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Paraboles de Matthieu 5 et 6
Christian Briem
Table des matières abrégée :
1 Le sel de la terre — Matthieu 5:13
2 La lumière du monde — Matthieu 5:14-16
3 La lampe du corps — Matthieu 6:22-23 et Luc 11:34-36
4 La partie adverse — Matthieu 5:25-26
Table des matières détaillée :
1 Le sel de la terre — Matthieu 5:13
1.2 Pourquoi le sel de la ‘terre’ ?
1.3 Être salé de feu et de sel
2 La lumière du monde — Matthieu 5:14-16
2.1 Que signifie la ‘lumière’ ?
3 La lampe du corps — Matthieu 6:22-23 et Luc 11:34-36
3.2 L’œil méchant et ses conséquences
3.2.4 L’aspect moral de la parabole
4 La partie adverse — Matthieu 5:25-26
4.2.2 Jugement temporel et jugement éternel
Le Seigneur commence déjà dans le sermon sur la montagne à insérer une série de petites paraboles dans Son enseignement. La première parabole double du Nouveau Testament se trouve immédiatement après les béatitudes de Matthieu 5 : la parabole du ‘sel de la terre’ et celle de la ‘lumière du monde’. Nous voulons considérer ces deux paraboles d’abord séparément, l’une après l’autre, puis nous montrerons ensuite ce qui les relie et ce qui les différencie.
« Vous êtes le sel de la terre ; mais si le sel a perdu sa saveur, avec quoi sera-t-il salé ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et à être foulé aux pieds par les hommes » (Matthieu 5:13).
Dans les douze premiers versets du chapitre, le Seigneur Jésus a montré le caractère de ceux qui appartiennent au royaume des cieux. Nous reviendrons plus loin en détail sur la question du royaume à propos du ch. 13 et des paraboles du royaume des cieux. Pour le moment, il suffit de remarquer que, par l’expression ‘royaume des cieux’, il ne faut comprendre ni le ciel lui-même, ni l’assemblée (ou église) de Dieu, mais ce domaine sur la terre où est reconnu Jésus Christ, rejeté des Juifs et demeurant maintenant dans le ciel. Si donc les béatitudes montrent les traits de caractère qui conviennent au royaume des cieux, le Seigneur décrit maintenant la position de Ses disciples sur la terre pendant le temps de Son absence.
Il commence par dire « vous êtes le sel de la terre ». Le ‘vous’ est fortement accentué dans le texte original : « vous — vous seuls — êtes le sel de la terre ». Permettez de répéter : le Seigneur parle de Ses disciples, de ceux qui professent être de Son côté à Lui, le roi légitime de ce royaume. Certes, cette profession peut être authentique ou non, comme l’indique la phrase suivante. Mais le Seigneur part quand même d’abord du fait qu’elle est authentique ; aussi dit-Il : « vous êtes ». C’est toujours la manière de considérer les choses dans l’Écriture quand il est question du domaine de profession de christianisme sur la terre. Nous devrions prendre à cœur cette manière de voir, et la faire nôtre, et non pas toujours penser immédiatement aux non croyants quand nous entendons parler d’un ‘professant’.
Or le Seigneur Jésus ne dit pas qu’ils doivent être le sel de la terre, mais qu’ils le sont. Il ne parle pas sous forme d’exhortation, mais d’exposé d’une vérité. Cette manière d’enseigner est toujours encourageante pour le croyant. Le fait incontestable qu’ils sont le sel de la terre renforce en effet le côté exhortatif de ce genre d’explication. C’est ainsi que Jésus dit en Jean 10 que Ses brebis Le suivent (10:4, 27). C’est-à-dire que la caractéristique de Ses brebis est de suivre le Bon Berger. Si elles ne le font pas, c’est (au moins en principe) qu’elles ne font même pas partie de Ses brebis. Quelle exhortation pour nous dans cette déclaration quand nous pensons combien peu nous correspondons dans nos vies journalières à cette vérité absolue ! Pour revenir à Matthieu 5, nous apprenons donc de la bouche du Seigneur ce qui caractérise la position de Ses disciples ici sur la terre : Ils sont le sel de la terre.
Le sel jouait déjà un rôle important dans l’Ancien Testament. Tout sacrifice devait être salé de sel (Marc 9:49), non seulement les offrandes de gâteau (Lévitique 2:13), mais aussi les holocaustes (Ézéchiel 43:24), et même l’encens saint (Exode 30:35). Exercer le service du temple sans sel était de fait impensable (Esdras 6:9 ; 7:22). De plus, le sel servait à confirmer les contrats et les alliances, les rendant, en figure, durables et stables (Nombres 18:19 ; 2 Chroniques 13:5). Le prophète Élisée assainit les eaux de Jéricho en jetant du sel dans l’eau de source (2 Rois 2:19-22). Le ‘sel’ représente un principe conservateur agissant contre la corruption et la pourriture. Il symbolise les droits de Dieu, Ses principes justes lorsqu’Il agit avec les hommes. Ce n’est pas par hasard que la forme de jugement atteignant la femme de Lot consista en ce qu’elle fut pétrifiée en une statue de sel (Genèse 19:26).
Le sel empêche la corruption, le levain la génère. C’est pourquoi il ne devait jamais y avoir de levain dans les sacrifices, alors que le sel en était un constituant inévitable. Tout cela nous livre la clef de la signification symbolique du ‘sel’ : il préserve de la corruption, il donne de la durabilité au bien. Certes il ne peut pas rétablir ni guérir ce qui est déjà corrompu, mais il peut maintenir en l’état ce qui est encore bon.
Dans quelle mesure les disciples du Seigneur « salent-ils » la terre maintenant ? Par quel moyen maintiennent-ils les droits de Dieu dans un monde qui ne reconnaît ni Lui ni ce à quoi Il a droit ? De quelle manière contrecarrent-ils la corruption morale parmi les hommes ? Tout simplement par une vie dans la crainte de Dieu et la justice. Le Saint Esprit les préserve de tout ce qui est impur, et suscite dans leur cœur la sainteté et la consécration pour Dieu. C’est ainsi qu’ils ont revêtu les « armes de la lumière » (Romains 13:12), et qu’ils ont les « armes de la justice à la main droite et à la main gauche » (2 Corinthiens 6:7). Certainement, ils rendent témoignage contre le mal aussi par leurs paroles, selon les opportunités.
Cela ne veut pourtant pas dire qu’ils mettent à nu les péchés des hommes et les fustigent en toute occasion, ni qu’ils doivent entrer en guerre publiquement contre l’injustice et l’immoralité qui dominent toujours plus le monde. Une vie dans la crainte de Dieu parlera beaucoup plus tranquillement, mais efficacement, et alors « une parole dite en son temps, combien elle est bonne ! » (Proverbes 15:23) ; elle vaut « des pommes d’or incrustées d’argent » (Proverbes 25:11). Les vrais chrétiens n’ont rien à faire avec les conflits sociaux, syndicaux et politiques. Ils sont étrangers ici-bas et sans droit de cité et ne sont pas du monde. Si malgré tout, ils se laissent impliquer dans ce genre de conflits, ils ressemblent à celui dont parle l’Écriture sainte : « il saisit un chien par les oreilles, celui qui, en passant, s’emporte pour une dispute qui n’est pas la sienne » (Proverbes 26:17) : il en résulte des morsures cruelles, comme on a dit fort justement.
Sommes-nous assez conscients, chers amis, que nous sommes laissés ici-bas pour représenter les principes de la justice de Dieu sur la terre ? Les gens autour de nous nous observent plus que nous ne pensons. S’ils aperçoivent chez nous de la sainteté pratique, s’ils reconnaissent que nous nous laissons conduire dans la vie par des principes divins, ils en seront impressionnés d’une manière ou d’une autre, même sans vouloir l’admettre. En tout cas, la propagation du mal sera entravée dans une mesure et dans un certain sens. C’est l’effet du ‘sel’ qui s’étend sur les autres.
Nous voyons une pensée semblable en 2 Thessaloniciens 2. Le mystère d’iniquité opère déjà, « seulement celui qui retient maintenant, le fera jusqu’à ce qu’il soit loin. Et alors sera révélé l’inique » (2 Thessaloniciens 2:7-8). Aussi longtemps que le Saint Esprit habite dans l’assemblée sur la terre, c’est comme un verrou mis au développement sans frein de l’iniquité jusqu’à son apogée, et à l’apparition de l’antichrist.
Mais avec l’enlèvement de l’église, la situation changera d’un coup fondamentalement. Le Saint Esprit et l’assemblée seront alors loin — [en allemand : « hors du chemin »] : quelle expression marquante ! — alors l’iniquité et la violence se répandront sur terre avec une énergie effrayante et une rapidité effrénée.
Il est remarquable que le Seigneur Jésus ait parlé de Ses disciples d’abord comme le sel de la terre, et ensuite comme la lumière du monde. Le passage du mot ‘terre’ au mot ‘monde’ est forcément voulu, il n’est pas dû au hasard. Manifestement le Seigneur voulait exprimer avec le mot ‘terre’ une autre pensée qu’avec le mot ‘monde’. Le ‘monde’ dans ce genre d’expression, signifie les gens dans leur totalité, comme par exemple dans le passage connu de Jean 3:16: « car Dieu a tant aimé le monde, qu’il a donné son fils unique ». Il n’a pas aimé l’univers ni le système du monde, mais les gens dans le monde.
Par contre, la ‘terre’ semble indiquer un domaine où règne un certain ordre au sens moral et religieux. Cet ordre moral est le résultat de l’action et de l’opération de Dieu. Dieu ne s’est pas laissé sans témoignage dans le domaine décrit comme la ‘terre’ ; Il s’y est manifesté dans une certaine mesure, Il a donné des bénédictions et les a confiées à la responsabilité de l’homme. La ‘terre’ désigne ainsi un domaine de privilèges divins, et aussi avec cela, de responsabilité humaine. Autrement dit encore, la ‘terre’ est le domaine d’une profession religieuse de Dieu.
La compréhension de ce terme est facilitée quand on remarque que la ‘terre’ peut tout aussi bien être traduit par le ‘pays’. En fait, au temps de l’Ancien Testament, le pays d’Israël était ce domaine des privilèges et de la responsabilité. C’est dans ce domaine que les disciples devaient alors commencer leur témoignage en tant que ‘sel de la terre’.
Aujourd’hui, par le terme ‘terre’, il faut comprendre la chrétienté. Dieu s’y est manifesté beaucoup plus largement qu’en Israël, et la mesure de notre responsabilité croit avec la grandeur des bénédictions. Il est important que les disciples du Seigneur d’aujourd’hui comprennent que le domaine où ils doivent agir comme ‘sel’, c’est la chrétienté. Que la chrétienté se soit corrompue, cela ne peut être ignoré. Elle va s’écarter encore plus jusqu’à un abandon total de Christ et de la vérité divine. Ce sera alors l’apostasie. Dès lors, nous ne nous étonnons pas de voir dans le dernier livre de la Bible le jugement s’abattre justement sur cette ‘terre’ — la chrétienté déchue. L’Apocalypse fait bien la distinction entre d’une part la ‘grande foule’ de toute nation, tribu, peuples et langues (7:9), et même les païens, et d’autre part la ‘terre’ qu’atteindra le juste jugement de Dieu. Mais aujourd’hui, nous sommes encore dans le temps de la grâce, et le Seigneur veut nous aider à contrecarrer la corruption morale et religieuse qui nous entoure — pour le bien et le salut d’encore beaucoup de gens !
Avant de nous occuper du sel qui a perdu sa saveur, nous voudrions jeter un coup d’œil sur l’évangile de Marc où le Seigneur ajoute des paroles qu’on ne trouve pas en Matthieu.
« Car chacun sera salé de feu ; et tout sacrifice sera salé de sel. Le sel est bon ; mais si le sel devient insipide, avec quoi lui donnerez-vous de la saveur ? Ayez du sel en vous-mêmes, et soyez en paix entre vous » (Marc 9:49-50).
Les disciples du Seigneur ne sont pas qualifiés ici de sel de la terre. Ils devraient beaucoup plutôt avoir le principe assainissant en eux-mêmes, le cultiver, et de cette manière être en paix entre eux. Quand nous nous jugeons nous-mêmes devant Dieu, nous sommes toujours plus prêts à supporter et à pardonner les fautes des autres. Avoir aussi du sel en nous-mêmes, conduit à la paix avec les autres. Avons-nous bien réfléchi à cette connexion des choses ?
Mais que veut dire le Seigneur Jésus quand Il dit que chacun sera salé de feu et que tout sacrifice sera salé de sel. Le ‘feu’ est le symbole du jugement de Dieu qui examine et rétribue ; et ‘chacun’ désigne ‘tous les hommes’. Tout homme donc, parce qu’il est pécheur de nature, doit être mis en relation avec le feu du jugement divin en quelque manière que ce soit. Si quelqu’un décline la grâce de Dieu en Christ, et rejette la personne et l’œuvre de Christ, il trouvera sa place finale dans « l’étang de feu », « l’étang brûlant de feu et de soufre, qui est la seconde mort » (Apocalypse 20:15 ; 21:8). Dieu est un « feu consumant » (Hébreux 12:29). Cependant le croyant se laisse sonder par Dieu, il s’éprouve et se juge lui-même. Il saisit par la foi que le feu du jugement divin a atteint Un autre à sa place. Il ne vient donc en relation avec le feu qu’indirectement, à savoir dans le sacrifice de Christ. En fait c’est le Seigneur Jésus, comme notre substitut, qui a été parfaitement « salé de feu », lorsqu’Il a souffert pour nous et nos péchés durant les trois heures de ténèbres à la croix.
La phrase suivante vise aussi au premier chef, à mon avis, Son sacrifice parfait : « et tout sacrifice sera salé de sel ». Le sacrifice de Jésus est d’une efficacité éternelle. Il a eu lieu une fois pour toutes, et par là Dieu a rendu parfaits à perpétuité ceux qui sont sanctifiés (Hébreux 10:10, 14). Merveilleuse grâce ! Elle est encore rehaussée en ce que les croyants peuvent offrir maintenant « leur corps en sacrifice vivant, saint, agréable à Dieu » (Romains 12:1). Les résultats d’une vie sainte, consacrée à Dieu, ne sont pas sans effet sur notre entourage, comme nous l’avons vu — et nous retrouverons ces résultats au ciel. Ces résultats survivront aussi à cette pauvre terre et à tout ce qui s’y voit, pour la gloire éternelle de Dieu.
Le Seigneur Jésus termine la courte parabole par un avertissement sérieux :
« Vous êtes le sel de la terre ; mais si le sel a perdu sa saveur, avec quoi sera-t-il salé ? Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et à être foulé aux pieds par les hommes » (Matthieu 5:13).
Le sel peut-il devenir fade, sans saveur, dessalé ? En soi non ; le sel (chlorure de sodium) est une combinaison chimique stable, qui ne se détruit pas dans la nature. C’est pourquoi beaucoup de commentateurs sont partis de cette hypothèse que le Seigneur voulait signaler ici une absurdité, un contresens. Mais cela contredirait la pensée principale de la parabole, et serait indigne du Seigneur. Aurait-Il considéré nécessaire d’expliquer Sa pensée en ayant recours à une comparaison qui serait un contresens ? Ce n’est guère imaginable.
Les habitants de Palestine ont eu de tout temps l’habitude d’obtenir du sel par évaporation d’eau de la Mer Morte. Mais outre le chlorure de sodium, ce sel contient une grande quantité d’impuretés comme du calcaire, du magnésium et des résidus de végétaux. Si ce ‘sel’ prend l’humidité, le chlorure de sodium est entraîné, et il reste principalement les autres constituants. Un tel « sel » est totalement inutilisable pour préparer des plats de cuisine, et on le répandait sur les chemins et sur les toits des maisons, comme agent de consolidation, notamment du sol. Ainsi les gens ‘foulaient aux pieds’ littéralement le « sel » devenu sans saveur. C’est manifestement l’usage du sel sans saveur auquel le Seigneur fait allusion dans la parabole — un usage tout à fait familier à Ses auditeurs.
Le Seigneur Jésus voulait-Il dire par là, que les croyants, s’ils ne correspondent pas aux règles, vont finalement être perdu ? Non, ce n’est pas de cela que parle la parabole. Elle concerne le fait d’être disciple, elle vise le domaine de ce qu’on professe ici-bas sur la terre. Le Seigneur préparait à l’avance Ses disciples par ces paroles sur le fait, qu’un jour, il se trouverait parmi eux, des gens qui extérieurement professeraient être chrétiens, mais qui intérieurement le répudieraient et en renieraient la puissance. Nous pensons involontairement à la description des gens des « derniers jours », ceux où nous vivons, « qui ont la forme de la piété, mais qui en ont renié la puissance » (2 Timothée 3:1-5).
En fait la chrétienté est caractérisée par une grande impuissance et par l’indifférence à l’égard des intérêts de Dieu. Elle a perdu le ‘sel’, et pour beaucoup de gens, elle est devenue une affaire creuse, qu’on considère avec mépris, aussi bien chez les Juifs que chez les nations. On voit aujourd’hui la chrétienté si faible et si misérable qu’on a tout lieu de craindre qu’elle ne génère plus d’incroyants que tous les livres des moqueurs et critiques incrédules.
Le Seigneur attire aussi l’attention sur quelque chose de sérieux : l’irréversibilité du développement. Une fois qu’on a abandonné Christ et la vérité de Dieu, il n’y a plus moyen d’arrêter la tendance au déclin. Bien sûr Dieu opère dans Sa grâce ici ou là, Il travaille dans des individus, Il appelle à sortir et Il sauve. Mais la masse des professants chrétiens ne peut plus être restaurée, et elle ne le sera pas. Elle ira plus avant dans l’impiété et elle trouvera finalement le jugement mérité.
Le livre de l’Apocalypse nous montre, sous l’image de ‘Babylone’ et de la ‘prostituée’, la dernière phase de la chrétienté sans Christ. Avant de rencontrer le jugement de Dieu, il s’accomplira ce que le Seigneur Jésus a prédit dans cette parabole : ce système rencontrera le mépris et l’inimitié des gens. « Et il me dit : Les eaux que tu as vues, où la prostituée est assise, sont des peuples et des foules et des nations et des langues. Et les dix cornes que tu as vues et la bête, — celles-ci haïront la prostituée et la rendront déserte et nue, et mangeront sa chair et la brûleront au feu » (Apocalypse 17:15-16).
Résumons encore une fois l’enseignement de cette parabole. Les paroles du Seigneur en Matthieu et en Marc se complètent l’une l’autre. Si les disciples ont du sel en eux-mêmes, alors ils sont aussi par ce moyen le sel de la terre. Si cependant les chrétiens abandonnent leur sainteté pratique et leur dévouement pour Dieu, ils perdent ainsi leurs caractères de ‘sel’, et ils sont dès lors entièrement sans valeur pour le monde. Ils peuvent se mobiliser contre la misère de ce monde, ils peuvent chercher à se rendre utiles de toute sorte d’autres manières — s’ils n’ont pas de sel en eux-mêmes, ils ne sont plus bons à rien, sinon à être jetés dehors et à être foulés aux pieds par les gens. Les gens intelligents peuvent toujours objecter et dire ce qu’ils voudront, le point de vue de Dieu reste celui-là.
Que dans ces derniers jours si sérieux, le Seigneur puisse nous aider à avoir du sel en nous-mêmes, en sorte que nous jugions en nous tout ce qui pourrait aller à l’encontre de la clarté et la pureté de notre témoignage devant le monde ! Notre exemple et notre vie opèrent plus que tout ce que nous pouvons dire.
La deuxième image dont le Seigneur se sert est celle de la ‘lumière du monde’. C’est une déclaration étonnante du Seigneur : Pendant le temps de Son absence, Ses disciples seraient la lumière du monde en plus d’être le sel de la terre.
« Vous êtes la lumière du monde : une ville située sur une montagne ne peut être cachée. Aussi n’allume-t-on pas une lampe pour la mettre ensuite sous le boisseau, mais sur le pied de lampe ; et elle luit pour tous ceux qui sont dans la maison » (Matthieu 5:14-15).
Tandis que la première image du ‘sel de la terre’ contenait la pensée de justice, la seconde parle de grâce. Ces deux pensées ou principes sont aussi à la base des béatitudes du début du chapitre 5 de Matthieu. Aux versets 3 à 6, on voit des traits de caractère caractérisés par la justice, et aux v. 7 à 9 nous sont présentés ceux en relation avec la grâce. Même quand le Seigneur Jésus, à la suite de cela, parle des persécutions que rencontreraient Ses disciples, Il nomme en premier ceux qui sont persécutés à cause la justice (5:10), et ensuite ceux qui seraient rendus capables par grâce d’endurer les persécutions et les calomnies à cause de Lui (5:11-12).
Le sel et la lumière sont bien différents l’un de l’autre. Ils ont pourtant ceci en commun, c’est qu’ils parlent tous les deux d’un témoignage pour Dieu. Et parce que la corruption et les ténèbres au sens spirituel vont toujours ensemble, le Seigneur Jésus montre à Ses disciples, dans cette double parabole, la double responsabilité, mais aussi le double besoin des hommes.
Le sel agit à l’encontre de la corruption, tandis que la lumière chasse les ténèbres. Dans cette mesure, les deux paraboles contiennent une pensée commune. Bien des passages de la Parole dévoilent le mal moral du monde (par exemple 1 Jean 5:19 ; Galates 5:19-21 ; Romains 1:23-32 ; 2 Timothée 3:1-5). Le sel a son rôle là contre. D’autres passages montrent plutôt l’inintelligence, l’aveuglement spirituel et la folie des hommes (par exemple 2 Corinthiens 4:4 ; Éphésiens 4:18 ; 2 Thessaloniciens 2:10 ; Matthieu 24:11). Pour les chasser, Dieu, dans Sa grâce, fait briller la lumière.
La ‘lumière’ parle de ce que Dieu a fait connaître de Lui-même et de Ses pensées. Dans l’Ancien Testament, on trouvait déjà une certaine lumière de Dieu et au sujet de Dieu. Le chandelier d’or en Israël, répandait symboliquement Sa lumière dans le sanctuaire de Dieu (Exode 27:20), et les hommes de Dieu fidèles se réjouissaient de la lumière qui émanait de Dieu et de Sa Parole (Psaume 4:6 ; 27:1 ; 36:9 ; 43:3 ; 97:11 ; 112:4 ; 118:27 ; 119:105 ; Proverbes 6:23). Mais le peuple d’Israël dans son ensemble a failli comme porteur du témoignage de Dieu devant le monde. Ils n’ont ni apprécié eux-mêmes la lumière qui leur était offerte, ni surtout pensé à répandre la lumière au-dehors. Les étrangers qui venaient des nations vers Israël pouvaient à peine y reconnaître encore la lumière. Salomon a constitué une exception brillante dans l’histoire d’Israël, par ailleurs fort sombre. Quand la reine de Shéba, venant de son lointain pays, l’a visité, il comprit déjà que « ceux qui entrent » doivent « voir la lumière » (Luc 11:33). Elle était « hors d’elle » en voyant toute la sagesse de Salomon (1 Rois 10). Au temps du Nouveau Testament, les Juifs se vantaient d’être des « conducteurs d’aveugles » et « lumière de ceux qui sont dans les ténèbres » (Romains 2:19), mais la réalité leur manquait, ils n’étaient Juifs qu’extérieurement (Romains 2:28-29).
Quand le Fils de Dieu a été ici-bas sur la terre, Il était la lumière du monde (Jean 9:5), la vraie lumière (Jean 1:9). Il pouvait dire « Moi, je suis venu dans le monde, la lumière, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jean 12:46). Il révélait parfaitement qui était Dieu et ce que Dieu était. En Lui comme homme sur la terre, nous pouvons en fait trouver la vérité sur tout et tous. C’est un sujet béni, et quand on s’y arrête, cela conduit à adorer. Mais bien que Christ fût et soit la pleine révélation de Dieu, l’image du Dieu invisible (Jean 1:18 ; Colossiens 1:15), les hommes ont haï la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises et qu’ils ne voulaient pas se voir mis à nu (Jean 3:19-20). Nous savons qu’ils n’ont pas eu de repos tant qu’ils n’ont pas réussi à faire taire cette voix d’exhortation.
Or Christ dit à Ses disciples : « vous êtes la lumière du monde ». Quand Il a été rejeté et qu’Il est monté au ciel, Il a alors établi les Siens pour répandre à Sa place la lumière divine parmi les hommes. Bien qu’ils étaient autrefois eux-mêmes « ténèbres », ils sont maintenant « lumière dans le Seigneur » et par là ils sont rendus capables de marcher comme « enfants de lumière » (Éphésiens 5:8). Dans l’épître aux Philippiens, ils sont comparés avec des « lumières » dans le firmament [ndT : luminaires dans la version JN Darby, comme en Genèse 1:16], qui reluisent au milieu d’une génération tortue et perverse, « présentant la Parole de vie » (Philippiens 2:15-16). Ainsi la lumière qu’ils réfléchissent n’est pas leur propre lumière ; ils la reçoivent entièrement de Christ, leur Seigneur glorifié en haut.
C’est la grande grâce du temps présent, que la lumière brille toujours et encore, devant les autres et pour d’autres. Ce peut être une lumière qui indique la direction ou une lumière qui avertit — elle brille pour le bien des hommes. À cet égard, l’effet et le caractère de la lumière dépassent largement ceux du ‘sel’. Le ‘sel’ ne peut pas tout manifester ; il ne peut pas porter remède à un état corrompu. Par contre, la lumière de Dieu est capable de faire les deux. La lumière de la manifestation de Dieu ne met pas seulement le mal à nu — non, mais elle apporte aussi la grâce et la miséricorde divine dans ce qui n’est en soi que ténèbres. Elle illumine les ténèbres de l’âme et conduit à faire briller la lumière de la connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ (2 Corinthiens 4:6). N’est-ce pas une pensée magnifique et stimulante que Dieu veuille aujourd’hui utiliser les Siens à répandre Ses pensées au sujet de Christ dans ce monde de ténèbres ? Qu’il est réjouissant d’apprendre que, malgré tous les efforts de Satan pour éteindre la lumière, « les ténèbres s’en vont, et la vraie lumière luit déjà » (1 Jean 2:8) ! Et ici, ce n’est pas Christ la vraie lumière ; non, ce sont les Siens, parce qu’ils possèdent Sa vie et qu’ils la reflètent.
Le Seigneur utilise maintenant deux images dans notre parabole : celle d’une ville sur une montagne et celle d’une lampe allumée dans une maison. La première nous parle de lumière vers l’extérieur, la seconde de lumière à l’intérieur.
Par une « ville située sur une montagne », et qui, à cause de cela, ne peut être cachée, nous devons bien d’abord penser à une ville d’Orient construite en pierres calcaire blanches, qui, dans l’antiquité, était souvent située sur une colline, et était visible de loin sous la lumière brillante du soleil, avec ses maisons, ses murailles et ses tours. Qu’on puisse aussi bien voir cette ville pendant la nuit à cause des nombreuses lampes allumées dans les maisons, c’est bien sûr aussi vrai.
Une telle ville ressemble aux disciples du Seigneur : par leur témoignage sur leur Maître et Seigneur, ils ont répandu la lumière spirituelle, qu’eux-mêmes avaient reçu auparavant. Cette lumière est accessible à tous les hommes ; elle est destinée à tous, elle est pour le ‘monde’, non pas seulement pour le domaine restreint de la ‘terre’. De vrais disciples du Seigneur ne peuvent pas rester cachés dans le monde : c’est la normale des choses. Quelle mesure de lumière la chrétienté a-t-elle répandu dans ce monde, ce n’est pas clair pour nous en général. Il y en a plus que des traces même encore aujourd’hui — Dieu en soit loué ! — alors que nous sommes dans un temps où les valeurs chrétiennes disparaissent de plus en plus. Les paroles du Seigneur n’ont pourtant rien perdu de leur valeur. Cela doit nous encourager.
Mais alors, le Seigneur passe à une autre image. Il prévoyait ouvertement le danger que la lumière puisse être obscurcie par l’infidélité humaine. Comme le sel perdant sa saveur, ainsi aussi l’influence de la lumière pouvait être inhibée. Dans les deux cas, le sel ou la lumière seraient inutilisables pour le but envisagé.
Sans aucun doute, dans le domaine naturel, les gens ne mettent pas une lampe allumée sous boisseau ou sous un lit (Matthieu 4:21 ; Luc 8:16). La lumière doit en fin de compte servir à tous dans la maison. Les gens n’aiment pas vivre dans le noir, et s’il fait sombre, ils allument la lumière. Il n’est pas seulement désagréable de se tenir et de se mouvoir dans l’obscurité, mais c’est aussi dangereux. C’est pourquoi ils apprécient absolument les sources de lumière artificielle, même si leur lumière peut être faible, comme dans l’antiquité. Non, ils ne voudraient pas couvrir d’un vase une lampe allumée (Luc 8:16), ni la mettre dans un endroit caché (Luc 11:33), mais bien plutôt la mettre sur un pied de lampe, « pour que ceux qui entrent voient la lumière ».
Cependant dans le domaine spirituel, les gens agissent souvent tout à fait différemment. La lumière spirituelle n’est pas du tout autant appréciée que la lumière naturelle. C’est pourquoi il existe le danger de cacher la lumière reçue par une suractivité ou par la soif du gain (le boisseau) ou par la recherche du confort (le lit) ou de toute autre manière (un vase). Nous savons que c’est justement ce qui s’est passé dans la chrétienté. Oui, on craint cette lumière qui met à nu sa propre défaillance et le vide complet du système.
La ‘maison’ symbolise à l’évidence un domaine intérieur qui nous est confié à nous chrétiens. C’est la volonté de Dieu que Sa lumière éclaire la scène dans ce domaine. Luc nous montre dans son évangile (8:16 ; 11:33) que le Seigneur Jésus a utilisé deux fois l’image de la lampe allumée, dans des circonstances différentes. Les deux fois il cite les paroles du Seigneur : « pour que ceux qui entrent voient la lumière ».
Nous avons déjà touché cette question : quand la reine de Shéba vint vers Salomon pour entendre sa sagesse, c’est là qu’elle vit quelque chose de la lumière et de l’ordre de Dieu dans Sa maison. Qu’en est-il pour nous ? Quand des étrangers viennent à nous dans nos maisons ou dans nos réunions, sont-ils impressionnés par la lumière qui y règne ? Quand on vient du dehors et qu’on entre dans la ‘maison’ de la chrétienté, on ne doit plus voir grand’chose de la lumière que Dieu avait confié à l’origine. Mais le Seigneur veut nous aider à veiller à ce que, dans le domaine où nous pouvons encore exercer une influence, la lumière divine ait la direction. Ceux qui entrent s’en apercevront (comp. 1 Corinthiens 14:24-25). Et en ce qui concerne ceux qui « sont dans la maison », la lampe les éclaire et ils peuvent se mouvoir en sécurité à sa lumière. Quelle bénédiction inestimable quand, avant tout, les maisons des croyants sont conduites par la lumière des pensées et des révélations divines, et non pas par la sagesse humaine ou par l’arbitraire ou le hasard !
Mais le ‘boisseau’ et le ‘lit’ représentent pour nous et en tout temps, un danger à ne pas sous-estimer. Si nous inclinons soit vers l’un soit vers l’autre, nous perdrons peu à peu la lumière.
Le Sauveur termine la parabole en résumant son enseignement par l’invitation suivante :
« Que votre lumière luise ainsi devant les hommes, en sorte qu’ils voient vos bonnes œuvres, et qu’ils glorifient votre Père qui est dans les cieux » (Matthieu 5:16).
La lumière qu’Il a donnée doit luire devant les hommes. Posséder la « connaissance de la gloire de Dieu dans la face de Christ » est, à cet égard, à la fois une condition et une obligation. Nous devons sans aucun doute penser que la lumière fait son œuvre de manière cachée, là où les gens ne la voient pas, mais où Dieu, notre Père, l’aperçoit — Lui « qui voit dans le secret » (Matthieu 6:6). Mais ici, nous avons le côté allant vers l’extérieur.
Ce n’est pas nos bonnes œuvres que nous devons faire luire devant les hommes, mais notre lumière. Faire luire les bonnes oeuvres mettrait l’accent du mauvais côté et ne conduirait qu’à glorifier l’homme. Ce que nous avons à chercher, ce n’est pas de mettre en valeur des bonnes œuvres, mais d’attacher la plus grande importance au témoignage pour notre Seigneur. Si Dieu s’est donné à connaître dans Son Fils, Il veut aussi que nous Lui rendions témoignage devant le monde en paroles et en actes. Le faisons-nous ? Pour cela, nous n’avons pas besoin d’attendre des circonstances grandes et spéciales. La vie quotidienne offre mille occasions de montrer aux gens ce que le Seigneur Jésus signifie pour nous. Une vie de communion avec Lui sera aussi riche en bonnes œuvres qui, elles, seront vues des hommes.
Que veut dire le Seigneur par ‘bonnes œuvres’ ? Entend-Il par cette expression, la même chose que les gens du monde, des œuvres d’amour du prochain, par exemple ? S’il en était ainsi, Il mettrait les Siens sur le même terrain que les incroyants, et Il ferait dépendre de ceux-ci l’appréciation de ce qui est « bon ». Quand ils exercent la bienfaisance (les gens distingués et religieux sont prêts à le faire, et sont en mesure de le faire), c’est parce que eux l’estiment « bonne ». Mais aux yeux de Dieu, n’est bon que ce qui correspond à Sa volonté et qui est fait par obéissance envers Lui. Seul Dieu fait le bien sans obéir, justement parce qu’Il est Dieu, parce qu’Il est le Souverain. Dans un sens semblable, le Seigneur disait autrefois au jeune homme riche : « personne n’est bon, sinon un seul, Dieu » (Marc 10:18). Mais la créature ne fait le bien que quand elle Lui obéit.
Non, ce ne sont pas les actions d’amour du prochain en soi que le Seigneur attend de Ses disciples, mais Il cherche quelque chose de plus grand : des œuvres de foi, qui proviennent de la communion avec Lui et qui sont accomplies dans la force du Saint Esprit. Par ‘bonnes œuvres’ nous pouvons comprendre tout ce qui reflète dans nos vies la volonté et le point de vue de Dieu. Combien il nous faut être proches de Lui pour pouvoir le faire ! Et quel immense champ d’activité s’ouvre devant nous dans les circonstances normales de la vie !
Le résultat d’un témoignage fidèle et d’une marche pleine de dévouement sera que Dieu sera glorifié, et non pas l’homme. Les gens n’éclateront pas en cris d’admiration au sujet des croyants pour ce qu’ils voient en eux. Bien plutôt, tout retournera à Celui dont cela vient : à notre Père qui est aux cieux. « Tout ce qui nous est donné de bon et tout don parfait descendent d’en haut, du Père des lumières » (Jacques 1:17), et tout doit Lui revenir en actions de grâces et en adoration envers Lui qui est la source. C’est la manière de Dieu, et il n’y a que cela qui soit digne de Lui.
La pensée de la lumière nous a déjà occupés. Dans le sermon sur la montagne, le Seigneur a désigné les croyants comme étant ‘la lumière du monde’ et Il les a comparés à une ville placée en haut d’une montagne, qui ne peut être cachée. La lumière de la vérité de Dieu devrait briller par eux au dehors, dans le monde, en témoignage à la grâce de Dieu, apparue dans Son Fils Jésus Christ, et apportant le salut à tous les hommes (Tite 2:11). Il a alors utilisé une deuxième image, celle d’une ‘lampe’. Cette lampe devrait laisser briller sa lumière vers l’intérieur, et devrait éclairer tous ceux « qui sont dans la maison ». Dieu voudrait que Sa volonté et Ses pensées dominent aussi le domaine intérieur des Siens (famille, assemblée). Il a confié ce domaine aux Siens, et ils y sont responsables vis-à-vis de Dieu. Le contraste subtil suivant mérite d’être remarqué : la ville sur la montagne ne peut pas être cachée, tandis que la lampe dans la maison ne doit pas être cachée. La première expression met l’accent sur la grâce et la souveraineté de Dieu, la seconde sur la responsabilité des hommes.
Alors en Matthieu 6, le Seigneur reprend encore une fois l’image de la lampe, et parle de la « lampe du corps » :
« La lampe du corps, c’est l’œil ; si donc ton œil est simple, ton corps tout entier sera [plein de] lumière ; mais si ton œil est méchant, ton corps tout entier sera ténébreux ; si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres ! » (Matthieu 6:22).
Quelle que soit la lumière autour de nous, elle ne sert à rien pour l’individu s’il ne désire pas la capacité de recevoir la lumière en lui. Il faut d’abord avoir un « œil », d’abord regarder, avant de pouvoir luire. Luc, dans son évangile, nous fait voir encore plus clairement cette relation. Il montre justement que le Seigneur Jésus a parlé dans une autre occasion de la « lampe sur le pied de lampe », et qu’Il a alors directement ajouté la parabole de la ‘lampe du corps’. En Luc, Il termine l’image avec des paroles différentes de celles de Matthieu 6 :
« Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres. Si donc ton corps tout entier est plein de lumière, n’ayant aucune partie ténébreuse, il sera tout plein de lumière, comme quand la lampe t’éclaire de son éclat » (Luc 11:35-36).
En combinant les passages de Matthieu et de Luc (Luc ne mentionne pas l’aspect collectif de la ‘ville sur la montagne’), nous découvrons dans la leçon du Seigneur une ligne descendante, ou un point de vue qui va toujours en se rétrécissant. C’est-à-dire, Il nomme d’abord ce qui est plus grand, et ensuite la condition pour que ce qui vient d’être nommé, qui est plus grand, puisse devenir une réalité. Si l’on considère donc la leçon du côté des conditions, la succession se trouve inversée : d’abord il faut un ‘œil simple’, pour que le corps soit éclairé de la lumière divine. Cette condition étant posée, alors la ‘lampe sur le pied de lampe’ peut éclairer de sa lumière tout ce qui est dans la maison ; et ce n’est qu’alors que nous pouvons personnellement laisser luire notre lumière devant les hommes. À son tour, cela forme la condition pour que la ‘ville sur la montagne’, en tant que témoignage collectif de Dieu, illumine le monde avec la lumière qui lui a été prêtée.
Cette succession ne mérite-t-elle pas notre attention ? L’affaire commence tout à fait personnellement ; l’œuvre de Dieu commence au plus profond de l’individu. Avant de pouvoir retransmettre notre lumière à d’autres, nous devons nous-mêmes avoir reçu la lumière. C’est pour cela que notre œil doit être en bon état et dirigé sur la vraie source de lumière. Pour que nous apprenions cela, le Seigneur nous donne cette leçon ; et parce que dans cette affaire une importance déterminante revient à ‘l’œil’, Il le nomme la ‘lampe du corps’.
Dans ce qui suit, nous allons d’abord nous occuper de ‘l’œil méchant’ et de ses conséquences, et nous y distinguerons trois aspects (ou trois manières de voir) différents : l’aspect général, l’aspect juif et l’aspect moral.
Dans le domaine naturel aussi, l’œil est une porte d’irruption par laquelle tout ce qu’on peut percevoir objectivement parvient à l’intérieur de l’homme. Son degré de connaissance (sa ‘lumière’) dépend en premier lieu de la capacité de son œil à saisir correctement ce qui est perceptible. Si l’œil est malade, ou aveugle, la perception est fortement compromise, voire entièrement impossible. Pensons un peu simplement à la possibilité de pouvoir lire des textes écrits avec nos yeux. Combien de bénédictions échappent à ceux qui ont perdu leur « lumière de l’œil » à cause de l’âge, et qui ne peuvent plus recevoir en eux ce qui est écrit ! Sur ce point l’œil illumine effectivement l’intérieur de l’homme.
C’est cette circonstance du domaine naturel que le Seigneur Jésus transporte dans le domaine spirituel — et cela forme une ‘parabole’. Notre cœur a aussi des « yeux », et par eux la lumière spirituelle pénètre notre intérieur. Dans sa prière d’Éphésiens 1, l’apôtre supplie pour les saints à Éphèse, « les yeux de votre cœur étant éclairés, pour que vous sachiez quelle est l’espérance de son appel… » (Éphésiens 1:18).
Dans notre parabole, il ne s’agit pas de qui est la vraie lumière, la lumière véritable. Un autre évangéliste, Jean, nous le montre : c’est le Fils de Dieu. Non, ici ce n’est qu’une question ‘d’œil’. La lumière est certes là, et luit dans les ténèbres, et elle fait son œuvre parfaitement. C’est incontestablement une grande grâce. Mais où est l’œil, où est l’ouverture permettant à la lumière d’entrer à l’intérieur ? C’est ce dont il s’agit maintenant. Par l’expression « notre œil », nous pouvons comprendre tout ce qui a à faire avec le désir de nos cœurs, avec ses intentions, avec ce qu’il se propose. ‘L’œil’ peut être remplacé par ‘le cœur’ ; il en est l’organe permettant de voir. Nos désirs intérieurs et nos objectifs déterminent la direction du regard de nos yeux. C’est pourquoi déjà dans l’Ancien Testament nous sommes sérieusement avertis de garder notre cœur plus que tout ce que l’on garde, « car de lui sont les issues de la vie » (Proverbes 4:23).
Quand Léonard de Vinci a découvert, il y a plus de 400 ans, le principe de l’appareil photographique (ce qu’on a appelé en latin la ‘Camera obscura’, ou ‘chambre obscure’), il a alors construit une boite opaque avec un petit trou rond dans la paroi de devant. Avec cela, il a réussi à ce que la lumière entrante génère sur la paroi arrière une image inversée de l’objet. La lentille introduite ultérieurement dans le trou par Porta affina l’image et conduisit à ce que nous connaissons sous le nom d’appareil photo. Je ne vois guère de meilleure illustration de ce dont il s’agit dans notre parabole.
Le cœur de l’homme équivaut par nature à une chambre opaque dont l’ouverture unique est bouchée. Parce qu’aucun rayon de lumière divine n’y peut pénétrer, il ne s’y trouve qu’obscurité. En fait Satan, le dieu de ce monde, « a aveuglé les pensées des incrédules pour que la lumière de l’évangile de la gloire de Christ ne resplendît pas sur eux » (2 Corinthiens 4:4). L’homme naturel est aveugle pour ce qui est de l’Esprit de Dieu, car cela lui est folie, car il ne peut pas le connaître, car cela se discerne spirituellement (1 Corinthiens 2:14).
Mais l’œil de l’homme naturel n’est pas seulement aveugle, il est aussi méchant. C’est ici le contraste : ou bien l’œil est simple, ou bien il est méchant. Il n’est pas dit ‘simple’ ou bien ‘double’, mais ‘simple’ ou bien ‘méchant’. ‘Méchant’ inclut la pensée que la volonté de l’homme indépendante de Dieu est en activité. Le Seigneur désigne donc par là un état corrompu moralement. Les deux termes ‘simple’ et ‘méchant’ décrivent des états du cœur moraux.
Or un œil qui n’a pas Christ pour objet est en principe méchant. On peut appeler cela la loi morale du christianisme. Et parce que l’œil de l’homme naturel est méchant, c’est-à-dire parce que l’homme naturel, au fond de lui-même, rejette Christ, son corps tout entier est ténébreux. L’épître aux Éphésiens dépeint ce même état effrayant des nations : « ayant leur entendement obscurci, étant étrangers à la vie de Dieu à cause de l’ignorance qui est en eux, à cause de l’endurcissement de leur cœur » (Éphésiens 4:18). Notez bien ici la liaison entre l’obscurité et le cœur.
En Jean 15 le Seigneur montre très clairement combien l’œil humain est méchant. « Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui serait sien ; mais parce que vous n’êtes pas du monde, mais que moi je vous ai choisis du monde, à cause de cela le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que moi je vous ai dite : L’esclave n’est pas plus grand que son maître. S’ils m’ont persécuté, ils vous persécuteront aussi ; s’ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu’ils ne connaissent pas celui qui m’a envoyé. Si je n’étais pas venu, et que je ne leur eusse pas parlé, ils n’auraient pas eu de péché ; mais maintenant ils n’ont pas de prétexte pour leur péché. Celui qui me hait, hait aussi mon Père. Si je n’avais pas fait parmi eux les œuvres qu’aucun autre n’a faites, ils n’auraient pas eu de péché ; mais maintenant ils ont, et vu, et haï et moi et mon Père. Mais c’est afin que fût accomplie la parole qui est écrite dans leur loi : Ils m’ont haï sans cause » (Jean 15:19-25).
Quand le Seigneur Jésus était ici-bas sur la terre, Il s’est montré aux hommes dans la beauté morale de Sa personne, pour qu’on puisse parfaitement voir Sa gloire, celle comme d’un Fils unique de la part du Père (Jean 1:14). Dans Son être, dans Ses voies, et dans Ses paroles, Il a révélé l’amour et la bonté de Son Père, et Il l’a fait d’une manière parfaite. Or quelle a été la réponse des hommes à la révélation parfaite de l’amour et de la grâce de Dieu ? la haine ! la haine contre Christ et la haine contre Son Père. L’homme, et spécialement le Juif, pouvait-il prouver plus clairement à quel point son œil est méchant et quel abîme d’inimitié commande son cœur ? L’homme a de la haine pour la grâce de Dieu, il ne la veut pas. L’accepter serait l’aveu que rien d’autre que cette grâce ne pouvait l’aider. Mais l’homme hait aussi la lumière parce qu’elle met à nu ses mauvaises œuvres (Jean 3:20). Il a donc de la haine pour la grâce et pour la lumière de Dieu.
Si l’homme reste dans cet état, s’il résiste à l’œuvre de l’Esprit de Dieu qui veut apporter la lumière dans son âme sur la base de l’œuvre de Christ, alors cela le conduit inévitablement dans la nuit éternelle, dans la condamnation éternelle. Quelle fin effrayante pour ceux dont l’œil est méchant et dont le corps est ténèbres ! Celui qui reçoit la lumière, mais qui la rejette, à lui s’applique la parole sérieuse du Seigneur : « si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien seront grandes les ténèbres ! » (Matthieu 6:23).
Mais comment l’homme obtient-il un œil simple ? Par « la repentance envers Dieu et la foi en notre Seigneur Jésus Christ » (Actes 20:21). Si l’homme accepte, par la foi, Celui qui est la « lumière du monde » (Jean 8:12), alors les ténèbres reculent, et alors la lumière divine remplit l’âme (Jean 12:46). Cette lumière montre impitoyablement la corruption morale du cœur de l’homme ; mais elle montre aussi le moyen que le Seigneur Jésus a donné pour expier les péchés de ceux qui croient — et ce moyen est Son sang (Romains 3:25). Que le Nom de notre Rédempteur soit loué pour cela dans toute l’éternité !
La parabole s’applique avec une exactitude particulière dans le cas des Juifs. C’est justement au peuple d’Israël que Dieu s’était révélé déjà du temps de l’Ancien Testament. Il leur avait donné une certaine mesure de lumière, ce qui les différenciait clairement des nations qui vivaient dans les ténèbres. Ce n’est qu’au peuple d’Israël qu’appartenaient « l’adoption, et la gloire, et les alliances, et le don de la loi, et le service [divin], et les promesses » (Romains 9:4). Ils étaient donc un peuple très privilégié, car Dieu avait déjà parlé, à plusieurs reprises et en plusieurs manières aux pères par les prophètes (Hébreux 1:1). Cela signifiait rien moins que le fait qu’Il leur avait donné « la lumière ».
Alors le Fils Lui-même est venu, Dieu Le leur a envoyé. Et Il a mis cette « lumière » — bien semblable à cette ‘ville sur une montagne’ — dans une position élevée et visible de tous, pour que tous ceux du peuple puissent en tirer parti. Mais quand la vraie lumière est venue à eux, les Juifs ont tout fait pour la faire disparaître. Leur œil était tellement méchant, leur intérieur tellement ténébreux, que certains d’entre eux ont attribué à Béelzebub le fait que le Fils de Dieu chassait des démons dans la puissance du Saint Esprit. Luc nous montre cette relation avec le peuple juif au ch. 11 de son évangile. Quand ils exigèrent des signes par incrédulité, Il ne leur donna que le signe de Jonas : le Fils de l’homme Lui-même devait servir de signe à cette génération méchante — dans Sa mort et Sa résurrection. La reine du midi se lèverait contre eux au jour du jugement, et avec elle les hommes de Ninive, et ils les condamneraient. Car bien qu’ils fissent partie des nations méprisées, ils avaient ajouté foi au témoignage de Dieu en leurs jours.
Mais maintenant, il y avait là, dans la personne de Christ « plus que Salomon », « plus que Jonas ». Et cette ‘lampe’ répandait sa lumière brillante dans la maison d’Israël. Si déjà les hommes ne cachent pas une lampe allumée ni ne la mettent sous le boisseau, combien moins Dieu le fait-Il. Ses voies envers ce peuple étaient parfaites de toute manière, et elles étaient caractérisées par la grâce. Si maintenant ils ne tiraient aucun parti de la lumière reçue, cela ne tenait pas à la lumière, mais à leur œil méchant.
Pourquoi les conducteurs du peuple ne voyaient-ils pas ce qui se déroulait sous leurs yeux ? Pourquoi ne reconnaissaient-ils pas qu’Un plus grand que Salomon et que Jonas séjournait parmi eux ? Parce que leur organe de vision, leur cœur, n’était pas simple. ‘Simple’ à l’origine, signifie ‘non composé, sans pli (ou sans enveloppe, sans pliure)’. Dans le Nouveau Testament, ce mot est utilisé sans exception dans un sens bon, avec la signification de ‘simple, pur, droit, ouvert’. Quand un œil de ce genre regardait le Seigneur Jésus, il voyait quelque chose de « plus » en Lui que le grand roi Salomon ou que le prophète Jonas.
C’est ainsi que le Seigneur dans ce temps-là, quand Il séjournait parmi eux, les a averti en ce temps-là du danger que la lumière qui était en eux, se transforme en ténèbres. « Prends donc garde que la lumière qui est en toi ne soit ténèbres » (Luc 11:35). Redisons-le encore une fois : Une lumière rejetée signifie des ténèbres. C’est la réponse de Dieu en jugement au rejet de Sa grâce.
Nous savons que ce peuple n’a pas prêté l’oreille à l’avertissement du Seigneur. Bien plus, ils ont crucifié le Seigneur de gloire, et L’ont fait mourir. Et le résultat bouleversant en est que, jusqu’à aujourd’hui, ce peuple est dans les ténèbres, jusqu’à aujourd’hui un voile couvre leur cœur (2 Corinthiens 3:15). Et sans la grâce de Dieu, il y resterait. Un jour cette situation s’inversera, et le voile sera ôté. Ils regarderont avec foi Celui qu’ils ont percé autrefois (Apocalypse 1:7). Alors il fera clair dans la maison d’Israël, en sorte que « tous ceux qui entrent verront la lumière » (Luc 11:33). Les nations viendront de loin et loueront l’Éternel et Le glorifieront pour la lumière qu’ils y trouveront. La reine de Shéba en est un heureux type (1 Rois 10). Et dans ce temps merveilleux, le peuple d’Israël sera comme une ‘ville située sur une montagne’, et la lumière de la révélation de Dieu resplendira dans le monde.
Nous avons vu jusqu’ici que ‘l’œil méchant’, dans notre parabole, se rapporte à l’homme naturel en général, et aux Juifs en particulier. Mais cette parabole a aussi une application personnelle à chacun de nous individuellement, à tout croyant chrétien.
Même si en principe tout enfant de Dieu est « lumière dans le Seigneur » et que Dieu nous a ouvert les yeux du cœur quant à la personne de Christ, notre œil peut quand même être ‘méchant’ et notre corps ‘ténébreux’ dans certains compartiments de notre vie (voir l’expression ‘aucune partie ténébreuse’ ; Luc 11:36). Quand nos cœurs cherchent des yeux quelque chose d’autre que Christ (Colossiens 3:1, 2), quand nous cherchons quelque chose d’autre que glorifier Dieu (1 Corinthiens 10:31), quand nous ne faisons pas tout au nom du Seigneur Jésus (Colossiens 3:17), alors, bien-aimés, notre œil n’est pas simple, mais méchant. Il s’ensuit que notre corps est ténébreux, et nous n’avons pas de lumière à l’égard de la volonté de Dieu dans telle ou telle affaire.
Utilisons encore l’image de la « chambre obscure » (ou : camera obscura ; ancêtre de l’appareil photo) pour représenter nos cœurs. Elle n’a qu’une ouverture. Cette chambre obscure est monoculaire, « simple ». La lumière qui tombe sur l’ouverture du devant, dessine, sur la paroi arrière, l’objet sur lequel la ‘chambre obscure’ est dirigée. La loi morale du christianisme est valable pour nous aussi aujourd'hui. C’est-à-dire, si l’on dirige l’objectif de notre appareil sur Christ, Son image se dessinera dans notre intérieur. Cela peut-il signifier autre chose que la lumière et qu’un bonheur indescriptible ? Si au contraire, nous dirigeons le regard de nos cœurs vers d’autres objets, alors nous perdons les deux à la fois, la lumière et le bonheur, et à la place s’étalent le trouble, l’absence de paix et l’incertitude quant à la volonté de Dieu dans nos vies.
Soyons assurés de ce que, si nous n’avons pas de clarté quant à aux pensées de Dieu et à Son chemin, cela tient d’abord à ce que notre œil n’est pas simple. Souvent c’est à cause de cela que nous ne pouvons pas discerner la volonté de Dieu, parce que nous ne sommes pas prêt à céder en quelque affaire à laquelle nous tenons. Mais Dieu voudrait que notre corps n’ait « aucune partie ténébreuse », mais qu’il soit « tout entier plein de lumière », « comme quand la lampe t’éclaire de son éclat » (Luc 11:36).
Si nous fermons à la lumière de Dieu certains domaines de nos vies et de nos cœurs, nous ne devons pas nous étonner que Dieu ne puisse pas nous conduire de Son œil dans ces domaines-là, même si nous luttons pour discerner Sa volonté. Discerner la volonté de Dieu dépend de l’état de nos cœurs, et dépend de nos affections. C’est aussi la raison pour laquelle Dieu, dans Sa Parole, ne nous a pas donné une série de « recettes » d’après lesquelles nous avons simplement à agir sans que la question de nos affections soit touchée. Si notre œil n’est pas simple, nous pouvons alors prier et étudier la Parole sans pour autant apprendre par là la volonté de Dieu.
Il n’est pas rare de déjà prendre par avance des décisions, mais de continuer à demander toujours plus que le Seigneur nous montre Sa volonté dans l’affaire. Rien d’étonnant alors, si nous n’avons ni réponse ni certitude. Il s’agit de parties ténébreuses dans notre ‘corps’. Elles ont leur origine dans ce que nous n’avons pas dirigé notre œil sur le Seigneur Jésus, mais que nous avons eu d’autres objets à côté de Lui. Comme il est facile que quelque chose s’insère entre le Seigneur et nous, et recouvre alors notre œil comme d’un film mince qui amenuise nos facultés visuelles. Le Seigneur doit d’abord l’ôter avant de nous envoyer quelque autre lumière.
Quelquefois nous voulons quelque chose extrêmement fort, trop fort, et cela nous semble très important. Le Seigneur doit alors nous montrer que nous ne sommes rien. Parfois, nous devons simplement rester là où nous sommes, et ne rien entreprendre de particulier, mais nous attendre à Lui et à ce qu’Il agisse. — Ou bien nous cherchons à discerner Sa volonté dans des circonstances où nous ne devrions même pas nous trouver. Alors Il n’a rien d’autre à nous dire que de les abandonner au plus vite. Peut-être doit-Il aussi nous crier : « Réveille-toi, toi qui dors, et relève-toi d’entre les morts, et le Christ luira sur toi » (Éphésiens 5:14).
Tout cela n’est-il pas un peu dur et même sans miséricorde ? bien au contraire ! Dieu sait que nous ne sommes réellement heureux que quand notre cœur est en contact permanent avec Christ. C’est une grâce quand Il met à jour ce qui s’oppose à des relations intimes avec Lui. Et ne serait-ce pas alors un manque de miséricorde, et même de l’injustice, si, ceux qui marchent à distance de Lui, Il les mettait au secret de Ses pensées au même degré que ceux dont les yeux sont simples et dirigés sur Christ ?
Ah, que nous puissions dire avec Paul : « mais moi, je fais une chose.. » (Philippiens 3:13, 14) ! ce serait l’expression d’une vraie simplicité de cœur. Et des milliers de choses ne disparaîtraient-elles pas de notre vie si nous nous demandions si nous pouvons les faire au nom du Seigneur Jésus et pour la gloire de Dieu ?
Nous devrions peut-être, nous créatures de Dieu, prendre quelquefois les fleurs comme exemple. Le Seigneur s’en est aussi servi comme moyens d’instruction. Il y en a (par exemple les Gazanies) qui referment leurs pétales aussi longtemps que le soleil ne les éclaire pas directement. Dès que la lumière du soleil les éclaire, elles s’ouvrent entièrement au soleil et à sa chaleur, et découvrent leur beauté florale. Faisons de même ! Nous ne sommes jamais plus beaux pour le Seigneur que quand nous nous ouvrons entièrement à Lui. Et nous ne sommes jamais plus heureux que quand nous nous laissons irradier consciemment par l’éclat du soleil de Son amour. L’œil simple — une bénédiction infinie lui est attachée.
Après avoir parlé, dans le discours sur la montagne, de la nécessité de la réconciliation entre frères, le Seigneur poursuit cette pensée de base et l’élargit par la petite parabole suivante :
« Mets-toi promptement d’accord avec ta partie adverse, pendant que tu es en chemin avec elle, de peur que ta partie adverse ne te livre au juge, et que le juge ne te livre au sergent, et que tu ne sois jeté en prison ; en vérité, je te dis : Tu ne sortiras point de là, jusqu’à ce que tu aies payé le dernier quadrant » (Matthieu 5:25, 26).
Cette parabole est fondée sur une coutume usuelle de la vie quotidienne en ce temps-là. Le Seigneur fait allusion à un litige entre deux parties, et Il s’appuie sur la loi romaine en vigueur en Israël à l’époque. Si quelqu’un devait quelque chose à autrui, le créancier avait la possibilité de contraindre son débiteur d’aller au tribunal avec lui, autrement dit de « le livrer au juge ». Si le juge le reconnaissait coupable, le débiteur était mis en prison, et y restait jusqu’à ce qu’il ait entièrement acquitté la dette. Mais inversement, l’accusé avait aussi la possibilité d’échapper à la peine en s’arrangeant avec l’accusateur, en se mettant d’accord avec lui pendant qu’ils étaient en chemin vers le tribunal. Si l’accusé n’avait pas recours à cette opportunité, celle-ci était définitivement perdue dès qu’il avait franchi le seuil du tribunal. L’affaire lui échappait des mains, et même des mains des deux parties, et devenait désormais l’affaire de la justice. À partir de ce moment la dette était considérée comme un délit contre l’état, qui ne pouvait être ni excusé ni réglé par un compromis. Une fois que le débiteur avait reçu une assignation, la seule occasion de régler l’affaire avec le créancier se situait dans la courte durée de temps quand ils allaient au tribunal.
Quand nous parlons de ‘partie adverse’, nous entendons donc d’un côté l’accusateur ou créancier en litige, et de l’autre côté l’accusé ou débiteur du même litige.
Qu’est-ce que le Seigneur veut nous dire à travers cette parabole ? Dans un sens général, Il veut d’abord nous dire ceci : l’homme doit profiter du temps que la grâce de Dieu lui accorde sur cette terre pour se mettre en règle avec Dieu. S’il ne le fait pas, le jugement suivra. C’est l’état des affaires de tout homme, simple mais solennel. Dans Sa parabole, le Seigneur part du fait que l’accusé est coupable, et qu’une réconciliation est nécessaire pour le débiteur. C’est en effet l’homme pécheur qui doit être réconcilié avec Dieu, et ce n’est pas Dieu qui doit être réconcilié avec l’homme (comp. Romains 5:10 ; Colossiens 1:22). Car Dieu n’est pas l’ennemi de l’homme, Il n’est pas contre lui. Mais c’est l’homme qui vit en inimitié et en révolte contre Dieu. C’est pour cela qu’il a besoin de la réconciliation avec Dieu : « Nous sommes donc ambassadeurs pour Christ, — Dieu, pour ainsi dire, exhortant par notre moyen ; nous supplions pour Christ : Soyez réconciliés avec Dieu ! » (2 Corinthiens 5:20).
Cependant la parabole ne dit rien sur la manière de parvenir à la réconciliation ; elle insiste simplement sur sa nécessité, si l’homme ne veut pas se trouver un jour en face du jugement de Dieu. Il est intéressant de voir qu’un passage de l’Ancien Testament répond à la question sur la manière dont peut avoir lieu cette réconciliation. Là aussi on voit des gens « en chemin », courant le danger de tomber sous la colère. Il leur est dit : « Baisez le Fils, de peur qu’il ne s’irrite, et que vous ne périssiez dans le chemin, quand sa colère s’embrasera tant soit peu. Bienheureux tous ceux qui se confient en lui ! » (Psaume 2:12). Voilà la réponse de Dieu, valable dans tous les temps : la soumission au « Fils » et la confiance en Lui. C’est ainsi que le psaume introduit le Seigneur Jésus ; Lui seul peut préserver l’homme du « créancier » et du « juge », car Il a pris sur Lui la dette, la culpabilité, de ceux qui se confient en Lui.
Peut-être y a-t-il quelqu’un parmi les lecteurs de ces lignes qui ne s’est pas encore réfugié par la foi sous le sang protecteur de Jésus. Veux-tu poursuivre ton chemin de cette manière, et rencontrer un jour Dieu comme juge, sans t’être réconcilié avec Lui ? Il n’y aura alors plus de possibilité pour se mettre d’« accord » ; la juste sentence tombera sur toi, et ta part sera l’étang brûlant de feu et de soufre (Apocalypse 20:5 ; 21:8). Aujourd’hui encore le Seigneur Jésus te propose d’être ton Sauveur. Si tu l’acceptes par la repentance et par la foi, tu peux apprendre qu’Il a acquitté ta dette, ta culpabilité, et que tu es maintenant réconcilié avec Dieu. Mais réalise que le chemin vers le tribunal est court. Il ne te reste plus beaucoup de temps…
Que personne ne s’illusionne dans l’espérance trompeuse qu’un jour la dette sera « purgée », que le dernier quadrant sera payé ! Selon le processus naturel à la base de notre parabole, il est évident que ce n’est pas le sens des paroles du Seigneur. Dans l’antiquité les débiteurs restaient en prison tant que leurs dettes n’étaient pas acquittées : autant la sentence était définitive, autant il était improbable d’arriver encore à un arrangement entre le créancier et le débiteur. C’est justement ceci que le Seigneur veut nous apprendre, et non pas que tout un chacun acquittera un jour la peine de ses péchés devant Dieu, et pourra alors sortir de la prison, de l’enfer. Une telle pensée est totalement étrangère à l’Écriture sainte. Elle ne connaît ni purgatoire ni rétablissement général ou rédemption de tous les hommes.
Néanmoins les expressions utilisées par le Seigneur Jésus ne sont pas le fruit du hasard. Une comparaison avec Luc 12:58-59 où nous trouvons la même parabole nous amène à la conclusion que la véritable signification de la parabole concerne le peuple juif, et a pour objet un pardon national, on peut aussi dire un pardon dispensationnel. Nous allons voir un peu plus loin ce que cela signifie.
Le Seigneur avait parlé aux Juifs, disant qu’ils savaient discerner les signes du ciel, mais qu’ils étaient incapables de discerner ce temps béni où Lui, le Messie, séjournait au milieu d’eux (Luc 12:54-56). Au lieu de Le reconnaître et de L’accepter par la foi, ils Le traitaient en ennemi, comme leur « adversaire ». Ils ne profitaient pas du temps de Sa présence en Israël pour accepter Son service de réconciliation. N’était-Il pas venu pour sauver Son peuple de leurs péchés (Matthieu 1:21) ? Or ils ne Le voulaient pas. Déjà quand Il n’était encore qu’un petit enfant, leur haine meurtrière s’était manifestée en Hérode. Cette haine atteignit son point culminant dans sa crucifixion.
C’est ainsi que Dieu dut devenir leur « adversaire » et leur « juge ». « Mais ils se rebellèrent et contristèrent l’Esprit de sa sainteté, et il se changea pour eux en ennemi ; lui-même, il combattit contre eux » (Ésaïe 63:10). Il les mit en prison en tant que nation. Ils devinrent « un peuple pillé et dépouillé », « tous liés dans des fosses et cachés dans des prisons » (Ésaïe 42:22). Mais ce n’est pas tout. Dieu les exclut aussi pour un temps de toutes les promesses faites à leurs pères. Ils en ont été effectivement et radicalement déchus plus tard par le rejet du Messie, et Dieu remplaça ces promesses par un jugement temporel sur eux. Ils sont dans cette « prison » jusqu’à aujourd’hui, et ils y resteront jusqu’à ce que Dieu, dans Sa grâce, use à nouveau de miséricorde à leur égard.
Cette pensée de punition pour le peuple juif en tant que nation se retrouve dans beaucoup de paraboles. Nous l’avons déjà considérée dans la parabole de la ‘lampe du corps’. Là, leur rejet de la lumière avait eu les ténèbres pour résultat. Ici ils se trouvent en prison jusqu’à ce qu’ils aient payé leur dette. En rapport avec la ‘maîtresse pierre du coin’, nous apprenons qu’elle tombera sur eux et qu’elle les « broiera » (Matthieu 21:42-46). Dans la parabole du ‘festin des noces’ leur ville est brûlée et les meurtriers des envoyés du roi périssent (Matthieu 22:1-14). En Luc 13 il est dit que le ‘figuier’ sera coupé s’il ne porte pas de fruit. Jean le baptiseur avait averti que la cognée était déjà mise à la racine des arbres ; tout arbre qui ne produirait pas de bon fruit serait coupé et jeté au feu (Matthieu. 3:10). Il y aura pour ce peuple un baptême de feu, très différent du baptême du Saint Esprit qui caractérise la période chrétienne.
L’action judiciaire de Dieu vis-à-vis du peuple juif a donc bien des côtés, bien des étapes ou degrés. Elle a commencé par la destruction de Jérusalem et elle culminera par la grande tribulation, cette tribulation terrible qui ne peut être comparée à rien d’autre, la « détresse de Jacob », peu avant l’apparition du Seigneur. Pendant tout ce temps ils sont en « prison ». Ils ont négligé l’avertissement du Psaume 2 qui pourtant s’adressait justement à eux prophétiquement : « Baisez le Fils, de peur qu’il ne s’irrite, et que vous ne périssiez dans le chemin ». Combien c’est solennel !
Cependant, le moment viendra où Dieu « aura achevé toute son œuvre contre la montagne de Sion et contre Jérusalem » (Ésaïe 10:12). Alors Il dira dans Sa grâce magnifique : « Consolez, consolez mon peuple, dit votre Dieu. Parlez au cœur de Jérusalem, et criez-lui que son temps de détresse est accompli, que son iniquité est acquittée ; qu’elle a reçu de la main de l’Éternel le double pour tous ses péchés » (Ésaïe 40:1, 2).
Le Seigneur Jésus a prié pour ce peuple en mourant sur la croix de Golgotha : « Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » (Luc 23:34). Il leur a reconnu par là le statut d’homicides involontaires, et ne les a pas mis au rang de meurtriers. Ce n’est que pour les homicides involontaires qu’il y avait des « villes de refuge » où ils pouvaient rester jusqu’à la mort du souverain sacrificateur, tandis que les meurtriers ne bénéficiaient pas de ces dispositions (comp. Nombres 35:22 et suiv.). Les Juifs sont bien encore aujourd’hui « en prison », renfermés par Dieu dans l’incrédulité (Romains 11:32). Mais il y a pour eux une « ville de refuge », c’est-à-dire qu’ils n’ont pas été et ne sont pas exterminés en tant que peuple pendant tous ces siècles et millénaires. Et si le grand sacrificateur « meurt », c’est-à-dire si la sacrificature céleste que le Seigneur Jésus exerce aujourd’hui arrive à sa fin, alors ils rentreront dans le pays de leurs pères, non pas dans l’incrédulité comme aujourd’hui, mais par la foi. Ils reconnaîtront leur Messie dans Celui qu’ils ont percé autrefois, et ils se lamenteront sur Lui, et il y aura de l’amertume pour Lui comme on a de l’amertume pour un premier-né (Zacharie 12:10-14). « En ce jour-là, une source sera ouverte pour la maison de David et pour les habitants de Jérusalem, pour le péché et pour l’impureté » (Zacharie 13:1). Dieu leur pardonnera, et les comblera d’une mesure de bénédiction qu’ils n’auront jamais connue. C’est ainsi que sera exaucée la prière du Sauveur mourant.
Il me semble nécessaire de faire encore une remarque à propos de l’expression « son iniquité est acquittée » d’Ésaïe 40:2. Car certains disent peut-être : « il est donc quand même possible d’acquitter sa dette devant Dieu, ‘jusqu’à ce que le dernier quadrant soit payé’ ! Or c’est pourtant ce qui vient d’être contesté ».
Il faut bien faire attention qu’il s’agit ici d’Israël, et d’un jugement de Dieu temporel et national envers ce peuple coupable. Quand nous verrons plus loin la parabole du festin des noces de Matthieu 22, nous verrons clairement la différence entre ce genre de jugement et un jugement éternel. Le jugement temporel concerne le peuple dans son ensemble et est en rapport avec les voies de Dieu en gouvernement à l’égard d’Israël ; il a à faire avec la terre. En rapport avec Ses voies en gouvernement à l’égard des hommes, Dieu peut limiter la mesure de punition ; Il peut même « se repentir du mal » qu’Il avait parlé de faire, et ne pas le faire, comme dans le cas des Ninivites (Jonas 3:10). Cela repose sur la souveraineté de Sa grâce. Mais (il vaut la peine de le remarquer) quand Dieu pardonne au peuple d’Israël en tant que nation, les personnes qui profitent de ce pardon sont alors toutes autres que celles qui ont, par le passé, subi cette sentence. Ce sera un pardon national et aussi dispensationnel, c’est-à-dire un pardon rattaché à une dispensation.
C’est cela qui fait ressortir clairement la différence décisive entre ce jugement temporel qui s’applique aux voies de Dieu sur la terre, et le jugement éternel de Dieu. Le jugement éternel est un jugement personnel ; il atteint des individus à cause de leur culpabilité personnelle, « afin que chacun reçoive les choses accomplies dans le corps, selon ce qu’il aura fait, soit bien, soit mal » (2 Corinthiens 5:10). En Apocalypse 20 nous voyons les morts se tenir devant le grand trône blanc, « et les morts furent jugés d’après les choses qui étaient écrites dans les livres, selon leurs œuvres » (Apocalypse 20:12). S’il s’agit de la culpabilité personnelle de l’individu devant Dieu, il n’y a jamais d’acquittement de la dette, mais seulement la possibilité de se réconcilier avec l’« adversaire », aussi longtemps qu’on est « en chemin » avec lui, aussi longtemps qu’il est dit « aujourd’hui ». Et comme le péché de l’individu exige, aux yeux de Dieu, une mesure éternelle de châtiment, ainsi aussi la rédemption en vertu du « sang précieux de Christ comme d’un agneau sans défaut et sans tache » a une portée éternelle (1 Pierre 1:19).
Or il en va tout différemment quand il s’agit d’une question du péché de tout un peuple. Dans ce cas, chaque individu reste encore naturellement entièrement responsable de ses actes devant Dieu. Mais le peuple d’Israël en tant que nation s’est en outre rendu responsable devant Dieu du rejet du Messie. Si en réponse à cela, Dieu a mis le peuple d’Israël de côté, Il peut limiter ce jugement dans le temps, et pardonner à nouveau en son temps au peuple en tant que tel. C’est justement ce qu’Il fera, comme nous venons de le voir ; Il greffera de nouveau les branches naturelles sur leur propre olivier (Romains 11:23 et suiv.). C’est cela qu’on entend par les expressions de pardon national et dispensationnel. Sa portée se borne à la terre, et ne s’étend pas à l’éternité.
De ces considérations, il ressort clairement combien, dans l’interprétation des paraboles, l’aspect dispensationnel et prophétique est important. Notre parabole en est justement un exemple. Nous ne pourrions pas la comprendre sans prendre en compte le côté prophétique.