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Au pied de la montagne de la transfiguration
Jean Muller
ME 2003 p.358
Table des matières abrégée :
1 - L'incapacité des disciples à chasser un démon (Luc 9: 37-43)
2 - Une contestation : lequel est le plus grand? (Luc 9: 43-48)
3 - L'esprit sectaire (Luc 9: 49, 50)
4 - Le besoin de la grâce (Luc 9: 51-56)
Alors que la contemplation de la gloire de Christ sur la montagne nourrit nos coeurs, la conduite des disciples, «quand ils furent descendus de la montagne», parle d'une manière solennelle à nos consciences. Lorsque nous nous tenons (en esprit) sur la montagne, nous apprenons ce qu'est Christ; et lorsque nous en sommes descendus, nous apprenons ce que sont nos coeurs; leçon douloureuse, mais bien utile!
Quatre circonstances successives sont proposées à notre méditation.
Ces versets montrent d'abord l'incapacité des neuf disciples, restés en bas dans la plaine, à chasser un démon particulièrement violent. Et il ne semble pas que le retour des trois disciples (Pierre, Jacques et Jean) ait changé la situation. Or l'autorité sur les esprits immondes avait été expressément confiée aux douze par le Seigneur, dès leur appel à accompagner leur Maître (Matthieu 10: 1; Marc 6: 7). Quelle était donc la raison de leur échec? Marc nous le révèle dans son récit: «Cette sorte ne peut sortir en aucune façon, si ce n'est par la prière et par le jeûne» (9: 29). La prière exprime la dépendance de Dieu; le jeûne invite à s'abstenir de ce qui alimente la chair en nous, pour être «sobre en toutes choses» (2 Timothée 4: 5).
N'est-ce pas ce qui nous manque souvent dans les épreuves de la vie chrétienne? Il ne s'agit pas d'accomplir un miracle ou de chasser des démons (au reste, la plus extrême prudence nous sied avant de nous mêler d'exorcisme). Il s'agit pour nous de remporter la victoire sur les puissances spirituelles de méchanceté qui sont dans les lieux célestes et qui cherchent à nous ravir la jouissance de notre héritage et de nos bénédictions célestes en Christ. Et pour cela, un exercice constamment renouvelé est nécessaire; une victoire remportée hier ne garantit pas une nouvelle victoire aujourd'hui.
C'est une chose heureuse et indispensable pour l'équilibre de notre vie chrétienne que de nous tenir sur la montagne, élevés ainsi par la grâce de Christ. Mais l'essentiel de notre vie se déroule dans la plaine, et pas sur la montagne. Il ne suffit pas d'avoir contemplé Christ par la foi un jour pour être gardé des dangers du monde dans la plaine.
Le Seigneur a censuré fortement ses disciples: «Ô génération incrédule et perverse, jusques à quand serai-je avec vous et vous supporterai-je?» (verset 41). On peut ainsi mesurer la peine que les disciples ont causée au coeur de leur Maître.
Telle est la première leçon que la conduite des disciples nous enseigne. Mais gardons-nous de les charger; à leur place, nous n'aurions pas fait mieux qu'eux. De plus, nous sommes, aujourd'hui, plus responsables qu'eux, car nous avons le Saint Esprit et eux ne l'avaient pas encore. La croix de Christ a pleinement révélé notre état naturel que les disciples ne connaissaient pas.
On aurait pu penser que l'échec des disciples les aurait conservés dans l'humilité, d'autant plus que le Seigneur leur parle au moment même de ce qui l'attendait à Jérusalem (verset 44). Mais la chair est incorrigible! Une contestation s'élève parmi eux pour savoir lequel serait le plus grand. Jésus leur présente un petit enfant comme expression de faiblesse et de dépendance. Il faut devenir tel pour entrer dans le royaume des cieux (Matthieu 18: 2, 3), mais aussi pour comprendre ce qu'est l'humilité. A peu près au même moment, Jacques et Jean demandent une place d'autorité avec leur Maître dans la gloire: «Accorde-nous que nous soyons assis, l'un à ta droite et l'un à ta gauche, dans ta gloire» (Marc 10: 35-45). Et leur demande inconvenante était appuyée par la requête de leur propre mère (Matthieu 20: 20-22).
Enfin, plus triste encore, la même contestation s'élève parmi les disciples, au cours de la nuit où Jésus allait être livré, alors qu'il venait d'instituer le mémorial de ses souffrances et de sa mort: «Et il arriva aussi une contestation entre eux pour savoir lequel d'entre eux serait estimé le plus grand» (Luc 22: 24). Jésus leur dit alors: «Lequel est le plus grand, celui qui est à table ou celui qui sert? N'est-ce pas celui qui est à table? Or moi, je suis au milieu de vous comme celui qui sert. Mais vous, vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations. Et moi, je vous confère un royaume comme mon Père m'en a conféré un» (versets 27-29). Le Seigneur de gloire prend alors volontairement la place d'esclave et de service, qu'il assumera à toujours (12: 37). Sans aucun reproche pour ceux qui étaient si étrangers aux pensées de leur Maître méconnu, Jésus reconnaît en eux ceux-là mêmes qui avaient persévéré avec lui dans ses épreuves. Il leur promet aussi une place d'honneur et de communion avec lui dans son royaume. Quelle admirable condescendance et quelle gloire morale dans les paroles du Sauveur!
Que la contemplation de Celui qui a pu dire de lui-même: «Je suis débonnaire et humble de coeur» (Matthieu 11: 29) produise et maintienne dans nos coeurs l'esprit d'humilité, chacun estimant son frère supérieur à lui-même. Christ est le modèle parfait: «Qu'il y ait donc en vous cette pensée, qui a été aussi dans le Christ Jésus» (Philippiens 2: 3-8). La gloire d'un serviteur, c'est de servir, ce n'est pas d'être servi.
A la fin du souper, le Seigneur, dans une grâce parfaite, avertit son cher disciple Simon Pierre de la terrible épreuve qui l'attendait, avant même que la nuit s'achève. Quelques heures plus tard, au chant du coq, Pierre allait découvrir qu'il n'avait pas plus de force que ses frères, pour tenir ferme à l'heure de l'épreuve (Matthieu 26: 33). Il n'aurait plus alors la pensée de se placer au-dessus d'eux. C'est ainsi que la conscience de nos misères et de nos faiblesses peut nous amener à plus d'humilité et à plus de compassion à l'égard de nos frères.
Jean, parlant au nom des disciples, prenait en apparence la défense de son Maître; mais, en fait, les disciples recherchaient leur propre gloire. Alors qu'ils venaient de manifester leur incapacité à chasser un démon, il leur était difficile d'accepter que quelqu'un d'autre soit capable de le faire. N'auraient-ils pas dû manifester plus de réserve? Dieu est souverain, et qui sommes-nous pour interférer dans le libre choix de ses instruments pour accomplir ses desseins? Nous n'avons pas le privilège exclusif de la pensée de Dieu, et si le Seigneur se choisit d'autres personnes que nous pour accomplir son oeuvre, nous devons nous en réjouir. L'apôtre Paul en donne un touchant exemple aux Philippiens. Il se réjouissait de ce que l'évangile était prêché, même si certains le faisaient par envie et par esprit de dispute (Philippiens 1: 15-18). Pour autant, la fin ne justifie pas les moyens, et nous ne pouvons pas nous associer dans le service avec tous ceux que le Seigneur emploie.
On trouve un exemple comparable à l'attitude de Jean dans l'histoire d'Israël au désert. Lorsque Eldad et Médad prophétisent au milieu du camp, Josué s'indigne et veut les arrêter: «Mon seigneur Moïse, empêche-les». Alors Moïse manifeste la profondeur de sa grâce pour le peuple en répondant: «Es-tu jaloux pour moi? Ah! que plutôt tout le peuple de l'Eternel fût prophète; que l'Eternel mît son Esprit sur eux!» (Nombres 11: 28, 29).
Ainsi, dans la circonstance précédente, les disciples avaient manifesté leur égoïsme personnel; maintenant, ils dévoilent leur égoïsme de groupe. Le Seigneur répond à Jean, dans la pensée de son rejet: «Celui qui n'est pas contre vous est pour vous» (verset 50), ou: «Celui qui n'est pas contre nous est pour nous» (Marc 9: 40). Mais d'un autre côté, le Seigneur dit aussi à ses disciples: «Celui qui n'est pas avec moi est contre moi; et celui qui n'assemble pas avec moi, disperse» (Luc 11: 23). Tout ce qui ne rassemble pas autour de Christ, comme seul centre, disperse. Solennelle pensée!
Cette quatrième circonstance contient une autre leçon importante pour nous. Là encore, Jacques et Jean — qui par ailleurs ont tellement de côtés positifs dans leur enseignement, dans leur ministère ou dans leur vie personnelle — semblent étrangers à la pensée de leur maître. Ce n'est plus la contestation des uns à l'égard des autres pour occuper la première place; ni le désir de monopoliser le pouvoir pour assouvir un orgueil collectif. Maintenant, c'est l'absence de la grâce, alliée à l'esprit de domination. Notre coeur naturel juge plus facilement qu'il ne pardonne! Les grands de ce monde usent et abusent de l'autorité qui leur est confiée, car l'élévation tend des pièges dans lesquels tous tombent. Christ seul est l'admirable exception.
Traversant la Samarie pour monter à Jérusalem (Luc 17: 11), le Seigneur n'y est pas reçu. Cette province du pays d'Israël était habitée par divers peuples des nations depuis la transportation des dix tribus sous Shalmanéser, roi d'Assyrie (2 Rois 17: 24). Ces peuples avaient mélangé le culte du vrai Dieu à l'adoration de leurs idoles, et s'étaient choisis Garizim comme centre religieux (Jean 4: 20). Le Seigneur est rejeté de ce village de Samarie parce que sa face était tournée vers Jérusalem. L'obéissance parfaite du vrai serviteur de l'Eternel et son dévouement à l'oeuvre placée entre ses mains (Jean 13:3) n'attirent pas l'homme ni la religion de la chair. «Il n'y a point d'apparence en lui pour nous le faire désirer» (Esaïe 53: 2).
Jacques et Jean entreprennent alors de défendre les intérêts de leur Maître et proposent d'appeler le feu du ciel sur les Samaritains. «Seigneur, veux-tu que nous disions que le feu descende du ciel et les consume, comme aussi fit Elie?» (verset 54). Quelques jours plus tard, Pierre, saisissant son épée, frappera Malchus, l'esclave du souverain sacrificateur, pour entreprendre de défendre Jésus (Jean 18: 10).
C'était précisément en Samarie que le prophète Elie avait autrefois appelé le feu du ciel, par deux fois, sur les envoyés du roi infidèle Achazia (2 Rois 1: 10, 12). Le caractère du ministère et des miracles d'Elie était celui du jugement et de la justice. Bien différente était la place que prenait volontairement le Seigneur: souffrir lui-même pour les hommes, et non pas les détruire, car «Dieu n'a pas envoyé son Fils dans le monde afin qu'il jugeât le monde, mais afin que le monde fût sauvé par lui» (Jean 3: 17). Si les disciples avaient compris la pensée de Dieu, ils se seraient donc paisiblement soumis. Avaient-ils oublié qu'environ trois ans auparavant, ils avaient parcouru le même chemin avec leur Maître, en sens inverse, et s'étaient arrêtés au puits de Sichar? C'était là que les champs étaient déjà mûrs pour la moisson (Jean 4: 35). Un peu plus tard, la Samarie sera la première contrée à recevoir l'évangile, après la Judée et Jérusalem (Actes des Apôtres 8: 5, 14-17).
A l'image de notre maître, qui nous a laissé un modèle afin que nous suivions ses traces, nous sommes invités à supporter, sans nous venger, les souffrances injustes que nous rencontrons de la part du monde dans le chemin de l'obéissance (1 Pierre 2: 21-23). L'apôtre Paul, par la grâce, a suivi de très près son modèle; il pouvait dire: «J'endure tout pour l'amour des élus» (2 Timothée 2: 10).