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ÉTUDE SUR L’ÉPÎTRE À TITE
par H. Rossier
Table des matières :
On a fait remarquer avec justesse que la première épître à Timothée et l’épître à Tite tirent chacune son caractère de la mission dont l’apôtre avait chargé ses deux délégués et compagnons d’oeuvre. Timothée devait veiller sur la saine doctrine (1 Tim. 1:3-4), Tite, sur l’ordre dans la maison de Dieu (Tite 1:5).
Ayant l’intention de nous occuper exclusivement de l’épître à Tite, nous n’insisterons pas sur les contrastes entre ces deux épîtres, et sur ce en quoi elles diffèrent. D’autres l’ont fait beaucoup mieux que nous. Nous nous bornerons plutôt, au courant de cette étude, à présenter leurs points de contact, pour aider selon notre faible mesure à l’explication de cet important sujet.
L’épître à Tite, tout en insistant beaucoup, comme la première épître à Timothée, sur la doctrine ou l’enseignement parmi les saints (le terme grec est le même pour ces deux mots (*)) , en l’opposant à l’enseignement des faux docteurs, insiste davantage sur les vérités fondamentales du christianisme. Elle fait ressortir les fruits de ces vérités dans la vie pratique des croyants, en sorte qu’un bel ordre puisse caractériser la maison de Dieu et une belle harmonie exister entre tous ses membres.
(*) Didaskalia; 1:9 ; 2:1, 3, 7, 10. Voyez 1 Tim. 1:10 ; 2:7 ; 4:6, 13, 16 ; 5:17 ; 6:1, 3.
La «saine doctrine» comprend tous les principes divins qui nous sont exposés dans les trois passages capitaux de cette épître. Nous trouvons, en effet :
dans le premier de ces passages (chap. 1:1-4) , la doctrine du christianisme, résumée dans les grandes vérités qui le caractérisent ;
dans le second (chap. 2:11-14), la somme du christianisme, non plus dans ses vérités caractéristiques, mais dans sa réalisation pratique quant à notre marche et à notre conduite ;
le troisième enfin (chap. 3:4-7), nous renseigne sur l’oeuvre de Dieu en nous et sur les moyens dont il s’est servi pour nous amener à Lui et nous acquérir le salut.
Nous aurons occasion de reprendre et d’expliquer en détail tous ces passages ; mais avant de les aborder une remarque s’impose : Il est de toute importance, dans les jours que nous traversons, d’insister sur la grande vérité que voici :
La pratique de la vie chrétienne est inséparable de la saine doctrine. En effet, l’on rencontre de plus en plus aujourd’hui la prétention d’amener les chrétiens à produire des fruits selon Dieu, en dépit des doctrines malsaines qui altèrent ou ruinent les vérités souvent les plus essentielles du christianisme. On jette du discrédit sur les Saintes Écritures, seul et infaillible recueil de ces vérités. En ôtant à la vie chrétienne sa base absolue qui est la Parole inspirée, on oublie que des fruits ne peuvent être produits sans l’arbre qui les porte.
En estimant l’homme déchu capable, sans la Révélation, de produire par lui-même des fruits pour Dieu, on oublie qu’un mauvais arbre ne portera jamais de bons fruits. En faisant de la parole de Dieu un guide doué d’une moralité supérieure, mais écrit sous l’influence des erreurs et des préjugés de ses divers auteurs, on oublie qu’un bon arbre, privé de la sève qui l’alimente, par la mutilation de son écorce, est incapable de fournir une récolte suffisante, ou même une récolte quelconque.
La liaison intime entre la doctrine et la vie pratique se retrouve à chaque pas dans les Écritures. Le Psaume 119 nous montre que, par la Parole seule le sentier du juste est tracé et illuminé. Sans l’enseignement de l’Écriture, le croyant confesse avoir été «comme une brebis qui périt». Les deux épîtres à Timothée sont pleines de cette vérité. En 2 Tim. 3:16, ce sont les Écritures divinement inspirées qui nous enseignent et nous instruisent quant à la justice pratique pour toute notre conduite. Le Chap. 2 de notre épître suffirait à lui seul pour nous convaincre de cette importante vérité, et nous dispenser d’en multiplier à l’infini les exemples. Cependant souvenons-nous encore que, même le chrétien qui a une pleine confiance dans l’autorité absolue de la Parole écrite, verra toujours la saveur de sa vie pratique dépendre de la mesure dont il se nourrit des Écritures, dont il reste en contact avec elles et se soumet à leur enseignement.
«Paul, esclave de Dieu, et apôtre de Jésus Christ selon la foi des élus de Dieu et la connaissance de la vérité qui est selon la piété, dans l’espérance de la vie éternelle que Dieu, qui ne peut mentir, a promise avant les temps des siècles... ; mais il a manifesté, au temps propre, sa Parole, dans la prédication qui m’a été confiée à moi selon le commandement de notre Dieu Sauveur, — à Tite, mon véritable enfant selon la commune foi : Grâce et paix, de la part de Dieu le Père et du Christ Jésus notre Sauveur !» (v. 1-4).
Tel est le premier passage capital de notre épître. Comme nous l’avons dit, ces quatre versets résument et condensent en quelques mots le sujet inépuisable des grandes vérités du christianisme.
Nous apprenons d’abord que la source de ces bénédictions se trouve en Dieu lui-même. Il nous est présenté en premier lieu dans son caractère absolu, comme Dieu ; puis comme le Dieu vrai qui ne peut mentir ; puis comme le Dieu Sauveur, se révélant comme tel à des êtres perdus ; enfin comme Dieu le Père, le Dieu d’amour. Mais c’est en Jésus Christ, notre Sauveur, que nous avons la révélation de tout ce que Dieu est pour nous.
L’apôtre Paul est l’instrument de cette révélation. Il s’intitule esclave de Dieu. Ce titre ne se rencontre que deux fois dans les épîtres (ici et en Jacq. 1:1), et quelquefois dans l’Apocalypse, tandis que celui d’esclave de Christ est plus fréquent. Être esclave de Dieu suppose une dépendance absolue, la crainte et le tremblement dans l’exercice de ses fonctions, le respect de chaque parole sortie de la bouche de Dieu, le profond sentiment de notre responsabilité. En même temps, le grand apôtre des Gentils est placé par sa qualité d’esclave dans la position la plus humble et la plus basse. Cette attitude devait être en exemple à Tite qui venait d’être appelé à occuper une place d’honneur : Or si l’apôtre lui-même avait une position si humble et si dépendante, combien plus vrai encore cela devait-il être de son disciple !
Comme esclave de Dieu, Paul ne s’appartient pas à lui-même. Ce que Dieu attend de son esclave, c’est une obéissance sans réserve, une fidélité scrupuleuse à s’acquitter du message que le Maître auquel il appartient lui a confié. Mais ce message solennel n’a rien d’effrayant et ne contient aucune menace, car celui qui le porte à d’autres est esclave du «Dieu Sauveur» .
C’est pourquoi aussi Paul s’intitule «apôtre de Jésus Christ». Si Dieu a mis la vérité entre ses mains, Christ l’envoie pour la faire connaître et la répandre. Cette mission place Paul dans une relation particulière avec Christ, comme son apôtre, envoyé par Lui pour apporter au monde les vérités que Dieu avait en vue de toute éternité, vérités qui étaient offertes aux hommes, comme devant être leur part en vertu de l’oeuvre de Christ. Aussi Paul peut-il dire : «le Christ Jésus notre Sauveur» ; l’auteur du salut qui faisait partie en tout temps des desseins du Dieu d’amour à notre égard. Ce salut, Paul en parle comme lui appartenant en propre à lui-même. Il peut dire : Christ n’est pas seulement le Sauveur, mais il est le mien et celui de tous ceux qui croient en Lui : notre Sauveur. Le salut nous a été acquis par Jésus Christ. Lui-même est devenu esclave de Dieu pour nous l’acquérir, et notre serviteur pour nous l’appliquer après l’avoir accompli (Phil. 2:6-8).
Considérons maintenant en quoi consiste le ministère de l’apôtre :
1° Son apostolat n’a rien de commun avec les principes du judaïsme. Il est entièrement indépendant de la loi. Il est selon la FOI des élus de Dieu.
Il ne s’adresse ni à la chair, ni à la volonté de l’homme, mais à la foi, en contraste avec la loi. En outre, il exclut entièrement le principe juif d’un peuple établi sur le pied d’une descendance charnelle. Sans doute, cette descendance était établie à l’origine sur la foi du seul Abraham, tout en laissant subsister des relations selon la chair avec le peuple issu de lui. Mais ce peuple dans la chair, appelé à se soumettre à la loi, a perdu par sa désobéissance tout droit à être reconnu comme le peuple de Dieu et ne retrouvera plus tard ce titre que sur le pied, comme nous, de la foi des élus.
L’apostolat de Paul s’adressait à la foi individuelle et non pas à un peuple privilégié, issu d’une descendance terrestre. Ceux qui recevaient cette foi étaient les élus de Dieu qu’Il avait en vue de toute éternité, comme devant lui appartenir, et qui, sauvés par la foi, constituaient désormais par leur réunion un peuple céleste.
Ces deux choses, la foi et l’élection, caractérisent, d’une manière absolue, le christianisme, en contraste avec le judaïsme. L’une et l’autre dépendent exclusivement de la grâce et non de la loi.
2° Le second sujet de l’apostolat de Paul était «la connaissance de la vérité qui est selon la piété» .
C’était la vérité, la vérité tout entière, qu’il donnait à connaître, rien moins que cela ! Qu’est-ce donc que la vérité ? Elle est, comme nous l’avons fait remarquer autre part, la pleine révélation de ce que Dieu est (de sa nature), de ce qu’Il dit (de sa Parole) et de ce qu’il pense (de son Esprit) ; en d’autres termes, la révélation du Père, du Fils et du Saint Esprit.
Ce que Dieu est nous est révélé en Christ dans lequel toute la plénitude de la déité habite corporellement (Col. 2:9). C’est en Christ que nous connaissons Dieu comme Celui qui est lumière et qui est amour.
La vérité est ensuite ce que Dieu dit, c’est-à-dire sa Parole. «Ta Parole», dit Jésus, «est la vérité» (Jean 17:17). Cette Parole nous est apportée par Christ. Il est donc à la fois ce que Dieu est et ce que Dieu dit. Dans l’Évangile de Jean qui le présente comme «Fils de Dieu», il dit continuellement : «Je suis». Quand les Juifs lui demandent : «Toi qui es-tu ?» il leur répond : «Absolument ce qu’aussi je vous dis». (Jean 8:25). L’identification absolue en Christ de ces deux côtés de la vérité : ce que Dieu est, et ce qu’Il dit : Sa nature et Sa Parole, nous est présentée dans ce passage. C’est en Christ («en Fils») que Dieu nous a parlé, en contraste avec la manière fragmentaire dont il avait parlé autrefois par les prophètes (Hébr. 1:1), présentant par eux une partie de la vérité, tandis qu’en Christ qui est la Parole, Dieu la présente maintenant dans sa totalité. Le christianisme est la suprême et seule complète expression de la vérité, parce que la vérité nous y parle «en Fils». Elle est venue par Lui, non par Moise, parce qu’elle est venue dans une personne qui est la vérité elle-même, telle que la Parole nous la révèle.
La vérité est enfin la pensée de Dieu sur toutes choses. Cette pensée est en Christ, et l’Esprit en rend témoignage, car «l’Esprit est la vérité» (1 Jean 5:6). Il rend témoignage que la vie éternelle est en Christ et nous est acquise par son sacrifice.
La vérité trouve donc sa parfaite expression en Christ, car il est Lui-même la vérité : «Je suis la vérité», dit-il (Jean 14:6). Sous le régime de la loi, Dieu ne révélait point toute sa pensée sur quoi que ce fût. Il ne se faisait pas connaître comme le Dieu d’amour : tout au plus, la révélation que l’Éternel donna, quant à Lui-même, sous la loi fut-elle accompagnée de la proclamation de sa miséricorde (Ex. 34:6). Sous la loi, Dieu ne révélait pas non plus que l’homme est perdu, car la loi supposait la possibilité pour l’homme d’obtenir la vie en obéissant aux commandements de Dieu. L’Éternel n’y révélait pas non plus sa pensée sur le monde, car sous la loi le monde n’était pas encore présenté, comme définitivement asservi à Satan et condamné — ni sur le ciel, car l’homme étant pécheur, le ciel lui était fermé et la loi ne pouvait lui promettre qu’une bénédiction terrestre. Dieu lui-même n’était pas non plus manifesté sous la loi et restait caché dans une profonde obscurité derrière le voile. Il n’était pas non plus question, sous la loi, d’un sacrifice qui pût ôter les péchés et réconcilier, une fois pour toutes, le pécheur avec Dieu.
En résumé, la connaissance de la vérité était inconnue sous la loi, sauf d’une manière partielle. Dans sa plénitude, cette connaissance appartient exclusivement au christianisme.
Mais notons ici un second point : cette connaissance de la vérité est selon la piété.
La piété est le maintien de relations habituelles entre notre âme et Dieu, maintien puisé dans la connaissance de la vérité. Le «mystère de la piété» en 1 Tim. 3:16, n’est pas autre chose ; c’est le secret par lequel la piété est produite, par lequel l’âme est amenée à jouir de ses relations avec Dieu et y est maintenue. La vérité, comme nous l’avons vu, se résume tout entière en une seule personne, Jésus, Dieu manifesté en chair. Lui seul nous a fait connaître Dieu et nous met en relation avec Lui. C’est pourquoi «le mystère de la piété qui est grand» se résume dans la connaissance de Christ seul : «Dieu a été manifesté en chair, a été justifié en Esprit, a été vu des anges, a été prêché parmi les nations, a été cru au monde, a été élevé dans la gloire» (1 Tim. 3:16). La connaissance de la vérité, si elle n’avait pas la piété pour résultat, conduirait l’homme à sa condamnation éternelle, car elle ne le mettrait jamais en relation avec Dieu : Au lieu de posséder la vérité qui est selon la piété, on peut «la posséder tout en vivant dans l’iniquité» (Rom. 1:18) , et l’homme qui la possède ainsi sera l’objet de la colère de Dieu au lieu d’être l’objet de sa faveur.
3° L’apostolat confié à Paul avait pour base l’espérance de la vie éternelle. Cette espérance est une certitude qui n’a rien de vague ni d’incertain comme l’espérance humaine, car elle appartient à la foi. La vie éternelle avait été promise par Dieu lui-même, avant que les temps des siècles eussent commencé ; et comment Dieu pourrait-il mentir à sa propre promesse d’éternité ? N’a-t-il pas dit : «Il n’y en a point comme moi, déclarant dès le commencement ce qui sera à la fin,... en disant : Mon conseil s’accomplira ?» (És. 46:10). Les «élus de Dieu» possèdent déjà maintenant cette vie, par la foi en un Christ mort (Jean 6:54). «Il est le Dieu véritable et la vie éternelle». Quiconque croit en Lui a cette vie, non pas la vie humaine périssable, mais une vie spirituelle sans fin, la vie de Dieu lui-même, une vie capable de connaître Dieu, de jouir de Lui, d’avoir communion avec Lui, le Père, et avec son Fils Jésus Christ. Telle est «la vie éternelle» . Sans doute, aussi longtemps que le chrétien sera ici-bas, sa jouissance de cette vie sera imparfaite, mais, cette vie, nous en réaliserons bientôt toute la valeur dans la gloire, quand nous le verrons, Lui, notre vie, et Lui serons semblables ; quand nous connaîtrons comme nous avons été connus ; quand nous jouirons des ineffables délices d’une communion parfaite et ininterrompue avec Lui, l’objet de notre espérance.
Telle est la doctrine chrétienne, l’essence même du christianisme. Certes, nous pouvons nous écrier avec l’apôtre : «O profondeur des richesses et de la sagesse et de la connaissance de Dieu !» Oui, quelles richesses infinies ! Quel objet le christianisme nous donne ! Quelle assurance ! Quelle jouissance actuelle ! Quel bonheur et quelle paix dans nos relations avec Dieu ! Quelle joie accomplie dans sa communion ! Quelle certitude pour l’avenir ! Y a-t-il une connaissance qui puisse être comparée à celle que l’Évangile nous apporte ?
4° Mais il a manifesté au temps propre sa Parole. En contraste avec «les temps des siècles», il y a «un temps propre». Ce temps, nous y sommes ; c’est le jour d’aujourd’hui dans lequel Dieu a pleinement manifesté tout le conseil de sa grâce, dont nous venons de parler. Ce «temps propre», Dieu l’avait déterminé d’avance : il est maintenant apparu. Il a été inauguré par un fait unique dans l’histoire et dont la valeur n’aura pas plus de terme que l’éternité elle-même : nous voulons parler de la croix de Christ et de la résurrection du Fils de Dieu d’entre les morts. C’est là que tout le conseil de Dieu à notre égard a été pleinement manifesté. Le voile qui nous séparait de Dieu est déchiré, l’accès devant Lui ouvert dans la pleine lumière, la relation avec Lui, comme notre Père, établie à toujours, l’héritage, proclamé comme notre part avec Christ dans la gloire — et tout cela par Lui et en Lui.
Rien de semblable n’avait été annoncé ni connu auparavant. La Parole du Dieu qui ne peut mentir est maintenant manifestée. Les pensées éternelles de Dieu existaient jusque-là dans le mystère de ses conseils, elles sont maintenant connues, et la prédication de cette Parole a été confiée à Paul. Quelle importance immense avait donc son apostolat ! Dès lors la Parole de vérité est complète (Col. 1:25). Sa prédication était un commandement et nous savons comment l’apôtre y a obéi. Mais ce commandement n’avait aucune ressemblance avec la loi, car c’était, non pas l’Éternel, le Dieu du Sinaï, mais le Dieu Sauveur qui se révélait au temps convenable dans la parole dont la prédication était confiée à l’apôtre.
Paul adresse son épître à Tite (v. 4). Celui-ci était le véritable enfant de l’apôtre. Il avait été engendré selon la vérité et avait reçu cette dernière sur le même pied que son père spirituel, sur le pied de la foi. Cette foi était donc commune à Paul et à Tite (au juif et au gentil), mais Paul avait été l’instrument pour la communiquer à ce dernier.
Dieu le Père et le Christ Jésus notre Sauveur, l’amour divin et la grâce divine, s’unissent pour apporter à Tite un heureux message de faveur et de paix comme bénédictions actuelles, lesquelles étaient sa part, aussi bien que celle de l’apôtre qui avait le même Sauveur que son disciple.
«Je t’ai laissé en Crète dans ce but, que tu mettes en bon ordre les choses qui restent à régler, et que, dans chaque ville, tu établisses des anciens, suivant que moi je t’ai ordonné : si quelqu’un est irréprochable, mari d’une seule femme, ayant des enfants fidèles, qui ne soient pas accusés de dissipation, ou insubordonnés. Car il faut que le surveillant soit irréprochable comme administrateur de Dieu, non adonné à son sens, non colère, non adonné au vin, non batteur, non avide d’un gain honteux, mais hospitalier, aimant le bien, sage, juste, pieux, continent, tenant ferme la fidèle Parole selon la doctrine, afin qu’il soit capable, tant d’exhorter par un sain enseignement, que de réfuter les contredisants» (v. 5-9).
Nous venons de voir quelles sont les bases du christianisme : La foi des élus, la vérité selon la piété, la vie éternelle, la Parole de Dieu, enfin la prédication qui puise ces choses dans la Parole. Tous ces sujets sont compris dans ce qui est appelé «la sainte doctrine». Les versets 5 à 9 que nous venons de citer traitent du bon ordre dans l’Assemblée, mais le bon ordre ne peut avoir lieu sans la saine doctrine et l’enseignement qui la présente. C’est ce que nous avons fait remarquer dès le début de cet écrit.
Cet enseignement est confié à tous ceux auxquels Dieu a donné une responsabilité spéciale dans l’assemblée : à Tite d’abord (2:1), aux anciens (1:9), aux femmes âgées, dans une mesure, il est vrai, très limitée (2:3), aux jeunes hommes (2:7). Enfin l’enseignement a son modèle parfait dans l’enseignement de la grâce qui est apparue en Jésus (2:12).
L’administration confiée à Tite consistait à établir, régler et maintenir le bon ordre dans les assemblées de Dieu en Crète, tandis que l’administration confiée à Timothée dans l’assemblée d’Éphèse consistait à veiller d’une manière spéciale sur la doctrine, afin qu’elle ne fût pas falsifiée. L’administration confiée à l’apôtre Paul était infiniment plus étendue que celle de ses délégués : il avait la gestion du mystère du Christ dans ce monde (Éph. 3:2, 9 ; 1:10 ; 1 Cor. 9:17), du mystère caché dès les siècles et dès les générations, mais révélé maintenant par l’Esprit. Ce mystère était l’union en un seul corps de l’Église avec Christ. Paul avait à faire connaître à cette dernière sa position et sa vocation, et la gérance de ce mystère était inséparable d’un travail incessant et d’une surveillance continuelle, car l’apôtre désirait présenter à Christ son Épouse comme une «vierge chaste» .
Quant à Tite, il s’agissait plutôt, mais non pas exclusivement, de maintenir l’ordre extérieur dans les relations individuelles des chrétiens entre eux. Sous ce rapport, il restait plusieurs choses à régler, entre autres d’établir des anciens.
La question des anciens, soulevée tant de fois par ceux qui défendent le clergé dans les églises protestantes, et éclairée à la lumière de la Parole, semble désormais réglée pour quiconque est soumis à l’autorité des Écritures, en sorte qu’il paraît inutile d’en faire une nouvelle exposition, aussi nous bornerons-nous à la résumer.
Les anciens, nom identique à celui d’évêques ou surveillants, sont soigneusement distingués des dons de l’Esprit ou des dons accordés par Christ glorifié à son Église. L’identification de ces dons avec les charges d’évêques (ou surveillants) et de diacres (ou serviteurs) est une marque de la ruine de l’Église et a très vite caractérisé cette dernière après l’abandon du premier amour. Les anciens, ainsi que les diacres, sont des charges locales (c’est-à-dire ne dépassent pas la circonscription d’une assemblée locale). Ces charges existaient, non pas officiellement, mais tout aussi réellement, dans les assemblées sorties du Judaïsme, tandis qu’elles étaient établies dans les assemblées des nations par l’apôtre ou par ses délégués. Il pourrait y en avoir eu d’autres, mais deux de ces délégués seulement, Timothée et Tite, sont mentionnés dans les épîtres comme envoyés par l’apôtre Paul. En tout cas nous ne sommes autorisés à reconnaître que ceux qui sont mentionnés dans la Parole. Tite est le délégué dont notre épître nous occupe.
Les dons existeront jusqu’à la fin (Éph. 4:11-14). Jamais cela n’est dit des charges. Leur absence actuelle (car nous ne reconnaissons en aucune manière des anciens institués en contradiction flagrante avec la parole de Dieu), est une preuve tout aussi palpable de la ruine de l’Église, que leur institution sans la sanction des Écritures. Où se trouve, en effet, maintenant l’autorité pour les établir ? Sans doute le Seigneur met au coeur des siens, là où ils sont réunis selon sa Parole, de répondre au besoin de surveillance qui se fait sentir au milieu des assemblées, mais tout établissement ou consécration d’anciens, d’une autre manière que celle qui est enseignée par la Parole est en contradiction avec la pensée de l’Esprit de Dieu. Les chrétiens soumis à la Parole s’en tiendront strictement, sur ce point comme sur tout autre, à l’enseignement qu’elle nous donne.
Le don et la charge locale peuvent exister chez le même individu, mais ils ne sont jamais confondus dans l’Écriture. De manière ou d’autre, tous les anciens étaient censés paître le troupeau, mais il y avait des anciens qui ne servaient pas dans la Parole. Outre leurs fonctions qui consistaient à surveiller le troupeau et à en prendre soin, les anciens devaient être capables d’enseigner, de retenir ferme la Parole selon la doctrine, d’exhorter selon elle et de réfuter les contredisants, mais travailler dans la Parole et dans l’enseignement n’était pas indispensable à leur charge ; de fait, ce n’était pas leur charge. Voyez 1 Tim. 5:17 où il est dit : «Spécialement ceux qui travaillent dans la Parole et dans l’enseignement».
Nous trouvons donc, dans les vers. 6-9 les qualités requises des anciens pour que Tite pût les établir. Il s’agit en premier lieu (v. 6) de qualités que nous appellerons extérieures, parce qu’elles peuvent être contrôlées par tous. Elles se manifestent, chez l’ancien, dans la conduite de sa maison et dans la vie de sa famille. Il fallait que, sous ce rapport, l’ancien fût irréprochable. Comment aurait-il pu reprendre les autres s’il méritait lui-même des reproches ? Il devait être marié et ne pouvait avoir deux femmes, chose qui n’était pas selon l’ordre divin établi à la Création, mais chose habituelle parmi les Gentils et commune chez les Juifs qui renvoyaient une femme qui ne leur plaisait pas pour en prendre une autre. L’ancien devait gouverner selon Dieu sa propre famille (pour être ancien, il était nécessaire qu’il eût des enfants) sinon, comment le gouvernement de l’assemblée pouvait-il lui être confié ? Ses enfants devaient être fidèles. La fidélité suppose la conversion, la foi, la piété. Il ne fallait pas que ses enfants pussent être accusés de dissipation, c’est-à-dire d’abandon de soi-même et d’inconduite. Tel avait été autrefois le cas des fils d’Héli. Ceux-ci avaient été en piège à leur père qui n’avait pas sévi contre eux et les «avait honorés plus que l’Éternel» . Aussi leurs débordements avaient attiré un jugement terrible sur eux et sur leur père. Les enfants de l’ancien ne devaient pas encourir le reproche d’insubordination, en ne reconnaissant pas l’autorité de leur père sur eux. À ces traits le monde pouvait apprendre qu’un ordre selon Dieu était maintenu dans la famille de l’ancien.
Le v. 7 nous présente l’Ancien lui-même quant à ses qualités intérieures et personnelles. S’il devait être irréprochable dans sa vie de famille, il devait l’être aussi comme administrateur de Dieu. Il n’était responsable, ni envers l’apôtre qui avait ordonné son établissement, ni envers Tite qui l’avait établi, mais envers Dieu qui lui confiait l’administration de sa maison. Nous trouvons donc ici trois degrés dans l’administration : d’abord l’apôtre, puis Tite, son délégué, puis l’ancien, mais tous ayant leur responsabilité envers Dieu seul. Combien cela est important à maintenir ! Quelle que soit la tâche que Dieu nous a confiée, c’est envers Lui que nous devons nous en acquitter. Les administrations, comme nous l’avons vu, sont très diverses ; un ancien ne pouvait empiéter sur celle de Tite, ni un Tite sur celle de l’apôtre. En faisant ainsi, l’un ou l’autre aurait fait preuve d’une suffisance et d’une indépendance des plus coupables, qui aurait amené un désordre complet dans ces diverses administrations, mais il n’en restait pas moins vrai que la responsabilité de chacun — ici, celle de l’ancien — était complète et nullement atténuée vis-à-vis de Dieu, parce qu’il se trouvait dans une position subordonnée. Ici cette administration était extérieure, sans doute, mais il n’y a rien d’indifférent quand il s’agit de la maison de Dieu.
Quant aux qualités personnelles nécessaires à l’ancien, l’apôtre signale d’abord cinq qualités négatives.
1° non adonné à son sens. L’absence de cette première qualité négative n’est, hélas ! que trop fréquente chez les enfants de Dieu. On ne réussit jamais à faire revenir certains esprits sur leur propre opinion. Ce défaut recouvre beaucoup de satisfaction de soi-même, d’obstination, et au fond beaucoup d’égoïsme et d’orgueil avec une propre volonté qui ne veut pas se soumettre aux pensées des autres, oubliant qu’il est dit : «Étant soumis les uns aux autres dans la crainte de Christ» (Éph. 5:21). À lui seul, ce défaut rend un chrétien incapable d’être un surveillant, c’est-à-dire d’administrer sagement la maison de Dieu ; aussi vient-il en premier lieu dans la liste de ce qui disqualifie l’ancien. Une bonne administration ne va pas sans abnégation de soi-même. 2° non colère. Un homme colérique n’a pas le sage et tranquille gouvernement de lui-même, et comment gouvernerait-il les autres ? 3° non adonné au vin. Il ne s’agit pas ici d’un ivrogne, dont il est dit qu’il «n’héritera pas du royaume de Dieu», mais d’une habitude d’intempérance qui s’allie à la colère et en est souvent la cause, comme 4° «batteur» en est la suite. 5° ni avide d’un gain honteux (*). Il est dit aussi des diacres ou serviteurs en 1 Tim. 3:8 : «Non adonnés à beaucoup de vin, non avides d’un gain honteux». La même expression est employée en 1 Pierre 5:2 au sujet des anciens : «surveillant non point par contrainte, mais volontairement, ni pour un gain honteux, mais de bon gré». Il était honteux d’exercer sa charge de surveillant en vue d’en tirer un profit pécuniaire. Aimer l’argent pour l’argent est déjà un piège terrible et dispose à en recevoir de toutes mains et de toute origine.
(*) Ici la honte ne réside pas proprement dans l’amour de l’argent, convoitise réprouvée chez l’ancien en 1 Tim. 3:3, mais dans l’amour du gain auquel l’amour de l’argent conduit. Ce gain est signalé à juste titre comme honteux, parce que des fonctions saintes qui ne devraient avoir pour mobile qu’un dévouement entièrement désintéressé pour la maison de Dieu, sont employées et mises à profit pour satisfaire de basses convoitises.
Au vers. 8 nous trouvons sept qualités positives de l’ancien. Avant de les énumérer, je ferai remarquer qu’en 1 Tim. 3:2-4, quatorze qualités sont réclamées des anciens, mélangées, il est vrai, de qualités négatives. La liste est donc plus complète qu’ici (deux fois complète, pour ainsi dire), le nombre 7 jouant un rôle immense dans la parole de Dieu au point de vue moral et même, comme quelques-uns l’ont remarqué, dans la structure purement extérieure de l’Écriture sainte. Sept est le nombre complet, le nombre de la plénitude en rapport avec l’administration divine. En outre, dans l’épître à Timothée, la dignité de la charge des anciens est rehaussée par le nombre 14, en présence des fonctions des diacres et des diaconesses qui ne comportent que le nombre 7.
Revenons maintenant aux qualités positives de l’ancien qui sont énumérées dans notre chapitre.
1° hospitalier. L’hospitalité ne peut jamais s’accorder avec l’avidité du gain et l’avarice. En Hébr. 13:2, cette hospitalité est recommandée à tous les saints comme ayant eu parfois pour conséquence d’héberger des messagers divins porteurs de bénédictions spéciales. Ici le surveillant ne doit ni chercher ses aises, ni craindre le dérangement de ses habitudes. Sa maison doit être ouverte à tous ; il doit être accueillant dans ce petit cercle qui est le modèle du grand domaine de la maison de Dieu que l’ancien administre localement.
2° aimant le bien. C’est plus que «haïr le mal». Dans le dernier cas, le mal occupe les pensées en vue de s’en séparer, dans le premier c’est le bien qui les occupe, afin d’en jouir. La conséquence immédiate est que l’on s’attache aux gens de bien et que l’on a communion avec eux. 3° et 4° sage, juste. Un homme sage et juste est réfléchi, pondéré, ne se laisse pas aller à la première impression et au premier mouvement et sait peser équitablement les circonstances dans lesquelles les autres se trouvent. 5° pieux (hosios). Être pieux c’est être saint dans sa conduite et agréable à Dieu dans ses voies ; mener une vie dont Dieu est le centre, une vie réglée et nourrie par lui. 6° continent. De cette manière, les passions de la chair n’ont pas l’occasion de se manifester et les convoitises naturelles sont réprimées.
7° tenant ferme la fidèle parole selon la doctrine. Le devoir de l’ancien était d’être fermement attaché à la Parole et de la maintenir. Elle était la fidèle parole, selon l’enseignement des apôtres, parole certaine, qui ne trompe pas, sur laquelle on peut absolument compter, parce qu’elle est la parole du Dieu fidèle. Mais l’ancien ne pouvait être à l’origine «celui qui enseigne» ; il était enseigné lui-même par la doctrine confiée aux apôtres, par les saines paroles qu’ils étaient chargés de communiquer et ces paroles n’étaient pas autre chose que les «Écritures avant la lettre», mises dans la bouche des apôtres, aussi l’ancien devait-il les tenir ferme. La doctrine n’était donc autre que la pleine certitude de la Parole, parce qu’elle lui était assimilée. C’était la Parole, l’enseignement qui la présentait, non pas la doctrine qui en provenait qu’il s’agissait de tenir ferme. — Cet attachement à la Parole rendait l’ancien capable, tant d’exhorter (les fidèles) par un sain enseignement que de réfuter les contredisants (ceux qui s’opposent à la doctrine chrétienne). La capacité acquise par l’affection pour la parole de Dieu était une des choses nécessaires à l’ancien. Quand il s’agit de maintenir l’ordre dans la maison de Dieu, les qualités morales et de conduite personnelle ne suffisent pas. Sans doute, si elles étaient absentes, il n’y aurait aucune autorité morale pour l’administration, mais de fait, aucune administration n’est possible si elle n’a pas la Parole pour base et pour règle. — Ces choses n’étaient pas requises des diacres en 1 Tim. 3:8-10, sauf qu’ils avaient à «garder le mystère de la foi dans une conscience pure». Dans ce même chapitre on trouve deux mystères, celui de la foi et celui de la piété. «Le mystère de la foi» est l’ensemble des vérités, maintenant révélées, qui appartiennent à la foi. Il fallait donc, pour le simple service d’un diacre, une familiarité avec les grandes lignes de la Parole, lignes qui devaient avoir atteint la conscience pour y être gardées. Cela donnait une saveur particulière au plus humble service, comme servir aux tables, mais cela préparait le diacre à être «plein de grâce et de puissance», comme Étienne, quand il était appelé à rendre un témoignage public devant le monde.
La responsabilité de l’ancien est beaucoup plus étendue que celle des diacres ou serviteurs qui, du reste, ne sont pas en vue dans l’épître à Tite, circonstance bien explicable, puisque c’était l’assemblée qui choisissait les diacres, établis, seulement ensuite, par les apôtres pour un service particulier (Actes 6:3-5). — Pour surveiller ou maintenir l’ordre, il faut souvent pouvoir exhorter, ou réfuter les contredisants. Or la base de l’exhortation elle-même est le sain enseignement et nous avons ici l’occasion de constater ce que nous disions au début, que la sainteté pratique et une marche droite et pieuse sont inséparables de la saine doctrine, et, quoique les hommes en pensent, ne peuvent exister sans elle. C’est aussi par elle que les récalcitrants peuvent être réduits au silence et empêchés de contaminer l’assemblée en faisant opposition à la vérité.
On voit donc quelle importance est attachée à la fonction de surveillant, quand même la sphère de son exercice est limitée à l’assemblée locale. Cette charge doit être par conséquent adaptée aux circonstances locales de l’assemblée où elle s’exerce. Il en était ainsi, comme nous allons le voir, dans les assemblées de la Crète. C’est pourquoi aussi les qualités requises des anciens n’étaient pas absolument les mêmes quand il s’agissait de l’assemblée d’Éphèse dans la première épître à Timothée.
Les anciens n’étaient pas des dons du Saint Esprit caractérisés par l’universalité de leur action, mais leur activité ordinaire était le résultat pratique d’une vie sainte, pieuse, dévouée, fermement attachée à la Parole. Cependant la charge d’ancien n’excluait pas plus le don, que celle de diacre. C’est ce que nous voyons lors de la merveilleuse prédication d’Étienne en Actes 7. C’est ce que nous trouvons aussi en 1 Tim. 5:17. On voit dans ce passage que tous les anciens ne travaillaient pas «dans la parole et dans l’enseignement» . Leur travail dans ce domaine est signalé comme une exception excellente et digne d’un double honneur quant à l’aide, de quelque nature qu’elle fût, qui devait leur être donnée.
«Car il y a beaucoup d’insubordonnés vains discoureurs et séducteurs, principalement ceux qui sont de la circoncision, auxquels il faut fermer la bouche, qui renversent des maisons entières, enseignant ce qui ne convient pas, pour un gain honteux. Quelqu’un d’entre eux, leur propre prophète, a dit : «Les Crétois sont toujours menteurs, de méchantes bêtes, des ventres paresseux». Ce témoignage est vrai ; c’est pourquoi reprends-les vertement, afin qu’ils soient sains dans la foi, ne s’attachant pas aux fables judaïques et aux commandements des hommes qui se détournent de la vérité. Toutes choses sont pures pour ceux qui sont purs ; mais, pour ceux qui sont souillés et incrédules, rien n’est pur, mais leur entendement et leur conscience sont souillés. Ils professent de connaître Dieu, mais par leurs oeuvres ils le renient, étant abominables et désobéissants, et, à l’égard de toute bonne oeuvre, réprouvés» (v. 10-16).
Les versets 10 à 11 décrivent les contredisants du vers. 9, véritable plaie des assemblées de la Crète. Ils ont trois caractères : 1° insubordonnés. Ne souffrant pas d’autorité établie sur eux, ils s’y opposent et s’élèvent contre toute surveillance instituée par Dieu pour maintenir l’ordre dans sa maison ; 2° vains discoureurs. Il suffit souvent d’une certaine faconde qui recouvre et cache la nullité spirituelle et morale de ces hommes, pour attirer des chrétiens ignorants, légers ou mondains, incapables, de ce fait, de discerner le but de ces discoureurs. 3° séducteurs. Ils sont en réalité des instruments de Satan, le Séducteur par excellence, et des organes de l’Ennemi pour ruiner et détruire l’oeuvre de Dieu. Ces agents se recrutaient surtout parmi ceux qui sont de la circoncision. Rien ne séduit davantage le monde religieux qu’un système légal basé sur la capacité de l’homme pour faire le bien. La doctrine de l’incapacité absolue de l’homme pécheur ne peut aller à ces opposants. Il faut leur fermer la bouche, ne pas permettre qu’ils attaquent et détruisent la doctrine de la grâce et de la foi dans l’assemblée. Leur action renverse des maisons entières. On sait combien l’autorité du chef de famille est dangereuse quand il se laisse entraîner lui-même et cède, au lieu de résister, aux faux docteurs et aux séditieux. On a pu voir des familles entières abandonner en corps la saine doctrine de l’assemblée de Dieu, pour retourner à l’enseignement légal et devenir ainsi de nouveaux agents de ruine au lieu de contribuer à l’édification du corps de Christ.
Ces gens enseignaient ce qui ne convient pas, en opposition avec le «sain enseignement» des anciens, et avec celui de Tite lui-même qui est exhorté (2:1) à annoncer les choses qui conviennent au sain enseignement. «Ce qui ne convient pas» était ce qui nuisait nécessairement à la santé morale des chrétiens et les détournait de Christ et de la vérité. Mais il y avait à discerner leurs motifs : ils enseignaient pour un gain honteux. Voilà pourquoi il était si nécessaire de leur opposer des anciens, choisis selon Dieu et qui n’étaient pas «avides d’un gain honteux» (v. 7). Ces hommes savaient que leur marchandise frelatée serait du goût de plusieurs ; ils en tiraient du profit pour eux-mêmes, de quelque côté que leur vînt l’argent qu’ils convoitaient. Abraham aurait fait un gain honteux s’il avait accepté les dons du roi de Sodome ; Pierre aussi, s’il avait reçu l’argent de Simon le magicien.
v. 12-14. Ces discoureurs, et parmi eux les membres du peuple juif, étaient Crétois d’origine. Les Crétois avaient, eux aussi, comme d’autres nations, leur propre prophète, poète et moraliste, qui dans ses oeuvres montrait un profond mépris pour ses concitoyens. C’est ce qui arrive d’habitude, dans le monde, aux moralistes clairvoyants qui se sont donné pour tâche de connaître les hommes. Ils les ont, au bout du compte, en fort petite estime, mais ne vont jamais jusqu’au mépris d’eux-mêmes, ne s’étant jamais trouvés devant Dieu pour dire comme Job : «J’ai horreur de moi». Épiménide donc, philosophe et homme d’État, leur propre prophète, dans le seul fragment qui, sauf erreur, nous reste de lui, jugeait ainsi ses concitoyens, 600 ans avant Jésus Christ
«Les Crétois sont toujours menteurs, de méchantes bêtes, des ventres paresseux». Le mensonge, la méchanceté bestiale et la gloutonnerie, des appétits qui cherchent à se satisfaire sans travail et sans peine, tel était le portrait des Crétois ; tels peut-être, sont-ils encore. Ce témoignage est vrai, dit l’apôtre. Quant au jugement de ses concitoyens, cet homme avait parlé selon Dieu, il «possédait la vérité» (Rom. 1:18) ; il était un témoin, reconnu de Dieu, de la corruption des Crétois. Qu’y avait-il à faire à l’égard de ces hommes ? «Reprends-les vertement», dit l’apôtre à son fidèle délégué. Nous trouvons ce même mot grec en 2 Cor. 13:10, où Paul parle d’user «de sévérité, selon l’autorité que le Seigneur lui a donnée pour l’édification et non pas pour la destruction». Il s’agissait donc d’user envers les «séducteurs» de sévérité, avec autorité, fonction qui n’était pas confiée aux anciens, mais à Tite, désigné par l’apôtre, lequel lui-même avait reçu directement cette autorité du Seigneur. C’était aussi ce que Paul avait fait plus d’une fois, même à l’égard de Pierre, apôtre comme lui, quand la foi était en danger et la saine doctrine en péril. Mais la répréhension même, adressée à ces vains discoureurs et séducteurs avait l’amour pour mobile. Son but n’était pas de rejeter ces hommes encombrants et dangereux, mais de les amener à être sains dans la foi. Il fallait ce déploiement d’autorité spirituelle pour leur faire reconnaître les vérités reçues par la foi (*). Il va sans dire que cette autorité s’exerçait par l’usage de la Parole, dans la puissance de l’Esprit.
(*) Tel est ici, comme en beaucoup d’autres passages, le sens précis du mot foi tandis qu’il est plus fréquemment employé, comme au chap. 1:1, pour désigner l’état du coeur.
v. 14. «Ne s’attachant pas aux fables judaïques». Les «fables» sont mentionnées dans la première épître à Timothée (1:4) où elles sont distinctes des «généalogies interminables», tout en leur étant associées dans ce passage. Ces «généalogies» n’ont, comme on serait tenté de le supposer, aucun rapport avec les généalogies de l’Ancien Testament, et sont le mélange avec le christianisme de spéculations juives spirites et philosophiques, adoptées ensuite par le paganisme à son déclin. Les fables judaïques, qualifiées en 1 Tim. 4:7 de «fables profanes» qui ne sont que des histoires de vieilles femmes sont le produit de l’imagination orientale qui s’exerce sur les Écritures et qui, sous prétexte d’orner la vérité, la dépare et même l’anéantit. L’apôtre Pierre les appelle «des fables ingénieusement imaginées» (2 Pierre 1:16) (*).
(*) Les généalogies interminables sont des conceptions fabuleuses sur l’origine et l’émanation des êtres spirituels. Elles sont le produit de la superstition juive associée à la philosophie païenne. La Cabale ou tradition juive sur l’interprétation de l’Ancien Testament contient beaucoup d’affirmations fabuleuses quant à ces «émanations». Il y a, selon la Cabale dix «Sephiroth» ou émanations provenant de Dieu. Elles semblent avoir suggéré les Eons des Gnostiques. Sur cette théorie se greffait un système de Magique consistant surtout dans l’usage de mots de l’Écriture pour produire des effets surnaturels.
Les fables judaïques sont distinctes, dans notre passage, des «commandements des hommes», quoique les unes et les autres proviennent de «ceux qui sont de la circoncision». Les commandements dont il est question ici ne sont pas les commandements de la loi qui étaient donnés de Dieu, mais des prescriptions légales inventées par les hommes et passées à l’état de tradition, lesquelles abondent dans le judaïsme. On les rencontre à chaque instant dans les évangiles, comme par exemple le lavage des coupes et des plats et «beaucoup d’autres choses semblables» . Par ces choses, de tels hommes se détournaient de la vérité. Ils étaient en opposition complète avec l’apostolat de Paul, basé sur «la connaissance de la vérité» (1:1).
v. 15. «Toutes choses sont pures pour ceux qui sont purs». Le chrétien est pur, non pas en lui-même, mais devant Dieu, en vertu de l’oeuvre de Christ et sous l’action du Saint Esprit. (1 Cor. 6:11). Comme tel il ne peut être contaminé par la souillure et c’était précisément ce que niaient ces judaïsants par leurs «commandements d’hommes», tandis que la parole de Dieu engage le nouvel homme à marcher sur les traces de Jésus. Jamais le Seigneur ne put être contaminé par la souillure de la lèpre, ni par aucune autre souillure. Une pécheresse, une adultère, pouvaient être purifiées par Lui, jamais lui souillé par elles. Par contre, «les souillés et les incrédules» ne sont influencés par aucune pureté, car c’est le dedans, c’est-à-dire «leur entendement et leur conscience» qui sont souillés.
Au v. 16, le caractère de ces hommes souillés nous est décrit : Ils ont pour profession de connaître Dieu, tandis que leurs oeuvres sont le contraire de leur profession ; par elles, ils renient Dieu. Leurs oeuvres nous font connaître s’ils connaissent Dieu, comme ils le prétendent ; et si leurs oeuvres sont mauvaises, nous sommes fixés sur cette question. On ne peut attendre d’eux aucune bonne ouvre. Ils sont «réprouvés», entièrement rejetés de Dieu à cet égard ; ils sont «abominables et désobéissants».
Cela nous amène à considérer le caractère des bonnes oeuvres. Elles sont mentionnées six fois dans cette courte épître (1:16 ; 2:7, 14 ; 3:1, 8, 14).
Une doctrine qui ne conduit pas aux bonnes oeuvres n’est pas la «saine doctrine» et ce point est de toute importance à considérer. Il n’existe pas d’activité pratique agréable à Dieu, si elle n’a pas pour base le «sain enseignement» de la Parole. La première épître à Timothée, qui nous parle du maintien de la «saine doctrine» dans la maison de Dieu nous parle tout aussi souvent des bonnes oeuvres (2:10 ; 3:1 ; 5:10, 25 ; 6:18). Dans un passage capital, la seconde épître à Timothée nous montre (2:21) que, se retirer du mal dans la maison de Dieu, c’est être «préparé pour toute bonne oeuvre» . Or cette vérité est très peu comprise par les chers enfants de Dieu. Ils parlent à tout propos de bonnes oeuvres sans avoir jamais fait ce qui seul peut les y préparer : se purifier des vases à déshonneur. Les bonnes oeuvres ont pour caractère, d’être le produit de la sainteté et de l’amour. Jésus, le «saint serviteur de Dieu» qui avait été «oint de l’Esprit saint» , passait de lieu en lieu faisant du bien (Actes 10:38). Il n’y avait pas une des «bonnes oeuvres qu’il faisait voir aux hommes de la part de son Père» qui ne fût une oeuvre d’amour. Il en était de même de ses disciples. Dorcas était «pleine de ces bonnes oeuvres». L’amour était le mobile intérieur de toute son activité. En Hébr. 10:24, les bonnes oeuvres découlent de l’amour et en sont inséparables. De même aussi celles des saintes veuves en 1 Tim. 5:10.
En Éph. 2:10, le chrétien est créé dans le Christ Jésus pour les bonnes oeuvres, mais non pour les choisir à sa convenance, car Dieu lui-même les a «préparées à l’avance pour nous», et nous n’avons qu’à y marcher. Elles ont pour but, en Hébr. 13:21, de faire sa volonté et de lui être agréable.
Ces bonnes oeuvres, préparées par Dieu et non par nous, ce qui leur ôterait toute valeur, ont pour caractère d’être faites au nom de Christ (Actes 4:9-10). Elles ont pour objet d’être faites envers Christ (Marc 14:6) , envers les saints (Actes 9:36) et envers tous les hommes (Gal. 6:10), mais toujours d’être faites pour Christ.
Le monde ne peut rien comprendre aux bonnes oeuvres faites pour Christ, car non seulement il ne connaît pas le Seigneur, mais il est son ennemi. Le parfum de Marie est folie à ses yeux ; l’amour divin qui porte le coeur du croyant, vers les saints d’un côté, vers le monde de l’autre, est lettre morte pour l’homme naturel.
Opposées aux bonnes oeuvres, les mauvaises oeuvres ont le mal pour origine et pour but. Un chrétien, même le plus éminent, est en danger de ce côté-là et a besoin d’être délivré de toute mauvaise oeuvre (2 Tim. 4:18). Les mauvaises oeuvres caractérisent en général les ennemis de Dieu. (Col. 1:21).
Les oeuvres mortes sont l’opposé des oeuvres vivantes. Elles n’ont pas pour origine la vie divine. Elles ne sont pas appelées des «mauvaises oeuvres», mais elles n’ont aucune valeur pour Dieu, et comme elles ont la nature pécheresse pour point de départ, il faut qu’on en soit purifié (Hébr. 6:1 ; 9:14). Aussi bien que les mauvaises oeuvres, elles seront l’objet du jugement prononcé sur les hommes devant le grand trône blanc.
Quand il s’agit du bon ordre dans la maison de Dieu, on le reconnaît aux bonnes oeuvres de ceux qui font partie de cette maison, et non à leur profession. La profession n’empêchait pas les personnes mentionnées au vers. 16 de notre chapitre, d’être «abominables et réprouvées». Non seulement Dieu ne tenait pas compte de leur profession, mais les rejetait loin de Lui.
«Mais toi, annonce les choses qui conviennent au sain enseignement : que les vieillards soient sobres, graves, sages, sains dans la foi, dans l’amour, dans la patience. De même, que les femmes âgées soient, dans toute leur manière d’être, comme il convient à de saintes femmes — ni médisantes, ni asservies à beaucoup de vin, enseignant de bonnes choses, afin qu’elles instruisent les jeunes femmes à aimer leurs maris, à aimer leurs enfants, à être sages, pures, occupées des soins de la maison, bonnes, soumises à leurs propres maris, afin que la parole de Dieu ne soit pas blasphémée. Exhorte de même les jeunes hommes à être sobres, te montrant toi-même, en toutes choses, un modèle de bonnes oeuvres, faisant preuve, dans l’enseignement, de pureté de doctrine, de gravité, de parole saine qu’on ne peut condamner, afin que celui qui s’oppose ait honte, n’ayant rien de mauvais à dire de nous. Exhorte les esclaves à être soumis à leurs propres maîtres, à leur complaire en toutes choses, n’étant pas contredisants ; ne détournant rien, mais montrant toute bonne fidélité, afin qu’ils ornent en toutes choses l’enseignement qui est de notre Dieu Sauveur» (v. 1-10).
«Mais toi, annonce les choses qui conviennent au sain enseignement» (ou doctrine).
Comme nous l’avons déjà fait remarquer, tout l’ordre de la maison de Dieu, tous les rapports chrétiens des membres de cette maison entre eux, sont basés sur la «saine doctrine», enseignée et maintenue dans l’Église et sans laquelle il ne peut y avoir que confusion et désordre. N’est-ce pas ce qui explique en grande partie les aberrations de la chrétienté dans les choses qui sont spécialement exposées dans l’épître à Tite quant aux dons et aux charges, quant au rôle des vieillards et à la place des femmes âgées ou jeunes, quant aux relations des domestiques envers leurs maîtres ?
Il y a des choses qui ne conviennent pas au sain enseignement et jamais ces choses ne pourront être trouvées dans la parole de Dieu. Un enseignement, quelque élevé qu’il soit selon l’homme, ne serait pas sain s’il ne poussait les chrétiens à une vie de sainteté et de justice pratiques qui honore le Seigneur. Cet enseignement atteint toutes les classes de la famille de Dieu, mais nous devons avant tout l’appliquer à nous-mêmes pour notre vie, notre conduite et notre espérance.
La santé du corps est toujours liée à l’équilibre de ses diverses parties ; aussi les choses que Tite devait annoncer concernaient toutes les classes de ceux qui appartenaient au corps de Christ et à la maison de Dieu.
Comme de juste, l’apôtre commence par les vieillards, par ceux qui occupent une position vénérable et par conséquent particulièrement responsable de donner l’exemple dans la famille de Dieu : «Que les vieillards soient sobres, graves, sages, sains dans la foi, dans l’amour, dans la patience» (v. 2). Sobres (néphalios) a généralement trait aux boissons ou à d’autres aliments. Ainsi, sur ses vieux jours, Isaac manquait de sobriété, ce qui, ajouté aux infirmités de son âge, troublait sa vue spirituelle ; mais ici, comme en 1 Timothée, il s’agit plutôt de sobriété au sens figuré, d’un esprit qui ne se laisse pas enivrer par la passion, parce qu’il a le sentiment de la présence de Dieu. Sains dans la foi : Leur santé morale devait se montrer dans l’intelligence des objets de la foi qu’un sain enseignement leur avait présentés, car la foi n’est pas ici la réception du témoignage divin dans l’âme, mais les vérités que la parole de Dieu présente à la foi. La santé suppose, comme nous l’avons dit, un heureux équilibre en toutes choses. Le chrétien expérimenté doit avoir soin de ne pas donner dans l’enseignement une place hors de proportion à certaines choses parmi celles qui constituent la foi. Pour ne mentionner que des choses capitales, on pourrait, par exemple, mettre tout l’accent sur la position céleste du chrétien, sans insister sur sa marche et sur sa conduite, ou vice-versa.
Sains dans l’amour. Ce même équilibre moral doit se montrer dans l’amour fraternel. Faire des distinctions ou accorder des préférences à tel membre de la maison de Dieu au préjudice des autres (car il ne s’agit pas ici de l’amour pour Christ qui certes ne souffre pas de mesure), c’est ne pas être sain dans l’amour.
Sains dans la patience. Ici le manque de santé pourrait se trahir par une certaine indifférence dans l’épreuve, — chose commune chez les vieillards — ou par des sens émoussés quant à la prochaine venue du Seigneur.
Tout cela, joint à la gravité et à la sagesse (*) donne une impression de grande pondération à la vie pratique des vieillards et ne pourrait être réalisé sans la sobriété qui doit être à la base de toute leur conduite. Ils deviennent ainsi des hommes d’expérience que l’on consulte et qui contribuent à la santé et au bon ordre de toute la famille de Dieu.
(*) L’expression rendue au v. 2 et au v. 5 par sage ; au v. 6 et au v. 12 par sobre, sobrement (sophronéo), pourrait être traduite par modération et possession de soi-même.
«De même, que les femmes âgées soient, dans toute leur manière d’être, comme il convient à de saintes femmes».
Elles doivent avoir en toutes choses, dans leur abord, dans leur accueil, dans leur extérieur, une tenue convenable, parure particulière de la femme, mais il faut que cette tenue soit le reflet de leur caractère intérieur de sainteté. Cette recommandation correspond à ce qui nous est dit de la femme chrétienne en 1 Tim. 2:9-10 et 1 Pierre 3:2-5. L’absence de toute influence mondaine doit les caractériser en premier lieu.
Ni médisantes. Elles doivent tenir leur langue en bride, éviter de mal parler du prochain, piège particulièrement dangereux pour leur sexe.
Pas asservies à beaucoup de vin. C’est un danger positif pour les femmes âgées qui ont recours à ce moyen en vue de leur santé qui décline, et qui, n’ayant pas assez veillé sur elles-mêmes, tombent dans cette servitude dont l’Ennemi usera pour leur ruine morale et pour les empêcher d’exercer autour d’elles une influence salutaire. Ce cas est d’autant plus dangereux pour la femme, que sa conscience lui montrant l’impropriété de telles habitudes, elle cherchera à s’en cacher à d’autres et tombera ainsi dans l’hypocrisie.
Il y a une légère différence entre être asservi et être adonné comme cela est dit des anciens et des diacres en 1 Tim. 3:3, 8. Adonné dénote peut-être un penchant dont on ne songe pas à se cacher, bien différent de s’enivrer (Éph. 5:18), qui est une dégradation. En 1 Tim. 3:8, le petit mot «beaucoup», omis pour les anciens au v. 3, est ajouté pour les diacres. Ce petit mot nous apprend que plus les fonctions dans la maison de Dieu sont importantes, plus la responsabilité est grande d’éviter tout obstacle à une saine appréciation de tout ce qui concerne le gouvernement de la maison de Dieu.
Enseignant de bonnes choses, afin qu’elles instruisent les jeunes femmes... Ce sont maintenant les femmes âgées qui ont à enseigner. Elles enseignent dans le seul domaine où la femme puisse le faire : celui de la maison. Elles doivent enseigner de bonnes choses, des choses honorables, mais non point aux hommes. Leur cercle d’action dans la maison est beaucoup plus varié que l’enseignement, car il peut s’adresser à tous, hommes, vieillards, femmes et enfants, infirmes, pauvres, déshérités, mais, quand il s’agit d’enseignement, il est restreint aux femmes. «Je ne permets pas à la femme d’enseigner», dit l’apôtre, «ni d’user d’autorité sur l’homme, mais elle doit demeurer dans le silence» (1 Tim. 2:12). L’enseignement des femmes âgées a pour but d’amener les jeunes femmes à rendre dans leur vie un témoignage complet à l’enseignement de la Parole. Par ce mot «complet», nous faisons allusion aux sept choses qui sont recommandées aux jeunes femmes. Le nombre sept revient continuellement dans cette épître, et nous nous en sommes déjà expliqués. Il signifie toujours dans la Parole quelque chose de complet, soit en bien, soit en mal, dans le domaine spirituel.
Les jeunes femmes doivent donc être instruites à aimer leurs maris, à aimer leurs enfants, à être sages, pures, occupées des soins de la maison, bonnes, soumises à leurs propres maris, afin que la parole de Dieu ne soit pas blasphémée. L’enseignement aux jeunes femmes recommande en premier lieu l’amour, amour qui s’exerce d’abord dans le cercle restreint de la famille immédiate. Le mari a la première place dans l’affection légitime de la femme. Il peut arriver, dans le ménage chrétien, que l’affection de la femme pour ses enfants prime et parfois supprime celle qu’elle doit à son mari. Le sain enseignement met toute chose à sa place.
À être sages. Ce mot signifie la modération, la retenue, la discrétion, la possession de soi-même. En effet, il pourrait y avoir manque de retenue dans les affections les plus légitimes, et cela pourrait compromettre le caractère selon Dieu des affections de famille. Pures : La pureté est l’accompagnement nécessaire, ou plutôt la conséquence de la retenue, car il s’agit ici des relations de la jeune femme dans son cercle intime. La passion charnelle n’y a pas de place vis-à-vis du mari ; et, vis-à-vis des enfants, une stricte surveillance doit être exercée sur eux pour qu’aucune tendance impure ne soit tolérée.
Occupées des soins de la maison. La maison est, avons-nous dit, le domaine assigné à la femme. Ce domaine est infiniment varié, mais interdit absolument à la femme chrétienne d’empiéter sur le domaine public. Elle perdrait ainsi (et combien, hélas ! la chose est fréquente aujourd’hui) son caractère propre, selon les principes du gouvernement de Dieu. Partout donc où il s’agit de la maison, dans la plus vaste acception de ce terme, la femme y a sa place : soins temporels et spirituels, prière, lecture, exhortation, évangélisation, enseignement même s’il ne sort pas de ses limites, ordre matériel et moral, bienfaisance, souci des vieillards, des enfants, des malades, et combien d’autres choses encore, tout cela est du domaine de la femme. Dans notre passage, il s’agit avant tout, pour la jeune femme, des soins de sa propre maison. Son cercle s’élargira avec l’âge, de même que le cercle du jeune homme. Nous en avons un exemple dans les saintes femmes qui suivaient le Seigneur et l’assistaient de leurs biens (Luc 8:1-3). Les «soins de la maison» sont ici les soins matériels, et nous venons de voir qu’ils ne priment pas tous les autres ; mais, au point de vue chrétien, ils sont bien loin d’être indifférents. L’ordre dans la maison de Dieu ne comporte pas le désordre dans la maison de ses enfants. Il y a une règle selon Dieu à laquelle sous la direction de la femme, enfants et serviteurs doivent se soumettre ; il y a à maintenir, à distribuer, à réparer les vêtements, à pourvoir à la nourriture de tous et aux divers besoins de ce diminutif de la maison de Dieu. En toutes ces choses, la femme vertueuse des Proverbes nous est donnée comme exemple (Prov. 31:10-31).
Bonnes. La bonté, faite de compassion, de dévouement aux autres, de pensées secourables est citée ici comme correctif de l’égoïsme que pourrait engendrer le soin de sa propre maison. La bonté, en effet, s’adresse indistinctement à tous et s’ingénie à les soulager.
Soumises à leurs propres maris. La soumission vient en dernier lieu comme couronnement des qualités de la jeune femme. Ce bel équilibre en toutes choses ne peut subsister sans le renoncement à soi-même et la dépendance de l’autorité à laquelle la femme est soumise de la part de Dieu. C’est, pour ainsi dire, par l’intermédiaire du mari qui est le chef de la femme, la soumission à Dieu auquel il est soumis lui-même. Toutes ces choses réunies empêchent la femme de donner la prépondérance à l’une d’entre elles au détriment de la vie chrétienne, comme dans le cas de Marthe qui était «distraite par beaucoup de soins dans la maison» et qui négligeait ainsi la communion avec le Seigneur et avec sa parole, en un mot, c’est ce qui donne à la femme la force de maintenir l’équilibre dans toutes les parties de son témoignage.
Afin que la parole de Dieu ne soit pas blasphémée. Tout cet ordre, même matériel, fait partie, comme on le voit ici, du témoignage chrétien. Le monde qui en est le spectateur ne trouve pas, dans le désordre de la maison chrétienne, une occasion de blasphémer la parole de Dieu en rendant celle-ci responsable du mal. L’autorité de cette Parole ne peut être mise en doute quand on en constate les fruits. Ainsi nous voyons constamment reparaître dans ce chapitre cette grande vérité que la saine doctrine est à la base de toute la pratique de la vie chrétienne.
Exhorte de même les jeunes hommes à être sobres. L’exhortation aux jeunes hommes n’est pas du tout le fait des femmes âgées, mais est confiée à Tite. La seule chose, recommandée aux jeunes hommes (en contraste avec la septuple recommandation aux jeunes femmes) est la sobriété, c’est-à-dire la modération et la libre possession d’eux-mêmes (voyez la note au v. 2) , parce que, comme nous allons le voir, ils avaient pour toutes choses un modèle en Tite et dans sa conduite au milieu d’eux. C’est pourquoi il est dit de lui : Te montrant toi-même en toutes choses un modèle de bonnes œuvres. Il fallait que rien ne manquât, et c’était beaucoup dire, à la vie pratique du délégué de Paul. Nous nous sommes déjà étendus sur ce que «les bonnes oeuvres» signifient. Elles sont la manifestation extérieure de la foi et de l’amour, comme nous le voyons en 1 Thess. 1:3. L’exhortation de Tite, jeune lui-même, aux jeunes gens, devait être accompagnée de l’exemple donné par lui, sans lequel elle aurait été nulle. Mais, outre cet exemple, il était appelé à enseigner :
Faisant preuve dans l’enseignement, de pureté de doctrine, de gravité, de parole saine qu’on ne peut condamner, afin que celui qui s’oppose ait honte, n’ayant rien de mauvais à dire de nous.
L’enseignement de Tite devait avoir trois caractères : 1° La pureté de la doctrine. Il est important que la doctrine ne soit pas mélangée d’éléments douteux ou étrangers, dont la mauvaise qualité pourrait porter les auditeurs soit à en rejeter les parties saines, soit à recevoir le tout sans discernement et à devenir eux-mêmes les propagateurs de l’erreur. Ce dernier danger est d’autant plus grave que l’autorité de celui qui enseigne est moins contestée. 2° L’enseignement doit être grave. Cette qualité manque souvent aujourd’hui dans la prédication où, pour attirer l’attention, on cherche à produire de l’effet, à parler à l’imagination, à éveiller la curiosité. De telles pratiques, paroles légères ou déplacées, détruisent l’effet salutaire de la vérité, lui ôtent son caractère divin, disqualifient enfin celui qui s’en sert et qui perd ainsi le droit d’être un «oracle de Dieu» pour les auditeurs. 3° Parole saine qu’on ne peut condamner. Celui qui enseigne rencontrera toujours, et fréquemment dans les rangs de frères en vue, des adversaires qui épient ses paroles pour les accuser d’être contraires à la saine doctrine. Le «docteur» ne doit pas donner occasion à l’opposition. Telle parole, mal pondérée et pas suffisamment étayée, provient souvent du désir de présenter des nouveautés qui mettent en relief celui qui parle. Elle devient, au contraire, une arme dans la main des malintentionnés pour combattre et compromettre celui qui enseigne. Si sa parole est «saine», elle porte sa vertu avec elle ; on ne condamne pas un remède qui apporte la santé à ceux que le prennent. Celui qui attaque nos discours est alors obligé de se retirer avec honte, sans avoir trouvé un prétexte plausible à son opposition.
«Exhorte les esclaves à être soumis à leurs propres maîtres, à leur complaire en toutes choses, n’étant pas contredisants ; ne détournant rien, mais montrant toute bonne fidélité, afin qu’ils ornent en toutes choses l’enseignement qui est de notre Dieu Sauveur» (v. 9-10).
Outre les jeunes hommes, Tite avait encore à exhorter les esclaves. Il ne lui était pas ordonné d’exhorter les vieillards et les femmes âgées. Remarquons combien la Parole observe les convenances dans les moindres détails. La conduite des esclaves avait pour but d’orner en toutes choses l’enseignement de notre Dieu Sauveur. Celui qui a conscience d’avoir été sauvé (et à quel prix !) par Dieu lui-même, celui qui connaît un tel Dieu, n’a qu’un désir, c’est d’être enseigné par Lui et de porter des fruits qui soient en rapport avec la doctrine reçue. Il fallait qu’on pût dire, en voyant la conduite de ces esclaves : Ils servent d’illustration à ce qu’ils ont appris de leur excellent Maître ; on voit à leur conduite quelle école ils ont fréquentée ; en toutes choses, ils font honneur à cet enseignement. La «doctrine du Dieu Sauveur», reçue dans le coeur, a, pour les esclaves, quatre résultats :
1° La soumission à leurs propres maîtres. Il y a quelque différence entre la soumission et l’obéissance, et il est important de ne pas l’oublier quand il s’agit des autorités. L’obéissance est en rapport avec des ordres donnés ; elle est attribuée aussi bien aux enfants qu’aux esclaves. La soumission est plutôt l’acceptation d’une autorité supérieure sous laquelle on est tenu de se courber. C’est, d’une manière exclusive, l’attitude recommandée à la femme, tandis que l’esclave unit l’obéissance à la soumission.
2° À leur complaire en toutes choses. À l’école du Dieu Sauveur on apprend à ne pas se complaire à soi-même. Le Seigneur n’a-t-il pas suivi personnellement le même chemin vis-à-vis de son Dieu ? L’esclave doit toujours être en éveil pour découvrir les choses par lesquelles il peut plaire à son maître.
3° N’étant pas contredisants. Ce serait quitter sa position subordonnée que de chercher à faire valoir son opinion et de l’opposer à la pensée ou aux ordres d’un maître qui a pouvoir sur son serviteur.
4° Ne détournant rien. Ce danger est lié à la condition servile qui est accompagnée d’une certaine contrainte et de certaines restrictions, souvent injustifiées, et dont la condition de fils est exempte. On voit, dans le cas d’Onésime (Philém. 18) cette infidélité chez un esclave inconverti, abusant de la confiance de son maître. L’esclave chrétien avait, au contraire, à montrer toute bonne fidélité, une fidélité scrupuleuse dans ce qui lui était confié.
Remarquons ici combien de fois Dieu nous est présenté dans cette épître comme le Dieu Sauveur. Le chap. 1:4 nous a déjà présenté «le commandement de notre Dieu Sauveur», et dans le même verset nous lisons : «le Christ Jésus notre Sauveur». Dans le verset que nous venons de considérer (2:10), «l’enseignement est de notre Dieu Sauveur». Le v. 13 de ce même chapitre nous parle de «l’apparition... de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ» . Au chap. 3:4, «la bonté et la philanthropie de notre Dieu Sauveur sont apparues» pour nous sauver. Enfin, au v. 6 de ce même chapitre, «l’Esprit Saint est répandu... sur nous par Jésus Christ, notre Sauveur».
C’est ainsi que, dans l’oeuvre du salut, Jésus Christ n’est jamais séparé de Dieu lui-même et reste toujours en union divine et parfaite avec lui. Dieu commande, enseigne, apparaîtra comme grand Dieu dans la personne de Christ. C’est dans cette même personne que son amour est apparu et qu’il nous a sauvés. Nous attendons encore de voir apparaître sa gloire dans cette même personne. En attendant, nous possédons l’Esprit Saint, répandu sur nous par ce même Jésus Christ, notre Sauveur. En un mot, le salut acquis, l’Esprit donné, la gloire future, tout cela dépend du Christ Sauveur, image du Dieu invisible, notre Sauveur. Et, en attendant cette gloire, la grâce nous enseigne (v. 11).
La différence entre l’épître à Tite et les deux épîtres à Timothée est très remarquable sous beaucoup de rapports dont je ne veux relever que le suivant. La première épître à Timothée nous parle plutôt du Dieu Créateur et Conservateur ; la seconde qui nous présente la ruine de la maison de Dieu et le chemin du fidèle au milieu de ses décombres, insiste tout particulièrement sur la seigneurie de Christ. Le Seigneur, tel est le titre dominant que Jésus Christ prend dans cette seconde épître. (1:2, 8, 16, 18 ; 2:7, 14, 19, 22, 24 ; 3:11 ; 4:8, 14, 17, 18, 22). La méconnaissance des droits absolus du Seigneur sur nous est, en effet, ce qui caractérise les hommes aux derniers jours. Parlant de cette même période, l’apôtre Pierre dit : «Reniant le Maître qui les a achetés» (2 Pierre 2:1). Or nous, chrétiens, qui traversons les temps de la fin, nous sommes appelés à proclamer la soumission à cette autorité. Elle ne peut être prouvée autrement que par la soumission absolue à Sa Parole. Il est remarquable que, dans l’épître à Tite, où le chrétien nous est montré comme placé à chaque pas sous l’enseignement de cette Parole et en réalise l’autorité sur lui, le nom de Seigneur ne se présente pas une seule fois.
Nous arrivons maintenant au second grand sujet de l’épître. Nous l’avons signalé dans notre Introduction en le définissant ainsi : «L’enseignement de la grâce quant à notre marche et à notre conduite dans ce monde».
«Car la grâce de Dieu qui apporte le salut est apparue à tous les hommes, nous enseignant que, reniant l’impiété et les convoitises mondaines, nous vivions dans le présent siècle sobrement, et justement, et pieusement, attendant la bienheureuse espérance, et l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ, qui s’est donné lui-même pour nous, afin qu’il nous rachetât de toute iniquité et qu’il purifiât pour lui-même un peuple acquis, zélé pour les bonnes oeuvres» (v. 11-14).
Nous trouvons dans ce merveilleux passage :
1° Ce qu’est la grâce. 2° Ce qu’elle apporte. 3° À qui elle s’adresse. 4° Ce qu’elle enseigne.
En rapport avec tout le contenu de cette épître, c’est sur ce dernier point, sur l’enseignement (*) de la grâce que ce passage insiste tout particulièrement. Il est du reste d’une telle richesse, qu’il nous sera difficile, non de l’épuiser, car la Parole est inépuisable, mais même d’en présenter les grandes lignes, sans nous exposer à d’importantes omissions. Bornons-nous donc à présenter humblement ce que l’Esprit de Dieu apporte à nos coeurs quant aux paroles que nous venons de citer.
(*) Le mot employé ici pour «enseigner» (paideuo au lieu de didasko et didaskalia «enseignement ou doctrine» que l’on rencontre partout dans le reste de l’épître), nous paraît signifier plutôt un enseignement pratique et non doctrinal, tel qu’il est donné aux enfants : question de bonne tenue, de bonnes manières, d’obéissance et de respect dus aux parents, d’assiduité à l’étude, en vue d’un résultat à venir.
La mention du Dieu Sauveur (v. 10) , si remarquable dans cette épître, amène nécessairement avec elle la mention de la grâce et lui donne la première place.
La grâce n’est pas la bonté de Dieu, ni même son amour ; elle est cet amour, s’abaissant jusqu’à des pécheurs perdus pour les sauver. La grâce est ici une personne (comme en Jean 1, la Parole faite chair), une personne pleine de grâce. Elle n’est ni un principe, ni une abstraction ; elle est le Dieu Sauveur dans la personne d’un homme, apparaissant de telle manière que tout homme a pu la voir et la recevoir. Elle n’est pas apparue pour exiger quelque chose de l’homme, mais pour lui apporter une chose inestimable, le salut ! Ce qui donne à la grâce cette valeur, c’est qu’elle est la grâce de Dieu. Elle est donc souveraine et parfaite ; une grâce inférieure à celle de Dieu, ne pouvant être qu’imparfaite et temporaire. La grâce de Dieu est éternelle comme Lui. La grâce de Dieu apporte le salut. Elle ne demande ni n’exige rien de l’homme pour le sauver, comme fait la loi ; elle lui apporte, sans rien lui demander en échange. Et que lui apporte-t-elle ? Le salut.
Avant de considérer ce qu’est le salut, ce «grand salut», notons que ce passage nous parle de deux apparitions : D’abord de l’apparition de la grâce, descendue ici-bas pour apporter le salut ; ensuite de l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ. La première apparition nous apporte le salut en grâce, la seconde le salut en gloire. Le salut en grâce a été parfaitement accompli dans le passé, le salut en gloire le sera parfaitement dans un avenir si prochain qu’il est déjà comme présent pour la foi (Phil. 3:20-21).
Le caractère de la grâce est absolu. Il n’est pas dit qu’elle apportera, ni même qu’elle a apporté, mais qu’elle apporte. Cela fait du salut, parfaitement accompli, une chose actuelle, immuable, qui ne peut être changée ni révoquée. Mais de plus, elle est apparue à tous les hommes. Sa portée est universelle et personne n’en est exclu.
Cette gratuité du salut contredit toutes les pensées de l’homme depuis la chute. Jamais son orgueil ne voudra accepter que le don de Dieu ne lui coûte rien. Il acceptera facilement un Dieu Sauveur qui lui commanderait de conquérir le salut, ou lui offrirait son aide pour l’obtenir, ou enfin lui enseignerait les divers moyens de l’acquérir. Il comprendra un salut, résultat de son zèle pour les bonnes oeuvres, mais jamais un salut entièrement gratuit. L’homme voudrait offrir quelque chose, ne fût-ce que très peu, afin de l’obtenir et de pouvoir s’en vanter ensuite. En effet, où est l’homme qui, ayant acheté à bas prix quelque chose de très précieux, ne s’en vante ?
Mais revenons au salut lui-même. Nous l’avons dit, c’est une chose immense dont nous ne pouvons prendre la mesure ici-bas : il nous faudra l’éternité bienheureuse pour en parcourir l’étendue.
Pour le croyant, le salut n’est pas seulement le pardon des péchés qu’il a commis. Dans leur immense majorité, les chrétiens s’arrêtent à cette vérité première et passent leur vie sans avoir connu la véritable délivrance. Cette dernière est, non pas le pardon des péchés, mais l’absolue délivrance du péché, de la racine même qui est en nous, qui s’appelle aussi la chair et le vieil homme, et qui porte tous ces mauvais fruits : les péchés. Cette délivrance est opérée en ce que Christ, ayant été fait péché à notre place, notre vieille nature, «le péché dans la chair» a été condamnée et crucifiée dans sa personne. Nous pouvons donc désormais nous tenir pour morts au péché et «il n’y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont dans le Christ Jésus». Et de ce fait, toutes les conséquences du péché : l’esclavage de Satan, la mort et le jugement, ont été réduits à néant pour toujours !
Mais, quelque grande que soit cette délivrance, le salut est encore bien plus que cela. Il n’est pas seulement la délivrance du péché et de toutes ses conséquences passées, présentes et futures ; il est l’introduction actuelle du croyant dans la présence de Dieu, sa réception, selon l’entière acceptation de Christ, en vertu de son oeuvre, par Dieu lui-même — acceptation publiquement déclarée en ce que Dieu a ressuscité Jésus d’entre les morts et l’a fait asseoir à sa droite. Les résultats de cette introduction du croyant devant Dieu nous sont décrits dans des passages tels que Jean 20:17 ; Rom. 5:1-2 ; Éph. 1:2-6, etc.
Enfin le salut est l’introduction encore future dans la jouissance parfaite et ininterrompue de toutes les choses que nous ne possédons encore qu’en espérance et qui vont être manifestées dans la gloire (Phil. 3:20-21).
Tel est le salut que la grâce nous apporte. N’avons-nous pas raison de dire qu’il est sans limites ?
Nous enseignant (*). La grâce a commencé par apporter le salut à tous les hommes ; elle nous enseigne ensuite. Le croyant se trouve désormais, non pas comme Israël sous l’enseignement de la loi, mais sous celui de la grâce. La grâce étant apparue en Christ a remplacé le premier conducteur ou instituteur qui est mis de côté (Gal. 3:24). Ce nouvel instituteur n’est en aucune manière donné au monde. Il faut d’abord que les hommes soient sauvés par la foi et ce n’est qu’alors qu’ils peuvent être enseignés. Ceux qui ont été sauvés forment désormais une nouvelle famille qui a besoin d’éducation. La grâce s’en charge ; aussi nous trouvons ici ce petit mot : nous enseignant, qui est de toute importance. Dieu n’enseigne pas le monde, mais les justes. Sans doute il «enseigne le chemin aux pécheurs» (Ps. 25:8), c’est-à-dire à ceux qui, reconnaissant leurs transgressions font appel à sa grâce et à son pardon. Lorsque, dans cette qualité, ils s’approchent de Dieu et mettent leur confiance en Lui, il les compte parmi les «débonnaires» (v. 9 du même Psaume).
(*) Voyez la note précedente
Jamais il ne pourra exister un terrain d’entente entre le péché et la grâce, car ils sont entièrement opposés l’un à l’autre. La grâce n’améliore pas le pécheur, elle le sauve. Le péché sépare l’homme de Dieu, la grâce l’amène à Dieu. Le péché asservit l’homme à Satan, la grâce le libère de cet esclavage. Le péché produit la mort, la grâce donne la vie éternelle. Le péché conduit l’homme au jugement, la grâce lui apporte la justice. Le péché a pour conséquence la condamnation, la grâce ôte cette dernière pour toujours.
Voyons maintenant en quoi consiste l’enseignement de la grâce :
Elle nous enseigne quant au passé, quant au présent, quant à l’avenir : quant au passé, à renier l’impiété et les convoitises mondaines ; quant au présent, à vivre dans le présent siècle sobrement, et justement, et pieusement ; quant à l’avenir à attendre la bienheureuse espérance.
Cet enseignement de la grâce est, comme on le voit, entièrement pratique, ce qui, du reste, caractérise toute la «doctrine ou enseignement» de cette épître. Il y a des enseignements qui placent devant nous notre position céleste et les richesses insondables de Christ, sujets si souvent appelés «la foi», mais nous trouvons ici ce que la grâce nous enseigne quant à notre conduite ici-bas.
Considérons de plus près les trois objets de cet enseignement :
1° Reniant l’impiété et les convoitises mondaines. Renier, c’est déclarer ne plus connaître une personne ou un objet que l’on connaissait autrefois. Pierre reniant Jésus en est un exemple. Pratiquement, le chrétien, instruit par la grâce, a rompu avec ces choses du passé, avec le mépris qu’il montrait envers Christ et l’indifférence au sujet de ses relations avec Dieu. L’impiété est sans Dieu dans ce monde ; les convoitises — celle des yeux, celle de la chair, et l’orgueil de la vie — appartiennent au monde et non à la nouvelle nature. La croix de Christ, aussi bien que la gloire de Christ, sont incompatibles avec ces choses. Or toute la marche chrétienne, enseignée par la grâce, se trouve comprise entre le point de départ du croyant — la croix, et son point d’arrivée — la gloire. Cette marche est désormais étrangère à tout ce qui avait caractérisé notre conduite loin de Dieu.
2° Nous vivions dans le présent siècle sobrement, et justement, et pieusement.
Dans le présent siècle. Nous avons été «retirés du présent siècle mauvais» par le fait que Christ est «mort pour nos péchés» (Gal. 1:4). Nous n’appartenons donc plus au monde, car nous sommes du ciel, une nouvelle création. Les choses vieilles sont passées, mais comme chrétiens nous sommes toujours en danger de nous conformer au présent siècle (Rom. 12:2) , même, hélas ! de l’aimer et d’abandonner ainsi, comme Démas, le témoignage de Christ (2 Tim. 4:10). Cela ne veut pas dire que nous n’ayons pas à «vivre dans le présent siècle» , mais, tout lien moral avec le monde étant rompu, nous y sommes laissés pour montrer, par notre conduite comme rachetés, que nous avons désormais de tout autres principes de marche et de conduite que lui.
Sobrement, justement et pieusement : Sobrement quant à nous-mêmes, justement quant à notre prochain, pieusement quant à Dieu. C’est ce qui doit caractériser toute notre vie, en tant qu’elle se déroule dans le présent siècle, jusqu’à ce qu’elle ait son plein épanouissement dans le siècle à venir.
Les trois choses que la grâce nous enseigne ici, caractérisent au fond la vie pratique de toutes les classes de croyants dont cette épître nous entretient. Sobrement. La sobriété ou sagesse, la modération en toutes choses, la retenue et la possession de soi-même, caractérisent, rien que dans notre chapitre, les vieillards, les femmes âgées, les jeunes femmes, les jeunes hommes (v. 2, 5, 6) ; en un mot tous ceux qui forment l’ensemble de la maison de Dieu. Justement : Si la justice pratique consiste d’abord à ne pas laisser le péché s’introduire dans nos coeurs et dans nos voies, en un mot, si elle nous rend impitoyables à l’égard de nous-mêmes, nous devons aussi rendre par elle à chacun ce qui lui est dû. La justice doit régler nos rapports, soit avec nos frères, soit avec le monde, et c’est ici, je pense, la signification essentielle du mot «justement». Il en est de même en tout point dans cette épître. Le soin des autres, absent de tout égoïsme, l’honneur rendu à chacun, est ce qui garantit l’ordre dans toutes les relations des membres de la maison de Dieu entre eux.
Pieusement. Nous avons déjà vu, au premier verset de cette épître ce qu’est la piété, et comment elle est inséparable de la connaissance de la vérité. Ici la piété est le plus élevé de ces trois points. Vivre pieusement, c’est maintenir les relations habituelles de notre âme avec Dieu, dans l’amour, la déférence, l’obéissance, la crainte de Lui déplaire. Ces choses ont de tout temps caractérisé les fidèles. Combien de fois la piété n’est-elle pas recommandée dans les épîtres à Timothée ; combien de fois les avantages et les bénédictions qui s’y rattachent n’y sont-ils pas mis en lumière ! (Voyez 1 Tim. 2:2 ; 3:16 ; 4:7, 8 ; 5:4 ; 6:3, 5, 6, 11 ; 2 Tim. 3:5, 12).
3° Attendant la bienheureuse espérance et l’apparition de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ. Cela aussi fait partie de l’enseignement de la grâce. Elle nous apprend à attendre la venue du Seigneur pour nous enlever auprès de Lui. Comment ne pas appeler bienheureuse cette espérance ? Elle est sans aucun mélange de crainte ni d’appréhension ; aucun nuage ne la traverse ; elle est pour le racheté le triomphe et le couronnement de la grâce. Mais cette espérance ne se sépare pas de l’apparition de la gloire, pour celui qui est enseigné par la grâce. Toutes deux, quoique séparées comme deux actes, quant à leur époque, appartiennent à un même événement, la Venue, mais l’une est la venue du Seigneur en grâce, l’autre sa venue en gloire ; l’une sa venue pour les saints, l’autre sa venue avec les saints ; l’une sa venue visible aux yeux des rachetés, l’autre sa venue visible aux yeux du monde ; l’une sa venue pour la bénédiction ineffable des siens, l’autre sa venue pour le jugement sans miséricorde du monde ; l’une sa venue pour nous introduire dans les demeures célestes, l’autre sa venue pour établir sur la terre son règne de justice et de paix ; l’une sa venue pour nous prendre auprès de Lui, l’autre pour nous manifester dans la même gloire que Lui.
L’apparition est celle «de la gloire de notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ» Notre grand Dieu ! De quelle dignité suprême, de quelle majesté Jésus sera revêtu, lors de son apparition !
Le monde se lamentera et se frappera la poitrine en le voyant venir avec les nuées, mais nos coeurs seront remplis d’une joie ineffable, car nous dirons : Ce grand Dieu est notre Dieu, ce grand Dieu est notre Sauveur Jésus Christ ! (*)
(*) Notez qu’il y a sept sujets dans l’enseignement de la grâce. C’est la plénitude de l’enseignement pour la vie pratique et la conduite des rachetés dans ce monde.
Dès qu’il a prononcé ce nom de Sauveur, l’apôtre se trouve transporté en présence des souffrances de Christ et considère le but pratique de l’oeuvre qu’il a accomplie :
Qui s’est donné lui-même pour nous, afin qu’il nous rachetât de toute iniquité et qu’il purifiât pour lui-même un peuple acquis, zélé pour les bonnes oeuvres
«Il s’est donné lui-même pour nous !» Voilà bien ce qu’est notre Sauveur et où l’a conduit son amour ! Il n’est pas seulement vrai que Dieu a donné son Fils unique, qu’il l’a livré pour nous tous, mais Jésus s’est donné, donné tout entier, donné Lui-même, pour nous. Sa mort et ses souffrances ont encore d’autres buts, comme nous allons le voir ; mais ici, c’est nous qui sommes le but. Merveilleux amour, pour celui qui a sondé devant Dieu la profondeur de sa dégradation ! C’est l’histoire du trésor et de la perle de grand prix (Matth. 13). Jésus a estimé que nous acquérir valait sa propre vie ; aussi nous a-t-il vus, non pas selon ce que nous étions, mais selon les perfections dont son amour voulait nous revêtir.
Énumérons quelques autres passages sur le but de son sacrifice :
1° Gal. 2:20. «Le Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi».
Ce passage est peut-être, avec celui de Tite 2:14, l’un des plus précieux pour nos coeurs : Il s’est livré pour acquérir qui ? Moi, un individu. J’aurais été seul au monde qu’il se serait dévoué jusqu’à subir la mort pour moi seul ! En Tite 2, c’est pour nous, l’ensemble de ses rachetés. Il veut avoir ici-bas un peuple qui soit à Lui. Romains 5:8 montre qu’il est mort pour nous, lorsque nous étions encore pécheurs. Comme ce fait exalte la grandeur de son amour ! Quand nous n’étions pas autre chose que pécheurs, il voyait en nous les résultats de l’oeuvre qu’il allait accomplir. Il nous considérait à la lumière de la rédemption, mais son amour a trouvé, dans le péché même, un motif de donner toute sa mesure.
2° 1 Cor. 15:3. «Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures». Ce mot résume tout l’Évangile Tel est le premier grand objet de la mort de Christ. Pour nous posséder, il lui fallait régler la question de nos péchés.
3° Gal. 3:13. Il est mort pour nous «racheter de la malédiction de la loi, étant devenu malédiction pour nous». Pouvons-nous concevoir le Saint et le Juste s’identifiant à un tel point, dans son amour, avec des êtres maudits ?
4° Gal. 1:4. «Il s’est donné lui-même pour nos péchés, en sorte qu’il nous retirât du présent siècle mauvais». Les chrétiens, je le demande, ont-ils suffisamment conscience que le but de Christ en mourant pour expier nos péchés était de nous séparer du monde, et réalisent-ils ce but dans toute leur conduite ?
5° Jean 11:52. «Jésus allait mourir... non pas seulement pour la nation, mais aussi pour rassembler en un les enfants de Dieu dispersés». Voici un autre but de sa mort. Il voulait rassembler les siens dans l’unité de la famille de Dieu ici-bas. Nous disons «la famille» parce que Jean ne parle pas de l’Église à laquelle ce passage peut, du reste, tout aussi bien s’appliquer. Ici, nous le remarquons encore : les chrétiens n’apprécient pas davantage le but de Christ en mourant, qu’ils n’apprécient son but au premier chapitre des Galates.
6° 1 Pierre 3:18. «Car Christ a souffert une fois pour les péchés... afin qu’il nous amenât à Dieu». Résultat immense de son sacrifice ! «Je vous ai portés sur des ailes d’aigle, dit l’Éternel, et vous ai amenés à moi». Et encore : «Nul ne vient au Père que par moi» (Ex. 19:4, Jean 14:6).
7° 2 Cor. 5:15. «Il est mort pour tous, afin que ceux qui vivent ne vivent plus pour eux-mêmes, mais pour Celui qui pour eux est mort et a été ressuscité». L’appréciation de la mort de Christ détruit en nous l’égoïsme qui fait toujours de l’homme son propre centre, l’objet pour lequel il agit et auquel il rapporte tout. Toutes les choses dont parlent les n° 3 à 7 ne pourront être réalisées que si nous avons continuellement devant les yeux la mort et les souffrances de Celui qui s’est donné Lui-même pour nous.
8° Éph. 5:25-27. «Le Christ a aimé l’Assemblée et s’est livré lui-même pour elle». Il a accompli ce sacrifice d’amour, afin d’acquérir son Épouse, l’objet le plus cher à son coeur ; et après l’avoir acquise, il la purifie pendant le voyage du désert, afin qu’elle soit digne de Lui, à son entrée dans la gloire. Les chrétiens songent-ils à aimer, non pas leurs misérables sectes, mais l’Église l’Assemblée, parce que Christ l’aime ?
Revenons maintenant à notre passage.
En se donnant lui-même pour nous, le Sauveur avait trois buts :
Le premier, de nous racheter de toute iniquité ; résultat qui nous est acquis pour toujours, par la Rédemption, tandis que l’oeuvre de la purification journalière, destinée à rétablir avec Dieu la communion perdue, se répète tout le long de notre marche ici-bas : «Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous pardonner nos péchés et nous purifier de toute iniquité».
Le second but est de purifier pour lui-même un peuple acquis. L’acquisition de ce peuple a eu lieu par Son sacrifice, la purification dont il est question ici a lieu une fois pour toutes par Sa parole, mais ce peuple acquis, pour lequel il s’est donné Lui-même, il le veut pour Lui-même, tel que son oeuvre l’a fait et tel que sa sainteté le désire. Toute cette oeuvre a lieu en vue de former ici-bas, comme ce passage nous le montre, une famille, un peuple pour Dieu, une Épouse pour Christ.
Son troisième but est que ce peuple acquis soit zélé pour les bonnes oeuvres. Nous avons déjà traité le sujet des bonnes oeuvres et nous aurons encore l’occasion d’y revenir, mais ce qui ressort de ce passage, c’est que l’intention du Seigneur dans la Rédemption est de voir du zèle, de l’activité, dans la vie pratique de ses bien-aimés. Notre zèle a-t-il répondu au désir de son coeur, et le Seigneur n’est-il pas plutôt obligé de nous dire, comme à Laodicée : «Aie du zèle et repens-toi»
«Annonce ces choses, exhorte et reprends, avec toute autorité de commander. Que personne ne te méprise» (v. 15).
Nous trouvons dans ce dernier verset de notre chapitre, le résumé du ministère de Tite. Il avait à annoncer ces choses (cf. 2:1) , à exhorter, (cf. 2:6) , à reprendre (cf. 1:13). L’autorité de commander devait caractériser son ministère au milieu de cette race de Crétois, méchants, menteurs et paresseux. Il y a des cas où un acte d’autorité selon Dieu, fait par ceux que le Seigneur a désignés pour maintenir l’ordre dans sa maison, est seul capable d’endiguer le torrent du mal. Cela ne veut pas dire que «commander» soit la chose principale. La douceur, la grâce, le support, l’amour gagnent les coeurs, l’acte d’autorité réprime le mal. Le Seigneur lui-même parlait avec autorité aux vagues révoltées de la mer, commandait avec autorité aux esprits immondes, mais ce n’était pas le côté essentiel de son activité, et pas davantage celui du ministère de Tite, délégué de l’apôtre. Je suis doux et humble de coeur, dit le Seigneur. Son caractère, comme vrai serviteur, n’est pas seulement de «dessécher la mer par sa réprimande», mais de «soutenir par une parole celui qui est las» (És. 50:2, 4). Quant au cas de Tite, il était non seulement spécial à cause du milieu dans lequel il était appelé à agir, mais à cause de son âge. Comme Timothée, il était probablement jeune encore, et comme tel, il était important qu’il se conduisît de manière à ne pas être exposé au mépris, lequel aurait rejailli sur la parole de Dieu qui lui était confiée. C’est pourquoi l’apôtre ajoute : Que personne ne te méprise (Cf. 1 Tim. 4:12).
«Rappelle-leur d’être soumis aux principautés et aux autorités, d’être obéissants, d’être prêts à toute bonne oeuvre, de n’injurier personne, de n’être pas querelleurs, mais modérés, montrant toute douceur envers tous les hommes» (v. 1-2).
Rappelle-leur d’être soumis aux principautés et aux autorités. Les «principautés et les autorités» sont souvent mentionnées dans les épîtres. En Éph. 1:21, nous voyons le Seigneur ressuscité, assis à la droite de Dieu» au-dessus de toute principauté et autorité, et puissance, et domination», quelles qu’elles soient, dans le siècle présent et dans le siècle à venir.
Ces principautés et ces autorités se divisent en trois classes, comme faisant partie des êtres célestes, terrestres et infernaux de Phil. 2:10.
Éph. 3:10 nous parle des principautés et autorités célestes.
Éph. 6:12 des principautés et autorités sataniques.
Col. 1:16 des principautés et autorités célestes et terrestres instituées de Dieu.
Col. 2:10 des principautés et autorités célestes.
Col. 2:15 des principautés et autorités sataniques.
Notre passage enfin des principautés et autorités terrestres. Il arrivera un jour où toutes ces puissances ploieront le genou devant Lui, comme faisant partie de tous les êtres qui appartiennent à la sphère céleste, ou terrestre ou infernale.
Résumons en quelques mots tous les passages que nous venons de citer. Il y a des principautés et autorités ou des hiérarchies célestes et terrestres par lesquelles Dieu exerce son gouvernement. Elles ont toutes été créées par Christ. Il est et restera éternellement au-dessus de toutes. Une partie des principautés et autorités célestes est tombée sous la puissance de Satan lors de sa révolte contre Dieu. Il la dirige. En outre, comme prince de ce monde, il se sert des principautés terrestres pour faire la guerre à Christ. Les autorités célestes ou angéliques qui ne sont pas tombées et que Dieu a maintenues dans leur pureté primitive, sont à l’abri de ses entreprises, mais le Seigneur se sert même des autorités sataniques et de Satan lui-même pour accomplir Ses propres desseins ; ainsi dans le cas de Job. De la même manière le Seigneur garde la haute main sur toutes les décisions des principautés et autorités terrestres qu’Il a instituées, et s’en sert, comme Il le fait de Satan, pour l’accomplissement de Sa volonté. Déjà maintenant Satan et les puissances sataniques dans les lieux célestes ont été vaincus et dépouillés à la croix, et le chrétien peut considérer le Diable comme un ennemi qui n’a plus pouvoir sur lui et auquel il n’a qu’à résister pour qu’il s’enfuie. Le temps est encore à venir, quoique très proche, où Satan sera chassé des lieux célestes et précipité sur la terre (Apoc. 12:9). Enfin le Dieu de paix le brisera sous nos pieds.
Dans notre passage (3:1), les principautés et autorités sont les puissances auxquelles le Seigneur a confié le gouvernement sur la terre. Elles sont tombées sous le pouvoir de Satan qui s’en sert pour faire la guerre à Christ, mais le chrétien est appelé à les reconnaître comme établies de Dieu dans leur caractère primitif, car c’est par elles que le Seigneur, dans son gouvernement, retient encore le plein développement du mal (2 Thess. 2:6). Quelque mauvais que soit leur caractère, quelque asservies qu’elles soient à Satan, le chrétien voit Dieu dans l’autorité et se soumet aux principautés et puissances terrestres comme provenant de Dieu, alors même que leur exercice serait entre les mains les plus abjectes et les plus hostiles.
Dans ces versets 1 à 2, Tite avait à rappeler diverses choses aux chrétiens de la Crète. Elles étaient au nombre de sept ; de même aussi, au vers. 3, les choses qui les caractérisaient avant leur conversion avaient un nombre égal. Le nombre sept, comme nous l’avons déjà remarqué, indique la plénitude spirituelle, soit en bien, soit en mal.
1° La première chose que Tite devait leur rappeler était la soumission aux autorités instituées par Dieu dans ce monde. La soumission est mentionnée plusieurs fois dans cette épître, et très souvent ailleurs. La soumission à l’autorité consiste à ne pas nous soustraire à son joug et à reconnaître ses droits sur nous, comme lui étant donnés de Dieu. C’est ainsi que le Seigneur dit à Pilate : «Tu n’aurais aucun pouvoir contre moi, s’il ne t’était donné de Dieu». Il accepte d’être livré au magistrat et au pouvoir du gouverneur. Aux chap. 4 et 5 des Actes, ses disciples suivent le même chemin que lui. Ils rendent témoignage, devant les principaux, de leur foi au Seigneur Jésus, mais ne protestent pas contre l’autorité qui les a injustement saisis. — Que l’autorité soit juste ou injuste, nous devons toujours garder, vis-à-vis d’elle, le même caractère. Avant toutes choses, nous devons être soumis à Celui qui est élevé à la droite de Dieu et auquel anges, autorités et puissances sont soumis (1 Pierre 3:22). Quant à nous, nous devons être «soumis à tout ordre humain pour l’amour du Seigneur, soit au roi, comme étant au-dessus de tous, soit aux gouverneurs comme à ceux qui sont envoyés de sa part pour punir ceux qui font le mal et pour louer ceux qui font le bien» (1 Pierre 2:13-14). Dans cette épître de Pierre, comme dans la nôtre, la soumission est recommandée aux domestiques (2:18), aux femmes (3:1, 5), aux jeunes gens vis-à-vis des anciens (5:5). Enfin les chrétiens doivent être «soumis les uns aux autres» (Éph. 5:21).
2° D’être obéissants. L’obéissance diffère de la soumission. Cette dernière est passive, la première active. Elle a affaire à des commandements, à des ordres positifs. Cette injonction a en vue toute autorité qui, ayant le droit de commander afin d’établir l’ordre parmi les hommes, doit être écoutée et obéie (*). Ici le mot : «être obéissants» ne fait pas allusion aux magistrats plus qu’à toute autre autorité ; c’est plutôt un caractère que toute notre conduite doit porter, sans qu’il se rapporte à aucune autorité ou à aucun de ses actes particuliers. Ainsi l’on dit des enfants qu’ils sont obéissants sans en avoir sous les yeux une preuve spéciale. Il faut qu’il soit manifeste à tous que nous sommes prêts à répondre à tout ordre de Dieu, par quelque intermédiaire qu’il lui plaise de nous le faire parvenir.
(*) Peitharcheo. C’est le même mot qu’en Actes 5:29, 32 : «Obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes» et «Ceux qui lui obéissent» (à Dieu). Et encore Actes 27:21 : «Vous auriez dû m’écouter». Ce sont, avec notre verset, les seuls passages où ce terme se trouve.
L’on a souvent confondu la soumission avec l’obéissance au grand détriment des âmes pendant le terrible conflit qui a ensanglanté le monde. De tels passages n’impliquent nullement l’obéissance du chrétien aux autorités militaires pour user d’armes meurtrières à la guerre. Sous ce rapport, le chrétien est responsable vis-à-vis de Dieu. «Il lui faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes». L’idée que le soldat qui tue n’est responsable que vis-à-vis de son chef et que ce dernier seul est responsable vis-à-vis de Dieu, est un misérable subterfuge par lequel on cherche à éviter un commandement positif du Seigneur. «Jugez s’il est juste devant Dieu de vous écouter plutôt que Dieu» (Actes 4:19).
3° d’être prêts à toute bonne oeuvre. C’est Dieu (non pas nous) qui prépare à l’avance les bonnes oeuvres pour que nous y marchions ; mais la part du croyant est d’être prêt à les faire, quelles qu’elles soient, quand Dieu les lui présente. Il ne doit pas être pris au dépourvu, en étant occupé de choses qui l’empêcheraient de les faire immédiatement.
4° de n’injurier personne. Cette recommandation est d’une grande importance. L’injure peut être proférée aussi bien en l’absence qu’en la présence de la personne injuriée. Il est parlé dans l’épître de Jude des rêveurs de la fin qui «injurient les dignités». C’est le caractère de l’anarchie moderne qui blasphème les dignités reconnues de Dieu. L’apôtre va plus loin encore et dit : personne. Dans les jours que nous traversons, où des coupables se sont livrés à toute sorte d’actes de fausseté et de violence, l’indignation pourrait facilement se faire jour, chez les chrétiens, par l’injure. Jamais la haine contre le mal, ni une indignation légitime, ne doit dégénérer ainsi. Une colère selon Dieu n’avait d’autre effet, chez notre Sauveur bien-aimé, que d’ouvrir les écluses de sa grâce (Matth. 17:17-18).
5° de n’être pas querelleurs. Cette qualité est négative comme la précédente. Les Proverbes sont remplis de recommandations à cet égard. Nous y voyons que la méchanceté, la haine, l’orgueil, la colère, la moquerie produisent les querelles. Ce n’est pas seulement dans le monde, mais dans la famille de Dieu que les esprits agités, parce que dépourvus de communion avec le Seigneur, recherchent les querelles. Combien il est donc important pour nous, d’éviter tout conflit qui pourrait réveiller cette tendance naturelle des coeurs !
6° (mais) modérés. Ce mot et son substantif (epieikès, epieikeia) (*), signifie le caractère d’un homme doux et humble qui ne revendique pas ses droits. Le Seigneur Jésus n’a-t-il pas manifesté cette vertu dans la perfection quand «il était comme une brebis muette devant ceux qui la tondent», devant ceux qui le dépouillaient de tous ses droits et de toutes ses dignités, en sorte qu’il a été «retranché n’ayant rien» (Dan. 9:26). Ce caractère était aussi celui d’Abraham vis-à-vis de Lot, après que le patriarche eut fait en Égypte une amère expérience de lui-même. C’est alors qu’il abandonna tous ses droits plutôt que de faire un choix qui fût au détriment de son frère. Cette même douceur est recommandée aux anciens en 1 Tim. 3:3, unie comme ici à l’absence d’un esprit querelleur. En effet, rien n’engendre plus de querelles que l’insistance des hommes sur leurs droits. Cette même modération appartient en Jacq. 3:17 à la «sagesse d’en haut» qui présente sept traits caractéristiques, comme notre passage. En 1 Pierre 2:18, cette qualité est attribuée (et combien elle est nécessaire !) aux maîtres vis-à-vis de leurs serviteurs.
(*) Traduit aussi, dans la Version Pau-Vevey, par «douceur», «clémence» , «modération», «débonnaireté». (Phil. 4:5 ; 2 Cor. 10:1 ; Actes 24:4 ; 1 Tim. 3:3 ; Jacq. 3:17 ; 1 Pierre 2:18).
7° montrant toute douceur (*), envers tous les hommes. Le caractère dont il est fait ici mention diffère du précédent. Il s’agit de cette douceur aimable, parce qu’elle est humble et débonnaire (**), le contraire d’une sévérité rigide ou d’une dureté qui repousse au lieu de redresser, qui tient à distance au lieu d’attirer. Cette douceur est un des attributs de la grâce qui, dans la personne de Christ, «est apparue à tous les hommes» pour les attirer à Lui. Ne disait-il pas lui-même : «Apprenez de moi, car je suis débonnaire (ou doux, praos) et humble de coeur» ! (Matth. 11:29).
(*) Praotès, traduit par «douceur» dans tous les passages.
(**) Voyez en 2 Cor. 10:1, ces deux vertus réunies en Christ : praotès, la douceur, et epieikeia, la débonnaireté.
«Car nous étions, nous aussi, autrefois, insensés, désobéissants, égarés, asservis à diverses convoitises et voluptés, vivant dans la malice et dans l’envie, haïssables, nous haïssant l’un l’autre» (v. 3).
Nous trouvons ici la contrepartie des choses que Tite avait à rappeler aux chrétiens de la Crète. Nous n’avons pas la description des traits moraux du paganisme, comme en Rom. 1:29-31, ni celle des traits moraux de la chrétienté aux derniers jours (2 Tim. 3:1-5) ; mais la description de ce que nous étions autrefois. Nous, dit l’apôtre, sans distinguer les Juifs d’avec les nations, nous n’étions pas autrefois différents de «tous les hommes». Ce fait rend les chrétiens capables de montrer toute douceur envers tous. Nous pouvons leur dire : Ce que vous êtes, nous l’étions. La grâce qui nous a appelés et sauvés vous appelle aujourd’hui pour vous sauver de la même manière. Elle est accessible à tous. C’est la philanthropie de Dieu ; vous pouvez être sauvés de la même manière que nous.
Ce verset 3 est un tableau complet de l’état de tous les hommes, et par conséquent du nôtre dans le passé. Aussi est-il résumé sous sept chefs, de même que, plus haut, notre état produit par l’enseignement de la grâce.
1° Insensés. Ce mot décrit tout premièrement l’état de l’homme devant Dieu. Il dit dans son coeur : «Il n’y a point de Dieu». Ce caractère de l’homme pécheur est si manifeste que deux Psaumes (Ps. 14 et 53) reviennent à le mentionner. Ce n’est pas la bouche de l’homme, mais son coeur, qui parle ainsi. Toutes ses actions prouvent que Dieu est banni de sa vie, sinon, comment pourrait-il ne pas avoir peur de les commettre ? Cela rend les hommes
2° désobéissants. Quand on ne tient pas compte de Dieu, ses ordres et ses commandements n’ont aucune prise sur le coeur et la conscience reste indifférente devant l’expression positive de la pensée de Dieu contenue dans la Parole.
3° égarés. (Hébr. 3:10). C’est sortir des voies de Dieu ou les ignorer, et la désobéissance y conduit. La brebis perdue ne peut retrouver son chemin ; il n’y a pour elle d’autre possibilité que d’être retrouvée par Celui même qu’elle a abandonné.
4° Asservis à diverses convoitises et voluptés.
Livrée à elle-même, l’âme égarée qui avait cru jouir de sa liberté loin de Dieu, ayant perdu Dieu et tout lien moral avec Lui, devient l’esclave de ce que Satan lui suggère, des convoitises qui revêtent parfois des formes plus ou moins élevées, et des voluptés dont le caractère principal est la satisfaction des désirs de la chair (2 Tim. 3:4).
5° vivant dans la malice et dans l’envie. Le coeur du pécheur trouve une satisfaction à suivre ses méchants instincts. Il y vit ; c’est une de ses raisons d’être. L’envie qu’il porte à d’autres quand ils réussissent mieux que lui, et l’entravent en l’empêchant de les devancer, le pousse à exercer sa méchanceté à leur égard.
6° haïssables. Non seulement haïssables pour Dieu, comme en Rom. 1:30, mais, d’une manière générale, dignes d’être haïs. C’est une race qu’il est impossible d’aimer, et cependant c’est à elle que nous devons montrer toute douceur, car autrefois nous étions nous-mêmes comme eux.
7° nous haïssant l’un l’autre. Ici la haine est mutuelle. L’homme naturel ne hait pas par sentiment d’honnêteté et de justice ; il ne connaît pas la «parfaite haine» du croyant à l’égard de ceux qui s’élèvent contre Christ (Ps. 139:21-22), car le Seigneur lui est étranger. Voyant le mal chez les autres, il est aveuglé sur le mal de son propre coeur. Aussi son prochain le hait avec la même intensité que lui.
«Mais, quand la bonté de notre Dieu Sauveur et son amour envers les hommes (sa philanthropie) sont apparus, il nous sauva, non sur le principe d’oeuvres accomplies en justice, que nous, nous eussions faites, mais selon sa propre miséricorde, par le lavage de la régénération et le renouvellement de l’Esprit Saint, qu’il a répandu richement sur nous par Jésus Christ, notre Sauveur, afin qu’ayant été justifiés par sa grâce, nous devinssions héritiers, selon l’espérance de la vie éternelle» (v. 4-7).
La conclusion du v. 3, c’est que nous étions perdus. Comment donc sommes-nous arrivés à un état où nous n’avons plus besoin, comme aux vers. 1-2, que d’être exhortés à reproduire en toutes choses le caractère de Christ ? C’est en vertu du salut, comme nous l’avons vu au chap. 2:11-14, et comme ce passage nous le répète : Il nous sauva (v. 5). Le chap. 2 nous a entretenus de la grâce inconditionnelle qui apporte le salut et qui est apparue dans la personne de Christ ; ici c’est la bonté et la philanthropie de Dieu qui sont apparues. Le Dieu de bonté et d’amour a eu pitié d’êtres haïssables et perdus, tels que nous et ces deux caractères de Dieu sont apparus dans une personne, le Dieu Sauveur. Ce Dieu Sauveur est Jésus Christ, appelé «notre grand Dieu et Sauveur Jésus Christ» (2:13), pour bien marquer que cet homme en qui la grâce est apparue à salut, n’est rien moins que Dieu, le grand Dieu. Remarquez que l’apôtre l’appelle toujours «notre Dieu Sauveur». Ceux qui sont au bénéfice de son oeuvre peuvent seuls l’appeler notre. Il est le Dieu Sauveur pour tous ; il «veut que tous les hommes soient sauvés», mais personne, si ce n’est les sauvés eux-mêmes, ne peut l’appeler notre Dieu Sauveur. Question sérieuse qui s’adresse à tous les lecteurs de ces lignes ! Pouvez-vous dire : Mon Dieu ? Si vous ne le pouvez, vous lui êtes encore étranger. L’apparition est le fait qu’un objet, invisible jusque-là, est rendu visible. Ainsi la bonté, l’amour de Dieu envers les hommes, ne sont apparus que lorsque l’homme, Christ Jésus, est venu ici-bas.
Les hommes parlent beaucoup de philanthropie. Un philanthrope estime toujours les hommes susceptibles de bonté, malheureux sans doute, coupables souvent, mais pouvant être relevés moralement et améliorés, comme ils peuvent l’être matériellement. Ce dont néanmoins le philanthrope ne doutera jamais un instant, c’est de sa propre bonté, et l’estime qu’il a pour lui-même le soutient dans l’oeuvre qu’il a entreprise. Souvent toutefois, voyant ses essais infructueux, il finit par prendre l’humanité en dégoût, sans modifier en rien, cela va sans dire, son opinion de lui-même. Mais s’il lisait notre vers. 3, cet homme verrait que Dieu ne souffre pas d’exceptions et qu’il nous présente, peint par Lui-même, le tableau de tous les hommes, se haïssant, et non pas s’aimant, l’un l’autre. Les philanthropes sont aussi du nombre. Pour ne plus être haïssable et haïr, il faut, comme nous allons le voir, être sauvé et avoir reçu, par la nouvelle naissance, la nature de Dieu. Alors on peut aimer, mais même en possédant la nature divine, le croyant a besoin des exhortations de la grâce, telles qu’elles sont formulées dans les vers. 1-2. Enfin il est capable de montrer «toute douceur envers tous les hommes». Si les philanthropes se soumettaient à la parole de Dieu, y trouveraient-ils le tableau de ce qu’ils prétendent pratiquer ? Dieu dit : «Il n’y en a aucun qui exerce la bonté, non, pas même un seul» (Rom. 3:12). La conclusion est qu’il n’y a pas d’homme inconverti qui soit philanthrope aux yeux de Dieu (*).
(*) Il va sans dire qu’en disant ces choses nous n’excluons nullement les sentiments naturels de pitié, de compassion pour les souffrances d’autrui, que l’on rencontre même là où le christianisme n’a jamais pu exercer son influence bienfaisante. C’est ainsi qu’en Actes 28:2 il nous est parlé de «l’humanité (philanthropie) peu ordinaire» dont les barbares usèrent envers Paul et ses compagnons.
Et cependant il existe un philanthrope : Dieu lui-même ! Quand la bonté de notre Dieu Sauveur et son amour envers les hommes (sa philanthropie) sont apparus, il nous sauva.
Dieu a été de toute éternité le Dieu d’amour, mais, à un moment donné, cet amour est apparu, a été manifesté. Comme la grâce est apparue dans la personne de Christ (2:11), l’amour de Dieu envers les hommes est apparu dans le don de Christ. Qui étaient donc les hommes dont il parle ici ? Relisons une seconde fois le v. 3 : «Asservis à diverses convoitises et voluptés, vivant dans la malice et dans l’envie, haïssables, nous haïssant l’un l’autre». Envers de tels hommes, Dieu a usé de «bonté» et c’est à son école que ceux qui sont nés de lui ont appris à montrer ce même amour envers les hommes. Ils ne peuvent plus les haïr, parce qu’ils ont reconnu, lors de leur conversion, qu’ils étaient encore plus haïssables que les autres. «J’ai horreur de moi», ont-ils dit comme Job, «et je me repens dans la poussière et dans la cendre». Jamais le plus grand philanthrope du monde ne pourra avoir de tels sentiments à l’égard de lui-même, car, chose concluante, il n’a pas besoin d’être sauvé pour être philanthrope. Par contre, la philanthropie de Dieu s’est montrée par le salut qu’il a opéré pour nous.
Au v. 5, nous trouvons le moyen que Dieu a employé pour nous sauver, mais il le fait précéder par l’indication du moyen qu’en dépit de toutes les pensées de l’homme, Dieu n’emploiera jamais pour son salut : Non sur le principe d’oeuvres accomplies en justice, que nous, nous eussions faites. Les «oeuvres de justice» sont celles que l’homme accomplit pour obtenir le salut, tandis que les «bonnes oeuvres» sont la conséquence du salut obtenu. Les premières n’ont jamais procuré aux hommes ce que la grâce seule peut leur obtenir ; ils prétendent pouvoir les faire, tandis que l’oeuvre de Dieu est celle que Dieu a faite.
Nos oeuvres étant exclues, ce qui est l’un des grands sujets des épîtres aux Romains et aux Galates, il ne nous reste pour seule ressource que l’oeuvre de Dieu. Or, dans ce passage, nous trouvons, non l’aspect de cette oeuvre opérée en dehors de nous, mais celle que Dieu opère en nous pour nous sauver. C’est en quelque mesure la différence entre la parabole du fils prodigue et les deux paraboles qui la précèdent au 15° chapitre de Luc.
Selon sa propre miséricorde, par le lavage de la régénération et le renouvellement de l’Esprit Saint.
Le salut est donc sur le principe d’une seule chose : sa propre miséricorde ; mais Dieu emploie deux choses indispensables pour nous le procurer : le lavage de la régénération et le renouvellement de l’Esprit Saint.
1° Le lavage de la régénération. Voyons ce que ce terme signifie.
Le lavage (Loutron) est l’eau du bain dans laquelle on est plongé. Ce lavage, tel que divers types de l’Écriture nous le présentent, signifie la mort par laquelle on est purifié du péché et délivré du vieil homme : ainsi le Jourdain où Naaman est purifié de sa lèpre ; ainsi le baptême, où «nous avons été baptisés pour la mort de Christ». C’est, en effet, dans sa mort, que le vieil homme prend fin et que nous sommes «morts au péché». Ce en quoi le pécheur existait, ce qui le qualifiait, ses habitudes, ses pensées, tout cela a pris fin aux yeux de Dieu dans la mort de Christ. Dieu nous a sauvés en nous purifiant de ces choses. On ne peut entrer en relation avec Lui sans cette purification et c’est ce que Dieu a fait à notre égard en nous plongeant, pour ainsi dire, dans la mort de Christ. Ce même mot, «le lavage» (Loutron) est employé en Éph. 5:27 pour la purification de l’Assemblée que Christ «a aimée, se livrant Lui-même pour elle, afin qu’il la sanctifiât en la purifiant par le lavage d’eau, par la parole».
Le bain de la purification a lieu une fois pour toutes et ne se renouvellera jamais : «Celui qui a tout le corps lavé n’a besoin que de se laver les pieds (quant à la purification journalière), mais il est tout net». Le lavage dont nous parlons a pour antitype l’eau ou le bain de la cuve d’airain.
Il y a une différence entre la cuve d’airain et l’eau qu’elle contient. L’airain représente la capacité de Christ de s’occuper du péché : soit pour l’expier par le sacrifice, comme à l’autel d’airain ; soit pour l’abolir dans la mort, comme dans le bain de la cuve d’airain. Dans ce dernier cas, l’homme est placé devant Dieu, par la mort de Christ, dans un état de pureté qui correspond à la sainteté de Sa nature.
La cuve d’airain était construite avec les miroirs d’airain des femmes qui s’attroupaient à l’entrée de la tente d’assignation (Ex. 38:8). Par là ces femmes reconnaissaient, en type, leur péché et la capacité de Christ seul d’en porter la responsabilité. Elles se dépouillaient de ce qui avait servi à leur vanité. (L’or de leurs parures avait été employé pour faire le veau d’or (Ex. 32:2-3)). Maintenant elles étaient humiliées et ne pouvaient plus désormais se complaire à elles-mêmes en considérant leurs faces naturelles. Elles avaient devant leurs yeux un objet composé de tous ces miroirs fondus en un, et seul capable de les porter réunis. C’est ainsi que tous les croyants reconnaissent leur vie de vanité et de convoitises portée par Celui qui seul en a pris la responsabilité. Mais ils trouvent en même temps en Lui l’eau de leur purification, sortie du côté d’un Christ mort.
Ce lavage, comme nous l’avons dit, a lieu une fois pour toutes par la Parole qui nous présente la mort de Christ comme mettant fin à notre état d’hommes pécheurs et souillés. Mais, pour la marche et pour tout acte de service sacerdotal, il est besoin, outre la purification initiale, d’une purification journalière. C’est le lavage des pieds dont notre passage ne parle pas, parce qu’il ne traite que du salut.
Considérons maintenant ce que signifie ce terme : le lavage de la régénération. La régénération est le passage de notre ancien état à un état nouveau, de notre vie dans la chair à une vie de résurrection, de l’état de Christ mort, à l’état de Christ ressuscité, de l’ancienne création à la création nouvelle. La régénération n’est pas une nouvelle nature communiquée (nous allons la voir dans le «renouvellement de l’Esprit») comme cela a lieu dans la nouvelle naissance où l’on est «né d’eau et de l’Esprit». La régénération est une position de bénédiction dans laquelle nous sommes amenés maintenant par la puissance divine en Christ et dans laquelle nous serons établis publiquement quand le Seigneur viendra en gloire. Cette position nous la saisissons maintenant par la foi. Nous sommes délivrés du pouvoir des ténèbres et «transportés dans le royaume du Fils de son amour». C’est en cela que consiste la régénération, mais elle n’aura sa pleine manifestation que dans la gloire. C’est pourquoi le Seigneur dit à ses disciples : «Dans la régénération, quand le Fils de l’homme sera assis sur le trône de sa gloire, vous aussi, vous serez assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d’Israël» (Matth. 19:28). C’est par le lavage de la régénération que nous sommes sauvés (1 Pierre 3:20). On peut être converti ou vivifié, comme Corneille, avant d’être sauvé : c’est-à-dire amené à l’état chrétien, tel qu’il nous est révélé dans le Nouveau Testament.
Le lavage est donc le lavage de la régénération. Il a trait à ma vie ancienne qui a trouvé son terme dans la mort de Christ.
2° Le renouvellement de l’Esprit Saint a trait à ma vie nouvelle. Le croyant est renouvelé, acquiert cette vie nouvelle, par le Saint Esprit. Cette puissance divine produit en lui des pensées, des habitudes et des désirs nouveaux, en contraste avec tout ce qui appartenait à son vieil homme, à l’homme dans la chair, à l’homme pécheur et perdu.
(Qu’il a répandu richement sur nous par Jésus Christ notre Sauveur).
Cette phrase forme, comme nous le marquons ici, une petite parenthèse. Les mots qui suivent «afin qu’ayant été justifiés par sa grâce» se rapportent, non pas à «Jésus Christ notre Sauveur», mais à «notre Dieu Sauveur» du v. 4.
L’Esprit Saint ne s’est pas borné à nous communiquer une vie nouvelle, car Dieu l’a répandu richement sur nous, et Jésus Christ, notre Sauveur, est Celui duquel nous le tenons directement. C’est Lui qui, «ayant reçu de la part du Père l’Esprit Saint promis, a répandu» , dit l’apôtre, «ce que vous voyez et entendez» (Actes 2:33). Il est répandu richement, sans compter, car «Dieu ne donne pas l’Esprit par mesure» (Jean 3:34) , et nous avons maintenant «la vie en abondance» (Jean 10:10).
Afin qu’ayant été justifiés par Sa grâce nous devinssions héritiers selon l’espérance de la vie éternelle.
Le mot afin se rapporte à la fois au «lavage» et au «renouvellement», et en est la conséquence. C’est par ces deux choses : la purification et le don du Saint Esprit que nous devenons héritiers selon l’espérance de la vie éternelle. Ayant été justifiés par la grâce du Dieu Sauveur (non par des oeuvres de justice), et possédant la vie éternelle, en vertu du salut qu’il nous a acquis par le lavage et le renouvellement, nous sommes héritiers selon l’espérance de cette vie éternelle dont l’apôtre a parlé au chap. 1:2. — Il faut mourir en Christ pour avoir part au royaume du Dieu Sauveur, et c’est à quoi correspond le lavage de la régénération ; mais il faut avoir reçu la puissance d’une vie nouvelle pour être héritier selon l’espérance de cette vie, et c’est à quoi correspond le renouvellement de l’Esprit Saint. Le lavage de la mort en Christ nous sépare entièrement de notre ancienne position ; la résurrection avec Christ et la vie nouvelle que nous possédons en Lui, nous introduisent dans une position nouvelle comme héritiers de Dieu et cohéritiers de Christ.
Nous venons, dans les vers. 5 à 7 de passer en revue les sept caractères qui appartiennent au salut, tandis que dans les v. 1 à 2 nous avions passé en revue les sept traits caractéristiques des enfants de Dieu et au v. 3 les sept traits par lesquels le monde se distingue. Les sept caractères du salut sont donc les suivants : 1° Les oeuvres de justice en sont exclues. 2° Il dépend de la miséricorde du Dieu Sauveur. 3° Il a lieu par le lavage de la régénération, et 4° par le renouvellement de l’Esprit Saint. 5° Cet Esprit a été répandu richement sur nous. 6° Nous sommes justifiés par la grâce du Dieu Sauveur. 7° Nous sommes devenus héritiers de la vie éternelle. Tant il est vrai que dans cette épître, pour ne parler que d’elle, le chiffre 7 est le chiffre des choses complètes auxquelles il est impossible de rien ajouter !
«Cette parole est certaine, et je veux que tu insistes sur ces choses, afin que ceux qui ont cru Dieu s’appliquent à être les premiers dans les bonnes oeuvres ; ces choses sont bonnes et utiles aux hommes». (v. 8).
Cette parole est certaine : c’est-à-dire la parole de la miséricorde de Dieu qui sauve et justifie, et qui donne à ceux qui ont cru la vie éternelle comme héritage : la jouissance de ses pleins résultats dans la gloire.
La parole de la loi a été ferme : elle a toujours pour résultat «une juste rétribution» (Hébr. 2:2) ; la parole de la grâce est certaine. Lorsque ce terme est employé, il est toujours question de la grâce, et les «paroles certaines» sont très fréquentes dans les épîtres à Timothée et à Tite.
En 1 Tim. 1:15, la «parole certaine et digne de toute acceptation» est que Christ est venu dans ce monde pour sauver des pécheurs.
Au chap. 3:1, de cette même épître, c’est «une parole certaine» que celui qui «aspire à la surveillance désire une oeuvre bonne». Aspirer à cette charge, c’est désirer être soi-même irréprochable (v. 2) pour conduire les autres dans le même chemin, à la gloire de Dieu, fonction qui, certes, n’est pas indifférente, mais a une haute valeur, puisqu’il s’agit de tout le témoignage pratique de la maison de Dieu ici-bas. Aussi cette fonction est-elle appelée «une bonne oeuvre».
Au chap. 4:8, l’apôtre dit que «la piété est utile à toutes choses, ayant la promesse de la vie présente et de la vie qui est à venir», et il ajoute : «Cette parole est certaine et digne de toute acceptation». Il accentue ainsi, comme au chap. 1:15, la certitude de la parole qui engage à la piété, selon l’enseignement divin. L’apôtre ajoute qu’il travaillait et supportait l’opprobre en vue de cela. Pour enseigner la piété aux autres, il faut être soi-même un modèle de piété, en espérant dans le Dieu vivant qui est le Conservateur de tous les hommes, spécialement des fidèles.
En 2 Tim. 2:10-12, nous trouvons une «parole certaine» qui embrasse toute l’oeuvre de la rédemption : «le salut qui est dans le Christ Jésus, avec la gloire éternelle» ; la mort et la vie avec Lui ; les souffrances et le règne avec Lui. N’est-ce pas un programme complet de certitude ?
Ici, en Tite 3:8, la «parole certaine» a beaucoup de rapport avec celle de 2 Tim. 2:11, car il s’agit du salut, de l’oeuvre par laquelle il nous est acquis, du don de l’Esprit, de la vie, et de l’héritage éternels. Cela aussi est un programme complet.
Et je veux que tu insistes sur ces choses. L’enseignement de Tite devait insister particulièrement et revenir sans cesse sur les choses qui sont le fondement même du salut. Au chap. 2:15, il devait annoncer les choses enseignées par la grâce qui apporte le salut. Ces choses avaient trait à toute la vie pratique du chrétien. Tite devait reproduire cet enseignement. Il en est à peu près de même ici : Tite devait insister sur le fondement même du salut qui a pour origine l’amour de Dieu et sa miséricorde en Christ, ainsi que sur l’oeuvre qu’Il accomplit dans le coeur des croyants.
Le résultat de cet enseignement était que ceux qui avaient cru Dieu devaient s’appliquer à être les premiers dans les bonnes ouvres, résultat pratique au premier chef, et sur lequel nous ne pouvons assez insister, en considérant dans cette courte épître les fruits pratiques de la bonne doctrine et du sain enseignement dans la maison de Dieu. Tel, du reste, devrait toujours être le christianisme. Nous ne sommes pas créés de nouveau, justifiés par grâce, héritiers selon l’espérance de la vie éternelle, pour jouir simplement de ces privilèges, mais pour qu’ils exercent une influence bénie et puissante sur notre marche et sur les moindres détails de notre conduite dans ce monde. La connaissance de ces choses doit nous faire marcher en tête dans les bonnes oeuvres, soit en la présence de nos frères, soit devant le monde. Plus la connaissance de l’oeuvre de la grâce est grande, plus brillant doit être le témoignage, et plus intense l’activité chrétienne. Puissent tous les enfants de Dieu qui sont à l’école de la grâce répondre à cette obligation !
Nous ne reviendrons pas sur la question des bonnes oeuvres déjà traitée en détail. La quantité de passages qui les mentionnent dans le Nouveau Testament, montre quelle en est l’importance (*). Remarquons seulement qu’une vie chrétienne sans bonnes oeuvres est une vie inutile pour Christ. Quel réveil pour les chrétiens, lesquels n’ont pas compris que celui qui vit de la vie de Christ ne peut plus «vivre pour lui-même» (2 Cor. 5:15) , quand ils découvriront le rôle insignifiant que leur Seigneur et Sauveur, et l’activité pour Lui, ont joué dans leur existence !
(*) Nous citons tous ces passages pour les chrétiens qui désirent en faire l’étude: Matth. 5:16 ; 26:10 ; Marc 14:6 ; Jean 10:32 ; Actes 9:36 ; Rom. 2:7 ; 13:3 ; 2 Cor. 9:8 ; Éph. 2:10 ; Phil. 1:6 ; Col. 1:10 ; 2 Thess. 2:17 ; 1 Tim. 2:10 ; 3:1 ; 5:10, 25 ; 6:18 ; 2 Tim. 2:21 ; 3:17 ; Tite 1:16 ; 2:7, 14 ; 3:1, 8, 14 ; Héb. 10:24 ; 13:21 ; 1 Pierre 2:12.
Ces choses sont bonnes et utiles aux hommes.
Elles sont bonnes aux yeux de Christ et aux yeux des fidèles, mais de plus elles sont «utiles aux hommes». L’oeuvre de Christ est utile aux hommes, puisque sa grâce est apparue à tous les hommes, ainsi que l’amour de Dieu envers eux (2:11 ; 3:4), mais maintenant nous avons à continuer cette oeuvre de grâce par notre conduite au milieu des hommes, afin de leur en démontrer la valeur. L’oeuvre de l’évangélisation dans ce monde, l’annonce de l’amour de Dieu envers les pécheurs est d’une importance illimitée, mais la conduite des chrétiens est souvent une évangélisation beaucoup plus puissante que les paroles qu’ils pourraient prononcer. (Voyer 1 Thess. 1:8). Voilà ce que Tite devait rechercher, mais il avait aussi des choses à éviter :
«Mais évite les folles questions et les généalogies, et les contestations, et les disputes sur la loi, car elles sont inutiles et vaines» (v. 9).
Si les premières choses étaient utiles, celles-ci étaient inutiles.
Les généalogies (*), se rapportent à des doctrines judaeo-platoniciennes qui de bonne heure avaient envahi le christianisme (1 Tim. 1:4). Dans cette même catégorie rentraient les folles questions soulevées par des gens à propre volonté qui ne souffraient pas d’être contredits par d’autres (2 Tim. 2:23). Les contestations en étaient la suite. Les disputes sur la loi sont ces minuties, jeux de l’intelligence rabbinique, qui traitait la loi comme matière à discussion, au lieu de l’appliquer à la conscience. Ces disputes sont inutiles et vaines ; le résultat pour les âmes est nul, car toute vérité qui n’amène pas les hommes à la connaissance de Dieu et à une vie de sainteté, est sans valeur. Ce n’est que «vain babil» (1 Tim. 1:6).
(*) Voyez note à 1:14, page 31.
«Rejette l’homme sectaire après une première et une seconde admonestation, sachant qu’un tel homme est perverti et pèche, étant condamné par lui-même» (v. 10-11).
Toutes les choses qui précèdent, Tite devait les éviter, sans y voir -- quelque blâmables qu’elles fussent, et pour le moins inutiles et vaines — des cas d’exclusion. Il suffisait de se tenir à part des «folles questions» et d’y rester étranger pour voir tarir ce courant malsain qui cherchait à s’infiltrer parmi les saints. Il y avait cependant des cas où Tite, auquel l’apôtre avait conféré l’autorité pour mettre «en bon ordre» le fonctionnement de l’assemblée, devait user de cette autorité pour empêcher les sectes.
Les divisions pouvaient être occasionnées au sein de l’Assemblée par les choses mentionnées au v. 9 : «contestations, disputes sur la loi», etc., sans que l’unité du corps de Christ en fût attaquée (1 Cor. 1:10 ; 11:18). Les sectes séparaient les frères de l’assemblée elle-même, et l’homme qui les produisait devait être traité sans ménagement. Il cherchait à grouper autour de lui un certain nombre de fidèles, se constituant lui-même comme centre de rassemblement. Il reniait ainsi pratiquement l’unité du corps de Christ et le seul centre de cette unité qui est Jésus lui-même. Les doctrines d’un tel homme pouvaient fort bien n’être pas des doctrines antiscripturaires, auxquelles on a l’habitude de donner le nom d’hérésies. Il suffisait de sortir une vérité de sa place en lui donnant un rôle exagéré dans l’ensemble des doctrines scripturaires, et de réunir les chrétiens autour de ce principe, qu’il fût vrai ou faux, et autour de l’homme qui l’incarnait, pour créer une secte, qui se séparait de l’Assemblée de Christ. Celui qui prend cette place et qui devient par là le chef d’un parti, ou d’une «église» de sa façon, doit être rejeté sans ménagement, car il a rompu l’unité et fait outrage à Christ, Chef du corps ; mais il ne doit pas être rejeté sans une admonestation préalable, ayant pour but de le retirer de sa mauvaise voie et de prévenir une rupture dans l’Assemblée. Il faut aussi que l’admonestation ne soit pas faite précipitamment. La première doit être suivie d’une seconde. Elles doivent être bien distinctes l’une de l’autre, et solennelles. Tite savait (v. 11) en agissant avec autorité, mais avec mesure, qu’un tel homme était perverti ; son âme était détournée du bien vers le mal, et s’il ne se repentait pas à la première répréhension, c’est qu’il péchait, le sachant et le voulant ; or le péché, la propre volonté, est la condamnation de l’homme par lui-même.
«Quand j’enverrai Artémas auprès de toi ou Tychique, empresse-toi de venir auprès de moi à Nicopolis, car j’ai résolu d’y passer l’hiver. Accompagne avec soin Zénas, le docteur de la loi, et Apollos, afin que rien ne leur manque ; et que les nôtres aussi apprennent à être les premiers dans les bonnes oeuvres pour les choses nécessaires, afin qu’ils ne soient pas sans fruit.
Tous ceux qui sont avec moi te saluent. Salue ceux qui nous aiment dans la foi. Que la grâce soit avec vous tous» (v. 12-15).
Chaque parole de l’Écriture sainte a de l’importance. Après en avoir donné tant de preuves dans cette Étude, nous en avons un dernier exemple dans les quelques versets qui terminent cette épître.
Nous y voyons d’abord que les fonctions de Tite en Crète, contrairement aux assertions des théologiens, n’avaient aucun caractère permanent. Sa mission achevée, et quand Artémas ou Tychique seraient venus auprès de lui, Tite devait se hâter de rejoindre, à Nicopolis, l’apôtre qui avait résolu d’y passer l’hiver. Peut-être est-il fait allusion à ce voyage de Tite en 2 Tim. 4:10, mais dans ce cas en l’absence de l’apôtre qui, de nouveau prisonnier à Rome, savait que le temps de son départ était arrivé.
Quant à Tychique, il est toujours représenté comme envoyé par Paul pour renseigner les assemblées au sujet de ses propres circonstances et rapporter à l’apôtre des nouvelles de leur état. Zénas, le docteur de la loi (*), et Apollos sont annoncés comme étant sur le point de visiter la Crète. Or Tite n’avait pas à se confiner à sa mission spéciale, mais à prendre soin d’eux, en sorte que rien ne leur manquât. Paul montre ici une sollicitude particulière pour ceux qui n’étaient pas spécialement associés avec lui dans l’oeuvre. Mais si Tite devait montrer ce zèle pour les frères étrangers qui ne faisaient pas partie de l’entourage de l’apôtre, «les nôtres» aussi, dit-il, c’est-à-dire tous les saints en Crète, devaient apprendre (et comment ne l’auraient-ils pas appris, ayant un tel exemple sous les yeux) (voyez aussi 2:6-7), à être les premiers dans les bonnes oeuvres pour les choses nécessaires. Ces «choses nécessaires» n’étaient pas seulement de pourvoir aux besoins des pauvres, mais aux besoins des fidèles serviteurs de Christ, dont il est dit autre part qu’ils étaient «étrangers» et qu’ils étaient «sortis pour le Nom» (3 Jean 7). Ces bonnes oeuvres étaient une fonction qui incombait à tous les fidèles et sans laquelle ils auraient été sans fruit.
(*) Probablement «le jurisconsulte» plutôt que «le docteur de la loi mosaïque».
On voit au v. 15 que l’apôtre était encore entouré, à ce moment-là, des frères qui étaient son cortège habituel, tandis que, dans la deuxième épître à Timothée, tous l’avaient abandonné, sauf Luc, son fidèle compagnon et serviteur (2 Tim. 1:15 ; 4:10). L’apôtre lui-même salue ceux qui l’aiment, dans cette foi commune qui lie les chrétiens entre eux, ainsi qu’avec Dieu et avec Christ. Son dernier souhait, qui devrait être continuellement le nôtre, est que la grâce soit avec tous les saints.