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DE PEUR QUE NOUS NE NOUS ÉCARTIONS
Philippe Laügt
30 août 2000
Table des matières :
S’écarter est un péril qui menace le chrétien tout au long de sa marche ici-bas. Il est facile de s’écarter de façon insidieuse. Cette expression peut se traduire aussi par : «glisser loin» ou «aller à la dérive», comme un navire qui, même en vue du port, est entraîné par le courant, et prêt à faire naufrage. Tragiquement, c’est souvent celui qui s’écarte qui est le dernier à s’en apercevoir ! D’où ces paroles de l’apôtre : «Dieu nous a parlé dans le Fils, le resplendissement de sa gloire et l’empreinte de sa substance… Nous devons porter une plus grande attention aux choses que nous avons entendues, de peur que nous ne nous écartions» (Héb. 1:2-3 ; 2:1). Pour rester dans Son chemin, sans dévier à droite ni à gauche, il faut que notre coeur reste uni à la crainte de son nom (Deut. 5:32-33 ; Ps. 86:11).
L’apôtre écrit à des Hébreux qui sont sortis du Judaïsme. Le comportement de plusieurs d’entre eux fait craindre qu’ils portent seulement la livrée de Christ, sans avoir reçu Sa vie. Mais d’autres, sont au contraire de vrais enfants de Dieu. Ils sont également en danger de s’écarter de la vérité entendue et connue. D’où cette injonction : «Rappelez dans votre mémoire les jours précédents : ayant été éclairés, vous avez enduré un grand combat de souffrances» (Héb. 10:32). Par fidélité au Seigneur, ils ont été «offerts en spectacle par des opprobres et des afflictions». L’apôtre ajoute : «vous vous êtes associés à ceux qui ont été ainsi traités, car vous avez montré de la sympathie pour les prisonniers et vous avez accepté avec joie l’enlèvement de vos biens». Comment peut-on montrer pratiquement un tel détachement à l’égard des biens de la terre ? En ayant la certitude, par la foi, de posséder «des biens meilleurs et permanents» (Héb. 10:34). L’apôtre exhorte : «Ne rejetez donc pas loin votre confiance qui a une grande récompense. Car vous avez besoin de patience, afin qu’ayant fait la volonté de Dieu, vous receviez les choses promises» (Héb. 10:36). Il faut persévérer, vivre de foi, s’appuyer sur les promesses divines, les yeux fixés sur Jésus. La récompense est pour celui qui reste fidèle jusqu’à la fin (Apoc. 2:10).
Mais quelles sont les causes habituelles du relâchement spirituel ? La distraction d’esprit, le manque de fermeté dans nos convictions qui rejaillit sur notre comportement et la recherche de nos aises dans la vie journalière. Examinons un peu ces dangers en détail.
Il y a dans ce monde une multitude d’objets susceptibles de retenir notre attention et d’accaparer notre esprit. Quel est l’antidote ? S’appliquer à rester occupé avec ferveur de l’Écriture, la sonder et se nourrir de tout ce qui touche au Seigneur (Jean 5:39 ; 1 Tim. 4:15). On peut devenir «paresseux à écouter» la Parole de Dieu, elle perd alors de sa saveur. On en vient vite à se contenter de formes religieuses. Vu le temps, ces chrétiens hébreux auraient dû être des «docteurs». Or ils avaient besoin de lait, comme de petits enfants ! (Héb. 5:11-14). Cela ne doit pas nous surprendre : Si Christ perd sa place, la première, dans notre coeur, notre esprit est rapidement envahi par toutes sortes de choses et l’on s’écarte peu à peu de la vérité, qui est en Jésus. Il faut que toutes nos pensées, soient amenées captives à l’obéissance de Christ (1 Cor. 10:5). Sinon nous pouvons nous laisser entraîner à des raisonnements, à des discussions suggérées par Satan, du style : «Quoi, Dieu a dit» ? (Gen. 3:3). Restons attachés à Christ, cette Ancre sûre et ferme qui seule peut empêcher notre esprit de partir à la dérive, une dérive lente, graduelle, plus redoutable dans notre vie qu’un choc violent (Héb. 6:19).
Un autre piège, très subtil, est de se laisser emporter dans la course effrénée d’un monde, toujours à la recherche de ses aises et de ses plaisirs (Amos 5:4-6). Un enfant de Dieu peut s’engager insensiblement sur cette voie, et le déclin spirituel aller jusqu’à la ruine et même au reniement. Ni l’âge, ni le «rang» occupé dans l’Assemblée ne mettent à l’abri de ces dangers. D’où cet avertissement du Seigneur à ses disciples, au moment de les quitter : «Veillez et priez, afin que vous n’entriez pas en tentation. L’esprit est prompt, mais la chair est faible» (Matt. 26:41).
Il y a dans l’Écriture plusieurs exemples de croyants qui se sont écartés, pour des motifs divers.
On peut penser à celui que la Parole appelle le «juste Lot, accablé par la conduite débauchée» des hommes de Sodome. Mais comment se fait-il que «ce juste habitait parmi eux» ? Les voyant et les entendant, « il se tourmentait dans son âme juste, à cause de leurs actions iniques». Dans quelle mesure était-il conscient d’être sous les conséquences de ce mauvais choix ? (2 Pier. 2:7-8).
Quand le Dieu de gloire appelle Abram à sortir de son pays et de sa parenté et à venir dans un pays qu’il va lui montrer, Lot le suit dans cette démarche, qui est celle de la foi (Gen. 12:1, 4). Longtemps le neveu Lot conforme sa conduite à celle d’Abram, qui marche par la foi, et réalise son caractère d’étranger et de forain sur la terre. Mais Dieu éprouve son serviteur par une famine. Il descend alors de lui-même en Égypte, toujours suivi par Lot et y perd son caractère d’adorateur et de témoin. Il ne peut plus compter sur le secours divin et, très vite, par crainte de l’homme, il agit sans droiture. Il est finalement renvoyé par le Pharaon. Mais les richesses acquises en Égypte deviennent un moyen dans la main de l’Ennemi : il veut ruiner le témoignage rendu aux incrédules, le Cananéen et le Phérézien qui habitent alors dans le Pays de Canaan. Des querelles surgissent entre les bergers des troupeaux d’Abram et de Lot. Abram en vient à dire à Lot : «Qu’il n’y ait point de contestation entre moi et toi....car nous sommes frères ; si tu prends la gauche, j’irai à droite» (Gen. 13:8-9). À ce moment décisif de sa vie, Lot lève les yeux, mais ce n’est pas vers le ciel. «Il vit toute la plaine du Jourdain, qui était arrosée partout, avant que l’Éternel ne détruisît Sodome et Gomorrhe, comme le jardin de l’Éternel, comme le pays d’Égypte.....Et Lot choisit pour lui toute la plaine du Jourdain» (Gen. 13:10-11). Il est attiré par les perspectives riantes mais trompeuses d’un monde qui mûrit rapidement pour le jugement. La convoitise des yeux va le conduire, peu à peu, vers une fin honteuse. Abram habite par contre auprès des chênes de Mamré, qui sont à Hébron, dans la communion avec Dieu (Gen. 13:18).
Lot dresse ses tentes «jusqu’à Sodome» et habite dans les villes de la plaine (Gen. 13:12). Peut-être pense-t-il simplement y séjourner, comme plus tard Élimélec descendu en Moab (Ruth 1:1-2, 4). Peut-il ignorer le caractère de ces hommes «méchants et grands pécheurs devant l’Éternel» ? (Gen. 13:13). Il fallait se séparer d’eux au plus vite. Or de toute évidence, il s’en «accommode», non sans des tourments intérieurs. Un chrétien, au siècle dernier, compare notre conscience à un chien fidèle. Il ajoute : «À force de voir passer les mêmes choses, elle n’aboie plus» (F. Neff). Il y a grand danger, si l’on cède aux tendances de nos coeurs naturels, de s’accoutumer peu à peu à l’atmosphère délétère de ce monde. Il faut demander avec foi, dans nos prières «plus d’éloignement de ce monde mauvais et plus de sainte fixité dans nos âmes». Dès que Christ n’est plus l’objet exclusif de notre coeur, Satan s’emploie à le remplir «des choses qui sont dans le monde» (1 Jean 2:16), et l’on part à la dérive.
Dans cette plaine du Jourdain, un conflit éclate, et Lot est fait prisonnier, car «il habitait dans Sodome» (Gen. 14:12). La nouvelle en parvient à Abram, l’hébreu (mot qui signifie : «de l’autre côté, au-delà»). Il ne manque ni d’énergie ni d’amour fraternel. Il discerne la pensée de Dieu et met en campagne trois cent hommes exercés, nés dans sa maison. Il poursuit l’ennemi, et délivre Lot, son frère, avec tout son bien (Gen. 14:14-16). C’est pour Lot, égaré dans les sentiers du monde, l’occasion à saisir (Col. 4:5). Va-t-il reprendre, sentant l’appel que Dieu lui adresse, sa place de pèlerin et d’adorateur ? Il arrive que Dieu donne une occasion aux siens de faire demi-tour. Il envoie une aide spirituelle à ceux qui soupirent et gémissent sous les conséquences de leur éloignement (Ézé. 9:4 ; Ps. 107:14). Lot peut encore revenir, comme Abram à son retour d’Égypte, «au lieu où se trouvait sa tente au commencement». Il n’en fait rien et reprend ses associations mondaines. À Sodome, l’on a sans doute apprécié l’intervention et le désintéressement d’Abram, l’oncle de Lot. Toujours est-il, que c’est assis à la porte de la ville, place d’honneur où se rend la justice, que les anges venus détruire la ville, trouvent Lot. Lot reconnaît que ce ne sont pas des «hommes» comme les autres. Il se lève pour les accueillir et se prosterne. Il les presse d’entrer chez lui, mais ils se montrent réticents. Le terrible désordre moral qui règne à Sodome se manifeste bientôt. Dans le désir sincère de protéger ses hôtes, Lot ira jusqu’à appeler ces habitants de Sodome, chargés d’iniquité, «mes frères» (Gen. 19:7). En retour, il ne rencontre de leur part, que mépris, injures et menaces. Seule l’intervention puissante des anges le délivre (Héb. 1:14). Abraham (père d’une multitude : nom que Dieu lui donne en Gen. 17:5) n’a pas cessé d’intercéder en pensant à Lot : «Feras-tu périr le juste avec le méchant» (Gen. 18:23). Le jugement va s’exécuter, mais Dieu va faire d’abord sortir Lot de cette ville. Il est sauvé, comme à travers le feu.
Il parle à ses gendres, mais il leur semble qu’il se moque. Toute sa vie passée est un démenti à ses appels. Lot lui-même tarde, il est dur à ses yeux de quitter tout son avoir, le fruit de son travail, sa place dans la société, et même, hélas, ses relations ! Les anges saisissent sa main et lui disent : «Sauve-toi pour ta vie, ne regarde pas derrière toi et ne t’arrête pas dans toute la plaine ; sauve-toi dans la montagne, de peur que tu ne périsses» (Gen. 19:16-17). Lot a-t-il enfin compris de quelle scène de corruption, Dieu dans son amour veut le retirer ? Non, la montagne ne l’attire pas, il veut garder quelque chose d’un monde devenu familier. Son désir ? Vivre dans une ville, si petite soit-elle ! Dieu accède à sa requête, en épargnant Tsoar où, finalement Lot a peur (Gen. 19:30). C’est dans une caverne qu’il termine misérablement sa vie, comme un jouet dans les mains de ses filles, perverties à Sodome. Quel tableau saisissant Dieu nous conserve, pour notre avertissement, de l’écart confirmé de Lot et de ses terribles conséquences, pour lui et pour sa famille.
La vie de Jonathan, le fils du roi Saül, fournit un autre exemple, plus douloureux peut-être, d’un croyant qui s’écarte après un début de vie prometteur. La Parole de Dieu parle pour la première fois de Jonathan, au moment où il frappe le poste des Philistins à Guéba (1 Sam. 13:3). Les hommes d’Israël ne sont guère plus de trois mille, apeurés, autour de Saül. Les Philistins s’assemblent et alignent des forces impressionnantes : «Trente mille chars et six mille cavaliers, et un peuple nombreux comme le sable de la mer» (1 Sam. 13:5). Dans sa détresse, le peuple d’lsraël va-t-il se tourner vers Dieu ? Non, il se cache et s’enfuit. Dans la misère ambiante, Dieu se sert de Jonathan, un homme qui n’attend aucun secours de la chair, serait-elle religieuse. Par la foi, il se lève, avec le jeune homme qui porte ses armes : «Viens, et passons jusqu’au poste des Philistins» (1 Sam. 14:1). Il joint à la foi, la vertu, et il est humble aussi : «Peut être que l’Éternel opérera par nous» (1 Sam. 14:6). Les Philistins, retranchés au dessus de rochers escarpés, se moquent de lui, le mettent au défi de venir les rejoindre. Jonathan et son porteur d’armes montent avec leurs mains et leurs pieds. C’est une cible idéale pour les archers et pourtant peu après, les incirconcis, saisis d’épouvante, tombent devant eux (1 Sam. 13-15).
Un peu plus tard, dans la vallée d’Éla, Dieu se sert d’un homme selon son coeur, David. Tout jeune lui aussi, il ressent profondément l’outrage répété de ce Philistin géant, Goliath, vis à vis du «Dieu des troupes rangées d’Israël». Il court vers lui au seul nom de l’Éternel des armées. Une seule pierre lisse, choisie dans le torrent, mais dirigée par Dieu, jette définitivement Goliath à terre. Dans toute cette assistance médusée, seul Jonathan montre aussitôt plus que de l’admiration, un amour profond pour David. Saisi par la puissance de la grâce qui brille dans cet homme de Dieu, Jonathan se dépouille en sa faveur de tout ce qui faisait sa force et sa gloire, comme fils du roi, héritier au trône. Il affirme ainsi que David, un beau type de Christ, s’est acquis tous les droits sur son coeur. Tout semble annoncer à ce moment-là une brillante carrière pour Jonathan, une vie embellie par son amour pour David et par l’amour, plus grand encore, que David lui porte.
Rempli d’orgueil et de jalousie, le roi Saül montre au contraire la haine qui envahit son coeur, plein de jalousie, à l’égard de David. Il fait part à Jonathan et tous ses serviteurs de ses intentions meurtrières ! Jonathan en avertit David. «L’ami aime en tous temps, et un frère est né pour la détresse» (Prov. 17:17). Jonathan intercède auprès de son père ; il rappelle la grande délivrance que Dieu a opérée par le moyen de David pour sauver le peuple d’Israël. Son attitude résolue détourne un instant l’orage. Mais, bientôt, Saül cherche sans succès, à frapper David de sa lance. Il doit s’enfuir à Naïoth auprès de Samuel.
Le moment n’est-il pas venu pour Jonathan de s’identifier ouvertement à celui qui est haï sans cause ? Or Jonathan reste dans une fausse situation. Il vit dans l’intimité de Saül, au milieu des fastes de la cour, respecté de tous comme l’héritier du trône. Fils respectueux, il a trop d’ illusions à l’égard de son père. Lors d’une entrevue, il dit à David : «Voici, mon père ne fait aucune chose, petite ou grande, qu’il ne me la découvre» (1 Sam. 20:2).
David n’a pas la même confiance. Il comprend que l’affection de Jonathan à son égard (1 Sam. 20:4, 17) ne fait qu’accroître la haine de Saül. Ils conviennent d’un stratagème. David se cache dans les champs, sa place reste vide au festin de Saül, qui s’enquiert à son sujet. La haine royale éclate au grand jour, quand Jonathan ose prendre la défense de David : «Pourquoi serait-il mis à mort ? Qu’a-t-il fait ?» La colère de Saül s’embrase contre son fils, il cherche à le frapper lui aussi de sa lance et l’injurie bassement (1 Sam. 20:30-32).
Le doute n’est plus possible. «Jonathan connut que c’était chose décidée de la part de son père de faire mourir David» (1 Sam. 20:33). Au matin, il retrouve son ami, ils pleurent ensemble, mais il semble que Jonathan n’a plus l’ardeur de son premier amour. C’est du côté de David que se trouve l’affection la plus fervente. Jonathan a compris que Dieu retranchera chacun des ennemis de David. Il fait alliance avec l’Oint de l’Éternel, touchant sa maison, et David s’en souviendra à l’égard de Mephiboseth (1 Sam. 20:15, 40). Mais pourquoi Jonathan entre-t-il à nouveau dans la ville, tandis que David s’en va, fugitif, sans asile ? Le fils du roi ne se montre pas prêt à partager les afflictions de David, autrement que par le coeur. Pourtant il n’est plus possible de rester neutre : C’est David ou c’est Saül. Jonathan est-il lié par ses affections naturelles ? ou, peut-être, est-il attaché à une place enviable pour la chair ? Dieu seul connaît les secrets du coeur et les mettra en évidence. Jonathan ne se rend pas dans la caverne d’Adullam (1 Sam. 22:1-2). C’est là, partageant les souffrances de David, et son rejet, que l’on peut apprendre à connaître sa grâce et sa beauté. Il en est de même aujourd’hui pour Christ, le vrai David : «En tant que vous avez part aux souffrances de Christ, réjouissez-vous... si vous êtes insultés pour le nom de Christ, vous êtes bienheureux (1 Pier. 4:13-14). Ressemblons-nous aux apôtres qui «se réjouissaient d’avoir été estimés dignes de souffrir des opprobres pour le Nom» ? (Act. 5:41).
Jonathan reste avec son père qui l’accuse à tort de lui dresser des embûches et de soulever son serviteur contre lui ! Jonathan a-t-il perdu tout discernement ? Saül, allant toujours plus loin dans la perversité de son coeur, ose mettre à mort tous les sacrificateurs, qui ont reçu David. Seul Abiathar s’enfuit vers le fils d’Isaï : là, près de lui, il est bien gardé, par Dieu lui-même. Jonathan persiste encore dans son attitude !
La dernière rencontre des deux amis est touchante, solennelle aussi ! David est au désert, «Saül le cherchait tous les jours, mais Dieu ne le livra pas en sa main» (1 Sam. 23:14-18). Jonathan se lève et va vers David dans le bois et fortifie sa main en Dieu, dans des termes touchants (1 Sam. 23:16). Lui qui auparavant disait avec simplicité : «Si je suis vivant... tu useras envers moi de la bonté de l’Éternel et je ne mourrai point» (l Sam. 20:14) déclare maintenant : «Tu régneras sur Israël, et moi, je serai le second après toi» (1 Sam. 23:17). Cette parole trahit probablement un déclin sérieux. Le Moi a repris subtilement sa place dans le coeur de Jonathan. C’est la raison profonde de bien des écarts. C’est pour Jonathan la dernière occasion de sortir du filet qui enlace de plus en plus son âme. Il rappelle Samson qui pensait : «Je m’en irai comme les autres fois et je me dégagerai». Mais «il ne savait pas que l’Éternel s’était retiré de lui». Et les Philistins, ennemis redoutables au milieu du peuple de Dieu, se saisissent de lui et lui crèvent les yeux (Jug. 16:20-21).
L’entrevue s’achève, «David demeure dans le bois et Jonathan s’en alla dans sa maison» (1 Sam. 23:13-14). Tout semble suivre désormais son train habituel. Dans les soubresauts qui accompagnent les derniers jours de Saül, Jonathan continue à rester près de son père !
De plus humbles vont entourer David au jour de son élévation. Ils feront partie de ses hommes forts (2 Sam. 23:13-17). La grâce opère, leur dévouement, fruit de leur amour pour David, va être récompensé.
Pour David les épreuves se succèdent, plus amères les unes que les autres. Il est trahi, s’enfuit en hâte devant Saül qui cherche à l’environner, retrouve Tsiklag brûlé (1 Sam. 23:20, 26 ; 2 Sam. 30:1) mais où donc est Jonathan, cet ami autrefois si fidèle ?
Nous n’entendons plus parler de lui jusqu’à la terrible défaite de Guilboa. Il avait si bien commencé avec Dieu à Micmash, il tombe sans gloire avec son père, frappé à mort par ces Philistins, ces ennemis constants du Peuple de Dieu. David, saisi de douleur, compose le chant de l’Arc, où il s’écrie : «Comment les hommes forts sont-ils tombés au milieu de la bataille ? Comment Jonathan a-t-il été tué sur les hauts lieux ? Je suis dans l’angoisse à cause de toi, Jonathan, mon frère» (2 Sam. 1:25-26).
Quel est le secret de cette vie trop brève, si brutalement terminée ? Écoutons les avertissements du Seigneur : «Celui qui aime père ou mère plus que moi, n’est pas digne de moi» (Matt. 10:37). «Quiconque veut venir après moi, qu’il prenne sa croix, et me suive» (Marc 8:34). C’est pour notre instruction que la Parole retrace ces étapes de la vie de Jonathan, elles montrent, hélas, un déclin de ses affections pour David avec ses terribles conséquences. Il est précieux de commencer sa course avec l’ardeur du premier amour pour le Seigneur et pour nos frères. Mais à l’heure de l’épreuve, inévitable, il faut montrer que nous préférons suivre un Christ rejeté et, abandonner, s’il le faut, tout le reste : peut être des affections naturelles, une «position» dans ce monde, ou la recherche plus ou moins déguisée de la satisfaction de notre «moi». «Il y a dans les choses terrestres une tendance à peser sur nos affections pour Christ. Ce que nous appelons nos devoirs ici-bas peut plus facilement nous éloigner de Dieu qu’un péché positif» ! (JND). Surtout que nous sommes tout à fait capable de penser secrètement : «Que puis-je garder des biens de ce monde tout en ayant une part avec Christ ?» Pour être gardés de nous «écarter», de partir à la dérive, l’amour pour Christ, le désir profond de maintenir à tout prix la communion avec Lui, sont nécessaires.
Avant de clore ces réflexions, nous voudrions citer aussi Démas. La Parole de Dieu rapporte fort peu de chose à son sujet, et c’est seulement à travers trois brèves mentions de l’apôtre Paul, que l’on peut retracer un peu son histoire. Démas est cité parmi les «compagnons d’oeuvre» de l’apôtre, Marc, Aristarque et Luc dans la lettre écrite à Philémon (v. 23). À cette période de sa vie, il est, de toute évidence, un serviteur de Dieu, fidèle et estimé. Il se trouve à Rome pendant le premier emprisonnement de l’apôtre Paul. Ultérieurement, ce dernier, écrivant à l’Assemblée à Colosses, leur dit : «Luc, le médecin bien-aimé, vous salue». Il parle de lui avec une affection particulière, puis il ajoute très brièvement : «et Démas» (4:14). C’est plutôt froid, inhabituel chez Paul et fait pressentir ce qu’il va écrire à son sujet, plus tard. L’apôtre ne fait pas acception de personne, il se plaît à mettre toujours en relief ce qui peut être loué. Que se passe-t-il donc avec Démas ? En tout cas, il accompagne encore l’apôtre Paul quand, pour la seconde fois, il est emprisonné dans la cité impériale. D’autres compagnons sont là aussi, mais, un à un, ils s’en vont accomplir leur service pour le Seigneur : «Crescens en Galatie, Tite en Dalmatie. Luc seul est avec Paul, qui écrit à Timothée : «Empresse-toi de venir bientôt auprès de moi, car Démas m’a abandonné, ayant aimé le présent siècle» (2 Tim. 4:10). Abandonner, c’est dans l’original, une expression très forte. Elle signifie : délaisser, laisser sans aide, sans secours, quelqu’un alors qu’il se trouve dans des circonstances difficiles. C’est un coup sévère pour Paul, «un vieillard». Ardent au service du Seigneur, il veut le servir jusqu’au bout. Il sait que le temps de son départ est arrivé, en clair, il attend son exécution (2 Tim. 4:6). Et maintenant l’un de ses compagnons d’oeuvre l’abandonne. Rien ne permet d’affirmer que Démas soit devenu un mondain. Il a peut être tout simplement préféré une vie facile, «confortable», plutôt que de «prendre sa part de souffrances comme un bon soldat de Jésus Christ». Hélas, combien d’autres serviteurs du Seigneur, après avoir fidèlement servi, ont «aimé le présent siècle», ont voulu jouir ce qu’il offre à notre faible coeur, et se sont écartés. La conduite de Démas est un avertissement sérieux.
Chaque brebis du Seigneur, qu’Il connaît par nom a l’assurance de son salut (Jean 10:28). Mais l’on peut arriver au port désiré dans des états bien différents. Une de ces éventualités est décrite dans Actes 27. Le bateau, violemment battu par la tempête, se disloque, et si tous parviennent finalement sains et saufs à terre, ils n’ont plus rien, hormis les planches ou les débris du navire sur lesquels ils s’appuient ! Le désir de l’apôtre Pierre c’est que notre arrivée soit bien meilleure, pour la joie de Celui qui nous a payé si cher : «C’est pourquoi, frères, étudiez-vous d’autant plus à affermir votre appel et votre élection, car en faisant ces choses, vous ne faillirez jamais ; car ainsi l’entrée dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ vous sera richement donné » (2 Pier. 1:9-10).
Frères, dans quel état allons-nous arriver au port désiré ? Comme ces «naufragés» qui ont gardé de justesse la vie sauve ou comme ces vainqueurs qui retiennent «ferme jusqu’au bout le commencement de leur assurance» (Héb. 3:14) et reçoivent «la récompense de l’héritage» (Col. 3:24) ?
Le gouffre orageux et traître,
Lieu de naufrage et de mort
Se calme à la voix du Maître
Déjà nous touchons au port
Voyez déjà le rivage
Brille aux regards du matin
Amis, ayons bon courage
Car le repos est atteint !