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Méditations sur la Parole de Dieu

 

Exode

 

 

Louis Chaudier

 

 

Table des matières :

1       La Pâque, mer Rouge, Jourdain, Guigal, Bokim — Exode 12:7, 12, 13 ; 14:21-25, 27-29 ; Josué 4:15-19 ; 5:4-7, 9, 13-15 ; 10:15 ; Juges 2:1-5

2       L’épreuve — Exode 15:20-27, 10, 12 ; 17:8, 15-16 ; 2 Corinthiens 12

3       L’expérience du désert — Exode 15:21-25 ; Deutéronome 8:2-6 ; Psaumes 30:3, 5-7, 10-12 ; Philippiens 4:12-13 ; 2 Timothée 4:7, 16, 18

4       Avec Dieu dans le désert — Exode 15:22-27 ; 16:25-31 ; 17

5       Mara — Exode 15:22-27 ; 16:1-6, 9-18, 20, 23-36 ; 17

6       Se renoncer soi-même — Matthieu 16:21-27 ; Exode 15:22-27

 

 

 

Le texte de ces méditations a été révisé par Bibliquest dans sa forme, par rapport à diverses éditions papiers précédentes. Les révisions ont été limitées à ce qui était nécessaire à une expression et une compréhension correctes. Le texte reste marqué par son caractère oral, non révisé par l’auteur. Dans certains cas d’expressions au sens discutable, l’imperfection de celles-ci a été laissée de peur d’en perdre une certaine vigueur.

Certains textes ont été repris de l’ouvrage «Méditations sur la vie chrétienne» édité en 1995 par F.R., et sont notés comme tels. Ces textes ont fait l’objet (par F.R.) d’une révision un peu plus poussée.

 

 

1    La Pâque, mer Rouge, Jourdain, Guigal, Bokim — Exode 12:7, 12, 13 ; 14:21-25, 27-29 ; Josué 4:15-19 ; 5:4-7, 9, 13-15 ; 10:15 ; Juges 2:1-5

 

[LC n° 2]

8 février 1948

 

Le premier passage que nous avons lu concerne la nuit de la pâque : c’est la première rencontre avec Dieu du peuple qui est encore en Égypte ; c’est le premier contact, pour ainsi dire, avec Dieu.

Si Dieu doit arracher son peuple à l’Égypte, c’est-à-dire au monde, et si Dieu doit juger le monde, il ne peut pas ignorer le péché de son propre peuple. Les Israélites qui étaient en Égypte n’étaient pas en meilleur état que les Égyptiens. Si Dieu sortait de sa demeure pour rencontrer le péché, il le voyait tout d’abord dans son propre peuple. Dieu ne peut pas attirer à lui un peuple couvert de péchés. Et c’est pourquoi, avant de le libérer, avant de l’arracher au monde, il règle le sort de ce peuple devant lui ; et, avant d’intervenir pour faire sortir son peuple, il règle la question plus importante des rapports du peuple avec lui, question plus importante que la délivrance vis-à-vis du monde, qui n’est pas la première chose. La première chose, c’est de régler ses rapports avec Dieu. Il est très fréquent qu’on voie l’ordre des choses renversé, même dans l’enseignement, et souvent, on oublie que le premier de nos devoirs, c’est celui qui consiste à avoir affaire à Dieu. C’est avec Dieu que notre situation doit être, avant tout et en tout premier lieu, réglée.

Un homme du monde se soucie peu de Dieu ; un chrétien mondain, pas beaucoup. Plus un chrétien craint Dieu, plus il fait intervenir Dieu en tout premier lieu, les frères après ; le monde après.

Puisque Dieu doit prendre le peuple à lui, il faut qu’il abrite son peuple. Si Dieu est un juge, il commence par l’être pour son propre peuple, si le peuple n’est pas couvert ; c’est pourquoi Dieu lui-même donne l’abri à son peuple en instituant la Pâque.

Il a fallu beaucoup de foi, pour faire la Pâque : Hébreux 11 souligne la foi de Moïse. Comment le sang d’un agneau égorgé, le sang placé sur les poteaux et le linteau de la porte, peut-il arrêter le jugement de Dieu ? «Par la foi, il a fait la pâque» (v. 28).

Est-ce que tout le monde ici est à l’abri du sang de Christ ? Le sang de Christ n’est pas une religion. Le sang de Christ représente le sacrifice expiatoire de Christ, le fait que Christ a porté nos péchés en son corps sur le bois — les péchés de ceux qui croient. La Pâque nous présente donc le fait que Dieu sort de sa demeure pour juger, et il frappe le monde en frappant les premiers-nés du pays d’Égypte. C’est pourquoi le premier-né des fils d’Israël appartenait à Dieu, et les lévites ont remplacé les premiers-nés d’Israël.

La seconde scène qui nous parle de la croix de Christ, c’est celle où nous voyons que la puissance du Pharaon est brisée. Le chef de ce monde poursuit le peuple de Dieu avec toute sa force ; et c’est la traversée de la mer Rouge qui, d’un côté, est la délivrance à travers la mer pour le peuple de Dieu et, de l’autre, est la condamnation pour le monde et pour son chef.

À la croix de Jésus, la puissance du monde et du chef de ce monde a été brisée. Le monde, le chef de ce monde, qui est Satan, ne peuvent plus rien contre le peuple de Dieu. Quelqu’un qui a cru, quelqu’un qui est à Christ, le monde ne peut pas lui ôter ce que Dieu lui a donné. Dieu compte cet homme parmi son peuple. Il y aurait évidemment beaucoup de choses à dire sur toutes ces vérités.

Les eaux ont été un mur à leur droite et à leur gauche, image de la mort qui condamne et qui engloutit sans rémission ce qui est dans le monde. Le monde et les choses qui y sont, les sages, les philosophes, les moralistes, les hommes religieux, tous ceux-là avec leurs chars et leurs cavaliers, sont engloutis par la mer. Il n’y a pas un philosophe, pas un de ceux qui se prétendent immortels, qui ne soit comme ces chars, ces cavaliers de l’armée du Pharaon : mis à l’épreuve par la mort dans la mer, ils sont engloutis, et rien ne reste d’eux.

J’espère qu’il n’y a pas un chrétien ici qui se laisse éblouir par la gloire que le monde rejette sur ses grands hommes. Ce n’est pas si sûr ! Eh bien, les grands hommes de l’Égypte, avec leurs chars et leurs cavaliers, où faut-il les voir ? «Étends ta main», dit l’Éternel à Moïse ; et il a étendu sa main, et les eaux sont repassées ; elles ont englouti l’armée du Pharaon.

Y a-t-il ici un chrétien, chers amis, donc quelqu’un qui a traversé la mer Rouge à sec, avec les eaux de la mer à sa droite et à sa gauche comme un mur, assez infidèle à celui qui l’a délivré de la mort pour se prosterner devant les chars et les cavaliers du Pharaon ?

Le peuple de Dieu est composé, très souvent, par des gens qui n’ont pas beaucoup d’éclat quant aux choses de ce monde. Tant mieux ; et, même s’ils ont de l’éclat quant aux choses de ce monde, Dieu leur apprend à se dépouiller de cet éclat et à se souvenir que la gloire qu’il répand sur eux, c’est la gloire de Dieu lui-même, du Dieu rédempteur, du Dieu plus puissant que la mort. Un chrétien, quel qu’il soit, même un petit enfant converti, c’est quelqu’un qui peut dire : j’ai traversé à sec les eaux de la mer Rouge ; je ne peux pas l’expliquer ; je ne suis pas un savant, je ne suis pas un philosophe, je ne suis pas un moraliste, mon nom ne sera pas sous les coupoles où on honore les grands hommes de ce monde, mais mon nom est écrit dans le livre de vie. Est-ce que cette gloire nous suffit, chers amis, ou non ? Elle suffit à Dieu. Dieu n’en a pas d’autres à nous donner, et cette gloire efface toute autre gloire. Ah, le peuple de Dieu a besoin, chers amis, de revenir, de se remettre en contact avec les vérités de Dieu et la mort, la croix de notre Seigneur Jésus Christ.

Nous voyons là les deux choses en contraste. Le peuple fourmille de femmes, d’enfants, et compte six cent mille hommes de pied. Des petits, il y en avait ; ceux qui avaient été épargnés la nuit de la Pâque, ils étaient là ! Ce n’était pas une armée, c’était un troupeau, le troupeau du berger d’Israël. Ils n’avaient aucune puissance. Ils avaient les Égyptiens derrière, le Pharaon avec toute sa force, et la mer Rouge, devant eux : «Étends ta main».

Chers amis, on sent le besoin de revenir à ce que Dieu nous a donné. Le christianisme, aujourd’hui, de plus en plus, même parmi nous, tend à obscurcir les gloires dont Dieu a couvert son peuple par de fausses gloires de ce monde. Nous trouvons cela partout ; c’est de l’apostasie. Quel est notre titre de gloire ? Nous nous glorifions «dans la croix de notre seigneur Jésus Christ, par laquelle le monde m’est crucifié, et moi au monde» (Gal. 6:14). Voilà ce que dit Paul, et puissions-nous le dire en vérité avec lui.

«Un peuple merveilleux…» (Ésaïe 18:2). Pourquoi ? Était-il plus sympathique qu’un autre ? Les chrétiens authentiques ne sont pas plus sympathiques que d’autres. Qu’est-ce qui fait leur grandeur ? Ce que Dieu leur a donné, et non pas ce qu’ils avaient. «Étends ta main» : quelle parole !

Tous ces petits enfants et ces femmes, tous ces êtres faibles, ont pu voir ce que Dieu a fait. Il a enlevé les roues des chars, et toute l’armée du Pharaon a été engloutie ; c’est fini.

Moralement, c’est ce fait même, la croix de Jésus, qui nous sépare du monde, de l’Égypte. Est-ce que nous sommes contents de cela ? Ou bien est-ce que, dans notre coeur, nous disons : Ah, en Égypte, il y avait des oignons, des concombres, on était mieux que dans le désert ? Le peuple le dira, plus tard. Quand nous sommes mécontents, c’est de Dieu que nous sommes mécontents.

Et puis il y a un troisième fait qui marque l’histoire, le chemin de ce peuple. Après le désert, le peuple n’a pas été fidèle, nous le savons. Et alors, Dieu lui a dit : Tu vas rester quarante ans dans le désert, jusqu’à ce que tous les vaillants hommes, tous ceux qui disent : «Nous allons tous mourir, jamais nous ne pourrons entrer dans le pays ; il y a des géants, dans ce pays ; jamais nous ne pourrons entrer…», tous ceux qui ont eu peur ainsi, tombent ; et vos petits enfants, eux, entreront dans le pays. Josué et Caleb, qui ont eu la foi, ont été tenus de suivre les pérégrinations du peuple infidèle.

Et il en est ainsi aujourd’hui. L’Église a murmuré, comme Israël l’a fait, et tous ceux qui ont de la foi et de la piété sont obligés de suivre le détour très long que Dieu fait prendre à son peuple pour qu’il apprenne à se juger au long du désert.

Au terme du désert, nous voyons le Jourdain ; et, dans le Jourdain, nous voyons le peuple racheté qui entre, cette fois, à la suite de l’arche, l’arche portée par les sacrificateurs. Ils mettent le pied dans le Jourdain, les eaux reculent.

Le Jourdain sépare le désert du pays de la promesse. Le Jourdain, c’est la mort. Immédiatement après le Jourdain, c’est Canaan. Pour nous, il n’y a pas d’intervalle entre la mer Rouge et le Jourdain ; nous sommes à la fois dans le désert et dans le pays de la promesse. Voilà la différence entre Israël et nous. Nous connaissons les difficultés et les peines du désert pour la foi, et, en même temps, nous sommes appelés à vivre dans le pays de la promesse, à nous nourrir d’un Christ céleste. Notre place est en Canaan ; notre pays, c’est le ciel ; notre nourriture, c’est Christ. Et pourquoi nous faut-il rester dans le désert ? Pour que nous apprenions à Le connaître et à nous connaître. Si un chrétien a vécu cinquante ans sur la terre et qu’il n’a rien appris, chers amis, il a perdu cinquante ans. Est-ce que cela arrive ? Dieu le sait, mais c’est triste, parce que c’est une occasion unique. C’est triste, si un chrétien a fourni cinquante ans de traversée dans le désert sans rien apprendre.

Mais c’est surtout la fin que je voudrais marquer. Dans le Jourdain, tout le peuple passe à la suite de l’arche, pendant que l’arche se tient là. C’est-à-dire que, pour le chrétien, non seulement Christ est mort pour lui (la Pâque), non seulement la puissance de Satan contre lui est détruite (la mer Rouge), mais le chrétien est mort avec Christ (le Jourdain). Il faut le reconnaître, c’est le point sur lequel nous nous arrêtons le moins volontiers. C’est un fait comme les deux autres : le chrétien est mort avec Christ. Dieu a tué l’homme à la croix ; il a tué le vieil homme du chrétien à la croix. Lorsque nous nous vantons — et cela nous arrive — lorsque le vieil homme se vante (ce n’est jamais le nouvel homme qui se vante), nous faisons parler un homme que Dieu a tué, nous ressuscitons un homme que Dieu a tué à la croix.

Le Jourdain, c’est le fait que le peuple de Dieu, les chrétiens, sont morts avec Christ et ressuscités avec lui. Ils passent de l’autre côté, en Canaan, image des lieux célestes. Ceci a son parallèle dans toute l’épître aux Éphésiens, et le chapitre 6 en particulier.

À un inconverti, il faut parler de la Pâque ; on ne lui parle pas du Jourdain. Il faut lui dire : Vous avez des comptes à rendre à Dieu, et des comptes terribles ; tout ce que vous avez fait, tout ce que vous avez dit et pensé, est en permanence devant Dieu.

— Oh, je suis quelqu’un de très bien ; je suis très bien élevé, je me conduis très bien.

— Quand vous vous verrez devant Dieu, vous verrez si vous penserez ainsi !

C’est à un chrétien qu’on parle du Jourdain ; c’est aux frères, c’est aux soeurs Il faut leur dire : Vous êtes morts avec Christ. C’est ce que nous trouvons dans le Nouveau Testament : nous sommes morts avec Christ.

Les chrétiens, pour le monde, sont des morts ; est-ce qu’on le voit ? Est-ce qu’on voit que nous sommes des morts pour le monde, ou est-ce que nous sommes bien vivants, pour le monde ?

Alors, voilà le peuple qui passe, qui traverse le Jourdain ; et sort un peuple ressuscité, un peuple qui vit dans le pays de la promesse, qui mangera les fruits du pays, mais qui, d’abord, a à vaincre les ennemis qui s’y trouvent. Comme nous le disons souvent (et il faut le redire ; on dit quelquefois que nous le disons trop, mais il suffit de voir les défaites que nous enregistrons pour réaliser que nous ne le disons pas assez), un chrétien qui lutte, ce n’est pas celui qui reste en Égypte. Celui qui reste en Égypte ne lutte pas. On voit des chrétiens, leur vie s’écoule sans lutte… ; mais un chrétien qui veut jouir de Christ dans la gloire se rend compte que l’ennemi, par tous les moyens, se met en travers tous les jours, pour le solliciter et l’arracher aux choses célestes. C’est l’expérience chrétienne de tous les temps.

De l’autre côté du Jourdain — c’est ce qui m’a frappé souvent, que Dieu ne se contente jamais d’un développement théorique des vérités, jamais — à Guilgal, il y a là une marque, une application pratique de ce que Dieu a enseigné précédemment, à savoir une marque de la mort. Guilgal est le lieu dans lequel le signe de la mort a été marqué sur le peuple. Souvenons-nous toute notre vie que Guilgal veut dire roulement. Dieu a roulé de dessus le peuple l’opprobre de l’Égypte. Quand nous redevenons mondain, nous ramenons sur nous et sur le peuple de Dieu l’opprobre de l’Égypte ; nous effaçons ce que Guilgal a établi.

Quand nous lisons Josué, nous voyons plusieurs fois cette phrase : «et tout le peuple retourna avec Josué à Guilgal» (10:15, 43). Nous avons remporté des victoires, accompli un service, passé une bonne journée, dans la communion avec le Seigneur. Eh bien, si nous ne revenons pas à Guilgal, nous en serons fiers, nous nous en vanterons à nous-mêmes.

Comme disait un serviteur de Dieu qui avait fait une heureuse visite, et à qui on dit : «Oh, quelle bonne visite vous avez faite»: Satan me l’a déjà dit à l’oreille.

Il nous faut revenir à Guilgal, tous les jours ; et c’est ce que j’avais essentiellement à coeur de rappeler. La force du peuple de Dieu, c’est le maintien de la puissance de la mort sur lui. Il est certain que l’application de la mort ne peut se faire que dans la puissance de la vie — nous sommes bien d’accord — dans la puissance du Saint Esprit — le Nouveau Testament nous l’apprend. Mais on ne saurait trop attirer l’attention des saints aujourd’hui sur le fait que l’absence de puissance parmi le peuple de Dieu vient du fait qu’on ne revient pas à Guilgal. Nous en faisons l’expérience ; chacun de nous en fait l’expérience. Si nous nous laissons griser par quelque chose, même un succès, même un succès spirituel, nous apprenons que Dieu se retire de nous ; c’est immanquable. Il faut revenir à Guilgal. Les fils d’Israël ont abattu Jéricho; ils ont toute une peine à avoir Aï. Pourquoi ? C’était une ville de rien ! À la suite de Jéricho, ils avaient oublié de se juger, et le mal était là. C’est ce que je désirais laisser devant nous.

Je le sens — j’espère continuellement — pour mon compte, que la puissance de Dieu est arrêtée dès que nous ne revenons pas à Guilgal, dès que nous tolérons la chair, quelle qu’elle soit, quelque soit son caractère. Dès que nous nous nourrissons de nous-mêmes, dès que nous oublions d’appliquer la mort de Christ, la puissance de Dieu se retire d’avec nous. Quand on voit, chers amis, la puissance que le monde a sur les chrétiens, des chrétiens qui ont vingt, trente, quarante ans de vie chrétienne, on comprend quelle puissance il faut pour tirer une âme du monde, qui n’a que le monde, qui n’aime que le monde.

Vous ne pouvez pas dire à un inconverti d’aimer autre chose que le monde. Vous n’aimez peut-être pas les choses grossières ; mais un ruban suffit à conduire une âme en enfer !

Israël revient à Guilgal. Et nous ?

Eh bien (nous le sentons parce que, dans la pratique et de bien des manières, de beaucoup de manières, nous avons fait la même expérience), nous allons en face de Aï comme en face de Jéricho, et nous sommes battus. L’ennemi a de la puissance. Au lieu de faire la volonté de Dieu, nous faisons la nôtre ; au lieu de nous séparer du monde, nous succombons à ses tentations. Personne ne le sait, que Dieu et nous. Mais toutes les défaites ne sont pas spectaculaires et visibles ; elles sont dans notre coeur, dans notre esprit, avant d’être montrées en fruit dans notre vie, chers amis. Et jamais une déchéance publique n’a commencé d’un seul coup.

Le livre de Josué est marqué par des victoires, parce que le peuple revient à Guilgal. Voulons-nous avoir de la joie parmi nous, chers amis, dans nos réunions, au culte ? Jugeons-nous de très près, les frères et les soeurs ! Que chacun se juge de très près, se dépouille de ce dont il doit se dépouiller.

Nous ne forçons pas Dieu à être parmi nous ; nous ne le forcerons jamais. Israël a eu beau faire devant Aï comme il faisait d’habitude — et Josué était là, c’était quelqu’un, ce n’était pas le premier venu — c’est la défaite. Josué déchire ses vêtements.

Notre position est telle que, si Dieu n’est pas avec nous, nous sommes les plus misérables de tous les hommes. Si Dieu n’est pas avec nous, c’est le monde qui nous attend ; c’est la ruine totale qui nous attend. Il faut nous juger de très près, dans toutes nos voies. C’est ce qui fait que la vie chrétienne est une peine continuelle.

Alors, dans Josué, ce sont des victoires. Mais ils n’ont pas remporté toutes les victoires ; ils n’ont pas chassé les ennemis partout et, dans les Juges, nous en voyons les résultats. Les Juges, c’est un livre où, au lieu de chanter les cris de victoires, on entend plutôt des complaintes. C’est vrai d’une vie chrétienne ; cela arrive d’une vie chrétienne où on a manqué de vigilance. Les beaux chants du commencement font place à des lamentations, à des complaintes. C’est vrai du peuple de Dieu, d’une assemblée locale, du peuple de Dieu dans son ensemble. Et qu’est-ce que nous trouvons dans les Juges, au moins deux fois ? Chacun faisait ce qui était bon à ses yeux (17:6 ; 21:25) : moi, je pense ainsi ; moi, je pense autrement.

Le gouvernement de Dieu était là qui laissait les choses ainsi ; car il faut compter avec le gouvernement de Dieu : «engraisse le coeur de ce peuple» (És. 6:10) !

Que trouvons-nous, dans Juges 2 ? L’ange de l’Éternel qui monte de Guilgal à Bokim. Le peuple sent qu’il y a une perte irréparable. Il sent qu’il déchoit ; il sent qu’il descend. L’ange monte de Guilgal à Bokim. On n’a pas voulu de la mort ; on n’a pas voulu porter la mort de Jésus. Eh bien, Dieu se retire. «Je me suis retiré d’eux» ; c’est une expression qu’on trouve deux ou trois fois, dans l’Ancien Testament. C’est terrible, quand Dieu se retire de quelqu’un. Cela arrive chez un individu, et aussi dans un corps de chrétiens : «je me suis retiré d’eux…» Vous ne voulez pas Guilgal, pour connaître la puissance liée à la réalisation de la mort de votre volonté propre ? Eh bien, vous aurez Bokim ; vous pleurerez parce que Dieu ne sera pas là. Et il rappelle les raisons pour lesquelles il s’en va : «Vous avez fait alliance avec les dieux». Moi, j’avais fait alliance avec vous ; vous avez fait alliance avec les dieux. Ces deux alliances ne peuvent pas subsister ensemble. Vous avez voulu faire alliance avec les dieux ; au lieu de rejeter tout cela, vous m’avez rejeté en acceptant les dieux étrangers. Est-ce une histoire théorique ? Pas du tout, c’est l’histoire de tous les chrétiens ; c’est notre histoire !

Que le Seigneur nous donne de prendre garde, dans notre vie chrétienne, au moindre détail, à tout ce qui nous sépare pratiquement de Christ. Quand on nous dit quelque chose qui nous exalte : Oh, comme il réussit bien, quel succès, comme il a des qualités, comme il réussit brillamment ! Est-ce que cela nous rapproche de Christ, chers amis ? Eh bien, il faudra, une fois ou l’autre, juger cela. Vous n’emporterez pas cela comme une richesse pour Christ. Cela va très loin, je le sais. Mais nous jouons une partie, le peuple de Dieu joue une partie, qui est une partie à mort. Celui avec lequel nous jouons cette partie ne nous épargnera jamais ; il ne laissera passer aucune occasion, on le voit bien. C’est pourquoi la vigilance continuelle est, pratiquement, indispensable. Et tout ce qui, au milieu de nous et dans notre vie chrétienne, contribue à affaiblir la conscience des droits de Dieu, est une infidélité, non seulement vis-à-vis de Dieu, mais vis-à-vis des hommes.

Que le Seigneur nous donne de ne pas savoir ce que c’est que le christianisme sans le vivre. Que le Seigneur nous donne de ne pas savoir ce que c’est que la croix de notre Seigneur Jésus Christ sans pouvoir dire : ta croix, Jésus, est ma gloire, elle est ma mort et ma vie. Que le Seigneur nous donne de le réaliser.

 

2    L’épreuve — Exode 15:20-27, 10, 12 ; 17:8, 15-16 ; 2 Corinthiens 12

 

[LC n° 3]

11 février 1968

 

Quand notre christianisme est dans notre tête, cela fait de perpétuels mécontents. Il est rare que nous soyons tout à fait contents. Assurément, nous ne sommes heureux que lorsque nous sommes heureux en Dieu.

Le bonheur qu’on a avec Christ est un bonheur éternel. C’est un bonheur intouchable, permanent. Si nous regardons à la vie extérieure de Paul, personne ne l’envierait. Mais si nous voyions le bonheur dont son coeur était rempli, nous dirions : Voilà une vraie vie !

On aime bien chanter des cantiques, et chanter bien, et chanter fort. Tandis que le vrai chant est celui qui est produit par la harpe de nos coeurs mus par le Saint Esprit. Le peuple chante, car Dieu l’a délivré d’une façon extraordinaire. Mais comment se fait-il que, peu après, le peuple murmure ? Parce qu’il a plus pensé à sa délivrance qu’à Dieu. Lorsque nous nous attachons aux circonstances, le bonheur est très vite parti. Nous sommes des êtres continuellement dépendants, plus dépendants qu’un enfant dans les langes ne l’est envers sa mère, pour toutes choses. Nous ne le croyons pas, cela. Nous nous croyons très forts. Mais rien de tout cela. La qualité de la vie divine, c’est la dépendance. La vie de Christ était complètement dépendante.

Voilà que les eaux ne sont pas bonnes. Et cela fait de suite le découragement. On condamne Dieu. Voilà ainsi comment se passent nos vies, bien souvent. Comment se passe notre semaine, l’histoire de nos âmes, de nos consciences, vis-à-vis de Dieu ? C’est cela qui compte, n’est-ce pas ? Le reste, non. C’est l’histoire de l’âme qui a de la valeur.

En Égypte, on ne chante pas de cantiques. L’Égypte, c’est le monde. Dans le monde, on ne chante pas. Ah, on a des chansons ; mais ce sont les chansons des esclaves. Tandis que Dieu nous apprend le chant de la délivrance.

Quelqu’un qui n’est pas un chrétien n’a rien du christianisme. Il n’a que la couleur d’une âme convertie. Si vous êtes converti, vous ne tremblez pas. Quand nous aimons Dieu, nous aimons les contours très nets. Ce ne sont pas les apparences qu’il faut, mais un changement fondamental de base. Y aura-t-il eu des professants qui n’auront pas la vie ? Sûrement !

Ce qui est toujours à l’origine des murmures, c’est une volonté non brisée. Un croyant peut passer par une épreuve très difficile. S’il passe ces moments-là avec le Seigneur, il a le Seigneur avec lui. Et ainsi, il peut avoir ses heures réjouies en lui. Un croyant qui aurait le Seigneur avec lui, d’une façon complète, pourrait passer sa vie dans l’épreuve, et être heureux quand même. Si le Seigneur n’est pas capable de venir au secours d’un des siens, il n’est pas plus fort que les circonstances — et c’est un blasphème, de le penser. La volonté, dans l’homme, est une grande monstruosité. Les anges mêmes sont étonnés de voir cette volonté dans l’homme.

Il y a des jeunes — et même fort jeunes — auxquels Dieu peut donner un coup très dur, au départ. C’est souvent lorsque le Seigneur veut se servir d’un ouvrier. Pour d’autres, c’est plus tard. Il peut se servir de toutes sortes de choses, pour cela. En trois jours, Paul a été transformé. C’est la discipline du Père. Nous ne devons pas fuir la discipline. Mais il mesure à chacun la discipline, suivant le moment de sa vie, suivant ce qu’il aura compris. Souvent, on constate qu’il ne fait pas passer des jeunes croyants par une dure épreuve, ceux qui n’auraient pas suffisamment de foi pour la supporter, et ainsi risqueraient de tomber.

Il arrive que des jeunes croyants soient éprouvés durement, au départ. Mais Dieu veut visiter notre volonté propre. Pour arriver à ce but, l’amour de Dieu peut même se servir d’une humiliation cuisante, et même d’une faute humiliante. L’Écriture est là pour confirmer ce que nous venons de dire. Voyez Pierre. Son reniement est nommé pour toute l’histoire du christianisme. Il faut qu’il soit visité ; il faut qu’il soit brisé, pour qu’il soit un vase à la gloire du Seigneur. Pour un frère, c’est plus sérieux. Car il peut être appelé à un service public, donc plus dangereux ; car on risquerait de faire passer le service avant le Seigneur, et quantité de choses avant lui. C’est trop pénible. Lorsque nous constatons, chez un jeune, que sa volonté est brisée, il n’est plus le même qu’auparavant. Il a changé. C’est un véritable ornement. C’est une parure morale, qui est un reflet de la vie de Christ dans le croyant. Alors qu’un ornement du monde est une honte, pour un croyant.

Ex. 15:25 : «L’Éternel lui enseigna un bois». Ce bois jeté nous montre la destruction de la volonté propre. De volontaire qu’il est, il devient plus dépendant. Ne nous y trompons pas. S’il y avait ici l’apôtre Paul, il ne lui faudrait pas longtemps pour discerner la vie intérieure de chacun de nous. Et quand un frère est spirituel, il saura bien le discerner.

La vie intérieure de chacun est de toute importance, pour chacun. Le Seigneur détruit la volonté. Ce n’est jamais agréable. Jamais vous ne changerez le visage de la mort. La mort est toujours la mort. Elle n’est jamais attrayante. Jamais vous ne verrez quelqu’un mourir quant à lui-même avec le sourire. Vous n’échapperez pas à la main du Seigneur ; heureusement pour nous.

Le christianisme est incomparable. Si on voulait définir un croyant, la vie divine en lui, c’est Dieu vivant dans cet homme. Le reste, l’ancien Adam, avec sa culture, le vieil homme, c’est fini. On n’a pas de temps à perdre. On y pense, non pas pour s’en nourrir, mais pour s’en débarrasser. La jeunesse chrétienne a cela à apprendre. Elle a besoin d’être visitée (l’amour du monde, hélas, et Satan, ont de la prise sur la chair), afin que tout cela soit appelé à disparaître. Si ce n’est pas fait, un jour ou l’autre, vous aurez à l’apprendre. Le Saint Esprit ne se sert jamais de la chair. Alors que Satan, lui, se sert de la chair qui est en nous.

En avançant, on est frappé de la réalité de ces choses divines. Il n’y a rien de théorique. Tout est vrai.

«Et les eaux devinrent douces» (v. 25). Vous voyez quelqu’un content de lui-même. Cette âme-là, une fois visitée par le Seigneur, vous la voyez, et vous dites : Mais ce chrétien fait des progrès ! Lorsque la jeunesse est exempte de toute épreuve, ce n’est pas une bonne chose, bien qu’on puisse apprendre avec le Seigneur. Mais la chair est indomptable. Et la discipline est là aussi pour limiter les dégâts. Toutes les disciplines auxquelles est soumise la jeunesse sont de toute valeur, que ce soit dans un milieu familial pieux ou dans l’assemblée. Cela est de toute importance et de toute valeur. Celui qui veut éviter la discipline, attention qu’il ne soit pas trouvé devant des circonstances autrement éprouvantes. On ne se moque pas de Dieu. Personne ne peut remplacer le Seigneur. C’est admirable et inexprimable. Paul était beaucoup moins sensible, quant à l’opinion des autres ; Pierre davantage ; Paul non. L’apôtre Paul était un homme supérieur, d’une formation supérieure. Où voyez-vous que quelqu’un ait pu faire dévier le Seigneur de ses voies ? Personne ne l’a pu. Il était débonnaire et doux.

Le point le plus saillant de la vie de l’apôtre n’est pas ce que nous pourrions lui envier. Il a été vu en flagrant délit de faire la guerre à Dieu. Ensuite, ce fut oublié. Il a été pardonné. Cette faute ne pesait plus sur lui. Et puis, cela s’est passé avant sa conversion. Cela nous montre ce qu’un homme peut faire, tout en ayant bonne conscience, quant à la loi. C’était un vase qui devait être préparé.

Que le Seigneur nous accorde de marcher humblement avec lui, ne pensant pas à nous, ni en bien, ni en mal (c’est la véritable humilité), en étant remplis du Seigneur. Et cela se fait sans effort. Le Seigneur se manifestera en nous tout naturellement. Avec Dieu, il n’y a pas de difficultés, nulle part. Si nous avions le Seigneur avec nous et en nous, nous ne craindrions rien ni personne.

Chère jeunesse chrétienne, ces choses vous sont offertes. Le Seigneur vous les offre. Nous avons déjà pensé qu’il serait peut-être bon que cette chère jeunesse chrétienne, comblée comme elle l’est de tant de faveurs et de richesses spirituelles, entourée par ceux qui lui enseignent, afin d’éviter les erreurs, aille faire un stage dans des milieux moins favorisés qu’elle, et où l’erreur, bien souvent, s’y trouve mêlée. Vous pourrez puiser dans les écrits de nos devanciers. Alors, rien ne sera perdu. Que le Seigneur nous accorde de les lire, de les sonder, de les étudier. C’est la vraie gloire, la vraie grandeur. Nous avons des secrets avec le Seigneur. Plusieurs d’entre ces croyants, beaucoup moins favorisés, sont souvent plus fidèles que nous. Et ils nous feront honte, quand tout sera révélé. Nous nous réjouissons à la pensée que le Seigneur mettra un jour, sur leurs fronts, la marque de son approbation. L’écharde est envoyée à Paul, afin qu’il ne s’enorgueillisse pas. C’est quand il redescend qu’il est en danger. C’est une écharde de Satan. Le Seigneur se sert de Satan contre la chair qui est en nous. Paul avait besoin de cette écharde.

La Parole n’est pas un livre d’histoire et de géographie, bien qu’elle contienne ces éléments. Mais ce n’est pas de ces choses qu’elle veut nous entretenir. Et pourtant, c’est ainsi que les hommes s’en servent, afin qu’on ne reçoive pas le coeur de la vérité, la vérité qui sauve.

«Paul, tu as ton écharde. Eh bien, garde-la ! Je t’aiderai avec ton écharde». La puissance de Dieu est pour celui qui est jeté par terre. «Ma grâce te suffit». La puissance de Dieu est pour lui. Un homme détruit, un homme brisé, c’est un homme que Dieu a formé pour recevoir tous les secours divins.

Quand nous voyons un chrétien allant vers le succès, partout où il va, que tout va bien pour lui : mais vous ne trouvez jamais cela, dans l’Écriture ! Le ciel, avec les avantages terrestres, cela a l’air attrayant. Et on trompe la jeunesse avec cela.

L’apôtre dit : «J’ai supplié trois fois le Seigneur». L’infirmité n’est pas le péché. C’est ce par quoi Dieu brise un homme. Bon, bien ; j’ai l’écharde. Eh bien, j’aurai l’écharde ! Si cette écharde me fait connaître ta personne de jour en jour davantage, je me réjouis. Et je prendrais plaisir plutôt dans les infirmités. v. 10 : Le Seigneur nous réjouit dans le brisement qu’il opère en nous. Le Seigneur ne se met jamais à la disposition de la chair. Nous bénirons le Seigneur beaucoup plus pour nos épreuves que pour nos joies. «Je puis toute chose en celui qui me fortifie» (Phil. 4:13). Ceci est écrit dans la Parole, afin que ce soit utile pour tous les temps. Paul avait les mêmes passions que nous. Eh bien, que le Seigneur nous accorde d’être plus heureux en lui ! Quand nous serons à la fin de notre vie, que restera-t-il ? Ce que nous aurons fait par lui, pour lui, avec lui. Le reste sera soufflé, perdu. Ce qu’il recherche, c’est le coeur des siens. Eh bien, qu’il ait le nôtre davantage, à mesure que notre chemin se fait.

 

3    L’expérience du désert — Exode 15:21-25 ; Deutéronome 8:2-6 ; Psaumes 30:3, 5-7, 10-12 ; Philippiens 4:12-13 ; 2 Timothée 4:7, 16, 18

 

[LC n° 4]

31 mai 1970

 

Le désert ne fait pas partie des conseils de Dieu. Les conseils de Dieu sont ses voies pour faire passer nos âmes d’un état de misère à un état de bonheur.

Personne ne pourra arrêter Dieu dans ses conseils. Les conseils de Dieu, ce sont ses voies, par lesquelles il veut faire passer les siens. En général, Dieu a ses voies à l’égard de ceux qui sont à lui. Il a un travail à faire en eux.

Ce cantique place devant nous les ressources du chrétien : «Contre moi dans ce monde…». Quand Dieu a pris à lui une âme, son éducation dure toute la vie. Il veut nous rendre intelligent quant à ses pensées. Dieu nous suit et nous tient. Personne n’échappe à sa main. Un peu plus tôt, un peu plus tard, Dieu fait à notre égard ce qu’il veut faire. Ce travail est double : un travail de dépouillement, et un travail d’enrichissement.

Quand on est un jeune chrétien, on est tout feu, tout flamme. Puis il arrive, très souvent, que le premier amour baisse, que le cœur soit encombré de toutes sortes d’objets. Ce que Dieu veut, ce n’est pas un extérieur de dévouement. Non ; ce qu’il veut, c’est notre cœur. Ce qu’il veut, ce n’est pas notre porte-monnaie, mais notre cœur. S’il a notre cœur, il aura le reste. Lequel d’entre nous ne mérite pas ce reproche : «Tu as abandonné ton premier amour» (Apoc. 2:4) ? Les relations naturelles peuvent aider, et elles peuvent gêner. Avec Dieu, son regard nous suit où que nous soyons. Il fait notre éducation à tous. Est-ce qu’il y a quelqu’un, ici, qui regrette d’avoir passé à cette école ? Est-ce qu’il y a des regrets à y rester ? Souvent pas !

Dans Exode, il y a un chant de cantique. C’est la position de quelqu’un qui est converti. Il est à l’abri de la puissance du Pharaon. Au beau cantique succède une manifestation entièrement contraire. C’est Mara, les eaux amères. Et, au lieu d’un cantique de délivrance, c’est le murmure. Lequel d’entre nous n’a-t-il pas murmuré, dans sa vie ? Et peut-être après avoir passé toute une après-midi à chanter des cantiques !

Mais Dieu n’est jamais dépassé. Il enseigne un bois. Et ce bois, jeté dans cette eau, la rend douce.

Pourquoi murmurons-nous ? Qu’est-ce qui produit cela ? Quelqu’un qui murmure n’est pas heureux. «Priez sans cesse. En toutes choses rendez grâces» (1 Thess. 5:17-18).

Dieu nous serre de très près. Il ne veut pas que ses enfants fassent leurs quatre volontés. Et pourquoi ? Pour notre bonheur, mais aussi pour sa propre gloire.

La bénédiction durable du chrétien contient ce qui brise sa volonté. Voilà le christianisme ! Il n’y en a pas deux. Le christianisme, c’est la manifestation de Christ dans un homme.

Notre volonté nous suit jusqu’au dernier souffle. Un ancien frère disait ce qu’une femme, très célèbre au dix-neuvième siècle, avait déclaré : «Savez-vous ce qui meurt chez nous en dernier lieu ? C’est l’amour-propre » ; et c’est une femme mondaine qui parlait ainsi. Prenons-en pour nous, n’est-ce pas !

Voilà le christianisme. Les apparences, c’est quelque chose que le vent emporte, s’il n’y a que cela.

Moïse prend un bois. Ce qui nous fait murmurer, c’est quelque chose qui contrarie nos plans. À la lumière de Dieu, on se voit, et on se voit soi-même.

Les eaux deviennent douces. Ce bois est la mise à mort de la chair en nous, de notre volonté propre. La valeur de la croix n’est pas seulement pour être sauvés. Mais elle nous libère de nous-même.

On peut dire à une âme : «Du moment que vous croyez, vous êtes sauvée». Elle pourrait répondre : «Oui, mais j’aime les choses que j’aimais avant…». Et pourtant, ce peut être un authentique chrétien.

Le Seigneur n’a laissé aucun de nous ici, chers amis, pour qu’il dirige la barque à son gré. Nous avons en nous ce qui est ennemi de Dieu. La libération est dans la croix. Tout le vernis du monde ne va pas avec la croix. Voilà ce que les gens sérieux n’aiment pas.

Quelqu’un disait : «C’est étonnant, ce qu’une âme peut faire de progrès, lorsqu’elle sort d’une épreuve !». Vous ne pouvez pas avoir le ciel et la terre. Nous bénirons beaucoup plus le Seigneur pour nos épreuves que pour nos joies. Lorsqu’on est jeune, on ne pense pas cela.

On nous a appris, à l’école du dimanche : «On n’est à lui, ni trop tôt, ni trop longtemps». Retenons ces cantiques si simples : «Jésus est le meilleur Maître».

Et puis viennent les expériences. Dieu nous brise : «Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé et humilié» (Ps. 51:17). Retenons cela, chère jeunesse ! Alors, si le Seigneur touche l’emboîture de la hanche, s’il brise le ressort de la volonté propre, c’est une bénédiction.

Psaume 30:5 : «Le soir, les pleurs viennent loger avec nous, et le matin il y a un chant de joie». Deutéronome 8:16 : «… afin de t’humilier et afin de t’éprouver, pour te faire du bien à la fin». Dieu ne panse pas les plaies à la légère. Quand Dieu apporte la paix, on le sent bien. Les leçons du désert sont irremplaçables.

Le résultat de la course chrétienne est très important. Nous le verrons au tribunal. Nous verrons tout ce que notre chair nous aura fait faire, et nous aura fait perdre comme bénédiction. Tout homme rendra compte devant Dieu. Tout passera devant nous. On n’échappera pas toujours. On ne se cachera pas toujours.

Ce cher apôtre Paul a fait une course dans le désert. Mais ce n’est pas sa qualité d’apôtre qui le soutenait. Il était un chrétien qui avait appris, un chrétien qui apprenait. Il a fallu qu’à la fin de sa course, il fut abandonné. Mais il dit : «Mais le Seigneur s’est tenu près de moi et m’a fortifié» (2 Tim. 4:17).

Comme il aimait Christ de tout son cœur ! «Oui, ma coupe est comble» (Ps. 23:5). Il chantait en prison, dans la honte, et déshonoré devant tout le monde.

  Comme disait un frère : Dans le ciel, il y aura une riche entrée et une chiche entrée ; une riche entrée, pour ceux qui auront vécu pour lui, et une chiche entrée, pour ceux qui auront laissé le Seigneur à la porte.

  Il y aura un moment où tout sera déclaré sous son vrai jour. «Oui, le souverain bien-être, le vrai bonheur ici-bas, c’est d’avoir Jésus pour Maître, de le suivre pas à pas». Voilà le secret du bonheur, pour les petits, pour les isolés, pour ceux qui n’ont pas de secours.

  Nous avons déjà rappelé cette image. C’est comme un enfant, jouant avec ses jouets préférés. Présentez-lui un autre jouet beaucoup plus beau ; il lâchera tout pour le prendre. Que le Seigneur nous donne de trouver tellement notre joie en lui, que nous ne souhaitions rien d’autre, mais que nous fassions envie aux autres. Donnons-nous quelque peu ce spectacle, autour de nous ? C’est cela, le témoignage.

  Le monde promet, et il ne tient pas. Le Seigneur promet, et il tient ce qu’il a promis. Que le Seigneur nous donne son aide, pour bien commencer, pour bien continuer, et pour bien finir ; pour vivre de lui, afin de vivre dans la mesure où il le demande, de vivre de lui.

 

4    Avec Dieu dans le désert — Exode 15:22-27 ; 16:25-31 ; 17

 

[LC n° 5]

23 juin 1946

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 26

 

Les chapitres 15 à 18 de l’Exode nous présentent les interventions de Dieu à l’égard du peuple d’Israël avant que la loi ne lui fût donnée. Après, les relations de Dieu avec son peuple seront tout autres. Une même faute commise par le peuple avant la loi est sanctionnée d’une manière moins sévère qu’après la loi. Dès que le peuple a accepté le joug de la loi, Dieu l’a pris au mot et son gouvernement fut beaucoup plus sévère.

Chose étonnante, la loi n’a jamais été donnée au peuple dans toute sa rigueur. Elle a été annulée avant même que le peuple en prît connaissance. Lorsque Moïse descendit de la montagne, le veau d’or était dans le camp. La loi disait au peuple : «Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face» (Ex. 20:3). Il fallait donc que la loi ne fût pas présentée ou que le peuple fût détruit, consumé. Moïse eut la pensée de Dieu : il brisa les tables.

L’histoire du peuple sous la loi est pareille à l’histoire de l’homme : très tôt, il a gâté ce que Dieu lui a confié. Adam est tombé en Éden très tôt ; Noé, après le déluge, de même (il n’est plus parlé de lui, après sa chute, bien qu’il ait vécu encore trois cent cinquante ans) ; la sacrificature, les juges, la royauté aussi, et, enfin, l’Église, dont la pureté du témoignage n’a pas duré plus de trente ans. Sous tous les régimes, les faits présentés par la Parole annulent l’homme. C’est solennel !

Mais, avant que la loi n’intervînt dans les relations entre Dieu et son peuple, la grâce de Dieu a brillé. C’est la grâce de Dieu qui a tiré le peuple d’Égypte ; c’est la grâce de Dieu qui lui a fait passer la nuit de la Pâque et traverser la mer Rouge ; c’est la grâce qui l’a conduit jusqu’au Sinaï.

Le peuple a franchi la mer Rouge et a chanté un cantique. Marie a chanté, tout le peuple a chanté. Ainsi en est-il du peuple de Dieu aujourd’hui, comme aussi de l’individu arraché au pouvoir de Satan, quand il a senti que Dieu a brisé ses chaînes et l’a délivré du pouvoir du monde. Le pouvoir du monde, de Satan, ce n’est pas une illusion, mais une réalité terrible. Voilà un homme qui sait que la main de Dieu s’est avancée, a brisé ses chaînes, et cet homme, esclave autrefois du Pharaon, du monde, est maintenant libre pour Dieu. Si quelqu’un n’a pas passé par là, il a tout à apprendre : la base de la vie chrétienne est là ; on était du monde, on n’est plus du monde ; même si on a tendance à aimer encore le monde, on a changé de maître. Il faut insister sur la réalité de ce fait, initial, essentiel, sans lequel il n’y a point de christianisme. Tout le reste, ce sont des mots, s’il n’y a pas cela. La conversion peut revêtir divers aspects, varier suivant les individus, mais elle aboutit toujours à cette certitude divine qu’on connaît Dieu en Christ et par Christ, par la croix. La croix reste, et la nuit de la Pâque, c’est la croix.

C’est pourquoi les philosophes ne connaissent pas Dieu. Ils se forgent un dieu. Mais le Dieu qui s’est révélé à la croix met de côté l’homme avec toutes ses prétentions naturelles. L’homme est pécheur ; il aime et fait le péché, il y trouve ses délices : «les délices du péché» (Héb. 11:25). Beaucoup de gens ne sont pas malheureux dans le monde, ils n’y font que leur volonté. Or, faire sa propre volonté, c’est l’un des délices de l’homme. C’est la chose la plus difficile à l’homme : faire la volonté d’un autre. Un petit enfant a infiniment de peine à faire la volonté de ses parents. Le germe de la propre volonté se manifeste très tôt. Le caractère essentiel de la vie de Christ, c’est l’obéissance ; lui qui était Dieu est venu faire la volonté de Dieu. Le chrétien est sur la terre pour faire la volonté d’un autre ; nous n’avons pas un autre chemin que celui de Christ, même si nous y marchons mal, hélas !

La connaissance de ces faits est souvent marquée par un chant de délivrance : «Je suis sauvé, converti, je connais Dieu, j’ai trouvé Christ». Ce sont des faits, mais il arrive que nous en parlions comme si c’étaient des mots. L’âme qui a passé par là sait qu’elle aimerait mieux perdre tout plutôt que cela, elle ne met rien en balance. Avoir trouvé Dieu, l’avoir rencontré face à face ! Que la conversion s’étale sur des mois ou des années, il faut en arriver là. Elle peut être brutale, fruit peut-être d’un travail intérieur préalable dont on a plus ou moins conscience ; mais il faut arriver à ce résultat précis : on connaît Dieu, on a trouvé Christ, on est heureux de cela ; on a tout à coup l’intelligence de ce qu’est Dieu et le monde. Une lumière est projetée sur toutes choses, dont on n’avait même pas l’idée autrefois.

Les enfants de chrétiens ne doivent pas s’imaginer qu’il leur suffit d’une certaine confession orthodoxe pour être sauvés ; pour connaître Dieu, il faut un travail dans le fond du coeur et de la conscience. C’est un sujet de prières pour les parents, que l’enfant connaisse Dieu ; qu’il soit pauvre toute sa vie, qu’importe ! Mais qu’il ne quitte pas la terre sans avoir rencontré Dieu. Est-ce que la connaissance de Dieu prime pour nous sur toutes choses ? Dieu sait si véritablement cette connaissance est la chose que nous estimons plus que tout au monde. Que Dieu fasse qu’il en soit ainsi, et chez les enfants, et chez les parents !

Voilà donc ce peuple ; il a chanté, et puis il pleure, il murmure. Après la mer Rouge, c’est Mara : le désert, pas d’eau, puis des eaux amères. Lorsqu’une âme est convertie, elle a appris à connaître Dieu, mais il faut qu’elle apprenne à se connaître elle-même, et c’est l’affaire de Dieu. Cela commence à Mara et dure toute la vie. On part plein d’enthousiasme, il y a une petite part de foi et une grande part d’enthousiasme charnel. Or les sentiments de la chair ne nous mènent pas bien loin, l’énergie de la chair, les bons désirs de la chair ne nous font pas franchir une seule étape du désert. Il faut autre chose que des sentiments naturels ; il faut Dieu, l’amour de Dieu. Et cet amour, c’est l’Esprit qui le verse dans nos coeurs et nous en fait jouir. La présence de Dieu exclut l’homme, la chair, même dans ce qu’elle a de bon, car elle nous gêne autant que dans ce qu’elle a de mauvais. Nous sommes tous d’accord pour dire que les mauvaises qualités de la chair sont une entrave pour le chrétien ; nous serions moins d’accord pour dire que les bonnes qualités sont une entrave ; il en est pourtant ainsi : «la chair ne profite de rien : les paroles que moi je vous ai dites sont esprit et sont vie» (Jean 6:63). Et quand le Seigneur parle ainsi, c’est de toute la chair, dans ce qu’elle a d’aimable comme dans ce qu’elle a de mauvais. C’est ce que nous avons à apprendre. La chair sérieuse, même religieuse, que de mal elle nous fait ! Mais Dieu nous aime trop pour nous laisser ainsi, il ne nous fera pas entrer dans le ciel avec la chair et il veut nous faire sentir la puissance de la mort sur la chair.

Il n’y a pas d’eau ; il faut crier à Dieu : un chrétien n’a pas de ressources, ne peut pas se désaltérer lui-même, ne peut pas assurer son bonheur spirituel une heure seulement. Si nous voulons être heureux en Dieu, il faut nous mettre à genoux, crier à Dieu pour qu’il nous donne la joie de sa communion. Nous pouvons aller avec une certaine énergie naturelle, laisser croire que nous sommes heureux. Mais cela ne va pas loin. Non seulement Dieu nous prive d’eau, mais il nous envoie les eaux amères : c’est la mort, les eaux de la mort ; on arrive à des eaux et c’est la mort. Dieu permet des difficultés, des épreuves, rien ne va comme on voudrait, tout est à l’encontre de nos désirs, de notre volonté. J’étais chrétien, tout est contre moi. Comment se fait-il que Dieu m’ait appelé pour se mettre en travers de mon chemin ? Dieu veut que nous fassions l’expérience de la puissance de la mort sur la chair, que nous appliquions la mort à la chair ; c’est l’expérience de toute la vie chrétienne. Nous voudrions aller avec notre chair non matée, non jugée, avec notre chair que le monde respecte et même cultive dans ce qu’elle a de bon. Non, Dieu nous aime trop et sait trop ce qui s’est passé à la croix, où il a condamné le péché dans la chair. La chair est en nous, mais nous ne sommes plus dans la chair. Dieu fait boire les eaux de la mort. Le chrétien ne sort pas de cette épreuve comme il y est entré ; il est un peu plus mort, un peu moins vivant dans sa chair, les ressorts cachés de son être ont été touchés par la main sûre de Dieu qui ne se trompe pas. Cela peut se passer dans la communion avec Dieu (nous ne parlons pas de nos infidélités : nous souffrons alors par notre péché, c’est autre chose). Dieu peut faire mûrir notre foi par des épreuves et nous pouvons les traverser en communion avec lui ; et si nous y sommes avec lui, nous disons : «C’est vrai, tu as raison, j’avais besoin d’être maté». On est en communion avec Dieu dans le jugement de soi-même. Quel heureux état lorsque nous sommes du côté de Dieu contre nous-mêmes ! Nous devons désirer cela. Il ne faut pas que nous soyons du côté de notre chair contre Dieu.

Une eau de Mara ! Nous ne voulons pas la mort, nous nous contentons de pouvoir dire : «Je suis sauvé par la grâce». Dieu le sait, il veut nous apprendre que Christ est mort pour nous, mais il dit aussi : «Tu es mort avec Christ, je vais te faire goûter la mort». La chair n’entrera pas au ciel. Nous voudrions la croix pour la dernière étape de notre course, et c’est dès la première que Dieu nous la donne. Cela change toute la vie chrétienne. Paul n’a pas pensé à la croix à la fin de sa vie, certains de nos devanciers non plus : ils l’ont prise au commencement. Le Seigneur nous dit : «Si quelqu’un veut venir après moi,… qu’il prenne sa croix» (Luc 9:23), c’est le secret du bonheur. Vous n’avez pas Dieu avec vous si votre chair agit, ce n’est pas possible.

Dieu nous envoie les eaux de Mara ; il a toutes sortes de moyens à sa disposition. Nous pleurons, nous gémissons, mais avec Dieu. Si Dieu châtie, c’est une chose excellente. Il est bon que toute ma vie, comme disait l’apôtre, je porte tous les jours la mort de Jésus (2 Cor. 4:10), que je ne tienne pas ma vie pour précieuse (Act. 20:24). Nous faisons tout ce que nous pouvons pour montrer que nous tenons notre vie pour très précieuse et nous y perdons. Nous y gagnons quant à la vie présente, mais nous y perdons quant à Dieu. Avoir Dieu avec soi fait oublier tout le reste.

Les eaux de Mara sont amères au commencement, et Dieu enseigne un bois : elles deviennent douces. Dieu envoie une épreuve, elle nous brise, nous transperce de toute part. Au commencement, on dit : «Dieu se trompe». Puis on a les yeux ouverts et on dit : «Il a raison, il ne se trompe pas et il nous envoie la douceur de la communion des souffrances de Christ». Nous oublions que le Seigneur a été l’homme de douleurs ; il a souffert tout en ayant une joie accomplie, mais la joie du ciel. Dieu voudrait que nous ayons communion avec son Fils quant à ses souffrances et que nous portions la mort de Jésus sur notre volonté propre. C’est cela qui nous fait mal. Dieu nous brise et nous amène, par les eaux de Mara, à la communion avec le Seigneur. Un de nos frères disait : «En toutes choses, la mort est le chemin de la liberté». La vraie liberté chrétienne, le vrai affranchissement chrétien n’a pas d’autre source que la croix de Christ. Nous sommes chrétiens, montrons-le ! Et pour montrer Christ, il faut la mort ; elle se manifeste dans la mesure où on l’applique à soi-même. Cela fait peur à tout le monde, de parler de la croix. On voudrait bien un évangile qui tolère, supporte, cultive la chair. C’est impossible. Dieu nous éprouve et veut nous briser, nous dépouiller, que nous n’ayons pas de pensées propres, de volonté propre. Il peut arriver aussi que Dieu veuille manifester et juger l’état général d’une assemblée. «Je suis l’Éternel qui te guérit» (Ex. 15:26) ; quelle douceur ! Il permet une plaie, une blessure, une épreuve, il nous guérit. Il le fait à un croyant individuellement comme aussi à une assemblée.

Il faut beaucoup prier pour que le Seigneur prenne soin de son Assemblée. Il faut espérer qu’il n’y ait pas un frère, pas une soeur, qui ne cesse de prier pour l’Assemblée. Si une soeur ne le fait pas — je dis une soeur, parce qu’on pourrait penser que ce n’est pas son service — elle n’est pas fidèle au Seigneur. Plus il y a de difficultés, plus il faut prier pour que les frères soient gardés de leur volonté propre. Plus il y a hésitation, plus il faut prier, sans relâche, afin que frères et soeurs soient gardés de leurs pensées personnelles, de tout parti pris et de toute influence qui ne serait pas celle du Seigneur lui-même. Personne n’a le droit devant Dieu d’influencer qui que ce soit. Toutes les fois qu’un élément étranger se glisse, il faudra qu’il soit jugé. Quel bonheur lorsque nous sommes dans la lumière de Dieu ! «Je suis l’Éternel qui te guérit». Il nous faut, dans tout ce qui concerne le peuple de Dieu, faire abstraction des personnes et penser à la vérité, à tout ce qui touche à Christ. Quel bonheur, quelle délivrance, lorsqu’on voit les principes de la vérité en Christ ! Alors, nous ne laissons pas se mêler les sentiments personnels en quoi que ce soit. Cela demande de l’exercice ; on a besoin de boire beaucoup les eaux de Mara pour cela, de les boire continuellement. On s’aperçoit, à l’expérience, qu’au fond on les redoutait, mais alors on les redoute moins. Paul pouvait dire : «Je prends plaisir dans les infirmités, dans les outrages, dans les nécessités, dans les persécutions, dans les détresses pour Christ : car quand je suis faible, alors je suis fort» (2 Cor. 12:10).

Après Mara, les soixante-dix palmiers d’Élim. Dieu prend soin de son peuple, il lui donne à boire. Que de fois il nous arrive d’être dans des situations où nous ne pouvons pas tenir ; on est altéré ; les difficultés de la vie, les charges, les soucis oppressent le coeur. On crie au Seigneur, le Seigneur rafraîchit : douze fontaines d’eau, soixante-dix palmiers ; ils boivent auprès des eaux. Soixante-dix, dans le Nouveau Testament, correspond au nombre des disciples : c’est le service confié par le Seigneur à l’homme pour le rafraîchissement et le bien de son propre troupeau. Est-ce que nous pensons aux réunions pour que le Seigneur nous mène aux eaux paisibles et aux verts pâturages, qu’on soit nourri, qu’on oublie ses peines, ses idées préconçues ? On se croit souvent très fort pour juger, apprécier et surtout déprécier. Il n’y a qu’un remède : que Christ vienne et soit là, Christ aliment et breuvage de son cher troupeau ; c’est Christ qui fait taire les murmures : on a murmuré contre Moïse !

Au chapitre 16, c’est le sabbat, le repos dans le voyage : Dieu a pensé à ce repos. Nous connaissons du repos dans le travail, dans la peine. Nous le trouvons dans la soumission à Christ. «Prenez mon joug sur vous, et apprenez de moi» (Mat. 11:29). Nous sommes agités, inquiets, et nous manquons de repos : nous avons fait notre propre volonté ; notre volonté n’est pas brisée, il ne faut pas aller chercher plus loin. «Prenez mon joug sur vous… et vous trouverez le repos de vos âmes». Ce n’est pas le travail qu’on effectue avec Christ qui nous fatigue, mais plutôt un repos sans Christ. Paul pouvait dire : «Plût à Dieu que… vous devinssiez de toutes manières tels que je suis, hormis ces liens» (Act. 26:29). Paul jouit du repos malgré toutes ses peines, ses épreuves, ses souffrances ; il se réjouissait dans le Seigneur. Il faut nous y appliquer. Il faut beaucoup prier. Dans la prière, on se dépouille, on trouve Dieu, on voit clair. Il faudra peut-être des heures pour arriver à dire : «Je me trompais, je me croyais dans la vérité, j’étais dans l’erreur». Un chrétien sans Dieu, c’est une anomalie. Nous parlons du vrai chrétien, car le professant n’est pas un chrétien.

Christ, notre manne, vrai pain du ciel, divine nourriture. Est-ce que nous nous nourrissons de Christ, est-ce que c’est lui qu’il faut à notre âme, hier, aujourd’hui, demain s’il y en a un, et à toutes les heures de tous les jours ? «Seigneur, donne-nous toujours ce pain-là» (Jean 6:34). Si nous avons mangé de ce pain, il ne nous en faut point d’autre. Nous ne pouvons pas être heureux sans Christ, nous devrions y penser dans notre vie privée et dans les réunions pour que véritablement Christ soit la nourriture de tous. On désire le ciel, parce qu’on ne se nourrira que de lui.

La manne a cessé quand ils sont entrés au pays, au commencement de Josué ; ils gardaient le souvenir de la manne dans une cruche d’or. «À celui qui vaincra, je lui donnerai de la manne cachée» (Apoc. 2:17), c’est la communion avec Christ. Est-ce que nous cultivons cette communion ? Est-ce que nous trouvons notre bonheur à être avec Christ et Christ seul, avec Dieu et Dieu seul ? Est-ce le secret de notre vie ? On est bien plus heureux avec lui dans une prison que sans lui au milieu des honneurs de ce monde.

Au chapitre 17, le peuple murmure, il n’y a pas d’eau. Moïse crie à Dieu. Dieu lui dit : «Prends dans ta main ta verge avec laquelle tu as frappé le fleuve, et va… Tu frapperas le rocher, et il en sortira des eaux, et le peuple boira» (Ex. 17:5-6). Il a fallu beaucoup de foi à Moïse, une foi à laquelle personne ne peut prétendre. Avoir la responsabilité de millions d’êtres et croire Dieu sur parole quand il dit : «Je passerai par-dessus vous» (Ex. 12:13) ; il n’est pas dit que Moïse n’ait pas tremblé toute la nuit ; «par la foi, il a fait la pâque» (Héb. 11:28). Il lui a aussi fallu de la foi pour franchir la mer Rouge, le puissant Pharaon avec toute son armée derrière lui, conducteur d’un peuple sans défense avec femmes et enfants. On ne trouverait pas dans toute la Parole d’exemples d’hommes de foi qui n’aient pas connu la souffrance. Plus il y a de foi, plus il y a de souffrances, plus il y a d’exercices. Volontiers nous nous créerions une vie de foi facile, aisée, honorée.

On crie à Moïse, Moïse crie à Dieu, c’est sa ressource, son refuge ; il frappe le rocher, l’eau coule, c’est la croix. «Ils buvaient d’un rocher spirituel qui les suivait : et le rocher était le Christ» (l Cor. 10:4). Ce verset montre l’unité de la pensée de Dieu par l’Esprit : «Le rocher était le Christ». Nous buvons de l’eau du rocher frappé à la croix tout le long du chemin, une étape après l’autre ; nous buvons du fleuve de la grâce qui coule de la croix, le fleuve de l’amour de Dieu. Plus tard, Moïse a frappé une deuxième fois le rocher, il lui en a coûté l’entrée du pays de la promesse : Christ n’a été frappé qu’une fois. Moïse aurait voulu entrer dans le pays, mais Dieu lui dit : «C’est assez, ne me parle plus de cette affaire» (Deut. 3:26). Le coeur de Dieu en a certainement souffert aussi.

On peut ne pas s’attacher au monde, mais lui s’attache à nous, comme la boue à la semelle de nos chaussures. Alors nous avons soif : buvons à la source de la grâce, elle est toujours fraîche. Il faut prier pour que pratiquement cette source jaillisse dans le rassemblement des saints, que tous viennent s’abreuver. À la fin de l’Apocalypse, l’Assemblée remplace le Seigneur pour dire : «Que celui qui a soif vienne» (Apoc. 22:17) ; c’est le langage du Seigneur en Jean 7:37 : «Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi». Aujourd’hui encore, une assemblée locale devrait être dans un état tel qu’elle proclame aux hommes : «Venez, buvez». Un homme inconverti, dans la détresse, qui a soif, devrait trouver la source dans le rassemblement des saints. Ce devrait être notre constant exercice. De même un frère ou une soeur altéré devrait boire dans le rassemblement des saints, sinon nous perdons notre temps.

Puis, c’est le combat. Amalek, image de la puissance de Satan, se met au travers du chemin. Dieu le laisse : «Vous aurez la guerre…» ; Amalek a été une épreuve pour Saül qui l’a épargné ; mais Samuel s’avance et sait employer l’épée. C’est un ennemi avec lequel nous n’avons pas à transiger ; c’est l’image de Satan sous toutes ses formes. Dieu permet que, tout le long du voyage, le peuple ait affaire à cet ennemi ; il brisera bientôt Satan sous nos pieds, mais le peuple céleste de Dieu sera harcelé par Satan jusqu’à ce jour. Nous ne pouvons ni nous nourrir, ni nous défendre. C’est une leçon difficile. On se croit très fort, surtout quand on est jeune ; puis on sent qu’on n’est pas fort et que l’ennemi, lui, est très fort ; cela fait une double différence. Quand les mains de Moïse se lèvent, le peuple a le dessus ; quand elles baissent, Amalek a le dessus. Aaron et Hur interviennent : Aaron, le sacrificateur ; Hur, image de la sainteté ; il faut de la sainteté pour que Dieu intervienne. La sainteté pratique assure la faveur de Dieu et la victoire pour son peuple. Mais il n’est pas dit que le peuple ait toujours le dessus ; c’est solennel ! «Jéhovah-Nissi» : après la délivrance Moïse bâtit un autel. Lorsque Dieu nous délivre, nous devrions toujours rendre grâces à Dieu, dans notre vie individuelle et dans notre vie collective, où l’ennemi intervient de bien des manières.

Que le Seigneur nous accorde d’unir une sainte confiance à un saint tremblement. Si nous étions absolument dépendants de lui, l’ennemi n’aurait pas de prise. Le bonheur et le repos, c’est l’obéissance.

 

5    Mara — Exode 15:22-27 ; 16:1-6, 9-18, 20, 23-36 ; 17

 

[LC n° 6]

12 février 1950

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 17

 

Le peuple d’Israël a été délivré de l’Égypte et il chemine dans le désert. Il a faim, il a soif. Il réclame, il conteste, il murmure. De la même manière, aujourd’hui, des chrétiens se plaignent que le chemin est difficile, étroit, qu’ils étaient bien mieux dans le monde, lorsqu’ils étaient inconvertis, parce qu’ils faisaient ce qu’ils voulaient. Ils oublient que sous cette apparence de liberté, dans laquelle se trouve l’homme inconverti, il y a en réalité un esclavage de fer. L’expression «fournaise de fer» (Deut. 4:20) définit la position d’Israël en Égypte. Il nous arrive à tous de nous plaindre, et quand un chrétien se plaint, il se plaint de Dieu, il outrage Dieu ; c’est comme s’il disait à Dieu : «Qu’est-ce que tu as fait, ne pouvais-tu pas me laisser où j’étais ?». Un chrétien ne peut jamais retourner à l’état où il était ; il peut retourner dans le monde, mais non pas redevenir un inconverti. Dans le ciel on ne se plaindra pas de Dieu ; tout le monde chantera la gloire de Dieu. C’est sur la terre, dans le désert, qu’on se plaint de Dieu. On lui dit : «Tu t’es trompé ; je ne trouve pas mon compte dans ce que tu as fait pour moi». Toutes les fois que Dieu nous serre un peu de près et que nous nous plaignons, nous oublions qu’il veut notre bien, ou nous disons même qu’il veut notre mal. C’est l’histoire de tous les chrétiens, en particulier des chrétiens mondains.

La Pâque n’a pas eu lieu dans le désert, mais en Égypte. S’il n’y avait pas eu la Pâque en Égypte, le peuple n’aurait pas pu en sortir ; car Dieu n’aurait pas pu frapper les premiers-nés des Égyptiens sans frapper aussi ceux d’Israël. Il ne pouvait pas dire : «Israël est un peuple saint», puisqu’il était un peuple pécheur ; les Israélites n’étaient pas en meilleur état que les Égyptiens, sauf quelques-uns : Moïse par exemple. Si Dieu «sort de son lieu» (És. 26:21 ; Mich. 1:3) pour frapper, il doit frapper le mal partout où il le trouve. Il devait frapper les Israélites aussi bien que les autres ; c’est pourquoi la Pâque devait avoir lieu en Égypte, en deçà de la mer Rouge. Pour que le peuple puisse traverser la mer Rouge, il fallait qu’il soit déjà libre quant à Dieu, que ses comptes avec lui soient réglés. Avant d’avoir affaire au Pharaon, à la mer Rouge, à tous les ennemis qu’on peut rencontrer, il faut d’abord avoir affaire avec Dieu. La première de toutes les questions, pour qui que ce soit, c’est de se mettre d’accord avec Dieu. Israël n’échappe pas à ce principe, qui est lié à la nature même de Dieu. Dieu est le maître de tout ; tout le monde lui appartient et tout le monde aura affaire à lui.

La Pâque abrite le peuple. Le mot «pâque» dérive d’un mot qui veut dire : passer par-dessus ; le jugement de Dieu est passé par-dessus le peuple, de même qu’il est passé par-dessus tout croyant : «Je verrai le sang, et je passerai par-dessus vous» (Ex. 12:13). Le vrai peuple de Dieu est celui sur lequel le sang de Jésus a été mis et qui se trouve ainsi à l’abri du jugement. Aujourd’hui, il s’agit d’individus ; pour les Israélites, il s’agissait d’un salut collectif : tous ceux qui en bénéficiaient n’étaient pas nécessairement de vrais croyants. Aujourd’hui, tout vrai croyant est à l’abri du sang de Jésus, de sorte que le jugement de Dieu ne viendra pas sur lui ; il peut avoir des relations avec Dieu. Dieu, à proprement parler, n’instruit pas, n’enseigne pas un inconverti ; il s’occupe d’abord de le sauver. Tant qu’un homme n’a pas le sang de Christ sur lui, il n’a aucune relation vitale avec Dieu. Il n’est pas du peuple de Dieu. Dieu ne l’enseigne pas ; cela ne veut pas dire qu’il ne s’occupe pas d’un inconverti ; il peut le bénir lorsqu’il lit la Parole et cherche à l’appliquer. Dans tous les milieux, d’ailleurs, la Parole lue, même sans être crue, a fait du bien ; elle a une puissance intrinsèque pour rejeter le mal et apporter du bien. Tous les pays où la Parole a été lue ont eu une supériorité morale sur les autres. Dans ces mêmes pays, où elle n’est plus lue, on observe une régression : la conscience devient plus lâche, la crainte de Dieu s’en va. C’est un phénomène caractéristique de notre temps, inverse de celui qui a marqué l’heureux effet de la Parole de Dieu quand elle était lue.

Le peuple d’Israël a sur lui le signe du sang de l’agneau ! Tel est le chrétien dans ce monde ; il a sur lui le sang de l’Agneau. On n’est pas chrétien sans cela. Ce n’est pas parce que les parents ont cru que les enfants croient ; ce n’est pas parce que les parents sont engagés dans le chemin du ciel que les enfants le sont ; il faut, chacun pour son compte, comme si on était tout seul, croire en Jésus.

  Une fois que Dieu a mis le peuple à part pour lui, il s’en occupe pour l’enseigner. Il l’arrache d’abord à son propre jugement : c’est la Pâque ; puis la puissance du Pharaon est détruite : c’est la traversée de la mer Rouge. Ensuite il lui fait traverser le désert. Le chapitre 18 de l’Exode est une figure du millénium ; Israël, un jour, connaîtra le millénium, non pas sous le régime de la loi (elle n’est donnée qu’à partir du chapitre 19), mais de la seule grâce de Dieu. Cette succession de faits illustre le conseil de Dieu à l’égard de son peuple céleste.

Au chapitre 15, Israël a chanté son premier cantique ; il est très beau. Tout le monde est content, tout le monde a traversé la mer Rouge. L’horizon pourtant n’est pas agréable, guère plus que l’Égypte : si la mer Rouge est derrière, le désert est devant. Mais le Pharaon est abattu, et tout le monde a chanté dans le désert, comme on chante au départ de la vie chrétienne. La joie était totale. Il n’y avait pas de note discordante ; on ne pensait qu’à Dieu, à la délivrance de Dieu, à la gloire de Dieu : Dieu s’occupait de son peuple pour le bénir. Immédiatement après commence la marche dans le désert : trois jours… et on ne trouve point d’eau. À Mara, les eaux sont amères.

Quand quelqu’un est converti, il chante (nous avons tous connu cette joie de la conversion) ; Dieu remplit son âme, il ne voit rien d’autre, c’est très beau. Puis Dieu le conduit dans le désert, et, après trois jours d’épreuve, cette âme murmure. Elle a chanté et maintenant elle murmure. Pourquoi ? Parce que, dans le désert, elle a trouvé une source qui s’appelle Mara : amertume. On trouve ce mot dans Ruth : «Appelez-moi Mara ; car le Tout-Puissant m’a remplie d’amertume… Le Tout-Puissant m’a affligée» (Ruth 1:20-21). Dieu nous appelle, il nous convertit, puis il nous fait marcher. Il veut que nous apprenions à le connaître expérimentalement et il veut que nous apprenions à nous connaître expérimentalement.

Un jeune homme est converti, c’est le doigt de Dieu. Mais que de choses à apprendre, que d’expériences à faire ! Sa joie, plus tard, sera plus grave, plus intérieure, plus égale, plus sérieuse. Il aura puisé l’eau qui rafraîchit son âme à une profondeur plus grande. La joie du départ n’est pas le signe supérieur du travail de Dieu dans une âme.

Mara : les eaux amères, une eau qui ne désaltère pas, une eau qui donne l’amertume. C’est une expérience qui apporte la souffrance dans notre âme, au lieu de la paix ; une circonstance que Dieu permet, une écharde qu’il nous envoie, une discipline. Et nous disons : «Seigneur, pourquoi Mara ?» et nous murmurons. Il nous faut en connaître, des Mara, au long d’une vie ! Un chrétien qui a fait trois jours, et trois jours, et encore trois jours, et qui, chaque fois, a rencontré Mara, connaît Dieu d’une manière bien supérieure à celui qui n’est encore qu’au bord de la mer Rouge, où il a vu la main de Dieu abattre son adversaire. On ne traverse pas ce désert sans pleurer, personne n’a traversé ce monde sans pleurer (et je ne parle pas ici des larmes qu’un chrétien verse parce qu’il a manqué) ; Dieu le permet à cause de ce que nous sommes, de notre nature indomptable, de notre volonté intraitable, contre laquelle personne n’a rien pu faire ; Dieu s’en occupe. Il s’occupe de nous de très près, pour nous briser, pour que nous ne comptions que sur lui. À la mer Rouge, le peuple apprend à connaître Dieu, mais il ne se connaît pas lui-même, pas du tout.

Dieu envoie, à chacun de nous, une discipline appropriée. Dieu ne se trompe pas ; son doigt touche juste. Le chrétien ne reçoit pas de Dieu tout ce qu’il voudrait, heureusement. Ceux qui ont suivi le Seigneur de plus près sont ceux que le Seigneur a le plus éprouvés. L’apôtre Paul a eu une écharde ; elle le gênait. Trois fois il dit : Seigneur, je te supplie de me retirer cette écharde. — Non, ma grâce te suffit (2 Cor. 12:8-9). Elle était, chez Paul, préventive. Pour nous tous, il y a des disciplines préventives ; d’autres sont destinées à nous ramener après un écart. Dieu nous bride, sa main est forte, il n’y a pas à regimber, il n’y a rien à faire. Et Dieu est plein de grâce.

Dieu a appelé un homme, il l’a converti, il s’en occupe ; peut-être que cet homme converti est vite retourné dans le monde, trouvant que, étant sauvé pour le ciel, il peut s’amuser sur la terre. Dieu ne le perd pas de vue et le trouvera à son moment. Nous voulons faire ce que nous voulons, mais Dieu fait ce qu’il veut. Nous ne nous appartenons plus à nous-mêmes. Si Dieu ne nous tenait pas par l’épreuve, nous serions capables de tout ; nous en faisons déjà bien assez ! Quand nous ne marchons pas d’une façon obéissante et intelligente, Dieu nous envoie la bride et le mors.

Voilà donc Mara, une terrible épreuve, une situation sans issue ; des centaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants, tous ont soif ; situation terrible pour Moïse, mais pas pour Dieu. Retourner en Égypte ? Dieu n’a pas dit qu’il ouvrirait de nouveau la mer Rouge ! Il l’a ouverte pour faire avancer le peuple, et non pour le faire reculer. Il n’y a rien à faire ; tout est contre le peuple de Dieu : le désert et une source amère. On comprend le peuple : «Nous étions mieux en Égypte ; on vivait au jour le jour, mais on vivait». On a oublié les briques, mais on se souvient du poisson et des poireaux (Nomb. 11:5). Voilà ce que fait le chrétien mondain ; il dit : «Mieux vaudrait ne pas être chrétien !». Est-ce cela que Dieu veut ?

Une détresse extrême est une opportunité pour Dieu. Quand tout se ligue contre quelqu’un, Dieu dit : «C’est très bien, personne ne peut rien pour toi ; toi, tu ne peux rien non plus ; je vais entrer en scène». Il est toujours le Dieu qui a dit : «Quelque chose est-il trop difficile pour moi ?» (Jér. 32:27). Nous ne savons pas utiliser les ressources que nous avons en Dieu.

L’Éternel enseigne un bois à Moïse, Moïse le jette dans les eaux, et les eaux deviennent douces. Dieu ne fait pas jaillir une autre eau. C’est l’eau de Mara qui est transformée en une eau douce, qui apaise la soif du peuple. Le Seigneur lui-même jette, pour ainsi dire, la vertu de sa mort dans notre âme volontaire, car le bois nous parle de sa croix ; il fait alors connaître la paix à notre esprit brisé. Ce sont les mêmes eaux, les mêmes circonstances, mais le Seigneur m’apprend à les traverser avec lui ; il a brisé ma volonté, et il me reste la douceur et la paix : l’épreuve devient une source de rafraîchissement pour mon âme. Ce n’est pas facile, cela, c’est même impossible, mais c’est le travail de Dieu en nous et pour chacun. Il n’y a pas de chrétien qui ne connaisse des circonstances extraordinaires. Dieu veut que nous nous appuyions sur lui. Si nous n’avions pas un atome de volonté propre, nous serions toujours en paix, même affligés ; nous ne compterions que sur Dieu, toujours. Ce qui nous trouble, à notre insu, c’est notre volonté propre. Il y en a beaucoup plus que nous ne le pensons dans tout ce que nous faisons !

Un bois est jeté : un bois, la croix, la mort ; le Seigneur nous met de côté, met de côté notre volonté. Non seulement Jésus est mort pour le chrétien (c’est ce qu’on apprend avec la Pâque), mais le chrétien est mort avec Christ. La réalisation pratique de cela rend le chrétien libre, heureux et affranchi. L’apôtre l’a réalisé ; il a connu la souffrance, mais on ne pouvait pas lui enlever sa joie, sa paix. Nous perdons facilement la joie et la paix, parce que nous avons dans notre coeur toutes sortes d’objets que nous aimons ; quand Dieu nous en enlève un, nous sommes irrités contre lui. Si nous pensions à sa gloire, nous serions d’accord avec lui.

Mara ne nous parle pas des conséquences amères de nos infidélités. Plus un chrétien est fidèle, plus il connaîtra Mara, les eaux amères ; en un sens, toute notre vie dans ce monde est un Mara, mais elle est transformée si nous jetons le bois dans les eaux amères : elles deviennent douces. Être à Mara avec Jésus vaut mieux que d’être en Égypte sans lui. On ne vit pas de vérités, de principes ; il nous faut la présence de Christ là où on est. Il met quelquefois très longtemps pour changer nos circonstances et nous disons : «Ne peux-tu pas aller plus vite ?». Mais, avant de les changer, il vient avec nous et nous donne la patience, la paix et le repos.

Mara n’est pas un incident dans la vie du chrétien ; c’est toute sa vie. Si un chrétien ne rencontre pas Mara dans sa vie, cela prouve que, de coeur, il est retourné en Égypte. Ce qu’il nous faut, c’est connaître Christ dans nos circonstances, le connaître personnellement. Si un chrétien ne jouit pas du Seigneur, il va boire à toutes sortes de sources dans le monde. Le Seigneur Jésus veut être avec nous tous les jours : «Voici, je suis avec vous tous les jours, jusqu’à la consommation du siècle» ; c’est le dernier verset de l’évangile de Matthieu.

Que le Seigneur nous donne de nous tenir tous, et toujours, près de lui ; qu’il nous fasse faire l’expérience que, s’il n’enlève pas Mara, il change les eaux de Mara. Être avec le Seigneur en tout temps, en tout lieu, que ce soit notre affaire !

 

6    Se renoncer soi-même — Matthieu 16:21-27 ; Exode 15:22-27

 

[LC n° 43]

23 février 1958

Méditations sur la vie chrétienne, édition FR 1995, p. 105

 

Pierre était un disciple éminent, qui a fait preuve de beaucoup d’amour pour son Maître. C’était un homme inculte, pauvre, un pêcheur, un homme du commun, illettré. Il ne pouvait pas se prévaloir des éléments humains et mondains qui enrichissaient l’esprit d’un homme : il n’avait rien. Paul était tout différent ; il était aussi un «vase d’élection» — le vase est l’ensemble des capacités naturelles d’un homme — mais il n’a jamais vu le Seigneur selon la chair, pas plus que nous. C’était un homme distingué, dont les qualités flatteraient volontiers notre chair, mais il a su les mettre de côté. Le Seigneur choisit bien ses ouvriers, il choisit bien son personnel. Cela devrait fermer la bouche à toutes les prétentions de la chair qui règnent dans le monde, et quelquefois même dans notre coeur.

Pierre était spontané, sincère, un homme auquel on peut se fier, semble-t-il ; le Seigneur, lui, ne se fie pas à l’homme. Pierre aimait l’ordre social, l’ordre religieux ; c’était un bon Israélite. Le Seigneur lui dit : Tu sais, il faut que je souffre à Jérusalem et que je sois mis à mort et que je ressuscite le troisième jour. Pierre ne suit pas la pensée du Seigneur jusqu’à la résurrection ; il ne peut pas admettre la perspective de la mort de son cher Messie. Il était bien disposé à régner avec lui, sur un trône, à sa droite ou à sa gauche. Il était un disciple en vue ; certainement, il aurait une bonne place et, enfin, Israël serait béni. Et voilà que le Seigneur jette toutes ses espérances par terre : il annonce qu’il va être rejeté par l’élite religieuse du peuple. Alors Pierre prend le Seigneur à part et se met à le reprendre.

Pierre reprend le Seigneur ! Le Seigneur lui répond d’une manière inattendue, que nous pourrions trouver sans miséricorde, sans trace d’amour : «Va arrière de moi, Satan». Cette parole est sans équivoque : «Car tes pensées ne sont pas aux choses de Dieu, mais à celles des hommes». Pierre savait qui était le Seigneur. Il avait confessé : «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant». Et Jésus lui avait répondu : «c’est mon Père qui t’a révélé cela». Pierre était un croyant privilégié, mais son état intérieur n’était pas en rapport avec la révélation qu’il avait reçue. Et nous, nous savons qui est le Seigneur, nous savons qu’il est assis à la droite de Dieu dans les lieux célestes. Nous en savons beaucoup plus que Pierre, et les hautes vérités chrétiennes ne nous ont pas été révélées par la chair et par le sang, mais par notre Père qui est dans les cieux, par la Parole et par le Saint Esprit. Que de fois pourtant le Seigneur est obligé de nous appeler «Satan» en quelque chose ! Il doit le faire toutes les fois que nous reculons devant les conséquences pratiques d’une vérité révélée.

Celui qui veut me suivre, dit le Seigneur, ne doit pas s’attendre à un trône, à l’exercice du pouvoir — ce que la chair aime tellement — mais il devra se renoncer soi-même. Ce n’est pas le christianisme du dimanche, mais le christianisme quotidien : qu’il se renonce soi-même chaque jour ! On peut renoncer à un petit plaisir pour le remplacer par un autre ; mais se renoncer soi-même, il n’y a rien de plus grand. «Je ne vis plus, moi, mais Christ vit en moi» (Gal. 2:20). C’est cela, se renoncer soi-même. Que le Seigneur nous aide, parce qu’il n’y a pas de vie chrétienne sans cela ! Accepter le temps de la souffrance avec le Seigneur, du renoncement à soi-même, c’est le secret du bonheur dans ce monde. Le Seigneur ne parle pas ici des richesses ; elles sont un grand obstacle, mais ce n’est pas le seul. Le Seigneur ne dit pas : «Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à ce qu’il a», mais «qu’il se renonce soi-même». Christ est mort, et le chrétien est mort avec Christ ; c’est à cela qu’il faut revenir dans notre vie quotidienne. Nous pouvons connaître tous les passages relatifs à l’affranchissement, mais, si nous ne veillons pas, ils n’auront bientôt plus de force dans notre vie et nous retomberons au niveau des gens du monde.

La vie chrétienne est remplie d’expériences heureuses ou malheureuses. Pour suivre le Seigneur, il faut prendre sa croix chaque jour, appliquer la crucifixion à toute pensée qui détourne de Christ. Le Seigneur semble nous imposer une obligation terrible. En réalité, il nous ouvre les portes de la liberté. La liberté n’est pas dans le royaume des hommes, mais dans l’obéissance à Dieu, à Christ. On est libre quand on ne veut que ce que Dieu veut ; c’est la loi de la liberté (Jacq. 1:25), le secret de la joie.

Le peuple d’Israël a passé la nuit de la Pâque en Égypte, il a traversé la mer Rouge ; c’est un peuple racheté. Il est en marche vers la terre promise, il a des expériences à faire. Très tôt, il arrive à Mara, où les eaux sont amères, et l’Éternel enseigne un bois à Moïse, qui le jette dans les eaux : elles deviennent douces. Les eaux amères, ce sont les circonstances pénibles de la vie ; le Seigneur sait les changer en circonstances heureuses. Une fois que nous sommes convertis, le Seigneur s’emploie à détruire nos tendances, notre caractère, nos convoitises. Dieu s’occupe de notre édification tous les jours, d’une façon très minutieuse. Il y a chez nous tellement d’ambition, d’orgueil, même chez les plus humbles ; il y a tellement d’égoïsme. «Il n’y a point de juste, non pas même un seul» (Rom. 3:10). Pour appliquer cette vérité générale à soi-même, il faut tout un travail d’âme. Le Seigneur veut faire notre éducation ; il ne nous demande pas notre avis, nous ne pouvons pas y échapper, et il se servira de qui il voudra. Nous ne nous connaissons pas, nous nous croyons les premiers de tous. Alors le Seigneur nous visite, travaille dans notre coeur : c’est Mara, c’est amer, cela a le goût de la mort. Le Seigneur s’emploie à tuer pratiquement en nous ce que Dieu a tué à la croix. Les douze fontaines d’eau et les soixante-dix palmiers se trouvent après : on ne peut pas jouir du ministère de la Parole sans ce travail de défrichement. Dieu veut briser la volonté, et c’est cela la mort. Quand nous sommes brisés, alors nous sommes heureux. Aujourd’hui, même dans les assemblées, ces vérités s’estompent dangereusement ; nous sommes enclins à raconter des histoires agréables pour intéresser les âmes ; Dieu ne le fait jamais, il nous aime trop pour cela.

Autrefois, nous aimions tant l’approbation du monde ; l’apôtre Paul aussi. Il a été brisé et a connu Mara de la manière la plus forte. Être visité par le Seigneur est une immense grâce. Si l’humiliation est vraie, c’est la paix : l’eau de la mort est devenue douce ; un bois a été jeté dans l’eau, j’ai réalisé que je suis mort avec Christ, je suis un homme libéré. Un chrétien âgé, qui a pensé à cela avec la grâce de Dieu, ne voudrait pas revenir au départ de sa vie chrétienne. Les choses extérieures ont beaucoup moins d’importance pour lui, et il a un refuge auprès de quelqu’un : c’est un privilège incomparable. Rien ne remplace la connaissance pratique de Dieu, de Christ. Quand on voit de jeunes chrétiens qui s’engagent dans la vie, on tremble en pensant à tout ce qu’ils ont à apprendre, et ils ne s’en rendent pas compte. Il faut les remettre à la grâce de Dieu.

Que le Seigneur nous accorde la grâce de lui demander son secours contre les tendances de nos coeurs : chez l’un, l’amour de l’argent ; chez l’autre, l’amour des plaisirs ; chez l’autre encore, l’ambition. Que le Seigneur nous aide continuellement, chaque jour, à vivre notre christianisme dans les petites choses ! Si nous voulons de grandes choses, nous rencontrerons des Mara. Que le Seigneur nous aide jusqu’au moment où il viendra ! Si nous abandonnons le chemin de Christ, nous nous préparons des larmes amères, même si le Seigneur nous en délivre à la fin. La vie d’Abraham, vie de communion avec Dieu, est une vie de paix ; celle de Jacob, pleine d’écarts, est une vie de tourments.