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ÉTUDE sur les Chapitres 11-13 de l’épître aux Hébreux
par Henri Rossier
ME 1907 p.208 et suiv. et ME 1908 p. 7 et suiv. — 2ème édition, 1937
Table des matières abrégée :
1 Remarques préliminaires (choses invisibles et foi, responsabilité et grâce)
2 Hébreux 11:1-7 : ce qu’est la foi
3 Hébreux 11:8-23: la marche de la foi
4 Hébreux 11:23-27 : l’énergie de la foi, spécialement en temps de ruine
5 Hébreux 11:28-29 : la soumission de la foi
6 Hébreux 11:30-38 : Encore des obstacles dressés par Satan, mais Christ est là
7 Hébreux 11:39-12:3. Le lien entre les ch. 11 et 12
9 Hébreux 12:18-24. Les choses auxquelles nous sommes parvenus
10 Hébreux 12:25-29. Danger de la simple profession chrétienne, recevoir le royaume inébranlable
Table des matières détaillée :
1 Remarques préliminaires (choses invisibles et foi, responsabilité et grâce)
2 Hébreux 11:1-7 : ce qu’est la foi
2.1 Caractère de la foi reçue dans le cœur : conviction de ce qu’on espère
2.2 Les grands principes à la base de l’activité de la foi
2.2.1 1er principe : confiance en la Parole de Dieu (malgré les impossibilités)
2.2.2 2ème principe : la foi s’approche de Dieu par Christ
2.2.3 3ème principe : l’attente de la venue du Seigneur
2.2.4 4ème principe : connaissance du jugement à venir et témoignage qui lui est rendu
3 Hébreux 11:8-23: la marche de la foi
3.1 Abraham : obéissance à l’appel de Dieu, séparation du monde pour saisir l’espérance, patience
3.2 Sara : La foi qui s’attache à une impossibilité
3.3 La foi s’affirme en présence de la mort
3.4 Héb. 11:17-20. La foi répond à l’épreuve. La foi aux prises avec la mort
3.4.3 La foi tient la mort pour rien
4 Hébreux 11:23-27 : l’énergie de la foi, spécialement en temps de ruine
4.1 Les épîtres de la ruine, 2 Timothée et 2 Pierre
4.3 L’énergie de la foi de Moïse : elle refuse, choisit, estime, quitte
5 Hébreux 11:28-29 : la soumission de la foi
5.1 La Pâque et l’aspersion du sang
5.2 Le passage de la mer Rouge
5.3 Le Jourdain par rapport à la mer Rouge
6 Hébreux 11:30-38 : Encore des obstacles dressés par Satan, mais Christ est là
6.3 Héb. 11:32-38: le combat de la foi (en temps de ruine – Juges - lutte contre l’oppression)
7 Hébreux 11:39-12:3. Le lien entre les ch. 11 et 12
7.1 Héb. 11:39, 40. Le lien entre les témoins de l’Ancien Testament et du Nouveau Testament
8.1 Ch. 12:4-10 : la discipline
8.1.1 De nouveau le combat de la foi
8.1.2 La discipline est nécessaire. Discipline et châtiment
8.1.3 Ne pas mépriser la discipline ni perdre courage
8.1.5 Ch. 12:11. Autre fruit de la discipline : justice et paix
8.2 Ch. 12:12 : obligations envers la famille chrétienne
8.2.1 Responsabilité vis-à-vis des autres
8.2.2 Ch. 12:13. Marche droite
8.2.3 Ch. 12:14. Poursuivre la paix
8.2.4 Ch. 12:15. 1er danger : manquer de la grâce
8.2.5 Ch. 12:16-17. 2ème danger : les racines d’amertume
8.2.6 3ème danger : abandon des privilèges et droit de premier-nés
9 Hébreux 12:18-24. Les choses auxquelles nous sommes parvenus
9.1 Ch. 12:18-21. La montagne de Sinaï
9.2.2 La cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste
9.2.3 Des myriades d’anges, l’assemblée universelle
9.3.1 L’assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux
9.3.3 Les esprits des justes consommés [= rendus parfaits]
9.4.1 Jésus médiateur d’une nouvelle alliance
9.4.2 Le sang d’aspersion qui parle mieux qu’Abel
10 Hébreux 12:25-29. Danger de la simple profession chrétienne, recevoir le royaume inébranlable
10.1 Ch. 12:25. Écouter Christ parlant des cieux
10.2 Ch. 12:26. La terre secouée / purifiée
10.3 Ch. 12:27. Promesses des choses immuables
10.4 Ch. 12:28. Recevoir un royaume inébranlable
10.6 Ch. 12:29. Notre Dieu est un feu consumant
11.1 Ch. 13:1-2. Que l’amour fraternel demeure
11.2 Ch. 13:3. Les prisonniers
11.4 Ch. 13:5-6. Contents de ce qu’on a présentement
12.2 Gouvernement de Dieu en grâce
12.3 Ch. 13:7. Imiter la foi des conducteurs
12.4 Ch. 13:8-9. Jésus Christ le Même
12.5 Ch. 13:10-12. Laisser le culte juif
12.5.2 La fin du judaïsme. Le grand jour des propitiations
12.6 Ch. 13:13-14. Sortons vers lui hors du camp
12.7 Ch. 13:15. Sacrifices de louanges
13.1 Ch. 13:17. Obéissance aux conducteurs vivants
13.2 Ch. 13:18-19. Intercéder pour les autres
13.3.1 Le grand Pasteur des brebis
13.3.2 Accomplis en toute bonne œuvre
13.4 Ch. 13:22. Supporter l’exhortation
13.5 Ch. 13:23-25. Salutations
Au chap. 10:19-22, l’apôtre avait fait en quelques mots le résumé de tout le contenu de son épître ; il montre, au chap. 11, que la foi seule peut réaliser les choses dont l’Esprit nous a entretenus. Toute cette épître avait présenté aux chrétiens sortis du judaïsme le contraste entre les choses auxquelles ils étaient arrivés et celles qu’ils avaient abandonnées. Au lieu d’un Messie visible sur la terre, ils avaient un Christ céleste, assis à la droite de Dieu, invisible aux yeux de la chair. Il en était de même de tout le système de la loi avec sa sacrificature et ses sacrifices, qui ne pouvaient ni ôter les péchés, ni frayer l’accès jusqu’à Dieu. Toutes ces choses étaient remplacées par un seul sacrifice, par un seul souverain sacrificateur céleste et invisible, et par l’accès, à travers le voile déchiré, jusqu’au trône de grâce, c’est-à-dire au propitiatoire établi dans le ciel. Au lieu du Sinaï, ils avaient la montagne de Sion ; au lieu de la Jérusalem terrestre, une Jérusalem céleste ; au lieu de la congrégation d’Israël, celle des premiers-nés écrits dans les cieux. Nous ne faisons cette remarque, sur laquelle nous reviendrons plus tard en détail, que pour montrer le contraste absolu établi dans cette épître, par voie d’analogie, entre le judaïsme et le christianisme. En place donc des choses visibles du premier, celles qui appartenaient au christianisme étaient invisibles, spirituelles, et ne pouvaient être saisies que par la foi.
Mais, de plus, au chap. 11, l’apôtre nous montre que, dès les temps les plus anciens, l’activité de la foi s’était développée en rapport avec les choses invisibles. Cela était de toute importance pour les chrétiens hébreux. Rien ne pouvait faire écrouler tout le système religieux auquel leur cœur naturel aurait eu quelque velléité de retourner, comme le fait que, pour les croyants juifs eux-mêmes, les choses visibles n’avaient jamais constitué ni leur assurance, ni leur espérance. Ainsi, les principes même du christianisme se rattachaient à ce que tous les hommes, de foi de tous les temps avaient contemplé, espéré et recherché.
Le chap. 11 ne nous présente pas seulement cette vérité d’une manière générale, mais en détail, et par des exemples qu’il importait avant tout de placer sous les yeux de ces chrétiens hébreux. Le principe posé dès le commencement — et nous aurons une ample occasion d’y revenir — était donc non pas la vue, comme pour les Juifs, mais la foi. Les choses divines ne peuvent être saisies autrement.
En pensant aux vues générales de ce chapitre, j’ajouterai quelques mots sur un second point. La parole de Dieu contient deux grands sujets qui peuvent se résumer ainsi : 1) La responsabilité de l’homme et les voies de Dieu en jugement ; 2) les conseils de Dieu en Christ et ses voies de grâce envers l’homme. Ces deux sujets sont souvent entremêlés dans les divers récits des Écritures, car nous y voyons la grâce soutenant le fidèle au milieu de ses manquements, ou la discipline s’exerçant envers lui pour le restaurer ; mais, d’autres fois, ils sont beaucoup plus nettement séparés. Je ne citerai pour preuve à l’appui, que les livres de Samuel et des Rois, où nous est développée l’histoire des conducteurs responsables du peuple avec ses conséquences (bien que la grâce n’y fasse pas défaut), et, d’autre part, les livres des Chroniques, qui passent sous silence les chutes de David et de Salomon, pour faire ressortir ce qui caractérise la grâce de Dieu dans leurs voies.
Le chap. 11 de l’épître aux Hébreux fait ressortir d’une manière bien plus évidente la vérité dont nous parlons, parce qu’il s’agit de montrer que la foi se lie indissolublement à la grâce. Cela est d’autant plus frappant que l’épître aux Hébreux nous montre à chaque instant la responsabilité, soit des individus sous le régime de la grâce (2:1-4 ; 3:6 ; 4:1 ; 6:4-8 ; 10:26-31), soit du peuple sous le régime de la loi (3 ; 4:6 ; 10:28). Mais, dans le chap. 11, il n’est pas fait une seule mention des manquements des fidèles dans leur témoignage, ni de la discipline de Dieu à leur égard (*). Noé, perdant son témoignage parce qu’il s’enivre ; Abraham s’arrêtant sur le chemin de la terre promise, descendant en Égypte et auprès d’Abimélec et y reniant son épouse, ou bien cherchant un héritier par la servante égyptienne ; le rire de Sara ; Isaac affaibli et sans intelligence des pensées de Dieu à l’égard de Jacob et d’Ésaü ; Jacob cherchant à s’approprier les promesses par des calculs humains ; Moïse tuant l’Égyptien et lent à obéir à l’appel de Dieu, Barac se soumettant à une femme, Samson asservi à la femme et perdant son nazaréat ; David adultère et criminel ; et tant d’autres exemples des voies de l’homme responsable, qui viennent contrecarrer la volonté divine — rien de tout cela ne paraît dans notre chapitre. La traversée du désert même, y est omise toute entière, car c’est là qu’Israël avait été humilié et éprouvé, pour connaître ce qui était dans son cœur. C’est qu’il s’agit ici, non des voies de l’homme, mais de celles de Dieu, et d’une activité de foi qui mettait en relief le dévouement du cœur de cette grande nuée de témoins pour plaire à Dieu et réaliser les choses invisibles.
(*) La question de la discipline ne vient qu’au chapitre 12.
Après ces deux remarques préliminaires, nous pouvons aborder en détail les nombreuses et précieuses vérités contenues dans ce chap. 11.
La foi nous est présentée dans ce chapitre comme la réalisation des choses qu’on espère et la conviction de celles qu’on ne voit point. Par la foi seule, l’âme peut saisir et mettre en pratique les vérités contenues dans cet écrit inspiré. Aussi l’apôtre ne nous donne-t-il pas ici une définition de la foi. Vue en elle-même, la foi est la réception, en toute simplicité et humilité, de la parole de Dieu. Elle est un don de la grâce qui nous remplit d’une confiance sans réserve en cette Parole, parce que c’est Dieu qui l’a prononcée, et qui scelle, en la recevant, que Dieu est vrai. Elle est, dans un sens moins général, l’acceptation du témoignage que Dieu rend, dans les Écritures, à son Fils bien-aimé. Ces définitions se justifient amplement par mille passages de ces mêmes Écritures, mais, dans notre épître, la foi qui a reçu la parole de Dieu, nous est montrée dans son activité, dans son fonctionnement, pour ainsi dire, soit au sujet des choses primordiales qu’elle saisit, soit par ses qualités, comme nous pourrons le constater dans le cours de ce chapitre.
Si, comme nous l’avons montré, ce dernier se relie d’une manière générale à tout le contenu de l’épître, il se rattache en particulier aux derniers versets du chap. 10.
Dès le début de leur carrière chrétienne, ces Hébreux avaient beaucoup souffert pour l’Évangile. Depuis qu’ils eurent été « illuminés », c’est-à-dire dès le commencement de leur témoignage, quatre choses les avaient caractérisés et sont mentionnées par l’apôtre. Ils avaient été dans le combat, « un grand combat de souffrances » (10:32) ; ils avaient montré une grande confiance, une joyeuse énergie, quand il était question pour eux de perdre tout pour gagner Christ, sachant qu’il y avait devant eux « une grande récompense », et que Dieu était leur rémunérateur (10:35 ; 11:6, 26). Ils avaient été soumis à la volonté de Dieu (10:36) ; mais ils avaient encore besoin de patience, pour recevoir les choses promises, après avoir fait cette volonté (10:36). Ils n’étaient donc pas « de ceux qui se retirent pour la perdition, mais de ceux qui croient pour la conservation de l’âme » (10:39).
L’apôtre développera ces quatre sujets, la patience, l’énergie, la soumission et le combat de la foi, dans le cours du chap. 11. On peut les résumer en deux mots : l’activité de la foi dans la marche.
Mais, avant de considérer ces quatre sujets en détail, avant de faire l’histoire de la marche de la foi, l’apôtre définit, du v. 1 au v. 7, les grands principes qui sont à la base de son activité.
Afin de les introduire, nous trouvons d’abord, au v. 1, le caractère de la foi reçue dans le cœur. Elle apporte à l’âme une assurance, une ferme conviction des choses qu’on espère. Le commencement de cette assurance (voir 3:14), c’est que Christ a été accepté de Dieu et reçu dans le sanctuaire, en un mot, c’est un Christ céleste. Quand l’épître aux Hébreux mentionne l’espérance, elle entend par là, « atteindre Christ dans le ciel ». Cette pensée est un peu différente de celle que d’autres épîtres nous présentent. L’espérance, dans les épîtres aux Thessaloniciens, c’est attendre le Seigneur venant du ciel pour enlever les siens (1 Thes.) ou revenant du ciel avec eux (2 Thes.). Dans l’épître aux Colossiens, l’espérance est un Christ manifesté avec les siens en gloire : « L’espérance nous est réservée dans les cieux », « Christ en vous, l’espérance de la gloire » (Col. 1:5, 27). Dans l’épître aux Hébreux, l’espérance est un Christ caché dans le sanctuaire, au dedans du voile, assis dans la gloire à la droite de Dieu, un Christ vers lequel nous nous rendons et qui est là notre précurseur (Héb. 6:18-20). « Les choses qu’on espère » sont toutes les choses célestes qui se rapportent à ce Christ glorieux, et non pas les choses terrestres qui constituaient l’espérance d’Israël.
De plus, « la foi est la conviction des choses qu’on ne voit pas ». Ces choses invisibles sont, pour ainsi dire, démontrées mathématiquement à l’âme par la foi. Celle-ci donne une telle conviction intérieure de ces choses, que l’œil de la foi les considère comme de puissantes réalités, quand celui de la chair ne peut, ni les distinguer, ni même les soupçonner.
« C’est par elle que les anciens ont reçu témoignage » (v. 2). Dès le commencement du monde, ceux qui ont cru ont reçu témoignage de la part de Dieu. Cela leur a suffi, et cela nous suffit aussi. Le monde ne voit qu’incertitude dans une espérance qui reste à l’état d’espérance. S’il ne tient pas dans sa main ce qu’il désire, il estime que son espérance est un leurre, tandis que le chrétien y trouve son trésor. Ce que le monde ne voit pas, n’existe pas pour lui, et il ne peut comprendre le croyant qui, selon lui, se nourrit de chimères. Mais ce dernier voit ces choses et se contente de la preuve intérieure absolue qu’il en a reçue par la foi. Pour le monde, l’édifice du chrétien est bâti en l’air, sans aucune substruction ; pour le chrétien, cet édifice a pour fondement inébranlable la foi dans la parole de Dieu.
L’assurance des choses qu’on espère et la conviction des choses qu’on ne voit point, servent de base à ce chapitre ; nous les retrouvons dans tous les exemples qui nous y sont donnés. En elles, nous avons le ressort et l’explication de toute l’activité des témoins de Dieu dans ce monde.
Revenons maintenant aux grands principes qui sont à la base de l’activité de la foi.
Le premier principe d’où cette activité découle toujours, c’est la Parole. La foi s’attache à la parole de Dieu.
On trouve dans les Écritures deux grands faits dominants : la Création et la Rédemption. Le premier de ces faits, nous est-il dit ici, la Création, a pris naissance par la parole de Dieu. « Par la foi, nous comprenons que les mondes ont été formés par la parole de Dieu ; de sorte que ce qui se voit n’a pas été fait de choses qui paraissent » (v. 3). Sans la foi, nous ne connaîtrions rien des origines de la création ; la foi est donc indispensable, alors même qu’il ne s’agirait que de comprendre les œuvres de Dieu qui remplissent l’univers visible. Quand les hommes, avec toute leur science, essayent de sonder le mystère de la création, ils s’égarent, et leur esprit, toujours incapable de s’élever au-dessus de son niveau et d’entrer dans une sphère qui n’est pas la sienne, se livre à des spéculations sans fondement, pour éviter le miracle primordial, c’est-à-dire le fait que de rien Dieu a créé les choses qui se voient. Le croyant sait qu’il a suffi pour cela d’une parole de Dieu ; c’est à elle que la foi remonte pour expliquer les choses visibles. Or, vis-à-vis de l’inintelligence des hommes les plus qualifiés pour expliquer le mystère de la création, la foi seule est intelligente : « Par la foi, nous comprenons… » chose impossible à l’homme naturel.
Pourquoi donc ? C’est que la foi se nourrit d’impossibilités. Les hommes ne s’occupent que de choses possibles ; elles sont de leur domaine. Dieu seul accomplit des choses impossibles et la foi les saisit et les accepte comme autant de réalités. « Les choses », est-il dit, « qui sont impossibles aux hommes, sont possibles à Dieu » (Luc 18:27), mais elles sont, en même temps, possibles à la foi, car un autre passage ajoute : « Toutes choses sont possibles à celui qui croit » (Marc 9:23).
Remarquons, en passant, que, dans l’Écriture, Dieu qui peut tout, a considéré deux choses comme impossibles : la première, d’épargner à Jésus la coupe de sa colère contre le péché. Le Seigneur ne disait-il pas avec de grands cris et avec larmes en Gethsémané : « Abba, Père, toutes choses te sont possibles ; fais passer cette coupe loin de moi » (Marc 14:36) ; et encore : « Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi… » et encore : « Mon Père, s’il n’est pas possible que ceci passe loin de moi, sans que je le boive, que ta volonté soit faite » (Matt. 26:39, 42). Mais il était impossible au Père de ne pas livrer son Fils bien-aimé à la mort pour nous ; c’est là le mystère insondable de son amour envers des pécheurs. Sa volonté était notre salut ; sa volonté sacrifiait son Fils pour que son amour en le donnant pût être manifesté et devenir notre part. — Mais ensuite, il était impossible que Dieu ne ressuscitât pas Celui qui l’avait pleinement glorifié, comme cela nous est dit en Act. 2:24 : « Lequel Dieu a ressuscité, ayant délié les douleurs de la mort, puisqu’il n’était pas possible qu’il fût retenu par elle ». Il était impossible à la justice de Dieu de ne pas ressusciter d’entre les morts son Fils qui l’avait pleinement glorifié, sur la croix, comme il était impossible à son amour de ne pas le donner. Pour Dieu, les seules impossibilités étaient donc que Jésus ne mourût pas et ne fût pas ressuscité, choses auxquelles notre salut et notre place dans la gloire sont attachés.
Le second trait qui caractérise la foi à son origine, c’est que cette dernière s’approche de Dieu. « Par la foi, Abel offrit à Dieu un plus excellent sacrifice que Caïn, et par ce sacrifice il a reçu le témoignage d’être juste, Dieu rendant témoignage à ses dons ; et par lui, étant mort, il parle encore » (v. 4).
Depuis la chute, il faut un sacrifice pour entrer en rapport avec Dieu. Avant la chute, Adam innocent dans le jardin d’Éden, n’aurait eu besoin de foi, si l’on peut parler ainsi, que pour connaître les origines de la création au milieu de laquelle Dieu l’avait établi comme chef ; mais, après la chute, il ne pouvait savoir que par la foi comment les relations rompues entre un pécheur et Dieu pouvaient être rétablies. Dieu lui enseigne cette vérité, en le revêtant, avec Ève, des peaux de bêtes tuées. Mais la foi d’Abel est la première qui s’approche activement de Dieu en offrant le sacrifice. L’histoire de Caïn nous prouve le néant, aux yeux de Dieu, de tout le travail de l’homme pécheur sur une terre maudite en vue d’obtenir ce résultat. Abel, par contre, reçoit dans son âme le témoignage d’être juste, seulement ce n’est pas à Abel, mais « à ses dons », que Dieu rend témoignage, c’est-à-dire au sacrifice qui préfigure celui de Christ, seul capable de justifier un pécheur et de le présenter sans péché devant Dieu. On ne peut se mettre en règle avec Dieu par aucun autre moyen. Le seul témoignage que Dieu puisse rendre à l’homme, c’est qu’il est perdu ; mais, quand le sacrifice intervient, Dieu rend témoignage à sa valeur, et Abel reçoit le témoignage d’être juste, d’être amené devant Dieu par le sacrifice, sans qu’aucun péché puisse lui être imputé. Sa justice a ainsi toute la valeur et toute la perfection de son offrande.
Le troisième trait de la foi nous est présenté dans l’histoire d’Énoch. « Par la foi, Énoch fut enlevé pour qu’il ne vît pas la mort ; et il ne fut pas trouvé, parce que Dieu l’avait enlevé ; car, avant son enlèvement, il a reçu le témoignage d’avoir plu à Dieu » (v. 5). La foi d’Énoch était caractérisée par le fait qu’il attendait le Seigneur, comme nous le montre l’épître de Jude. Le couronnement de sa foi fut son enlèvement « pour qu’il ne vît pas la mort ». Il devint ainsi le type et les prémices des croyants qui attendent aujourd’hui la venue du Seigneur et seront transmués pour être enlevés à sa rencontre sans mourir. Cette espérance était aussi celle des Thessaloniciens dès le début de leur conversion. Elle était à la base de toute leur vie chrétienne. Ce qui nous est dit en second lieu d’Énoch, c’est qu’il plut à Dieu. Il n’est pas dit, comme dans le texte hébreu du chap. 4 de la Genèse, qu’il marcha avec Dieu. Le sujet de la marche sera développé tout au long, du v. 8 au v. 31 de notre chapitre. Il s’agit ici d’établir que l’attente de la venue du Seigneur est un fait d’une importance capitale, d’où découle la marche de la foi. Abel, s’approchant de Dieu avec le sacrifice, avait reçu le témoignage d’être juste ; Énoch, attendant le Seigneur, « reçoit le témoignage d’avoir plu à Dieu », et Dieu lui-même rendit témoignage de son bon plaisir en l’enlevant auprès de Lui sans qu’il eût goûté la mort (*).
(*) Pour de plus amples détails sur ce sujet, voyez : Énoch, par H. R.
Au v. 6, le Saint Esprit joint ensemble, sous un même chef, l’activité de la foi de ces deux hommes de Dieu. « Or, sans la foi, il est impossible de lui plaire » ; tel fut Énoch ; « car il faut que celui qui s’approche de Dieu... » tel fut Abel. Il y a deux moyens de plaire à Dieu, d’abord en s’approchant de Lui comme Abel, puis en attendant le Seigneur comme Énoch. Mais il faut avant tout que « celui qui s’approche de Dieu croie que Dieu est ». Croire cela n’est pas seulement croire à l’existence de Dieu (les démons même y croient et tremblent), mais à son essence et à son caractère. « Je suis Celui qui suis », dit l’Éternel à Moïse. « Je suis » dit constamment Jésus dans l’évangile de Jean ; « Tu es le même » dit l’Éternel à Christ offert comme victime. Dieu est Dieu : son essence doit être lumière et amour ; son caractère d’être juste et saint. Celui qui s’approche de Lui par la foi reconnaît tout cela ; c’est ce qui donne à Abel une pleine liberté pour s’approcher de Lui avec un sacrifice, une pleine confiance à Énoch pour vivre dans une sainte séparation du monde d’alors, en attendant Sa venue. Aussi est-il ajouté : « Et qu’il est le rémunérateur de ceux qui le recherchent ». Abel et Énoch étaient pour ces Hébreux des témoins de la rémunération de la foi. L’apôtre leur avait dit, au chapitre 10:35 : « Ne rejetez pas loin votre confiance qui a une grande récompense ». S’il n’y avait pour eux ici-bas qu’une espérance de biens invisibles, ils pouvaient voir dans ces témoins du passé, (comme aussi en Moïse, au v. 26), que Dieu comme tel, récompense ceux que la foi a mis en rapport avec Lui.
Noé nous présente le quatrième trait de la foi à son origine. « Par la foi, Noé, étant averti divinement des choses qui ne se voyaient pas encore, craignit et bâtit une arche pour la conservation de sa maison ; et par cette arche il condamna le monde et devint héritier de la justice qui est selon la foi » (v. 7).
Noé reçut de Dieu l’avertissement du jugement à venir qui allait être exécuté sur le monde par le déluge. Il craignit, dans la conviction de ce jugement, car il connaissait « combien le Seigneur doit être craint » (2 Cor. 5:11). En bâtissant une arche, il saisit le moyen ordonné de Dieu pour échapper au jugement. Il fut « prédicateur de justice » (2 Pierre 2:5), c’est-à-dire que par cette arche il prêcha la justice de Dieu en condamnation pour le monde, de manière à le rendre inexcusable. Enfin, « il devint héritier de la justice qui est selon la foi », ce qui signifie qu’il acquit l’héritage appartenant à ceux qui sont justes selon la foi. Noé, comme tous les hommes de foi, croyait à la rémunération, mais avant tout, il connaissait l’avenir par une révélation divine, et c’est un des grands traits primordiaux de la foi. Ici, Noé ne reçoit pas témoignage, quoique, dans la Genèse, il le reçoive de la même manière qu’Énoch (Gen. 5:22, 24 ; 6:9) ; mais notre passage nous le présente comme rendant témoignage. Énoch, type de l’Église, est enlevé avant le jugement ; Noé, type d’Israël, traverse le jugement, mais dans un navire assez solide pour être hors de son atteinte, aussi est-il parfaitement à l’abri, tandis que le monde d’alors périt. (*)
(*) Remarquons en passant que ces types si riches nous présentent plusieurs points de vue. Pour n’en citer qu’un, nous avons en Abel, le sacrifice de Christ, fondement de la foi ; en Énoch, le côté intérieur de la vie chrétienne, une vie passée avec Dieu ; en Noé, son côté extérieur, le témoignage rendu devant un monde déjà condamné.
Les quatre traits dont nous venons de parler : la confiance en la parole de Dieu, la foi s’approchant de lui par Christ, l’espérance de la venue du Seigneur, la connaissance du jugement à venir avec le témoignage qui lui est rendu, doivent caractériser encore aujourd’hui la foi de tous les chrétiens et former la base de toute leur activité publique.
Après avoir développé les principes primordiaux de l’activité de la foi, l’apôtre nous montre en détail en quoi consiste la marche de la foi. Nous allons retrouver dans la suite de ce chapitre, les quatre choses mentionnées au chapitre 10, et signalées au début de ces pages : la patience (ou persévérance), l’énergie, la soumission et la puissance dans le combat.
Les v. 8 à 23 nous parlent de patience. Elle est au fond, ce qu’indique le terme primitif dont ce mot est tiré (παθειυ, pati) : souffrir, endurer et persévérer en vue d’atteindre un but placé devant nous. Or, la foi seule est capable de souffrir, afin d’atteindre un but invisible et des promesses divines pour la réalisation desquelles elle n’a d’autre garant que Lui.
Les hommes cherchent souvent à atteindre un but qu’ils se sont posé ; ils endurent pour y parvenir bien des privations et des traverses, cherchent à profiter des occasions, à faire tourner les événements en leur faveur, à s’assurer le concours d’hommes dévoués ou intéressés eux-mêmes à leur réussite. Le chrétien, lui, n’a aucun appui semblable. La parole du Dieu, auteur des promesses, lui suffit ; mais, bien plus, il sait qu’il ne verra pas ici-bas, la réalisation de ces dernières.
La chose est d’autant plus frappante, dans le cas d’Abraham, qu’il avait reçu de Dieu toutes les promesses en vue d’un héritage terrestre. Ses yeux pouvaient s’y arrêter en détail, quand il traversait comme étranger le pays de Canaan, ou bien il le contemplait dans son ensemble et comme à vol d’oiseau du haut de la montagne, mais il ne l’a jamais possédé durant sa longue carrière de foi.
« Par la foi, Abraham, étant appelé, obéit pour s’en aller au lieu qu’il devait recevoir pour héritage ; et il s’en alla, ne sachant où il allait » (v. 8). L’obéissance à l’appel de Dieu est le premier pas de la marche de la foi. Cette marche n’est, en aucune façon, laissée à la libre décision de l’homme. Abraham est appelé hors d’une nation, vouée à l’idolâtrie introduite par Satan dans le monde depuis le déluge. Il est appelé à quitter toutes ses relations d’homme naturel, pour se rendre au pays que l’Éternel devait lui montrer, que Dieu ne lui nomme pas et se réserve de lui faire voir plus tard. Le premier pas de la foi qui entend l’appel de Dieu n’est pas la connaissance, mais, comme nous venons de le dire, l’obéissance. Abraham aurait pu dire à Dieu : « Je suis prêt à partir, disposé même à m’en aller sans savoir le nom du pays que je dois habiter, mais indique-moi du moins ma direction. Par quelle porte de la ville devrai-je sortir ? Celle du nord ou du midi, de l’orient ou de l’occident ? » La foi d’Abraham n’aurait pas été la foi, si elle avait fait un tel raisonnement. « Sors » dit Dieu ; le reste viendra ensuite. Dieu ayant parlé, Abraham obéit et sort. En apparence, tout est incertain pour lui : « Il s’en alla, ne sachant où il allait » mais sa foi s’embarque sur une parole divine qui le conduira. Dieu, comme l’a dit un frère, lui donne assez de lumière pour obéir, mais pas assez pour calculer les conséquences.
« Par la foi, il demeura dans la terre de la promesse, comme dans une terre étrangère » (v. 9). Entré dans son héritage, il y demeure comme étranger et voyageur. S’il en eût été autrement, sa marche de foi eût été terminée quand il mit le pied sur le sol de Canaan. Lorsqu’on entre en possession d’un héritage, il n’est plus question de foi, car elle est changée en vue, puisque le but est atteint. En Canaan, Abraham persévère à marcher par la foi. Il considère l’héritage que Dieu veut lui donner comme une « terre étrangère » dans laquelle il ne possède rien, non, pas même où poser son pied, parce que, cet héritage, il ne l’a pas encore reçu des mains de Dieu ; et ce n’est qu’alors, qu’il pourra le considérer comme lui appartenant. Cette circonstance l’amène à « confesser qu’il est étranger et forain ». Il le proclame en « demeurant sous des tentes avec Isaac et Jacob, cohéritiers de la même promesse » (v. 9).
Une marche de foi nous sépare toujours du monde. Abraham commence par le quitter au moment où il part d’Ur des Chaldéens, sa ville natale ; ensuite, obligé de marcher au milieu des Cananéens, toute son attitude montre clairement qu’il appartient à un autre monde. Celui qu’il traverse peut tout au plus lui offrir la possession d’un sépulcre. Cette marche exerce en outre son influence sur d’autres. Les membres de la famille d’Abraham, Isaac et Jacob, suivent les traces de leur père et, quoique héritiers de la même promesse, font la même profession que lui.
« Car il attendait la cité qui a les fondements, de laquelle Dieu est l’architecte et le créateur » (v. 10). La conséquence immédiate de la foi d’Abraham est que, ne pouvant rien chercher sur la terre, ses regards se portent sur les choses invisibles : sa foi devient « la conviction des choses qu’on ne voit pas ». Il « attend la cité » : sa foi est « l’assurance des choses qu’il espère ». Il apprend à contempler l’accomplissement final des pensées de Dieu, seul capable de satisfaire l’attente de sa foi.
L’épître aux Hébreux, nous parle souvent de « la cité ». Elle est appelée « la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste » (12:22) ; « la cité permanente à venir » (13:14) ; « la cité que Dieu a préparée pour les croyants » (11:16), et ici, « la cité qui a les fondements ». Cette cité est le lieu futur de la gloire, dans lequel tous les croyants de l’Ancien et du Nouveau Testament habiteront ensemble. Elle est bien la Jérusalem céleste dans l’épître aux Hébreux, mais non pas dans son caractère d’Épouse, de femme de l’Agneau, comme dans l’Apocalypse. En ce sens, l’Église seule est la cité, mais elle est ici le lieu d’habitation glorieux de tous les saints. Tous, eux et nous, sans distinction de relation, nous arriverons à la perfection ; tous nous posséderons une gloire dans laquelle nous serons parfaitement semblables à Christ, bien qu’il y ait « quelque chose de meilleur pour nous » comme nous le verrons à la fin de ce chapitre. Être les amis de l’Époux, les compagnons du grand Roi, être même la reine à la droite du Roi, parée d’or d’Ophir, est une chose ; être l’Épouse et posséder l’Étoile du matin, en est une autre. Mais les saints de toutes les économies ont place dans le palais du Roi pour y habiter.
Abraham attendait cette cité et ne voulait pas d’une cité bâtie par l’homme. Il n’avait aucune idée de retourner à Ur des Chaldéens. Il levait les yeux vers « la cité qui a les fondements, de laquelle Dieu est l’architecte et le créateur », vers une gloire préparée, ordonnée, établie par Dieu lui-même, fondée par lui, et sur quels fondements ! — créée par lui, création nouvelle n’ayant aucun rapport avec l’ancienne qu’il avait sous les yeux. Ainsi, quoique les promesses faites à Abraham, se rapportassent à la Canaan terrestre, sa foi, qui sans cela n’aurait pas été la foi, espérait des choses célestes et invisibles.
Tout cela exige de la patience. Traverser un monde hostile, où rien ne répond aux aspirations de nos cœurs, où l’on ne trouve que peine et souffrance, sans se laisser décourager, bien au contraire, étant soutenu par une foi qui fait voir le Christ invisible et les choses célestes, et veut à tout prix atteindre le but, — c’est la patience, mais c’est aussi le bonheur et la joie !
« Par la foi, Sara elle-même aussi, reçut la force de fonder une postérité, et cela étant hors d’âge, puisqu’elle estima fidèle celui qui avait promis » (v. 11).
L’obéissance à l’appel de Dieu, la séparation du monde pour saisir l’espérance qui est devant nous, sont suivies d’un troisième caractère de la foi. L’exemple de Sara nous le fournit. Par la foi, elle reçut la force de fonder une postérité, parce qu’elle compta sur la puissance de Dieu. Elle estima fidèle Celui qui avait promis. La foi de Sara (l’Esprit passe sous silence son rire et ses manquements) s’attache à une impossibilité. Elle et son mari étant hors d’âge, ne pouvaient avoir d’enfants, mais Dieu avait promis un héritier à Abraham, et la foi de Sara compta sur la fidélité immanquable de Dieu à sa promesse. Aussi reçurent-ils la rémunération : « D’un seul, et d’un homme déjà amorti, sont nés des gens qui sont comme les étoiles du ciel en nombre, et comme le sable qui est sur le rivage de la mer, lequel ne peut se compter » (v. 12). Par la simple foi, sans aucun travail, ni effort de sa part, Sara acquit une multitude céleste d’un côté, terrestre de l’autre.
Il est vrai que Sara chercha à acquérir cette postérité, quand elle donna Agar à Abraham, mais alors ce n’était pas la foi, c’était la chair, et celle-ci ne peut trouver aucune place dans notre récit. En effet, combien est beau et consolant, ce fait de l’activité de la foi présenté tout à fait à part de l’immixtion de la chair. Dieu nous parle de ce qui vient de Lui et passe sous silence ce qui vient de la chair (*). Ici donc, Sara n’invente aucun moyen pour s’emparer de la promesse. Elle accepte son incapacité et compte sur la fidélité et la puissance de son Dieu. Toujours le travail de l’homme, et, hélas ! avouons-le, si souvent le travail du chrétien n’aboutit à rien, ou bien n’a pour résultat que de nous créer, comme à Abraham et à Sara, d’inextricables difficultés ! En tout cas, lorsque ce n’est pas la foi qui travaille, l’œuvre est stérile, tandis que les résultats de l’activité de la foi, sont selon la puissance de Dieu — une multitude !
(*) Ce n’est pas ainsi que nous agissons d’habitude, quand nous jugeons nos frères. Notre premier soin n’est pas de constater ce que l’Esprit de Dieu a produit en eux et ce qui est le fruit de la foi. Bien au contraire, nous mettons en avant leurs faiblesses, sans songer qu’en agissant ainsi, c’est l’œuvre de Dieu elle-même que nous amoindrissons, en lui opposant ce que la chair produit dans les cœurs des croyants.
Nous abordons maintenant un nouveau caractère de la foi : Elle s’affirme en présence de la mort. Elle nous fait, non seulement vivre en étrangers dans le monde, mais elle brille de tout son éclat quand nous avons à faire à la mort qui devrait l’ébranler au premier chef.
Ce sujet commence proprement au v. 11 et se continue jusqu’au v. 22.
Aux v. 11 et 12, Abraham était amorti, le sein de Sara dans un état de mort (Rom. 4:19).
Dieu avait fait une promesse à ces époux, mais leur état opposait un obstacle absolu à sa réalisation. Dans ces circonstances la foi, s’attachant toujours à des impossibilités, s’affirme. Abraham « ne forma point de doute sur la promesse de Dieu par incrédulité » (Rom. 4:20). Aux yeux de sa foi, la promesse ne pouvait pas trouver un obstacle dans la mort.
Aux v. 13-16, l’apôtre, résumant les versets précédents, nous montre la foi aux prises avec la mort, comme ce qui met fin à toute espérance d’ici-bas.
« Tous ceux-ci sont morts dans la foi, n’ayant pas reçu les choses promises, mais les ayant vues de loin et saluées, ayant confessé qu’ils étaient étrangers et forains sur la terre » (v. 13). Ils avaient reçu la promesse, mais arrivaient au bout de leur carrière, à la mort, sans avoir reçu la récompense de leur foi, les choses promises qu’ils espéraient. Étaient-ils découragés en présence de ce qui, pour le monde, est l’effondrement de toute espérance ? Humainement parlant, cela leur aurait été d’autant plus permis que les promesses leur avaient été faites en rapport avec la terre, et qu’ils étaient appelés à quitter le théâtre même des promesses de Dieu. Mais non ! il suffisait à ces croyants de les avoir « vues de loin et saluées ». Leur foi était l’assurance des choses qu’on espère et la conviction des choses qu’on ne voit point. Ils les avaient saluées comme des choses familières avec lesquelles leur foi était en contact depuis longtemps. Ils comprenaient fort bien qu’ils ne pouvaient les atteindre maintenant, car, les posséder aurait mis fin à leur foi et à la confession qu’ils étaient étrangers et forains sur la terre. Or, ils ne voulaient en aucune manière laisser tomber ou renier cette confession.
« Car ceux qui disent de telles choses, montrent clairement qu’ils recherchent une patrie » (v. 14). Leur confession était une profession ouverte, publique et pratique. Ils ne se bornaient pas à parler ; leurs tentes prouvaient la réalité de leurs paroles. Combien, hélas ! notre confession est souvent différente de celle-là ; nous prêchons des choses auxquelles notre vie pratique ne correspond pas. Nous ne « montrons pas clairement que nous recherchons une patrie ». Ces témoins anciens étaient plus fidèles que nous. Leur héritage de la part de Dieu était terrestre, et cependant ils vivaient de manière à montrer que la terre n’était pas leur but, que leur patrie était autre part. La mort, fin de toute espérance temporelle, ne faisait que fixer d’autant plus les yeux de leur foi sur la cité de Dieu. Ils avaient quitté leur première patrie, « en étaient sortis », laissant derrière eux tous les avantages de leur bourgeoisie d’autrefois ; ils ne s’en souvenaient plus. Dieu leur en avait promis une autre, et loin de retourner vers l’ancienne en voyant qu’ils n’atteignaient pas le but désiré, ils marchaient en avant, à travers la mort, pour l’atteindre.
Il en était de même pour ces Hébreux. Maintenant, dit l’apôtre, ceux qui parlent ainsi, c’est-à-dire comme ces témoins d’autrefois, en vrais fils de leurs pères, désirent une patrie céleste (v. 16). L’intelligence des pères n’allait pas jusque-là ; elle comptait sur la promesse de l’héritage de Canaan et savait qu’elle l’atteindrait à travers la mort. La patrie des Hébreux avait un caractère exclusivement céleste, quoiqu’ils sussent fort bien qu’ils seraient associés au Seigneur dans le gouvernement de la terre. Leur part était une meilleure patrie que celle promise aux pères.
C’est pourquoi, ajoute l’apôtre, « Dieu n’a pas honte d’eux » pas plus que de nous, si nous sommes fidèles. Il s’appelle le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ; il leur a préparé, et à nous aussi, une cité qui est la gloire (v. 16). « Tu les introduiras et tu les planteras sur la montagne de ton héritage, le lieu que tu as préparé pour ton habitation, ô Éternel ! le sanctuaire, ô Seigneur ! que tes mains ont établi » (Ex. 15:17).
Quelle pensée solennelle, que Dieu pourrait avoir honte de nous ! Dira-t-il qu’il trouve son plaisir à être en relation avec un chrétien mondain, qui recherche les plaisirs, les vanités, les misérables convoitises, l’importance, l’orgueil et les richesses du monde ?
Ce chapitre nous présente deux grandes périodes dans la vie de foi d’Abraham.
Dans la première, il fut appelé (v. 8) ; dans la seconde, il fut éprouvé (v. 17) , et sa foi répondit à l’épreuve comme elle avait répondu à l’appel. En outre, faisant suite à ce que nous avons dit plus haut, nous trouvons dans le sacrifice d’Isaac un autre caractère de la foi aux prises avec la mort. Isaac était le fils de la promesse. Toutes les promesses de Dieu se concentraient sur sa tête ; elles n’avaient plus d’objet, elles étaient, en apparence, détruites sans retour, anéanties, si Isaac venait à mourir. Par la foi, Abraham offrit son fils unique, consentit à sacrifier l’objet des promesses, ayant estimé que Dieu pouvait ressusciter même d’entre les morts, celui sur lequel elles reposaient. Cette pensée de la résurrection était la conséquence naturelle de la foi d’Abraham. Dès le commencement, il avait éprouvé dans sa propre personne et dans celle de Sara, que Dieu peut donner la vie à un mort. Il suivit, avec une foi grandissante, le même chemin quand Dieu lui ordonna de sacrifier son fils ; il abandonna celui en qui la promesse devait s’accomplir, pour le recevoir en résurrection. Toutes les fibres de son cœur, de ses affections naturelles, pouvaient être brisées ; les promesses de Dieu avaient mille fois plus de valeur pour lui que les biens les plus précieux selon la nature. Aussi le reçut-il « en figure », comme ressuscité d’entre les morts (v. 19). Ces Hébreux (et nous-mêmes) recevaient, en réalité, Christ de la même manière. En effet, toutes les promesses de Dieu sont oui et amen, se vérifient et s’accomplissent pour nous, en un Christ ressuscité. Mais il fallait que ces chrétiens abandonnassent tout espoir de bénédictions terrestres (et combien cela est important pour nous aussi), afin d’entrer dans la jouissance des bénédictions spirituelles qui nous sont données dans les lieux célestes en un Christ ressuscité.
Remarquez, en passant, ce mot si souvent répété : « il reçut ».Le chrétien reçoit témoignage comme Abel, Énoch et les anciens ; il reçoit la force comme Sara ; il reçoit, comme Abraham, la promesse en un Christ ressuscité. Les seules choses qu’il ne reçoive pas, ce sont les choses promises pour la terre (v. 13, 39), mais celles-là, les anciens témoins les recevront aussi, quand, comme Daniel, ils se reposeront et se tiendront « dans leur lot » à la fin des jours.
Aux v. 20 à 22, nous trouvons un dernier caractère de la foi aux prises avec la mort. La foi tient la mort pour rien, parce qu’elle s’attache non aux choses présentes, mais aux choses à venir, et nous la retrouvons ici comme l’assurance des choses qu’on espère et la conviction de celles qu’on ne voit point. Cette grande vérité initiale forme, comme nous l’avons vu au commencement, la base de tout le chapitre.
« Par la foi, Isaac bénit Jacob et Ésaü à l’égard des choses à venir » tellement elles avaient de réalité pour lui. Il en fut de même pour Jacob mourant, et d’une manière plus éclatante encore. Jacob parla de l’avenir, comme s’il était le passé. « Je te donne, dit-il à Joseph, une portion que j’ai prise de la main de l’Amoréen avec mon épée et mon arc » (Gen. 48:22). Puis, loin d’être découragé au moment de mourir, il ne se borne pas à bénir chacun des fils de Joseph, mais il adore. L’avenir a une telle réalité pour lui, qu’en face de la mort il adore le Dieu qui lui donne la possession définitive des choses qu’il espère toujours. Il adore, conservant jusqu’au bout, comme tous ceux qui sont morts dans la foi (v. 13), son caractère d’étranger et de pèlerin, et n’abandonne son bâton que lorsque n’étant plus d’usage, il tombe de ses mains glacées. Il en fut de même de Joseph mourant. « Il fit mention de la sortie des fils d’Israël et donna un ordre touchant ses os » (v. 22). Il saluait sans l’avoir vue, la délivrance de son peuple et comptait tellement sur l’héritage, qu’il y fit transporter ses restes, afin de le posséder plus tard, car il croyait à sa résurrection personnelle. C’est ainsi que la bénédiction répandue sur d’autres et l’adoration représentées par Jacob, et l’espérance représentée par Joseph, sont ici le fruit de l’activité de la foi.
En terminant cette division, nous remarquerons, ce que d’autres, croyons-nous, ont déjà fait ressortir, que le nombre 7, celui de la perfection, le nombre indivisible, joue un grand rôle dans ce chapitre. Du v. 8 au v. 22, nous avons sept exemples de la patience et de la persévérance de la foi. Il faut que la patience ait son œuvre parfaite. Du v. 23 au v. 31, sept exemples de l’énergie de la foi ; au v. 32, sept exemples du combat et des victoires de la foi. Dans les v. 8 à 31, chaque exemple est marqué de ces mots : « Par la foi ».
La patience ou persévérance de la foi, dont le point de départ est l’obéissance, comme l’histoire d’Abraham nous l’enseigne, n’est pas tout ce qui doit caractériser le fidèle. Une autre chose, d’une importance particulière, c’est l’énergie de la foi. Il faut commencer par l’obéissance, mais il faut continuer par l’énergie et, notons-le bien, elle est requise d’une manière toute spéciale dans les jours de ruine et d’abaissement moral où nous vivons. Il faut beaucoup de résolution pour traverser aujourd’hui ce monde, sans se laisser envelopper par ses principes corrupteurs, et en maintenant de tous côtés une stricte séparation du mal, afin d’être les vrais témoins de Dieu.
Les épîtres, auxquelles je donnerais le nom d’épîtres de la ruine, illustrent cette vérité. L’énergie est d’autant plus nécessaire que le mal est plus grand. Ainsi, dans la deuxième épître à Timothée, quand ce fidèle disciple était en danger de perdre courage et d’avoir honte d’un témoignage, aussi affaibli qu’il l’était alors, l’apôtre insiste sur le fait que « Dieu ne nous a pas donné un esprit de crainte, mais de puissance (elle vient en première ligne) et d’amour et de conseil ». Aussi exhorte-t-il son jeune compagnon d’œuvre à « prendre part aux souffrances de l’évangile selon la puissance de Dieu » ; il ajoute que, quant à lui il n’a pas de honte, mais qu’il compte sur la puissance de Dieu pour garder son dépôt jusqu’au jour de Christ. Et il ajoute plus loin (2:1) : « Toi donc, mon enfant, fortifie-toi dans la grâce qui est dans le Christ Jésus ».
De même, dans la deuxième épître de Pierre, quand les moqueurs de la fin marchent selon leurs propres convoitises, l’apôtre recommande aux chrétiens de « joindre à leur, foi, la vertu », première chose après la foi, le courage moral qui nous fait traverser les difficultés, dans une sainte séparation du mal, en nous dépouillant de plus en plus, afin d’atteindre le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ, et d’y avoir une riche entrée. Or, nous pouvons l’affirmer, cela manque beaucoup de nos jours. Il y a dans notre christianisme un laisser-aller, une mollesse, une lâcheté qui n’aiment pas à se séparer des choses qui nous plaisent et nous attirent, d’une vie facile ou agréable. Tout cela est le contraire de la puissance et de la vertu.
Cette énergie caractérise les parents de Moïse, dès la naissance de cet homme de Dieu. Mais il est important de noter, qu’elle ne se montre point par des actions d’éclat ou le développement de dons miraculeux. Elle est, au contraire, dans ses manifestations, aussi insignifiante, aussi humble que possible aux yeux du monde. « Par la foi, Moise, étant né, fut caché trois mois par ses parents, parce qu’ils virent que l’enfant était beau ; et ils ne craignirent pas l’ordonnance du roi ».
Qu’est-ce donc qui leur donnait cette hardiesse en présence de l’édit du plus puissant monarque de la terre ? Leurs cœurs avaient trouvé un objet dans ce petit enfant que Dieu leur avait donné. Il portait une marque divine qui le faisait apprécier de ses parents. Actes 7:20, rapporte qu’il était divinement beau. Ce fait ne nous parle-t-il pas de Christ ? La connaissance personnelle du Seigneur, l’appréciation de sa beauté et de sa perfection, le sentiment de la valeur de Celui que Dieu nous a donné, et qui est « l’image du Dieu invisible », se trouvent à l’origine de l’énergie de la foi, et produisent cette énergie chez le croyant. La connaissance de Christ poussait l’apôtre Paul à « tendre avec effort » vers les choses qui étaient devant lui. Ici, la foi des parents de Moïse les pousse — il en est de même pour nous — à ne pas craindre les dispositions par lesquelles le monde cherchait à les lier et à leur enlever le don de Dieu (Christ). Nous trouverons un peu plus loin que ce fut le secret de l’énergie de Moïse lui-même, lorsqu’il devint conducteur du peuple.
Mais voyons auparavant Moise à la cour du roi. « Par la foi, Moïse, étant devenu grand, refusa d’être appelé fils de la fille du Pharaon » (v. 24).
Il ne faut pas oublier que, s’il y a une énergie dans les hommes de foi, elle peut aussi être employée selon la chair. Au temps où Moise était encore à la cour du roi, il nous est dit qu’il « fut instruit dans toute la sagesse des Égyptiens, et qu’il était puissant dans ses paroles et dans ses actions » (Act. 7:22). Il pouvait faire de cette puissance un autre usage que celui pour lequel Dieu la lui avait donnée, et il le prouva en tuant l’Égyptien. Engagé dans la lutte avec l’oppresseur du peuple de Dieu, il le combattit avec ses propres armes. Sans doute, ses raisons pour agir ainsi étaient plausibles, car « il croyait que ses frères comprendraient que Dieu leur donnerait la délivrance par sa main », mais son acte fut inutile, et il fut obligé de faire l’apprentissage du désert de Madian, pour apprendre qu’il n’y avait aucune force en lui. Il en fut de même de Pierre, dont l’énergie aboutit à renier son Sauveur, dans la cour du souverain sacrificateur.
Cet épisode de la vie de Moïse n’est pas mentionné ici, comme au chap. 7 des Actes, pour la raison indiquée au début de cette étude. Il ne s’agit, dans notre chapitre, que de l’énergie de sa foi. Les circonstances dans lesquelles il se trouvait étaient particulièrement difficiles. La Providence de Dieu l’avait placé dans une position exceptionnelle. Considéré comme le fils de la fille du Pharaon, il pouvait prétendre à tous les honneurs, même au trône, quand déjà son éducation faisait de lui un homme remarquable, un grand homme. De cette manière, il aurait pu devenir le bienfaiteur de son peuple, employer ses dons et sa puissance pour alléger ses souffrances, en exerçant en sa faveur, auprès du monde, l’influence qu’il possédait. Erreur naturelle à beaucoup de chrétiens, mais qui n’en est pas moins fatale, car nous ne sommes pas appelés à réformer le monde, ni à le christianiser, mais à refuser ce qu’il nous offre. La Providence de Dieu avait fait entrer Moïse dans ces circonstances exceptionnelles, afin que la foi l’en fît sortir. Il refusa d’être appelé fils de la fille du Pharaon. Un refus ! petite chose aux yeux des hommes, mais grande aux yeux de Dieu ! Abraham, revenant de la défaite des rois, avait agi de même. Il y avait plus d’énergie à dire au roi de Sodome : « J’ai levé la main vers l’Éternel... si je prends quoi que ce soit de toi », qu’à vaincre quatre armées avec trois cent dix-huit hommes !
Mais cette énergie de Moïse ne se borne pas au rôle négatif d’un refus ; elle est positive ; elle choisit : « Choisissant plutôt d’être dans l’affliction avec le peuple de Dieu, que de jouir pour un temps des délices du péché » (v. 25). Ce choix s’adressait-il à un objet important qui pût contrebalancer tout ce que le monde pouvait offrir ? Nullement : Moïse ne pouvait faire un choix plus humiliant pour lui. Le peuple d’Israël était dans un abaissement complet, dans le plus abject esclavage. C’est là que cet homme considéré va prendre sa place. Pourquoi ? Parce que c’est le peuple de Dieu. Cela suffisait au cœur de Moïse, et sa foi ne pouvait choisir autre chose.
Un troisième trait caractérise encore l’énergie de cet homme de foi. Il avait refusé, il avait choisi, maintenant il estime : « Estimant l’opprobre du Christ un plus grand trésor que les richesses de l’Égypte ; car il regardait à la rémunération » (v. 26). Il pèse, d’un côté, toutes les richesses qui lui sont offertes ; de l’autre, l’opprobre. Le plateau des richesses monte, comme s’il n’y avait qu’une plume dans la balance ; celui de l’opprobre descend de tout son poids. Ah ! c’est que si l’Égypte était du côté des richesses, le Christ était du côté de l’opprobre. La foi de Moïse, comme celle de ses parents, avait trouvé un objet incomparable, une personne, Christ lui-même, et le posséder était tout pour elle.
Mais on dira : Pourquoi cette mention du Christ ? Moïse ne l’a pas connu. Sans doute, mais un croyant, Moïse en particulier, est un type de Christ dans ce monde. Moïse était identifié avec lui ; l’opprobre qu’il avait à porter était l’opprobre de Christ. Il le connaissait du reste prophétiquement, comme on le voit dans le cours de cette histoire ; et s’il ne le connaissait pas personnellement, il savait en pratique ce que c’était que de le représenter devant le monde. Il ne craignait point l’opprobre, Son opprobre, car « il regardait à la rémunération ». Il savait que Dieu avait encore en réserve pour lui, des trésors à venir où il pourrait puiser à pleines mains. Dieu ne veut pas rester notre débiteur, lorsque nous avons abandonné quelque chose pour lui. Il est le rémunérateur d’un Abel, d’un Énoch (v. 6), et d’un Moïse, de tous ceux qui renoncent aux avantages d’ici-bas, pour s’associer au Christ rejeté et au peuple de Dieu affligé.
Au v. 27, nous trouvons un quatrième caractère de l’énergie de la foi chez cet homme de Dieu : « Par la foi, il quitta l’Égypte, ne craignant pas la colère du roi, car il tint ferme, comme voyant celui qui est invisible ». Il pourrait sembler qu’un récit traitant de l’énergie de la foi ne devrait pas omettre les miracles que le grand législateur fit au pays d’Égypte. Il n’en est rien. Les caractères de la foi ne peuvent être soumis à l’estimation naturelle des hommes ; Dieu seul est capable d’en juger. C’est par la foi que Moïse quitte l’Égypte. Ce qui aurait été taxé de fuite précipitée, favorisée par des circonstances exceptionnelles, est attribué ici à l’énergie de la foi. Moïse quitta l’Égypte ; le chrétien quitte le monde ; sa puissance, ses délices, ses arts et ses richesses, sa science et sa religion, n’ont pas plus de valeur qu’un fétu de paille pour un croyant énergique. Mais si le courage moral de la foi abandonne tout quand Dieu l’appelle, il est aussi sans crainte. Comme ses parents qui n’avaient pas craint l’ordonnance du roi, Moïse ne craint pas la colère du roi. Pourquoi ? Non point par confiance en sa supériorité, ou en ses ressources ; mais « il tint ferme, comme voyant celui qui est invisible » (v. 27). Les parents avaient vu en Moïse une divine beauté. Ici, c’est lui-même qui voit ce que la foi seule, cette conviction des choses qu’on ne voit point, pouvait discerner. Il voit ce Christ invisible, dont il avait choisi l’opprobre. Cela l’encourage à tenir ferme, à rester inébranlable. Christ est sans doute le ressort de toute sa marche de foi, mais il y a chez lui gradation dans la connaissance de cet objet précieux. À mesure que nous en faisons usage, nos yeux spirituels, comme nos yeux corporels, acquièrent de l’acuité, et s’accoutument à discerner les objets devant lesquels autrefois nous passions sans y prendre garde. Il en fut de même de Moïse. Il connaissait Christ ; maintenant il le voit, et cette vue le remplit de courage pour tenir ferme, comme les forces du soldat sont décuplées pour résister à l’assaut furieux de l’ennemi, quand il peut combattre sous les yeux de son chef.
La réalisation de la présence du Seigneur Jésus est le secret de notre force. Tout le passage que nous venons de lire confirme cette vérité d’une manière éclatante.
Nous venons de voir que l’énergie de la foi s’emploie à réaliser des choses que le monde considère comme sans importance, auxquelles il n’attache aucune valeur et qu’il méprise, car il n’a d’intérêt que pour les choses visibles.
Ici, nous abordons un nouveau sujet. Il ne s’agit plus d’énergie, mais de soumission. La foi se soumet aux moyens ordonnés de Dieu pour accomplir de grandes choses. Ces moyens seront toujours un sujet de mépris pour le monde, qui les jugera ridicules ou inefficaces, parce qu’il ne peut comprendre que Dieu veuille manifester sa puissance par la faiblesse des instruments qu’il emploie. La foi accepte, au contraire, les moyens de Dieu, non parce que l’homme les comprend, mais parce que c’est Dieu qui en fait usage.
Il s’agit ici des choses qui concernent le salut. Le pécheur a, devant lui, trois ennemis puissants auxquels il lui est impossible d’échapper : le jugement de Dieu, la mort, et le pouvoir de Satan ; mais ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu, et les croyants échappent à ces ennemis par la soumission de foi à Sa Parole.
« Par la foi, il (Moïse) a fait la Pâque et l’aspersion du sang, afin que le destructeur des premiers-nés ne les touchât pas » (11:28)
Le temps du verbe des mots « il a fait », indique, comme d’autres l’ont remarqué, un acte dont la portée est définitive et permanente, car il s’agit, en type, de « Christ, notre Pâque » (1 Cor. 5:7), et de « l’aspersion du sang de Jésus Christ » (1 Pierre 1:2). Dans la nuit mémorable où le jugement de l’Éternel allait atteindre tous les premiers-nés d’Égypte, depuis l’homme jusqu’aux bêtes, les Israélites n’auraient pas été épargnés plus que les autres, si Dieu n’avait pourvu à la sécurité de son peuple, par le sang de l’agneau pascal, aspergé sur les poteaux et les linteaux des portes. Moise accomplit cet acte par la foi ; les Israélites aussi ne pouvaient se l’approprier que par la foi, car ce n’était pas eux qui voyaient le sang, mais bien l’ange exterminateur, dans le but de les épargner. À la Pâque, le jugement s’écartait, et le Juge s’éloignait du pécheur qui, préservé par le sang, était mis à même de ne pas rencontrer Dieu. Cet immense résultat était obtenu par quelques gouttes de sang d’un agneau immolé. La foi saisissait ce moyen, insignifiant en apparence, qui mettait le pécheur à l’abri.
« Par la foi, ils traversèrent la mer Rouge comme une terre sèche, ce que les Égyptiens ayant essayé, ils furent engloutis » (11:29)
Ce n’était pas tout pour le peuple d’échapper à Dieu, il lui fallait être délivré de l’Égypte et du Pharaon, types du monde et de son prince. Or il était nécessaire, pour cela, de traverser la mer Rouge qui s’étendait, infranchissable, devant ce pauvre peuple. S’il y entrait, il était englouti par la mort. Pharaon le poursuit jusqu’à cette limite et l’y accule, l’épée dans les reins, mais Dieu fournit à son peuple un moyen d’échapper à la mort. La verge de Moïse, cette verge du jugement qui avait frappé de plaies les Égyptiens, s’étend sur la mer, pour délivrer le peuple de Dieu.
La mort est vaincue, anéantie. C’est ainsi qu’un autre, Christ, a pris notre place dans la mort, sous le jugement de Dieu ; mais cette mort elle-même nous ouvre un chemin pour y passer à pied sec et parvenir à l’autre rive. Le croyant traverse la mort sans qu’il lui en coûte rien ; elle ne peut nous atteindre, puisque Christ est mort à notre place. Nous en sortons, par la résurrection de Christ, avec une vie qui l’a traversée. Christ est donc mort et ressuscité pour nous.
Un moyen, insignifiant en apparence, la verge de Moïse, opère cette délivrance. C’est ainsi que le jugement de Dieu à la croix paraît faible pour délivrer, car il n’atteint qu’un seul homme. La foi se soumet, sans le comprendre d’abord, mais, arrivée à l’autre rive, elle célèbre, pleine de joie, la grandeur de la délivrance et la puissance du Libérateur.
Les Égyptiens, cherchant à traverser la mer avec leurs forces et leurs ressources, sont engloutis. Jamais le monde ne pourra traverser la mort à pied sec, il y trouvera sa perte éternelle. Il faut, pour qu’elle ne nous atteigne pas, la franchir dans la mort d’un autre. Ainsi, la puissance de la mort a été arrachée des mains de notre ennemi. Par sa mort même, notre Sauveur l’a vaincue, et nous possédons en lui une vie de résurrection que jamais la mort ne peut atteindre. Mais, peut-être nos corps mortels pourraient-ils tomber sous son pouvoir ? Non, pour eux la mort est vaincue, et ce fait sera démontré à la venue du Seigneur. Pas un atome de la poussière de ces corps corruptibles, dispersés aux quatre vents, ne restera dans la mort. Le Christ vainqueur et ressuscité en tient la clef, comme il tient la clef du hadès. Il ouvrira la porte, et nos âmes rejoignant nos corps glorifiés, nous serons introduits tous entiers dans la gloire.
Le passage de la mer Rouge est non seulement notre délivrance du prince de ce monde et ce qui nous sépare du présent siècle mauvais ; il est encore un salut définitif. Christ est mort pour nos péchés, afin qu’il nous amenât à Dieu. Dieu dit à Moïse : « Vous avez vu ce que j’ai fait à l’Égypte, et comment je vous ai portés sur des ailes d’aigle et vous ai amenés à moi » (Exode 19:4). Comment imaginer un salut plus complet ? Quoiqu’il fût encore dans le désert, Israël était amené à Dieu. La rédemption du peuple était absolue, la puissance de Satan qui le retenait en Égypte, anéantie pour toujours. Tandis que la Pâque répondait aux péchés d’Israël, la mer Rouge représentait le salut dans toute sa grandeur et son étendue. Plus de péché, plus de jugement, plus de puissance de l’ennemi, plus d’esclavage, plus de mort ! Toutes ces choses ont trouvé leur fin à la croix de Christ, et nous avons maintenant une relation positive avec Dieu, inaugurée par la résurrection : « Il nous a donné le droit d’être enfants de Dieu ».
Le Jourdain n’ajoute rien à la rédemption. Seulement, comme la mer Rouge nous fait sortir d’Égypte, le Jourdain nous fait entrer en Canaan, dans les lieux célestes, place à laquelle les conseils de Dieu nous avaient destinés. Nous y entrons maintenant, nous y appartenons de fait, étant unis avec Christ qui y est entré, morts avec lui et ressuscités avec lui. Le Jourdain est la mort de Christ « au péché », et notre mort avec lui pour entrer dans les lieux célestes. C’est l’affranchissement, qui n’a pas lieu sans l’expérience acquise par la traversée du désert, aussi notre chapitre ne touche ni l’un ni l’autre de ces sujets. La mer Rouge franchie, il nous introduit en Canaan, sans intermédiaire, car l’Esprit de Dieu ne parle pas ici d’expériences, mais de l’activité de la foi.
« Par la foi, les murs de Jéricho tombèrent, après qu’on en eut fait le tour sept jours durant » (v. 30).
Voici donc le peuple amené directement de la mer Rouge au-delà du Jourdain. Là, il trouve devant lui, les murs de Jéricho. C’est qu’il s’agit du troisième grand pouvoir énuméré plus haut, de l’obstacle par lequel Satan cherche à ravir au peuple la possession de son héritage.
Les murailles de Jéricho peuvent prendre beaucoup de noms dans la vie des chrétiens. C’est l’affection des proches ; c’est leur opposition ouverte pour nous effrayer quand, par l’affection d’êtres chers, l’ennemi ne réussit pas à nous détourner de notre but. Ce sont les attraits du monde, ses liens et ses avantages ; c’est la persécution et l’effroi qu’elle inspire — mais quel obstacle peut résister à la foi ? Nous la voyons ici, se soumettant, comme toujours, aux moyens ordonnés de Dieu. Faire le tour des murailles pendant sept jours, et sonner de la trompette, paraît une folie aux habitants de la ville, mais non pas à la foi, qui remporte ainsi la victoire.
Ainsi, chose impossible en apparence, quelques gouttes de sang ont écarté le jugement de Dieu, mais ce sang était celui de l’agneau pascal — Christ est là ! La verge de Moïse anéantit toute la puissance du monde et en délivre le peuple, mais la mer Rouge est divisée et la mort vaincue — Christ est là ! Le son des trompettes détruit l’obstacle et fait tomber les murs de Jéricho, mais l’arche a fait le tour de la ville — Christ est là ! Le secret de ces moyens si insignifiants en apparence et de leur efficace, c’est Christ, la sagesse de Dieu et la puissance de Dieu. Heureuse la foi qui les accepte, car elle se soumet à Dieu, et reconnaît Jésus comme unique ressource.
« Par la foi, Rahab, la prostituée, ne périt pas avec ceux qui n’ont pas cru, ayant reçu les espions en paix » (v. 31)
N’en fut-il pas de même de Rahab ? Combien il était nécessaire d’insister sur ce fait auprès des Hébreux. Rahab était le premier exemple, et quel exemple ! de l’admission des gentils à la jouissance des promesses. Les gentils représentés par une prostituée, et cette femme entrant par Booz dans la lignée du Christ ! Un tel fait ne peut s’expliquer que par la libre grâce de Dieu. Dans ce cas encore, la foi se soumet aux moyens ordonnés de Dieu pour échapper à la destruction. Un cordon d’écarlate, l’insignifiant témoin de la mort d’un être infime, sauve cette femme et toute sa famille. Sa foi s’attache à ce faible fil qui se trouve assez fort pour transporter Rahab au milieu du peuple des promesses, et ce qui constitue la force de ce moyen de salut, c’est que Christ est là !
Il a entièrement lieu en Canaan. Aux six premiers personnages, l’apôtre, en septième lieu, ajoute en bloc les prophètes, comme appartenant tous à l’armée des soldats de la foi. Il complète par eux le nombre 7, si remarquable dans ce chapitre et même dans toute cette épître. Chacun d’eux a lutté pour la délivrance du peuple de Dieu. Il ne s’agit point ici du combat d’Israël pour s’emparer de son héritage, tel qu’il nous est montré dans le livre de Josué, mais de la lutte contre un pouvoir oppresseur, en des jours de ruine, où ceux qui confessaient l’Éternel traversaient l’épreuve et la tribulation. De là vient la mention des Juges et celle de David, cité avant Samuel, parce qu’il est question du temps où il souffrait de la part de Saül comme roi rejeté, et non de la période de son règne. Ils ne sont pas toutefois les seuls combattants, car le temps aurait manqué à l’apôtre pour les mentionner tous en détail.
Il y en eut qui, comme les Juges et David, subjuguèrent des royaumes, réduisant à néant par la puissance de la foi, ceux qui avaient asservi le peuple de Dieu. Il y en eut qui, comme David et les prophètes, accomplirent la justice, reconnaissant ce qui était de Dieu en Israël, et s’y associant ouvertement (voir Matt. 3:15), qui, comme David, obtinrent les choses promises, qui, comme Daniel, fermèrent la gueule des lions, qui éteignirent la force du feu, comme Shadrac et ses compagnons, qui, comme David, Élie, Élisée, Jérémie et tant d’autres, échappèrent au tranchant de l’épée, qui, comme le faible Gédéon, et Barac, et Jérémie encore, de faibles qu’ils étaient furent rendus vigoureux, qui, comme Jonathan ou Samson, devinrent forts dans la bataille sans aucune des ressources humaines. Associées au témoignage des prophètes, une veuve de Sarepta, une Sulamite, ont reçu leurs morts par la résurrection. La liste des martyrs qui ont combattu « contre le péché » s’étend jusqu’à la période des Macchabées à laquelle Daniel le prophète avait déjà fait allusion (Dan. 11:33-35). De tous ceux-là, « le monde n’était pas digne ». Ils étaient « le sel de la terre », le vrai résidu d’Israël au milieu d’un monde ennemi et d’un peuple apostat. Leur présence les préservait encore, mais eux disparus, que reste-t-il au monde, si ce n’est le jugement ?
En étudiant le chapitre 11, il est doublement important de le relier aux premiers versets du chapitre 12. D’abord, le chapitre 12 continue le sujet du témoignage de la foi, en y donnant une place à ceux auxquels l’apôtre écrivait et par conséquent à nous-mêmes. Si le chapitre 11 nous présente une grande nuée de témoins, dans le chapitre 12, c’est nous auxquels le témoignage est confié. En second lieu, le chap. 12 introduit le témoin par excellence, Christ, et arrête définitivement nos yeux sur lui.
Les v. 39 et 40 du chapitre 11 résument tout ce qui vient de nous être dit, en introduisant les chrétiens sur la scène ; ils relient donc le témoignage du Nouveau Testament à celui de l’Ancien. « Tous ceux-ci », les témoins depuis Abel jusqu’aux derniers martyrs de l’économie présente, « ayant reçu témoignage par la foi, n’ont pas reçu ce qui avait été promis » (v. 39). Le commencement du chapitre nous explique ce que cela veut dire. « Par la foi, Abel avait reçu le témoignage d’être juste ». « Par la foi, Énoch avait reçu le témoignage d’avoir plu à Dieu ».Or, tous les hommes de foi de l’Ancien Testament ont reçu ces deux témoignages : « Par la foi, les anciens ont reçu témoignage » (v. 2). Il s’agissait maintenant de savoir si les chrétiens eux-mêmes étaient satisfaits d’avoir reçu ce témoignage de la part de Dieu, ou s’ils ne pouvaient s’en contenter.
Cela suffisait parfaitement à ces hommes de foi du passé. Ils savaient qu’en marchant fidèlement après avoir été justifiés par Lui, ils lui étaient agréables. Dieu ne proclamait pas cela publiquement — la chose aura lieu quand Christ sera manifesté — mais ces croyants se contentaient d’en avoir reçu le témoignage dans leurs cœurs. « Plaire à Dieu » n’est pas synonyme d’être « rendus agréables dans le Bien-aimé » (Éph. 1:6), car tous les chrétiens sont en Christ dans cette position bénie devant Dieu. Il ne s’agit pas ici de position, mais de pratique, et l’apôtre va nous en tracer le chemin pour nous-mêmes.
La foi seule peut donner cette pleine et entière satisfaction du cœur. Les anciens témoins n’avaient pas reçu ce qui leur avait été promis, c’est-à-dire leur héritage, quoiqu’ils obtinssent en chemin bien des choses promises en détail (v. 33), mais la communion de leur âme avec Dieu leur suffisait. Ils n’avaient rien dans ce monde, pas même une place où poser leur pied, mais ils possédaient ce qui avait plus de valeur que l’héritage si espéré, si apprécié : la certitude, après avoir été amenés à Dieu par grâce, d’être dans sa faveur, parce qu’ils marchaient avec lui. Combien cela est important pour nous ! Il faut qu’en traversant ce monde, nous ayons conscience que nous plaisons à Dieu, parce que nous y vivons en étrangers, ayant tous nos intérêts dans le ciel.
Pourquoi ces témoins n’ont-ils pas « reçu ce qui avait été promis » ? Le verset 40 nous l’explique : « Dieu ayant eu en vue quelque chose de meilleur pour nous, afin qu’ils ne parvinssent pas à la perfection sans nous ».
La perfection, c’est être semblables à Christ dans la gloire. Nous ne pouvons l’atteindre que lorsque l’épreuve du désert sera terminée, mais nous l’atteindrons tous ensemble ; ils n’y arriveront pas sans nous. 1 Thess. 4:15-17, nous décrit comment nous y serons introduits avec eux. Apoc. 4:4, nous présente notre réunion avec eux, sous la forme des anciens dans le ciel, personnages symboliques qui renferment avec l’Église tous les saints glorifiés de l’Ancien Testament. Tous chantent d’une même voix le cantique nouveau. Ils ne se dédoublent, pour ainsi dire, et ne disparaissent comme anciens que lorsque les noces de l’Agneau sont venues (Apoc. 19:7). Ils habiteront avec nous la nouvelle Jérusalem, considérée comme la demeure commune de tous les rachetés ; ils seront conviés au banquet des noces de l’Agneau ; ils s’assiéront à table avec Abraham, Isaac et Jacob, dans le royaume des cieux. Nous avons une part commune avec eux ; mais ils ne seront pas « l’assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux », ni l’Épouse, ni la nouvelle Jérusalem, en tant que « femme de l’Agneau ». C’est pourquoi il est écrit : « Dieu ayant eu en vue quelque chose de meilleur pour nous ». Nous avons et aurons éternellement le privilège d’une relation spéciale avec Christ comme son Épouse, os de ses os et chair de sa chair, mais ne pensons pas que ces saints des temps passés le ressentent comme une perte dans la gloire. Jean-Baptiste qui se tenait sur la limite de deux économies, faisant encore partie de l’ancienne et annonçant la nouvelle, pouvait dire : « Celui qui a l’épouse est l’époux ; mais l’ami de l’époux, qui assiste et l’entend, est tout réjoui à cause de la voix de l’époux ; cette joie donc qui est la mienne, est accomplie » (Jean 3:29). Ce qui occupera éternellement tous les rachetés, ce sera non pas leurs privilèges, mais Christ et sa joie dans les relations qu’il a établies. Il aura non seulement son épouse, mais ses amis et ses compagnons, comme il est dit : « Tu l’as oint d’une huile de joie au-dessus de ses compagnons ».
Maintenant l’apôtre relie nos deux chapitres par un « c’est pourquoi », expression sous forme de conclusion, qui revient souvent dans le cours de cette épître : « C’est pourquoi, nous aussi, ayant une si grande nuée de témoins qui nous entoure, rejetant tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si aisément, courons avec patience la course qui est devant nous » (v. 1).
Ces croyants de l’Ancien Testament sont les témoins des résultats d’une vie de foi qui saisit les promesses non encore accomplies. Ils sont les témoins de la course que nous avons à accomplir maintenant, la leur étant terminée, quoiqu’ils n’aient pas encore reçu ce qui était promis. Ils sont « une grande nuée », et c’est encourageant pour nos âmes. À chaque moment de l’histoire du monde, les témoins de Christ ne sont qu’un petit troupeau, mais pris dans leur ensemble depuis Abel, le premier témoin, ils forment une grande nuée, qui remplira l’infini du ciel, car il n’y aura pas de places vides dans le paradis de Dieu.
Maintenant, il s’agit pour nous de fournir la carrière de la foi. Étant donnés nos devoirs et nos privilèges tout particuliers, quelle sera cette course ? D’abord, « rejetons tout fardeau et le péché qui nous enveloppe si aisément ». Moïse, un de ces témoins anciens, n’avait-il pas agi de même ? Les richesses d’Égypte, il les avait secouées comme un fardeau, et ne s’était pas laissé envelopper par « les délices du péché ». Remarquons que, dans cette épître, il n’est pas question du péché dans le cœur, mais d’infirmités, et la sacrificature s’y applique. Au contraire, l’office d’avocat s’exerçant au sujet du péché, n’est pas mentionné dans cette épître, mais trouve sa place dans la première épître de Jean.
Pour rejeter le péché qui vient du dehors comme un filet pour nous saisir et nous retenir captifs, il faut de l’énergie. Mais pour la marche, il faut une seconde chose (et remarquez comment l’apôtre résume ici tout le contenu du chap. 11) : la patience : « Courons avec patience la course qui est devant nous ». Tous les patriarches avaient réalisé ce caractère, comme nous l’avons vu au commencement de cette étude. Maintenant vient un privilège que ni les patriarches, ni Moïse, n’ont possédé, et qui est notre part à nous chrétiens. Sans doute, eux avaient salué par la foi la cité qui a les fondements, ou bien, avaient porté l’opprobre de Christ et vu Celui qui est invisible, mais ils ne connaissaient Jésus qu’en type et prophétiquement. Nous chrétiens, nous le connaissons en réalité. « Fixant les yeux sur Jésus, le Chef et le Consommateur de la foi ». Le sens de « fixer les yeux » est : « détourner ses regards d’autres objets et les fixer exclusivement sur un seul ». Il ne s’agit donc pas pour nous de prendre les témoins pour modèles, car aucun ne serait un modèle parfait, aucun n’est le chef, et de plus, aucun d’entre eux n’est encore arrivé à la consommation de la foi. Le secret de notre témoignage est donc d’avoir Jésus comme seul objet devant nos yeux.
Ce mot « Chef de la foi » signifie : celui qui commence et marche à la tête. En effet, il est en avant de tous les autres, dans la vie de la foi ; du premier au dernier pas il en a donné le modèle parfait. Il est le guide ; il y a d’autres conducteurs dont je puis imiter la foi, quand j’ai vu l’issue de leur conduite (13:7) ; mais lui seul peut me conduire sûrement, sans défaillance, sans m’exposer à broncher, aujourd’hui, demain, jusqu’au bout de la course. Et pourquoi ? C’est qu’il est aussi le « Consommateur de la foi ». Il est le seul guide qui ait atteint le sommet, le seul qui soit arrivé au bout et au but de la course, le seul qui soit entré dans la gloire, et c’est là que nous devons le suivre.
« Lequel, à cause de la joie qui était devant lui, a enduré la croix, ayant méprisé la honte, et est assis à la droite du trône de Dieu » (v. 2). Il ne s’agit point ici de l’œuvre du salut opérée à la croix, ni de la joie d’avoir ses rachetés avec lui, comme on le dit souvent. La pensée est plus simple. Christ, le Chef de tous les témoins, le grand témoin, a montré bien plus que la patience d’un Abraham, il a enduré la croix ; bien plus que l’énergie d’un Moïse, il a méprisé la honte, oui, méprisé, lui, le Fils de Dieu, et pourquoi ? « À cause de la joie qui était devant lui ». Il regardait à la rémunération. Il fournissait la course, sachant que Dieu lui ferait connaître le chemin de la vie à travers la mort, que sa face était un rassasiement de joie, et qu’il y avait des plaisirs à sa droite pour toujours (Ps. 16).
Jamais nous ne pourrons endurer ce qu’a enduré notre Chef, ni mépriser ce qu’il a méprisé, mais ayant un tel modèle qui s’est emparé de nos cœurs et marchant sur ses traces, nous apprenons à estimer comme il l’a fait les obstacles par lesquels Satan cherche à nous arrêter.
« Car considérez celui qui a enduré une telle contradiction de la part des pécheurs contre lui-même, afin que vous ne soyez pas las, étant découragés dans vos âmes » (v. 3). N’oublions pas ce mot « Considérez ». Il s’agit pour nous de le voir sous toutes ses faces, de peser toutes ses perfections, de juger de toute sa valeur. Comment perdrions-nous courage, quand nous voyons le Fils de Dieu endurer l’ignominie de la croix, la contradiction la plus complète des pécheurs contre le Seigneur et le Christ, le Créateur et le Prince de la vie, en le clouant sur un gibet ? Et nous, qui avons cet immense privilège de le connaître personnellement et la faculté de le considérer, marcherions-nous moins fidèlement que les témoins anciens qui ne l’ont pas connu ?
Il est de toute importance que nous comprenions notre responsabilité de rendre un témoignage plus saint, plus patient, plus énergique qu’eux tous, nous qui voyons Jésus et qui l’avons connu.
« Afin que vous ne soyez pas las, étant découragés dans vos âmes ». Il arrive souvent, vers la fin de la course, que les difficultés redoublent et que les obstacles se multiplient. Alors nous sommes sujets à nous lasser et à nous décourager. Mais n’en a-t-il pas été de même pour notre Chef, quand Satan dressait devant ses yeux, pour l’effrayer, l’obstacle de la croix et pensait le décourager de son entreprise ? Considérons-le donc, et nous gagnerons de nouvelles forces pour arriver nous aussi au bout du voyage.
« Vous n’avez pas encore résisté jusqu’au sang en combattant contre le péché ; et vous avez oublié l’exhortation qui s’adresse à vous, comme à des fils. Mon fils, ne méprise pas la discipline du Seigneur, et ne perds pas courage, quand tu es repris par lui ; car celui que le Seigneur aime, il le discipline, et il fouette tout fils qu’il agrée » (v. 4-5).
Voici maintenant une autre pensée. En rapport avec Christ et avec nous, chrétiens, l’apôtre revient au combat de la foi, mentionné dans le chap. 11. Ce combat, Jésus l’a livré d’abord au désert, où le tentateur vint lui présenter les convoitises pour le faire sortir du chemin de la dépendance. Il prit comme arme l’épée de l’Esprit qui est la parole de Dieu, et força l’ennemi à se retirer. Ensuite, en Gethsémané, où « dans l’angoisse du combat », quand Satan apparaissait comme un lion rugissant, « sa sueur devint comme des grumeaux de sang, découlant sur la terre ». A-t-il été découragé ? Et nous, avons-nous jamais suivi le même chemin ?
Dieu, pour nous engager d’une manière sérieuse dans la lutte, nous discipline. C’est ce que nous trouvons depuis le v. 5. Cette discipline, il la faut absolument, elle ne doit pas nous manquer ; tandis que Jésus n’en avait nul besoin.
Les voies de Dieu envers nous revêtent deux formes : la discipline proprement dite, et le châtiment. C’est par ces choses que Dieu nous enseigne à combattre contre le péché. Au v. 1, nous avons à rejeter le péché qui cherche à nous envelopper de son filet, mais ici, nous avons à le combattre. Satan cherche, en s’opposant à notre vie spirituelle, à nous faire manquer de fidélité envers Dieu, pour que celui-ci abandonne son peuple ; il veut nous obliger à nous rendre à l’ennemi. Nous avons entre nos mains l’épée à deux tranchants, la même arme que le Seigneur ; mais ce n’est qu’à l’école de Dieu, que nous pouvons apprendre à nous en servir.
La discipline est caractérisée par ces mots : « Il ne retire pas ses yeux de dessus le juste » (Job 36:7). C’est l’acte d’un père qui s’occupe de ses enfants, et a constamment les yeux sur eux, pour réprimer toute velléité d’insubordination ou d’inconvenance. La discipline n’est point agréable à celui qui en est l’objet. Elle l’empêche de tirer sur la droite ou sur la gauche. « Tu me tiens serré par derrière et par devant, et tu as mis ta main sur moi » (Ps. 139:5). En sorte que le sentiment des enfants de Dieu, sous la discipline, n’est pas la joie. « Aucune discipline, pour le présent, ne semble être un sujet de joie, mais de tristesse » (v. 11). Dieu nous forme par cela même pour le combat. Si nous ne nous soumettons pas à la discipline du Seigneur, nous le rencontrerons avec la verge. Bien souvent, dans notre marche chrétienne, nous attirons le châtiment sur nous. Dieu nous laisse aller parfois jusqu’à un certain point, mais à la fin il nous frappe pour nous ouvrir les yeux sur notre propre volonté.
Quand nous nous trouvons sous la discipline ou le châtiment, il y a deux dangers pour nous : d’abord, de mépriser la discipline du Seigneur, en cherchant à secouer cette autorité qui nous domine, et à n’en pas tenir compte ; ensuite, à perdre courage, quand nous sentons la douleur de la verge. Mais les v. 5 à 8 nous montrent que ces deux moyens de correction sont une preuve de l’amour de Dieu pour nous et de notre adoption comme ses enfants. Y a-t-il lieu d’être découragé ? Nullement. La discipline est la preuve par excellence que nous sommes enfants de Dieu. Jamais un homme ne corrigerait un enfant qui ne lui appartient pas. C’est une erreur commune. Le monde parle de ses épreuves. Que voulez-vous que Dieu éprouve dans un cœur qui n’est pas à lui ? Comment dégager au creuset l’or de l’alliage, là où il n’y a pas d’or, c’est-à-dire pas de foi ? Le monde parle de châtiment. Mais Dieu ne reconnaît pas le monde comme Sien, et ne peut donc le châtier. Il le jugera, ce qui est tout autre chose. Aujourd’hui, il l’appelle, et tout ce qu’il lui envoie n’est autre chose que l’appel de Dieu aux âmes, pour qu’elles viennent à lui.
Ensuite, l’apôtre nous montre le but pour lequel Dieu nous discipline : « Il nous discipline pour notre profit, afin que nous participions à sa sainteté ». Bien différent en cela de nos pères selon la chair qui nous disciplinaient « selon qu’ils le trouvaient bon ». Sa sainteté, c’est la parfaite séparation du mal, en sorte que, épreuves, discipline et châtiments de Dieu, font d’un chrétien, d’un saint selon Dieu, un être qui réalise pratiquement cette sainteté dans sa marche. Sous le châtiment, nos cœurs se tournent vers Dieu, nous examinons nos voies devant lui, nous les jugeons, nous sommes dépouillés, et par conséquent sanctifiés.
Le verset 11 nous présente encore un autre fruit de la discipline. « Elle rend le fruit paisible de la justice, à ceux qui sont exercés par elle ». C’est ce qui est dit en Jacq. 3:18 : « Le fruit de la justice, dans la paix, se sème pour ceux qui procurent la paix ». En Rom. 6:22, il est dit : « Vous avez votre fruit en sainteté », comme résultat de la justice (Rom. 6:19). Ces deux choses donc, la sainteté et la paix, sont le résultat d’une discipline qui produit la justice pratique, l’absence de péché dans nos voies. « Celui qui a souffert dans la chair, s’est reposé du péché » (1 Pierre 4:1).
Si nous n’avions pas la discipline dans notre vie chrétienne, nous serions incapables de fournir la course et le combat, tandis que l’homme parfait, le Chef et le Consommateur de la foi, n’en eut jamais besoin.
Le verset 12 introduit un nouveau sujet. L’apôtre ne parle plus ici de ce que nous devons être nous-mêmes, mais de ce que nous devons être pour d’autres, de nos obligations envers la famille chrétienne.
En général, nous ne prenons pas assez garde à ces v. 12 à 17. La Parole insiste sur ce fait que le chrétien a, dans sa marche, le devoir de se comporter de telle et telle manière, non seulement à cause de Dieu et de lui-même, mais aussi pour ses frères et ses sœurs. Il nous est dit d’abord de ne pas être « las et découragés dans nos âmes », puis ayant fait toutes ces expériences et ayant appris à marcher dans le chemin qui est agréable à Dieu, nous avons à y aider les autres. « C’est pourquoi redressez les mains lassées et les genoux défaillants » (v. 12 ; voir És. 35:3). Il y en a d’autres qui se découragent. Nous avons sans doute appris, en considérant le Seigneur, à ne pas être lassés pour nous-mêmes, mais voici de nos frères qui, fatigués et accablés, préfèrent s’asseoir au bord du chemin, plutôt que de poursuivre la course, et qui disent comme Élie : « C’est assez maintenant ; je préfère mourir ». Notre responsabilité est de nous occuper d’eux, de les encourager, de leur apporter la Parole, source d’enseignement, de force et de bénédiction, de leur apprendre à ne pas se laisser abattre sous la discipline du Seigneur. Mais il nous faut d’abord avoir appris nous-mêmes sous cette discipline ce que nous avons à enseigner à d’autres.
« Et faites des sentiers droits à vos pieds, afin que ce qui est boiteux ne se dévoie pas, mais plutôt se guérisse » (v. 13). Ceci est de toute importance. Il faut que la marche du chrétien soit droite, afin qu’elle soit utile à d’autres. Si un chrétien, appelé à conduire les autres, marche mal, tout le troupeau se dévoiera à sa suite, ce qui rend très grande la responsabilité de cet homme. Il est bien plus coupable que ceux qui, étant déjà boiteux, se dévoient, car lui, capable de bien marcher, n’a pas fait de traces droites à ses pieds.
« Poursuivez la paix avec tous » (v. 14). Vous avez appris, à l’école du Seigneur, à porter ce fruit pour vous-même ; qu’il s’étende maintenant à tous ceux avec lesquels vous entrez en contact, comme il est dit : « Ayant chaussé vos pieds de la préparation de l’Évangile de paix ». « Et la sainteté sans laquelle nul ne verra le Seigneur », chose à réaliser maintenant en commun, après y avoir (v. 10) participé pour moi-même.
« Veillant de peur que quelqu’un ne manque de la grâce de Dieu ; de peur que quelque racine d’amertume, bourgeonnant en haut, ne vous trouble, et que par elle plusieurs ne soient souillés » (v. 15). Qu’est-ce que manquer de la grâce de Dieu ? Cette épître nous montre (chap. 6 et 10) que l’on peut jouir de toute sorte de privilèges extérieurs et même intérieurs, mais que lorsqu’on n’a pas la grâce, on est perdu. De là, ce mot au v. 28 de notre chapitre : « Retenons la grâce ». Les Juifs eux-mêmes, sans parler de ceux qui professaient le christianisme, avaient joui de grandes bénédictions, mais associées à la loi ; où les avaient-elles conduits ? Dans un sens plus restreint, ces chrétiens, nous tous, nous avons à veiller sur nous-mêmes et sur les autres, de peur que nous perdions la jouissance de la présence de Dieu en grâce, l’heureuse communion de nos âmes avec Dieu. En pareil cas, l’âme est desséchée ; elle n’a rien pour la fortifier, la réjouir, lui procurer le rafraîchissement et la nourriture. Quand une âme manque de la grâce de Dieu, elle est comme une plante qui ne porte plus ni fleurs, ni fruits, ni feuilles.
Nous avons encore à veiller en vue d’un deuxième danger : la présence d’une « racine d’amertume ». Nous voyons, en Deut. 29:18, que cette racine d’amertume était l’idolâtrie. Nous avons à prendre garde à ce que le monde ne se glisse parmi nous, le peuple de Dieu, et que nous ne soyons souillés de cette manière. Toute une assemblée peut être troublée, si ceux qui ont la charge de veiller, sont négligents et se laissent entraîner eux-mêmes à mondaniser. Le monde, il ne faut pas l’oublier, est une souillure pour les enfants de Dieu. L’ennemi a tout préparé, même l’atmosphère que nous respirons, pour entraîner nos pensées vers le monde, et nous amorcer par les convoitises de nos cœurs naturels. Le danger est grand, et combien y succombent ! Et c’est pourquoi la Parole dit : « Veillant, de peur que plusieurs ne soient souillés ».
« De peur qu’il n’y ait quelque fornicateur ou profane, comme Ésaü, qui pour un seul mets vendit son droit de premier-né ; car vous savez que, aussi, plus tard, désirant hériter de la bénédiction, il fut rejeté (car il ne trouva pas lieu à la repentance), quoiqu’il l’eût recherchée avec larmes » (v. 16-17).
Ces versets nous présentent le troisième objet sur lequel nous devons veiller. Il s’agit de ceux qui obéissent aux convoitises de la chair, et de ceux qui abandonnent les privilèges chrétiens, les promesses relatives à l’héritage, qui les méprisent pour jouir d’avantages visibles et temporels, quelque insignifiants qu’ils soient, comparés aux choses invisibles. Préférons-nous garder ces dernières, ou les abandonner comme Ésaü ? À ce droit d’aînesse étaient liées toutes les bénédictions en Israël. Ésaü les abandonna toutes en un instant. Les Hébreux, auxquels s’adresse l’apôtre, avaient acquis le vrai droit d’aînesse en devenant chrétiens. Ils étaient « l’assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux » (v. 23) ; mais plusieurs de ceux qui s’étaient joints à eux, étaient en danger d’abandonner ce droit pour retourner au judaïsme, devenu un misérable plat de lentilles, et qu’il était profane de mettre en concurrence avec l’héritage céleste. Toute l’épître met les âmes des chrétiens en garde contre ce danger. Lorsque Ésaü, rejeté, voulut avec larmes retrouver la bénédiction, il était trop tard ; elle avait été donnée à un autre. Il eut beau élever la voix en pleurant et criant : « Bénis-moi, moi aussi, mon père ! » Isaac ne put lui donner que certains avantages en dehors du terrain, du domaine du pays de la promesse. Il ne trouva pas lieu à la repentance. Avertissement sérieux pour ceux auxquels l’apôtre parlait !
Que Dieu nous accorde de veiller sur nous-mêmes en tenant compte de la discipline du Seigneur, sans la mépriser, ni nous décourager, afin que nous puissions achever la course et livrer le combat contre le péché. Qu’il nous accorde de veiller sur les autres, étant des modèles du troupeau, portant les fruits de la justice, la sainteté et la paix, afin que tous soient guéris, restaurés et affermis !
Après avoir averti ces Hébreux du danger d’abandonner leur droit de premiers-nés, comme chrétiens, l’apôtre leur montre (v. 18-24) quelles étaient les choses auxquelles ils étaient arrivés, en contraste avec ce qu’ils avaient atteint jadis sous la loi.
« Car vous n’êtes pas venus à la montagne qui peut être touchée, ni au feu brûlant, ni à l’obscurité, ni aux ténèbres, ni à la tempête, ni au son de la trompette, ni à la voix de paroles, voix telle que ceux qui l’entendaient, prièrent que la parole ne leur fût plus adressée ; (car ils ne pouvaient supporter ce qui était enjoint : si même une bête touche la montagne, elle sera lapidée ; et Moïse, si terrible était ce qui paraissait, dit : Je suis épouvanté et tout tremblant) » (v. 18-21).
Chose remarquable et qui devait aller à la conscience de ces chrétiens hébreux : quand Israël avait accepté le régime de la loi en Sinaï, il abandonnait le terrain de la grâce sur lequel il avait été placé au commencement. La Pâque, la mer Rouge, la manne et l’eau du rocher, qu’était-ce pour ce peuple, sinon la grâce gratuite et imméritée ? Bien plus, Dieu, en les faisant traverser la mer Rouge à pied sec, les avait amenés à lui. « Vous avez vu comment je vous ai portés sur des ailes d’aigle, et vous ai amenés à moi » (Ex. 19:4). Mais ils n’avaient pas apprécié la grâce, et cela aggravait considérablement leur position. Ils lui avaient préféré la loi, et la responsabilité sous ce nouveau régime : « Tout ce que l’Éternel a dit, nous le ferons » (Ex. 19:8). Ils ne se connaissaient pas eux-mêmes. S’ils avaient compris leur état réel devant Dieu, ils auraient confessé que, devant la juste exigence de la loi, eux étant injustes, ne pouvaient qu’être déclarés coupables. Mais ils préféraient se présenter devant Dieu comme des pécheurs cherchant à se justifier devant lui, et non pas comme des pécheurs perdus. S’ils ne se connaissaient pas eux-mêmes, combien moins encore connaissaient-ils Dieu. Ils allaient apprendre à le connaître, et de quelle manière ! L’Éternel leur donne les trois jours, un temps complet, pour se préparer, après quoi ils auront à le rencontrer. La « longue sonnerie du cor » retentit ; c’est l’appel à comparaître. Ils arrivent à la montagne de la loi et y rencontrent le Dieu saint environné de tout l’appareil du jugement dont les anges sont les exécuteurs. Ils ne peuvent supporter d’entendre la voix de Dieu ; même l’ami de Dieu, Moïse, le seul homme qui dans ses rapports avec l’Éternel ne fût pas sous la loi, est épouvanté et tout tremblant devant cette scène effrayante. Et on aurait voulu engager ces chrétiens à y retourner ! Quel était donc ce Dieu qui descendit sur le Sinaï ? C’était l’Éternel, c’était Christ juge, « duquel la voix ébranla alors la terre » (v. 26). Mais maintenant, leur dit l’apôtre, une voix se fait entendre des cieux, et il est de toute importance de ne pas s’en détourner, car si l’on s’en détourne, on ne peut plus échapper. Israël s’était détourné de Celui qui parlait du Sinaï, en oracles sur la terre. Eux, chrétiens, avaient entendu (voir chap. 1, Dieu parlant dans le Fils sur la terre, et, chap.2:1, où il les exhorte à ne pas se détourner des choses qu’ils avaient entendues). Mais maintenant, Christ étant rejeté, parle du ciel ; et c’est encore une voix de grâce. Celui qui était mort sur la croix et qui, ressuscité d’entre les morts, était monté au ciel, parle de péchés abolis, d’un Dieu qui ne s’en souvient plus, de paix faite, de salut assuré et éternel. Par cette voix qui parle des cieux, nous avons connaissance de bénédictions célestes, de choses bâties et établies sur la montagne de Sion.
En 1 Samuel, quand le peuple et la sacrificature ont failli, l’arche est prise, « I-Cabod » (la gloire s’en est allée) prononcé sur Israël ; alors Dieu reprend ses voies envers son peuple sur le pied de la grâce. David, le roi de grâce, est suscité ; il s’empare de Sion qui devient la montagne de la grâce souveraine en puissance, par laquelle Israël est rétabli devant Dieu. David apporte l’arche à Sion. Le trône de Dieu au milieu de son peuple est ramené dans ce lieu-là. C’est là que, dès les temps anciens, Abraham dut se rendre pour offrir son fils, son Isaac, sur l’autel, car Morija fait partie de cette montagne de Sion (Gen. 22:2 ; 2 Chron. 3:1). C’est là aussi qu’aux jours de David, Dieu ordonna le sacrifice, quand l’épée de l’ange, étendue sur Jérusalem, fut arrêtée (1 Chron. 21:18). La montagne de Sion est la montagne du trône de Dieu, mais ce trône est établi maintenant sur le fondement de la croix.
« Vous êtes venus à la montagne de Sion ». Bien différente du Sinaï, cette montagne ne peut être ébranlée (Ex. 19:18 ; Ps. 125:1). Elle est la montagne des délices de Dieu, le lieu qu’il a choisi, le lieu de son habitation et de son repos (Ps. 132:13, 14), la montagne de la joie et de la louange (Ps. 48:1, 2, 11). C’est là que Dieu établira pour toujours son roi, le Christ rejeté, le vrai David (Ps. 2:6).
Il ne faut pas chercher la montagne de Sion dans le ciel. Sa base est établie sur la terre, car la grâce est apparue, a été manifestée et consommée ici-bas. Pour se transporter dans la scène céleste, il faut partir de la montagne de Sion sur la terre, mais une montagne dont le sommet resplendit dans les cieux. Elle est la première et la seule assise de cette scène merveilleuse, à laquelle nous sommes venus sans y être encore entrés, scène future et voilée pour le résidu d’Israël, bien que révélée par les prophètes, scène présente pour les chrétiens, possession actuelle réalisée par la foi. Elle comportait pour ces Hébreux toutes les bénédictions du royaume millénaire, dont ils n’avaient rien perdu, loin de là, en devenant chrétiens. Ils avaient part à la gloire céleste, au royaume du Père, aussi bien qu’à celui du Fils, établi sur la terre, car ils devaient régner avec lui. La grâce souveraine leur avait dispensé ces choses dont la loi les aurait privés à jamais. Ils pouvaient dire : « En la montagne de l’Éternel il a été pourvu ! » (Gen. 22:14).
« Et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste », la cité qu’Abraham attendait, que les patriarches ont vue de loin et saluée, que Dieu a préparée à tous ces croyants. Mais nous y sommes venus, nous faisons mieux que la voir de loin, parce que nous connaissons celui qui l’a bâtie, le Dieu vivant, dans la personne du Christ ressuscité. Cette cité est un lieu d’habitation céleste, où il y a place pour tous les saints ; c’est la gloire dans laquelle tous ensemble (eux et nous) demeureront à toujours. Cette cité, nous l’avons déjà dit, n’est pas l’Église, la nouvelle Jérusalem, l’épouse, la femme de l’Agneau, décrite au chap. 21 de l’Apocalypse.
« Et à des myriades d’anges, l’assemblée universelle ». Les Juifs avaient reçu la loi par le ministère des anges ; toute leur histoire est parsemée de l’intervention sur la terre des anges en leur faveur, comme envoyés de Dieu pour leur apporter ses messages. On voit, au chap. 1, quel rôle important les anges jouaient dans l’histoire d’Israël ; mais les Juifs n’étaient jamais venus à des myriades d’anges, à ces armées du ciel, dont sera entouré le Fils de l’homme, quand il apparaîtra, car la loi ne pouvait faire monter dans le ciel. Or ces myriades, Dieu les avait créées non seulement afin d’être adoré par elles, mais pour qu’elles servissent en faveur de ceux qui devaient hériter du salut.
« Et à l’assemblée des premiers-nés écrits dans les cieux ». Les Juifs avaient perdu, comme Ésaü, leur droit de premiers-nés ; alors que Dieu avait dit au commencement de leur histoire : « Israël est mon fils, mon premier-né » (Ex. 4:22). Ce lot était échu aux chrétiens, mais, comme tout du long de cette épître, les privilèges que les Juifs avaient possédés pour la terre, les chrétiens les possédaient maintenant pour le ciel. Qu’était la congrégation d’Israël en présence de cette assemblée-là, dont l’origine est céleste, dont le caractère est le même que celui de Christ, premier-né de toute la création, premier-né d’entre les morts (Col. 1), et Fils premier-né ? (Hébr. 1:6). Or, Dieu nous a prédestinés à être conformes à l’image de son Fils, pour qu’il soit premier-né entre plusieurs frères (Rom. 8:29). Par son œuvre, il nous a donné le droit d’occuper devant Dieu la même position que lui. Actuellement, par grâce, nos noms sont écrits dans les cieux (Luc 10:20). Bientôt nous y serons nous-mêmes ; mais en attendant, nous sommes venus à cette assemblée des premiers-nés, nous la connaissons et l’aimons. Nous sommes venus à cette assemblée d’une manière plus tangible, pour ainsi dire, qu’à la Jérusalem céleste et aux myriades d’anges, parce que nous la connaissons sur la terre avant qu’elle soit transportée à son lieu d’origine, que nous en faisons partie dès maintenant, et que nous pouvons réaliser dans le culte son caractère céleste.
Nous pensons souvent au ciel comme à une chose future, mais cette épître nous le présente comme une chose actuelle. Le ciel est à vous ; vous y êtes venus. Nous pouvons nous demander l’un à l’autre : Es-tu venu là ? Es-tu entré là ? Est-ce ta bourgeoisie, tandis que tu es encore sur la terre ? Non pas (chose vraie aussi) :
Ô mon pays, terre de la promesse,
Mon cœur ému de loin t’a salué,
ce qui pouvait être la part d’un Abraham. — Non pas : Auras-tu ces choses à la fin du voyage ? mais : Es-tu déjà entré au pays de la promesse ? Y arriver bientôt est une vérité, quand je pense à mon pèlerinage, mais la foi qui regarde en avant l’habite déjà comme réalité actuelle.
Y es-tu venu, entré ? Y as-tu pris place ? Tes jouissances y sont-elles ? Te trouves-tu à l’aise dans cette cité du Dieu vivant, où n’entre aucune chose souillée ? Es-tu uni de cœur à cette assemblée, l’Église de Christ, telle que tu l’as vue dans sa perfection céleste devant Dieu ? Si nous sommes venus, si nous avons compris ces choses, nous verrons quelles conséquences pratiques elles auront pour notre vie ici-bas.
« Et à Dieu, juge de tous ». L’Esprit de Dieu nous conduit toujours plus haut dans cette marche ascensionnelle. Il nous amène à Dieu. C’est à lui que nous sommes venus dès que la grâce nous a pris sur ses puissantes ailes. À Dieu, non pas devant Dieu ! Si nous étions venus devant Dieu, juge de tous, comment pourrions-nous subsister ? À la montagne de Sinaï, Israël était allé à la rencontre de Dieu (Ex. 19:17). Heureusement pour lui que l’Éternel le tenait à distance au pied de la montagne, sinon il aurait immédiatement péri. Et Moïse lui-même, qui connaissait beaucoup de sa grâce, se trouvant en présence du Juge, disait : « Je suis épouvanté et tout tremblant ».
Non, nous sommes venus à Dieu, juge de tous. Nous avons été amenés à lui, avec un caractère qui correspond au sien. Comment serions-nous jugés ? nous sommes semblables au juge. Dieu, juge de tous, a confié tout jugement au Fils qui est prêt à juger les vivants et les morts, mais nous sommes les compagnons du juge. Non seulement nous ne serons pas jugés, mais nous jugerons le monde avec lui. Nous voici arrivés au sommet de la montagne, car peut-on monter plus haut que Dieu ? Dans ce majestueux déploiement de justice, devant l’appareil du jugement qui environne le trône, les saints célèbrent, sans aucune appréhension, en pleine paix, les gloires de l’Éternel, leur Seigneur et leur Dieu (Apoc. 4).
« Et aux esprits des justes consommés ». Maintenant, l’Esprit nous fait descendre de la scène glorieuse céleste vers la scène glorieuse terrestre. Il fallait persuader les Hébreux qu’en devenant chrétiens, ils n’avaient rien perdu du royaume, bien au contraire. C’est pourquoi il introduit Dieu dans ces versets, non pas comme Père, mais dans son gouvernement, trait du reste caractéristique de toute l’épître aux Hébreux, où nous trouvons constamment la mention du trône, même quand il s’agit de la grâce.
En route, à la descente, pour ainsi dire, il rencontre tous ces saints de l’Ancien Testament qui, après avoir achevé la course, étaient encore à l’état d’esprits, ne pouvant parvenir à la perfection sans nous. Ils attendent la gloire ; ils n’entreront pas seuls, ni avant nous, dans la Jérusalem céleste : quel bonheur d’y entrer avec eux !
En attendant, nous sommes venus à eux ; nous sommes familiers avec leur foi et leurs espérances, et leur joie et leur attente. Nos cœurs se relient ainsi à tout ce qui était de Dieu en Israël. Ils loueront, ils béniront avec nous. Nous ne pensons pas assez que toutes les gloires, tous les privilèges, sauf celui d’Épouse, toutes les louanges, appartiennent dans le ciel aux anciens, titre commun aux saints et à l’Église qui en fait partie jusqu’aux noces de l’Agneau.
« Et à Jésus, médiateur d’une nouvelle alliance ». Nous voici redescendus dans le domaine terrestre du Messie. Il s’agit de ses relations avec Israël. La nouvelle alliance n’appartient qu’à ce peuple, et jamais aucune alliance n’a été conclue avec l’Église. Elle jouit actuellement, quoique ses bénédictions les dépassent de beaucoup, de tous les bienfaits que cette alliance apportera à Israël, en vertu du sang répandu : un cœur nouveau, les relations avec Dieu rétablies, la connaissance de Dieu, et l’oubli éternel des péchés ; mais l’alliance n’est pas faite avec elle. L’Esprit descend donc ici de la position des justes consommés de l’Ancien Testament, aux relations du Seigneur avec son peuple sauvé sur la terre. Jésus remplacera Moïse, médiateur de l’ancienne alliance, quant aux relations de ce peuple avec Dieu. Cette alliance nouvelle ne sera pas un contrat établi entre deux parties, sous condition d’obéissance de l’une ; elle sera un contrat où une seule partie, Dieu lui-même, sera engagée, où Dieu donne le salut par un sang tout autre que celui de l’ancienne alliance ; où il donne la connaissance de lui-même, où il crée un cœur nouveau et ne se souvient plus des péchés. Cette alliance nouvelle est sans condition. Tout y vient de Dieu par Jésus qui en est le médiateur. Nous sommes venus à ce Jésus. Oh ! comme nous pouvons apprécier son rôle envers Israël, nous qui, par lui, possédons déjà toutes ces choses !
« Et au sang d’aspersion qui parle mieux qu’Abel ». Au chap. 9, l’apôtre, parlant de l’ancienne alliance, avait montré qu’elle avait été scellée avec du sang : « De là vient qu’aussi la première alliance n’a pas été inaugurée sans du sang. Car chaque commandement, pour ce qui concerne la loi, ayant été proclamé par Moïse à tout le peuple, il prit le sang des veaux et des boucs, avec de l’eau et de la laine écarlate et de l’hysope, et en fit aspersion sur le livre lui-même et sur tout le peuple, en disant : C’est ici le sang de l’alliance que Dieu vous a ordonnée » (v. 19-20). Telle fut l’ancienne alliance. Mais le peuple futur aura, sous le règne millénaire, une nouvelle alliance, par un nouveau médiateur, et scellée par un sang nouveau. Ce sang ne sera pas comme celui d’Abel, « dont la voix criait de la terre à Dieu », ou même comme le sang du Messie, du second Abel, criant vengeance contre le peuple meurtrier de son frère (et cette vengeance s’exécutera), mais il dira de meilleures choses, il scellera l’alliance par laquelle ils seront pardonnés et justifiés devant Dieu. C’est la grâce. Nous voici revenus à la montagne de Sion sur la terre. Quel chemin nous avons parcouru ! Où que nous ayons tourné nos yeux, nous sommes venus à la réconciliation de toutes choses en vertu du sacrifice de Morija. C’est ainsi que tous les départements du royaume, célestes et terrestres, appartiennent maintenant au chrétien !
« Prenez garde que vous ne refusiez pas celui qui parle : car si ceux-là n’ont pas échappé qui refusèrent celui qui parlait en oracles sur la terre, combien moins échapperons-nous, si nous nous détournons de celui qui parle ainsi des cieux » (v. 25). Comme dans toutes les épîtres qui parlent de profession chrétienne, l’apôtre insiste beaucoup ici sur la responsabilité. Dieu avait parlé en deux endroits : sur la terre, en oracles, au mont Sinaï ; et quand le peuple avait refusé Celui qui parlait ainsi, priant Moïse que la parole ne leur fût plus adressée, il n’avait pas échappé pour cela. Mais Dieu avait maintenant parlé des cieux. Ce n’était plus le Dieu terrible de la loi, c’était Dieu manifesté en Christ qui maintenant parlait des cieux par le Saint Esprit en vertu de Son œuvre accomplie. Il ouvrait à tous les croyants ces régions célestes comme leur domaine. Échapperaient-ils s’ils se détournaient de lui, pour retourner aux faibles et misérables éléments qu’ils avaient quittés ? Au chap. 2, l’apôtre les avait exhortés à porter une plus grande attention aux choses qu’ils avaient entendues de la bouche de Christ, l’apôtre de leur profession, quand il était parmi eux sur la terre ; ici, il les exhorte à écouter le même Christ qui parle des cieux.
« Duquel la voix ébranla alors la terre ; mais maintenant il a promis, disant : Encore une fois je secouerai non seulement la terre, mais aussi le ciel » (v. 26).
La voix qui ébranla alors la terre, cette terrible voix de l’Éternel retentissant de la montagne de Sinaï, n’était autre que celle de Christ, du même Christ qui parle maintenant des cieux. Seulement il parle d’une manière toute différente. Autrefois il parlait en jugement, maintenant en grâce. Il dit : « Encore une fois je secouerai, non seulement la terre, mais aussi le ciel ». Celui qui parle du ciel, secouera aussi le ciel. Et vous nous dites qu’il parle en grâce ? Certainement, car il est dit : Il a promis, disant… ». Une promesse est-elle une menace ? Une promesse n’est jamais faite au monde, mais aux croyants. Le fait que le Seigneur va secouer encore une fois la terre et le ciel doit nous remplir de joie, si pour le monde il ne peut être qu’un sujet d’épouvante ; mais il n’est pas étonnant qu’il puisse aussi remplir d’appréhension un chrétien qui, comme Lot, est venu s’établir dans cette scène et chercher sa part au milieu de ceux « qui habitent sur la terre ».
« Encore une fois je secouerai ». Il ne s’agit pas ici du moment où les cieux passeront avec un bruit sifflant de tempête et où la terre et les œuvres qui sont en elle seront brûlées entièrement (2 Pierre 3:10). Ce dernier cataclysme final aura lieu à l’entrée des temps éternels, mais nous avons vu plus haut que notre chapitre nous introduit dans les bénédictions du règne millénaire de Christ, telles qu’elles appartiennent aux chrétiens. La scène où sera établi le règne ne sera pas détruite, mais elle devra être purifiée de ses impuretés, comme le tapis qu’une femme secoue par la fenêtre. Ce qui la souillait devra disparaître, et nous savons que ce sera par le jugement des vivants que cette purification aura lieu. Dans le même temps, le ciel sera secoué et le diable, accusateur des frères, après en avoir été précipité, sera lié dans le puits de l’abîme pour toute la durée du règne de Christ.
« Encore une fois je secouerai non seulement la terre, mais aussi le ciel ». Cette parole se trouve dans le prophète Aggée (2:6), qui parle du même fait. Dès que cet ébranlement aura eu lieu, « l’objet du désir de toutes les nations viendra », le Messie qui avait été promis, et qu’elles ont désiré, alors qu’Israël l’avait rejeté, entrera dans son règne et remplira son temple de sa gloire (Aggée 2:7).
« Or ce « Encore une fois » indique le changement des choses muables, comme ayant été faites, afin que celles qui sont immuables demeurent » (v. 27). Ces mots expliquent la « promesse ». Il faut que tout ce qui peut être ébranlé, tout ce qui appartient à la première création, soit changé, afin que les choses de la nouvelle création demeurent. Pourquoi sont-ce des choses muables ? Parce que le péché est venu tout gâter et qu’une chose corrompue ne peut être immuable. Ces choses seront changées, comme nous le trouvons au Ps. 102 et dans le premier chapitre de cette épître : « Les cieux périront, mais toi (Christ) tu demeures ; et ils vieilliront tous comme un habit, et tu les plieras comme un vêtement, et ils seront changés » (v. 11, 12). Il s’agit donc toujours ici des bénédictions du royaume à venir.
« C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable… » (v. 28). Représentez-vous un palais magnifique. Comme tout autre bâtiment, il est entouré d’échafaudages pendant sa construction. Quand tout le travail est terminé, il faut que ces échafaudages, chose temporaire s’il en fût, tombent pour faire place à l’édifice seul. Pour que le Maître y habite et nous y fasse demeurer avec lui, il ne se peut que des échafaudages subsistent. Au reste nous avons la promesse de l’architecte que, dès qu’ils auront servi à leur but, ils disparaîtront. C’est exactement ce qui nous est dit en Aggée : Après l’ébranlement, « l’objet du désir des nations viendra, et je remplirai cette maison de gloire, dit l’Éternel des armées ». Alors, nous recevrons un royaume inébranlable. Cela n’est-il pas une promesse ? Mais que penser d’un homme qui, à la veille de voir disparaître ces planches et ces poutres souillées et désormais inutiles, irait s’établir sur elles et y passer la nuit, comme en son domicile ? Au matin, ne croulerait-il pas avec elles ? Cet homme aurait préféré les choses muables aux inébranlables. Faut-il s’étonner que tant de chrétiens qui cherchent le repos dans un monde condamné d’avance, soient dans un état de malaise continuel en pensant que, d’une manière ou de l’autre, ils devront les quitter ? Mais celui qui a saisi un royaume inébranlable, le merveilleux royaume dont les v. 22 à 24 nous parlent, quand il voit tomber l’échafaudage, est rempli de joie. Il sait que, par le fait de ce changement, il entre dans la pleine et éternelle jouissance des choses qui lui appartiennent et lui sont déjà familières. Vivre dans le ciel, c’est vivre ici-bas ayant reçu de la bouche même du Seigneur qui parle des cieux, la révélation des choses bénies qui s’y trouvent et les avoir goûtées par la foi. C’est se mouvoir moralement au milieu de ces choses et en jouir comme d’immuables réalités. Être dans le ciel, c’est entrer dans leur possession finale.
« C’est pourquoi, recevant un royaume inébranlable, retenons la grâce, par laquelle nous servions Dieu d’une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte » (v. 28). « Retenons la grâce ». C’est l’opposé du v. 15, qui montre qu’on pouvait « manquer de la grâce de Dieu ». Comme nous l’avons vu, le royaume inébranlable est édifié sur la grâce. La grâce a établi Sion. Tout sera ébranlé, la grâce ne le sera jamais. La grâce nous édifie, nous transporte dans le royaume éternel de notre Seigneur et Sauveur Jésus Christ. Retenons la grâce. C’est par elle seule que nous pouvons trouver et servir Dieu !
L’apôtre ajoute un mot bien important pour nous. « Car aussi notre Dieu est un feu consumant ». Le Dieu du Sinaï était un feu consumant pour le pécheur, mais aussi le Dieu de grâce ne peut supporter le péché et l’infidélité de son peuple. Sans nous consumer nous-mêmes, il sera obligé de nous appliquer le feu consumant pour détruire, à notre grand dommage, tout ce que nous estimions être, sans lui, de quelque valeur, tout ce dont Satan se sera servi pour nous détourner de lui. Nombres 11:1-3 nous en offre un exemple. Quand la grâce attise le feu, il ne nous consume pas nous-mêmes, mais il consume tout ce qui ne peut subsister dans la fournaise. Il en fut ainsi des jeunes hommes, compagnons de Daniel, sauf que les liens leur étaient imposés. Il ne pouvait y avoir par conséquent que joie pour leurs âmes, mais quand le feu est appliqué à des liens que nous avons formés nous-mêmes et dont notre vie est tissée, nous en sentons péniblement la morsure.
Ne nous laissons enlacer par quoi que ce soit ! Rejetons le péché ! Apprenons à connaître davantage les choses auxquelles nous sommes parvenus, et nous serons remplis de joie d’appartenir à une sphère, à un ordre de choses, inébranlable comme la grâce qui nous l’a donné !
Maintenant, tandis que nous traversons ce monde, où tout sera ébranlé, afin que les choses immuables demeurent, une chose doit demeurer au milieu de tous ces éléments passagers. C’est l’amour, démontré pratiquement par l’amour fraternel : « Que l’amour fraternel demeure ».
Cet amour se manifeste de diverses manières. « N’oubliez pas l’hospitalité ; car par elle quelques-uns, à leur insu, ont logé des anges ». L’hospitalité fait abstraction de nos aises, de nos convenances, de notre égoïsme, en un mot. Elle est pleine de prévenances pour le voyageur dont nous sentons la fatigue et les besoins. Elle ne veut pas le laisser passer à côté de nos demeures sans qu’il y trouve du repos et du réconfort (Gen. 18:4, 5). Elle ne s’épargne pas la peine. Abraham courait en hâte au four et au troupeau et se faisait avec joie le serviteur de ses hôtes. Il en reçut la récompense. De même Lot, quoiqu’à un moindre degré, avec moins d’empressement et de discernement qu’Abraham, influencé qu’il était par ses attaches mondaines (Gen. 19:1-4). Tous deux, « à leur insu, ont logé des anges ». Seulement, dans le premier cas, ces derniers étaient les compagnons de Celui qui apportait la promesse au témoin fidèle ; dans le second, ils intervenaient pour défendre un juste et le mettre à l’abri d’un jugement imminent, en le sauvant comme à travers le feu.
« Souvenez-vous des prisonniers, comme si vous étiez liés avec eux, de ceux qui sont maltraités, comme étant vous-mêmes aussi dans le corps » (v. 3). Les témoins anciens avaient été de même prisonniers et maltraités (11:36, 37) ; les Hébreux avaient aussi, dans les jours précédents, connu les mauvais traitements et la prison, et avaient pu s’associer en sympathie avec ceux que l’on traitait de la même manière (10:32-34). L’apôtre les exhorte à continuer dans les mêmes sentiments, en un jour où la persécution s’était ralentie. Ils étaient eux-mêmes « dans le corps », avaient éprouvé dans leur chair les mêmes choses, et, connaissant leur souverain sacrificateur qui leur avait montré sa sympathie, parce qu’il avait souffert étant tenté, ils pouvaient même, sans souffrir actuellement, montrer le même amour envers ceux qui traversaient les tentations.
« Que le mariage soit tenu en honneur à tous égards, et le lit sans souillure ; mais Dieu jugera les fornicateurs et les adultères » (v. 4). Le mariage est une de ces choses muables qui ne dureront pas toujours, mais Dieu entoure d’un grand honneur cette relation selon la nature. Il l’a instituée lui-même, et le chrétien doit y introduire la pureté qui caractérise sa nature à lui comme né de Dieu. Toute infraction à cette règle tombe nécessairement sous le jugement de Dieu. Il est, comme nous l’avons vu (12:29), un feu consumant pour son peuple. Ne l’a-t-il pas montré à l’égard d’Israël ? S’il était un feu consumant pour ses adversaires (Deut. 9:3), comment ne le serait-il pas à l’égard de toute corruption parmi les siens ? (Deut. 4:24).
« Que votre conduite soit sans avarice, étant contents de ce que vous avez présentement, car lui-même a dit : Je ne te laisserai point et je ne t’abandonnerai point ; en sorte que, pleins de confiance, nous disions : Le Seigneur est mon aide, et je ne craindrai point : que me fera l’homme ? » (v. 5-6). L’avarice est le désir d’acquérir des choses muables. Insatiable, ne se contentant jamais des choses qu’elle possède, elle en convoite toujours de nouvelles ; elle met sa confiance en ces choses qui ne sont que vanité et qui la trompent. La foi ne peut agir ainsi. Elle compte sur Dieu, comme Josué au moment d’entrer en Canaan. Dieu « lui-même » avait parlé à Josué, et Dieu voulait être de la même manière avec lui qu’il avait été avec Moise. Jour après jour, « contents de ce que nous avons présentement », nous pouvons marcher en avant, nous appuyant sur la promesse de Celui qui est immuable. Puis la foi a confiance en Dieu et, le connaissant, sait qu’elle n’a rien à craindre. Elle sait que l’homme est impuissant contre le chrétien (« que me fera l’homme ? »), puisque Dieu est pour lui. Celui qui convoite et recherche les choses de la terre pour les acquérir, ne peut compter sur Dieu, car il met sa confiance en lui-même. Celui qui est satisfait de ce que Dieu lui donne, parce qu’il connaît Dieu, ne voit dans l’homme qu’une puissance hostile, mais la juge comme impuissante à lui nuire, parce que Dieu est pour lui (Ps. 118:6).
Cette épître offre un contraste complet entre ce que ces Hébreux avaient eu comme peuple d’Israël sous la loi, et ce qu’ils possédaient depuis qu’ils étaient devenus chrétiens, et étaient entrés en possession de ce que le christianisme leur apportait.
Cette épître est une épître céleste. Celle aux Éphésiens nous occupe de choses encore plus élevées ; elle place devant nous l’union de l’Église avec Christ, du corps avec sa Tête glorifiée dans le ciel. Celle aux Hébreux établit le contraste entre Israël et le peuple chrétien, appelé à traverser le monde, à atteindre le bout de la course, répondant à l’appel céleste, comme Israël avait répondu à l’appel terrestre. Ils avaient, ces chrétiens sortis du judaïsme, à détourner les yeux des bénédictions terrestres promises, pour les porter dans le ciel sur les choses invisibles. L’œil de la foi peut contempler ces choses, en jouir, en être rempli, alors même que nous traversons le désert où nous rencontrons toute sorte de difficultés, de choses qui s’opposent à notre marche, où le péché nous enveloppe si aisément, car nous remportons la victoire en fixant les yeux sur un Christ céleste.
L’apôtre, décrivant la position de Christ au début de l’épître, dit : « C’est pourquoi, frères saints, participants à l’appel céleste, considérez l’apôtre et le souverain sacrificateur de notre profession, Jésus » (3:1). Il établit ainsi le caractère de l’épître. Nous avons vu, au chap. 11, que les croyants de l’ancienne alliance avaient appris à lever les yeux, par la foi, sur la cité qui a les fondements, de laquelle Dieu est l’architecte et le créateur. Mais Paul dit : « Nous voyons Jésus » (2:9), puis : « Fixant les yeux sur Jésus » (12:2), et c’est le mot capital de l’épître. Il est dans le ciel et devient l’objet de nos cœurs ; nous apprenons à le connaître là. Ces Hébreux sortis du judaïsme le voient et constatent que tout ce qu’ils avaient, en tant que peuple d’Israël, n’était que les ombres dont ils avaient maintenant le corps. Le tabernacle était Christ ; tous les objets du tabernacle étaient Christ ; l’apôtre, le sacrificateur était Christ ; les sacrifices, la victime, l’autel, étaient Christ ; Christ dans le ciel, à la droite de Dieu. En reportant leurs yeux en arrière sur toutes ces choses, ils les voyaient maintenant comme les ombres d’une personne et d’une œuvre, dont ils avaient maintenant atteint la réalité en Christ.
Il ne faut pas que nos pensées et nos cœurs soient portés sur autre chose que lui. C’est notre sécurité. Dieu ne veut pas des cœurs partagés ; et s’ils le sont, c’est que nous n’estimons pas le Seigneur à sa valeur.
Un autre grand trait de cette épître, c’est le gouvernement de Dieu. Quand Israël se rendait en Canaan, Dieu le gouvernait ; s’agit-il de traverser le monde et d’atteindre l’appel céleste, Dieu nous gouverne aussi. C’est pourquoi cette épître est remplie du royaume, de la cité et du trône (1:3, 8 ; 2:5-6 ; 4:16 ; 6:5 ; 7:2 ; 8:1 ; 10:12-13, 30 ; 11:10, 16 ; 12:2, 22-24, 28 ; 13:14) ; seulement ce trône est le trône de la grâce, le vrai propitiatoire. Si Dieu règne sur son trône, c’est en grâce pour nous. Comme donc cette épître est remplie du trône, elle est remplie de la grâce. « Vous êtes venus à la montagne de Sion ». C’est là que Dieu, comme nous l’avons vu plus haut, a établi la royauté dans la personne de David, type de Christ, en puissance et en grâce. C’est là que la grâce règne par la justice. Nous sommes venus à la montagne où Dieu règne en grâce ; tout est grâce pour nous. Comme nous l’avons vu au chap. 12:28 : « Retenons la grâce pour servir Dieu », car aussi Dieu est un Dieu juste qui gouverne. Et dans nos versets nous lisons : « Il est bon que le cœur soit affermi par la grâce » (v. 9). En effet, rien ne l’affermit comme la grâce, car se nourrir de la grâce, c’est se nourrir de Christ. Les chrétiens non affranchis sont toujours malheureux et mécontents d’eux-mêmes, ce qui est naturel. Ils pensent alors atteindre ce qui leur manque, en se plaçant sous certaines obligations de la loi ; nouveau moyen d’augmenter leur malaise. Ce qui affermirait leur cœur devant Dieu, ce serait de connaître la grâce dans la personne de Christ, grâce immuable et qui ne change pas.
« Souvenez-vous de vos conducteurs qui vous ont annoncé la parole de Dieu, et, considérant l’issue de leur conduite, imitez leur foi » (v. 7). Il est question plus loin de leur obéir, ici, de se souvenir de ceux qui sont arrivés au bout de la course, afin de les imiter. Ces conducteurs peuvent être ou ne pas être des anciens. Leur caractère est qu’ils leur avaient « annoncé la parole de Dieu ». Il y avait à Jérusalem, outre les apôtres, des Barnabas, des Judas, des Silas, qui « tenaient la première place parmi les frères » (Actes 15:22). Qu’ils fussent anciens ou non, il ne s’agit pas ici d’une position officielle, mais du don qu’ils avaient exercé fidèlement au milieu des saints, comme on le voit aussi, mais sous un terme différent, en Rom. 12:8 et 1 Thess. 5:12. Il est très encourageant pour nous de penser à ceux qui, dans le passé, ont été de fidèles serviteurs du Seigneur pour notre bien et de ne pas les oublier. C’est ne pas oublier et retenir fermement leurs enseignements basés sur la parole de Dieu ; c’est aussi penser à leurs personnes comme ayant marché fidèlement dans le chemin du témoignage, et étant arrivés irréprochables au terme de leur « conduite ».
Il ne s’agit pas pour nous de les regretter. Ils ont quitté la scène que nous traversons et où toute autre chose passe aussi, mais : « Jésus Christ est le même, hier, aujourd’hui et éternellement ». Lui ne passe pas ; lui ne change pas, et c’est sur quoi l’apôtre insiste particulièrement.
« Jésus Christ est le même hier, et aujourd’hui, et éternellement. Ne soyez pas séduits par des doctrines diverses et étrangères, car il est bon que le cœur soit affermi par la grâce, non par les viandes, lesquelles n’ont pas profité à ceux qui y ont marché » (v. 8-9).
Nous avons un objet pour nos âmes, un objet immuable. Aucun homme ne peut être cet objet ; car il y a toujours lieu de le corriger ainsi que ses actions et ses paroles. Rien de semblable pour Christ. Pouvons-nous lui retrancher, lui ajouter quelque chose ? retrancher ou ajouter quelque chose à la doctrine qu’il a enseignée ? Non, le christianisme est une chose immuable, complète, et définitive. « Ce qui était dès le commencement », dit Jésus, c’est ce que nous avons à retenir. Rechercher des nouveautés en dehors de lui et de ce qu’il a établi, c’est ne pas être satisfait de Jésus et ne le pas connaître. Rien ne lui manque, rien ne manque à ceux qui le possèdent.
« Ne soyez pas séduits par des doctrines diverses et étrangères ». Ce passage s’applique d’une manière immédiate à ces chrétiens sortis du judaïsme que des docteurs juifs cherchaient à ramener aux ombres de la loi. Du moment que la réalité divine de toutes ces choses s’était présentée à eux dans la personne de Christ, comment ces ombres pouvaient-elles les envahir de nouveau ? De quels termes écrasants l’apôtre qualifie le judaïsme : « des doctrines diverses et étrangères ! » Il est rabaissé au niveau de choses incertaines et sans consistance, étrangères à la vraie connaissance de Dieu. Mais si le judaïsme peut être qualifié de cette manière, que dire de la chrétienté actuelle ? N’est-elle pas remplie de ces doctrines diverses et étrangères ? Des chrétiens se laissent séduire par des enseignements qui affaiblissent la valeur de la parole de Dieu, attaquent son inspiration, ébranlent la perfection de Christ et sa divinité, nient aussi bien l’expiation que la résurrection et les peines éternelles, abandonnent en un mot les fondements mêmes de l’Évangile. Ces âmes n’ont pas considéré Jésus Christ, ce Jésus qui est le même, hier, aujourd’hui et éternellement. Elles ont d’autres soucis et s’égarent à la suite des faux docteurs qui les enseignent. Il suffit, je ne dis pas de connaître, mais d’apprécier le Seigneur, celui qui est le même et répond, dans le passé, le présent et l’avenir, à tout ce que l’esprit et le cœur peuvent désirer, pour traiter ces doctrines diverses et étrangères comme elles le méritent, c’est-à-dire comme l’œuvre du séducteur, comme une attaque de Satan contre le Seigneur.
Le connaître, Lui, c’est connaître la grâce qui affermit le cœur en présence de tant de dangers divers qui l’assaillent. Les « viandes » ont-elles jamais « profité à ceux qui y ont marché ?» Nous voyons, au chap. 9:10, ce qu’étaient ces viandes. Elles faisaient partie du culte judaïque. Il s’agit surtout des viandes dont on devait user ou s’abstenir sous la loi (Lév. 11). Le christianisme avait aboli tout cela. Pierre, envoyé pour ouvrir la porte aux gentils, avait dû apprendre au préalable que ce que « Dieu avait purifié », il ne devait pas le tenir pour impur (Actes 10:15). Cela ne profitait à aucun des sectateurs de la loi d’en être occupé. Quel objet pour leurs cœurs ! Christ était la substance de toutes ces choses, la seule nourriture de l’âme.
« Nous avons un autel dont ceux qui servent le tabernacle n’ont pas le droit de manger » (v. 10). Le mot « autel » est employé ici, comme en plusieurs autres passages, pour ce qui est offert sur l’autel. Ces Hébreux chrétiens n’étaient plus des Juifs possédant un culte auquel d’autres qu’eux ne pouvaient prendre part. Entre le judaïsme et le christianisme, les rôles étaient maintenant renversés. L’autel de Dieu, l’Agneau de Dieu, appartenait aux chrétiens. Eux seuls y avaient droit, et le judaïsme n’avait plus d’autel, plus de culte. Les Juifs sous la loi avaient plusieurs sacrifices, les chrétiens, un seul qui les résumait tous. Christ est à la fois l’holocauste, le sacrifice pour le péché et tous les autres. Bien plus, le Juif qui servait le tabernacle terrestre, n’avait pas le droit de manger de cet autel, car la loi le lui interdisait positivement : « Car les corps des animaux dont le sang est porté, pour le péché, dans les lieux saints, par le souverain sacrificateur, sont brûlés hors du camp » (v. 11). L’apôtre fait allusion ici d’une manière particulière au sacrifice du grand jour des expiations, jour central dont les cérémonies sont à la base de toute l’instruction donnée dans l’épître aux Hébreux.
Tout le christianisme est la réalité de ce jour typique, dont la teneur, en type aussi, mettait d’avance fin au judaïsme. « Nous avons un autel » ne signifie donc pas que les chrétiens en aient un, tandis que les Juifs en auraient un autre, mais que désormais les Juifs n’en ont aucun. Oui, nous avons un autel, Christ lui-même, son sacrifice, nos péchés ôtés, le péché, branches et racines, définitivement jugé de par Dieu ; et comme dans le système juif, Dieu, le sacrificateur et l’adorateur avaient leur part dans le sacrifice, nous pouvons nous nourrir en communion avec Dieu, de ce qui est Sa part et la nôtre, et cela, dans le sacrifice du grand jour des expiations auquel aucun Juif ne pouvait participer. Un Juif ne pouvait manger des bêtes dont le sang était porté dans les lieux saints. Chaque fois que cet acte avait lieu, leur corps était brûlé hors du camp (Lév. 4:7, 12 ; 6:23 ; 16:27). Mais l’autel qui était interdit à Israël, est notre autel à nous, chrétiens. Quel contraste ! Quelle chose incomplète et débile que leur religion, alors même que Dieu l’avait ordonnée ! Il y avait un sacrifice, le seul efficace, auquel ils ne pouvaient prendre part ; ils restaient sous la sentence de mort ; ils avaient un sanctuaire et ne pouvaient y entrer. Entre le lieu saint et le lieu très saint était un voile qu’ils ne pouvaient franchir et qui leur interdisait l’accès au sanctuaire et au trône de Dieu. Que leur restait-il ? Le camp, mais Dieu ne s’y trouvait plus. Christ est offert comme victime : aussitôt cette religion juive tombe en pièces pour être remplacée par une religion nouvelle. Les ombres disparaissent devant la souveraine lumière. Les chrétiens ont un autel, mangent la chair et boivent le sang qui leur donnent la vie éternelle ; ils ont un libre accès dans le sanctuaire au trône de la grâce ; le voile est déchiré,... il n’y a plus de voile, alors que, pour Israël, le voile demeure sur la face de Jésus Christ, sur les Écritures qui le révèlent, sur le cœur du peuple qui ne le connaît point ; plus de voile pour nous, en aucune manière ; l’accès dans la pleine lumière de la présence de Dieu nous est frayé, la face de Jésus Christ est découverte, la face du croyant, sans voile, pour contempler la gloire de Dieu. L’Évangile qui nous la révèle resplendit à nos yeux sans voile !
Oui, dans le sacrifice de Christ, Dieu s’est pleinement révélé. Sa gloire, c’est-à-dire sa sainteté, sa justice, son amour et sa grâce, sont mises en lumière dans la face de Jésus Christ ; et par ce même sacrifice nous sommes rendus tels que nous pouvons nous tenir devant cette face glorieuse ! Nous avons un autel dont le sang a été porté dans le sanctuaire par notre souverain sacrificateur lui-même, qui l’a placé sur le propitiatoire, sur le trône de la grâce. Dieu n’a plus nos péchés devant ses yeux, mais le sang qui les a ôtés. Approchons-nous donc en pleine assurance de foi. C’est là, comme toujours, le résumé de cette précieuse épître.
Mais les corps des animaux dont le sang est porté, pour le péché, dans les lieux saints, par le souverain sacrificateur, sont brûlés hors du camp. Il y avait sous la loi deux espèces de sacrifices : ceux auxquels les hommes pouvaient avoir leur part, ainsi l’offrande du gâteau, le sacrifice de prospérités, et même certains sacrifices pour le péché dans lesquels le sacrificateur avait sa part ; mais l’homme, par contre, n’avait aucune part à l’holocauste ; ce dernier était un sacrifice de bonne odeur consumé sur l’autel et offert entièrement à Dieu. Il en était de même du sacrifice pour le péché, dont le sang seul était porté dans les lieux saints. Il était entièrement consumé hors du camp. Christ, identifié avec le péché de l’homme était rejeté et consumé sous la colère de Dieu.
Ainsi la religion d’Israël n’avait aucune part à ce qui représentait le sacrifice expiatoire de Christ. Elle en était exclue. La victime était brûlée hors du camp et nul ne pouvait en manger. De plus, cette religion excluait l’homme de la présence de Dieu.
Que restait-il à ce peuple ? Que reste-t-il à ceux qui se placent comme lui sous le régime de la loi ? Le camp, et qu’est-ce que le camp ? Une relation religieuse terrestre avec Dieu, hors du sanctuaire, établie dans ce monde, avec des prêtres ordonnés entre l’homme et Dieu. Le camp n’est pas le monde, mais une religion de ce monde. Ce système, d’abord établi de Dieu, pour prouver expérimentalement à l’homme que Dieu ne peut habiter au milieu d’un peuple souillé par le péché, ce système avait été rompu dès le premier essai qui en avait été fait en Sinaï. À peine le peuple avait-il accepté la loi, qu’il avait fait le veau d’or, se prosternant devant une idole. Alors Moïse avait dressé la tente d’assignation hors du camp, où Dieu ne pouvait rester. Dieu consentit ensuite et pour un temps à renouveler l’expérience, à rentrer au camp avec le tabernacle, et en Canaan avec le temple, tout en s’y cachant dans une profonde obscurité et en interdisant au peuple l’entrée du sanctuaire. Ensuite, quand la vérité fit place aux ombres de la loi, il descendit au milieu de son peuple dans la personne d’Emmanuel. Mais alors, Israël ne voulut pas avoir Dieu avec lui dans le camp. — Il le jeta dehors, le crucifia, ne lui octroya pas même dans le camp une place où poser ses pieds. Ainsi, avant que Dieu entre dans le camp, Israël y établit une idole ; quand Dieu vient y demeurer, Israël le rejette et crucifie son Sauveur. « Jésus a souffert hors de la porte ». Mais là, il a accompli l’expiation. Au lieu de consumer ce peuple rebelle, il a été consumé lui-même, afin de le sanctifier par son propre sang. Tel était son but de grâce. Mais ce malheureux peuple a préféré rester dans son camp quand Dieu n’y était plus. Les fidèles, comme autrefois à la tente d’assignation, devaient sortir hors du camp pour rencontrer Dieu. Il en était ainsi pour ces Hébreux, il en est de même aujourd’hui pour le chrétien. Le principe du camp, d’une religion terrestre dans laquelle Dieu ne se trouve pas et où l’on ne peut s’approcher de lui que par un intermédiaire, subsiste dans la chrétienté et la caractérise, comme il caractérisait les Juifs d’autrefois. Il est à la base de toute religion humaine qui prétend servir Dieu avec le monde, à la base de tous les systèmes établis, non sur la foi, mais sur la profession, et où l’homme, dans la chair, pense pouvoir rendre culte à Dieu. Le camp subsiste dans ce sens, mais Dieu n’y est plus, Christ est resté hors du camp, hors de la porte où il a souffert. La rupture est définitive, et jamais cette relation selon la chair ne sera rétablie. Le système du camp est un système de religion facile où le monde se complait, sans un Christ dont il ne veut pas, où le chrétien, hélas ! s’est accoutumé à se trouver à l’aise, parce qu’il n’y rencontre pas l’opprobre. Du moment qu’il sort du camp, et fait partie de l’Assemblée de Christ, de cette secte que tout le monde contredit, il est sous l’opprobre (Actes 28:22).
« Ainsi donc, sortons vers lui hors du camp, en portant son opprobre » (v. 13). Il est facile à un chrétien de reconnaître en pratique le chemin selon Dieu. C’est celui où il a à porter de la part du monde, le même opprobre que Christ. Le fidèle se dit : « Mon Sauveur est rejeté, il est à la porte de la religion des hommes, de leur cité, méprisé par ceux qui portent son nom et ont la prétention de lui appartenir. Laisserai-je mon Sauveur hors de la porte pour rester dans le camp qui m’offre de belles apparences sans réalité ? En aucune façon ! L’opprobre même est bienvenu pour moi, puisqu’il est le seul moyen de me trouver avec Jésus ; sans opprobre je ne puis ni le rencontrer, ni goûter sa douce compagnie et son heureuse communion !
Quel contraste entre une religion terrestre comme celle d’Israël, et la religion céleste que possèdent les chrétiens. Eux sont à la fois hors du camp où ils ont trouvé Christ ici-bas, et au-dedans du voile, où ils trouvent Christ dans les lieux célestes. Israël est dans le camp sans Christ et hors du voile sans Christ. Le sang est dans les lieux saints et ce peuple ne peut s’en approcher ; le ciel est fermé pour lui et il n’a aucun accès possible devant Dieu.
La victime est brûlée hors du camp, et c’est la part du chrétien. Il est mort au péché ; il a été crucifié au monde par le corps de Christ. Ceux qui sont dans le camp ne peuvent comprendre la fin de l’homme dans la chair. Aucun de ceux qui y restent n’a jamais reconnu l’impossibilité totale d’améliorer l’homme, ni accepté que son jugement est définitif. Tous les éléments qui composent la chrétienté de nos jours, comme en tout temps, prouvent cette incapacité du monde à comprendre que l’homme est perdu et inaméliorable. Les innombrables associations pour la tempérance, pour les œuvres de relèvement, etc., en sont la preuve. Ceux qui composent le camp ne peuvent se croire perdus, ou ne donnent jamais à ce mot son vrai sens. Pour me servir des paroles d’un autre : « Une religion mondaine, formant un système dans lequel le monde peut marcher et dans lequel l’élément religieux est adapté à l’homme sur la terre, est la négation du christianisme ».
« Sortons vers lui, hors du camp ». Cette parole était de toute importance pour ceux auxquels l’apôtre s’adressait. Le jugement allait tomber sur Jérusalem ; la ville, chère à tout Juif patriote, allait être environnée d’armées, brûlée, saccagée, détruite, ses habitants passés au fil de l’épée. Ce jugement, prononcé d’avance, était sur le point de s’exécuter sur le malheureux peuple qui avait crucifié son Messie. Le cœur des Hébreux tiendrait-il à cette cité qui allait être traitée comme Sodome et Gomorrhe ? Non, Jérusalem ne pouvait en rien les attirer, puisque leur Sauveur y avait été crucifié hors de la porte. Pas plus que lui, ils n’avaient ici-bas une « cité permanente », mais ils recherchaient, comme tous les témoins de Christ, « celle qui est à venir ». Tout le système juif qui se mouvait autour du temple de Jérusalem, allait sombrer dans ce dernier cataclysme. L’apôtre frappe ici le coup de la fin comme conclusion pratique de tout l’enseignement de l’épître : Sortons ! Les Hébreux entendirent et suivirent cette parole. Aucun chrétien ne se trouvait à Jérusalem, lors du siège qui mit fin à son existence nationale.
Et nous, cherchons-nous aujourd’hui une cité permanente, un lieu d’habitation et de bourgeoisie dans ce monde ? Ou bien, consentons-nous à n’y rien avoir, rien que Lui, en attendant la cité à venir ? Dans quelques instants peut-être elle ne sera plus à venir, elle sera notre lieu de repos actuel, permanent et éternel avec le Seigneur !
« Offrons donc, par lui, sans cesse à Dieu, un sacrifice de louanges, c’est-à-dire le fruit des lèvres qui confessent son nom ». Pour le chrétien, le sacrifice par excellence a été offert une fois et ne sera jamais renouvelé, tandis qu’Israël avait à offrir continuellement des sacrifices qui ne pouvaient jamais ôter les péchés. Il reste cependant encore pour nous des sacrifices à offrir. C’est en premier lieu le sacrifice de louanges. Israël connaissait bien cette classe de sacrifices. Il est dit au Ps 27:6 : « Je sacrifierai dans sa tente des sacrifices de cris de réjouissance ; je chanterai et je psalmodierai à l’Éternel ». En Deut. 26, l’Israélite, une fois entré en possession de Canaan, avait à offrir, devant l’Éternel, les prémices de tous les fruits de la terre qu’il habitait, après les avoir cueillis et arrangés dans sa corbeille, et il reconnaissait, en se prosternant avec joie devant l’Éternel, que toutes les promesses de Dieu s’étaient réalisées envers lui, fils d’un pauvre Araméen qui périssait, dont la famille avait été réduite en esclavage, maltraitée et humiliée en Égypte. Cette cérémonie n’était qu’un type des choses que nous possédons maintenant. Nos prémices c’est Christ, Christ reçu dans le ciel. Il est les prémices de l’homme mort au péché et vivant à Dieu, de l’homme justifié, de l’homme ressuscité, béni de toute bénédiction dans les lieux célestes, déclaré Fils, assis à la droite de Dieu dans la gloire, ayant reçu l’Esprit pour le communiquer. Toutes ces choses sont à nous, en vertu de son œuvre, en sorte que nous pouvons ajouter : Nos prémices, c’est Christ reçu dans le ciel, et ce que nous sommes en lui. Présenter cela à Dieu, c’est offrir le fruit des lèvres qui confessent son nom.
« Mais n’oubliez pas la bienfaisance, et de faire part de vos biens, car Dieu prend plaisir à de tels sacrifices » (v. 16). Dans ce même chap. 26 du Deutéronome, à la suite de l’offrande des prémices, l’Israélite devait donner la dîme de sa récolte au Lévite, à l’étranger, à l’orphelin et à la veuve, afin qu’ils fussent rassasiés (v. 12-15). De même, nous avons ici en second lieu les sacrifices de la bienfaisance qui s’exerce à l’égard des déshérités. Si les cœurs montent à Dieu en louanges d’une part, ils descendent en grâce d’autre part vers ceux qui sont dans le besoin ou qui n’ont pas d’héritage dans le pays, et ces sacrifices sont agréables à Dieu. Ils se lient d’une manière intime avec les autres et ne peuvent en être séparés. Comment un cœur égoïste, avare, fermé aux besoins de ses frères, pourrait-il être ouvert en louanges à Dieu, pour ses bénédictions célestes ? Si nous voulons avoir la terre pour nous, comment prétendre posséder le ciel et en jouir ? S’il n’y a pas dans nos cœurs l’amour pour les frères et envers tous les hommes, comment l’amour de Dieu qui fait déborder le cœur en louanges, pourrait-il y demeurer ? Mais quel encouragement pour nous, quelle récompense pour un cœur dévoué, se sacrifiant pour les autres, de penser que « Dieu prend plaisir à de tels sacrifices ». On n’exerce pas la bienfaisance pour être vu et apprécié des hommes, pour en recevoir de la reconnaissance, mais pour faire plaisir à Dieu, et cela ne peut avoir lieu que lorsque le cœur trouve sa joie dans son amour et dans la communion avec Lui.
« Obéissez à vos conducteurs, et soyez soumis, car ils veillent pour vos âmes, comme ayant à rendre compte ; afin qu’ils fassent cela avec joie, et non en gémissant, car cela ne vous serait pas profitable ».
Au v. 7, l’apôtre leur avait parlé de leurs conducteurs qui, après avoir achevé la course, étaient maintenant auprès du Seigneur. Ils avaient à se souvenir d’eux et à les imiter. Il en vient ici à leurs conducteurs qui étaient encore vivants parmi eux. Ils avaient à leur obéir et à être soumis. C’était reconnaître cette autorité morale exercée en vue de leur bien. Ils pouvaient être anciens, comme nous l’avons dit plus haut, ou ne pas l’être, mais ce n’est pas leur caractère officiel, et encore moins un caractère sacerdotal, qui sont en question ici. La raison pour laquelle ils devaient leur obéir n’était pas dans leur charge, mais dans le fait qu’ils veillaient sur leurs âmes. Nous avons vu qu’au v. 7, ils étaient caractérisés par le ministère de la Parole ; ici, par leur vigilance sur les âmes des saints. Une expérience, donnée de Dieu, les rendait aptes à conseiller, à exhorter, à reprendre, en un mot, à exercer parmi eux, l’office de pasteurs. Leur discernement spirituel, les rendait très utiles pour conduire ceux qui n’avaient pas la même expérience. Ils ne pouvaient s’arroger de l’autorité, car ils avaient à rendre compte pour eux-mêmes et dépendaient du Seigneur. Les fidèles, en ce qui les concernait, ne pouvaient marcher dans l’indépendance et faire valoir leurs droits vis-à-vis d’eux, sans se soulever contre Dieu qui les avait donnés. Cela était arrivé jadis dans la révolte de Coré. Ce dernier (Nomb. 16) avec ses acolytes, s’était attroupé contre Moïse et contre Aaron, sous le prétexte que toute l’assemblée étant sainte, et l’Éternel étant au milieu d’elle, c’était s’élever au-dessus de la congrégation de l’Éternel que d’occuper la place de conducteur. Ces révoltés tombèrent sous un jugement terrible. On trouve d’autre part, dans l’exemple d’Abimélec (Juges 9), la classe des hommes qui, s’arrogeant l’autorité de conducteurs, sans penser qu’ils ont à rendre compte de leur propre conduite quant aux autres, suppriment les vrais conducteurs et détruisent en somme le peuple de Dieu. Le jugement de Dieu atteint aussi sévèrement un Abimélec qu’un Coré, car Abimélec était comme le méchant serviteur de Matthieu 24:48, qui battait ceux qui étaient esclaves avec lui et qui fut coupé en deux et eut sa part avec les hypocrites.
« Priez pour nous, car nous croyons que nous avons une bonne conscience, désirant de nous bien conduire en toutes choses. Mais je vous prie d’autant plus instamment de faire cela, afin que je vous sois rendu plus tôt ».
Après les conducteurs, nous trouvons l’apôtre. Il aurait eu le droit de faire valoir son autorité, mais ne demande que leurs prières. Sa conscience ne lui reprochait rien. « Il s’était toujours conduit en toute bonne conscience devant Dieu », comme il le disait aux Juifs (Actes 23:1), et il « s’exerçait à avoir toujours une conscience sans reproche devant Dieu et devant les hommes », comme il le disait aux nations (Actes 24:16), en sorte qu’ils n’avaient pas à intercéder pour lui au sujet de sa conduite, comme nous sommes si souvent obligés de le faire, quand nous pensons les uns aux autres devant Dieu.
Mais il s’agissait de l’œuvre du Seigneur que l’ennemi cherchait de toute manière à entraver, et l’apôtre sentait combien il avait besoin d’être soutenu et encouragé, afin de ne céder en rien à l’ennemi et de continuer son ministère avec la même persévérance. C’est ainsi qu’il disait aux Colossiens : « Priant en même temps aussi pour nous, afin que Dieu nous ouvre une porte pour la parole, pour annoncer le mystère du Christ... afin que je le manifeste comme je dois parler » (Col. 4:3-4). Et il les priait d’autant plus instamment de le faire, afin qu’il leur fût rendu plus tôt. Il avait d’un côté conscience de l’importance de son ministère auprès d’eux ; de l’autre, il avait confiance dans leur amour pour lui, car l’amour est confiant et ne doute pas de trouver la réciprocité.
« Or le Dieu de paix qui a ramené d’entre les morts le grand pasteur des brebis, en vertu du sang de l’alliance éternelle, notre Seigneur Jésus, vous rende accomplis en toute bonne œuvre pour faire sa volonté, faisant en vous ce qui est agréable devant lui, par Jésus Christ, auquel soit la gloire aux siècles des siècles ! Amen !» (v. 20, 21).
Après l’apôtre nous trouvons le grand pasteur des brebis. De tout temps, l’Éternel avait été lui-même le Berger d’Israël, et dès la sortie d’Égypte il avait établi sur son troupeau des pasteurs pour le paître et le conduire ; tels Moïse, David, tels les rois institués comme bergers de ce peuple. Tous ont failli ; la lignée des pasteurs infidèles se termine à l’antichrist, le pasteur de néant de Zacharie 11. Mais dès le début, Dieu avait en vue son Bien-aimé, le vrai Joseph, le vrai David (Genèse 49:25 ; Éz. 34:23 ; 37:24), pour paître Israël, son peuple. Jésus est envoyé aux brebis perdues de la maison d’Israël, et lorsqu’il entre par la porte dans la bergerie, il est rejeté. Il laisse sa vie pour ses brebis, mais il annonce en même temps qu’il a d’autres brebis, les gentils, qui ne sont pas de la bergerie juive, et qu’il sera le seul berger de ce seul troupeau (Juifs et gentils). Lorsque son sang eut été versé, il fut ramené d’entre les morts, non seulement avec le titre de « bon berger » qu’il avait ici-bas, mais avec celui de « souverain pasteur » (1 Pierre 5:4) ou, comme dans notre épître, de « grand pasteur des brebis ». Cela mettait de côté la prétention d’Israël d’être le seul troupeau de l’Éternel, et même d’avoir le Messie comme son berger, puisqu’ils l’avaient ignominieusement rejeté. Sans doute, les promesses de Dieu sont sans repentance et s’accompliront envers ce peuple dans un temps futur, quand il le ramènera dans son pays, le paîtra sur les montagnes d’Israël (Éz. 34:11-16), et fera avec lui une nouvelle alliance, bien plus, cette alliance éternelle établie d’avance avec David (2 Sam. 23:5), et promise à Israël, s’il revient à Dieu et l’écoute : « Je ferai avec vous une alliance éternelle, les grâces assurées de David » (Ésaïe 55:3).
Mais quand l’apôtre parlait aux Hébreux, Israël était sans Berger. Ce dernier avait été frappé et les brebis dispersées, et il fallait désormais appartenir au peuple chrétien pour faire partie du troupeau de ce Pasteur ramené d’entre les morts. C’était le privilège de ceux auxquels l’apôtre écrivait. Christ était pour eux le « grand pasteur des brebis », comme il était le grand apôtre, et le grand souverain sacrificateur (Héb. 4:14). Remarquons combien tout est « grand » dans cette épître, comparé au système imparfait, périssable, que ces Hébreux avaient abandonné. Tout s’abaisse jusqu’en terre lorsque le Seigneur paraît ; les anges l’adorent, David n’est plus que quelqu’un, Abraham paye la dîme, le souverain sacrificateur disparaît devant le grand souverain sacrificateur éternel, selon l’ordre de Melchisédec, et ce qu’il apporte, c’est le grand salut !
Toutes ces choses étaient perdues pour ce pauvre peuple aveuglé. Le sang versé témoignait contre eux ; il restait sur leurs têtes, au lieu de les amener à la bénédiction. L’ancienne alliance que Dieu avait si fidèlement gardée, ils l’avaient violée d’une manière outrageuse ; elle était anéantie ; la nouvelle alliance n’était pas encore conclue avec eux, tandis que ces Hébreux possédaient tout le bienfait de l’alliance éternelle, dont le sang avait été versé en leur faveur. Toutes les bénédictions spirituelles dans les lieux célestes leur appartenaient, en vertu du sang de la rédemption. Ce sang avait répondu à toutes les pensées de Dieu ; par lui la paix était faite. En vertu de son effusion, Dieu était manifesté comme le Dieu de paix. C’est ainsi que ces Hébreux le connaissaient ; c’était le caractère qu’il avait pour eux. Quelle différence d’avec le Dieu de l’ancienne alliance auquel on aurait voulu les ramener ! Ce Dieu de paix avait été si pleinement glorifié par le sacrifice de Christ, qu’il l’avait ressuscité d’entre les morts et l’avait donné comme grand pasteur à ses brebis. Leurs relations actuelles et éternelles étaient avec le Dieu de paix et avec Christ ressuscité, comme pasteur. Ce pasteur était leur « Seigneur », celui qui, en les rachetant comme son peuple particulier, s’était acquis tous les droits sur eux, droits que son troupeau reconnaissait.
Maintenant, l’apôtre désire que le Dieu de paix, en agissant dans leurs cœurs, les rende accomplis en toute bonne œuvre. Tel était aussi le but du Seigneur en les rachetant (Tite 2:14). « En toute bonne œuvre ». Combien fausses sont les pensées des hommes, combien défectueuses souvent les pensées des chrétiens au sujet des bonnes œuvres. Les bonnes œuvres ne peuvent être que le produit de la vie divine chez le croyant ; le monde ne peut en faire ; un mort ne peut produire que des « œuvres mortes ». Le caractère d’une bonne œuvre c’est d’être préparée par Dieu (Éph. 2:10), faite au nom de Christ (Actes 4:9), envers Christ (Marc 14:6), par la foi en Christ (1 Thess. 1:3), et devant Dieu le Père (ibid).
Le Dieu de paix qui les avait donnés à Christ, était capable de les former pour qu’ils pussent reproduire ce qui avait caractérisé leur Sauveur comme homme dans ce monde. Qu’il « vous rende accomplis en toute bonne œuvre pour faire sa volonté, faisant en vous ce qui est agréable devant lui, par Jésus Christ ». Si leur grand pasteur avait suivi ce chemin et était arrivé à la résurrection d’entre les morts, eux pouvaient le suivre en imitant leur Sauveur, comme la brebis du Psaume 23, et arriver à la même fin que lui. « À lui soit la gloire aux siècles des siècles, Amen ! »
« Or je vous exhorte, frères, à supporter la parole d’exhortation, car c’est en peu de mots que je vous ai écrit » (v. 22).
On pourrait, en effet, intituler cette épître une parole d’exhortation. Chaque fois qu’il a établi un grand principe, l’apôtre en tire, du commencement à la fin, les conclusions pratiques, comme de nombreux passages le démontrent (*). L’apôtre avait été bref sur bien des sujets. Il y en avait sur lesquels il avait « beaucoup de choses à dire » qu’il ne pouvait développer, vu l’état de ceux auxquels il parlait (5:11). Il y en avait d’autres sur lesquels il ne jugeait pas avoir alors à parler en détail (9:5), d’autres encore pour lesquels le temps lui manquait (11:32), mais la parole d’exhortation occupait une grande place dans son épître et il les exhortait à la supporter. La même exhortation s’adresse à nous aussi. Puissions-nous y prendre garde !
(*) 2:1 ; 3:1, 7 ; 4:1, 11, 14 ; 6:1, 11-12 ; 10:19-25, 32-39 ; 12:1-17, 28 ; 13:1-9, 13-19
« Sachez que le frère Timothée a été mis en liberté : s’il vient bientôt, je vous verrai avec lui.» Cette parole suffirait pour désigner l’auteur de l’épître, si nous n’avions ces mots de l’apôtre Pierre adressés à des Hébreux : « Comme notre bien-aimé frère Paul vous a écrit selon la sagesse qui lui a été donnée » (2 Pierre 3:15). C’est ainsi que, dans les moindres détails, la Parole s’interprète elle-même.
« Saluez tous vos conducteurs et tous les saints. Ceux d’Italie vous saluent. La grâce soit avec vous tous ! Amen ! » (v. 24-25). L’épître n’était pas adressée aux conducteurs, mais aux simples fidèles. Toute pensée de position cléricale est ainsi écartée par la sagesse de l’apôtre inspiré. Les Hébreux avaient à les saluer. Leur place d’honneur était maintenue au milieu de tous les saints, mais non par des droits acquis qu’ils pussent revendiquer vis-à-vis du troupeau.
Quand l’apôtre écrit, non seulement les saints de Rome, mais ceux d’Italie, sont avec lui. Finalement il les confie à la grâce qui, d’une manière si remarquable, remplit toute cette épître. Il ajoute enfin son amen au sujet de la grâce avec eux, comme il l’a prononcé (v. 21) sur la gloire du Seigneur Jésus Christ, aux siècles des siècles !