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Les  LAMENTATIONS  de  JÉRÉMIE

 

 

 

et  leur  APPLICATION  au  TEMPS  PRÉSENT

 

par Henri Rossier

 

Table des matières :

1     AVANT-PROPOS

2     CHAPITRE 1

2.1      Première division (versets 1-11)

2.2      Seconde division, versets 12-17

2.3      Troisième division, versets 18-22

3     CHAPITRE 2

3.1      Première division, versets 1-10

3.2      Seconde division y versets 11-17

3.3      Troisième division, versets 18-22

4     CHAPITRE 3

4.1      Première division, versets 1-18

4.2      Seconde division, versets 19-39

4.3      Troisième division, versets 40-54

4.4      Quatrième division, versets 55-63

4.5      Cinquième division, versets 64-66

5     CHAPITRE 4

5.1      Première division, versets 1-6

5.2      Seconde division, versets 7-10

5.3      Troisième division, versets 11-20

5.4      Quatrième division, versets 21, 22

6     CHAPITRE 5

6.1      Première division, versets 1-18

6.2      Seconde division, versets 19-22

 

1                    AVANT-PROPOS

 

Les Lamentations sont d’une telle actualité pour les jours douloureux que nous traversons (*), qu’il nous a semblé bon de les donner comme appendice à nos études sur les petits prophètes. Une des choses qui nous paraît constituer l’importance spéciale et la portée morale de ce livre, c’est qu’il a autant de valeur pour les croyants que pour les non-croyants. Les croyants qui traversent aujourd’hui des épreuves sans exemple dans l’histoire du monde sont appelés, par les douleurs qui fondent sur eux, à considérer leurs voies, à se repentir et à attendre la délivrance du Dieu seul qu’ils ont si souvent déshonoré par leur conduite ; les non-croyants, rencontrant «les jugements de Dieu qui sont sur la terre», peuvent y apprendre la justice et reconnaître que ces jugements sont mérités (És. 26: 9). Ils sont ainsi appelés à venir, par le chemin de la repentance, confesser leurs péchés à Celui qu’ils ont offensé, mais qui, bien loin de les rejeter pour toujours, se fait connaître à eux comme le Dieu Sauveur.

 (*) Première édition 1918.

Que nous soyons croyants ou non-croyants, le jugement de nous-mêmes est souvent graduel, comme nous le verrons dans la suite de ce livre, et ce n’est qu’après une longue préparation que l’âme peut dire : «Je t’ai fait connaître mon péché» et : «Contre toi, contre toi seul, j’ai péché» (Ps. 32 et 51).

Sans vouloir anticiper sur ce qui se déroulera devant nous, à mesure que nous avancerons dans l’étude de ces chapitres, qu’il nous soit permis de dire quelques mots sur la portée historique et prophétique, ainsi que sur la structure de ce livre.

Les Lamentations ont été prononcées au sujet d’un événement historique : la prise et la destruction de Jérusalem par les armées de Nebucadnetsar. Dans ce sens, leur sujet n’est nullement prophétique ; elles nous font assister au travail de coeur et de conscience par lequel Jérusalem humiliée doit passer pour arriver, à travers une terrible détresse, à son relèvement. Mais ce but fut-il atteint ? L’histoire ne nous montre rien de pareil, malgré la restauration partielle de Juda dont parlent Esdras et Néhémie, restauration qui eut pour épilogue le rejet final du Messie. C’est alors que l’Esprit prophétique intervient pour nous montrer comment, malgré tout, Dieu atteindra son but de grâce. Ce peuple que l’Éternel a rejeté traversera une détresse pire même que celle des Lamentations jusqu’à ce qu’il atteigne sa restauration finale. Un homme, Jérémie, a sondé prophétiquement cette détresse, a porté seul dans son âme tout le poids du jugement de Dieu, quand Jérusalem ne le sentait qu’imparfaitement. Il devient ainsi, comme il l’est du reste dans tout le grand livre de sa prophétie, le type de Christ, traversant en sympathie les souffrances du Résidu juif de la fin, souffrances qui ont fondu sur lui, le Messie, lors des angoisses de Gethsémané.

Jérusalem est le sujet exclusif des Lamentations. La calamité, ordonnée de Dieu, atteint cette ville, dont Il avait déclaré qu’il aimait ses portes plus que toutes les demeures de Jacob. N’était-elle pas le centre des bénédictions que Dieu, dans sa faveur, avait accordées à son peuple ? On comprend ainsi la cause des larmes intarissables qui sont versées dans ce livre. Jusqu’alors les jugements de Dieu avaient atteint d’abord les dix tribus, puis Juda et la royauté; mais maintenant ils atteignaient le centre même de l’existence, de toute la raison d’être d’Israël, centre établi de Dieu, sa cité, son trône, son temple et son autel. L’Éternel détruisait lui-même ce qu’Il avait établi, le lien formé entre Lui et son peuple, les témoignages de sa présence, les signes de sa faveur et de son choix, le siège de son gouvernement ternporel et spirituel, le lieu même des bénédictions d’Israël ! Cela étant, tout semblait fini. Dieu renversait ce qu’Il avait édifié et donnait ainsi la Preuve qu’il fallait désormais abandonner toute espérance de maintien ou de restauration.

Tel est le sujet des Lamentations. Mais, tout à la fin, Dieu fait luire un rayon d’espoir. Cette désolation amène le prophète, représentant du peuple, à reconnaître le juste jugement de Dieu, et combien il est mérité. C’est le point de départ d’une repentance pareille à celle de Jérusalem en Zacharie 12. À cette repentance, partielle si elle fut exprimée historiquement dans les Lamentations, Dieu donna une réponse, partielle aussi, par la restauration sous Esdras et Néhémie, mais la repentance générale des derniers jours est encore à venir, car, nous l’avons dit, malgré leur caractère historique tout spécial, les circonstances mentionnées ici se renouvelleront au temps de la fin.

S’il est d’une part un type de Christ, Jérémie lui-même, en personne, représente tout du long le Résidu juif souffrant, qui traverse la tribulation, confesse son péché pour s’en repentir, et peut dire, précisément parce qu’il est un intègre témoin de Dieu au milieu de l’apostasie générale : «Je suis l’homme», et porter le poids des péchés du peuple; parce qu’il en fait partie. Sous l’accablement de sa ruine, Jérusalem pouvait trouver quelque réconfort dans le fait que son prophète s’était mis à la brèche pour elle ; mais les fidèles de la cité éprouvée trouveront à bien plus forte raison ce soulagement au temps de la fin quand ils reconnaîtront que leur Messie avait pris cette place. Ils puiseront dans cette pensée l’espérance de leur délivrance.

Tout cela est développé progressivement dans les Lamentations, depuis le sentiment de la désolation amenée sur Jérusalem par sa propre faute, jusqu’à la pleine repentance et à la promesse du retour de la faveur de Dieu (*).

(*) Le contenu prophétique des Lamentations peut être résumé par cette parole du même prophète: «C’est le temps de la détresse pour Jacob, mais il en sera sauvé» (Jér. 30: 7). Quant à Jérémie personnellement, on voit se réaliser à son égard la promesse qui lui avait été faite: «Je suis avec toi pour te sauver et pour te délivrer, dit l’Éternel; et je te délivrerai de la main des iniques et te rachèterai de la main des violents» (Jér. 15: 20, 21). Vrai type de Christ, ayant tout traversé dans son amour pour sa nation, il a été «sauvé à cause de sa piété» !

Ces remarques préliminaires ne seraient pas complètes si elles ne nous amenaient pas à considérer la forme extérieure des Lamentations et à rechercher le but de cette construction.

Cette forme est bien connue. Les Lamentations se composent de cinq complaintes formant autant de chapitres. Les chapitres 1, 2 et 4 ont chacun vingt-deux versets, dont le premier mot commence par une lettre suivant l’ordre des vingt-deux lettres de l’alphabet hébraïque. Le chapitre 5 a le même nombre de versets, mais sans la lettre hébraïque initiale. Il nous sera facile de découvrir à l’occasion la raison de cette anomalie. Enfin le chapitre 3, qui forme le centre de la composition, contient non pas vingt-deux, mais soixante-six versets. Chaque verset d’un groupe de trois commence par la même lettre initiale, en sorte que l’ordre alphabétique des chapitres 1, 2 et 4 y est maintenu trois fois vingt-deux fois. On rencontre au Psaume 119 une construction analogue, à part le fait que la lettre initiale, au lieu de se répéter trois fois, se répète huit fois de suite.

L’ordre que nous rencontrons aux chapitres 1, 2 et 4 se retrouve, d’abord irrégulier, aux Psaumes 9 et 10, puis régulier aux Psaumes 25, 34, 37, aux Psaumes 111 et 112, et enfin au Psaume 145.

Cette construction peut avoir, nous n’en doutons pas, un caractère mnémonique et être donnée en vue de la récitation ; mais l’examen de l’ensemble des passages que nous venons de citer nous fait découvrir une cause plus intéressante et plus profonde de cet arrangement spécial. Placés bout à bout, les Psaumes en question conduisent, par une progression graduelle, l’âme souffrant sous la discipline de Dieu à cause de son infidélité, jusqu’au point final où elle atteint la joie de la pleine délivrance. La discipline a porté tous ses fruits : l’humiliation est complète, la jouissance de la faveur divine est retrouvée, les louanges qui en sont l’expression se donnent un libre cours.

Les Lamentations sont comme la base et le premier échelon de cette marche ascendante. Sans elles on ne pourrait atteindre le sommet, car c’est dans les Lamentations que nous voyons l’âme dans les ténèbres sous la colère gouvernementale de Dieu, sans aucun espoir de délivrance. Elle crie à Dieu qui ne lui répond pas. Ce silence angoissant au suprême degré se prolonge, mais, toutes les expériences terminées, quand l’humiliation est complète, Dieu ouvre enfin la bouche pour prononcer le jugement sur l’oppresseur et consoler Jérusalem en lui disant que sa désolation a pris fin. Cette assurance la soutient ; elle s’y cramponne et saisit cette promesse par la foi, avant que l’heure de la délivrance ait sonné, aussi le livre se termine par la question : «Ou bien, nous aurais-tu entièrement rejetés ? Serais-tu extrêmement courroucé contre nous ?» (Lam. 5: 22). Tous les Psaumes dont nous allons parler sont comme la réponse à cette question.

Nous ne dirons qu’un mot des Psaumes 9 et 10. Selon leur structure alphabétique, assez défectueuse du reste, ils forment un seul Psaume, nous présentant, comme en un tableau historique, le côté extérieur des souffrances du pauvre Résidu juif de la fin, la méchanceté de l’oppresseur et le jugement sans miséricorde qui attend ce dernier. Cette condition est à la base de tous les Psaumes alphabétiques suivants, mais le sujet des Lamentations, l’oeuvre de repentance dans le coeur des fidèles n’est pas abordé dans ces deux premiers Psaumes.

Au Psaume 25 nous trouvons, au contraire, comme dans les Lamentations, l’âme sous le poids du sentiment profond de son péché, de son iniquité et de la détresse qu’ils lui ont attirée, mais ce sentiment est accompagné dès le début de la confiance en Dieu qui ne permettra pas que celui qui regarde à Lui soit confus, et qui l’enseignera.

Au Psaume 34 l’âme fait un pas de plus. Ce Psaume est caractérisé par la crainte de l’Éternel au milieu des frayeurs et des détresses. Les justes crient et Dieu entend. Les méchants seront jugés et ceux qui se confient en l’Éternel ne seront pas tenus pour coupables.

Ainsi ces deux Psaumes, tout en se mouvant sur le même terrain que les Lamentations, leur font suite en les complétant. Tous deux sont caractérisés par une grande détresse et par un profond sentiment du péché. Dans le premier nous trouvons la confession de la faute, comme dans les Lamentations, dans le second l’intégrité avec un coeur brisé, mais assuré de n’être pas tenu pour coupable ; dans les deux, la confiance que l’épreuve prendra fin.

Au Psaume 37, l’âme a déjà fait ses expériences personnelles, aussi est-elle placée davantage en présence de la méchanceté des hommes et du sentiment profond de leur perversité. Ce n’est là qu’une partie, et non pas la plus importante, des sentiments que nous trouverons exprimés dans les Lamentations, seulement le juste est exhorté à ne pas s’irriter devant le mal ; il se confie en l’Éternel. La fin est la paix et le salut.

Les Psaumes 111 et 112 se lient l’un à l’autre et ont la même structure alphabétique. Nous y trouvons, non plus la confession des péchés, comme au Psaume 25, ni le jugement des méchants comme au Psaume 37, mais la louange qui suit la délivrance. Quelle différence d’avec les Lamentations ! Ce qui caractérise le premier de ces Psaumes c’est que la justice de l’Éternel, ses préceptes et sa louange demeurent à perpétuité, tandis qu’au Psaume 112 c’est la justice de celui qui craint l’Éternel, qui demeure à perpétuité. Le croyant éprouvé est estimé bienheureux et ne craint pas l’ennemi. De tels résultats de l’épreuve ne sont pas consignés dans les Lamentations, aussi ces deux Psaumes pourraient être l’épilogue ou la conclusion finale des Lamentations, si le Psaume 145 ne les dépassait encore.

Le Psaume 119 nous ramène, aux versets 81 à 88, dans l’atmosphère des Lamentations. Nous y entendons le cri sous l’oppression de l’ennemi, et pas de consolations, et de plus, au verset 176, la confession : le croyant reconnaît qu’il a «erré comme une brebis qui périt». Mais au milieu des mêmes circonstances extérieures que dans les Lamentations, nous avons ici, non pas les exercices de conscience qui conduisent à une pleine repentance et à la restauration finale, mais la loi écrite dans le coeur, l’état d’une âme intègre que toutes ses expériences ont amenée à trouver son plaisir dans la loi de l’Éternel. Ce Psaume décrit le bon état intérieur du fidèle qui a dépassé l’humiliation et l’aveu du péché des Lamentations, mais n’a pas encore atteint ni la louange des Psaumes 111 et 112, ni la communion du Psaume 145.

En effet, le Psaume 145, couronnement de toute la série des Psaumes alphabétiques qui font suite aux Lamentations, est un Psaume de Communion. L’âme est pleinement relevée de sa chute. En communion avec Christ, elle célèbre, à toujours et à perpétuité, tout ce que Dieu est : sa grandeur, sa majesté, ses actes, sa bonté et sa justice, sa grâce infinie et sa miséricorde, ses compassions, la gloire et la magnificence de son royaume au siècle des siècles. C’est le salut final où toute chair le célèbre. Quel chemin parcouru depuis les angoisses des Lamentations! Quel digne couronnement de toutes les voies de Dieu envers une âme !

Nous apprenons donc ici, me semble-t-il, quel est le motif secret de cette forme poétique si particulière. Elle n’est que le développement d’une pensée continue qui élève l’âme, depuis les profondeurs de la tribulation, à travers la repentance et la confession des péchés, jusqu’à la pleine liberté de la présence de Dieu, où elle trouve la communion avec Lui, l’adoration et la louange éternelle !

Remarquons, en terminant cet avant-propos, que les Lamentations de Jérémie ne doivent pas être confondues avec les Lamentations du même prophète sur la mort de Josias (2 Chron. 35: 25). Ces dernières sont des Lamentations sur la royauté fidèle arrivée au terme de son histoire, car ce qui suivit Josias n’est plus que l’agonie de la royauté infidèle. Jérémie se lamente parce que le dernier espoir d’une restauration de Juda sous la maison de David a disparu et qu’il prévoit le sujet de Lamentations nouvelles. Celles-ci dépassent infiniment les premières : le siège de la royauté est renversé, le culte de Dieu en Israël est détruit par la main du Dieu qui l’avait institué. Cependant, quant à leur portée prophétique, nous voyons en Zacharie 12: 11, que les Lamentations de Jérémie, image des Lamentations de la fin, ont une similitude avec celles que le prophète prononça sur Josias à Hadadrimmon «dans la vallée de Meguiddo» (2 Chron. 35: 22).

 

2                    CHAPITRE 1

 

Nous trouvons dans ce chapitre la description de la ruine de Jérusalem, placée sous le jugement de Dieu. Sa profonde misère et sa détresse sont exprimées en termes émouvants, soit que le prophète qui assiste à sa ruine et y sympathise en fasse le tableau, soit que l’expression de sa profonde désolation lui soit prêtée à elle-même. Elle est amenée sous le poids du châtiment à reconnaître que le jugement de ses transgressions est juste.

Ce chapitre se divise en trois parties.

 

2.1   Première division (versets 1-11)

Le verset 1 décrit l’état lamentable de Jérusalem. Cette ville si peuplée est maintenant solitaire; elle qui jadis avait un tel renom de grandeur parmi les nations est pareille à une femme qui a perdu son mari, son soutien et son défenseur. L’abandon dans lequel elle se trouve parce qu’elle a perdu l’Éternel est décrit d’une manière frappante. Cette ville enfin, à laquelle toutes les nations apportaient leur tribut, leur est maintenant asservie.

Quelle est la cause de cette punition ? La voici : Jérusalem s’est alliée aux nations. Au lieu de servir l’Éternel, elle a obéi aux convoitises de son mauvais coeur ; elle s’est livrée aux amants qu’elle a choisis, elle est devenue adultère. «Regarde, lui avait dit le prophète, reconnais ce que tu as fait, dromadaire légère, qui vas çà et là, croisant tes chemins. Anesse sauvage accoutumée au désert, dans le désir de son âme elle hume le vent : dans son ardeur, qui la détournera ? Tous ceux qui la cherchent ne se fatigueront point ; ils la trouveront en son mois» (Jér. 2: 23, 24).

De même Ézéchiel la décrit sous le nom d’Oholiba : «Elle se passionna pour les fils d’Assur, gouverneurs et chefs, ses voisins, vêtus magnifiquement, cavaliers montés sur des chevaux, tous beaux jeunes hommes. Et je vis qu’elle s’était rendue impure» (Ézéch. 23: 12). Enfin dans notre chapitre (v. 19), Jérusalem reconnaît elle-même cela : «J’ai appelé mes amants : ils m’ont trompée». Elle s’était livrée aux Assyriens et avait courtisé Babylone, et maintenant tous ses amis étaient devenus ses ennemis. Avertissement solennel aux croyants qui cherchent l’amitié du monde. Dieu tient cette amitié pour inimitié contre Lui et n’oublions pas qu’une grande partie des châtiments qui atteignent aujourd’hui les chrétiens est due à cette cause.

Le résultat de l’infidélité de Jérusalem est que, «de tous ses amants, il n’en est pas un qui la console» (v. 2). Cet isolement absolu est mentionné constamment dans ce chapitre . «Il n’y a personne qui vienne aux fêtes» (v. 4). «Il n’y avait personne» qui lui vienne en aide (v. 7), et surtout : «Il n’y a personne qui la console» (v. 9, 17, 21). L’abandon et la désolation de cette femme adultère ne sont-ils pas justes ? À bien plus forte raison le furent-ils après qu’elle eut rejeté son Messie, renié le Christ, crime plus terrible encore que l’assimilation aux nations idolâtres qui l’entouraient. Mais, chose merveilleuse, voici que ce Messie dont elle n’a pas voulu, prend, afin de pouvoir consoler son peuple coupable, la même place que lui dans l’abandon et sous le jugement : «Pourquoi suis-je venu, dit-il, et il n’y a eu personne ? Pourquoi ai-je appelé, et il n’y a eu personne qui répondît ?» (És. 50: 2). «J’ai attendu que quelqu’un eût compassion de moi, mais il n’y a eu personne... et des consolateurs, mais je n’en ai pas trouvé» (Ps. 69: 20). «La détresse est proche, car il n’y a personne qui secoure» (Ps. 22: 11). «Tout refuge est perdu pour moi ; il n’y a personne qui s’enquière de mon âme» (Ps. 142: 4). Il faut que Jérusalem apprenne que, s’il n’y a personne pour la consoler ou pour la sauver, Celui qui est venu prendre sa place, abandonné de tous, abandonné de Dieu même à la croix, est seul capable de la consoler et de la sauver. Quand «il n’y avait personne qui le soutînt» (És. 63: 5), il a tout seul remporté la victoire sur les ennemis d’Israël, et a pu parler au coeur de Jérusalem en disant: «Consolez, consolez mon peuple» (És. 40: 1).

Mais, avant qu’elle ait appris ces choses, il faut que la ville coupable descende dans les profondeurs de l’affliction : Elle se souvient «de toutes les choses désirables qu’elle avait dans les jours d’autrefois» (v. 7). Y a-t-il plus grande souffrance que celle-là ? Un poète, qui connaissait les Écritures, a dit : «Nulle douleur plus grande que de se souvenir des temps heureux dans la misère».

La cause de toute cette désolation, c’est que Jérusalem a «grièvement péché» (v. 8). Dieu ne le cache à personne, car c’est lui qui le déclare ici, afin que tous le sachent. Il ne s’adresse pas à Jérusalem ; il la donne en exemple au monde entier, car le jugement de Sa maison précède le jugement du monde. Dans tous ces versets, ce qui rend la situation de Jérusalem si tragique, c’est que Dieu ne lui parle pas une seule fois à elle-même. Il parle d’elle, par la bouche de son prophète, la signale au monde comme un objet impur et dégradé, maintenant «prodigieusement descendu» (v. 9), sans lui adresser une seule parole. C’est en apparence le comble du mépris et de l’abandon.

À la fin du verset 9, Jérusalem coupable qui jusque-là était restée muette, pousse un premier cri. Elle a pu prendre connaissance de son histoire passée et sonder sa détresse actuelle dans les paroles du prophète qui exposaient son état, sa faute, sa corruption, sa punition aux yeux de tous, connue de ses persécuteurs eux-mêmes. Maintenant, dans l’amertume de son âme, elle élève la voix : «Regarde, ô Éternel, mon affliction, car l’ennemi s’est élevé avec orgueil». Ce cri qui lui est arraché a pour cause 1° le sentiment de l’abaissement dans lequel son impureté l’a plongée ; 2° la constatation que, ni du côté de l’homme, ni du côté de Dieu, personne ne la console ; 3° l’orgueil de l’ennemi, orgueil que Dieu, sans doute, ne peut tolérer, mais qu’il laisse peser sur elle de tout son poids comme châtiment. Cette parole : «Regarde, Éternel !» répétée trois fois dans ce chapitre, offre, comme nous le verrons, une gradation. La première fois Jérusalem est sous le poids de l’orgueil intolérable de l’oppresseur. Son appel, au moment où Dieu lui cache sa face, est déjà de la foi, mais n’est pas encore la repentance. Il faudra que la pauvre délaissée fasse encore de nombreuses expériences, pour arriver au jugement complet d’elle-même.

Le verset 10 continue l’exposé de la désolation de Jérusalem, non par sa propre bouche, mais par celle du prophète qui reprend devant elle la description de sa misère afin d’amener un second appel sur ses lèvres. Ce qui est dit ici est plus terrible que toutes les afflictions précédentes : «Elle a vu entrer dans son sanctuaire les nations, au sujet desquelles Dieu avait commandé qu’elles n’entreraient point dans sa congrégation». Non seulement toutes les choses désirables de Jérusalem (v. 7, 10) étaient devenues la proie de l’ennemi, mais le temple, le sanctuaire où Dieu habitait, avait été profané par les nations. Or n’était-ce pas Dieu lui-même qui avait déclaré : «L’Ammonite et le Moabite n’entreront pas dans la congrégation de l’Éternel ; même leur dixième génération n’entrera pas dans la congrégation de l’Éternel, à jamais» (Deut. 23: 3) ? Cet exposé, dépourvu en apparence de tout ménagement de la part du prophète, continue : Le gémissement atteint le peuple tout entier ; la famine règne ; les choses les plus précieuses sont troquées contre un morceau de pain (v. 11)! Hélas ! ces mêmes choses se passent dans notre siècle où les hommes qui gardent comme Jérusalem la forme de la piété, sont descendus au niveau du monde et, se vantant de leurs progrès, se sont crus à l’abri de pareilles calamités.

Alors Jérusalem pousse un second cri : «Regarde, Éternel, et contemple, car je suis devenue vile» (v. 11). Son premier appel suppliait Dieu de considérer l’orgueil de l’ennemi ; le second, douleur plus profonde, présente à l’Éternel l’abaissement de Jérusalem, devenue une chose vile, semblable aux nations auxquelles elle s’était assimilée (Nah. 1: 14; 3: 6), elle, autrefois le plus précieux joyau de l’Éternel. Dans cet appel, il y a, comme nous l’avons dit, toujours de la foi, mais le fond du coeur n’est pas encore atteint. Cependant le fait d’être devenue une chose vile, un objet qu’on repousse du pied, quand elle était autrefois si précieuse à l’Éternel, qu’il avait établi son sanctuaire, sa propre demeure en elle à la face de toutes les nations, ce fait amène Jérusalem à une constatation morale bien autrement profonde de son état que de souffrir sous l’orgueil de l’ennemi qui la foule aux pieds (v. 9). «Regarde», dit-elle encore ; et toujours l’Éternel ne répond pas !

 

2.2   Seconde division, versets 12-17

Jérusalem, muette jusqu’ici, sauf lors des deux appels dont nous venons de parler (v. 9, 11), prend maintenant la parole. Accablée du silence de l’Éternel, elle s’adresse à ceux qui «passent par le chemin». Sa désolation les laissera-t-elle absolument insensibles ? Ne seront-ils pas émus de sa douleur ? Ah ! combien souvent, de nos jours, devant les maux qu’inflige l’oppresseur, ceux que ces maux n’atteignaient pas ont passé indifférents, sans indignation ou sans verser des larmes ! N’est-ce donc rien pour eux tous ? Cependant Jérusalem reconnaît elle-même (bien moins sans doute que le prophète aux versets 5 et 8) que c’est «l’Éternel qui l’a affligée au jour de l’ardeur de sa colère» (v. 12). Elle ne voit plus seulement la fureur d’ennemis orgueilleux qui l’ont «avilie», mais l’ardeur de la colère de Dieu contre elle. Combien d’âmes, dans le jour actuel, en restent à cette première constatation : la fureur de l’ennemi ; et s’en indignent, sans accepter la calamité comme un jugement de Dieu sur elles !

La confession de la ville coupable continue au v. 13 : Le ciel est contre elle, le feu du jugement consume ses os, des pièges sont sous ses pas, elle est obligée de reculer devant le mal. Au v. 14 elle va plus loin et reconnaît, sans s’adresser encore à l’Éternel lui-même, devant tous ceux qui passent par le chemin, que c’est la main du Seigneur qui lie ses transgressions comme un joug sur son cou. C’est pourquoi elle ne peut se relever. C’est Lui qui a abattu ses hommes forts au milieu d’elle ; c’est Lui qui a convoqué l’ennemi contre la fleur de sa jeunesse ; c’est Lui qui dispose de l’Ennemi comme Il l’entend ; c’est Lui qui a foulé au pressoir la vierge de Juda. Ces mots rappellent les Psaumes de Guittith (le pressoir) où le Résidu qui traverse la détresse des derniers jours exhale des plaintes semblables.

Au v. 16, Jérusalem va plus loin : ce ne sont pas seulement, comme au v. 2, ses désolations qui la font pleurer, mais c’est le fait que le seul Consolateur qui pourrait restaurer son âme lui cache sa face (cf. v. 9).

Enfin, au v. 17, elle interrompt sa plainte et le prophète reprend la parole pour résumer en trois mots tout ce qu’il a dit jusqu’ici : 1° Sion étend ses mains, il n’y a personne qui la console (voyez vers. 2, 4, 7, 9, 17). 2° L’Éternel a commandé au sujet de Jacob que ses adversaires l’entourent ; 3° Jérusalem est devenue au milieu d’eux une impureté.

 

2.3   Troisième division, versets 18-22

Dans cette troisième division, nous voyons le résultat, sur la conscience de Jérusalem coupable, du Résumé que vient de faire le prophète. Elle fait sa confession, d’abord devant Dieu, puis devant tous les peuples, et non plus seulement devant ceux qui «passent par le chemin». Elle s’écrie pour la première fois : «L’Éternel est juste ; car je me suis rebellée contre son commandement». Tout n’est pas dit encore, comme nous le verrons, et cependant c’est une grande chose que le coupable se courbe devant la justice de Dieu en jugement. Ensuite Jérusalem se tourne vers les peuples. Qu’a-t-elle à leur dire ? «J’ai appelé mes amants : ils m’ont trompée» (v. 19). Elle reconnaît avoir failli en cherchant la faveur d’un monde ennemi de Dieu et ne craint pas de le lui dire. C’est un acte d’accusation contre le monde, puisqu’elle déclare avoir été coupable de rechercher sa faveur.

Après cette double confession, elle s’adresse (v. 20) pour la troisième fois à l’Éternel : «Regarde, Éternel, car je suis dans la détresse», mais elle ajoute : «Je me suis grièvement rebellée». Elle l’a dit à d’autres (v. 18), mais le dit maintenant à Dieu. Elle renouvelle sa plainte, mais c’est aux oreilles de l’Éternel. C’est à Lui qu’elle peut dire : «Il n’y a personne qui me console» (v. 21, comp. v. 2, 9, 17).

S’il n’y a personne, y a-t-il quelque espoir de trouver de la consolation en Dieu ? Ce point n’est pas encore éclairci. Jérusalem n’a pas entendu cette parole : «Consolez, consolez mon peuple !» Elle l’entendra à la fin, mais elle n’est pas encore arrivée à trouver le Dieu de grâce dans le Dieu de jugement. «Tous mes ennemis, dit-elle, ont appris mon malheur, ils se sont réjouis de ce que toi tu l’as fait» (v. 21). Ils se glorifient de ce que c’est Dieu lui-même qui a anéanti Jérusalem. Cela dénote l’ignorance la plus absolue de leur propre état. Ne voit-on pas aujourd’hui des nations se vanter de la même manière devant les ruines qu’elles ont causées, disant : Dieu est contre nos ennemis ; comme si elles devaient être indemnes et n’auraient pas à subir à leur tour un jugement plus terrible encore. On trouve cette même pensée en Jér. 50: 7 : «Leurs ennemis disent : Nous ne sommes pas coupables, parce qu’ils ont péché contre l’Éternel, contre la demeure de la justice, contre l’Éternel, l’attente de leurs pères». Les ennemis se disculpent, pensant ne pas être coupables, parce qu’ils sont les instruments du juste jugement de l’Éternel contre son peuple. Ils invoquent son nom contre ceux qu’ils combattent, mais le moment arrivera où les rôles seront renversés. Le Résidu humilié aura appris à dire comme Ézéchias : «Que dirai-je ? Il m’a parlé, et Lui l’a fait». Il ne niera ni d’où vient le jugement, ni qu’il l’a mérité, mais il sait qu’un jour se lèvera, appelé de Dieu, où ses ennemis seront comme lui (v. 21) et il demande: «Que toute leur iniquité vienne devant toi, et fais-leur comme tu m’as fait à cause de toutes mes transgressions» (v. 22).

Ainsi Jérusalem a reconnu son entière culpabilité, elle accepte le jugement comme étant mérité, comme un châtiment de la part de Dieu, tout en formulant une demande de vengeance parfaitement légitime dans la bouche des croyants de la fin sous le régime de la loi, mais que les chrétiens, placés sous le régime de la grâce, ne pourraient exprimer, le Seigneur lui-même leur ayant appris à dire : «Père, pardonne-leur».

Dans tout ce premier chapitre, l’Éternel ne parle que par la bouche de son prophète. À la plainte, aux appels, aux supplications de Jérusalem, il ne donne aucune réponse ; mais, comme nous venons de le voir, la tribulation n’est pas inutile. Jérusalem a confessé ses transgressions et reconnu la justice de Dieu dans Ses jugements elle a vu qu’Il est le seul auteur du châtiment qui l’atteint. Nous allons maintenant assister à une scène nouvelle.

 

3                    CHAPITRE 2

Ce chapitre contient la description détaillée, par la bouche du prophète, des jugements qui atteignent Juda et Jérusalem. L’énumération de ces jugements offre une certaine gradation, mais avant toute autre chose on rencontre le sentiment que Dieu est devenu l’ennemi de son peuple. Ce ne sont pas, comme au chapitre 1, les nations ennemies qui se sont élevées contre Jérusalem ; il n’est plus question des instruments dont Dieu se sert pour exercer le jugement. C’est Lui seul qui a tout fait : les pensées se concentrent sur Lui. Aussi rencontrons-nous constamment dans ce chapitre ce terme : le Seigneur. Comme le premier chapitre, celui-ci se divise en trois parties.

 

3.1   Première division, versets 1-10

La voix du prophète s’élève pour constater la ruine et pour la détailler. Cela déjà est en quelque manière un soulagement. Le prophète ne dit pas comme Jérusalem au chapitre 1: 22 : «Que toute leur iniquité vienne devant toi», mais il reconnaît que tout vient de Lui, de Lui seul. Aussi rencontre-t-on dans ces versets le mot : Il. Ce qui pèse sur Jérusalem, c’est la colère de Dieu (v. 1, 3, 4, 6). C’est Lui qui détruit son propre ouvrage, temple, autel, ville, lieu de son trône, pouvoir civil et religieux, sabbats et fêtes solennelles, repos et joie de son peuple sur la tête duquel pèse la malédiction de la loi.

Considérons ce passage en détail.

Verset 1. Le Seigneur, dans sa colère, a couvert d’un nuage la fille de Sion de manière à ne plus l’apercevoir. Au chapitre 3: 44, nous le verrons s’envelopper Lui-même d’un nuage, de sorte que la prière de Jérusalem ne puisse parvenir à ses oreilles. Ainsi Dieu se ferme, pour ainsi dire, l’accès de son peuple et lui ferme tout accès jusqu’à Lui. Il ne se souvient pas du marchepied de ses pieds, c’est-à-dire de l’arche (Psaume 132: 7), de son propre trône qu’Il avait établi à Jérusalem dans son temple. Sous le poids de sa colère, la beauté d’Israël aux yeux de Dieu, beauté qu’Il contemplait dans ses conseils éternels, a été précipitée des cieux et Dieu a rejeté, même de sa mémoire, le siège de son gouvernement ici-bas. Le jour n’est pas encore venu où Il dira : «Je ne me souviendrai plus jamais de leurs péchés ni de leurs iniquités».

Nous trouvons au verset 2 comment Dieu a traité tout le territoire de Juda. Ayant abattu son propre trône à Jérusalem, il devait profaner le royaume et les princes qui en étaient l’ornement. Au verset 3, la corne, la puissance royale, étant enlevée à Israël, Dieu laisse libre cours à la puissance de l’ennemi et son jugement s’abat sur le peuple tout entier, «brûlant en Jacob» comme un feu flamboyant qui dévore tout à l’entour (Jér. 15 : 14). Il a fait bien plus encore que de retirer sa protection en présence de l’ennemi ; il est devenu lui-même un ennemi, semant la destruction dans tout Israël, quoiqu’il eût Juda particulièrement en vue (v. 4, 5). Jérusalem, lieu de son Assemblée, est détruite. Plus de fête solennelle, ni de sabbat. La royauté et la sacrificature, les deux colonnes sur lesquelles reposaient les relations de l’Éternel avec son peuple, sont renversées (v. 6). Le verset 7 passe de la ville et des autorités civile et religieuse à l’autel, au sanctuaire et à la maison, au lieu du rassemblement de son peuple. Les cris de désespoir y remplacent les clameurs des fêtes. La muraille, défense de Jérusalem, est renversée (v. 8). Nous trouvons en Néhémie la réédification de cette dernière, et en Esdras celle de l’autel et du temple en vue de la présentation du Messie à Israël, mais le Christ ayant été rejeté et mis à mort, le temple d’Esdras, restauré par Hérode, fut détruit de nouveau et ne sera reconstruit que pour y recevoir l’Antichrist. Pour voir l’édification d’un sanctuaire selon le coeur de Dieu, il faudra attendre le jour futur où le Seigneur sera reconnu de son peuple. Les portes sont brisées et enfoncées, le roi et ses princes sont captifs parmi les Gentils. La loi, règle de la nation, n’existe plus ; il n’y a plus personne pour la suivre. Enfin les prophètes, par lesquels Dieu exhortait, reprenait et encourageait son peuple, ne reçoivent plus de communications divines. Toute relation matérielle, morale et spirituelle avec l’Éternel a disparu (v. 9). Les sages et les anciens se taisent, les vierges, parure de Jérusalem, honteuses maintenant, baissent la tête. Le jugement est accepté comme irrémédiable ; il n’y a pas de retour possible vers des temps meilleurs !

 

3.2   Seconde division y versets 11-17

Après avoir décrit en détail cette ruine sans espoir, le prophète qui avait tant de fois appelé le peuple à la repentance en lui annonçant les jugements imminents, et dont la fidélité avait encouru la haine de tous — roi, sacrificateurs, prophètes et peuple — au lieu de triompher quand arrive le jugement qu’il avait prédit, mène deuil sur la ruine de Jérusalem. Quelle sympathie, quelle affliction, quel bouleversement de tout son être ! «Mes yeux se consument dans les larmes, mes entrailles sont agitées, mon foie s’est répandu sur la terre, à cause de la ruine de la fille de mon peuple !» Les petits, les innocents souffrent et meurent ! Combien de fois ces choses ne se sont-elles pas reproduites dans les calamités présentes ! Ah ! comme on voudrait consoler ces affligés ! (v. 13), mais non, c’est impossible , il n’y a pas de consolations ! Aucune calamité n’égale la ruine de Jérusalem ; même le coeur d’un Jérémie, de l’homme le plus tendre parmi les mortels, ne saurait offrir aucun soulagement !

Tous les prophètes de Juda lui avaient menti ; Jérémie seul, lui avait dit la vérité, mais avait de ce fait subi la persécution et mainte fois affronté la mort ; malgré tout il a compassion ; il voudrait consoler, mais cela même lui est refusé. Un seul, Jésus, a réalisé toutes ces douleurs d’une manière bien autrement parfaite, Lui auquel toute consolation était refusée sur le chemin des souffrances et du témoignage, tandis que Jérémie personnellement avait été consolé. Aujourd’hui, il est vrai, les indifférents «battent des mains» sur Jérusalem, mais à la fin des temps elle trouvera un Consolateur dans Celui qui est venu se substituer au peuple coupable pour pouvoir le sauver. Nous le voyons subissant sur la croix ce qui est dit ici de Jérusalem : «Ils sifflent et branlent la tête sur elle» (Matt. 27: 39). Mais quelle différence entre les deux ! Jérusalem mérite ce jugement et ces outrages ; Jésus en porte tout le poids en grâce pour la délivrer. Cela nous fait comprendre tout un côté des souffrances de Christ, se substituant à son peuple terrestre et prenant sur lui toutes les conséquences de la loi violée, afin de pouvoir se présenter à lui comme Libérateur.

 

3.3   Troisième division, versets 18-22

Or voici un fait nouveau et c’est le prophète qui le constate : «Leur coeur a crié au Seigneur» (v. 18). La fibre secrète des affections de Jérusalem s’émeut pour crier vers Celui qu’elle avait déshonoré. Dès lors Jérémie peut parler à la ville coupable en l’associant avec lui-même, car (v. 11) il avait pleuré pour elle : «Muraille de la fille de Sion, laisse couler des larmes jour et nuit, comme un torrent ; ne te donne pas de relâche, que la prunelle de tes yeux ne cesse point !» (v. 18). «Répands», ajoute-t-il, «ton coeur comme de l’eau devant la face du Seigneur», en signe d’humiliation générale et profonde, comme nous voyons en 1 Samuel 7: 6. «Lève tes mains vers Lui pour la vie de tes petits enfants qui défaillent de faim au coin de toutes les rues.» Il associe Jérusalem à ce qu’il avait senti lui-même devant Dieu pour les petits enfants qui rendaient l’âme sur le sein de leurs mères.

À cet appel, Jérusalem prend la parole pour la quatrième fois (voyez 1 : 9, 11, 20) et verse toutes les angoisses de son âme devant l’Éternel : «Regarde, Éternel, et considère à qui tu as fait ainsi!» Les femmes dévorant leurs enfants, les serviteurs de Dieu exterminés, l’enfant et le vieillard expirant dans les rues, les vierges et les jeunes hommes tombant par l’épée ! C’est le jour de la colère ; l’Éternel a égorgé et n’a point épargné ! C’est le jour où il n’y a ni réchappé, ni reste (v. 21, 22).

Dans ces versets, Jérusalem comprend mieux qu’auparavant que son péché devait entraîner une telle ruine. Elle récapitule, mais devant Dieu, toutes les calamités qui l’atteignent ; elle reconnaît pleinement avoir affaire à l’Éternel seul, et que, si l’ennemi l’a consumée, Dieu le voulait ainsi. On ne trouve plus ici l’appel à la vengeance du chapitre 1: 21, 22; l’âme a beaucoup plus affaire à l’Éternel qu’aux instruments dont il se sert.

Cependant toujours même silence de la part de Dieu auquel Jérusalem s’adresse ! Pour qu’Il réponde, il faut que l’humiliation soit définitive, mais surtout que Jérusalem ait appris à connaître Celui qui s’était mis à la brèche pour elle.

 

4                    CHAPITRE 3

Ce chapitre est le chapitre central des Lamentations. Un homme, Jérémie, y représente le peuple. C’est lui que nous avons entendu parler dans les premiers chapitres, mais il se présente ici comme portant tout seul dans son âme le jugement de Dieu à la place de Jérusalem. Cela est d’autant plus frappant que les versets 1 à 18 de notre chapitre sont comme le pendant des versets 1 à 10 du chapitre 2 où Jérémie annonçait ce que l’Éternel, dans sa colère, avait fait contre la ville ; tandis qu’il montre ici que toute cette colère est tombée sur lui, comme chargé de l’iniquité de Jérusalem. En lisant ce chapitre, les pensées se portent nécessairement sur Christ dont Jérémie est le type, car ici le prophète s’identifie avec son peuple et subit, quoique innocent, le jugement de Dieu qui était dû à ce dernier. Il reconnaît avoir l’Éternel pour adversaire. Il ne parle pas de l’injustice de l’ennemi, lui qui toute sa vie avait eu à subir l’injustice de son peuple et de ses conducteurs. La demande de vengeance ne vient que tout à la fin du chapitre quand la question de la substitution a été complètement résolue.

La division de ce chapitre est assez frappante, quoique peut-être un peu moins manifeste que dans les chapitres précédents. Chaque section répond au mot initial. 1° «Je suis l’homme» (v. 1-18). 2° «Souviens-toi» (v. 19-39). 3° «Recherchons nos voies» (v. 40-54). 4° «J’ai invoqué ton nom» (v. 55-63) et 5° «Rends-leur» (v. 64-66) ; demande de vengeance qui n’a lieu que lorsque tout est réglé avec Dieu (voyez Ps. 69: 22-28).

 

4.1   Première division, versets 1-18

La parole : «Je suis l’homme» domine cette section et de fait le chapitre tout entier. Jérémie est là portant dans son coeur tout le poids de la colère de Dieu contre Jérusalem. Ici comme au chapitre 2: 1-10, c’est Dieu qui a tout fait ; aussi, voyons-nous dans ces deux passages le mot Il revenir constamment, mais avec cette différence que dans le second Dieu fait peser tout le poids de sa colère sur le juste et non sur les coupables. Aussi Jérémie devient-il ici le type frappant de Christ. N’est-ce pas de Jésus que Pilate dit, en le présentant aux foules : «Voici l’homme» (Jean 19: 5) ? N’est-ce pas Jésus qui est «la risée de tout son peuple, leur chanson tout le jour» (v. 14) ? N’a-t-il pas dit : «Tous ceux qui me voient se moquent de moi» et : «Je sers de chanson aux buveurs» (Ps. 22: 7 ; 69: 12) ? N’a-t-il pas dit encore : «À cause de ton indignation et de ta colère, car tu m’as élevé haut, et tu m’as jeté en bas» (Ps. 102: 10) ? Cette pensée : «Même quand je crie et que j’élève ma voix, il ferme l’accès à ma prière» (v. 8) n’est-elle pas la parole même de Christ sur la croix : «Mon Dieu, je crie de jour, mais tu ne réponds point» (Ps. 22: 2) ; n’est-elle pas ce «Réponds-moi» angoissé du Ps. 69 auquel il n’y a pas de réponse (v. 13, 16, 17) ? Ainsi, de verset en verset, on suit ici la voie de l’homme de douleurs. Oui, un homme a pris cette place, rempli d’un profond amour pour Jérusalem coupable. Après avoir été introduit dans ce monde comme objet spécial de toute la faveur de Dieu, il a consenti à être traité comme le peuple infidèle, lui qui méritait la première place, et qui l’avait dans les conseils de Dieu, lui, devant qui les êtres les plus purs s’inclinaient dans une ineffable adoration !

Il va sans dire que Jérémie n’est ici qu’un type imparfait de Christ ; comme créature, il est obligé de faire des expériences pour lui-même ; il s’effraie, il craint, il doute ; il va jusqu’à dire : «Ma confiance est périe et mon espérance en l’Éternel» (v. 18). Il n’a aucun droit de penser que Dieu changera, à cause de lui, ses voies envers Jérusalem, quoiqu’il ait conscience de son intégrité personnelle, mais prenant la place de cette cité, il proclame subir, lui juste, un jugement mérité.

D’autre part, si ces versets nous présentent le prophète, soit comme homme, soit comme type de Christ, ils nous parlent aussi des sentiments du Résidu juif intègre de la fin, traversant la «détresse de Jacob» et dont le sort de Jérusalem sous Nébucadnetsar, quelque terrible qu’il soit, n’est qu’une faible image. Ce Résidu sera exposé, comme ici le prophète, à toute la colère gouvernementale de son Dieu, jusqu’à voir périr son espérance en l’Éternel, mais il reconnaîtra, comme Jérémie, que toute cette affliction vient de Lui, sans en comprendre tout d’abord le pourquoi et il trouvera dans la suite de ses expériences que le Messie a traversé les mêmes afflictions pour le délivrer, rôle que Jérémie ne pouvait remplir à l’égard de Jérusalem. Aussi retrouve-t-on dans ce passage beaucoup des expériences de Job (voyez, par exemple, Job 19: 6-12; 30: 21, 30) et souvent avec les mêmes termes que dans notre chap. 2: 1-10 ; seulement Job, n’ayant jamais fait l’expérience de lui-même, exprime ces choses avec le sentiment de sa justice, qu’il devra abandonner et juger à la fin. Jérémie ne cherche pas à réagir contre le jugement, car il ne se pose pas en juste ses sympathies pour son peuple l’y font entrer il épuise la coupe d’amertume sans mettre même en question si le jugement qu’il porte est immérité.

 

4.2   Seconde division, versets 19-39

Le pourquoi de l’affliction, à l’état jusqu’ici d’énigme pour l’âme, va lui être révélé dans cette division de notre chapitre.

«Souviens-toi de mon affliction, et de mon bannissement, de l’absinthe et du fiel» (v. 19).

Devant toute la misère exprimée dans les versets 1 à 18, le prophète s’adresse à Celui qui le frappe et dans lequel il n’a plus le droit d’espérer. Un tel appel est une parole de foi. «Souviens-toi» disait le brigand converti au moment d’expirer sur la croix. «Souviens-toi», dit ici le prophète. «Souviens-toi», diront les justes au milieu des détresses de la fin. «Souviens-toi de David», s’écrieront-ils, trouvant que toute leur bénédiction ils la doivent au vrai David à cause de l’affliction qu’il a endurée pour eux (Ps. 132: 1).

«Mon âme s’en souvient sans cesse, et elle est abattue au-dedans de moi» (v. 20). Si l’âme demande à Dieu de se souvenir de son affliction, il n’y a pas un moment où, plongée dans l’abîme de la douleur, elle ne s’en souvienne elle-même.

Mais voici qu’au verset 21 tout change. L’espérance perdue (v. 18) renaît. «Je rappelle ceci à mon coeur, c’est pourquoi j’ai espérance» ; et la première raison pour espérer, il la trouve au verset 22 : «Ce sont les bontés de l’Éternel que nous ne sommes pas consumés». Si Dieu n’était pas bon, il y a longtemps qu’Israël n’existerait plus. Chaque croyant dans chaque nation éprouvée ne devrait-il pas dire aujourd’hui ces mêmes paroles ? Dieu avait fait connaître cette vérité à Moïse dans l’aventure miraculeuse du buisson que le feu ne consumait pas (Ex. 3: 2). Ce fait se renouvelle chaque jour : «Car ses compassions ne cessent pas ; elles sont nouvelles chaque matin». Cependant l’Éternel ne pouvait plus se révéler à Moïse comme le feu qui ne consume pas, après qu’Israël, ayant fait le veau d’or, avait mérité que la colère de Dieu s’embrasât contre lui et le consumât (Ex. 32: 10); mais ensuite, après l’intercession du Médiateur, Dieu se révéla de nouveau comme ‘le Dieu «miséricordieux et faisant grâce, lent à la colère et grand en bonté et en vérité, gardant la bonté envers des milliers de générations, pardonnant l’iniquité, la transgression et le péché» (Ex. 34: 6, 7). Quelque grands que soient ses jugements, ne l’oublions pas, «grande est sa fidélité» et jamais il ne révoque ses promesses. Aussi l’âme du croyant s’écrie : «L’Éternel est ma portion... c’est pourquoi j’espérerai en Lui» (v. 24). «Son espérance était périe», quand il se trouvait en présence des conséquences terribles de son péché, de la colère de Dieu ; et il était bon pour lui de descendre dans ce gouffre ; mais cette espérance renaît quand la bonté de l’Éternel, essence même de son Être, lui est révélée. Ayant désormais l’Éternel pour sa part, son espérance continuera à s’attacher à lui.

Versets 25-27 : «L’Éternel est bon pour ceux qui s’attendent à lui, pour l’âme qui le cherche. C’est une chose bonne qu’on attende, et dans le silence, le salut de l’Éternel. Il est bon à l’homme de porter le joug dans sa jeunesse». L’âme, placée devant la bonté de Dieu, reconnaît que cette bonté se manifeste envers tous ceux qui s’attendent à Lui et le cherchent. Coupable, elle n’a plus, souvenons-nous-en, l’orgueilleuse prétention d’être à l’exclusion des autres, un objet spécial de la faveur de Dieu. Quelle actualité dans cette pensée !

Elle reconnaît en outre que deux choses sont bonnes pour l’âme du croyant : 1° attendre dans le silence le salut de l’Éternel. C’est la soumission sans murmure à la volonté de Dieu, la certitude qu’au moment voulu l’Éternel donnera la délivrance, non selon nos pensées ou conformément à nos désirs, mais selon Sa volonté qui est bonne, agréable et parfaite. Combien de progrès nous pouvons constater ici ! Dans les dix-huit premiers versets le prophète criait, répandait en plaintes ses angoisses, parlait de Dieu comme de son ennemi dont il était séparé à toujours, avait enfin perdu tout espoir. Ici, reconnaissant la bonté de Dieu, il estime qu’il y a une chose bonne dans l’épreuve, c’est qu’elle exerce la patience, la soumission, l’humble confiance en Lui, et nourrit l’espérance dans le coeur.

2° Une autre chose encore est bonne. Qui le croirait ? C’est «de porter le joug dans sa jeunesse». La dépendance est bonne. C’était pour la dépendance que l’homme avait été créé, par la dépendance que son bonheur était assuré. Le premier matin de sa vie devait être caractérisé par elle. Il n’était pas né libre, comme son orgueil l’a toujours prétendu et le prétend encore aujourd’hui ; il était né dépendant. Ce joug de la soumission à la volonté d’un Dieu bon était aisé. Sous l’instigation de Satan, l’homme a voulu être indépendant et est tombé dans un malheur sans nom. Ce principe est illustré dans nos enfants. Dieu leur impose, dans la jeunesse, l’autorité paternelle. C’est une chose bonne pour eux ; c’est une autorité qui ne cherche que leur bien, qui, par la soumission et l’obéissance, donne une direction à leur vie ; et quand l’autorité du père a terminé son rôle passager envers notre enfant, il reste encore, comme homme, sous l’autorité du Père céleste, souverainement bon, souverainement juste. Cette bonté use de discipline envers nous afin que nous participions à la sainteté de Dieu dans notre marche. Le Seigneur, lui, n’avait pas besoin de discipline, parce qu’il n’avait d’autre volonté que celle de son Père. Et cependant, dès le début de sa carrière, il avait été opprimé par les hommes qui avaient «tracé leurs longs sillons sur son dos», et lui n’avait pas ouvert sa bouche. Il pouvait dire : «L’homme m’a acquis comme esclave dès ma jeunesse». Ce joug, son amour l’a porté, le porte et le portera éternellement, car c’est le joug de l’amour, joug dont il est venu se charger, lui, le Créateur. Il a refait l’histoire de l’homme, de son plein gré, pour nous sauver. Nous avons à réapprendre cette dépendance en le suivant.

Versets 28-30 : «Il est assis solitaire, et se tait, parce qu’il l’a pris sur lui ; il met sa bouche dans la poussière: peut-être y aura-t-il quelque espoir. Il présente la joue à celui qui le frappe, il est rassasié d’opprobres».

Description merveilleuse de ce que Christ fut et de ce qu’il a fait ! Portrait de l’homme parfait dans son abaissement ! Comme Israël dont il est dit : «Il habitera seul» (Nomb. 23: 9), ainsi était le Christ, le vrai -Israël. Il était entièrement séparé du monde pour Dieu ; il fut appelé hors d’Égypte pour être seul avec l’Éternel. Il était le vrai Lévite, le vrai Nazaréen, entièrement sanctifié. Mais de plus, le monde le laissait seul dans son oeuvre de grâce (Jean 8: 9). Il n’avait que Dieu ; il disait : Je veille et je suis comme un passereau solitaire dans le lieu de la prière (Ps. 102: 7). Il est encore représenté comme «assis solitaire», étranger à leur joie parce qu’il ne connaissait que l’allégresse et la joie de la communion avec son Père, mais solitaire aussi dans son indignation et le juste jugement du mal qui outrageait son Dieu (Jér. 15: 17). Puis arriva le moment où, pour accomplir son oeuvre de grâce, Dieu lui-même le laissa seul et le rejeta loin de Lui. Lui, le Saint et le Juste, fut atteint du sort du lépreux qui «habite seul et dont l’habitation est hors du camp» (Lév. 13: 46); non pas, comme ont osé le dire des hommes profanes, qu’il fût tenu comme lépreux pendant sa vie, mais il le fut dans la mort. C’est là qu’il fut seul, absolument seul, personne ne pouvant l’y suivre, chargé de toute la lèpre de son peuple, fait péché, afin de nous sauver !

«Il se tait», dit notre passage ; il prend la place des anciens d’Israël sous le jugement (2: 10). Il garde le silence à cause du péché du peuple (Jér. 8: 14). Il se tait «parce qu’il l’a pris sur lui» : qu’il s’en est chargé (És. 53: 4). De même Ésaïe 63: 9 nous dit qu’il s’est «chargé d’eux». Il s’agit ici du salut, du rachat sur la croix.

«Il met sa bouche dans la poussière : peut-être y aura-t-il quelque espoir.» Le voici représentant le peuple, prenant l’attitude de la plus profonde humiliation, sans prononcer une parole. Le seul espoir peut lui venir du Dieu dont il porte le jugement.

«Il présente sa joue à celui qui le frappe, il est rassasié d’opprobres.» C’est aussi ce qu’Ésaïe dit du Christ : «J’ai donné mon dos à ceux qui frappaient et mes joues à ceux qui arrachaient le poil ; je n’ai pas caché ma face à l’opprobre et aux crachats» (És. 50: 6).

Ces versets nous parlent de Christ dont Jérémie est une faible image, tandis que les dix-huit premiers versets ne nous parlaient que de Dieu dans sa justice. Ils nous montrent comment en Christ le Dieu juste peut avoir compassion. Du moment que le prophète a parlé de porter le joug dès sa jeunesse, ses pensées s’attachent à Celui qui a pris cette place pour l’homme, afin de lui acquérir le salut de l’Éternel.

Toute cette suite de pensées est très belle. Nous voyons d’abord la colère de Dieu (v. 1-18); ensuite le jugement de soi et l’espérance en Sa bonté ; enfin le moyen par lequel cette bonté a pu s’exercer en notre faveur. La manière abrupte dont le Seigneur est présenté ici rappelle Zacharie 13: 1-6 : «Il dira : je ne suis pas prophète», seul remède à l’état désespéré du peuple quand tous ses prophètes ont failli.

Versets 31-33 : «Car le Seigneur ne rejette pas pour toujours ; mais s’il afflige, il a aussi compassion, selon la grandeur de ses bontés ; car ce n’est pas volontiers qu’il afflige et contriste les fils des hommes».

La personne de Christ ayant été présentée dans la solitude de ses souffrances, dans l’opprobre de la part des hommes, dans l’abandon de la part de Dieu, les versets que nous venons de lire nous montrent que c’est par ce chemin-là que le Seigneur ouvre aux pécheurs la porte de sa miséricorde et de ses compassions. La grandeur de ses bontés dépasse la grandeur de ses jugements et s’il afflige cela ne fait que prouver son amour envers les hommes.

D’autre part, versets 34-36 : «Qu’on écrase sous les pieds tous les prisonniers de la terre, qu’on fasse fléchir le droit d’un homme devant la face du Très haut, qu’on fasse tort à un homme dans sa cause, le Seigneur ne le voit-il point ?» S’il fait grâce, Sa justice n’en est nullement amoindrie. Il voit tout. Combien cela est réconfortant pour le fidèle en des jours tels que les nôtres ! Quand notre coeur s’indigne de voir écraser sous les pieds de pauvres prisonniers, de voir ceux qui se servent du nom du Très haut et prétendent agir pour Lui, commettre l’injustice, ne fût-ce qu’envers un seul homme (peut-être envers tout un peuple), condamner, ne fût-ce qu’un seul homme injustement, ne tenant nul compte de ses droits... Dieu voit tout cela. Le croyant n’a qu’à s’en remettre à Lui.

Versets 37-39. «Qui est-ce qui dit une chose, et elle arrive, quand le Seigneur ne l’a point commandée ? N’est-ce pas de la bouche du Très haut que viennent les maux et les biens ? Pourquoi Lin homme vivant se plaindrait-il, un homme, à cause de la peine de ses péchés ?»

Aucune chose n’arrive, et combien il est important de s’en souvenir sans cesse, aucun dessein de l’homme ne réussit, si le Seigneur ne l’a ordonné. Il parle, et lui seul peut faire arriver les maux ou les biens avec une seule parole. Si le mal atteint l’homme pécheur, a-t-il le droit de se plaindre ? N’y a-t-il pas une rétribution, même ici-bas, selon le gouvernement de Dieu, pour les péchés des hommes ?

Toutes ces réflexions découlent ici du fait que l’âme, autrefois ignorante du vrai caractère de Dieu, parce qu’elle ne voyait en Lui qu’un juge, a appris à le connaître comme ayant révélé, en Christ, l’harmonie absolue entre sa haine contre le péché et son amour pour le pécheur.

 

4.3   Troisième division, versets 40-54

Ce passage présente le travail de repentance dans les coeurs qui ont vu Christ prenant la place du pécheur pour le sauver, aussi peut-il être assimilé aux paroles du brigand sur la croix : «Nous y sommes justement, parce que nous recevons ce que méritent les choses que nous avons commises».

Versets 40-42. «Recherchons nos voies, et scrutons-les, et retournons jusqu’à l’Éternel. Élevons nos coeurs avec nos mains vers Dieu dans les cieux. Nous avons désobéi et nous avons été rebelles ; tu n’as pas pardonné».

«Recherchons nos voies» : C’est une résolution prise en commun de se juger, non pas superficiellement, mais avec tout le sérieux que comporte une vraie repentance, avec une conscience scrutée jusque dans ses replis les plus cachés. C’est le prélude du retour à l’Éternel, d’une conversion réelle. Dès lors le coeur est libre de s’adresser à Dieu et de le supplier. Élihu présente à Job la même vérité «Il suppliera Dieu, et Dieu l’aura pour agréable et il verra sa face avec des chants de triomphe... et dira : J’ai péché et j’ai perverti la droiture, et il ne me l’a pas rendu» (Job 33: 26, 27); seulement ici, le «Tu ne me l’as pas rendu» d’Élihu manque encore ; les croyants humiliés disent an contraire : «Tu n’as pas pardonné» ; ils reconnaissent que Dieu est juste et ne pardonnant pas.

Remarquez ici le «tu». Quelle différence entre les tu de ces versets et les il du commencement du chapitre, prononcés par le prophète seul et ne contenant, au verset 17, qu’un seul «tu» («Tu as rejeté mon âme»), pour montrer que, malgré le jugement, le seul juste qu’il y eût alors au milieu du peuple restait en rapport avec Dieu. Quelle différence surtout avec les «il» du peuple coupable auquel l’Éternel avait caché sa face (2: 1-10).

Au verset 42, comme au versets 43-45, le «tu» indique donc la confiance retrouvée au milieu même des jugements :

«Tu t’es enveloppé de colère et tu nous as poursuivis ; tu as tué, tu n’as point épargné. Tu t’es enveloppé d’un nuage, de manière à ce que la prière ne passât point. Tu nous as fait la balayure et le rebut au milieu des peuples.»

Tout en parlant à Dieu de ses voies passées, ils ne connaissent pas encore la délivrance. Ils disent : «Tu t’es enveloppé d’un nuage, de manière à ce que la prière ne passât point», au moment même où leur prière passe et où leurs coeurs s’élèvent à Dieu dans les cieux. Nous avons remarqué plus haut ce double nuage, conséquence du jugement de Dieu, d’abord étendu sur le peuple pour qu’il fût aveuglé sous le jugement (2: 1), puis Dieu lui-même s’en enveloppant pour que la prière n’arrivât point jusqu’à lui. Les nations chrétiennes ne sont-elles pas aujourd’hui sous un jugement semblable? Ici (versets 42-47), le peuple a reconnu devant Dieu sa désobéissance, la colère qui en est la suite, toutes les afflictions qui en sont la conséquence.

Au versets 48-51, Jérémie reprend la parole :

«Des ruisseaux d’eau coulent de mes yeux à cause de la ruine de la fille de mon peuple. Mon oeil se fond en eau ; il ne cesse pas et n’a point de relâche, jusqu’à ce que l’Éternel regarde et voie des cieux. Mon oeil afflige mon âme à cause de toutes les filles de ma ville». Le prophète qui seul avait sondé jusqu’au fond le péché de Jérusalem et la colère de Dieu contre cette ville rebelle, est capable aussi de sonder la profondeur de son affliction. Ses larmes coulent sans répit comme elles le faisaient déjà en 2: 11; mais ainsi qu’il l’a dit plus haut (v. 21) il a espérance, et il n’aura pas de relâche dans sa douleur jusqu’à ce que l’Éternel, vers lequel le peuple élève maintenant son coeur et ses mains, ait jeté des cieux un regard de compassion sur les affligés. Cette espérance est fondée sur ce que le prophète, l’homme saint et intègre, qui intercède en faveur du peuple a subi les mêmes angoisses que les coupables.

Il fait, aux versets 52-54, la description de ce qu’il a enduré et là encore nous rencontrons Celui dont Jérémie n’est que le représentant imparfait et qui a subi la colère de Dieu sans autre motif que l’amour divin qui le faisait prendre la place des coupables pour les délivrer :

«Ceux qui sont mes ennemis sans cause m’ont donné la chasse comme à l’oiseau. Ils m’ont ôté la vie dans une fosse, et ont jeté des pierres sur moi. Les eaux ont coulé par-dessus ma tête ; j’ai dit : Je suis retranché». Nous retrouvons ici toutes les douleurs de Christ exposées si souvent dans les Psaumes : «Ceux qui me haïssent sans cause sont plus nombreux que les cheveux de ma tête» (Ps. 69: 4). «Ils ont préparé un filet pour mes pas, mon âme se courbait ; ils ont creusé devant moi une fosse» (Ps. 57: 6). «Toutes tes vagues et tes flots ont passé sur moi» (Ps. 42: 7). «Tu m’as jeté dans l’abîme, dans le coeur des mers, et le courant m’a entouré... les eaux m’ont environné jusqu’à l’âme» (Jon. 2: 4, 6). «Je disais dans mon agitation : Je suis retranché de devant tes yeux» (Ps. 31: 22) et enfin, dernière parole : «À cause de la transgression de mon peuple, Lui a été frappé» (És. 53: 8).

 

4.4   Quatrième division, versets 55-63

Ici nous trouvons de nouveau Jérémie, type de Christ qui s’adresse à Dieu dont, à l’exception des heures de ténèbres, il a toujours goûté la communion. Aussi peut-il lui dire tu bien mieux et bien plus complètement que le Résidu, convaincu de péché, mais voyant se déchirer le voile, ne pouvait le faire aux versets 42-45. Il passe de la terrible constatation : «Je suis retranché» à l’heureux cantique de la délivrance. Dieu a répondu à la supplication des coupables : Lui qui n’avait pas pardonné, pardonne maintenant à cause de Christ. L’enchaînement des pensées dans ce chapitre est merveilleux : on y voit d’abord le prophète réalisant dans son âme le jugement du peuple et reconnaissant que ce jugement est juste, puis remplacé par un plus juste que lui, car Jérémie, quelque intègre qu’il fût, ne pouvait obtenir la délivrance pour d’autres. Ensuite on y entend la confession des péchés, fruit de l’oeuvre produite dans le coeur et la conscience du Résidu ; celui-ci crie à Dieu, mais sans avoir encore reçu le pardon. Enfin on trouve Christ, subissant le jugement afin d’être exaucé et de pouvoir dire pour les coupables, comme il le fait au Psaume 22 : «Tu m’as répondu d’entre les cornes des buffles».

Versets 55-58. «J’ai invoqué ton nom, ô Éternel ! de la fosse des abîmes. Tu as entendu ma voix ; ne cache point ton oreille à mon soupir, à mon cri. Tu t’es approché au jour que je t’ai invoqué ; tu as dit : Ne crains pas. Seigneur, tu as pris en main la cause de mon âme, tu as racheté ma vie»,

Quelle concordance frappante avec la prière de Jonas ! Celui dans lequel s’opère le travail de repentance et de restauration voit ici la manière dont son Substitut a été exaucé. «Je t’ai invoqué des lieux profonds» (Ps. 130: 1), disait le Résidu affligé, mais il entend Christ qui a pris sa place sous le jugement de Dieu, dire les mêmes paroles afin de le délivrer : «J’ai invoqué ton nom, ô Éternel ! de la fosse des abîmes» (v. 55). «J’ai crié à l’Éternel, dit Jonas, du fond de ma détresse, et il m’a répondu. Du sein du shéol j’ai crié ; tu as entendu ma voix» (Jonas 2: 3). Christ a été entendu, son Dieu s’est approché de Lui, a ôté toute crainte de son coeur, a pris en main sa cause, a racheté sa vie hors du pouvoir de la mort ! Quelle assurance cela donne à la cité plongée dans la détresse, et au coeur du prophète lui-même qui en avait partagé les douleurs ! Un homme a invoqué l’Éternel et celui-ci a entendu ses supplications !

Maintenant, jugé et restauré, le Résidu peut remettre sa juste cause entre les mains de l’Éternel : «Tu as vu toute leur vengeance, toutes leurs machinations contre moi. Tu as entendu leurs outrages, ô Éternel ! toutes leurs machinations contre moi, les lèvres de ceux qui s’élèvent contre moi, et ce qu’ils se proposent contre moi tout le jour» (v. 59-62). Si Dieu a effacé par l’oeuvre de Christ toutes les iniquités de Jérusalem, il n’oublie pas la haine des ennemis contre elle. «C’est une chose juste devant Dieu», qu’il rende la tribulation à ceux qui ont fait subir la tribulation à son peuple (2 Thess. 1: 6), et, comme le dit notre prophète : «L’Éternel, le Dieu des rétributions, rend certainement ce qui est dû» (Jér. 51: 56). Aussi le croyant, certain déjà que l’Éternel regarde des cieux (v. 50), peut lui dire maintenant une dernière fois : «Regarde quand ils s’asseyent et quand ils se lèvent : je suis leur chanson» (v. 63). Jusqu’ici il répétait en vain : «Regarde mon affliction», «Regarde ma détresse», «Regarde à qui tu as fait ainsi» (à ton peuple, aux femmes, aux enfants, aux vieillards) ; sans obtenir de réponse. Maintenant la réponse a été donnée à Celui qui est entré dans la mort par amour pour son peuple. Elle est devenue la part de tous ceux qui ont cru, mais cette réponse s’étend aussi au jugement des méchants.

 

4.5   Cinquième division, versets 64-66

Au chapitre premier, verset 22, Jérusalem criait à Dieu: «Fais-leur comme tu m’as fait», mais le ciel était sourd à sa plainte; maintenant elle sait que la rétribution est proche : «Rends-leur une récompense, ô Éternel ! selon l’ouvrage de leurs mains. Donne-leur un coeur cuirassé ; ta malédiction soit sur eux ! Poursuis-les dans ta colère et détruis-les de dessous les cieux de l’Éternel» (v. 64-66). — Cela est juste. Aussi voyons-nous le Messie souffrant prononcer de telles paroles (Ps. 40: 14, 15; Ps. 69: 22-28). C’est la question de la Rétribution, si familière au prophète Jérémie et si importante dans les voies gouvernementales de Dieu, mais qui ne modifie nullement les conseils éternels de Sa grâce.

 

5                    CHAPITRE 4

 

Après la confession si complète du chapitre 3, et la confiance absolue que ce qui est arrivé au prophète (type de Christ) sera aussi la part de Jérusalem, mais avant que la réponse lui soit encore donnée, le chapitre 4 nous présente le tableau de sa complète déchéance ; il est comme une récapitulation faite par l’Éternel de la perte des bénédictions premières. La ruine totale est décrite, et comme reconstituée et détaillée, en sorte qu’aucun trait ne manque au tableau. C’est alors que la parole de la délivrance retentit enfin aux oreilles de Jérusalem.

 

5.1   Première division, versets 1-6

«Comment l’or est-il devenu obscur, et l’or fin a-t-il été changé ! Comment les pierres du lieu saint sont-elles répandues au coin de toutes les rues ! Les fils de Sion, si précieux, estimés à l’égal de l’or fin, comment sont-ils réputés des vases de terre, ouvrage des mains d’un potier?» (v. 1, 2).

Ces versets mettent en contraste ce que Dieu avait établi au commencement avec la déchéance actuelle et les terribles conséquences qu’elle a entraînées. Dieu avait établi les fils de Sion comme l’or fin, comme les pierres précieuses du lieu saint. Qu’avaient-ils fait de ces dons divins, de ces privilèges élevés ? L’or avait perdu son brillant, les pierres du temple étaient devenues des moellons vulgaires, les vases d’or étaient changés en vases de terre, en vases à déshonneur. Ce tableau n’est pas celui d’Israël seulement, mais celui de tout témoignage sorti de la main de Dieu et confié à la responsabilité de l’homme; toujours il aboutit à la ruine. L’histoire de la chrétienté en est la preuve.

La ruine de Jérusalem s’était fait sentir jusque dans les affections en apparence les plus indestructibles, dans l’amour des mères pour leurs enfants. Le plus cruel égoïsme s’était emparé d’elles ; comme les autruches du désert, elles avaient abandonné leur progéniture (Job 39: 16-19). Aussi la conséquence de cette iniquité ne se fait pas attendre ; les nourrissons manquent de tout au jour de la famine. Cette dernière atteint les riches et ceux qui, habitués au luxe, ne se refusaient rien. La peine de l’iniquité de Jérusalem est plus grande que celle de Sodome.

On voit dans ces versets non pas le châtiment de Jérusalem, épouse infidèle, ni celui de sa conduite coupable envers l’Éternel et envers son prophète, mais celui d’un égoïsme qui n’observe plus les liens formés par Dieu et se complaît dans les jouissances du luxe et de la mollesse. Ne retrouvons-nous pas ici les principes actuels du monde chrétien, principes qui l’ont conduit aux catastrophes qui pèsent aujourd’hui sur lui ? Le jugement de Dieu sur cet état de choses était juste, car toutes les bénédictions initiales avaient été méprisées pour la satisfaction des convoitises mondaines. Que reste-t-il maintenant à Jérusalem coupable ? La ruine est complète. Notez qu’il n’est pas question ici de l’ennemi comme instrument du jugement, mais des conséquences nécessaires de l’abandon des bénédictions premières.

 

5.2   Seconde division, versets 7-10

Elle nous présente le contraste entre les Nazaréens d’autrefois et ceux d’aujourd’hui. Au commencement l’on trouvait la sainteté et la consécration, la pureté pratique, établie par Dieu lui-même chez ceux dont il avait fait ses témoins au milieu du peuple. Les Nazaréens étaient plus purs que la neige, plus blancs que ie lait. Tout était précieux en eux et les faisait remarquer par ceux en présence desquels ils marchaient. Maintenant la nuit s’est étendue sur eux, le monde ne les reconnaît plus, leur apparence est la sécheresse même. L’épreuve qui atteint Jérusalem met à nu leur misère, image même de la misère morale dans laquelle le nazaréat est tombé. C’est aussi l’image de la déchéance du témoignage chrétien, si brillant aux premiers jours de l’Eglise. La mort violente vaudrait mieux pour tous que la mort par un lent dépérissement (v. 9). La ruine va jusqu’à renier tout lien du sang, toute trace de pitié. La famine règne avec toutes ses horreurs. Aujourd’hui, toutes ces choses se voient dans les circonstances extérieures des nations, mais bien plus encore dans leur caractère moral.

 

5.3   Troisième division, versets 11-20

Depuis le premier verset nous avons trouvé une description de l’état du peuple, faite par Dieu lui-même, description qui continue jusqu’au verset 16. Contre l’attente des rois de la terre et des habitants du monde entier, Jérusalem qui appartenait à l’Éternel et dont ils pouvaient supposer que Dieu la garderait, a été dévorée jusque dans ses fondements par le feu de Sa colère. L’ennemi est entré dans ses portes (v. 11, 12), parce que l’iniquité avait atteint ceux même auxquels était confiée la garde morale du peuple. Prophètes et sacrificateurs s’étaient faits les instruments de la violence contre les justes dont ils avaient répandu le sang au milieu de Jérusalem. C’est aussi ce que disait le Seigneur : «Jérusalem, Jérusalem, la ville qui tue les prophètes et qui lapide ceux qui lui sont envoyés!» On leur crevait les yeux, on les couvrait de blessures, ils étaient souillés de sang et on les accusait d’impureté (v. 13, 14)! Retirez-vous, un impur ! leur criait-on. Retirez-vous, retirez-vous, ne touchez personne ! Les justes étaient considérés comme des lépreux en Israël, comme ayant «connu les profondeurs de Satan», eux qui avaient été souillés par le contact de leurs persécuteurs ! Ainsi les rôles étaient intervertis. Ceux qui appartenaient à l’Éternel étaient exposés à l’opprobre, obligés de fuir, d’errer çà et là (verset 15). C’est à quoi Hébreux 11: 37, 38 fait allusion : «Ils errèrent çà et là, vêtus de peaux de brebis, de peaux de chèvres, dans le besoin, affligés, maltraités, desquels le monde n’était pas digne, errant dans les déserts et les montagnes, et les cavernes et les trous de la terre». «On a dit parmi les nations : ils n’auront plus leur demeure» (v. 15). Cette scène se répétera aux jours de la fin, quand le Résidu fidèle sera persécuté et errera çà et là sans domicile.

Au verset 16, le jugement de l’Éternel tombe enfin sur les impies : «La face de l’Éternel les a coupés en deux ; il ne veut plus les regarder. Ils n’ont pas respecté la face des sacrificateurs, ils n’ont pas usé de grâce envers les vieillards». Ils sont frappés au tranchant de l’épée, dispersés eux-mêmes! «Dieu ne veut plus les regarder» ; terrible parole ! Il leur tourne le dos, les considère comme un rebut dont il a horreur et qui ne l’intéresse plus en aucune manière ! N’ont-ils pas méprisé ceux qui pouvaient les maintenir en relation avec l’Éternel ? Ils n’ont pas usé de grâce envers les vieillards dont la sagesse aurait pu les diriger (v. 16).

Au verset 17, Jérusalem reprend la parole : «Pour nous, nos yeux se consumaient après un secours de vanité ; nous avons attendu continuellement une nation qui ne sauvait pas». Lorsque le jugement de Dieu était déjà prononcé contre elle, elle cherchait un secours trompeur auprès de ses amants, se confiant en l’Assyrie et en Babylone qui ne pouvaient ni ne voulaient lui venir en aide. Ceux qui avaient banni les justes sont maintenant pourchassés jusque dans les places de la ville ; il leur est défendu d’y marcher.

Alors Jérusalem s’écrie : «Notre fin est proche nos jours sont accomplis ; notre fin est venue» Tout espoir de vivre a disparu ; il n’y a plus que la mort devant les yeux du peuple coupable (v. 18)! Le jugement de soi-même ne peut aller plus loin. Poursuivis, traqués, pourchassés dans les airs, sur les montagnes, dans les solitudes désertes, il n’y a plus pour eux aucune issue (v. 19). La seule ressource qui leur restât, l’homme par lequel Israël aurait pu subsister encore, l’Oint de l’Éternel avait été pris dans leurs fosses, celui dont ils disaient: «Nous vivrons sous son ombre parmi les nations» (v. 20). Allusion, peut-être, à Josias, sur lequel le prophète avait jadis prononcé des Lamentations, car, le roi manquant, le peuple était désormais privé de son soutien. Allusion prophétique plus frappante encore, au Messie, Oint de l’Éternel, rejeté par son peuple et livré aux mains des nations, lui, leur seul protecteur qui aurait tant voulu les couvrir de ses plumes et les rassembler sous ses ailes !

Le dernier mot a été prononcé : Notre fin est venue ! Le peuple repentant est couché dans le sépulcre, la nuit s’étend sur lui, le silence de la mort règne désormais...

 

5.4   Quatrième division, versets 21, 22

Mais voici qu’au milieu du silence une voix s’élève !... Qui parle ? C’est Dieu lui-même !

«Sois dans l’allégresse et réjouis-toi, fille d’Édom, qui habites dans le pays d’Uts ! La coupe passera aussi vers toi ; tu en seras enivrée et tu te mettras à nu.»

Le pays d’Uts est le territoire araméen, la Syrie située au nord de la Palestine (voyez Gen. 10: 23 ; Job 1: 1 ; Jér. 25: 20). Édom lui-même occupait le pays situé à l’extrémité méridionale du peuple d’Israël. Des deux côtés ce misérable peuple avait été exposé à la haine irréconciliable de ces cruels ennemis. Maintenant c’était leur tour ; l’heure de la délivrance avait sonné pour Jérusalem. Celui qui parle, avec une divine ironie, somme l’ennemie du peuple opprimé à se réjouir. La coupe de la colère allait enfin passer aussi vers elle; elle la boirait jusqu’à la lie et serait entièrement dépouillée ; son iniquité et sa honte seraient découvertes aux yeux de tous. Il en sera de même de la fille d’Édom, au sud, en Idumée, comme les prophètes et ce passage aussi nous l’apprennent : «Il visitera ton iniquité, fille d’Édom ; il découvrira tes péchés» (v. 22). Du nord au midi, le jugement tombera sur les ennemis de Jérusalem.

La réponse à l’appel du chapitre 3: 64: «Rends-leur» est enfin venue, mais seulement après que tout l’état moral de Jérusalem a été complètement jugé et mis à nu au chapitre 4.

Mais ce n’est pas tout : Jérusalem avait dit : Notre fin est venue, l’Éternel lui répond au verset 22 : «La peine de ton iniquité a pris fin, fille de Sion ; il ne te mènera plus captive». Ô suprême et merveilleuse réponse ; cette peine a pris fin, par l’oeuvre du Rédempteur! Jérusalem a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés; son iniquité est acquittée et le Seigneur peut dire enfin : «Consolez, consolez mon peuple !» (És. 40: 1, 2).

Comme nous allons le voir, ce n’est cependant encore ni la joie, ni la pleine délivrance, mais c’est l’assurance que la consolation est certaine, que le jugement tombe sur les nations, oppresseurs du peuple de Dieu, et qu’il ne tombera plus jamais sur le vrai Israël !

 

6                    CHAPITRE 5

Par sa construction même — car tout en conservant le nombre des versets, il n’a pas l’ordre alphabétique — ce chapitre se sépare nettement des chapitres précédents. Il est comme l’Appendice du livre tout en s’y reliant intimement ; il est la récapitulation de l’état du peuple après qu’il a reçu l’assurance de son entière délivrance (4: 22). Cette délivrance, tout en étant promise et assurée, n’a pas encore eu lieu. Il faut que Jérusalem attende un jour futur pour être introduite dans la jouissance des choses promises. Sa désolation dure encore et se continue de nos jours ; elle se renouvellera dans toute son horreur en un jour futur. Ce jour prophétique est en vue dans notre chapitre qui se compose de deux divisions dont nous allons examiner le contenu.

 

6.1   Première division, versets 1-18

«Souviens-toi, ô Éternel ! de ce qui nous est arrivé. Regarde, et vois notre opprobre» (v. 1).

La peine de l’iniquité de la fille de Sion ayant pris fin (4: 22) elle a désormais une pleine liberté pour dire à l’Éternel : «Souviens-toi». Jusqu’ici nous n’avons trouvé ce mot que dans la bouche du prophète intercesseur, et représentant de Christ (3: 19) ; nous le trouvons maintenant dans la bouche de Jérusalem. Elle n’aurait pu prononcer elle-même ces paroles auparavant sans remettre ses iniquités en mémoire devant Dieu. Celles-ci ayant pris fin, elle ne présente plus devant Lui que son épreuve et son affliction. Elle peut dire : «Regarde» d’une tout autre manière qu’auparavant (1: 9, 11, 20 ; 2: 20 ; 3: 63). Elle sait que, lorsque l’Éternel regardera et verra des cieux (3: 50), il n’apercevra plus désormais les souffrances de Jérusalem comme conséquence de ses transgressions. Sa culpabilité ayant pris fin, la captivité ne se renouvellera plus.

Cependant, lorsque le Résidu prophétique parlera ainsi, ses circonstances n’auront pas encore changé. Jérusalem sera encore foulée aux pieds des nations. Les fidèles ont la certitude ; ils n’ont pas encore la délivrance. Ils en sont encore à dire comme Ézéchias : «J’irai doucement., toutes mes années, dans l’amertume de mon âme» (És. 38: 15). Jérusalem récapitule toute son épreuve sous les yeux de Celui qui «regarde» et auquel rien n’échappe : «Notre héritage, dit-elle, est dévolu à des étrangers, nos maisons, à des forains. Nous sommes des orphelins, sans père ; nos mères sont comme des veuves» (v. 2, 3). Les pères avaient péché ; ils ne sont plus ; et le joug pèse encore sur leurs fils (v. 7) ! Pourtant l’Éternel avait dit que les fils vivraient après que les pères seraient morts dans leur iniquité (Éz. 18: 17, 18). La position des fils ne semblait-elle pas contredire cette parole ? «Ils ne sont plus, et nous portons la peine de leurs iniquités !» Dieu pourrait-il tromper ? Tous ces sentiments seront ceux du Résidu intègre de la fin, tels qu’ils nous sont décrits dans les Psaumes, car il ne faut jamais oublier que les Lamentations, tout en décrivant l’agonie présente du peuple, sont aussi un tableau prophétique du travail d’âme et de conscience qui s’opérera chez le Résidu juif fidèle des derniers jours. Cet état est, dans un sens, la condition actuelle de Juda et de Jérusalem, opprimé et dispersé, mais la Jérusalem d’aujourd’hui n’a pas le pardon comme le Résidu de la fin ; elle est dans l’incrédulité et court au-devant de jugements plus terribles.

Pour les croyants du Résidu prophétique, les temps qui précéderont la restauration seront ceux où Dieu les estimera «bienheureux» (voyez ce mot dans les Psaumes), mais ce ne seront pas des temps de réjouissance, quand même leurs relations avec Dieu seront rétablies. C’est pourquoi ils disent ici : «Notre coeur a cessé de se réjouir ; notre danse est changée en deuil. La couronne de notre tête est tombée. Malheur à nous, car nous avons péché» (v. 15, 16). Et, en effet, Dieu ne leur avait pas encore dit: Réjouissez-vous! (voyez 4: 22, comparé à 21). Leur coeur est abattu ; la désolation de la montagne de Sion n’a pas encore pris fin (v. 18). Leur douleur principale est même de voir cette Sion que Dieu avait établie jadis sur un fondement inébranlable, paraissant rejetée à toujours à cause de leur péché. Le moment n’est pas encore dont il est dit «Ceux que l’Éternel a délivrés retourneront et viendront à Sion avec des chants de triomphe et une joie éternelle sera sur leur tête; ils obtiendront l’allégresse et la joie ; le chagrin et le gémissement s’enfuiront» (És. 51: 11). «Lève-toi, resplendis, car ta lumière est venue, et la gloire de l’Éternel s’est levée sur toi !» (És. 60: 1).

 

6.2   Seconde division, versets 19-22

Mais pour le moment, quelle que soit la souffrance, une chose suffit pleinement à l’âme : «Toi, Ô Éternel ! tu demeures à toujours, ton trône est de génération en génération» (v. 19).

Il faut que la patience ait son oeuvre parfaite. Même rentré dans son pays et mêlé au peuple incrédule, le croyant ne pourra pas encore proclamer qu’il a retrouvé les bénédictions d’autrefois. Il devra dire : «Pourquoi nous oublies-tu à jamais, nous abandonnes-tu pour de longs jours ?» (v. 20). Cependant son âme est en paix. Les circonstances n’ont pas changé, mais il se sait pardonné. La pleine confession du péché des pères, mais aussi du péché du Résidu lui-même est faite (v. 16). Tout orgueil a disparu ; la couronne est tombée ; la honte infligée à la montagne de Dieu par le péché du peuple reste encore le sentiment dominant. On en a fini avec l’homme ; on est humilié , on ne relèvera plus la tête ; mais une chose est certaine : l’Éternel demeure à toujours (v. 19).

Au v. 21, nous trouvons comme conséquence de tout le chapitre la demande d’une restauration finale, du rétablissement dans les bénédictions premières dont la folie de Jérusalem l’avait privée : «Fais-nous revenir à toi, ô Éternel ! et nous reviendrons ; renouvelle nos jours comme ils étaient autrefois». L’âme est désormais en liberté avec Lui et en pleine confiance, sans pouvoir dire encore que cette restauration soit un fait accompli. Jérusalem s’est retournée, comme Dieu le dit en Jérémie 15: 19 : «Si tu te retournes, je te ramènerai», mais elle n’est pas encore ramenée.

Le verset 22 termine le livre. Le pardon est accordé, l’heure de la délivrance n’a pas encore sonné. L’âme en reste à la requête du verset 21. Cette restauration, cette «régénération» ne peut venir que de Dieu. «Ou bien, nous aurais-tu entièrement rejetés ? Serais-tu extrêmement courroucé contre nous ?» Il ne reste donc que cette alternative : ou la restauration définitive, ou le rejet définitif, mais en parlant ainsi, l’âme n’hésite nullement ; elle reconnaît seulement à Dieu le droit de la rejeter entièrement. C’est l’humilité , c’est la soumission à la volonté de Dieu ; c’est le jugement complet de soi-même ; c’est l’appréciation de la grâce qui ne peut rester en chemin et faire les choses à moitié après avoir pardonné et déclaré que, dans l’avenir, il n’y aurait plus de captivité.

Ainsi se termine dignement ce Cantique de l’humiliation et de la douleur, éclairé par les rayons de la grâce et de la rédemption. Le présent reste sombre au-dehors, mais non pas pour le coeur que ces rayons ont illuminé. Les chrétiens peuvent s’appliquer toutes ces choses au cours de l’épreuve actuelle et sous le châtiment de Dieu, mais d’une manière bien autrement bénie que ne pourra le faire le Résidu de Jérusalem ; car déjà nous connaissons le Père et sommes introduits dans le royaume du Fils de son amour !

 

Vous tous, chrétiens, sur lesquels pèsent les angoisses de l’heure présente, avez-vous traversé les exercices de coeur et de conscience qui nous sont décrits dans ces pages ? Avez-vous reconnu votre péché, vos fautes et la nécessité des jugements qui se sont abattus sur vous ? Avez-vous confessé que ces jugements pouvaient entraîner la perte définitive de votre témoignage, si le Seigneur Lui-même ne sauvait ce dernier de la ruine? Avez-vous compris, sans perdre confiance en Lui, que si de votre côté tout s’est effondré, Lui, le Dieu Tout-puissant, le Père, demeure à toujours et que vous pouvez compter sur sa grâce ? Puis, au milieu de tous ces exercices d’âme, avez-vous, sans haine et n’ayant horreur que de vous-même, regardé vers le Dieu juste qui voit tout, qui punit l’iniquité des hommes, de leurs chefs et de leurs princes, l’oppression, la cruauté, la trahison et le mensonge — vers le Dieu dont le gouvernement ne tient pas le coupable pour innocent et qui est «le Dieu des rétributions» ? Etes-vous arrivés à conclure selon Lui sur toutes ces questions vitales, sur votre propre état, comme sur celui d’un monde qui gît tout entier dans le mal ?

Et vous tous aussi, pécheurs que Dieu appelle par les pertes, les deuils, les persécutions, l’oppression de l’ennemi, les angoisses qui souvent confinent au désespoir, avez-vous dit, comme le prophète : «Ce sont les bontés de l’Éternel que nous ne sommes pas consumés, car ses compassions ne cessent pas... L’Éternel est ma portion, dit mon âme; c’est pourquoi j’espérerai en Lui»? Avez-vous, de la fosse des abîmes, «invoqué le nom du Seigneur» ? Ah ! s’il en est ainsi, soyez certains qu’il vous donnera cette réponse bénie «La peine de ton iniquité a pris fin !»