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JÉRÉMIE LE PROPHÈTE

 

André Georges

 

Table des matières :

1     PRÉFACE

2     Famille et appel

2.1      Famille (Jér. 1:1)

2.2      Époque (Jér. 1:2-3)

2.3      Appel (Jér. 1:9-10)

3     La hardiesse

3.1      Parler en public

3.2      Messages au peuple

3.3      Messages aux chefs

4     La persécution

4.1      Sa famille (Jér. 11:18-19, 21 ; 12:7-11)

4.2      Le peuple

4.3      Pashkhur (20:1-3)

4.4      Sacrificateurs-princes (26:7-16, 24)

4.5      Capitaine-princes (37:11-21)

4.6      Hommes responsables-princes (38:1-6)

5     Le découragement

5.1      L’inutilité de la prédication (8:21 — 9:2)

5.2      Dans la perplexité (12:1-3)

5.3      Devant l’opposition douloureuse (15:10-21)

5.4      Sous la torture (20:7-18)

5.5      L’accumulation des souffrances (Lam. 3:1-33)

5.6      Pas lassé

6     Baruc (Jér. 36)

7     Le choix

7.1      Le choix de Jérémie (39:10-14 ; 40:1-6)

7.2      Le choix du peuple

 

 

1                        PRÉFACE

On ne trouvera pas dans cette brochure un commentaire du livre de Jérémie, mais une esquisse de sa personnalité, de sa vie et de son service, marqués par la fidélité et l’obéissance, en un temps de faiblesse et de confusion. Dernière voix qui se soit fait entendre de la part de l’Éternel dans la ville où il avait placé «la mémoire de son nom», avant sa destruction et le début du «temps des nations», qui dure encore, jusqu’à ce qu’Israël reconnaisse enfin son Messie.

Jérémie était un homme timide et faible. Mais la puissance de Dieu a opéré en lui. Comme l’a dit quelqu’un, «il n’importe pas de savoir qui est l’ambassadeur, mais quelle est la puissance qui l’envoie ; ceux qui le méprisent, ne méprisent pas l’homme, mais Celui qui l’a envoyé» (W. K.). La tragédie du prophète fut de devoir toujours annoncer le jugement, alors que tout son être reculait devant de telles perspectives.

Combien différente est notre part, de pouvoir présenter l’évangile de la grâce et du salut, par notre Sauveur et Seigneur Jésus Christ.

 

2                        Famille et appel

2.1   Famille (Jér. 1:1)

Jérémie faisait partie des «sacrificateurs qui étaient à Anathoth, dans le pays de Benjamin». Bien que connu comme prophète, il était donc de race sacerdotale, sans en avoir, que nous le sachions, jamais exercé la charge. Son village, Anathoth, situé à environ cinq kilomètres au nord-est de Jérusalem, avait été donné aux sacrificateurs descendants d’Aaron, de la famille de Kéhatites (Josué 21:18 ; 1 Chron. 6:60). Abiathar, le sacrificateur, était d’Anathoth (1 Rois 2:26). Du temps de Zorobabel, le village fut repeuplé par 128 de ses habitants, remontés de la captivité en vertu de l’édit de Cyrus, roi de Perse. Son lieu natal faisant partie du territoire de la tribu de Benjamin, Jérémie, quoique Lévite, était considéré comme un Benjaminite.

Il était fils de Hilkija. Son père était-il le grand sacrificateur dont il est souvent parlé durant le règne de Josias, ou un autre Hilkija ? Nous ne le savons pas exactement. Rappelons toutefois certains points au sujet d’Hilkija le grand sacrificateur. 1 Chroniques 6:13 le cite expressément dans la lignée des descendants d’Aaron. Son fils Guémaria est souvent mentionné par Jérémie (entre autres en 29:3). Esdras, le scribe, était un de ses descendants (7:1).

Hilkija est surtout connu pour avoir, avec Shaphan le scribe, retrouvé le livre de la Loi dans le temple en réparation. La dix-huitième année du roi Josias, cinq ans après que Jérémie eut commencé à prophétiser, Hilkija et Shaphan avaient récolté l’argent des coffres où on le recueillait de la main du peuple, afin de payer l’ouvrage du temple. À cette occasion, le sacrificateur trouve le livre de la loi dans la maison de l’Éternel (2 Rois 22:3-8). Josias, très impressionné par sa lecture, envoie Hilkija, Shaphan et d’autres, vers la prophétesse Hulda pour recueillir de sa bouche la parole de l’Éternel à ce sujet. Hulda ne peut que confirmer les châtiments annoncés dans le livre à l’égard du peuple qui abandonnait l’Éternel ; pourtant l’humiliation du roi a pour conséquence la suspension du jugement, de son vivant.

Josias prend très à cœur toutes les instructions de l’Écriture, en particulier celles du Deutéronome. Il fait lire au peuple «toutes les paroles du livre de l’alliance» (2 Rois 23:1-31). Puis il ordonne d’enlever du temple, et de brûler, tous les objets d’idolâtrie qui avaient été amassés (v. 4). Il supprime les hauts lieux des villes de Juda et des environs de Jérusalem. Il fait emporter l’ashère hors de la maison de l’Éternel, et la fait brûler dans la vallée du Cédron. Il abolit la prostitution sacrée et les maisons qui y servaient dans le temple de l’Éternel ; progressivement, il purifie tout le pays. Il accomplit même la prophétie de l’homme de Dieu de Béthel, qui avait annoncé du temps du roi Jéroboam (1 Rois 13) que les ossements des sacrificateurs des hauts lieux seraient brûlés sur cet autel.

Une fois le pays purifié, Josias, revenu à Jérusalem, commande de célébrer la Pâque à l’Éternel. Le culte de Dieu est rétabli ; les évocateurs d’esprits, et tout ce qui restait de l’idolâtrie, sont détruits, «afin d’effectuer les paroles de la loi écrites dans le livre que Hilkija, le sacrificateur, avait trouvé dans la maison de l’Éternel».

Revenons à Jérémie. Si son père était vraiment le grand sacrificateur, celui-ci craignait l’Éternel et sa Parole. Par contre les frères de Jérémie n’ont pas accepté sa prophétie, au contraire : «Tes frères et la maison de ton père ont agi perfidement envers toi ; eux aussi ont crié après toi à plein gosier» (Jér. 12:6). Notre prophète, selon l’injonction de l’Éternel, ne s’est jamais marié : «Tu ne prendras point de femme, et tu n’auras point de fils ni de fille en ce lieu-ci» (Jér. 16:2).

Honni de ses frères, sans épouse ni enfants, Jérémie fut un homme solitaire, qui ressentit le poids de cette solitude, même si, parfois, quelques amis se déclarèrent en sa faveur. Ne retrouve-t-on pas chez lui des traits de Celui qui viendrait plus tard, «Homme humble et solitaire», qui, malgré toute la grâce qu’il déploierait, serait rejeté de son peuple ?

 

2.2   Époque (Jér. 1:2-3)

Pendant 41 ans, de 629 à 588 avant J.-C., Jérémie exerça son ministère prophétique à Jérusalem et en Juda. La parole de l’Éternel vint à lui «dans les jours de Josias, fils d’Amon, de Jéhoïakim, fils de Josias, roi de Juda, jusqu’à la fin de la onzième année de Sédécias... jusqu’à ce que Jérusalem fût emmenée en captivité». Son service se poursuivit, dans une relative obscurité, au milieu des pauvres du pays que Nebucadnetsar avait laissés après la dernière déportation. Puis il suivit en Égypte les débris du peuple qui s’y réfugièrent. Il est bien probable qu’il mourut là, après y avoir prononcé la dernière prophétie que nous ayons de lui (Jér. 44).

Notre prophète a donc vécu toute la triste histoire des derniers rois de Juda.

Après la mort de Josias, trois de ses fils et un de ses petits-fils montèrent sur le trône. Tout d’abord Joakhaz, son troisième fils, règne trois mois. Jéhoïakim, l’aîné de Josias, vient ensuite, pendant onze ans. Le fils de Jéhoiakim, Jéhoïakin, appelé aussi Jéconias, âgé de dix-huit ans, règne trois mois et dix jours. Sédécias, dernier fils de Josias, devient roi à la place de son neveu, à l’âge de vingt et un ans, pendant onze ans. Parmi les descendants de Jéhoïakin, petits-fils de Josias, nous trouvons un Shealthiel (Esdras 3:2 ; Aggée 2:2) ou Salathiel (Matt. 1:12), père ou grand-père de Zorobabel, gouverneur d’Israël lors du retour de l’exil, selon l’édit de Cyrus (Esdras 1 et 2).

 

Josias

Joakhaz, 3° fils
(3 mois)

Jéhoïakim, fils aîné
(11 ans)

Sédécias, Cadet
(11 ans)

 

 

 

Jéhoïakin (= Jéconias)
(3 mois 10 jours)

 

Shealthiel

 

Zorobabel

 

Josias a régné trente et un ans. Jérémie commence à prophétiser la treizième année de son règne ; ces dix-huit ans constituent une période relativement facile de la vie du prophète. 2 Chroniques 35:25 exprime bien à quel point il ressentit la mort du roi : «Jérémie fit des lamentations sur Josias». Ces lamentations ne nous ont pas été conservées ; le livre qui porte ce titre considère avant tout la destruction de Jérusalem et les persécutions que Jérémie lui-même a endurées.

Après Josias, Juda sombre dans la décadence religieuse et politique : aucun des descendants du roi pieux ne craignait l’Éternel ; les invasions du nord se multiplièrent. Trois fois de suite, l’ennemi déporta en Babylonie tout ce qui comptait dans le pays et s’empara en particulier des ustensiles de la maison de l’Éternel (2 Chron. 36:7) ; leur départ marque le début du «temps des nations» (Luc 21:24). Daniel et ses compagnons furent emmenés en captivité à cette époque (Dan. 1:1-2, 6).

Habakuk et Sophonie prophétisèrent en Juda du temps de Jérémie. Daniel et Ézéchiel firent de même, mais en Babylonie. Dieu, dans sa grâce, parlait encore à son peuple, malgré l’accumulation de ses fautes et son endurcissement ; mais ils n’ont pas écouté.

 

2.3   Appel (Jér. 1:9-10)

Quel jour mémorable dans la vie de Jérémie quand Dieu lui parla pour l’établir prophète ! L’appel d’Ésaïe avait été solennel, dans le cadre du temple, avec la vision de l’Éternel sur son trône, des séraphins qui proclamaient Sa sainteté, et la réaction du prophète disant : «Malheur à moi car je suis perdu». Le charbon ardent pris sur l’autel, où avait été consumée la victime, touche ses lèvres ; propitiation est faite pour son péché. Il peut alors répondre à la voix du Seigneur : «Qui enverrai-je et qui ira pour nous ?» — «Me voici, envoie-moi» (Ésaïe 6:1-8).

Rien de semblable pour Jérémie. Un jour de sa prime jeunesse, la voix de Dieu se fait entendre et en quelques points précise pourquoi il veut l’envoyer. «Avant que je te formasse dans le ventre de ta mère, je t’ai connu». Préconnaissance de Dieu, qui, pour nous, se lie à son élection (1 Pierre 1:2), «avant la fondation du monde» (Éph. 1:4), et dont les motifs ne nous sont pas révélés.

Mais il y a plus quant à Jérémie. «Avant que tu sortisses de son sein, je t’ai sanctifié.» Le futur prophète, déjà conçu mais pas encore né, est «mis à part» (sanctifié) pour Dieu. Paul, en Galates 1:15, dit de lui-même : «Dieu m’a mis à part dès le ventre de ma mère» (voir encore Actes 9:15 ; 22:14). L’Éternel ajoute : «Je t’ai établi (ou : donné) prophète pour les nations». Un peu plus loin il précise : «Je t’enverrai».

Il semble découler de ces passages qu’il y a un choix éternel de Dieu quant au salut ; puis une mise à part particulière de certains serviteurs dès le sein maternel ; en outre, pour tout ouvrier du Seigneur, vient un appel précis, suivi d’une formation à l’école de Dieu, par des moyens divers, avant qu’arrive l’envoi dans le service lui-même.

Jérémie, fort jeune, est tout effrayé à la perspective qui s’ouvre devant lui : «Ah ! Seigneur Éternel ! Voici, je ne sais pas parler, car je suis un enfant». Quoique beaucoup plus âgé, Moïse a fait la même objection, lorsque l’Éternel veut l’envoyer en Égypte (Ex. 4:10). Amos nous rappelle qu’il n’était pas fils de prophète, ni prophète lui-même, mais un simple berger, pauvre ; pourtant l’Éternel l’avait pris quand il suivait le menu bétail et lui avait dit : «Va, prophétise à mon peuple Israël» (Amos 7:14-15). Timothée était jeune et timide ; pourtant l’apôtre avait voulu qu’il aille avec lui (Actes 16:3).

N’est-ce pas souvent notre objection ? Trop jeune, trop ignorant pour exprimer une prière en présence d’autres ; et lorsqu’on est en communion à la table du Seigneur, trop timide pour prier dans l’assemblée ! Les années passent ; on se trouve toujours trop jeune, en tout cas trop incapable, et l’on reste silencieux jusqu’à l’âge mûr et la vieillesse !

Que dire du témoignage extérieur ? Combien de fois on sent son incapacité à parler du Seigneur, à faire briller le témoignage de sa grâce, oubliant que lorsqu’il nous y engage, il y a en lui des ressources suffisantes pour nous aider à y répondre. Lors de la multiplication des pains, les disciples, devant l’ordre du Seigneur : «Vous, donnez-leur à manger» — pensent que d’avoir seulement cinq pains et deux poissons est bien insuffisant pour tant de monde. Mais que dit Jésus ? «Apportez-les-moi ici». Il multiplie alors les pauvres ressources des disciples, de façon à rassasier toute la foule, laissant encore de reste nombre de paniers ou de corbeilles.

L’Éternel va adresser à Jérémie diverses paroles d’encouragement et de promesses, et tout d’abord, des ordres précis : «Tu iras» (1:7). Il avait dit de même à Gédéon, qui se trouvait le plus petit de la maison de son père : «Va, avec cette force que tu as» (Juges 6:14). L’Éternel ajoute à Jérémie : «Tout ce que je te commanderai, tu le diras» ; et pour lui enlever toute frayeur, il affirme : «Je suis avec toi pour te délivrer». La même voix qui, avec des paroles semblables, avait encouragé Gédéon, s’est fait entendre aussi au grand apôtre arrivé à Corinthe «dans la faiblesse, et dans la crainte, et dans un grand tremblement» (1 Cor. 2:3). Dans une vision de nuit, le Seigneur lui dit : «Ne crains point, mais parle et ne te tais point, parce que je suis avec toi» (Actes 18:10).

Jérémie n’allait pas parler de son propre fond. L’Éternel étend sa main et touche sa bouche (v. 9) : «Voici, j’ai mis mes paroles dans ta bouche». Des révélations seraient faites au prophète ; il aurait à les transmettre fidèlement. Nous n’avons pas à attendre de nouvelles révélations, puisque nous avons l’Écriture complète, «utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire». Et l’apôtre d’ajouter, dans ses dernières paroles à Timothée : «Prêche la parole, insiste en temps et hors de temps, convaincs, reprends, exhorte».

Quel message terrible devait par contre apporter Jérémie : «Regarde, je t’ai établi... pour arracher, et pour démolir, et pour détruire, et pour renverser». Ce fut la tragédie de sa vie : toujours prédire le jugement, la destruction, la déportation. Sans doute, en certaines pages, annonce-t-il une bénédiction future très lointaine (31:28) ; pourtant tout l’essentiel de son message consiste à avertir le peuple des jugements inéluctables qui vont fondre sur lui, à cause de son obstination et de son orgueil.

Notre part est bien différente : «Combien sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, de ceux qui annoncent de bonnes choses» (Rom. 10:15). Ésaïe en avait eu la vision, celle des pieds de Celui qui annonce la paix. Dès lors, à la suite du Seigneur Jésus, combien de messagers ont été envoyés pour proclamer le même évangile, tout en avertissant les pécheurs des dangers qu’ils courent (Héb. 2:3). Jésus a confié à ses disciples, et à nous à leur suite, la mission de prêcher en son nom «la repentance et (littéralement : pour) la rémission des péchés» (Luc 24:47). Lors de sa première prédication aux nations, Pierre conclut, après avoir présenté Jésus comme juge des vivants et des morts, en disant : «Quiconque croit en Lui reçoit la rémission des péchés». De retour à Jérusalem, il est en butte aux critiques des frères «de la circoncision», qui lui reprochent d’être «entré chez des hommes incirconcis et d’avoir mangé avec eux». L’apôtre leur expose comment le Seigneur l’a conduit ; après l’avoir entendu, ils ne peuvent que se taire et conclure : «Dieu a donc en effet donné aux nations la repentance pour la vie» ! Dans son ministère, l’apôtre Paul proclamait le même message, insistant «sur la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus Christ» (Actes 20:21).

Le chrétien est appelé, en annonçant l’évangile, à avertir ceux qui le refusent, du jugement qui les atteindra ; mais son but est de présenter la grâce, la bonne nouvelle. Tandis que Jérémie annonçait d’abord le jugement et la destruction.

Pour encourager son serviteur, l’Éternel lui fait voir un bâton d’amandier, le premier arbre qui fleurit, presque au milieu des rigueurs de l’hiver ; en hébreu : l’arbre qui «veille», comme Dieu veille sur sa parole, la fait proclamer «de bonne heure», expression si souvent répétée par Jérémie. Cet amandier rappelait aussi la verge d’Aaron, bâton de bois mort qui en une nuit «avait poussé des boutons, et avait produit des fleurs et mûri des amandes» (Nomb. 17). Type de cette puissance de vie qui était en Christ et l’a ressuscité d’entre les morts, la même qui opère en chaque croyant pour le faire passer de la mort à la vie (Éph. 1:19-20).

La vision de l’amandier était encourageante ; celle du pot bouillant (v. 13) a rempli d’effroi le coeur du prophète. Ce pot bouillant, «dont le devant est du côté du nord», allait se renverser pour répandre son contenu sur le sol ; figure du malheur qui allait fondre sur tous les habitants du pays venant des royaumes du nord : la Syrie et Babylone. L’imminence du jugement devait engager le prophète à délivrer fidèlement son message, quoi qu’il en coûte.

Le jeune homme devait maintenant passer à l’action : «Toi, ceins tes reins, et lève-toi, et dis-leur tout» (v. 17). Pour qu’il ne s’effraie pas, l’Éternel lui présente trois objets propres à affermir sa confiance : une ville forte, une colonne de fer, des murailles d’airain. Mais, ajoute le Seigneur, la hardiesse est donnée au prophète, non pas en faveur du pays et de ses princes, mais «contre» les rois de Juda, les sacrificateurs et le peuple du pays (v. 18). Encore une fois quelle différence avec notre part : Nous avons la joie de présenter l’évangile, non «contre» ceux qui nous entourent, mais bien en leur faveur.

L’Éternel renouvelle sa promesse : «Moi je suis avec toi pour te délivrer». Sans doute, et le peuple, et ses chefs, combattront contre lui ; il y aura des persécutions et de la souffrance ; mais «ils ne prévaudront pas sur toi».

Cette assurance de la présence du Seigneur avec lui va encourager le jeune prophète, et lui donnera la hardiesse nécessaire pour délivrer son message. La même promesse a accompagné Moïse le législateur (Ex. 3:12), Gédéon le juge (Juges 6:2), Zorobabel et Joshua chefs du peuple revenu de l’exil (Aggée 2:4), et tant d’autres après eux ; tel Timothée, auquel l’apôtre laisse ce dernier souhait : «Que le Seigneur Jésus Christ soit avec ton esprit» (2 Tim. 4:22).

 

3                        La hardiesse

La hardiesse n’était pas naturelle à Jérémie, bien au contraire. Il a fallu toute la puissance de Dieu, et de son Esprit agissant en lui, pour qu’il délivre, au cours de tant d’années, les messages que l’Éternel destinait à son peuple et à ses chefs.

 

3.1   Parler en public

Quelle épreuve, pour ce jeune homme timide, de transmettre publiquement à ses auditeurs la parole que l’Éternel lui avait donnée pour eux. Citons-en quelques exemples.

Au chapitre 2, v. 1 à 2, Jérémie doit aller et «crier aux oreilles de Jérusalem : Ainsi dit l’Éternel». Au chapitre 7, v. 1 à 2, la mise à l’épreuve est encore plus prononcée, puisque notre prophète doit se tenir «dans la porte de la maison de l’Éternel, et là, crier cette parole et dire : Écoutez la parole de l’Éternel, vous, tout Juda, qui entrez par ces portes pour vous prosterner devant l’Éternel».

Bien des années plus tard, après dix-neuf ans de ministère, Jérémie est appelé, au commencement du règne de Jéhoiakim (26:1-2), à se tenir «dans le parvis de la maison de l’Éternel, et dire à toutes les villes de Juda, qui viennent pour se prosterner dans la maison de l’Éternel, toutes les paroles que l’Éternel lui avait commandé de leur dire ; et de n’en retrancher pas une parole».

Il ne s’agissait donc pas de conversations privées, d’entretiens à quelques-uns, mais d’une proclamation publique et générale, afin que chacun, à Jérusalem et dans les villes de Juda, entende l’avertissement divin.

Dans les Proverbes, la Sagesse «crie et fait retentir sa voix. Au sommet des hauteurs, sur le chemin, aux carrefours, elle se tient debout. À côté des portes, à l’entrée de la ville, là où l’on passe pour entrer, elle crie» (8:2-3). D’un côté, il nous est dit du Seigneur Jésus : «Il ne criera pas, il n’élèvera pas sa voix, il ne la fera pas entendre dans la rue» (Ésaïe 42:2) ; — mais lorsque l’occasion le demandait, il pouvait «se tenir là et crier : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive» (Jean 7:37).

La lampe n’est pas allumée pour être mise sous le boisseau ou sous le lit, mais pour briller, afin que «ceux qui entrent voient la lumière», que «la ville sur une montagne ne puisse être cachée» (Matt. 5:14-15, Luc 8:16). Les croyants d’aujourd’hui sont appelés à exercer une «sainte sacrificature, pour offrir des sacrifices spirituels, agréables à Dieu» ; mais aussi, à remplir «une sacrificature royale... pour que vous annonciez les vertus de celui qui vous a appelés des ténèbres à sa merveilleuse lumière» (1 Pierre 2:5, 9).

Quelle différence de pouvoir proclamer le message de la grâce, au lieu d’annoncer sans cesse le jugement, comme devait le faire Jérémie !

 

3.2   Messages au peuple

Au chapitre 2, le prophète rappelle les bénédictions d’autrefois : «Je me souviens de toi, de la grâce de ta jeunesse, de l’amour de tes fiançailles, quand tu marchais après moi dans le désert... Israël était saint à l’Éternel, les prémices de ses fruits». Souvenirs de la sortie d’Égypte, d’une époque similaire aux premiers temps de la conversion d’un jeune qui a été vraiment amené au Seigneur et en est plein de joie.

Le peuple avait ensuite été établi en Canaan : «Moi je t’avais plantée, un cep exquis, une toute vraie semence» (2:21). Ésaïe déjà, avait rappelé les soins du Seigneur pour sa vigne (Ésaïe 5:1-2). Jésus lui-même soulignera, dans la parabole des cultivateurs, les efforts du maître pour la sienne (Marc 12:1).

Israël avait abandonné l’Éternel son Dieu, déjà «dans le temps où il te faisait marcher dans le chemin». Quelle chose amère d’avoir abandonné l’Éternel (v. 19). Le peuple n’en avait pas conscience. Le prophète les conduit comme sur une colline et dit : «Regarde ton chemin dans la vallée, reconnais ce que tu as fait, dromadaire légère, qui vas çà et là croisant tes chemins». À toute époque de la vie, ne convient-il pas de porter ainsi nos regards en arrière, et de considérer le chemin parcouru ? Quelles traces avons-nous laissées ? Sont-elles droites à la suite du Seigneur, ou avons-nous erré çà et là, recherchant notre propre intérêt et non le sien ?

Au chapitre 7, le prophète met en lumière la double vie du peuple. D’un côté, ses prétentions à posséder le sanctuaire de l’Éternel : «Ne mettez pas votre confiance en des paroles de mensonge, disant : C’est ici le temple de l’Éternel, le temple de l’Éternel, le temple de l’Éternel !» (v. 4). Ils ne manquaient pas de se tenir «devant moi, dans cette maison qui est appelée de mon nom». Ils croyaient même que Dieu les délivrait pour persévérer dans leurs voies (v. 10). Ils avaient toutes les apparences de la piété, même le rassemblement dans le lieu choisi par Dieu. — D’un autre côté, qu’en était-il de la conduite pratique ? Que d’injustices, d’oppression, d’attachement à d’autres dieux ! À cause de ces actions si contraires à leur apparence extérieure, le jugement viendrait sur eux et sur leur temple.

N’y a-t-il pas une analogie avec la vie de quelques-uns parmi nous ? (Et chacun ne doit-il pas être exercé devant Dieu ?). On a été élevé dans un milieu chrétien, on en a conservé les habitudes, la fréquentation des réunions autour du Seigneur, une certaine allure chrétienne. Mais, comme les vierges de la parabole, on a une lampe, mais pas d’huile dedans ; on vit une autre vie, parallèle à la précédente, qui laisse une large place au monde et à ses convoitises. Quel danger de se trouver un jour devant une «porte fermée» !

Aussi Jérémie devait-il délivrer un message de jugement. Au chapitre 6, v. 16, il engageait le peuple à revenir aux «sentiers anciens», mais ils s’en défendaient. Il rappelait que des sentinelles avaient été établies sur eux pour les avertir, mais ils refusaient d’y être attentifs. Alors le prophète d’ajouter : «Écoute, terre, voici je fais venir un mal sur ce peuple, le fruit de leurs pensées... Voici un peuple vient du pays du nord, et une grande nation se réveille des extrémités de la terre». Inexorablement le pot bouillant allait se renverser, et, du nord, viendraient la détresse, l’angoisse, la terreur (v. 22-25).

Dans son inconscience, le peuple demande : «Pourquoi l’Éternel dit-il contre nous tout ce grand mal, et quelle est notre iniquité, et quel est notre péché que nous avons commis ?» (16:10). D’aucuns entendent l’évangile, mais ne veulent pas se reconnaître coupables, perdus ; ils estiment avoir mené une vie rangée et convenable, oubliant que le péché le plus grave qu’un homme puisse commettre est de rejeter Christ et son oeuvre : «Vos pères m’ont abandonné et sont allés après d’autres dieux... et vous, vous voilà marchant chacun suivant le penchant obstiné de son mauvais coeur, pour ne pas écouter» (16:11-12).

Ce jugement, Jérémie devra continuer à l’annoncer toute sa vie. Au chapitre 25, en la première année de Nebucadnetsar, en 607-606, la première déportation a lieu ; Daniel est emmené à Babylone, les ustensiles du temple sont partiellement emportés ; Jérémie rappelle alors au peuple : «Depuis la treizième année de Josias, jusqu’à ce jour, ces vingt-trois ans, la parole de l’Éternel m’est venue, et je vous ai parlé, me levant de bonne heure et parlant ; et vous n’avez pas écouté». L’Éternel a suscité d’autres prophètes, mais ils n’ont pas voulu prendre garde à eux non plus, ni revenir de leurs mauvaises voies. Le jugement est à la porte, mais ils refusent toujours d’écouter.

De cette année 606, partent les soixante-dix ans (25:11) annoncés par le prophète pour la captivité à Babylone, après lesquels un résidu remonterait avec Zorobabel, pour reconstruire le temple ; les premiers chapitres d’Esdras nous en donnent le récit. Les vases sacrés transportés à Babylone, profanés par le roi Beltshatsar (Dan. 5:1-3), reviennent en partie, à la suite de l’édit de Cyrus, afin d’être replacés dans le temple restauré (Esdras 1:7-11). Ces ustensiles symbolisaient le culte rendu à l’Éternel ; leur grande importance est soulignée par le fait que leur absence et leur retour marquent cet intervalle de soixante-dix ans annoncé par le prophète.

Pour rendre plus sensible au peuple le message de l’Éternel, Jérémie a été conduit à diverses «actions illustratives» qui devaient frapper ses auditeurs.

Il doit, un jour, acheter une ceinture de lin et la garder sur ses reins, sans la laver (Jér. 13). Dieu lui ordonne ensuite d’aller la cacher dans le creux d’un rocher près de l’Euphrate. Jérémie entreprend ce long voyage sans discuter. Longtemps après, il lui faut retourner chercher la ceinture, toute gâtée. L’allégorie est claire pour les habitants d’Anathoth, et pour tout le peuple : Dieu s’était attaché à eux «comme une ceinture s’attache aux reins d’un homme» (13:11) ; mais leur orgueil, leur refus d’écouter les paroles des prophètes, l’obstination de leur cœur et leur idolâtrie, leur vaudront d’être, comme la ceinture, transportés sur les rives de l’Euphrate.

Un autre jour, Jérémie doit aller à la maison du potier (Jér. 18), observer son ouvrage. «Le vase qu’il faisait fut gâté» dans la main de l’artisan. De la même masse, il façonne alors un autre vase, «comme il plut aux yeux du potier de le faire». Jérémie en tire cette leçon : Dieu peut, si le peuple se détourne du mal qu’il a fait, se repentir du jugement qu’il pensait leur faire subir ; inversement, la bénédiction prévue peut être perdue, si finalement l’on se détourne. Ce changement de pensée en Dieu (repentance : metanoïa : changement de pensée intérieure) n’implique pas un regret de la première décision, mais démontre toute la grâce et la justice de Dieu qui, lorsqu’il discerne chez le coupable le moindre signe de repentance, suspend l’exécution de son jugement. Cette patience de Dieu est rappelée à maintes reprises dans l’Écriture : lors du déluge («la patience de Dieu attendait» 1 Pierre 3:20) ; envers un homme aussi impie qu’Achab, roi de Juda (1 Rois 21:27-29) ; même dans le cas de «Jézabel» qui amène la corruption dans l’église («Je lui ai donné du temps afin qu’elle se repentît» (Apoc. 2:21).

Une autre fois, Jérémie doit acheter un vase de potier (Jér. 19). Aux yeux des anciens du peuple et des anciens des sacrificateurs, descendus avec lui dans la vallée du fils de Hinnom, le prophète brise le vase. Ainsi l’Éternel «brisera ce peuple et cette ville comme on brise un vase de potier qui ne peut être raccommodé».

Le chapitre 27 nous présente les six jougs que Jérémie est appelé à donner à divers rois, et à porter lui-même, en signe de l’esclavage auquel tous doivent être soumis de la part de Nebucadnetsar, roi de Babylone.

Mais pas plus que sa prédication, ses illustrations pratiques n’ont d’effet réel sur le peuple.

 

3.3   Messages aux chefs

À diverses occasions, Jérémie doit s’adresser aux conducteurs du peuple.

Au chapitre 21:1-7, il répond aux deux délégués que le roi Sédécias lui avait envoyés, en espérant que, par l’intervention du prophète, Dieu délivrerait Juda du roi de Babylone. Mais Jérémie, sans se laisser impressionner par l’importance de ses interlocuteurs, ne peut que confirmer le jugement qu’il avait annoncé.

Une autre fois, il s’adresse au roi Jehoïakim lui-même (22:l, 18), et ne craint pas de relever combien celui-ci était orgueilleux et dur, cherchant son propre intérêt, sa propre gloire, sans se préoccuper du bien de son peuple (v. 13-17). Josias, qui avait craint l’Éternel, était mort ; il ne convenait pas de se lamenter sur lui (v. 10). Joakhaz, emmené captif, ne reverrait plus le pays de sa naissance (v. 10-12). Quant à Jéhoïakim lui-même, il n’y aura pas de lamentations sur lui lors de sa mort violente, mais «il sera enseveli de l’ensevelissement d’un âne — traîné et tiré par-delà les portes de Jérusalem». Malgré cette terrible prophétie, le roi refuse d’écouter.

Jérémie s’en prend aussi aux pasteurs (23:1), qui détruisaient et dispersaient le troupeau, au lieu de visiter les brebis et d’en prendre soin. Ézéchiel, prophète de la captivité, a eu le même message pour les pasteurs d’Israël (Ézéch. 34). Ils n’ont pas fortifié les brebis faibles, n’ont pas guéri la malade, ni bandé la blessée, ni ramené l’égarée, ni cherché la perdue. Ils les ont gouvernées avec dureté et rigueur (v. 4) ; «et elles ont été dispersées». Toutes proportions gardées, de telles choses ne se sont-elles pas reproduites au travers de l’histoire de l’Église, et parfois même, du témoignage du Seigneur ? La dureté et la rigueur ont amené la dispersion. Il n’y a pas eu tous les soins que demande un troupeau, où toutes les brebis ne sont pas grasses et fortes, mais certaines aussi malades, blessées, égarées.

Jérémie fait aussi des reproches aux prophètes (23:9 et 16). Au lieu de transmettre la parole de l’Éternel, «ils disent la vision de leur cœur». Au lieu de «se tenir dans son conseil secret, de faire entendre ses paroles à son peuple», ils vont de l’avant selon leurs propres pensées. Quel danger de ne pas transmettre fidèlement le message de la Parole de Dieu, de le déformer par des vues personnelles, voire de l’altérer ! «Je n’ai pas envoyé ces prophètes, et ils ont couru ; je ne leur ai pas parlé, et ils ont prophétisé» (v. 21).

Jérémie s’adresse aussi aux sacrificateurs, chefs religieux responsables, et les avertit en particulier au sujet des «ustensiles de la maison de l’Éternel» (27:16). Ceux-ci n’allaient pas revenir de Babylone, comme l’annonçaient les faux prophètes ; au contraire, ceux qui restaient dans le temple seraient à leur tour emportés. Une telle déchéance ne devait-elle pas amener les responsables du culte à la repentance ? Mais ils n’en firent rien.

À plus d’une reprise, le prophète n’a pas craint d’interpeller directement le roi Sédécias. Son message n’est plus le même que du temps des rois précédents, où la repentance aurait suspendu le jugement. Plus d’une déportation avait déjà eu lieu ; l’injonction de l’Éternel était maintenant de se soumettre au châtiment : non pas se rebeller contre Nebucadnetsar, mais accepter le joug, se rendre, et servir le roi de Babylone. Au lieu de s’humilier, Sédécias et le reste du peuple s’obstinent à résister.

Dès son avènement, Jérémie parle à Sédécias (27:12) et l’engage à «prêter son cou au joug du roi de Babylone et le servir». Pendant le siège de Jérusalem (34:1-7), il réitère la même exhortation : Si tu ne te soumets pas, «certainement tu seras pris, et tu seras livré en sa main, et tes yeux verront les yeux du roi de Babylone».

Peut-être Sédécias avait-il été néanmoins un peu impressionné par l’insistance du prophète. «Quand Jérémie fut entré dans la maison de la fosse et dans les caveaux, et qu’il fut resté là bien des jours, le roi Sédécias envoya, et le prit ; et le roi l’interrogea en secret dans sa maison, et dit : Y a-t-il quelque parole de par l’Éternel ?» (37:16-17). Jérémie venait de traverser des mois terribles ; pour être délivré, il aurait pu, en quelque mesure, adoucir son message ; mais fidèle à la mission que Dieu lui avait confiée, il répond : «Il y en a une ; et il dit : Tu seras livré en la main du roi de Babylone».

Peu après, Sédécias se fait amener secrètement le prophète à la troisième entrée qui était dans la maison de l’Éternel (38:14). Une dernière fois, Jérémie exhorte le roi à sortir franchement vers les princes de Babylone, et à accepter le châtiment de Dieu, l’assurant qu’on ne le livrerait pas aux mains des Juifs qui s’étaient déjà rendus aux Chaldéens : «Écoute, je te prie, la voix de l’Éternel dans ce que je dis, et tout ira bien pour toi» (v. 20). Le roi hésite, mais ne peut se décider.

La neuvième année du règne de Sédécias, au dixième mois, Nebucadnetsar met le siège contre Jérusalem ; seize mois plus tard la brèche est faite à la ville (39:1-2). Le roi de Juda et ses hommes de guerre s’enfuient ; l’armée des Chaldéens les poursuit, capture Sédécias et ses compagnons, et les fait monter vers Nebucadnetsar à Ribla, où le jugement est prononcé : «Le roi de Babylone égorgea les fils de Sédécias, devant ses yeux ; le roi de Babylone égorgea tous les nobles de Juda ; et il creva les yeux à Sédécias, et le lia avec des chaînes d’airain, pour le mener à Babylone» (v. 6-7). Jérusalem est prise ; la maison du roi et les maisons du peuple sont brûlées ; les murailles, abattues ; le temple est pillé et détruit ; et le peuple, transporté à Babylone (2 Rois 25:9-11). Dans son accablement, Jérémie en est réduit à écrire ses «Lamentations».

«Comment est-elle assise solitaire, la ville si peuplée !... Elle pleure, elle pleure pendant la nuit, et ses larmes sont sur ses joues... Juda est allé en captivité... Il habite parmi les nations, il n’a pas trouvé de repos» (Lam. 1:1-13). Dieu a donné libre cours à sa colère contre «la fille de Sion» (2:1-2). L’autel a été rejeté ; le sanctuaire, répudié ; les murs des palais ont été livrés à la main de l’ennemi ; on a poussé des cris dans la maison de l’Éternel ; les remparts et la muraille sont détruits, les portes sont enfoncées ; les princes sont transportés parmi les nations ; la loi n’est plus, les prophètes ne trouvent pas de visions de la part de l’Éternel. Les anciens assis par terre gardent le silence et ont mis de la poussière sur leur tête ; les vierges de Jérusalem baissent leur tête vers la terre (2:7-10).

Le prophète rappelle aussi combien le siège de Jérusalem a été terrible. Les petits enfants demandaient du pain, personne ne le rompait pour eux. Ceux qui naguère mangeaient des mets délicats périssaient dans les rues, ceux qui étaient élevés sur l’écarlate embrassaient le fumier. Les habitants tués par l’épée ont été plus heureux que ceux qui ont dépéri et sont morts par la famine ; les femmes ont été jusqu’à manger leurs propres enfants (4:4-10).

Tout est détruit, tout est fini, tout a sombré dans le désespoir : «Notre coeur a cessé de se réjouir ; notre danse est changée en deuil. La couronne de notre tête est tombée. Malheur à nous car nous avons péché» (5:15-16).

Quand tout s’effondre, que reste-t-il ? — «Toi, ô Éternel ! Tu demeures à toujours» (5:19). Verset que, dans les ruines d’une mission en Chine, une de nos soeurs découvrait sur un pan de mur malgré la révolte qui chassait tous les chrétiens du pays, le Seigneur lui-même demeurait. — Un de nos frères qui visitait les ruines de Londres après la guerre, trouva les paroles suivantes gravées sur le linteau d’une porte, alors que tout le reste de la maison n’était que décombres : «Nous savons que, si notre maison terrestre qui n’est qu’une tente, est détruite, nous avons un édifice de la part de Dieu, une maison qui n’est pas faite de main, éternelle, dans les cieux» (2 Cor. 5:1).

«Toi, tu demeures.» L’espérance suprême de Jérémie, la certitude qui, malgré tout, restait dans son coeur, n’est-elle pas placée devant nous, pour qu’à travers le mal qui nous entoure et les jugements qui s’annoncent, notre confiance reste en Celui qui demeure et qui vient bientôt ?

 

4                        La persécution

Du vivant de Josias, Jérémie jouissait d’une certaine protection. Même si le peuple n’écoutait pas sa prédication, il ne semble pas avoir rencontré de résistance ouverte. Il n’en fut plus de même par la suite.

 

4.1   Sa famille (Jér. 11:18-19, 21 ; 12:7-11)

Jérémie ne s’est pas rendu compte, tout d’abord, de l’hostilité de sa famille. L’Éternel l’en avertit : «Tes frères aussi, et la maison de ton père, eux aussi ont agi perfidement envers toi... Ne les crois pas, même s’ils te disent de bonnes paroles». Avec les habitants d’Anathoth, ils cherchaient la vie du prophète, voulant mettre fin à sa prédication (11:21). Jérémie ignorait ces complots (11:19), jusqu’à ce que l’Éternel l’en informe.

Combien il est pénible de devoir vivre dans une famille divisée ! Le Seigneur jésus en avait averti ses disciples : «Je suis venu jeter la division entre un homme et son père, entre la fille et sa mère, entre la belle-fille et sa belle-mère ; et les ennemis d’un homme seront les gens de sa maison» (Matt. 10:35-36). Lorsqu’un membre d’une famille est amené au Seigneur, et que les autres résistent, que de tensions ! — Incompréhension des incroyants, hostilité parfois, persécution même suivant les pays et les religions. Quelle reconnaissance, si la grâce nous est faite de nous trouver dans une famille unie, où chacun aime le Seigneur et cherche à le servir. Bel exemple de «la maison de Stéphanas, les prémices de l’Achaïe», qui s’étaient «voués au service des saints» (1 Cor. 16:15) : Tous au Seigneur, tous désireux de le servir dans les siens.

N’ayant pu mettre leur dessein à exécution, les proches de Jérémie ont dévasté son héritage et sa vigne. Jérémie a dû abandonner sa maison, le petit domaine qu’il devait avoir reçu de son père. On le voit considérant avec tristesse cette terre dévastée, cette vigne foulée (12:7-11) (*). On peut même se demander si, lorsqu’il parle du «bien-aimé de son âme» (12:7) il ne s’agit pas (comme dans la traduction anglaise) d’une bien-aimée, une fiancée qu’il aurait dû abandonner, sa famille l’ayant gagnée à leur hostilité. En tout cas la parole de l’Éternel, qui vint à lui un peu plus tard, était claire : «Tu ne prendras point de femme, tu n’auras point de fils ni de filles en ce lieu-ci» (16:1-2).

 

(*) Ces versets ont aussi, comme tant d’autres, une portée prophétique quant au jugement de Dieu envers son peuple, son héritage.

Le prophète s’en est allé solitaire, abandonnant son héritage et ses espoirs, mais tenant ferme malgré tout pour continuer à proclamer la parole de l’Éternel.

 

 

4.2   Le peuple

Indigné de la prédication de Jérémie à l’occasion du vase remodelé par le potier, le peuple fait des complots contre le prophète, décide de le «frapper de la langue» et répand de faux bruits sur lui (Jér. 18:18). Le dénigrer, le calomnier, voilà un bon moyen d’arrêter sa prédication et de faire que plus personne ne soit attentif à aucune de ses paroles ! David avait fait cette expérience ; il supplie Dieu : «Cache-moi loin du conseil secret des méchants... qui ont aiguisé leur langue comme une épée, ajusté leur flèche — une parole amère» (Ps. 64:2-3). En Job 5:21, il nous est parlé du «fouet de la langue».

L’apôtre Pierre, avant d’exhorter les saints à s’approcher du Seigneur comme d’une pierre vivante, à exercer la sainte sacrificature pour offrir les sacrifices spirituels agréables à Dieu par Jésus Christ — les met en garde tout particulièrement contre «toutes médisances». Que de mal a été fait parmi le peuple de Dieu en colportant des choses, vraies peut-être, mais qui dénigrent et déprécient ceux dont on parle, tout en tâchant parfois de se rehausser soi-même ! Et que dire des calomnies, visant même des serviteurs de Dieu, risquant d’entraver leur ministère et de discréditer leur message, qu’il s’agisse de l’évangile ou de l’édification des croyants. Même un Paul en a fait la triste expérience, en particulier à Corinthe et en Galatie. Le Seigneur Jésus lui-même n’a-t-il pas été l’objet de l’accusation de faux témoins, de pharisiens qui prétendaient qu’il chassait les démons par le chef des démons ! Épreuve douloureuse pour le serviteur, mais responsabilité combien grave pour ceux qui le «frappent de la langue».

Jérémie s’était tenu devant Dieu pour parler en faveur de son peuple afin de détourner d’eux la colère de l’Éternel (18:20). Devant la médisance et la calomnie, il ne peut que prier encore : «Éternel, fais attention à moi, et écoute la voix de ceux qui contestent avec moi !» (v. 19).

 

4.3   Pashkhur (20:1-3)

À son retour de la vallée de Hinnom, où il avait brisé le vase devant les anciens et les sacrificateurs, Jérémie se tient dans le parvis de la maison de l’Éternel pour avertir encore une fois le peuple du jugement qui allait l’atteindre. Pashkhur, un sacrificateur, premier intendant de la maison de l’Éternel, l’entendant prophétiser ces choses, le frappe et le met au bloc à la porte haute de Benjamin. Le bloc était un instrument de torture, où le prophète doit passer toute la fin de la journée et la nuit qui suit, heures de souffrances physiques et morales, dont les versets suivants nous disent la répercussion dans son âme.

Au cours des siècles, que de croyants ont dû subir la torture : Étienne lapidé à Jérusalem, Paul et Silas battus et emprisonnés à Philippes, les nombreux martyrs des premiers siècles de l’Église, les huguenots et d’autres lors de la Réformation ; et de nos jours, combien d’enfants de Dieu en divers pays. Comme nous le voyons en Hébreux 11:33-38, les uns sont délivrés, échappent au tranchant de l’épée ; d’autres sont torturés, éprouvés, égorgés, errants. Le mystère de la volonté de Dieu laisse un Jean-Baptiste périr dans la prison, alors qu’un Pierre en est délivré. À Smyrne, il est dit «Sois fidèle jusqu’à la mort et je te donnerai la couronne de vie». À Philadelphie : «Je te garderai de l’heure de l’épreuve qui va venir» (Apoc. 2:10 ; 3:10).

Pourtant n’est-il pas frappant que dans le Nouveau Testament, la mort violente des serviteurs du Seigneur ne soit pas relatée (à l’exception d’Étienne, Actes 7, et, incidemment, de Jacques, Actes 12:2) ; ainsi au-dessus de tout, la mort du Seigneur Jésus lui-même, ses souffrances et son abandon, retiennent l’attention de nos cœurs.

 

4.4   Sacrificateurs-princes (26:7-16, 24)

Les années ont passé, Josias est mort, le bref règne de Joakhaz a pris fin. Jéhoiakim vient de monter sur le trône. Jérémie, une fois de plus prophétise «dans le parvis de la maison de l’Éternel». Quand les sacrificateurs, les prophètes et tout le peuple l’entendent, ils ameutent la foule ; on le saisit en disant : «Tu mourras certainement» (v. 8). Les princes de Juda, entendant ces choses, montent à la maison de l’Éternel ; les sacrificateurs et les prophètes s’acharnent contre Jérémie : «Cet homme mérite la mort».

Les princes lui donnent pourtant l’occasion de s’exprimer. Il rappelle comment il a suivi l’injonction divine de parler «contre cette maison et contre cette ville», et renouvelle son exhortation : «Amendez vos voies et vos actions, et écoutez la voix de l’Éternel votre Dieu». S’ils reviennent à Lui, certainement il se repentira du mal prononcé contre eux. «Pour moi, me voici entre vos mains ; faites-moi comme il est bon et droit à vos yeux. Seulement, sachez bien que, si vous me faites mourir, vous mettrez du sang innocent sur vous» (v. 14-15).

Les princes sont attentifs et déclarent aux sacrificateurs : Cet homme ne mérite pas la mort. Quelques anciens du pays rappellent la prophétie de Michée du temps d’Ézéchias, auquel le roi prêta attention ; le jugement fut suspendu. Akhikam, fils de Shaphan le scribe qui avec Hilkija avait découvert le livre de la loi, intervient en faveur de Jérémie, afin qu’on ne le livre pas aux mains du peuple pour le faire mourir (v. 24).

Pour cette fois, le prophète est délivré.

 

4.5   Capitaine-princes (37:11-21)

Quelques années plus tard, lors d’une suspension temporaire du siège de Jérusalem, Jérémie profite de sortir de la ville et d’aller chercher du ravitaillement dans le pays de Benjamin. Comme il passait la porte, un capitaine le saisit, l’accusant de se rendre aux Chaldéens. Jérémie a beau protester que c’est un mensonge, Jirija l’amène aux princes ; ceux-ci se mettent en colère, battent le prophète, et le jettent en prison «dans les caveaux», où il doit rester «bien des jours». Cette fois-ci personne ne l’a délivré.

Nous ignorons combien de temps Jérémie passa dans cette fosse, jusqu’à ce que le roi Sédécias envoie et l’interroge en secret dans sa maison : «Y a-t-il quelque parole de par l’Éternel ?» Le roi anxieux espère un mot de soulagement. En face de lui, le prophète qui a tant souffert sait que d’une parole Sédécias peut le libérer, ou au contraire le renvoyer dans la fosse. Que répondre ? — «Il y en a une». Puis, après un silence où l’on devine le regard plein de compassion du prophète pour le jeune roi, et en même temps sa détermination d’être fidèle au message que l’Éternel lui a confié «Tu seras livré en la main du roi de Babylone».

Pourtant Sédécias, en réponse à l’intercession de Jérémie, ne le renvoie pas dans les caveaux, mais le fait garder dans la cour de la prison. Un pain par jour nourrira le prophète, tant qu’il y en aura dans la ville.

 

4.6   Hommes responsables-princes (38:1-6)

Jérémie continue malgré tout à proclamer la parole de l’Éternel. Ce n’est plus le message des temps précédents : Amendez vos voix, repentez-vous, et le jugement sera suspendu. — Maintenant le châtiment est venu. Nebucadnetsar assiège la ville : il faut l’accepter de la main de l’Éternel, se soumettre, et se rendre aux Chaldéens. Lorsque certains hommes, dont la Parole a voulu conserver le nom (38:1), entendent le prophète, ils disent au roi, de concert avec les princes : «Qu’on fasse donc mourir cet homme !» À leurs yeux, Jérémie n’était qu’un traître, un collaborationniste de Nebucadnetsar. Sédécias, faible de caractère, le livre entre leurs mains, sentant qu’il ne pouvait rien contre eux. Ces hommes se saisissent alors de Jérémie et le jettent dans la fosse de la cour de la prison. «Il n’y avait point d’eau dans la fosse mais de la boue, et Jérémie enfonça dans la boue.»

Le prophète rappelle, dans ses Lamentations, la détresse de son âme dans cette terrible situation : «Ceux qui sont mes ennemis sans cause... m’ont ôté la vie dans une fosse, et ont jeté des pierres sur moi. Les eaux ont coulé par-dessus ma tête ; j’ai dit : Je suis retranché !» (Lam. 3:52-54). Se sentant périr, il crie encore à son Dieu : «J’ai invoqué ton nom, ô Éternel ! de la fosse des abîmes. Tu as entendu ma voix... Tu t’es approché au jour que je t’ai invoqué ; tu as dit : Ne crains pas. Seigneur, tu as pris en main la cause de mon âme, tu as racheté ma vie» (v. 55-58). En réponse à la supplication ardente de son serviteur, l’Éternel met à coeur d’Ebed-Mélec, un Éthiopien de la maison du roi, de tirer Jérémie de sa situation. Cet homme prend sur lui d’entrer vers Sédécias et d’intercéder en faveur du prophète ; il obtient la permission de le délivrer. Le roi lui donne trente hommes pour l’assister. Ebed-Mélec, plein d’attentions, prend de vieux lambeaux d’étoffe et les descend avec des cordes pour que Jérémie les mette sous ses aisselles, sous les cordes : «Et ils tirèrent Jérémie dehors avec les cordes, et le firent monter hors de la fosse».

Une fois de plus Dieu délivre son serviteur. Avant la fin du siège, lorsqu’il est encore enfermé dans la cour de la prison, il reçoit une parole spéciale de Dieu pour Ebed-Mélec : l’Éthiopien sera délivré au jour où la ville sera prise ; il ne sera pas livré en la main des hommes dont il a peur ; il aura sa vie pour butin, «car tu as eu confiance en moi, dit l’Éternel» (39:15-18). Le Seigneur n’oublie pas de récompenser les instruments qu’il emploie en faveur de ses envoyés (Matt. 25:34-45).

 

5                        Le découragement

Malgré son tempérament timide et réservé, notre prophète nous est apparu plein de la hardiesse que Dieu lui a donnée, et de la force d’âme qui l’a soutenu au travers des persécutions. Pourtant l’Esprit de Dieu n’a pas voulu omettre de la Parole les moments de découragement que Jérémie a rencontrés dans sa longue carrière. Considérons-en quelques-uns, et les réponses divines qui lui ont été accordées.

 

5.1   L’inutilité de la prédication (8:21 — 9:2)

Jérémie ressentait douloureusement en son âme la détresse qui serait la part de sa nation : «Je suis brisé de la ruine de la fille de mon peuple... je pleurerais jour et nuit les blessés à mort» (8:21 ; 9,1).

Mais il savait très bien que la cause des malheurs qui allaient survenir était l’iniquité de ses concitoyens, leurs mensonges, leur refus d’écouter Dieu, leurs calomnies, leurs tromperies, toutes leurs méchancetés (9:3-6).

À quoi bon prophétiser encore, avertir encore, puisque personne ne veut rien écouter ? «Oh ! qui me donnera dans le désert une cabane de voyageurs ! J’abandonnerais mon peuple et je m’en irais d’avec eux» (9:2). Autrement dit, j’en ai assez, je voudrais fuir au loin et ne plus rien avoir affaire avec ces gens.

David avait éprouvé les mêmes sentiments, lorsqu’il était en proie à l’acharnement de ses ennemis : «Oh ! si j’avais des ailes comme une colombe, je m’envolerais et je demeurerais tranquille ; voici, je m’enfuirais loin, et je me logerais au désert» (Ps. 55:6-7).

Jérémie n’a pas alors reçu de réponse directe de Dieu dans son désarroi, mais le psalmiste nous montre l’une ou l’autre des ressources divines qui ont dû lui être offertes. Quand David s’enfuyait devant Saül dans la caverne (Ps. 57:1), il s’écrie «Use de grâce envers moi, ô Dieu ! Car en toi mon âme se réfugie, et sous l’ombre de tes ailes je me réfugie, jusqu’à ce que les calamités soient passées» : Non pas les ailes d’une colombe pour s’enfuir, mais l’ombre des ailes du Très-Haut pour s’y réfugier. Et la conclusion du Psaume 55 : «Rejette ton fardeau sur l’Éternel, et il te soutiendra ; il ne permettra jamais que le juste soit ébranlé» (v. 22).

 

5.2   Dans la perplexité (12:1-3)

Comme nous l’avons vu, les premières persécutions que le prophète eut à subir lui vinrent de sa famille et des hommes de son village. Le début du chapitre 12 décrit sa réaction.

Jérémie est perplexe. La voie des méchants prospère, ceux qui agissent très perfidement sont en paix ; dans leur bouche ils parlent de Dieu, mais il est loin de leur coeur. Pourtant, ils sont plantés, ils prennent racine, ils progressent, ils portent du fruit (12:1-2). Le prophète lui-même, dont Dieu connaît le coeur, l’a suivi fidèlement, a répondu à son appel — mais les épreuves l’atteignent, et sa famille le hait. Pourquoi ?

Asaph fait la même expérience (Ps. 73). Il constate la prospérité des méchants, leur orgueil, leurs railleries, leur hauteur ; ils se moquent de Dieu, et pourtant «ils prospèrent dans le monde, ils augmentent leurs richesses» (Ps. 73:3-12). Lui, Asaph, qui a purifié son coeur, qui a «lavé ses mains dans l’innocence», connaît l’épreuve journalière ; il se torture l’esprit devant ce mystère des voies de Dieu : «Quand j’ai médité pour connaître cela, ce fut un travail pénible à mes yeux». Dieu donne une réponse à son serviteur, lorsque enfin, il entre «dans les sanctuaires de Dieu». Il comprend la fin des méchants ; il éprouve que le Seigneur est toujours avec lui et l’a tenu par la main droite. Les épreuves n’ont pas cessé : «Ma chair et mon cœur sont consumés». Mais il fait l’expérience que Dieu est le rocher de son cœur, et son partage pour toujours : «Je n’ai eu de plaisir sur la terre qu’en Toi... Pour moi, m’approcher de Dieu est mon bien» (v. 17-28).

Pour Jérémie, la réponse n’est pas si consolante, plutôt un «défi» : «Si tu as couru avec les piétons et qu’ils t’aient lassé, comment rivaliseras-tu avec les chevaux ?» (Jér. 2:5). Autrement dit si des épreuves relativement mineures, comme celles qui te viennent de ta famille, te lassent déjà, que feras-tu quand en surviendront de plus graves, comparables à des «chevaux» ou à un «Jourdain enflé» ? Sous-entendu, apprends à supporter les épreuves présentes afin d’être fortifié pour celles à venir.

 

5.3   Devant l’opposition douloureuse (15:10-21)

 

Les persécutions allaient en effet s’aggraver, et Jérémie en ressentir le poids. «Malheur à moi, ma mère, de ce que tu m’as enfanté homme de débat... chacun me maudit !» (15:10). Quel fardeau de devoir constamment annoncer le jugement, alors que de faux prophètes autour de lui prédisaient la paix ! Il n’en récoltait que malédiction et opprobre pour lui-même.

Pourtant, dit-il à l’Éternel : «Tes paroles se sont-elles trouvées, je les ai mangées ; et tes paroles ont été pour moi l’allégresse et la joie de mon coeur» (v. 16). La redécouverte du livre de la loi avait été pour lui une très grande joie ; il s’était nourri des paroles de Dieu. Il s’était séparé aussi des moqueurs, de ceux qui n’acceptaient pas cette parole ; il s’était «assis solitaire».

À quoi bon tout cela ? «Pourquoi ma douleur est-elle continuelle... elle refuse d’être guérie» (v. 18). Se tournant vers Dieu, il se demande si Celui-ci ne l’a pas trompé ! Ai-je bien fait de répondre à son appel d’être prophète ? «Me serais-tu bien comme une source qui trompe, comme des eaux qui ne sont pas constantes ?» Dans la plainte de Jérémie il y a des choses «précieuses» : surtout son appréciation de la Parole de Dieu ; mais aussi «des choses viles» (v. 19) : telle la défiance qui monte dans son cœur à l’égard de l’Éternel.

Job avait maudit le jour de sa naissance ; il avait accumulé les reproches contre Dieu, l’avait même accusé. L’Éternel, en se révélant à lui, ramène son serviteur, et lui donne, par le moyen de l’épreuve, une plus grande connaissance de la grâce divine : «Mon oreille avait entendu parler de Toi, maintenant mon oeil T’a vu : c’est pourquoi j’ai horreur de moi». Dans le jugement de lui-même, Job trouve la restauration.

Qu’en est-il de notre prophète ? que lui dit la parole divine ? — «Si tu te retournes, je te ramènerai, tu te tiendras devant moi» (v. 19). Autrement dit, détourne-toi de toi-même, tourne-toi vers moi ; et moi dans ma grâce je te ramènerai. De nouveau «tu te tiendras devant moi» ; tu auras la part du prophète qui «se tient dans le conseil secret de l’Éternel en sorte qu’il voie et entende sa parole» (23:18). D’autre part, «si tu sépares ce qui est précieux de ce qui est vil, tu seras comme ma bouche». Laisse de côté tes récriminations et tes doutes, retiens ce qui est précieux, et tu en reviendras à ton appel initial : «Voici, j’ai mis mes paroles dans ta bouche» (1:9). — Tu t’es assis solitaire (v. 17) ; tu as bien fait : «Qu’ils reviennent vers toi, mais toi, ne retourne pas vers eux». Même si tu souffres de ta solitude, ne t’associe pas à ces hommes méchants. Les promesses du premier chapitre sont presque mot pour mot renouvelées «Je te ferai être à l’égard de ce peuple une muraille d’airain bien forte ; ils combattront contre toi, mais ils ne prévaudront pas sur toi ; car je suis avec toi pour te sauver et pour te délivrer» (15:20 ; cf. 1:18-19).

 

5.4   Sous la torture (20:7-18)

Durant la fin de la journée et toute la nuit, Pashkhur avait mis Jérémie au bloc, à la porte de Benjamin où tout le monde pouvait le voir, torturé et souffrant, et se moquer de lui à l’envi. Quelle fut sa réaction ?

Jérémie rappelle à Dieu que lui-même ne voulait pas être prophète ; mais l’Éternel l’avait «saisi» et avait été le plus fort. Qu’en avait-il récolté, sinon dérision et moquerie ? «Toutes les fois que je parle, je crie, je proclame la violence et la dévastation ; car la parole de l’Éternel m’a été à opprobre.» Il s’était dit : «Je ne parlerai plus en son nom». Mais la parole avait été en lui comme un feu brûlant ; il n’avait pu la retenir (v. 8-9). De tous côtés on le calomniait. Ses familiers (les hommes d’Anathoth) guettaient sa chute, afin de se venger de lui.

Pourtant le prophète se ressaisit. Au milieu de tant d’épreuves, l’Éternel est avec lui (v. 11-13). Le sentiment de cette présence l’amène même à chanter, à louer, à anticiper la délivrance (v. 13). Tels, plus tard, Paul et Silas, dans la prison !

Mais un nouvel accès de douleur, et l’effort de Satan, le ramènent à sa détresse : «Maudit le jour où je naquis... Pourquoi suis-je sorti du ventre, pour voir le trouble et l’affliction, et pour que mes jours se consument dans l’opprobre ?»

Là se termine ce que Dieu a voulu retenir dans sa Parole de l’état d’esprit de son serviteur. Nous savons par d’autres passages qu’il n’a pas abandonné son ministère ; la nuit terrible à la porte haute de Benjamin a lourdement pesé sur son âme ; le souvenir de cette détresse nous a été conservé ; mais la persévérance du prophète ne reste-t-elle pas un modèle pour nous ?

 

5.5   L’accumulation des souffrances (Lam. 3:1-33)

 

Dans les deux premiers chapitres de ce petit livre, Jérémie se lamente surtout sur Jérusalem et sa destruction. Dans les chapitres 4 et 5 il rappelle les détresses du siège, et les conséquences de la victoire finale de Nebucadnetsar. Au centre des Lamentations, au chapitre 3, il rapporte surtout ses propres épreuves, dans un langage tel que, comme divers psaumes, il peut s’appliquer aussi aux souffrances de Christ.

Le prophète n’accuse pas le peuple et ses chefs, de toutes les persécutions qui lui ont été infligées. Il les reçoit de la main de Dieu : «Je suis l’homme qui ai vu l’affliction par la verge de sa fureur». Il rappelle les années de prison avec leurs ténèbres (v. 2, 6), la privation de la liberté (v. 7, 9) ; il se souvient de la torture qui lui a brisé les os (v. 4) ; il évoque les moqueries dont il a été l’objet : «Je suis la risée de tout mon peuple, leur chanson tout le jour» (v. 14). Sa vie s’est consumée «loin de la paix, en oubliant le bonheur» (v. 17) ; tout n’a été qu’affliction, absinthe et fiel : «Mon âme s’en souvient sans cesse et elle est abattue au-devant de moi».

Que de détresses cet homme de Dieu, pourtant si fidèle, n’a-t-il pas traversées ! Sa carrière porte bien le reflet de Celui qui viendrait «homme de douleurs et sachant ce que c’est que la langueur», qui, plus que tout autre, serait «méprisé et pour lequel on n’aurait aucune estime».

Si Jérémie se souvient de tant de souffrances, il souligne aussi les consolations reçues (v. 21-33) : «Je rappelle ceci à mon cœur, c’est pourquoi j’ai espérance : ce sont les bontés de l’Éternel que nous ne sommes pas consumés, car ses compassions ne cessent pas ; elles sont nouvelles chaque matin ; grande est ta fidélité !» Paroles qui ont soutenu la foi de nombreux croyants à travers les âges.

Mais il faut apprendre, et dans le silence, à attendre le salut de l’Éternel. Recevoir de sa main la discipline qu’il permet, «le joug dans la jeunesse». S’il le faut, accepter la solitude et se taire, parce que les épreuves viennent de lui, dans l’assurance toutefois que «s’il afflige, il a aussi compassion, selon la grandeur de ses bontés».

 

5.6   Pas lassé

À travers ces longues années douloureuses, le fait le plus remarquable est que Jérémie ne se soit pas lassé. Jusqu’au bout il a été fidèle à son Dieu, fidèle à son appel de prophète ; fidèle à son peuple, malgré sa rébellion, sa pauvreté, sa détresse.

Cette persévérance est résumée en quelques mots : «Je ne me suis pas hâté de cesser d’être pasteur en Te suivant» (Jér. 17:16).

Juda et ses chefs disaient : «Où est la parole de l’Éternel ? Qu’elle vienne donc !» Depuis le temps, Jérémie, que tu nous annonces le jugement, qu’il arrive ! Nous ne voyons pas du tout que tes prophéties se réalisent. Ils ressemblaient à ces moqueurs de notre temps dont parle Pierre : «Où est la promesse de sa venue ? Car, depuis que les pères se sont endormis, toutes choses demeurent au même état dès le commencement de la création» (2 Pierre 3:4). Nous savons pourtant que le Seigneur Jésus reviendra, d’abord pour enlever les siens, puis pour juger la terre. Jérémie affirmait : «Je n’ai pas désiré le mauvais jour». Il ne souhaitait pas, comme Jonas, que sa prophétie s’accomplisse afin d’avoir raison. Mais, humblement, il persévérait dans ce service de pasteur, de prophète, parce qu’il suivait Celui qui serait plus grand que lui, plus grand que Jonas, le vrai Serviteur qui «ne se lasserait pas, ne se hâterait pas, jusqu’à ce qu’il ait établi le juste jugement sur la terre» (És. 42:4).

Paul, plus tard, dira à ces Corinthiens qui l’avaient tant fait souffrir : «Ayant ce ministère comme ayant obtenu miséricorde, nous ne nous lassons point» (2 Cor. 4:1). Dans le sentiment de la grâce qui lui avait été faite d’être serviteur du Seigneur, l’apôtre persévérait. Il ajoute : «Nous ne nous lassons point ; mais si même notre homme extérieur dépérit, toutefois l’homme intérieur est renouvelé de jour en jour... nos regards n’étant pas fixés sur les choses qui se voient, mais sur celles qui ne se voient pas» (v. 16-18). Le renouvellement intérieur, chaque jour, est indispensable pour persévérer. Il importe que nos regards ne s’attardent pas sur les épreuves terrestres, mais se dirigent au-delà, sur les choses invisibles qui sont éternelles.

Et le prophète, et l’apôtre, nous ont laissé ce témoignage de la persévérance, qui, aujourd’hui encore, ne se lasse pas parce que les yeux sont fixés, par la foi, sur Celui qui «à cause de la joie qui était devant lui... a enduré une telle contradiction de la part des pécheurs contre lui-même». Seule une telle contemplation fera «que nous ne serons pas las, étant découragés dans nos âmes» (Héb. 12:3).

 

6                        Baruc (Jér. 36)

Voir au sujet de Baruc, fils de Nerija . l’article de A.G., dans le Messager évangélique 1962, page 207.

Le chapitre que nous venons de lire se situe en la quatrième et la cinquième année du règne de Jéhoiakim, fils de Josias, roi de Juda. L’armée de Nebucadnetsar avait déjà envahi le pays. Une première déportation avait eu lieu incluant Daniel et ses compagnons (Dan. 1:1-4) ; une partie des ustensiles du temple avait été enlevée. Toutefois le roi lui-même demeurait encore à Jérusalem et son règne devait se prolonger quelques années.

Les prophéties de Jérémie, proclamées depuis vingt-trois ans, n’avaient pas été écoutées. L’Éternel l’amène à écrire «toutes les paroles que je t’ai dites contre Israël et contre Juda, et contre toutes les nations, depuis le jour que je t’ai parlé, depuis les jours de Josias et jusqu’à ce jour» (36:2). Peut-être Juda écouterait-il en entendant la lecture de ces avertissements.

Le prophète lui-même dictait toutes les paroles de l’Éternel à son ami Baruc, qui les écrivait avec de l’encre sur un rouleau. Ce fut un long travail, puisque le livre ne fut lu aux oreilles du peuple qu’en la cinquième année de Jéhoiakim, au neuvième mois (v. 9). On peut se représenter les deux hommes dans la maison où se trouvait Jérémie — le prophète, sous la conduite de l’Esprit de Dieu, dictant soigneusement les paroles de l’Éternel — Baruc les écrivant avec application sur le rouleau — tous deux conscients de transmettre à ceux qui les liraient les paroles mêmes de Dieu.

Devant la gravité des circonstances, au neuvième mois de la cinquième année du règne de Jéhoiakim, on proclame un jeûne devant l’Éternel. Tout le peuple de Juda venait à Jérusalem, et se mêlait à ses habitants. Baruc est conduit à profiter de l’occasion pour lire les paroles de Jérémie «dans la maison de l’Éternel, dans la chambre de Guémaria, fils de Shaphan, le scribe, à l’entrée de la porte neuve de la maison de l’Éternel, aux oreilles de tout le peuple» (v. 10). Shaphan avait, avec Hilkija, retrouvé le livre de la loi lors des réparations du temple. Guémaria, fils de Shaphan, semble avoir marché sur les traces de piété de son père (v. 26). Son propre fils, Michée, entend Baruc lire toutes les paroles de l’Éternel. Il en est tellement impressionné qu’il descend dans la chambre du scribe, où les princes étaient rassemblés, et leur rapporte tout ce qu’il avait entendu (v. 13). Exemple pour des jeunes qui assistent à des réunions, des méditations, et ont à coeur d’en transmettre le contenu aux personnes malades, âgées, qui ne peuvent fréquenter le rassemblement. Service caché, mais combien utile, et apprécié de ceux qui en bénéficient. Les princes envoient chercher Baruc lui-même, avec le rouleau, afin d’entendre de sa propre bouche le texte lu aux oreilles du peuple.

On peut s’étonner que cette lecture des prophéties que Jérémie avait prononcées et répétées pendant tant d’années semble comme une chose nouvelle aux princes. Eux-mêmes n’avaient peut-être pas souvent entendu le prophète. Quoi qu’il en soit, on discerne la puissance de la Parole de Dieu écrite. Aujourd’hui encore on peut annoncer l’évangile, prêcher clairement, mais seule l’Écriture inspirée est, comme le dit le Seigneur Jésus, «la semence». La Parole est vivante et opérante ; les princes de Juda en font ce jour-là l’expérience.

Ils veulent s’assurer de la manière dont le rouleau a été écrit (v. 17). Baruc leur confirme expressément que : «De sa bouche, il m’a dicté toutes ces paroles, et moi j’écrivais dans le livre avec de l’encre».

Connaissant le caractère difficile de leur roi, les princes engagent Jérémie et son ami à se cacher.

Eux-mêmes se rendent chez Jéhoïakim, mais sans le rouleau, qu’ils déposent dans la chambre du scribe. Le roi désire entendre la lecture des paroles du prophète. Jehudi va chercher le rouleau et le lit «aux oreilles de tous les princes qui se tenaient là près du roi : et le roi était assis dans la maison d’hiver, au neuvième mois ; et le brasier brûlait devant lui». La scène ne manque pas de grandeur. L’effroi se dessine sur les visages : ils ne connaissaient que trop, pour l’avoir déjà éprouvée, la puissance terrible du roi du nord qui allait fondre sur le pays.

Mais Jehudi avait à peine lu trois ou quatre pages, que Jehoiakim s’emporte ; avec le canif du scribe, il lacère le rouleau et le jette au feu, jusqu’à ce que tout fût consumé. Trois hommes intercèdent auprès de lui, en particulier Guémaria, le fils de Shaphan, pour qu’il ne brûle pas le livre, mais il ne les écoute pas. Au contraire, il veut même faire prendre Jérémie et Baruc, «mais l’Éternel les cacha».

Jéhoiakim n’avait pas écouté Jérémie, lorsque, à plus d’une reprise, il s’adressait à lui. Maintenant, il rejette la Parole inspirée, écrite sur le rouleau, et le détruit. Responsabilité tragique, plus grande encore pour ceux qui, ayant entendu l’évangile de la grâce, le rejettent sciemment. «D’une punition combien plus sévère pensez-vous que sera jugé digne celui qui a foulé aux pieds le Fils de Dieu, et qui a estimé profane le sang de l’alliance... et qui a outragé l’Esprit de grâce ?» (Héb. 10:29).

À travers les siècles, Satan s’est acharné en vain à détruire la Parole ; Dieu a pourvu à ce qu’elle soit conservée, et parvienne jusqu’à nous. À travers tous les désastres d’Israël depuis la destruction de Jérusalem, les livres saints ont été conservés, recopiés, transmis. Aux premiers temps du christianisme, les persécutions acharnées dont les chrétiens ont été l’objet, n’ont pas réussi à faire disparaître tous les exemplaires de l’Écriture. Au cours des siècles, des copistes fidèles les ont reproduits avec le plus grand soin. À l’époque de la Réformation, la découverte de l’imprimerie a été une des conditions de la diffusion de l’Écriture, qui, jusque-là, avait été réservée à quelques privilégiés. Mais peu après, que d’acharnement contre tous ceux qui possédaient des Bibles, afin de détruire, et l’Écriture, et ceux qui la lisaient. Aujourd’hui encore, une vaste zone de ce monde ne reçoit des Bibles et des Testaments qu’au compte-gouttes.

Malgré tout «la Parole de Dieu n’est pas liée». Par l’imprimerie, par tous les moyens que Dieu emploie pour sa diffusion, la Bible est plus répandue aujourd’hui que jamais. Elle est traduite dans des milliers de langues et de dialectes, en tout ou en partie. Des hommes dévoués persévèrent dans ce travail. Les moyens techniques à disposition facilitent la diffusion, et Dieu s’en sert pour que des personnes toujours plus nombreuses soient mises en contact avec sa Parole.

Satan a d’autres ressources pour discréditer l’Écriture. Il jette le doute : «Quoi, Dieu a dit ?» (Gen. 3). «La Bible contient la Parole de Dieu, mais elle n’est pas la Parole de Dieu», disent certains théologiens. D’autres introduisent la raison humaine pour soi-disant l’expliquer ; les uns retranchent, les autres ajoutent ; d’autres encore déforment, soi-disant expurgent... Et Dieu veille sur sa Parole ; il opère par elle pour le salut des âmes qui la reçoivent avec foi ; elle pourvoit à la nourriture et à l’édification des siens : «Toute écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, pour convaincre, pour corriger, pour instruire dans la justice... Prêche la parole, insiste en temps et hors de temps, convaincs, reprends, exhorte, avec toute longanimité et doctrine» (2 Tim. 3:16 ; 4:2). En tout temps, en tout lieu, en toute circonstance, la Parole est à notre disposition. Épée de l’Esprit, feu et marteau, opérant dans les âmes, source de vie, de joie, et de lumière.

Combien Jérémie a dû être affecté quand il a appris la destruction du rouleau qui avait coûté tant de peines ! Une fois de plus, son ministère est rejeté. Mais la parole de l’Éternel vient à lui : «Prends-toi encore un autre rouleau, et écris-y toutes les premières paroles qui étaient sur le premier rouleau que Jéhoïakim, roi de Juda, a brûlé» (v. 28).

Les deux amis se remettent à l’ouvrage ; toutes les paroles du livre détruit sont reproduites ; «et il y fut encore ajouté plusieurs paroles semblables» (v. 32). Le Seigneur Jésus lui-même a dit : «Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas» (Marc 13:31).

Baruc prenait très à cœur ce qu’il écrivait. Plein de crainte, il n’en dormait pas, et se fatiguait dans sa douleur (Jér. 45:3). Tandis qu’il écrivait, Jérémie s’interrompt un jour dans sa dictée pour lui dire que l’Éternel, le Dieu d’Israël, a un message particulier, «à ton sujet, Baruc» (45:2). Le jugement arrivera comme l’Éternel l’annonce ; tout sera renversé, tout le pays ; le mal viendra sur toute chair ; «mais je te donnerai ta vie pour butin, dans tous les lieux où tu iras». Baruc pouvait compter avoir la vie sauve ; et devant les perspectives annoncées, prendre à coeur l’exhortation qui lui était faite : «Tu chercherais pour toi de grandes choses ? Ne les cherche pas».

Nous aussi savons que des jugements terribles atteindront ce monde. Avant leur déchaînement, nous avons l’espérance du retour du Seigneur pour enlever les siens. Consolation plus grande encore que l’encouragement donné à Baruc :

 

Mais à travers larmes et peines,

Ta voix nous arrive d’en haut,

Prélude aux délices prochaines,

Nous redisant : «Je viens bientôt».

 

7                        Le choix

À la fin de l’histoire du prophète, deux choix se présentent, l’un à Jérémie, l’autre au peuple : pour Jérémie la possibilité de se rendre à Babylone ou de demeurer dans le pays ; — pour le reste du peuple laissé par Nebucadnetsar en Juda, la décision d’y rester ou de redescendre en Égypte.

 

7.1   Le choix de Jérémie (39:10-14 ; 40:1-6)

Après dix-huit mois d’un horrible siège, Sédécias s’enfuit de Jérusalem ; poursuivi par l’armée des Chaldéens, il est atteint avec ses compagnons dans les plaines de Jéricho ; à Ribla, devant Nebucadnetsar, ses fils sont égorgés sous ses propres yeux ; tous les nobles de Juda sont mis à mort ; les yeux de Sédécias sont crevés ; lié avec des chaînes d’airain, il est mené à Babylone. «Et les Chaldéens brûlèrent par le feu la maison du roi et les maisons du peuple, et ils abattirent les murailles de Jérusalem» (v. 8). Le reste de Juda et les transfuges qui s’étaient rendus aux armées de Nebucadnetsar sont déportés à Babylone.

Nebucadnetsar avait donné des ordres particuliers au sujet de Jérémie : avoir les yeux sur lui, ne lui faire aucun mal, et agir avec lui comme il le désirerait. Le chef des gardes le tire de la cour de la prison ; mais, par une erreur qu’on ne s’explique pas, le prophète se trouve quand même lié de chaînes parmi les captifs qu’on transportait à Babylone.

Le chef des gardes le découvre et le délivre de ses liens. Il l’engage à venir à Babylone où il aura les yeux sur lui ; «mais, s’il est mauvais à tes yeux de venir avec moi à Babylone, ne viens pas. Regarde, toute la terre est devant toi : va où il est bon et droit à tes yeux d’aller» (40:4).

Voilà Jérémie, vers la fin de sa carrière — il devait avoir au moins soixante ans — placé devant ce choix : aller à Babylone, où il bénéficiera des faveurs du roi, où il retrouvera ses amis, Daniel, Ézéchiel et d’autres captifs déportés précédemment ; il y jouira d’une fin de vie relativement tranquille. Ou bien, rester avec les pauvres du pays que le roi laisse en Palestine, et exercer, au milieu d’eux, un ministère qui ne trouvera peut-être pas meilleur accueil que ses prophéties précédentes, mais apportera quand même, de la part de l’Éternel, un dernier soutien à ces débris d’Israël.

La Parole nous parle de plusieurs choix. Celui de Lot, auquel Abraham propose de choisir le premier, le patriarche se contentant du territoire que son neveu ne prendrait pas. Et Lot, au lieu de laisser son oncle décider d’abord, jette les yeux sur la plaine de Sodome ; nous connaissons la suite de son histoire. De Moïse, l’épître aux Hébreux confirme que, par la foi, «il choisit plutôt d’être dans l’affliction avec le peuple de Dieu que de jouir pour un temps des délices du péché» (Héb. 11:25). Salomon, au lieu de la gloire et de la richesse, demande la sagesse nécessaire pour remplir, dans l’intérêt du peuple, la fonction de roi que Dieu lui a confiée (2 Chron. 1:7-12). Marie «a choisi la bonne part qui ne lui sera pas ôtée» — la place aux pieds de jésus.

Dans la vie de tout chrétien se présentent bien des choix ; les uns plus importants que d’autres. Nébuzaradan dit à Jérémie : «Regarde, toute la terre est devant toi : va où il est bon et droit à tes yeux d’aller». N’est-ce pas un peu la même perspective qui s’ouvre devant le jeune homme qui, selon les circonstances, se trouve placé devant le choix d’une profession. À la fin des années scolaires, ou à l’université, diverses possibilités se présentent. Quel est le chemin du Seigneur ? Ses parents peuvent le conseiller ; un frère d’expérience, lui donner sa pensée ; mais, le jeune croyant est responsable de décider, lui-même avec le Seigneur, dans quel domaine il passera le plus clair de sa vie.

Le choix d’une compagne est encore plus important. Avant d’être engagé dans son coeur, devant les diverses alternatives qui peuvent s’offrir, n’y a-t-il pas lieu, lorsque l’âge de fonder un foyer est venu, de prier, et cela longtemps d’avance, afin que le Seigneur dirige vraiment vers celle dont il peut dire : «Je lui ferai une aide qui lui corresponde» (Gen. 2:18).

Enfin, quant au lieu de rassemblement, bien des croyants sont placés devant diverses alternatives : rester là où ils ont été élevés (quel privilège lorsqu’on a la conscience, et qu’on acquiert la certitude que c’est bien là que le Seigneur Jésus veut rassembler ses rachetés autour de lui !) — ou bien, pour d’autres, discerner où le Seigneur veut conduire à se retrouver en Sa présence avec les siens.

De ces trois choix dépendent «les issues de la vie» — choix non de la raison, mais du coeur, dans une vraie dépendance du Seigneur, connu comme un Ami fidèle.

Jérémie reste silencieux, «il ne répondait pas». Nébuzaradan s’attendait sans doute à le voir accueillir avec reconnaissance l’offre attrayante de s’établir à Babylone. Il conclut de son silence qu’elle n’est pas acceptée, et engage le prophète à se rendre vers Guédalia, ou «partout où il sera bon à tes yeux d’aller» (40:5). Il lui donne des provisions et un présent, et le renvoie. Jérémie vient vers Guédalia et habite avec lui, «parmi le peuple qui était de reste dans le pays». Il préfère être avec les pauvres du peuple de Dieu dans leur misère, que de bénéficier des faveurs du roi de Babylone. Il n’y a peut-être pas beaucoup d’attraits extérieurs dans le rassemblement où l’on se trouve, pas beaucoup de dons, ni de contacts fraternels ; mais si le Seigneur y répond, par Sa présence, à sa promesse d’être au milieu des deux ou trois rassemblés à son nom, n’est-ce pas là qu’il faut rester, ou se rendre, et, dans sa dépendance, chercher à y apporter quelques bénédictions spirituelles ?

 

7.2   Le choix du peuple

Guédalia, fils d’Akhikam, fils de Shaphan, avait été établi par Nebucadnetsar, gouverneur des villes de Juda. Ce petit-fils du scribe fut, pendant quelques mois, un bon gouverneur. Les Juifs dispersés dans les pays d’alentour, pleins de confiance, reviennent en Juda ; ils récoltent du vin et des fruits d’été en grande abondance (40:12).

Mais la jalousie va tout gâter. Un certain Ismaël, de descendance royale, estimant, sans doute, que lui aurait dû être nommé gouverneur, assassine Guédalia, et met à mort tous ses proches, inclus la garde chaldéenne laissée par le roi de Babylone.

Ismaël emmène prisonniers tous les survivants, pour passer vers les fils d’Amon (41:10). Jokhanan, et les chefs des forces qui étaient avec lui, délivrent les captifs d’Ismaël. Celui-ci s’enfuit chez Baalis, roi des fils d’Amon. Jokhanan et ceux qu’il a libérés se réfugient temporairement à l’hôtellerie de Kimhan, près de Bethléem, dans le dessein inavoué de se retirer en Égypte, par crainte des Chaldéens.

Nous ignorons comment Jérémie se retrouve apparemment dans cette hôtellerie. Jokhanan et ses compagnons lui demandent de prier pour eux, afin que «l’Éternel ton Dieu nous montre le chemin par lequel nous devons marcher, et ce que nous devons faire». Or ces hommes avaient déjà, dans leur for intérieur, décidé d’aller en Égypte. Tout leur espoir était que Jérémie confirme leur désir secret.

Le prophète promet de prier l’Éternel : «Et il arrivera que, tout ce que l’Éternel vous répondra, je vous le déclarerai» (42:4). Eux-mêmes s’engagent à écouter la voix de l’Éternel, quelle que soit sa réponse.

Choisir d’abord, prier ensuite, n’est-ce pas un piège que Satan tend à plus d’un enfant de Dieu ? Tout particulièrement lorsque le cœur est déjà engagé avec une personne qui peut-être ne répond pas du tout à la pensée de Dieu — qu’elle soit inconvertie, ou marche dans un chemin auquel on ne pourrait s’associer, ou encore soit un piège qui conduise dans le monde.

On consulte ses parents ; on vient voir un frère d’expérience ; on leur expose la situation, et leur demande de prier. Ils déconseillent la proposition, en montrent les dangers... mais le cœur a déjà décidé, et l’on ne veut plus reculer. Bien des situations similaires se produisent en d’autres domaines. Combien il importe de prendre l’habitude de s’adresser au Seigneur avant d’avoir, intérieurement, jeté son dévolu. Aux heures décisives de la vie, on viendra alors tout naturellement, avant toutes choses, auprès de cet Ami longtemps connu.

La réponse se fait attendre «dix jours» (42:7) — du temps pour réfléchir et se rendre compte de l’hypocrisie de la demande de prière pour être dirigé. Jérémie est catégorique : «Si vous continuez à habiter dans ce pays, je vous bâtirai... je vous planterai. Ne craignez point le roi de Babylone... car je suis avec vous pour vous sauver ; ... et j’userai de miséricorde envers vous». Si vous allez en Égypte, où vous pensez ne pas voir la guerre ni la famine, c’est justement là qu’elles vous atteindront. «L’Éternel vous a dit, reste de Juda : N’allez pas en Égypte.» Le choix est clair, mais comme il était déjà fait, la réaction de Jokhanan et de ses compagnons ne se fait pas attendre : «C’est un mensonge que tu dis ; l’Éternel, notre Dieu, ne t’a pas envoyé pour nous dire : N’allez point en Égypte pour y séjourner» (43:2).

Les actes suivent les paroles. Jokhanan rassemble tous ceux qui restaient dans le pays, «les hommes forts, et les femmes, et les petits enfants, et les filles du roi, et toutes les âmes que Nebuzaradan avait laissées avec Guédalia» ; ils descendent en Égypte, «car ils n’avaient pas écouté la voix de l’Éternel».

Toute sa vie Jérémie avait vu sa prophétie rejetée, ses avertissements méprisés ; cette fois encore, ses objurgations restent sans effet. Pourtant il suit le peuple en Égypte. Même là, l’Éternel lui parle, et lui donne des avertissements pour ces malheureux (43:8-44). Tout est vain : «Quant à la parole que tu nous a dite au nom de l’Éternel, nous ne l’écouterons pas, mais nous ferons certainement toute parole qui est sortie de notre bouche» (44:16-17).

Le prophète, rejeté et méprisé comme plus tard le sera son Maître, termine apparemment ses jours dans ce pays d’exil, sans que la Parole nous en ait rapporté les détails. La fin est triste, comme l’avait été la vie solitaire, comme le sera celle de Jean le Baptiseur qui, «ayant achevé sa course», est mis en prison, où il sera décapité.

Par-dessus tout, de tels serviteurs ont été fidèles, fidèles jusqu’à la mort. Ils ont eu leurs défaillances ; mais au jour des récompenses, quelle couronne ne sera pas la leur, pour avoir, jusqu’au bout, répondu à l’appel que Dieu leur avait adressé dans leur jeunesse.

 

Jérusalem a été détruite ; les murailles abattues ; le temple incendié ; le peuple massacré ou déporté ; l’histoire d’Israël paraît se terminer dans le sang et les larmes.

Soixante-dix ans plus tard, un résidu est remonté, a rebâti le temple et la muraille. Leurs descendants se sont enfoncés dans le légalisme et la tradition ; quand le Messie promis est venu au milieu d’eux, ils l’ont rejeté. Une fois de plus, Jérusalem a été détruite, et le peuple dispersé dans le monde. De nos jours, nous voyons «les os secs» — toute la maison d’Israël — se mettre en mouvement, se rapprocher. Toutefois le souffle de l’Éternel n’est pas encore venu sur eux, tant qu’ils n’auront pas reconnu leur Messie (Ézéch. 37).

Pourtant «ce peuple merveilleux dès ce temps et au-delà, cette nation qui attend, attend, et qui est foulée aux pieds, de laquelle les rivières ont ravagé le pays», a subsisté d’une façon extraordinaire à travers les âges (És. 18). Les branches, coupées de l’olivier, seront à nouveau «entées» (Rom. 11:23). «Eux aussi deviendront des objets de miséricorde» (v. 31).

Au-dessus des désobéissances, des rébellions et des ingratitudes, au-dessus de la misère humaine et des ruines qu’elle accumule, il reste, comme nous l’avons vu à la fin des Lamentations, une ressource suprême (Lam. 5:19 ; Héb. 1:11).

 

TOI, TU DEMEURES