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MÉDITATIONS sur le SECOND LIVRE de SAMUEL
par Henri Rossier
Table des matières :
2 CHAPITRE PREMIER — Chapitre 1:1-16 — L’Amalékite
3 Chapitre 1:17-27 — Le chant de l’Arc
4 CHAPITRES 2 à 4 — ROYAUTÉ SUR JUDA
5 CHAPITRES 5 à 24 — ROYAUTÉ sur ISRAËL
5.1 Chapitres 5 à 10 — David avant sa chute
5.1.1 Chapitre 5:1-10 — La forteresse de Sion
5.1.2 Chapitre 5:10-25 — Victoires
5.1.3 Chapitre 6 — L’arche en Sion
5.1.5 Chapitre 8 — Nouvelles victoires
5.1.6 Chapitre 9 — Mephibosheth
5.2 Chapitres 11 à 20 — La chute de David et ses conséquences
5.2.2 Chapitre 12 — Pardon, Discipline et Restauration
5.2.5 Chapitre 15 — Fuite de David
5.2.6 Chapitre 16 — Amis et ennemis
5.2.7 Chapitre 17 — Le service
5.2.8 Chapitre 18 — La mort d’Absalom et le coeur brisé de David
5.2.9 Chapitre 19:1-40 — La grâce
5.2.10 Chapitre 19:41-20 — Conflit entre frères
5.3.1 Chapitre 21:1-14 — Ritspa
5.3.2 Chapitre 21:15-22 — Les fils du géant
5.3.3 Chapitre 22 — Le cantique de la délivrance
5.3.4 Chapitre 23:1-7 — Les dernières paroles de David
5.3.5 Chapitre 23:8-39 — Les hommes forts de David
5.3.6 Chapitre 24 — Morija (*)
Les livres historiques de l’Ancien Testament s’occupent des voies de Dieu envers Israël depuis son entrée en Canaan. La conduite de ce peuple et la vie des hommes de Dieu y fournissent, à chaque page, l’occasion de grandes leçons morales. On y trouve enfin sous des types divers la personne, l’oeuvre et les gloires du Seigneur Jésus.
On rencontre naturellement ces trois importants sujets dans les deux livres de Samuel. Le premier de ces livres débute, comme nous l’avons vu , par la ruine de la sacrificature qui aurait dû mettre Israël en rapport immédiat avec Dieu. Mais le jugement tombé sur les fils d’Éli, l’arche prise, la rupture des relations avec son peuple, n’empêchent pas l’Éternel de lui susciter un prophète, Samuel, chargé de conserver des rapports miséricordieux avec Israël. Dieu déclare alors qu’il établira de nouvelles relations entre son peuple et Lui par un roi, son oint, devant lequel un sacrificateur fidèle marchera à toujours.
Au lieu d’attendre patiemment l’oint de l’Éternel, le peuple rebelle demande un roi comme toutes les nations. Dieu le lui octroie dans sa colère, mais avec un mélange de miséricorde. Saül désobéit, est rejeté. Alors l’Éternel suscite David le roi selon son coeur. Saül réprouvé persécute le vrai roi. Tout le reste du livre est rempli des souffrances de David. Le fils d’Isaï rassemble autour de lui, en un faible résidu, les fidèles témoins de ses afflictions qui seront les compagnons de son règne quand il aura reçu la couronne.
La période racontée dans le premier livre de Samuel préfigure les souffrances du Messie au milieu d’Israël. Elle se termine par la victoire de David sur Amalek, type de Satan dans les Écritures (Ex. 17:8-16). Le roi selon Dieu frappe l’ennemi que Saül avait épargné, tandis que le roi selon la chair, jadis vainqueur des Philistins, succombe sous leurs coups, et que tous les premiers succès de sa carrière sont réduits à néant.
Le début du second livre de Samuel nous montre David, vainqueur d’Amalek, et la reconnaissance graduelle de sa royauté par Juda, puis par tout Israël. Cette domination n’est réellement complète que lorsque le trône glorieux de Salomon sera placé à Jérusalem. Nous trouvons donc, dans ce livre, l’établissement en puissance de David, le roi de grâce, image frappante de ce que sera le Messie au début de son règne.
Le premier livre des Rois s’ouvre avec Salomon, roi de justice et de paix, dont la domination glorieuse sur le monde entier est le type magnifique du règne millénaire de Christ.
Remarquons toutefois, que, dans notre livre, David n’est pas seulement l’image du Messie, mais qu’il est aussi le roi responsable auquel Dieu a confié le gouvernement de son peuple. Sous ce rapport, sa royauté a failli, comme toute autre relation divinement instituée. C’est pourquoi nous trouvons dans ce livre, la chute de David, ses terribles conséquences, la discipline exercée envers lui, son relèvement, sa confession, et, tout à la fin, lorsque le péché a donné occasion au sacrifice, ce dernier arrêtant la colère de Dieu et établissant, à l’autel de Morija, un lieu de rencontre entre l’Éternel et son peuple.
Toutes les expériences de David, homme sujet à faillir, sont pleines de solennelles instructions pour nos âmes. Elles sont aussi comme le modèle anticipé des expériences du résidu de Juda, chassé de Jérusalem, puis restauré, expériences auxquelles les Psaumes donnent une expression prophétique.
Deux faits signalent le règne de David à son aurore : le jugement d’Israël et de son prince sur les montagnes de Guilboa ; la victoire remportée sur Amalek par celui qui sera roi demain. Le règne de Christ aura les mêmes caractères : il ne peut être établi que par le jugement de l’antichrist et des juifs apostats et par une victoire réduisant à l’impuissance le grand ennemi de Dieu, de son Oint et des hommes. C’est en effet, pour l’introduction du règne millénaire de Christ, que Satan sera lié (Apoc. 19:19 - 20:3).
À peine la victoire sur Amalek est-elle remportée, qu’un messager vient du camp de Saül, «ses vêtements déchirés et de la terre sur sa tête», avec les marques de la sympathie, du deuil et de la douleur, et avec les hommages dus à la royauté présumée : Arrivé auprès de David, il tombe contre terre et se prosterne. Tout autre que l’homme de Dieu eût été touché de ces marques de déférence, mais la simple communion avec le Seigneur, jointe à la prudence du serpent, quand il s’agit de relations avec le monde, lui fait éviter ce piège. Nous-mêmes, en pareille occasion, nous aurons peut-être aussi quelque peine à démêler les intentions de l’ennemi, mais évitons toute décision précipitée. C’est ce que fait David. «D’où viens-tu ?» «Je me suis échappé du camp d’Israël». «Que s’est-il passé ? raconte-le moi, je te prie». «Comment sais-tu que Saül et Jonathan, son fils, sont morts ?» Ce n’est qu’à la troisième question que le menteur se révèle. David, l’homme spirituel, peut déjà soupçonner l’invraisemblance du récit : «Je passais par aventure sur la montagne de Guilboa». Comment ! par aventure, au fort de la bataille ! «Et voici, Saül s’appuyait sur sa lance, et voici, les chars et les gens de cheval le serraient de près». Ici, la Parole elle-même convainc cet homme de mensonge. Saül s’appuyait sur son épée et ce n’étaient pas les cavaliers, mais les archers qui le menaçaient (1 Sam. 31:3, 4). Tout le reste du récit est la fausseté même. Saül ne pouvait prier l’Amalékite de l’achever, car celui qui portait les armes du roi ne se tua que lorsqu’il eut constaté sa mort (v. 5). Alors je me suis tenu sur lui, et je l’ai mis à mort» (1:10).
Cet esprit de mensonge émane du grand ennemi qui ne pouvait comprendre le coeur du fils d’Isaï. Comment aurait-il supposé, lui, le Méchant, que David était plein de grâce, d’amour pour ses ennemis, que leur défaite remplissait son coeur d’une affliction dépourvue de feinte ? Mais il voulait, avant tout, amener David à recevoir de sa main la couronne de Saül, signe d’investissement du royaume. Sa ruse est déjouée. Plus tard, quand, transportant le Messie, fils de David, sur une fort haute montagne, il lui offrira tous les royaumes du monde, à la condition de lui rendre hommage, il essuiera une nouvelle et suprême défaite.
Le premier sentiment de David, apprenant la ruine de la royauté et d’Israël, est le deuil. Que son attitude est touchante ! «David saisit ses vêtements et les déchira ; et tous les hommes qui étaient avec lui firent de même ; et ils menèrent deuil, et pleurèrent, et jeûnèrent jusqu’au soir sur Saül et sur Jonathan, son fils, et sur le peuple de l’Éternel, et sur la maison d’Israël, parce qu’ils étaient tombés par l’épée» (v. 11, 12). L’homme de Dieu a tout oublié, haine, embûches, persécutions, danger continuel menaçant sa propre vie ; il ne se souvient que d’une chose, c’est que l’Éternel avait confié son témoignage à Saül et l’avait oint, et qu’il avait conduit jadis Israël à la victoire. Il mène deuil aussi sur Jonathan et, quelque coupable que fût le peuple de Dieu, il ne s’en sépare pas, comme s’il n’en faisait point partie, et pleure sur ses calamités.
Sérieuse leçon pour nous ! Le jugement est déjà prononcé, près de tomber sur cette chrétienté qui hait et méprise et souvent persécute les vrais témoins de Christ. Avons-nous envers elle et ses conducteurs les vrais sentiments de David ? Menons-nous deuil, au lieu de nous réjouir, déchirant nos vêtements, au lieu de la condamner ? La pensée que Satan trouve son compte à l’anéantissement de ce qui porte le nom de Christ, ou fait profession de lui appartenir, remplit-elle nos coeurs d’affliction ? Il devrait toujours en être ainsi : ces larmes sur la ruine, cette grâce, cette pitié pour ceux qui sont égarés, parlent plus au coeur des brebis du Seigneur mêlées à cet état de choses, que les plus justes critiques, et leur ouvre les yeux sur la nécessité de chercher leur refuge auprès du Berger d’Israël, quand déjà l’épée est levée pour détruire.
Le porteur de nouvelles assiste silencieux à ce spectacle d’affliction, sans en comprendre le sens et sans se douter du sort suspendu sur sa tête. C’est seulement alors que David lui adresse sa dernière question : «D’où es-tu ?» Lorsque Satan qui sait se déguiser en ange de lumière, cherche à nous tenter, obligeons-le à nous répondre sur ses origines, à nous donner son vrai nom. Si nous sommes avec Dieu, il se trahira toujours à la fin. Déjà le nom de son peuple avait échappé à ce menteur, quand il rapportait l’entretien supposé avec Saül, lui qui, probablement, n’était venu à Guilboa que pour dépouiller les morts. Maintenant il ne pourrait se contredire. «Je suis fils d’un homme étranger, d’un Amalékite» (v. 13). «Comment n’as-tu pas craint», dit David, «d’étendre ta main pour tuer l’oint de l’Éternel ?... Ta bouche a témoigné contre toi» (v. 14-16). Non, il ne peut y avoir rien de commun entre David et Amalek, et jamais David ne recevra la couronne de sa main. Si nos coeurs peuvent être pleins de miséricorde quand il s’agit des nécessités, des tribulations du peuple de Dieu infidèle et de ceux qui, rejetés comme Saül, ont néanmoins porté son témoignage, ils doivent être sans merci pour les instruments envoyés par Satan en vue de nous tenter ; ils doivent, sans aucune hésitation, appeler le mal, mal, et l’ennemi un ennemi.
«David prononça cette complainte sur Saül et sur Jonathan». Il y exprime sa douleur sur le désastre des chefs d’Israël et de leur armée, mais ce chant de l’Arc doit être appris par les fils de Juda (v. 18). Il est un enseignement pour eux. Témoins du désastre d’Israël, ils devaient savoir comment l’éviter eux-mêmes à l’avenir. Saül avait été vaincu par les archers (1 Sam. 31:3), quand lui-même était privé de cette arme. Nous apprenons en effet par 1 Chron. 12:1-7, qu’avant la défaite de Saül le corps des archers, appartenant à la tribu de Benjamin et, en grande partie, à la famille du fils de Kis, s’était rallié à David et l’avait rejoint à Tsiklag. De là cette «très grande peur» de Saül devant les archers.
Ce chant de l’Arc a un refrain poignant : «Comment les hommes forts sont-ils tombés ?» (1:19). «Comment les hommes forts sont-ils tombés au milieu de la bataille ?» (v. 25). «Comment sont tombés les hommes forts, et sont péris les instruments de guerre !» (v. 27). Que leur avait-il donc manqué ? L’arc par lequel aussi Saül avait été vaincu !
Partout, dans l’Écriture, l’arc est l’emblème de la force pour vaincre l’ennemi. Avec l’épée, on l’attaque corps à corps ; avec l’arc, on le combat à distance, en s’opposant à son approche. L’archer voit venir l’ennemi de loin, se rend compte de ses mouvements et de ses desseins et le couche à terre avant qu’il ait attaqué. L’arc est une arme plus intelligente que l’épée, mais elle est avant tout le symbole de la force, car il faut des mains et des bras puissants pour le bander et s’en servir.
Les hommes forts d’Israël, Saül en tête, avaient rencontré l’arc d’un ennemi qui était plus fort qu’eux. L’erreur qui les avait conduits à la ruine était d’avoir estimé leur force suffisante. Mais la force ne va pas sans la dépendance, car elle n’est pas en nous-mêmes, mais en Celui qui la possède infaillible pour nous. Jésus Christ homme en est l’exemple. Il n’a voulu chercher sa force qu’en Dieu et n’aurait pas été l’homme parfait sans cela. Percé par les archers (Gen. 49:23, 24), sa force ne l’a pas abandonné. Lorsqu’en apparence sa faiblesse succombait sous la puissance de l’ennemi, son arc était demeuré ferme, sa force en son entier. Elle n’existait que dans la dépendance : Les bras de ses mains étaient souples «par les mains du Puissant de Jacob».
Dans sa vie, n’avait-il pas déjà manifesté la puissance de Dieu par une dépendance complète de Lui ? Tous ses actes en faisaient foi. C’est ainsi qu’au tombeau de Lazare, montrant sa force par la résurrection d’un mort, il ajoute : «Père, je te rends grâces de ce que tu m’as entendu» (Jean 11:41).
Dans sa mort, quoique crucifié en faiblesse, il fut néanmoins la puissance de Dieu. Devant la croix, toute la force de l’homme et de Satan furent réduites à néant. Par la mort, il a vaincu celui qui avait la puissance de la mort. C’est là surtout que son arc est demeuré ferme, que les bras de ses mains furent souples par les mains du Puissant de Jacob.
Sa résurrection est la démonstration publique de cette puissance de Dieu, dans laquelle il se confiait. Dieu l’a déclaré Fils de Dieu, en puissance, en le ressuscitant d’entre les morts. Il avait le pouvoir de reprendre sa vie, comme de la laisser, mais, même pour sa résurrection, son âme dépendante s’attendait à la puissance de Dieu : «Tu n’abandonneras pas mon âme au shéol, tu ne permettras pas que ton Saint voie la corruption» (Ps. 16:10). «Tu m’as répondu d’entre les cornes des buffles» (Ps. 22:21). «Il m’a fait monter hors du puits de la destruction, hors d’un bourbier fangeux ; et il a mis mes pieds sur un roc» (Ps. 40:2). Il a été «ressuscité d’entre les morts par la gloire du Père» (Rom. 6:4). «L’excellente grandeur» de la puissance de Dieu... a été «opérée dans le Christ, en le ressuscitant d’entre les morts» (Éph. 1:19, 20).
Ce n’est pas tout. Son arc demeurera ferme, sa force en son entier, à toujours. Quand le Fils de l’homme viendra pour juger les peuples, l’arc d’airain qui atteindra les pécheurs sera dans sa main. Là encore, ce sera son Dieu qui le ceindra de force, qui enseignera ses mains à combattre (Ps. 18:32, 34). C’est dans cette dépendance qu’il transpercera ses ennemis, sans qu’ils puissent se relever (v. 38). Ses flèches seront aiguës et atteindront le coeur des ennemis du roi (Ps. 45:5).
Oui, son arc demeure ferme et les bras de ses mains sont souples par les mains du Puissant de Jacob, jusqu’à ce qu’il vienne s’asseoir à toujours sur le trône de sa puissance.
L’homme peut avoir un arc, mais, entre ses mains, il fait défaut au moment de s’en servir. «Les fils d’Éphraïm, armés et tirant de l’arc, ont tourné le dos le jour du combat» (Ps. 78:9), et quant aux ennemis du Seigneur, «l’arc des puissants est brisé» (1 Sam. 2:4 ; Ps. 46:9 ; Jér. 49:35 ; Osée 1:5 ; 2:18).
Quant à nous, chrétiens, notre arc peut rester en son entier à condition que nous mettions notre confiance en Dieu qui nous communique sa force. «Va avec cette force que tu as», dit l’Éternel à Gédéon (Juges 6:14), et l’apôtre lui-même faisait l’expérience que, quand il était faible, alors il était fort (2 Cor. 12:10). Rien n’est plus faible qu’un chrétien qui a abandonné Christ comme sa force. Sachons donc nous servir de notre arc et, semblables à Christ, les bras de nos mains seront souples par les mains du Puissant de Jacob. Apprenons le chant de l’arc, en nous exerçant à le bander, à y ajuster la flèche pour atteindre le but. Plus nous nous en servirons, plus nous deviendrons forts contre l’ennemi. Les archers de Benjamin qui s’étaient réfugiés auprès du fils d’Isaï, fidèles de la onzième heure, peu avant la défaite d’Israël, montraient par là qu’ils ne se confiaient pas en leur arc, avec Saül pour maître, mais dans la force de David méprisé. Faisons comme eux ; entourons le roi rejeté. Ne gémissons pas sur notre faiblesse, comme si elle était sans ressource ; ce ne serait ni la foi, ni la confiance en Christ. Comptons, avec une très humble dépendance, sur sa force qui affermira nos mains, afin de combattre pour Lui, jusqu’au jour où, la lutte terminée, nous entrerons dans son repos éternel.
La complainte de David est l’expression touchante des affections de cet homme de Dieu. Un coeur rempli d’amour n’a pas de place pour le ressentiment et les griefs. S’il avait autrefois gémi sous les accusations injustes de la haine, il a maintenant tout oublié. Pas un mot de reproche contre celui dont les os reposaient sous le tamarisc de Jabès. Mais oublier n’est pas assez pour ce coeur admirable ; il aime à se souvenir ; il se rappelle que Saül a été l’oint de l’Éternel, le porteur de son témoignage, qu’il a conduit son peuple à la victoire ; il reconnaît les dons naturels qui le rendaient aimable pendant sa vie et attiraient sur lui l’amour d’Israël ; il le voit revêtant magnifiquement les filles de son peuple. Son chant exprime le respect et la douleur au sujet de celui qui l’avait toujours haï et persécuté. S’agit-il d’Israël, qu’en un jour de faiblesse il avait pensé combattre en se joignant aux Philistins, David s’identifie maintenant avec lui et pleure avec ses larmes. La joie peut être la part des filles des incirconcis, David ne la partagera jamais. Que les montagnes de Guilboa, témoins de la défaite du peuple de Dieu, soient maudites !
Son angoisse au sujet de Jonathan est sans bornes. Ah ! comme le coeur tendre du fils d’Isaï estimait l’affection de son ami ! «Je suis dans l’angoisse à cause de toi, Jonathan, mon frère ! Tu étais pour moi plein de charmes ; ton amour pour moi était merveilleux, plus grand que l’amour des femmes» (v. 26) affection entièrement désintéressée, ce que serait difficilement celle d’un autre sexe. En effet, Jonathan s’était dépouillé de ses dignités et de sa gloire et de l’arc de sa force, pour en parer David, au jour de sa victoire sur Goliath, puis, avec toute la chaleur de ses convictions, il avait plaidé la cause de son ami ; enfin, son admiration pour le fils d’Isai n’avait pas diminué dans l’opprobre et l’exil où il l’avait visité, sans avoir, il est vrai, le courage de l’y suivre. Sur ce dernier point, David ne dit pas un mot. Il couvre la mémoire de son ami d’une ineffable tendresse. Il ne parle pas de son amour à lui, mais il le prouve en exaltant l’amour de Jonathan.
Oh ! comme toutes ces paroles ont la saveur et le parfum du coeur de Christ ! Seulement David avait dû être formé par la discipline à de pareilles effusions ; le coeur de Christ n’en avait nul besoin. Sa vie tout entière n’est qu’amour et grâce. «Je vous ai appelés amis», dit-il à ceux qui étaient sur le point, soit de le renier, soit de fuir en le laissant seul. «Vous êtes ceux qui avez persévéré avec moi dans mes tentations», dit-il (Luc 22:28) à ceux qui, peu de temps après, ne pouvaient pas même veiller une heure avec Lui ! Prenons exemple sur ce modèle parfait !
Tout en prononçant une complainte sur Saül et sur Jonathan, David, nous l’avons vu, avait pour but d’enseigner aux fils de Juda à se servir de l’arc. Nous avons remarqué que l’arc signifie, pour le croyant, la force de Dieu qui ne se manifeste que dans la dépendance. Au début du chap. 2, la conduite de David est l’illustration de cette vérité. Les jours de son affliction sont passés, une ère nouvelle commence ; le chemin du trône s’ouvre devant lui ; il va prendre la place que Dieu, dès longtemps, lui a destinée. Or la première chose que fait David, c’est de consulter l’Éternel, de montrer qu’il dépend entièrement de Lui. On peut dire que la dépendance caractérise avant tout sa carrière. Auprès des parcs des brebis, quand il était aux prises avec le lion et l’ours, devant Goliath, dans le désert de Juda, à Kéhila, à Tsiklag (1 Sam. 30:6, 7), David est l’homme dépendant et par conséquent l’homme fort. Rien n’est plus agréable à Dieu que cela. Les incertitudes et les vacillations de notre marche s’expliquent par notre manque de dépendance. Quand elle existe, nous nous posons, en toute circonstance, cette première question : Quelle est la volonté de Dieu ? Quelle oeuvre nous a-t-il préparée ? Nous l’interrogeons pour le savoir, car on consulte Dieu quand on dépend de Lui. Aussi notre chemin sera simple et béni, parce qu’il sera le chemin de Dieu. Il n’offre des complications que si nous n’en référons pas à Dieu, avant de prendre une décision.
Néanmoins les occasions ne manquent pas dans la vie de David où il oublie de consulter l’Éternel. Souvent l’ennemi nous attaque aux points où nous nous croyons invulnérables. On peut dire que l’histoire de David, modèle de dépendance, nous montre, plus qu’une autre, l’indépendance, ses dangers et ses suites. C’est ainsi que, de son propre chef, nous l’avons vu descendre deux fois à la cour du roi des Philistins. La première fois, il n’y récolte que mépris et humiliation ; la seconde fois, sous l’empire de la crainte et pensant sauver sa vie, il abandonne les heureuses expériences du désert de Juda, perd son caractère de témoin et court le danger de s’allier aux incirconcis pour combattre le peuple de Dieu. Sous la discipline, il réapprend à consulter l’Éternel et recouvre tout ce que son manque de foi lui avait enlevé (*). Nous verrons, au chap. 6, que le manque de dépendance fut cause de la «brèche d’Uzza». Toutes ces choses sont une source d’enseignements pratiques pour nos âmes.
(*) Voyez Méditations sur premier livre de Samuel.
«David interrogea l’Éternel, disant : Monterai-je dans une des villes de Juda ? Et l’Éternel lui dit : Monte. Et David dit : Où monterai-je ? Et il dit : À Hébron» (2:1). C’est Dieu qui choisit l’endroit spécial où son oint devra se rendre. David, livré à lui-même, aurait peut-être hésité entre beaucoup d’autres, mais Dieu en détermine un seul pour son serviteur ; c’est Hébron.
Dans le livre de Josué (*), nous avons fait remarquer ce qu’était Hébron : lieu des sépulcres, lieu de la mort, fin de l’homme, image frappante de ce qu’est pour nous la croix de Christ. Il était nécessaire, selon les pensées de Dieu, que David montât à Hébron, parce que c’était le seul point de départ de la royauté, et le règne de David n’est qu’un type de celui de Christ, fondé sur la croix. Son royaume est la conséquence et la récompense de sa croix. Les anciens, réunis autour du trône, chantent un cantique nouveau : «Tu es digne de prendre le livre et d’en ouvrir les sceaux, car tu as été immolé» (Apoc. 5:9). Il inaugurera toutes les voies gouvernementales de Dieu qui le conduiront au trône millénaire, parce qu’il a souffert et que son sang précieux a été répandu. Chose à jamais merveilleuse ! On voit dans le ciel, au milieu du trône et des quatre animaux et des anciens, un agneau immolé qui est le centre de tout. Il n’est pas sur le trône, mais au milieu. De lui, comme de ce centre, partent, et à lui aboutissent tous les conseils écrits au dedans du livre, toutes les voies de Dieu, écrites sur son revers. Il se lève ; ces voies s’ouvrent ; les quatre animaux, attributs des jugements divins, se mettent en marche, la royauté du lion de Juda est établie, et les conseils de Dieu sont accomplis à toujours. Le «c’est fait» éternel a trouvé son point de départ au gibet d’ignominie où le Fils de l’homme a souffert, où le monde a cloué le Fils de Dieu !
(*) Méditations sur le livre de Josué, page 114.
Mais Hébron est aussi le centre du rassemblement des bien-aimés de David. Ses compagnons y demeurent autour de lui. «Ses hommes qui étaient avec lui, David les fit monter, chacun avec sa maison, et ils habitèrent dans les villes de Hébron» (v. 3). Là même où David a son domicile, les siens ont plusieurs demeures. C’est ainsi que l’Agneau immolé, le roi d’éternité, sera «au milieu des anciens», figures de tous les saints glorifiés. En attendant ce moment glorieux, sa croix nous réunit autour de Lui. Elle reste et restera toujours le centre du rassemblement des enfants de Dieu.
Hébron devient aussi (5:1) le centre du rassemblement de toutes les tribus d’Israël. Quand le peuple terrestre reconnaîtra Celui qu’ils ont percé et se soumettra à Lui, il sera le premier objet des bénédictions de son règne. Un autre fait semble encore indiqué dans ces versets : «David monta à Hébron et ses deux femmes aussi, Akhinoam, la Jizreélite, et Abigaïl, femme de Nabal, le Carmélite» (v. 2). L’homme de douleurs, le roi rejeté, a non seulement, à Hébron, des compagnons et un peuple, il y a sa femme et son épouse. Abigaïl est, comme Rebecca, un des rares types de l’Ancien Testament qui préfigure l’Église ; elle est l’Épouse, l’associée volontaire, humble et joyeuse de David, aux jours de sa réjection. Akhinoam, figure plus effacée, représenterait plutôt, selon moi, le résidu d’Israël entré en relation avec le Messie avant l’établissement de son règne (*). Quoi qu’il en soit, David possède à Hébron des liens plus intimes que ses rapports avec son peuple. C’est ainsi que nous voyons, à la fin de l’Apocalypse, l’Épouse de l’Agneau associée à toute sa gloire et, dans les prophètes, Jérusalem reconnue comme bien-aimée de l’Éternel. Ainsi le Christ devient, par sa mort, le centre de bénédictions pour tous.
(*) Abigaïl signifie «joie du père», Akhinoam, «grâce du fils».
«Les hommes de Juda vinrent et oignirent là David pour roi sur la maison de Juda» (v. 4). Comme le règne de David, celui de Christ ne sera pas établi dans ce monde par un coup de théâtre. Son jugement sera subit, mais non pas son règne. Ce ne serait pas selon les pensées de Dieu qui veut laisser à la conscience des siens le temps d’être exercée. Il faut à Christ un «peuple de franche volonté au jour de sa puissance», non pas un peuple pareil aux nations qui, à part la «grande multitude» des sauvés d’entre les gentils, ne s’approcheront du roi qu’avec les «paroles flatteuses» et mensongères d’une apparente soumission. Ici, David est d’abord reconnu par les compagnons de sa réjection, puis Juda se réunit autour de lui. Ensuite (5:1) viennent les autres tribus, quand elles ont perdu le soutien de la chair dans la personne d’Ish-Bosheth. Enfin (5:11), les nations s’approchent, captivées par la grâce du roi et heureuses de le servir.
La suite du chapitre offre des faits importants sur une partie desquels nous aurons à revenir dans le chapitre suivant. Nous trouvons d’abord les hommes de Jabès de Galaad, loués par David, selon l’esprit de grâce qui le caractérise, de ce qu’ils ont usé de bonté envers Saül et l’ont enterré. Il leur fait annoncer que Juda l’a oint pour roi, et cette nouvelle pénètre ainsi jusqu’aux confins de la terre d’Israël.
Nous trouvons ensuite Abner, chef de l’armée de Saül, qui ne veut pas se soumettre à David, homme honorable selon le monde, très vaillant, avec une noblesse de coeur native, mais d’un caractère violent et orgueilleux. Il soutient, dans la personne d’Ish-Bosheth, le principe de succession selon la chair, revêtu d’autorité apparente, car Saül avait été choisi de Dieu. Ce principe, les hommes le défendent à outrance, car c’est celui de la religion de leurs pères, de la religion nationale, bien plus respectable aux yeux des hommes que l’opinion de quelques-uns qui se singularisent en suivant le fils d’Isaï. Tout un système politique se lie à ce système religieux. La chose doit être bonne, puisque Dieu y a mis son sceau, à une époque reculée, et, par là même, respectable. Abner emploie son énergie naturelle à le défendre. Qu’y a-t-il à objecter ? Une seule chose : c’est que tout ce système s’oppose aux pensées de Dieu et fait la guerre à son oint. On combat pour sa propre cause et, comme plus tard Saul de Tarse, l’on se trouve être l’ennemi de Celui auquel Dieu a donné la suprématie.
Fait digne de remarque, David ne paraît pas dans ce conflit et n’y joue aucun rôle, quand même, en apparence, il s’agit de lui. Un homme de son entourage, Joab, accompagné de ses frères, se met à la tête des serviteurs du roi. En 1 Chron. 2:16, nous voyons qu’ils étaient les propres neveux de David, par Tseruïa, sa soeur. Ils avaient, par ce fait, une haute position et tenaient de fort près à la maison royale. Joab, homme ambitieux, cherche à se pousser dans le monde, et à conquérir la première place sous la royauté. Quoiqu’il ne soit pas nommé, et pour cause, parmi les «hommes forts de David», il est homme de courage. Le sentiment du juste et de l’injuste ne lui manque pas, mais il ne s’oppose à l’injustice que lorsqu’elle contrarie ses desseins, et quand une chose juste lui est contraire il la supprime. Rien ne l’arrête ; il est sans scrupules pour satisfaire son ambition. Quelqu’un a dit de lui : «On le trouve partout où il y a du mal à faire ou beaucoup à gagner». Joab, c’est la chair politique. Son avantage est de soutenir la cause de David. Si nous comparons Abner à Joab, le beau rôle est pour le premier. Et cependant Joab entre en scène comme champion du témoignage. C’est sur lui que va bientôt reposer le poids des événements militaires et d’autres encore ; c’est lui qui dirige en sous main et fait mouvoir bien des intrigues. En présence de cette habileté, David lui-même se sent faible (3:39). Du moment que la chair s’empare du témoignage, voyez le résultat. Des ruines et rien que des ruines. L’un combat pour David, l’autre pour celui que Dieu ne reconnaît plus. Valent-ils mieux l’un que l’autre ? Lorsque la chair soutient David — ou Christ — les résultats ne sont pas meilleurs que lorsqu’elle soutient l’Antichrist.
Les deux troupes (v. 12-17) se trouvent en présence. Dans quel but ? Pour essayer leurs forces. Où est Dieu ? Absent. Où est David ? Son nom n’est pas même prononcé. Dans ce champ clos, c’est à qui aura le dessus. Pas un des combattants n’échappe. David y perd ses serviteurs et le résultat est nul pour sa cause.
La suite de ce combat singulier est une bataille en règle, où Joab perd un frère chéri envers lequel Abner avait montré la noblesse naturelle de son caractère. Asçaël ne veut rien entendre ; il s’élance, plein de présomption et, victime de son désir de gloire, tombe frappé par la lance d’Abner. Joab n’oubliera pas cette mort et satisfera sa vengeance au moment où elle lui apportera le plus grand profit.
Hélas ! que reste-t-il de toutes ces luttes ? On n’y trouve rien de Dieu, rien pour Dieu, quand même le monde combat en apparence sous le drapeau du Christ ; et l’âme du fidèle n’a pour ressource que de se réfugier à Hébron auprès de celui qui est le seul centre de bénédiction et dont la présence lui donne paix, bonheur et repos excellent. Mais, quand notre David se lèvera pour combattre, marchons hardiment à sa suite, car, combattre avec Lui c’est remporter une victoire certaine et durable sur l’ennemi.
Au commencement du chap. 2, nous avons vu l’heureuse dépendance de David, au moment d’être nommé roi sur Juda. L’établissement graduel de sa royauté a porté nos pensées vers les temps futurs, où le règne de Christ sera établi en puissance. Mais ce chap. 2 contient un fait non encore mentionné et bien digne de remarque. À peine la royauté est-elle instituée, que le récit change de ton et vient nous occuper de tristes et humiliantes circonstances.
Cela tient à ce que David n’est pas seulement un type de Christ, mais — nous le verrons maintes fois dans la suite de ce livre — le représentant de la royauté confiée aux mains d’un homme, responsable de la maintenir. Comme roi, David possède la puissance (non pas encore la toute-puissance) de la part de Dieu. Il est libre d’en faire ce qu’il veut, en vue du bien ; libre d’abaisser ou d’élever à son gré les hommes qui l’entourent, et de les employer à ses desseins ; libre enfin de promulguer ordonnances et décrets pour le bien de son peuple et pour la gloire de son Dieu. Mais, hélas ! c’est à l’homme que sont confiées cette responsabilité redoutable et cette puissance quasi illimitée. En effet, la royauté n’était pas, à l’origine, restreinte comme de nos jours par toutes sortes de lois et plus ou moins sous le contrôle de la volonté du peuple. Le roi selon la Parole n’était responsable que vis-à-vis de Dieu. Il répondait de la conduite du peuple, et si ce dernier tombait en faute, le roi devait en porter le jugement. Nous allons voir ce que devient cette autorité entre les mains de David.
Le chap. 2 (v. 8-32) nous montre déjà le commencement de cette histoire. David est entouré de ses parents, hommes vaillants qui prétendent au premier rang parmi les chefs. Les fils de Tseruïa possèdent ce rang selon la chair, mais, selon Dieu, ils ne l’ont pas à un plus haut degré que les autres ; au contraire. Abishaï n’était pas des «trois premiers» ; Asçaël était «des trente» (chap. 23). Joab, nous l’avons vu, n’est pas même nommé parmi les hommes forts, mais, courageux et habile autant qu’ambitieux, fourbe, cruel et sanguinaire quand il trouve un obstacle à la réalisation de ses desseins, très avisé pour agir sur l’esprit du roi, en flattant ses faiblesses (chap. 14), cet homme arrive à conduire, en apparence du moins, les événements à son gré.
Dans toute la seconde partie du chap. 2, le roi disparaît devant ces hommes. Son entourage s’agite, décide, combat les adversaires appartenant à la maison de Saül, sans songer à consulter celui qui, seul, a le droit de prendre l’initiative. Triste accompagnement du pouvoir ! David, au temps de ses tribulations, insufflait, pour ainsi dire, son caractère à ses compagnons, ou bien, devant leurs révoltes, se réfugiait auprès de l’Éternel, pour l’interroger (1 Sam. 30:6-8). Ici, possédant l’autorité dont il est responsable, elle lui échappe et ses compagnons, avec l’apparence d’en user pour sa cause, s’en servent en réalité pour compromettre le caractère de l’Éternel et de son oint. Les visées de ceux qui entourent le trône créent au roi, pendant tout son règne, des difficultés multiples, et il avoue être trop faible pour diriger leurs sentiments et réprimer leurs actes.
Le chap. 3 continue la même histoire. En présence de ces difficultés, la seule sauvegarde pour David était de vivre dans la dépendance du Seigneur. La discipline la lui fera retrouver, mais l’esprit de Dieu nous enseigne ici que le fidèle, ayant reçu de Dieu une place d’autorité, perd bientôt, à cause de la chair qui habite en lui, le sentiment de sa dépendance. Exerçant le pouvoir, il prend confiance en lui-même, sans éprouver le besoin du secours de l’Éternel, comme quand il errait, pareil à la perdrix chassée sur les montagnes. Avant que la couronne fût sur sa tête, sauf en de rares occasions, il interrogeait Dieu, ne faisait pas un seul pas sans Lui ; dès qu’il l’a reçue il oublie sa sauvegarde. Il la retrouvera un peu plus tard après avoir fait d’amères expériences, car il faut se souvenir que chez David, et c’est un des traits principaux de son caractère, la discipline porte toujours des fruits admirables, et cela jusqu’aux derniers moments de sa vie, jusque dans ses dernières paroles.
Nous aussi, nous avons besoin d’être disciplinés pour apprendre la dépendance. Si nous laissons agir notre volonté qui n’est pas autre chose, en somme, que l’indépendance, le Seigneur nous brise pour nous ramener sous son joug béni, si léger, si aisé à porter.
Les cinq premiers versets de notre chapitre offrent un exemple frappant de ce que nous venons de dire. David prend plusieurs femmes à Hébron, outre Akhinoam et Abigaïl, compagnes de sa vie errante. S’il avait consulté l’Éternel avant de le faire, qu’est-ce que ce dernier lui eût répondu ? Lis ma Parole. La dépendance de Dieu et celle de sa Parole sont une seule et même chose. David avait entre ses mains les livres de la loi et n’avait qu’à les méditer pour connaître son chemin. N’était-il pas dit au Deutéronome (17:17, 18), à propos du roi : «Il n’aura pas un grand nombre de femmes, afin que son coeur ne se détourne pas ...» ? Pour agir comme il le fait, il pouvait avoir toutes sortes de bonnes raisons selon l’homme, postérité royale, etc., mais non pas selon Dieu. Pour nous en convaincre, nous n’avons qu’à suivre la descendance de ses femmes. Si David n’avait eu que la pieuse Abigaïl pour compagne, aurait-il vu un Amnon couvrir sa maison de honte et de déshonneur, un Absalom se révolter contre son propre père, un Adonija essayer de s’emparer du royaume et demander la Sunamite pour femme ?
Non content de ces alliances, cet homme de Dieu qui peut faire sa volonté — combien cette liberté est dangereuse ! — réclame d’Ish-Bosheth (3:13-16) Mical sa femme, devenue adultère en prenant un autre mari, Mical, fille de Saül, qui après avoir autrefois aimé David d’un amour selon la nature charnelle, montrera plus tard son mépris pour la semence de Dieu, dont elle ne pouvait comprendre ni la piété, ni le dévouement aux intérêts de l’Éternel (6:20-23). Cette femme adultère, il l’arrache à son foyer, au lieu de la laisser à son nouveau mari, brisant ainsi le coeur de cet homme, honnête après tout, profondément affectionné à sa compagne et qui la suit en pleurant, sans songer à se rebeller contre l’autorité établie.
Tel est, hélas ! ce roi pieux, faisant usage de l’autorité limitée encore, bientôt illimitée, que Dieu a placée entre ses mains.
Qu’Abner, le sachant et le voulant, s’oppose à l’Éternel en soutenant Ish-Bosheth, cela n’a pas lieu de nous étonner. Abner sait que David est l’oint de l’Éternel : «Que Dieu fasse ainsi à Abner, et ainsi y ajoute, si je ne fais pas à David comme l’Éternel lui a juré ...» (v. 9) et plus loin (v. 18) ; «L’Éternel a parlé touchant David, disant : Par la main de David, mon serviteur, je délivrerai mon peuple Israël de la main des Philistins et de la main de tous ses ennemis». Abner a conscience de n’être pas du côté de Dieu, mais n’ayant pas l’Éternel pour objet de ses desseins et de son activité, il ne se met guère en peine d’une telle contradiction entre ses opinions et sa conduite. Abner n’a que la prétention de défendre un système politico-religieux de succession. Il est honorable de pouvoir se dire les descendants directs de ce que Dieu a établi, et si Dieu a remplacé la royauté de Saül et les formes d’une religion sans vie, par la royauté de David, avec les ressources religieuses qu’il donne à son peuple au milieu de la ruine, qu’importe à Abner ? Il soutiendra malgré tout la maison de Saül. Ish-Bosheth s’appuiera sur lui, mais qu’il prenne garde de ne pas blesser le ferme soutien de son trône. S’il veut s’élever contre la corruption d’Abner, celui-ci par orgueil blessé, abandonnera son maître pour se tourner vers David. «Suis-je une tête de chien, moi ?» dit-il, et il lui annonce ouvertement ses desseins. Il les accomplit au grand jour, dans la franchise de sa nature, et le pauvre roi, sans force pour répliquer, ne peut que trembler devant ses menaces. Mais en tout cela, nous voyons la providence divine qui, sous les passions de l’homme et même par elles, prépare la voie à son oint.
Nous assistons à ces événements sans attendre rien pour Dieu, de la part de ceux qui, comme Abner, ne lui appartiennent pas. Mais que penser de David ? Pourquoi ne consulte-t-il pas l’Éternel quand cette alliance lui est proposée ? Lui qui avait refusé la couronne de la main de l’Amalékite, qui va la refuser de celle des meurtriers d’Ish-Bosheth, l’accepterait-il de la main d’Abner ? Oui, parce qu’il se sent libre, parce qu’il a toute sorte de raisons d’agir ainsi pour le bien de son royaume. Cette alliance aplanira les difficultés ; la guerre a assez duré... Tout cela est fort raisonnable selon l’homme, mais n’est pas selon la pensée de Dieu.
Abner parle aux onze tribus, réussit à les convaincre, même celle de Benjamin, alliée à Saül, et vient ensuite rendre compte à David de ses démarches. «Et Abner dit à David : Je me lèverai, et j’irai et j’assemblerai vers mon seigneur, le roi, tout Israël : et ils feront alliance avec toi ; et tu régneras sur tout ce que ton âme désire» (v. 21). Mais Dieu s’y oppose ; il ne veut pas que David reçoive le royaume d’une autre main que la sienne. Nul ne pourra se vanter d’avoir établi l’oint de l’Éternel sur le trône. Et de plus, comment permettrait-il à l’orgueil du coeur de l’homme de tailler les marches par lesquelles David monte au pouvoir ? Abner est assassiné. Dieu sait faire tourner les pires iniquités des hommes à l’accomplissement de ses desseins. Il se sert de l’acte infâme de Joab pour supprimer celui dans lequel David avait déjà mis sa confiance.
Joab commet un meurtre en pleine paix et se venge ainsi de la mort d’Asçaël, quoique Abner l’eût «tué dans la bataille» (v. 30), preuve qu’il n’y avait rien de répréhensible dans son acte (conf. 2:20-23). Tel est le motif personnel de cette affreuse action, mais celui qui connaît Joab et son ambition de devenir chef de l’armée, en suppose un autre. Joab craint la valeur et l’autorité d’Abner, alors beaucoup plus éprouvée que la sienne. Si ce dernier venait à conclure l’alliance, n’obtiendrait-il pas la première place ? Joab a tout à gagner à sa vengeance.
Donc Abner ne sera pas le restaurateur du royaume ; Joab, bien moins encore que lui, car son meurtre devenait, sans l’intervention divine, le signal d’une guerre plus longue et plus impitoyable que celle qui tirait à sa fin.
Ce qui gagne le coeur d’Israël, c’est l’indignation du roi contre le mal, son affliction au sujet d’un crime qui déshonorait le caractère de l’Éternel et celui de son oint ; c’est l’humiliation, le jeûne, le deuil public de David, en présence de tout son peuple. «En ce jour-là tout le peuple et tout Israël reconnurent que ce n’était point de par le roi qu’on avait fait mourir Abner, fils de Ner» (v. 37).
Ah ! comme, au milieu de ces circonstances difficiles, David retrouve les traits précieux de son caractère ! Répudiant toute solidarité avec le mal, il prouve que, «de toute manière, il était pur dans cette affaire». Il invoque le jugement de Dieu sur Joab : Que le sang d’Abner, fils de Ner, «tombe sur la tête de Joab, et sur toute la maison de son père ; et que la maison de Joab ne soit jamais sans un homme ayant un flux, ou la lèpre, ou qui s’appuie sur un bâton, ou qui tombe par l’épée, ou qui manque de pain» (v. 29). Et encore : «Que l’Éternel rende à celui qui fait le mal, selon son méfait !» (v. 39). Plus tard, ce jugement de Dieu, prononcé par David, s’est exécuté (1 Rois 2:31-34).
David roi, retrouve au sujet d’Abner les accents de grâce dont David rejeté se servait à l’égard de Saül. Il prononce une complainte sur Abner : «Abner devait-il mourir comme meurt un insensé ? Tes mains n’étaient pas liées, et tes pieds n’avaient pas été mis dans des chaînes ; tu es tombé comme on tombe devant les fils d’iniquité» (v. 33, 34). Il proclame «qu’un prince, et un grand homme», était ce jour-là tombé en Israël (v. 38).
Hélas ! la puissance étant entre ses mains, qu’avait-il pu en faire contre les «fils d’iniquité» ? Dieu seul pouvait faire le bien. Les fils de Tseruïa étaient trop durs pour David (v. 39). Lui-même reconnaît sa faiblesse, telle qu’elle se montrait en ce jour. Combien David nous est sympathique pour cette parole : «Moi, je suis aujourd’hui faible, bien que j’aie reçu l’onction de roi» (v. 39). Ce qui arrive atteint son coeur comme une sérieuse discipline. Faible, tu l’étais en effet, serviteur bien-aimé de l’Éternel, malgré ton onction, mais ne crains pas ; Dieu sera ta force et ta sauvegarde dans la faiblesse, et tes pieds seront gardés de chute si tu cherches ta force dans la communion avec Lui. Il en est de même pour nous. Deux choses inséparables sont notre sauvegarde : le sentiment de notre faiblesse, joint à la dépendance de Dieu et de sa Parole. David avait commencé dans ce chapitre par l’usage de sa puissance et, agissant de son propre chef, il n’avait pas consulté l’Éternel. Les événements qui l’accablent, l’amènent à la conscience de son incapacité et, comme tout de nouveau, il ne tardera pas à apprendre la dépendance si vite oubliée.
Au milieu de tous ces événements, Ish-Bosheth perd son royaume. Il dépendait entièrement d’Abner qui lui assurait la victoire et le maintien de son trône. Cet homme enlevé, il ne lui reste rien. Quand il a cherché à s’opposer au manque de respect envers la mémoire de son père, il est abandonné de celui qui le soutenait. C’est ce qui anéantit toute force dans la chrétienté professante qui cherche plus ou moins à se fonder sur la succession d’une religion selon l’homme. Alliée pour se maintenir avec les gouvernements et les puissances d’un monde ennemi de Christ, elle devient leur esclave et n’a aucune force pour s’opposer à leur désordre ou pour le réprimer. Je parle moins ici du romanisme qui, comme la grande prostituée, a la prétention d’être «assis sur la Bête» et de la gouverner, que de la Réforme qui dégénéra bien vite en abandonnant le principe de la foi et en cherchant son appui auprès des grands de ce monde. La ruine en fut la conséquence nécessaire. Contentons-nous de nous tenir à part de toute intervention de l’homme dans les choses religieuses, et disons comme David, dans le sentiment de notre incapacité pour remédier au mal : «Ces hommes-là, les fils de Tseruïa, sont trop durs pour moi».
Ce chapitre est le dernier de ceux qui racontent les préludes de la royauté de David. Satan, le séducteur, ne se décourage pas dans son oeuvre malfaisante contre l’oint de l’Éternel et, repoussé une première fois, ne craint pas de revenir à la charge. Au chap. 1, il avait offert la couronne à David par le moyen d’un Amalékite. Selon l’homme, il eût été fort naturel de la recevoir, mais David ne peut accepter un don quelconque de la main d’un ennemi. Sa foi triomphe. Il punit «celui qui était, à ses propres yeux, un messager de bonnes nouvelles». «Je le saisis», dit-il «et le tuai à Tsiklag, lui donnant ainsi le salaire de sa bonne nouvelle» (4:10). Refoulé ainsi, l’ennemi ne craint pas de reprendre l’offensive. Dans l’intervalle David avait reçu, de la main de Dieu, la royauté sur Juda (chap. 2). Mais, quant à la royauté sur Israël (chap. 3), il est tenté par les propositions d’Abner qui se présentent d’une manière insidieuse, en sorte que le roi est moins préparé à y résister. Nous avons vu que Dieu intervient et le délivre, en se servant de l’iniquité de Joab. Ainsi l’alliance avec les onze tribus, fruit des plans de l’homme, est réduite à néant. Ce n’est pas de ce côté que David peut attendre la couronne.
Cependant le danger n’est pas écarté, car le grand séducteur ne se lasse point. Deux hommes méchants et criminels assassinent le fils de Saül que David lui-même appelle «un homme juste (*)» (v. 11). Baana et Récab apportent au roi la tête d’Ish-Bosheth et lui ouvrent, par leur crime, le chemin du règne sur tout Israël : «Voici la tête d’Ish-Bosheth, fils de Saül, ton ennemi, qui cherchait ta vie ; et l’Éternel a donné en ce jour au roi, mon seigneur, d’être vengé de Saül et de sa race» (v. 8). Au lieu d’accepter leur offre, David, saint dans ses voies, juge le mal, le hait et s’en sépare.
(*) Ish-Bosheth était un homme juste en contraste avec ces méchants. David ne veut pas dire qu’il fût juste devant Dieu, mais nous voyons ici, encore une fois, la grâce de David qui reconnaît toujours le bien chez ses ennemis. Grande leçon pour nous.
Le bras de la chair était indispensable à Ish-Bosheth. Lors du meurtre d’Abner, «ses mains furent affaiblies, et tout Israël fut troublé» (v. 1) car le fils de Saül avait «un grand homme» pour soutien de son trône, et tout s’écroule quand cet appui lui manque. Il n’en était pas ainsi de David. L’expérience lui avait fait connaître ce que valait l’homme et ce que Dieu valait. Cette expérience, il est vrai, se renouvelle souvent dans la vie du croyant. Quand tous les appuis naturels, ceux même que Dieu nous avait donnés, nous manquent, nous restons dans la faiblesse la plus absolue. C’est une leçon que nous devons apprendre, parce que, comme chrétiens, nous mettons souvent notre confiance en des fondements qui peuvent être ébranlés. Alors notre foi est mise à l’épreuve, et il s’agit de savoir si Dieu nous suffit comme ressource.
Nous faisons ainsi l’expérience mentionnée au Ps. 30:6. «Moi, j’ai dit dans ma prospérité : Je ne serai jamais ébranlé». David était un homme de foi qui avait appris beaucoup de choses pendant les épreuves du premier livre de Samuel. Mais lorsqu’il écrit ce psaume 30, «pour la dédicace de la maison», toutes les expériences du premier livre étaient déjà passées. «Éternel ! par ta faveur tu as donné la stabilité et la force à ma montagne» (v. 7). Ce n’est pas la montagne de Sion, la montagne de Dieu, qui «ne peut être ébranlée», mais il parle ici de lui-même et des ressources humaines qui lui appartenaient de la part de Dieu. Or si ces ressources nous font défaut, quel sera l’état de notre âme ! Nos mains seront-elles affaiblies comme celles d’Ish-Bosheth, ou bien jouirons-nous d’une paix stable, d’une ferme assurance ? Combien souvent, hélas ! nous devons répondre : «Tu as caché ta face, j’ai été épouvanté» (v. 7).
Quelles que soient nos difficultés, nous avons à veiller à ce qu’elles n’influencent pas l’état de nos âmes. Si la foi est en activité, on refuse de chercher du secours dans les circonstances extérieures. C’est ainsi que David dit au Ps. 11:1 : «Je me suis confié en l’Éternel ; — pourquoi dites-vous à mon âme : Oiseau, envole-toi vers votre montagne ?» Quand nous traversons des épreuves, le monde nous dit : Va chercher ton secours dans ta montagne ; sers-toi des ressources que tu as en réserve dans ce monde. La foi répond avec David : Non, car il n’y a pas de fondement ici-bas qui ne soit détruit, mais «l’Éternel est dans le palais de sa sainteté ; l’Éternel a son trône dans les cieux ;» c’est là que je me réfugie.
À Tsiklag, David dans l’angoisse «se fortifie en l’Éternel, son Dieu» (1 Sam. 30:6). Ish-Bosheth ne connaissait pas cette ressource. Dans les jours heureux où la faveur de Dieu a donné de la stabilité et de la force à notre montagne, il nous faut chercher soigneusement et journellement la vraie source de la force, afin de n’être pas, si les difficultés surgissent, comme des oiseaux craintifs emportés, on ne sait où, par le vent d’orage, mais afin de savoir nous réfugier, dans le mauvais jour, auprès de Celui qui rassemble ses poussins sous ses ailes, à l’ombre desquelles nous chanterons de joie ! (Ps. 63:7).
Par le meurtre d’Ish-Bosheth, Récab et Baana fraient à David le chemin de la royauté. La question se posait s’il lui était loisible d’en profiter. Un sens spirituel plus exercé lui aurait fait refuser, dans le chapitre précédent, l’alliance que lui proposait Abner. Il comprend ici que non seulement il ne peut employer l’aide humaine qui s’offre à lui, mais encore qu’il doit la refuser comme offerte par Satan. C’est ce que nous devons faire, quand le monde s’offre à nous secourir.
Cette histoire nous montre que Dieu se sert de tout pour accomplir ses desseins de grâce envers David : d’Abner, de Joab, de Récab et de Baana. Certes il les désapprouve, mais sa providence fait concourir à ses voies le mal lui-même. Le mal sera jugé, mais aura servi aux conseils de Dieu. La croix n’est-elle pas, par excellence, la preuve de sa manière d’agir ?
Et maintenant, si Dieu emploie ces moyens, ai-je, moi, le droit de m’en servir ! Nullement, car Dieu est souverain, et moi, je ne le suis pas. Lui, peut se servir du mal, de Satan lui-même, comme il l’entend ; moi, je suis un être placé sous Sa dépendance, et je dois obéir. L’obéissance me fait marcher dans le chemin que la parole de Dieu me révèle, chemin de sainteté qui me sépare du mal et du monde. Quand le monde vient m’offrir ses services, je les refuse, car j’ai affaire à Dieu. «L’Éternel est vivant, qui a racheté mon âme de toute détresse ...» (v. 9). Tel est Celui dans lequel je me confie. Je ne veux rien recevoir du monde, parce que je dépends de l’Éternel.
En un temps de réveil qui n’est pas loin du nôtre, réveil gâté, dès son origine, par des doctrines antiscripturaires qui portent encore aujourd’hui leurs tristes fruits, mais où Dieu agissait cependant pour la conversion des âmes, quelqu’un disait à un serviteur de Dieu : Pourquoi ne vous associez-vous pas à cette activité ? N’est-il pas évident que Dieu agit ici par son Esprit ? L’autre répondit ces mots, qui, sans doute, ne furent pas compris : «L’esprit souffle où il veut, mais, moi, je dois obéir». Cette réponse illustre ce que nous venons de dire. Dieu est souverain ; Lui seul peut se servir du mal, mais moi, je n’ai pas d’autre fonction que de m’en retirer.
Ce mélange du bien et du mal est comme un ruisseau qui charrie des eaux malsaines. Boirai-je de cette eau qui m’empoisonnera ? Je ne le puis, mais ce ruisseau est conduit jusqu’au fleuve qui l’emploie. Le fleuve est une large voie qui reçoit l’eau des ruisseaux les plus bourbeux pour la conduire à la mer. Il en est ainsi des voies de Dieu ; elles se servent des éléments les plus disparates pour alimenter la vaste mer de ses conseils. La mer se charge d’engloutir, de déposer dans ses profondeurs, de juger, en un mot, tout élément impur, en sorte qu’il ne monte d’elle qu’une eau pure vers le ciel où le soleil l’attire. C’est le travail de la mer et du soleil, et non pas le nôtre.
Mais David aurait pu raisonner ainsi : en permettant ce meurtre, la providence de Dieu agit pour me donner le trône , je suis donc libre de l’accepter de la main des meurtriers. Il se serait trompé, car même la providence de Dieu nous place au milieu de circonstances où notre foi est mise à l’épreuve, afin que nous n’acceptions pas les choses en présence desquelles nous sommes amenés. Nous avons l’exemple de Moïse à la cour du Pharaon. La Providence ne l’y avait pas amené pour accepter cette position et jouir «des délices du péché», mais afin que, le moment venu, il eût à s’en retirer par la foi. Sa foi fut ainsi mise en exercice et, placé entre l’adoption de la fille du Pharaon et l’affliction avec le peuple de Dieu, il n’hésita pas à choisir la seconde.
De même ici, les circonstances semblent ouvrir à David l’accès au trône que Dieu veut lui donner. Il repousse avec indignation toute complicité avec le mal et ordonne l’exécution des coupables. Ces leçons ont une grande importance pour nous, car nous sommes continuellement aux prises avec les mêmes principes. Si Dieu nous place ici-bas dans une position facile, il n’a pas pour but de nous y établir, mais que notre foi apprenne à briser ces liens et, libre d’entraves, les quitte avec joie pour aller au-devant du Seigneur. Sachons donc, quand le mal se présente à nous sous une forme quelconque, le juger comme David, le rejeter ouvertement, et n’avoir aucune communion avec lui.
L’acte de David, à la fin de ce chapitre, était donc selon les pensées de Dieu. «David commanda à ses jeunes hommes, et ils les tuèrent et leur coupèrent les mains et les pieds, et les pendirent au réservoir de Hébron» (v. 12). David, possédant l’autorité, devait l’exercer en sainteté et en justice, en sorte que ce châtiment terrible servît d’exemple.
Ce chapitre nous offre encore un enseignement, qu’il est utile de ne pas omettre, parce que, malgré ses expériences personnelles, David reste, jusqu’au chap. 11, un type de Christ. Le fait dont je parle, c’est qu’avant d’obtenir la royauté sur toutes les tribus, David est méconnu de tous, que personne n’apprécie son coeur.
Beéroth était une ville des Gabaonites, reçus autrefois (Jos. 9) dans l’alliance du peuple d’Israël. Beéroth était comptée comme appartenant à Benjamin (v. 2), tribu de Saül, l’ardent ennemi de David. «Les Beérothiens s’enfuirent à Guitthaïm, et ils y ont séjourné jusqu’à aujourd’hui» (v. 3). La cause de leur fuite n’est pas positivement mentionnée, mais ce fait est mis en rapport avec Baana et Récab, fils d’un Beérothien. Nous pouvons en conclure que le récit de la fuite est anticipé, et qu’elle n’eut lieu qu’après le jugement prononcé par David sur les meurtriers. Alors tous les Beérothiens prennent peur et s’enfuient à Guitthaïm.
C’est que ces hommes méconnaissaient David. Ils supposaient que le roi nourrissait des désirs de vengeance et chercherait à la satisfaire en les rendant solidaires du meurtre commis par des citoyens de Beéroth. S’ils avaient connu David, ils se seraient plutôt réfugiés auprès de lui en se confiant à sa grâce. C’est l’attitude du monde envers le Seigneur Jésus. Ne pouvant avoir confiance en un coeur qu’il ne connaît pas et redoutant son jugement, il préfère le fuir, que d’entrer en contact avec Lui. Dans la parabole des talents, l’esclave qui avait enfoui son talent dans la terre méconnaissait de même ce Maître plein de grâce, quand, appelé à lui rendre compte de sa gestion, il lui dit : «Maître, je te connaissais, que tu es un homme dur» (Matt. 25:24).
Au v. 4, un fait qui suivit la mort de Saül, nous reporte encore plus en arrière. La nourrice de Mephibosheth s’enfuit, portant dans ses bras cet enfant de cinq ans ; l’histoire est la même que celle des Beérothiens : toujours cette méconnaissance du fils d’Isai, toujours ce sentiment si naturel au coeur de l’homme. David, apprenant la mort de Saül et de Jonathan, avait mené deuil et prononcé sur eux une complainte, mais il ne vient pas à la pensée de cette pauvre femme qu’il puisse ne pas exercer de vengeance sur le fils de son ami. Elle fuit au lieu de courir à celui qui avait juré à Jonathan et même à Saül, qu’il n’éteindrait point leur race. Elle ne se fie pas plus à l’amour et à la parole certaine de David, que les pécheurs ne se fient à la grâce et à la parole de Christ. La conséquence fut que Mephibosheth «tomba et devint boiteux». David le retrouve plus tard, affligé et infirme par suite du manque de foi de cette femme, qui n’avait pas profité du moment favorable pour confier son fardeau aux mains de l’ami de Jonathan.
Récab et Baana ignorent aussi celui dont le coeur repousse le mal. Ils se précipitent dans la ruine pour avoir méconnu la sainteté de l’oint de l’Éternel. Ils pensent pouvoir s’approcher de lui avec leur péché, sans que David l’abhorre et repousse ces mains souillées du sang d’un juste.
De fait, il n’y a que les siens qui puissent le connaître et s’approcher de Lui en toute confiance, sachant que sa bonté demeure à toujours et que ses promesses sont certaines.
Tes paroles, toujours fidèles,
Seigneur, ne passeront jamais,
Et mon âme qui croit en elles
N’a rien à craindre désormais !
Par esprit de vengeance contre Ish-Bosheth, Abner avait recommandé David aux onze tribus : «L’Éternel a parlé touchant David, disant : Par la main de David, mon serviteur, je délivrerai mon peuple Israël de la main des Philistins et de la main de tous ses ennemis» (3:18). Abner était, en un sens, le messager de l’Éternel pour ramener à son oint le coeur du peuple ; mais il y avait un abîme entre ses fonctions et son état moral. Nous devons en tirer une instruction pour nous-mêmes. Dieu peut agir par un homme qui annonce des vérités selon Dieu alors que son coeur n’a aucun rapport avec Lui. Il convenait qu’Israël prêtât l’oreille aux paroles d’Abner, mais non qu’il s’attachât à sa personne. Lorsque nous écoutons ceux qui présentent la parole de Dieu, il nous faut prendre garde de distinguer la personne de ce qu’elle annonce, et de ne pas lui attribuer une importance qui n’appartient qu’aux Écritures ; heureux si nous pouvons constater que la conduite de celui qui parle est conséquente avec sa doctrine et ne s’en sépare pas. Il en était ainsi de Timothée vis-à-vis de l’apôtre Paul ; il avait pu comprendre et suivre sa doctrine, sa conduite (2 Tim. 3:10), tant ces deux choses étaient d’accord chez le grand apôtre des gentils. Il est bon d’insister sur ce point : le don est distinct de l’état moral. Lorsqu’un homme a un don, il est nécessaire qu’il se juge continuellement devant Dieu, afin de mettre son état moral en rapport avec ce qui lui est confié. S’il y a un grand danger pour les auditeurs à suivre l’homme à cause de son don, il y a un égal danger pour celui qui parle à agir sans que son coeur et sa marche soient en rapport avec les vérités qu’il présente.
De fait, les paroles d’Abner n’eurent aucun résultat réel pour le peuple, parce que l’Esprit de Dieu n’agissait pas dans les coeurs. Ils ne changèrent en rien leur conduite jusqu’à ce qu’Ish-Bosheth eût été supprimé et seulement, quand leur appui leur fut ôté, «toutes les tribus d’Israël vinrent vers David à Hébron» (v. 1).
L’état des tribus a ceci de remarquable qu’elles connaissaient et avaient toujours connu ce que Dieu pensait de David. Le peuple dit : «Autrefois, quand Saül était roi sur nous, c’était toi qui faisais sortir et faisais entrer Israël ; et l’Éternel t’a dit : Tu paîtras mon peuple Israël, et tu seras prince sur Israël» (v. 2). Ils savaient cela parfaitement, mais cette connaissance n’exerçait aucune action sur leurs consciences. Le même phénomène se produit aujourd’hui parmi les chrétiens. La parole de Dieu leur est familière ; ils connaissent les pensées de Dieu au sujet de son Fils et de son Église, mais ces vérités restent pour eux sans résultat pratique. Elles ne sont pas descendues dans leurs consciences. C’est là qu’il faut chercher la principale raison des divisions entre les enfants de Dieu. L’un suit une secte, l’autre une autre ; l’un accepte telle doctrine, l’autre telle doctrine opposée ; l’un se réclame d’un homme, l’autre d’un autre homme. Ces divergences proviennent moins de l’état de leur connaissance que de celui de leur conscience, et ils ne sentent pas la nécessité de marcher selon la vérité qu’ils connaissent.
Les trois premiers versets de notre chapitre nous montrent qu’une autre chose encore manquait à Israël. Ils n’avaient pas d’affection pour David ; leur affection était pour Ish-Bosheth. Quand le coeur est du côté du monde, il ne peut être du côté de l’homme selon Dieu. Comment réunirait-on les chrétiens autour de Christ, quand leurs pensées sont aux choses de la terre et que la grâce et la beauté du Seigneur n’ont pas atteint leurs coeurs ? Sa personne a peu de valeur pour un coeur partagé ; il ne la recherche pas. Mais si les consciences sont atteintes, les coeurs le seront bientôt : «Voici, nous sommes ton os et ta chair» (v. 1). Maintenant ces Israélites proclament leur relation avec David ; ils la connaissaient bien, mais ne la reconnaissaient pas comme un fait qui dominait tout le reste. Alors ils se ressouviennent tout à coup de ce que Dieu avait dit au sujet de son bien aimé. Quand l’Esprit commence à agir dans les âmes, la conscience parle, le coeur se porte vers Christ, et l’on est amené à reconnaître sa souveraineté et ses droits. «Ils oignirent David pour roi sur Israël» (v. 3). «David fait alliance avec eux à Hébron, devant l’Éternel», et par ce pacte il reconnaît Israël comme étant désormais son peuple.
Ce chapitre inaugure la seconde période du règne de David. Désormais il sera roi sur tout Israël à Jérusalem. Le Saint Esprit accentue cette distinction au vers. 5 : «David régna à Hébron, sur Juda, sept ans et six mois ; et à Jérusalem, il régna trente-trois ans sur tout Israël et Juda».
Il en sera de même du Christ : comme histoire typique de l’établissement de son règne, ce livre, commenté par la prophétie, est d’un intérêt particulier. Il ne s’agit pas, dans le second livre de Samuel, répétons-le, de la royauté établie ; elle ne le sera qu’en Salomon ; mais de l’établissement de la royauté en David, ce qui est autre chose. Nous trouvons donc ici les voies de Dieu pour fonder le trône de David, rassembler autour de lui les douze tribus, et lui soumettre les nations, en subjuguant ses ennemis.
David ayant été reconnu roi sur tout Israël, on voit se dérouler une série d’événements en rapport avec cette proclamation.
Le premier de ces événements est d’une importance capitale (v. 6-9). Souvent des faits d’une immense portée sont traités par la Parole en quelques versets. Nous ne pouvons mesurer à la longueur du récit la valeur que Dieu met à tel événement. Une courte parenthèse contient parfois une somme de vérités infinies, celle par exemple du premier chapitre aux Éphésiens qui déroule les conseils de Dieu à l’égard de Christ et de l’Église (Éph. 1:20-23). De même, les trois premiers versets d’Apoc. 21, nous font entrer dans toutes les gloires de l’éternité. De même encore, le Ps. 23 nous donne en six versets toute la vie, toute la conduite, toutes les expériences du croyant ici-bas, depuis la croix jusqu’à l’introduction dans la maison de l’Éternel. On multiplierait à l’infini ces exemples. Nous en trouvons un dans le passage qui nous occupe. Il traite de la prise de Jérusalem. C’est le début d’une manière d’agir toute nouvelle de la part de Dieu : c’est l’établissement de sa grâce dans la personne du roi, la puissance unie à la grâce pour accomplir les intentions de Dieu, lorsque, du côté de l’homme, tout a manqué.
Le livre des Juges et le premier livre de Samuel (sans parler des livres de Moïse) nous ont présenté cette dernière vérité, la ruine complète, entre les mains de l’homme, de tout ce que Dieu avait confié à sa responsabilité. Israël, placé sous la loi, était ruiné comme peuple, ruinés les juges, ruinée la sacrificature, ruinée la royauté selon la chair ; tout cela terminé sans retour. En présence de toutes ces ruines, «qu’est-ce que Dieu a fait ?» (Nombres 23:23). Sa grâce se manifeste quand la fin de l’histoire du peuple sous la loi est déjà manifestée ; elle ne serait pas la grâce si elle ne s’occupait pas d’êtres déchus. Sa plénitude éclate, lorsque l’histoire du peuple responsable a abouti à une ruine irrémédiable. Dieu choisit le moment où la royauté selon son coeur est proclamée, pour occuper Jérusalem et la donner à David.
Quelle raison Dieu avait-il de s’intéresser à cet endroit plus qu’à un autre ? Aucune, sinon d’avoir aimé cette ville qui était au pouvoir des Jébusiens, des ennemis de l’Éternel et de son Oint. Mais son coeur était attaché à ce lieu, car il voulait y établir définitivement le trône de sa grâce ici-bas. «L’Éternel a choisi Sion ; il l’a désirée pour être son habitation : C’est ici mon repos à perpétuité ; ici j’habiterai, car je l’ai désirée» (Ps. 132:13, 14). «La fondation qu’il a posée est dans les montagnes de sainteté. L’Éternel aime les portes de Sion plus que toutes les demeures de Jacob» (Ps. 87:1, 2).
Voilà ce que Dieu dit de Sion : il l’aimait. Quand ses yeux parcouraient la terre, ils se sont arrêtés sur cette place spéciale pour en faire son habitation. «Pourquoi, montagnes à plusieurs sommets, regardez-vous avec jalousie la montagne que Dieu a désirée pour y habiter ? Oui, l’Elternel y demeurera pour toujours» (Ps. 68:16). C’est donc l’endroit choisi de Dieu, le lieu de son bon plaisir, parce qu’il y introduit et établit son roi en grâce. N’est-ce pas là aussi que le Fils de David devait poser le fondement du salut éternel ? Jésus, la racine de David, est le roi de grâce quand tout est ruiné, comme Jésus, la postérité de David, vrai Salomon, sera le roi de gloire.
La montagne de Sion offre le contraste le plus absolu avec celle de Sinaï. En Héb. 12:22, l’apôtre dit aux Juifs, affranchis de la loi et devenus chrétiens : «Vous êtes venus à la montagne de Sion, et à la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste». C’est un changement absolu dans les voies de Dieu envers Israël. Les versets 6 à 9 de notre chapitre 5, nous indiquent le moment historique où ce changement a eu lieu, où Dieu choisit une nouvelle montagne, en contraste avec Sinaï, pour y établir à jamais la forteresse de David. De fait, la chose n’a pu être réalisée alors pour Israël, à cause de l’infidélité du roi responsable, et il faudra que le peuple attende l’établissement du règne de Christ pour être introduit dans les bénédictions de cette nouvelle alliance. Pour nous, chrétiens, la chose a eu lieu. «Vous êtes venus à la montagne de Sion», dit l’apôtre. Aucune des exigences, ni des terreurs de Sinaï, n’existe plus pour ceux qui croient. Nous avons trouvé ici-bas la montagne de la grâce au lieu où fut érigée la croix de Christ, et notre pied s’est posé sur ce sûr fondement, premier échelon pour monter dans toutes les bénédictions célestes, depuis la «cité du Dieu vivant» jusqu’à «l’assemblée des premiers-nés, écrits dans les cieux». Toutes ces choses nous appartiennent maintenant ; bientôt nous les posséderons dans la gloire.
Les divers passages de ce chapitre correspondent à d’autres passages du premier livre des Chroniques, qui nous donnent parfois des détails supplémentaires sur ces événements. La prise de Jérusalem y est relatée au chap. 11:4-9. Dans notre chapitre, les Jébusiens disent à David : «Tu n’entreras point ici mais les aveugles et les boiteux te repousseront» (v. 6). Ils comptaient si bien sur leurs murailles et sur leur forteresse imprenable, qu’ils ne jugeaient pas nécessaire d’employer des hommes valides pour repousser l’attaque du roi ; les infirmes même, pensaient-ils, suffiraient amplement à cette tâche. «Mais David prit la forteresse de Sion» (v. 7). Pas un mot de plus ; la chose a lieu, aussi simple que si elle n’avait rien coûté. En effet, cette victoire ne coûte rien à Dieu. C’est ainsi qu’il combattra toute l’inimitié de l’homme contre Lui et contre son Oint. Quelle divine ironie ! «Rompons leurs liens, disaient-ils, et jetons loin de nous leurs cordes !» Dieu répond : «Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur s’en moquera» (Ps. 2:4).
David se montre indigné de ces paroles outrageantes des Jébusiens, et son indignation est selon Dieu. Quand nous voyons le monde occuper le domaine de Dieu, tout en étant ennemi de Christ, nos coeurs, animés par le Saint Esprit, peuvent bien être remplis d’indignation. Nous pouvons désirer ardemment que le Seigneur ait finalement la place qui lui revient de droit, qu’il ne soit plus bafoué par un monde qui l’a rejeté et que son règne s’établisse sur la terre, après le jugement des vivants. Ce sentiment est légitime.
Mais nous trouvons un autre sentiment, moins avouable, dans le coeur de David. Il est, à côté du personnage typique, l’homme énergique auquel Dieu a confié la puissance. Son autorité est contestée ; il est saisi d’une indignation humaine et ses paroles le prouvent (1 Chr. 11:6) : «Quiconque frappera le premier les Jébusiens, sera chef et capitaine». Qu’arrive-t-il ? «Joab, fils de Tseruïa, monta le premier, et fut chef». Joab, l’homme dont nous avons vu les ruses dès le commencement , Joab, dont David a reconnu la méchanceté, qu’il a stigmatisé devant tout le peuple du nom de «fils d’iniquité», sur la tête duquel il a invoqué le jugement de Dieu (3:28-30), qu’il a déclaré être «trop dur pour lui», Joab est l’homme auquel la parole de David fournit l’occasion d’être général en chef.
Le fait que Joab se trouve porté à la tête de l’armée, est un des plus fâcheux du règne de David, et nous constatons ici la faiblesse du roi. Une seule parole qui n’était pas dictée par le Saint Esprit et tendait à l’émulation de la chair, suffit pour porter de telles conséquences. Combien facilement l’homme abuse de la puissance que Dieu lui a confiée, pour s’en servir d’une manière indépendante ! Ce fait devrait nous donner à réfléchir. Une parole selon la chair porte souvent des fruits plus pernicieux qu’une mauvaise action.
À la fin du vers. 8, nous lisons : «Les boiteux et les aveugles qui sont haïs de l’âme de David ! ... C’est pourquoi on dit : L’aveugle et le boiteux n’entreront pas dans la maison». Qui parle ainsi ? C’est David lui-même. Comme il diffère en cela de Christ ! Le Seigneur Jésus, entrant dans ce monde, fait exactement le contraire : «Les aveugles recouvrent la vue et les boiteux marchent» (Matt. 11:5) ; il ne peut rencontrer un seul de ces déshérités sans que son amour et sa puissance s’accordent pour le guérir. Même dans le cas où sa colère, une colère divine, se donne cours, n’est-il pas merveilleux de la voir, ouvrant les écluses à sa grâce ? «Jésus entra dans le temple de Dieu, et chassa dehors tous ceux qui vendaient et qui achetaient dans le temple ; et il renversa les tables des changeurs et les sièges de ceux qui vendaient les colombes ; et il leur dit : Il est écrit : Ma maison sera appelée une maison de prière ; mais vous, vous en avez fait une caverne de voleurs. Et des aveugles et des boiteux vinrent à lui dans le temple, et il les guérit» (Matt. 21:12-14). Sa colère et son indignation se montrent dans le zèle de la maison de Dieu qui le dévore (Ps. 69:9), mais il purifie sa maison, non pas pour empêcher, comme David, les aveugles et les boiteux d’y entrer, mais pour les y introduire en les guérissant. Nous en trouvons un second exemple dans la parabole du souper. Tous les invités se sont excusés de n’y pas venir. «Alors le maître de la maison, en colère, dit à son esclave : Va-t’en promptement dans les rues et dans les ruelles de la ville, et amène ici les pauvres, et les estropiés, et les aveugles, et les boiteux» (Luc 14:21). La colère du maître contre les invités a pour résultat de faire asseoir les aveugles et les boiteux à la table de son grand festin.
Il nous en est arrivé de même. L’indignation du maître envers ce peuple qui n’a pas voulu son appel de grâce, a ouvert la porte du souper des noces à de pauvres gentils, étrangers à ses promesses, incapables de le voir ou d’aller à Lui.
Tous ces faits nous prouvent combien il importe, pour une vraie intelligence de cette partie des Écritures, de maintenir la différence entre David homme et David type de Christ.
L’établissement du trône sur la montagne de Sion a pour premier résultat de faire reconnaître David par les nations. «Hiram, roi de Tyr, envoya des messagers à David, et des bois de cèdre, et des charpentiers, et des tailleurs de pierre pour les murailles ; et ils bâtirent une maison à David» (v. 11), car Hiram voulait contribuer, dans sa mesure, à l’éclat du règne qui commençait. Plus tard, sous Salomon, ce même Hiram travaille à l’édification du temple. Il joue, dans cette histoire, un rôle important comme représentant des nations amies qui viendront, de bonne volonté, se soumettre au règne du Messie.
L’histoire de David, type de Christ, continue à se dérouler dans ce chapitre. Parmi les nations, il y en aura qui ne reconnaîtront point sa suprématie et chercheront à secouer son joug. Les Philistins montent contre David ; la révolte commence par l’ennemi du dedans qui occupe l’héritage du peuple. Nous verrons plus loin les nations situées sur les confins d’Israël, Moab et les fils d’Ammon, puis la Syrie et l’Assyrie, se révolter à leur tour. La victoire sur les nations, comme la soumission des tribus, a lieu d’une manière graduelle. La Philistie est subjuguée, et le Seigneur dira d’elle, par la bouche de David : «Sur la Philistie je pousserai des cris de triomphe» (Ps. 108:9), car il ne faut pas oublier — la prophétie est très explicite à ce sujet — que les anciens ennemis d’Israël, maintenant disparus en partie, renaîtront au temps de la fin, soit pour subir leur jugement définitif, soit pour avoir part, avec le peuple de Dieu, aux bénédictions millénaires. Les Philistins sont subjugués, leurs idoles anéanties.
En même temps que l’histoire de David, type du Messie, celle de David, roi responsable, continue aussi à se dérouler. Elle nous présente mainte faiblesse, nécessitant une discipline qui amène David à se juger lui-même, afin que, restauré, il retrouve la communion avec Dieu. Il nous est infiniment profitable d’apprendre à nous reconnaître dans cette histoire, et de comprendre les exigences de la sainteté de Dieu et ses voies envers nous.
La fin de ce chapitre nous donne une instruction particulière. Lorsque Hiram vient se soumettre au roi, il se passe un fait touchant et caractéristique. Un trait particulier du caractère de David est l’absence complète de confiance en lui-même ; il était humble et avait gardé ce caractère depuis que Dieu l’avait «pris d’auprès des parcs des brebis». Tout en appréciant la faveur que Dieu lui faisait en lui donnant un trône glorieux, il n’avait pas une haute opinion de lui-même. «David connut que l’Éternel l’avait établi roi sur Israël, et qu’il avait élevé son royaume à cause de son peuple Israël» (v. 12) ; à cause, non pas de lui-même — il disparaît à ses propres yeux — mais à cause de son peuple Israël. Sachant que ce royaume, dont il est le chef, est élevé, parce que Dieu pensait à son peuple dont il avait en vue la bénédiction, il ne se place pas au-dessus du peuple pour le dominer, par la revendication de ses droits, mais au-dessous de lui, n’ayant en vue que son bonheur. Il voit la place qu’Israël possède dans le coeur de Dieu et reconnaît que Dieu a conduit toutes choses en vue de son peuple. Notre modèle parfait, le Seigneur Jésus, a acquis par ses souffrances une place dans la gloire, mais il l’a prise pour nous, son peuple, son Église bien-aimée. Ainsi le caractère de David, comme homme, répond à celui de Christ, ce qui devrait toujours être notre cas.
Mais voici que ce qui s’était produit à Hébron (3:2-5), se reproduit à Jérusalem (v. 13-16). Nous avons dit plus haut que les marques d’indépendance chez David, résultaient du fait qu’il était investi de l’autorité souveraine. Il emploie sa puissance pour lui-même et agit ainsi en opposition avec les pensées de Dieu (Deut. 17:17-19). David, outre ses raisons politiques et autres pour prendre un grand nombre de femmes, pouvait avoir oublié la défense de Dieu. Il n’aurait pas dû l’oublier : «Il arrivera», avait dit l’Éternel, «lorsqu’il sera assis sur le trône de son royaume, qu’il écrira pour lui, dans un livre, une copie de cette loi, faite d’après le livre qui est devant les sacrificateurs et les lévites. Et il l’aura auprès de lui ; et il y lira tous les jours de sa vie». La plus grande partie de nos désobéissances provient de ce que nous ne restons pas en contact vivant et journalier avec la parole de Dieu. Suivre nos propres pensées en négligeant cette direction positive et absolue, c’est la désobéissance.
Deux choses doivent caractériser la marche de tout enfant de Dieu. La carrière de David, au premier livre de Samuel, illustre la première qui est la dépendance. Mais il est un second caractère auquel nous ne sommes pas habitués à donner l’importance du premier, c’est l’obéissance. La dépendance et l’obéissance ne devraient jamais être séparées chez l’enfant de Dieu.
Nous venons de voir David désobéissant, nous allons le voir dépendant, sans que, pour le moment, ce désaccord influe sur sa vie spirituelle. Mais si David est à l’école de Dieu, il apprendra a ne jamais dissocier à l’avenir ces deux caractères. À la fin de notre chapitre, Dieu l’oblige, pour ainsi dire, à les joindre l’un à l’autre et lorsque, plus tard, dans le chapitre suivant, manquant à cette obligation, il ne suit pas la volonté de Dieu, exprimée dans sa Parole, nous le voyons tomber sous la discipline.
Les Philistins montent contre David (v. 17-21) ; le roi l’apprend et descend dans la forteresse. Sa retraite était le lieu où Dieu voulait habiter. «David interrogea l’Éternel, disant : Monterai-je contre les Philistins ? Les livreras-tu en ma main !» (v. 19). Le voici dépendant de Dieu, selon son habitude. S’agit-il de monter contre l’ennemi, il ne sait que faire ; Dieu seul peut le savoir, et il s’adresse à Lui : «Que ferai-je ?» immédiatement Dieu lui répond : «Monte, car certainement je livrerai les Philistins en ta main». David monte ; une brèche est faite dans la digue que l’ennemi cherche à lui opposer, et David et son armée se répandent comme un torrent débordé qui engloutit les Philistins et leurs idoles. En 1 Chron. 14:11-22, nous voyons ce que le roi fit de ces idoles : «Ils laissèrent la leurs dieux, et David commanda qu’on les brûlât au feu». Ainsi seront détruites, à la fin, les idoles des nations (És. 2:18).
Mais tout n’est pas terminé ; l’attaque de l’ennemi se renouvelle dans les conditions de la première, par le même peuple, de la même manière, au même endroit. David aurait pu se dire : Puisqu’il en est ainsi, j’agirai comme à la première attaque. Loin de là ; il se fie entièrement à la direction de l’Éternel. Bien lui en prend, car l’Éternel lui donne, cette fois-ci, une tout autre réponse : «Tu ne monteras pas». Pourquoi donc, les circonstances de l’attaque étant les mêmes, Dieu indique-t-il à David une tout autre manière de combattre ? «Tourne-les par derrière, et tu viendras contre eux vis-à-vis des mûriers ; et aussitôt que tu entendras sur le sommet des mûriers un bruit de gens qui marchent, alors tu t’élanceras, car alors l’Éternel sera sorti devant toi, pour frapper l’armée des Philistins» (v. 23, 24). C’est que Dieu veut réunir, dans le coeur de son serviteur, ces deux choses qu’il avait de la tendance à séparer plus ou moins, comme nous l’avons vu dans ce qui précède. Il s’agissait pour David, non seulement de dépendre de Dieu, mais d’obéir à sa parole, qu’il la comprît ou non. Il devait obéir en suivant l’ordre donné par Dieu, afin d’obtenir une victoire nouvelle. «David fit ainsi, comme l’Éternel lui avait commandé ; et il frappa les Philistins depuis Guéba jusqu’à ce que tu viennes vers Guézer.»
C’est ainsi que, dans sa bonté, Dieu donne à David l’expérience des bénédictions qui accompagnent la dépendance unie à l’obéissance. David aurait pu s’attribuer quelque mérite de cette seconde victoire et peut-être s’enorgueillir, mais Dieu ne le veut pas. Il faut que son serviteur comprenne qu’il doit obéir et, dans ce but, Dieu lui donne certains signes à observer. L’armée en marche, dont on entend le bruit sur le sommet des mûriers, c’est l’Éternel lui-même et son armée. Lorsque David entendit ce bruit, il pouvait, du poste qui lui était assigné, s’élancer en avant, car, à la parole de Dieu, il prenait l’ennemi à dos. Vis-à-vis de lui s’élevaient les mûriers. Il savait que l’Éternel allait attaquer l’ennemi de front et lui, se lançant sur ses arrières, la déroute était complète. Le rôle principal était à l’Éternel ; David restait dans l’humilité. Il écoute, accomplit ce que l’Éternel lui a commandé : c’est l’obéissance. Il remporte la victoire.
Combien cela est important pour nous ! Il faut que notre dépendance et notre obéissance se manifestent, non seulement, comme ici, dans les grandes circonstances, mais dans le détail journalier de la vie. Si nous y manquons, nous nous exposons à des châtiments, et David va nous en donner l’exemple.
Il ne suffit pas que le siège de la royauté de David — ou de Christ — soit placé en Sion, la montagne de la grâce. Dieu lui-même veut y habiter à toujours avec son roi (conf. Apoc. 22:1, 3). Aussi David est-il entièrement dans le courant des pensées de Dieu, quand il va chercher l’arche pour la ramener à Jérusalem. La gloire de Dieu ne trouve son repos que dans le lieu de la grâce. L’arche, le trône de Dieu, s’associe d’une manière intime au trône de David, au trône du Fils de Dieu. L’Éternel, resté jusque-là, par l’infidélité de son peuple, sans domicile permanent, peut maintenant habiter avec lui, parce qu’il peut habiter avec son oint.
Pour aller chercher l’arche, le roi assemble toute l’élite d’Israël, trente mille hommes (v. 1). Cela peut paraître singulier. Quand il s’agit des combats de l’Éternel, on ne voit pas que les hommes de Dieu aient assemblé toute leur armée. C’est bien plutôt le contraire qui a lieu. Gédéon avec trois cents hommes, Jonathan avec un seul, en compagnie de tant d’autres capitaines, remportent les victoires les plus signalées. Dieu combat avec eux, et que lui importe plus ou moins de soldats ? Il peut lui convenir d’éprouver son peuple tout entier dans la bataille, mais il n’en est pas de Lui comme des nations. Le nombre n’est pour rien dans ses victoires.
S’agit-il, au contraire, de rendre témoignage au Dieu qui siège entre les chérubins, de l’établir au lieu de son culte, ce n’est pas trop de tout ce qui représente la force d’Israël. Comme cela est peu compris parmi les enfants de Dieu ! Est-ce donc toute l’élite qui se rassemble autour de Christ, devant le trône de Dieu le Père, pour l’honorer en Lui rendant culte ? Le culte a-t-il plus de valeur aux yeux des chrétiens que toute l’activité, quelque bénie qu’elle soit, qu’ils peuvent déployer pour Lui ! Ils font consister la vie chrétienne dans le combat pour l’Évangile, combat béni, sans doute, mais pour lequel il n’est nullement nécessaire d’assembler «toute l’élite», car on le verrait dégénérer aussitôt en une oeuvre basée sur l’association humaine — alors que le culte est ignoré, délaissé, méconnu, le centre du rassemblement des enfants de Dieu méprisé, et que ces derniers restent dispersés comme des brebis qui n’ont pas de berger !
Telle n’était pas, grâce à Dieu, la pensée de David. Le but de toute son existence errante, de toute son affliction, avait été d’arriver au moment où s’ouvre notre chapitre. Nous en trouvons la preuve au Ps. 132, sur lequel nous reviendrons plus tard.
Les rapports entre les chap. 5 et 6, ne se bornent pas à ce que nous venons de relever. David, comme roi responsable, malgré bien des manquements, était agréable à Dieu. L’Éternel ne lui cachait pas sa face ; il l’aimait pour sa fidélité, pour la grâce de ses voies, pour son esprit humble et soumis. Il lui avait enseigné, comme nous l’avons vu, à joindre l’obéissance à la dépendance. David avait compris ces choses quand il s’agissait de combattre l’ennemi. Les comprendra-t-il aussi bien lors des événements qui vont se dérouler ?
Le moment venu pour réunir les tribus autour de l’arche, leur centre divin, qu’avait à faire David ? À consulter l’Éternel. Quand même, en ramenant l’arche, il était dans les pensées de Dieu, le comment de cet acte ne dépendait pas de lui et, en comprenant cela, il se serait épargné un sérieux châtiment. S’il avait consulté l’Éternel et sa Parole, il aurait su de quelle manière il devait amener l’arche à Jérusalem.
Les Philistins (1 Sam. 6:7) avaient placé l’arche sur un «chariot neuf» pour la renvoyer sur le territoire d’Israël. Ils agissaient par ignorance, et Dieu, au lieu de leur exprimer sa désapprobation, avait tenu compte de la crainte qui les faisait agir. Évidemment, David se souvenait de ce fait, lorsqu’il suivait la manière des nations pour ramener l’arche au lieu qu’elle devait occuper. «Ils montèrent l’arche de Dieu sur un chariot neuf et l’emmenèrent de la maison d’Abinadab qui était sur la colline» (v. 3).
Mais si Dieu pouvait avoir égard à l’ignorance des Philistins, il ne supporte pas, chez ceux qui lui appartiennent, une désobéissance positive à sa Parole. Il était expressément ordonné aux lévites de porter l’arche, ainsi que tous les vaisseaux du sanctuaire (Nomb. 4:15).
Ce que fit David devrait parler à la conscience des enfants de Dieu. On organise un culte volontaire selon les systèmes et les pensées de l’homme, qui sont toujours l’opposé des pensées de Dieu. Or il est de toute importance aux yeux de Dieu que les siens obéissent quand il s’agit du culte, la plus haute expression de la vie chrétienne, comme aussi dans les moindres détails de cette vie, et Dieu doit tenir compte de la désobéissance de ses enfants.
Tout en montrant un coeur rempli de piété envers Dieu, David désobéit, parce qu’il ignore la portée et les conséquences de son acte ; mais David n’a pas d’excuse, parce qu’il ne devait pas l’ignorer. Cela est d’autant plus frappant qu’il était rempli de joie à la pensée de donner enfin à son Dieu la place qui lui était due. «David et toute la maison d’Israël s’égayaient devant l’Éternel avec toutes sortes d’instruments de bois de cyprès : avec des harpes, et des luths, et des tambourins, et des sistres, et des cymbales» (v. 5). Rien ne manquait à l’expression de leur joie... et cependant il y manquait quelque chose. Les trompettes n’y étaient pas, ces trompettes d’argent qui devaient sonner quand l’arche se mettait en mouvement (Nomb. 10:1-10 ; conf. Ps. 150 et le v. 15 de notre chapitre). Ce n’était qu’un détail, direz-vous, comme le chariot neuf ; mais ce détail révélait un fait d’une haute gravité, c’est que David n’avait pas pris la parole de Dieu pour règle de sa conduite.
Hormis cela, toute la maison d’Israël était en joie. Il y avait beaucoup de piété dans cette cérémonie auguste, mais elle était gâtée par quelque arrangement humain. Pour la jouissance des coeurs, cela avait peu d’importance, mais beaucoup pour Celui qui a dit : «Écouter est meilleur que sacrifice». Il arrive un moment où l’immixtion de l’homme dans le culte de Dieu fait boiter ce culte en quelque endroit. «Les boeufs bronchent» (v. 6), et naturellement les hommes pensent qu’ils doivent leur venir en aide, appuyer de leur bras le système qui chancelle. Ils oublient que c’est folie profane de vouloir venir en aide à Dieu. C’est le cas d’Uzza, fils d’Abinadab, le premier, le principal agent de ce transport. Il sent le besoin tout naturel de soutenir ce qu’il a fait et ne se rend pas compte qu’il porte la main sur Dieu. «Ils arrivèrent à l’aire de Nacon, et Uzza étendit la main vers l’arche de Dieu et la saisit, parce que les boeufs avaient bronché» (v. 6).
Je parle ici du culte des enfants de Dieu, mais que ne devrait-on pas ajouter sur le soi-disant culte du monde ? Ce n’est plus par quelques points qu’il pèche, car sous des formes qui lui donnent une apparence de culte divin, il n’y a pas l’ombre d’une réalité. Cependant on ne voit pas que le jugement de Dieu tombe sur cet état de choses. La raison en est simple : Dieu en est absent. Il en fut autrement dans le cas d’Uzza : «La colère de l’Éternel s’embrasa contre Uzza, et Dieu le frappa là, à cause de sa faute ; et il mourut là, près de l’arche de Dieu» (v. 7). Son jugement fut immédiat, car quand il est question des enfants de Dieu que le Seigneur a placés dans une position de témoignage, il ne leur permet pas d’introduire un élément humain dans le culte, sans leur faire sentir son jugement.
Ce qui arrive ici à David arriva aux Corinthiens qui avaient introduit un élément charnel à la table du Seigneur. Dieu ne pouvait tolérer la chose. «C’est pour cela», dit l’apôtre, «que plusieurs sont faibles et malades parmi vous, et qu’un assez grand nombre dorment» (1 Cor. 11:30). Dieu était un feu consumant pour eux, comme pour Uzza, et nous avons à nous en souvenir. David a été forcé de le comprendre. Lui devant qui l’Éternel avait fait nue brèche contre les Philistins à Baal-Peratsim, c’est aujourd’hui contre lui que le jugement de Dieu fait la brèche. «Il appela ce lieu-là du nom de Pérets-Uzza (brèche d’Uzza)» (v. 8).
Le premier sentiment du roi est l’irritation : «David fut irrité de ce que l’Éternel avait fait une brèche». Cela se comprend, mais ne s’excuse pas. Voici un homme, rempli du désir de servir l’Éternel, de lui rendre l’honneur qui lui est dû ; le voici rempli de joie et de louanges ; ayant tout ordonné pour rétablir le culte de son Dieu ; — il manque dans un détail, et la colère de l’Éternel s’embrase contre lui ! David avait un coeur plus pieux que le nôtre. Quelle blessure à ses affections ! Comment ! — pouvait-il dire — me juger de cette manière, quand Il voyait mon intention de le glorifier !
Au v. 9, un second sentiment s’élève dans le coeur du roi, sentiment tout aussi peu excusable que le premier. «David eut peur de l’Éternel en ce jour-là». Il détourne l’arche de son chemin. «Comment l’arche de l’Éternel entrerait-elle chez moi ? Et David ne voulut pas retirer l’arche de l’Éternel chez lui, dans la ville de David, mais David la fit détourner dans la maison d’Obed-Édom, le Guitthien» (v. 9, 10). À cause de la discipline, David considère l’Éternel comme un juge sans pitié et s’irrite contre lui. Il oublie dans ce moment que c’était un Dieu de grâce qui l’avait choisi, conduit, gardé, rendu vainqueur, qui avait fait de lui le porteur de la royauté sur la montagne de Sion. Il ne peut comprendre que la grâce puisse le juger et que, plus on est près de Dieu, moins il souffre dans les siens ce qui le déshonore. Mais Dieu va lui prouver que d’autres profitent de ce dont il s’est privé à son grand dommage. La présence de l’arche est une source d’abondantes bénédictions pour la maison d’Obed-Édom, le Guitthien ; «et l’Éternel bénit Obed-Édom et toute sa maison» (v. 11).
Enfin David a appris sa leçon ! On lui rapporte (v. 12) ce qui s’était passé, et l’on voit que ces faits ont porté leur fruit pour sa conscience. En 1 Chron. 15:12-13, au sujet de ce même événement, David appela les sacrificateurs et les lévites, et leur dit : «Sanctifiez-vous, vous et vos frères, et faites monter l’arche de l’Éternel, le Dieu d’Israël, au lieu que je lui ai préparé. Car, parce que vous ne l’avez pas fait la première fois, l’Éternel, notre Dieu, a fait une brèche parmi nous ; car nous ne l’avons pas recherché conformément à l’ordonnance». Cette brèche, David comprend qu’elle a été faite à cause de sa désobéissance et qu’il ne peut y avoir de sainteté que dans un chemin d’obéissance.
Quand l’arche avait été mise sur le chariot neuf, les sacrificateurs et les lévites n’avaient pas eu besoin de se sanctifier, mais quand ils avaient à la porter eux-mêmes, ils sont bien obligés de le faire ; ils ne pouvaient, sans se juger, entrer en contact avec les objets du sanctuaire.
Les sacrificateurs occupent donc la place que Dieu leur a assignée, mais de plus, David entre, quant au culte, dans un ordre de choses absolument conforme aux pensées de Dieu. «Il arriva que quand ceux qui portaient l’arche de l’Éternel avaient fait six pas, il sacrifiait un taureau et une bête grasse» (v. 13). David fait du sacrifice le centre même du culte. La première fois, chose étonnante, on avait oublié les sacrifices ! Le chariot (voyez l’importance d’un détail omis) n’avait pas besoin de s’arrêter, tandis que les sacrificateurs et les lévites portant l’arche, il fallait des pauses pendant lesquelles les sacrifices étaient offerts.
Et les trompettes, et la joie, et David exultant de toute sa force devant l’Éternel ! Le roi était vêtu d’un éphod de lin (v. 14), vêtement distinctif des sacrificateurs. Le voici redevenu un type de Christ dans sa gloire future. Il y a un peu de Melchisédec dans la personne de David, tel qu’il nous est présenté ici. C’est la royauté unie à la sacrificature. La bénédiction s’élève du peuple à Dieu, par la bouche de David, elle descend de Dieu sur tout le peuple par son intermédiaire (v. 17, 18).
«David dansait de toute sa force devant l’Éternel» (v. 14). Il se rendait ridicule ; c’est du moins ce que Mical, fille de Saül, sent et exprime en voyant son mari oublier sa dignité pour exalter l’Éternel seul. Il arrive souvent au monde de juger ridicule le culte rendu à Dieu par ses enfants ; et plus il sera selon Dieu, plus ceux qui le rendent seront méprisés. C’est que l’adorateur ne fait pas cas de lui-même. «Nous», dit l’apôtre, «qui rendons culte par l’Esprit de Dieu, et qui nous glorifions dans le Christ Jésus, et qui n’avons pas confiance en la chair» (Phil. 3:3). David, pour lui-même, n’était rien ; il était vil : «Je me rendrai plus vil encore que cela, et je serai abaissé à mes yeux» (v. 22). Cela ne peut convenir au monde, mais grâce à Dieu, il y a des âmes simples qui comprennent cet abaissement et l’estiment un honneur quand il s’agit de l’Éternel : «Auprès des servantes dont tu as parlé, auprès d’elles, je serai honoré».
David dansait devant l’Éternel et le faisait pour Lui, s’oubliant lui-même afin que Dieu fût glorifié. La dignité royale était dépouillée ; il n’était plus qu’un simple adorateur, rempli de joie en présence de l’Éternel des armées qui siège entre les chérubins, et qui venait définitivement faire sa demeure au milieu de son peuple.
«Ils amenèrent l’arche de l’Éternel, et la placèrent en son lieu, dans la tente que David avait tendue pour elle» (v. 17). Tout le peuple est béni et rassasié ; Mical, laissée dans son orgueilleuse solitude, à sa honte, est frappée de stérilité jusqu’à sa mort. Elle est désormais une inconnue pour David. Le caractère de cette fille de Saül était digne de celui de son père. Chez Saül, haine ; chez Mical, mépris de l’oint de l’Éternel. Il ne peut plus y avoir aucune communion entre elle et le roi qui abandonne au jugement la fille de la race déchue, tandis que lui, l’élu de l’Éternel, est établi prince sur son peuple, sur Israël.
Les deux chapitres précédents nous ont montré les changements importants produits dans les voies de Dieu envers Israël par l’établissement, en Sion, de la royauté de David. Le roi y amène l’arche, associant ainsi le trône de Dieu à son gouvernement. Ce n’est pas encore, nous l’avons vu, un état de choses fondé à perpétuité, comme sous le règne de Salomon.
C’est pourquoi nous ne trouvons pas ici l’ordre régulier du culte. David amène l’arche à Jérusalem, mais non pas les autres objets du tabernacle. Il dresse pour l’arche une tente, mais ce n’est pas la tente du désert. Ils placèrent l’arche de l’Éternel «en son lieu, dans la tente que David avait tendue pour elle» (6:17). Le tabernacle lui-même, avec l’autel, se trouvait autre part.
Dans le premier livre de Samuel, le tabernacle et l’arche sont à Silo. L’arche est emmenée en captivité par les Philistins, mais quand elle remonte en grâce, elle ne retrouve pas sa place en Silo, dans l’endroit où l’on pouvait s’approcher de Dieu par le sacrifice.
Dans le deuxième livre de Samuel, Silo disparaît, mais le tabernacle n’est pas transporté à Jérusalem. On le retrouve à Gabaon, sans qu’il nous soit dit comment il y est arrivé. Une chose est certaine, c’est que le tabernacle et l’autel de l’holocauste sont à Gabaon lorsque David amène l’arche sur la montagne de Sion : «Et David laissa là, devant l’arche de l’alliance de l’Éternel, Asaph et ses frères, pour faire le service devant l’arche continuellement, selon l’oeuvre de chaque jour... et Tsadok, le sacrificateur, et ses frères les sacrificateurs, devant le tabernacle de l’Éternel, au haut lieu qui était à Gabaon, pour offrir des holocaustes à l’Éternel sur l’autel de l’holocauste continuellement» (1 Chron. 16:37-41). Plus tard, lors de la peste de Jérusalem, quand David, sur l’ordre de l’Éternel, bâtit un autel sur la colline de Morija et y sacrifie, il est dit : «Le tabernacle de l’Éternel, que Moïse avait fait dans le désert, et l’autel de l’holocauste, étaient en ce temps-là sur le haut lieu de Gabaon ; et David ne put point aller devant cet autel pour rechercher Dieu, car il était épouvanté à cause de l’épée de l’ange de l’Éternel» (1 Chron. 21:29, 30). C’est encore à Gabaon que Salomon sacrifiait au début de son règne : «Et le roi s’en alla à Gabaon pour y sacrifier, car c’était le principal haut lieu ; Salomon offrit mille holocaustes sur cet autel» (1 Rois 3:4).
Tout cela nous montre, pendant le règne de David, un état de désordre ou plutôt de grande faiblesse quant au culte de l’Éternel. Silo était virtuellement abandonné depuis la ruine de la sacrificature (Ps. 78:60, 61) ; la maison de l’Éternel n’était pas encore bâtie à Jérusalem et le culte était pour ainsi dire scindé entre l’arche de Sion et l’autel de Gabaon. Les autres ustensiles étaient restés dans le tabernacle. Ils sont mentionnés en 1 Rois 8:4. Gabaon étant une ville des fils d’Aaron (Jos. 21:17), on peut supposer que, comme pour Nob (1 Sam. 21:6), les objets du sanctuaire s’y trouvaient sous la garde des sacrificateurs.
Quoi qu’il en soit, le culte de l’Éternel, sous le règne de David, était bien loin de ce qu’il aurait dû être. Mais une chose suffisait à David, objet de tous ses désirs pendant ses afflictions (Ps. 132:1-8) : il avait trouvé un lieu de repos pour le trône de l’Éternel des armées, pour l’arche de sa force. Là où David était établi, il avait maintenant avec lui le Dieu d’Israël, car «le nom» (6:2) représente la personne. Sa ressource, précieuse entre toutes, au milieu de la dispersion des objets saints, en un temps de transition auquel allait succéder la gloire de son successeur, sa ressource, dis-je, était la présence de Dieu lui-même avec lui et avec son peuple Israël.
C’est aussi, dans le jour actuel, ce qui constitue la bénédiction des fidèles. L’Église est dans un état de ruine et de véritable désordre, mais une chose nous suffit : c’est d’avoir la présence personnelle du Seigneur au milieu de nous. Ayant un tel privilège, comment nous laisserions-nous décourager par l’état de choses qui nous entoure ? Avec Lui, bien mieux que David, n’avons-nous pas le culte ? Cette présence suffisait à remplir de joie et d’actions de grâces le coeur du roi.
Au chap. 7, David habite dans sa maison : la puissance de Dieu lui a donné du repos de tous ses ennemis ; sa royauté est proclamée , l’arche est avec lui. Alors, dans son affection pour l’Éternel, il désire lui bâtir un lieu permanent de repos. L’arche pourrait-elle encore habiter «sous des tapis», dans une demeure de passage, quand David habite une maison de cèdres, solide et fondée dans sa beauté ? Il fait part de son désir à Nathan, le prophète ; désir d’un coeur pieux, car il voulait voir la gloire établie en Israël. Nathan l’approuve : «Va, fais tout ce qui est dans ton coeur, car l’Éternel est avec toi» (v. 3).
Si David s’occupait pieusement du repos de Dieu en Israël, ni lui, ni le prophète, ne connaissaient le moment que Dieu avait décrété pour cela. David ne devait pas faire ce qui était dans son coeur ; il lui fallait dépendre de Dieu et s’attendre à Lui. Nathan ne pouvait pas se fier à son don de prophète pour diriger David. Le roi, malgré sa piété, se trompe ; le prophète, avec toutes ses lumières, fait erreur.
David est un homme qui dépend réellement de l’Éternel, mais en combien d’occasions cette dépendance lui fait défaut ! Il ne pouvait pas même se confier à son affection pour le Seigneur et venait de l’apprendre lors de la «brèche d’Uzza» ; il devait interroger Dieu, et pas plus que le roi, Nathan n’était exempt de cette obligation. Il faut que chacun de nous, individuellement, ne dépende que de Dieu ; les hommes les plus pieux ne peuvent Le remplacer. Lot marche un temps avec Abraham ; hélas, quelle fut sa fin ! Abraham marchait avec Dieu ; considérons l’issue de sa conduite et imitons sa foi. Certes, nous pouvons écouter des conseils, en demander à ceux qui sont plus avancés que nous en connaissance, en sagesse, en vraie piété ; c’est ce que font les coeurs humbles qui n’ont pas confiance en eux-mêmes, — mais nous ne devons dépendre que de Dieu pour nos décisions et pour notre marche.
L’Éternel a compassion de son serviteur ; il voit dans son coeur le désir de l’honorer et lui révèle sa pensée secrète. «Il arriva, cette nuit-là, que la parole de l’Éternel vint à Nathan, disant : Va, et dis à mon serviteur, à David : Ainsi dit l’Éternel : Me bâtirais-tu une maison pour que j’y habite ? Car je n’ai pas habité dans une maison, depuis le jour où j’ai fait monter les fils d’Israël hors d’Égypte, jusqu’à ce jour ; mais j’ai marché çà et là dans une tente et dans un tabernacle» (v. 4-6). Jamais, dit-il, je n’ai pris de repos jusqu’ici ; j’ai toujours été errant avec mon peuple. Tant que l’ordre définitif n’est pas établi, je n’ai pas dit un mot au sujet d’un lieu de repos à me bâtir.
Pourquoi cela ? C’est que Dieu estimait qu’il n’avait pas encore trouvé son repos définitif à Lui ; il continuait d’agir ; il sacrifiait son propre repos à celui de son peuple, à celui de son roi, et son activité se déployait encore en leur faveur, afin de les établir sur la montagne de son héritage, de les y planter, comme il était dit au cantique de Moïse : «Tu les introduiras et tu les planteras sur la montagne de ton héritage» (Ex. 15:17), et Dieu n’avait pas encore terminé ce travail. Il veut l’achever et prend le rôle de travailleur en faveur de ce misérable peuple ; il laisse, pour ainsi dire, entièrement de côté ses intérêts à Lui, afin d’établir définitivement son peuple dans un repos que rien ne viendra troubler, pour toujours. Le mot «pour toujours» caractérise toutes les bénédictions de ce chapitre (v. 13, 16, 24, 26, 29). Telle est la pensée de Dieu pour les siens.
Nous aussi, nous avons le Seigneur qui travaille à notre bénédiction. N’a-t-il pas dit : «Mon Père travaille jusqu’à maintenant, et moi je travaille» ? (Jean 5:17). Il n’a pas encore cessé de travailler par son Esprit et sera à l’oeuvre jusqu’au moment où «Il verra du fruit du travail de son âme, et sera satisfait» (És. 53:11). Alors Dieu pourra avoir du repos, en donner à son peuple, à son Roi qu’il établira Chef sur toutes choses ; alors il se reposera Lui-même. «Le roi d’Israël, l’Éternel, est au milieu de toi : tu ne verras plus le mal. En ce jour-là, il sera dit à Jérusalem : Ne crains pas ! Sion, que tes mains ne soient pas lâches ! L’Éternel ton Dieu, au milieu de toi, est puissant ; il sauvera ; il se réjouira avec joie à ton sujet : Il se reposera dans son amour, il s’égayera en toi avec chant de triomphe !» (Soph. 3:15-17). Voilà le repos de Dieu. Quand il aura introduit dans le repos tous les objets de son amour, qu’il les aura autour de Lui, dans la gloire, sans changement désormais, sans qu’aucun nuage puisse passer sur eux ;
Quand le Seigneur verra ce que son coeur réclame,
De son oeuvre à la croix le fruit mûr et parfait,
alors ce sera le repos de Dieu. Oui, il se reposera dans son amour. Le repos de la création a duré un jour et a été troublé ; le repos de la rédemption ne le sera jamais et durera «pour toujours».
Le premier livre des Rois nous présente ce repos en type, dans le règne glorieux de Salomon, faible image de celui de Christ. Alors la justice et la paix régneront sur la terre après s’être «entrebaisées» sur la croix (Ps. 85:10). Et ce ne sera pas la fin. De nouveaux cieux et une nouvelle terre succéderont aux premiers et la justice y habitera quand son règne aura pris fin (2 Pierre 3:13).
Avant que ces choses aient lieu, nous trouvons dans notre livre une période de transition, où Dieu travaille pour amener le plein accomplissement de ses conseils.
Dieu dit à David ce qu’il a fait pour lui : «Je t’ai pris des parcs, d’auprès du menu bétail, pour que tu fusses prince sur mon peuple, sur Israël» (v. 8). Telle était son origine. «J’ai été avec toi partout où tu as marché ; et j’ai retranché tous tes ennemis de devant toi, et je t’ai fait un grand nom, comme le nom des grands qui sont sur la terre» (v. 9). Dieu l’avait soutenu en grâce de son premier à son dernier pas ; partout il avait été avec lui et avait voulu le rendre puissant et honoré.
«Et j’ai établi un lieu à mon peuple, à Israël, et je le planterai, et il habitera chez lui, et ne sera plus agité ; et les fils d’iniquité ne l’affligeront plus comme au commencement, et depuis le jour où j’ai établi des juges sur mon peuple Israël» (v. 10, 11). Quelle grâce, quelle tendre pitié pour ce peuple ! Il l’appelle son peuple avec délices. Et quant à David : «Je t’ai donné du repos de tous tes ennemis», mais je veux faire plus encore pour toi. Tu voudrais me bâtir une maison ? C’est moi qui me mets à ton service pour t’en établir une, non pas une maison de cèdres, mais : «L’Éternel t’annonce qu’il te fera une maison. Quand tes jours seront accomplis et que tu dormiras avec tes pères, je susciterai après toi ta semence, qui sortira de tes entrailles, et j’affermirai son royaume. Lui, bâtira une maison à mon nom ; et j’affermirai le trône de son royaume pour toujours» (v. 13, 14). Est-ce seulement dans la personne de Salomon ? Non, Dieu dirige les regards de David vers Christ, la postérité de David. Quelles pensées devaient remplir le coeur du roi, en présence d’un tel honneur fait à sa race ! Les promesses de la grâce vont jusqu’au royaume éternel : «Moi, je lui serai pour père, et lui me sera pour fils». Le fils de David sera le Fils de Dieu ! (Héb. 1:5). Quelle perspective pour le coeur de David ! Un fleuve de grâce coule vers lui et découlera de lui !
Après cela, Dieu parle à David de Salomon, non plus comme type de Christ, mais comme homme faillible auquel une responsabilité sera confiée comme tel ; il peut tomber sous la discipline et sous le châtiment de Dieu. «S’il commet l’iniquité, je le châtierai avec une verge d’hommes et avec des plaies des fils des hommes» (v. 14), mais sa descendance sera établie à toujours : «Ma bonté ne se retirera point de lui, comme je l’ai retirée d’avec Saül que j’ai ôté de devant toi. Et ta maison et ton royaume seront rendus stables à toujours devant toi, ton trône sera affermi pour toujours» (v. 15, 16).
Dieu a-t-il menti ? La descendance de David semble avoir pris fin, les faibles vestiges de son trône paraissent tomber en poussière avec Zorobabel, qui ne mérite pas le titre de roi, et voici déjà que la voix de Zacharie crie à Zorobabel (Zach. 4:6-10). «Réjouis-toi avec transports, fille de Sion ; pousse des cris de joie, fille de Jérusalem ! Voici, ton roi vient à toi ; il est juste et ayant le salut, humble et monté sur un âne, et sur un poulain, le petit d’une ânesse» (9:9). Il n’y a donc pas d’interrègne... Mais le Messie, le vrai roi, est rejeté par son peuple ! Sans doute, le trône est maintenant perdu et la promesse de Dieu à David ne s’est pas réalisée ? Où est le roi ? Où est la succession de la semence de David ? Mais non, le trône existe ! Avant que Dieu l’établisse de nouveau sur la terre, il est établi dans les cieux. Le fils de David est allé «recevoir un royaume et revenir» (Luc 19:12). Il est reconnu chef de la partie céleste de son royaume, avant que la partie terrestre lui soit soumise à son tour. «Le roi est mort, vive le roi !» disent les hommes en acclamant le successeur du souverain décédé, mais le Christ est mort une fois ; le Christ, son propre successeur, vit éternellement !
Depuis la croix de Christ et sa réjection par les Juifs, nous avons une parenthèse qui va de la formation de l’Église, jusqu’au moment où le Seigneur l’enlèvera pour l’introduire dans la gloire avec Lui. C’est seulement ensuite qu’il revendiquera ses droits sur la partie terrestre de son royaume. Toutes «les grâces assurées de David» se réaliseront en Celui dont le royaume sera affermi à toujours.
J’aime à donner pour titre à ce chapitre : «La Communion». Dieu y confie à David toutes ses pensées, non seulement au sujet de lui et de son peuple, mais au sujet de Christ. David «entre, s’assied devant l’Éternel», et en toute liberté, en toute confiance, s’adressant au Dieu des armées qui siège entre les chérubins, lui communique ses propres pensées, les pensées de la reconnaissance la plus profonde pour tout ce que Dieu a fait pour lui. Il se réjouit avec Dieu de ce que Dieu a le dessein d’accomplir pour lui, son peuple et sa maison.
La première chose digne de remarque, c’est l’humilité du roi. Il n’a aucune pensée d’orgueil. La communion avec le Seigneur, au lieu d’élever l’homme, l’abaisse à ses propres yeux. «Qui suis-je, Seigneur Éternel ! et quelle est ma maison, que tu m’aies amené jusqu’ici !» (v. 18). Comme il connaît bien son origine et s’en glorifie, parce qu’elle exalte le Dieu qui l’a «pris d’auprès des parcs du menu bétail !»
Ne pouvons-nous pas dire les mêmes paroles, nous, tirés de si bas, pour avoir part à l’ère glorieuse qui va s’ouvrir ? «Qui suis-je et quelle est ma maison que tu m’aies amené jusqu’ici ! Et encore cela a été peu de chose à tes yeux, Seigneur Éternel ! et tu as même parlé de la maison de ton serviteur pour un long avenir» (v. 19). Tu as montré ta grandeur en me donnant un grand nom, à moi, un être misérable et sans valeur. Ah ! ce n’est pas moi, c’est Toi, dont la grandeur est magnifique ! «Est-ce là la manière de l’homme, Seigneur Éternel ?» (v. 19). «Et David, que pourrait-il dire de plus ?» Il se tient devant Dieu, donnant libre cours aux sentiments qui le remplissent, mais sachant que ses paroles seront toujours trop faibles pour les exprimer. Ensuite (v. 23, 24) il bénit l’Éternel de ce qu’il a fait pour son peuple.
Au v. 25 arrive la prière qui termine ce chapitre. On y trouve le caractère d’une vraie prière de communion : Fais ce que tu as voulu faire et ce que tu as dit. «Que la maison de ton serviteur David soit affermie devant toi..., car tu as révélé à ton serviteur, disant : Je te bâtirai une maison». «Qu’il te plaise de bénir la maison de ton serviteur,... car toi, Seigneur Éternel, tu as parlé» (v. 26-29).
Nous pouvons nous former sur cette attitude. Ayant reçu dans nos coeurs les communications divines, éprouvons ce que sont les prières de coeurs qui demandent à Dieu les choses que Lui-même nous a promises, car il aime à donner les choses que nous Lui demandons, à nous accorder selon nos pensées et nos désirs, parce qu’étant le fruit de la communion avec Lui, elles sont ses pensées et ses désirs.
Après le chapitre 7 qui est, au moral, le point culminant de toute l’histoire de David, le chap. 8 relate une série de victoires. Les victoires de notre chapitre ont pour point de départ la communion de David avec son Dieu, comme celles du chap. 5 étaient le fruit de sa dépendance et de son obéissance. Quand nous sommes en communion avec Lui, Dieu n’a pas besoin de nous discipliner, comme il le fit dans le cas d’Uzza. La communion nous permet de marcher en avant, certains d’être dans le chemin de Dieu, sans avoir besoin d’une instruction spéciale qui nous le fasse connaître, et nous pouvons réaliser cette parole : «Je t’instruirai, et je t’enseignerai le chemin où tu dois marcher ; je te conseillerai, ayant mou oeil sur toi». Notre chemin devient celui de Dieu, parce que nos pensées ne diffèrent pas des siennes. Aussi est-il dit à deux reprises dans ce chapitre : «L’Éternel sauvait David partout où il allait (*)» (v. 6, 14).
(*) Il faut aussi remarquer que les victoires du chap. 5 suivent l’établissement de la royauté en Sion, et celles du chap. 8, l’établissement du trône de Dieu au même lieu. Dans le premier cas, Dieu revendique vis-à-vis des nations le caractère et la dignité de son oint, dans le second, sa propre gloire comme Dieu d’Israël. Les nations devront se courber sous cette double suprématie. Je ne doute pas que des événements pareils ne précèdent l’établissement définitif des bénédictions millénaires.
Comme le Seigneur à la fin, quand il jugera les nations, David leur applique diversement le jugement, soit selon le caractère de ses ennemis, soit suivant la façon dont ils se sont conduits envers son peuple.
Il frappe d’abord les Philistins et les subjugue (v. 1), en s’emparant de leur capitale MéthegAmma (*), et ces ennemis jurés d’Israël sont privés par là de ce qui était le boulevard de leur force.
(*) «Le frein de la capitale».
Moab est l’ennemi orgueilleux, s’élevant contre Dieu et contre son oint, le peuple cruel et sans pitié pour Israël. David en détruit les deux tiers, mais il fait grâce à un résidu auquel il conserve la vie : «Il en mesura... un plein cordeau pour les laisser vivre». «Ils devinrent serviteurs de David : ils lui apportèrent des présents» (v. 2).
De même les Syriens de Damas, venus au secours d’Hadadézer, roi de Tsoba, vaincus par la puissance de David, «devinrent ses serviteurs : ils lui apportèrent des présents» (v. 3-6).
Aux v. 13-14, Édom est entièrement subjugué. En 1 Chron. 18:12, c’est par la main d’Abishaï, frère de Joab ; au Ps. 60, par Joab lui-même. Quels que soient les instruments employés, la victoire est attribuée ici à David. Édom est la seule de toutes les nations, renaissant à la fin pour le jugement, dont aucun «reste» ne sera conservé. Dieu le jugera sans merci pour la manière dont il s’est comporté vis-à-vis de son peuple, car il était le plus méchant et le plus ardent à le vouloir détruire. N’avait-il pas jadis «refusé de laisser passer Israël par ses limites» pour entrer en Canaan ? (Nomb. 20:21). «Éternel !» dit le résidu affligé de Babylone, «souviens-toi des fils d’Édom, qui, dans la journée de Jérusalem, disaient : Rasez, rasez, jusqu’à ses fondements !» (Ps. 137:7). Le prophète Abdias, dont l’unique sujet est le jugement d’Édom, dit : «La maison de Jacob sera un feu, et la maison de Joseph, une flamme ; et la maison d’Ésaü sera du chaume ; et elles y mettront le feu et la dévoreront ; et il n’y aura pas de reste de la maison d’Ésaü, car l’Éternel a parlé» (v. 18) ; tandis que toutes les autres nations conserveront un «reste». Ainsi s’accomplira à la fin cette parole terrible de l’Éternel : «J’ai haï Ésaü» (Mal. 1:3), car, dit Abdias, «l’Éternel a parlé».
Un autre événement a lieu, au v. 9 de notre chapitre. Tohi, roi de Hamath, apprenant que David avait frappé Hadadézer qui était continuellement en guerre avec lui, envoie au roi son fils Joram avec des vases d’argent, d’or et d’airain. Tohi reconnaît de sa libre et franche volonté la délivrance que Dieu a opérée par David et n’offre pas ses présents par contrainte (conf. v. 2, 6).
Tout ceci nous montre que les nations auront des caractères très divers au temps de la fin. Les unes seront brisées avec une verge de fer et forcées de se soumettre ; d’autres se donneront l’apparence de la soumission, comme il est dit : «Les fils de l’étranger se sont soumis à moi en dissimulant» (Ps. 18:44 ; 2 Sam. 22:45) ; d’autres enfin, non pas comme un Tohi isolé, mais une grande foule que personne ne pourra dénombrer (Apoc. 7:9, 10), se soumettant au joug du Christ, accepteront sa victoire comme leur délivrance.
Tout le butin de la victoire sur l’ennemi (v. 11, 12), aussi bien que les offrandes volontaires de Tohi sont consacrés par David à l’Éternel. Il ne s’en attribue quoi que ce soit. À quoi ces richesses serviront-elles ? 1 Chron. 18:7, 8, nous montre qu’elles furent apportées à Jérusalem et que, de la grande quantité d’airain, Salomon fit pour le temple de l’Éternel «la mer d’airain, et les colonnes, et les vases d’airain». Au chapitre 6, David avait donné au trône de l’Éternel la place qui lui était due dans le gouvernement du royaume. Dès lors, sa seule pensée c’est que le fruit de toutes ses victoires soit employé à orner l’habitation définitive et immuable de son Dieu au milieu d’Israël. Les victoires du chap. 5 avaient servi à l’affermissement du trône de David ; celles du chap. 8, à la glorification du trône de Dieu qui siège entre les chérubins.
Deux ou trois Psaumes se rattachent, d’une manière spéciale, aux événements de ce chapitre. Il est intéressant de voir comment les chants prophétiques de David sont le fruit de ses expériences personnelles ou s’y relient, mais aussi comment ces expériences ne sont qu’un faible facteur dans le cours prophétique des événements, une image atténuée des souffrances de Christ et des gloires qui suivront.
Le Psaume 60, se rapportant à notre chapitre, nous prouverait, si cela était nécessaire, que ces événements ne sont pas simplement l’histoire de David, mais représentent en type l’établissement futur, sur la terre, du royaume de Christ.
(*) La suscription de ce Psaume nous annonce qu’il est un «témoignage de David pour enseigner ; quand il fit la guerre contre les Syriens de Naharaïm (Mésopotamie) et contre les Syriens de Tsoba, et que Joab revint et frappa les Édomites dans la vallée du Sel, au nombre de douze mille». Le début de ce Psaume est remarquable : «Ô Dieu ! tu nous as rejetés, tu nous as dispersés, tu t’es irrité ; ramène-nous. Tu as fait trembler la terre, tu l’as fendue : répare ses brèches, car elle chancelle. Tu as fait voir à ton peuple des choses dures, tu nous as donné à boire un vin d’étourdissement» (v. 1-3). Aucune circonstance du second livre de Samuel ne correspond à ces paroles, mais c’était bien là l’histoire d’Israël dans le premier livre. À la suite de son infidélité sous la sacrificature et sous la royauté de Saül, Israël avait, en effet, bu le vin d’étourdissement à la fin de ce livre ; il le boira, bien plus mortel encore, sous l’Antichrist.
(*) Le second livre des Psaumes, auquel appartient le Ps. 60, a trait aux circonstances futures du résidu quand il sera chassé de Jérusalem, et nous amène jusqu’à l’établissement du royaume de David et à la victoire sur les nations. Le Ps. 72 termine ce livre par le règne de Salomon établi sur son peuple comme roi de justice et de paix.
«Tu as donné une bannière à ceux qui te craignent, pour la déployer à cause de la vérité, afin que tes bien-aimés soient délivrés» (v. 4, 5). Quelle est cette bannière ! C’est David, comme nous le voyons en Ésaïe 11:10. «Et, en ce jour-là il y aura une racine d’Isaï, se tenant là comme une bannière des peuples : les nations la rechercheront, et son repos sera gloire». Cette bénédiction n’est que partielle dans notre chapitre : elle aura son plein accomplissement en «Jéhova-Nissi» (l’Éternel mon enseigne), en Christ, vraie racine d’Isaï, avant son établissement comme vrai Salomon dans son règne. Lui sera la bannière autour de laquelle Israël se rassemblera pour marcher de victoire en victoire. «Afin que tes bien-aimés soient délivrés» : en effet, ces victoires du vrai David seront la délivrance du résidu d’Israël.
(v. 6). «Dieu a parlé dans sa sainteté : je me réjouirai ; je partagerai Sichem et je mesurerai la vallée de Succoth». Sichem, Succoth, nous rappellent le commencement de l’histoire d’Israël, dans la personne de Jacob, son père (Gen. 33:17-20). Ce sont les premiers endroits où il s’établit quand, après avoir erré en pays étranger, il rentre sur la terre de la promesse. Il en sera de même pour le résidu d’Israël, entourant le vrai David, et rentrant à sa suite en possession de son pays.
(v. 7). «Galaad est à moi, et Manassé est à moi, et Éphraïm est la force de ma tête ; Juda est mon législateur». Toutes les tribus d’Israël reconnaîtront le vrai roi.
(v. 8). «Moab est le bassin où je me lave ; sur Édom j’ai jeté ma sandale. Philistie, pousse des cris de triomphe à mon sujet !» Le Messie ayant été reconnu, les trois grands ennemis de notre chap. 8 sont subjugués ; la Philistie reconnaît hautement la suprématie de l’oint de l’Éternel.
Aux v. 9-12, le résidu demande : «Qui me conduira dans la ville forte ! Qui me mènera jusqu’en Édom ?» et répond : «Ne sera-ce pas toi, ô Dieu, qui nous as rejetés et qui n’es pas sorti, ô Dieu, avec nos armées». Un plus grand que David, leur Messie, Dieu lui-même, sera là pour les conduire. Ce Psaume, provoqué par les expériences de David et les faits de son histoire, s’applique donc d’une manière positive à la personne du Seigneur Jésus.
Nous retrouvons ce même Ps. 60, en partie du moins, au Ps. 108:6-13, du cinquième livre. Les premiers versets (v. 1-5) sont empruntés au Ps. 57:7-11 du deuxième livre. Le Ps. 57 fut composé lors de la fuite de David devant Saül, dans la caverne. Aux v. 7 à 11, David se réjouit des résultats de la délivrance que l’Éternel a opérée en sa faveur. Il passe en quelque sorte du premier au second livre de Samuel et dit : «Mon coeur est affermi, ô Dieu ! je chanterai et je psalmodierai... Éveille-toi, mon âme ! Éveillez-vous, luth et harpe ! Je m’éveillerai à l’aube du jour. Je te célébrerai parmi les peuples, ô Seigneur ! je chanterai tes louanges parmi les peuplades ; car ta bonté est grande par-dessus les cieux, et ta vérité atteint jusqu’aux unes. Élève-toi, ô Dieu ! au-dessus des cieux ; que ta gloire soit au-dessus de toute la terre».
Les vers. 6-13 du Ps. 108 sont les mêmes qu’au Ps. 60, mais la pensée y diffère de celle de ce dernier ; c’est-à-dire que David remporte la victoire, afin que l’Éternel soit célébré parmi les nations et aussi que ses bien-aimés soient délivrés, tandis qu’au Ps. 60, il n’est question que de la délivrance de ses bien-aimés.
Les circonstances du cinquième livre des Psaumes, dont le Ps. 108 fait partie, sont le retour d’Israël dans son pays, non pas encore sous le règne de Salomon, type de Christ pendant le millénium, mais sous le règne de David, le roi de grâce, et en des temps troublés (comme en 2 Sam. 8) par l’apparition de l’Assyrien qui veut s’emparer de la terre d’Israël, à l’aube de la période millénaire. Lorsque tous les ennemis sont défaits et que le roi «a poussé, des cris de triomphe sur la Philistie» (conf. Ps. 60:8), le résidu demande qui le conduira jusqu’en Édom (vers. 10). Ésaïe 63:1-6, nous donne la réponse : «Qui est celui-ci qui vient d’Édom ... ? J’ai été seul à fouler le pressoir, et d’entre les peuples pas un homme n’a été avec moi... Car le jour de la vengeance était dans mon coeur, et l’année de mes rachetés était venue... Et j’ai foulé les peuples dans ma colère».
Ce sera la dernière des victoires successives du Messie sur ses ennemis : tout seul, il les foulera aux pieds.
Combien il est intéressant de rapporter toute l’histoire de l’Ancien Testament à son antitype, et de ne pas s’en tenir aux enseignements moraux que l’on peut en tirer, car la Parole tout entière nous parle du Seigneur Jésus. C’est Lui qu’il nous faut y chercher avant tout. Si nous étudions la Parole avec prière, sous le regard du Seigneur, elle nous amène nécessairement à la connaissance de sa Personne. Nous avons besoin d’être occupés de Lui, avant tout. Alors la gloire de son royaume, sa victoire sur les nations, la reprise de ses relations avec son peuple, seront pour nous d’un immense intérêt, bien que ces choses ne nous concernent pas personnellement. Nous nous réjouirons à la pensée de le voir occuper la place qui lui est due, car l’Éternel établira ce règne de gloire sur la terre pour Celui qui a accompli l’oeuvre merveilleuse de la rédemption, oeuvre par laquelle Dieu a été pleinement glorifié, et nous a sauvés pour toujours.
Nous sommes arrivés ici à l’une des divisions du livre. Cette division est marquée par les v. 15 à 18 de notre chapitre. Nous les retrouverons avec quelques modifications, au chap. 20:23-26. Ces versets nous présentent l’ordre du règne de David, et le chap. 8 termine proprement l’histoire de l’établissement du roi comme type du Messie. Mais la présence de Joab à la tête de l’armée, l’exercice de la sacrificature par deux souverains sacrificateurs, nous prouvent que l’ordre définitif n’est pas encore fondé, comme il le sera sous le règne de Salomon.
Les chap. 9 et 10 sont une espèce d’appendice qui présente en type, au chap. 9, la grâce du Messie envers le résidu d’Israël et, au chap. 10, cette même grâce offerte aux nations qui la repoussent, en attirant sur elles le jugement de Dieu.
Au chap. 9, la maison de Saül revient, au moment voulu, à la mémoire de David ; il cherche quelque reste de cette race pour lui faire du bien, à cause de Jonathan, son ami (v. 1). Il trouve Mephibosheth, pauvre rejeton de cette famille, portant sur sa personne la conséquence du manque de foi de la femme qui était chargée de lui.
Il en sera du Seigneur Jésus comme de David. Le temps viendra où le Messie renouera ses relations avec le résidu d’Israël dont les pères, comme Jonathan, l’avaient reconnu pendant les jours de sa réjection et, malgré leur faiblesse, l’avaient aimé comme leur âme. Ce premier résidu, converti aux jours de Jésus, a pris fin et s’est fondu, pour ainsi dire, dans l’Église chrétienne après la résurrection du Seigneur. L’Église forme, au temps actuel, la grande parenthèse qui sera fermée par la venue de Jésus pour l’enlèvement des saints. C’est alors seulement que le vrai David se souviendra des rejetons de Jonathan, postérité morale des premiers disciples juifs. Il saura découvrir cette postérité dans un résidu misérable qui jadis, ne se fiant pas à la grâce, avait tourné le dos au Messie et qui souffre maintenant des résultats de son incrédulité.
Ce résidu aura deux caractères que nous retrouvons à chaque pas dans les Psaumes. Il portera le poids de la colère divine en gouvernement, contre un peuple rebelle dont il aurait dû se séparer, mais il portera aussi, comme Mephibosheth, le caractère de la grâce qui sera son partage. Les Psaumes expriment, par la bouche du résidu, ces deux ordres de pensées, en apparence contradictoires : 1° le gouvernement de Dieu, s’exerçant en colère extérieure contre le résidu, parce qu’il fait partie du peuple qui a crucifié le Messie et s’est chargé aussi de «la coulpe du sang» (Ps. 51:14). 2° La grâce agissant dans le coeur de ces justes pour les amener à reconnaître le Seigneur comme Sauveur et à partager la gloire de son royaume.
Relevons maintenant dans ce récit les traits qui ont rapport à nos propres relations avec Christ.
David donne cours à sa miséricorde envers ceux qu’il veut bénir. Il n’y avait aucune raison pour que son intérêt se portât sur la maison de Saül : de tout temps elle lui avait fait la guerre et, quant à son état actuel, sa misère seule pouvait attirer les pensées du roi. Mais c’est précisément la misère qui attire la grâce. David dit : «Y a-t-il encore quelqu’un qui soit demeuré de reste de la maison de Saül ? et j’userai de bonté envers lui, à cause de Jonathan» (v. 1), et plus loin : «J’userai envers lui d’une bonté de Dieu» (v. 3), c’est-à-dire d’une bonté divine. Tsiba vient lui apprendre qu’il reste un pauvre misérable, perclus des deux pieds pour avoir fui jadis celui qui ne pensait qu’à bénir. Le roi le fait chercher, ce Mephibosheth qui était du nombre de ces «aveugles et boiteux haïs de l’âme de David» (5:8), et le boiteux se présente devant lui. De quels sentiments devait être agité le coeur de ce pauvre infirme ! Avec quelle angoisse il devait envisager le sort qui l’attendait ! David avait bien dit à Tsiba qu’il userait de bonté envers un des descendants de Saül, mais, quand il aurait devant lui le rejeton de cette race qui l’avait traqué sans merci, songerait-il encore à exercer envers lui la miséricorde promise ?
«Et David dit : Mephibosheth !» Il l’appelle par son nom ; ce nom que personne n’avait prononcé devant lui. David me connaît donc ; il se souvient de moi ! doit penser le misérable. Et Mephibosheth, prosterné aux pieds du roi, dit : «Voici ton serviteur».
David fait ce que fait toujours le Seigneur quand il veut gagner la confiance d’un pécheur ; il lui dit : «Ne crains point», quand cette pauvre âme, effrayée du jugement attendu, se trouve aux pieds de son juge. «Ne crains point, car certainement j’userai de bonté envers toi, à cause de Jonathan, ton père». Il se souvient de son alliance avec Jonathan ; il s’était lié envers lui par des promesses qui étaient sans repentance (1 Sam. 20:14-17) ; il ne pouvait, ni ne voulait en revenir. Mephibosheth n’avait rien à craindre, car son juge lui dit : «Certainement, j’userai de bonté envers toi».
Mais David ne s’en tient pas là : «Je te rendrai tous les champs de Saül, ton père». Il le fait rentrer dans son héritage. Puis : «Tu mangeras continuellement le pain à ma table». La grâce du roi lui donne une place des plus marquantes à sa cour. Il mange avec le roi ; et bien plus encore : «comme un des fils du roi» (v. 11). David lui donne, aux yeux de tous, le titre et la relation de fils !
Ce devait être, à le considérer, la misère même, que cet homme. Incapable de se mouvoir, ce pauvre impotent devait être porté à la table du roi. Que devaient penser de lui ceux du dehors qui auraient assisté à l’un des festins du palais ! Mais pour David il est un fils, placé dans la position la plus élevée qu’il puisse lui donner. N’est-ce pas ce que nous trouvons en Éph. 2:6, 7 ? «Dieu nous a fait asseoir ensemble dans les lieux célestes, dans le Christ Jésus, afin qu’il montrât dans les siècles à venir les immenses richesses de sa grâce, dans sa bonté envers nous dans le Christ Jésus». David agit de même envers Mephibosheth. Le fait d’être assis comme fils à sa table était, dans la pensée du roi, mille fois plus précieux que le fait d’être héritier, aussi lui répète-t-il ces paroles par trois fois (v. 7, 10, 13).
Remarquons que le fait d’être introduit dans cette relation très glorieuse ne changeait rien à l’état de Mephibosheth. Le chapitre se termine par ces mots : «Et il était boiteux des deux pieds». Aux yeux des autres, à ses propres yeux, il est donc nécessairement le même. «Je sais qu’en moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’habite point de bien», dit Paul, en Rom. 7:18. Aux yeux de David, il est tout autre chose ; il est revêtu de toute la dignité d’un fils du roi. C’est ainsi que nous, chrétiens, qui «n’avons aucune confiance dans la chair», nous devons rester où nous sommes, en considérant ce que Dieu a fait de nous. Il ne nous voit plus dans notre misère. Pour exalter sa grâce, il donne à de pauvres boiteux des deux pieds un droit à sa présence dans la gloire.
Que se passe-t-il dans le coeur de Mephibosheth, en se voyant l’objet d’une telle faveur ? «Il se prosterna, et dit : Qu’est ton serviteur, que tu aies regardé un chien mort tel que moi ?» Devant David il se qualifie de chien, d’être impur et méprisable, image de souillure ; un chien mort, objet infect et rebutant, qu’on repousse du pied. En parlant ainsi à David, il prenait — d’autres que lui pouvaient le savoir — la place que David avait prise vis-à-vis de Saül, son ancêtre : «Qui poursuis-tu ? Un chien mort ...» (1 Sam. 24:15). Le roi puissant, devant lequel se tenait Mephibosheth, avait pris autrefois la même place que lui ; il était entré dans la connaissance, dans l’appréciation de ce qu’étaient la souillure, la mort, la réjection, pendant les jours de son affliction. C’est à un tel sauveur que Mephibosheth avait à faire.
Lorsque la Syrophénicienne se trouve en présence du Messie : «Il ne convient pas», lui dit-il, «de prendre le pain des enfants et de le jeter aux chiens». -- «Oui, Seigneur», répond-elle. Elle accepte cette sentence. «Oui, Seigneur», c’est vrai ; je confirme ce que tu viens de dire ; je suis indigne, mais tu es la grâce en laquelle je me confie. «Même les chiens, sous la table, mangent des miettes des enfants» (Marc 7:24-30). Ces paroles vont directement au coeur de Jésus. Une foi qui, malgré notre profonde indignité, ne doute nullement de son amour et de sa puissance, est sûre de recevoir en échange une abondance de bénédictions divines. Notre indignité ne sert qu’à mettre en lumière la grandeur de la grâce.
Le résidu juif de la fin arrivera aussi au jugement complet de lui-même en présence de Celui qu’il a rejeté. Il dira : Est-il possible que je ne l’aie «rien estimé», Lui, le Fils de Dieu ? Et Lui s’est servi de mon inimitié pour se laisser frapper à ma place ! Il est entré dans ma condition, comme un agneau mené à la boucherie, sans ouvrir la bouche, ayant résolu de me sauver à tout prix.
La part de Mephibosheth ne peut lui être ôtée : «Il mangera continuellement le pain à ma table» (v. 7, 10 ; «il mangeait toujours à la table du roi» (v. 13). «Tu ne retireras point ta bonté de ma maison, à jamais». Il habitait à Jérusalem, au lieu même que le roi avait choisi pour sa demeure. Nous possédons ces mêmes privilèges et cette série de grâces qui appartenaient à Mephibosheth, est aussi notre lot actuel et futur. Nous avons l’héritage et nous le posséderons. Nous habitons dans la maison du Père et nous y habiterons pour la durée des jours. Il nous fait asseoir à sa table ; nous y serons à jamais. En vérité, quand nous serons à ce festin de l’avenir, l’amour qui s’est abaissé pour nous sauver, consentira à se faire éternellement le serviteur de notre joie !
Comme Mephibosheth, il nous faut prendre, devant la grâce, la mesure de ce que nous sommes et, nous jugeant nous-mêmes, comprendre que notre position glorieuse d’enfants de Dieu ne dépend que de l’amour dont le coeur de Christ est rempli pour de pauvres êtres tels que nous.
La grâce de David ne s’adresse pas au résidu juif seulement. Au chap. 10, il la présente à des gentils rebelles. Moab et Ammon, descendants de Lot, formaient presque un seul peuple, ayant été de tout temps alliés, ensemble et avec les ennemis d’Israël, pour nuire au peuple de Dieu. «L’Ammonite et le Moabite n’entreront pas dans la congrégation de l’Éternel ; même leur dixième génération n’entrera pas dans la congrégation de l’Éternel, à jamais ; parce qu’ils ne sont pas venus à votre rencontre avec du pain et de l’eau, dans le chemin, lorsque vous sortiez d’Égypte, et parce qu’ils ont loué à prix d’argent contre toi, Balaam, fils de Béor, de Pethor, en Mésopotamie, pour te maudire. Mais l’Éternel, ton Dieu,... a changé pour toi la malédiction en bénédiction, car l’Éternel, ton Dieu, t’a aimé» (Deut. 23:3-5). Telle est l’ordonnance de Dieu à leur égard. Israël ne devait jamais chercher leur paix ni leur prospérité ; et cependant David désire gagner par sa grâce, si ce n’est ce peuple comme tel, du moins le coeur du chef de la nation en lui apportant des consolations.
Il en sera de même à la fin des temps : la grâce de Dieu, apportée par le règne du Christ, sera offerte aux nations. Des messagers seront envoyés pour engager les gentils à se soumettre. Une grande multitude d’entre eux trouvera aisé le joug du fils de David ; d’autres, comme Hanun, refuseront de rien accepter de Lui.
Mais cette histoire, comme celle de Mephibosheth, nous parle d’autre chose encore que du règne futur de Christ et de sa grâce offerte aux nations de la fin. Nous y trouvons aussi les voies de Dieu pour le temps actuel.
«David dit : J’userai de bonté envers Hanun, fils de Nakhash, comme son père a usé de bonté envers moi» (v. 2). Nous n’avons aucune raison de penser que ce Nakhash ne soit pas le même qui nous est présenté au premier livre de Samuel, ch. 11, et dont l’orgueil et la fureur désiraient se satisfaire en crevant l’oeil droit de tous les habitants de Jabès de Galaad, pour jeter l’opprobre sur Israël. Dieu les délivra par la main de Saül, mais nous voyons combien cet homme méchant et sanguinaire était ennemi du peuple de Dieu, et son caractère naturel fait ressortir d’autant plus ce que notre chapitre dit de lui.
«Son père a usé de bonté envers moi». La Parole n’en dit rien dans le récit des pérégrinations de David ; le premier livre des Chroniques n’en fait aucune mention. L’histoire, en un mot, ne s’en souvient pas — mais David, type de Christ, se souvient d’un acte de bonté de la part de cet homme qui devait le haïr comme futur roi d’Israël. En un temps où l’oint de l’Éternel était rejeté, ce Nakhash (Dieu avait en tout cas la haute main dans tous ses actes) lui avait montré de la bienveillance.
Il peut arriver que le monde, qu’un homme appartenant au monde ennemi du peuple de Dieu, fasse une chose pour Christ, laisse parler son coeur, pour offrir quelque secours à ceux qui représentent ici-bas le Seigneur Jésus. Cet homme peut oublier son acte, le monde aussi peut l’oublier ; il n’est consigné nulle part, mais le Seigneur ne l’oublie pas. Un tel homme n’en reçoit pas au ciel une récompense, mais les yeux, le coeur, les pensées du Seigneur Jésus sont attirés vers lui ; il ne veut pas rester le débiteur de celui qui, bien qu’ennemi dans le fond, a fait quelque chose pour Lui. «David l’envoya consoler par ses serviteurs au sujet de son père». Nakhash était mort ; il avait été, sans doute, un bon roi pour son peuple, et Hamm, son fils et son successeur, affligé de cette grande perte, avait besoin d’être consolé. David pense à lui.
Il en est de même aujourd’hui. Le Seigneur n’oublie rien, et en échange d’un acte de bonté à son égard, accompli par un homme méchant, il lui envoie de quoi le rendre heureux. Ce sont des consolations, des choses qui peuvent réconforter l’âme sur laquelle pèse la douleur introduite dans le monde par le péché. David connaissait les besoins de Hanun ; il savait pouvoir les remplacer par des sentiments de douceur et de joie. Il ne lui envoie ni présents, ni richesses, ni honneurs, mais ce qui vaut infiniment mieux, de quoi le consoler. Il l’envoie par ses serviteurs ; recevoir ceux-ci, c’était le recevoir lui-même.
Il en est ainsi de l’Évangile annoncé au monde. Combien il est encourageant de penser que le Seigneur a les yeux sur chacun et qu’il n’oublie pas les coeurs des pécheurs, portés vers Lui, ne fût-ce qu’un seul moment, pour leur offrir ses bénédictions, à eux et à leurs enfants.
Quel bonheur pour Hanun, s’il avait compris les intentions du roi. La grâce est toujours le caractère de David. Elle fait de lui le type remarquable du Seigneur Jésus, sans parler de ses souffrances et de ses afflictions. Ne l’a-t-il pas montrée, cette grâce, dans le cours même de ce livre, en présence du triste sort de Saül, du sort tragique d’Abner et d’Ish-Bosheth ? David n’a que du bien à dire de ses ennemis ; il oublie leur animosité et leurs outrages ; son coeur noble et large s’élève au-dessus de toute considération personnelle pour ne considérer ses adversaires qu’à la pure lumière de la grâce. C’est ainsi que Jésus envoie à ses pires ennemis l’heureux message du salut !
Hanun ne le reçoit pas. S’il avait été seul, peut-être son coeur eût-il été touché ; il ne chasse pas immédiatement les messagers, mais il est mal conseillé ; les chefs des Ammonites excitent sa défiance : «N’est-ce pas pour reconnaître la ville, et pour l’explorer, et pour la détruire, que David t’a envoyé ses serviteurs ?» Combien, lorsque Jésus n’est pas connu, ces suggestions réussissent aisément ! Ces gens, disent-ils, sont des hypocrites ; leur but est de nous faire la guerre.
Ah ! que de fois, par ces insinuations, les serviteurs du Seigneur ont été arrêtés dans leur oeuvre pour gagner des âmes à Christ !
Le monde a plus de confiance dans l’opinion de ses conseillers que dans le message de Christ, et ces derniers feront tout pour détourner de l’Évangile ceux des leurs qui auraient quelque inclination à le recevoir. De la défiance à l’outrage il y a moins de distance qu’il ne semblerait.
«Hanun prit les serviteurs de David, et fit raser la moitié de leur barbe, et fit couper leurs vêtements par le milieu jusqu’au bas des reins, et les renvoya» (v. 4). C’était la plus grande ignominie qu’on pût infliger aux ambassadeurs d’un roi. Il leur fallait traverser le territoire d’Hanun, déshonorés, à demi-nus, objets de risée et de moqueries. Est-il étonnant qu’ils fussent «très confus» ? David envoie à leur rencontre pour leur dire : «Habitez à Jéricho jusqu’à ce que votre barbe ait poussé ; alors vous reviendrez» (v. 5).
Le dernier message de grâce — et combien Hanun se doutait peu que ce fût le dernier — a été repoussé. La conséquence en est un jugement terrible qui commence dans ce chapitre et continue dans les suivants, jugement sans pitié, produit par l’indignation pour l’outrage fait à la grâce.
Quand les fils d’Ammon virent qu’ils s’étaient mis en mauvaise odeur auprès de David, ils «envoyèrent, et prirent à leur solde des Syriens de Beth-Rehob et des Syriens de Tsoba, vingt mille hommes de pied, et le roi de Maaca avec mille hommes, et ceux de Tob, douze mille hommes. Et David l’apprit, et il envoya Joab et toute l’armée, les hommes forts» (v. 6, 7).
On outrage le Seigneur Jésus et l’on a peur de Lui ; on se montre son ennemi et, voulant éviter le jugement, l’on fait une confédération pour lui résister. «Pourquoi s’agitent les nations, et les peuples méditent-ils la vanité ? Les rois de la terre se lèvent, et les princes consultent ensemble contre l’Éternel et contre son Oint. Rompons leurs liens, et jetons loin de nous leurs cordes ! Celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur s’en moquera. Alors il leur parlera dans sa colère, et, dans sa fureur, il les épouvantera : et moi, j’ai oint mon roi sur Sion» (Ps. 2:1-6). Les événements se développent rapidement dans le monde. Le moment n’est pas éloigné où la confédération des peuples parlera ainsi contre l’Oint de l’Éternel. Malheur à eux ! Le moment n’est pas loin non plus où l’Éternel se moquera d’eux et où il exaltera, par son jugement, Celui qu’il a oint roi sur Sion.
Nous retrouvons ici, chez David, quelques signes de faiblesse. N’aurait-il pas dû se mettre à la tête de son armée au lieu de la confier à Joab ? Il semble que cette vie de luttes continuelles lui pesait un peu, et qu’il pensait pouvoir remettre à d’autres la conduite de la guerre, pour s’accorder un peu de repos.
Les fils d’Ammon sortent pour faire face à l’armée d’Israël, tandis que les nations alliées cherchent à la tourner. Joab combine habilement son plan de bataille. Plaçant son frère Abishaï contre les Ammonites, lui-même fait face aux Syriens. Il dit à son frère : «Si les Syriens sont plus forts que moi, tu me seras en aide ; et si les fils d’Ammon sont plus forts que toi, j’irai pour t’aider». Joab ajoute : «Sois fort, et fortifions-nous à cause de notre peuple et à cause des villes de notre Dieu ; et que l’Éternel fasse ce qui est bon à ses yeux» (v. 11, 12). Commençons par être forts, dit Joab. Combattons pour l’honneur de notre nation, et à cause des villes de notre Dieu. Voilà ce que nous avons à faire, et que l’Éternel fasse ensuite ce qu’il jugera bon ; nous ne refusons pas son aide. C’est un peu la devise du monde : Aide-toi, le ciel t’aidera. La piété de Joab ne dépasse pas ce niveau.
Joab remporte la victoire, mais une victoire inutile. Les fils d’Ammon et les Syriens s’enfuient ; les premiers rentrent dans leur ville. Ils sont plus battus que vaincus ou faits prisonniers. La bataille est sans fruit ; c’est à recommencer. David avait remis aux mains de l’homme ce que Dieu lui avait confié. La leçon est pleine de mansuétude, car David ne subit pas de défaite ; mais l’enseignement du Seigneur le fait rentrer dans le vrai chemin.
Les Syriens se rassemblent de nouveau ; alors «David assembla tout Israël, et passa le Jourdain, et vint à Hélam ; et les Syriens se rangèrent en bataille contre David, et se battirent avec lui. Et les Syriens s’enfuirent devant Israël ; et David tua aux Syriens sept cents chars et quarante mille cavaliers, et il frappa Shobac, chef de leur armée, et il mourut là. Et tous les rois qui étaient serviteurs d’Hadarézer virent qu’ils étaient battus devant Israël, et ils firent la paix avec Israël, et le servirent. Et les Syriens craignirent d’aider encore aux fils d’Ammon». C’est une victoire réelle et complète, si complète que les rois se soumettent à Israël.
David devait tirer instruction d’un tel fait. Il s’était soustrait à sa responsabilité, mais maintenant il avait appris à l’école de Dieu le danger de cette abstention.
Restent les fils d’Ammon ; la tâche est plus difficile, nous allons le voir. Mais nous assisterons aussi aux terribles expériences de David pour n’avoir pas appris, une fois pour toutes, la leçon que le Seigneur lui donnait d’une manière si miséricordieuse.
Du chap. 11 au chap. 20, nous avons l’histoire de David, roi responsable. Ces chapitres racontent la chute terrible du roi, la discipline qui l’atteint, les conséquences de sa faute, et enfin son relèvement. Le eh. 20, se termine, comme nous l’avons dit plus haut (conf. 8:15-18), par l’énoncé de l’ordre de son royaume, mais d’un ordre moins complet que le premier, David n’y étant plus le type du Messie.
Fait très remarquable, le premier livre des Chroniques ne dit pas un mot de l’histoire de Bath-Shéba, d’Ammon et de Tamar, d’Absalom, et de la fuite de David et de la restauration du roi. Les trois premiers versets de 1 Chron. 20 contiennent le premier verset de 2 Sam. 11 et les versets 29-31 du chap. 12. Silence absolu sur tout le reste. L’explication en est simple. Cette omission est une des innombrables preuves d’un plan divin dans les différents livres de la Bible. Le livre des Chroniques ne nous parle pas du roi responsable et, comme tel, mis à l’épreuve, mais du roi, établi en grâce et en bénédiction selon les conseils de Dieu.
Au chap. 21, nouvel appendice, nous montrant le jugement de la maison de Saül.
Les chap. 22 et 23 relient les paroles de David, type de Christ, aux paroles de David, roi responsable.
Enfin, après l’énumération des hommes forts de David, le livre se termine, au chap. 24, d’une manière admirable par le sacrifice de Morija qui, comme on l’a dit, «arrête par grâce la colère de Dieu et établit le fondement du lieu de culte où Il peut se rencontrer avec Israël».
En lisant ce chapitre, un sentiment de profonde humiliation emplit le coeur de tout enfant de Dieu. Il y a plus de trente siècles que ces faits se sont passés, mais trente siècles écoulés n’empêchent pas que Dieu ait été déshonoré par un de ses serviteurs. Le péché a pu être effacé, mais l’outrage fait à Dieu subsiste.
Le péché est d’autant plus grave qu’il a lieu dans la vie de cet homme qui, malgré plus d’une faiblesse, avait reçu le témoignage que «la méchanceté» n’avait jamais été trouvée en lui (1 Sam. 25:28). Et voici qu’au milieu de sa carrière, ce serviteur de Dieu devient adultère, hypocrite et meurtrier ! Ah ! si nous avons quelque zèle pour la gloire du Seigneur, quelque affection pour ses rachetés, pleurons de voir un David, reniant tout son passé, fouler aux pieds la sainteté de l’Éternel, lui qui devait en être le représentant devant le monde ! Qu’il est humiliant de penser que David, le bien-aimé, ait pu compromettre le nom de l’Éternel invoqué sur lui, lui qui avait été favorisé d’une proximité si spéciale avec Dieu et comblé de grâces merveilleuses !
La vie des croyants offre, dans son ensemble, des caractères très différents :
On voit des croyants, ou des chrétiens, mal commencer leur carrière, mais, apprenant à se juger sous la discipline, finir bien leur course, et parfois d’une manière glorieuse. Ce fut le cas de Jacob, dont les jours furent «courts et mauvais», mais dont la vie se termina en pleine vision de la gloire.
On voit plus fréquemment des croyants qui commencent bien leur carrière et la finissent mal. C’est l’histoire de Lot qui, n’ayant pas la foi d’Abraham, marchait cependant sur ses traces. Sa vie se déroule ensuite dans l’affaiblissement moral causé par son amour pour les biens terrestres, et se termine de la manière la plus honteuse. C’est l’histoire de Gédéon, humble et se défiant de lui-même, courageux pour purifier sa maison des faux dieux, puis chef d’Israël et vainqueur de Madian — ensuite, tout à la fin, faisant pécher sa maison et tout le peuple par un éphod dont il fait une idole. C’est enfin l’histoire de Salomon. Il avait tout : sagesse, justice pratique, oubli de lui-même, connaissance des pensées de Dieu, désir de le glorifier, puissance. Dieu se sert de lui pour porter aux générations futures les sentences de la sagesse. Salomon finit mal. Il aime beaucoup de femmes étrangères qui détournent son coeur après leurs dieux. Le serviteur du vrai Dieu devient idolâtre !
Entre ces deux chemins, nous voyons celui d’un croyant qui, du commencement à la fin, marche fidèlement, sans broncher, dans l’esprit de sainteté personnelle et de séparation du monde. Ce fut le cas d’Abraham, dont la foi et la dépendance ne se démentirent que rarement, et qui jugeait toujours sa marche quand elle avait troublé sa communion avec Dieu. Mais ce fut, avant tout, le chemin de Christ, le sentier uni du parfait serviteur, comme nous le trouvons au Ps. 16. Là pas une tare : confiance absolue, complète obéissance, dépendance parfaite, justice pratique sans défaut, sainteté divine dans un homme, foi inébranlable, amour sans limite, espérance sans défaillance. Devant un tel chemin il ne reste qu’à adorer. Mais nous pouvons le suivre et il nous en donne la capacité et la puissance. Il y aura toujours entre Lui et nous la différence du parfait à l’imparfait, du fini à l’infini, mais, tant que nos regards ne se détournent pas de Lui, nous trouvons le secret d’une marche qui le glorifie jusqu’au bout dans ce monde.
Le cas de David est rare, mais non unique, dans l’Écriture. David a bien commencé et bien fini, mais le milieu de sa carrière a été un effondrement moral. On pourrait citer aussi l’histoire de l’apôtre Pierre sur laquelle nous n’insisterons pas.
Pourquoi Dieu a-t-il permis cette chute de David ? La réponse est pleine d’instruction et, dans un sens, très précieuse pour nous. Comme Abraham est un modèle de foi, David, dans le premier livre de Samuel, est un modèle de grâce. Partout la grâce s’épanouit chez lui et domine ses voies. Vis-à-vis de ses ennemis, de ses amis, de tous ceux qui l’entourent, il la manifeste toujours. Son coeur est rempli de l’amour de Dieu, pénétré d’une ineffable tendresse. Sincères sont les larmes qu’il répand sur Saül, son persécuteur ; il a tout oublié, et il ne reste place dans son coeur que pour la grâce. Et cependant il a suffi que cet homme fût livré un moment à lui-même pour qu’il fût plongé dans les ténèbres et que toute trace de ce qui le remplissait auparavant fût effacée.
Il nous faut des exemples pareils pour apprendre à connaître la chair en nous : «En moi, c’est-à-dire en ma chair, il n’y a point de bien». Il n’y a pour elle ni culture, ni purification, ni amélioration possible ; la seule place qui lui convienne est d’être clouée à la croix.
Après la confession du péché devant Dieu, cette chute si rapide est suivie d’un travail long et douloureux de relèvement. Pierre versait des larmes amères en sortant de la cour, témoin de son reniement, mais ce n’est pas alors qu’il retrouve la communion avec le Seigneur. De même pour David, ce ne fut que plus tard qu’il put célébrer la grâce d’un coeur parfaitement libre. Il ne suffisait pas qu’il l’eût manifestée plus ou moins fidèlement dans sa carrière ; Dieu voulait lui montrer sa grâce à Lui, pleine et entière, en des circonstances qui avaient fait de David un meurtrier. Misérable objet de jugement, il devient celui dans lequel Dieu exalte et glorifie sa grâce triomphante.
Mais comment un homme de Dieu a-t-il pu tomber d’une telle hauteur ? L’Éternel lui avait confié une autorité et une responsabilité. Il devait en user dans l’activité incessante de la foi, pour servir l’Éternel et son peuple. Que fait David ? Il se repose. C’était en la saison où les rois de la terre se mettent en campagne ; car les gens du monde déploient souvent plus d’activité pour la réussite de leurs desseins, que les chrétiens pour le service de Christ. Ces derniers pensent pouvoir se reposer un moment, s’asseoir au bord du chemin. Mais nous n’avons pas été engagés comme serviteurs pour être des esclaves paresseux.
«Alors David envoya Joab et ses serviteurs avec lui, et tout Israël». Ce qu’il avait appris à la fin du chap. 10, aurait dû le placer, cette fois encore, à la tête de son armée. Tel est le début, souvent insignifiant, d’une chute. Une fois, deux fois, Dieu parle à son serviteur pour le reprendre ; il manque, Dieu le restaure : il retombe, Dieu le laisse suivre son chemin. David reste à Jérusalem ; un peu d’oisiveté le détache des intérêts de la guerre. Un passant survient : c’est la convoitise. Les yeux du roi sont attirés par un objet qui lui paraît désirable ; sa chair est conquise ; l’autorité dont il dispose sert son désir ; le mal est consommé ; l’oint de l’Éternel est un adultère !
Combien a-t-elle duré, la satisfaction de sa chair ? À peine la faute est-elle commise qu’elle porte ses fruits... une grossesse. La circonstance est grave, le roi est plein d’appréhension. Son caractère est compromis, son péché va être dévoilé ; il faut le cacher. On agit toujours ainsi quand on a perdu le sentiment de la présence de Dieu. David est aux prises avec les circonstances ; il s’y débat, veut les diriger, et, dans son aveuglement, ne voit pas que Dieu les conduit.
Il fait venir Urie du camp, s’enquiert hypocritement de Joab, du peuple, de la guerre (v. 7). En avait-il cure ? Toutes ses pensées n’étaient-elles pas tendues vers le seul but de cacher son péché ? Urie, envoyé par le roi auprès de sa femme, a couché, avec tous les serviteurs, à l’entrée du palais. «Pourquoi», dit le roi, «n’es-tu pas descendu dans la maison !» Belle réponse d’Urie : «L’arche, et Israël, et Juda, habitent sous des tentes ; et mon seigneur Joab et les serviteurs de mon seigneur campent dans les champs, et moi, j’entrerais dans ma maison ?» (v. 11). C’était à l’école de David qu’il avait appris ce dévouement. Au chap. 7:2, David ne disait-il pas à Nathan : «Regarde, je te prie ; moi j’habite dans une maison de cèdres, et l’arche de Dieu habite sous des tapis» ! Ce désir pieux et ce témoignage de David avaient été reçus, avaient porté des fruits dans son entourage. Urie parle comme le David d’autrefois. Quel reproche involontaire il adresse à son maître vénéré ! Cet homme est un simple et noble coeur. Dieu, dit-il, m’appelle à un service, à une activité pour Lui, et tant qu’il ne se repose pas, je ne puis me reposer.
David ne tient aucun compte de ces paroles sérieuses ; sa seule préoccupation est de pousser Urie à l’acte par lequel le roi puisse couvrir son péché. Il enivre son serviteur et, malgré cela, Urie reste ferme dans sa décision. David se débat, comme un oiseau dans sa cage, sans ressource contre la main qui l’y a enfermé. Satan lui suggère le seul moyen d’échapper à la publicité de sa faute ; il devient le meurtrier d’Urie, responsable du même péché que son peuple commettra plus tard, en mettant à mort «le juste» qui ne lui résiste pas (Jacq. 5:6). Il prend Joab, meurtrier lui-même, pour complice, lui qui avait dit : «Que le sang d’Abner tombe sur la tête de Joab» (3:28, 29), et devient l’esclave de l’homme qui avait tout intérêt à l’asservir.
À la nouvelle de la mort d’Urie, tué près de la muraille de Rabba avec quelques-uns des «hommes forts», David fait dire à Joab : «Que cela ne soit pas mauvais à tes yeux, car l’épée dévore tantôt ici, tantôt là» (v. 25). Arrivé à ses fins il rassure son complice, puis il prend dans sa maison Bath-Shéba qui devient sa femme et lui donne un fils.
L’histoire, au lieu d’être terminée, ne fait que commencer. À la fin de ce chapitre, rempli de corruption et de honte, on trouve un petit mot, la seule chose à laquelle David n’eût pas pensé, la seule dont il eût dû se souvenir : «La chose que David avait faite fut mauvaise aux yeux de l’Éternel».
Prenons garde à nos voies. Pour tomber il ne faut qu’un instant, mais pour éviter une chute nous avons à veiller longuement sur ce qui la précède. Oui, que notre vigilance soit journalière, pour ne pas marcher dans un «chemin de chagrin» et pour être conduits «dans la voie éternelle» (Ps. 139:24). Dans cette voie tout est paix pour nos âmes ; c’est le chemin de la vie qui aboutit à la jouissance sans nuages de la présence de Dieu : «Ta face est un rassasiement de joie, il y a des plaisirs à ta droite pour toujours» (Ps. 16:11).
Un certain temps s’était écoulé depuis la faute de David. La guerre contre Ammon, commencée au chapitre précédent qui, à lui seul, embrasse les événements de près d’une année, cette guerre continuait encore. Le siège de Rabba n’était pas achevé, et nous savons qu’à cette époque, le siège d’une ville pouvait durer des années. Pendant toute cette période, la conscience de David était restée muette, quoique son péché fût sur lui, et le fruit de sa transgression devant ses yeux.
L’Éternel intervient alors, après avoir longtemps attendu la repentance ; Nathan le prophète, porteur de sa parole, vient de sa part réveiller l’âme du roi. — Comme ce chapitre diffère du 7° ! En un temps de prospérité et de joie, tout entier au service de l’Éternel, David n’avait qu’une pensée : bâtir une maison à son Dieu. Une première fois, le Seigneur lui avait envoyé Nathan pour lui annoncer que le moment n’en était pas venu, mais aussi pour lui ouvrir les trésors de sa grâce, car son but était de réjouir l’âme de David. Aujourd’hui la scène a changé. Le prophète lui est envoyé pour le placer dans la lumière d’un Dieu saint et juste, dont les yeux sont trop purs pour voir le mal et qui doit le juger.
Nathan parle en parabole, et David aveuglé ne voit pas que ce récit le concerne. Il y avait, dit le prophète, deux hommes dans une ville, l’un riche, l’autre pauvre ; l’un possédant du gros et du menu bétail, l’autre, une seule petite brebis qu’il chérissait. Un voyageur entra chez l’homme riche qui, pour épargner son propre bétail, prit la brebis de l’homme pauvre et l’apprêta pour l’homme qui était venu chez lui.
Ayons l’oeil sur un tel voyageur, car nous sommes tous exposés à recevoir sa visite dans nos maisons. Assurément, quand il se présente, mieux vaut lui fermer la porte. Ce voyageur, c’est la convoitise, une convoitise passagère, non pas de celles qu’on loge et nourrit habituellement chez soi. Ce voyageur était entré chez le roi, sachant qu’il y trouverait de quoi se nourrir. Nos coeurs aussi, contiennent toujours les éléments voulus pour succomber aux tentations de Satan. David, oubliant la dépendance de Dieu, avait cru pouvoir se reposer, au lieu de servir et de combattre. Ces éléments suffisaient pour que le voyageur se fît ouvrir la porte, et marquât son passage de désordres et de ruines.
«La colère de David s’embrasa fort contre l’homme ; et il dit à Nathan : L’Éternel est vivant, que l’homme qui a fait cela est digne de mort ; et il rendra la brebis au quadruple, parce qu’il a fait cette chose-là et qu’il n’a pas eu de pitié» (v. 5, 6). Le coeur, la conscience de David sont en mauvais état et cependant son jugement reste juste. Quoiqu’étant lui-même sous le joug du péché, il le juge sévèrement chez les autres. Quand il ne s’agit pas de nous-mêmes, nous avons souvent un discernement clair et complet du mal chez autrui, sans que nos propres coeurs soient jugés (Matt. 21:41).
«Et Nathan dit à David : Tu es cet homme !» Quel subit effondrement ! David a prononcé sa propre sentence ; il est digne de mort ! Ce coup atteint nécessairement son coeur, mais il descend jusqu’aux couches profondes de sa conscience. Placé soudain dans la lumière, un pécheur qui ne connaît pas Dieu peut être convaincu, avoir la bouche fermée, sans que cette conviction pénètre plus avant, mais, pour l’enfant de Dieu, un tel état ne peut être que momentané.
L’Éternel rappelle maintenant à David tout ce qu’il a fait pour lui : «Je t’ai oint pour roi sur Israël, et je t’ai délivré de la main de Saül, et je t’ai donné la maison de ton seigneur, et les femmes de ton seigneur dans ton sein, et je t’ai donné la maison d’Israël et de Juda ; et si c’était peu, je t’eusse ajouté telle et telle chose» (v. 7, 8). Les trésors de ma grâce étaient à toi, et tu as péché en présence de mon amour ! «Pourquoi as-tu méprisé la parole de l’Éternel, en faisant ce qui est mauvais à ses yeux ?» En quoi l’avait-il donc méprisé ? Dieu l’avait comblé de bénédictions, et il leur avait préféré la satisfaction de ses convoitises !
Le même jugement est prononcé contre Éli (1 Sam. 2:30), parce qu’il avait honoré ses fils plus que Dieu. Il craignait l’Éternel, mais l’avait méprisé en laissant ses fils fouler aux pieds son sacrifice et son offrande qu’il avait commandé de faire dans sa demeure. Aussi l’Éternel lui dit : «Ceux qui me méprisent seront en petite estime». Nous trouvons la même vérité en Luc 16:13 : «Nul serviteur ne peut servir deux maîtres ; car ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre : vous ne pouvez servir Dieu et les richesses». Avoir comme objets de convoitise les choses que ce monde peut offrir, c’est mépriser Dieu. L’âme s’en doute généralement fort peu, mais Dieu l’estime ainsi. «Parce que tu m’as méprisé», répète-t-il au v. 10.
David avait préféré le péché à Dieu. Quelle chose affreuse ! Nos consciences ne nous disent-elles rien ! Chaque coeur naturel a des convoitises qui l’attirent. Par «convoitises», il ne faut pas entendre seulement les souillures du monde, mais «la convoitise des yeux, la convoitise de la chair, l’orgueil de la vie», la vanité, les plaisirs, l’ambition. Ces choses trouvent un facile accès dans le coeur du chrétien, et combien de jours et d’années se passent souvent sans que nous leur fermions la porte ? Chaque fois que nous l’ouvrons à cet hôte, nous méprisons le Seigneur lui-même. De là le jugement de Dieu sur son serviteur.
Les grâces accordées à David, étaient terrestres ; les nôtres sont «des bénédictions spirituelles dans les lieux célestes en Christ». Ces choses ont-elles un tel prix pour nos coeurs, qu’ils n’aient plus aucun asile à offrir «au voyageur» ? La discipline et le jugement du Seigneur tomberont sur nous, dans le mesure où nous accueillons ou rejetons cet hôte.
Le prophète annonce à David trois choses : «L’épée ne s’éloignera pas de ta maison, à jamais». Dieu n’a pas révoqué cette parole de sang. Puis (v. 11, 12) : Tu as semé pour la chair, tu en récolteras la corruption. Ces deux choses qui, dès l’origine, ont caractérisé le monde assujetti au péché (Gen. 6:11), allaient devenir les hôtes habituels de la maison du pauvre roi coupable.
Avant de nous exposer au gouvernement de Dieu en discipline, souvenons-nous que ce gouvernement est inflexible. Nous ne pouvons éviter les conséquences de nos actes, de notre conduite ; toute la parole de Dieu nous le prouve. La première épître de Pierre nous montre que, même sous l’économie de la grâce, les principes du gouvernement de Dieu sont immuables. Sans doute, l’âme d’un chrétien qui tombe doit être restaurée, mais dans ce monde il n’est pas délivré des conséquences de son acte.
David en a fait l’amère expérience jusqu’au bout de sa carrière, quoique son âme, pleinement restaurée, ait pu recommencer à chanter sur la harpe les «doux cantiques d’Israël». La discipline elle-même devient alors un thème nouveau pour célébrer les richesses de la grâce.
Nathan ne dit qu’un mot : «Tu es cet homme», pour convaincre David. Celui-ci ne dit qu’un mot en la présence de Dieu : «J’ai péché contre l’Éternel». Quand l’âme a vu cela, elle a fait un pas immense. Lorsqu’un chrétien est tombé et que Dieu a mis à nu son péché, l’on trouve habituellement chez lui la confession de sa faute : «J’ai péché». Mais qu’importe cela, une fois ce péché mis en lumière ? David dit : «J’ai péché contre l’Éternel», non pas : J’ai péché contre Urie, ou contre la femme d’Urie. Nos péchés contre les autres peuvent nous être pardonnés par ceux que nous avons offensés ; nous pouvons remédier, dans une certaine mesure, à nos péchés contre nous-mêmes, mais qu’avons-nous à dire, quand nous avons péché contre l’Éternel ? On dit : «J’ai péché» ; on est honteux de son péché, parce que les hommes le voient, mais c’est autre chose quand on est convaincu que ce qu’on a fait a été «mauvais aux yeux de l’Éternel».
Ayant produit cette conviction complète de péché, Dieu ne fait pas attendre longtemps son pauvre serviteur coupable. Il ne lui dit de nouveau qu’une parole : «Aussi l’Éternel a fait passer ton péché». Il ne dit pas : L’Éternel fera, mais «a fait passer ton péché». Il s’était occupé à l’avance du péché de son serviteur ; il a pourvu à ce qu’il fût ôté de dessus lui et qu’il n’en fût plus question devant Dieu. C’est ce que nous trouvons à la croix de Christ.
Nathan dit ensuite à David : «Tu ne mourras pas ; toutefois, comme par cette chose tu as donné occasion aux ennemis de l’Éternel de blasphémer, le fils qui t’est né mourra certainement. Et Nathan s’en alla dans sa maison» (v. 14, 15). «Tu as donné occasion aux ennemis de l’Éternel de blasphémer». Telle est la conséquence que le monde tire de nos fautes. Satan emploie chacun de nos péchés pour produire, dans le coeur des hommes, une aversion ouverte contre Dieu et contre Christ. Voilà, dit le monde, où les conduit leur religion ; et Dieu est blasphémé. Satan excite les convoitises chez un chrétien, non seulement pour pouvoir l’accuser, mais pour produire chez les hommes témoins de sa chute, de l’aversion contre Christ, afin qu’ils ne se tournent pas vers Lui pour obtenir le salut.
La violence et la corruption dans sa maison avaient été annoncées à David comme fruit de son péché. La troisième chose est la mort de son enfant. La mort s’abat, non pas sur lui, coupable, mais sur son fils chéri. Il faut que le jugement de Dieu atteigne, d’une façon visible et immédiate, aux yeux de tous, la maison du roi. L’enfant tombe malade : le pauvre père est dans l’affliction, le jeûne, les supplications. S’il était possible que Dieu lui fît grâce ! Non, la discipline doit avoir son cours. Quel supplice pour ce coeur, dont la tendresse était extrême, devant la victime innocente de sa faute !
L’enfant meurt. David se lève de terre, se lave, s’oint d’huile et change de vêtements. C’est comme un nouvel homme, commençant une nouvelle carrière. Il entre dans la maison de l’Éternel et se prosterne. Est-ce pour mener deuil ? Non, mais pour reconnaître la justice, la sainteté, l’amour de Dieu, la revendication de son caractère dans la discipline. David se relève restauré ; il peut entrer dans sa maison et se faire servir à manger. Après s’être courbé devant Dieu, il est en chemin pour retrouver la communion avec Lui.
Ses serviteurs lui disent : «Qu’est-ce que tu fais ? Tu as jeûné et tu as pleuré à cause de l’enfant, pendant qu’il était en vie ; et quand l’enfant est mort, tu te lèves et tu manges». David répond : «Tant que l’enfant vivait encore, j’ai jeûné et j’ai pleuré, car je disais : Qui sait : l’Éternel me fera grâce, et l’enfant vivra ? Mais maintenant qu’il est mort, pourquoi jeûnerais-je ? Pourrais-je le faire revenir encore ? Moi, je vais vers lui, mais lui ne reviendra pas vers moi» (v. 21-23). «Je vais vers lui». David est satisfait maintenant de porter, jusqu’au bout de sa carrière, le sceau de cette discipline dont la mort de son fils est le témoin. «Lui ne reviendra pas vers moi». Cette joie ne peut être la part de David, mais il accepte comme nécessaire, le chemin de la mort, dans lequel il aura à marcher désormais pour retrouver son fils.
Le roi peut maintenant consoler Bath-Shéba. La grâce coule de nouveau vers lui. Il a un fils qu’il nomme Salomon (le pacifique) et que Dieu fait appeler par Nathan du nom de «Jedidia» (le bien-aimé de l’Éternel). La grâce introduit Bath-Shéba, que sa souillure empêchait d’avoir part aux bénédictions, dans la lignée du Messie (Matt. 1:6). Elle devient la mère du roi de paix et de gloire. La grâce aime à se montrer envers des êtres déchus qu’elle associe à Christ, pour manifester dans les siècles à venir qu’elles sont ses «immenses richesses».
Pour se rendre compte de la manière dont l’âme de David fut restaurée, il est nécessaire de considérer le Ps. 51. D’autres Psaumes font allusion aux mêmes circonstances, mais, selon notre habitude, nous ne citons dans ces méditations que les Psaumes, dont le titre fait allusion aux événements qui les ont occasionnés. Tel est le Ps. 51 : «Psaume de David ; lorsque Nathan le prophète vint à lui, après qu’il fut entré vers Bath-Shéba». Ce Psaume, prophétique comme tous les Psaumes, dépasse de beaucoup les circonstances de la vie de David. Ainsi : «Fais du bien, dans ta faveur, à Sion ; bâtis les murs de Jérusalem» (v. 18), a trait à des événements futurs. La «coulpe du sang» n’est pas seulement le meurtre d’Urie, mais celui du Messie. David lui-même, comme nous le verrons dans la suite de cette histoire, est le type du résidu de Juda, placé sous la colère gouvernementale de Dieu. Ce même Psaume peut aussi être employé dans la prédication de l’Évangile pour décrire l’état d’un pécheur, revenant à Dieu, comme le fils prodigue, et disant : «J’ai péché contre le ciel et devant toi» ; mais, ce que nous cherchons ici, ce sont les sentiments individuels produits dans l’âme du croyant, privé de la communion par sa chute, et ayant perdu la joie de son salut.
Deux pensées dominent dans le coeur de David au début de ce Psaume ; la première, c’est que la grâce est la seule ressource de sa transgression (v. 1) ; la seconde, qu’il a péché contre Dieu seul (v. 4) (parole sortie, comme nous l’avons vu, de la bouche de David en présence du prophète), «afin que tu sois justifié quand tu parles, trouvé pur quand tu juges». J’ai péché, dit le roi, en sorte que la justice contre le péché soit manifestée. Ô Dieu ! tu trouves moyen, par mon péché, de te justifier toi-même. Tu te justifies en montrant que tu ne supportes pas le péché. Pour moi, c’est la condamnation absolue, mais toi, tu sauras en tirer ta gloire ! Ce sont là des sentiments dignes d’un saint que Dieu amène jugé et humilié en sa présence.
Ensuite le Psaume nous montre trois états du coeur chez le croyant restauré. Ces trois états et leurs conséquences sont dépeints dans les trois divisions de ce Psaume.
(v. 1-6). Premier état du coeur, décrit par ces mots : «Voici, tu veux la vérité dans l’homme intérieur, et tu me feras comprendre la sagesse dans le secret de mon coeur». «La vérité dans le coeur», Dieu veut tout d’abord la produire, en nous introduisant devant Lui quand nous avons péché. Souvent l’âme juge un acte et ne va pas plus loin, mais ce n’est pas encore toute la vérité dans le coeur. David juge son acte : «Car je connais mes transgressions, et mon péché est continuellement devant moi» (v. 3) ; mais il juge encore son état : «Voici, j’ai été enfanté dans l’iniquité, et dans le péché ma mère m’a conçu» (v. 5). Il ne lui suffit pas de juger son péché ; il juge le péché en lui, ce qu’il a été dès sa naissance. Il ne se contente pas de dire : «J’ai outragé Dieu», mais il remonte à la source de cet outrage et comprend que la raison de tout ce mal était dans son coeur. La sagesse consiste à discerner ces choses.
(v. 7-13). La vérité dans le coeur a porté ses fruits : un second état du coeur en est la conséquence : «Crée-moi un coeur pur, ô Dieu ! et renouvelle au dedans de moi un esprit droit» (v. 10). De quelle manière ce coeur pur pouvait-il être produit ? «Purifie-moi du péché avec de l’hysope, et je serai pur ; lave-moi, et je serai plus blanc que la neige» (v. 7). Il parle de l’hysope avec lequel on faisait aspersion du sang sur le lépreux, puis du lavage d’eau. Sous la loi, à chaque péché, l’aspersion du sang devait être renouvelée ; pour nous, le sacrifice a été offert une fois pour toutes ; mais en outre, l’âme du croyant a besoin continuellement du lavage d’eau par la Parole, appliqué par notre Souverain Sacrificateur aux souillures contractées pendant la marche : «Lave-moi, et je serai plus blanc que la neige». — Mais, pour avoir un coeur pur, il faut autre chose que notre purification personnelle : «Cache ta face de mes péchés, et efface toutes mes iniquités» (v. 9) ; il est nécessaire que Dieu lui-même ne s’en souvienne plus. Pour un saint de l’Ancien Testament, ce n’était pas une chose faite, et nous ne pourrions nous exprimer de la même manière que ce v. 9 ; mais, quand nos coeurs ont été purifiés de toute iniquité, nous nous présentons devant Dieu avec la conscience qu’il ne s’en souvient plus. La conséquence en est le retour de la joie du salut, et l’esprit d’affranchissement qui nous soutient.
Aux v. 14-19, nous trouvons un troisième et dernier état de coeur, état qui, depuis sa chute et son relèvement, caractérisera désormais David jusqu’à la fin de sa carrière. «Les sacrifices de Dieu sont un esprit brisé. Ô Dieu ! tu ne mépriseras pas un coeur brisé et humilié» (v. 17). Ce qui le brise, c’est de se trouver en présence de «la coulpe du sang» (v. 14), de penser qu’il a versé le sang du juste Urie, image prophétique du sang de Christ versé par Israël, et qui reste sur ce peuple et ses descendants jusqu’au moment où le résidu retournera à Lui, le coeur brisé et humilié. Nous aurons, par la suite, à revenir sur ce sujet ; mais n’oublions pas que Dieu nous discipline pour nous amener, par degrés, du coeur vrai et du coeur pur, au coeur brisé, seule condition qui nous convienne en présence de la croix, seul sacrifice que Dieu accepte avec celui de la louange (v. 15), seul état du coeur qui ne nous expose pas à des chutes nouvelles.
L’âme de David est restaurée, sa conscience purifiée, son coeur humilié ; — malgré cela, il faut que les voies du gouvernement de Dieu à son égard aient leur cours. Ce que Nathan a prédit : «L’épée ne s’éloignera pas de ta maison, à jamais... je susciterai de ta propre maison un mal contre toi... je ferai cette chose-là devant tout Israël et devant le soleil», tout cela doit infailliblement s’accomplir : David en subira la nécessité, avec un coeur brisé.
Les choses rapportées dans ce chapitre sont odieuses. C’était «une infamie en Israël» (v. 12, 13). La parole de Dieu les relate, parce qu’elle est «la vérité», et nous dépeint l’homme tel qu’il est, dans toute sa laideur, pour nous faire horreur de sa corruption. Ces faits affreux d’immoralité et de violence sont le fait de deux fils de David, Amnon et Absalom, aussi éloignés de Dieu l’un que l’autre. Un ami, parent et conseiller, Jonadab, se trouve là pour pousser Amnon dans le bourbier (v. 4, 5) ; ce même homme connaîtra plus tard le complot d’Absalom sans s’y opposer (v. 32).
Combien sont courtes et vaines les délices du péché ! À peine a-t-on trempé ses lèvres dans la coupe, que déjà l’on en goûte l’intolérable amertume ! «Amnon haït Tamar d’une très grande haine, car la haine dont il la haït était plus grande que l’amour dont il l’avait aimée» (v. 15). Il a immédiatement horreur de cette pauvre victime involontaire de son acte infâme. Il juge tout, excepté lui-même. Absalom, violent et fourbe, se venge par le fratricide du déshonneur de sa soeur.
Cependant, chez David restauré, une chose me frappe, comme étant d’une application plus générale. Il manque d’un certain discernement spirituel qui n’était pas dans son caractère avant sa chute. Déjà tout était en règle entre son âme et Dieu quand, au chap. 12:26-31, il était allé faire le siège de Rabba. Le jugement des fils d’Ammon était juste et selon les pensées de Dieu, mais il semble que David mêle ses impressions personnelles, soit à la victoire, soit à la vengeance. Son sens spirituel n’a plus le ressort d’autrefois. Il prend la couronne du roi et la met sur sa tête, tandis que jadis (ch. 8:11 ; conf. 1 Chron. 20:2) il avait consacré à l’Éternel tous les trésors des nations. Il exerce sur le peuple une vengeance cruelle, dont 1 Chron. 20:3, qui nous présente le roi selon les conseils de Dieu, omet au moins une partie. Jamais en d’autres temps David n’avait fait de telles choses.
Mais il y a plus. Dans notre chapitre 13, toutes les intentions bienveillantes de David, ses désirs de concorde entre ses enfants, tournent contre lui. Il agit involontairement en sens inverse de ce qu’il faudrait. Ainsi c’est lui qui, au v. 7, envoie Tamar dans la maison d’Amnon. Plus tard, quand Absalom mûrit la pensée du meurtre, David cherche d’abord à résister, pensant que, s’il cède à la prière de son fils, il pourrait en résulter du mal ; mais il cède, envoyant, pour sauvegarder Amnon, ses autres fils avec lui. Tout cela ne dénote peut-être pas un jugement spirituel bien affiné.
Le v. 39 nous apprend en outre que le méchant Absalom était le fils du coeur de David. «Le roi David languissait d’aller vers Absalom, car il était consolé à l’égard d’Amnon, parce qu’il était mort». Dans le chapitre suivant, David se laisse facilement persuader de faire rentrer Absalom à Jérusalem, et cette décision est la cause immédiate de tous les désastres qui surviennent ensuite. Sans doute, Dieu accomplit par là ses desseins, mais tous ces faits nous offrent une sérieuse instruction. Quand un croyant est tombé en se livrant à sa propre volonté, son âme, même restaurée, a perdu un certain ressort spirituel ; s’il lui est arrivé de mépriser ou de considérer comme peu importante la communion avec le Seigneur et qu’il l’ait perdue, il lui faut un certain temps pour retrouver l’intelligence spirituelle qui accompagne cette communion. C’est comme si la chute avait amené chez le croyant un arrêt de croissance spirituelle.
Toute âme qui s’expose à la discipline du Seigneur et à celle de l’Assemblée, en donne fréquemment l’exemple. Elle peut être restaurée, retrouver la communion de Dieu et des saints ; une force secrète a fui sous l’action du péché, et peut-être ne la retrouvera-t-elle jamais.
Que Dieu nous donne d’estimer sa communion comme une chose très précieuse, si précieuse que nous soyons jaloux de ne pas la perdre, ainsi que la force et le discernement qui l’accompagnent.
Nous avons remarqué plus haut que le premier livre des Chroniques garde le silence sur les événements qui nous occupent. Dans notre récit, David n’est plus qu’incidemment le type de Christ, mais représente plutôt le résidu restauré, traversant la tribulation sous la culpabilité de la mort du Juste. Cependant toutes les expériences de David dans ces chapitres sont aussi pour nous d’une application immédiate, parce que, placés comme lui dans une position de responsabilité, nous sommes des objets de discipline comme lui.
Le chap. 14 nous montre comment Joab réussit à gagner le coeur de David. Nous avons déjà remarqué que Joab ne fait jamais une chose qui ne lui soit utile. S’il a embrassé la cause de David, ce n’est pas par affection, quoiqu’il fasse preuve d’un certain attachement à son maître, mais parce qu’il estime le parti de David le plus propre à satisfaire ses vues ambitieuses. Elles n’allaient pas jusqu’à la royauté ; il était assez avisé pour savoir que l’accès au trône lui était fermé ; son ambition se bornait à être généralissime, ministre de la guerre, conseiller du roi. Si quelque obstacle à ses desseins se dressait devant lui, il était prompt à le surmonter et un crime ne l’arrêtait pas.
Avant tout, Joab cherchait à se rendre indispensable. Le meilleur moyen était de se faire le serviteur des faiblesses du roi. Quand David se débarrasse d’Urie en le remettant aux mains de Joab, ce dernier n’a pas une parole de reproche ; il agit sans hésitation. David coupable a gagné un complice discret, mais qui, par sa discrétion même, est devenu son maître. La réputation du roi dépend désormais de Joab. Seulement les plans de ce dernier sont déjoués par l’intervention divine. Dieu parle, David se reconnaît coupable ; la lèpre, au lieu de rester cachée, est publiquement manifestée et reconnue dans l’humiliation et dans les larmes, non seulement devant Dieu, mais devant les hommes.
Ainsi tous les plans de Joab sont déjoués, tous ses intérêts lésés ; il ne peut plus dominer son maître par son crime secret : il lui faut s’y prendre autrement pour regagner son influence. Au moment de s’emparer de Rabba, déjà privée de la source d’eau qui l’alimente, Joab fait dire à David : «Maintenant assemble le reste du peuple et campe contre la ville, et prends-la, de peur que moi je ne prenne la ville et qu’elle ne soit appelée de mon nom» (12:28). Quel désintéressement ! Mais ne regagne-t-il pas ainsi son ascendant sur le coeur du roi ? David obéit ; nous avons vu, dans le chapitre précédent, que sa victoire sur Babba n’est pas en faveur de son instinct spirituel, mais Joab redevient indispensable et retrouve l’ascendant qu’il avait perdu.
À la fin du chap. 13, le roi languissait après Absalom. C’était une fâcheuse faiblesse. Absalom était un meurtrier ; la loi de l’Éternel ne permettait pas à David de languir après lui. Le meurtrier tombait entre les mains du vengeur du sang, et l’expiation ne pouvait être faite que par le sang de celui qui l’avait versé (Nomb. 35:33). David l’avait montré pour l’Amalékite, pour Baana et Récab. Absalom, rentrant de son exil volontaire, la sentence devait être exécutée. L’épargner, c’était ajouter une désobéissance à une transgression. Le fait d’avoir épousé Maaca, fille de Talmaï, roi de Gueshur (Absalom s’était réfugié chez son grand-père), était une transgression de David. Talmaï était un des rois cananéens épargnés par l’infidélité du peuple (Jos. 13:2-3) ; tout mariage avec eux était interdit à Israël (Ex. 34:15, 16). Bien avant que cette interdiction fût prononcée, le sens spirituel d’Abraham lui en avait fait une loi (Gen. 24:3). David s’était servi de la puissance souveraine pour enfreindre cette ordonnance, au lieu d’obéir à la loi.
Tous ces faits humiliants auraient dû imposer silence aux affections de David ; mais Joab veille, intéressé à ce que le roi ne suive pas le simple chemin de l’obéissance. «Joab, fils de Tseruïa, s’aperçut que le coeur du roi était pour Absalom» (v. 1). Il n’est pas homme à n’en pas profiter et prépare une intrigue indigne, pour amener David à rappeler le fugitif à Jérusalem. Les paroles qu’il met dans la bouche de la femme thekohite portent à supposer chez Joab l’arrière-pensée que David pourrait désigner Absalom comme son successeur : «Ils ont dit : Livre celui qui a frappé son frère, afin que... nous détruisions aussi l’héritier» (v. 7). «Pourquoi as-tu pensé ainsi contre le peuple de Dieu ?» (v. 13). «L’homme qui veut nous exterminer, moi et mon fils ensemble, de l’héritage de Dieu» (v. 16). En vérité, on peut voir dans les paroles de cette femme, que Joab avait la pensée de se ménager pour l’avenir une position auprès d’Absalom, qui lui serait certainement reconnaissant de l’avoir ramené à la cour.
Et Joab avait l’audace, pour accomplir cette machination, de se porter garant, auprès du roi, des pensées de Dieu : «Dieu ne lui a point ôté la vie, mais il a la pensée que celui qui est chassé ne demeure plus chassé loin de lui !» (v. 14).
En tout cela David était excusable, sans doute, si nous pensons aux sentiments naturels d’un père pour son fils, mais coupable comme serviteur de Dieu. L’Éternel lui avait désigné, par la bouche du prophète (12:24, 25), celui de ses fils sur lequel reposait son choix ; c’était Salomon, fils de Bath-Shéba, que Dieu avait appelé «Jedidia, le bien-aimé de l’Éternel». Joab se rendait compte que le coeur de David caressait en secret, sans se l’avouer peut-être clairement à lui-même, la pensée d’avoir Absalom pour successeur. Entre la parole positive de Dieu et les insinuations intéressées de Joab, le roi pouvait-il hésiter ? Il aurait dû comprendre qu’Absalom, malgré tous ses avantages extérieurs (v. 25-27), quoiqu’il fût un homme plus beau et peut-être tout aussi imposant que Saül, ne pouvait être l’homme des conseils de Dieu. Il avait vu son frère Éliab, dont même un Samuel pensait : «Certainement l’oint de l’Éternel est devant lui» (1 Sam. 16:6), mis de côté, malgré sa belle apparence, pour lui faire place, à lui, le pauvre gardeur de brebis. C’est une chose sérieuse de nous laisser diriger par nos affections naturelles, quelque légitimes qu’elles soient, et non par le jugement spirituel que Dieu nous a donné.
Ce n’est certes pas qu’à cette époque tout ne fût que faiblesse chez le roi bien-aimé. Il y avait dans son coeur une corde divine que l’on ne faisait jamais vibrer en vain. Joab le savait bien et ne manque pas de s’en servir. L’appel à la grâce trouvait toujours un écho chez David ; la Thekohite vient donc plaider pour la grâce, auprès de lui. Le roi cède, oubliant, que la grâce n’est pas seule en cause ; Dieu est aussi un Dieu juste, et l’on ne peut exalter sa grâce aux dépens de sa justice. Le conseil de Joab, suivi par David, le conduit à un abus de la grâce, d’autant plus sérieux que ses sentiments naturels étaient en jeu. C’est comme le miel dont le mélange avec les sacrifices était interdit (Lévit. 2:11). La grâce ne doit donner aucune place aux sentiments, aux liens humains, à la douceur de la nature humaine. Tel ne fut pas le cas de David. Cédant à son amour paternel, il ne discerne pas suffisamment l’oeuvre de l’ennemi, quoiqu’elle ne pût lui échapper entièrement : «La main de Joab n’est-elle pas avec toi dans tout ceci ?» (v. 19). La femme avoue : «Joab a fait cela» (v. 20) ; et le roi dit à Joab : «Voici, j’ai fait cela» (v. 21). Il prend maintenant la responsabilité de ce que Joab a voulu faire. L’ennemi, Absalom, est reçu à Jérusalem, et quel ennemi !
Cependant David ne veut pas que le coupable se présente devant lui. Joab accepte la décision de son maître. Une fois, deux fois, il refuse de voir Absalom qui le fait appeler, sentant qu’il est de son intérêt d’être avec le roi. Absalom, dans son emportement, fait mettre le feu au champ de Joab, usant de violence envers celui qui, après avoir plaidé sa cause, était allé le chercher à Gueshur et l’avait ramené à Jérusalem, comptant s’en faire un obligé. Joab, poussé par ses intérêts, vient s’enquérir auprès d’Absalom des raisons de son acte, et il lui faut, contre son gré, intercéder auprès de David pour qu’il consente à revoir son fils.
En Absalom, Joab a trouvé son maître. Dieu permet toutes ces choses. Il s’est déjà servi des ruses, de l’habileté, de la méchanceté, de la cruauté de Joab, pour accomplir ses desseins ; il va se servir d’Absalom dans le même but, et ses voies ne seront, en définitive, que grâce envers David. Mais Joab est obligé d’obéir à celui qu’il pensait dominer. Il ne l’oubliera pas. Absalom est devenu un obstacle à ses vues, une puissance sur laquelle il ne peut plus compter et qui se tourne contre lui. Quand le moment sera propice, Joab tuera Absalom.
Si Joab, tout en coopérant avec David, n’a aucun des mobiles de cet homme de Dieu, le caractère d’Absalom est, dès le début, celui d’un réprouvé, fils, au moral, de Satan qui est «meurtrier dès le commencement». Plus tard, tous les mauvais instincts de sa nature se donnent carrière pour atteindre son but. Il use de flatteries, prend l’apparence de la justice, du désintéressement (v. 3, 4), de l’amour (v. 5), pour «dérober les coeurs des hommes d’Israël» (v. 6). Il trompe les simples (v. 11), feint de rendre culte à l’Éternel et de le servir (v. 7, 8), tout cela pour s’emparer de la royauté et se substituer à l’oint de l’Éternel, à son propre père sur son trône, — car il hait son père, il hait tout ce qui n’est pas lui-même. Il s’allie avec Akhitophel qui avait auprès du peuple la réputation qu’aurait eue un prophète, car «le conseil que donnait Akhitophel, en ces jours-là, était comme si on se fût enquis de la parole de Dieu». Il s’exalte enfin, se déifie presque de son vivant (18:18).
Tous ces traits caractériseront à la fin des temps le grand ennemi du roi d’Israël, «l’Antichrist», «l’homme de péché», et «l’inique» (2 Thess. 2:3, 8). Il séduira le peuple, supportera son culte national pour le renverser ensuite, s’élèvera et s’exaltera lui-même jusqu’à se faire adorer comme Dieu, se fera passer pour le vrai Messie, niera le Père et le Fils, réunira dans sa personne le faux roi avec le faux prophète. Nous le trouvons caractérisé au point de vue juif, dans le livre de Daniel (11:36-39), et le Seigneur avertit ses disciples, premier noyau du résidu juif de la fin, aussi longtemps que le Messie vivant au milieu d’eux n’avait pas encore été rejeté, de s’enfuir dès qu’ils verraient établie dans le temple de Jérusalem, l’abomination dont Daniel avait parlé.
C’est ce qui arrive ici. David fuyant devant Absalom est un type frappant des Juifs fidèles de la fin. Des deux côtés la coulpe du sang innocent d’Urie, du sang du Messie rejeté ; des deux côtés l’âme restaurée à la suite de ce crime ; des deux côtés l’intégrité du coeur, mêlée au sentiment profond de la faute ; des deux côtés enfin, les conséquences de la faute, subies sous le gouvernement de Dieu qui ne peut laisser le crime impuni, mais qui soutient l’âme restaurée, au milieu de la colère apparente qu’elle doit porter aux yeux de tous, comme un fardeau dont elle sait que Dieu la délivrera à la fin pour la ramener dans la joie sans nuage de sa présence.
David, un si beau type de Christ au commencement de sa carrière, est devenu, par son péché, un type du résidu souffrant. Seulement, tout le long des Psaumes, le résidu est encouragé en trouvant, par la bouche de David prophète, que le Messie lui-même est entré d’avance, en sympathie et pour lui montrer le chemin, dans les tribulations et les détresses que lui, le résidu, devra subir. Les fidèles seront ainsi fortifiés chaque jour par les paroles prononcées par l’Esprit de Christ, et dans lesquelles ils trouveront, au milieu de leur détresse, l’expression prophétique de leur foi et de leur confiance en Dieu. Nous allons donc rencontrer, dans cette partie de l’histoire de David, les expériences de l’âme sous les conséquences de sa faute et les encouragements que lui donne l’Esprit de Christ, sous le gouvernement de Dieu (*).
(*) Il est très digne de remarque que la série des Ps. 3 à 7, servant de préface à tout le livre des Psaumes (**), commence par le «Psaume de David, lorsqu’il s’enfuyait de devant Absalom, son fils». De fait, cette série tout entière appartient à cette période, comme le montre le Ps. 7, qui mentionne les outrages de Shimhi relatés en 2 Sam. 16. Tout cela prouve que la fuite de David devant Absalom est bien un type prophétique de la position et des sentiments du résidu dans les Psaumes. Ajoutons encore que le Ps. 71, ainsi qu’une portion du livre 2 dont il fait partie, se rapporte directement à cette période de l’histoire de David.
(**) Les Ps. 1 et 2 en sont le sommaire. Ils présentent les deux grands sujets des Psaumes : le caractère des fils du royaume (Ps. 1), et les conseils de Dieu au sujet du Messie (Ps. 2). On y trouve l’indication de tous les personnages du drame : les justes, le peuple apostat, les nations, le Messie.
David s’enfuit en hâte, dès qu’il apprend que les coeurs des hommes d’Israël suivent Absalom. Ce n’est ni lâcheté, ni faiblesse de sa part, c’est de la foi. La foi ne suivra jamais le chemin que l’homme naturel aurait choisi. Qui n’eût opposé dans ce moment une armée bien aguerrie à une conjuration naissante ? Qui n’eût tenté, une fois au moins, le sort des armes, quand tout Jérusalem était encore avec le roi légitime ? David fuit, non parce qu’Absalom est le plus fort, mais parce qu’il est la verge de Dieu levée en châtiment sur son serviteur. Mais ce n’est pas à lui seul que David pense, c’est à Jérusalem, la ville de l’Éternel, à laquelle il veut épargner une épreuve ou une ruine que sa résistance lui attirerait.
Donc, le roi sort et s’arrête au bord du Cédron. Cette fuite hâtive est cependant si calme qu’elle a plutôt l’air d’un cortège royal que d’une défaite. C’est qu’elle est dominée par le sentiment profond qu’on est avec Dieu dans la tribulation. Le roi fugitif devient immédiatement le centre du peuple dans cet exode. Derrière lui sa maison et tout le peuple qui lui est resté fidèle ; à ses côtés ses serviteurs ; à l’avant-garde ses guerriers. N’est-il pas frappant que les hommes d’armes ne forment point l’arrière-garde, quand l’ennemi se trouve sur les talons de ce peuple sans défense ? Non, ils marchent devant le roi, ses hérauts, ses témoins par le chemin du désert. Les compagnons d’Absalom pouvaient considérer cette marche comme une déroute ; les Keréthiens, les Peléthiens et les Guitthiens y voyaient un suprême honneur. Or remarquez ceci : au moment où le vrai roi d’Israël devient un étranger et un fugitif par la rébellion de son peuple, des étrangers sont mis à la place d’honneur. Les Keréthiens et les Peléthiens, des tribus philistines, émigrées, dit-on, de la Crète, les Guitthiens, des gens de Gath, quittant la capitale de la Philistie et leur pays d’origine pour associer leur sort à celui de David. Leur roi d’autrefois avait perdu son autorité sur eux ; le roi de l’Éternel était devenu la boussole qui les orientait désormais.
Tout cela nous parle de Christ. Rejeté d’Israël, il est devenu le centre d’attraction pour les nations étrangères aux promesses et qui n’avaient aucun droit aux bénédictions du peuple. Rejeté, il est devenu bien plus encore, le centre de tout, celui que les siens suivent avec délices, parce qu’ils ne trouvent de sécurité qu’auprès de Lui dont le monde n’a pas voulu, parce qu’ils savent que le temps de sa réjection prendra fin, et que ceux qui ont partagé ses tribulations partageront certainement sa gloire. Oui, le centre de tout, cet homme qui garde encore son aspect d’étranger, méprisé du monde — modèle à suivre — objet de service, car ses serviteurs l’entourent, attentifs à ses volontés — objet de témoignage — et de quel heureux témoignage ! ...
C’est dans cette période de l’histoire de David que les coeurs se manifestent. Sous le régime du trône, il est plutôt question de soumission que d’amour, mais un Christ rejeté attire le dévouement, et c’est dans ces circonstances qu’on peut voir si les siens Lui sont attachés. Il y en eut à Jérusalem, en ces temps-là, qui s’accommodèrent fort bien de la domination impie d’Absalom, mais grâce à Dieu, il y eut des coeurs dévoués qui ne doutèrent pas de David et surent, malgré tout, que l’Éternel était avec lui, qui lièrent leur sort au sort du roi, et ne craignirent pas de se compromettre en déclarant ouvertement lui appartenir. Ah ! la peur de se compromettre ! Il n’est point étonnant de la trouver chez des chrétiens qui n’ont de chrétien que le nom et qui, au fond, appartiennent au monde et ne veulent pas s’en séparer. Mais, chez les enfants de Dieu, quelle honte ! Quoi, vous n’osez pas confesser le nom de votre Sauveur devant les hommes ? L’opinion du monde a donc sur vous une telle influence ? Son opprobre n’est pas votre suprême honneur ? Voulez-vous donc agir en ennemis de la croix de Christ ? N’est-ce pas ce qui faisait pleurer l’apôtre, quand il voyait des hommes portant Son nom, préférer les choses de la terre à l’opprobre de la croix ? (Phil. 3:18).
Itthaï, le Guitthien, était différent de ces gens-là. Tout se réunissait pour l’excuser de ne pas lier son sort à celui de David. Étranger, émigrant qui n’avait pas encore acquis un droit de bourgeoisie en Israël, venu d’hier, il était moralement comme le petit enfant qui s’essaie à ses premiers pas. David lui-même n’attendait pas de lui l’effort qu’il fallait pour le suivre. «Retourne- t’en», lui dit-il, «et emmène tes frères. Que la bonté et la vérité soient avec toi !» Il le bénit même, pour lui faire bien comprendre qu’en de telles circonstances un manque de décision ne lui serait nullement imputé à mal. Eh bien ! cet étranger fait preuve d’une grande foi. Il ne faut, pour une grande foi, ni beaucoup d’intelligence, ni une longue vie chrétienne ; il suffit d’avoir une haute idée du Seigneur, de savoir que rien ne peut l’égaler ni lui être comparé, que Lui seul est capable de satisfaire complètement tous les besoins. David a beau l’excuser, lui donner congé, l’exhorter à s’en retourner, rien ne le convainc ; il reste, il ne connaît pas d’autre place, pas d’autre maître. Qui pourrait-il servir, si ce n’est David ? Absalom n’est-il pas l’ennemi de son seigneur ? Qui l’arrêterait ? La mort ? mais si David doit mourir, la mort est bienvenue à Itthaï. Il s’y attend et la met en première ligne : «Soit pour la mort, soit pour la vie». La vie vient pour lui après la mort. De quelque manière, en quelque lieu que ce soit, là où David sera, «là aussi sera son serviteur». Comme de tels sentiments rafraîchissent le coeur du roi fugitif, celui de notre bien-aimé Sauveur. Ce qu’Itthaï désire, Jésus nous le promet : «Si quelqu’un me sert, qu’il me suive ; et où je suis, moi, là aussi sera mon serviteur : si quelqu’un me sert, le Père l’honorera» (Jean 12:26). Le Seigneur nous dit : Dans la mort, peut-être, mais dans la gloire, à coup sûr. En le servant, nous sommes assurés de la gloire, puisque c’est là qu’il se trouve à toujours. Remarquons encore que le coeur du Père est satisfait du dévouement à son Fils. L’avons-nous servi dans l’humiliation, alors nous pouvons être certains que le Père nous donnera une place d’honneur pour ne pas avoir craint de partager son opprobre devant le monde. Un pauvre Guitthien ignorant aura cette place ; une pauvre Moabite l’occupera aussi, elle qui n’avait pas hésité à suivre Naomi, aïeule du roi fugitif : «Ne me prie pas de te laisser, pour que je m’en retourne d’avec toi ; car où tu iras, j’irai, et où tu demeureras, je demeurerai : ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu» (Ruth 1:16).
«Va, et passe !» dit le roi à Itthaï, et il passe le torrent du Cédron, tournant le dos à l’ennemi triomphant, ayant en face de lui le chemin du désert (v. 23). Qu’importe ! David est son berger, il ne manquera de rien.
Quel contraste entre cet étranger et Pierre, le disciple juif, qui avait suivi le Seigneur dès le commencement. Ah ! comme il était prompt à dire, sans que Jésus le lui demandât : «Seigneur, avec toi, je suis prêt à aller et en prison et à la mort» (Luc 22:33). Pierre pensait à ce qu’il était, Itthaï à ce que son seigneur était pour lui. Pauvre Pierre ! Sa foi était, sans qu’il s’en doutât, la plus petite, la plus misérable qu’il fût possible de voir, car il avait une haute idée de lui-même.
Voici maintenant Tsadok et Abiathar apportant l’arche de l’Éternel. David la refuse ; il ne peut accepter un tel honneur. L’arche est entrée dans son repos et ne peut recommencer avec David les pérégrinations du désert. David reprend ici le rôle du résidu repentant et souffrant. Les nations pourront, avec une apparence de raison, lui demander : «Où est ton Dieu ?» et se moquer de sa confiance, comme dans le deuxième livre des Psaumes qui exprime les sentiments du résidu fuyant loin de Jérusalem devant l’Antichrist (Ps. 42:10, etc). Avec ces sentiments David dit au sacrificateur : «Reporte l’arche de Dieu dans la ville ; si je trouve grâce aux yeux de l’Éternel, alors il me ramènera, et me la fera voir, elle et sa demeure. Et s’il dit ainsi : Je ne prends point de plaisir en toi ; — me voici, qu’il fasse de moi ce qui sera bon à ses yeux». Admirable résultat de l’action de l’Esprit de Dieu sur un coeur exercé par la discipline. Soumission parfaite à la volonté de Dieu, sachant que l’on a mérité le jugement — confiance parfaite en sa bonté qui demeure à toujours, en son intérêt pour les siens qui en sont indignes ! Tout ce qui lui arrive est juste, mais David compte sur la grâce, acceptant l’humiliation et laissant à Dieu le soin de le justifier, car «c’est Dieu qui justifie».
Ces sentiments font contraste avec ceux d’Itthaï, mais les uns ne sont pas moins beaux à leur place que les autres. On trouve la puissance de Dieu dans la foi, mais elle est tout aussi merveilleuse quand elle produit «toute patience» chez un pauvre être faible, battu par la tempête, n’ayant aucune force en lui-même pour résister au flot grandissant du mal.
David monte en pleurant la montée des Oliviers, nu-pieds, la tête couverte. Le peuple qui le suit porte le deuil comme lui. Cette humiliation, Christ l’a subie et portée en sympathie pour son peuple bien-aimé, vers la fin de sa carrière. Celui qui pleurait sur Jérusalem s’est trouvé aux prises, en Gethsémané, avec l’assaut terrible de Satan. Il y était question, sans doute, de choses encore plus grandes et étendues que de sympathies pour le résidu souffrant d’Israël, d’une oeuvre bien plus importante que la délivrance finale de son peuple, mais il s’agissait d’elle aussi, car «dans toutes leurs angoisses, le Christ a été en angoisse». C’est en ce lieu que l’homme qui mangeait avec lui, a levé, comme Absalom, le talon contre lui, qu’il l’a trahi par un baiser ; c’est là aussi que, dans l’angoisse de son âme, il a versé plus que les pleurs de David, et que sa sueur est devenue comme des grumeaux de sang tombant sur la terre.
En ce moment, tout vient accabler le pauvre roi. Il apprend la trahison d’Akhitophel. Toutes les ressources lui manquent, sauf une seule, mais parfaitement suffisante : Il se prosterne devant Dieu. — «Rends vain», lui dit-il, «le conseil d’Akhitophel».
Dieu donne à la prière de son serviteur une réponse immédiate. Hushaï, l’intime ami du roi, le rejoint. David, plein de discernement spirituel, le renvoie, sachant que Dieu le destine à «annuler le conseil d’Akhitophel».
Hushaï retourne à Jérusalem. Quelles que soient nos préférences, il nous faut toujours être au lieu où Christ nous place. Un serviteur de Christ peut toujours être là où se tient l’arche et la sacrificature, puisqu’il y trouve Christ. N’est-il pas à la fois l’arche et le sacrificateur ? Nous sommes appelés à diverses fonctions pour sa cause. Le témoignage et le service sont une chose ; autre chose est la lutte contre les ruses de l’ennemi pour faire triompher le nom de Christ ; autre chose encore, d’entrer en sa présence pour Lui rendre culte. Toutes ces fonctions diverses nous appartiennent. La tâche de Hushaï était ardue ; il en est de même aujourd’hui pour ceux qui ont à lutter contre les ennemis de Christ, des Akhitophel qui prétendent au caractère de prophètes et sont au fond de faux prophètes, qui connaissent les pensées du Seigneur et emploient leur savoir pour anéantir son autorité. Mais si le Seigneur nous envoie au milieu des ennemis, allons-y sans crainte. Anéantir le conseil d’Akhitophel, n’est-ce pas restituer à notre David la place qui Lui appartient ?
Les circonstances que David traverse mettent a l’épreuve l’état des coeurs, aussi les divers caractères des hommes qui viennent au-devant du roi sont-ils, sous ce rapport, très instructifs pour nous.
Nous avons vu Itthaï, un coeur né d’hier pour David, et par cela même un coeur simple. Le roi dont il est devenu le serviteur, est tout pour lui. Avec un tel objet, l’on est toujours bien dirigé. Tsadok et Abiathar n’ont pas tort d’estimer que l’arche doit être avec le roi ; ils ont une intelligence générale des pensées de Dieu, mais tiennent moins compte de Ses voies envers David. Ce dernier les leur enseigne lui-même en les renvoyant. Il doit compter entièrement sur Dieu pour être ramené, ayant mérité cette discipline ; et même s’il était entièrement rejeté, David se soumettrait, car tout ce que Dieu fait est bon.
Hushaï a un autre caractère, aussi beau dans son genre que celui d’Itthaï et, de fait, ayant bien plus l’expérience des pensées de Dieu. Hushaï est «l’intime ami de David» ; un grand amour les unit et ils n’ont pas de secrets l’un pour l’autre — et cependant Hushaï, à l’opposé d’Itthaï, consent à être pour un temps séparé de son ami. Cela lui coûte, à lui qui était venu au-devant de David lui exprimer toute sa sympathie, mais il choisit la meilleure manière de le servir et retourne à Jérusalem. Hushaï, avec un amour calme et profond pour son ami, a la connaissance que n’avaient pas même les souverains sacrificateurs, connaissance qui lui est du reste communiquée par David lui-même : «Tu annuleras le conseil d’Akhitophel». C’est dans l’intimité de Christ que nous recevons la communication de ses pensées.
Le chapitre 16 nous parle en premier lieu de Tsiba, prompt à l’action, prompt au service. Bâter les ânes, les charger de tout ce qui est nécessaire pour les compagnons de la fuite du roi, les rejoindre, rien ne lui coûte. Beau zèle, bel effet de la grâce dans le coeur, car rien ne l’obligeait à cet acte. Et cependant le coeur zélé manque de droiture, ou pour dire le moins, impute à Mephibosheth des motifs qui lui sont étrangers. Je ne crois pas qu’il mente sciemment ; il ne dit pas que Mephibosheth lui ait communiqué ses desseins, mais constatant un retard dans les décisions de son maître, il lui prête des intentions qui, nous le voyons au chap. 19, étaient loin de son coeur. Rien n’est dangereux comme de prétendre lire dans les pensées des autres pour connaître leurs motifs. Une certaine acuité de jugement, jointe à une certaine connaissance du coeur humain, nous y porte facilement. Nos conclusions sont toujours peu charitables. Démêler les bonnes intentions étant d’un médiocre intérêt, nous insistons plutôt sur les mauvaises. Or Dieu se réserve le jugement de ce qui se passe dans les coeurs ; Lui seul en connaît et en juge les secrets. Le Seigneur nous dit : «Ne jugez pas, afin que vous ne soyez pas jugés» (Matth. 7:1) ; ne nous exposons donc pas à être jugés nous-mêmes par les autres. C’est ce qui arrive plus tard à Tsiba, mis en présence de Mephibosheth. David, n’étant pas ici un type de Christ, manque, semble-t-il, d’une certaine clairvoyance. Il revient plus tard (19:29) sur sa décision ; néanmoins il offre ici un bel exemple de Celui qui récompensera au centuple ce qui a été fait pour lui, quelle que soit la faiblesse de ses serviteurs : «Voici, tout ce qui est à Mephibosheth est a toi» (v. 4).
Après l’exemple du dévouement, nous trouvons celui de la haine. Dieu la permet, car elle fait partie de sa discipline envers David, mais ce fut aussi la part de Christ : «Ils m’ont haï sans cause» (Jean 15:25). Comment n’en serait-il pas de même pour ses disciples ? Mais Lui seul pouvait dire : «Sans cause». Les motifs de haine de Shimhi étaient sans doute illégitimes, et David n’y avait nullement donné prise, mais le roi humilié tenait pour vrai le jugement de son ennemi. Shimhi calomniait David : «Sors, sors, homme de sang, et homme de Bélial ! L’Éternel a fait retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül, à la place duquel tu as régné, et l’Éternel a mis le royaume dans la main d’Absalom, ton fils et te voilà pris dans ton propre mal, car tu es un homme de sang» (v. 7, 8). Indigne calomnie ! Être accusé de cette manière, lui qui avait épargné Saül dans la caverne et au milieu de son camp endormi, qui pour le mal ne lui avait jamais rendu que du bien, qui s’était montré juste, patient, saint dans toutes ses voies (1 Rois 15:5), ne se vengeant jamais, qui avait respecté en Saül l’oint de l’Éternel, qui avait honoré d’un chant de deuil la mort de son ennemi !
Toute son intégrité se soulevait contre une telle accusation — et cependant il était un homme de sang ! Shimhi ne le savait pas, mais Dieu le savait. Ce méchant était un instrument divin pour rappeler sa faute à David : «Qu’il maudisse, car l’Éternel lui a dit : Maudis David !» (v. 10). David accepte la malédiction ; son coeur brisé ne cherche ni défense, ni excuse, ni aucune compensation dans sa justice passée. Pour lui, c’est le jugement de Dieu, et son seul recours est la grâce : «Peut-être l’Éternel regardera mon affliction, et l’Éternel me rendra le bien pour la malédiction qui tombe aujourd’hui sur moi» (v. 12). N’est-il pas ici de nouveau le type frappant du résidu juif : l’intégrité, la justice pratique, et l’humiliation causée par le meurtre du Juste, dont ils avaient dit : «Que son sang soit sur notre tête et sur celle de nos enfants» — alliées dans un même coeur ?
Abishaï, digne fils de Tseruïa, cherche à détourner David de l’humble soumission aux voies de Dieu en discipline. «Pourquoi ce chien mort maudit-il le roi, mon seigneur ? Laisse-moi passer et lui ôter la tête». On ne peut attendre d’Abishaï qu’il se traite lui-même de chien mort comme Mephibosheth, ou comme David devant Saül. Quelque haïssable que fût Shimhi, lui et Abishaï se valaient aux yeux de Dieu. Le sentiment de notre indignité nous préserve de paroles outrageantes contre la race à laquelle nous appartenons. Un misanthrope est toujours un homme qui s’estime meilleur que les autres. Cependant l’occasion semblait justifier ces paroles. Dieu avait été méprisé, outragé. Ne fallait-il pas prendre son parti contre l’homme violent ? C’est ce que fit Pierre lorsque la troupe du traître Judas emmenait son maître. Pierre avait-il raison quand il s’agissait d’un plus grand, d’un plus digne que David ? «Remets ton épée en son lieu», lui dit Jésus, «car tous ceux qui auront pris l’épée, périront par l’épée» (Matt. 26:52). Les paroles d’Abishaï montrent encore une complète incapacité d’entrer dans les souffrances de David sous la discipline de Dieu, de comprendre à la fois son humble soumission et la résolution inébranlable qui le faisait marcher dans ce chemin. Comment la chair, dont la volonté, ennemie de Dieu, ne peut se soumettre à Lui, comment la chair comprendrait-elle une parfaite dépendance qui n’a d’autre volonté que celle du Père ? Pierre nous en fournit de nouveau l’exemple. Le Seigneur, ayant montré à ses disciples qu’il fallait qu’il souffrît beaucoup de la part des anciens et des principaux sacrificateurs et des scribes, et qu’il fût mis à mort, «Pierre se mit à le reprendre, disant : Seigneur, Dieu t’en préserve, cela ne t’arrivera point !» Que lui dit le Seigneur ! «Va arrière de moi, Satan, tu m’es en scandale ; car tes pensées ne sont pas aux choses de Dieu, mais à celles des hommes» (Matth. 16:23). David dit à Abishaï : «Qu’y a-t-il entre moi et vous, fils de Tseruïa ?» Leurs pensées ne pouvaient être produites que par la chair et provenaient de l’ennemi. David accepte le calice de la main de Dieu, comme Jésus plus lard en Gethsémané. «Peut-être», dit-il, «l’Éternel regardera mon affliction, et l’Éternel me rendra le bien pour la malédiction qui tombe aujourd’hui sur moi». Quelle parole ! Soyons-en persuadés, Dieu est le Dieu de grâce, et la malédiction n’est pas plus le terme de ses voies envers ses bien-aimés, qu’elle ne le fut à l’égard de Christ ?
Hushaï, accueilli par Absalom, ne s’oppose pas au conseil d’Akhitophel au sujet des concubines de David. Son intimité avec ce dernier lui est d’un grand secours, car il ne pouvait ignorer ce que Dieu avait dit au roi et il devait laisser cours au décret divin (12:11, 12). Akhitophel, croyant fortifier par ce moyen les mains d’Absalom (v. 21), ne faisait qu’accomplir la parole de Dieu, avancer la fin de ses voies, et hâter la restauration de celui qu’il pensait détruire. Ce méchant sera bientôt pris dans ses propres filets, et lui qui, pour faire le mal, ne semble pas avoir d’autre motif que de le faire, finit comme Judas auquel il ressemble, et cet «intime ami» qui avait levé le talon contre David (Ps. 41:9), s’étrangle et meurt.
Le roi, comme nous l’avons vu, avait renvoyé Tsadok, Abiathar et Hushaï à Jérusalem, pour les y employer à son service. Les démonstrations de dévouement ne suffisent pas, quelque précieuses qu’elles soient au coeur du maître, et ne sont que le prélude du service. Il en est de même pour nous, chrétiens ; et, comme Hushaï et les sacrificateurs, il ne nous est pas loisible de choisir le lieu, ni la manière dont nous le servirons ; c’est à lui à les déterminer. Il s’agissait ici d’annuler le conseil d’Akhitophel, d’empêcher que ce faux prophète ne réussît à ruiner la cause de David.
Dans les v. 1-4, nous découvrons le dessein caché de l’ennemi : il en veut à David. Il estime avec raison que, ce dernier supprimé, tout s’écroulera et que le peuple deviendra la proie d’Absalom. «Je frapperai le roi seul ; et je ramènerai à toi tout le peuple» (v. 2). Ainsi agit le prince des ténèbres : tout son effort tend à supprimer Christ. Il a ameuté, dans ce but, le monde contre Lui, mais à la croix, au lieu de gagner la partie, il l’a perdue, et son pouvoir a été brisé. Mais il ne se tient pas pour battu. Il ameutera plus tard, au moment qu’il croira favorable, les rois de la terre pour briser le joug de Christ. Alors «celui qui habite dans les cieux se rira d’eux, le Seigneur s’en moquera» (Ps. 2).
La parole d’Akhitophel parut «bonne aux yeux d’Absalom et aux yeux de tous les anciens d’Israël» (v. 4), convaincus de l’excellence du moyen proposé par cet homme. Comment se fait-il donc qu’Absalom se décide à appeler aussi Hushaï, l’Arkite, pour l’entendre ? Comment se fait-il qu’après l’avoir entendu, Absalom et tous les hommes d’Israël disent : «Le conseil d’Hushaï, l’Arkite, est meilleur que le conseil d’Akhitophel» ? (v. 14). C’est que Dieu dirige les circonstances, les décisions des hommes et leurs appréciations, tout en un mot, comme il l’entend et pour accomplir ses desseins. À considérer les choses du dehors, Dieu semble indifférent à ce qui se passe ; le mal triomphe, le mal domine, les hommes surpassent les imaginations de leur coeur ; mais Dieu est caché derrière la scène, Dieu, auquel rien ne peut résister et auquel Satan même sert d’instrument. Pour nous la puissance de Satan est formidable, pour Dieu elle est moins que le fétu de paille qu’un léger souffle emporte. «Le Dieu de paix», est-il dit, «brisera bientôt Satan, sous vos pieds». Ce n’est ni le puissant Créateur ni le Dieu de vengeance, qui brise cette puissance formidable ; c’est le Dieu de paix. Cet acte ne lui coûte aucun effort ; il brise paisiblement cet ennemi sous les pieds de ses saints
Le bon parfum du service est répandu partout dans ce chapitre. Chacun concourt à cette activité, dans le but de donner au maître la place qui lui revient et que des méchants lui ont enlevée. Hushaï, l’ami de David, est le premier au danger, mais aussi le premier instrument de la victoire. Les sarificateurs sont les premiers confidents. Leurs fils, Jonathan et Akhimaats, portent le message qui doit sauver David et sa troupe. Une simple et obscure servante (v. 17) s’emploie à le leur faire parvenir. La femme de Bakhurim, tout aussi obscure, aussi peu nommée que la Marie de Matt. 26:6-13, aussi respectueuse qu’elle du domaine que Dieu a confié à sa responsabilité, une femme qui garde la maison, accomplit son service envers les envoyés et leur ménage une cachette que l’ennemi ne peut découvrir. Son service est une «bonne oeuvre» envers David, quoiqu’il ait les deux messagers pour objet immédiat. Il y a là une chaîne ininterrompue de service concourant au même but. Un chaînon manquant, David deviendrait la proie d’Absalom. Le dévouement de la pauvre servante a tout autant de valeur pour le roi que le beau désintéressement de Hushaï. Aucun n’est méprisable et les plus humbles auront peut-être la meilleure place, quand il sera dit : «Celui-ci et celui-là sont nés en elle» (Ps. 87:5). «En quelque lieu que cet évangile soit prêché», dit le Seigneur, «dans le monde entier ce que cette femme a fait sera aussi publié en mémoire d’elle» (Matt. 26 :13).
Non seulement les différents services, quels qu’ils soient, forment un tout, parce qu’ils n’ont qu’un but et un objet ; il est encore digne de remarque que le service de l’un appelle, pour ainsi dire, le service de l’autre. D’un bout à l’autre de ce récit, chaque agent se met à l’oeuvre, suscité par l’agent précédent. Souvent, en des moments de lassitude et de découragement spirituel, nous nous plaignons du peu d’empressement de ceux qui nous succèdent à servir efficacement le Seigneur, à risquer quelque chose, confort, gain, réputation, pour maintenir vis-à-vis du monde les droits de notre Maître. De telles plaintes sont sans efficace, et ressemblent fort au cri d’Élie : «Je suis resté moi seul !» Ce que nous avons à faire, c’est de redoubler de zèle, d’un zèle sans défaillance pour servir le Bien-aimé. Comme les ondes du son, de la lumière et de la chaleur, l’ébranlement s’en fera bientôt sentir au-delà de notre sphère restreinte.
David averti, tout son peuple passe le Jourdain, sans qu’il en manque un seul (*). Grâce au service, le vrai peuple de Dieu met une barrière entre lui et l’ennemi. Akhitophel, blessé dans son orgueil, mais surtout appréhendant le triomphe final de David, s’ôte la vie, se précipitant dans le jugement éternel pour échapper à la vengeance future ! (v. 23).
(*) Nous retrouvons ici l’image du résidu fuyant Jérusalem, poursuivi par le dragon, la Bête et le faux prophète, et gardé hors des limites d’Israël, malgré le fleuve débordant, sans que tombe un seul cheveu de leur tête (Apoc. 12:16).
David, poursuivi par Absalom, arrive à Mahanaïm. C’est là que Jacob, revenant de son exil, rencontra l’armée de Dieu pour le garantir des entreprises d’Ésaü. C’est là que David, reprenant sous la discipline le chemin de l’exil, se trouve sous la même égide. Combien rassurant pour l’âme ! Nos circonstances peuvent changer : que ce soit la force ou la faiblesse, le creuset ou la restauration de l’âme ; dans l’un ou l’autre cas, le danger restant le même, qu’il vienne d’un Ésaü ou d’un Absalom, les ressources de notre Dieu restent immuables.
Amasa remplace Joab à la tête de l’armée du fils rebelle. Il était cousin de Joab par les femmes, mais aussi par le déshonneur de sa mère. Joab, nous le verrons, ne pardonne jamais rien, ni une tache sur sa famille, ni sa place usurpée, ni le danger d’une compétition pour le commandement suprême.
À Mahanaïm, nous trouvons le service envers le peuple de David, comme auparavant envers le roi lui-même. Il est touchant de voir un même zèle amener trois personnages si différents de position, de nationalité, de caractère. Un objet d’intérêt commun fait tomber toutes les barrières. Shobi, l’Ammonite, fils de Nakhash, frère de ce Hanun qui avait outragé les envoyés de David (10), homme de race royale, est associé avec Makir, fils d’Ammiel, de Lodebar, simple serviteur de Saül et jadis gardien du pauvre Mephibosheth (9:4). Barzillaï, le Galaadite, de Roguelim, se joint à eux ; il avait l’autorité de l’âge et le prestige des grandes richesses (19:32) ; mais l’âge n’arrête pas son service, et toutes ses richesses sont employées à entretenir le roi et son peuple. Le peuple attire tout spécialement la sympathie de ces hommes : «Le peuple a faim, et il est fatigué, et il a soif dans le désert» (v. 29). Rien ne leur coûte, quand il s’agit des compagnons du roi fugitif ; ils agissent par la foi ; leur intérêt n’entre pas même en ligne de compte dans leur service. L’autorité de l’un, l’activité de l’autre, les richesses et la considération du troisième, sont mis aux pieds de David, représenté par ses compagnons. Tous ces hommes désirent, comme Abigaïl, laver les pieds des serviteurs de leur seigneur, et cet abaissement n’en est pas un, car il exalte et glorifie un David abaissé aujourd’hui, mais établi demain en gloire au-dessus de tous les rois de la terre.
David passe le peuple en revue et le range sous Joab, Abishaï, et Itthaï, le Guitthien, seul jugé digne par le roi de conduire l’armée au même rang que les chefs accrédités depuis longtemps. Cependant Itthaï «était venu d’hier», un étranger sans liens avec le peuple de Dieu. Quel motif, dans ce moment critique, l’a fait élever à un poste d’une telle importance ? Son attachement sans réserve pour David. De même, le Seigneur nous confie un service en vue, selon la mesure de notre amour pour Lui.
David voudrait sortir avec son peuple pour la bataille. Tous répondent : «Tu ne sortiras point». De part et d’autre ces sentiments sont selon Dieu. Au lieu de sortir jadis avec le peuple, David était resté à Jérusalem (11:1) et avait dû en porter les conséquences ; il comprend maintenant que sa place est avec l’armée ; mais le peuple a aussi raison, car il apprécie la valeur de David : «Tu es comme dix mille d’entre nous» (v. 3). Ce que la haine d’Akhitophel comprenait bien : «Je frapperai le roi seul... L’homme que tu cherches est autant que le retour de tous» (17:2, 3) ; l’amour du peuple le comprend bien mieux encore. Il y a des deux côtés la conviction que tout dépend de David ; seulement, chez le peuple, c’est la foi, pour laquelle David, absent du champ de bataille, est tout autant que David présent. «Il est bon», disent-ils, «que, de la ville, tu nous sois en secours». David cède à leur prière : «Je ferai ce qui est bon à vos yeux» (v. 3, 4). C’est ainsi que le Seigneur Jésus agit envers nous. Comme jadis pour le centurion et la Syrophénicienne, il cède à la foi, se laisse faire violence, car il ne peut autrement que répondre à ce que sa propre grâce a produit dans le coeur.
Le peuple défile devant le roi. En présence de tous, David recommande aux chefs «d’user de douceur envers le jeune homme, Absalom» (v. 5). Quelle tendresse pour ce fils rebelle ! — mêlée de faiblesse peut-être, mais qui nous fait penser à l’amour sans réserve du Seigneur pour ses ennemis. Ah ! s’ils pouvaient revenir, se repentir à la onzième heure ! Sa patience envers eux n’atteint-elle pas jusqu’aux dernières limites ? Ce n’est que lorsqu’elle est absolument épuisée que Dieu verse sa colère dans la coupe où il ne reste plus rien de la miséricorde.
Ce qui suit n’a pas besoin de commentaires. Le fils impie est suspendu au bois pour sa malédiction et sa honte. La chevelure dont il se glorifiait est l’instrument de sa ruine. Cet homme qui, dès sa jeunesse, avant qu’il eût des fils (v. 18, conf. 14:27), avait érigé un monument «pour rappeler la mémoire de son nom», est enterré sous un tas de pierres inconnu dans la forêt d’Éphraïm, tandis que son monument, demeuré jusqu’à ce jour, rappelle son humiliation et son terrible jugement. Il en sera de même de l’Antichrist et de la Bête qui s’élèveront contre le Seigneur. Leur chute sera d’autant plus terrible qu’ils se seront exaltés jusqu’à Dieu (És. 14:12-20).
On voit la main de Dieu dans ce désastre, mais, chose effrayante, on y voit aussi la main meurtrière de Joab. Toujours il fait le mal. Il donne ici la mesure de son respect pour la volonté et la personne du roi. Son intérêt le porte à supprimer Absalom qui jadis humilia son orgueil (14:32, 33) et pourrait lui nuire un jour en le remplaçant par Amasa. Il tuera Amasa lui-même quand le meurtre d’Absalom n’aura pas produit les résultats désirés. Un homme du peuple avait plus de respect pour la volonté du roi, que le chef même de son armée (v. 12, 13).
La déroute est complète, Israël s’enfuit devant Juda victorieux. Akhimaats voudrait être le premier à porter la bonne nouvelle à David. Lui qui avait exposé sa vie pour l’avertir d’un danger menaçant, ne veut maintenant laisser à personne le privilège de lui annoncer son triomphe. Joab, toujours politique et sachant les sentiments du roi pour Absalom, cherche à l’en dissuader, mais en vain. Que cela lui nuise personnellement ou entrave sa carrière, peu importe à Akhimaats ; la politique de Joab n’est pas la sienne. Quoi qu’il arrive, il veut, prosterné devant le roi, reconnaître le premier la dignité qui lui est rendue. C’est là que tend toute son énergie, car tout son coeur appartient à David. Peut-être a-t-il aussi la pensée d’amortir et d’adoucir le coup que la mort d’Absalom va porter au coeur de son maître bien-aimé ; ce qui est certain, c’est qu’il n’a en vue que sa gloire. Il devance le coureur envoyé avant lui. Puissions-nous courir comme Akhimaats ! courir, pour nous trouver les premiers aux pieds de notre Sauveur victorieux, sans nous laisser devancer par personne !
Lorsque Cush annonce la fatale nouvelle, le coeur de David est brisé d’une douleur inconsolable : «Mon fils Absalom ! mon fils ! mon fils Absalom ! Fussé-je mort à ta place ! Absalom, mon fils, mon fils !» (v. 33).
«Fussé-je mort à ta place !» David ne le pouvait pas. Cela était réservé à un seul qui mourut pour des impies, le seul qui fut compté parmi les transgresseurs et qui porta les péchés de plusieurs (És. 53:12). Mais David pouvait donner essor à sa douleur au sujet de la perte définitive de celui dont il avait si ardemment désiré le salut.
À tout ce deuil se mêlaient sans doute des sentiments humains, c’est pourquoi David dut avoir le coeur brisé. Tout en étant beaucoup, l’esprit brisé (Ps. 51:17) ne suffit pas. Avec un esprit brisé, la volonté propre ne peut agir. Avant d’avoir l’esprit brisé, David avait suivi sa volonté, qui l’avait conduit à l’adultère et au meurtre d’Urie. Un esprit brisé fait l’abandon de sa volonté pour dépendre de Dieu (15:25, 26 ; 16:10-12 ; 18:4). Il n’était pas nécessaire que l’esprit de Jésus fût brisé. Ne dit-il pas, en entrant dans le monde : «Me voici, pour faire, ô Dien, ta volonté» ?
Mais il faut tôt ou tard que notre coeur soit brisé, aussi bien que notre esprit. Dieu commence tantôt par l’un, tantôt par l’autre. Pierre, quand il pleura amèrement, avait réellement le coeur brisé et humilié, car le brisement de coeur ne va pas sans l’humiliation (Ps. 51:17). Pierre n’a l’esprit brisé que plus tard : «Quand tu étais jeune», lui dit Jésus, «tu te ceignais, et tu allais où tu voulais ; mais quand tu seras devenu vieux, tu étendras les mains, et un autre te ceindra, et te conduira où tu ne veux pas» (Jean 21:18).
Souvent le coeur ne se brise pas en une fois ; celui de David le fut en trois occasions : à la cour d’Akish, quand il vit qu’il avait déshonoré le Seigneur et que lui-même était dans la poussière (Ps. 34:18) ; après la perte de son enfant (Ps. 51:17) ; enfin, dans notre chapitre. Ici l’humiliation était déjà complète, et cependant il fallait encore que les affections naturelles fussent consumées et réduites en cendres, pour que des affections divines occupassent seules le coeur de David. Dieu n’obtient ce résultat que par ce moyen. Ce n’est que dans un coeur brisé que le Seigneur peut occuper toute la place.
Le coeur de Christ fut aussi brisé, mais d’une manière toute différente du nôtre. Son amour méconnu, voilà ce qui lui brisait le coeur. Plus cet amour se montrait, plus la haine s’élevait contre lui. «L’opprobre m’a brisé le coeur» (Ps. 69:20). Il n’avait pas besoin, comme nous, de ce brisement pour être dépouillé. Il était l’amour même, mais son coeur humain était brisé par l’impossibilité de montrer cet amour en face de la haine de l’homme, dont la seule réponse à tant de grâce était l’opprobre et l’ignominie de la croix. Et malgré cela, le coeur brisé du Sauveur a supporté la malédiction et tout le poids du jugement de Dieu, afin de sauver ceux qui l’injuriaient et lui crachaient au visage. .
Mais n’oublions pas que pour nous un brisement continuel est nécessaire. Chaque fois que Dieu veut montrer en nous quelque nouveau caractère de Christ, il brise notre coeur pour le faire apparaître. Il en fut ainsi de l’apôtre Paul. La lumière et la vie de Jésus, sortant d’un vase brisé, réchauffaient et vivifiaient l’âme de ses frères.
Désormais Dieu n’a plus besoin de briser David. Le soleil enfin se lève radieux ; son coeur est rempli d’une grâce qui sort de sa cruelle épreuve, et il va devenir pour d’autres le dispensateur de cette grâce divine.
Joab reprend David de sa faiblesse ; Joab exhortant David ! Mais qui donc avait amené ce mal et arraché les entrailles de ce père, sinon lui seul ? Sans doute, c’était selon les voies de Dieu qui donnait cours au châtiment annoncé (12:10, 11), et David devait y reconnaître Sa main ; mais malheur à l’instrument inique par lequel s’accomplissaient ces voies. Seulement ce n’était pas encore le moment de la rétribution. Dieu ne permet pas même que Joab soit remplacé par Amasa, comme David, froissé, en avait l’intention (v. 13). David obtempère au conseil de Joab. C’est, je n’en doute pas, parce qu’il reconnaît la justice des voies de Dieu à son égard. Lorsque, plus tard, il remet le jugement de Joab à Salomon, ce n’est pas de la mort d’Absalom qu’il l’accuse proprement, mais surtout du meurtre d’Abner et d’Amasa en temps de paix (1 Rois 2:5). David donc s’assied à la porte de la ville, où tout le peuple se présente devant lui.
Maintenant la discipline est terminée. En 1 Samuel, elle avait eu lieu pour garder David dans le chemin de la dépendance. Il n’y avait pas d’amertume alors, mais l’heureuse conscience de la faveur divine. Dans le deuxième livre, la discipline est amère, car elle s’accompagne de la conscience d’avoir déshonoré le Dieu saint. Mais aussi, quels fruits elle porte ! Dieu remplit le coeur brisé, comme lui seul peut le faire, et la vie de Jésus se manifeste au dehors. Nous entrons dans une scène de grâce, de pardon et de paix, expression de ce qui occupe maintenant le coeur du roi.
Aux v. 9-15, c’est la grâce. Les dix tribus avaient trahi et abandonné David pour suivre l’inique Absalom ; elles reviennent les premières et parlent de ramener le roi. David en a connaissance, et ouvre ses bras à Juda, si lent, si paresseux jusqu’ici à reconnaître le trône de son roi et qui aurait dû en porter la peine. «Vous êtes mon os et ma chair», lui dit-il (v. 12). Amasa avait été le chef de l’armée qui poursuivait David, d’autant plus coupable qu’il était, comme Joab, cousin du roi. «N’es-tu pas mon os et ma chair !» lui fait-il dire (Iv. 13). Sa grâce ne demande rien ; bien au contraire, elle trouve son bonheur à faire du bien à ses ennemis.
Aux v. 16-23, nous trouvons le pardon. Le roi l’accorde à Shimhi qui, pour éviter le sort qui l’attend, vient faire sa soumission : «Ne m’impute pas d’iniquité... ne te souviens pas de l’iniquité commise par ton serviteur... Je sais que j’ai péché» (v. 19, 20). Abishaï, toujours le même (conf. 16:9), voudrait tirer vengeance de Shimhi. David l’arrête : «Qu’ai-je à faire avec vous, fils de Tseruïa ? car vous êtes aujourd’hui des adversaires pour moi. Ferait-on mourir aujourd’hui un homme en Israël ?»
Non, c’est le jour de grâce et de pardon. Quelle que soit la réalité des sentiments exprimés par Shimhi, David ne s’y arrête pas ; il ne les juge pas maintenant ; il lui en sera demandé compte plus tard, quand sa conduite les fera connaître (1 Rois 2:36-46). «Tu ne mourras point», dit David au coupable.
Aux v. 24-30, nous avons une scène de paix (v. 24, 30). Mephibosheth descend à la rencontre de son bienfaiteur ; il avait mené deuil depuis le départ de David. Tsiba l’avait trompé et calomnié. Ici, l’on découvre un nouveau trait du caractère de Tsiba. C’était en compagnie du méchant Shimhi qu’il avait passé le Jourdain pour aller à la rencontre du roi (v. 16, 17). Le silence de David à son égard est caractéristique, mais, en apparence, c’est Mephibosheth que David reprend. Peut-être que, pour suivre David fugitif, son infirmité n’était pas un obstacle aussi insurmontable qu’il l’avait pensé. Peut-être avait-il, comme Jonathan, son père, un certain manque de courage moral pour s’associer aux dangers que courait son bienfaiteur. La chose ne nous est pas révélée, et nous en sommes réduits à des conjectures. Mais ce qui est certain, c’est qu’en l’absence de son roi, sa vie avait été une vie d’affliction, de deuil, de voeux et d’ardents désirs pour son retour (v. 24). Comment donc David peut-il le traiter si rudement ? «Pourquoi me parles-tu encore de tes affaires ?» (v. 29). Ces paroles rappellent un peu celles, en apparence si dures, de Jésus à la Syrophénicienne. Le Seigneur les prononçait pour mettre la foi de cette femme à l’épreuve. Quand un ingénieur a construit un pont, il y fait passer des fardeaux très lourds pour l’éprouver. Il en est ainsi des paroles de David. La précieuse foi de Mephibosheth est mise à l’épreuve, et il n’en sort qu’un parfum de dépendance et de renoncement à lui-même. Cette foi a trois caractères : Mephibosheth accepte la volonté de David comme étant la volonté de Dieu : «Le roi, mon seigneur, est comme un ange de Dieu : fais donc ce qui est bon à tes yeux» (v. 27). Cette volonté, quelle qu’elle soit, est bonne aux yeux de Mephibosheth, parce qu’elle l’est aux yeux de David (conf. Rom. 12:2). Il reconnaît, en second lieu, qu’il n’a aucun droit à la faveur du roi par sa descendance ou sa valeur personnelle : «Car toute la maison de mon père n’était que des hommes morts devant le roi, mon seigneur ; et tu as mis ton serviteur parmi ceux qui mangent à ta table ; et quel droit ai-je encore ? et pour quel sujet crierai-je encore au roi ?» (v. 28). Enfin, lorsque David reprend : «Je l’ai dit : Toi et Tsiba partagez les champs» (*), Mephibosheth répond : «Qu’il prenne même le tout, puisque le roi mon seigneur, est revenu en paix dans sa maison» (v. 30). Il renonce à tous ses avantages temporels ; il lui suffit que son seigneur ait retrouvé la place qui lui est due.
(*) David ne l’avait pas dit (conf. 16:4), ce qui semble indiquer qu’il reconnaissait avoir erré en quelque mesure.
Ah ! puisse notre foi, mise à l’épreuve, produire toujours de tels fruits !
À l’opposé de Mephibosheth, Barzillaï (v. 31-40) est éprouvé par l’offre de bénédictions temporelles. Il était très riche, mais bien différent du jeune homme que «Jésus aima», il avait mis sa fortune à la disposition du roi pendant son séjour à Mahanaïm (v. 32). Son grand âge ne l’avait pas empêché de se donner, corps et biens, au service de David. Celui-ci lui offre une récompense proportionnée à son dévouement : «Passe avec moi, et je t’entretiendrai auprès de moi à Jérusalem» (v. 33).
Mais Barzillaï n’avait pas travaillé pour une récompense et, ne s’en jugeant pas digne, la refuse. «Combien seront les jours des années de ma vie, pour que je monte avec le roi à Jérusalem ? Je suis aujourd’hui âgé de quatre-vingts ans ; puis-je distinguer ce qui est bon de ce qui est mauvais ? Ton serviteur peut-il savourer ce que je mange et ce que je bois ?... Et pourquoi ton serviteur serait-il encore à charge au roi, mon seigneur ?» (v. 34, 35). Que son fils Kimham profite du fruit de son travail, loin de s’y opposer, il s’en réjouit (v. 37, 38). Plus tard, comme Mephibosheth à la table de David, les fils de Barzillaï mangeront à la table de Salomon (1 Rois 2:7).
Trois choses suffisent à cet homme de Dieu, outre le bonheur de voir les droits du roi reconnus au-delà du Jourdain et de le voir réintégré dans son royaume. La première est la belle promesse du v. 38. «Kimham passera avec moi, et je lui ferai ce qui sera bon à tes yeux ; et tout ce que tu voudras de moi, je te le ferai». La seconde est qu’au moment de prendre congé de lui David lui laisse le gage de son amour : «Le roi baisa Barzillaï». Comme Énoch, il reçoit (par un baiser) le témoignage d’avoir été agréable à Dieu, dans la personne de son oint. La troisième est que le roi «le bénit» (v. 39). Jésus aussi, quittant ses disciples bien-aimés, étend ses mains pour les bénir et garde encore aujourd’hui la même attitude vis-à-vis de nous. Ses mains, quoique invisibles, restent étendues sur nous, laissant dans nos coeurs la certitude de toute l’efficacité de son oeuvre. Barzillaï retourne en son lieu avec la chaleur de l’amour, la joie des bénédictions, la promesse de David : «Tout ce que tu voudras de moi, je le ferai», et cette autre promesse glorieuse que son fils, que ses fils même, passeront avec le roi pour ne plus jamais le quitter et être assis à toujours à la table du roi de gloire !
Pareil à David, le résidu d’Israël retrouvera en réalité, comme le peuple l’eut autrefois en figure, un chemin pour rentrer en Canaan. Le Jourdain, le fleuve de la mort, est ce chemin. Il faut être mort avec Christ pour entrer dans l’héritage et dans les bénédictions des promesses. Puis vient Guilgal (19:40), le lieu de la circoncision, où l’opprobre d’Égypte fut roulé de dessus le peuple. Pour la première fois, ces fidèles de la fin sauront en réalité ce qu’est la vraie circoncision du Christ, «le dépouillement du corps de la chair». Ils entreront dans le royaume de Dieu comme des êtres nés de nouveau.
Ce passage qui s’applique au résidu, s’applique aussi, quoique d’une autre manière, à nous-mêmes. Sans doute, nous sommes maintenant morts avec Christ ; nous avons été circoncis, une fois pour toutes, dune circoncision qui n’a pas été faite de main, qui est la circoncision du Christ (Col. 2:11) ; nous ne pouvons pas être chassés des lieux célestes qui sont notre héritage ; mais notre infidélité a nécessairement pour conséquence la discipline du Seigneur. C’est ainsi que nous pouvons et devons perdre la jouissance des choses célestes par une chute, et si nous ne sommes pas chassés de Canaan comme David ou le résidu, du moins lui sommes-nous devenus étrangers, étant rejetés dans le monde dont la grâce de Dieu nous avait retirés.
Il suffit pour cela d’oublier un instant, en retournant aux choses dont la croix nous a séparés, que la mort de Christ, comme le Jourdain et Guilgal, nous sépare du monde et de la chair. Alors, pour retrouver la puissance de ce que notre folie avait méprisé, nous sommes obligés de refaire en pratique le chemin jadis parcouru, de renouveler connaissance avec notre Jourdain et notre Guilgal et, par la repentance, de retrouver le but de la croix et la puissance de cette mort avec Christ, par laquelle nous avions été crucifiés au péché et au monde. Que Dieu nous donne de faire ces expériences avec sa Parole et non par des chutes positives. L’histoire de David nous apprend l’immense perte qu’une chute occasionna à son âme, malgré la perfection de la grâce qui se glorifia en le restaurant.
Du chap. 19:41, au chap. 20:2, nous assistons au dissentiment entre Israël et Juda. De fait, ni l’un ni l’autre parti n’avait pleinement raison. Israël avait trahi en masse, mais était revenu le premier après la mort d’Absalom (19:10) ; Juda s’était montré lent et paresseux d’abord, mais avait racheté ce peu d’empressement en répondant à l’appel de la grâce, alors qu’Israël délibérait encore (19:11-15).
Jalouses de cette décision de Juda, les dix tribus s’en plaignent au roi. Juda répond en faisant valoir ses liens étroits avec le fils d’Isaï et insinue qu’en ramenant le roi il n’a pas, comme d’autres, des motifs intéressés (19:42). Israël réplique : «J’ai dix parts au roi, et aussi en David j’ai plus que toi ; et pourquoi m’as-tu méprisé ? Et ma parole n’a-t-elle pas été la première pour ramener mon roi ?» (v. 43). Tous ces discours sont de la chair. L’ambition de jouer un rôle dans les choses de Dieu, la jalousie en présence de l’activité de nos frères, l’amour propre blessé, la préoccupation de nous-mêmes, ne sont certes pas le fruit de l’Esprit et des affections divines. Juda, malgré sa position meilleure, ne vaut pas mieux que les dix tribus. «La parole des hommes de Juda fut plus dure que la parole des hommes d’Israël» (v. 43). Ceux qui ont raison agissent sans amour, et il ne peut en résulter qu’une division. Elle s’accomplit au chap. 20:1, 2. À l’instigation de Satan qui emploie Shéba, fils de Bicri, pour cette oeuvre, Israël qui venait de dire : «J’ai dix parts au roi», s’écrie maintenant : «Nous n’avons point de part en David, ni d’héritage dans le fils d’Isaï» (v. 1). Tout Israël, pour une question personnelle, se sépare ainsi de lui ; c’est ce que l’ennemi désire. Il est souvent difficile au début de deviner ses intentions, mais le moment arrive toujours où il se démasque et entraîne après lui les pauvres saints aveuglés. Quelle folie de préférer à David un «homme de Bélial», un Shéba, fils de Bicri, Benjaminite ! Il en est toujours ainsi dans les luttes intestines du peuple de Dieu. Le but de Satan est de détourner les âmes de Christ. Peu lui importe ensuite que Juda reste attaché à l’oint de l’Éternel. Ce petit nombre n’est-il pas déconsidéré par le fait d’avoir été plus dur de parole que ceux d’Israël ? Il est humiliant pour Juda d’avoir manqué dans le conflit, mais une chose lui reste : la grâce de David l’avait prévenu. «Vous êtes mon os et ma chair». C’était lui qui avait incliné leurs coeurs comme un seul homme en réveillant chez eux le sentiment de leur union intime avec lui, (19:14). Tout le mérite en revenait à David. Par sa grâce, «les hommes de Juda s’attachèrent à leur roi, depuis le Jourdain jusqu’à Jérusalem» (v. 2). La bénédiction est donc pour Juda, malgré sa faute, car il est gardé là où David se trouve.
Ayant repris sa place au milieu du résidu de son peuple, David purifie sa maison de la corruption qui s’y était introduite. Il n’en chasse pas ses femmes souillées, pour la réédifier sur un nouveau pied, car il était lui-même coupable de toute cette ruine. Le mal, les vases à déshonneur, la souillure, sont là. David en porte la peine et l’humiliation, tout en se purifiant personnellement de ces choses, afin d’être un vase à honneur pour l’Éternel. Il ne s’allie nullement au mal que, pourtant, il avait provoqué. Au contraire, sa séparation est publique.
Il comprend qu’il doit être désormais un «vase à honneur, sanctifié, utile au Maître, préparé pour toute bonne oeuvre».
Ces choses, cher lecteur, s’appliquent à nous aussi. Nous traversons le temps de ruine, proclamé dans la seconde épître à Timothée. Nous ne pouvons rétablir la maison de Dieu, ni briser les vases à déshonneur, mais nous pouvons nous retirer de l’iniquité, portant ainsi le sceau du «solide fondement de Dieu» (2 Tim. 2:19-21).
David, décidé à renvoyer Joab, cherche à tenir la promesse faite à son neveu Amasa, en le faisant chef de l’armée (conf. 19:13) ; il le charge de rassembler les hommes de Juda pour poursuivre le fils de Bicri. Amasa tarde à s’acquitter de sa mission. Peut-être David manque-t-il de patience, car Amasa n’était pas un traître et il était déjà arrivé à Gabaon, non loin de Jérusalem, quand le corps d’Abishaï et l’élite sortaient de la capitale (v. 8). Le fait est que, par crainte du mal que Shéba pourrait faire, David retombe par Abishaï entre les mains de Joab. N’aurait-il pas dû consulter l’Éternel à ce renouvellement de son règne ? Dieu qui avait incliné une fois le coeur d’Israël, ne pouvait-il le faire une seconde fois ?
Joab, ambitieux sans scrupules, pour qui tout acte servant ses intérêts est légitime, redevient meurtrier pour la troisième fois, afin de reconquérir sa place.
Devant la ville d’Abel, la sagesse d’une femme arrête l’effusion du sang. La guerre fratricide prend fin par la mort de Shéba, le vrai coupable. Joab a lui-même une parole de sagesse ; il accuse Shéba d’avoir «levé sa main contre le roi, contre David» (v. 21). C’était, en effet, entrer au vif de la question, car l’attaque de Shéba était dirigée contre le roi. La femme d’Abel se rend compte que juger le coupable est la seule chose à faire pour ramener la paix : «Voici, sa tête te sera jetée par la muraille» (v. 21). Il ne s’agit pas, comme on le dit si souvent, que chacun reconnaisse ses torts et s’en humilie ; cela n’ôte pas le mal ; mais celui qui avait levé sa main contre David devait être retranché.
N’est-ce pas ce qui devrait toujours avoir lieu dans les conflits entre frères au sujet de la doctrine ? Les uns jugent, les autres acceptent l’hérétique, et la paix ne peut être rétablie que par le retranchement du méchant.
Ce chapitre se termine, comme le chap. 8:15-18, par l’énumération de l’ordre restauré dans l’administration du royaume. Ce qui suit est comme l’épilogue du livre.
Le royaume d’Israël restauré de nouveau, après les épreuves terribles et méritées qui l’ont assailli, on aurait pu croire qu’une ère de paisible prospérité allait s’ouvrir pour lui ; au contraire, il est visité d’une nouvelle plaie. Je ne doute pas que cette famine n’ait pu avoir lieu à un autre moment du règne, car il est dit : «Il y eut, du temps de David, une famine…» (v. 1), mais ce n’est jamais sans intention que l’Esprit de Dieu intervertit l’ordre du récit, comme nous le voyons à la fin des Juges et dans cent endroits des évangiles.
Le gouvernement de Dieu ne peut ignorer le mal, quel qu’il soit, et le juge avec d’autant plus de sévérité que l’assemblée est relativement dans un bon état. Bien des années s’étaient écoulées depuis l’acte sanguinaire de Saül ; l’histoire de ce roi n’en fait pas mention ; le peuple l’a peut-être oublié, peut-être aussi est-il inconnu à David, mais Dieu ne l’a pas oublié, et ce fait est resté devant ses yeux. L’assemblée d’Israël n’avait pas trempé dans le crime ; Saül qui l’avait commis était mort depuis longtemps ; pourquoi donc le remettre en mémoire ? C’est qu’il s’agit ici d’un principe de toute importance dans les voies de Dieu, soit envers son ancien peuple, soit envers l’Église. Le peuple est solidaire de l’acte de Saül, parce qu’il a eu lieu sur le terrain de l’assemblée d’Israël. La violation des engagements et du serment fait au nom de l’Éternel (Jos. 9:18), rendait la congrégation coupable du péché de son conducteur. Des générations s’étaient succédé depuis ; elles pouvaient invoquer leur ignorance — le crime reste, et Dieu, en temps voulu, le remet en mémoire.
Des faits pareils ne se passent-ils pas de nos jours et ne parlent-ils pas aux consciences des saints ? Peu importe le temps écoulé, l’Assemblée est solidaire de l’iniquité qu’elle a laissé commettre et reste souillée par un acte contre lequel elle n’a pas protesté.
Le lecteur connaît l’histoire des Gabaonites, on peut la lire au 9° chap. de Josué. Les Amoréens s’étaient fait recevoir par ruse dans la congrégation d’Israël, afin d’échapper au jugement de leur peuple. Dieu considérait comme lié ce que l’assemblée avait lié : elle ne pouvait révoquer son serment. Sans doute en plaçant les Gabaonites dans une position d’esclavage vis-à-vis du peuple, la grâce de Dieu avait affranchi Israël des suites d’un faux pas fait à la légère et par ignorance, mais la conséquence d’une décision selon la chair demeurait en permanence. Saül en juge autrement, car un homme dans la chair fait toujours exactement le contraire de ce que l’Esprit aurait enseigné. Et cependant Saül était plein de «zèle pour les fils d’Israël et de Juda» (v. 2), mais d’un zèle qui s’alliait hélas ! fort bien avec la haine contre l’oint de l’Éternel. Saul de Tarse était aussi rempli d’un zèle qui faisait de lui le persécuteur de Christ dans son Assemblée. De nos jours encore, on peut être zélé pour sa nation, pour son église, sans que Dieu y ait aucune part.
Ce Saül qui, pour son propre serment téméraire, aurait sacrifié son propre fils, libérateur d’Israël (1 Sam. 14:24, 44), ce même Saül méprise le serment par lequel Josué et les princes d’Israël s’étaient engagés au nom de l’Éternel vis-à-vis des Gabaonites.
La famine sévit trois années de suite, les coups se répètent sur l’assemblée de Dieu. La conscience de David est amenée, par l’épreuve, à désirer en connaître la cause : «David rechercha la face de l’Éternel» (v. 1). C’était sa seule ressource, et Dieu lui répondit immédiatement : «C’est à cause de Saül et de sa maison de sang, parce qu’il a fait mourir les Gabaonites» (v. 1). «Sa maison de sang !…» Quand le fils de Guéra, poursuivant David humilié, lui criait : «Sors, sors, homme de sang!... L’Éternel a fait retomber sur toi tout le sang de la maison de Saül... car tu es un homme de sang». Dieu enregistrait ces injures d’un homme de la maison de Saül, mais maintenant, le temps est venu d’exprimer Sa pensée sur cet outrage ; Dieu qualifie la maison de Saül de sanguinaire et justifie celle de David.
David, après avoir consulté l’Éternel sur la cause du châtiment, aurait dû, sans doute, continuer à le faire sur la manière de rendre justice aux Gabaonites. Au lieu de cela, il consulte ces derniers qui demandent sept hommes de la famille de Saül pour les pendre «devant l’Éternel à Guibha» (v. 6). David y consent, car, quoiqu’il en fût de sa faiblesse, le jugement était nécessaire. Mephibosheth en est préservé. David qui l’avait, en une autre occasion, traité avec une apparence de dureté, montre ici qu’il le porte toujours sur son coeur. Ce n’est pas un David, qui oublie ses serments. N’avait-il pas juré à Jonathan : «L’Éternel sera entre moi et toi, et entre ma semence et ta semence, à toujours» ? (1 Sam. 20:42).
Les deux fils de Ritspa, et les cinq fils de Mical (ou Merab) fille de Saül (conf. 1 Sam. 18:19), sont livrés aux Gabaonites. Le procédé de ces derniers — l’on ne peut s’étonner de leur indifférence aux prescriptions de la loi — n’est pas d’accord avec l’ordonnance du Deutéronome : «Et si un homme a commis un péché digne de mort, et qu’il ait été mis à mort, et que tu l’aies pendu à un bois, son cadavre ne passera pas la nuit sur le bois ; mais tu l’enterreras sans faute le jour même, car celui qui est pendu est malédiction de Dieu ; et tu ne rendras pas impure la terre que l’Éternel, ton Dieu, te donne en héritage» (Deut. 21:22, 23).
La «moisson des orges» pouvait être une excuse pour désobéir ainsi aux injonctions de l’Écriture, mais des excuses ne justifient pas la désobéissance. Il est probable cependant, d’après le récit, qu’ils furent enlevés du gibet pour rester exposés sur le rocher, au lieu de recevoir leur sépulture.
Ritspa, fille d’Aïa, mère de deux d’entre eux, déjà mentionnée auparavant au sujet du différend entre Abner et Ish-Bosheth (3:7), Ritspa accomplit un acte de piété qui mérite que son nom vive dans la mémoire des croyants. Elle se constitue la gardienne des sept cadavres. Le motif de son dévouement n’est pas que ses deux fils sont parmi les condamnés, car elle veille sur les cinq autres aussi bien que sur les siens. La postérité de celui qui avait été «l’élu de l’Éternel» (v. 6) lui tient au coeur. Elle montre sa piété envers la maison de son époux et de son maître. De plus, Ritspa est une femme de foi. Elle garde leur corps de toute profanation et les veille, n’ayant pour remplir sa pénible tâche que le sac de deuil qu’elle étend sous elle. Elle allie ainsi son deuil avec sa piété vigilante envers les morts. Il faut que leur sépulture au moins soit honorée. Elle ne veut pas les laisser de jour en pâture aux oiseaux des cieux, de nuit, aux bêtes des champs, comme s’ils étaient criminels et réprouvés. C’est ainsi qu’agissaient les nations envers le peuple de Dieu (Ps. 79:2), mais ce n’est pas ainsi que l’Éternel a commandé et qu’on agit en Israël !
La foi de Ritspa est récompensée : «Ce qu’elle avait fait fut rapporté à David» (v. 11). L’acte de cette femme est digne d’être enregistré dans le coeur du roi. Au milieu de son deuil, quelle joie ! Elle a trouvé un coeur qui la comprend et qui trouve son bonheur à la récompenser ; une grâce qui répond à ses désirs. Les os des descendants de Saül sont réunis à ceux de leurs pères dans le sépulcre de Kis. Celle femme était dans le chemin de Dieu et a obtenu la réponse que réclamait sa foi.
Désormais l’Éternel peut être propice au pays, car le jugement est exécuté, mais la grâce aussi a eu son cours, car, dans ses voies, Dieu ne s’arrête pas au jugement, et ce dernier prépare le chemin au triomphe de la grâce.
La fin de l’histoire de David a le caractère de son commencement. Goliath semble reprendre vie. Il en fut de même pour le Seigneur : après la tentation au désert, Satan le laissa pour un temps et réapparut en Gethsémané, cherchant à l’effrayer pour lui faire abandonner son oeuvre. Ses efforts furent vains et, dans le dernier cas comme dans le premier, la dépendance de Jésus remporta la victoire.
Qu’après la victoire de Christ, les «enfants du géant» s’attaquent à ses rachetés, pensant en avoir plus facilement raison que de leur Maître, leur sort sera le même ; ils sortiront vaincus de la lutte. Ce combat se répète quatre fois avec les Philistins ; c’est d’entre ces ennemis du dedans que sortent les enfants du géant, ces «loups dévorants» qui cherchent à ravir le troupeau en effrayant ses conducteurs.
La première fois, David est personnellement en jeu (v. 15-17). Il était descendu avec ses serviteurs, ne tenant compte ni de son âge, ni de ses forces : «David était fatigué» (v. 15). Jishbi-Benob, qui était des enfants du géant, redoutable par son arme — «le poids de sa lance était de trois cents sicles d’airain» invulnérable à cause de «l’armure neuve» dont il était ceint, veut profiter de l’apparente faiblesse du roi. Mais «Abishaï, fils de Tseruïa le secourut, et frappa le Philistin et le tua» (v. 17). C’est ainsi que ce serviteur de David est mis à l’épreuve ; il n’abandonne pas son maître dans le danger et a l’honneur d’être le sauveur de David. N’en est-il pas ainsi de nous ? Le Seigneur ayant combattu pour nous et nous ayant délivrés, n’avons-nous pas dans un sens le devoir de le secourir ? Son nom, sa personne, sa gloire, sont menacés par les agents de l’ennemi. Il s’attaque à notre David pour anéantir tout souvenir de Lui, et il sait qu’il a peu de temps, car déjà l’aube de Son règne glorieux est sur le point de se lever dans la personne de Salomon. L’ennemi réussira-t-il ? Nous sommes responsables de sa victoire ou de sa défaite. À nous maintenant, dans la puissance de l’Esprit de Dieu, à frapper le fils du géant, à vaincre ce qui s’attaque à Christ, à garder son nom et sa Parole intacts devant l’ennemi qui voudrait les anéantir.
Et même, si nous n’étions pas des «hommes forts de David», ne devrions-nous pas encore lui jurer, comme le firent tous ses serviteurs : «Tu ne sortiras plus avec nous pour la guerre, et tu n’éteindras pas la lampe d’Israël» (v. 17) ! La foi de tous est ainsi mise à l’épreuve. Ils sentent qu’ils ont à combattre eux-mêmes, chacun à son rang, afin que la lampe du peuple de Dieu ne soit pas éteinte et continue à briller de tout son éclat. Sans doute, notre David n’est jamais fatigué, comme celui de cette histoire : «Le Dieu d’éternité, l’Éternel, créateur des bouts de la terre, ne se lasse pas et ne se fatigue pas» (És. 40:28), mais, pour éprouver et fortifier notre foi, pour encourager nos coeurs dans la lutte et les réjouir par la victoire et la récompense, il aime à se placer, vis-à-vis des siens, dans une position où Lui, le vainqueur de Satan, semble avoir besoin de notre secours. Quel privilège de combattre pour Lui ! Le jour est sérieux ; Christ est attaqué de toutes parts ; l’effort semble formidable et dépasse de beaucoup nos faibles ressources. Ceux qui devraient être avec Lui et défendre l’intégrité de sa Parole et de sa Personne, font, hélas ! la plupart du temps, cause commune avec les fils du géant. Ne nous en mettons pas en peine.
Que notre David soit absent, comme dans les deux combats de Gob (v. 18, 19), il n’importe ; le même Esprit qui l’animait est encore avec nous. Peut-être serons-nous seuls, comme Sibbecaï le Hushathite, seuls contre Saph, car le géant frappé renaît toujours sous une autre forme. Qu’importe encore ? Peut-être, circonstance décourageante, le lieu où il a été vaincu, Gob, nous présentera une seconde fois le même terrain de bataille. Qu’importe, s’il nous faut rentrer dans les mêmes traces, alors que nous croyions en avoir fini avec une lutte déloyale ?
Sur ce terrain, voici Goliath, l’ancien ennemi, qui reparaît. «Et il y eut encore un combat à Gob avec les Philistins : et Elkhanan, fils de Jaaré-Oreguim, le Béthléhémite frappa Goliath, le Guitthien ; et le bois de sa lance était comme l’ensouple des tisserands» (v. 19). Goliath n’a donc pas été vaincu par David ? Ne t’en inquiète pas, ne t’en effraie pas, Elkhanan, héros de «la grâce de Dieu» (*), ce Goliath, le Guitthien, est un faux Goliath, se parant d’un nom trompeur, d’un nom de mensonge. Il n’est que Lakhmi son frère (conf. 1 Chron. 20:5). Mais il a la même lance, comme l’ensouple des tisserands ! (conf. 1 Sam. 17:7). Demande-lui, Elkhanan, où est son épée ? Elle est restée entre les mains de David et y restera toujours. La victoire, Elkhanan, t’est assurée ; il n’est pas même besoin, pour elle, d’une pierre de fronde que, certes, tu ne saurais manier comme ton roi. Ce qui le vaincra, c’est la confiance, c’est l’humble dépendance que tu as vues en David. Oui, quoi qu’il en soit, la victoire est à toi ; elle est à nous, parce qu’elle est à Lui !
(*) Elkhanan signifie : la grâce de Dieu.
Le dernier ennemi, monstrueux, formidable, n’est pas nommé, mais «lui aussi était né au géant», «homme de haute stature qui avait six doigts aux mains et six orteils aux pieds, en tout vingt-quatre» (v. 20-22). Comme jadis Goliath, il outrage Israël (v. 21 ; 1 Sam. 17:10). En l’absence de Christ, nous avons à combattre aussi bien pour Lui, que pour son peuple. Outrager l’un, c’est outrager l’autre. Nous avons des frères captifs de l’ennemi, comme Lot, tristement alliés comme lui au monde, dont il s’agit de les «sauver avec crainte, les arrachant hors du feu» (Jude 23). Mettons-nous à la brèche, comme Jonathan, fils de Shimha ; montrons, comme lui, que nous portons par grâce le nom de «frères de David» (v. 21). Ayons à coeur, comme lui, les intérêts de son peuple.
Qu’il est pénible de s’entendre dire : De quoi vous mêlez-vous ? Nous sommes bien où nous sommes. Vous nous faites la guerre ; car ils s’identifient avec l’ennemi qui les asservit et préfèrent leur esclavage à la liberté qui leur est offerte. Qu’importe encore ? Combattons pour eux, frappons cette puissance formidable qui outrage le peuple de Dieu. Encore un coup ; ce sera le dernier. Plus qu’une victoire, et l’Éternel nous aura délivrés de la main de tous nos ennemis, et nous pourrons Lui adresser en paix, comme David, les paroles de notre cantique !
Nous voici arrivés à la délivrance définitive de David. Tous ses ennemis, dont Saül faisait partie (v. 1), ont disparu. Ce cantique qui prendrait place, historiquement, au commencement du chap. 7 (v. 1), est placé ici, parce que le dernier des adversaires de David et de son peuple vient d’être anéanti (21:21), et que, dès lors, cette puissance hostile ne relèvera plus la tête. De fait, ces paroles que nous retrouvons au Ps. 18, n’ont pu être prononcées à cette occasion, car elles mentionnent un temps où David n’était pas sous la discipline, mais avait été, par grâce, préservé de chute au milieu des poursuites de son cruel ennemi. Mais, même en ces temps de force et de sainteté qui avaient caractérisé la première période de sa carrière, jamais David, comme nous le verrons, n’aurait pu s’appliquer toutes les paroles de ce Psaume. David était prophète ; ses chants prophétiques sortaient de ses expériences personnelles, mais ils n’auraient pas été prophétiques, s’ils n’avaient pas eu Christ pour objet. Dans ses expériences, David est un reflet de Christ et c’est un immense privilège, mais ce reflet n’est que la lumière affaiblie, une reproduction atténuée du modèle parfait.
Ce Ps. 18 se divise en trois parties.
La première (v. 1-19), célèbre la délivrance de la main de Saül : «Il me délivra de mon puissant ennemi» (v. 18). Cette délivrance rappelle celle d’Israël, sauvé de la poursuite du Pharaon, à travers la mer Rouge : «Les lits de la mer parurent, les fondements du monde furent mis à découvert, quand l’Éternel les tançait par le souffle du vent de ses narines. D’en haut, il étendit sa main ; il me prit, il me tira des grandes eaux» (v. 16, 17). Cependant ce tableau ne correspond exactement, ni à la délivrance de David, ni à celle d’Israël hors d’Égypte. Il s’agit d’un temps futur et prophétique. C’est la délivrance du résidu de la fin, quand Dieu interviendra ouvertement et visiblement en sa faveur (v. 8-15). Il sera amené aux portes du sépulcre, et alors Dieu se montrera pour lui, et en un instant dispersera ses ennemis. Avant cette délivrance le résidu apprendra que son Messie, le fils de David, a traversé seul ces angoisses et les a portées, s’associant ainsi à la détresse future de son peuple, afin de pouvoir le délivrer. David n’a pu réaliser qu’en une faible mesure ces paroles, qui nous font penser aux angoisses de Gethsémané : «Les vagues de la mort m’ont environné, les torrents de Bélial m’ont fait peur ; les cordeaux du shéol m’ont entouré, les filets de la mort m’ont surpris» (v. 5, 6).
La seconde partie du Psaume (v. 20-30) est encore plus frappante, sous ce rapport, que la première. La cause de la délivrance de David est que Dieu prend plaisir en son oint, selon toute la perfection du caractère de ce dernier. Or, pas même avant sa chute, et combien moins après, le caractère de David n’a correspondu exactement à ces versets : «Et il me fit sortir au large, il me délivra, parce qu’il prenait son plaisir en moi. L’Éternel m’a récompensé selon ma justice, il m’a rendu selon la pureté de mes mains ; car j’ai gardé les voies de l’Éternel, et je ne me suis point méchamment détourné de mon Dieu ; car toutes ses ordonnances ont été devant moi ; et de ses statuts, je ne me suis pas écarté ; et j’ai été parfait envers lui, et je me suis gardé de mon iniquité. Et l’Éternel m’a rendu selon ma justice, selon ma pureté devant ses yeux. Avec celui qui use de grâce, tu uses de grâce ; avec l’homme parfait, tu te montres parfait ; avec celui qui est pur, tu te montres pur ; et avec le pervers, tu es roide» (v. 20-27). C’est d’un autre que lui, qu’il célèbre la perfection : «L’Éternel m’a rendu selon ma justice, selon ma pureté devant ses yeux». Christ seul pouvait donner un motif à son Père pour l’aimer et pour le sauver — mais son salut est devenu celui de son peuple (v. 28).
Dans la troisième partie du Psaume (v. 31-51), David célèbre ce que Dieu avait fait pour lui. Dieu lui a répondu en le délivrant «des débats de son peuple» (ce qui correspond dans l’histoire de David, à 2 Sam. 20), et en le faisant «chef des nations» qu’ils avaient subjuguées (v. 44). Les fils d’Ammon, les Philistins, les Syriens, Édom, ont dû se courber sous son joug. Mais comme tout cela nous parle d’un plus grand que David ! Il sort de l’épreuve pour être déclaré roi d’Israël et chef des nations. «Les fils de l’étranger» se soumettent à lui en dissimulant (v. 45). Dieu lui donne des vengeances et amène les peuples sous lui (v. 48). Il s’élève au-dessus de ceux qui s’élèvent contre lui (v. 49 ; conf. Ps. 2:2, 6).
Néanmoins David pouvait célébrer ces choses avec un coeur plein de reconnaissance. La grâce reposait alors sur lui, à cause de l’intégrité et de la perfection de sa conduite. Il était au bout du chemin des difficultés, et ce chemin était celui de la marche avec Dieu. Il célébrait avec un coeur tranquille et joyeux la délivrance que la grâce accorde à la fidélité. Du côté de David, tout est joie, liberté, puissance, actions de grâces ; du côté de Dieu, tout est faveur et grâce.
Qu’allons-nous trouver dans le chapitre suivant, où il est question de la responsabilité du roi ?
Voici maintenant les paroles qui terminent la carrière de David. À la veille de sa mort, il considère le résultat de toute sa vie comme roi favorisé de Dieu, mais responsable. Cette vie embrasse toutes ses expériences, sa chute, et la discipline qui en fut la suite. Au moment de quitter le monde, ses regards se portent en arrière, en avant, autour de lui, et sa vue est plus claire qu’elle ne l’a jamais été. Il revoit le passé, considère le présent, et contemple l’avenir, et nous apprenons ce qu’il en pense, éclairé par l’enseignement et l’inspiration de l’Esprit de Dieu.
Le v. 1 n’appartient pas aux dernières paroles de David. Il nous présente solennellement et comme une chose de toute importance, ce qui caractérisait l’homme qui a prononcé ces paroles. Le premier point c’est que, pour les prononcer, il était inspiré de Dieu. Les mots «a dit», répétés deux fois, signifient que David parlait en oracles. Il était donc inspiré sous les quatre acceptions dans lesquelles ce verset nous le dépeint : comme fils d’Isaï», dans l’humble caractère de sa descendance humaine — «comme l’homme haut placé», dans le caractère que Dieu lui a donné en l’élevant comme homme — comme «l’oint du Dieu de Jacob», dans son caractère de roi sur Israël, peuple des promesses — enfin, comme «le doux psalmiste d’Israël», dans son caractère de prophète, apportant la grâce à son peuple.
Quelles sont maintenant les paroles de cet homme que Dieu vient de nous décrire ? Il a d’abord rendu témoignage que c’était l’Esprit de Dieu qui avait parlé en lui. «L’Esprit de l’Éternel a parlé en moi, et sa parole a été sur ma langue» (v. 2). Ensuite, que Dieu lui avait communiqué directement ses pensées pour Israël, son peuple : «Le Dieu d’Israël a dit, le Rocher d’Israël m’a parlé» (v. 3). Nous avons ici l’autorité divine et solennelle, en même temps que l’affirmation la plus nette de ce qu’est l’inspiration. Elle emploie l’homme, tout l’homme et se sert, pour s’exprimer, de tous les caractères de cet instrument humain. S’il dit, c’est comme oracle ; s’il parle, c’est que l’Éternel a parlé en lui. Lui, n’y a rien mêlé qui fût de lui-même : «Sa parole a été sur ma langue». Dieu emploie de l’homme ce qu’il veut pour présenter ses pensées dans l’intégrité absolue de sa Parole. Mais si Dieu parle par David, il parle aussi à David : «Le Rocher d’Israël m’a parlé». Ce qu’il lui a dit fait partie du trésor de ses expériences personnelles.
Qu’est-ce que cette parole, si merveilleusement préservée, va nous communiquer ? Nous l’avons dit, et nous allons le voir : le passé, le présent et l’avenir : Le passé, c’est moi, c’est mon histoire ; le présent, c’est la grâce ; l’avenir, c’est Christ, c’est la gloire.
Le premier objet, toutefois, que Dieu présente à David et par lui, n’est pas lui-même, c’est-à-dire son passé, mais Christ, c’est-à-dire son avenir, et le nôtre avec Lui. David annonçait sans doute ici, comme avenir immédiat, le règne de Salomon, mais en réalité Salomon n’a point répondu à la splendide description qui nous est faite ici du futur roi de gloire. C’était, comme toujours, une prophétie de Christ. L’avenir est la chose immédiate dans les pensées de Dieu et doit l’être aussi dans les nôtres, comme il l’était dans celles de David. Quelle merveilleuse révélation du caractère du vrai roi ! «Celui qui domine parmi les hommes sera juste, dominant en la crainte de Dieu, et il sera comme la lumière du matin, quand le soleil se lève, un matin sans nuages» (v. 3, 4). Comme tout est frais, nouveau, jeune, immaculé, dans cette gloire, dans ce lever du soleil de justice ! Ce sera le commencement d’une ère de félicité sans mélange. Qui n’a assisté, par un matin de printemps, au lever du soleil dans un ciel d’une pureté parfaite ? Qui n’a senti son coeur se dilater, comblé de cette fraîcheur et de cette paix ineffable ? La beauté de cette apparition nous ravit ; rien ne vient troubler cette jouissance ; pas un point noir à l’horizon ; il semble que la possibilité d’un orage soit passée pour toujours ; on vit, on jouit sans arrière-pensée de ce spectacle — un matin sans nuages !
Mais le lever du soleil offre autre chose encore que la splendeur de cet astre dans un ciel pur : «Par sa clarté, l’herbe tendre germe de la terre après la pluie» (v. 4). La terre renouvelée nous apparaît comme ressuscitée par sa clarté. Il est dit de Salomon, type de Christ : «Il descendra comme la pluie sur un pré fauché, comme les gouttes d’une ondée sur la terre» (Ps. 72:6) (*). Les hommes, son peuple, sont pénétrés de ses rayons. L’herbe fauchée par le jugement fera place à une herbe nouvelle, qui sera le résidu, un peuple de franche volonté. La clarté du soleil de justice le fera germer, après qu’il sera descendu, avec abondance de bénédictions, comme la pluie rafraîchissante, sur son peuple abaissé. «Du sein de l’aurore» lui viendra la rosée de sa jeunesse (Ps. 110:3).
(*) Conf. Deut. 32:2 ; Prov. 19:12 ; És. 66:14 ; Michée 5:7.
C’est donc l’apparition de la gloire de Christ, leur joie et leur espérance, qui devance toute autre pensée dans le coeur de ceux qui le connaissent et qui l’aiment.
À la vue de cette gloire, David fait maintenant un retour sur lui-même et sur son histoire. C’est comme s’il disait : Voilà ce que j’aurais dû être et ce qu’un autre sera ; voici maintenant ce que je suis : «Quoique ma maison ne soit pas ainsi avec Dieu» (v. 5). Hélas ! pour écrire cette histoire d’humiliation et de honte, et pour la lire, il n’est besoin que de peu de mots. Mais on voit ici que David, en présence de la mort, n’avait plus à l’apprendre. Il n’a aucune confiance en lui-même, ni en sa maison, et les condamne l’un et l’autre. N’est-ce pas le mot du patriarche : «Les jours des années de ma vie ont été courts et mauvais» ! Voilà pour le passé. David n’avait ni répondu à ce que Dieu attendait de lui, ni montré ce que devait être le «juste dominateur des hommes».
Mais une chose restait, établie pour le présent et pour l’éternité : «Cependant il a établi avec moi une alliance éternelle, à tous égards bien ordonnée et assurée» (v. 5). Le présent, c’est la grâce, ce que Dieu a fait pour David, malgré ce que David a été. «Selon ce temps il sera dit... : Qu’est-ce que Dieu a fait ?» (Nomb. 23:23). L’alliance de Dieu est éternelle, assurée. C’est une nouvelle alliance, car l’ancienne était bien ordonnée, mais non pas assurée, ni éternelle, à cause de la responsabilité de l’homme. Dieu a cherché en lui-même un motif pour la nouvelle alliance ; l’homme n’y entre pas comme partie contractante. C’est pourquoi elle peut durer et ne jamais prendre fin. David se repose sur ce que Dieu a fait : «Car c’est là tout mon salut et tout mon plaisir, quoiqu’il ne la fasse pas germer» (v. 5). Elle ne germe pas maintenant, cette alliance ; elle germera avec un peuple nouveau (v. 4). Pour qu’elle puisse germer et que la pleine bénédiction soit introduite, il faut d’abord que le jugement soit exécuté, que «les fils de Bélial soient tous comme des épines qu’on jette loin... et ils seront entièrement brûlés par le feu sur le lieu même» (v. 6, 7) ; mais David peut s’appuyer fermement sur cette alliance et sur les promesses de Dieu.
On retrouve toujours les trois choses dont nous venons de parler, dans une âme qui se tient en la présence du Seigneur. N’ont-elles pas brillé de tout leur éclat, même chez un brigand sur la croix ? Cet homme se jugeait lui-même en reconnaissant la justice du jugement de Dieu : «Et tu ne crains pas Dieu, toi, car tu es sous le même jugement ? Et pour nous, nous y sommes justement ; car nous recevons ce que méritent les choses que nous avons commises». Il prenait pour mesure ce que Christ avait été : «Mais celui-ci n’a rien fait qui ne se dût faire». Il comptait sur sa grâce : «Souviens-toi de moi» et, regardant à sa gloire future, il ajoutait : «Seigneur, quand tu viendras dans ton royaume» (Luc 23:39-43).
Après les dernières paroles de David, Dieu nous montre qu’il garde la mémoire des hommes forts, compagnons de son oint jusqu’à l’établissement définitif de son règne. D’autres hommes dévoués, des Itthaï, des Shobi, se trouvèrent sur son chemin quand il fuyait de Jérusalem, mais ceux qui sont mentionnés ici étaient les associés de la première heure. Ainsi les douze disciples étaient distingués pour avoir accompagné le Seigneur «pendant tout le temps» qu’il entrait et sortait au milieu d’eux (Luc 22:28, 29 ; Actes 1:21). C’est encore ainsi que seront distingués ceux qui l’auront suivi pendant que le monde le rejette et le méconnaît.
Ces hommes sont ici (conf. 1 Chron. 11-12) au nombre de trente-sept.
Joab qui avait une place prépondérante comme chef de l’armée, jusqu’à la fin du règne, est exclu des hommes forts de David. Peut-être avait-il fait plus d’actions d’éclat que tous les autres ; on trouvait chez lui beaucoup de courage et même un certain dévouement extérieur au roi, mais ces qualités en elles-mêmes ne donnent pas une place dans le registre de Dieu ; sans cela, la Parole énumérerait presque tous les grands héros de l’humanité. Le Ps. 87 nous renseigne sur ce que Dieu entend par les hommes forts : «Je ferai mention», dit-il, «de Rahab (l’Égypte) et de Babylone à ceux qui me connaissent ; voici la Philistie, et Tyr, avec l’Ethiopie : celui-ci était né là» (v. 4). La gloire de ces héros des nations était passée et ne demeurait pas au-delà de leur courte existence, quoiqu’ils eussent rempli la terre du bruit de leur nom. «Et de Sion il sera dit : Celui-ci et celui-là sont nés en elle ; et le Très-haut, lui, l’établira». Tel était le caractère des hommes forts de David : ils étaient considérés comme appartenant par leur origine à la cité de la grâce royale. Mais l’Esprit ajoute : «Quand l’Éternel enregistrera les peuples, il comptera : Celui-ci est né là» (v. 6). Malgré tous les «celui-ci» passés, quand le registre des nations sera ouvert devant l’Éternel, il n’en trouvera qu’un, un seul, l’homme de sa droite, qui mérite d’avoir son origine en Sion. Les chefs des nations ont eu leur jour, et leur gloire s’est évanouie en fumée ; celui-ci dominera sur tous les peuples ; le point de départ et le centre de son royaume seront à Jérusalem, et «toutes les sources» des siens seront en lui (v. 7). Mais ses hommes forts, «celui-ci et celui-là», lui seront associés dans son règne.
Ce qui caractérisait les hommes forts de David, c’était donc l’association que la grâce leur avait donnée avec l’oint de l’Éternel. Joab n’avait jamais eu une telle relation ; ce livre nous l’a amplement démontré. Il se recherchait lui-même en servant David, et jamais ses actions n’eurent pour point de départ la communion avec son chef. Son nom est passé sous silence.
Parmi les hommes forts, la Parole en cite d’abord trois qui furent plus honorés que tous les autres. Quelle fut la cause de cet honneur ? Ces hommes avaient fait preuve d’une énergie persévérante pour procurer la délivrance du peuple de Dieu, mais dans le combat, ils ne comptaient pas sur eux-mêmes ; c’était l’Éternel qui opérait la délivrance par leur moyen. «L’Éternel», est-il répété deux fois aux versets 10 et 12, «opéra une grande délivrance.»
D’où provenait leur persévérance ? S’ils avaient été seuls, ils auraient certainement faibli, mais ils étaient tous trois «avec David» et sous ses yeux (v. 9) pendant le combat. Lui, leur inspirait le courage et la patience de l’effort. Ils l’avaient pris pour modèle, lui, qui pouvait dire : «Par toi, je courrai au travers d’une troupe» : «il enseigne mes mains à combattre ; et mes bras bandent un arc d’airain» ; et encore : «J’ai poursuivi mes ennemis, et je les ai détruits ; et je ne m’en suis pas retourné que je ne les aie consumés» (22:30, 35, 38).
Quel ennemi combattaient ces hommes de valeur ? Le Philistin, l’ennemi du dedans, comme nous l’avons vu si souvent au cours de ces méditations. Aucun ennemi n’est plus dangereux que celui-là ; les Égyptiens, les Moabites étaient moins à craindre que ceux qui, vivant dans les limites d’Israël, s’opposaient continuellement à la possession paisible du pays que Dieu lui avait donné en héritage.
Ces trois hommes n’avaient pas faibli dans cette lutte. Le premier, Josheb-Bashébeth avait levé sa lance contre huit cents hommes (*) ; il les avait tués en une fois et ne s’était arrêté que faute de combattants. De là sa prééminence, car son nom se traduit : «Celui qui est assis à la première place».
(*) Il y a ici quelque difficulté de traduction, peut-être aussi quelque erreur de copiste (comp. 23:8, avec 1 Chron. 11:11).
Le second, Eléazar, fils de Dodo, combattit seul en présence des hommes d’Israël. Il n’attendait d’eux aucun secours, car il ne comptait pas sur la force de l’homme. Être avec David (v. 9) lui suffisait pour défier les Philistins. Il les frappe et ne s’arrête que lorsque «sa main est lasse» (v. 10). Il peut y avoir des limites au combat de la foi, car Dieu se sert d’instruments imparfaits, sujets à atteindre le bout de leurs forces ; mais la persévérance d’Eléazar fut telle que «sa main demeura attachée à l’épée» (v. 10), et qu’il fut impossible de la séparer de l’arme dont il s’était servi. Que la victoire d’Eléazar soit aussi la nôtre ! Nos armes ne sont pas charnelles ; nous avons l’épée de l’Esprit qui est la parole de Dieu. Servons-nous-en de telle manière que nous faisions, pour ainsi dire, corps avec elle, même après le combat. Que ce dernier ait toujours pour effet de nous faire apprécier davantage la Parole, en sorte qu’il soit impossible de nous en détacher.
Le troisième de ces hommes fut Shamma, fils d’Agué, Hararite. Sous Eléazar, le peuple était monté assez mollement, semble-t-il, puisqu’il était revenu après Eléazar «seulement pour piller» (v. 10). Ici, le peuple «avait fui devant les Philistins» (v. 11). L’objet de leur contestation était «une portion de champ pleine de lentilles», une partie, bien petite, de l’héritage que Dieu avait donné à Israël, mais qui contenait de la nourriture pour ce peuple. L’ennemi cherchait à lui enlever le champ et sa récolte. Shamma (*), s’était placé au milieu du champ et l’avait conservé au peuple de Dieu. Ce fait parle à nos consciences. Notre héritage et notre «portion de champ» sont célestes, et nous avons à les défendre en même temps que la nourriture céleste, la Parole, que Dieu nous a confiée. Le peuple de Dieu s’enfuit lâchement devant l’ennemi, reconnaissant, à sa honte, les droits de l’incrédulité à anéantir la parole de Dieu. Soyons comme Shamma ; défendons-la sans crainte pour les saints, car nous sommes avec David. Comptons sur Dieu qui opérera «une grande délivrance».
(*) Et les deux autres avec lui (1 Chron. 11:14).
Les v. 13-17 présentent une seconde série de trois chefs. Ils ne sont pas nommés, et pour cause, dans l’acte que ces versets relatent, mais ils le sont ensuite dans leurs actions d’éclat (*). Pourquoi cette remarquable omission de leurs noms dans la relation de leur exploit ? C’est qu’il s’agit ici, non plus de l’énergie et de la persévérance, mais du dévouement de la foi. Or ce dévouement coule de source pour le coeur de serviteurs qui connaissent et apprécient leur Maître. De sa nature le dévouement est obscur. Quel homme a le droit de s’en vanter ? Notre David rejeté, invisible au monde, a-t-il ou n’a-t-il pas droit à notre dévouement par la toute puissante perfection de son caractère ? Le connaître, c’est l’aimer. Ces trois visiteurs de la caverne d’Adullam s’étaient attachés immédiatement à lui. Un simple désir de leur roi suffisait pour leur faire traverser tous les obstacles, sans tenir compte de leur vie, afin d’être à même de le satisfaire. Leur affection, bien plus que leur énergie, fut ainsi mise à l’épreuve. Le danger ne les épouvantait pas, quand il s’agissait d’aller puiser une goutte d’eau au puits de Béthléhem, parce que leur bien-aimé avait soif au temps de la moisson. Ils auraient succombé à la suite de cette entreprise, qu’ils n’auraient pas payé trop cher ce qui pouvait offrir à David une satisfaction, même passagère. Dieu enregistre ce dévouement dans son livre ; le roi l’apprécie, mais il ne veut pas en profiter : «N’est-ce pas le sang des hommes qui sont allés au péril de leur vie !» (v. 17). S’il provoque le dévouement des siens, son caractère à lui, est de se dévouer pour eux. L’eau qui lui est offerte ne fait que passer par ses mains pour être présentée «en libation à l’Éternel» (v. 16), car tout ce qui est fait pour Christ l’est pour Dieu, et Dieu l’accepte, offert par Christ, comme un sacrifice excellent. Un simple verre d’eau donné à «l’un de ces petits» pour l’amour de Christ, passe de son coeur dans le coeur de Dieu lui-même.
(*) Il peut être de quelque intérêt de donner ici les raisons pour voir dans Abishaï, Benaïa et Asçaël les trois chefs du vers. 13. Il est dit au vers. 17 : «Ces trois hommes forts firent cela», et au vers. 22 : «Il eut un nom parmi les trois hommes forts». Il faut remarquer en outre que quand il est dit, au vers. 23, que «Benaïa fut plus honoré que les trente», ces trente se trouvent être trente-deux dans les vers. 24 à 39. Si l’on en retranche Asçaël qui «était des trente» (v. 24), mais complétait le nombre trois avec Abishaï et Benaïa, et si l’on met à part Urie le Héthien si remarquablement placé au bout de la liste, tandis que 1 Chron. 11, le mêle avec les autres, on trouve «les trente», mais, comme nous l’avons dit, leur nombre complet est de trente-sept. 1 Chron. 11 et 12 en citent, pour un autre motif, un beaucoup plus grand nombre.
Les actions d’éclat de ces trois hommes n’atteignent pas celles des trois premiers. C’est d’abord Abishaï qui, pareil à Josheb-Bashébeth leva sa lance contre trois cents hommes qu’il tua, mais il n’eut pas la même persévérance de foi (v. 18, 19).
Nous trouvons ensuite Benaîa, fils de Jehoïada. Il combat les ennemis du dehors, Moab et l’Égypte. Il frappe deux héros de Moab (*). Comme David, il combat un lion seul à seul ; il tue l’Égyptien, comme David avait frappé Goliath, et, comme David s’était emparé de l’épée du géant pour le décapiter, Benaïa met à mort l’Égyptien avec sa propre lance. Benaïa marche fidèlement sur les traces de son maître, et sa grande affection pour lui l’amène à reproduire les traits de son modèle. Une telle marche trouve sa récompense : «David lui donna une place dans ses audiences privées» (v. 23), place de confiance, d’intimité et de communion. Benaïa a part aux secrets de son maître, reçoit la communication de ses projets et voit à tout moment la face du roi. Quelle part bienheureuse ! Si nous aimons le Seigneur Jésus pour le suivre dans l’obéissance et le servir, nous en serons récompensés par une proximité semblable à celle de Jean, le disciple bien-aimé, dont la place était dans le sein de Jésus.
(*) «Deux Ariel» ou lions de Dieu, héros.
Asçaël n’a pas de mention spéciale. Il avait pu faire quelque action d’éclat, mais sa confiance en lui-même et dans son agilité lui firent perdre de bonne heure sa carrière dans sa rencontre avec Abner (2:18-24).
Nous trouvons enfin les «trente», moins renommés que les six précédents, quoique le Seigneur n’oublie aucun des siens. Lorsque David parcourait la liste de ses serviteurs, avec quelle douleur ses yeux ne devaient-ils pas s’arrêter sur le nom d’Urie le Héthien qui la termine. Il était d’entre les hommes forts, et non pas le moindre de ces coeurs dévoués au roi et à son peuple. Et David l’avait immolé pour satisfaire une de ses convoitises ! Son nom restait là en témoignage contre celui qu’il avait servi. Ce seul nom d’Urie rappelait à David tout son passé de honte et de châtiment ; mais, se condamnant lui-même et exaltant la grâce qui l’avait restauré, il n’aurait jamais songé à effacer ce nom du livre où il était enregistré.
(*) 2 Chron. 3:1.
Le second livre de Samuel se termine par la plus merveilleuse révélation de l’oeuvre rédemptrice qui ait été donnée sous l’économie de la loi.
La Parole nous dit que «la colère de l’Éternel s’embrasa de nouveau contre Israël» (v. 1). Elle ne nous révèle pas à quelle occasion, mais nous avons vu, au chap. 21, que des faits, passés depuis longtemps, restaient présents devant Dieu, quand il s’agissait du châtiment ou de la discipline de son peuple. David fut l’instrument de ce châtiment : «Dieu incita David contre Israël, disant : Va, dénombre Israël et Juda». Nous trouvons en 1 Chron. 21:1, que, comme dans le cas de Job, Satan fut l’agent employé contre le peuple et pour séduire David. «L’accusateur des frères» aurait voulu que Dieu maudît le peuple et son prince ; il ne pouvait savoir que Dieu l’emploierait comme serviteur involontaire de ses desseins pour la bénédiction finale et le triomphe de ses élus.
On pourrait se demander en quoi le dénombrement du peuple était si contraire aux pensées de l’Éternel, car, dès la sortie d’Égypte, plusieurs dénombrements des hommes valides d’Israël avaient été ordonnés et approuvés de Dieu.
Le premier dénombrement qui soit mentionné (Ex. 38:25-27), avait pour but de recueillir l’argent (se montant à un béka par tête) destiné à former les bases des colonnes du tabernacle ; il avait donc lieu pour l’Éternel et en vue de son culte. Le second dénombrement (Nombres 1:2, 3) était destiné à établir le nombre des hommes propres pour la guerre, au moment où Israël allait entrer en conflit avec l’ennemi. La chose était selon Dieu ; il fallait que chaque Israélite, depuis vingt ans et au-dessus, comprît sa responsabilité personnelle dans les combats de l’Éternel (*). La Parole mentionne un troisième dénombrement (Nombres 26:2, 52-65) de ceux qui étaient propres au service militaire, en vue du partage du pays. Ici encore, le dénombrement était de toute importance, car chaque famille voyait augmenter on diminuer son héritage en Canaan, suivant le nombre de ses fils.
(*) Un recensement supplémentaire fut ordonné (Nombres 3:40) au sujet des premiers-nés, depuis l’âge d’un mois et au-dessus. Les Lévites leur furent substitués pour appartenir à l’Éternel. Ceux qui dépassaient le nombre des Lévites durent être rachetés, et l’argent du rachat fut remis à Aaron et à ses fils.
Le dénombrement de notre chapitre n’avait aucun de ces caractères. Le tabernacle étant bâti, Lévi substitué aux premiers-nés, l’héritage conquis en grande partie, restaient les hommes propres pour la guerre, mais Dieu «avait délivré David de la main de tous ses ennemis» (22:1). Qu’avait-il besoin de prendre connaissance du nombre de ses guerriers ! Son but, il le dit à Joab, était de «savoir le nombre du peuple» (v. 2). À l’instigation de Satan, le coeur de ce roi pieux subissait sur la fin de sa vie, une tentation très contraire à son caractère. David avait toujours été un homme humble devant l’Éternel (2 Sam. 7:18) et devant les hommes (1 Sam. 26:20). Il semblait qu’il ne fût pas obligé de se mettre en garde contre l’orgueil. Autrefois, la convoitise des yeux et de la chair l’avait entraîné, et il en avait été sévèrement puni ; maintenant tenté par l’orgueil de la vie, il ne résiste pas au désir de se rendre compte de ses propres forces, afin de savoir en quelle mesure il peut s’appuyer sur elles. Le châtiment l’atteint pour lui apprendre qu’il ne peut et ne doit compter que sur Dieu seul.
Joab blâme son maître. Cet homme qui ne s’était jamais jugé, condamne l’homme de Dieu. La parole du roi lui «était une abomination» (1 Chron. 21:6). Quelle honte pour un David d’être repris par un Joab ! On ne peut découvrir qu’une seule cause à la répugnance de ce dernier à obéir aux ordres du roi. Il n’y avait ni profit à tirer de cet acte, ni avantage à braver Dieu. Joab ne l’avait jamais fait que lorsqu’il pouvait y trouver son compte et que ses intérêts étaient en jeu. Pourquoi donc David commettrait-il cette action profane et inutile !
Le désir du roi prévaut. Pendant plus de neuf mois, Joab et les chefs de l’armée s’emploient au dénombrement, et pendant ces neuf mois la conscience de David ne parle pas ; mais, dès qu’il a obtenu le fruit de son désir, il lui trouve une saveur amère. Tant de peine dépensée pour un objet si misérable ! Et encore y manquait-il quelque chose, car Lévi et Benjamin n’avaient pas été dénombrés [1 Chr. 21 :6]. Devant ce résultat incomplet, David devait sentir doublement la folie de sa poursuite.
Nous faisons les mêmes expériences que lui. Satan nous leurre par des convoitises. Jamais la possession de leur objet ne peut rassasier le coeur d’un enfant de Dieu, parce qu’il ne peut faire taire sa conscience. L’homme du monde n’y trouve pas plus de satisfaction que le chrétien, mais il se met à la poursuite d’objets nouveaux par lesquels il espère combler le vide qu’il ressent. Il se réveille épouvanté, les mains vides, le coeur vide, image de la misère morale, ayant perdu la communion avec Dieu et la jouissance du ciel et n’ayant pas gagné celle de la terre. Sa conscience le reprend, et il vient à Dieu plein de repentance. Ah ! combien David désirerait maintenant effacer ces neuf mois funestes ! Il ne le peut. Alors il saisit la seule ressource qui lui reste et s’adresse à l’Éternel : «J’ai grandement péché dans ce que j’ai fait ; et maintenant, ô Éternel, fais passer, je te prie, l’iniquité de ton serviteur, car j’ai agi très follement» (v. 10). Il avait vu, dans une autre occasion, combien il en coûtait d’offenser la sainteté de Dieu. Un nouveau jugement allait-il tomber sur lui ! Les conséquences de son acte lui font peur, mais trop tard ; elles auraient dû l’épouvanter avant qu’il s’engageât dans ce chemin. Sa repentance ne peut pas rendre le mal moins coupable et moins digne de jugement ; elle ne peut pas expier son péché, ni le délivrer de ses conséquences. Que reste-t-il donc à David ! À subir le jugement qu’il aurait voulu éviter.
Mais ici sa foi se montre. L’Éternel, par la bouche de Gad, met devant lui trois choses ; il choisit la dernière. L’épée de l’Éternel, cette épée à deux tranchants, est plus rassurante pour lui que l’épée de l’homme, parce qu’il connaît Dieu. N’a-t-il pas appris, dans sa longue carrière de douleurs, d’épreuves et de combats, que «les compassions de l’Éternel sont grandes» ! (v. 14). Il se remet entre les mains de la justice, parce qu’il la sait inséparable de la miséricorde. David est dans une «grande détresse» (v. 14), comme le résidu d’Israël à la fin, mais il sait qu’il peut compter sur la grâce de Dieu (conf. 12:13).
La peste sévit ; l’ange a frappé du nord au midi, de Dan à Beër-Shéba (v. 15), dans toute la sphère du dénombrement (conf. v. 7) ; il arrive à Jérusalem, étend son épée sur la ville bien-aimée (1 Chron. 21:16). À ce moment, «Dieu se repent» et arrête la main de l’ange. Il ne l’arrête pas à cause de la repentance de David, mais à cause de sa propre repentance. Son jugement cède le pas à sa grâce, sans que ni l’un ni l’autre soit affaibli ou sacrifié.
Mais auparavant David intervient comme intercesseur et comme arbitre entre Dieu et le peuple : «Voici, moi j’ai péché, et moi j’ai commis l’iniquité ; mais ces brebis, qu’ont-elles fait ? Que ta main, je te prie, soit sur moi et sur la maison de mon père» (v. 17). Il prend le jugement sur lui et se met à la brèche, afin que les brebis soient épargnées ; il se charge du péché et de l’iniquité — mais hélas ! ce péché était son péché, ce jugement, il l’avait mérité. Un autre, un seul arbitre, a porté nos péchés sans en avoir aucun et, les faisant siens, a mis sa vie pour ses brebis, en disant : «Si donc vous me cherchez, laissez aller ceux-ci» (Jean 18:8).
Maintenant un troisième grand fait se présente. Le premier était la grâce, le second, l’intervention d’un arbitre entre Dieu et les hommes, le troisième est le sacrifice. C’est la miséricorde d’un côté, le sacrifice de l’autre, qui arrêtent le jugement définitif, et le vrai arbitre peut se lever et dire : «J’ai trouvé une propitiation» (Job 33:24). Jérusalem, la cité de la grâce, est épargnée, mais elle ne peut l’être que par le sacrifice expiatoire offert à Morija, dans l’aire d’Ornan, le Jébusien (2 Chron. 3:1).
Morija était le lieu historique où Abraham avait offert Isaac (*) (Gen. 22:2). C’est en cette montagne de l’Éternel qu’il «y a été pourvu». Combien plus, quand le péché d’Israël et de son roi avait suscité contre le peuple le jugement de l’Éternel ! Il y était pourvu maintenant par un sacrifice qui ne coûtait rien au peuple, mais dont David payait le prix complet. Il y a été pourvu d’une manière bien plus parfaite en cette même montagne où Jésus a été crucifié pour nous.
(*) Le fait a été contesté par la critique moderne, mais ses objections sont sans valeur.
Dieu qui avait autrefois pourvu à la victime pour l’holocauste, accepte le sacrifice, après en avoir prévu l’efficacité, et ainsi la grâce souveraine, régnant en justice, manifestée comme telle sur la croix, devient le moyen d’approche pour Israël. L’ancien tabernacle est délaissé avec son autel ; l’arche seule reste sur la montagne de Sion. Un nouvel ordre de choses commence. Le système de la loi est laissé de côté comme suranné ; la libre grâce qui pourvoit au sacrifice, vaut mieux que tout ce que l’homme pourrait offrir. C’est là que l’Éternel répond aux besoins de tout pauvre pécheur, là aussi que le croyant sacrifie et adore (conf. 1 Chron. 22:1). Ce n’est plus le tabernacle de Moïse, mais l’aire d’un Jébusien, étranger aux promesses, qui devient le lieu de rencontre entre Dieu et son peuple !