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Satan, la Création et le Monde

 

Extrait d’une lettre de Henri Rossier (1922) à André Gibert

ME 1944 p. 53

Je crois que les conclusions que vous exposez dépendent en partie d’une interprétation inexacte d’Ésaïe 14 et d’Ézéchiel 28 sur lesquels je reviendrai en quelques mots. Mais auparavant je voudrais insister sur le rôle de Satan dans la création. Il est dit de lui : « Tu étais un chérubin qui couvrait » (ou protégeait). C’est une haute dignité, car les chérubins sont en petit nombre et établis comme porteurs des divers attributs de Dieu dans le gouvernement de sa création. Ils seront les porteurs de ces mêmes attributs quand le règne de Christ sur la création devra être établi par les jugements. Satan était l’un d’eux, mais a perdu sa place. Quand « au commencement » la création n’était pas souillée par le péché, il était là pour protéger l’ordre établi, et cela dans le passé le plus lointain, car, bien avant la création actuelle, il a été un agent destructeur, et le tohu-bohu n’était pas l’oeuvre de Dieu. Satan était « établi » « dans la sainte montagne de Dieu », non pas dans le jardin d’Éden, et « il marchait parmi les pierres de feu ». Dans ce moment qui nous reporte à la création des anges, avant le « commencement » où « Dieu créa les cieux et la terre », ce Chérubin était parfait dans ses voies. Il ne nous est pas révélé combien de temps cela dura, mais il arriva un moment où « l’iniquité fut trouvée en lui ». Nous savons quelle en fut l’origine : l’orgueil. Il estima comme un objet à ravir d’être égal à Dieu. Plus tard, lors de la création de l’homme, il le séduisit par le même principe qui avait causé sa propre ruine. La venue de Christ a établi pour l’homme et par lui, l’homme parfait, un principe diamétralement opposé.

On confond parfois, au sujet de Satan, sa dignité avec l’autorité. Si, à toujours, il a été revêtu d’une dignité, même un Archange n’ose pas proférer de jugement injurieux contre lui ; à bien plus forte raison ne le pouvons-nous pas. Mais, depuis la croix, il est vaincu, il a perdu toute autorité, il est rendu impuissant, et si nous lui résistons, il s’enfuit loin de nous. Seulement il n’est pas encore chassé des lieux célestes et précipité, mais le Dieu de paix le brisera bientôt sous nos pieds. Nous ne reconnaissons donc en lui aucune autorité, pas plus que le Seigneur ne la reconnaissait lors de la tentation au désert. Il est évident que Satan ment, quand il dit au Seigneur : « Je te donnerai toute cette autorité et la gloire de ces royaumes, car elle m’a été donnée et je la donne à qui je veux » (Luc 4:6). Il ne dit pas par qui cette autorité lui a été donnée ; c’est par le péché que sa ruse a provoqué chez l’homme en l’introduisant dans le même chemin qui l’a perdu, lui Satan. Jamais cette autorité, ni la gloire de ces royaumes, ne lui a été donnée par Dieu. Il ment encore en disant : « Je la donne à qui je veux », car Satan n’a aucune volonté que Dieu ne puisse réduire à néant ou dont Il ne se serve pour accomplir finalement Ses desseins. Mais ce qui est vrai, c’est que Satan, par la chute de l’homme qu’il a provoquée, a acquis la domination sur l’homme, devenu son esclave par le péché. Son triomphe apparent a été la croix, le lieu précis où la puissance de la mort qu’il tenait par le péché lui a été enlevée, — mais c’est là qu’il est devenu le prince du monde, car remarquez-le, ce n’est qu’alors que le Seigneur lui donne ce titre. Les chapitres de Jean qui en parlent présentent le Seigneur comme au delà de la mort. Comme prince de ce monde il est déjà jugé pour nous. Nous ne lui reconnaissons donc aucune autorité sur nous, tandis que le monde est son esclave, ayant préféré le choisir pour Maître au lieu d’accepter le royaume de Christ.

Notre soumission aux autorités établies sur la terre provient précisément de ce que, ne reconnaissant à Satan aucune autorité sur nous, nous reportons toute autorité à Dieu. Ce monde est devenu le domaine de Satan, mais, pour nous chrétiens, le royaume des cieux subsiste en l’absence du Roi, et c’est à ce royaume que nous appartenons, reconnaissant comme valables les principes immuables du gouvernement de Dieu et non ceux du monde. Nous sommes entrés dans ce royaume par la foi ; nous y appartenons ; il est régi par des lois gouvernementales divines, auxquelles nous sommes tenus de nous soumettre.

Ceci m’amène à vous dire quelques mots sur Ésaïe 14 et Ézéchiel 28. Je crois qu’on a souvent introduit de la confusion dans ces deux passages en attribuant à Satan ce qui est dit de l’homme, de Babylone, de l’Assyrien, de Tyr ou de l’Antichrist. Voici comment je les comprends.

En Ésaïe 14, vous trouvez Babylone identifiée avec la Babylone ou Bête romaine de l’Apocalypse. Vous trouvez aussi la liaison entre l’Antichrist et Satan. C’est la trinité satanique, dont les personnages peuvent être considérés séparément, mais s’identifient ici comme Bête romaine et faux prophète avec le Diable qui, originairement, était Lucifer, l’étoile brillante du matin (v. 12). L’Assyrien, sujet principal d’Ésaïe, est jugé à part (v. 24-27).

En Ézéchiel 28, il en est un peu autrement. Là il s’agit d’abord du prince de Tyr, non pas de Satan, mais d’un homme qui dit : « Je suis Dieu »... Ce roi de Tyr est le type historique de l’Antichrist. Mais si vous considérez le chapitre 27 vous trouvez que la puissance de Tyr est absolument assimilable à celle de Babylone en Apocalypse 18. Plus loin, 28:11-13, le roi de Tyr est l’homme établi primitivement dans le jardin d’Éden, mais à un moment donné il est représenté par Satan qui s’est substitué à lui, et a son expression finale dans la personne de l’Antichrist qui a profané le sanctuaire de Dieu et est « réduit en cendre sur la terre, aux yeux de tous » (v. 18).

Ce court exposé, quoique très incomplet, pourra, je l’espère, vous être utile, en vous prouvant que la question est plus complexe qu’il ne semble à première vue.

Je vous quitte, cher frère, en vous présentant mes très affectueuses salutations dans le Seigneur.