’orgueil. Il est évident que Dieu ne peut qu’avoir en horreur de tels sentiments et le comportement qui en est la conséquence. «Vous avez été achetés à prix. Glorifiez donc Dieu dans votre corps» (1 Cor. 6).
À partir du chapitre 12, le Saint Esprit est considéré dans l’Église. D’abord comme opérant par le moyen des dons qui ont été départis aux divers membres du corps. Puis, au chapitre 14, en rapport avec l’exercice de ces dons dans l’assemblée. Nous y trouvons l’ordre selon Dieu, c’est-à-dire les conditions dans lesquelles un don est appelé à s’exercer, autrement dit encore le principe important que la possession de la puissance du Saint Esprit n’exempte aucun chrétien de l’autorité du Seigneur par sa Parole. Mieux encore, c’est le Saint Esprit qui, employant cette Parole, agit sur la conscience du chrétien pour lui dicter l’usage qui doit être fait de Sa puissance. Quelqu’un aura beau alléguer qu’il a reçu une parole de Dieu et qu’elle doit être prononcée : il doit se taire si elle n’est pas à sa place. Telle parole peut véritablement provenir du Seigneur ; mais Dieu tient à l’ordre dans sa propre maison et la puissance reçue ne dispense nullement de la responsabilité personnelle dans l’exercice des dons. La Parole seule, non pas l’Esprit, est la pierre de touche (comparez 2 Tim. 3). C’est là une vérité inestimable, car la tendance des hommes qui croient réellement à l’action de l’Esprit de Dieu est de soumettre plus ou moins la Parole à l’Esprit, au lieu de reconnaître ce qui est si clair dans l’Écriture, à savoir que le Saint Esprit soumet toujours ses propres manifestations à l’autorité de la Parole du Seigneur, Parole qu’il a lui-même inspirée.
La seconde épître aux Corinthiens nous montre le cher apôtre consolant les saints qui avaient été abaissés. Lui-même avait subi une terrible persécution, mais en était sorti. Il affirme que toutes les promesses de Dieu en Christ sont oui et amen en Lui, à la gloire de Dieu par nous. Quelques-uns lui avaient apparemment reproché de ne pas avoir mis son projet de visite à exécution. Ces tergiversations convenaient-elles à un apôtre ? On s’en était servi pour mettre en cause son autorité. Si je n’ai pas tenu ma promesse, répond-il, Dieu tient les siennes dans l’Évangile : «Car autant il y a de promesses de Dieu, en lui est le oui et en lui l’amen, à la gloire de Dieu par nous. Or celui qui nous lie fermement avec vous à Christ et qui nous a oints, c’est Dieu, qui aussi nous a scellés, et nous a donné les arrhes de l’Esprit dans nos coeurs». C’est précisément ce qui a lieu dans les voies de Dieu avec l’âme et tout est ici présenté d’une manière et dans un ordre admirablement complets. Le croyant est établi par Dieu en Christ. Ceci naturellement suppose qu’il est d’abord vivifié de la vie de Christ. De ce premier privilège découlent les autres, car Christ donne force et plénitude à cette vie que possède le croyant et qui est la sienne. Puis le racheté est déclaré oint, car le Saint Esprit est la puissance pour lui faire connaître toutes choses selon Dieu. «Vous avez l’onction de la part du Saint» est-il dit même des petits enfants en 1 Jean 2. Ainsi, immédiatement après que le racheté est établi en Christ, l’onction est mentionnée — cette bénédiction par laquelle l’Esprit ouvre les yeux du croyant et lui donne puissance pour voir et comprendre avec une capacité nouvelle et divine. Enfin, l’Esprit scelle le croyant sur la base d’une rédemption accomplie et devient pour lui les arrhes d’un héritage futur : «Dieu... nous a scellés, et nous a donné les arrhes de l’Esprit dans nos coeurs».
Arrivons maintenant à un autre passage, celui d’Éphésiens 1:12 à 14, où se trouve la même double pensée : «... le Christ : en qui vous aussi vous avez espéré, ayant entendu la parole de la vérité, l’évangile de votre salut ; auquel aussi ayant cru, vous avez été scellés du Saint Esprit de la promesse, qui est les arrhes de notre héritage». Vous observerez que l’apôtre parle de l’Esprit Saint sous deux points de vue, et en rapport avec les deux principaux sujets qu’il a présentés dans ce chapitre. L’un est l’appel du Dieu et Père de notre Seigneur Jésus Christ, l’autre l’héritage. Le Saint Esprit agit avec nous en rapport avec les deux. Relativement à l’appel de Dieu, il scelle le croyant, et relativement à l’héritage, il est les arrhes dans nos coeurs. Dans le premier cas, il est la puissance d’une séparation consciente pour Dieu sur le terrain de ce qui est maintenant achevé. Et ainsi, vous remarquerez que dans ce même verset il est dit : «Ayant entendu la parole de la vérité, l’évangile de votre salut». C’est seulement sur cette base que le Saint Esprit prend une telle place dans le croyant. Il scelle la personne de celui qui se repose sur la rédemption et devient les arrhes de l’héritage de la gloire que nous partagerons avec Christ.
Ce sujet présente souvent des difficultés pour l’esprit des enfants de Dieu. Sous une forme ou sous une autre, c’est le légalisme qui est ordinairement le grand obstacle à une saine intelligence de la doctrine du Saint Esprit. L’Esprit est la puissance de sainteté dans le croyant, comme la loi était la force du péché pour l’homme placé sous elle. La loi avait affaire avec la chair, le Saint Esprit habite maintenant où est la nouvelle nature.
En commençant son oeuvre, il trouve une âme qui est absolument sans vie aucune à l’égard de Dieu. Elle ne possède rien d’autre que la nature déchue, jusqu’à ce que, par la foi en Christ, la nouvelle nature lui soit communiquée. La foi en la Parole rattache l’âme à Christ ; une vie nouvelle qu’elle ne possédait pas lui est conférée. «Ce qui est né de l’Esprit est Esprit», de même que la chair vient de la chair. Mais le sceau de l’Esprit suppose une chose sainte déjà existante : à savoir les saints comme ils sont en Christ. Il est évident qu’il ne peut y avoir de sceau sur la vieille nature. Le Saint Esprit scelle cette nouvelle nature ou plutôt la personne vivifiée. Il serait inconvenant et choquant de penser que le Saint Esprit puisse apposer son sceau sur la chair ou la vieille nature. Vivifier suppose une absence de vie ; mais sceller implique de plus qu’il existe quelque chose à sceller qui est selon Dieu. Le sceau de l’Esprit n’est pas imprimé simplement sur la vie, quoiqu’il la suppose toujours, mais il suit la réception de l’évangile du salut : «auquel aussi ayant cru, vous avez été scellés...». Ceci montre que les saints avaient déjà cru et que le sceau était une action subséquente du Saint Esprit sur leurs âmes. En somme, les hommes ne sont pas scellés comme incrédules, ce qui serait, si elle était possible, la chose la plus misérable. Ils sont scellés comme croyants, de même qu’ils ont d’abord été vivifiés comme morts dans leurs péchés.
La question du temps qui s’écoule entre croire et être scellé est d’une importance secondaire, mais la distinction des deux actes est au contraire de toute importance. N’y aurait-il qu’une minute d’intervalle, ils sont cependant distincts et le sceau suit la foi. L’incrédule a besoin d’être vivifié, le croyant d’être scellé. Ne pas reconnaître que ces actions sont distinctes et successives, c’est aussi s’exposer à confondre la condition des saints de l’Ancien Testament avec le christianisme. Sans aucun doute, le Saint Esprit s’occupait des âmes anciennement, elles étaient vivifiées et croyantes, mais elles n’étaient pas scellées et ne possédaient pas les arrhes de l’Esprit.
Pourquoi cette différence ? Parce que sous l’ancienne alliance l’évangile du salut n’était pas encore la base connue et publique pour la bénédiction de l’âme. Celle-ci se trouvait en quelque sorte dans une condition d’attente, ne jouissant pas d’une pleine communion avec Dieu dans la paix et la délivrance. Le christianisme a amené cela et davantage encore. Christ est venu ; il a accompli la rédemption, et le Saint Esprit, envoyé maintenant du ciel, nous apporte non seulement des promesses (car à elles seules les promesses ne sont pas le christianisme) — mais les promesses pleinement vérifiées en Christ. Quelques-unes sont futures, et sans doute, dans ce sens, elles ne sont pas encore accomplies, par exemple la résurrection du corps et le déploiement de la gloire. Néanmoins l’Écriture nous révèle maintenant un salut actuel, non plus promis, mais prêché dans l’Évangile comme une chose accomplie. N’avoir qu’une simple espérance de Christ correspond à la condition de ceux qui se trouvent toujours sous la loi. Ils soupirent constamment après le salut, la paix ou une part en Christ. Cet état était normal dans l’Ancien Testament, et personne ne possédait de titre pour aller au-delà. Le Messie n’était pas venu, ni l’oeuvre accomplie, aussi croire plus que la révélation d’alors aurait été du mysticisme et non la vérité de Dieu ; de l’imagination, et non la réalité. Mais maintenant l’oeuvre est accomplie. Le pardon n’est plus une promesse mais un fait actuel et la vie éternelle, tout en étant à venir, est une possession présente. Le salut est déjà la portion du croyant (Éphésiens 2), si complet que celui-ci est déclaré ressuscité avec Christ et assis en Lui dans les lieux célestes. À un autre point de vue, nos corps doivent être changés plus tard à la ressemblance de son corps et, dans ce sens-là, le salut n’est pas encore venu.
En conséquence, nous l’avons vu, l’Esprit de Dieu prend une relation nouvelle ou un nouveau mode d’action conforme à ce développement des voies de Dieu et de la révélation de la pleine bénédiction. Dans ce qui intéresse l’âme, le salut est déjà parfait : le Saint Esprit dans ses relations avec elle maintenant en est le messager et scelle la personne de celui qui croit à l’Évangile. Le sceau suppose, non plus seulement une nouvelle naissance, mais une rédemption complète, et suppose que l’oeuvre de Christ est connue. Nous-mêmes ne scellons pas une chose avant qu’elle ne soit achevée. Personne ne penserait à sceller une lettre avant qu’elle ne soit écrite. De même l’acte du sceau, appliqué par le Saint Esprit, indique clairement que celui qui est scellé repose sur une base complète et certaine.
Par rapport au présent, le Saint Esprit scelle donc pour le chrétien le salut qu’annonce l’évangile. Par rapport à l’avenir, nous l’avons vu, Il est un gage de l’héritage. Le chrétien, objet de l’amour de Dieu, jouit d’un salut tel que Dieu lui-même ne peut pas le rendre plus parfait ; mais il ne possède pas encore l’héritage, et le Saint Esprit, au lieu de lui en présenter simplement une promesse, lui en donne un avant-goût. Il permet à l’enfant de Dieu d’anticiper la joie et la bénédiction de son héritage bien qu’il séjourne encore dans le monde. C’est à ce titre qu’il en est appelé les arrhes.
Aux Galates, l’apôtre avait posé la question : «Avez-vous reçu l’Esprit sur le principe des oeuvres de loi, ou de l’ouïe de la foi ?» Ces croyants, quoique séduits par les judaïsants, savaient bien que les oeuvres de la loi n’étaient pour rien dans le don du Saint Esprit ni non plus dans l’opération de miracles parmi eux (chap. 3). Une expression du chapitre 4 est plus explicite encore, quant à la distinction qui nous occupe. Alors que son peuple était sous la loi, «Dieu a envoyé son Fils,... afin qu’il rachetât ceux qui étaient sous la loi, afin que nous reçussions l’adoption. Et, parce que vous êtes fils, Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos coeurs, criant : Abba, Père» (Gal. 4:4 à 6).
Ainsi c’est le Saint Esprit qui nous donne conscience de la relation avec Dieu qui nous appartient déjà par la foi en Christ. Déjà ils étaient fils — «parce que vous êtes fils», affirme Paul ; ils pouvaient cependant ne pas connaître la jouissance de cette relation ; c’est pourquoi «Dieu a envoyé l’Esprit de son Fils dans nos coeurs, criant : Abba, Père». La signification et la force de ce passage sont aussi claires que possible. Sous la loi, le croyant, quoique enfant, n’a jamais eu conscience de son adoption. Sa condition était celle de serviteur, quoique seigneur de tout, comme l’apôtre l’explique. Pourquoi ? Parce que dans la première période, il était sous la loi. Il ressemblait à un mineur «sous des tuteurs et des curateurs jusqu’à l’époque fixée par le père». Il était tenu en esclavage sous les principes du monde. La loi le châtiait, lui faisant sentir la méchanceté et la rébellion de sa nature. Tout cela a continué sous le système légal ; mais maintenant est venu un état de choses entièrement différent comme l’apôtre le montre ici.
Ainsi l’épître aux Romains nous a appris cette grande vérité du christianisme : que, quant à la chair, j’ai le droit, je suis même tenu de la considérer comme morte. Je ne suis jamais appelé à mourir à la chair. Une pareille idée, courante chez les mystiques, n’est nullement la vérité révélée en Christ. Sans doute sommes-nous invités à mourir d’une manière pratique à nous-mêmes et au monde — à mourir tous les jours. Mais c’est une tout autre pensée qui signifie s’exposer continuellement pour Christ à l’épreuve et à la mort. Par contre, quant à la chair, j’ai le droit, par la grâce de Dieu, d’affirmer que je suis déjà mort, et je suis appelé à me considérer désormais, et pour toujours, comme mort. Le mysticisme est un effort pour devenir mort en soi-même, et cela sonne bien, mais la grâce divine me donne le droit — qui est celui de Christ lui-même — de croire à la puissance de sa mort pour moi, et de ma mort avec lui. En sorte que je puis sans présomption me tenir pour mort au péché, mais vivant à Dieu par Jésus Christ.
L’épître aux Romains nous a donné cet enseignement en rapport avec la justice. Mais l’exemple choisi ici par l’apôtre est en contraste avec le système légal de contrainte qui réglait sous la loi romaine la situation des mineurs. La rédemption nous a amenés, par la foi en Christ, à la position de fils et nous avons l’Esprit du Fils de Dieu, donné comme puissance, par lequel nous crions : Abba, Père. Telle est la connexion du Saint Esprit avec la doctrine de cette épître. L’objet de l’ennemi était de détourner les croyants de la liberté dans laquelle ils avaient été placés par l’affranchissement, et de la relation bénie de fils devant leur Dieu et Père, pour les ramener sous les ordonnances de la loi sous une forme ou sous une autre. Le Saint Esprit est la puissance libératrice qui nous est donnée, fondée sur la rédemption par Christ et en lui.
En revenant à l’épître aux Éphésiens nous constatons qu’il n’y a pas un seul chapitre qui ne fasse une ou plusieurs allusions au Saint Esprit. Dans le témoignage du chapitre 1 et du chapitre 2, le Saint Esprit est envisagé comme la puissance d’accès auprès du Père tant pour le Juif que pour le Gentil. À la fin du chapitre 2, il nous est présenté comme la puissance constitutive de l’habitation de Dieu. Cette habitation de Dieu dans l’Église n’est pas extérieure comme en Israël, et sa présence n’est pas signalée comme autrefois par une nuée visible, mais elle est bien plus réelle, par le Saint Esprit qui habite là.
Au chapitre 3, l’Esprit n’est pas seulement une puissance révélatrice pour éclairer l’intelligence, comme au chapitre 1, mais aussi une source intérieure pour rendre plus profonde la communion spirituelle du chrétien et fortifier son homme intérieur selon toutes ces richesses qui sont en Christ.
Dans le chapitre 4, la doctrine de l’Esprit de Dieu est largement développée, en relation avec le corps, aussi bien qu’avec les dons individuels. Par-dessus tout, dans la dernière partie du chapitre, il est fait allusion à lui comme à la puissance active et la mesure personnelle de sainteté dans la marche. Ce qui est convenable au nouvel homme, ce n’est pas simplement de faire ceci ou cela, mais de ne pas attrister cette personne divine par laquelle nous avons été scellés pour le jour de la rédemption. Ce n’est pas assez de savoir comme vérité le vieil homme jugé et le nouvel homme donné, mais l’Esprit de Dieu est en nous et nous devons veiller à ne l’attrister d’aucune manière.
Le chapitre 5 nous fournit une autre et très intéressante allusion au Saint Esprit. Nous n’y sommes pas seulement appelés à résister aux excitations charnelles, mais à être remplis de l’Esprit et en connexion avec cela à nous entretenir par des psaumes et des hymnes et des cantiques spirituels, chantant et psalmodiant de notre coeur au Seigneur (v. 19). Remarquons à ce propos l’absence dans le Nouveau Testament de louanges ou de cantiques de circonstance tout préparés à l’usage des enfants de Dieu. À la différence du Juif, le chrétien ne dispose pas d’un recueil de psaumes, d’hymnes ou de chants spirituels écrits par inspiration. Le Juif avait besoin que de telles louanges fussent préparées pour lui ; le chrétien non, car ayant le Saint Esprit comme le Juif ne l’avait pas, l’enfant de Dieu possède intérieurement une abondante source propre à le faire chanter dans son coeur. À l’Église, qui a le Saint Esprit toujours présent et habitant en elle, appartient la source de l’eau vive ; plus encore, chaque chrétien possède individuellement cette source qui d’une manière naturelle jaillit en psaumes, en hymnes et en cantiques spirituels.
Ainsi cette absence d’un recueil de cantiques inspirés et de prières préparées, qui sert de prétexte à certains pour mettre à la place des liturgies ou pour retourner aux psaumes de David, constitue en réalité la preuve la plus éclatante de la bénédiction actuelle de l’Église de Dieu. Ce qui manque hélas, aux chrétiens, c’est la foi pour se servir de leur bel héritage. Ceux qui sont sous la douloureuse expérience de la loi n’ont aucune source de joie en eux-mêmes ; ils ont donc besoin d’une provision extérieure. Mais, du moment que nous avons Christ et, de plus, le Saint Esprit comme puissance divine pour jouir de notre Sauveur avec notre Dieu et Père, ç’aurait été abaisser la place de l’Église si la Parole avait fait pour nous une provision de psaumes, d’hymnes et de cantiques spirituels. La sainte Écriture considère le chrétien comme étant arrivé à l’état d’homme fait, et suppose l’Église — à moins qu’elle ne soit égarée par des séducteurs — dans une position de pleine liberté devant Dieu, dans l’intelligence de sa pensée et la confiance de son amour, entrant dans les richesses de sa grâce et de sa gloire en Christ ; et cela, parce que le Saint Esprit habite et dans le chrétien et dans l’Église. En sorte que la conscience d’une telle bénédiction s’exprime non seulement dans la louange mais dans l’édification mutuelle par des psaumes, des hymnes et des cantiques spirituels, chantant et psalmodiant du coeur au Seigneur.
La seule allusion à l’Esprit de Dieu qui reste encore à examiner dans les Éphésiens se trouve dans le dernier chapitre, où nous sommes exhortés à prier par l’Esprit. «Priant par toutes sortes de prières et de supplications, en tout temps, par l’Esprit». Le Nouveau Testament ne parle jamais de la prière à l’Esprit, mais par l’Esprit. Ce n’est pas que l’Esprit ne soit pas digne de louanges et de prières ; qu’il ne soit pas Dieu également avec le Père et le Fils. En fait la prière à Dieu s’adresse au Saint Esprit en même temps qu’au Père et au Fils. Mais il a plu à l’Esprit, depuis la rédemption, de prendre une place qui empêche que des prières lui soient spécialement adressées. Il habite en nous et s’adresser à l’Esprit serait, sans en avoir la conscience, ne pas croire à son habitation dans l’Église et dans le croyant.
Sans nous arrêter aux passages de moindre importance qui, dans les Philippiens, parlent de l’Esprit par rapport à son caractère plutôt que comme personne habitant en nous (c’est-à-dire comme la source de la communion et du caractère du culte : 3:3), observons l’omission remarquable de toute mention de l’Esprit de Dieu dans l’épître aux Colossiens. Celle-ci met l’accent sur la nouvelle vie alors que l’épître aux Éphésiens — qui présente beaucoup d’analogie avec celle aux Colossiens — le place sur le Saint Esprit, source de cette vie. Il va sans dire que chacun de ces points de vue est en rapport avec le caractère respectif des deux épîtres.
Dans les Thessaloniciens le Saint Esprit est présenté avec une simplicité et une force extraordinaires, et cela depuis la conversion de ces croyants jusqu’au bout de leur carrière (l, 5 ; 4, 8 ; 5:19). Les textes ne demandent guère de remarques, excepté peut-être le dernier qui est souvent mal compris : «N’éteignez pas l’Esprit». Cette exhortation n’est pas à confondre avec celle d’Éphésiens 4:30 de ne pas attrister le Saint Esprit de Dieu. L’attrister est évidemment personnel ; tandis que l’éteindre est en rapport avec d’autres, et principalement, je suppose, dans l’usage de leurs dons. Je ne dois pas être une entrave pour un autre, ni élever des difficultés quant à la manifestation du Saint Esprit dans aucun frère. Telle oeuvre peut être grande ou au contraire très petite, la seule question est : est-elle de l’Esprit ? Avoir du respect pour la présence et l’opération du Saint Esprit selon toutes les variétés de son action dans l’Église garderait le frère le plus en vue d’éteindre l’Esprit dans celui qui l’est le moins. Certainement Dieu ne méprise pas le jour des petites choses.
Dans les deux épîtres à Timothée, il est constamment question de l’Esprit. Arrêtons-nous à 2 Timothée 1:7 : «Car Dieu», dit l’apôtre, «ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de puissance, et d’amour, et de conseil» (voyez aussi verset 14). Il n’est pas difficile de voir pourquoi le Saint Esprit est ainsi mentionné à cette place. Timothée tremblait devant les difficultés de la lutte chrétienne — devant cette tristesse et cette épreuve dans lesquelles le service de Christ, plus particulièrement au milieu des assemblées, conduit le serviteur fidèle. C’est pourquoi l’apôtre lui rappelle le don qui lui avait été accordé par l’imposition de ses propres mains, et ajoute que l’Esprit qui nous est donné, à nous autres chrétiens, n’est pas un esprit de crainte, mais de puissance, d’amour et de conseil. Notons la distinction entre le don communiqué à Timothée par l’imposition des mains de l’apôtre, et le caractère général de l’Esprit donné aux saints. Il est clair que le but de ce rappel était de fortifier l’homme de Dieu craintif. Pourquoi aurait-il été surchargé de tristesse par les difficultés, les dangers, les désappointements, ou même la défection de ceux qui avaient autrefois travaillé avec l’apôtre lui-même et qui maintenant s’étaient tournés contre lui ?
Dans l’épître à Tite, nous avons un riche passage exposant la bénédiction dans laquelle le christianisme introduit une âme (3:4-7). «Mais, quand la bonté de notre Dieu Sauveur et son amour envers les hommes sont apparus, il nous sauva, non sur le principe d’oeuvres accomplies en justice, que nous, nous eussions faites, mais selon sa propre miséricorde, par le lavage de la régénération et le renouvellement de l’Esprit Saint, qu’il a répandu richement sur nous par Jésus Christ, notre Sauveur, afin que, ayant été justifiés par sa grâce, nous devinssions héritiers selon l’espérance de la vie éternelle». Ici nous avons non seulement le lavage de la régénération, privilège commun à tous les saints de toutes les époques ; mais elle nous est donnée sous la forme et la plénitude qui maintenant sont la part distincte du chrétien. La régénération est universelle et propre à tous les saints ; mais la riche effusion du Saint Esprit résulte de la rédemption ; il a été répandu abondamment sur nous par Jésus Christ notre Sauveur. Ainsi le passage montre d’une manière bien frappante à la fois ce qui est et doit toujours être vrai, et ce qui ne devint possible, selon les voies sages de Dieu, que lorsque l’obstacle eut été ôté, la chair jugée, et que le Saint Esprit put être répandu richement, par Jésus Christ notre Sauveur.
L’épître aux Hébreux contient plusieurs allusions à l’Esprit. Nous retiendrons deux expressions : «l’Esprit de grâce» et «l’Esprit éternel» qui toutes les deux désignent le Saint Esprit en contraste avec le système juif. «L’Esprit de grâce» (10:29) est en contraste avec la loi, et «l’Esprit éternel» (9:14) avec les voies temporaires des temps anciens.
Nous arrivons ensuite en 1 Pierre 1 à un passage de grande importance pour le croyant. L’apôtre y parle du salut dont les prophètes «se sont... enquis avec soin, recherchant quel temps ou quelle sorte de temps l’Esprit de Christ qui était en eux indiquait, rendant par avance témoignage des souffrances qui devaient être la part de Christ et des gloires qui suivraient» (v. 10, 11). Nous avons là un énoncé clair de l’oeuvre de l’Esprit de Christ dans l’âme des anciens prophètes. Il était en eux sous le caractère d’esprit de prophétie pour rendre témoignage de ce qui allait arriver, à savoir les souffrances qui seraient la part de Christ et les gloires qui suivraient. Nous ne savons pas dans quelle mesure ils comprirent ces vérités, et purent en jouir, mais l’une et l’autre furent placées devant eux. Les Psaumes en parlent, puis les prophètes, tout particulièrement Ésaïe, Michée, Daniel et Zacharie. Mais de plus, «il leur fut révélé que ce n’était pas pour eux-mêmes, mais pour vous, qu’ils administraient ces choses, qui vous sont maintenant annoncées par ceux qui vous ont annoncé la bonne nouvelle par l’Esprit Saint envoyé du ciel» (v. 12). Christ étant venu et la rédemption étant accomplie, l’évangile est maintenant annoncé. De ce fait, le Saint Esprit prend une place toute nouvelle. Il est «envoyé du ciel», expression qui n’est pas employée pour désigner son action dans les temps précédents. La mission du Saint Esprit envoyé du ciel est évidemment distincte des opérations de l’Esprit de Christ dans l’Ancien Testament, quelque bénies qu’elles fussent. C’est le Saint Esprit descendu du ciel qui constitue la puissance du croyant pour entrer dans ce qui est maintenant annoncé par l’Évangile. Reste encore, pour une époque future, l’accomplissement de la prophétie, quand le royaume sera établi en puissance et en gloire ici-bas.
En résumé ce passage contient trois pensées principales : premièrement, le Saint Esprit prophétisant ; secondement, la jouissance présente d’un salut d’âmes proclamé par l’Évangile dans la puissance du Saint Esprit envoyé du ciel ; en troisième lieu, la révélation de la grâce à l’apparition du Christ qui sera l’accomplissement des prophéties. Une oeuvre puissante a été faite et, sans aucun doute, la prophétie s’applique à cette oeuvre, quoique cette dernière aille bien au-delà de ce que la prophétie a révélé. Finalement le plein accomplissement de la prophétie est réservé pour l’apparition du Seigneur en gloire. Entre les deux époques — après la venue de Christ pour souffrir, mais avant son apparition en gloire — le Saint Esprit est envoyé du ciel ; et nous jouissons, dans la foi, par sa puissance, de ce que l’Évangile annonce au sujet de Christ.
Il n’est pas nécessaire de nous arrêter à 2 Pierre où la seule allusion au Saint Esprit concerne les saints hommes de Dieu de l’Ancien Testament qui parlèrent sous son influence (1:21).
1 Jean développe le sujet du Saint Esprit en nous, par lequel Dieu demeure en nous et nous mêmes demeurons en Dieu.
Nous arrivons ainsi à l’Apocalypse. Dès le premier chapitre l’Esprit de Dieu nous y est présenté sous un aspect entièrement nouveau, au point que plusieurs commentateurs anciens ou modernes ont nié que la mention des «sept esprits de Dieu» puisse désigner le Saint Esprit et ont appliqué la phrase aux sept anges qui se tiennent devant Dieu (Apocalypse 8:2). Or on ne peut douter qu’il ne s’agisse ici de la même Puissance spirituelle septuple que celle dont parle Ésaïe 11:2, 3.
L’Apocalypse ne s’occupe nullement dans ses visions prophétiques des sujets ordinaires du Nouveau Testament, et c’est ce qui explique le style propre à ce livre. Allant traiter non pas du déploiement de la grâce mais du gouvernement de Dieu, l’Apocalypse est remplie d’allusions à l’Ancien Testament. Personne ne comprendra ce livre s’il n’a pas les voies anciennes de Dieu présentes à son esprit. Inversement, chacun pourra suivre ses communications d’une manière plus intelligente s’il ne perd pas de vue les continuelles références à la loi et aux prophètes, que ce livre lie avec les éléments du Nouveau Testament.
Malgré la salutation propre aux apôtres : «Grâce et paix à vous», Dieu nous est présenté dans ce livre tout autrement que dans les épîtres : celui «qui est, et qui était, et qui vient». C’est une traduction, si on peut parler ainsi, du Jéhovah hébreu dans le langage du Nouveau Testament. Il en est de même de son Esprit présenté ici sous forme des «sept Esprits qui sont devant son trône». Quiconque est familier avec le Nouveau Testament doit être d’autant plus frappé d’une telle expression qu’ailleurs il est sans cesse question de l’Esprit — «d’un seul Esprit». N’est-ce pas là l’enseignement invariable de Paul ? Le corps de Christ est un parce qu’un seul et même Esprit habite dans chaque disciple de Christ, unissant étroitement et constituant en un tous les membres divers. Partout il est «le Saint Esprit envoyé du ciel» ; habitant dans le croyant ; distribuant et opérant dans l’Église. Pourtant ici, c’est des sept Esprits qui sont devant le trône de Dieu qu’il nous est parlé. D’où cela vient-il ? De ce que nous entrons dans une scène de gouvernement et d’actes judiciaires. La céleste parenthèse de grâce est désormais fermée. Elle correspondait au merveilleux déploiement du mystère caché aux générations antérieures, révélant la gloire de Christ en haut et l’union avec Lui du chrétien et de l’Église. Même dans la préface (chap. 2 et 3) où il est question des sept églises et de Christ en relation avec elles, le jugement est le point capital, et le Saint Esprit est envisagé selon le caractère de gouvernement que l’Apocalypse dans son ensemble nous révèle. C’est le livre final où tous les systèmes, et l’homme comme tel, doivent être jugés. Les églises sont jugées en premier lieu ; le monde l’est ensuite ; puis les vivants lors de l’apparition de Christ et avant la fin de son règne terrestre ; en dernier lieu, les morts sont jugés devant le grand trône blanc. Tout le long du livre ce n’est que jugement.
Le Saint Esprit nous est donc présenté en harmonie avec un état de choses terrestre et judiciaire, repris du point de vue de l’Ancien Testament, mais avec une profondeur caractéristique de la révélation finale et complète de Dieu. Jean parle «de sept Esprits», expression de la perfection pleine mais variée du Saint Esprit agissant selon les voies de Dieu développées en gouvernement. Et pour cette raison ils sont désignés comme étant devant son trône.
La manière de parler dans les épîtres aux assemblées est remarquablement conforme à ce caractère : «ce que l’Esprit dit aux assemblées». Ce n’est pas l’oeuvre de l’Esprit de Dieu dans le saint ou dans l’Église. Ce n’est pas l’habitation de Dieu par l’Esprit. C’est plutôt comme quelqu’un qui est dehors, qu’il s’adresse ici à elles pour avertir et faire des remontrances. Christ lui-même agit de cette manière. Il n’est pas vu ici comme la Tête de l’Église, communiquant la nourriture et chérissant son corps. Bien qu’il soit plus qu’un sacrificateur, il est revêtu des vêtements sacerdotaux, non pas certes en vue d’intercéder pour le croyant et de le restaurer, mais, au contraire, pour le sonder de ses yeux qui sont comme une flamme de feu et pour s’occuper de ce qui est contraire à la pensée de Dieu. Il est révélé ici solennellement sous son nom de Fils de l’homme — désignation qui est inhabituelle en rapport avec l’Église. Il va en effet prendre le royaume et, en attendant, le jugement lui est donné parce qu’il est le Fils de l’homme (Jean 5). Ainsi le Seigneur a pris la place de juge, quoique le sujet soit les églises. Toute forme de jugement est entre ses mains. «Malheur ! Qui vivra, quand Dieu fera ces choses ?» (Nomb. 24:23). Aussi constatons-nous que la première et à certains égards la meilleure de ces églises est menacée d’avoir sa lampe ôtée, si elle ne se repent (et s’est-elle repentie ?) ; tandis que la dernière, quoique appelée à se repentir, est positivement menacée d’être vomie de la bouche du Seigneur. Pour ce qui est des églises responsables, la réjection est donc entière et sans espoir.
À partir du chapitre 4, un vaste changement s’est effectué. Les rachetés mis à l’abri des jugements terrestres sont glorifiés dans le ciel, et le Seigneur est vu en haut comme un agneau immolé, un Christ rejeté, dans la présence de Dieu et sur Son trône. Là aussi l’Esprit est présent mais de nouveau comme sept Esprits, symbolisés par sept lampes ou torches de feu, autrement dit encore sous un aspect judiciaire. Le chapitre 5 signale la puissance et l’activité des sept Esprits de Dieu envoyés sur toute la terre. Il ne s’agit plus de la prédication de l’Évangile par le Saint Esprit envoyé du ciel, et de l’Église pas davantage. Cette mission de l’Esprit sur toute la terre s’accomplit non plus en grâce mais en gouvernement. Il n’est plus question des églises après le chapitre 3, excepté dans les exhortations de la fin, et ce n’est plus comme aujourd’hui par leur moyen que le Saint Esprit rend témoignage. À partir de ce moment, Dieu est occupé d’autres plans, de plans terrestres, les cohéritiers célestes étant en haut avec Christ. L’Esprit de Dieu agit donc en vue de toute la terre.
Cela indique suffisamment le caractère si particulier de l’action du Saint Esprit dans cette période apocalyptique. La plus grande portion du livre traite de l’intervalle qui prend place entre le moment où les églises ont disparu de la scène, et celui où le Seigneur Jésus viendra du ciel avec ses saints glorifiés, en vue du jugement de la terre. La période de la longue patience prend fin, et les jugements divins commencent leur cours. Sans doute y a-t-il des saints appelés et rendant témoignage ; et il va sans dire qu’il ne pourrait pas y avoir des saints vivifiés sans la puissance du Saint Esprit agissant par la Parole comme précédemment. Mais quel est le caractère de l’action du Saint Esprit dans et par ces saints qui succèdent à l’Église sur la terre ? Quelle est la nature de ses communications à leurs âmes ? Quelle est l’expérience qu’il forme au-dedans et quelle est la marche qu’il leur confère ? La réponse, dans les termes même de l’Apocalypse, c’est que «l’esprit de prophétie est le témoignage de Jésus» (19:10).
Cela nous permet de comprendre la différence des relations de l’Esprit de Dieu envers ces saints, comparées avec son aspect envers l’Église et le chrétien. Le Saint Esprit, comme fait actuel et caractéristique, habite dans le croyant comme esprit de communion. Ce que j’apprends en Christ devient ma portion et mon bonheur ; j’en jouis comme étant mien. Dieu ne fait pas une seule révélation concernant son Fils, que je n’aie le droit de m’approprier comme consolation de mon coeur. Le chrétien a un intérêt direct dans toute Sa gloire. Né de Dieu, ayant le Saint Esprit qui met le coeur au large, le croyant trouve sa joie à avoir quelqu’un au-dessus de lui devant qui il peut se prosterner et adorer. Hélas ! Jean trahit là sa propre faiblesse. Impressionné par la gloire de l’ange qui lui montre ces choses, il s’apprête à l’adorer. Mais le croyant est un adorateur empressé du Père et aussi du Fils parce qu’il connaît le Fils de Dieu, goûte sa grâce et se réjouit dans sa gloire selon que le Saint Esprit lui montre Jésus. Dans tous les autres domaines où Christ n’est pas ainsi simplement le Fils, la personne éternelle et divine, l’objet du culte et de l’adoration, il est celui qui, tout en étant au-dessus de nous, se plaît dans son profond amour à partager avec nous sa propre part, tout ce que le Père lui a donné. Ce qu’il a acquis, il le fait contribuer à notre bénédiction infinie par le moyen de l’Esprit de Dieu qui prend ce qui est à Christ et nous le communique. Il glorifie Christ mais en nous annonçant ce qui est à lui. Il fait déborder nos coeurs de la joie de Christ qui est notre éternelle portion.
Dans l’Apocalypse tel n’est pas le cas. Voyez les saints terrestres du chapitre 6. Ils demandent au Seigneur de juger leurs adversaires. Ils soupirent ardemment après ce qu’ils ne possèdent pas encore. C’est le thème du cantique de Salomon où il n’est aucunement question de l’Église ni de la relation du chrétien. La position des saints sur la terre après que l’Église a disparu est telle que le Saint Esprit n’est que l’Esprit de prophétie. Le seul témoignage qu’il rende à Jésus, c’est comme un esprit prophétique, ce qui rejette les fidèles sur l’avenir — sur ce qu’ils doivent recevoir de la main de Jésus lorsqu’il apparaîtra. Il n’en est pas ainsi du chrétien ; et cela nous aide à comprendre la diversité qu’il y a dans les manifestations de Dieu et la bénédiction des saints. Deux choses sont nécessaires pour me placer dans une véritable bénédiction actuelle. Il me faut un objet qui satisfasse mes affections et dont j’aie la possession. Mais il me faut aussi un stimulant pour mon attente, étant encore dans le corps et entouré d’objets dont Satan se sert pour m’éloigner de Dieu. Il est donc pour moi essentiel que, de même que j’ai Christ comme objet pour mon coeur, je le possède aussi comme mon espérance.
Il nous faut ces deux choses qui semblent contradictoires mais qui, en réalité, sont les éléments essentiels de la pleine bénédiction des saints et de l’Église. Si je n’ai pas devant mon coeur un objet qui puisse le satisfaire, quel exercice ou quel repos peut-il y avoir pour mes affections ? Mais le chrétien possède Christ. Et c’est pour cela que le Saint Esprit le scelle, lui donne cette onction, lui donne de connaître sa part, de même qu’Il est sa puissance pour jouir de Christ et de ce que Christ lui a donné. Comme conséquence, le même Saint Esprit me conduit à attendre Christ. Nous trouverons cela aussi dans l’Apocalypse — pour nous, non pas pour ceux qui viendront après l’Église ; ce n’est qu’avec l’Épouse que l’Esprit dit : «Viens». Agissant sur les affections de l’Église, il inspire son cri et s’y joint. Il dit : «Viens», parce que Celui qui nous aime et qui est vraiment aimé de nos coeurs nous a dit : «Je viens bientôt». L’Esprit, qui honore Sa parole, inspire ce désir et nous fait soupirer après Lui. Or celui que j’attends, c’est Celui qui aime comme personne jamais n’a aimé, qui s’est entièrement donné lui-même dans son amour. Ainsi j’ai et en même temps je n’ai pas. Ma foi possède dès à présent une pleine bénédiction. Néanmoins j’ai tout le stimulant que constitue l’espérance qui me fait regarder hors de la scène présente à une pleine satisfaction encore à venir, lorsque Christ m’aura, et que je l’aurai, dans la gloire céleste où il est allé.
C’est là précisément ce que le coeur trouve dans le christianisme. Christ est descendu sur la terre et m’aime là où je suis. Il m’a aimé au milieu de ma folie et en dépit de mes péchés. En même temps il est mon espérance. Je serai semblable à lui, et avec lui là où il est lui-même. Telle est la part caractéristique et exclusive du christianisme. Cela ne pouvait pas être avant la venue de Christ, précisément parce qu’il n’était ni venu, ni pleinement révélé. Cela ne peut plus être après sa deuxième venue. Avant, il ne pouvait être l’objet connu du coeur. Après, il ne pourra plus être l’espérance des saints. À son apparition une bénédiction pleine et éternelle sera la part des siens et toute tristesse, toute difficulté s’évanouira. Alors le sentier du croyant sur la terre deviendra un sentier facile, tandis que maintenant l’Esprit de Dieu s’oppose à la puissance de Satan dans ce monde où tout se coalise pour entraver et éprouver l’enfant de Dieu. Mais il possède la foi et l’espérance. Le Saint Esprit est la source de toute sa puissance. Depuis la rédemption, il habite dans le croyant et dans l’Assemblée. Que la portion de l’Église de Dieu est belle !
Mais évidemment quand l’Église s’en sera allée en haut, une telle condition aura cessé. L’Esprit de Dieu vivifiera les âmes comme il le faisait avant d’être envoyé du ciel pour former l’Église : aussi longtemps qu’il y aura des âmes ici-bas et un Dieu à connaître par une relation vitale, cette oeuvre du Saint Esprit se fera en elles. De plus l’Esprit, opérant d’une manière appropriée à la dispensation, rejettera les saints sur l’avenir. Ainsi le contraste est manifeste. Les saints célestes auront été, juste auparavant, ôtés du monde, alors que les âmes que nous voyons ici sont préparées pour la terre milléniale. Il s’agit d’une période de transition où la forme d’action et de témoignage de l’Esprit consiste à diriger les coeurs sur l’avenir qui va être révélé. L’Esprit de prophétie est le témoignage de Jésus (19:10), non le déploiement de la plénitude de la rédemption. Ce n’est pas comme aujourd’hui la puissance qui donne l’assurance à l’âme pour pénétrer «au-dedans du voile» et y trouver «une ancre sûre et ferme». Rien dans ces pages ne ressemble à la paix et à la joie que les saints possèdent maintenant en Jésus. Le Saint Esprit dirigera ces croyants à regarder à Christ pour l’avenir. Ils auront à attendre, car d’autres doivent aussi souffrir comme eux (Apoc. 6:11). Leur soupir monte devant Dieu : «Jusques à quand, Seigneur ?» Ils attendent Celui qui doit venir, et il ne faut pas moins que la toute-puissance de Dieu pour leur donner de croire cela, tant sera grande la séduction d’injustice.
Ce n’est pas à l’homme de disputer avec Dieu, ni davantage au croyant de mettre en question Sa Parole. Toute notre sagesse consiste à avoir une foi simple dans les Écritures, ce qui a pour effet de mettre du calme dans l’âme, en présence de toutes les questions, de toutes les difficultés, et de tous les doutes qui peuvent s’élever dans nos esprits. Si Dieu a révélé l’avenir, n’est-ce pas pour que nous le connaissions ? Il est si peu vrai que le chrétien a assez à faire de s’occuper exclusivement de ses propres bénédictions qu’au contraire vous le dépouillez d’une portion de son héritage particulier si vous l’induisez à abandonner cette connaissance des choses à venir. Non seulement le chrétien possède maintenant la foi et l’anticipation de l’espérance, mais il est ici placé sur une éminence d’où il embrasse l’avenir, plongeant ses regards jusque dans l’éternité même. Quelle position peut être plus large, plus bénie que celle d’un chrétien ? Oh ! comme nous entrons peu dans notre propre bénédiction en Christ ! Combien peu nous la connaissons ! Comme nous en jouissons peu ! Les saints apocalyptiques n’auront pas cela, mais un témoignage prophétique leur sera donné de la part de l’Esprit de Jésus.
Et ce qui confirme la distinction que nous venons de faire, c’est que le Saint Esprit, dès que la prophétie est terminée, nous est présenté s’unissant à l’espérance de l’Épouse qui est l’Église. «L’Esprit et l’Épouse disent : Viens. Et que celui qui entend dise : Viens». L’Esprit guide l’Église et stimule ses affections. La place même où cette action de l’Esprit se trouve rapportée, tout à la fin du saint Livre, la rend plus frappante encore. En effet, après avoir traversé le cours entier des voies de Dieu envers l’homme jusqu’à leur dernier terme, après le jugement final devant le grand trône blanc, après avoir évoqué les nouveaux cieux et la nouvelle terre, la joie propre du chrétien aurait pu être tant soit peu diminuée pour avoir été tellement occupé de prophétie. En vérité, une étude pareille serait bien faite pour abattre l’esprit et le coeur s’il n’y avait pas pour contrepoids une espérance céleste. La prophétie toute seule tend à produire un effet terrestre sur l’âme du chrétien, et elle peut nous conduire à gaspiller l’énergie spirituelle destinée à Christ, à l’Église et aux âmes, si nous lâchons la bride à notre esprit et donnons essor à notre imagination en nous occupant avec curiosité de minutieux détails au sujet du jugement terrestre.
Dans la mesure où, de ce fait, Christ et l’Église sont exclus de nos pensées, une telle manière d’étudier la Parole est positivement nuisible à l’enfant de Dieu. Mais remarquez comment le Saint Esprit a pourvu ici à ce danger relativement à l’Église. Nous pouvons parcourir toutes ces visions prophétiques que Jean a écrites pour nous et y voir un tableau complet de l’avenir, concentrant les lumières éparses dans le reste des Écritures. Ceci fait, l’Esprit prend soin de changer le courant de nos pensées. Il détourne nos regards des scènes terrestres et les fixe sur notre propre objet à nous — Christ. Avec lui nous quittons la région inférieure de la prophétie et nous retournons à ce qui convient mieux au coeur renouvelé dans ses affections les plus vraies pour son propre et céleste objet — Christ en haut, et qui va revenir.
Que le Seigneur nous accorde de jouir, avec une paix toujours plus profonde, de cette merveilleuse lumière que nous donne la Parole de Dieu au sujet du Saint Esprit. Il daigne être en nous, pour l’amour de Christ, et cela à cause de son estimation tant de Christ lui-même que de cette rédemption qui est notre fondement immuable devant Dieu ! Puissions-nous ne pas seulement apprendre davantage au sujet de l’Esprit, mais, guidés par lui, avoir nos coeurs fortifiés, pour jouir par lui, en Christ, notre Seigneur, de tout ce qu’il a plu à Dieu de nous révéler dans sa précieuse Parole !