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par André GIBERT
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Table des matières :
1 Se trouver au lieu où Dieu est rencontré
2 La Tente d’assignation hors du camp — Exode 33
2.2 Le peuple subsiste par la fidélité de Dieu, mais Il ne s’associe pas à la souillure
3 Le camp autour de la tente d’assignation — Nombres 2:2
3.1 La disposition du camp autour de la tente d’assignation
3.2 Les figures de Christ et de l’Église dans le camp — Grâce et sainteté
3.3 Défaillances du peuple — Le peuple beau aux yeux de Dieu — Responsabilité et foi
3.4 L’Église infidèle, la responsabilité demeure, même au niveau individuel
3.5 Le lieu de la présence de Dieu demeure
3.6 La présence de Dieu requiert de se séparer de ce qui lui est incompatible
4 «Sortons vers Lui hors du camp» Héb. 13:13
4.1 La signification actuelle de «hors du camp»
4.2 Le camp image d’une religion reposant sur des bases terrestres, rites et formes organisées
5 Le rassemblement autour du seul Seigneur
ME 1963 p. 197
Une certaine confusion est à craindre dans la façon de considérer ce que l’Écriture nous dit du camp d’Israël. L’histoire de ce peuple offre autant d’analogies que de contrastes avec notre propre position, comme le montre, en particulier, l’épître aux Hébreux, et nous avons à tenir compte des unes comme des autres.
Il importe pour cela de bien saisir d’une part les principes moraux valables pour tous les temps, de l’autre les traits propres aux économies successives, de manière à ne pas revenir aux choses périmées, tout en en tirant le profit en vue duquel elles nous ont été rapportées.
Les passages de l’Écriture où se rencontrent les expressions «hors du camp» et «dans le camp», principalement Exode 33:7-11, Nombres 11:24-29 et Hébreux 13:11-13, nous mettent en face de trois situations différentes, et il y a là pour nous trois leçons qui se complètent.
Le point capital, partout, est celui de la présence de Dieu : il s’agit pour le fidèle de se trouver au lieu où Dieu est rencontré. (*)
(*) Voir sur cet important sujet :
— J. N. D «Sortons vers Lui hors du camp, portant son opprobre (Héb. 13:13)». Mess. Év. 1978, p. 401 ;
— «Vers Lui hors du camp». Mess. Év. 1957, pp. 226, 255, 281, 312.
— H. R. «Étude sur les chapitres 11 à 13 de l’épître aux Hébreux». Mess. Év. 1907 et 1908, pp. 129 et 145.
Le camp du peuple conduit par Moïse avait été aux soins de la grâce divine depuis la sortie d’Égypte jusqu’à Sinaï. Ce peuple avait ensuite reçu la loi morale (Exode 19 ; 24) et s’était engagé à l’accomplir. Or il la viole en son premier et fondamental commandement, quand Moïse est encore sur la montagne pour y recevoir les ordonnances écrites et tout le détail de l’organisation du culte terrestre dont devait être chargée la nation mise à part de toutes les autres. Au moment de rentrer au camp, Moïse voit le désordre idolâtre et le veau d’or ; il brise les tables de la loi, se tient à la porte du camp et y rassemble les Lévites pour exécuter un jugement immédiat. Puis il monte vers l’Éternel afin d’intercéder. De retour, encore dans l’incertitude quant à ce que l’Éternel allait faire, mais pénétré du sentiment de la gloire de Dieu, il prend une tente, la dresse «pour lui hors du camp, loin du camp», et l’appelle «tente d’assignation» : c’était le nom même que l’Éternel lui avait déjà fait connaître quant au tabernacle «sanctifié par sa gloire», où, selon sa loi, Il voulait habiter au milieu de son peuple (Ex. 29:43-45). Tous ceux qui cherchent l’Éternel sortent vers cette tente d’assignation, hors du camp. La présence de l’Éternel est là. Il parle à Moïse, et lui déclare qu’Il consent à faire monter le peuple. Moïse «retournait au camp», accomplissant son office de médiateur vis-à-vis du peuple, tandis que Josué, en qui l’on a vu un type de Christ en Esprit, «ne sortait pas de l’intérieur de la tente» (Exode 33:11).
Ainsi, quoiqu’il ait mérité d’être détruit, le peuple subsiste parce que l’Éternel est fidèle à sa Parole, à Lui-même ; mais le principe permanent de la séparation d’avec l’iniquité est posé : Dieu ne peut avoir son Nom associé à la souillure. Ce n’est qu’après avoir établi cette séparation que Moïse reçoit les instructions de l’Éternel relativement à ses voies nouvelles envers son peuple : Israël est un objet de support et de miséricorde, mais il est comme tel replacé sous la loi. Il n’a pu la garder précédemment ; instruit par cette terrible expérience, la gardera-t-il dans la suite ?
C’est en vue de cette mise à l’épreuve, qui est celle de l’homme en général, que le camp d’Israël est établi, avec un nouveau caractère, «autour de la tente d’assignation» (Nombres 2:2).
Livre des Nombres
Le tabernacle terrestre appelé déjà, nous venons de le voir, «tente d’assignation» dans les instructions reçues par Moïse sur la montagne, avant le veau d’or, prend donc sa place à l’intérieur du vaste camp du peuple d’Israël, que celui-ci stationne ou qu’il se déplace dans le désert.
Ce camp est, en fait, constitué par les quatre «camps» définis en Nombres 2, chacun comportant trois tribus sous une même bannière. «Et les fils d’Israël camperont, chacun dans son camp, et chacun près de sa bannière» (1:52 ; 2:17, 34), l’ensemble des «camps» étant expressément appelé «le camp» (5:3). «Ils camperont autour de la tente d’assignation», mais «à distance, vis-à-vis» (2:2).
Seuls les Lévites campent immédiatement «autour du tabernacle du témoignage» (1:53) : «le camp des Lévites» est «au milieu des camps» (2:17), associé ainsi à ce tabernacle. Dans cette aire centrale se tiennent Moïse, les sacrificateurs et tous les Lévites qui gardent, servent, transportent le tabernacle et ses saints objets.
L’Éternel est là, séparé du peuple, caché derrière le voile du lieu saint, mais la nuée de gloire manifeste sa présence. Autour et à l’intérieur du tabernacle se déroulent les rites et cérémonies du culte, particulièrement ceux du jour des propitiations. Ils sont indispensables pour que les relations de l’Éternel avec son peuple soient maintenues, dans le «support des péchés précédents», et en vertu du sacrifice futur de Christ. Dieu consent à rester là par grâce. La rédemption opérée à la Pâque et à la mer Rouge, de même que le pardon gouvernemental accordé après le veau d’or, prennent ainsi, peut-on dire, leur plus précieuse valeur ; mais aussi, la responsabilité du peuple à garder la loi n’en devient que plus grande, et le ministère de cette première alliance sera un ministère de mort et de condamnation pour l’homme, dont il révèle le caractère désespéré (2 Cor. 3).
Quoi qu’il en soit, Dieu a pris «place au milieu des tribus pour y être gardé, si l’on ose s’exprimer ainsi, et honoré» (J.N.D.). La signification typique que ces relations revêtent pour nous, et que le Nouveau Testament éclaire, est riche d’enseignements. Nous y sommes sans cesse ramenés à Christ, dont nous parlent le tabernacle, les autels, l’arche, le voile, le chandelier, la table, les sacrifices, le service, la marche. Et le camp lui-même est une figure remarquable du peuple de Dieu actuel, savoir de l’Église traversant ce monde pour gagner sa patrie céleste. Aussi les chapitres qui parlent de l’ordre, du rassemblement et de la marche du camp sont-ils d’une grande portée pratique pour nous, et nous ne saurions les négliger sans dommage. (*)
(*) Nous ne pouvons trop rappeler et recommander à nos lecteurs ce que de remarquables serviteurs de Dieu ont écrit là-dessus, entre autres :
— J.N.D., Études sur la Parole, tome 1, p. 329-359 ;
— C.H.M., Notes sur le Livre des Nombres, p. 3-180.
Tout y parle de grâce (*), mais aussi de sainteté (**). «Ton camp sera saint», parce que Dieu y habite ; Il «marche au milieu de ton camp» (Deut. 23:14). C’est pour cela que les souillures diverses, images du péché manifesté, devaient être portées «hors du camp» (Deut. 23:9-14). Pour cette même raison, «afin que les fils d’Israël ne rendent pas impurs leurs camps, au milieu desquels j’habite» (Nombres 5:3), l’habitation du lépreux et de tout homme impur était hors du camp, en permanence (Lév. 13:46 ; Nombres 5:1-3 ; Deut. 23:10), ou temporairement (Nombres 12:15). Et combien il est plus solennel encore de penser que, à cause de la sainteté de cette présence de l’Éternel, «les corps des animaux dont le sang est porté, pour le péché, dans les lieux saints par le souverain sacrificateur, étaient brûlés hors du camp» (Héb. 13:11 ; Lév. 4:12, 21 ; 16:27) ? Christ a dû souffrir l’abandon de Dieu, étant «fait péché pour nous, afin que nous devinssions justice de Dieu en Lui» et qu’une relation fût établie entre Dieu et le pécheur devenu adorateur.
(*) voir ce qui précède
(**) voir ce qui suit
Le camp d’Israël étant une figure de l’Église, (*) nous comprenons que les exhortations à la sainteté pratique et collective de celle-ci soient fréquemment illustrées dans les épîtres par le rappel des prescriptions de la loi, sous la lettre de laquelle nous ne sommes pourtant plus. «La sainteté sied à la maison de Dieu» (Ps. 93:5). La séparation d’avec le mal est un principe aussi impératif qu’au jour où Moïse avait dressé la tente d’assignation loin d’un camp souillé par l’idolâtrie et condamné.
(*) Il est bon de rappeler ici la distinction qu’il est nécessaire de faire entre l’Église (ou assemblée) de Dieu et la chrétienté :
1° L’Église véritable, actuellement sur la terre, sera bientôt introduite, glorieuse, dans le ciel. Elle est composée de tous les croyants, et d’eux seuls, membres du corps de Christ unis à Lui par le Saint Esprit, pierres vivantes de la maison que Christ bâtit (Matt. 16:18 ; Éph. 2:21). Elle est une selon l’unité d’Éph. 4:4. Elle est connue de Dieu, mais n’est plus discernable ici-bas dans son intégralité aux yeux des hommes, dispersée qu’elle est au sein du monde professant. On pourrait parler d’Église cachée, intérieure.
2° La profession chrétienne, la chrétienté dans son ensemble, ce qu’on appelle l’Église professante ou responsable, la maison confiée effectivement à la responsabilité de l’homme (1 Cor. 3:12-15) et ruinée par lui. Elle est une selon l’unité d’Éph. 4:5, tout extérieure, celle de la profession, et elle est responsable de se réclamer ainsi du nom de Christ. Elle englobe l’Église véritable, mais sitôt celle-ci enlevée au ciel à la venue du Seigneur, la profession sans vie demeurera seule, consommera son apostasie et sera consumée par le jugement.
Hélas, dans le camp, réorganisé autour de cette tente, il s’est produit ce que la chair produit toujours : les murmures s’élèvent, la rébellion éclate, la corruption se propage, l’idolâtrie se perpétue, et des désordres de toutes sortes marquent l’histoire du peuple à travers le désert. Ne voit-on pas, dès le chapitre 10 des Nombres, le conducteur laisser paraître une défaillance, et d’autres, plus accentuées, ne devront-elles pas être rapportées de lui (ch. 11 ; ch. 20) ? Mais que dire des fautes du peuple, tout au long de ses traites ! Il est beau, certes, de voir la grâce souveraine de Dieu triompher. Si la foi de Moïse a une éclipse, l’arche, dans le chemin vers Canaan, sort de la place qui lui avait été initialement attribuée pour la route et précède le peuple afin de lui chercher un lieu de repos (10:21 et 33) ; et l’ordre du camp dressé dans ce lieu de repos demeure l’ordre prévu par Dieu. Aux yeux de l’Éternel, le peuple en son entier demeure revêtu de la beauté que la grâce donne ; «les tentes de Jacob sont belles» (Nombres 24:5) : quoi de plus merveilleux que ces oracles de Balaam quand il «vit Israël habitant dans ses tentes, selon ses tribus» (Nomb. 24:2) ? C’est pourquoi «ce que Dieu a fait» sera célébré «selon le temps» de la fin du voyage de ce peuple qui n’est pas «compté parmi les nations» (23:9). La responsabilité de celui-ci, et de chacun de ceux qui le compose, en est-elle diminuée ? Bien au contraire (ch. 25). Mais la foi est appelée à voir les choses comme Dieu les voit, et à être jalouse de la sainteté du camp du peuple de Dieu. Un Phinées l’a compris, et il a agi en conséquence.
Comme Israël, bien que plus privilégiée que lui, l’Église vue dans le monde a tristement manqué. Troublée, divisée, infidèle à sa mission, elle et ses conducteurs, elle est devenue la «grande maison» de 2 Timothée 2. Mais comme Israël aussi, que Dieu voyait comme Son peuple autour de Son tabernacle, elle n’a cessé, aux yeux du même Dieu, d’être Sa maison. Si le jugement commence par elle (1 Pierre 4:17), c’est un jugement en discipline, alors qu’un jour viendra où «la fureur de sa colère» (Apoc. 16:19) s’abattra sur ce qui ne sera plus qu’une profession apostate. Mais aussi longtemps que le Seigneur laisse son Épouse sur la terre, Il traite au titre, même usurpé, d’Assemblée l’ensemble de ce qui porte son nom, même s’Il châtie, humilie, pour qu’on se repente, et s’Il annonce le jugement sur ce qui va devenir Babylone la grande, mais ne l’est pas encore tant que Celui qui retient, savoir le Saint Esprit, est encore là.
«Le Seigneur connaît ceux qui sont siens» dans le vaste camp de la chrétienté dont les vrais croyants, fidèles ou non, font partie, mêlés aux professants sans vie. Le fidèle voit toujours l’ensemble comme la maison de Dieu, ruinée par l’homme, hélas, mais sur laquelle le Seigneur revendique ses droits, la maison de Dieu à laquelle sied la sainteté et dans laquelle on ne se conduit pas à son gré (1 Tim. 3:15). Ne pouvant ni en sortir ni la remettre en ordre, il a la responsabilité d’y maintenir cette sainteté dans la mesure où cela le concerne. Comme dès le temps des apôtres, «quiconque prononce le nom du Seigneur» est appelé à «se retirer de l’iniquité» dans sa conduite personnelle et dans ses relations ecclésiastiques (2 Timothée 2:18, 19).
D’autre part, et nous touchons là le point essentiel, quelle que soit la confusion présente il y a un lieu, le lieu, où Dieu assure sa présence, et ce lieu est toujours le même depuis le commencement. Il n’est pas hors de la grande maison, mais il n’est pas connu de tous dans cette grande maison. Il devrait être le lieu de rassemblement de tous les croyants : le service des sacrificateurs et des Lévites ne pouvait s’effectuer qu’à la tente d’assignation, et aujourd’hui tous les croyants sont sacrificateurs et Lévites. Si tous ne sont pas là où ils devraient être, cela ne change absolument rien à la permanence du lieu assigné aux adorateurs et aux serviteurs. Aujourd’hui comme au commencement de l’Église il n’est qu’un lieu pour s’approcher ensemble de Dieu, l’invoquer et lui rendre culte : «Là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis là au milieu d’eux», dit Jésus. Là seulement peut se discerner et s’exprimer l’unité du peuple de Dieu. Pourrait-il y avoir un autre centre ? C’est aussi le lieu assigné comme point de départ pour tout service, soit dans l’Église soit dans le monde, et pour tout combat victorieux.
L’Esprit souffle où Il veut, mais nous avons à nous tenir à la place où «ceux qui invoquent le Seigneur d’un coeur pur» sont appelés à se rencontrer sur la terre et poursuivre en commun ce que l’Église entière devrait poursuivre d’un seul coeur, «la justice, la foi, l’amour, la paix» (2 Tim. 2:22). Eldad et Médad peuvent prophétiser dans le camp des tribus, bien qu’ils n’aient pas obéi à l’ordre de sortir vers Moïse à la tente d’assignation (Nombres 11:24-29) ; ayons pour eux les sentiments de Moïse, et réjouissons-nous de cette action de l’Esprit Saint, comme Paul se réjouissait de savoir Christ annoncé, fût-ce avec un esprit de contention ; mais n’abandonnons pas la place où le Seigneur nous veut. Ce n’est pas une question de supériorité sur d’autres, mais d’obéissance. Ne devrions-nous pas être heureux de reconnaître les droits de Christ et d’éprouver combien Il est fidèle, en jouissant de l’infinie bénédiction de Sa présence, quel que soit l’état de choses présent ? Bénissons-Le de ce que nous pouvons encore Le trouver.
Sans le tabernacle et Dieu demeurant dans le tabernacle, le camp d’Israël n’eût été qu’un assemblage de rebelles et de tentes impures ; Il ne s’en serait pas spécialement occupé. Sans la présence du Seigneur assurée de la même manière que du temps des apôtres, la chrétienté serait Babylone. Elle a beau demeurer, dans son immense majorité, aveugle sur ce grand fait, Christ et son Esprit se trouvent encore au milieu d’elle, et ne se trouvent pas ailleurs, dans le judaïsme pas plus que dans l’islamisme ou toute autre religion que ce soit. Ils y sont avec toutes les ressources que cela comporte pour la foi. Mais bien loin qu’une telle présence scelle de son approbation tout ce qui s’y fait et tout ce qui s’y trouve, elle met au contraire en évidence les oeuvres de l’homme et tous ces caractères du monde qui, introduits dans l’Église, appellent la discipline et amèneront le jugement. Les épîtres aux sept églises en Apocalypse 2 et 3 le montrent avec une grande force. Cette présence impose au fidèle de se séparer de ce qui la nie de fait, et qui leurre les âmes avec des pratiques et des formes religieuses vides, adaptées à ce monde mais incompatibles avec le titre d’étranger ici-bas qui est celui du chrétien. Et nous trouvons ici l’injonction de Hébreux 13:13.
Ce n’est pas en effet à des choses visibles, terrestres, ni à des valeurs mondaines, que nous avons été amenés. Le temps de «servir le tabernacle» dressé par l’homme est passé. Les types ont fait place à la réalité.
Le camp dressé autour, quoique à distance, du tabernacle, nous enseigne bien des choses, mais gardons-nous de conserver la figure au lieu de saisir ce qu’elle typifie. L’Église doit apprendre de ce type, mais elle ne saurait être identifiée avec lui. Habitation visible d’un Dieu présent mais caché, le tabernacle terrestre a fait son temps, et avec lui le camp des tribus qui l’entourait.
Ce tabernacle était «la figure et l’ombre des choses célestes» ; tout ce qui s’y rattachait ne donnait que «les images des choses qui sont dans les cieux» (Hébreux 8:5 ; 9:23). Christ est venu, Il «s’est assis à la droite du trône de la majesté dans les cieux, ministre des lieux saints et du vrai tabernacle que le Seigneur a dressé, non pas l’homme» (8:2), et nous sommes invités maintenant à entrer par Lui dans les réalités célestes, pour jouir par la foi de ces «biens à venir» dont la loi n’avait que «l’ombre, non l’image même» (10:1).
La croix a rendu caduc tout le système de la loi. Si même le temple n’a pas été détruit sur-le-champ mais après un temps accordé au peuple par la patience de Dieu pour se repentir et accepter Christ (ce qu’il n’a pas fait), le système était abrogé dès le rejet de Christ («ma maison» de Matthieu 21:13 devient «votre maison», — laissée déserte, en 23:38). De sorte que ni un édifice terrestre, ni un camp organisé autour, ni des cérémonies, ni des sacrifices, ni un corps spécial de sacrificateurs, n’appartiennent à la dispensation chrétienne. Jésus Christ seul, le Même hier, aujourd’hui et éternellement, remplace toutes les ombres : «le corps est du Christ» (Col. 2:17). C’est «vers Lui» qu’il nous faut aller. Où est-Il ?
Il est «entré avec son propre sang, une fois pour toutes, dans les lieux saints». Il y est «grand sacrificateur établi sur la maison de Dieu» : donc, «approchons-nous», entrons dans le sanctuaire, en la présence même de Dieu, par le chemin nouveau et vivant. Mais, «afin qu’Il sanctifiât le peuple par son propre sang, Il a souffert hors de la porte», hors du camp, là où étaient brûlés les corps des animaux dont le sang était porté, pour le péché, dans les lieux saints : donc, «sortons vers Lui hors du camp, portant son opprobre».
Remarquons-le bien, ce n’est pas là simplement nous séparer d’un mal souillant outrageusement le camp, comme en Exode 33 ; c’est rompre avec toute religion reposant sur des bases terrestres, eût-elle été établie par Dieu comme c’était le cas pour la religion judaïque. En dressant la tente d’assignation hors du camp souillé, Moïse préparait un autre camp selon la pensée de Dieu, où Il manifesterait sa présence dans un tabernacle fait de mains. Mais il ne s’agit plus de cela : ces choses étaient destinées à passer, elles l’étaient dès leur instauration, quoique l’expérience qu’elles impliquaient fût nécessaire. C’est le sens profond de ces types (Hébreux 9:6-9). L’épître aux Hébreux insiste là-dessus et présente beaucoup moins la culpabilité et la déchéance du peuple juif que l’incapacité du système, «l’inutilité du commandement» (7:18) à cause de l’état irrémédiable de l’homme, état que Dieu connaissait parfaitement, et en fonction duquel Il établit les ordonnances, consommant l’épreuve de l’homme. Toutes ces choses visibles étaient donc transitoires et elles ont pris fin avec la croix. Y retourner, pour les chrétiens hébreux, c’était nier la valeur de l’oeuvre de Christ, ignorer qu’elle a ouvert le chemin des lieux saints, prétendre que l’on peut servir le Dieu vivant sans que la conscience soit purifiée des oeuvres mortes, affirmer que Dieu accepte un culte rendu par l’homme dans la chair.
La grande faute de la chrétienté a été précisément d’organiser un camp, et même plusieurs, sur le principe de celui dont les croyants ont été appelés à sortir. Elle persiste à retenir les ombres, au mépris du corps. Le besoin religieux de l’homme naturel trouve là sa satisfaction, mais ce n’est rien autre que proclamer l’homme améliorable, et orner le monde d’une religion de la chair : aussi y a-t-il opprobre à en sortir. L’esprit de l’homme supplante l’Esprit de Dieu. La seule «religion» que Dieu ait jamais reconnue (ce culte lévitique) a été rejetée par Lui, et on prétend la continuer sous le couvert du nom de Christ, qui l’a abolie ! Rites, cérémonies, clergé, règles diverses, tout un ensemble de formes organisées, bref, une profession dite chrétienne dont s’accommodent fort bien des non-scellés, des inconvertis, voilà ce qu’offrent, à des degrés divers, les camps sous les bannières desquels se répartit la chrétienté et qui tendent si fort aujourd’hui à montrer qu’en réalité ils n’en font qu’un.
Non, Christ n’est pas dans ces formes, quoi que l’âme sincère mais mal éclairée puisse trouver pour sa propre édification en quelque système religieux que ce soit : en fait, une telle âme jouit de Lui comme «hors du camp» sans en avoir conscience, sinon elle ne dépasse pas le niveau d’une «espérance pour cette vie seulement», ou la condition de Marie de Magdala cherchant parmi les morts Celui qui est vivant. Mais nous nous adressons ici de la façon la plus sérieuse à ceux qui par la grâce de Dieu ont été enseignés quant à ces choses et qui seraient enclins à revenir dans le camp. Leur responsabilité serait grande. Ils se joindraient à une profession sans vie, tel le judaïsme avec son temple, vide depuis que le Seigneur l’a quitté. Sans aller jusqu’à rappeler à leur sujet le solennel avertissement de Hébreux 6, qui concerne les apostats, on peut dire qu’ils voudraient avoir Jésus là où ils savent qu’il n’est pas, et cela, au fond, parce qu’ils voudraient ne pas porter son opprobre. Ils déclareraient avoir ici-bas une cité permanente au lieu de rechercher celle qui est à venir. Ils choisiraient la terre quand Dieu leur ouvre le ciel.
Ainsi, bien qu’il nous soit impossible de cesser d’appartenir à la chrétienté professante qui n’est pas encore traitée en apostate et rejetée, et à laquelle le Seigneur parle encore comme porteuse du nom d’Église, nous avons à nous «retirer de l’iniquité» manifestée à l’intérieur de cette grande maison. C’est la leçon que nous donne le camp considéré comme un type instructif de l’Église, étrangère au monde qu’elle traverse comme Israël autrefois le désert.
Mais d’autre part, avec Christ, «fin de la loi», nous avons l’accomplissement des types, et nous n’avons rien à faire désormais avec la survivance d’un camp où Dieu n’habite plus et qui s’est intégré dans un monde dont nous sommes arrachés.
Il y a là une vérité de portée générale : reprendre des types périmés, c’est se priver des leçons pour lesquelles ils nous ont été conservés, et, en réédifiant les choses renversées, se constituer transgresseur soi-même (Galates 2:18). La circoncision, par exemple, est une figure d’une haute signification pour nous, mais qui la pratiquerait maintenant se séparerait de tout le bénéfice qu’il y a dans le Christ (id. 5:4). Tout corps religieux ayant le caractère du camp terrestre renie le vrai christianisme ; il rabaisse l’oeuvre de Christ, méconnaît sa place actuelle et désavoue le caractère céleste de l’Église.
Qu’ont donc à faire, alors que le corps est un, des expressions comme «nos églises, notre église» ? C’est par une erreur semblable que l’on fait des assemblées locales des unités indépendantes ayant chacune sa responsabilité propre et exclusive, alors que l’unité du corps entraîne que la responsabilité d’une assemblée locale est celle de l’Église entière. Une assemblée locale indépendante ne peut en aucun cas prétendre être une expression de l’Église entière.
Un seul et même Esprit rassemble autour du seul Seigneur, en son nom, et pas ailleurs. Si la présence du Seigneur est toujours assurée là où elle a été promise et là seulement, prenons garde de ne pas nous écarter. Jésus enjoignait de laisser faire celui qui chassait les démons en son nom sans suivre les disciples ; mais Il ne dit pas à ceux-ci de suivre un tel homme, et Il déclare nettement ailleurs : «Celui qui n’est pas avec moi est contre moi, et celui qui n’assemble pas avec moi disperse» (Luc 9:49, 50 ; Matt. 12:30). S’il n’a pas encore rejeté l’Église responsable, où coexistent Thyatire, Sardes, Laodicée avec Philadelphie, partout et dans toute la mesure où s’y est développée une religion de la terre les témoins de Christ ne peuvent que «sortir vers Lui, hors du camp, portant son opprobre».
Il en a coûté, certes, il y a plus d’un siècle, à ceux qui nous ont devancés, pour prendre une telle position, mais ils en ont été bénis. Il nous est maintenant proposé de prendre à notre tour notre part d’opprobre, et dans tous les temps «l’opprobre de Christ» est «un plus grand trésor que toutes les richesses de l’Égypte», mais seulement aux yeux de la foi. Que Dieu nous donne de saisir et de montrer clairement que «nous n’avons pas ici de cité permanente, mais que nous recherchons celle qui est à venir» .