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Henri Rossier — Courtes méditations

 

 

La Patience

H. Rossier — Courtes méditations — n°15

ME 1922 p. 113-116

Il arrive souvent, chez le chrétien qui possède quelque énergie naturelle, que, en face d’une difficulté, le besoin d’agir se fasse immédiatement sentir. On se lance dans l’action pour conjurer le mal qu’on prévoit, ou pour remédier à celui dont on sent la menace pour soi et les autres. Cette énergie entraîne souvent une série de maux incalculable. La Parole nous présente plus d’un fait de ce genre. L’énergie intempestive de l’apôtre Pierre l’aurait conduit à sa perte éternelle si la grâce ne s’était occupée d’avance de sa chute et n’avait opéré sa restauration. L’énergie charnelle de Saül a le dessus quand sa patience est mise à l’épreuve. Il offre l’holocauste au lieu d’attendre l’arrivée de Samuel, et, comme conséquence de ce manque de patience, l’Éternel met fin à son règne (1 Sam. 13:8-14). Repassons devant Dieu notre propre histoire et nous y découvrirons aisément des cas semblables. Un danger menaçant pour nos frères (je ne parle pas ici de choses qui pourraient nous menacer personnellement) se présente ; nous courons à la brèche et engageons le combat. Si nous avions consulté l’Éternel, il nous aurait dit peut-être : «L’Éternel combattra pour vous, et vous, vous demeurerez tranquilles», (Ex. 14:14) ou bien : «Ce n’est point à vous de combattre dans cette affaire ; présentez-vous et tenez-vous là, et voyez la délivrance de l’Éternel qui est avec vous» (2 Chron. 20:17).

Le fait est qu’il faut au chrétien beaucoup plus de force pour l’attente patiente, que le monde appellerait inaction ou paresse, que pour le déploiement de l’activité. L’apôtre dit : «Étant fortifiés en toute force, selon la puissance de sa gloire pour toute patience» (Col. 1:11). Peut-on imaginer une force et une source de force plus grandes, pour aboutir à ce que les hommes appelleraient un si mince résultat ? Si nous voulons connaître la patience et la réaliser en la puisant à sa source, nous n’avons qu’à considérer le Seigneur Jésus, soit dans sa carrière terrestre, soit dans sa séance actuelle à la droite de Dieu. Si Jésus n’avait pas attendu patiemment deux jours là où il était, le miracle de Béthanie n’aurait pas eu lieu ; un mort n’aurait pas été ressuscité du sein de la corruption ; le Seigneur n’aurait pas été «déclaré Fils de Dieu en puissance», avant qu’il fut proclamé tel dans sa propre résurrection ; et la gloire de Dieu n’aurait pas été manifestée à la foi de Marthe !

La cause secrète pour laquelle la patience nous est si peu sympathique c’est que de fait elle ne se développe jamais sans plus ou moins de souffrance ; or l’homme naturel n’aime pas la souffrance. Était-ce une chose indifférente au coeur du Sauveur, sachant que sa présence empêcherait son ami Lazare de mourir, d’être éloigné de lui alors qu’Il eût pu être avec lui ? Or pas une fois, dans les circonstances les plus douloureuses de sa vie, sa patience ne lui a fait défaut un seul instant : il était parfait en cela comme en toutes choses.

Il est si vrai que la patience et la souffrance sont inséparables, dans la carrière chrétienne, que le verbe correspondant en grec au substantif patience ne peut être autrement traduit que par le mot endurer (1 Cor. 13:7 ; 2 Tim. 2:10 ; Hébr. 10:32 ; 12:2, 3, 7, etc.). Notre mot «patience» est dérivé lui-même du mot souffrir.

Mais revenons à la patience de Christ. Il dit au Psaume 40 : «J’ai attendu patiemment l’Éternel». En effet, Il l’a attendu jusqu’aux dernières limites de la patience. Quand il était plongé «dans le puits de destruction et dans le bourbier fangeux» sa patience attendait encore la réponse de Dieu. Aussi sa propre résurrection et notre salut éternel en ont été le fruit et les conséquences de la part de Dieu. Nous pouvons suivre à chaque pas cette patience merveilleuse à travers toutes les péripéties des heures qui précèdent la croix. «Il est opprimé et affligé, il est conduit à la boucherie, et il n’ouvre pas sa bouche» ; «il donne son dos à ceux qui le frappent et ses joues à ceux qui arrachent le poil ; il ne cache pas sa face à l’opprobre et aux crachats. Rien ne le fait sortir du chemin de la patience. Qu’est-ce donc qui le soutient ainsi ? L’amour, cet amour qui «supporte tout, croit tout, espère tout, endure tout» (1 Cor. 13:7) ; merveilleuse description de la patience de Celui qui est l’amour parfait ! Sa patience a tout supporté afin d’atteindre le but proposé qui était de nous acquérir pour Dieu et pour Lui. Il a enduré la croix, ayant méprisé la honte, à cause de la joie qui était devant lui. Maintenant encore, assis à la droite de Dieu, il s’offre à nous comme le modèle de la patience ; seulement nous ne trouvons plus chez un Christ glorifié la patience dans la souffrance, mais la patience dans le désir. Il dit : «Tu as gardé la parole de ma patience» (Apoc. 3:10) ; il encourage ses bien-aimés à l’attendre continuellement et à désirer Sa venue, comme Lui attend et désire que le Père lui donne le signal de se lever du trône pour venir prendre son Épouse auprès de Lui.

Si la patience est une des perfections inhérentes à la nature même de l’homme parfait, il n’en est pas ainsi de nous, chrétiens. Ayant la chair en nous, il nous faut apprendre la patience, contraire à toutes les aspirations du vieil homme. C’est pourquoi il est dit, ce qui ne pouvait être dit de Christ, que «la tribulation produit la patience». Celle-ci nous conduit elle-même à l’espérance (Rom. 5:3) et nous en fait apprécier toute la valeur (1 Thess. 1:3). Aussi ces résultats bénis de la tribulation ne font pas désirer à notre homme nouveau de s’y soustraire quoique nous puissions être ébranlés par elle (1 Thess. 3:3). Mais, dans ce dernier cas, notre châtiment reviendra chaque matin jusqu’à ce que nous ayons accepté la tribulation pour apprendre à goûter les fruits bénis de la patience. Plus nous avançons dans le chemin de la foi, plus notre patience revêtira les traits de celle de Christ. C’était ce que l’apôtre désirait pour ses chers Thessaloniciens : «Que le Seigneur» leur disait-il, «incline vos coeurs à l’amour de Dieu et à la patience du Christ !»

Combien nous devons désirer, à mesure que nous faisons des progrès dans la carrière chrétienne, de réaliser davantage cette patience du Christ, fruit de l’amour ! L’épître à Tite la fait ressortir comme étant l’ornement des vieillards dans la famille de Dieu ! (Tite 2:2).