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Méditations de André GIBERT

 

 

Table des matières :

1     «UNE  BONTÉ  DE  DIEU»    2 Samuel 9:3

2     LES  CHOSES  QUI  REGARDENT  LE  ROYAUME  DE  DIEU    Actes 1:3

3     DEUX  ROIS    (Saül et David)

4     «C’EST  ACCOMPLI»    Jean 19:30

5     LE  BIEN-AIMÉ  du  PSAUME  45

6     LE  CHRÉTIEN,  UN  CORPS  ÉTRANGER    Exode 12:33-39

7     LA  FIN  DE  L'ORDONNANCE  ET  LA  TRIPLE  PROVENANCE  DE  L'AMOUR

 

1                    «UNE  BONTÉ  DE  DIEU»    2 Samuel 9:3

ME 1974 p. 197

 

«J’userai envers lui d’une bonté de Dieu», dit David au sujet de Méphibosheth.

Il connaissait pour lui-même cette bonté de Dieu, c’est pourquoi il pouvait en user envers d’autres. Il l’avait expérimentée en des jours sombres, où il rencontrait les pires déceptions de la part de l’homme, et singulièrement de Saül et de sa maison. Saül, après l’avoir beaucoup aimé (1 Sam. 16:21), s’était tourné contre lui en ennemi acharné, alors qu’il lui devait la victoire : irrité que l’on donnât à David les dix mille et à lui les mille, il était plus encore rongé de jalousie et de crainte à l’endroit de celui en qui il pressentait l’oint selon le coeur de l’Éternel. Jonathan, l’ami très cher, malgré son affection pour David et sa foi réelle, n’avait pas eu l’énergie de tout quitter pour lui, et était demeuré, quoique affligé, aux côtés de son père dont il avait partagé le triste sort à Guilboa. Mical aimait David, l’avait aidé à échapper à Saül qui exploitait avec perfidie cet attachement, mais loin de suivre son époux dans sa proscription, elle l’avait trahi moralement, acceptant l’union adultère à laquelle l’avait contrainte son père sous l’autorité de qui elle aussi était restée ; plus tard, alors qu’un des premiers actes de David devenu roi avait été de la faire revenir, ne l’avait-elle pas déçu davantage encore par son mépris, lorsqu’il honorait l’Éternel en dansant devant l’arche ? Elle était punie par l’Éternel lui-même.

Mais David a toujours pu regarder vers le Dieu qui usait de bonté envers lui (Ps. 59:10, 17). Menacé, pourchassé, abandonné, cette bonté le prévenait (id.), le couvrait d’ailes protectrices, était envoyée pour le délivrer (id., 57:1-3). Il l’a connue en tout temps. Quand sa foi avait défailli et qu’il avait cherché refuge chez les Philistins jusqu’à devenir leur auxiliaire, ramené de sa grave et humiliante erreur par la dure discipline de Tsiklag, il s’était «fortifié en l’Éternel, son Dieu», et avait reconnu qu’Il l’avait «gardé», lui qui avait risqué de combattre le peuple de l’Éternel (1 Sam. 30:6, 23) !

La bonté de Dieu ! L’Éternel la faisait passer jadis devant Moïse qui demandait de voir Sa face (Ex. 33:19). David la voyait grande jusqu’aux cieux (Ps. 57:10), dans les cieux (id. 36:5), par-dessus les cieux (id. 108:4). Elle était pour lui «meilleure que la vie» (id. 63:3). Il s’écrie : «Oh ! que ta bonté est grande, que tu as mise en réserve pour ceux qui te craignent, et dont tu uses devant les fils des hommes envers ceux qui se confient en toi !» (id. 31:19). Comme il l’exaltera quand, «délivré de tous ses ennemis et de Saül», il bénit l’Éternel «qui use de bonté envers son Oint, envers David» (id. 18:50) ! Avec quelle ferveur, ramenant l’arche, il fait entendre, dans le «premier» psaume, cet appel joyeux que tant d’autres psaumes reprendront : «Célébrez l’Éternel, car il est bon, car sa bonté demeure à toujours» ! (1 Chroniques 16:34).

 

Mais, tout pénétré de cette magnifique bonté, David ne s’est pas borné à la célébrer. Il l’a dispensée à son tour, comme en un reflet de cet attribut divin. Il est particulièrement touchant de voir comment le «bien-aimé» de l’Éternel s’est conduit vis-à-vis de cette maison de Saül pourtant bien digne de son ressentiment.

 

Choisi pour être le roi selon l’appel de la grâce à la place de Saül le roi selon la chair, il ne s’est point dressé contre celui-ci. Il ne l’a pas seulement reconnu, invariablement, comme «oint de l’Éternel» et lui a témoigné de la déférence, il a usé de grâce envers lui quand il avait sa vie en son pouvoir, et cela à deux reprises : une première fois, il a retenu ses hommes de le frapper ; la seconde, c’est Abishaï qu’il reprend en des termes qui prouvent la droiture de son coeur (1 Sam. 24:8 ; 26:9). Il appartient à l’Éternel de frapper le roi profane (v. 10). David ne sera point un usurpateur, mais le roi que Dieu lui-même établit, par des coeurs qu’Il anime en faveur de son Oint (2 Sam. 2:1-4).

Mais, plus encore, David n’a jamais cessé de porter de l’amour à la maison de Saül, et pas seulement à Jonathan et à Mical, mais à Saül lui-même. Pas un mot d’hostilité, même quand David se fourvoie parmi les ennemis d’Israël ; les chefs des Philistins voient plus clair que lui-même, et qu’Akish, dans ses vrais sentiments (1 Sam. 29:4, 5). Et il suffit de rappeler la complainte qu’il élève sur Saül et Jonathan, «aimés et agréables dans leur vie», et qui «n’ont pas été séparés dans leur mort» (2 Sam. 1:12-26). Aucune animosité, aucun rappel des méchancetés subies, des dangers courus, aucun reproche, seulement des regrets et des pleurs. L’ami cher mais faible est célébré avec un coeur angoissé, et son père, le persécuteur sans cause, reste uni à lui dans les affections d’un David affligé.

Et le voici maintenant quand, délivré de tous ses ennemis et de Saül, il célèbre la bonté de Dieu mais s’occupe aussitôt de faire du bien à la descendance de celui qui pour son amour lui avait rendu la haine. Elle se trouve représentée par quelqu’un qu’il aurait eu des motifs particuliers de repousser, bien que fils de Jonathan. N’était-il pas boiteux, et des deux pieds, de ces boiteux «haïs de l’âme de David» depuis les sarcasmes des Jébusiens : «Tu ne monteras pas ici, mais les aveugles et les boiteux te repousseront» (2 Sam. 5:8) ? Et comment cette infirmité lui était-elle survenue ? Jeune enfant, il était tombé des bras de sa nourrice précipitamment enfuie par crainte de David en apprenant la mort de Saül et de Jonathan (2 Sam. 4:4). Méphibosheth portait ainsi dans sa chair la marque d’une méconnaissance totale des sentiments et de l’esprit qui animaient David. On avait fui celui qui ne voulait que le bien de cette famille, et l’on tenait pour rien la parole qu’il avait donnée jadis à Saül comme à Jonathan (1 Sam. 20:17 ; 24:22, 23). Pareillement firent les gens de Bééroth, aussi abusés que leurs deux compatriotes allant traîtreusement mettre à mort Ish-Bosheth dans l’espoir de se faire bienvenir et hautement récompenser (v. 2). Quelle ignorance du coeur de David, qu’ils supposaient tous désireux de vengeance alors qu’il n’était que grâce !

Jonathan avait pu dire à David, lors de leurs serments respectifs, sa confiance en la bonté de son ami : «Tu ne retireras point ta bonté de ma maison, à jamais, non pas même lorsque l’Éternel retranchera chacun des ennemis de David de dessus la face de la terre». Les ennemis avaient été retranchés, et, hélas, Jonathan avait péri avec eux, de par le gouvernement de Dieu, mais c’est une bonté plus haute qu’une bonté d’homme que David manifeste à Méphibosheth. «Ne crains point», lui dit-il. Et il lui rend ses biens, il le fait asseoir continuellement à sa table, il le traite en fils de roi. Cette famille qui semblait devoir s’éteindre revit à la cour royale ; un fils, Mica (Michée) y est élevé. David y gagne des coeurs fidèles. Méphibosheth prouvera cette fidélité lorsque David devra s’enfuir devant Absalom, et si la traîtrise de Tsiba met alors un moment en défaut le jugement de David, elle donne occasion de manifester à quel point le dévouement du pauvre boiteux à son bienfaiteur était sincère et désintéressé (2 Sam. 16:1-4 ; 19:24-30). Il pourra être parlé plus tard de sa descendance, une postérité nombreuse, forte et vaillante sortie de ce faible «reste», et attachée, comme toute la tribu de Benjamin, à la fortune du royaume de Juda et de la famille de David — des Hébreux des Hébreux (voir 1 Chron. 8:35-40).

 

Cette «bonté de Dieu «qui fait agir David, nous la trouvons à un degré incomparablement élevé en Celui qui est venu nous apporter la grâce et la vérité. «La bonté de Dieu, et son amour envers les hommes, sont apparus» en Lui (Tite 3:4-6). Elle s’est étendue sur un peuple rebelle, sur un monde ennemi, sur nous pécheurs. Jésus a aimé ceux qu’il venait sauver, il les a aimés alors qu’ils le méconnaissaient et se dressaient contre lui. Les accents de la complainte de David sur Saül et Jonathan se retrouvent, combien amplifiés, dans les pleurs de Jésus sur la ville où il allait être mis à mort (Luc 19:41-44). La douloureuse constatation est là : «Vous ne voulez pas venir à moi pour avoir la vie» (Jean 5:40). ... «Que de fois j’ai voulu rassembler tes enfants comme une poule rassemble ses poussins sous ses ailes, et vous ne l’avez pas voulu !» (Luc 13:34 ; Matt. 23:37).

Aussi est-ce à juste titre que l’épisode de Méphibosheth est souvent employé pour illustrer l’Évangile. Il est propre aussi bien à atteindre les coeurs contrits et misérables qu’à placer les consciences devant ce qu’il y a de solennel et de périlleux à mépriser «les richesses de la bonté de Dieu, et de sa patience, et de sa longue attente... la bonté de Dieu qui pousse à la repentance» (Rom. 2:4).

Mais quel enseignement aussi pour nous, croyants, objets de cette grâce divine ! Il n’y avait en nous aucune bonté (id. 3:12). Si, comme David, nous avons éprouvé la bonté de Dieu, et plus même qu’il ne pouvait la connaître, n’avons-nous pas à la manifester comme lui, étant étreints par l’amour de Christ et l’apportant au monde ennemi et condamné dans lequel nous sommes ? L’apôtre Paul, qui avait tant à souffrir de la part de ses frères selon la chair, était dans une grande tristesse et une douleur continuelle à leur sujet, de sorte qu’il avait même souhaité d’être, par anathème, séparé du Christ pour eux (id. 9:2) : n’est-ce pas là, sur un registre moins élevé sans doute, un autre écho de l’affliction de David pleurant Saül et Jonathan ?

Laissons à Dieu le soin de juger ses ennemis, d’exercer dès maintenant son gouvernement à cet égard, en attendant le jour de sa vengeance et de sa colère, et n’ayons, pour les hommes de ce monde, pour ceux même qui portent indûment le nom de Christ et qui vont au-devant du châtiment des apostats, ni animosité ni amertume. Le jour de la grâce exclut toute haine du coeur des graciés. Nous sommes les porteurs de cette grâce, unie à la vérité, et notre devoir est de parler avec cette bonté qui pousse les pécheurs à se repentir.

 

Et que dire, chers frères et soeurs, de ce qui doit nous animer l’un envers l’autre au sein de la famille de Dieu ? «Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, comment peut-il aimer Dieu qu’il ne voit pas ?» (1 Jean 4:20). «Aimez-vous comme je vous ai aimés», nous dit et redit le Seigneur (Jean 13:34 ; 15:12). «Ne parlez pas l’un contre l’autre, frères» (Jacq. 4:11). Relisons la parabole de Matthieu 18:23-35. Méditons les exhortations de Romains 12, données au nom des «compassions de Dieu». Et prenons à coeur celle de 1 Pierre 4:10 : «Suivant que chacun de vous a reçu quelque don de grâce» (et qui n’en a point reçu ?), «employez-le les uns pour les autres comme bons dispensateurs de la grâce variée de Dieu».

Dispenser la grâce de Dieu. Nous ne pouvons le faire qu’à proportion de ce que nous en connaissons pour nous-mêmes. Pour user d’une bonté de Dieu, il faut la tenir de Dieu.

 

 

 

 

 

2                    LES  CHOSES  QUI  REGARDENT  LE  ROYAUME  DE  DIEU    Actes 1:3

ME 1981 p. 174

«Frappe le berger, et les brebis seront dispersées ; et je tournerai ma main sur les petits» (Zach. 13:7). Le Seigneur Jésus ressuscité rassemble ses brebis désemparées, en train de se disperser ; c’est ce que montre particulièrement le chapitre 24 de l’évangile de Luc. Il n’a plus affaire avec le monde dont il vient de vaincre le chef. Ne pourrait-il pas détruire tous les ennemis, établir le royaume qu’il a plu au Père de «donner» à ce petit troupeau, et dont Jésus a dit aux siens qu’il leur en conférait une part (Luc 12:32 ; 22:29) ? ce royaume en vue duquel ils le suivaient naguère ? Car leur foi n’allait pas plus loin qu’un Messie libérateur. «Nous espérions qu’il était celui qui doit délivrer Israël» (Luc 24:21). Ils n’avaient rien retenu des paroles par lesquelles il les avertissait de ses souffrances et de sa mort. Ces «choses qui étaient arrivées» les plongeaient dans la tristesse, car ils l’aimaient, et dans un désarroi tel qu’on les voit rester incrédules devant les premiers témoignages d’une résurrection pour eux inconcevable.

Même quand cette résurrection sera devenue une certitude ils demanderont : «Seigneur, est-ce en ce temps-ci que tu rétablis le royaume pour Israël ?» (Actes 1:6). Pour les amener à une telle certitude Jésus aura dû vaincre cette ignorance inintelligente et oublieuse, qui n’est autre que l’incrédulité foncière de notre nature. Mais patiemment il se fait peu à peu reconnaître, par des femmes au coeur aimant et d’abord Marie de Magdala, par Pierre qui a le plus besoin de son amour, par les disciples d’Emmaüs, puis les onze... Patiemment aussi, avec une autorité qui sait faire entendre au moment voulu le reproche nécessaire (Luc 24:25 ; Marc 16:14) — mais avec quelle douceur ! — il les ramène, les regroupe, et leur ouvre à la fois l’intelligence et les Écritures pour qu’ils en comprennent le sens caché.

Non, ce n’était pas encore «le temps» du royaume de gloire. Il n’est pas question pour Jésus de déployer une puissance qui a fait pourtant trembler de frayeur et devenir comme morts les gardes du tombeau. Dans «les choses qui regardent le royaume de Dieu» un immense changement vient de se produire. Les voies mystérieuses par lesquelles s’accomplissent les desseins éternels sont parvenues à un point capital. Les souffrances et la mort du Rédempteur étaient nécessaires pour que des gloires suivent, auxquelles ses disciples auront part après avoir eux-mêmes souffert et triomphé par Lui. S’Il ne se montre pas encore dans l’éclat de la victoire, si la manifestation de sa gloire est remise à plus tard, la nouvelle création n’en est pas moins inaugurée, jaillissant, comme une aurore après la nuit, du tombeau vaincu. Il est le premier-né des morts, le commencement de la création de Dieu, nouvelle, éternelle, et les siens y entrent sans qu’ils puissent encore s’en douter. Mais un temps d’opérations merveilleuses, résultant de la résurrection, est nécessaire, avant que cessent les soupirs de la vieille création.

C’est le temps actuel. Christ, l’homme ressuscité, a été élevé et glorifié dans le ciel. Dieu, par le Saint Esprit, travaille sur la terre pour produire un peuple nouveau. Il le tire d’un monde ennemi, qui mûrit pour le jugement tandis que la patience divine attend encore. Une famille céleste va naître («Mon Père et votre Père», a dit Jésus), en générations successives, par la prédication de l’Évangile révélant la justice de Dieu et proclamant sa grâce à toutes les nations. En effet c’est l’ère de la grâce, nouvelle mise à l’épreuve de l’homme sans doute, mais ère bénie entre toutes puisqu’elle est celle de l’appel de l’Assemblée de Dieu, l’épouse de Christ. Et déjà pour la foi «les choses vieilles sont passées, toutes choses sont faites nouvelles».

Les quarante jours entre la résurrection et l’ascension (tout le chapitre 24 de Luc, et Actes 1:1-12) constituent une brève période transitoire, où les disciples sont déjà sortis de la condition des croyants de l’Ancien Testament mais ne sont pas encore introduits dans la condition chrétienne. On comprend l’extrême difficulté pour ces Juifs à passer de l’une à l’autre, et cette difficulté marquera plus ou moins toute une génération, jusqu’à la destruction du temple et la ruine de Jérusalem. Mais Jésus les prépare à ce changement, qui est en fait leur accession à un plan supérieur ; il leur fait pas à pas franchir le seuil de ce monde nouveau avec ses bénédictions spirituelles. Il les a fait jouir de sa présence dès le jour de sa résurrection, pour qu’ils en témoignent ensuite, mais aussi pour qu’ils en goûtent la réalité visible avant de connaître la réalité spirituelle du «Je suis avec vous tous les jours» de Matt. 28:20. «Paix vous soit», leur a-t-il dit d’emblée le soir de ce premier jour de la semaine, et plus encore il leur a insufflé l’Esprit de vie, après leur avoir montré les marques de ses souffrances et donné les preuves concrètes de son identité comme Celui qui est le même hier et aujourd’hui et éternellement. Puis il les a instruits pendant ces quarante jours. De sorte que lorsqu’il les quittera, élevé au ciel en les bénissant, ils s’en retourneront à Jérusalem «avec une grande joie». Ils se rendront encore dans le temple, mais y feront retentir une joyeuse louange, telle que jamais ce temple n’en avait entendu ni ne pouvait en entendre aux plus beaux jours de Salomon, et dépassant celle des pieux témoins que le début de cet Évangile de Luc nous y présente, Zacharie et Élisabeth, Siméon et Anne... Ceux-ci s’étaient réjouis, comme les anges, de la naissance de Jésus, mais les disciples célèbrent sa victoire et ses résultats.

 

Dix jours encore, de prière et de communion dans la vie nouvelle, et le jour de la Pentecôte le baptême du Saint Esprit, accomplissement de la promesse du Père, va les placer, sur la terre, dans leur dignité de témoins du Christ glorifié. L’autre Consolateur sera avec eux. «En ce jour-là vous connaîtrez que moi je suis en mon Père, et vous en moi, et moi en vous...» Et cependant Il les laissait seuls, en apparence, dans un monde où ils auraient tant à souffrir, mais pour Lui !

 

Nous arrivons à la fin de cette ère de grâce, nous qui faisons partie des «bienheureux» qui n’ont point vu, et qui ont cru. La venue du Seigneur est proche. Le travail de l’Esprit présent ici-bas va se terminer. Que de choses Il aura enseignées, par la Parole, à qui voulait les entendre ! Les avons-nous reçues ? les croyons-nous véritablement ? les vivons-nous ? En même temps va se clore le temps du témoignage confié aux saints de la dispensation actuelle ; en avons-nous apprécié la valeur et le privilège ? Hélas, ainsi que tout ce qui a été placé entre des mains humaines le saint dépôt n’a pas été gardé fidèlement par ses porteurs, les pensées charnelles ont été mêlées à la pensée divine, l’Esprit a été attristé, les pauvres serviteurs que nous sommes sont devenus paresseux à écouter, les choses de la terre l’ont emporté sur «les choses qui regardent le royaume de Dieu». Bientôt le Saint Esprit «sera loin», et l’apostasie ouverte aura son libre cours. Que l’imminence de ces choses nous réveille ! Le Seigneur, lui, est fidèle, qui va faire passer les siens de la scène présente à la gloire du ciel. Aux disciples du commencement Il avait comme dit : «Ami, monte plus haut». Et à ceux qui espèrent dans la grâce que Sa révélation va leur apporter Il dira bientôt : «Monte ici», — combien plus haut, et pour jamais !

Chrétiens, l’attendons-nous vraiment ? Et, par-delà cet enlèvement libérateur, savons-nous porter nos regards sur ce qui est l’objet final de notre attente, c’est-à-dire le jour de Dieu, les nouveaux cieux et la nouvelle terre (2 Pierre 3:12-15) ? Là aboutissent, en vertu de l’oeuvre de Christ, toutes les voies encore futures de Dieu :

 — venue du Seigneur Jésus, d’abord pour enlever les siens, puis sa manifestation en gloire pour établir, par les jugements tombant sur le monde actuel, son royaume terrestre : pendant tout un millénaire la bonté et la vérité, la justice et la paix, régneront, Satan étant lié, — mais le coeur de l’homme non changé, hélas ;

 — puis destruction de la vieille création visible, cieux en feu dissous, éléments embrasés et se fondant ;

 — puis jugement des morts devant le grand trône blanc, et étang de feu (Apoc. 20:13-15) ;

 

 — et enfin, tous les ennemis étant détruits, le royaume remis par Christ à Dieu le Père (1 Cor. 15:24-28). Alors luira le jour de Dieu, le jour éternel. «C’est fait» (Apoc. 21:6).

 

L’effrayant avenir de ce monde doit nous faire estimer que «la patience de Dieu est salut», mais notre attente est l’accomplissement de la promesse, total, définitif. C’est la fin vers laquelle tendent, étape après étape, dispensation après dispensation, toutes «les choses qui regardent le royaume de Dieu». Dans ce jour éternel, «Dieu sera tout en tous».

 

Ah ! Quelles gens devrions-nous être, en sainte conduite et en piété !

 

 

 

 

3                    DEUX  ROIS    (Saül et David)

ME 1969 p. 245

La même dignité royale a été conférée de par l’Éternel, par la même onction, de la main du même prophète, à Saül puis à David. De l’un et l’autre il a pu être dit : «l’Oint de l’Éternel». L’un et l’autre ont été employés, chacun en son temps, comme un instrument par lequel l’Éternel délivrait son peuple. L’un et l’autre ont été mis à l’épreuve, chacun avec sa propre responsabilité. Mais l’onction royale s’appliquait chez Saül à un homme naturel, chez David à un homme né de nouveau, par grâce. La responsabilité du premier est celle de la seule chair qui, même parée de belles qualités naturelles qui attirent les regards et le coeur des hommes, et prétendant faire elle-même l’oeuvre de Dieu, dévoile finalement son égoïsme, son incrédulité foncière et son inimitié contre Dieu. La responsabilité de David est celle d’un croyant, choisi «selon le coeur» de Dieu, et en qui agissent des sentiments propres à la vie nouvelle, bien que la chair en lui demeure toujours la même. Aussi les fautes de David, nombreuses surtout dans la période de sa prospérité, sont-elles moralement plus tristes que celles de Saül, mais elles sont l’occasion de la miséricorde de Dieu et de retours salutaires, dans un jugement de soi-même grandissant à mesure que David se connaît mieux ; alors que le péché capital de Saül est la volonté propre, source de l’obstination et de la rébellion pires que l’idolâtrie, et qui, faute de repentance, est sans pardon.

Ce sont là autant de sujets d’utiles méditations pour nous.

 

 

 

4                    «C’EST  ACCOMPLI»    Jean 19:30

ME 1967 p. 308

Après la nuit d’horreur indicible, l’aurore se lève. Jésus dit : «C’est accompli». Il contemple la perfection de son oeuvre achevée. Quelle immense portée a ce fait : la volonté de Dieu accomplie après de longs siècles pendant lesquels l’homme s’était toujours révolté ! Ce n’est pas seulement la plus grande oeuvre de l’histoire du monde, c’est l’oeuvre par excellence, l’oeuvre unique, celle à la réalisation de laquelle Dieu fait conspirer toute cette histoire. C’est l’oeuvre dont les cieux s’occupent, celle dont l’éternité sera remplie. C’est accompli ! À cette oeuvre rien ne saurait être ajouté. Peut-on ajouter quelque chose à ce qui est accompli ? Si nous pouvions produire quelque chose d’agréable à Dieu, l’abandon de son Fils eût-il été nécessaire ? Jésus aurait-il pu dire «C’est accompli» si tout le péché n’avait été expié ? Parole définitive qui descend de la croix en message de salut : «C’est accompli».

 

 

 

5                    LE  BIEN-AIMÉ  du  PSAUME  45

ME 1963 p. 169

Ce magnifique psaume célèbre Christ comme le Roi, mais un roi qui s’appelle «le Bien-aimé». Il est le roi vainqueur dans les combats, un héros, qui enflamme le coeur de ses fidèles, et il est le roi des noces de gloire et de paix, qui captive le coeur de l’Épouse.

Il réunit ainsi les caractères de David et ceux de Salomon, et les porte les uns et les autres à leur perfection. Il délivrera son peuple par le jugement guerrier des ennemis, et il en fera le centre de la bénédiction millénaire, comme l’Épouse terrestre associée au roi divin. L’Église, elle, l’Épouse céleste de l’Agneau, anticipe ces choses sur un plan plus élevé, et, jouissant déjà des résultats de la victoire de Christ, elle attend présentement la manifestation glorieuse de Celui qui est encore caché dans le ciel mais auquel l’Esprit l’unit.

David luttant, souffrant, triomphant, délivrant les siens après leurs longues épreuves, Salomon pacifique, sage, glorieux, sont confondus dans ce Bien-aimé en l’honneur duquel les fils de Coré composent leur cantique. Comment ne pas nous souvenir que David signifie «bien-aimé», et que Salomon à sa naissance a été appelé, par Nathan le prophète, Jedidia, c’est-à-dire «bien-aimé de l’Éternel» ? Christ est le bien-aimé du Père avant d’être le nôtre. Et Il est le nôtre parce qu’Il est le bien-aimé du Père.

David, lorsqu’il fut oint, était méconnu de sa famille, et même son père qui lui avait donné ce nom le traite comme une quantité négligeable (1 Sam. 16). Mais il avait été choisi par l’Éternel (1 Sam. 13:14 ; Ps. 78:70), et c’est l’Éternel qui l’avait gardé, instruit, formé, dans sa jeunesse solitaire de berger. C’est aux yeux de Samuel, l’homme de Dieu, qu’il apparaît tel que la Parole de Dieu le décrit, «le teint rosé, avec de beaux yeux, et beau de visage». Il sera dans la suite l’objet du dédain et de la haine non seulement du roi selon la chair (Saül) mais des siens, de son frère (Éliab), de son propre fils, hélas (Absalom). Ainsi Jésus, objet des délices du Père, ne sera ni connu par le monde ni reçu par les siens ; il a été sans apparence aux yeux des hommes, sans forme ni éclat, méprisé ; «son visage était défait», «et nous n’avons eu pour lui aucune estime». Mais la foi d’une Abigaïl et des compagnons de David rejeté a discerné la beauté de l’oint, devancé le moment où d’autres, revenus de leur aveuglement et bénéficiaires de ses victoires libératrices, les fils de Coré, figure du résidu futur que délivrera le Messie, diront : «Tu es plus beau que les fils des hommes». La part des chrétiens est plus précieuse que celle de ceux-ci comme de ceux-là. La grâce sur ses lèvres, la justice dans ses pensées et ses voies, la vérité et la débonnaireté accompagnant l’exercice de l’autorité qu’il a reçue pour juger «parce qu’il est fils de l’homme», et la magnificence de sa venue, et l’huile de joie sur sa tête au jour du triomphe, oui, nous saluons tout cela à l’avance, si nous aimons l’apparition de Christ. Mais dès maintenant nous le voyons sur le trône du Père dans le ciel, couronné de gloire et d’honneur parce qu’Il a goûté la mort pour tout, et qu’Il a triomphé en la croix. Il est devenu notre Bien-aimé, Lui, le Fils unique qui est dans le sein du Père et ses délices comme homme ici-bas.

Quant à Salomon, s’il a été le glorieux roi de justice et de paix, c’est parce qu’il était Jedidia, le bien-aimé de l’Éternel. «L’Éternel l’aima» (2 Sam. 12:24, 25), lui, le second fils de «celle qui avait été la femme d’Urie». La grâce de Dieu se déploie là, magnifique, pour que la gloire se déploie plus tard. David repentant et humilié avait été restauré ; il avait accepté avec soumission la mort de l’enfant de son péché ; et maintenant la certitude de cette restauration lui fait donner le nom de pacifique (Salomon) à celui qu’il sait devoir lui succéder un jour. Il ne pouvait soupçonner encore combien de souffrances il aurait à traverser avant que ce fils fût établi roi dans la paix. Mais la grâce accueille et marque du sceau d’un nom merveilleux celui qui entre dans ce monde : «L’Éternel envoya par Nathan le prophète, et l’appela du nom de Jedidia, à cause de l’Éternel». Ainsi le vrai Salomon, le Roi de gloire, Emmanuel, Dieu avec nous, annoncé par un envoyé céleste, Gabriel, est né au milieu d’un peuple abaissé, d’une vierge de la maison de David mais qui vivait dans l’humilité profonde, il «a participé au sang et à la chair», mais sans péché, et dès le berceau «la faveur de Dieu était sur lui». Et quand il entre dans sa carrière publique, Jésus, estimé en tant qu’homme fils de Joseph, de David, d’Adam, de Dieu, est salué par Dieu lui-même : «Tu es mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai trouvé mon plaisir», comme il le sera vers la fin de son service, sur la sainte montagne. Plus tard, plus tard seulement, il sera le bien-aimé de la Sulamithe ; mais Il est devenu le nôtre, croyants. Ses beautés ne sont révélées qu’à ceux, qu’à celles, que la grâce a amenés à Lui, et qui oublient pour Lui tous leurs liens dans la chair (v. 10). L’Épouse terrestre s’inclinera bientôt devant son Seigneur, qui aura désiré sa beauté. L’Épouse céleste, encore sur la terre, s’incline déjà et adore.

Un cantique du Bien-aimé... Le Bien-aimé de Dieu ! Et c’est en Lui et en Lui seul que Dieu nous a rendus agréables (Éph. 1:6), nous qui comme tous les autres l’avions estimé battu, frappé de Dieu et affligé ! Estimons-nous assez le privilège infini d’avoir un objet commun, un tel objet commun avec Dieu lui-même, son Bien-aimé ? Que notre coeur bouillonne d’une bonne parole, et que notre âme fervente jouisse de la précieuse communion établie entre Christ et les siens, entre le Rédempteur et les rachetés, le chef et ses compagnons, entre l’Époux et l’Épouse, mais communion qui s’enracine dans «notre communion qui est avec le Père et son Fils Jésus Christ».

 

Fils bien-aimé, pur objet de délice,

Centre béni de l’amour paternel,

Tu devins homme et par ton sacrifice

Nous connaissons cet amour éternel !

 

Puissant vainqueur, plus beau qu’aucun fils d’homme,

Oint d’huile sainte, et du ciel acclamé,

Déjà l’Église avec ferveur te nomme

Seigneur et Christ, — et chante, ô Bien-aimé !

 

 

 

 

 

6                    LE  CHRÉTIEN,  UN  CORPS  ÉTRANGER    Exode 12:33-39

ME 1983 p. 213

Les Égyptiens sont contraints à chasser les Israélites qui leur avaient servi d’esclaves. Ils les pressent de sortir, disant : «S’ils restent, nous allons tous mourir, «nous sommes tous morts» (v. 33). Et le Pharaon même presse Moïse : «Sortez du milieu de mon peuple».

Le monde présent va à sa perdition, l’odeur de mort est sur lui, tandis que l’odeur de vie est sur les croyants, de sorte qu’ils sont pour le monde des corps étrangers, qui le font souffrir, qu’il ne peut supporter. Si nous nous faisons amis du monde, si nous cherchons des compromis, si nous projetons de nous établir à la fois en Égypte et dans le désert, en marche vers Canaan, qu’en est-il alors de notre position ? La vie du chrétien devrait être telle que le monde ne pourrait nous supporter ; il ne tolérerait pas un corps étranger, il l’éliminerait. C’est cela, la croix de Christ, c’est un effet de cette croix (il y a d’autres aspects du témoignage, mais cela en est un). Si nous étions du monde, le monde aimerait ce qui est sien. Satan travaille pour que nous fassions un amalgame contre nature : le monde et nous.

Si nous ressentions davantage cela et laissions cette impulsion du monde éjecter les croyants, ne serait-ce pas pour nous une sanctification pratique, la réalisation de la fête des pains sans levain ? Le levain, figure du mal, c’est une pâte aigrie qui a subi une fermentation et qui est mêlée à la pâte du pain pour que celle-ci fermente tout entière. La pâte était prête quand les Israélites ont dû partir en hâte, sans avoir eu le temps d’y incorporer le levain. Ils ont été chassés avant que la figure du mal n’entre dans leur pâte : le pain de la terre maudite est toujours fait avec du levain. Le monde veut-il vous éjecter ? Suivez, obéissez, la main de l’Éternel est derrière les efforts de Satan, comme si par nous-mêmes (et telle est notre vieille nature !) nous étions prêts à rester volontiers en Égypte.

Quelle condamnation de notre nature, que l’attrait de la délivrance et celui même de Christ, ait peine à nous détacher du monde ! Il faut partir tout de suite, sinon la pâte va lever. Les pains sans levain sont des pains sans saveur pour la terre, mais ils ont la saveur du ciel, «odeur de vie pour la vie, odeur de mort pour la mort». Qu’il nous soit donné de réaliser cela ! «Nous sommes devenus comme les balayures du monde et le rebut de tous», disait Paul (1 Cor. 4:13). Puissions-nous être vraiment tels ! En d’autres termes, le monde nous reconnaît-il comme siens ou comme ceux qui, parce qu’ils appartiennent à Christ, ne peuvent être supportés par les sujets du «chef de ce monde» ?

 

 

 

7                    LA  FIN  DE  L'ORDONNANCE  ET  LA  TRIPLE  PROVENANCE  DE  L'AMOUR

ME 1965 p. 57

Or la fin de l’ordonnance, c’est l’amour qui procède d’un coeur pur et d’une bonne conscience et d’une foi sincère (1 Timothée 1:5).

Paul avait été établi apôtre «selon le commandement de Dieu notre Sauveur et du christ Jésus notre espérance». Il charge à son tour Timothée de commandements. Il lui ordonne certaines choses pour lui-même (6:13), et il lui enjoint d’en ordonner aux chrétiens d’Éphèse (1:3 ; 4:11 ; 5:7 ; 6:17). Comme le centurion de Matthieu 8, il reçoit des ordres, y obéit, et en transmet à d’autres, exerçant ainsi une autorité tirée d’une autorité supérieure. Tout ce qui est prescrit ici l’est en vue d’assurer l’ordre dans la maison de Dieu, non point toutefois en imposant un règlement aux croyants, mais en les amenant à garder une même vérité du fait qu’ils sont unis par l’amour dans l’Esprit (Col. 1:8). «La fin de l’ordonnance», c’est-à-dire son objet final, son but, «c’est l’amour».

Ainsi en est-il en particulier de l’ordre que Timothée devait intimer «à certaines personnes, de ne pas enseigner des doctrines étrangères, et de ne pas s’attacher aux fables et aux généalogies interminables», dont il ne pouvait résulter que du trouble, «des disputes plutôt que l’administration de Dieu (*) qui est par la foi». Quand la doctrine chrétienne devient le prétexte de discours ou d’entretiens alimentant la curiosité de l’esprit naturel, quand son enseignement tourne à une science religieuse tantôt attachée aux traditions tantôt avide de nouveautés sensationnelles, non seulement il n’y a pas d’édification, mais les querelles dissolvantes ne sont pas loin. Un enseignement selon Dieu, au contraire, se propose et produit l’amour ; ainsi était l’enseignement de l’apôtre, qui prêchait Christ, et cet enseignement était justement menacé par d’autres qui, opposés à la vraie foi, ruinaient l’amour. Pas plus en effet que la vraie foi ne se nourrit des pensées humaines ignorantes de Dieu, l’amour chrétien n’a grand-chose de commun avec les sentiments naturels. Il n’est pas l’affaire de gens qui se reconnaissent certaines affinités, il ne se satisfait pas de marques extérieures qui peuvent masquer une incompréhension profonde, il ne jaillit pas en ces effusions déplacées qui flattent la chair. Il appartient à un ordre de choses bien différent.

(*) Litt. : la gestion de la maison de Dieu.

L’amour à la pratique duquel tend le service pastoral confié à Timothée, et, finalement, tout l’enseignement de «l’évangile de la gloire du Dieu bienheureux», est le fruit d’un travail opéré par l’Esprit de Dieu et par la Parole dans la conscience, le coeur et l’esprit du croyant, pour que celui-ci, amené à n’avoir aucune confiance en la chair et à comprendre que tout est grâce pour lui, puisse jouir de cet amour et l’exercer. Il n’y a rien là des pressions d’une loi impossible à garder par le vieil homme ; ce sont au contraire des commandements que l’homme nouveau trouve sa joie à accomplir. Un tel amour répond à l’amour de Dieu et il se déploie à l’imitation de Dieu lui-même et de Christ (Éph. 5:1, 2) ; il est entravé par tout ce qui chez le croyant attriste le Saint Esprit de Dieu, autrement dit tout ce qui vient de cette chair rebelle à toute ordonnance, que cette dernière soit donnée par la loi ou par la grâce.

Aussi cet amour ne peut-il être indépendant «d’un coeur pur, et d’une bonne conscience, et d’une foi sincère». Il en procède, comme une eau pure arrivant par trois canaux propres à la donner pure, telle qu’elle est à sa source, parce que ces canaux eux-mêmes sont purs. La source ne peut être autre que «l’amour de Dieu qui est dans le christ Jésus notre Seigneur», et c’est le Saint Esprit qui verse cet amour de Dieu dans nos coeurs.

Notre passage établit entre ces trois choses, le coeur, la conscience et la foi, une liaison essentielle et profonde. Le coeur pur est exempt de toutes les choses qui pourraient empêcher la conscience d’être bonne (*). Et ces mauvaises choses, comment la conscience les discerne-t-elle ? À la lumière dans laquelle le croyant est tenu par une foi sincère (2*).

(*) Voici les autres passages où le même qualificatif s’applique à la conscience : 1 Tim. 1:19 ; 3:9 (traduit par «purs») ; 2 Tim. 1:3 (id.) ; Héb. 9:14 (id.) ; 1 Pierre 3:16, 21.

(2*) Ou : sans dissimulation, «sans hypocrisie», selon la traduction du même terme en 2 Cor. 6:6 ; 1 Pierre 1:22 ; Rom. 12:9 — trois passages où il qualifie l’amour ; en 2 Tim. 1:5, où il s’applique comme ici à la foi ; et en Jacques 3:17, où il donne un des caractères de la sagesse d’en haut.

Le coeur pur, bien loin d’être tel par nature, est «créé» par Dieu (Ps. 51:10), chez le pécheur régénéré. Il a été foncièrement «purifié par aspersion» (l’aspersion du sang de Christ), comme le dit Hébreux 10:22 employant les figures de la consécration des fils d’Aaron, et il l’a été une fois pour toutes, de même que le corps tout entier a été «lavé d’eau pure» (id. ; Jean 13:6 ; 15:3). Après quoi il doit être purifié des souillures extérieures contractées sur le chemin, par le lavage renouvelé de la Parole agissant sur l’âme (Jean 13:8-10 ; Éph. 5:26). Avoir un coeur pur ne signifie pas ne plus avoir la chair en nous — elle est toujours là — mais ne pas la laisser agir, en la tenant où Dieu l’a mise, c’est-à-dire dans la mort (Col. 3:5).

La bonne conscience répond à un tel état pratique. La fonction de la conscience est de distinguer le bien et le mal ; c’est comme l’aiguille d’un instrument de mesure, un manomètre par exemple qui indique où en est la pression d’un gaz. L’indication vaut ce que vaut l’instrument : la conscience peut être faussée, même insensibilisée, ou cautérisée, mais dans la mesure où elle est vraie elle déclare que ceci est bien, et elle l’approuve, et que ceci est mal, et elle le réprouve. Elle est bonne quand il n’y a pas de mal à juger, comme l’aiguille du manomètre quand elle indique la pression requise. Dans un tel état tout dans le croyant est formé par l’Esprit, il marche en accord avec la relation d’enfant de Dieu où la grâce l’a placé. La conscience de quelqu’un qui n’est pas affranchi, autrement dit qui ignore cette relation, ne peut être que troublée en découvrant l’incapacité de la chair à accomplir la loi de Dieu. Mais l’Esprit me fait connaître que je suis enfant de Dieu et me fait crier : Abba, Père, en me montrant ma position non plus «dans la chair» mais «dans le christ Jésus». Voilà «le coeur par aspersion purifié d’une mauvaise conscience». J’ai ensuite à me conduire conformément à mon adoption, mais ce ne serait possible en aucune manière si je n’avais la vie de l’Esprit.

Tout cela, on le comprend, ne peut absolument pas être séparé de la foi. C’est la foi qui saisit ces grandes vérités, elle croit Dieu, reçoit sa Parole, laquelle révèle Dieu en Christ. Le croyant, délivré de lui-même, a Christ comme objet, et, occupé de Lui, il s’abandonne entièrement à Dieu, il compte entièrement sur Dieu, et il trouve toutes les directions, toutes les ressources dont il a besoin, dans la confiance sans réserve que donne seule une foi sincère. C’est quand ils sont saisis par une telle foi que les commandements divins, bien loin d’être un tourment pour la conscience, comme naguère, deviennent le bonheur de l’âme (cf. Psaume 119, en particulier v. 47, 48, 97, etc.).

Ah ! soupirons-nous, quel bel état intérieur, en ses trois éléments solidaires, mais, hélas, n’est-ce pas un état idéal ? Il est de fait qu’au moindre manquement voilà la conscience troublée, comme l’aiguille du manomètre qui s’agite quand la pression monte ou diminue dangereusement. Que cette souillure soit tolérée, la conscience devient mauvaise, le coeur ne jouit plus des affections d’en haut, la foi perd son assurance et s’obscurcit : doutant de soi, on doute de Dieu. Que faire ? Revenir à Celui qui demeure le même, tout lui dire, laisser sa Parole nous montrer ce qui altère la pureté du coeur et doit être confessé, jugé et rejeté. La foi sincère va à Dieu pour que le coeur soit purifié et que la conscience redevienne bonne. Tel est le continuel exercice de la vie chrétienne, tant que nous sommes dans ce corps. C’est l’exercice de la piété (4:7), revenant sans cesse au secret de sa force, c’est-à-dire son «mystère», qui est grand.

Mais rien ne peut être plus funeste que de s’accommoder des manquements, en alléguant que la grâce pourvoit à tout. Elle y pourvoit, certes, et plus merveilleusement que nous ne pourrons jamais le comprendre ici-bas ; Christ, l’intercesseur divin, ne se lasse pas dans son double office de sacrificateur et d’avocat. Mais la fin que poursuit la grâce est que nous nous comportions selon la position qu’elle nous a faite, comme des enfants d’obéissance, qui connaissent comme leur Père en Jésus Christ Celui qui est le Dieu saint. Elle nous veut marchant avec Dieu comme Christ a marché, et par conséquent ne tolérant pas dans notre vie la moindre chose où Christ ne soit pas.

Oui, quelle grâce que nous ne soyons pas laissés à notre propre façon d’apprécier les choses, ni livrés aux sentiments de nos coeurs naturels ; quelle grâce que Christ seul satisfasse aux pensées et aux affections de l’âme renouvelée ! La foi connaît le chemin vers Dieu parce que Christ est ce chemin, et la foi sincère va dans ce chemin en toute sécurité. Éclairée, grâce à la foi, de la lumière même de Dieu, la conscience discerne, par le Saint Esprit, l’état du coeur. Est-il rempli de ce que le Saint Esprit y verse, ou quelque chose y prend-il place qui empêche son action ? Il faut que l’obstacle soit ôté, et alors l’âme, à même de jouir de la communion avec Dieu et avec les saints, goûtera à la fois le repos et l’activité de l’amour : le repos de celui qui éprouve que «rien ne peut nous séparer de l’amour de Dieu qui est dans le christ Jésus», et l’activité de celui qui n’a plus soi-même pour objet mais qui «aime en action et en vérité». Dans un tel état, nous ne songerons pas à être mécontents des autres, et nous ne serons ni mécontents ni satisfaits de nous-mêmes, nous ne nous en occuperons pas. Comment l’harmonie, alors, ne règnerait-elle pas dans la maison de Dieu ?

Telle est «la fin de l’ordonnance, l’amour», libre et heureux quand la conscience éclairée par la foi rend témoignage que le coeur est pur. S’écarter de l’une de ces choses c’est les compromettre toutes, et nous abuser sur le véritable amour qui procède d’elles ensemble. C’est, en réalité, revenir aux prétentions et aux mensonges du vieil homme, et parler de la loi en pleine confusion (v. 6, 7). Car, pour quelqu’un qui est encore dans la chair, Christ ne profite de rien. Et la loi s’applique à un tel homme, le proclame injuste et coupable, mais ne peut le rendre juste ; tandis que si quelqu’un est en Christ, il est revêtu de la justice de Christ, il est juste (v. 8, 9). Il a des responsabilités nouvelles, fondées sur la relation nouvelle avec Dieu, responsabilités d’un juste, non plus d’un pécheur. Il obéit à des commandements venant d’une autre source que la loi, et, bien loin qu’il lui soit permis de se relâcher, il est soumis à une règle de vie infiniment plus haute, Christ lui-même, à la fois modèle et force pour marcher dans l’obéissance, par amour.