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Méditations sur la Parole de Dieu

 

Matthieu

 

 

Louis Chaudier

 

 

Table des matières :

1      Les exhortations pratiques du sermon sur la montagne — Matthieu 4:23 ; 5:1-16, 33-37, 44-46 ; 6:22, 24 ; 7:1-2, 6-11, 13-16, 21-29

2      Pauvre en esprit — Psaumes 51:17 ; 139:23-24 ; Ésaïe 66:2 ; Matthieu 5:3

3      Deux paradis — Genèse 3:22-24 ; 4:8-22 ; Apocalypse 22:14-15 ; Jean 14:6 ; Matthieu 7:13-14

4      Le brigand sur la croix — Matthieu 11:25-30 ; Luc 23:39-46

5      Avoir affaire avec Dieu — Matthieu 11:29-30 ; Colossiens 1:9-11 ; Galates 5:16-26 ; 2:19

6      Préparé par Dieu, séparé pour Dieu — Matthieu 12:22-50 ; 13:1-9, 18-23, 47-50

7      Le travail du Seigneur Jésus — Matthieu 13:1-9, 18-52

8      Christ, le fondement et le centre — Matthieu 16:13-27 ; 18:17-20 ; Actes 2:42-47 ; 4:32-37 ; 9:31 ; 1 Timothée 3:14-15

9      Se renoncer soi-même — Matthieu 16:21-27 ; Exode 15:22-27

10        L’Assemblée et la séparation — Jérémie 15:16-21 ; Matthieu 18:1-4, 18-20 ; 20:25-28

11    L’autorité de l’Assemblée et le jugement du mal — 1 Corinthiens 11:20-34 ; 5:6-13 ; Matthieu 18:18-20

12    La présence du Saint Esprit — Matthieu 18:19 ; 2 Timothée 1:7, 13 ; 2:14 ; 3:14 ; Apocalypse 3:7-13

13    L'amour — Matthieu 22:34-40 ; Lévitique 19:14-18

14    La mort et la résurrection de Jésus — Luc 24:1-6, 10-16, 28-32, 36-53 ; Matthieu 28:1-10, 16-20 ; Jean 20: 1-5, 10-12, 14-17, 19-23 ; Marc 16:19-20

 

 

 

Le texte de ces méditations a été révisé par Bibliquest dans sa forme, par rapport à diverses éditions papiers précédentes. Les révisions ont été limitées à ce qui était nécessaire à une expression et une compréhension correctes. Le texte reste marqué par son caractère oral, non révisé par l’auteur. Dans certains cas d’expressions au sens discutable, l’imperfection de celles-ci a été laissée de peur d’en perdre une certaine vigueur.

Certains textes ont été repris de l’ouvrage «Méditations sur la vie chrétienne» édité en 1995 par F.R., et sont notés comme tels. Ces textes ont fait l’objet (par F.R.) d’une révision un peu plus poussée.

 

 

1   Les exhortations pratiques du sermon sur la montagne — Matthieu 4:23 ; 5:1-16, 33-37, 44-46 ; 6:22, 24 ; 7:1-2, 6-11, 13-16, 21-29

 

[LC n° 37]

Dimanche 2 mai 1948

 

Dans la fin du chap. 4, nous avons d’abord un résumé de tout le ministère du Seigneur, de tout ce que le Seigneur a fait. Son ministère s’est déroulé en grande partie en Galilée. Le Seigneur ne s’est pas reposé ; il n’a point eu de repos. Il a trouvé le monde dans un tel état, qu’il ne pouvait pas se reposer. La foi ne peut pas se reposer, ici-bas ; ce n’est pas possible. Seul le chrétien qui veut suivre le monde arrive à se reposer. Il se laisse emporter au fil de l’eau ; et alors il se dit : «Oh, après tout, je vais au ciel, je serai avec le Seigneur ; ce n’est pas utile ni nécessaire que je me donne de la peine et que je me fasse du souci». Chers amis, ce chrétien renie son maître.

On a remarqué bien des fois qu’un des caractères les plus profonds et les plus remarquables de la vie de Jésus, c’est qu’il n’a jamais rien fait pour lui-même. Nous, nous faisons beaucoup de choses pour nous, beaucoup. Mais Jésus n’a rien fait pour lui. C’est peut-être le trait le plus frappant de sa vie. Il est venu, et il a vu le monde. De même, nous aussi le voyons, et nous en souffrons. La foi en souffre. Elle ne peut pas ne pas souffrir. Elle souffre de voir que le mal est partout, que tout contriste le Saint Esprit, que le nom du Seigneur est blasphémé, que nous-mêmes ne sommes pas fidèles, parce que nous voudrions toujours être en communion avec le Père et avec le Fils, et que toutes sortes de choses, indépendantes ou dépendantes de nous-mêmes, nous en empêchent. Dans sa vie, le Seigneur a réalisé ceci : ne pas perdre un seul moment la communion avec son Père, et ne pas se reposer un seul moment. Il ne s’est pas reposé un seul instant, et il n’a pas perdu un seul instant la communion avec son Père. La vie de Jésus est notre modèle.

À la fin du chap. 4, il va d’un village à l’autre. Qu’est-ce qu’il rencontre ? Des paralytiques, des démoniaques, ou des gens dans un triste état : vous, moi. Il n’est pas besoin d’être paralytique, ou d’être affligé d’une grave infirmité, pour dire : Je suis dans un triste état, par nature. Si je me regarde un peu à la lumière de la Parole, je dis : Ce n’est pas brillant ; ce n’est pas beau. Voilà ce que Jésus a vu. Il allait au milieu des hommes et lisait dans les coeurs. Nous, nous voyons seulement une action lorsqu’elle s’accomplit. Lui voyait l’origine du moindre geste, de sorte que toutes les mauvaises pensées des hommes étaient sans cesse devant lui, et qu’il a traversé le monde avec ce spectacle continuel devant lui. Personne ne peut imaginer ce que Jésus a souffert (sinon le Père). Nous désirons d’être avec le Seigneur pour repasser un peu son propre chemin et comprendre quelle a été sa patience, sa grâce.

Des foules le suivaient ; mais il ne s’appuyait pas sur les foules. Si elles étaient contentes de se faire guérir, elles devaient dire bientôt : «Ôte, ôte ! crucifie-le» (Jean 19:15). Le Seigneur leur adresse le sermon sur la montagne, résumé en Matthieu en un seul discours, dispersé dans les autres évangiles.

On aurait pu penser que, si Dieu venait dans ce monde, il allait y arriver les mains pleines, et établir immédiatement un état de choses glorieux et heureux. Quand Dieu vient dans ce monde, il y vient pour souffrir. Et, au lieu d’établir un règne ouvert à tout le monde, il dit : «Entrez par la porte étroite… car étroite est la porte, et resserré le chemin qui mène à la vie, et peu nombreux sont ceux qui le trouvent» (7:13-14).

Tout d’abord, dans ce chap. 5, nous trouvons les béatitudes (du mot «bienheureux»). Or, quel signe caractérise tous ces bienheureux et les marque, avant cette joie qui leur est promise ? C’est la souffrance dans ce monde : «Bienheureux ceux qui mènent deuil». Est-ce que nous menons deuil ? Est-ce que nous sommes de ceux qui mènent deuil ? Quand un deuil a frappé une famille, eh bien, tous les membres en sont touchés. Ils ne sont plus les mêmes. Ils portent même un signe extérieur sur eux, par lequel ils rappellent aux autres qu’une brèche a été faite, que leur coeur a été traversé, que leurs affections profondes ont été touchées. On marque cela. Eh bien, le chrétien est un homme qui mène deuil. La terre est pour lui le tombeau de Jésus. «Bienheureux ceux qui mènent deuil, car ils seront consolés». Nous menons deuil aujourd’hui ; nous serons consolés demain. Si nous menons deuil aujourd’hui, nous aurons aujourd’hui une consolation, mais demain nous serons consolés en gloire. Aujourd’hui, nous sommes consolés dans les larmes, en restant dans l’épreuve ; et c’est une leçon assez difficile à apprendre.

Chacun de nous a tendance à dire : Seigneur, change mes circonstances et je serai content. Le Seigneur dit : Non, je ne changerai pas tes circonstances, et je te rendrai content quand même. Le Seigneur changera nos circonstances quand il nous introduira dans sa gloire. Le Seigneur nous console dans notre affliction, au milieu même de notre affliction. Mais notre premier mouvement, c’est de dire : «Seigneur, enlève un peu ce poids que j’ai, cette épreuve ou tel ou tel exercice dans mes circonstances ou dans l’assemblée» ! Le Seigneur répond : «Non, mais je vais te donner ma force en te laissant dans cette difficulté». «Bienheureux ceux qui mènent deuil, car ils seront consolés».

Plusieurs des caractères qui sont donnés là nous font penser au Seigneur lui-même. Dans ce monde, il devrait être visible que le chrétien, lui non plus, n’est pas chez lui, mais se trouve dans un pays étranger.

Dans la rue, quand on rencontre les gens, il ne faut pas croire que tous les gens sont malheureux. Lorsqu’on prêche l’évangile, on a l’air de supposer, parfois, que les gens sont malheureux. Beaucoup, au contraire, sont très heureux. Il y a les délices du péché, dont parle la Parole de Dieu. Ceux-là disent des chrétiens : «Voilà des gens qui toujours se tiennent à l’écart, ont toujours peur de faire leur volonté. Moi, je fais ce que je veux». C’est un plaisir de faire ce qu’on veut, un très grand plaisir. Et c’est une grande peine, de ne pas faire ce qu’on veut. La chair, en effet, souffre toujours, quand il s’agit d’obéir. Mais «bienheureux ceux qui mènent deuil, car ils seront consolés». Que le Seigneur nous donne de trouver des consolations au sein de nos peines, de nos travaux, de nos exercices. Nous devons bien comprendre que les circonstances ne sont jamais idéales, ici-bas.

Les pauvres en esprit sont ceux qui sont humbles, qui ont rencontré Dieu, qui se tiennent devant Lui. On a dit beaucoup de choses sur cette expression, et on en a beaucoup déformé le sens, dans le monde. On s’en est beaucoup moqué (de quelle parole, d’ailleurs, ne s’est-on pas moqué ?). La littérature même s’est emparée d’expressions telles que celle-là. La dureté du coeur de l’homme et son orgueil ne reculent pas devant le fait de porter la main sur la Parole de Dieu. Mais cette parole même se retournera contre eux : «Bienheureux les pauvres en esprit». Vous rencontrez des gens qui sont très fiers d’être instruits, ou intelligents, ou très énergiques, et qui sont très sûrs d’eux-mêmes. Le monde est rempli de cet état d’esprit. «Bienheureux les pauvres en esprit». Que le Seigneur nous donne de réaliser qu’à eux est le royaume de Dieu, à ceux pour qui Dieu est tout. C’est un fait. Dieu est tout, et il le montrera. Nous avons donc, dans notre vie, à lui faire cette place, à laisser Dieu être tout. Et c’est dans la mesure où nous le faisons que nous sommes heureux et que nous avons sa force. «Bienheureux les pauvres en esprit». Ce n’est pas toujours agréable d’entendre des gens qui se vantent sans raison parce qu’ils sont puissants ou qu’ils ont toutes sortes de moyens à leur disposition. Ce n’est pas toujours agréable de supporter sans rien dire, et de rejeter l’état d’esprit qui les caractérise. Voilà encore un sujet de souffrance, pour le temps présent.

Le chrétien qui se met à l’unisson avec le monde perd ses caractères. Lui ne souffre plus. Il y a des chrétiens qui, lassés de souffrir, prennent le ton du monde. Mais ils ne réalisent plus les joies que Dieu donne. Ils en ont d’autres. «Bienheureux…», dit le Seigneur.

Que chacun de nous veille à ne pas se lasser de connaître uniquement les joies que Dieu donne, et à ne pas boire à d’autres coupes qu’à la coupe que le Seigneur lui réserve dans le chemin. «La portion de mon héritage et de ma coupe», dit le Ps. 16:5. L’héritage, c’est la part éternelle. La coupe, c’est la part distribuée le long du pèlerinage, dans le chemin. Est-ce que Dieu est la source de nos joies, chers amis ? Est-ce que, dans la semaine qui vient de s’écouler, nous avons cherché en Dieu, et en Dieu seulement, la source de nos joies ? «Bienheureux les pauvres en esprit».

Quand nous pensons à notre Seigneur Jésus Christ, sa viande était de faire la volonté de son Père qui était dans les cieux. Et l’extrême opposé de Jésus sera l’antichrist, qui ne fera que sa volonté à lui. Il sera l’image parfaite de l’homme absolument indépendant, le contraire des pauvres en esprit, le contraire de celui qui mène deuil. Le Seigneur est le modèle pour la foi.

Je dirais un mot sur la fin du paragraphe. D’abord de ceux qui sont purs de coeur ; ce sont ceux qui n’ont que Dieu pour objet. Nous avons besoin de faire très attention. On peut commencer pur de coeur, et continuer avec un coeur qui n’est plus pur. On peut avoir soi comme objet, ou beaucoup d’autres choses.

Heureux ceux qui ont le coeur pur. Ce n’est pas facile. Et les chrétiens, ici, qui sont les plus âgés savent quels exercices il faut, pour garder un coeur pur. On disait une fois, en parlant de Paul qui gardait un coeur pur : Mais c’est un vieillard ! Mais Paul aimait ce que tout le monde aime par nature. Et ce n’est pas extraordinaire, que quelqu’un aime les choses du monde. Tout le monde aime les choses du monde. Il n’y a pas un homme qui arrive au monde et qui n’aime pas le monde. Son coeur est fait pour le monde, et le monde est fait pour lui.

«Bienheureux ceux qui sont purs de coeur». Chers amis, il faut être exercés pour être purs de coeurs. Il faut prier. Il ne faut pas que notre enseignement, notre christianisme, soient artificiels, que l’enseignement soit de l’air et ne porte pas. Jésus n’a pas dit cela pour que nous retenions des mots. Le Seigneur est mort pour mettre le sceau sur les propres paroles de Dieu. Il a scellé de son propre sang, pour ainsi dire, les vérités divines. Il est sérieux que ce soit le Seigneur qui ait parlé, comme dans toute la Parole de Dieu. Chers amis, nous pouvons poser la question : Dans la semaine passée, est-ce que tout le monde s’est mis à genoux ? Les chrétiens, frères et soeurs, ont-ils su se mettre à genoux pour demander au Seigneur que leur coeur soit gardé pur ? On n’a pas un brevet pour toute la vie, dans le fait d’être converti. La conversion est une chose ; mais il s’agit d’une autre, dans ce verset : «Bienheureux ceux qui ont le coeur pur». Sans doute, il faut d’abord avoir la vie de Dieu. Mais il faut aussi la réalisation pratique de cette pureté du coeur, qui n’a qu’un objet. Qu’est ce qu’il y a dans votre coeur, chers amis ? Ah, si on nous pose la question, nous nous détournons. Ah, le glaive, le fil du glaive de la Parole de Dieu, l’épée aiguë à deux tranchants qui sépare entre les jointures et les moelles, et qui vient me dire : «Tes meilleurs sentiments sont un péché pour Dieu, et ce qu’il y a pour Dieu en toi, ce n’est que ce que Dieu y a mis» ! Le fil de ce glaive, nous voulons tous le détourner ! Quand l’oeil scrutateur de Dieu veut plonger dans notre coeur et nous dit : «M’aimes-tu ? Est-ce que c’est moi que tu aimes ?», nous nous cachons. On peut se cacher aux frères, aux soeurs, mais pas à Dieu.

Nous devrions avoir ce souci, chers amis, d’avoir le coeur dans la présence constante de Dieu, un coeur pour Christ. Que voulez-vous que le Seigneur pense si vous dites : «Seigneur, je t’aime», et que vous aimiez autre chose ?

Ce discours a une portée générale, morale et spirituelle. Mais je me borne à quelques pensées générales, sans envisager le côté dispensationnel. «Bienheureux ceux qui sont purs de coeur» : il nous faut veiller sur notre coeur. Plus loin, nous avons lu : «La lampe du corps, c’est ton oeil». Ton oeil est simple ou ton oeil est méchant. «Si ton oeil est simple, ton corps tout entier sera plein de lumière». Combien il est indispensable que les parents prient pour leurs enfants, pour qu’ils soient convertis et aussi éclairés ! Quelqu’un peut être très consciencieux, et marcher à l’opposé du chemin de Dieu. Bien des gens ont une conscience naturelle en éveil, et restent incrédules. Ils sont très consciencieux et très sérieux, lorsqu’ils font des choses opposées à Dieu. Il ne suffit pas d’être très consciencieux naturellement. Il faut que la conscience soit éclairée. La lampe, c’est l’oeil. Qu’est-ce que je regarde, quel est l’objet que je regarde ? «Si ton oeil est méchant…» : le christianisme pratique trouve là sa pierre de touche, chers amis. C’est très facile, le christianisme théorique. Il y a des millions de chrétiens théoriques, qui n’ont même pas la vie. «Ce ne sont pas ceux qui me diront Seigneur, Seigneur…» (7:21). Judas a fait des miracles, et combien d’autres depuis. «Vous les reconnaîtrez à leur fruit» (7:16). Nous l’avons dit plusieurs fois, le Seigneur nous l’a précisé d’une façon extraordinaire : «Ce n’est pas celui qui dit…».

Je prie encore, et je supplie les frères, de s’arrêter devant les déclarations de Dieu : «Celui qui dit…». Il peut dire et être un menteur. Mais, est-il écrit : «Moi, je sonde les coeurs et les reins».

Nous trouvons ensuite : «Ne jugez pas afin que vous ne soyez pas jugés». On a prétendu que cette parole interdit l’examen d’une situation par les chrétiens. Elle ne dit pas cela. Nous trouvons ailleurs cette parole : «Vous, ne jugez-vous pas ceux qui sont de dedans ?» (1 Cor. 5:12). Nous n’avons pas le droit de juger les motifs de quelqu’un, parce que c’est l’affaire de Dieu. En le faisant, nous prendrions la place de Dieu. Mais nous sommes tous responsables vis-à-vis du Seigneur, et les frères doivent le réaliser, de tout ce qui se voit et de tout ce qui s’entend. Ils ont plus que le droit de juger, dans ce sens-là ; ils en ont le devoir. Un chrétien qui est dehors, marchant avec n’importe quel milieu, il ne nous appartient pas de rien lui dire. Mais quelqu’un qui est dedans, vous, ne le jugez-vous pas ? J’ai donc à me garder d’imputer tel ou tel motif à quelqu’un. Je dis : «Seigneur, tu sais tout ; cette situation ne me paraît pas claire ; quant aux motifs, tu les connais ; mais j’ai le devoir de juger ce qui est dedans quant aux faits». Tout chrétien en a le devoir ; et il en a la capacité, suivant sa spiritualité. C’est de toute importance.

Le Seigneur est fidèle. Il nous montre notre tendance à être des chrétiens théoriques, très contents d’eux-mêmes. S’il s’agit de la connaissance, tout va très bien. Mais le Seigneur nous met à l’épreuve : Tu as bonne opinion de toi ; nous allons nous rencontrer un peu, tous les deux. Et il nous fait passer à l’épreuve. Une épreuve ne suffit pas ; il en envoie tout le long de la vie, beaucoup. Il est fidèle ; il nous aime.

Et que va-t-il dire à ses pauvres disciples ? On pourrait dire : Comment notre Seigneur Jésus Christ a-t-il pu entraîner à sa suite de pauvres gens pour leur dire : «Lâchez tout ce que vous avez ; vous aviez une vie quiète, tranquille, vous étiez comme tout le monde, suivez-moi. En attendant, faites comme moi, portez votre croix. Voilà la croix» ? Il nous dit la même chose, aujourd’hui. Ah, nous la posons bien souvent, la croix, plus d’une fois par semaine ! Et, pendant que nous la posons, nous ne suivons plus Jésus.

Quel bonheur d’avoir le Seigneur. En voilà un qui ne nous a pas trompés, qui nous a appelés et ne nous a pas trompés. Certes, il ne nous ménage pas. Il n’appelle pas bien ce qui est mal, ni esprit ce qui est la chair, jamais. Mais, quand nous sommes dans la détresse et que nous disons : «Seigneur, mais comment pourrai-je sortir de là ?», sa main se tend et nous soulève. Il en vaut la peine, le christianisme vécu avec le Seigneur. Que de fois les saints en ont fait l’expérience.

Est-ce que nous reculons devant cela ? À l’avance, on dit : Ce n’est pas possible ; tout va être contre moi. Le Seigneur nous dit : Tout a été contre moi ; je sais ce que c’est que d’avoir tout le monde contre soi. Notre Seigneur Jésus Christ a eu tous les hommes contre lui, à part quelques fidèles (est-ce que nous serons comme ces fidèles qui le suivaient ?). Et puis, ayant été abandonné, honni, méprisé, bafoué de tous, il a été frappé par Dieu à cause de nos péchés, de la sixième heure à la neuvième heure. Voilà notre Seigneur, celui que Dieu nous a donné, notre modèle. Vous cherchez un grand homme dans ce monde pour le suivre ? Vous en cherchez encore un ? Vous croyez encore à ce mensonge du diable ? Voilà notre vie, notre modèle. C’est Jésus, et Jésus rejeté de la terre, le délaissé, le méprisé des hommes, l’homme aimé de Dieu et de la foi.

«Vous êtes bienheureux quand on vous injuriera». Il y a encore les souffrances pour la justice (5:10-11). On peut souffrir parce qu’on fait ce qui est juste. Un chrétien doit faire ce qui est juste aux yeux des hommes. Mais, de ce fait, souvent les hommes vous en veulent ; et cela arrive parfois même entre chrétiens. Il arrive qu’en désirant faire ou dire ce qui est juste, on se heurte à des chrétiens qui vous en voudront. Cela arrive souvent ; mais c’est la souffrance pour la justice.

Il y a quelque chose de meilleure encore : «Réjouissez-vous lorsqu’on dira du mal de vous en mentant à cause de moi». C’est souffrir pour Christ. C’est non seulement souffrir pour faire ce qui est bien, même aux yeux des hommes ; mais c’est souffrir pour Christ, par affection pour Christ. Dans le résidu juif, auquel ce discours s’adresse en partie, dans un sens, il y aura des croyants qui seront mis à mort, sous le règne de la bête, dans la dernière demi-semaine. Eh bien, ce verset est pour eux, comme pour tous ceux qui auront été mis à mort pour Christ, ceux qui ont été mis à mort dans les siècles passés, ceux de qui on a dit toute sorte de mal. Et nous, quand on dit du mal de nous en mentant à cause de Christ, est-ce que nous nous réjouissons ? Est-ce que nous savons nous réjouir ? Nous devrions dire : Seigneur, je te rends grâce de ce que tu me donnes cette portion. Le Seigneur, chers amis, a connu toutes les joies et toutes les souffrances, sauf celles que nous connaissons, nous, à cause de nos infidélités.

Il nous faut maintenant penser un peu à cette expression : «être le sel de la terre». Le sel a de la saveur. Il garde de la corruption. Mais si le sel a perdu sa saveur, il n’est bon à rien. Quand perd-il sa saveur ? On n’est pas devant un chrétien comme devant un homme du monde. Il y a de la crainte, devant un chrétien fidèle, même dans le monde. Et, dans ce sens-là, les chrétiens préservent de la corruption, incontestablement. Un chrétien fidèle est craint ; l’expérience de tous les jours le montre. Mais si ce chrétien perd cette autorité morale, que seule peut donner la présence de Dieu (on peut chercher à l’imiter, mais rien d’autre ne la donne), qui fait ressortir que l’homme craint Dieu même s’il le hait, il n’est plus bon à rien. Sommes-nous très pressés d’être semblables au monde ?

Aujourd’hui, il faut répéter ces vérités, dans les assemblées. Et on peut supplier que ceux mêmes qui prêchent l’évangile ne s’arrêtent pas à ce seul service, mais rappellent aussi aux jeunes chrétiens que Christ n’est pas seulement le Sauveur, mais aussi la vie des chrétiens, le modèle des chrétiens. Christ n’est pas seulement pour mourir, mais aussi pour vivre ici-bas. Si Christ n’est pas pour vivre ici-bas, vous ne vivrez pas en chrétien, dans ce monde ; il y a trop d’obstacles. Pour vivre en chrétien dans ce monde, il faut que Christ soit la vie de l’âme. C’est à cause d’une lacune de cet ordre qu’on a pu voir de jeunes convertis, mal enseignés sur ce point, mal nourris, se replonger dans le monde et sombrer dans le monde. C’est triste. Ce n’est pas du tout ce que le Seigneur veut, car il est venu pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés.

«Vous êtes, est-il dit encore, la lumière du monde». Où faut-il aller chercher la lumière ? Auprès des conducteurs, des grands chefs des hommes ? Nous les reconnaissons comme des autorités que Dieu a établies, et Dieu lui-même les appelle des dieux, dans l’Ancien Testament, car ils sont des juges qui représentent Dieu. Mais aucun ne le représente, en fait. C’est pourquoi Dieu dit, dans un Psaume : «Dieu juge au milieu des juges» (82:1), parce qu’ils n’ont pas représenté Dieu comme ils auraient dû faire. Il y a beaucoup de lumières, pour le monde, des hommes qui émergent l’un après l’autre, et que Dieu a placés dans le monde. Mais, à côté de tout ce que les prophètes appellent étoiles par exemple, ou même soleil, à côté des autorités humaines, Dieu a placé une lumière à lui. Et cette lumière à lui, ce sont les chrétiens. Dieu a une lumière. Quand Jésus était ici-bas, il était la lumière du monde. Il ne l’est plus, mais il reste la lumière des croyants. Qui est maintenant la lumière du monde ? Les croyants. Est-ce que nous y pensons un peu ?

Quand quelqu’un est angoissé, perplexe sur telle ou telle question touchant le péché, la mort, le jugement, le bien ou le mal, est-ce que les chrétiens sont là comme des lumières fixes auxquelles ces hommes peuvent s’adresser ? «Vous êtes la lumière du monde».

Je m’arrête en terminant sur la conclusion que le Seigneur donne, bien qu’il y ait beaucoup d’autres choses dans ces versets. Dans la conclusion, il nous dit d’abord : «Beaucoup se glisseront parmi vous en vêtements de brebis». C’est le Seigneur qui le dit. «Vous les reconnaîtrez à leurs fruits». C’est triste, cela, chers amis. On aimerait toujours avoir un coeur ouvert a priori, prêt à accepter a priori tout ce qui se dit, tout ce qui se fait. Mais le Seigneur dit : Voilà, il y en a qui se glisseront parmi vous en vêtements de brebis ; vous les reconnaîtrez à leurs fruits… Ce sont, soit de faux chrétiens, soit de faux apôtres. Ce ne sont pas les douces paroles qui témoignent le plus de la vérité intérieure et de l’amour vrai ; mais c’est très souvent le contraire. Lisez, dans l’Ancien Testament, le Psaume 55, qui parle de l’antichist. C’est un des passages peut-être les plus forts de toute l’Écriture, pour montrer cette attitude de quelqu’un qui est faux et qui se présente sous de beaux dehors. C’est, je crois, l’un des passages les plus forts de l’Écriture : «Ses paroles étaient lisses comme le beurre, mais la guerre était dans son coeur ; ses paroles étaient douces comme l’huile, mais elles sont des épées nues». Plusieurs passages analogues se trouvent dans les Psaumes et dans le Nouveau Testament, où nous avons aussi que plusieurs se glissent sous de beaux dehors. La vérité de Dieu se présente ainsi, avec la grâce de Dieu certes, mais avec toute la force de la vérité de Dieu. Le Seigneur Jésus venait, avec cette droiture dans tout ce qu’il disait, dans tout ce qu’il faisait. Cette clarté, mettant toujours en lumière la vérité, était jointe à la grâce d’une façon divine et parfaite.

«Vous les reconnaîtrez à leurs fruits». Nous pouvons avoir une hésitation à leur sujet, avant qu’ils n’aient porté des fruits. Il faut attendre qu’il y ait des fruits. Que de fois on n’a pas su laisser passer quelques saisons, attendre une saison où un homme porte des fruits. Pas de fruits ; ce n’est pas la saison. Attendons les fruits. Que le Seigneur nous donne de retenir toutes ces choses. C’est lui qui le dit. Et il dit, à la fin : Quant à celui qui entend et ne met pas en pratique, tout ce qu’il aura entendu ne sera d’aucun profit pour lui.

Il ne suffit pas d’entendre. Il faut mettre en pratique, ce qui revient à dire qu’il faut saisir par la foi, comme une vérité vivante, les paroles de notre Seigneur Jésus Christ.

Que notre coeur s’appuie sur Lui, et sur Lui seul.

 

2   Pauvre en esprit — Psaumes 51:17 ; 139:23-24 ; Ésaïe 66:2 ; Matthieu 5:3

 

[LC n° 29]

13 août 1970

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 75

 

La prière d’un chrétien en mauvais état n’est sûrement pas écoutée. «Qui détourne son oreille pour ne pas écouter la loi, sa prière même est une abomination» (Prov. 28:9). La Parole est grâce, mais aussi vérité absolue. Si nous n’y prenons pas garde, nous risquons de nous engager dans la voie de la profession sans vie. Nous ne tromperons jamais Dieu. Les frères et les soeurs, qui ont affaire au Seigneur pour eux-mêmes d’abord, dans cette sainte crainte de Dieu, rejetteront tout compromis ; ils seront de vrais serviteurs du Seigneur, même s’ils n’ont pas de service public. Tout frère, toute soeur, qui, dans l’assemblée, tend à affaiblir le poids de la Parole de Dieu sur la conscience des saints, fait du mal à toute l’assemblée. L’attitude qui plaît à Dieu est tout le contraire de la prétention et de la vanité à la recherche des avantages naturels ou mondains. En donnant une place au «moi», nous frustrons Dieu, nous tordons l’Écriture, nous voulons ignorer ce qui nous gêne pour ne retenir que ce qui nous convient. Ne cherchons pas ailleurs la cause du déclin et de la ruine ! Les bonnes habitudes ne suffisent pas pour faire un choix à la gloire de Dieu ou accepter un renoncement par fidélité envers lui.

Ceux qui plaisent à Dieu, nous le voyons dans l’Écriture, ce sont les petits, les pauvres, les humbles. Il est rare qu’un homme riche ne soit pas fier de sa fortune. Jésus dit au jeune homme riche : «Va, vends tout ce que tu as et donne aux pauvres,… et viens, suis-moi, ayant chargé la croix» (Marc 10:21). C’est toujours vrai. La vie d’un chrétien sans renoncement n’est pas la vie d’un chrétien fidèle. Il est difficile d’être un pauvre en esprit, que le Seigneur appelle bienheureux, quand on est puissant ici-bas. Ceux qui auront satisfait leurs intérêts terrestres, sous le couvert d’une piété et d’une fidélité apparentes, en étouffant parfois la voix de leur conscience, sauront un jour que c’était l’ennemi qui les entraînait. Christ nous aidera à tout surmonter, dans la mesure où nous lui serons attachés.

Le psalmiste dit : «Sonde-moi, ô Dieu !» (Ps. 139:23). Au lieu de fuir, il recherche la lumière. «Regarde s’il y a en moi quelque voie de chagrin». Une voie de chagrin ne désigne pas les épreuves de la vie, mais toute tendance susceptible d’entraîner le coeur dans des chemins d’égarement. «Conduis-moi dans la voie éternelle». «Quiconque veut venir après moi, qu’il se renonce soi-même, et qu’il prenne sa croix, et me suive» (Marc 8:34).

Le Seigneur suit de son regard les petits, les pauvres, les affligés, ceux qui ont davantage besoin de lui. Mais le coeur de ceux qui cherchent à satisfaire tous leurs besoins s’endurcit inévitablement. Si le Seigneur s’occupe d’eux, c’est pour se faire entendre d’eux. Il permet des épreuves pour briser l’orgueil, l’égoïsme, la volonté propre. «Bienheureux les pauvres en esprit» (Matt. 5:3). Qui sont-ils ? Des gens qui ne sont pas intelligents, peu doués, ou marqués par quelque infirmité mentale ? Non, ce sont des croyants, peut-être de la plus haute valeur humaine, mais que le Seigneur rend petits à leurs propres yeux. Ils ont le sentiment de leur néant, de leur petitesse.

Recherchons le Seigneur et marchons dans l’humilité ! Le seul moyen d’être humble, c’est d’avoir Christ dans son coeur. Demandons-lui qu’il nous accorde ce bonheur, cette joie, cette force, pour toute notre carrière !

 

3   Deux paradis — Genèse 3:22-24 ; 4:8-22 ; Apocalypse 22:14-15 ; Jean 14:6 ; Matthieu 7:13-14

 

[LC n° 1]

26 avril 1964

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 9

 

Les premiers chapitres de la Genèse sont d’un extrême intérêt. Les hommes sont bien embarrassés avec des passages comme ceux-là. Il n’y a pas eu de témoin. Il y en a eu pour ce qui concerne la vie de Jésus, par exemple, quoique, en dehors d’une explication et d’une compréhension spirituelles des choses, il ne faille pas nous attendre à un témoignage profitable. Mais pour la création, il n’y a pas de témoin parce qu’il ne pouvait pas y en avoir. Le seul témoin est Celui qui parle. Il laisse tomber ses paroles comme des oracles avec une simplicité qui ne fait que confirmer leur autorité absolue. Il connaît tout à fond parce qu’il a lui-même tout créé. L’Écriture donne au chrétien des réponses sûres aux besoins de son esprit, de son coeur et de sa conscience ; seul il connaît l’explication véritable de cette énigme que constitue le monde dans son état actuel.

L’homme est un être étrange : il a des besoins très élevés, il connaît le bien et le mal et il ne peut pas éliminer de son esprit cette connaissance mystérieuse. C’est sa caractéristique essentielle, bien plus noble que son aptitude à penser ; en cela, il ressemble à Dieu. Il connaît le bien et le mal d’une façon intrinsèque, sans qu’une loi lui impose la distinction entre ce qui est bien et ce qui est mal, même si parfois sa conscience est oblitérée. Il est impossible à l’homme de chasser de son esprit la voix de sa conscience. Cette faculté témoigne qu’il est différent d’une bête. Un enfant très jeune a déjà des réactions qui trahissent l’activité de sa conscience. La lumière entre dans l’homme par la conscience, non par la pensée ou par un effort mental : c’est l’erreur des rationalistes, qui tous aboutissent à une impasse. On ne découvre pas Dieu par la pensée, mais par la conscience. Dieu nous parle d’une façon suffisante, mais très sommaire, des profonds secrets de sa création. En revanche, la Bible toute entière abonde et surabonde en considérations et instructions relatives au bien et au mal. La Parole de Dieu, c’est cela ; c’est ce qui la distingue de tous les livres humains, c’est ce qui la dresse contre tous les livres humains. Si vous parlez à des gens instruits de telle question relative à la création, leurs oreilles s’ouvrent ; ils sont flattés de se considérer comme des dieux capables d’expliquer certains phénomènes de la sphère dans laquelle ils se meuvent et qu’ils estiment être leur propriété. Mais dès que vous touchez la question du péché, vous ne trouvez plus d’oreille pour vous écouter. Or l’Écriture ne parle, au fond, que de cela. On n’aurait pas besoin de la grâce s’il n’y avait pas de péché. La grâce entre en scène parce que le péché l’a précédée. Dieu est trop bon pour nous amuser avec des questions secondaires, comme la création d’un monde qu’il détruira un jour, ou la création de l’homme qu’il détruira aussi dans sa forme actuelle.

La Parole de Dieu est entièrement consacrée aux activités divines à l’égard de la misère qui a fondu sur l’humanité, un des tout premiers jours de la création, en raison d’un péché jugé aujourd’hui dérisoire. Ce n’est pas par convention que les frères le disent, probablement plus et mieux que la plupart des vrais chrétiens d’ailleurs ; s’ils sont vrais devant Dieu, ils le disent par une profonde conviction intérieure : l’homme est un être perdu, et Dieu nous a raconté l’histoire tragique de cette chute. Les moralistes sentent bien qu’il faut regarder cette misère en face, le mensonge, la souffrance, la maladie, la mort. Toutes les couches sociales sont touchées, de l’homme le plus frustre à l’homme le plus raffiné. L’Écriture est claire, il n’y a pas de différence. Le reste est un vernis dont on revêt un matériau perdu. Les frères et les soeurs âgés ont pu l’apprendre en apprenant à se connaître eux-mêmes ; mais je dis cela aux jeunes pour que le monde ne les détourne pas ; ils ont à portée de mains le seul foyer de lumière qui existe dans ce monde couvert de ténèbres.

L’homme est tombé ; Ève a désobéi, Adam l’a suivie. C’est la fin de l’accès à ce paradis d’innocence. Même un enfant n’est pas innocent, dans le sens essentiel du mot ; un enfant ou un homme est innocent à l’égard d’un acte auquel il n’a pas participé. Mais devant Dieu il n’y a pas d’innocence, c’est fini depuis longtemps. Notre conscience nous fait honte du mal que nous ne pouvons pas ne pas faire, même si les hommes se jettent dans les plaisirs ou dans les affaires pour se fuir eux-mêmes.

Le premier couple est chassé hors du paradis. Ce qui est arrivé après cette aube tragique n’est pas moins solennel ; un frère tue son frère. Et pourquoi donc ? «Parce que ses oeuvres étaient mauvaises et que celles de son frère étaient justes» (1 Jean 3:12). Le premier crime a été commis par haine religieuse. Nous sommes descendants d’Adam et Ève ; nous sommes dans le même état moral que Caïn qui a rougi ses mains du sang de son frère. Après la première faute, une seconde : la violence ! Toutes les vagues du mal qui ont suivi celle-là en portent l’image. La jeunesse chrétienne doit veiller à éviter tout contact avec le mal, bien qu’il soit plus difficilement évitable aujourd’hui qu’autrefois.

Caïn est ainsi emporté dans le chemin de la malédiction ; c’est l’histoire du monde. Qu’est-ce que cela peut nous faire qu’il y ait eu, dans l’Égypte ancienne, telle ou telle dynastie, même si certains sont obligés de s’instruire pour faire face à leurs charges professionnelles ? Mais que nos premiers parents soient responsables du meurtre commis par un de leurs enfants, c’est une leçon morale de la plus haute valeur, permanente, universelle et définitive pour l’humanité. Si nous maintenons ce fait biblique que l’humanité ne peut pas être améliorée, ne nous attendons pas à pouvoir partager cette conviction avec tout le monde, même pas avec les personnes convenables et de qualité, même pas avec toutes les personnes véritablement chrétiennes. Certaines d’entre elles n’ont pas abandonné l’espoir d’effacer les traces des crimes de l’homme écrites sur le frontispice de l’humanité par le doigt de Dieu. Le chrétien apprend, dans l’expérience de sa vie, l’exactitude de l’affirmation de Paul, homme de haute valeur morale avant sa conversion et croyant d’élite après sa conversion : «Je sais qu’en moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’habite point de bien» (Rom. 7:18). Il n’est pas nécessaire de marcher sur les traces de Caïn pour arriver à cette conviction. Nous pouvons apprendre cette leçon avec Dieu, et la leçon est encore plus profonde ; nous n’avons pas besoin de l’apprendre avec Satan. À l’école de Dieu, nous apprenons à nous mettre d’accord avec lui. Les frères, avec toute la lumière qu’ils ont reçue sur ces sujets fondamentaux, devraient être les plus humbles de tous les hommes et glorifier Dieu plus que tous les hommes, étant d’accord avec Dieu contre eux-mêmes. Toute prétention est une offense à Dieu parce qu’elle dément les déclarations divines, comme si l’homme avait le droit de lever la tête après tout ce qu’il a fait.

L’origine de la création intéresse les savants ; laissons-leur cela, il faut bien qu’ils fassent quelque chose. Il faut bien qu’un homme ait un objet ; pour l’un, les affaires ; pour l’autre, les arts ; pour l’autre encore, les sciences, ou la philosophie. Le travail en soi est une chose excellente et la paresse est condamnable. Mais la soif inextinguible de l’homme est la démonstration publique et permanente qu’il a perdu Dieu. S’il avait Dieu, il serait tranquille. Au jardin d’Éden, il n’y a pas eu de savants, ni d’artistes, ni de philosophes. Un frère disait : «La perfection pour une créature, c’est de jouir de son Créateur». Au ciel, nous ne ferons pas autre chose, nous n’aurons pas d’autres désirs. Nous serons plongés dans l’amour de Dieu comme dans un océan sans fond ni rivage. Un vase, même fêlé, plongé dans l’océan, reste toujours plein.

L’histoire morale de l’homme, avec toutes ses misères et ses aspirations, avec ses besoins et ses capacités, nous montre qu’il a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu. Si nous frappons un homme, nous commettons un crime de lèse-déité. Après le déluge, le gouvernement de la terre est donné à Noé : le sang de l’homme doit être vengé ; une bête qui avait tué un homme devait être mise à mort. Nous n’avons pas à abaisser l’homme ni à l’élever.

L’homme a, pour ainsi dire, été chassé deux fois : Adam et Ève du jardin d’Éden d’abord, puis Caïn devenu vagabond loin de la présence de Dieu. Nous voyons, dans la descendance de Caïn, la naissance de diverses activités de notre monde. Apparaissent ceux qui habitent sous des tentes, les nomades qui gardent leur bétail ; ceux qui manient la harpe et la flûte, qui s’expriment par les arts ; ceux qui forgent l’airain et le fer, adonnés à la science et à la technique. Ces activités, qui se sont développées au cours des siècles d’une façon si remarquable, prouvent que l’homme, ayant perdu Dieu deux fois, s’est dépensé fébrilement à satisfaire ses aspirations sans Dieu. Ces activités, auxquelles d’ailleurs nous participons nécessairement à notre époque où l’homme fait tant de prouesses, qui ne dépassent pourtant guère celles de cette époque primitive où il y avait si peu de ressources, démontrent les aptitudes intellectuelles de cette créature qui a perdu Dieu et qui, d’une génération à l’autre, erre à droite et à gauche sans trouver un lieu de repos. Des hommes très brillants auront peiné toute leur vie en laissant espérer l’aurore d’un jour meilleur. Or tout cela est condamné : nous ne pouvons pas faire Dieu menteur. Toute page de l’Écriture est signée de Celui qui ne peut mentir ou se démentir, l’alpha et l’oméga, qui était avant quoi que ce soit fût et qui sera quand tout aura disparu sous sa forme actuelle. Que Dieu nous élève à ses propres hauteurs !

Un paradis s’est fermé à jamais, celui des deux arbres. Un autre paradis s’est ouvert, celui d’un seul arbre. «Bienheureux ceux qui lavent leurs robes, afin qu’ils aient droit à l’arbre de vie» (Apoc. 22:14), qui est dans le paradis de Dieu. La fin de l’Écriture fait contraste avec le commencement. Le désastre du commencement fait place à la grâce souveraine et victorieuse. Il n’y a plus l’arbre de la connaissance du bien et du mal, celui de l’homme responsable. Adam, mis à l’épreuve, est tombé, et le chemin de l’arbre de vie est devenu inaccessible. Alors Dieu est intervenu en grâce souveraine, sans nous demander notre avis. Il y a désormais deux domaines, celui de la gloire de Dieu, de la bénédiction absolue dans la présence de Dieu, et celui des ténèbres du dehors. L’oeuvre de Christ ouvre un autre monde défini par le paradis de Dieu où il n’y a plus que l’arbre de vie, et l’arbre de vie, c’est Christ. La question de la responsabilité de l’homme a été résolue par Christ à la croix. Dieu, ayant été glorifié par le sacrifice de Christ, peut, en justice et en grâce, ouvrir toutes grandes les portes d’un monde nouveau ; quiconque peut y entrer en lavant sa robe. Chacun est individuellement responsable devant Dieu : ajouter foi à ce que Dieu lui offre, ou demeurer sous sa propre responsabilité. Il y a la porte étroite et la porte large. Peu nombreux sont ceux qui suivent le chemin resserré, nombreux sont ceux qui suivent le chemin spacieux. Mépriser la grâce, c’est outrager Dieu. «Moi, je suis le chemin, et la vérité, et la vie ; nul ne vient au Père que par moi» (Jean 14:6), dit Jésus. Ce n’est pas en pensant qu’on trouve Dieu, ni en faisant de bonnes oeuvres, ni en étant un honnête homme. Le seul chemin pour accéder à la connaissance de Dieu, c’est celui de la foi en Christ qui est le chemin du paradis de Dieu, et ce chemin passe par la croix.

 

4   Le brigand sur la croix — Matthieu 11:25-30 ; Luc 23:39-46

 

[LC n° 38]

3 février 1957

 

Chacun a remarqué que l’évangile de Luc, tout en suivant le plan général des deux premiers évangiles, en diffère sensiblement. Par exemple, la partie centrale (et essentiellement morale) de Luc, les paraboles (dont la plus connue est celle du fils prodigue), ne se trouve pas ailleurs. Il y a d’autres choses qui ne se trouvent que dans Luc. Le Saint Esprit nous présente, dans Luc, les faits moraux, et la bénédiction morale présente apportée par le Seigneur, avec des révélations morales projetant une vive lumière sur l’état de l’homme. C’est dans Luc seulement qu’on trouve, après la parabole des outres et du vin nouveau, une remarque finale, trait vif de lumière morale révélatrice de l’état du coeur de l’homme : «il n’y a personne qui ait bu du vieux, qui veuille aussitôt du nouveau ; car il dit : Le vieux est meilleur» (Luc 5:39). Ce trait nous dépeint l’inéluctable tendance du coeur de l’homme à préférer ses propres pensées, à se préférer lui-même, à ce que Dieu lui apporte d’entièrement nouveau, d’essentiellement différent. Cette déclaration du Saint Esprit est applicable à des positions religieuses. Mais, dans Luc, nous trouvons surtout le côté moral des faits (bien que tout se tienne).

Nous savons, hélas, par notre propre expérience, avec quelle ténacité notre coeur naturel se tourne vers ce qu’il a toujours aimé, et se détourne de ce qu’il a toujours, également, invariablement haï ! Ce que notre coeur naturel a toujours aimé, c’est lui-même ; et ce qu’il a toujours haï, c’est Dieu. Ces traits brillants de lumière morale que nous trouvons dans Luc donnent à la vérité éternelle des expressions beaucoup plus fortes, beaucoup plus puissantes que tous les développements qu’on pourrait imaginer. Nous trouvons aussi, dans Luc, ce récit merveilleux, tant de fois lu et tant de fois médité, de cette pauvre femme du chapitre 7, qui dépeint exactement la façon dont une âme, sous l’effet du travail divin, arrive à la connaissance du Seigneur. Cette scène, qui fait ressortir la confession muette mais combien touchante de cette femme, nous donne par là une instruction profonde quant aux indices sûrs du travail de Dieu dans une âme qui a trouvé le Seigneur Jésus.

Chacun, d’ailleurs, peut trouver du profit à rechercher, dans la lecture de l’évangile de Luc, ce qui le distingue des autres évangiles, en particulier dans la scène de la croix. Il en est parlé dans Luc avec des détails qu’on ne trouve dans aucun des trois autres évangiles. Seul Luc rapporte un fait d’une immense importance, en nous parlant des deux hommes qui ont été les compagnons de Jésus quand le Seigneur connaissait l’opprobre et l’outrage, dans ce spectacle qui s’offrait à tout l’univers, à tous les hommes, au cours des siècles — et, ne l’oublions pas non plus, aux anges.

Partout où il a passé, notre Seigneur Jésus Christ a manifesté ce qu’on ne trouve et qu’on ne peut trouver qu’en lui. À chacun des pas qu’il fait, nous voyons toujours jaillir des rayons de grâce et de lumière, qui montrent que celui qui passe, là où il passe, est toujours supérieur à tout ce qu’il rencontre.

La croix a abaissé Jésus comme rien d’autre ne pouvait l’abaisser. Il a accepté cet abaissement. Il a accepté la honte sans nom d’être présenté comme il l’a été sur la croix, d’être présenté comme le dernier, à la dernière place. Du point de vue de l’homme, c’était la dernière place. Il l’a prise. Il savait ce que c’était que de prendre la dernière place. Il n’a disputé la place à personne, et personne ne pouvait lui disputer la sienne ; car les hommes ne se précipitent pas vers la seule place qui soit toujours vide, la dernière.

Notre Seigneur Jésus Christ est le même partout où il passe, que ce soit dans la crèche, que ce soit dans sa vie d’homme obscur — car il a été cela, un homme ignoré, un homme obscur (nous pouvons nous demander où était sa demeure), un homme inconnu, un homme dont le secret de la vie était connu de lui seul, et qui trouvait à faire la volonté de Dieu des délices ininterrompues —  où qu’il soit. Et il est le seul merveilleux, le seul qui puisse éblouir les yeux de la foi.

Arrêtons-nous sur cette scène de la croix qui est placée devant nous. Nous avons tous fait tout notre possible pour que Jésus soit accablé par une honte telle qu’il refuse de l’accepter, tous fait notre possible pour qu’il refuse d’accepter la croix. On a fait tout ce qu’on a pu pour cela. Et nous sommes tous coupables de cette réjection de Christ, tous. C’était une épreuve à laquelle il était soumis, que d’avoir à rencontrer la honte, la honte publique, la honte qu’il était obligé de confesser, mais à laquelle le coup le plus dur allait se rajouter, celui dont Dieu lui-même devait le frapper. Combien il est nécessaire que, dans toutes nos réunions, et nos méditations aussi, nous ne perdions pas de vue ce fait essentiel : la mort de Jésus sur la croix, et les conditions dans lesquelles cette mort s’est réalisée.

Nous sommes tous très fiers, très vaniteux, très susceptibles, quand il s’agit de notre réputation. Et combien d’hommes, par souci pour leur réputation, iront en enfer ! Ils auront préféré leur réputation à l’approbation de Dieu. Il n’y a rien sur quoi l’homme soit plus difficile que sur sa réputation. «C’est pourquoi mon peuple se tourne de ce côté-là, et on lui verse l’eau à pleins bords», dit le psaume 73 (v. 10), psaume prophétique et historique en même temps, qui montre que ceux qui flattent la réputation du peuple de Dieu (ou de tout homme) ont facilement l’oreille et le coeur de ceux qu’ils flattent.

Ah, la flatterie, comme nous l’aimons ! Nous l’aimons tellement que, lorsque personne ne nous flatte, nous nous flattons nous-mêmes, dans le temple secret de nos coeurs. Cela n’est-il pas vrai, chers amis ? Il y a là une emprise indéfinissable du mal sur le coeur naturel, et à laquelle chacun est sensible. D’ailleurs, la société humaine, la société en chute, est fondée sur cela.

Chers amis, frères et soeurs, chers rachetés du Seigneur, que Dieu nous soit en aide, pour détruire dans nos propres coeurs ce mal intérieur qui nous égare et nous emporte loin de Dieu. Mais nous qui connaissons le Seigneur Jésus, dont nous pouvons dire qu’il est notre Sauveur et notre libérateur — Sauveur dans le sens de libérateur, de substitut, car il a porté nos péchés en son corps sur le bois, mais aussi dans le sens de libérateur, de rédempteur qui délivre — sachons que la première de toutes les puissances dont nous avons à être délivrés, c’est celle-là : l’emprise sur nous-mêmes de notre propre moi.

Quelle merveille que la croix par laquelle vient cette délivrance ! Aussi ne demandons pas la réalisation de la délivrance de soi-même à un inconverti, et ne la demandons guère à un jeune chrétien. Mais nous, qui avons des années de vie chrétienne, ne l’avons-nous pas un peu apprise ? Autrement, c’est bien dommage et bien triste.

Il n’y a rien de plus subtil que le moi, chers amis. Mais ne jetons la pierre à personne, car c’est un mal universel, et qui fait que, lorsqu’on ne veille pas, lorsqu’on ne jouit pas du Seigneur, lorsqu’on ne cultive pas des rapports avec Dieu et avec le Seigneur, et qu’ainsi le coeur est vide de Christ, voilà qu’il se remplit à flot de ce qui est de la terre.

Quel bonheur d’avoir la Parole qui jette sa lumière divine, absolue, implacable, sur notre coeur, pour nous bénir.

Mais notre Seigneur Jésus Christ n’a pas pensé à sa réputation. Il n’avait pas cela devant lui. Souvenons-nous qu’on lui disait en face : «Ne disons-nous pas bien que tu es un samaritain» (Jean 8:48), et qu’on disait de lui : «il a un démon et il est fou, pourquoi l’écoutez-vous ?», et encore : «il chasse les démons par Béelzébul, le chef des démons» (Luc 11:15). Pensons un peu à cela, nous qui sommes si susceptibles. Celui qui désire défendre la gloire du Seigneur saura d’ailleurs, mis à l’épreuve, combien cette épreuve est dure.

Remarquons qu’il était bien facile d’insulter le Seigneur. C’était un charpentier. «Charpentier» et «fils de charpentier» : on trouve ces deux qualificatifs, dans l’Écriture.

Quelle merveille que la vie de notre Seigneur Jésus Christ ! Comme Jésus met tout à sa place, non pas dans les faits, mais quant aux vérités morales. Et il veut mettre de l’ordre dans notre coeur. Quelle merveille de grâce, chers amis ! C’est merveilleux, cela ! Nous pouvons bien dire, à l’exemple du brigand repenti : Ah, mon Maître, mon Sauveur, celui dont je me glorifie, c’est lui qui est là, sur la croix ; voilà celui dont je me réclame, celui qui pour moi est plus que tout le monde entier ! Mais soyons gardés de le dire sous l’effet d’une exaltation, ou parce que d’autres le disent !

Ce brigand sur la croix est un homme peu ordinaire ! Lequel d’entre nous n’envierait pas de faire ce qu’il a fait par la foi, quand il était cloué sur la croix, devant tout le monde ! Quelle leçon pour nous, qui aimons tellement à paraître et à avoir une très bonne place, une place chrétienne, ou une bonne place dans ce qu’on appelle l’échelle sociale ! Il confesse le nom du Seigneur quand il n’y avait, extérieurement, aucune raison de le faire. Il ne pouvait espérer des autres aucun secours, et tous se moquaient de Jésus… Eh bien, ce brigand (son nom, nous le saurons un jour ; nous saurons le nom de cet homme) a fait, à ce moment-là, ce que nous pouvons, de tout notre coeur, désirer imiter. Et il est tout seul à l’avoir fait. Autour de lui, dans la foule, tous les éléments sociaux et religieux se trouvaient réunis. Et voilà la merveille de la foi, l’intelligence de la foi, l’énergie de la foi, la certitude de la foi : il ne s’occupe de personne. S’il avait tenu compte du jugement qu’on a rendu sur Jésus, il aurait dit : Jésus est condamné par des juges, par des hommes qualifiés extérieurement, des hommes officiels (car le pouvoir civil et le pouvoir religieux ont ensemble condamné le Seigneur). Il aurait pu dire : Moi, je suis moins compétent que tous les juges pour porter un jugement sur Christ. Mais ce témoignage jaillit de son coeur : «Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire» (23:41). Voilà ce qui sort du fond de son coeur. Il est à l’encontre de tous les autres. Il dit l’inverse de ce que tout le monde a dit !

Avons-nous, parfois, fait comme ce brigand, l’avons-nous imité ? Hélas bien peu, chers amis !

Il y a un autre point qui brille, dans son attitude. Cet homme souffrait de toutes manières, physiquement et aussi moralement, sous le poids de la honte d’être rejeté par la société. Est-ce qu’il pense à ses souffrances ? Non : «celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire». En pensant à lui, il confesse : «Nous recevons justement ce que méritent les choses que nous avons faites» ! Il reprend son compagnon. Merveilleux effet de la grâce, il parle de lui pour dire : Moi, je suis justement condamné !

On passe souvent cette confession sous silence. Mais remarquons la vérité de l’Écriture. On présente le cas du brigand sur la croix comme une merveille de grâce — c’en est une. Mais c’est une merveille de vérité non moins grande. Cet homme, devant tous ceux qui l’ont condamné, au lieu d’être rempli de ressentiment et de haine, et au lieu d’être accablé par ses souffrances, dit : «Nous recevons justement ce que nous méritons». C’est la confession de ce qu’il a fait ! La femme de Luc 7 nous enseigne tout pareillement, car toute son attitude était une confession — muette sans doute, mais combien éloquente. On en trouve d’autres exemples. La confession est un signe qui démontre que Dieu est en train de bouleverser une âme, de fouiller une âme jusqu’au fond. Il la fait parler, et non pas avec un langage de convention ! Ce que dit le brigand glorifie Dieu bien mieux que n’importe quel discours de théologien. Pourquoi ? Parce qu’il accepte sa sentence ; il proclame ce sentiment profond qu’il a manqué, qu’il est un pécheur. En même temps, il déclare que Jésus, qui est là, est juste, bien qu’il soit en apparence plus abaissé même que lui, parce qu’aux insultes des autres se sont encore ajoutées celles des deux brigands, celui-ci avant qu’il fût touché par Dieu, et l’autre. Ce qu’il dit a le cachet et la puissance de la vérité. Quand Dieu fait parler un homme, on sent que c’est Dieu qui le fait parler.

Que Dieu nous donne d’avoir affaire à lui tout le temps, à lui d’abord, et souvent à lui seul !

Quelle scène ! Voilà deux hommes exactement dans la même condition, tous les deux brigands. L’un ne voit pas ; l’autre voit. Il voit, sur la tête de Jésus meurtrie par la couronne d’épines, une autre couronne. «Souviens-toi de moi, Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume». «Celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire». Et puis il voit le roi que Dieu a par devers lui. Quelle foi, chers amis !

On nous demande : Vous croyez en Jésus ? Mais vous ne l’avez pas vu ! «Quoique nous ne l’ayons pas vu, nous l’aimons ; et, croyant en lui, quoique maintenant nous ne le voyions pas, nous nous réjouissons d’une joie ineffable et glorieuse» (1 Pierre 1:8).

Le christianisme, et toutes les interventions divines, se moquent de nos pauvres appréciations humaines. Quand Dieu entre en scène, tout ce que l’homme fait, ses jugements, ses traditions, ses conventions, son éducation, tout cela est jeté par terre !

C’est ainsi qu’être converti, cela ne veut pas dire s’être rangé dans sa vie. Il y a beaucoup de personnes qui se sont rangées. D’ailleurs, le seul souci de sa réputation peut faire qu’on se surveille. Il y aura des gens très intègres, honnêtes, braves gens, qui seront dans les ténèbres de dehors. Cela ne veut pas dire qu’il faille devenir un criminel pour être converti, car il y aura aussi des multitudes de criminels dans les ténèbres de dehors. Mais lorsque la foi agit — c’est l’action de la Parole et du Saint Esprit dans l’âme — elle se manifeste aussi bien dans le brigand sur la croix que dans l’homme bien élevé, et dans le jeune homme ou la jeune fille qui a reçu une éducation chrétienne et biblique très scripturaire.

Peut-être que certains ne sont pas satisfaits d’avoir pour compagnon de foi un brigand ! Pourtant, parmi ceux qui ont confessé le Seigneur, c’est un des plus brillants exemples de la foi, du salut et de la façon dont le Seigneur peut être honoré par les siens ! C’était un brigand ! Mais si le Seigneur n’a pas repoussé la compagnie de cet homme et a répondu à cette foi à laquelle il ne peut jamais ne pas répondre, nous, nous pouvons être heureux de compter parmi ceux que nous verrons dans la gloire de Dieu ce brigand, et d’autres, et de plus coupables que tous ceux-là : chacun de nous-mêmes. Comme c’est heureux, chers amis, de nous arrêter devant les sources éternelles de la vérité, de cette vérité que l’activité de notre esprit et de notre coeur voile et obscurcit ! La vérité brille dans l’Écriture, toute nette, absolue, merveilleuse. Qu’on est heureux, chers amis, de lire la Parole ! Jamais on ne s’en lasse ! Dans ce monde, vous ne pouvez pas marcher avec vous-mêmes sans être fatigué en dix minutes. Avec le Seigneur, on ne se fatigue pas. Avec lui, nous goûtons déjà les joies pures, éternelles et toujours nouvelles, qui seront le partage des élus.

«Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis» (23:43). Ce n’est pas, comme on a voulu le dire : Je te dis aujourd’hui : Tu seras avec moi dans le paradis, plus tard. Mais : «Aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis». Il est parti dans le paradis de Dieu le même jour que le Seigneur. Est-ce que ce n’est pas merveilleux et glorieux ?

Si Dieu est Dieu, il doit s’occuper de tout le monde. Il ne peut pas choisir un roi plutôt qu’un brigand. Il est écrit, d’ailleurs : «il n’y a pas de différence, car tous ont péché et n’atteignent pas à la gloire de Dieu» (Romains 3:22). Est-ce que, chers amis, nous ne sommes pas parfois aveuglés par les différences établies dans le monde ? Rendons honneur à qui l’honneur — c’est écrit — et sans peine, sans arrière-pensée. Honorons qui nous devons honorer et, d’une façon générale, tous les hommes. Mais, quand il s’agit de la présence de Dieu et du Seigneur, il n’y a pas de différence. Et c’est la grâce du Seigneur seule qui peut répondre aux besoins du pécheur.

Un mot sur le passage que nous avons lu en Matthieu 11. Il rassemble en quelques phrases des déclarations d’une portée et d’une profondeur exceptionnelles. Dans ce chapitre 11, un changement se réalise dans la position du Seigneur. À partir de ce moment-là, il est le Messie rejeté. Eh bien, au lieu d’être accablé par son rejet — pourtant il en souffrait infiniment — il trouve son réconfort et sa joie dans la communion avec son Père : «Je te loue, ô Père, Seigneur du ciel et de la terre». C’est le langage du Messie rejeté.

Est-ce que nous, chrétiens, frères et soeurs, nous trouvons, au milieu de nos souffrances, notre réconfort dans la communion avec le Seigneur et avec le Père ? Nous pouvons, il est vrai, être encouragés par la sympathie chrétienne. C’est une fleur qui croît et se développe dans le coeur qui cherche Jésus, qui vit près de Jésus. Mais, avant tout, cherchons les ressources qui sont dans le coeur de Jésus. Alors, au lieu de se fermer, de s’isoler, de se protéger contre ce qu’il ne peut pas ne pas trouver autour de lui dans ce monde, notre coeur s’ouvrira, comme le coeur de Jésus l’a fait : «Je te loue, ô Père». Mais le Seigneur ne s’arrête pas là, et c’est une merveille. Il ajoute, alors même qu’il est méprisé et rejeté : «Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos». Il n’y a pas un coeur semblable à celui de Jésus ! Que le Seigneur nous donne de boire à la source qui en jaillit éternellement.

 

5   Avoir affaire avec Dieu — Matthieu 11:29-30 ; Colossiens 1:9-11 ; Galates 5:16-26 ; 2:19

 

[LC n° 39]

juin 1969

 

Le Seigneur est venu visiter la terre. Il est venu, et a rencontré tout ce qui, moralement, caractérisait l’état de péché, tout cet état de choses qui, depuis ce premier drame, avait considérablement fleuri.

Depuis l’histoire d’Israël, il n’y avait que de la misère. À chaque pas, le Seigneur rencontrait les conséquences du péché. La Parole est toujours aussi belle. Personne ne peut parler comme le Seigneur l’a fait.

«Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos» (Matt. 11:28). Voilà une parole que nous pouvons faire entendre. Et dire que nous pouvons l’avoir d’une façon continue ! S’il n’en est pas ainsi, c’est de notre faute. Les hommes du monde, il n’y a rien, pour eux, qui les rassasie. Le repos de Dieu, c’est le terme final des pensées de Dieu à notre égard. Ce n’est pas le repos de l’homme, mais le repos de Dieu.

Notre activité est toutefois dans le repos. Un croyant qui travaille pour son Maître a de la fatigue. Mais, au fond de son coeur, se trouve le repos. Le repos ne peut se trouver qu’en Dieu.

On l’a souvent dit : Le monde ne peut remplir un cœur. Mais Dieu peut le faire. Est-ce cela que nous recherchons ? Connaissons-nous ce bonheur, chers amis ?

Dieu seul peut dire : «Venez à moi». Nous ne pouvons pas le dire. Nous n’avons pas le droit de détourner les âmes de Dieu seul. Voilà le joug de la liberté. La volonté propre est le premier vice, chez l’homme. L’homme n’a pas le droit d’avoir une volonté propre.

«Venez à moi, et vous trouverez le repos de vos âmes». Le secret du bonheur se trouve dans la dépendance avec le Seigneur.

Vous n’avez jamais vu quelqu’un qui vit dans la communion avec le Seigneur être malheureux. On n’a pas besoin de marcher dans les chemins du monde, pour apprendre ce qu’est le monde.

Notre grande affaire, notre grand problème, pour nous tous, chers amis, c’est de vivre avec le Seigneur, que nous soyons seuls ou que nous soyons ensemble. Nous avons des progrès à faire, sans doute. Avons-nous considéré la vie de cet homme, Hénoc ? Il a marché avec Dieu trois cents ans. Et, à cette époque, il n’était pas facile d’être un témoin.

Un chrétien qui raisonne est toujours en mauvais état. Dans la lumière, on ne raisonne pas. Avec Dieu, on ne raisonne plus.

Que le Seigneur, chers amis, nous donne de nous attacher à lui dans notre coeur. Dans ces conditions, vous n’aurez pas à rebrousser chemin. Jamais vous n’aurez à revenir en arrière. La dépendance est un fardeau léger. Il n’y a rien de si tyrannique que la propre volonté. «Venez à moi, vous tous qui vous fatiguez et qui êtes chargés, et moi, je vous donnerai du repos».

Nous avons à faire à Dieu. Qu’y a-t-il au-dessus ? Rien. Au ciel, nous n’aurons pas autre chose. Au ciel, nous n’aurons besoin de rien d’autre. Qu’il nous soit donné, chers amis, de ne pas faire des efforts qui échouent. Ce n’est pas bien, cela ! Qu’il nous soit donné de vivre avec lui, pas à pas. C’est un homme heureux, celui-là.

Col. 1:9-11 : Ce sont des exhortations pour chaque croyant. «Remplis de la connaissance de sa volonté». Est-ce que nous connaissons Dieu mieux qu’il y a dix ans ? Alors Dieu est connu de plus près. Il a une plus grande place dans le coeur. Qu’y a-t-il au-dessus ? Rien.

La foi honore Dieu, en croyant la Parole, en croyant Dieu.

Les inconvertis s’occupent de la première création, alors que les croyants s’occupent de la deuxième création.

«Fortifiés en toute force, selon la puissance de sa gloire, pour toute patience et constance, avec joie…». Cela nous arrive, de manquer de force. Si nous étions plus vigilants, cela ne nous arriverait point.

Il y avait un martyr qui disait, un peu avant d’être décapité : «Courage, mes frères, je vois la gloire en Dieu !». Si nous étions plus conscients que toute cette gloire est à nous !

Que voulez-vous qu’on fasse à de tels hommes ? Ils sont invincibles. On ne savait qu’en faire, de ces gens, qui ont brillamment été fidèles jusqu’à la mort. On ne pouvait pas leur ôter Christ dans leur coeur. On ne savait pas qu’en faire. «Toute patience et constance, avec joie» (v. 11) : La foi relevait le tout, «avec joie». Quand vous voyez quelqu’un qui est accablé, et qui est heureux malgré tout dans son coeur, vous dites : Dieu est là. Il ne peut en être autrement. Il y en a certainement, et peut-être dans des milieux que nous n’attendrions pas. Et cela est vrai.

Quelqu’un disait : «Oh, les prisons sont les collèges où le Seigneur fait passer les siens». Et celui qui en parlait en savait quelque chose.

Que le Seigneur nous réveille tous, chers amis ; c’est-à-dire, qu’il devienne plus cher à nos coeurs. On ne se réjouit pas dans les circonstances heureuses (sinon, cela tarit avec notre joie), mais dans le donateur. On se réjouit en lui. On pourra voir cela chez des croyants qui ont été sevrés des choses naturelles de la vie, ce contentement en Dieu seul, parce que Dieu était leur seule ressource. Est-ce du temps gagné, ou du temps perdu ? C’est sûrement du temps gagné. On le verra au tribunal de Christ.

Il y aura trois choses qui nous surprendront, arrivés au ciel. D’abord, de m’y trouver moi-même ; ensuite, d’y voir des personnes que je n’aurais pas pensé y trouver ; et aussi, de ne pas y voir ceux que je m’attendais à y trouver.

Un frère a dit : L’esprit de soumission et de dépendance envers Dieu est supérieur à tout don, même la puissance du témoignage. C’est tout céder, tout accepter. L’état de ce chrétien est supérieur à ce que fait ce chrétien. Et c’est toujours le point le plus délicat, une vie de confiance, d’humilité, de contentement. «Or la piété avec le contentement est un grand gain» (1 Tim. 6:6). Que le Seigneur nous fasse faire des expériences avec lui ! Que nous ne le chassions pas de notre vie. Un christianisme honoré par le monde n’est pas un christianisme honoré par Dieu. Là où il n’y a que Christ, la réponse, c’est la haine. Il n’y a que cela. La pierre de touche, c’est Christ. Parce que Dieu, par Christ, a manifesté la lumière selon Dieu.

Nous avons le secret que les autres cherchent. La vérité, qui la donnera ? Chacun, dans la fosse, tombe. Il n’y a pas de réponses à ces questions, dans ce monde. Tandis qu’avec le Seigneur, nous avons toutes les réponses dont nous avons besoin. Que le Seigneur nous soit en aide, et nous garde bien près de lui.

Le «moi» est un traître. C’est par le Saint Esprit que nous pouvons tenir le «moi» à sa place.

Que le Seigneur nous soit en aide, à tous !

 

6   Préparé par Dieu, séparé pour Dieu — Matthieu 12:22-50 ; 13:1-9, 18-23, 47-50

 

[LC n° 40]

novembre 1947

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 98

 

Dieu avait introduit Israël en Canaan, chassant devant lui les peuples qui y habitaient et dont l’iniquité était parvenue à son comble. Il se servait de l’épée d’Israël pour châtier ces peuples impies. Il continue d’agir ainsi : un peuple est une verge pour un autre peuple ; c’est le gouvernement de Dieu. Mais Israël est tombé dans l’idolâtrie et a fait des choses plus graves que les nations qui habitaient le pays avant lui. Pourtant Dieu avait averti Israël : «Si vous ne dépossédez pas devant vous les habitants du pays, ceux d’entre eux que vous laisserez de reste seront comme des épines à vos yeux et comme des piquants dans vos côtés» (Nomb. 33:55). Mais Israël a dit : «Je suis bien aussi sage que Dieu ; un peu de charité à l’égard de mes voisins et je répondrai bien quand même à ce que Dieu attend de moi». Dieu ne parle jamais pour ne rien dire. Il connaît notre coeur mieux que nous. Entre deux conseils, nous devrions toujours suivre celui de Dieu, même s’il va à l’encontre de nos desseins les plus chers. Dieu ne s’est jamais trompé.

Israël — faute terrible — n’a pas honoré Dieu en gardant sa Parole. Il a fait comme les nations. Il est revenu de la captivité de Babylone débarrassé du démon de l’idolâtrie, certes, mais habité par sept autres esprits plus mauvais que lui : Israël a rejeté son Messie. Les évangiles relatent la dernière expérience que Dieu a faite avec Israël, c’est-à-dire avec l’homme. Non seulement il a envoyé ses prophètes, chaque jour se levant de bonne heure, comme disent plusieurs passages, mais il s’est présenté dans son Fils. La conclusion ? «Nous ne voulons pas que celui-ci règne sur nous» (Luc 19:14). Ne jetons pas la pierre à Israël ! Toute l’humanité était représentée à la croix, les Gentils et les Juifs, tout le monde y était. Et nous, nous l’avons rejeté toutes les fois que nous avons renié notre maître et seigneur Jésus Christ ; toutes les fois qu’un objet passe avant Christ dans nos coeurs, nous ne voulons pas de son empire sur nous. Il est très facile de voir les choses de loin, dans le temps et dans l’espace, mais quand nous sommes devant Dieu, nous disons : «Dieu a écrit mon histoire en écrivant celle d’Israël, l’histoire de tous ceux qui ont péché, la mienne». Il faudrait que nous soyons amenés à dire, comme Job : «Maintenant mon oeil t’a vu : c’est pourquoi j’ai horreur de moi, et je me repens dans la poussière et dans la cendre» (Job 42:5-6). Il n’y a rien de si beau ! «Mon oeil t’a vu», c’est fini, j’ai compris. Si nous marchons devant les hommes au lieu de marcher devant Dieu, nous aurons manqué notre vie.

Après la croix, Dieu a prolongé encore l’épreuve d’Israël, en réponse à la prière de Jésus : «Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font» (Luc 23:34). Le Seigneur leur a envoyé un ambassadeur, Étienne. Ils ont tué l’ambassadeur. Alors l’histoire d’Israël est close, Dieu a épuisé l’expérience d’Israël. Dieu pense désormais à Israël en grâce souveraine.

Le péché contre le Saint Esprit : on en a beaucoup parlé ; des âmes ont été troublées. «Il ne lui sera pardonné ni dans ce siècle, ni dans celui qui est à venir» (Matt. 12:32). Pour les Juifs, il y a trois siècles : avant la loi, la loi, le règne millénaire. Ils savaient que celui-ci serait un règne de bénédiction. Dire que ce péché ne serait pardonné ni dans ce siècle ni dans le règne, cela voulait dire qu’il ne serait jamais pardonné. Le péché contre le Fils de l’homme serait pardonné, le péché contre le Saint Esprit jamais. Le péché contre le Fils de l’homme, c’est son rejet. Après son ascension, il y a eu le don du Saint Esprit. Nous sommes sous cette dispensation ; c’est la période chrétienne. Dieu offre le salut, même après le rejet du Fils de l’homme. Mais dans ce salut par la foi en Jésus et ce don de l’Esprit réside le conseil total de Dieu. Dieu n’a plus rien à offrir à l’homme après cela. N’attendons pas mieux ! Dieu a ouvert et vidé son coeur, de sorte que celui qui rejette le témoignage du salut rendu par le Saint Esprit n’a pas à attendre d’autre grâce de la part de Dieu. Le seul chemin pour arriver à Dieu, c’est Jésus.

Dans Hébreux 6 et 10, le rejet de la grâce et de la vérité place l’âme dans une position sans miséricorde. Or il s’agit de personnes qui ont été influencées extérieurement seulement par la puissance du Saint Esprit. Lorsque le Saint Esprit est venu à la Pentecôte, la maison même a tremblé ; il y a donc de toute évidence des effets de la puissance du Saint Esprit qui ne sont pas des effets vitaux. Être sous l’effet du Saint Esprit ne suppose pas du tout la vie ; le chrétien qui a été scellé du Saint Esprit, chez lequel le Saint Esprit habite, a la vie ; mais les influences extérieures du Saint Esprit sur un homme ne supposent pas du tout que cet homme ait la vie. Balaam, Saül et d’autres ont prophétisé.

Le Seigneur rencontre l’opposition ; les pharisiens se mettent en travers de son chemin. Il y a toujours de l’opposition à la vérité. Si le Seigneur avait cherché à leur faire plaisir, à les flatter, à accommoder la vérité à leur état d’esprit, il n’y aurait pas eu d’opposition. Ils le harcèlent tellement que le Seigneur, plein de grâce, est obligé de leur dire les choses les plus dures : «Vous avez pour père le diable» (Jean 8:44). C’est la condition d’un inconverti, il est «enfant du diable». C’est terrible ! Nous voulons souvent ménager la chair chez d’autres, mais, au fond, c’est pour la ménager en nous ; nous voulons nous ménager nous-mêmes.

S’il ne veille pas, un chrétien peut, après avoir été heureux le dimanche, être dans le monde le lundi, parler comme lui, aimer ce qu’il aime. Et une assemblée ! Elle peut être spirituelle un temps et tout à coup se révéler charnelle, conduite par la chair, par la volonté propre, alors que tout devrait être fait avec dépendance, pour la gloire de Dieu. Le déclin vient par le détail, par les défaites dans les petites choses : on perd la capacité de distinguer entre ce qui est de Dieu et de la chair ; on perd l’approbation de Dieu, la présence de Dieu, on perd tout. Nous voulons être forts ? Restons séparés pour Dieu ! L’expérience est faite : le secret de la force et de la puissance du peuple de Dieu, c’est la séparation du mal, le jugement de soi. Ni le monde ni la chair ne nous ont jamais rien donné, et ont fait beaucoup de mal.

La première parabole de Matthieu 13 est celle du semeur. Le Seigneur Jésus, venu chercher du fruit parmi son peuple et n’en trouvant point, change d’attitude : au lieu de chercher du fruit, il sème. Il y a une semence, la Parole de Dieu, mais quatre terrains, quatre façons de réagir en présence de la Parole de Dieu. L’image s’applique aussi bien à un inconverti qu’aux chrétiens, elle s’applique à nous tous.

Le premier terrain : le long du chemin. Quelques grains tombèrent le long du chemin et les oiseaux des cieux les dévorèrent. Tout le monde passe sur un chemin, le terrain est dur. Si vous êtes très au courant de ce qui se fait dans le monde, jusqu’aux antipodes, en politique, dans les affaires, le monde piétine votre coeur. Si vous ne limitez pas vos activités dans ce monde juste à ce qu’il faut pour faire votre devoir à la gloire de Dieu — et encore en vous sanctifiant après l’avoir fait pour retrouver la face de Dieu — votre coeur sera dur comme un chemin. N’allons pas chercher plus loin la cause de beaucoup de faiblesse, de beaucoup de ravages !

Le second terrain : les endroits rocailleux ; peu de terre, mais le grain lève. Celui qui entend la Parole la reçoit avec joie, mais il ne croit que pour un temps ; quand la persécution survient, il est aussitôt scandalisé. Il ne nous faut pousser personne de force dans le royaume de Dieu. Ne cherchons pas de recrues, mais prions que le Seigneur en suscite ! Vous poussez quelqu’un, et c’est un terrain rocailleux. La Parole est reçue avec joie, la semence lève très vite : voilà un bon élément, un bon départ, une bonne recrue ! Survient la persécution, l’épreuve, le mépris — Dieu est fidèle, il éprouve pour manifester la réalité — alors : «Non, je ne peux pas supporter cela, c’est trop pénible !». Chacun sera salé de feu : nous passons tous par l’épreuve. Dieu veut voir s’il y a de l’or dans la gangue. Ce qui intéresse le Seigneur, c’est l’or. Les démonstrations trop hâtives ne sont pas un bon signe. Un bon signe, c’est quand un homme dit : «Je suis un pécheur».

Le troisième terrain : les épines ; la semence est étouffée, elle ne donne pas de fruit. Il faut bien faire ses affaires, dira-t-on. Faites vos affaires, faites-les jusqu’à la mort ! «J’abattrai mes greniers, et j’en bâtirai de plus grands… Cette nuit même ton âme te sera redemandée» (Luc 12:18, 20). Les hommes manquent de perspective ; ils croient éternel ce qui les concerne ; la folie les aveugle. Qu’il faille travailler, c’est une loi à laquelle on ne se soustrait pas sans dommage. Mais il y a danger. Le travail peut remplir le coeur d’épines.

Le quatrième terrain : la bonne terre. Est-ce un brave homme ? Non, c’est un coeur que Dieu a broyé. Vous voyez des gens très éprouvés dans le monde, mais ils restent avec leur misère, sans Dieu ; quand ils auront assez pleuré, ils se mettront à rire. Voilà l’histoire du monde ! Il faut que ce soit la grâce de Dieu qui brise le coeur et la conscience, prépare le terrain, y jette la semence et la fasse lever. Ce n’est pas seulement valable pour les inconvertis. Notre vie quotidienne dépend de la façon dont nous recevons la Parole de Dieu.

La dernière parabole de ce chapitre est celle de la seine jetée dans la mer. Le filet de l’évangile est jeté dans la masse des peuples. Il a attiré sur la rive toute sorte de poissons, une masse de gens. Les pêcheurs séparent les bons poissons des mauvais. Dans l’Ancien Testament, les bons poissons ont des nageoires et des écailles (Lév. 11:9) : un chrétien doit être moralement séparé du milieu qui l’entoure et ne pas se laisser entraîner par le courant. Ce n’est pas facile de remonter le courant. C’est plus facile de se laisser emporter, vivre comme tout le monde, sans lutte ni fatigue, ni effort, ni larme. Mais porter sa croix, c’est une autre chose, et souvent il faut consentir à être seul. Pour séparer les bons poissons des mauvais, il faut du discernement. Dans l’assemblée en particulier, il faut du discernement pour séparer les chrétiens de nom des vrais chrétiens. C’est une tendance aujourd’hui, et souvent un sujet de lutte, de recevoir tous les croyants de la même manière, sans discrimination et sans nuance. Quand on voit le pouvoir du monde et de la chair sur les chrétiens eux-mêmes, leur volonté propre, leurs passions, leurs convoitises, on se rend compte combien il est difficile que quelqu’un entre dans le royaume de Dieu ; la porte est étroite, ne laissons pas croire qu’elle est large !

Le travail des pêcheurs est un travail présent ; mais, de façon analogue, à la fin du temps actuel et avant son règne glorieux, le Seigneur enverra ses anges pour séparer, parmi les peuples de la terre, les bons d’avec les méchants. Ils enlèveront les méchants pour les juger et les jeter dans la fournaise de feu, et ils laisseront les bons pour jouir du royaume millénaire. Si vous fermez l’oreille aujourd’hui, Dieu vous fermera la bouche demain.

Que Dieu nous donne à tous de nous tenir toujours dans sa présence !

 

7   Le travail du Seigneur Jésus — Matthieu 13:1-9, 18-52

 

[LC n° 41]

20 juin 1954

 

Ce chapitre comporte sept paraboles, dont six sont des paraboles du royaume des cieux, la première n’étant pas proprement présentée comme telle, bien que la semence semée soit «la parole du royaume». Le moment où ces paraboles sont présentées, dans cet évangile, est caractéristique. Elles sont données lorsque, après sa présentation, la présentation qu’il a faite de lui-même à son peuple, le Seigneur Jésus n’a pas été reçu. Nous savons bien qu’on a pu appeler chaque évangile l’histoire de la réjection du Seigneur. C’est un sujet intéressant, pour le lecteur qui désire croître dans la connaissance de la Parole de Dieu. Il est intéressant de noter, au cours de la lecture d’un évangile, le nombre de fois où le Seigneur est l’objet de cette réjection manifestée. Peut-être le rencontre-t-on une quarantaine de fois par évangile, avec des différences suivant les évangiles. Mais la patience du Seigneur Jésus, sa fidélité comme homme — car c’est ce qui a été le principe de toute sa vie, sa fidélité comme homme — ont immédiatement, dès son entrée dans son ministère, suscité contre Lui ce qu’on appellerait aujourd’hui, selon les hommes, la réaction du coeur de l’homme. Et celle-ci s’est manifestée d’une façon croissante, jusqu’à ce que le coeur de l’homme se soit montré dans sa nudité, sans retenue, sans honte — «l’inique ne connaît pas la honte», dit le prophète (Soph. 3:5) — à la croix ou aux abords de la croix. Jusque-là, la retenue naturelle, ou celle que Dieu pouvait produire, ou celle de l’éducation religieuse (car le Seigneur n’est pas venu au milieu de païens, et il y avait autour de lui l’influence de l’éducation religieuse), pouvait constituer un frein. Mais cette haine contre Jésus est allée croissant, jusqu’à ce que la haine ait étouffé la voix de tout sentiment de retenue. Et cela s’est manifesté ouvertement aux abords de la croix. De sorte que nous, les croyants, si nous écoutons la Parole, nous sommes tout à fait et définitivement fixés sur ce que peut produire l’homme. C’est une grave injure que nous faisons au Seigneur, que nous faisons à Dieu, lorsque nos coeurs perdent le sentiment et le souvenir de cet enseignement que nous donnent les abords de la croix à l’égard de ce qu’est l’homme naturel. C’est une grave insulte que nous faisons à Dieu. Dieu a ainsi manifesté notre coeur ; et chacun peut dire pour soi : «il a ouvert mon coeur devant moi ; il a ouvert mon propre coeur devant moi». C’est une pensée, un sentiment, qui est très important pour la vérité, pour la gloire de Dieu, et aussi pour notre profit personnel, un sentiment qu’il est extrêmement utile de porter en soi. Lorsque ce sentiment baisse, c’est que la piété baisse. Et nous sommes alors capables de tomber dans les égarements qui, précisément, correspondent à ce tableau moral de notre coeur qui nous est donné, non pas seulement en déclarations, comme dans l’épître aux Romains, mais en actions. Dans les évangiles, l’homme n’est pas dépeint, vis-à-vis de Jésus, par des déclarations morales. Dieu ne dit pas simplement que l’homme n’a pas fait ce qu’il devait faire et a fait ce qu’il ne devait pas faire. Il ne dit pas simplement : «leurs pieds sont rapides pour verser le sang» (Rom. 3:15). Mais on les voit, aux abords de la croix, et en rapport avec Jésus. On voit des pieds rapides pour verser le sang. On voit leur gosier comme un sépulcre ouvert ; on voit cela. C’est pourquoi il n’y a rien de pareil à l’enseignement que nous donne la description de l’homme dans son activité à l’égard de Jésus.

Une autre raison fait que ce déploiement de ce qu’est l’homme ne s’est produit qu’aux abords de la croix. C’est celle-ci : c’est qu’il était selon les voies de Dieu, selon ses conseils, que le Seigneur, ayant lié l’homme fort, pût accomplir dans ce monde un service de bonté, de charité, de vérité (les deux vont ensemble), mais un service de bonté et de vérité en grâce. Il a accompli ce service après sa tentation au désert, alors qu’il est dit que «le diable le laisse pour un temps» (Luc 4:13).

Il y a eu là, au désert, avant son ministère, une épreuve de Jésus. Il en est sorti vainqueur. Il n’a pas succombé aux tentations qui étaient, dans l’ensemble, des offres séduisantes. Il n’a pas succombé ; il a refusé, et il a réalisé ce qui est appelé, dans le Nouveau Testament, avoir «lié l’homme fort» (Matt. 12:29). L’homme fort, c’est le diable. Il a été lié par le Seigneur au désert, pas ailleurs. L’homme fort ayant été lié, le Seigneur avait à accomplir, selon les voies de Dieu, un ministère. Il fallait que l’expérience fût faite, l’expérience de la façon dont nous recevrions le ministère, l’enseignement, les bienfaits du serviteur, du serviteur par excellence, du serviteur semblable à nul autre ! Et c’est pourquoi on peut dire que le Seigneur a eu, ayant lié l’homme fort, le champ libre pour accomplir son service dans sa vie, son service de charité dans la vérité. C’est ainsi qu’il nous a visités : «il est allé de lieu en lieu, faisant du bien, et guérissant tous ceux que le diable avait asservis à sa puissance» (Act. 10:38). C’est là qu’on voit l’exercice de sa puissance, de sa puissance en miracles, et de toutes sortes de manières : il guérit, chasse des démons, soulage les hommes, et fait tout ce qu’il était possible de faire pour voir s’il y aurait, au fond du coeur de l’homme, une étincelle qui répondrait à cette activité divine à son égard. Il n’y a pas eu d’étincelle. Le prophète l’annonçait ; il n’y en a pas eu. Pourtant nul chrétien — et probablement aucun homme sérieux au monde — n’oserait mettre en doute la qualité du travail du Seigneur. Personne ne peut mettre cela en doute. Et quant au sens de ses miracles, nous savons — c’est un des faits remarquables des évangiles — que tous ses miracles sont des miracles en bonté, sauf deux : l’un, c’est la malédiction du figuier ; l’autre, c’est un fait qui n’a pas l’apparence d’une bénédiction (mais cela a été en partie une bénédiction) : les démons sont entrés dans les pourceaux, et les pourceaux se sont jetés dans la mer. Mais tous les miracles cités de Jésus — il y en a une infinité qui ne sont pas cités — sont des miracles de bonté en puissance. L’homme ne peut pas dire que Dieu ne l’a pas visité. Dieu a visité l’homme. Il nous a visités. Personne ne peut dire que Dieu ne l’a pas visité. Il a pris connaissance de l’état foncier de l’homme, de ses misères, et il était là pour apporter le remède. Mais son travail s’est révélé vain, nous pouvons le dire sans tordre l’Écriture, puisqu’il est écrit en És. 49:4 : «J’ai travaillé en vain, j’ai consumé ma force pour le néant».

N’oublions jamais, chers amis chrétiens, que le Seigneur Jésus n’a rien fait, n’a rien dit, dans toute sa carrière, qui fût pour lui. C’est peut-être le trait le plus merveilleux des évangiles, incomparable. C’est peut-être le trait qui prouve, au plus haut point, l’inspiration des évangiles, et le fait qu’aucun homme n’aurait pu inventer une telle histoire, parce qu’il n’y a pas la moindre trace de ce qu’on trouve abondamment dans tout ce que l’homme dit, fait et pense : l’égoïsme ; il n’y en a pas une trace ! Qu’il se lève, celui qui peut, sondant les évangiles, mettre à jour quelque fait concernant l’activité de Jésus qui ait eu un autre objet que la gloire de Dieu et la bénédiction de l’homme, et cela en s’oubliant lui-même, puisque cette activité et l’accomplissement de ses desseins ont été faits au prix de douleurs qui n’ont pas été seulement les douleurs de la croix — bien qu’elles soient seules dans leur genre, et supérieures à toutes les autres ! Il a été l’homme de douleurs toute sa vie. Il n’y a pas eu un instant, dans la vie de Jésus, où il n’ait souffert d’une infinité de manières, tout en réalisant une parfaite joie et une parfaite paix dans la communion avec son Père.

Quand il est rappelé, dans cet évangile de Matthieu, qu’il est l’homme de douleurs, qu’il a pris nos langueurs et porté nos maladies, ce n’est pas à l’occasion de la croix, mais bien quand il vient d’accomplir des miracles en guérison (chap. 8:17).

Son travail a été vain. Il n’est pas surpris de cela. Rien ne prouve davantage le fait que l’homme est perdu. Toute l’histoire passée le disait ; l’expérience faite par l’activité de Jésus dans sa vie le confirme, et clôt la série des activités de Dieu dans ce sens-là. L’expérience de Dieu avec l’homme ne se continue plus ; elle est finie. Il est bon que nous rappelions cela. L’expérience de Dieu est close ; la conclusion est tirée par Dieu, bien posée. Cette conclusion, les faits la proclament, l’Écriture la tire : l’homme est absolument, dans son état naturel et quel qu’il soit, du haut en bas de l’échelle (ils ont tous été mis à l’épreuve), opposé à Dieu. Qu’on lui parle de tout, mais pas de Dieu ; ou qu’on lui parle d’un Dieu serviteur de l’homme ; bien entendu, il l’acceptera. Mais qu’on lui parle de Dieu comme Dieu, qu’on lui parle du Dieu à qui tout homme, quel qu’il soit, dans quelque condition qu’il soit, a des comptes à rendre, l’homme y est opposé.

Voilà la grande conclusion. N’allons pas chercher ailleurs les explications de tout ce qui se passe à la surface de la terre, dans les choses cachées comme dans toutes les choses que le soleil éclaire tous les jours. Il n’y a aucun lien entre l’homme et Dieu, aucun. Et Dieu a fait tout ce qu’il a pu pour gagner le coeur de l’homme dans la personne de Jésus, dans sa vie.

Nous ne pouvons pas estimer comme négligeable le travail du Seigneur dans sa vie. Quel blasphème ce serait que d’avoir une telle pensée ! Mais c’est un temps qui est terminé. La vie de Jésus dans ce monde est une chose passée. Le monde ne le reverra plus. Jésus a disparu, et le monde ne le connaît pas. Il a été remplacé par une personne divine que le monde ne voit pas — les chrétiens non plus ne la voient pas, mais ils savent que le Saint Esprit est sur la terre, et ils sentent sa présence.

Il y a une personne divine dans ce monde, mais ce n’est plus Jésus. Le temps du travail de Jésus dans sa vie est passé. C’est une période close, un temps révolu ; autre chose le remplace. Ceux qui n’ont pas écouté dans la période précédente, malheur à eux ! Ceux qui n’écoutent pas dans la période actuelle, bien supérieure, malheur à eux ! Cette période, elle non plus, ne durera pas toujours ; elle aussi aura un terme.

Jamais Dieu n’a dit qu’il donnerait à l’homme une éternité pour se repentir, et qu’il lui parlerait une éternité durant ; jamais, au contraire ! Ce n’est pas parce que mille ans sont comme un jour pour Dieu, qu’il n’y a pas une fin dans ses voies d’un certain caractère, et qu’il n’y a pas une fin de toutes ses voies. La fin de toutes ses voies à l’égard de l’homme, c’est le commencement de l’éternité.

Jésus a donc été rejeté. Nous nous en étonnons, quelquefois. Mais si nous nous connaissons, nous ne devons pas nous en étonner. Un croyant qui a accepté le Seigneur dans son coeur dès l’école du dimanche refait quelquefois, trente ou quarante ans après, moralement, l’expérience de ce qu’il est en lui-même, et même d’une façon plus complète !

Eh bien, voici qu’au chapitre 11, le Seigneur Jésus proclame le moment d’un changement. Dans ce chapitre, au lieu d’être le roi présenté à son peuple, il dit : «Venez à moi, vous tous», non pas seulement vous les Juifs. C’est une invitation universelle : «Venez à moi, vous tous qui êtes chargés». Et cet appel a été lancé dans le monde entier au cours des siècles. «…et moi, je vous donnerai du repos». Voilà le changement ; nous le trouvons à la fin du chapitre 11. La mère et les frères de Jésus essaient de le voir et de faire valoir les liens naturels (sa mère le fait plus d’une fois, et nous avons noté — après d’autres — que le Seigneur n’a jamais reçu la parole de sa mère : «Qu’y a-t-il entre moi et toi, femme ?») ; et le Seigneur répond, à la fin du chapitre 12 : «Quiconque fera la volonté de mon Père, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère». Autrement dit, les anciennes relations sont rompues. Tout ce qui pouvait rattacher un Juif au Messie présenté, tout cela est rompu ; et de nouveaux liens sont formés par la réception de la Parole de Dieu. On entre en rapport avec Dieu par la foi dans la Parole de Dieu : «Celui qui écoute la Parole de Dieu et qui la garde, celui-là est mon frère et ma soeur et ma mère». «La foi vient de ce qu’on entend, et de ce qu’on entend par la Parole de Dieu» (Rom. 10:17). Celui qui a cru est en relation avec Dieu, celui qui a cru dans son coeur ! On ne croit pas dans sa mémoire. La foi n’est pas dans la mémoire, aucunement. Il faut le dire et le redire jusqu’à la fin, sans se lasser : Ce n’est pas la Parole de Dieu gravée dans la mémoire qui sauve, pas du tout (l’Écriture est là pour le dire) ; c’est la foi du coeur : «Si tu crois dans ton coeur que Dieu l’a ressuscité d’entre les morts, tu seras sauvé» (Rom. 10:9). Si quelqu’un dit : «Je ne sais pas ce que c’est que croire dans son coeur», on peut se demander s’il est un chrétien, parce que les choses de Dieu se comprennent quand on y entre. On peut savoir des vérités sur les choses de Dieu, mais quand on n’y est pas entré, on ne les comprend pas. Un homme qui n’est pas converti peut être capable de faire un livre sur n’importe quelle vérité chrétienne, mais il ne comprend pas ce que c’est que d’être né de nouveau !

C’est pourquoi on ne peut pas demander à un inconverti de se conduire comme un chrétien, pour la bonne raison que les sentiments et les pensées qui dirigent et soutiennent la vie sont en rapport avec les relations de cette vie. Lorsqu’une relation est établie, il y a les pensées en rapport avec cette relation. Dans la relation entre un petit enfant et sa mère, le petit enfant ne sait pas lire, mais il comprend sa mère. Il y a là une relation ; et les sentiments jouent continuellement, en rapport avec cette relation. Lorsqu’une relation n’existe pas, vous ne pouvez pas faire naître ces sentiments. Lorsqu’un homme est inconverti, vous ne pouvez pas le faire aimer Jésus comme un chrétien l’aime, bien qu’il puisse l’estimer et sentir le poids moral, la grandeur, de la personne de Jésus — et cela se sent très bien. Ceux qui ont condamné Jésus sentaient qu’ils avaient affaire à quelqu’un qui les dépassait dans sa grandeur morale infinie. Mais ce n’est pas cela qui les a touchés !

Est-ce que chacun, ici, est en relation vitale avec Dieu ? Est-ce que chacun a l’amour de Jésus dans son coeur ? Est-ce que tout le monde peut regarder, pour ainsi dire, le Seigneur en face et lui dire, dans le secret de son âme — quand on est tout seul avec Jésus — ce que la reconnaissance sait dire, sans copier les autres, sans redire ce que les autres disent ? L’amour sait toujours que dire à l’objet de ses affections, toujours. Est-ce que quelqu’un ici, chers amis, n’en serait pas là ? C’est sérieux ; rien n’est plus sérieux que cela.

Quelqu’un se dit peut-être dans son coeur : Oh, depuis combien de dimanches, des années, des dizaines d’années, nous avons été alertés dans ce sens ! Et puis Dieu a quand même donné un dimanche de plus, et les six jours entre les deux dimanches ! Mais, chers amis, attention ; il y a bien un dimanche qui sera le dernier !

La relation avec Dieu est établie par la Parole de Dieu. L’Esprit de Dieu l’applique au coeur, à la conscience. La relation est établie. Et voilà un homme qui était là, ennemi vis-à-vis de Dieu, aveugle, et qui maintenant aime Dieu. On n’a pas besoin de le forcer à dire qu’il aime le Seigneur. Nous n’avons pas le droit de faire jouer les ressorts d’un homme ; c’est empiéter sur les droits de Dieu. Nous avons à prier pour lui, le cas échéant lui aider. Mais, quand quelqu’un jouit de la présence de Dieu avec lui, il n’est pas possible qu’on ne le voie pas ; ce n’est pas possible. Une grande affection n’est pas muette ; elle n’est pas ingrate ; elle se voit.

Mais, chers amis, attention ! Faisons bien attention, dans ces jours où augmente, parallèlement avec le mal déclaré, ouvert, l’imitation du bien, l’imitation de la foi. Quel danger, chers amis !

Et nous arrivons à nos paraboles, qui ouvrent une période nouvelle. Le Seigneur sort ; il sort et sème. S’il sème, c’est qu’il n’y avait rien à récolter ; et c’est bien là la conclusion qu’il faut tirer, après tout son travail. Il a travaillé, mais il a dû dire : «Pourquoi suis-je venu et il n’y a eu personne qui répondît ?» (És. 50:2).

Alors, il sort, il sème. Nous n’avons pas à faire d’effort pour chercher des explications ; la parabole est expliquée. Le Seigneur se présente comme le semeur — Il n’est plus le Messie. Le Messie serait venu régner. Reçu par son peuple, il aurait régné dans le monde, et aurait été une source éternelle de bénédiction pour la terre. Mais cela n’a pas été possible, et Dieu avait d’autres vues. Il sème dans le monde : des semailles !

C’est une parabole très connue, combien belle, profonde et pleine d’un enseignement continuel.

La semence, c’est la parole du royaume, la parole de Dieu. Le Seigneur sème la parole de Dieu, qui est vivante et opérante ; cette parole de Dieu, dont Jacques dit que, parole implantée, elle a la puissance de sauver nos âmes. C’est la parole implantée qui a la puissance de sauver nos âmes. Ce n’est pas la parole de Dieu lue à la hâte, entre deux activités fiévreuses ; c’est la parole implantée. C’est cette parole qui est une semence. Cette semence ne vient pas de la terre. Il n’y avait nulle part une semence semblable, dans le monde. Elle vient du ciel, et c’est la seule.

Il y a beaucoup d’hommes qui sèment leurs paroles, leurs écrits. Oh, dans ce monde, il y a des écrits partout. Et les hommes sont assez fiers, lorsqu’ils publient quelque chose, de leur pensée, de leur esprit, comme d’autres sont fiers des capacités de leur corps ! Chacun est fier de quelque chose. Mais Dieu demandera des comptes à chacun, et pour le corps, et pour l’esprit, et pour le coeur. Il demandera à chacun ce qu’il aura fait de tout ce que Dieu lui aura prêté. Dieu ne nous a pas donné pour rien ces choses merveilleuses qui font que nous sommes au-dessus de l’animal, cette mystérieuse faculté qui s’appelle la conscience ! Ce mystérieux sens, quelque imparfait qu’il soit quant au bien et au mal, qui fait que quelqu’un qui fait mal souffre, fût-ce le plus endurci des hommes, qu’est-ce que c’est que cette faculté ? Quel mystère que tout cela, chers amis !

Les hommes sont fiers de semer, de diffuser leur pensée. Tous les hommes en sont là, et dans tous les domaines ! Eh bien, toutes ces semences sont des semences d’erreurs — pas toujours (peut-être), de mensonge. Il n’y a pas une semence, dans toutes ces semences jetées, qui fera lever, sur les divers terrains où elle tombe tous les jours, une plante, une vérité, nulle part. C’est solennel !

Oh, nous savons très bien (et il faut bien nous attendre à ce qu’on nous le dise) que la Parole de Dieu aura toujours l’effet de nous rendre absolument exclusifs à l’égard de cela ! Mais si nous laissions entendre un instant que de l’effort des pensées d’un homme, il pouvait se lever un jour un bien que Dieu puisse agréer, nous serions ni plus ni moins comme Caïn, qui a fait cela il y a longtemps ; et son activité est rappelée dans les derniers jours !

Il y a une semence qui est semée (elle ne le sera pas toujours) ; c’est la Parole de Dieu. Rien ne lui ressemble : son origine est céleste, divine ; son caractère et sa nature sont divins. Elle est la seule à être ainsi. Que disent les hommes ? Ce qu’ils veulent. Nous en avons assez entendu, tous ! Mais, par la grâce de Dieu, la foi bénit Dieu de ce que tous ces efforts pour toucher à cette semence divine qu’est la Parole de Dieu ne font qu’en confirmer, qu’en accroître, la valeur, pour le coeur du croyant. C’est une semence divine, la seule.

Eh bien, chers amis, première question : Depuis dimanche dernier, cette semence de Dieu qu’est la Parole de Dieu, avons-nous veillé — nous croyants, et inconvertis, s’il y en a ici — avons-nous été exercés pour que cette semence tombe dans notre coeur ? Ou bien avons-nous fermé l’accès de notre coeur à cette semence, qui est la seule qui soit divine ?

Considérons précisément les différentes attitudes vis-à-vis de la réception de cette semence, et les effets qui sont produits. Ces différents effets ne peuvent provenir que de la différence de terrains. Ils ne peuvent pas provenir de la semence : c’est la même semence qui est jetée partout, la Parole de Dieu. La semence, c’est la Parole elle-même, dans sa pureté. Elle porte toujours en elle-même sa propre puissance. Eh bien, de quelle façon nos coeurs se sont-ils ouverts ou fermés à sa réception ? Cette question s’applique aussi bien à nous croyants qu’aux inconvertis.

Il y a quatre cas différents. C’est bien connu ; c’est toujours vrai.

Premier cas : la Parole tombe le long du chemin. Le coeur du chrétien peut être ce chemin, comme le coeur d’un incrédule. Ne pensons pas qu’il n’y ait que le coeur de l’incrédule qui puisse être comme un chemin ! Un chemin, tout le monde y passe, et le sol en est dur. Il représente premièrement — et c’est l’application profonde — l’état d’un homme inconverti, placé en contact avec la Parole de Dieu, et qui a le coeur aussi dur qu’un chemin fréquenté comme les larges avenues du monde ; tout le monde et toutes choses y passent. Voilà le premier état considéré. Les oiseaux du ciel — c’est le diable — viennent immédiatement, prennent la semence. Et le résultat, c’est que l’état est exactement le même qui si la semence n’était jamais tombée dans son coeur. Mais il y a une immense différence, à un autre point de vue ; c’est que Dieu demandera à cette âme : Qu’as-tu fait ? Comment se fait-il que la Parole de Dieu, que je t’ai envoyée au cours d’une réunion, ou par une lecture, ou par une conversation, tu l’as ignorée ? Dieu demandera compte. Dieu sait ce que tu en as fait. Combien y a-t-il de millions d’hommes, dans le monde ? Dieu connaît chacun. À chaque instant, Il connaît le chemin de chacun, son sentier secret, toutes ses voies secrètes, et tout ce qui se passe dans son coeur. Les registres sont tenus, et Dieu demandera compte. Il ne demandera pas à un païen qui sera mort dans son paganisme : Qu’as-tu fait de cette semence jetée un jour ? Il ne le lui demandera pas cela. Il aura autre chose à lui demander.

Ici, y aurait-il quelqu’un, converti peut-être depuis peu de temps, qui ne lise pas la Parole de Dieu, le lundi ni les jours suivants, alors qu’il ouvre l’oreille de son coeur, les yeux de son coeur, selon l’expression d’Éphésiens 1, à tout le flot du monde qui passe, à tout ce que le monde dit et fait ? Dans ce cas, le diable emporte la Parole. Elle est emportée par ce courant. Elle ne peut pas prendre racine, dans un terrain durci. Le diable est venu, a pris la Parole de Dieu. De combien d’âmes n’est-ce pas l’histoire, tous les jours ! Le tribunal de Dieu le manifestera.

La Parole de Dieu, les hommes la déchirent. Les hommes prennent des ciseaux, un canif, comme un roi profane l’a fait autrefois, malgré trois hommes forts et vaillants qui voulaient l’en empêcher. D’autres se moquent de l’Écriture. D’autres affectent de la considérer et de l’estimer et, du haut de leur science, se complaisent à passer leur vie entière à la sonder pour la juger, pour juger Dieu. Eh bien, cette Parole-là, elle jugera les uns et les autres, dit Paul : «les secrets des coeurs, selon mon évangile». Tout le monde y passera. L’homme fier de ses talents, de sa culture, de ses travaux, de tous ses progrès, sera confus et jeté par terre par cette Parole, avec le remords de l’avoir étudiée sans avoir découvert le trésor de vie qui est en elle. C’est solennel, chers amis ! «Heureux les pauvres en esprit, car c’est à eux qu’est le royaume de Dieu» (Matt. 5:3). Heureux ceux qui deviennent comme de petits enfants. Cela ne veut pas dire qu’un homme qui devient un chrétien perd, en quoi que ce soit, la moindre de ses facultés, aucunement ; elles sont sanctifiées pour être employées autrement. Mais la valeur, la capacité du vase, reste exactement la même ; au contraire, elle est même augmentée. Mais : «En vérité, je vous dis : si vous ne vous convertissez et ne devenez comme les petits enfants, vous n’entrerez point dans le royaume de Dieu» (Matt. 18:3), et personne ne fera mentir le Seigneur.

Nous disions qu’il n’y a pas que les incrédules dont le coeur est comme un chemin ; il y a aussi des croyants. Et, sans doute, chacun peut, à ce sujet, avoir à reconnaître devant le Seigneur : Seigneur, telle ou telle fois, telle ou telle semaine, tel ou tel jour, ta parole a été enlevée de mon coeur ; tu m’as donné de la lire, tu m’as donné de l’entendre ; elle a été ôtée de mon coeur. Par quoi et pourquoi ? Parce que mon coeur était, à ce moment-là, comme un chemin, un chemin piétiné par le monde ! Ah, chers amis, comment le monde peut-il piétiner notre coeur ? Chacun de nous a bien la réponse dans son coeur, ou même peut-être dans sa conscience. N’allons pas chercher ailleurs la raison de tant de faits humiliants ; la voilà, pour nous chrétiens. La Parole de Dieu, envoyée comme la manne d’un jour, nécessaire à notre âme pour l’étape de la journée, au lieu de faire en nous son travail de grâce et de bonté, n’aura pour effet, si nos coeurs ne sont pas préparés, que de nous charger d’une nouvelle responsabilité.

Soyons exercés ! L’un dira : Mais quel mal y a-t-il en ceci, en cela ? Chacun a affaire au Seigneur. On prononce très vite le mot de légalisme. Mais ce que nous savons bien, c’est que nous subirons la perte de nos infidélités, et que nous aurons à subir une confusion de face, lorsque le Seigneur nous fera repasser nos voies et sentir pourquoi, lorsque telle parole était donnée, nous n’en avons pas profité pour notre vie et notre marche chrétiennes. Pourquoi un chrétien reste-t-il stationnaire ou recule-t-il ? Il entend pourtant la Parole tous les dimanches ; il effeuille son calendrier au moins tous les matins. Pourquoi ne fait-il pas de progrès ? Pourquoi cette Parole, qui est pourtant vivante et opérante, épée aiguë à deux tranchants, ne porte-t-elle pas de fruit ? Pourrait-on croire que Dieu a menti, quand il a dit qu’elle est une parole de vie ? Non, il n’a pas menti. La raison, c’est l’état de notre coeur. Dieu aurait pu dire : La parole que je t’ai donnée était une très bonne parole ; tu n’as pas à accuser la Parole. Mais cette Parole juge elle-même ton état, parce que tu n’as pas su en profiter. Nous aurons certainement des choses à régler avec le Seigneur. Qu’il nous accorde de les régler maintenant, aujourd’hui, continuellement ; c’est ainsi, d’ailleurs, qu’on est heureux. Un chrétien n’est pas heureux, quand il a des difficultés avec Dieu. Il vaut mieux avoir des difficultés avec les hommes qu’avec Dieu. Si on est en bons termes avec Dieu, on peut supporter beaucoup de choses de la part des hommes ; c’est d’ailleurs seulement ainsi qu’on peut les supporter. Mais celui qui a des controverses avec Dieu… Ah, chers amis, c’est une autre question, pour le chrétien, à plus forte raison pour l’inconverti. Quelqu’un aurait-il des controverses avec Dieu, des choses à propos desquelles il écarte Dieu du secret de ses pensées et de son coeur ? Ce n’est pas le chemin de la bénédiction.

Enfin, que Dieu nous garde afin que le diable n’enlève pas de nos coeurs la Parole !

Deuxième état : les endroits rocailleux. Celui qui entend la parole la reçoit aussitôt avec joie. Voilà le deuxième état. La Parole de Dieu n’est pas enlevée tout de suite. Au contraire, elle paraît produire de très heureux effets ; elle est reçue aussitôt avec joie. Un jugement prématuré ferait conclure à un travail divin dans l’âme et à la réalité du fruit. Ce n’est pas vrai du tout. «Il la reçoit aussitôt avec joie,» est-il dit, «mais il n’a pas de racine en lui-même, et lorsque la persécution survient à cause de la parole, il est aussitôt scandalisé».

D’autres passages nous montrent que, quand la Parole est vraiment reçue dans une âme, elle ne produit pas seulement, ou d’abord, la joie ; pas du tout. Parce que, quand la Parole de Dieu opère dans une âme, elle met cette âme en rapport avec Dieu. Et si Dieu est une source de joie, de paix et de bonheur — la seule qui soit — il y a néanmoins, pour l’âme inconvertie, tout un passé à régler ; et non seulement des actes, mais il y a un état (ce que nous sommes avant d’être convertis) que Dieu a condamné. Lorsque la Parole agit, tout cela opère dans l’âme une tristesse à salut. Cela ne veut pas dire qu’une âme ne puisse pas être heureuse, quand elle reçoit la Parole de Dieu, et même avoir de la joie, si les exercices et les souffrances ont précédé la réception de la Parole. On peut voir une âme travaillée, labourée, avant d’être convertie, accablée par ses péchés. Elle a peur de rencontrer Dieu ; elle est effrayée des menaces du jugement. Si un tel travail, profond, se fait au préalable, la réception de la Parole de Dieu apporte la paix, la joie. Mais ici, c’est l’illusion dans laquelle les âmes se trouvent en entendant une bonne parole. C’est quand même une parole d’amour de quelqu’un qui veut le bien des âmes des pauvres pécheurs, de quelqu’un qui dit : «Venez à moi et je vous donnerai du repos», qui dit que le ciel est ouvert à quiconque croit. C’est une très bonne nouvelle, quoi qu’on en dise et qu’on en fasse, et quelque critique qu’on se complaise à présenter. Il faut reconnaître que c’est parmi l’ensemble des chrétiens qu’on trouvera, et sans aucun doute, le plus de vraie charité à l’égard des autres hommes. Nous avons tous pu être frappés de la façon dont les pauvres gens, dans le monde, sont étonnés, quelquefois, qu’on s’intéresse à eux ! Au fond, le monde est très égoïste. Or, au milieu des chrétiens — si ce n’est pas ici, c’est ailleurs — il y a quand même, en quelque mesure, l’oubli de soi et l’intérêt pour les autres. Cela peut toucher le coeur naturel, émouvoir certains sentiments, comme ces femmes qui pleuraient en se frappant la poitrine en voyant le Seigneur. Mais, lorsqu’il n’y a que les sentiments naturels qui sont touchés, il n’y a rien de fait. C’est pourquoi, chers amis, nous tous qui avons affaire aux âmes, nous ne devons pas devancer le travail de Dieu dans une âme, et laisser les fruits divins dans l’âme être manifestés. Nous ne devons pas nous mettre entre Dieu et une âme, et aussi ne pas laisser croire à une âme qui pleure ou qui chante, qu’elle est nécessairement une âme qui a cru. C’est bien loin d’être le cas ! Chacun de nous peut aussi se souvenir de ses propres expériences à ce sujet, et se rappeler qu’une âme, quand Dieu s’occupe d’elle, est généralement désireuse de n’avoir affaire qu’à Dieu lui-même. Heureusement, il y a aussi des explosions de joie qui sont vraiment produites, comme sur-le-champ, par la Parole de Dieu. Le travail de conscience se poursuit dans l’âme ; et même, il continue toute la vie, même lorsque l’âme est avancée ; en particulier le travail de la repentance, qui est un travail que Dieu opère chez le croyant jusqu’à la fin de ses jours, et qui l’amène à porter sur lui-même un jugement toujours plus profond.

En troisième lieu, nous trouvons que la parole tombe au milieu des épines, qui sont les soucis de ce siècle. C’est facile à comprendre ; c’est un cas très fréquent ! La Parole a pris racine, mais voilà qu’avec la Parole de Dieu croît, dans ce terrain, une masse de pensées et de sentiments que représentent les épines : les soucis de ce siècle. Le monde vit dans le souci, continuellement, et dans la tromperie des choses qu’il aime. Nous n’avons pas besoin d’insister là-dessus, car chacun de nous sait qu’il a besoin d’être vigilant pour que, dans sa vie de tous les jours, ces éléments-là, très puissants, très forts, n’étouffent pas la Parole de Dieu. La parole est étouffée ! Nul ne peut servir deux maîtres ; le Seigneur l’a dit. Pourquoi le progrès est-il parfois si lent ? Pourquoi y a-t-il un état stationnaire ? Pourquoi y a-t-il un recul ? Ah, il faut voir, regarder, avec le Seigneur, ce qu’il y a, et demander au divin médecin, à celui qui soigne nos âmes, de nous révéler notre état, et de mettre le doigt sur les causes de notre état stationnaire ou de notre retour en arrière ! Il nous le montrera. Ah, c’est un examen sérieux ! Tout le monde aime le monde. Et Dieu sait quelle est, pour chacun de nous, la flamme secrète qui brûle dans le temple de son coeur. N’allons pas dire qu’on n’aime pas le monde ! Le coeur naturel de tous les hommes aime le monde ; chacun est porté à aimer le monde. On n’a pas le droit de sonder le coeur d’un autre ; c’est le droit de Dieu seul. Mais Dieu le fait, chers amis !

Voilà encore un des secrets de la vie chrétienne ! Les soucis de ce siècle : nous savons tous la force des arguments que le diable a dans sa main pour nous séduire, à cet égard ! Que le Seigneur nous donne d’avoir affaire à Lui.

J’ai souvent été, pour mon compte, encouragé par cette parole de Jean dans son épître : «Celui qui est en nous est plus grand que celui qui est dans le monde» (1 Jean 4:4). Cela veut dire que le Saint Esprit qui est en nous est plus puissant que l’esprit qui est dans le monde. Sans cela, qui serait vainqueur ? Personne. Il y a eu trop de défaites, trop de désastres, trop d’infidélités, de ruine, pour que nous ne prenions pas ces considérations au sérieux. Que le Seigneur nous y encourage.

Si nous disons à un chrétien : N’aime pas ceci, et ce n’est pas cela qu’il faut faire, c’est comme si nous voulions arracher un jouet à un petit enfant. On veut lui arracher un jouet ; il se met en colère ! Mais si on lui apporte un jouet plus beau que tous ceux qu’il a, il lâchera ses jouets pour saisir celui qu’on lui présente. Si Jésus est plus cher à notre coeur que toutes les choses qui nous entourent et que le monde nous présente, nous ne ferons pas cas de celles-ci.

Voilà le secret. Sans le dire et le proclamer hautement, tournons-nous vers le Seigneur dans le secret de notre vie. Alors nos pieds se tourneront du côté du chemin de Jésus, de celui qui a été là. A-t-il reçu du monde des choses glorieuses, très glorieuses ? Qu’a-t-il emporté, dans le ciel, que le monde lui ait donné ? Il a reçu du monde des choses glorieuses, notre Maître et Seigneur ??!! Est-ce que nous désirons nous contenter de recevoir du monde ce que Lui-même en a reçu (bien entendu, nous avons à vaquer à nos occupations, faire face à nos devoirs dans la situation que nous avons acceptée ; si nous sommes là où le Seigneur nous a placés, nous avons à l’honorer dans l’accomplissement de nos devoirs, tout en pensant que le premier de nos devoirs, c’est d’aimer Jésus, de le suivre) ? Avec quoi le Seigneur est-il monté au ciel ? Avec quel honneur Jésus est-il monté au ciel ? Avec quel honneur voulons-nous monter au ciel ? Désirez-vous monter au ciel avec des honneurs que le monde vous aura donnés ? Notre coeur est-il assez insensé pour penser que nous devons connaître autre chose que ce que Jésus en a reçu ?

Que le Seigneur fasse que notre coeur soit sevré entièrement, et d’une façon croissante, de tout ce que le monde aime. Tout ce que le monde aime a été mis contre Jésus pour l’empêcher d’aller à la croix. Avec quoi est-il monté au ciel, de la croix (on peut le dire), en passant par la mort ? Quels sont les stigmates que le monde a gravés sur son corps, à jamais ? Sont-ce les honneurs vers lesquels nos coeurs se tournent ? Quels stigmates : «Quelles sont ces blessures à tes mains et à tes pieds ? Et il dira : Celles dont j’ai été blessé dans la maison de mes amis» (Zach. 13:6).

Que le Seigneur nous parle, aux uns et aux autres. Lorsque le Seigneur nous tient près de Lui, mille questions que nos coeurs, que la chair, se posent, tombent d’elles-mêmes. Et lorsqu’elles se posent dans notre coeur, elles ne sont que révélatrices de son mauvais état. Que le Seigneur nous donne de goûter le bonheur de sa communion. Il vient bientôt. Est-ce que chacun ici ne demande que cela ? Y aurait-il quelqu’un qui, pour quelque mauvaise raison, ne le désirerait pas ?

 

8   Christ, le fondement et le centre — Matthieu 16:13-27 ; 18:17-20 ; Actes 2:42-47 ; 4:32-37 ; 9:31 ; 1 Timothée 3:14-15

 

[LC n° 42]

Dimanche après-midi 14 janvier 1951

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 297

 

Le Seigneur n’a pas, à l’égard du pécheur, un conseil limité seulement au salut individuel, cette «vie éternelle que Dieu, qui ne peut mentir, a promise avant les temps des siècles» (Tite 1:2). La vie éternelle est en Christ, elle a été apportée par Christ, mais elle était promise avant que l’homme fût créé et que sa responsabilité fût mise à l’épreuve. Dieu a un autre conseil : l’Assemblée, l’Église. Dieu pense à nous, certes, mais Dieu pense aussi à Christ et à sa propre gloire. C’est dans une conversation entre le Seigneur Jésus et Pierre que cette vérité apparaît. Le Seigneur pose la question à Pierre : «Qui disent les hommes que je suis ?». Pierre énonce les opinions des hommes : «Les uns disent : Jean le baptiseur ; les autres : Élie ; et d’autres : Jérémie ou l’un des prophètes». Ce sont des opinions… Un chrétien n’a pas d’opinion, sauf s’il est en mauvais état. Une opinion est une pensée produite par l’esprit de l’homme. Dans les choses de Dieu, il y a la pensée de Dieu, saisie par la foi à des degrés divers, mais toujours l’expression de la vérité de Dieu ; c’est une certitude qu’aucun homme ne peut ôter, parce qu’elle est fondée sur le témoignage du Saint Esprit et de la Parole. Pierre dit ensuite : «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant». Il a reçu cette révélation de Dieu lui-même. «Tu es bienheureux, Simon Barjonas, car la chair et le sang ne t’ont pas révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux». Le Christ, c’est l’Oint ; c’est un titre, qui est devenu son nom. Mais son nom propre, c’est Jésus.

Le Seigneur dit : Si mon Père t’a révélé cela, «moi aussi, je te dis que tu es Pierre» ; et il ajoute cette phrase connue, et tellement déformée : «Et sur ce roc je bâtirai mon assemblée». Le mot «pierre» et le mot «roc» ne sont pas les mêmes. Pierre, c’est une pierre, et le roc, c’est Christ. C’est sur le Christ, le Fils du Dieu vivant, dont Pierre, instruit par le Père, vient de faire la confession, c’est «sur ce roc que je bâtirai mon assemblée, et les portes du hadès ne prévaudront pas contre elle». Hadès correspond au shéol de l’Ancien Testament, mot très vague désignant le lieu où les âmes allaient après la mort. Dans l’Ancien Testament, même pour des croyants, l’au-delà était ténébreux ; c’est pourquoi Paul dit à Timothée que Jésus «a fait luire la vie et l’incorruptibilité par l’évangile» (2 Tim. 1:10) ; il a éclairé l’au-delà de la mort. Maintenant il y a un homme ressuscité et glorifié à la droite de Dieu ; la mort est vaincue. «Je tiens les clés de la mort et du hadès» (Apoc. 1:18) ; un chrétien qui s’en va sait où il va. Passer par la mort, l’apôtre le dit, ce n’est pas la mort, c’est déloger et être avec Christ (Phil. 1:23), ce qui est de beaucoup meilleur que de rester dans le corps.

Dieu ne peut pas bâtir l’Assemblée du Seigneur sur un homme, même si on a voulu dire que Pierre était le roc. Toute la doctrine de l’Écriture renverse l’explication de ce verset qui attribue à un homme ce qui n’appartient qu’à Dieu. Pierre lui-même écrit dans son épître que nous, lui et nous, sommes les pierres vivantes et que Jésus est la maîtresse pierre du coin. Les portes du hadès — la puissance du hadès — ne prévaudront pas contre l’Assemblée. Le Seigneur ayant vaincu la mort, l’Assemblée est édifiée sur le terrain de la résurrection, au-delà de la mort. Ce n’est qu’après la mort de Christ que l’histoire de l’Assemblée commence. Rien ne peut empêcher la réalisation du conseil de Dieu.

C’est la première fois que l’Assemblée est nommée dans le Nouveau Testament. Christ la bâtit ; il la bâtit depuis vingt siècles, et, dans cet édifice, il n’y a pas une pierre morte ; ce sont des pierres vivantes, selon l’expression de Pierre. On se demande parfois pourquoi le Seigneur ne vient pas chercher les siens ; aujourd’hui encore, il ajoute une pierre, il appelle une âme à croire en lui. En croyant, cette âme devient une pierre vivante et prend place dans l’édifice que Jésus construit. Il ajoute tous les jours à l’Assemblée ceux qui doivent être sauvés (Actes 2:47). Si nous sommes paresseux, Dieu travaille ; il ne perd pas son temps. Dès que l’édifice sera complet, l’Assemblée n’aura plus rien à faire sur la terre : elle partira. Mais, pendant ce temps, le diable continue aussi son travail. Il fait de grands travaux dans la chrétienté et de grands progrès dans les milieux qui se réclament de Dieu.

Le Seigneur a donné les clefs du royaume des cieux à Pierre, non pas celles de l’Assemblée. Pierre n’a pas parlé de l’Assemblée ; ce sujet est traité exclusivement par Paul. Mais le Seigneur a confié à Pierre le pouvoir de lier et de délier ; il exercera son pouvoir en faveur de Corneille en Actes 10, en ouvrant aux Gentils l’entrée du royaume des cieux. D’autre part, il lie le péché de Simon le magicien : c’est un acte administratif pour le royaume des cieux, et non pour l’Assemblée.

En Matthieu 18, nous avons autre chose. Après vingt siècles de christianisme, l’Église est en ruine ; tous les croyants en sont responsables. La corruption de l’Église est aussi grande que celle du monde païen, et la pensée de Dieu est abandonnée partout ; que faire ? Cette question s’est posée au cours des siècles, elle se pose encore aujourd’hui. Il faut savoir pourquoi nous sommes là et pas avec tous les chrétiens, réunis ensemble. Pourquoi certains chrétiens sont-ils séparés ? Si la séparation n’est pas justifiée par l’Écriture, elle est une désobéissance et un péché.

À tout prix, en tout temps, en tous lieux, le croyant doit se séparer du mal. C’est une règle universelle. Le principe et la puissance de la séparation du mal pour le rassemblement sont indiqués, entre autres passages, en Matt. 18:20 et 2 Timothée 2:19-22. Tout est en déroute dans la chrétienté ; l’Église est devenue une grande maison où, au lieu de se séparer du mal, on couvre le mal. Le chrétien a un refuge : «Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux». Depuis un siècle et demi, ce verset a pris une importance extraordinaire ; il a été une lumière et un moyen de bénédiction pour beaucoup de fidèles ; il est valable en tous temps, même dans les temps de ruine. En Matthieu 16, Jésus dit que les portes du hadès ne prévaudront pas contre l’Assemblée ; on s’attend à un édifice de grande apparence aux yeux des hommes. Mais, en Matthieu 18, on trouve : «Là où deux ou trois sont assemblés…», une réalité dans les jours les plus sombres de la ruine. Le privilège de ces deux ou trois ne dépend que de la fidélité de Christ. Et c’est à cette réunion de deux ou trois au nom de Christ qu’est confié le pouvoir de lier et de délier pour l’Assemblée tout entière. Et quelle est la valeur de ce rassemblement de chrétiens ? Est-ce son nombre ? En aucune manière : deux ou trois ; est-ce la valeur de ses éléments ? Aucunement. La valeur de ce rassemblement, c’est la présence de Christ.

Cherchons à réaliser la présence du Seigneur, et le Seigneur se chargera de sa gloire parmi les siens ! Jugeons ce qui est incompatible avec la présence du Seigneur, et nous jouirons de la bénédiction de sa présence. En considérant la chrétienté, on pourrait dire souvent, comme Marie de Magdala : «On a enlevé mon Seigneur, et je ne sais où on l’a mis» (Jean 20:13). Au lieu de respecter et de suivre la Parole de Dieu, on en rejette une partie ; et rejeter une partie de la Parole de Dieu, c’est rejeter Christ. Il nous faut Christ tout entier, il nous faut le Christ de Dieu (Luc 9:20). Si nous écoutons la Parole de Dieu et le Saint Esprit, nous faisons appel à la promesse du Seigneur et nous nous groupons ainsi sans prétention autour de lui.

L’Église a été fondée à la Pentecôte, lorsque le Saint Esprit est venu sur la terre. Elle est une habitation de Dieu par l’Esprit, et c’est le Saint Esprit qui unit tous les membres en un seul corps. Au commencement, tous les chrétiens étaient en un même lieu, un seul coeur, une seule âme, tous les chrétiens étaient ensemble ; c’était la réalisation de la pensée du Seigneur. On veut imiter cela aujourd’hui ; c’est oublier le grave péché qu’a constitué, aux yeux de Dieu, l’infidélité de l’Église. Nous sommes invités à réaliser sans prétention l’unité de l’Esprit par le lien de la paix. Nous ne pouvons pas prétendre à mettre nos biens en commun, si le Saint Esprit ne nous y pousse pas. En Actes 5, nous voyons un premier essai de corruption, à propos même de ces questions matérielles : le mensonge d’Ananias et Sapphira. Très tôt l’Ennemi a été à l’affût pour jeter par terre cet édifice qui commençait.

Un autre caractère de l’Assemblée : «La colonne et le soutien de la vérité». Un petit rassemblement de deux ou trois fidèles réunis au nom de Christ est l’expression locale de l’Assemblée de Dieu dans cet endroit ; ils ne sont pas l’Assemblée, mais ils jouissent des privilèges liés à la présence du Seigneur, comme si toute l’Église était réunie là. Mais il y a des responsabilités : porter le caractère d’une assemblée de Dieu, c’est être la colonne et le soutien de la vérité, premièrement de la vérité morale — on doit y voir les caractères de Dieu — ensuite de la vérité doctrinale. Si une erreur est tolérée, sans être reprise, l’assemblée perd le caractère de l’Assemblée de Dieu. Elle n’est plus colonne et soutien de la vérité.

  Dieu est fidèle. Qu’il nous accorde de glorifier son Fils et de l’honorer lui-même dans le rassemblement de deux ou trois enfants de Dieu, pieux, sérieux, séparés du monde !

 

9   Se renoncer soi-même — Matthieu 16:21-27 ; Exode 15:22-27

 

[LC n° 43]

23 février 1958

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 105

 

Pierre était un disciple éminent, qui a fait preuve de beaucoup d’amour pour son Maître. C’était un homme inculte, pauvre, un pêcheur, un homme du commun, illettré. Il ne pouvait pas se prévaloir des éléments humains et mondains qui enrichissaient l’esprit d’un homme : il n’avait rien. Paul était tout différent ; il était aussi un «vase d’élection» — le vase est l’ensemble des capacités naturelles d’un homme — mais il n’a jamais vu le Seigneur selon la chair, pas plus que nous. C’était un homme distingué, dont les qualités flatteraient volontiers notre chair, mais il a su les mettre de côté. Le Seigneur choisit bien ses ouvriers, il choisit bien son personnel. Cela devrait fermer la bouche à toutes les prétentions de la chair qui règnent dans le monde, et quelquefois même dans notre coeur.

Pierre était spontané, sincère, un homme auquel on peut se fier, semble-t-il ; le Seigneur, lui, ne se fie pas à l’homme. Pierre aimait l’ordre social, l’ordre religieux ; c’était un bon Israélite. Le Seigneur lui dit : Tu sais, il faut que je souffre à Jérusalem et que je sois mis à mort et que je ressuscite le troisième jour. Pierre ne suit pas la pensée du Seigneur jusqu’à la résurrection ; il ne peut pas admettre la perspective de la mort de son cher Messie. Il était bien disposé à régner avec lui, sur un trône, à sa droite ou à sa gauche. Il était un disciple en vue ; certainement, il aurait une bonne place et, enfin, Israël serait béni. Et voilà que le Seigneur jette toutes ses espérances par terre : il annonce qu’il va être rejeté par l’élite religieuse du peuple. Alors Pierre prend le Seigneur à part et se met à le reprendre.

Pierre reprend le Seigneur ! Le Seigneur lui répond d’une manière inattendue, que nous pourrions trouver sans miséricorde, sans trace d’amour : «Va arrière de moi, Satan». Cette parole est sans équivoque : «Car tes pensées ne sont pas aux choses de Dieu, mais à celles des hommes». Pierre savait qui était le Seigneur. Il avait confessé : «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant». Et Jésus lui avait répondu : «c’est mon Père qui t’a révélé cela». Pierre était un croyant privilégié, mais son état intérieur n’était pas en rapport avec la révélation qu’il avait reçue. Et nous, nous savons qui est le Seigneur, nous savons qu’il est assis à la droite de Dieu dans les lieux célestes. Nous en savons beaucoup plus que Pierre, et les hautes vérités chrétiennes ne nous ont pas été révélées par la chair et par le sang, mais par notre Père qui est dans les cieux, par la Parole et par le Saint Esprit. Que de fois pourtant le Seigneur est obligé de nous appeler «Satan» en quelque chose ! Il doit le faire toutes les fois que nous reculons devant les conséquences pratiques d’une vérité révélée.

Celui qui veut me suivre, dit le Seigneur, ne doit pas s’attendre à un trône, à l’exercice du pouvoir — ce que la chair aime tellement — mais il devra se renoncer soi-même. Ce n’est pas le christianisme du dimanche, mais le christianisme quotidien : qu’il se renonce soi-même chaque jour ! On peut renoncer à un petit plaisir pour le remplacer par un autre ; mais se renoncer soi-même, il n’y a rien de plus grand. «Je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi» (Gal. 2:20). C’est cela, se renoncer soi-même. Que le Seigneur nous aide, parce qu’il n’y a pas de vie chrétienne sans cela ! Accepter le temps de la souffrance avec le Seigneur, du renoncement à soi-même, c’est le secret du bonheur dans ce monde. Le Seigneur ne parle pas ici des richesses ; elles sont un grand obstacle, mais ce n’est pas le seul. Le Seigneur ne dit pas : «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à ce qu’il a», mais «qu’il se renonce soi-même». Christ est mort, et le chrétien est mort avec Christ ; c’est à cela qu’il faut revenir dans notre vie quotidienne. Nous pouvons connaître tous les passages relatifs à l’affranchissement, mais, si nous ne veillons pas, ils n’auront bientôt plus de force dans notre vie et nous retomberons au niveau des gens du monde.

La vie chrétienne est remplie d’expériences heureuses ou malheureuses. Pour suivre le Seigneur, il faut prendre sa croix chaque jour, appliquer la crucifixion à toute pensée qui détourne de Christ. Le Seigneur semble nous imposer une obligation terrible. En réalité, il nous ouvre les portes de la liberté. La liberté n’est pas dans le royaume des hommes, mais dans l’obéissance à Dieu, à Christ. On est libre quand on ne veut que ce que Dieu veut ; c’est la loi de la liberté (Jacq. 1:25), le secret de la joie.

Le peuple d’Israël a passé la nuit de la Pâque en Égypte, il a traversé la mer Rouge ; c’est un peuple racheté. Il est en marche vers la terre promise, il a des expériences à faire. Très tôt, il arrive à Mara, où les eaux sont amères, et l’Éternel enseigne un bois à Moïse, qui le jette dans les eaux : elles deviennent douces. Les eaux amères, ce sont les circonstances pénibles de la vie ; le Seigneur sait les changer en circonstances heureuses. Une fois que nous sommes convertis, le Seigneur s’emploie à détruire nos tendances, notre caractère, nos convoitises. Dieu s’occupe de notre édification tous les jours, d’une façon très minutieuse. Il y a chez nous tellement d’ambition, d’orgueil, même chez les plus humbles ; il y a tellement d’égoïsme. «Il n’y a point de juste, non pas même un seul» (Rom. 3:10). Pour appliquer cette vérité générale à soi-même, il faut tout un travail d’âme. Le Seigneur veut faire notre éducation ; il ne nous demande pas notre avis, nous ne pouvons pas y échapper, et il se servira de qui il voudra. Nous ne nous connaissons pas, nous nous croyons les premiers de tous. Alors le Seigneur nous visite, travaille dans notre coeur : c’est Mara, c’est amer, cela a le goût de la mort. Le Seigneur s’emploie à tuer pratiquement en nous ce que Dieu a tué à la croix. Les douze fontaines d’eau et les soixante-dix palmiers se trouvent après : on ne peut pas jouir du ministère de la Parole sans ce travail de défrichement. Dieu veut briser la volonté, et c’est cela la mort. Quand nous sommes brisés, alors nous sommes heureux. Aujourd’hui, même dans les assemblées, ces vérités s’estompent dangereusement ; nous sommes enclins à raconter des histoires agréables pour intéresser les âmes ; Dieu ne le fait jamais, il nous aime trop pour cela.

Autrefois, nous aimions tant l’approbation du monde ; l’apôtre Paul aussi. Il a été brisé et a connu Mara de la manière la plus forte. Être visité par le Seigneur est une immense grâce. Si l’humiliation est vraie, c’est la paix : l’eau de la mort est devenue douce ; un bois a été jeté dans l’eau, j’ai réalisé que je suis mort avec Christ, je suis un homme libéré. Un chrétien âgé, qui a pensé à cela avec la grâce de Dieu, ne voudrait pas revenir au départ de sa vie chrétienne. Les choses extérieures ont beaucoup moins d’importance pour lui, et il a un refuge auprès de quelqu’un : c’est un privilège incomparable. Rien ne remplace la connaissance pratique de Dieu, de Christ. Quand on voit de jeunes chrétiens qui s’engagent dans la vie, on tremble en pensant à tout ce qu’ils ont à apprendre, et ils ne s’en rendent pas compte. Il faut les remettre à la grâce de Dieu.

Que le Seigneur nous accorde la grâce de lui demander son secours contre les tendances de nos coeurs : chez l’un, l’amour de l’argent ; chez l’autre, l’amour des plaisirs ; chez l’autre encore, l’ambition. Que le Seigneur nous aide continuellement, chaque jour, à vivre notre christianisme dans les petites choses ! Si nous voulons de grandes choses, nous rencontrerons des Mara. Que le Seigneur nous aide jusqu’au moment où il viendra ! Si nous abandonnons le chemin de Christ, nous nous préparons des larmes amères, même si le Seigneur nous en délivre à la fin. La vie d’Abraham, vie de communion avec Dieu, est une vie de paix ; celle de Jacob, pleine d’écarts, est une vie de tourments.

 

10                  L’Assemblée et la séparation — Jérémie 15:16-21 ; Matthieu 18:1-4, 18-20 ; 20:25-28

 

[LC n° 33]

Jeudi 7 août 1969

 

Dieu est le Dieu de tous les hommes, et chacun aura à faire à lui. Le péché a introduit, dans les relations de Dieu avec l’homme, un obstacle infranchissable.

Dieu s’est choisi un peuple, au milieu duquel il se manifestait de plusieurs manières, en lui parlant par les prophètes, et aussi par des châtiments. Le jugement commence toujours par la maison de Dieu (1 Pier. 4:17). Plus on est près de Dieu, plus les exigences de Dieu sont grandes.

Dieu habite dans l’Église. Le Seigneur la forme. L’évangélisme n’est pas l’Église. Les frères, qui ont été mis à part, ont pour responsabilité de réaliser un témoignage, à propos duquel il ne leur est pas laissé le loisir de le former à leur guise. C’est la Parole de Dieu qui révèle ce qu’est l’Église. Une assemblée locale représente l’Église, à condition qu’elle suive les instructions de l’Écriture, par la puissance du Saint Esprit.

Tout est en désordre, aujourd’hui. C’est pourquoi il faut nous arrêter devant les paroles données à Jérémie. Jérémie a beaucoup pleuré, du fait de la douleur que causait en lui l’infidélité du peuple, malgré tous les appels de Dieu. Est-ce que nous souffrons parce que les assemblées sont en désordre ? Est-ce que nous souffrons parce que l’assemblée ne marche pas selon l’Écriture ? En souffrons-nous, ou prenons-nous les choses facilement ? Paul versait aussi des larmes pour l’assemblée. Sommes-nous indifférents, quand des irrégularités se manifestent, dans la marche d’un frère ou dans la vie d’assemblée ? Sommes-nous portés à arranger nous-mêmes les affaires ? Avons-nous le droit d’arranger quoi que ce soit à notre gré ? En aucune manière.

Dieu dit à Jérémie trois choses : «Si tu te retournes, je te ramènerai, tu te tiendras devant moi» ; «Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche» ; «Qu’ils reviennent vers toi, mais toi ne retourne pas vers eux».

Jérémie ne s’était pas placé là de sa propre volonté. Dieu l’y avait appelé. Et il a appelé chacun de nous pour le service qu’il veut lui confier. Chacun a une place à occuper, et doit veiller à ne pas dépasser la mesure qui lui est accordée, et à être fidèle dans cette place. Si chacun était fidèle dans sa propre tâche, quel bien il en résulterait pour tous ! Un frère qui est là, fidèle, et dont la marche est en rapport avec la lumière qu’il reçoit de la Parole de Dieu, peut être plus précieux que les frères les plus doués. La valeur morale d’un chrétien est dans la manière dont il réalise la présence du Seigneur et marche avec lui.

Nous avons à désirer avec ardeur qu’il y ait des jeunes qui demandent au Seigneur qu’il les qualifie pour son service. Il est heureux de voir un appel de jeunes pour le service. On ne commence guère une carrière à soixante ans. Mais combien de jeunes risquent d’avoir l’oreille fermée à l’appel de leur Maître ! Pour quelle raison ? Dieu le sait ; et eux-mêmes doivent le savoir. Beaucoup d’entre eux sont trop pris par les affaires de la vie.

Il pourrait aussi arriver que, la conscience étant mal à l’aise, on cherche à atténuer ce malaise, et qu’on trouve l’apaisement par de l’activité volontaire, qui ne serait pas le fruit de la dépendance du Seigneur. Cela n’arrangerait rien, au contraire.

Plût au Seigneur qu’il y ait des jeunes qui s’engagent à la suite du Seigneur. «Si quelqu’un me sert, qu’il me suive» (Jean 12:26). Le suivre, c’est lui obéir. La Parole est pleine de phrases très simples, dont le contenu a une portée infinie.

Les tendances à remplacer par des initiatives personnelles le simple fait de l’obéissance est un symptôme d’un état général mauvais. Nous avons à mener deuil, dans l’assemblée, quand se manifestent des tendances à l’indépendance.

«Si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche» ; paroles remarquables, qui ont joué un grand rôle dans la formation des ouvriers du siècle dernier. «Si tu sépares…» : voilà le bon travail d’un serviteur fidèle. Autrement dit, le fruit d’un travail ainsi opéré, c’est de contribuer à mettre fin au mélange. La victoire de l’ennemi, dans la chrétienté la meilleure, c’est de faire enseigner des doctrines mélangées, soit sur le terrain moral, soit sur le terrain doctrinal. On entend dire : «Sur le terrain doctrinal, il ne faut pas être trop strict !». Nous trouvons, dans l’Écriture, que si quelqu’un ne vient pas chaque jour après Christ, en portant sa croix, il ne peut être son disciple (Luc 14:27). Heureux ceux qui auront su séparer ce qui est vil de ce qui est précieux. Pour plusieurs, cette fidélité leur a coûté la vie. Aujourd’hui, en sommes-nous là ?

Qu’est-ce qui est vil ? Tout ce qui vient de la volonté de l’homme, c’est-à-dire l’activité de la chair sous toutes ses formes, voilà ce qui est vil. C’est le mal. Séparer ce qui est précieux de ce qui est vil, voilà le service fidèle ! Ne jouons pas avec les vérités dont l’importance, en apparence, paraît moindre. Chacun aura à faire au Seigneur. Tout se ramène, au fond, à des questions morales.

Dieu est amour ; mais il est aussi lumière. Pouvons-nous, en toute révérence, partager, pour ainsi dire, la nature de Dieu en deux ? Même entre les frères, il n’y a jamais d’amour vrai sans la lumière.

Ne flattons jamais un frère. C’est l’ennemi qui fait faire cela. Ne nous laissons pas influencer, ni par les flatteries, ni par les menaces. Un homme de Dieu, c’est le plus grand trésor qui soit au monde.

Plus un frère a de maturité d’âme, de spiritualité, d’intelligence des choses de Dieu, plus il est responsable d’agir en conséquence. Et s’il est appelé à aider, il est responsable s’il se laisse influencer par des considérations humaines.

Qu’il y ait beaucoup de crainte ! Vous voulez attirer la jeunesse par toutes sortes de moyens ? Vous faites le travail de l’ennemi. Soyons exercés pour que la présence du Seigneur soit goûtée parmi nous. Les âmes seront gagnées, et il y aura des conversions. Nous n’avons pas besoin de forcer une âme à une confession : «««De l’abondance du coeur la bouche parle» (Matt. 12:34).

Apprenons donc que nous ne sommes rien du tout !

J’ai toujours été frappé que le frère à qui nous devons tant s’est toujours fait le serviteur de tous. Nous aimons ces frères pour leur valeur morale et spirituelle. Nous sommes portés à chercher notre réputation. Nous devons fuir cela. Jouir de la communion de nos frères, de nos soeurs, oui ; mais d’une vraie communion en Christ, sinon le «moi» s’y mêle. Et c’est toujours ce qui gâte tout ! Des soeurs peuvent faire beaucoup de mal, en influençant. Retenons la manière dont le Seigneur a repris Pierre : «Arrière de moi, Satan» (Matt. 16:23).

Ce n’est pas la présence des frères qui nous aide, avant tout, dans nos douleurs et nos peines. C’est la présence de Christ, la présence du Seigneur. Même pour un évangéliste, ce n’est pas sa présence propre qui peut attirer les âmes. C’est la présence du Seigneur avec lui, dans son service, dans sa marche.

«Si tu sépares…» : il nous faut être convaincus, divinement, de la position que nous avons. Nous devons pouvoir répondre, avec l’Écriture, à quiconque nous demande raison de l’espérance qui est en nous.

«Si quelqu’un parle, qu’il le fasse comme oracle de Dieu» (1 Pier. 4:11). Si nous avons cinq paroles seulement, n’en disons pas dix ! La présence du Seigneur se réalise par l’Esprit Saint.

«Qu’ils reviennent vers toi, mais toi ne retourne pas vers eux». Le Seigneur nous a séparés. Et il faut bien que nous prenions conscience de la position si étrange que nous avons vis-à-vis d’autres chrétiens. Du moment que nous avons compris cela, nous pouvons bien comprendre cette parole : «Toi ne retourne pas vers eux». Celui qui a reçu la vérité que Dieu révèle est responsable de la garder. C’est une impossibilité intérieure, et divinement sentie, de retourner vers eux.

S’il y a des frères qui sont mondains ou charnels, qui cherchent leurs propres intérêts, nous n’avons pas à les imiter ! Le Seigneur connaît les sentiments intérieurs, avant que les hommes s’en aperçoivent. Il faut s’occuper des âmes, de la part du Seigneur, et avec lui. Cela implique toujours la dépendance. Les frères qui sont en avant sont très responsables de réaliser cette dépendance. Ils doivent avoir le Seigneur dans leur coeur. Ne cherchons aucune place, sinon celle où le Seigneur se tient près de nous. Chacun doit accomplir sa tâche avec le Seigneur. Nous avons besoin de lui tous les jours. Paul dit : «Pour moi, vivre c’est Christ» (Phil. 1:21), et non pas : vivre, c’est le servir. Jamais le service ne peut remplacer le Maître.

«Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux». Les frères du commencement se cramponnaient à cette promesse, comme un navire dans la détresse s’attache à une ancre. Ne voyez-vous pas que cette promesse du Seigneur est valable dans tous les temps, même dans les temps de ruine ? C’est la grande ruine, aujourd’hui ! Le vaisseau que représente l’Église fait eau de toutes parts. Mais le Seigneur est là ; et c’est lui qui répond à tout.

Christ est le seul chef. Nous sommes tous dépendants du Maître. Comment connaîtrons-nous la vérité ? En étant exercés. C’est dans ce passage qu’il est dit : «Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel». Ceci est vrai à condition que l’assemblée soit en bon état. Les réunions d’administration sont donc très importantes. Que la crainte de Dieu remplisse les coeurs ! Ce bon état n’est pas lié à un don.

Quand un cas exerçant se présente, ce n’est pas un frère qui tranche l’affaire. Le Seigneur laisse à l’assemblée le soin d’être exercée. Et elle doit s’attendre à lui, pour qu’il manifeste sa pensée. Qui oserait dire que tous ceux qui sont à la table du Seigneur sont de véritables croyants ? On peut tromper les frères ; on peut tromper une assemblée ; mais pas le Seigneur. Donnons ce sentiment de crainte aux jeunes. Ne leur laissons pas croire que ce qui se passe dans l’assemblée nous laisse indifférents.

Si nous encourageons quelqu’un à entrer dans l’assemblée avec un motif étranger, nous l’encourageons à avoir, pour le reste de ses jours peut-être, le sentiment d’avoir étouffé sa conscience. Si nous agissons d’une manière telle que nous laissions penser qu’il est équivalent, quant à la responsabilité, d’être dedans ou d’être dehors, nous péchons. La différence entre le dedans et le dehors doit être manifestée dans la vie pratique. Le Seigneur ne bénira pas toutes les voies détournées, à moins que, dans sa grâce, il produise des exercices ultérieurs.

Tout ce qui touche à l’Assemblée touche aux droits du Seigneur, à la gloire du Seigneur, à la volonté du Seigneur. Tout cela est très sérieux, mais en même temps très heureux. Car la crainte du Seigneur maintient dans le chemin de la piété, de la paix. Quand nous avons le Seigneur avec nous, nous sommes à l’abri de Satan. Au contraire, si nous le méprisons, Satan nous entraînera loin de lui.

Si nous rendions un témoignage plus vrai, si nous servions le Seigneur plus fidèlement, nous produirions, dans le coeur même des inconvertis, des sentiments qui pourraient leur être très salutaires. Car la crainte de Dieu est un élément fondamental, au départ, pour toute la vie chrétienne.

L’assemblée n’est pas un lieu où l’on peut rechercher ses propres intérêts. Que le Seigneur nous donne d’y penser ! Paul a dû reprendre Pierre, alors que celui-ci risquait d’entraîner à la dérive tout le témoignage. Paul n’hésite pas à reprendre Pierre en face (Gal. 2:11, 14).

Que le Seigneur nous garde, les uns et les autres. Qu’il nous garde près de lui ! Si nous avons baissé, et ne sommes pas en état d’accomplir tel ou tel service, arrêtons-nous, et cherchons la lumière de sa face !

La même puissance qui peut faire passer une âme, jeune ou non, des ténèbres à la lumière, est nécessaire, pour que soient gardés, dans le chemin de l’obéissance et quel que soit leur âge, tous les enfants de Dieu.

Que le Seigneur nous soit en aide à tous. Et que nous nous attendions à lui !

 

11                  L’autorité de l’Assemblée et le jugement du mal — 1 Corinthiens 11:20-34 ; 5:6-13 ; Matthieu 18:18-20

 

[LC n° 85]

Réunion d’étude de Pentecôte 1956

Méditations sur la vie  chrétienne, édition FR 1995, p. 311

 

Dans la vie chrétienne, rien ne doit se faire machinalement et sans un exercice continuel.

1 Corinthiens 11 nous rappelle que la participation à la cène d’une manière qui honore le Seigneur requiert un certain état moral. L’action directe du Seigneur d’une part, et la fidélité des saints d’autre part, en particulier à l’égard de la cène, sont des éléments importants dans la vie de l’assemblée. Quand nous oublions les droits du Seigneur, lui ne les oublie pas ; il nous les rappelle. Si nous ne savons pas les faire valoir, il se charge de maintenir lui-même les droits de sa gloire, et cela pour le bien même des saints.

L’Assemblée n’est nulle part appelée à mettre de l’ordre dans le monde. Elle l’a oublié au cours des siècles ; elle a repris le glaive pour faire régner la justice : ce n’est pas sa mission, en aucune manière. Doit-elle être indifférente au mal qui l’entoure ? Non, elle doit s’en séparer. Mais l’assemblée a le devoir de juger le mal au milieu d’elle.

À Corinthe, des croyants en communion à la table du Seigneur négligeaient de se juger et, par conséquent, d’ôter le mal qui était dans leur coeur. Dieu était obligé d’agir en gouvernement, vis-à-vis d’eux. L’expression «c’est pour cela que plusieurs sont faibles et malades parmi vous, et qu’un assez grand nombre dorment» (1 Cor. 11:30) prouve qu’ils étaient châtiés par le Seigneur, afin de ne pas être condamnés avec le monde. Ce jugement direct de la part du Seigneur sur les siens concerne chacun pour lui-même. Nous ne sommes pas appelés à juger les autres, mais à nous juger nous-mêmes. Dieu veut que nous sachions nous laisser instruire par les situations diverses qu’il place devant nos yeux. Une âme pourrait peut-être, devant la gravité du fait de participer à la cène du Seigneur indignement, se priver de ce privilège, de manière à éviter de tomber sous le jugement de Dieu. C’est pourquoi nous lisons : «Mais que chacun s’éprouve soi-même…» (11:28). La solennité de ce service ne doit pas entraver le coeur qui aime le Seigneur ; la ressource est donnée.

Les Corinthiens prenaient la cène indignement, ne distinguant pas dans le pain le corps du Seigneur, et dans le vin le sang du Seigneur ; ils la confondaient avec un repas ordinaire. On prend aussi la cène indignement lorsqu’on oublie ce qu’elle exprime, ce qu’elle est ; et cela s’accompagne très vite de l’oubli du jugement de soi-même. Si l’état de notre coeur ne correspond pas à ce que le Seigneur est, à ce que le Seigneur attend, jugeons-nous avant de nous approcher. Alors nous pourrons avoir le coeur occupé du mémorial du Seigneur, de sa mort qui exprime tout ce que Dieu pense de l’homme et témoigne en même temps de tout son amour. Ce n’est pas une question de dignité de celui qui s’approche : nous sommes tous indignes par nature. C’est l’oeuvre de Christ qui purifie le pécheur et le rend propre pour annoncer sa mort. Annoncer la mort du Seigneur, c’est annoncer sur l’homme dans la chair le jugement que Dieu a porté. Cela convient à la gloire et à la sainteté du Seigneur ; et ainsi la chose est faite d’une manière digne de lui.

Qu’est-ce que manger le pain et boire la coupe du Seigneur dignement ? C’est réaliser le jugement de soi-même. Ceci ne doit pas avoir lieu seulement quand on est coupable d’un acte répréhensible ou d’une pensée mauvaise, mais même si on a eu une conduite irréprochable pendant la semaine. Se juger soi-même, c’est reconnaître qu’on n’est rien, que tout vient de la grâce du Seigneur. Dans ces dispositions-là, en participant au mémorial que le Seigneur nous a laissé, on est gardé de se glorifier, on rend toute gloire au Seigneur, à qui seul elle appartient.

Le jugement de soi-même n’est pas seulement le jugement d’un manquement positif, bien qu’il soit alors plus nécessaire que jamais. Si nous nous jugions habituellement devant Dieu, comme la Parole nous invite à le faire, beaucoup de manquements seraient évités. Il faut toujours se tenir devant Dieu. Le jugement de soi-même est produit par la lecture de la Parole. Un frère disait : «Le matin, mon premier travail est de lire la Parole de Dieu, mais si elle ne m’a pas amené à me juger, j’ai perdu mon temps». Si la Parole nous présente Christ, nous serons amenés à juger nos coeurs, le «moi». Le mot «soi-même» ne suppose pas qu’on juge les autres ; «soi-même», c’est le jugement profond du vieil homme.

C’est toujours par la lecture de la Parole que nous sommes conduits à cet état. «Si quelqu’un a péché — c’est un accident, ce n’est pas un état — nous avons un avocat auprès du Père» (1 Jean 2:1). Comment agit-il ? Par sa Parole et par son Esprit, qui opèrent dans nos coeurs pour nous amener à confesser et à abandonner notre péché, et ainsi à retrouver la communion perdue. Et «si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité» (1 Jean 1:9). C’est par la Parole et par l’Esprit que nous sommes amenés à ce lavage, à cette purification, à la confession et à l’abandon.

Le Seigneur — on le comprend bien, mais c’est plus difficile de le réaliser — ne peut pas tolérer que ce qui est condamné en nous par sa mort même, vienne se mêler à un service où nous rappelons cette mort. Sa mort est la condamnation de tout ce qui, en nous, n’est pas de Dieu. Elle est la mise de côté entière de ce que nous ne savons pas mettre de côté, de ce qui, dans notre état pratique, n’est pas en accord avec notre position. Moralement, pour prendre la cène, on doit juger les mouvements intérieurs du coeur. Le péché grossier, en un sens, est plus facile à juger, parce que le frère le moins spirituel sera souvent le premier à prendre une pierre pour lapider le coupable. Mais l’égoïsme, l’orgueil, la préoccupation de soi… ! L’orgueil aussi est un péché, l’égoïsme est un péché : ce sont des péchés terribles ! Le Seigneur est mort à cause de cela, et nous avons à tenir pour mort ce que Dieu a tué et à agir en conséquence. Nous avons à juger, d’une façon pratique, tous ces mouvements intérieurs, avant de prendre la cène où nous proclamons que nous avons été tués. Ce qui en nous est mortel a été mis à mort. Tout cela se lie aux vérités profondes de l’évangile, non pas l’évangile du salut de l’âme, mais l’évangile de Dieu tout entier.

Les exhortations de 1 Corinthiens 11 s’adressent à des personnes en communion à la table du Seigneur. Il ne faudrait pas appliquer ces versets à des personnes qui, tout en étant des croyants, ne sont pas encore en communion. Certains le font en prétendant que la participation à la cène est une affaire personnelle, que chacun est responsable pour soi, puisqu’il est écrit : «Que chacun s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange…», et que les frères n’ont pas le droit de soumettre les personnes qui désirent s’approcher de la table du Seigneur à un examen quelconque. En Matthieu 18, il est clairement établi que l’assemblée est revêtue d’autorité de la part du Seigneur et qu’une administration lui est confiée, non pas en rapport avec les droits des frères, ni même avec les droits de l’assemblée, mais en rapport avec les droits du Seigneur. Or on a souvent cherché à affaiblir, et même à annuler, ce pouvoir administratif à cause de la faillibilité des frères. Dans toute société humaine, il faut une autorité reconnue. Ainsi, dans le cadre de la famille, le mari, le père, est revêtu d’autorité de la part de Dieu, indépendamment de ses capacités, de ses qualités ou de ses faiblesses ; son autorité doit être reconnue. Dans l’assemblée, si cette autorité n’est pas reconnue, il n’est pas possible qu’il y ait la paix, parce qu’il ne peut pas y avoir d’ordre, et il n’y a pas d’ordre sans autorité reconnue. Le Seigneur, pendant son absence, sans cesser d’agir directement lui-même, a établi cette autorité en rapport avec ses droits, autorité qu’il a confiée à l’assemblée pour en exercer l’administration. Pour cette raison, il ne convient pas qu’un chrétien, même fidèle, irréprochable dans sa conduite, s’approche de la table du Seigneur à titre personnel.

L’assemblée a le pouvoir de lier et de délier, de retenir ou de remettre les péchés administrativement ; il ne s’agit pas du pardon éternel, c’est Dieu seul qui le donne. Mais sur la terre, il y a un pardon administratif exercé par l’assemblée selon Jean 20:23. Jésus, ressuscité, se trouve au milieu des siens réunis, représentants en type l’Assemblée qui allait être constituée. Il leur dit : «À quiconque vous remettrez les péchés, ils sont remis ; et à quiconque vous les retiendrez, ils sont retenus» (non pas «seront», mais «sont») ; c’est une part actuelle, en rapport avec la terre, et non pour le ciel. C’est pourquoi il est dit : «Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel» (Matt. 18:18), et non pas «pour le ciel».

L’exercice de ce pouvoir administratif apparaît dans les deux épîtres aux Corinthiens ; il n’y a rien de plus clair. Le chapitre 5 de la première épître nous montre la nécessité pour l’assemblée de juger le mal et d’ôter le méchant de son sein. Dans le chapitre 2 de la deuxième épître, l’apôtre recommande aux Corinthiens d’exercer la miséricorde, de pardonner : «Celui à qui vous pardonnez quelque chose, moi aussi je pardonne» (v. 10). Il ne s’agit pas d’un pardon personnel, mais du pardon administratif accordé par l’assemblée et par nul autre que l’assemblée. Un groupe de frères, ou un frère isolé, n’a aucun pouvoir administratif en rapport avec l’assemblée ; il n’a pas le droit de retirer la cène à qui que ce soit et de la donner à qui que ce soit. Si le meilleur de mes amis, pour lequel j’aurais dix fois plus d’estime que pour moi-même, venait à la réunion sans avoir été reçu en communion par l’assemblée, et me demandait de lui passer la cène, je ne la lui donnerais pas et je lui dirais : «Je ne le fais pas, parce que je n’ai pas la compétence pour le faire ; ce n’est pas à moi que le Seigneur a confié le pouvoir de lier et de délier ; je dois être soumis à l’assemblée, reconnaître l’autorité du Seigneur dans l’assemblée et le pouvoir administratif confié à l’assemblée. Si vous désirez prendre la cène, vous y avez droit aussi bien que moi, mais il faut que vous vous adressiez à la bonne place».

C’est pourquoi tous les frères ensemble ne sont pas qualifiés non plus pour lier et délier. Les frères examinent. Quelques frères peuvent même étudier un cas, sans mettre au jour tout ce qu’ils ont découvert, et le présenter devant les frères ; mais c’est l’assemblée tout entière, soeurs comprises, qui lie et délie, qui reçoit et exclut de la part du Seigneur, à une occasion où elle est réunie comme telle.

Ce sont, bien entendu, les frères et les soeurs de l’assemblée locale qui administrent ; ils n’ont pas de compétence pour administrer une autre assemblée. Il pourrait arriver qu’une assemblée voisine, connaissant des choses que cette assemblée responsable ignore, la renseigne ; de même un frère individuellement. Le ou les frères se libéreront ainsi de leur responsabilité, mais ils n’insisteront pas pour faire valoir leur point de vue. Comme il convient qu’il y ait soumission personnelle à une assemblée, il convient aussi qu’il y ait soumission réciproque entre les assemblées.

Une décision grave peut être fausse, même si elle a été prise en toute droiture. Il faut alors que les frères responsables aient affaire avec le Seigneur, pour que ses intérêts et l’amour des saints les dirigent, et non pas seulement les informations reçues.

Envisageons le cas où un frère est l’objet de la discipline de l’assemblée, et est personnellement convaincu que l’assemblée s’est trompée. Ce frère, s’il est dans les dispositions qui conviennent, verra le Seigneur au-dessus de l’assemblée et recevra cette épreuve de sa part. S’il s’en remet au Seigneur avec patience, il est impossible qu’Il n’intervienne pas en sa faveur. Mais que faire en attendant ? Rester tranquille, ne pas défendre ses propres intérêts et ne pas chercher des défenseurs ailleurs. Dans la mesure où nous défendons nos propres droits, nous empêchons le Seigneur de les défendre. Il vaut donc mieux que nous le laissions faire ; il le fera bien mieux que nous.

Quelle sera l’attitude du frère exclu ? Assister aux réunions de l’assemblée locale, discrètement, sans s’asseoir au premier banc. Si la décision a été prise, admettons en Amérique, et que ce frère se trouve parmi nous et exprime le désir de prendre sa place, son chemin moral doit repasser par l’Amérique ; l’affaire sera traitée de façon officielle entre les assemblées. Agir autrement serait nier l’unité du corps de Christ. Il est faux de rompre le pain à un endroit parce que les frères sont sympathiques, et non dans l’assemblée voisine parce que les frères ne le sont pas. Ce serait faire de l’assemblée un triste système. Si un frère a Dieu avec lui, et qu’on lui ait fait un tort grave, plutôt que de regimber, il sera bien plus heureux en se courbant, comme on le lui demande officiellement, prenant la dernière place au fond du local de l’assemblée, attendant que la lumière soit faite, même si elle ne devait être faite qu’au ciel. Si le frère à qui on a fait tort veut avoir raison, il a justement tort. S’il a raison devant Dieu, cela sera manifesté tôt ou tard ; mais dès qu’il revendique ses propres droits, il entre dans son tort et Dieu n’intervient pas.

Nous ne sommes pas toujours punis par où nous avons péché, et il peut arriver que nous souffrions d’une injustice. Il est plus avantageux de souffrir une fois pour un péché que nous n’avons pas commis que de souffrir pour tous les péchés que nous avons commis. Quand les frères de Joseph sont allés en Egypte pour y chercher du blé, la seconde fois, on a mis la coupe de Joseph dans le sac de Benjamin. Ils s’en retournent reconnaissants, parce que Dieu les a secourus. Les Egyptiens les rejoignent et les accusent d’avoir volé la coupe de Joseph. On pourrait s’écrier : «Quelle injustice, quelle cruauté de faire passer ces hommes par ces angoisses et de les obliger à confesser un péché qu’ils n’ont pas commis !». Ils disent : «Dieu a trouvé l’iniquité de tes serviteurs» (Gen. 44:16) et non pas : «Nous sommes d’honnêtes gens» (42:11), comme précédemment. Ils savaient que, s’ils n’étaient pas coupables du vol dont on les accusait, ils étaient coupables d’un péché plus grave. Nous devrions toujours y penser ; cela aiderait à supporter l’injustice.

Une erreur de jugement peut se manifester. Josué s’est trompé en accueillant les Gabaonites, en leur faisant grâce ; mais la chose était faite. Saül a voulu rétablir l’ordre et les exterminer. À la suite de cela, du temps de David, la famine est tombée sur Israël pendant trois ans. «Et l’Éternel dit : C’est à cause de Saül et de sa maison de sang, parce qu’il a fait mourir les Gabaonites» (2 Sam. 21:1). Dieu ne voit pas l’Assemblée en 1956 ; il voit l’Assemblée. Dieu n’agit pas toujours au moment où le mal apparaît ; il agit lorsque l’état spirituel de l’assemblée lui permet de faire entendre sa voix, peut-être longtemps après. Ainsi Saül n’a pas été discipliné, car il n’aurait rien compris ; mais David, lui, a recherché l’Éternel sous le poids de la discipline.

On voit parfois des frères qui ont une difficulté dans l’assemblée locale aller rompre le pain dans l’assemblée voisine. C’est faux, c’est renier pratiquement le principe de l’unité du corps. Il vaut mieux souffrir dans le chemin du Seigneur que d’éviter la souffrance en dehors de son chemin.

L’état idéal et parfait d’une assemblée ne s’est jamais trouvé et ne se trouvera jamais. Le Seigneur supporte des choses qu’il n’approuve pas. Plus nous serons près du Seigneur, moins nous les approuverons, mais plus nous saurons les supporter. Un de nos conducteurs disait : «Si je ne voulais aller que dans les assemblées où j’ai communion avec tout ce qui s’y fait, je ne pourrais aller dans aucune». Prions beaucoup pour que le Seigneur intervienne et menons deuil ; ne pensons pas que nous pouvons éviter de souffrir. Du jour où nous deviendrions indifférents à l’état de l’assemblée, nous aurions le Seigneur contre nous. Une assemblée peut être maintenue simplement parce que quelques éléments pieux, sans bruit, ont beaucoup affaire avec le Seigneur et lui parlent de tout ce qu’ils ont sur le coeur, de tout ce que le Seigneur leur donne de sentir et de porter avec lui. Nous aurons des surprises, quand le Seigneur montrera ce qu’il a accompli dans les siens ; et peut-être, bien des soeurs qui auront vécu dans l’ombre, inconnues, auront une place d’honneur au-dessus de tous les frères.

La droiture, c’est l’état d’une âme qui reconnaît devant le Seigneur ce qu’elle doit reconnaître. C’est à quoi le service pastoral doit conduire, avec précaution, le plus discrètement possible. Quand tout ce qui doit être jugé a été jugé devant le Seigneur, la grâce peut couler ; mais tant que cela n’est pas fait, rien n’est fait.

Quelqu’un peut être malade à la mort, au sujet duquel il est dit : «Je ne dis pas qu’il demande» (1 Jean 5:16). Nous n’avons pas une liste de péchés à la mort : c’est le discernement spirituel qui les perçoit. Il se peut que, dans le cas d’un malade, on ne puisse demander la guérison. Pierre n’a pas prié pour Ananias et Sapphira. Ce sont des choses solennelles, mais elles constituent la vie de l’Assemblée de Dieu. Les faits sont là, et les misères que nous portons tous en nous-mêmes aussi.

On cite parfois, en rapport avec l’exclusion d’un frère : «L’amour couvre une multitude de péchés» (1 Pierre 4:8). Mais on ne peut pas couvrir un péché publiquement connu dans l’assemblée, ou même au dehors ; c’est impossible. Il y a diverses sortes de disciplines. Voici une difficulté qui survient entre deux frères ; elle n’a pas besoin d’être portée à la connaissance de tous, si elle peut être réglée directement entre eux. Lorsqu’un frère vient avec amour au-devant d’un autre frère pour qu’il ne se prive pas de la communion avec l’assemblée, c’est la discipline fraternelle. Lorsqu’un frère, un ancien, un surveillant, va reprendre quelqu’un et lui dire : «Mon cher, tu t’engages dans une mauvaise voie», et l’exhorte à revenir, c’est la discipline paternelle. Il n’est pas nécessaire que ce service soit connu de tous les frères. Mais lorsqu’un péché ayant porté atteinte au témoignage est découvert, on ne peut pas le couvrir, du moins pas tout de suite ; il doit être confessé par le coupable et par l’assemblée, puisque c’est le péché de l’assemblée. Il s’agit alors de la discipline du Seigneur sur sa maison. Quand le Seigneur a pardonné, il couvre lui-même le péché et l’assemblée est appelée à faire de même. C’est pourquoi, si un frère a été exclu puis restauré, lorsque l’assemblée a reconnu officiellement l’oeuvre du Seigneur dans son coeur et dans sa conscience, il ne convient pas qu’on ramène son péché devant lui. La restauration est l’oeuvre du Seigneur ; nous pouvons et devons y participer, mais c’est le travail du Seigneur dans le coeur. Elle est distincte de la confession ; la confession d’un péché peut être immédiate et la restauration très longue. Cela est important pratiquement. Il ne faut pas que des sentiments d’ordre familial ou un esprit de clan interviennent. Il faut pouvoir constater la restauration d’une âme, surtout après une chute grave ou lorsqu’il y a une tendance tenace. Cela exige de la spiritualité et du sérieux. Alors, on couvre le péché ; il est enseveli ; la restauration de l’âme est constatée et l’assemblée délie. L’assemblée reconnaît la restauration et prononce la réintégration de la part du Seigneur. Désormais le passé est oublié.

«L’amour couvre une multitude de péchés». Ce principe invite à couvrir ce que Dieu couvre, à ne pas le découvrir à plaisir, en public notamment, mais il n’autorise pas une négligence à l’égard d’un mal que nous pouvons constater chez un frère. L’amour n’est jamais indifférent ; il n’est pas paresseux pour laisser quelque mal se développer chez un frère. Si nous aimons notre frère comme nous-mêmes, nous ne voudrions pas qu’il subisse un dommage, comme nous ne voudrions pas le subir nous-mêmes. Il y a un équilibre difficile à garder. Il nous faut tendre à couvrir tout ce qu’on peut couvrir. Il y a bien des choses qui ne viennent pas au jour, que le Seigneur connaît et qu’il faut porter avec lui. Le service sacerdotal accompli par des frères, ou par un frère, dépend de la piété et de la spiritualité à l’égard du péché. Un frère peut porter un péché devant Dieu, en parler au Seigneur et «manger le sacrifice pour le péché dans un lieu saint» (Lév. 6:19). Un service pastoral pourrait guérir bien des plaies sans qu’elles viennent au jour. Cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas vues, mais elles ne sont pas manifestées devant tous.

Dans un cas d’exclusion, un frère mal renseigné peut soutenir celui qui a manqué. Cela amène du trouble et, par là même, empêche la restauration. Un frère sentimental, même s’il est pieux et a un bon témoignage, peut se laisser influencer ; alors il empêche le travail de Dieu dans le coeur. C’est un danger très grave. Il faut toujours attendre, et dans le silence, le salut qui vient de l’Éternel (Lam. 3:26). Un frère qui soutient un frère exclu, parce qu’il est convaincu que ce frère est victime d’une injustice, n’a pas du tout la pensée du Seigneur.

«Si deux d’entre vous sont d’accord…» : la prière, ici, est en rapport spécialement avec l’administration de l’assemblée. Une assemblée qui prie, qui s’humilie, qui s’attend au Seigneur, ne peut pas être abandonnée à sa faiblesse.

Ce n’est pas habituel qu’une décision d’assemblée soit injuste ; mais c’est habituel que, lorsque la décision est selon le Seigneur, celui qui en est l’objet trouve qu’elle est injuste. L’Ennemi s’acharne de plus en plus à créer un esprit de parti : de cette manière, il ruine le témoignage. Dans une assemblée, quand les frères ne sont pas d’accord sur une question administrative, il faut s’humilier, prier aussi longtemps qu’on ne voit pas clair ; il ne faut pas prendre de décision, mais attendre. La patience est mise à l’épreuve. Si les frères et les soeurs s’attendent au Seigneur, il est impossible qu’il n’intervienne pas. Même s’il faut un miracle, il le fera, mais quand il le jugera bon.

Que faire si, dans une assemblée, un seul frère n’est pas d’accord pour prendre une décision ? S’il y a de la spiritualité, les frères attendront jusqu’à ce qu’ils discernent si le motif est valable. L’assemblée n’est pas une démocratie, même si elle tend à le devenir, dans l’esprit de beaucoup. Si s’en était une, chacun aurait sa voix ; mais nul n’a sa voix, le Seigneur seul a la sienne. Si la voix d’un frère ou d’une soeur peut être entendue, c’est parce qu’elle est la voix du Seigneur. C’est pourquoi on ne peut pas établir de règles. Ce sont des cas d’espèces ; il n’y a pas deux cas semblables, il n’y a pas deux assemblées qui soient rigoureusement dans le même état : les éléments qui les composent sont différents, le degré de communion avec le Seigneur et le degré de spiritualité sont variables.

On a parlé de prière. Ce n’est pas seulement lorsque les frères sont réunis pour examiner un cas devant le Seigneur qu’il faut prier ; c’est chaque jour. Portons-nous devant le Seigneur, dans le secret ou en famille, les cas qui nous exercent et font souffrir l’assemblée, au lieu peut-être d’en parler beaucoup à droite et à gauche ? Le travail de Dieu se fait à genoux d’abord. Il est nécessaire aussi de commencer une réunion d’administration par la prière ; cela ne se fait pas toujours. Mais cela ne suffit pas, il faut continuer la réunion dans la dépendance et la crainte de Dieu. Il est arrivé à un frère de refuser de prier à la fin d’une réunion d’administration en disant : «Il n’est pas possible de nous adresser à Dieu dans l’état où nous sommes ; après ce qui vient de se passer, il faut baisser la tête et rentrer chacun chez soi». Il est arrivé aussi que des frères spirituels disent : «Mieux vaut se mettre à genoux que de continuer», parce que la chair se manifestait.

Pour réaliser ce qu’est une assemblée de Dieu, il faut que nous prenions à coeur les droits du Seigneur, que nous reconnaissions la sainteté de sa table et la nécessité de juger le mal. Il faut faire la différence entre une assemblée où le mal exerce la conscience, même s’il n’est pas jugé tout de suite officiellement, et une assemblée où on est indifférent à l’égard du mal.

Jugeons-nous donc nous-mêmes, humilions-nous devant le Seigneur, ayons à coeur les droits de sa gloire ! Mais, pour exercer la discipline avec une plus grande sagesse, il faudrait relever le niveau moral et spirituel des assemblées par la prière, par la Parole, par des frères et des soeurs qui se nourrissent de Christ, qui vivent quotidiennement avec lui. S’il n’y a pas de dons dans un rassemblement, il y aura toujours la présence du Seigneur. Il faut nous en souvenir et assister nombreux à toutes les réunions autour du Seigneur, afin de nous aider les uns les autres et d’élever le niveau moral des âmes pour la gloire du Seigneur. Nous en avons tant besoin.

 

12                  La présence du Saint Esprit — Matthieu 18:19 ; 2 Timothée 1:7, 13 ; 2:14 ; 3:14 ; Apocalypse 3:7-13

 

[LC n° 44]

Lausanne

 

Il est clair, pour tout croyant qui craint Dieu, qu’il ne saurait se poser de question à l’égard de la valeur de la Parole de Dieu, de sa permanence, de sa suffisance en ce jour du vingtième siècle, et de sa suffisance au même degré que pour ceux qui, au temps des apôtres, ont éprouvé sa force, ou pour ceux qui, au cours des siècles, l’ont fait à leur tour, ou encore pour ceux qui, d’une manière spécialement riche, l’ont fait, au cours des 19° et 20° siècles.

Aucune personne craignant Dieu ne peut être tentée — étant gardée, bien entendu — de chercher ailleurs la lumière de la vérité pour les jours dans lesquels nous sommes arrivés, vérité qui est exactement celle que le Seigneur a donnée, il y a vingt siècles, et qui n’a pas subi l’ombre d’une variation, ni dans sa lettre, ni dans son esprit.

Par conséquent, ce que nous pouvons déjà dire, à quiconque, à nous tous, et à ceux qui voient le terme de leur carrière à une distance peu éloignée, aussi bien qu’à ceux qui la commencent, c’est que la Parole demeure l’unique ressource. Ele a été la ressource unique et suffisante pour tous ceux qui ont déjà vécu dans la période chrétienne, dans cette parenthèse qui peut se fermer ce soir, la parenthèse de l’Église, et qui est celle aussi où toutes les choses de Dieu sont présentées à des personnes qui n’ont pas vu, mais qui ont cru, par le Saint Esprit.

Le grand caractère de cette dispensation, c’est la présence du Saint Esprit sur la terre, chose que la chrétienté a méconnue et rejetée, dans bien des cas. Et si elle ne le fait pas en doctrine, elle le fait en pratique, ce qui est encore plus grave. Nous avons besoin de nous rappeler qu’il nous arrive, à nous aussi, quelque instruits que nous ayons pu être, de le faire également.

Nous n’avons donc pas à attendre des révélations nouvelles. Nous ne sommes pas surpris s’il y a, à droite et à gauche, des prétentions de ce genre. Nous n’avons pas à en être surpris. Ces influences-là n’entament pas le chrétien qui est gardé par le Seigneur.

La source de la lumière, de l’amour, de la grâce, de la vérité, de la paix, du bonheur profond, du bonheur qui a été, dans tous les temps, la vraie force des saints, est dans l’Écriture, que nous avons entre nos mains.

Nous avons donc, tout d’abord, dans 2 Tim., ces deux vérités très importantes, de la présence, de l’action et de l’importance du Saint Esprit, et puis du saint dépôt scripturaire qui a été fait à l’Église, aux saints, et que Dieu nous a conservé, quand bien même nous aurions mérité qu’Il nous le retire (et alors, cela eût été pour nous le plus grand de tous les malheurs).

La seconde épître à Timothée est une épître pour une période où le ciel est chargé, sombre, où les circonstances des chrétiens et de l’Église ne sont, en apparence et en fait, pas réjouissantes. Eh bien, la Parole nous présente des ressources pour les mauvais jours, comme elle nous en présente pour les jours faciles ! Et nous pouvons bien faire notre compte, que la période de la facilité relative est pour nous révolue ; et cela vaut beaucoup mieux.

D’ailleurs, même dans les jours où les circonstances paraissaient très faciles et très favorables, personne, qu’il soit jeune ou non, n’a pu honorer et servir le Seigneur, avoir des rapports véritables, heureux, et vivre avec Lui et avec le Père, que par la foi. C’est par la foi que nous sommes debout. «Nous marchons par la foi, non par la vue» (1 Cor. 5:7). Cela est vrai à toutes les heures de l’histoire de l’Église, aux dernières comme aux premières ; cela est vrai aujourd’hui. La foi est le grand principe de la vie chrétienne, parce que la foi est le fait par lequel nous croyons ce que Dieu dit. Et elle est cette puissance, de source exclusivement divine, par laquelle nous comptons sur Dieu envers et contre tout… et tous.

Si nous n’avons pas assez de foi, Dieu est toujours là pour nous en donner, si nous le Lui demandons. Qu’il nous soit donné de ramener les besoins que nous éprouvons à leur élément véritable, essentiel, et de ne pas nous perdre dans des considérations secondaires.

Le Saint Esprit nous a été donné. Tout vrai chrétien l’a, bien que cela se manifeste d’une façon moins puissante, chez nous aujourd’hui, que chez l’apôtre Paul ; mais l’apôtre simple chrétien, parce que nous avons toujours la tendance de sous-estimer, et de prendre prétexte que Paul était apôtre, pour oublier Paul simple chrétien. Ce qui est le chrétien chez lui est, à bien des égards, plus admirable, spirituellement parlant, que l’apôtre. Et, en tous cas, le chrétien est celui que nous avons à imiter, d’après l’exhortation de l’Écriture.

Le Saint Esprit, nous l’avons. Chaque chrétien ici l’a. Quelqu’un qui n’a pas le Saint Esprit, qui n’est pas scellé, n’est pas dans l’état chrétien. Il ne fait pas partie du corps de Christ. Mais je ne développe pas cela. Tout vrai chrétien a le Saint Esprit, et le Saint Esprit est en lui, en chacun de nous. Un esprit d’amour, de puissance, de conseil, voilà le Saint Esprit.

Le premier grand point nous intéresse tous, étant individuel, pratique. Tout enseignement qui n’a pas une vérité pratique, on ne peut pas penser qu’il soit scripturaire, car il est impossible de penser que Dieu ait dit quelque chose dans l’Écriture qui ne doive pas avoir une portée pratique. Il n’a pas donné l’Écriture aux anges, mais aux hommes ; elle est présentée aux hommes, aux inconvertis, mais aussi aux chrétiens, pour leur instruction, leur consolation, pour toute leur carrière ici-bas.

On demande aujourd’hui : Où est la force ? Nous sommes d’accord : il y a très peu de force. Philadelphie, c’était le témoignage du siècle dernier. Il a fait moins de bruit, il a beaucoup moins remué le monde, que la Réforme ne l’a fait. Extérieurement, il y avait beaucoup moins de puissance. Du temps de Philadelphie, on n’a pas fait de miracles. «Tu as peu de force…».

Ce qui nous intéresse immédiatement, nous tous, du plus âgé au plus jeune, du plus spirituel — s’il y en a un — au plus jeune chrétien, d’une façon très pratique et très précieuse, c’est ce principe : De quelle façon traitons-nous cet Hôte, que nous avons, et qui est le Saint Esprit, dont notre corps est le temple ? Et de quelle façon traitons-nous cet Esprit de puissance ? Car il ne suffit pas que nous soyons assurés qu’Il se révèle tel ; il faut que nous soyons exercés à ne pas le contrister.

L’éteindre, c’est dans l’Assemblée. Le contrister, c’est dans l’individu. Lorsque le Saint Esprit est contristé, au lieu d’employer sa puissance à nous réjouir («le fruit de l’Esprit est la joie, la paix…» — Gal. 5:22 ; nous savons cela), à nous remplir de paix, de joie, de tranquillité, de confiance, de patience, d’énergie, toutes ces vertus chrétiennes qui ne peuvent être, dans le chrétien, que le fruit de l’opération de l’Esprit (le Saint Esprit nous révèle la beauté de Jésus, la vie de Jésus, et nous fait nous nourrir de la vie de Jésus), il doit agir en nous pour nous reprendre.

Il s’agit d’être exercés, pour savoir comment nous devons nous comporter, en raison de la présence de cette personne divine. Le Saint Esprit n’est pas une influence ; c’est une personne divine. Retenons ceci : Il produit des effets, mais c’est une personne divine. C’est aussi admirable que propre à nous remplir de confusion, en constatant avec quelle légèreté, avec quelle insouciance, nous acceptons cette vérité-là, que le Saint Esprit est en chacun de nous, de même qu’Il habite dans l’Assemblée.

Il s’agit toujours d’en arriver aux choses pratiques. Il ne faut pas attendre de rendre le dernier souffle, pour constater que la vie ici-bas est quelque chose de sérieux. Comment traitons-nous cet Hôte divin ? Comment sommes-nous exercés pour ne pas l’attrister ? pour ne pas le contrister, si on reprend l’expression des textes scripturaires (És. 63:10).

L’Esprit et la chair sont en nous. La chair convoite contre l’Esprit, et l’Esprit contre la chair. Que chacun de nous soit exercé, pour ne pas attrister le Saint Esprit.

On nous a appris, et nous avons pu reconnaître, par expérience, la vérité de cette parole très simple : Une pensée légère suffit à attrister le Saint Esprit. Combien de centaines de pensées légères avons-nous, au cours d’une seule journée, et de paroles légères, chers amis ? Que chacun de nous pense à cela ; car rien n’échappe au Saint Esprit. C’est par le Saint Esprit seulement que nous pouvons accomplir quelque service. Tout ce que Dieu fait directement, dans l’homme et par lui, Il le fait par le Saint Esprit.

Nous ne pouvons pas réaliser la présence du Seigneur, comme elle est définie en Matt. 18, autrement que par le Saint Esprit. Les deux choses sont distinctes : le Seigneur est présent en personne et en esprit ; mais c’est par le Saint Esprit et son opération, dans les saints et au milieu d’eux, qu’on peut goûter la présence du Seigneur. Ce n’est pas parce que nous nous réclamerons de la présence du Seigneur que nous l’aurons pratiquement. En réalité, ce sera en jugeant, chacun, dans son propre coeur, dans sa propre vie personnelle, en cherchant la communion avec le Seigneur et avec le Père. Au lieu qu’elle soit un fait occasionnel, comme cela est souvent le cas, que nous demandions au Seigneur qu’Il fasse que ce soit un état de plus en plus continu. Et normalement, dans une vie chrétienne, c’est ainsi que le progrès se marque. Il se marque, pratiquement, par le fait que la communion, qui était occasionnelle et facilement troublée, devient beaucoup plus égale, en même temps que beaucoup plus profonde, parce qu’il y a davantage d’expériences sur des points de détail.

La vie chrétienne est faite de détails, de toutes manières, dans les pensées, dans les paroles, dans tout le comportement.

Vous ne vous représentez pas l’apôtre Paul comme un homme léger, dans le sens ordinaire du mot. Vous ne vous représentez pas les frères et soeurs, auxquels nous devons tant (et, dans un sens, je pourrais dire, auxquels nous devons tout ce que nous savons), comme des hommes légers dans leur façon de faire. Que Dieu nous donne d’y penser. Le secret de la force gît là ; n’allons pas le chercher loin. La vie chrétienne est profondément simple, en même temps qu’elle est profondément admirable, et qu’elle est inimitable, pour celui qui n’a pas la vie de Dieu. Que Dieu nous accorde cela.

N’oublions pas que l’Esprit est présenté comme le Saint Esprit. Il détecte — pour employer un mot un peu moderne — tous nos sentiments, tout ce qui bouillonne dans notre coeur, tout ce qui ne vient pas au jour — et qui ne viendra jamais au jour. Tout cela suffit à l’arrêter. Et par quoi cela se traduit-il, pour nous ? Par une sécheresse d’âme, par de la langueur d’âme.

Nous sommes très diligents et vigilants pour la santé de nos corps, et nous sommes attentifs au moindre indice. Et, lorsque nous sommes en alerte, ces moindres indices sont des éléments, pour les personnes compétentes auxquelles nous faisons appel. À combien plus forte raison la santé de nos âmes, chers jeunes amis chrétiens, qui cherchez peut-être votre voie dans ce monde tourmenté, ce monde menteur et corrompu du haut en bas et de bas en haut. Vous cherchez votre voie ; elle est à la porte de votre coeur. Cherchez le Seigneur ; cherchez-le beaucoup, par la prière, par la lecture et la méditation de la Parole. Confessez-Lui de très près — et prenez cela comme une habitude, non pas au sens mauvais du mot, mais au sens le plus chrétien — confessez au Seigneur, au Père, vos manquements, que nous faisons tous, à tout âge, en pensées, en paroles et en actes. Le secret de notre bonheur, de notre paix quotidienne, du bon état de nos âmes et de notre force, en même temps que de l’intelligence spirituelle pour toute question, est là.

Comme la vie chrétienne est simple, mais comme elle est précise !

On est quelquefois tenté de penser que l’apôtre était un chrétien trop exceptionnel, et hors des dimensions habituelles. Mais c’était un homme avec lequel nous aurions eu la plus grande liberté. Ce n’était pas un homme qui planait ; c’était un homme qui se mêlait à la vie ordinaire, et dans lequel la vie chrétienne montrait sa force, à propos de toutes les questions qui se posent, pour un chrétien, ici-bas. C’est ainsi que nous ne sommes pas appelés à nous isoler de la société et à rechercher une vie qui ne soit pas celle dont le Seigneur Lui-même nous a donné l’exemple.

Aucun progrès, pour aucun chrétien, n’est le fruit de ses propres efforts. Il faut couper cette tendance, absolument et définitivement, à la racine. Le secret du progrès du chrétien n’est pas le fruit de ses efforts, mais il est tout entièrement l’effet de la grâce de Dieu agissant en lui avec puissance. Demandons ; ce qui est toujours ouvert devant nous, c’est la prière. Le chemin pour prier est toujours ouvert ; et même s’il nous paraît fermé, c’est justement le meilleur moment pour persévérer dans la prière. Jamais un chrétien n’a autant besoin de prier que quand il n’en éprouve pas le besoin. Si nous confessons nos manquements, nous ferons des expériences personnelles, cachées, secrètes. Chacun a ses secrets ; chaque vie chrétienne est un secret, et doit l’être. Nous ferons des expériences précieuses, et ces expériences sont autrement importantes et utiles que toutes les démonstrations extérieures. D’abord l’intérieur, et toujours l’intérieur ; l’extérieur suit.

C’est un Esprit de puissance, communiquant, suivant nos besoins, l’humilité de Jésus, la patience de Jésus, de telle façon que cette vertu fait partie de notre état spirituel, dans la mesure où nous sommes dépendants. C’est ainsi qu’on est formé, pratiquement, à l’image de son Modèle.

Mais alors, lorsque le Saint Esprit est contristé, au lieu d’employer sa puissance à cela, Il est obligé de nous faire des reproches. Et Il parle à notre conscience, qui est mal à l’aise. C’est encore une grande grâce, car nous ne sommes pas fidèles envers nous-mêmes, pour nous faire les reproches que nous méritons. Nous ne sommes pas toujours fidèles envers nos frères. Mais le Seigneur est toujours fidèle, et le Saint Esprit également.

Donc, si le Saint Esprit n’est pas attristé, il est un Esprit de puissance. Ce qui manque, de nos jours, c’est la puissance ; ce n’est pas la connaissance. La connaissance de toutes les vérités fondamentales, relatives à l’individu ou relatives à l’assemblée, donc au Témoignage, n’est pas la puissance. Il faut peut-être un certain temps pour apprendre cela, pour se rendre compte de cela ; il faut une certaine maturité d’âme, ou une certaine expérience avec le Seigneur. La puissance n’est pas nécessairement liée à la connaissance. Mais la puissance est toujours liée à la communion avec le Seigneur, et au fait que le Saint Esprit en nous n’est pas gêné par la manifestation de la chair, encore une fois, en pensées, en paroles, en actions.

Vous ne vous représentez pas l’apôtre flattant ses frères. Vous ne vous représentez pas nos conducteurs, qui ont, de la part du Seigneur, mérité ce nom, flattant leurs frères. Vous ne vous les représentez pas avec des manières prises dans le monde, même inconsciemment ; non, point du tout.

Le secret de la puissance tient à cet examen simple et vrai, et non pas fait une fois pour toutes, mais entretenu comme un exercice de piété. Qu’est-ce que la piété, sinon cela ? La piété consiste à cultiver des rapports vrais avec le Seigneur. Ces rapports ne peuvent être que par la nature divine que nous tenons de Christ. Nous avons reçu la nature de Dieu, cette nature qui ne pèche jamais. Cette nature n’est jamais légère, jamais mondaine, ne recherche jamais les folles plaisanteries, qui sont un pain pour le monde et un poison pour les chrétiens. Cette nouvelle nature trouve ses délices en Dieu, dans la gravité, la paix, et l’inexprimable bonheur de la communion avec Dieu.

Que le Seigneur nous donne de ne pas reculer devant ces exercices. Tous ces exercices sont «payants», et ils procurent à l’âme, chez laquelle le Seigneur les entretient, un bienfait qu’il est impossible d’exprimer.

Que le Seigneur nous accorde de veiller de très près sur nos voies, et nous trouverons de la force. Car, au lieu d’avoir Dieu contre nous dans bien des choses, nous l’aurons pour nous dans le détail. Christ sera notre patience, et nous fera expérimenter que, dans la patience, qui suppose toujours la souffrance, il peut y avoir un bonheur que nous ne goûterions pas dans des circonstances plus faciles.

L’apôtre pouvait dire, sans mentir : «Je puis toutes chose en Celui qui me fortifie» (Phil. 4:13). «Je me réjouis dans les détresses». «Quand je suis faible, alors je suis fort» (2 Cor. 12:10). C’est le Saint Esprit qui lui donnait de surmonter les difficultés. Et, au lieu de voir un homme qui n’en pouvait plus et qui demandait grâce, c’est un homme qui nous dit, à nous aussi, ce qu’il disait aux chrétiens de son temps : «Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur» (Phil. 4:4).

Qu’y a-t-il de plus puissant qu’une âme qui traverse des difficultés avec patience ? Il n’y a pas de plus grande démonstration que cela. Ce qui manque, de nos jours, ce sont des démonstrations de ce genre. On cherche, on prétend avoir de la puissance et, si on osait, on partirait chasser les démons. Les démonstrations les plus belles et les plus merveilleuses de puissance sont celles que le Seigneur accomplit lorsqu’Il détruit en nous toutes les énergies qui s’opposent à Dieu, au Seigneur et à l’Esprit Saint.

Pour chercher un exemple qui ne sera pas rare, et à propos duquel personne ne pourra se dérober, il n’y a rien de plus difficile, pour un chrétien — et pour un inconverti, c’est impossible — que de détruire l’égoïsme, d’effacer l’activité du moi. Le moi ne disparaîtra que quand nous quitterons cette scène. Mais être délivrés de son influence, de son action, quelle chose difficile ! Si nous ne sommes pas sous l’action du Saint Esprit, ce que nous faisons, même pour le service chrétien, est entaché de cette faiblesse, de cette faute, de ce manquement, du fait que le moi intervient, ce moi qui a le même visage, aux yeux de Dieu, dans un chrétien que chez le plus affreux des hommes opposés à Dieu.

Et si nous voulons, dans ces derniers jours, glorifier Dieu et le Seigneur, et découvrir le chemin où nous pourrons ainsi glorifier ces personnes divines, si nous voulons réaliser cela, n’allons pas chercher loin. N’allons pas chercher des actions d’éclat, des actions qui risquent seulement de tourner à la confusion de tout le monde. N’allons pas nous égarer dans des sentiers qui ne sont pas ceux que Dieu a tracés. Penchons-nous sur l’Écriture, et demandons au Seigneur qu’Il nous aide à remporter, jour après jour, quelque victoire nouvelle sur ce «moi» qui est en nous, et à ce que nous soyons, aujourd’hui, un peu moins asservis à lui, un peu plus débarrassés de cette recherche de nous-mêmes, qui nous poursuit même dans le service et le témoignage chrétien. Et qu’Il nous accorde la grâce que ce soit notre prière de tous les jours, que le Seigneur nous délivre de cet égoïsme, qui est en tous, et qui est un péché indélébile, qui marque chacun des chrétiens, qui est une forteresse contre laquelle aucune puissance n’a jamais rien pu faire. Le Saint Esprit peut seul en avoir raison.

Voilà le genre de puissance, de nos jours et de tous les jours, supérieur à tous les autres.

Supposez qu’il y ait un chrétien en qui le Saint Esprit agisse avec une puissance non limitée, en aucune manière. Vous auriez un homme qui serait rempli de Christ. Vous auriez un homme qui s’oublierait à tous égards et pour toutes choses, qui ne chercherait pas sa gloire, dans aucun domaine, qui ne chercherait son propre intérêt en aucun point, qui n’aurait à coeur que la gloire du Seigneur, le vrai bien des inconvertis. Et puis, ayant fait le bien, ayant accompli un service que le Seigneur lui avait confié, il n’aurait rien de plus pressé que de se réfugier à l’ombre de son aile. N’y a-t-il rien de supérieur à cela, au vingtième siècle ? Car il s’agit ici d’une victoire de l’Esprit, remportée sur la nature foncière de l’homme, cette nature dont Dieu n’a rien pu faire. Dieu est alors intervenu d’une manière merveilleuse, en introduisant un autre homme, qui est le dernier Adam, le second homme, venu du ciel, dont nous possédons la vie. Dieu n’a rien pu faire pour le premier Adam. La merveille des merveilles, c’est que le Saint Esprit peut produire en nous la vie du second homme. Si nous voulons nous arrêter devant ce qu’Il a produit de plus beau, en tout premier lieu, le premier de tous les fruits, lorsqu’aucune tache n’était venu ternir le témoignage, c’est Actes 4:32 : «Ils étaient un coeur et une âme ; et nul ne disait d’aucune des choses qu’il possédait, qu’elle fût à lui…».

Retrouver cela dans l’ensemble, non ; chez certains individus, oui. Chez certains hommes du Témoignage, j’en suis sûr. Mais ce qui est infiniment supérieur au fait de guérir un malade, même si le Seigneur voulait l’accorder de nos jours, c’est de voir le Saint Esprit dompter cette vieille nature, pour que le nouvel homme, la nouvelle nature, prenne son accroissement. À ce moment-là, nous n’aurons plus à nous faire de souci ; nous n’aurons pas à nous demander : Seigneur, que veux-tu que je fasse ? Le chemin resplendira comme la lumière du soleil à midi. Et, quand nous avons tant de questions sur le chemin à suivre, c’est simplement notre coeur qui est enténébré ; et c’est dans notre coeur que nous avons à demander à Dieu qu’Il mette de l’ordre. La mise en ordre, c’est la mise de côté du moi, des convoitises, de ces passions qualifiées dans ce pauvre monde.

Voilà, chers jeunes qui commencez votre carrière, comment, d’après l’Écriture, vous pouvez la fournir, d’une façon qui honorera le Seigneur et qui vous remplira d’une espérance dont vous n’avez pas l’idée, qui vous enrichira dans la connaissance de Dieu, du Seigneur, et vous rendra vainqueurs de ce qui est en vous et de ce qui est autour de vous.

Combien cette vérité éternelle de l’Écriture résout toutes les questions qu’une génération après l’autre se pose, et devant lesquelles, l’une après l’autre est obligée d’avouer, si elle est sincère, sa totale impuissance.

Un Esprit de puissance ! Ce qu’il faut, c’est de la puissance, de la puissance pour être tout simplement chrétien, et de la puissance pour marcher et pour servir. Mais, avant de nous préoccuper du service, occupons-nous de notre propre état. Je sais bien qu’on accusera les chrétiens de se préoccuper d’eux-mêmes ; mais cela est essentiel, et toujours nécessaire. Et, dans la mesure où nous connaissons la communion avec le Père et son Fils Jésus Christ, nous demandons au Père, et nous demandons au Seigneur, de nous garder dans cet état, hors duquel il n’y a, pratiquement, rien. Sans la présence et l’action du Saint Esprit en nous, il n’y a pas d’amour, pas plus qu’il n’y a de puissance.

C’est difficile d’aimer, c’est très difficile. L’amour s’oppose à la haine. L’amour de Jésus s’est opposé à la haine, et il a triomphé de la haine. L’amour chrétien peut triompher de la haine qu’il trouve au-dehors, du mépris, de l’opposition sous toutes ses formes ; mais ce n’est pas la chose la plus difficile à vaincre. L’amour peut surmonter la haine, le mépris, tous les sentiments qui se manifestent si facilement dans le monde vis-à-vis des chrétiens, et qui se manifesteraient plus facilement encore si nous étions plus fidèles.

Mais il y a un point qui est important, même s’il y a peu de questions pour nous, du fait de la haine que nous ne rencontrons pas. Il y a peu de haine, d’opposition, de mépris, aujourd’hui. Un chrétien sérieux, on l’honore trop ; on peut croire qu’il n’est pas assez fidèle. Même si Dieu peut avoir calmé cette opposition, supposant même que ce soit selon Dieu que nous ayons des temps paisibles de la part du dehors, l’amour a à vaincre un ennemi qui est en nous tous, qui est l’égoïsme. L’amour surmonte l’égoïsme. Et Dieu peut nous donner de réaliser, par l’Esprit Saint, cet amour qui fait que le moi est mis de côté. Que ce soit un problème jamais résolu, et à propos duquel nous avons à être exercés tous les jours, cela est certain. Mais la ressource est là ; et il est bon de nous arrêter devant cette ressource.

À mesure qu’on avance dans la vie chrétienne, on se rend compte davantage que ce qui est le plus important, dans la vie chrétienne, c’est l’état intérieur du coeur, ce sont les rapports avec Dieu. Et je citerai, pour confirmer cela, en m’abritant derrière un autre, cette parole sortie de sa bouche par ses écrits : «Dieu fait plus en nous que par nous». Et la vie de celui qui a ainsi parlé a été plus pleine de travail que celle d’aucun d’entre nous ; sa vie de dévouement, de service, a été consacrée au Seigneur.

Dieu fait plus en nous que par nous ; tandis que nous sommes beaucoup plus préoccupés, surtout quand nous sommes jeunes, nous avons tous la tendance, au contraire, de penser que Dieu fait plus par nous qu’en nous. Ce n’est sûrement pas vrai. L’apôtre lui-même, pour citer une parole inspirée, ne dit pas : «Pour moi, vivre, c’est prêcher, vivre, prier, visiter les malades ; c’est annoncer l’évangile». Il a fait tout cela, mais il dit : «Pour moi, vivre c’est Christ» (Phil. 1:21).

L’essentiel de la vie d’un homme, la valeur d’un chrétien, n’est pas dans ce qu’il fait. La valeur d’un chrétien est dans ce qu’il est et, par conséquent, dans la manière et dans l’esprit dans lesquels il fait ce qu’il fait. De nos jours, nous pouvons être tentés d’être égarés par des activités de tous ordres.

D’autre part, un point de toute importance, lié à ce sujet, c’est que, lorsque nous sommes ainsi exercés à ne pas attrister le Saint Esprit dans notre marche, dans notre vie, quand nous sommes seuls en accomplissant notre travail ordinaire, il ne faudrait pas penser que les gens qui ont de lourdes tâches doivent être désavantagés, quant à la vie chrétienne. Ce serait accuser Dieu d’injustice et, s’il fallait être dégagé de toute obligation présente pour être un chrétien fidèle, ce serait dommage.

Il y en a qui sont ainsi appelés, et nous pouvons demander qu’il y en ait de tels. Mais, de toutes façons, ce sont des exceptions ; et ils ont besoin de veiller à cultiver ces bons rapports avec le Seigneur, pour que leur service ne revête jamais le caractère de «métier», mais soit toujours un service accompli dans la dépendance, renouvelée jour après jour. Cela exige un exercice de tous les jours, de prières, de supplications, de jugement de soi-même ; autrement dit, de piété pratique.

Ce ne sont donc pas les activités extérieures qui sont une garantie de fidélité ou de valeur de la vie chrétienne ; c’est l’état d’âme dans lequel nous nous trouvons, lorsque nous accomplissons ces services.

Tous les chrétiens ont aussi un service ; ils ont aussi une marche, un témoignage. Leur vie toute entière doit être tissée d’exercices que le Seigneur produit en eux, et c’est cela, la vie chrétienne d’un homme. Ce n’est pas sa vie extérieure, mais les relations qu’il a avec Dieu, en accomplissant sa tâche. Mères de famille et qui que ce soit, qui avons des occupations diverses, si nous sommes à notre place, nous pouvons être exercés. Une mère de famille pourra être une servante qui aura honoré le Seigneur plus que d’autres, qui se seront mis en avant, pour accomplir des services plus spectaculaires. Un frère peut très bien être appelé à faire son travail au bureau, dans lequel sa place lui a été assignée. Et, s’il a le Seigneur avec lui, sa vie sera aussi pleine que celle d’un autre. Cela est propre à nous encourager, non pas à la paresse ; car c’est encore un très grand mal que la paresse spirituelle, qui est lié à l’égoïsme de nos pauvres coeurs. Mais que nous ne soyons pas prompts à poser l’outil que le Seigneur a placé entre nos mains, pour nous engager dans tel ou tel chemin, pour faire mieux. Que le Seigneur nous garde de cela.

Que ceux qu’Il appelle — et encore, que ceux-là aient un appel certain — aient affaire au Seigneur tous les jours de l’exercice de leur service, pour que leur carrière soit commencée, continuée et terminée avec Lui ; mais cela non plus n’est pas facile. Cela est impossible, sans Dieu. Le moindre service, offrir un verre d’eau froide, si je ne le fais pas pour le Seigneur, mon service est perdu.

Comme c’est précieux et réconfortant, et admirable en même temps, de trouver là des caractères éternels et invariables, qui répondent aux vrais besoins de tous les temps, et dans toutes les circonstances. Ce n’est pas la peine de se chercher un gîte où on est isolé de tous les hommes ; on ne pourra pas s’isoler de soi-même. La façon d’être libéré de soi-même, c’est d’avoir le coeur rempli de Dieu. C’est le secret de la libération et de la liberté pratique. Chers jeunes amis chrétiens, pour vous encourager, je désire vous dire que vous ne trouverez pas cette liberté d’un seul coup, et même, que nous n’arriverons pas à la liberté totale. Et même, la libération totale ne se fait, en général, que quand nous quittons ce corps. Mais toutefois, cela en vaut la peine. Si nous ne sommes pas exercés dans ce sens, notre carrière chrétienne est manquée.

Cultivons la communion avec le Seigneur de très près, lisant l’Écriture, ne cherchant pas à nous former un bagage énorme et impressionnant de connaissances — bien que l’étude de la Parole soit nécessaire et qu’il faille l’étudier ; c’est de toute importance. Mais, en même temps que cela, cultivons la communion avec le Père et son Fils. Et nous ne l’aurons jamais sans avoir des exercices de conscience. Ceci peut paraître insignifiant, sans doute, et de peu d’importance. Il n’y a rien qui apporte à l’âme les mêmes satisfactions, le même degré de communion, de joie, de force, et qui nous révèle Dieu et qui remplit l’âme d’une paix et d’une lumière semblables.

Si on remonte en arrière, on ne regrette pas d’avoir été appelé à suivre ce chemin d’exercices. Si on a des regrets, ces regrets sont de n’avoir pas commencé plus tôt dans ce chemin-là.

Étant données la lumière et les instructions que nous avons reçues, c’est dans ce chemin-là que tous les frères sont appelés. Tous ceux qui ont été placés au contact de la Parole, comme nous l’avons été, et qui sont dépositaires d’un ensemble de connaissances qui ferait pâlir la science des réformateurs, tous ceux-là, le Seigneur ne les a pas instruits de cette manière pour qu’ils se permettent une vie relâchée, où le moi, l’amour du monde, puissent avoir leur part, plus ou moins encouragés ou tolérés. Il leur a donné cette connaissance pour qu’ils soient engagés dans ce combat qu’ils ont à livrer, non pas au-dehors d’abord, mais au-dedans, pour désapprouver toutes les manifestations de ce moi dont Dieu n’a rien à faire, et dont Il a réglé le sort en le mettant à mort, notre moi ayant été crucifié avec Christ. Je ne parle pas du «moi» des inconvertis, mais du «moi» de tous les croyants.

Que le Seigneur nous encourage. La vie chrétienne est faite de détails, dans la vie quotidienne. Et ce qui concerne les détails de notre vie détermine, non pas seulement la valeur d’une de nos journées, mais contribue à déterminer la valeur, aux yeux du Seigneur, de notre carrière chrétienne toute entière.

La carrière chrétienne, dans ces exercices de renoncement, fruits de la grâce de Dieu, est la seule qui vaille la peine d’être vécue. C’était la seule du temps de Paul, et c’est la seule aujourd’hui.

 

13                  L'amour — Matthieu 22:34-40 ; Lévitique 19:14-18

 

[LC n° 45]

 

Il y a des points essentiels sur lesquels la Parole est assez claire pour que nous soyons tous d’accord, à moins que nous ne nous opposions à la Parole. Quelqu’un qui s’oppose à la Parole, comme un incrédule, s’oppose à Dieu.

Les points très clairs que je désire rappeler sont ceux-ci, que notre frère, qui vient de parler, a déjà touchés.

Premièrement, il n’y a pas d’amour dans l’homme lui-même. Tout le monde est égoïste. Tout homme, dans son état naturel, est égoïste. Chacun pense à soi, et seulement à soi. Le vieil homme, l’homme naturel, est un égoïste ; il n’est que cela, et ne peut pas être autrement.

Voilà un point que la Parole tire au clair. S’il y avait eu quelqu’un qui pût aimer Dieu et son prochain, pour celui-là, Christ n’aurait pas eu à mourir.

Mais tout le monde est égoïste. Tout ce que fait l’homme naturel, il le fait pour lui. Même lorsque c’est avec une très grande démonstration de philanthropie, c’est le moi. Il y a le moi individuel ; le moi collectif existe aussi. L’esprit de corps, l’esprit de famille, c’est le moi ; un esprit de société, c’est le moi ; un esprit de clan religieux, c’est une forme du moi : on s’aime soi, ceux du clan, et on hait les autres.

Cet égoïsme foncier de l’homme est déclaré dans la Parole de Dieu et confirmé par toute l’histoire profane.

Il ne s’agit donc pas de chercher un homme qui aime ; il n’y en a point. Il ne s’agit pas de laisser planer quelque équivoque sur ce point. Il n’y a pas un homme qui aime Dieu et son prochain. Sans cela, il faudrait effacer ce verset, entre autres : «Il n’y a point de juste, non pas même un seul» (Rom. 3:10).

On l’a souvent dit, il y a, au point de vue de la nature, des gens plus aimables que d’autres, des caractères aimables et des caractères qui le sont moins. L’expérience montre d’ailleurs très fréquemment que, dans le royaume de Dieu, quelqu’un d’un caractère très aimable aime souvent beaucoup moins son frère qu’un autre. C’est un fait d’expérience.

La situation de l’homme est une situation entièrement désespérée. Qu’on ne vienne pas mettre en avant qu’il y a des gens aimables et sympathiques ; aux yeux de Dieu, il n’y a pas de différence. C’est écrit.

Rappelons à ce sujet les paroles de l’un de ceux qui nous ont enseignés : «Voilà deux chiens ; l’un me mord, l’autre me caresse : ce sont deux chiens».

Deuxièmement, où trouver l’amour, par conséquent ? Dieu le donne. Où est la source de l’amour ? Dans le coeur de Dieu, et seulement là. De sorte que Dieu ne nous demande, à nous, aucun amour. Il nous le donne. Il nous a donné une nature qui aime, qui aime Dieu, d’abord, et son frère.

Ce qui doit aimer est de Dieu. Le nouvel homme, en chacun de nous ici, n’aime rien du monde, absolument rien. C’est d’ailleurs pourquoi il est écrit — et puisqu’il faut en revenir aux enseignements adaptés aux jeunes, paraît-il, voici un enseignement destiné spécialement aux jeunes gens — «Celui qui aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui» (1 Jean 2:15). C’est pour les jeunes gens ; c’est écrit en toutes lettres.

Si ces deux points sont reconnus : 1° qu’il n’y a pas d’amour dans l’homme, mais seulement de l’égoïsme ; 2° que Dieu donne une nature qui aime Dieu et ce qui est né de Dieu : la conséquence pratique en est très claire. D’ailleurs, la Parole la tire. C’est ce qu’on a dans l’épître aux Colossiens (3:9, 10) : montrez le nouvel homme. Nous avons à aimer de l’amour dont aime le nouvel homme, c’est-à-dire sans égoïsme, en ne pensant qu’à Dieu. Et là où les difficultés naissent, c’est dans les manifestations pratiques de cet amour, qui doit remplir notre coeur envers chacun. On nous a dit que le Seigneur est un modèle. Eh bien, lisons dans la Parole comment il parle. Les paroles de notre Seigneur Jésus Christ sont infiniment variées, mais elles sont, sans distinction, sans qu’aucune échappe à cette règle, toutes dictées par l’amour. Or il y en a de très dures. Le Seigneur n’agissait pas de façon uniforme avec tous ceux qu’il rencontrait. L’amour qui était en lui le faisait agir de façons variées, suivant les personnes avec qui il avait affaire, et même avec la même personne, puisque, dans le chapitre très souvent cité de Matthieu 16, il dit à Pierre : «Tu es bienheureux, Simon Barjonas, car la chair et le sang ne t’ont pas révélé cela, mais mon Père qui est dans les cieux» ; et ensuite : «Va, arrière de moi, Satan». Dans les deux cas, c’est l’amour qui parle. La Parole, d’ailleurs, nous enseigne très richement, et d’une façon variée, comment l’amour se manifeste.

À beaucoup d’entre nous, sans doute, les lectures qui ont été faites ont rappelé de nombreux passages. Il sera excellent que chacun les relise et les médite. Arrêtons-nous encore ici sur ce très remarquable verset : «tu aimeras ton prochain comme toi-même» (Lév. 19:18). Quelqu’un dira : mais Dieu, pourtant, l’avait donné avant le christianisme ; il comptait donc qu’il y aurait quelqu’un qui aimerait son prochain comme lui-même et qui l’aimerait de tout son coeur ! Non, Dieu n’avait pas besoin d’un expérience pour ouvrir le coeur de l’homme. Mais il a ouvert le coeur de l’homme devant les hommes, pour montrer que personne n’aime Dieu de tout son coeur. On peut essayer ; il y a eu de très grands efforts, dans ce sens. C’est le moi qui est manifesté.

Celui qui aime son prochain comme lui-même, et Dieu de tout son coeur, a accompli la loi (Romains 13:8). Mais il n’y a personne qui le fasse, sauf le nouvel homme. Celui-ci accomplit la loi, et même plus que la loi, parce que le chrétien peut aimer son prochain plus que lui-même.

Dans la première épître de Jean, qu’on appelle l’apôtre de l’amour — mais il y a autant de vérité que d’amour, dans ses écrits — nous trouvons ceci : «nous devons laisser nos vies pour les frères» (1 Jean 3:16) ; nous devons aimer nos frères plus que nous-mêmes. La loi n’en demandait pas autant. Nous trouvons aussi, dans cette première épître de Jean, que l’amour n’est jamais séparé de la vérité. Dieu est amour ; Dieu est lumière : c’est l’être divin. C’est son essence ; ce ne sont pas ses attributs.

Eh bien, il est très important de considérer le contexte de Lévitique 19:18 cité en Matthieu 22:39. Ce contexte nous montre ce que c’est qu’aimer son prochain comme on s’aime soi-même : premièrement, ne pas faire d’injustice, et deuxièmement, ce qui est peut-être encore plus remarquable : tu ne haïras pas ton frère dans ton coeur, tu ne manqueras pas (ou, dit la note : tu ne souffriras pas de péché en lui) de reprendre ton prochain, et tu ne porteras pas de péché à cause de lui.

Que Dieu nous accorde de n’avoir aucune mauvaise pensée envers aucun de nos frères.

Personne n’oserait penser que, lorsque le Seigneur dit : «Va, arrière de moi, Satan», il y ait eu dans son coeur autre chose que de l’amour. Et Dieu veuille que nos paroles ou nos attitudes dictées par l’amour ne se traduisent pas que par des embrassements. «Les baisers de celui qui hait sont fréquents» (Prov. 27:6) (exemple de l’Écriture : Judas).

Nous trouvons donc, dans Lévitique 19, que la preuve de l’amour du prochain comme soi-même, c’est non seulement de ne pas commettre d’injustice, de ne pas faire de différence entre mon prochain pauvre et mon prochain riche — c’est écrit, nous l’avons lu — mais c’est aussi de ne pas supporter d’iniquité en lui. Si j’aime mon frère comme moi-même, je ne désirerai pas que mon frère soit chargé de ce que je ne voudrais pas pour moi. C’est une pierre de touche qui, souvent, pour mon compte, m’a été très utile : est-ce que je voudrais en moi ce que je vois dans mon frère, est-ce que je le désirerais pour moi ? Je ne peux donc, dans ce cas, que souffrir en voyant ce qui arrive à mon frère.

Que Dieu nous donne de regarder tout cela de près. Rien n’est instructif à cet égard, et au point de vue de l’amour — puisqu’on en parle beaucoup, et avec raison — comme la vie de Jésus dans les évangiles. Rien ne nous parle autant de l’amour. Et pourtant, le chapitre 23 de Matthieu, à la suite de ce que nous avons lu, est l’un des plus terribles de l’Écriture, un des plus solennels : «malheur à vous, pharisiens, malheur à vous…». Il n’y a peut-être pas de chapitre, en dehors de ceux qui parlent du jugement, qui soit plus solennel que ce jugement moral prononcé par celui qui est amour. Est-ce que le Seigneur avait de la haine, quand il parlait ainsi ? Aucunement. Est-ce que nous allons avoir un ressentiment, quand nous nous occupons de notre frère selon Jean 13, et que nous lavons ses pieds ? Que Dieu nous en garde !

Mais l’amour ne laissera pas une douleur, une souillure, une plaie, sans s’en occuper, d’une façon ou d’une autre. Si une mère trouve son enfant dans un état répugnant, son amour passe par-dessus cela, et tant que l’enfant n’est pas restauré comme sa mère veut qu’il le soit, elle s’en occupe. Voilà l’amour.

Le secret pour poursuivre l’amour (1 Cor. 14:1) est très simple : vivre dans la communion avec le Père et avec son Fils Jésus Christ.

D’autre part, nous l’avons dit ici, l’amour et la communion sont deux choses très différentes, mais souvent confondues. Nous aimons nos frères. Il y a des chrétiens dans tous les milieux chrétiens, et même dans des milieux proprement païens. Les aimons-nous comme nos frères que nous voyons plusieurs fois par semaine ? Tout à fait. Quand nous rompons le pain, nous pensons au seul corps, à tous les croyants aimés de Jésus comme nous-mêmes. Mais avons-nous, pratiquement, la même communion avec eux ? Pas du tout. C’est là que gît la différence. On confond communion et amour, en lisant l’épître de Jean — il faut la lire toute entière, ne pas séparer des passages. Si j’aime mon frère, quand est-ce que je montre que je l’aime ? En gardant les commandements de Dieu. Mon frère, dans tel milieu chrétien, me dit : Pourquoi ne marchons-nous pas ensemble ? Le fidèle répondra : Écoutons ce que notre Père nous dit, lisons ce qu’il nous dit. Vous n’êtes pas dans un chemin d’obéissance à ce que notre Père nous dit. Je préfère écouter la voix de notre Père plutôt que votre préférence.

Si vous mettez votre préférence, vos amis chrétiens, au-dessus de Dieu, il y a quelque chose qui n’est pas en ordre, dans votre coeur, et ce n’est pas l’amour selon Dieu. L’amour selon Dieu se traduit, de la part de ceux qui peuvent avoir plus de lumière, par le souci de montrer aux autres la propre pensée du Père qui trace le chemin de tous ses chers enfants.

Que Dieu nous donne de boire à la source de l’amour ; elle est dans le coeur du Père.

Le plus pieux, c’est celui qui aimera le plus. Le moins mondain, c’est celui qui aimera le plus : «Si quelqu’un aime le monde, l’amour du Père n’est pas en lui» (1 Jean 2:15). Celui qui se juge est celui qui aime le plus. Il n’est pas, sans doute, celui qui le montre, extérieurement, le plus, mais il est celui qui aime le plus en Christ… ce qui est l’essentiel.

 

14                  La mort et la résurrection de Jésus — Luc 24:1-6, 10-16, 28-32, 36-53 ; Matthieu 28:1-10, 16-20 ; Jean 20: 1-5, 10-12, 14-17, 19-23 ; Marc 16:19-20

 

[LC n° 51]

21 décembre 1952

 

Les évangiles se terminent d’une manière en rapport avec le caractère propre de chacun d’eux. Je n’ai pas la pensée d’entrer dans le détail d’une comparaison, mais de placer devant notre coeur à tous cette simple pensée, que le Seigneur n’a pas quitté la terre sans se faire connaître des Siens, sans parler aux Siens.

Il a quitté la terre d’une façon inconnue du monde. Une fois que les hommes ont cloué le Seigneur sur la croix et Lui ont percé le côté, à partir de ce moment-là, ils n’ont plus mis la main sur Lui. Nous savons comment le Seigneur a été descendu de la croix ; c’est Joseph d’Arimathée qui paraît. Dieu a préparé des serviteurs. Joseph d’Arimathée était un homme riche. Dieu, quand Il a besoin d’un homme riche, l’emploie, à sa place, comme Il emploie un pauvre quand Il en a besoin aussi. Il fait surgir Joseph d’Arimathée, qui va demander le corps de Jésus.

On prend le corps de Jésus ; et nous sommes invités, par la Parole même, à nous en tenir au langage de l’Écriture, et à ne pas entrer dans les détails que la Parole ne nous donne pas, soit pour la crucifixion, soit pour l’ensevelissement du Seigneur. Il ne nous appartient pas de donner des précisions sur ce que Dieu enveloppe Lui-même, revêt Lui-même, d’une décence, d’une convenance appropriées à la grandeur de Celui qui avait consenti à s’abaisser. Si le Seigneur s’est abaissé, c’est parce qu’Il était grand ; et si le Seigneur s’est anéanti, c’est parce qu’Il était Dieu.

Une créature qui sort de sa place, serait-ce même pour s’abaisser, pèche. La perfection pratique d’une créature consiste à rester où elle est, où Dieu l’a mise. Tandis qu’étant Dieu, il appartenait au Seigneur, selon que Philippiens 2 nous le dit (passage que nous connaissons très bien), qui est Dieu et homme, qui était Dieu, de s’anéantir ; c’est une prérogative divine. Et si on demandait des preuves de la déité du Seigneur, il ne faudrait pas oublier celle-là : le fait que le Seigneur a pu s’anéantir. La gloire du Seigneur brille en tout, quand Il s’élève, quand Il s’abaisse.

Donc, les actes qui ont marqué l’ensevelissement du Seigneur, du seul Juste, sont des actes très sobrement dépeints, dans l’Écriture. Il nous convient, là comme ailleurs, de nous en tenir strictement à cette sobriété, dictée par le Saint-Esprit. D’ailleurs, cette sobriété elle-même revêt les choses d’une grandeur qui convient à la personne du Seigneur.

L’humanité du Seigneur était absolument réelle. Elle est inexplicable, inscrutable : «Nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père» (Matt. 11:27). On ne peut pas séparer en Lui les deux natures ; c’est impossible. Le vouloir, c’est déjà pécher ; l’essayer, c’est pécher. Sans compter que c’est — comme l’expérience l’a montré — s’engager sur un chemin si glissant que, sans doute, personne qui ait essayé d’y entrer n’en est sorti indemne et ne s’est pas rendu coupable de quelque blasphème à l’égard de la personne du Seigneur.

Il est Dieu ; Il est homme. Mais il n’appartient pas à l’oeil humain de séparer les deux natures en Lui. C’est le Seigneur, Dieu manifesté en chair.

D’ailleurs, les deux caractères, humain et divin, brillent dans tout ce que les évangiles nous en disent. On nous a rappelé, il n’y a pas bien longtemps — au culte, je crois — la description du voile du temple, dont nous avons le droit de dire qu’il représente Christ dans son humanité, puisque la Parole le dit. Eh bien, nous voyons que ce voile était tissé d’éléments divers, chacun parlant — à nous certainement beaucoup plus qu’aux Juifs — de quelque trait glorieux, soit humain, soit divin, du Seigneur.

Je fais, remarquer en passant, à cet égard, que dans le voile, il n’y avait pas d’or. C’est davantage le Seigneur sur la terre, davantage son humanité, que dans le vêtement sacerdotal, qui est constitué des mêmes éléments que le voile, mais avec, en plus, l’or, parce que le Seigneur est sacrificateur dans la gloire, dans la présence de Dieu.

Voilà donc l’ensevelissement d’un homme, bien-aimé Fils de Dieu, qui vient de passer par ce moment inexprimable des trois heures de la croix. Dans ces trois heures, où l’homme disparaît, tout ce qu’est Dieu, toute la nature de Dieu, tous les droits de Dieu, toute la gloire de Dieu, tout cela a eu son déploiement, dans son action, et son action judiciaire : Dieu sorti de son lieu et frayant un chemin à sa colère, comme il est écrit, donnant libre cours à sa colère, et seulement à cela. Dieu n’avait pour cela qu’un objet devant Lui, un point sur lequel s’est concentrée l’activité de sa colère. Pendant ces trois heures sombres de la croix, il n’y a eu aucune atténuation à sa colère. L’objet de son délice parfait était devenu l’objet de sa colère totale. Et si le Seigneur a accepté de prendre en main le salut du pécheur et de prendre sur Lui les péchés du pécheur, de la créature, des hommes pécheurs (bien entendu, de ceux qui ont cru), il fallait qu’Il fût traité sans aucune miséricorde. C’est là le mystère de l’offrande du Seigneur Jésus, insondable mystère devant lequel nous ne nous arrêterons jamais avec assez de révérence, insondable mystère de cette rencontre où Dieu le Fils, le Seigneur Jésus, s’est placé là, pendant les trois heures, pour supporter, pour épuiser, une fois pour toutes, tout le déploiement de la colère de Dieu, et accomplir une chose qui ne devait pas se renouveler, mais ne pouvait pas être arrêtée. C’est pourquoi l’Écriture dit : «une fois», «une fois».

Ce que cette scène de la croix évoque en nous, croyants, par l’Écriture, comme pensée et source de méditation, c’est infini. Nous sentons là qu’il s’agit de la gloire même de Dieu, de ce qu’est Dieu, et de ce qu’est Dieu en face du mal. Il s’agissait que Dieu rencontre le mal, une fois pour toutes. Et cette rencontre a eu lieu sur la croix. Nous pensons au Seigneur ; nous le voyons, par la foi, et que ce soit avec révérence, sans sortir des limites que l’Écriture nous donne et des termes qu’elle emploie, et hors desquels nous glissons sur le terrain humain, soit de l’irrévérence, soit du rationalisme. Nous pensons à ce que l’Écriture nous dit. Nous voyons, par la foi, par l’Esprit, par la Parole, son corps sanglant, le corps sanglant de Jésus, son corps percé ; le sang de Jésus, ce sang qui crie et qui parle, car il fait les deux, le sang sorti de son corps, un corps semblable au nôtre. L’oeuvre que Jésus a accomplie, Il l’a accomplie au regard des hommes, au regard des êtres moraux aussi, des anges ; Il l’a accomplie dans la honte. Nul d’entre nous ne voudrait être offert en spectacle de cette façon-là. Je ne parle pas de l’expiation, mais simplement du spectacle humain selon lequel le Seigneur a été offert dans des conditions pareilles, devant les regards de tous les hommes, et devant le diable et ses anges, dans la honte. Aucun opprobre ne Lui a été épargné, aucun. Dieu le permettait ; Dieu gardait le silence, pour ainsi dire. «C’est ici votre heure», est-il écrit, «et le pouvoir des ténèbres» (Luc 22:53), a dit le Seigneur. C’était l’heure : «Je suis venu pour cette heure». «Père, si tu voulais me délivrer de cette heure, mais c’est pour cela que je suis venu à cette heure» (Jean 12:27).

Chers amis, que nos coeurs s’arrêtent, nos coeurs remplis de folie, nos coeurs qui pensent bien plus volontiers et qui s’arrêtent bien plus volontiers — ils ne font pas qu’y penser — à la moindre bagatelle, plutôt que de s’arrêter devant le spectacle du Fils de Dieu, du saint Fils de Dieu, du Juste. C’est son titre ; c’est le titre que Dieu lui donne. Et c’est le titre que Dieu a fait proclamer même par un homme du dehors : «En vérité, cet homme était juste» (Luc 23:47) C’est son titre : Jésus Christ, le Juste ; «vous avez mis à mort le Juste : il ne vous résiste pas» (Jacq. 5:6). Nous n’avons pas l’idée, chers amis, de ce qu’est le Seigneur, de ce qu’est le Juste, parce que nous sommes tissés d’injustices. Le péché ne pèse pas lourd, à notre conscience ! Une mauvaise pensée, nous avons vite fait de l’oublier, en passant à une autre, chers amis ! Mais tout cela a pesé sur le coeur du Seigneur ; et tout cela a pesé sur le Seigneur dans son âme, lorsque, pour tout cela, et pour la moindre pensée légère qui a jamais traversé l’esprit, le coeur, d’un croyant, le Seigneur a dû répondre devant la majesté de Dieu déployée. Il a dû répondre pour la moindre de ces pensées légères, si on peut qualifier quelque chose de moindre, dans ce qui est péché.

Ah, chers amis, notre mesure des choses divines est très basse. Un des succès de l’ennemi, c’est de l’abaisser toujours plus. Mais Dieu n’en change pas pour autant. Eh bien, nous avons devant nous cette scène de notre Seigneur Jésus Christ pendant les trois heures des ténèbres ; et, après les trois heures, le corps sanglant du Seigneur. Il remet son esprit : «Père, entre tes mains, je remets mon esprit» (Luc 23:46).

Et puis, Dieu a dirigé les uns et les autres, Joseph d’Arimathée et d’autres, pour s’occuper du corps de son Fils bien-aimé. Quelle scène, chers amis ! Qu’est-ce qu’il y avait, dans le coeur du Père, quand son Fils était frappé par les coups de Dieu ? Qu’est-ce qu’il y avait, dans le coeur du Père, de la troisième à la sixième heure, lorsque le coeur de l’homme s’est ouvert, sans honte, sans retenue ? «L’inique ne connaît pas la honte» (Soph. 3:5), dit le prophète. Le coeur de l’homme s’est ouvert et a déversé tout son fiel à l’égard du Fils de Dieu. Qu’est-ce qu’il y avait, dans le coeur du Père, dans le coeur du Fils, chers amis ? Il est bon de refaire ce chemin, de s’y arrêter, car nous prenons là la mesure divine du bien et du mal ; et c’est une chose excellente pour nos consciences et pour nos coeurs.

Eh bien, quand la scène est passée, Jésus, d’une forte voix, remet son esprit. Il avait le pouvoir de laisser sa vie. Il la laisse ; on ne la Lui a pas ôtée. Pas plus que le Seigneur ne pouvait mourir de maladie, ce n’était pas possible, de la même façon, il avait le pouvoir de laisser sa vie. L’oeuvre d’expiation était faite. Pourquoi a-t-Il laissé sa vie ? Parce qu’Il avait entrepris notre salut, et que nous sommes des êtres qui meurent. Nous mourons ; nous sommes voués à la mort. Eh bien, Il a passé partout où nous étions, pour nous délivrer de tout ce à quoi nous étions assujettis. Il n’a rien laissé. Il n’y a plus rien à revoir ; c’est un travail très bien fait, parfaitement achevé.

Mes péchés, nos péchés à nous, croyants, Il les a portés pendant les trois heures. Mais ne soyons pas remplis d’une allégresse légère, en pensant que le Seigneur a porté nos péchés, pour ensuite faire nos quatre volontés, comme si nous ne savions pas que nous sommes lavés de nos péchés dans le sang de Jésus ! Que Dieu nous en garde ! D’ailleurs, nous aurons à en répondre. Et la scène, à ce moment-là, même si elle n’est pas une scène de jugement, n’en sera pas moins solennelle pour autant. Mais, à la fin des trois heures, la mort n’était pas encore vaincue. Le diable avait le pouvoir de la mort ; il avait reçu ce pouvoir de Dieu même. C’est un droit que le diable a. L’homme s’est livré, pieds et poings liés, au diable. Les hommes se moquent ; ils prennent le nom du diable dans leur bouche tant de fois par jour ! Il faut espérer que personne, ici, ne le fait, en tout cas pas de cette façon-là. Les hommes sont esclaves et ne s’en rendent pas compte. Ils sont esclaves du diable, et ils se disent très libres. On parle de liberté, d’affranchissement, de supériorité, de progrès du vingtième siècle. L’homme se croit très en avance, et l’homme n’a jamais été si esclave. Jamais l’homme n’a eu autant de jouets mis par le diable entre ses mains. Aujourd’hui, avec un jouet, il mène une âme en enfer. Il multiplie les jouets ; beaucoup de ces jouets sont des jouets criminels, qui font mourir beaucoup de monde. Voilà tout ce monde qui va en enfer. Voilà le progrès vu du côté de la Parole de Dieu. C’est un très grand progrès du diable. Il n’a pas fini ; il ira encore plus loin ; l’Écriture nous l’apprend ! Est-ce que quelqu’un serait emporté par ce tourbillon-là ? D’abord dans ses pensées, dans ses illusions et peut-être dans ses voies, peut-être dans son coeur ! C’est très sérieux, très solennel !

Eh bien, le Seigneur est entré dans la mort. Il est mort ; Il a laissé sa vie ; Il a traversé le tombeau. C’est une chose maintenant traversée. Il est sorti du tombeau ; nous le voyons, c’est notre lecture. Le tombeau est une chose connue ; la mort a été visitée. L’Ancien Testament nous donne des figures ; le Nouveau Testament nous donne des choses réelles. L’Ancien Testament nous dit : Regardez au fond du Jourdain. Qu’est-ce qu’on y voit, et qu’est-ce qu’on voit de l’autre côté du Jourdain ? Il y a douze pierres au fond du Jourdain. C’est un fleuve unique au monde, unique. L’eau a recouvert les pierres ; elles y sont, dit l’Écriture, jusqu’à ce jour. Que sont-elles devenues ? Dieu le sait. Peu importe. N’allons pas nous égarer, comme le font tant de personnes — et c’est une victoire de l’ennemi sur les esprits des chrétiens, souvent, de les égarer dans des considérations historiques et géographiques. Ce n’est pas pour cela que Dieu nous parle. S’il a traité en à peine plus d’un chapitre la création, ce n’est pas pour nous inviter à aller nous perdre dans ces choses-là. S’il avait voulu nous en dire plus, Il l’aurait fait, et nous en savons assez. Et la plupart du temps, nous en savons beaucoup plus que beaucoup de gens qui croient en savoir beaucoup. Qu’est-ce qu’il y a, au fond du Jourdain ? Douze pierres. Que signifient-elles ? À un moment donné, le Jourdain a été à sec. Quelqu’un a passé ce fleuve. Il regorgeait par dessus tous ses bords. Une puissance est intervenue ; le fleuve s’est arrêté, et le peuple a passé. Pendant ce temps se tenait au fond du Jourdain l’arche de Dieu Lui-même, puissance vivante, vivifiante, puissance suprême de Dieu Lui-même. Son peuple a passé parce que son Dieu était là, et que la mort a été visitée. Le pouvoir de la mort a été ôté des mains de celui qui tenait ce pouvoir, et à qui aucun homme ne pouvait le ravir. Et le Seigneur est sorti de l’autre côté du Jourdain. Il y a aussi des pierres tirées du fond du Jourdain, et qui sont les témoins que quelqu’un a été au fond du Jourdain et en est sorti ; c’est la résurrection.

Quand nous lisons ces passages (il faut les lire avec prière et crainte, et y trouver la pensée de Dieu), nous éprouvons que ce sont des choses très belles, et non pas seulement pour étonner les gens ou susciter la révolte de tous les incrédules de tous les temps, de tous les rationalistes (qui veulent nous faire croire que Dieu n’était pas là quand Dieu était là, et qui nous feraient croire de la même façon que la mort n’a pas été vaincue quand elle a été vaincue, que l’expiation n’est pas faite quand elle est faite, et que Dieu n’ouvre pas ses bras à quiconque vient à Lui par Jésus, et qu’il y a d’autres chemins que celui-ci). Tous les rationalistes de cette espèce sont des gens du diable.

Nous savons ce que c’est que d’être incrédules. Nous ne sommes pas nés chrétiens. Nous savons tous ce que c’est que de discuter, de rejeter, d’expliquer, de détruire, dans l’Écriture, les passages les plus beaux et les plus forts, de chercher à détruire ce qui est de Dieu, pour ramener toutes choses au niveau de l’homme. Cette page est tournée, pour le croyant, Dieu soit béni ! Est-elle tournée pour tout le monde, ici ?

La mort est vaincue, et le Seigneur a les clés de la mort et du hadès ; personne d’autre ne les a, personne.

Quand on nous raconte qu’on fait revenir les esprits des morts, nous ne trouvons pas cela, dans l’Écriture. Dieu a pu le permettre, certaines fois, comme dans le cas de Samuel. À ce moment-là, la mort n’était pas encore vaincue, mais peu importe, Dieu est souverain. Mais les esprits des morts sont dans la main du Seigneur ; Il tient les clés de la mort et du hadès. Ne confondons pas les ruses du diable avec son pouvoir, qui lui a été maintenant ôté. Qu’il y ait une réalité, oui, mais dans l’activité de la séduction du diable ; et que de mal a-t-elle fait ! C’est pourquoi nous avons à nous garder de tout ce qui, de près ou de loin, ressemble à cela. Et peut-être faut-il le dire aux chrétiens aujourd’hui.

Le Seigneur est ressuscité. C’est un jour illuminé. Un soleil s’est levé, quand le Seigneur est ressuscité, jour semblable à nul autre.

Le Seigneur est resté quarante jours avec les Siens, après être ressuscité. Il y a deux faits qui marquent la vie du Seigneur après sa mort : sa résurrection, le troisième jour, et ensuite son ascension. Non seulement le Seigneur est ressuscité, mais Il a été élevé au ciel. Il est à la droite de Dieu.

«Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ?» (Luc 24:5). Il est monté au ciel en bénissant. Ce geste est valable pour nous. Il pouvait bénir ; rien ne L’empêchait de bénir. Pourquoi ? Parce qu’Il avait accompli son oeuvre, au sujet de laquelle il disait : «J’ai à être baptisé d’un baptême ; et combien suis-je à l’étroit jusqu’à ce qu’il soit accompli» (Luc 12:50).

Avant la mort du Seigneur, Dieu a béni autrefois un Abel, un Abraham, et beaucoup d’autres. Mais Il avait devant Lui la croix, comme nous l’apprend l’épître aux Romains, lorsqu’elle parle «du support des péchés précédents» (3:25). Sans la croix, Il ne pouvait pas nous bénir.

On a présenté, dans nos temps dits modernes — mais qui sont d’une très ancienne incrédulité — un évangile qui prétend que Dieu pouvait bénir l’homme tel qu’il est, sans qu’intervienne la mort de Christ, et en ne présentant le Seigneur que comme modèle ! Si quelqu’un enseigne une chose pareille, qu’il soit anathème. «Quand un ange venu du ciel vous évangéliserait outre ce que nous vous avons évangélisé, qu’il soit anathème» (Gal. 1:8). En effet, c’est couper la vérité de Dieu dans sa racine. Il n’y a pas de réconciliation possible de Dieu avec l’homme sans la mort de Jésus, sans que la mort passe, sans le sang versé. Jésus n’est pas un modèle, pour un pécheur. S’il y a ici un pauvre pécheur, qui n’est pas converti et qui s’applique à imiter le Seigneur, nous lui disons qu’il fait entièrement fausse route. Le Seigneur n’est pas un modèle pour le pauvre pécheur ; cela n’existe pas, dans l’Écriture. Nous trouvons : «Il est un modèle afin que nous suivions ses traces» (1 Pier. 2:21) ; qui, nous ? Les croyants. Dieu serait cruel de dire à un pauvre pécheur inconverti : Imitez mon Fils bien-aimé. Nous avons déjà de la peine, nous, vrais croyants, qui avons la nature divine, à imiter le Seigneur. Un pauvre pécheur, Dieu ne le tient pas dans une erreur pareille. Dieu lui dit : Croyez que le Seigneur est le Sauveur. S’il y a ici quelqu’un qui n’est pas converti, nous lui prêchons Jésus comme Sauveur. Mais pour nous tous, croyants, Il est aussi notre modèle. Pourquoi ? Parce qu’Il est notre vie, la vie de chaque croyant. Ce qui a été lu en lui doit se lire en nous. C’est beaucoup dire, mais c’est Dieu qui le dit.

Le Seigneur est resté quarante jours avec les disciples ; puis Il a été élevé au ciel, bénissant les Siens. Cette phase de la vie du Seigneur, de son existence éternelle, cette phase qui a commencé à la crèche et fini au tombeau, est passée. Elle est finie ; mais le Seigneur est homme pour toujours.

Eh bien, quel enseignement nous donnent les scènes du tombeau ! En Matthieu, quel enseignement nous donne l’attitude de Marie de Magdala et de l’autre Marie ! Nous, quand nous venons à la réunion, il suffit bien souvent, hélas, de peu de choses pour nous distraire ; on regarde ceci, cela, et même, on est distrait quelquefois sans rien regarder. Mais Marie de Magdala, au tombeau, dans Jean 20 et ailleurs, voilà une femme qui va au tombeau, et elle ne cherchait que le Seigneur ! Là où le Seigneur n’était pas, son coeur était vide. Elle savait ce qu’elle devait au Seigneur. Elle avait eu sept démons ; nous n’en avons pas eu autant, mais nous sommes autant redevables au Seigneur. Lequel d’entre nous oserait donner la liste de ce qu’il a fait, liste sur laquelle le sang de Jésus a passé ? Est-ce que nous y pensons un peu ? Alors chacun de nous peut dire : Mon Seigneur, mon Sauveur, a effacé cela ; son sang a effacé cela ; il y a longtemps que cela a été fait ; Il m’a aimé au point d’effacer cela, cette tache ! Il y en a Un qui m’a aimé et qui a blanchi cette page de ma vie. Est-ce que je n’ai pas à l’aimer ?

Marie de Magdala ne disait pas qu’elle aimait le Seigneur ; elle le montrait. On ne pouvait pas l’arracher à son Sauveur. Elle va au sépulcre ; il est vide. Voilà cette pauvre femme qui ne sait plus où aller. La terre sans Jésus, c’est un sépulcre vide. Est-ce ainsi, pour nous ? Sommes-nous malheureux, si nous n’avons pas Jésus dans notre coeur ? Avons-nous envie d’aller de droite, de gauche, peut-être de faire de grands et beaux voyages pour nous distraire ? Cela ne remplira pas notre coeur. Et puis, deux anges apparaissent, deux anges brillants. Si deux anges apparaissaient ici, devant nous tous, nous ne verrions qu’eux, nous n’aurions de regards que pour eux, d’oreilles que pour ce qu’ils disent, de regards que pour ce qu’ils sont. Cette femme, non, pas du tout. Elle n’est pas arrachée à ses affections. Cette âme-là n’est pas distraite de ses affections, pas le moins du monde. C’est de toute beauté, cela ! Il y en a une qui la dépasse, mais probablement pas deux. C’en est une qui, elle-même, n’est pas là, au tombeau, qui ne venait pas chercher parmi les morts celui qui est vivant. C’était celle qui, au moment voulu, quand l’instant a passé, quand l’occasion d’un instant s’est offerte, avait un vase pour oindre le Seigneur, et l’a fait.

Marie de Magdala dit aux anges : «Je cherche mon Seigneur et je ne sais où on L’a mis». Est-ce que notre coeur en est là ? Dites-moi ce que vous voulez, présentez-moi ce que vous voulez, mon coeur ne peut être satisfait que par Celui qui m’a aimé. Ce ne sont pas des paroles, car Marie parle peu, ici ; elle agit. Les discours, ce sont choses faciles ; mais notre coeur, où est-il ? Est-il pour ce monde, notre coeur ? Voilà, chers amis, ce que ces femmes nous disent.

Pierre, c’était un apôtre, le premier des douze, incontestablement — même aux yeux des douze. Où est-ce qu’il va ? Chez lui. Cela nous arrive souvent, d’aller chez nous. Il avait un chez lui ; Marie de Magdala n’en avait pas, quand elle ne savait pas où était son Seigneur.

Chers amis, que de choses passent avant le Seigneur. Et Il nous met à l’épreuve tous les jours. Tous les jours, Il nous dit : Tu préfères cela à moi-même ; nous le savons bien. Il nous met à l’épreuve tous les jours, et tous les jours nous sommes, ou comme Marie de Magdala dont le coeur est fixe, ou comme ceux dont le coeur est distrait.

C’est écrit pour l’éternité. Pendant l’éternité, on saura que Marie de Magdala était là et que, sans être distraite par les deux anges, c’est son Sauveur qu’elle voulait. Pendant l’éternité, on saura que Pierre, qui aurait dû être le premier dans cette scène, ainsi que Jean qui, pourtant, est appelé le disciple que Jésus aimait, n’étaient pas là.

Qu’est-ce qui passe avant Jésus dans notre coeur, chers amis ? Si nous ne veillons pas, beaucoup de choses. Mais si nous veillons, nous disons : Seigneur, aide-moi à ce que tu aies véritablement, jour après jour, la première place.

Dans Matthieu, le Seigneur ressuscité se présente en Galilée. La Galilée, c’était la partie pauvre du pays. La partie religieuse, le foyer religieux, et aussi le foyer de l’inimitié, c’était Jérusalem. Tous ces scribes, tous ces anciens, tous ces «officiels», leur siège était Jérusalem. C’étaient les grands ennemis du Seigneur. Ils étaient là, concentrés dans cette ville. La plus grande partie de son ministère se passe en Galilée ; et, à la fin (Il y est venu d’autres fois), Il s’approche de Jérusalem, et se heurte à tout ce qui est établi, qui se prévalait des déclarations anciennes. Et quelle rencontre que celle du Seigneur avec tous ces pharisiens et ces scribes, tous ces anciens qui sont là et qui sont, au premier chef, les coupables de la mort du Seigneur !

Le Seigneur annonce qu’Il verra les apôtres en Galilée. Il s’est présenté en Galilée, et plus tard Il s’y présentera aussi. Mais en attendant, Il nous apprend ici : «toute autorité m’a été donnée» (Matt. 28:18). Il a toute autorité ; et c’est pourquoi Il envoie baptiser pour le nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. C’est la formule du baptême chrétien, puisque la trinité s’est révélée dans le christianisme. Les Juifs, responsables de maintenir le témoignage à un seul Dieu en présence des multitudes d’idoles, s’élèvent contre le Seigneur. Ils se sont révoltés contre Lui. On a souvent remarqué qu’une vérité divine nouvelle met à l’épreuve ceux qui possèdent une vérité ancienne. C’est le don, par Dieu, d’une vérité nouvelle, qui met la foi à l’épreuve. On l’a vu au siècle dernier.

Dans l’évangile de Jean, l’envoi que le Seigneur fait de ses disciples est en rapport avec sa personne : Je vous envoie. Ici, c’est plutôt en rapport avec le lieu, la Galilée. Ils partent de là, et sont envoyés évangéliser les nations, chose qui a été faite. Beaucoup de nations ont été baptisées pour le nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. Aujourd’hui, il y a beaucoup de chrétiens. Sur eux a été invoqué le nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, ce qui est la définition du chrétien, ce qui établit la frontière entre le christianisme et les paganismes divers. Les Mahométans, par exemple, même s’ils connaissent une partie de l’Ancien Testament, n’invoquent pas le nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. C’est propre au christianisme professant. Si les vrais croyants seulement étaient baptisés, il n’y aurait pas de profession chrétienne, embrassant également des âmes qui n’ont pas la vie. Or il y a une telle profession chrétienne.

Dans Luc, nous voyons que les disciples devaient attendre d’être revêtus de puissance d’en-haut, et que le Seigneur leur ouvre l’intelligence pour entendre les Écritures. Par cette intelligence, ils ont appliqué l’Écriture pour le choix du successeur de Judas. Mais la puissance qu’ils devaient recevoir avant de quitter Jérusalem, c’est le Saint Esprit venu à la Pentecôte.

Dans Jean 20, nous trouvons quelque chose de semblable. Il souffla en eux et leur dit : «Recevez l’Esprit Saint». Mais ce n’est pas la personne du Saint Esprit, qui ne devait venir qu’à la Pentecôte.

Heureux sommes-nous d’être en rapport avec quelqu’un qui peut nous bénir, nous ouvrir son coeur et ses mains qui ont été percées, quelqu’un qui a été mort, mais qui est ressuscité et assis au-dessus de tous les cieux, toute autorité Lui ayant été donnée. Cette autorité — nous sommes heureux de le savoir — nous la partagerons, dans une mesure, avec Lui.

Combien nous sommes heureux de savoir qu’Il est puissant, plein de grâce pour nous aimer tels que nous sommes, et puissant aussi pour opérer en nous tels que nous sommes.