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L’Assemblée (ou Église) et Culte
Quelques méditations de André GIBERT regroupées par Bibliquest — Ce document ne contient pas le traité «L’Assemblée du Dieu vivant» qui est le traité fondamental de AG sur ce sujet.
Table des matières :
1 «À LUI GLOIRE DANS L’ASSEMBLÉE DANS LE CHRIST JÉSUS»
3 Les ASSEMBLÉES en PAIX — Actes 9:31
3.1 Ce que ces assemblées avaient vécu et allaient vivre
3.2 Ce que ces assemblées manifestaient
3.2.4 croissant par la consolation du Saint Esprit
4 La CÈNE du SEIGNEUR à SA TABLE
5 La TABLE et la CÈNE du SEIGNEUR — Quelques vérités capitales à rappeler à notre mémoire
7 MOÏSE à la brèche — Exode 32 à 34, Psaume 106:19-23
ME 1945 p. 253
L’état du monde, aussi bien que notre déclin spirituel, sont tels que nous risquons d’être ballottés entre la prétention pharisienne et le découragement. Quiconque a le témoignage du Seigneur à coeur sent le besoin de faire fréquemment le point au milieu de la confusion générale où se perd la notion même de christianisme.
Une des grandes fonctions dévolues aux chrétiens est celle que le Seigneur définit en Jean 17:21 : «afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi ; afin qu’eux aussi soient un en nous, afin que le monde croie que toi tu m’as envoyé». Ils sont appelés à prouver au monde que le Père a envoyé le Fils, et cela en manifestant l’unité d’une famille formée selon des principes entièrement différents de ceux qui ont cours ici-bas. Puis, une fois Christ glorifié, le Saint Esprit descendu du ciel a désormais baptisé les chrétiens pour être un seul corps (1 Cor. 12:13), aussi sont-ils exhortés à s’appliquer «à garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix» (Éph. 5:3).
Voilà ce que Dieu a fait. Les chrétiens sont maintenant responsables de le laisser librement agir selon sa Parole, en se conformant à celle-ci. Reconnaître Christ dans tous ses droits comme Fils de Dieu et comme Homme glorifié, Chef de l’Assemblée qui est son corps, laisser à l’Esprit saint la direction entière dans l’Assemblée, de façon à glorifier Christ, et séparer du mal tout ce qui touche au nom du Seigneur, autant de conditions qui doivent être une démonstration pour ce monde de cette unité visible.
Il est trop clair, hélas, que ce n’est pas là, et depuis bien longtemps, le témoignage que rend la chrétienté. Pourtant, on parle beaucoup, de nos jours, de retrouver l’«unité des chrétiens», et de grands efforts sont faits dans cet objet. Mais sur quelles bases ? On cherche ce qu’il y a de commun dans les enseignements des diverses églises, tout en gardant la distinction entre ces églises. Le résultat, s’il y en a un, ne peut être que celui-ci : chacun, pour conserver sa forme ecclésiastique extérieure sur laquelle il ne cède point, sacrifiera quelque point de doctrine par lequel il tenait encore à la vérité, et on élargit assez le sens du Credo pour que tout le monde, depuis les orthodoxes les plus rigoureux jusqu’aux modernistes avancés, s’y rallie. Ce sont là les efforts de l’homme, ce n’est point la puissance de Dieu.
Polémiquer sur ces faits serait sans profit. Il vaut mieux, pour le lecteur attaché à la Parole, se rendre compte à quel point le témoignage collectif actuel ne peut être qu’un témoignage rendu à la fidélité du Seigneur au milieu du désordre dû à l’homme. L’Église a présenté au commencement de son histoire des caractères qui ont disparu et ne se reproduiront plus ; mais jusqu’à la fin de cette histoire il est d’autres éléments qui, eux, auront subsisté sans atteinte possible. Il y a ainsi ce qui ne reviendra pas, et il y a ce qui demeure.
Nous lisons que «la multitude de ceux qui avaient cru étaient un coeur et une âme» (Actes 4:32). L’unité de tous les croyants, unité de l’Église avant que la doctrine en fût formulée par Paul, était visible dans son intégralité. Fruit du premier amour, cette unité s’affirmait dans une séparation totale d’avec les non-croyants. Cela n’a pas duré, et cela ne pouvait durer, c’eût été le ciel sur la terre. Nous voyons maintenant la dispersion des enfants de Dieu, le mélange de l’Église et du monde, l’ivraie mêlée au bon grain, la confusion dans la maison devenue la grande maison, des ordonnances et des organisations humaines au lieu de ce que le Seigneur avait établi. Tous ces aspects de la dégradation de l’Église chrétienne ne peuvent que peiner profondément le coeur qui aime le Seigneur. Nous serions coupables d’en prendre légèrement notre parti, en disant, encore que cela soit vrai, qu’il ne pouvait en être autrement, que tout ce qui est confié à l’homme est sujet à décliner, que le Seigneur et les apôtres l’ont prédit. Nous ne saurions davantage rejeter la culpabilité de cette ruine sur d’autres, car nous y avons tous part. Comme Daniel à Babylone, et comme Néhémie groupant les réchappés dans Jérusalem dévastée et asservie, nous avons à mener deuil de péchés dont nous sommes tous solidaires : «Nous avons agi méchamment» (Daniel 9:5-15 ; Néhémie 9:33).
Cet état de choses du commencement est perdu sans retour. Dieu ne rétablit pas ce que l’homme a gâté comme si cela n’avait pas été gâté. Il serait vain et contraire à l’Écriture de dire : Nous voulons refaire l’Église du début du christianisme. Il n’est pas même exact de déclarer, comme on l’entend quelquefois : «Nous ne sommes que quelques uns d’entre les enfants de Dieu, mais nous nous réunissons comme les premiers chrétiens».
Aussi bien, le ministère du début comportait-il des instruments qui lui étaient propres et qui n’ont pas été renouvelés. Dieu n’a plus suscité et ne suscitera plus d’apôtres. Ils ont été là pour «poser le fondement», qui est Jésus Christ. Revêtus d’une autorité spéciale, agissant et parlant par inspiration, ils ont donné, de la part du Seigneur, ce qui était nécessaire pour pourvoir d’avance l’Église de principes et de doctrine pour toute sa carrière. C’était aux générations de l’Église d’en faire bon usage et de garder «la doctrine des apôtres» (Actes 11:42 ; Galates 1:9 ; 1 Jean 2:24 ; 4:6), non point en l’adaptant aux changements de ce monde, comme on a prétendu le faire, mais en la prenant pour guide invariable à travers ce monde changeant. Elle est, selon l’expression familière à l’apôtre Jean, la Vérité. L’Église en est la colonne et le soutien, elle ne la crée point, ni n’en dispose à son gré.
De même, les signes et les prodiges qui en ces jours-là accompagnaient l’action du Saint Esprit, en «divers miracles et distributions», ont cessé : ils étaient le témoignage que Dieu rendait avec ceux qui avaient entendu le Seigneur (Héb. 2:3, 4) ; Lui-même «coopérait avec eux, et confirmait la Parole par les signes qui l’accompagnaient» (Marc 16:20). La Parole une fois fixée dans les Écritures, et l’Église mise en marche avec une vérité divinement formulée, ces manifestations ont cessé.
Nos ressources seraient-elles donc moindre qu’au début ? Non, certes. Rendons-nous assez grâces à Dieu pour l’inexprimable valeur de tout ce qui demeure ?
«Le solide fondement de Dieu demeure», dit l’apôtre au seuil des derniers jours. Les bâtisseurs humains ont, hélas, accumulé les mauvais matériaux, et nous continuons ; mais le fondement posé est inébranlable, et nul ne peut en poser un autre (1 Cor. 3:11). Il l’a été par les apôtres et prophètes, une fois pour toutes, Jésus Christ étant Lui-même la maîtresse pierre de coin (Éph. 2:20). Et, pour édifier sur Lui, Dieu continue à préparer des pierres vivantes, comme Il continue à mettre à la disposition du fidèle humble et dépendant «l’or, l’argent, les pierres précieuses», propres à résister au feu qui consumera tout le reste.
Que l’on ait mal édifié sur ce fondement ne change rien à son emplacement ni à sa stabilité. Nous avons, il est vrai, à prendre toujours plus garde, tandis que s’affirment les temps fâcheux, au sceau dont il porte la double empreinte ; un côté est propre à donner pleine confiance et reconnaissance («le Seigneur connaît ceux qui sont siens»), l’autre à avertir et à orienter («qu’il se retire de l’iniquité, quiconque prononce le nom du Seigneur»).
Les moyens mis à la disposition des fidèles assurés du fondement sont pareillement permanents, et n’ont rien perdu de leur valeur. Ils se rattachent tous à ces trois divines réalités : la présence du Seigneur, — la Parole, — le Saint Esprit. Déjà autrefois, dans le cadre des promesses terrestres, le résidu auquel s’adressait Aggée pouvait en connaître l’efficacité (Aggée 2:4). Combien plus les chrétiens, une fois l’oeuvre de la rédemption accomplie et les bénédictions spirituelles dans les lieux célestes ouvertes pour eux par Jésus Christ glorifié ! Les apôtres n’étaient que des canaux, les dons miraculeux n’étaient que des manifestations passagères de ces ressources immuables.
Que la promesse du Seigneur relative à sa présence soit méconnue, que son nom soit méprisé, cela ne saurait altérer en rien le prix de cette Personne et de ce Nom béni. L’épée de l’Esprit garde tout son tranchant même si l’incurie ou la lâcheté la laissent dans le fourreau ; la source de lumière, même cachée sous le boisseau ou sous le lit, n’a rien perdu de son intensité et est prête à jaillir. L’Esprit Saint est ici-bas aujourd’hui comme au jour de la Pentecôte. Ce qui est de l’homme vieillit et se détruit, mais non point ce qui est de Dieu. «Ma main est-elle devenue trop courte... n’y a-t-il pas de force en moi ?» (Ésaïe 50:2). Ah, que nos coeurs retiennent la magnifique affirmation divine : «Je suis avec vous... la parole selon laquelle j’ai fait alliance avec vous lorsque vous sortîtes d’Égypte, et mon Esprit, demeurent au milieu de vous : ne craignez pas !»
Soyons assurés que la grâce de Dieu, selon sa bonté qui demeure à toujours, se pourvoira jusqu’au bout, à Sa gloire, dans Sa souveraineté, de vases pour la foi, l’espérance et l’amour, ces «trois choses qui demeurent», elles aussi, bien que leur oeuvre, leur travail, leur patience, ne se retrouvent plus pour caractériser l’Église comme ce fut le cas un moment. La source n’en est point tarie pour qui veut y puiser.
Il est extrêmement encourageant pour chaque fidèle de savoir que toutes ces ressources demeurent quel que soit l’état du monde et de la chrétienté. Il y a toujours un chemin pour le témoignage personnel. «Celui qui vaincra...», dit le Seigneur, et : «Que celui qui a des oreilles écoute», reçoive pour lui-même, «ce que l’Esprit dit aux assemblées». La promesse faite au vainqueur dans Laodicée n’est pas la moins glorieuse de toutes, puisqu’il doit s’asseoir avec Christ sur son trône (Apoc. 3:21).
Mais ces ressources cesseraient-elles d’avoir une vertu collective, comme certains sembleraient portés à le croire, ne seraient-elles plus à la disposition des deux ou trois réunis au nom de Jésus ?
Il est malheureusement trop certain que l’Église a manqué à sa profession sur la terre. Aussi disparaîtra-t-elle de la scène. Le Seigneur va venir prendre les siens et se présenter à Lui-même l’Épouse dans sa gloire céleste, puis Il jugera la maison laissée vide sur la terre, comme l’a été naguère la maison israélite. Mais, jusqu’à la clôture de cette histoire, et n’y aurait-il rigoureusement que deux ou trois à l’avoir saisi, «les grandes choses» dites de cette assemblée de Dieu demeurent. Elles ne sont point telles aux yeux de ce monde, mais il nous faut les discerner.
N’est-ce pas de nos jours, plus que jamais, que la promesse du Seigneur : «Là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux», revêt toute sa valeur ? N’est-ce pas pour le «peu de force» de Philadelphie que la Parole du Seigneur possède toute son infaillible puissance ?
La présence de l’Esprit, de son côté, a cet effet particulier à la veille du retour du Seigneur de pousser l’Épouse à dire ce qu’Il dit Lui-même : «Viens». Et aussi effective que cette présence est la réalité de l’Église sur la terre, l’Église formée par le Saint Esprit, bâtie sur le roc, l’Église une, l’Église corps de Christ, l’Église croissant par les dons envoyés sur la terre non à tel ou tel groupe particulier, mais à l’ensemble, par Christ lui-même, la tête glorifiée dans le ciel, l’Église enfin maison de Dieu, son habitation par l’Esprit.
Si l’unité de cette Église considérée dans son ensemble, l’ensemble des membres du corps de Christ, possesseurs de la vie nouvelle, n’est pas visible, ce n’est certes pas par principe, mais par la faute de ceux qui la composent. Elle n’en existe pas moins, la foi peut s’en réjouir. L’Esprit reste au milieu d’elle, l’Esprit de puissance, de sagesse, de conseil. Sans doute, il est empêché dans ses manifestations, attristé dans chaque individu, éteint dans les collectivités, et pratiquement mis dehors toutes les fois que l’homme veut prendre la direction qui Lui appartient. Mais encore une fois Il ne saurait être amoindri en Lui-même. Ses dons seraient-ils inférieurs aux besoins de l’Église ? Non, certes. «Ouvre ta bouche toute grande, et je la remplirai». Mais où est l’appétit ? Au lieu de désirer avec ardeur des dons spirituels, nous nous laissons gagner par l’esprit de Laodicée : «Je suis riche, et je me suis enrichi, je n’ai besoin de rien...» À la base de notre immense tiédeur actuelle il y a cette complaisance dans de fausses richesses, cette confusion entre prospérité mondaine et spiritualité, par lesquelles on s’aveugle sur sa misère, et les formes prennent la place de la piété dont on renie la puissance.
Ce sont ces saints désirs de l’âme fervente qu’il nous faut retrouver. La piété est désir, comme elle est soumission et confiance, elle est le désir d’obéir à la volonté de Dieu.
L’Église existe, je dois la reconnaître. Quel que soit l’état de la maison, je dois m’y conduire comme dans la maison de Dieu ; selon les directions seules que donne la Parole.
Craignons de mettre nos pensées à la place des directions divines. Le résultat est alors ce formalisme des organisations ecclésiastiques où un clergé s’interpose entre les sacrificateurs et Dieu, et où l’autorité du Saint Esprit, est pratiquement rejetée pour un ministère humain.
Le danger n’est pas moindre si, tout en prétendant nous en tenir à la Parole, nous la traitons comme un Code sec et froid, ne laissant aucune place aux exercices spirituels des fidèles. Souvenons-nous qu’elle est esprit et vie. Il est toujours vrai que la lettre tue, et que l’Esprit vivifie.
Nous avons à demander à Dieu les dons spirituels nécessaires à son Assemblée. Nous avons à reconnaître les «dons» du Seigneur où ils se trouvent, évangélistes, pasteurs, prophètes, docteurs, et nous réjouir de voir des âmes amenées, soignées, enseignées, quels que soient les moyens qu’Il emploie. Les dons sont pour le corps entier, dont les membres sont si dispersés que seul «le Seigneur connaît ceux qui sont siens». Il nous faut pareillement désirer et demander que toutes les charges utiles au troupeau, surveillants, serviteurs, soient fidèlement exercées par des hommes qualifiés selon la Parole (voir 1 Timothée et Tite), de la part du Seigneur. Il est plus fréquent, hélas, de critiquer que d’intercéder en ce qui concerne le service des saints, tant il est vrai que le «chemin bien plus excellent» est celui de l’amour.
Persuadons-nous bien, enfin, que la mise à part conforme à la seconde face du sceau imprimé au fondement n’a rien de commun avec une séparation simplement extérieure. Il nous est enjoint de nous «retirer de l’iniquité» : se séparer des «vases à déshonneur» est l’une des applications de ce retrait, mais ce pourrait devenir une forme comme une autre. Ne pensons pas que parce que nous nous réunissons en dehors des grandes dénominations religieuses nous sommes à l’abri de la profession sans vie. Nous nous prévalons trop d’une séparation qui n’a aucune valeur si elle n’est pas dans le coeur et se contente d’une position extérieure : son aboutissement ne peut être que le sectarisme et l’orgueil spirituel.
Il n’appartient à personne de rechercher de grandes choses en nos temps. Rétablir l’Église dans son unité visible n’est qu’une chimère. Faut-il alors accepter que l’Église soit confondue avec le monde ? Dieu nous en garde : quelle communion y a-t-il entre la lumière et les ténèbres ? Mais pas davantage nous ne pouvons nous contenter de l’idée d’une Église invisible, sans témoignage ici-bas : ne nous lassons pas de le redire, si l’Église est si peu visible, cela prouve sa ruine. Mais elle est et sera toujours visible et là seulement, où des croyants, pour prendre ici les expressions d’un autre, «sont assemblés et marchent ensemble selon la Parole de Dieu, laissant au Saint Esprit sa place en action souveraine pour la gloire du Seigneur Jésus. Ce n’est qu’une affaire de circonstance qu’ils soient deux ou trois, ou bien des centaines, ou bien des millions. Le nombre des personnes qui se réunissent est un point tout à fait secondaire». Le monde peut n’y pas prendre part, mais le ciel y est attentif : ce peu suffit pour que «la sagesse si diverse de Dieu soit donnée à connaître aux principautés et aux autorités dans les lieux célestes, par l’Assemblée» (Éph. 3:10). Rendu dans ces conditions, un tel témoignage fait ressortir ici-bas la ruine de ce qui a été confié à l’homme : l’immense majorité de ceux qui s’appellent chrétiens ne veulent ou ne savent pas en faire partie ! Mais, pensée réconfortante par-dessus toutes, ce que l’homme a été incapable de maintenir, Dieu lui-même l’établira bientôt en puissance, à sa pleine gloire : c’est la promesse faite à Philadelphie. «Selon ce temps, il sera dit : Qu’est-ce que Dieu a fait ?»
«Or, à celui qui peut faire infiniment plus que tout ce que nous demandons ou pensons, selon la puissance qui opère en nous, à Lui gloire dans l’assemblée dans le christ Jésus, pour toutes les générations du siècle des siècles. Amen» (Éphésiens 3:21).
«Car de même que le corps est un et qu’il a plusieurs membres, mais que tous les membres du corps, quoiqu’ils soient plusieurs, sont un seul corps, ainsi aussi est le Christ ... Or vous êtes le corps de Christ, et ses membres chacun en particulier» (1 Cor. 12:12, 27).
ME 1948 p. 165
Rappelons ici quelques vérités simples, mais fondamentales, en rapport avec la place de chaque chrétien dans l’Assemblée, ou l’Église, qui est, comme nous le savons, l’ensemble de tous les croyants actuels.
Du jour où nous devenons enfants de Dieu nous faisons partie de cette Assemblée. Unis, dans les liens de la vie nouvelle, à Christ glorifié, nous sommes membres de son corps. Quelqu’un qui n’est pas né de nouveau n’y a aucune part : il faut, en effet, la vie.
Peut-être ne nous sommes-nous pas arrêtés suffisamment sur la force de cette expression l’Assemblée, qui est son CORPS (Éphésiens 1:23). L’unité des chrétiens est sans équivalent quelconque. La matière inanimée ne saurait en fournir une image ; aussi, quand l’Assemblée est comparée à un édifice, les pierres en sont-elles qualifiées de vivantes (1 Pierre 2:5). L’idée du troupeau sous le seul Berger ne suffit pas, d’autre part, ni même celle de la famille, si réelle et si précieuse que soit l’unité des enfants sous le regard du Père, avec Christ comme premier-né entre plusieurs frères. L’Assemblée est le corps de Christ. Le propre d’un corps vivant est que toutes les parties en sont animées d’une même et unique vie. «Nous qui sommes plusieurs, sommes un seul corps en Christ, et chacun individuellement membres l’un de l’autre» (Rom. 12:5). Christ, la Tête glorifiée, est le principe et le centre ; le Saint Esprit, présent et agissant dans l’Assemblée, unit à Lui tous les membres du corps.
La diversité de ces membres est très grande, et non seulement elle n’altère pas l’unité du corps, mais elle en est la condition même, car c’est seulement ainsi que toutes les fonctions peuvent s’accomplir, «comme dans un seul corps nous avons plusieurs membres et que tous les membres n’ont pas la même fonction» (v. 4). Il en résulte, pour le dire en passant, que nous n’avons pas à poursuivre une uniformité superficielle, ou à copier — c’est un travers fréquent — tel frère que nous estimons particulièrement. Imitons la foi, la fidélité, imitons le bien, mais gardons chacun la place et le caractère que le Seigneur nous assigne, sachons discerner la volonté de Dieu pour servir là où Il nous veut, et comme Il nous veut. Diversité dans l’unité, telle est l’harmonie d’un corps vivant.
Tous les membres sont indispensables. C’est ce qu’enseigne l’important passage de 1 Cor. 12:14-25. Aux yeux des hommes les services sont différents en dignité, on les hiérarchise plus ou moins explicitement, mais seule compte pour le Seigneur la façon dont on remplit la tâche départie par Lui. Ce qu’Il confie à l’un, Il ne le confie pas à un autre. «Prends garde au service que tu as reçu dans le Seigneur, afin que tu l’accomplisses». (Col. 4:17).
Or, rendons-nous bien compte que, le corps étant un, la façon dont chacun de ses membres se comporte influe sur le corps tout entier, et que, réciproquement, l’état général du corps retentit sur l’état de chacune de ses parties. «Si un membre souffre, tous les membres souffrent avec lui ; si un membre est glorifié, tous les membres se réjouissent avec lui». La santé du corps dont nous faisons partie ne nous importerait-elle pas ? Même si nous n’avons pas conscience de cette solidarité, elle existe. Toute négligence, tout manquement, toute interruption de ma communion avec le Seigneur, sont autant de pertes non seulement pour moi, mais pour tous ; la ruine de l’Église est faite de la multitude de nos défaillances individuelles. Et que chacun songe aussi qu’une victoire de sa foi, sa prière dans le secret, tel exercice pénible, mais non sans fruit, que le Seigneur lui dispense, telle leçon apprise humblement sous son regard, représentent autant de bienfaits pour le Corps.
De là découle une responsabilité sérieuse pour chacun. «Vous êtes le corps de Christ, et ses membres chacun en particulier». Le chrétien ne peut pas se renfermer égoïstement dans sa propre vie intérieure et dire : J’ai mon Seigneur ; que les autres marchent à leur guise, cela ne m’intéresse pas. Une telle pensée est contraire à la nouvelle nature (1 Jean 5:1-2), contraire aux précieux enseignements du Seigneur en Jean 13-16, comme à ceux qu’Il nous a communiqués par le Saint Esprit dans les épîtres. Cette tendance, trop commune, hélas, renferme un principe d’orgueil et d’incrédulité. Elle est pleine de dangers. Quand Élie dit : «Je suis resté, moi seul...», le découragement l’accable. «Prends mon âme, dit-il à l’Éternel, car je ne suis pas meilleur que mes pères» (1 Rois 19:4). Avait-il donc pu penser être meilleur que les autres ? Il ne savait rien, d’autre part, des sept mille hommes que Dieu s’était réservés. Il ne connaissait pas l’étendue de la grâce divine.
Ayons donc à coeur l’Assemblée, son bien, ses intérêts, sa bonne marche, son ordre, l’activité de l’amour au milieu d’elle. Nous allons répétant volontiers que nous vivons dans un temps de ruine, où le Seigneur seul connaît ceux qui sont siens. Mais Il a des siens dans les lieux les plus divers : que notre pensée ne les oublie pas devant Lui, souvenons-nous que nous sommes solidaires de tous, connus et inconnus. Il reste vrai que, partout où Il en rassemble autour de Lui, ils ont le privilège et le devoir d’obéir aux enseignements de la Parole qui se rapportent à cette vie collective (Rom. 12 ; 1 Cor. 12, 13 et 14 ; Éph. 4). Suivre là-dessus l’enseignement des hommes aboutit à un conformisme religieux formaliste et mort ; à l’opposé, suivre chacun sa propre pensée engendre l’anarchie de ces temps où en Israël «chacun faisait ce qui était bon à ses yeux» (Juges 17-21). Il faut, ensemble, tenir ferme le Chef, la Tête glorifiée, Christ qui est notre vie cachée en Dieu (Col. 2:19 ; 3:1-2), et garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix (Éph. 4:3).
Il s’agit là de questions vitales, d’un objet capital pour nos affections. Est-ce pour rien que cette pensée du «corps» se lie de façon si expressive et touchante à celle de l’épouse, corps de Christ, selon Éphésiens 5:23-33 ? L’amour est au coeur même du «grand mystère» relatif à Christ et à l’Assemblée.
Elle est son assemblée : Il l’a aimée et s’est livré lui-même pour elle ; sa joie sera de se la présenter à lui-même glorieuse ; il la nourrit et la chérit.
Elle est l’assemblée de Dieu, laquelle il a acquise par le sang de son propre Fils (Actes 20:28).
N’aimerions-nous pas ce que Christ aime, ce que Dieu aime ? Serions-nous indifférents à ce qui a été payé d’un si grand prix ?
ME 1964 p. 197
note Bibliquest : les sous-titres ont été ajoutés par Bibliquest
«Les assemblées donc, par toute la Judée et la Galilée et la Samarie, étaient en paix, étant édifiées, et marchant dans la crainte du Seigneur ; et elles croissaient par la consolation du Saint Esprit» (Actes 9:31).
On lit avec rafraîchissement ce verset qui nous montre l’Église goûtant les bienfaits d’une halte paisible après la toute-première étape de son voyage sur la terre.
Une dizaine d’années s’étaient écoulées depuis la Pentecôte. Même si les croyants n’avaient plus autant de ferveur que lors de la mise en route, quand leur multitude n’était qu’un coeur et qu’une âme, Dieu avait permis en ce peu de temps le développement d’une oeuvre qui témoignait de la puissance du Saint Esprit. L’assemblée établie à Jérusalem par le ministère de Pierre et des onze y avait prospéré. Les efforts que l’ennemi avait aussitôt tentés pour la détruire s’étaient retournés contre lui. Le solennel épisode d’Ananias et Sapphira avait produit en son temps une crainte sanctifiante. Les murmures des Hellénistes contre les Hébreux avaient eu pour conséquence l’heureuse activité de serviteurs consacrés, et le ministère d’Etienne. Le martyre de celui-ci, par quoi la nation avait affirmé qu’elle refusait le témoignage du Saint Esprit, avait été le point de départ de l’évangélisation au dehors : d’abord chez les Samaritains, tenus pour étrangers par les Juifs mais qui se considéraient comme participants aux promesses et professaient attendre le Messie, ensuite dans toute la Palestine, et au delà. Les apôtres, demeurés à Jérusalem malgré les instructions du Seigneur, avaient été devancés dans ce travail par les croyants que la persécution avait dispersés, avec au premier plan des Hellénistes, et l’évangile avait été porté à Damas (*), à Antioche (2*), ailleurs sans doute.
(*) Actes 9:1, 10, 25.
(2*) Actes 11:19 et suivants.
L’Église était ainsi sortie de Jérusalem. L’évangile allait entreprendre la conquête des nations, bien que par d’autres instruments que les douze. Pierre allait être comme contraint par le Saint Esprit à ouvrir la porte à ces Gentils, tandis que Paul, préparé pour être l’apôtre de l’incirconcision, était appelé de façon entièrement indépendante. Paul devait avoir la révélation spéciale du «mystère caché dès les siècles en Dieu» (*), enseigner que le mur mitoyen de clôture était détruit, proclamer l’unité d’une Église corps de Christ, et compléter ainsi la Parole de Dieu. Mais rien de cette doctrine, ni de quelque doctrine de l’Église que ce fût, n’avait encore été donné au moment où nous place Actes 9:31. Les premières tentatives de Saul lui-même avaient été pour convertir les Juifs, à Damas, peut-être en Arabie, puis à Jérusalem, et il était maintenant à l’écart, dans sa lointaine ville de Tarse.
(*) Éphésiens 3:9.
Ainsi, les assemblées dont il est question ici étaient formées en grande majorité de Juifs — Hellénistes ou Hébreux suivant leur langage — devenus chrétiens. L’Église vivait de la vie de Christ, mais restait foncièrement juive, avec Jérusalem pour centre. Beaucoup de sacrificateurs avaient «obéi à la foi» chrétienne tout en gardant, peut-on penser, avec leur titre leurs fonctions dans le temple, et malgré la crise de la persécution, les liens n’étaient pas rompus entre les chrétiens et le temple, ni les synagogues de Jérusalem et des autres villes.
Des épreuves attendaient encore ces croyants, sans empêcher leur accroissement mais sans les détacher de la nation comme on aurait pu s’y attendre. Quelque trois ans plus tard le roi Hérode reprenait la persécution contre «l’assemblée» (*) ; mais la Parole de Dieu n’en «croissait et se multipliait» que davantage : une quinzaine d’années encore et Jacques pourra parler des «Juifs qui ont cru à Jérusalem» par myriades (**).
(*) Actes 12.
(**) Actes 21:20.
Des secousses d’un autre ordre devaient se produire comme contrecoup de l’évangélisation des nations. Non point que ces chrétiens juifs n’en aient pas ressenti de la joie et de la reconnaissance envers Dieu : quand Pierre est revenu de Césarée à Jérusalem, «ceux de la circoncision» ont disputé avec lui, mais, obligés de se taire à l’ouïe de ce qui avait eu lieu chez Corneille, ils ont «glorifié Dieu, qui a donc en effet donné aux nations la repentance pour la vie» (*). Ils ont pu ensuite apprécier les fruits de l’amour dans le Christ, opérant chez ces disciples des nations en leur faveur (2*). Quand, plus tard, Paul et Barnabas montent d’Antioche à Jérusalem, traversant la Phénicie et la Samarie, ils causent partout «une grande joie à tous les frères» en «racontant la conversion des nations» (3*). Mais on sait le trouble qui suivit ; Actes 15 et Galates 2 révèlent combien il fut grave. Le schisme fut bien écarté, il fut bien admis que Gentils et Juifs étaient sauvés par la foi au même Seigneur, et que le même Esprit avait été donné à tous : mais cela ne signifiait nullement, pour ces chrétiens juifs, que toute distinction fût abolie entre eux et les nations, dans l’unité d’un seul corps. De même, quand, au terme de son troisième voyage, Paul raconta à Jacques et aux anciens les choses que Dieu avait faites parmi les nations par son service, «ils glorifièrent Dieu», mais ils demandèrent à Paul de judaïser pour ne pas troubler leurs frères (4*).
(*) Actes 11:18.
(2*) Actes 11:27-30.
(3*) Actes 15:3.
(4*) Actes 21:19, 20 et suivants.
Il était au-dessus de ces croyants élevés dans la religion des pères de comprendre le changement opéré par l’exaltation de Christ. Ils avaient le sentiment que «renoncer à Moïse» était trahir leur nation. Nous nous rendons difficilement compte de ce que représentait pour eux l’idée que les branches du judaïsme fussent arrachées afin que des branches gentiles fussent entées à leur place sur le tronc saint de l’Israël de Dieu. Ils n’étaient pas en état de recevoir l’enseignement concernant soit la position céleste du croyant et de l’Église, soit l’étendue des conseils de Dieu et leur accomplissement en Christ. L’Esprit Saint scellera le travail de Paul parmi les Gentils, mais, malgré son dévouement à sa nation et le renouvellement des gages de l’affection des assemblées des nations envers leurs frères de Judée (*), la vérité de l’Église n’a pas été vraiment saisie par ces derniers, ni par la plupart des Israélites de la dispersion.
(*) Romains 15:25-27 ; 1 Corinthiens 16:3.
Aussi, non seulement Paul a-t-il dû lutter comme on sait contre les docteurs judaïsants qui s’opposaient à son évangile, mais il semble que les assemblées juives, alors que les persécutions endurées eussent dû les détacher du culte judaïque, y sont retournées de façon plus sensible, après justement que la position spéciale de ceux des nations qui se tournaient vers Dieu eut été définie. La comparaison d’Actes 15:19-21 avec Actes 21:21-25 est significative à cet égard.
D’autre part, bien que Dieu ne reconnût plus le système religieux judaïque, il le supportait encore. Le culte dans le temple, base de ce système, subsistait. Les Juifs convertis espéraient probablement encore une restauration nationale. En tout cas ils devaient, comme Paul, supplier Dieu pour que leurs frères selon la chair fussent tous sauvés. En attendant ils continuaient à «vivre selon les coutumes», ils étaient «tous zélés pour la loi», ils offraient des sacrifices, et leurs conducteurs persuadaient Paul lui-même de montrer qu’il «marchait gardant la loi» (*). L’épître de Jacques montre bien cet état de choses, et l’épître aux Hébreux prouve qu’il s’était ensuite non seulement maintenu mais accentué, et elle nous en fait comprendre la gravité, par la solennité pressante des avertissements qu’elle donne. «Les jours précédents» devaient être «rappelés dans la mémoire» de ceux qui les avaient traversés en endurant «un grand combat de souffrances», étant «offerts en spectacle par des opprobres et des afflictions», ou s’associant à ceux qui étaient ainsi traités» (2*). Témoignage pouvait être rendu de leur oeuvre et de l’amour qu’ils avaient «montré pour le nom de Dieu, ayant servi les saints et les servant encore» (3*), mais, «devenus paresseux à écouter», ils en arrivaient à oublier les premiers rudiments des oracles de Dieu (4*), et ils étaient en danger de se détourner de l’espérance. Il fallait déjà leur dire de se souvenir des premiers conducteurs (5*) : qu’en serait-il avec une nouvelle génération ? Ils risquaient de ne former finalement qu’une secte juive de plus, mais une secte coupable du terrible péché d’apostasie. De sorte que l’Esprit de Dieu, tout en leur enseignant avec une plus grande clarté les choses déjà entendues, mais dont ils s’écartaient (6*), les conjure de se séparer de ce système religieux avant qu’il ne soit mis de côté par le jugement, et à «sortir vers Christ hors du camp, portant son opprobre» (7*). En fait, les chrétiens allaient être providentiellement forcés de quitter Jérusalem et la Judée au seuil des graves événements qui aboutirent à la destruction du temple et à la ruine de la ville, trente ans environ après les faits rapportés en Actes 9:31.
(*) Actes 21:20-24.
(2*) Hébreux 10:32-34.
(3*) Hébreux 6:10.
(4*) Hébreux 5:11, 12.
(5*) Hébreux 13:7.
(6*) Hébreux 2:1.
(7*) Hébreux 13:13.
Ce raccourci de l’histoire des assemblées palestiniennes nous a semblé utile et opportun. Il importe en effet de bien distinguer entre les dispensations, pour ne pas revenir à ce qui a pris fin. À l’exemple de Paul nous sommes tenus de voir en Israël le peuple «bien-aimé à cause des pères» ; nous ne devons pas perdre de vue que, s’ils «sont ennemis en ce qui concerne l’évangile» (*), c’est à cause de nous les nations, et que «le salut vient des Juifs» (2*) ; nous devons prier pour ce peuple, avoir à coeur que l’évangile lui soit présenté, bénir Dieu qu’il y ait, «au temps actuel aussi, un résidu selon l’élection de la grâce» (3*). Mais, pas plus aujourd’hui qu’au temps de Paul, il ne saurait y avoir de mélange entre l’évangile de la grâce et la religion fondée sur la loi. La chrétienté a tristement méconnu Romains 11:13-21, et, doublement coupable, elle a méprisé les Juifs tout en s’imprégnant de judaïsme. Il lui sera demandé compte de toute la haine qui a été portée en son sein au nom de Juif, comme de cette judaïsation qui est l’essence même de sa propre apostasie, dès longtemps. De nos jours, par réaction contre l’antisémitisme, des tentatives ont lieu pour promouvoir une église judéo-chrétienne. Illusion, et erreur fondamentale ! Dieu reprendra ses voies avec le Résidu de son peuple terrestre, mais une fois l’Église enlevée. On ne peut fondre chrétienté et judaïsme sans mettre Christ de côté, et sans dénier à la fois les privilèges permanents d’Israël et l’appel spécial de l’Église.
(*) Romains 11:28.
(2*) Jean 4:22.
(3*) Romains 11:5.
Ces points de toute importance rappelés, le passage d’Actes 9:31 n’apparaît que plus digne d’attention. Ces assemblées manifestent les traits de la vie nouvelle reçue par la foi en Jésus Christ, et ces traits ont assurément une valeur permanente, indépendante des temps, pour toute l’histoire de l’Église. Mais celle-ci les porte dans la mesure où elle est fidèle aux lumières qui lui ont été données, pour un témoignage de caractère différent selon les temps. Les assemblées dont nous parlons vivaient l’enseignement qu’elles avaient reçu ; elles n’ont pas progressé dans la suite et ont même reculé parce qu’elles ont refusé l’enseignement que le Saint Esprit donnait par Paul ; mais à ce moment elles ne l’avaient pas encore. Elles appliquaient, selon l’instinct même de la vie nouvelle, des exhortations que Paul liera à la doctrine de l’Église céleste liée à un Christ glorifié, et elles le faisaient parce qu’elles étaient conséquentes avec ce qu’elles avaient. Leur marche montrait la foi en activité, si ignorante qu’elle fût de beaucoup de choses. Une telle marche est toujours possible, et prescrite au fidèle, au milieu d’une profession sans vie encore supportée par Dieu : c’est sur quoi insistera l’épître de Jacques. Mais elle risque d’être abandonnée pour «glisser loin», et n’être elle-même qu’une forme, si l’on persiste à ignorer ce qu’on devrait savoir, et si la foi ne se nourrit pas de la vraie doctrine qui enseigne la séparation pour et avec Christ : c’est sur quoi insiste l’épître aux Hébreux.
Nous qui arrivons à l’étape dernière, ne souhaiterions-nous pas la franchir, avec le secours du Seigneur, en réalisant ce qui marquait ces assemblées au terme de l’étape initiale ? Nous bénéficions, par grâce, de la remise en lumière de la vérité concernant le corps de Christ, vérité qui n’avait pas encore été révélée à ces croyants, et qui a été dans la suite si grandement oubliée. Il importe pour nous d’accorder la pratique avec cette doctrine capitale pour le témoignage de Dieu dans le temps présent (*). Tenons ferme ce que nous avons, selon l’injonction faite à Philadelphie comme au fidèle résidu de Thyatire. C’est ainsi seulement que nous pourrons revêtir les caractères qui brillaient dans ces assemblées. Leur tableau est de toute beauté dans sa simplicité extrême. Il tient en quatre traits.
(*) Nous saisissons cette occasion pour recommander tout particulièrement le court traité : Sur la Doctrine de l’épître aux Éphésiens, ses résultats pour le temps actuel, par H. R.
D’abord, la paix. «Les assemblées étaient en paix». À l’extérieur Dieu leur donnait du répit dans les persécutions. De même, à l’heure qu’il est, l’opposition du monde n’a pas la violence d’autres temps, dans nos pays en tout cas ; nous parlons volontiers de la «porte ouverte» d’Apocalypse 3:8 ; comment la mettons-nous à profit ? Ces assemblées le faisaient en jouissant de la paix intérieure, et, comme elles, nous avons besoin, en rendant grâces pour les facilités accordées, de cultiver entre nous l’affection fraternelle, dans la paix. Cette paix constamment souhaitée par Paul aux assemblées et aux saints ne peut exister que comme fruit de l’Esprit (*). Elle est menacée sans cesse par l’action de la chair, source des troubles, des divisions, des conflits (2*). Nous la voyons effectivement compromise et détruite par suite de notre manque de vigilance à prévenir et à réprimer ces actions charnelles. Tantôt des fausses doctrines viennent bouleverser les esprits. Tantôt les racines d’amertume bourgeonnent en haut, troublent et souillent. Les convoitises de toutes sortes, l’occupation de soi, l’orgueil, font leur oeuvre néfaste de discorde (3*).
(*) Galates 5:22.
(2*) Jacques 4:1-3 ; Galates 5:20 ; 1 Corinthiens 3:3.
(3*) Romains 16:17 ; Hébreux 12:15.
Nous ne pouvons qu’être frappés de voir combien sont nombreuses les recommandations relatives à la paix entre les saints. Recevons avec douceur et sérieux tant de passages qui nous rappellent que la paix est le propre de la vie de ceux qui par la foi ont la paix avec Dieu. Faut-il en transcrire quelques-uns ? «Poursuivez la paix avec tous». «Recherchons les choses qui tendent à la paix». «Poursuis la justice, la foi, l’amour, la paix, avec ceux qui invoquent le Seigneur d’un coeur pur». «Soyez en paix entre vous». «Dieu n’est pas un Dieu de désordre, mais de paix» (*).
(*) Hébreux 12:14 ; Romains 14:19 ; 2 Timothée 2:22 ; 1 Thessaloniciens 5:13 ; 1 Corinthiens 14:33.
La paix de l’assemblée sera bien assurée si la paix remplit chacun de ceux qui la composent. Que chacun veille pour son compte. «Or le Dieu de paix lui-même vous sanctifie entièrement», et que «le Dieu de paix lui-même vous donne la paix en toute manière» (*).
(*) 1 Thessaloniciens 5:23 ; 2 Thessaloniciens 3:16.
Les assemblées «étaient édifiées». C’est dans la paix que l’édification se poursuit : «gardant l’unité de l’Esprit par le lien de la paix». Ainsi voyons-nous ces assemblées devancer les exhortations de l’apôtre Paul, sous la plume duquel revient si souvent la comparaison de l’assemblée avec un édifice qui se construit. Pour bien édifier il faut des bases solides, de bons matériaux, un sage architecte, des ouvriers consciencieux. Le fondement de Dieu demeure inébranlable, grâces Lui en soient rendues. Les seules pierres à mettre en place dans la maison sont les pierres vivantes, savoir ceux qui ont goûté que le Seigneur est bon et qui, rachetés par le sang de Christ, possèdent sa vie. Le mortier qui les lie ne peut être que l’amour dans la vérité : «l’amour édifie». Les apôtres et prophètes ont été les architectes, mais en tous temps les ouvriers n’oeuvrent utilement que comme ministres de la Parole «qui a la puissance d’édifier» (*), sous l’action et la direction du Saint Esprit.
(*) Actes 20:32.
Ainsi en était-il pour ces croyants de Palestine. Ainsi doit-il et peut-il en être de nous : sachant plus de choses qu’ils ne pouvaient en savoir, et responsables de les avoir reçues, nous devrions être heureux et empressés de les faire servir à l’édification. Jude, s’adressant à des fidèles des derniers jours, les exhorte à combattre pour la foi précédemment enseignée aux saints : «mais vous, bien-aimés, leur dit-il, vous édifiant sur votre très-sainte foi, priant par le Saint Esprit, conservez-vous dans l’amour de Dieu» (*).
(*) Jude 20.
Qu’aujourd’hui comme autrefois «tout se fasse pour l’édification» (*).
(*) 1 Corinthiens 14:26.
Ces assemblées «marchaient dans la crainte du Seigneur». La marche révèle à la fois la direction que le marcheur a dans sa pensée, l’énergie avec laquelle il y tend, son caractère et son état de santé, selon que sa marche est assurée ou incertaine, égale ou vacillante, etc. La conduite de ces croyants montrait qu’ils avaient un Seigneur auquel ils étaient heureux d’appartenir et d’obéir ensemble. Ils reconnaissaient le Seigneur de gloire et le craignaient de cette sainte crainte qui a toujours été le commencement de la sagesse et de la connaissance, et qui est le principe de toute réelle consécration. La crainte les avait caractérisés dès le début : «toute âme avait de la crainte» ; «une grande crainte s’empara de tous ceux qui entendirent ces choses» ; «une grande crainte s’empara de l’assemblée et de tous ceux qui entendaient parler de ces choses» (*). Le gouvernement de Dieu n’était pas un vain mot.
(*) Actes 5:5, 11.
Ces croyants hébreux devront être plus tard exhortés à maintenir une telle crainte : l’épître aux Hébreux, celles de Pierre, y reviennent maintes fois. Prenons ces exhortations pour nous, et «retenons la grâce par laquelle nous servions Dieu d’une manière qui lui soit agréable, avec révérence et avec crainte» (*). Nous confessons le même Seigneur qu’eux. Il a sur nous les mêmes droits qu’ils lui reconnaissaient, et qu’il a acquis par ses souffrances et sa mort. Ce nom de Seigneur passe aisément et peut-être parfois légèrement sur nos lèvres, mais il est sérieux de le prononcer en vain. «Sanctifiez le Seigneur le Christ dans vos coeurs» (2*). Nous professons volontiers avoir été libérés de l’assujettissement à des hommes et à des organisations humaines. En prendrions-nous occasion pour nous conduire à notre gré, chacun faisant ce qui est bon à ses yeux ? Nous avons un Seigneur, et Il est le Seigneur de l’Assemblée. Quand nous sommes réunis en son nom nous avons à faire tout en ce nom, dans le sentiment de la présence et de l’autorité de Celui qui nous rassemble. Un tel nom ne saurait être associé au mal, au monde, à la volonté de la chair. Nous n’y prendrons jamais trop garde.
(*) Hébreux 12:28.
(2*) 1 Pierre 3:15.
Vient enfin une autre comparaison qui prendra son plein sens dans cet enseignement doctrinal de l’Église que Paul n’avait pas encore donné mais que ces assemblées appliquaient selon leurs lumières. Elles «croissaient par la consolation du Saint Esprit», comme un corps vivant de sa vie normale et se développant par sa force vitale régulièrement et sainement alimentée. Quand la crainte du Seigneur est là, l’Esprit saint n’est pas attristé, il accomplit sa fonction qui est de glorifier Christ et de prendre de ce qui est à Lui pour le communiquer aux siens. Il agit dans l’assemblée en agissant dans chaque croyant.
Ces assemblées augmentaient en nombre et progressaient dans la grâce et la vérité. La consolation du Saint Esprit, tout en donnant ce qu’il faut pour aider et soulager les âmes au sein de l’épreuve, apporte l’encouragement et la force pour affronter le combat et poursuivre l’oeuvre de foi, le travail d’amour, dans la patience d’espérance.
Le Saint Esprit est là, chers frères et soeurs, toujours le même, chacun des rachetés est son temple, et l’Assemblée est l’habitation de Dieu par l’Esprit. A-t-il sa libre action parmi nous ? Demandons à discerner et à juger ce qui l’entrave, et qui empêche cet accroissement heureux, à la gloire de Christ, qui est possible quel que soit le temps.
Paix, amour actif pour édifier dans la vérité, crainte du Seigneur rassurante et sanctifiante, consolation du Saint Esprit donnant l’accroissement, ces quatre beaux caractères vont ensemble. Les assemblées qui les ont ainsi revêtus un moment sont un modèle pour toutes, à toutes les époques, et dans la phase de l’histoire de l’Église à laquelle nous appartenons tout résidu fidèle sera marqué par ces traits. En vérité, cela n’est-il pas à notre portée, pour notre joie et pour la gloire de Christ ?
ME 1959 p. 281
Il est clair que «participer à la Table du Seigneur» (1 Cor. 10:21), c’est prendre la Cène avec l’assemblée «réunie ensemble» (11:20). Derrière la figure de langage nous trouvons le repas commun, pris en souvenir de la mort du Seigneur. Ce privilège — car ce n’est nullement une ordonnance, pas plus qu’un sacrement — est proposé à tous les chrétiens. Ils en usaient, au temps de l’apôtre, dans la séparation du paganisme et du judaïsme, et ceux de Corinthe étaient avertis qu’ils ne pouvaient «participer à la Table du Seigneur et à la table des démons». Ils devaient «fuir l’idolâtrie», et, du moment qu’ils avaient part à la Cène, ils ne pouvaient s’associer à quoi que ce fût des cultes idolâtres, même si, convaincus de l’inanité des faux dieux, ils n’y participaient qu’extérieurement ou de loin, par exemple en mangeant des viandes qui avaient été offertes aux idoles. En effet, dans la Cène ils exprimaient la communion du sang du Christ en buvant de la coupe, et la communion du corps du Christ en rompant le pain ; ils témoignaient qu’ils étaient «un seul pain, un seul corps», le corps du Christ. Pouvaient-ils donc faire participer le corps du Christ à l’idolâtrie ?
La question était simple. Elle le reste dans son principe. Ce qui la complique aujourd’hui, c’est que la chrétienté, si elle professe être séparée de l’idolâtrie comme du judaïsme, a laissé pénétrer chez elle quantité des «éléments du monde», et qu’elle s’est divisée en groupes différents dont chacun affirme prendre le repas institué par le Seigneur. Les uns y ajoutent, les autres y retranchent. Ceux-ci en font un sacrement, ceux-là le monopole des tenants d’une doctrine particulière. Ici on admet chacun sous sa responsabilité personnelle, là on exige une profession de foi. Mais, quelle que soit la confusion, le principe posé à propos de l’idolâtrie à Corinthe demeure, savoir que la table exprime la communion : quiconque prend part au repas a «communion avec l’autel», c’est-à-dire avec le culte rendu et l’ensemble de ceux qui le rendent. De sorte que d’une part «quiconque mange le pain ou boit la coupe du Seigneur indignement sera coupable à l’égard du corps et du sang du Seigneur» (11:27), et d’autre part s’asseoir à une «table» associe le participant à ce qui la caractérise, tout comme manger des sacrifices offerts aux idoles mettait en «communion avec les démons» (10:20).
Un chrétien qui a les intérêts du Seigneur à coeur a donc le devoir de s’assurer qu’il rompt le pain selon Sa pensée. Il doit, d’abord, le faire d’une manière «digne» quant à lui-même, selon l’enseignement de 1 Cor. 11:27-29, chacun «s’éprouvant soi-même» avant de venir pour manger du pain et boire de la coupe. Voilà le côté individuel. Mais il ne peut prendre la Cène seul, il le fait à la Table où s’exprime la communion : c’est donc le rassemblement tout entier qui, avec lui, doit reconnaître le Seigneur dans tous ses droits, sinon ce chrétien s’expose à se trouver en communion avec ce qui déshonore le nom du Seigneur. Une conscience éclairée ne saurait rompre le pain dans un rassemblement où la responsabilité collective de l’Assemblée, telle que nous l’enseigne 1 Cor. 5, ne serait pas ressentie, pour recevoir ou pour écarter, et où la souillure de chair ou d’esprit ne serait pas jugée, dans l’exercice de la discipline selon la Parole, pouvant aller si nécessaire jusqu’au retranchement (*). Elle ne le pourrait pas davantage dans un rassemblement qui ne serait pas celui de l’Assemblée réunie au nom du Seigneur, avec Sa présence personnelle assurée selon la promesse de Matthieu 18:20, mais qui serait un rassemblement opéré selon une pensée et une organisation humaines. Un rassemblement sectaire, c’est-à-dire fondé sur une doctrine particulière, et dont les adeptes prennent un nom à part dans la chrétienté, n’est pas plus à reconnaître qu’une Église de multitude avec son clergé. La Table du Seigneur ne peut se trouver que là où l’Assemblée se rassemble comme telle, simplement mais réellement au nom du Seigneur.
(*) Il s’agit du principe. La pratique sera toujours marquée de l’imperfection humaine. Mais le Seigneur, qui marche au milieu des sept lampes d’or, supporte longuement, avertit, reprend, et intervient en châtiment au temps convenable, jusqu’à ôter la lampe de son lieu.
Il n’y a, certes, aucune difficulté à estimer que des âmes pieuses mais mal éclairées se souviennent de la mort du Seigneur n’importe où elles ont part à ce qui leur est présenté comme la Cène, et qu’elles y trouvent joie et réconfort. Nous ne pouvons que bénir Dieu de ce qu’elles éprouvent là.
Mais chacun est tenu de marcher selon la lumière qu’il a reçue. Si nous avons été enseignés quant à la sainteté de la Table du Seigneur, et quant à l’unité du Corps de Christ qui y est proclamée, nous avons à conformer notre pratique à cet enseignement de l’Écriture. Il ne nous sera pas possible de penser que nous avons la liberté d’aller ici ou là pour participer à la Table du Seigneur comme si elle était partout, ou presque partout. Elle ne peut pas être partout ou presque partout. Il y a un lieu, et un seul, où Lui-même l’établit.
Je n’ai pas à évaluer la mesure dans laquelle des chrétiens réunis, soit dans les grandes Églises de multitude soit à titre indépendant, se souviennent du Seigneur ; Lui le sait, qui connaît toutes choses. Mais j’ai à m’assurer que moi je le fais à Sa Table, là où Il rassemble les siens, dans l’unique séparation du mal. Si l’instruction de Matthieu 18:20 est la seule à cet égard, elle est d’une parfaite clarté. Même pour ce que les sacrificateurs de l’ancienne alliance pouvaient appeler la «table de l’Éternel» (Malachie 1:7), il ne suffisait pas d’un autel, ou d’une table de pains de proposition, mais il fallait se trouver au lieu que l’Éternel lui-même avait choisi. Et n’est-il pas significatif de voir les évangiles insister sur le soin avec lequel le Seigneur fixe le lieu, la chambre garnie toute prête, où les disciples devaient préparer cette pâque pour laquelle il allait se mettre à table avec les douze, et au cours de laquelle Il allait instituer la Cène ? «Où veux-tu ?» demandent les disciples. «Apprêtez-là la pâque», leur dit Jésus. «Et les disciples firent comme Jésus leur avait ordonné» (Matt. 26:17, 20 ; Marc 14:12-17 ; Luc 22:7-14).
Si exerçant et douloureux que ce puisse être, nous ne pouvons donc appeler Table du Seigneur quelque «table» de la chrétienté que ce soit, dressée sur une autre base que l’unité du Corps du Christ. Cela implique que nous ne saurions y reconnaître la célébration de la Cène, quoi que d’autres puissent y trouver : sinon nous serions coupables de ne pas nous sentir libres d’y participer.
Toute équivoque sur ce point est à écarter. Une distinction existe, de toute évidence, entre la Table du Seigneur telle qu’elle est présentée en 1 Cor. 10:21, où le côté primordial est celui de la communion, et la Cène du Seigneur telle qu’elle est présentée en 1 Cor. 11, où c’est le mémorial qui est considéré (*). Mais il est tout aussi évident que la Table n’est telle que parce qu’on y prend la Cène. Dans les deux cas c’est la même célébration du même repas commun commémoratif, l’accent étant à mettre dans le premier sur «commun», dans le second sur «commémoratif». Si donc on voulait insister sur la difficulté de les séparer, ce ne pourrait être pour en conclure que la Table du Seigneur est partout sous prétexte que la Cène serait partout, mais bien au contraire que, pour celui qui veut être fidèle, la Cène du Seigneur n’est pas partout parce que la Table du Seigneur n’est pas partout. Quand les Corinthiens célébraient «indignement» la Cène, l’apôtre leur dit que ce faisant ils ne mangeaient pas le souper du Seigneur (autrement traduit Cène dominicale), et qu’ils méprisaient l’Assemblée de Dieu.
(*) Ce sujet a été maintes fois traité. Nous recommandons à nos lecteurs, entre autres :
— J. N. D. et F. P. Lettres et fragments sur la Cène et la Table du Seigneur (Messager Évangélique 1909).
— C. H. M. Pensées sur la Cène du Seigneur (Idem. 1929).
— H. R. La Table du Seigneur et la Cène du Seigneur (2° édition) Vevey, 1924.
— A.L. La Cène. La Table du Seigneur et la Cène du Seigneur (2° édition) Vevey 1934.
En définitive, la seule question est celle-ci : le Seigneur nous appelle-t-il à dresser une table de plus parmi les nombreuses qui s’offrent dans la chrétienté, ou à prendre place à celle que Lui-même dresse en dehors du camp et qui seule est la sienne ? Notre responsabilité apparaît d’autant plus grande de maintenir tous ensemble la sainteté d’une Table à laquelle Il nous fait la grâce — car c’est pure grâce — de participer.
Il s’agit là d’un fait, mis en relief par l’enseignement de l’Écriture. Le reste est théologie.
ME 1957 p. 57
La Table où le Seigneur rassemble les siens pour qu’ils goûtent leur communion en Lui est précieuse à leurs coeurs dans la mesure où ils L’aiment.
En même temps elle est sainte, et ne supporte pas d’être mise en relation, soit au dedans soit au dehors, avec quoi que ce soit qui déshonore le Nom dont elle est appelée.
Cette sainteté comme ce prix viennent de la présence du Seigneur Lui-même, et de la célébration de cet acte incomparable : la Cène du Seigneur. La mort du Seigneur est annoncée là, dans la présence de Celui qui est vivant après avoir été mort.
C’est pourquoi il y aurait un certain danger à s’occuper de la Table en oubliant en quelque mesure la Cène et sa signification. Autant nous sommes exposés à rabaisser la valeur d’une telle Table en participant indignement à la Cène (1 Cor. 11:27-29), autant nous risquerions, en voyant surtout dans l’admission à la Table une sorte d’occasion de contrôler nos associations ecclésiastiques (selon 1 Cor. 10:16-22), d’aboutir à dessécher ce qui doit demeurer vivant, la communion dans l’amour et la vérité.
Mais faut-il, par réaction contre ce dernier excès, tendre à déplacer la base sur laquelle cette Table repose, et qui est celle de l’unité non d’un corps de croyants, mais du corps de Christ ? Nous touchons là un grave sujet de préoccupation et de peine. Il en est, parmi ceux à qui la grâce a été faite de comprendre où est le centre et quel est le terrain du rassemblement des enfants de Dieu, qui, dans une intention assurément généreuse, ouvriraient volontiers la porte à des chrétiens de toute appartenance, sans s’inquiéter s’ils vont s’asseoir ailleurs, ici ou là, pour rompre le pain ; et eux-mêmes iraient à l’occasion s’asseoir où leur coeur les entraîne. Qu’il soit permis de leur rappeler que «l’amour se réjouit avec la vérité». Un amour désaccordé d’avec la vérité ne serait plus l’amour, et égarerait. Qu’ils veuillent considérer avec soin la gravité de telles associations : par elles ils couvrent, quelle que puisse être leur propre intégrité personnelle, l’erreur et le mal tolérés dans les rassemblements ou dénominations avec lesquels ils se mettent en communion. Ils pensent échapper au sectarisme, mais c’est pour laisser entrer le monde, si peu qu’il y paraisse pour commencer.
Ce courant du dedans vers le dehors est rejoint par un autre qui va du dehors vers le dedans ; des chrétiens déterminés à marcher dans un chemin de larges associations reprochent à leurs frères qu’ils appellent «exclusifs» de ne pas les recevoir à la Table. Beaucoup d’entre eux, absorbés par des choses excellentes en elles-mêmes — l’évangélisation, les oeuvres d’utilité aux hommes, — se préoccupent en réalité assez peu de la Table du Seigneur ; il est donc assez paradoxal de les voir se plaindre de ne pas y être admis, et dénoncer comme «étroits» ceux qui ressentent leur responsabilité à la reconnaître sainte. Ils prennent comme une offense le fait d’être écartés de ce qui pourtant, ils n’hésitent pas à le déclarer à l’occasion, leur paraît assez secondaire dans la vie chrétienne.
Le dessein de l’ennemi n’est-il pas clair ? Il vise à anéantir le témoignage que le Seigneur appelle les siens à rendre à Sa mort. Il serait satisfait si, devant l’humiliante constatation de nos inconséquences, nous renoncions à revendiquer les droits du Seigneur sur Sa Table. Mais au contraire, cette constatation doit nous porter à juger et à délaisser les manquements qui portent atteinte à la sainteté de cette Table au dedans, de façon à la défendre avec plus de vigueur au dehors.
Quand nous voyons le Seigneur nous supporter avec tant de patience et de miséricorde, et nous maintenir la faveur de nous réunir autour de Lui, — quand Il nous replace Lui-même devant les enseignements simples et immuables de sa Parole, — bref quand Il nous montre toute sa fidélité à Lui, pouvons-nous conclure à autre chose qu’à son désir de réveiller la nôtre ? Ne percevons-nous pas la persistance de sa volonté à rassembler les siens ? Douterions-nous que son secours ne reste acquis à la foi humble et obéissante ? Baissons la tête devant tout ce qui est survenu par notre faute ; reconnaissons combien peu nous avons su garder l’unité de l’Esprit par le lien de la paix ; ayons-en le coeur brisé. Mais retenons d’autant plus la vérité de l’unité du corps de Christ, unité pour laquelle nous avons été baptisés d’un seul Esprit, et qui s’exprime à la Table du Seigneur.
«Le Christ est-il divisé ?» Admettre qu’il y a plusieurs tables chrétiennes, et que l’une vaut l’autre, chaque rassemblement ayant ses qualités et ses défauts, c’est admettre et dire que le Christ est divisé. Si nous ne voyons dans la Table où nous nous réunissons que l’une des nombreuses tables de la chrétienté, nous nous condamnons nous-mêmes, d’avoir ajouté un élément de dispersion de plus, un groupement schismatique formé de membres moins fidèles et moins dévoués dans leur vie individuelle, que bien d’autres. Nous nions, en pratique, l’unité du corps.
Quelqu’un écrivait, il y a bientôt un siècle, parlant de ceux qui estiment cette unité inexistante et nient par conséquent que les saints aient à la garder : «Nous n’avons pas lieu de nous étonner que pour eux une chose soit aussi bonne qu’une autre. Ils n’ont, quant à l’unité, rien de divin à défendre, et ne voient pas la nécessité de combattre non plus. Ils voudraient nous voir abandonner la vérité que nous avons apprise, et, pour l’amour de la paix, nous réduire nous-mêmes à n’être plus qu’une pure secte, ainsi que les autres dénominations l’ont fait, et continuer ainsi, tranquillement, comme elles. Mais non, celle-là était la vraie mère de l’enfant, qui poussa un cri d’horreur en entendant Salomon ordonner de le partager. L’autre n’avait rien à perdre là, et pouvait y consentir, mais cela ne fit que mettre au jour la réalité du cas. Elle n’avait rien à perdre. La vraie mère avait un intérêt vivant, dans un enfant vivant, dont la vie lui était ce qu’elle avait de plus précieux ; elle ne pouvait ni ne voulait consentir à un tel compromis. Ainsi en est-il avec ceux qu’on nomme les «exclusifs». Ils ont, je voudrais plutôt dire le Seigneur a quelque chose à perdre par un compromis, et ils ne peuvent y consentir. Tenons ferme. Nous ne serons jamais réellement utiles à nos frères en rabaissant notre terrain, ou en cessant de maintenir la vérité de Dieu quant au caractère et au témoignage de l’Église» (Messager évangélique 1869, p. 258)
Sommes-nous aujourd’hui à même d’entendre un tel langage ? Dieu le veuille. Que Lui-même incline notre oreille à l’écouter. Ce qui est en jeu, ce n’est ni un bien terrestre, ni une vérité toute théorique que nous nous glorifierions de posséder, mais la réalité vivante du corps de Christ. Il ne s’agit pas de ce qui serait le plus agréable à nos coeurs naturels, mais de ce qui est cher à la vie nouvelle. Le rechercher entraînera sans doute l’incompréhension, l’impopularité et l’opprobre. Christ a-t-il connu autre chose ? Prenons bien à coeur cette considération que nous ne poursuivrons le véritable bien de nos frères qu’en refusant tout compromis. Et par-dessus tout, soyons assurés que l’approbation du Seigneur sanctionnera une telle position. Le seul corps, de l’unité duquel le seul pain est le symbole, est Son corps, dont tous ses rachetés sont membres. En prenant part à ce seul et même pain nous pensons à l’ensemble, dans une même pensée pour tous où qu’ils se trouvent. Mais ce serait mépriser le corps de Christ lui-même — dans une mesure plus ou moins grande selon la connaissance que nous avons reçue — que de laisser sciemment associer la Table où nous communions, soit à la souillure morale, soit à l’erreur touchant les fondements de la doctrine chrétienne. Ce ne serait plus la tenir pour la Table du Seigneur.
Si nous avons la conviction que Dieu Lui-même a voulu, au milieu de la ruine générale, un témoignage à l’unité du corps, et qu’il nous appelle encore à y participer, alors, chers frères et soeurs, réveillons-nous, et prenons garde de ne pas compromettre dans la pratique l’expression de cette unité. Vis-à-vis du dehors soyons des «portiers» vigilants, obéissant à 1 Cor. 10 ; et, au dedans, où tant de choses nous forcent à confesser que nous aurions mérité d’être déjà rejetés comme porteurs d’un tel témoignage, laissons la même sainteté de la Table parler à notre conscience, pour nous en approcher avec crainte autant qu’avec reconnaissance, nous jugeant nous-mêmes selon 1 Cor. 11. En un mot, réalisons davantage sa précieuse signification : «La coupe de bénédiction que nous bénissons, n’est-elle pas la communion du sang du Christ ? Le pain que nous rompons, n’est-il pas la communion du corps du Christ ?»
ME 1979 p. 167
Bien cher ami,
Il est certain que dans nos réunions de culte, la Cène est souvent indûment retardée, au point qu’il n’y a qu’exceptionnellement une continuation de l’adoration d’assemblée après sa célébration, comme si celle-ci était le moment terminal du culte. Cela est regrettable. Réagissant contre cette tendance, certains, me dites-vous, préconisent de commencer toujours le culte par la Cène.
Mais n’est-ce pas tomber dans un extrême inverse, et ouvrir la porte à une liturgie systématiquement réglée, au moins aussi fâcheuse que notre routine ? Que Christ dans ses souffrances et sa mort constitue la base même du culte, cela est incontestable ; qu’il en soit, tout au long, la substance, comme on le dit souvent, et que le mémorial de sa passion ait une place unique dans le déroulement de ce culte, tout adorateur en conviendra. Il reste que l’objet suprême en est Dieu, «un seul Dieu», connu par le chrétien comme «Père». Et d’autre part le privilège de l’adoration est réalisé par l’action du Saint Esprit, donné à la suite de l’oeuvre de la croix, Christ étant ressuscité et glorifié. Nous adorons en esprit (Jean 4), et par l’Esprit de Dieu (Phil. 3:3), lequel ne saurait être réglementé ; bien au contraire : là où il est, là est la liberté. Si cette liberté doit se montrer quelque part, c’est bien dans le culte. Il est notre directeur, chantons-nous. À Lui de fixer la place de la Cène selon qu’il convient, d’après l’état de l’assemblée, les circonstances, tout un ensemble de facteurs qui nous échappent. À nous de le laisser agir. Il glorifie Christ, certes, mais il fait, par Lui, adorer le Père, et les adorateurs bénissent le Dieu et Père de leur Seigneur Jésus Christ.
À la croix a été accompli le dessein formé dès l’éternité par Dieu le Père. Comment ne lui rendrions-nous pas grâces pour ses conseils éternels, et pour son don inexprimable ? Jésus a rendu grâces, au souper, avant de rompre le pain et de donner la coupe. Ne ferions-nous pas ainsi ?
Mais bien plus encore. Comme vous le dites, nous sommes introduits dans le sanctuaire même pour adorer. Nous y voyons l’Agneau immolé mais glorifié. La cène se célèbre sur la terre, mais elle l’est par des gens de la maison céleste, réunis autour de Celui qui tout à la fois est au milieu d’eux et les présente à Dieu dans le ciel, qu’il leur a ouvert. Le premier jour de la semaine est un jour de triomphe et de joie, où l’on évoque comment la victoire a été remportée, à quel prix, mais Jésus montre ses mains et ses pieds percés aux disciples réjouis de voir le Seigneur. Oui, laissons l’Esprit de Dieu régler l’ordre dans lequel ont à se faire les choses qui nous permettent d’anticiper ici-bas l’adoration céleste et éternelle.
Les frères qui nous ont enseignés n’ont guère parlé, à ma connaissance, de cette place de la cène dans le culte, mais ils ont toujours insisté sur la convenance de laisser au Saint Esprit son rôle de conducteur, et sur la diversité des formes que le déroulement du culte peut présenter, l’accent étant mis tantôt sur le dessein divin, tantôt sur l’excellence de la Personne et l’oeuvre du Fils, sa valeur pour le Père, tantôt sur l’Église et ce qu’elle est pour Christ, sur son espérance, la venue du Seigneur, tantôt sur les souffrances de Christ et les gloires qui les suivent, ce thème demeurant en permanence, il est vrai, comme la toile de fond de tous les autres...
ME 1953 p. 169
Il vaut la peine de considérer la conduite de Moïse lors de l’affaire du veau d’or. Sa foi, mise à une redoutable épreuve, ne fléchit pas. Il fait face avec simplicité et énergie à une situation pour laquelle il n’avait pas d’instructions précises, mais dans laquelle il agit selon la connaissance qu’il avait de l’Éternel. De sorte que Dieu lui ajoute toujours plus de lumière, comme le jour vient relayer un phare qui a brillé fidèlement dans l’orage et la nuit.
Le peuple avait fait le veau d’or, et s’était incliné devant lui. Rien ne pouvait faire que ce péché n’eût pas été commis, et qu’Israël ne fût pas coupable. Il avait violé le premier commandement de la loi qu’il s’était engagé à observer. Que faire ?
Toute l’action de Moïse est inspirée non point par le désir de pallier ou d’excuser ce péché, mais par celui que la gloire de Dieu soit sauvegardée, et, plus encore, rehaussée. Il est «à la brèche» pour Israël, qu’il aime non seulement parce que c’est le peuple auquel il appartient, mais parce qu’il est le peuple auquel l’Éternel a attaché son nom. Il ne peut donc être détruit, et cependant il le mérite. La gloire de Dieu serait atteinte, soit que ce peuple cesse d’être Son peuple, soit qu’il puisse se livrer impunément à l’idolâtrie.
C’est pourquoi, lorsqu’il s’adresse au peuple, Moïse revendique les droits de Dieu à juger un tel péché avec colère : Israël est le peuple du Dieu saint.
Mais c’est pourquoi aussi, lorsqu’il s’adresse à Dieu, il s’appuie sur ce que Dieu avait promis avant qu’il fût question de la loi. La puissance souveraine de Dieu doit se glorifier en grâce, sans que cependant le nom de l’Éternel puisse être à un degré quelconque associé au mal : l’Éternel est, de sa seule et propre volonté, le Dieu de ce peuple.
Moïse est encore sur la montagne lorsque l’Éternel l’instruit de ce qu’a fait le peuple : «J’ai vu ce peuple, et voici, c’est un peuple de cou roide. Et maintenant, laisse-moi faire, afin que ma colère s’embrase contre eux et que je les consume ; et je ferai de toi une grande nation». (Exode 33:7-10). C’est la destruction si la colère divine s’exerce, en toute justice. Moïse plaide, non point en mettant en avant des circonstances atténuantes, mais en remettant en mémoire, devant Dieu ce que Lui-même a dit et fait (11 à 13). Israël est Son peuple. L’Éternel a montré sa grande force en le délivrant. Les Égyptiens concluraient de la destruction d’Israël que l’Éternel avait menti ou était impuissant. Enfin, et par-dessus tout, l’Éternel a juré aux pères de donner Canaan à la semence d’Abraham. «Tu as juré... tu as dit...» Telle est la foi de Moïse, rivée à la Parole de Dieu. Il ne montre ni hésitation ni doute. Il en appelle à Dieu jurant par Lui-même. Ce que Dieu a dit s’accomplira. Un obstacle s’élève, et le pire, le peuple montre ce qu’il est, un peuple de cou roide, un peuple de pécheurs ? Mais le péché dominerait-il Dieu, pourrait-il l’empêcher d’accomplir ses décrets ? Dieu ne savait-Il pas Lui-même, lorsqu’il jurait ainsi, que c’était un peuple de pécheurs qu’il prendrait en mains, et le savait-il moins lorsqu’Il avait chargé Moïse de le conduire ?
Quand, après être descendu vers le peuple et avoir arrêté le désordre, Moïse retourne vers l’Éternel et plaide à nouveau (v. 31-35), il n’excuse pas davantage le péché dont il vient de prendre une exacte connaissance. Au contraire, il définit le mal dans toute sa gravité : «Hélas ! ce peuple a commis un grand péché ; ils se sont fait un dieu d’or...» Mais il n’en intercède que d’une façon plus pressante encore, et, faisant un pas de plus, il parle d’une propitiation. Sa foi discerne que la gloire de Dieu peut resplendir dans le pardon, mais que cela ne peut avoir lieu au mépris de sa justice, et il suggère que ce pardon soit acquis en détournant sur un substitut volontaire — lui-même — la colère méritée. Certes, une telle proposition était inacceptable, car Moïse avait la même nature pécheresse que tous les hommes. «Celui qui a péché contre moi, lui répond l’Éternel, je l’effacerai de mon livre». Mais certainement aussi cette proposition n’était pas une offense à la gloire de l’Éternel, bien au contraire. Moïse ne pouvait être accepté comme substitut, mais il l’est comme intercesseur. «Va, conduis le peuple où je t’ai dit. Voici, mon Ange ira devant toi : et le jour où je visiterai, je visiterai sur eux leur péché». Le peuple sera châtié, mais il arrivera dans la terre promise. Moïse avait vu juste et dit vrai. Nous trouvons là, en principe, toute l’histoire ultérieure d’Israël : de manquement en manquement, d’abandon en abandon, il a connu et connaîtra encore les plus sérieuses rétributions, exils, captivités, le rejet actuel, et dans l’avenir la grande tribulation, mais il demeure le peuple élu et sera établi dans le pays. Dieu ne peut mentir, la gloire de l’Éternel est engagée, les promesses sans conditions demeurent. Moïse en était convaincu bien que le moyen d’accomplir les promesses ainsi faites le dépassât. Impossible que les desseins de la grâce de Dieu soient empêchés, même quand le peuple montre ce qu’il est. Et impossible, d’autre part, que Dieu passe sur le péché. Mais il lui appartient, et à Lui seul, de concilier ces deux impératifs. Moïse remet tout à l’Éternel. Sans doute, la loi menaçait, mais il en avait brisé les tables, pour s’en tenir aux promesses antérieures à la loi. Sans doute aussi, le gouvernement divin s’exerce dans le chemin de l’accomplissement de ces promesses, mais finalement la grâce triomphera. La foi se soumet à l’un, et se fortifie dans l’autre.
Il en est de même pour nous, et pour l’Église. La foi d’aujourd’hui comme la foi d’alors doit saisir cela. Dieu a dit, Il a promis, Il accomplira. Son gouvernement est à l’oeuvre, pour la destruction des professants sans vie mais pour la discipline de ses enfants. À la fin du voyage, «selon ce temps il sera dit... : Qu’est-ce que Dieu a fait ?» (Nomb. 23:23). Et c’est cette certitude qui doit être la base inébranlable de nos intercessions pour le peuple de Dieu. Nous pouvons avec une sainte hardiesse dire nous aussi : «Ce peuple est ton peuple, les rachetés sont tes enfants. Tu ne saurais renoncer à accomplir ce que tu t’es proposé et as dit à leur égard». Nous avons pour plaider plus de motifs que Moïse même. Il ne pouvait en effet qu’entrevoir de loin l’oeuvre qui permettrait à tous les desseins de Dieu de s’accomplir ; son intercession à lui, si fidèle qu’il fût et si ardemment qu’il aimât le peuple, était insuffisante, et ne valait, en réalité, que parce que Dieu avait, Lui, devant les yeux ce que Christ ferait plus tard. Sans cela pas un seul péché n’eût jamais été supporté. Un jour devait venir où, sur une autre montagne, Moïse apparaîtrait en gloire avec Élie, pour y rencontrer Jésus et parler avec Lui de sa mort qu’il allait accomplir à Jérusalem. L’Éternel aurait entièrement détruit le peuple au pied du Sinaï, comme il en avait fait la menace, Moïse lui-même n’aurait pu être son «élu», ni «se tenir à la brèche», sans cette oeuvre de la rédemption alors encore future et que Dieu était seul à connaître. Cela n’enlève rien à la beauté de la foi de Moïse, type de Celui qui est maintenant le seul Médiateur. Mais cela nous dit combien est grand notre privilège de pouvoir nous approcher par Jésus, en pleine assurance de foi. La base initiale constituée par les promesses de Dieu se complète maintenant de cette autre : la mort de Christ. Moïse s’appuyait fermement sur la première et, portant son pied en avant, cherchait encore l’autre à tâtons. Nous avons sous nos pas l’une et l’autre. Où est notre «assurance de foi» ?
Moïse ayant intercédé obtient la certitude que le voyage peut reprendre jusqu’en Canaan. Mais cela ne suffit pas à sa foi : il faut que l’Éternel marche avec Israël. Or si l’Éternel, après une première visitation en jugement, dit : «Va, monte... je chasserai le Cananéen», etc., Il appelle Israël «le peuple que tu as fait monter d’Égypte», Il ne dit pas : «mon peuple», et Il déclare : «J’enverrai un ange devant toi... ; car je ne monterai pas au milieu de toi, car tu es un peuple de cou roide ; de peur que je ne te consume en chemin» (33:1-3). Quoi donc ? Tout en lui assurant dans l’avenir la possession du pays dont les habitants actuels seront détruits, Dieu laisserait aller ce peuple et l’introduirait là comme un peuple étranger et non comme le peuple de Dieu ? Il serait un simple instrument de jugement à l’égard des Cananéens, mais abandonné par l’Éternel, une verge comme Dieu en a tant décrétées au cours de l’histoire pour les jeter après s’en être servi ? Non, Moïse ne peut se résoudre à un tel rôle, et pourquoi ? Encore et toujours parce que Dieu a promis, et que Dieu ne serait pas glorifié si ses liens avec Israël étaient coupés. «Je serai leur Dieu», avait dit l’Fternel (Genèse 17:8). Moïse n’avait-il pas encore dans l’oreille la voix entendue naguère en ce même Horeb : «J’ai vu, j’ai vu l’affliction de mon peuple» ? Lui-même avait «trouvé grâce» aux yeux de l’Éternel, mais à quel titre sinon parce qu’il avait cru aux promesses que Dieu ne saurait renier, et comment Dieu l’avait-il choisi sinon en vertu de ces promesses mêmes : ? «Considère que cette nation est ton peuple», dit-il en une troisième intercession (12-17). Il est beau de le voir s’enhardir encore et supplier : «Regarde, tu me dis : Fais monter ce peuple, et tu ne m’as pas fait connaître celui que tu enverras avec moi... Si ta face ne vient pas, ne nous fais pas monter d’ici». Il ne pourrait se contenter d’une puissance opérant en leur faveur mais distante et inconnue, d’une providence extérieure ; il lui faut une présence. Il faut que l’Éternel lui-même marche avec son peuple (16) ; de la sorte, «moi et ton peuple nous serons séparés de tout peuple qui est sur la face de la terre». Ce n’est pas seulement un peuple qui sera établi un jour dans le pays, mais un peuple avec qui Dieu se trouve alors qu’Il n’est pas connu ailleurs, un peuple avec qui Dieu entrera et demeurera, un peuple qui par cela même est exposé à la visitation en jugement s’il manque, mais un peuple parmi lequel tout croyant pourra toujours avoir affaire avec Dieu.
Pensée précieuse, mais solennelle, qui commande notre attention. Demander que le Seigneur marche avec nous suppose que nous avons conscience d’être ses enfants avec tout ce que ce titre comporte. Nous réclamons ses soins de Père, mais «nous invoquons comme Père celui qui sans acception de personnes juge selon l’oeuvre de chacun» (1 Pierre 1:17). Rechercher sa communion c’est aussi accepter de coeur son intervention en discipline, sans laquelle nous serions des bâtards et non des fils. Mais là est la source de bénédictions excellentes. Moïse en jouit magnifiquement pour lui-même, et pour ceux qui cherchent l’Éternel. «Tu as trouvé grâce à mes yeux, je te connais par nom», lui dit l’Éternel. Il parle avec lui comme avec un ami. Moïse demande de voir la gloire divine : «Je ferai passer toute ma bonté devant ta face», lui est-il répondu, «ma gloire passera..., je te mettrai dans la fente du rocher»... Le moment vient où la peau de son visage rayonne, «parce qu’il avait parlé avec Lui». Autant d’admirables réponses à la foi de Moïse, mais en même temps nous voyons là une manifestation, inconnue jusqu’alors, de cette gloire de Dieu qu’il avait revendiquée et qui se déploie sous un caractère nouveau, qui est la grâce. Au chapitre 32 nous trouvons : «Celui qui aura péché contre moi, je l’effacerai de mon livre» ; au chapitre 33 c’est : «Je ferai grâce à qui je ferai grâce» ; au chapitre 34 : «l’Éternel... pardonnant l’iniquité, la transgression et le péché», mais non pas au détriment de la justice puisqu’Il «ne tient nullement celui qui en est coupable pour innocent». Comment accorder ces choses était alors le secret divin, mais maintenant ce secret est révélé, savoir Christ et son oeuvre.
Si nous comprenions mieux que Dieu, nous ayant assuré l’avenir par delà cette terre, met sa gloire à s’occuper de nous tandis que nous sommes en route, nous aurions l’ardeur de Moïse pour prier afin qu’Il le fasse : car la foi rappelle sans cesse à Dieu ses promesses, elle fait se ressouvenir Celui qui n’oublie pas (Ésaïe 62:6 ; 49:15»). Une mère ne s’étonne pas que son enfant lui redemande cent fois ce qu’elle lui a promis, cela lui prouve qu’il l’a à coeur. Et, considération plus haute et sanctifiante, nous aurions davantage conscience de l’intercession continuelle que, devant Dieu, un plus grand que Moïse effectue inlassablement en vertu de son sacrifice offert une fois pour toutes : c’est à cause de cette intercession que nous sont continués à la fois le secours divin et la discipline paternelle. Sans l’un et l’autre nous ne pourrions faire un pas.
Le même souci de la gloire de Dieu anime Moïse dans sa conduite envers le peuple. Il aime Israël comme Paul l’aimera, plus que lui-même, jusqu’à consentir à être effacé du livre de l’Éternel si seulement Celui-ci pardonne. Il ne pense pas à lui, il ne cherche pas sa propre gloire, il ne veut pas être le père d’un peuple nouveau (32:10) qui au demeurant serait aussi enclin au mal que l’autre. Il n’a d’autre maison que celle de Dieu, sur laquelle il est établi serviteur (Nomb. 12:7 ; Héb. 3:2).
Mais précisément parce qu’il en est ainsi, la gloire de Dieu doit être préservée devant ce peuple. Aussi Moïse agit-il avec une sévérité qui paraîtrait de la dureté à qui n’en discernerait pas les mobiles, lorsque, descendu de la montagne, il se trouve en présence du péché d’Israël. Aucun compromis, aucune atténuation ni devant les hommes ni devant Dieu. «Un si grand péché...» dit-il à Aaron. «Vous avez commis un grand péché», reproche-t-il au peuple avant d’aller rendre compte à l’Éternel et s’écrier : «Hélas ! ce peuple a commis un grand péché...»
La première chose est de détruire l’idole, de rendre le peuple conscient de son abjection (20), puis d’exécuter le jugement avec le concours de «ceux qui sont pour l’Éternel», les fils de Lévi. Ainsi l’apôtre excitait-il les Corinthiens à une action vengeresse (2 Cor. 7:11) jusqu’à ce qu’ils eussent montré qu’ils étaient «purs dans l’affaire». Moïse agit dans la claire compréhension des vrais intérêts du peuple de Dieu : avant que le levain ait fait lever la pâte il faut l’ôter. Il faut enlever la souillure que ce peuple répand sur sa propre gloire (Ps. 106:20). Cela est douloureux mais nécessaire.
Ne touchons-nous pas là un point bien sensible, une cause essentielle de notre faiblesse pratique ? Aux yeux de la chair, traiter le mal sans ménagement est de la dureté de coeur. Que de fois nous excusons le péché, chez nous-mêmes d’abord, et avec quelle complaisance, quelle facilité à en rendre d’autres responsables, comme Aaron le fait (22) ! Que de fois le tolérons-nous chez nos proches, et, hélas, dans l’assemblée ! Tant que nous n’appelons pas le mal mal, et que nous ne faisons pas ce qui est en notre pouvoir pour l’ôter, aucune solution n’est possible à des situations qui empirent alors jusqu’à nous apparaître sans remède. Nous en sommes tous responsables, et au premier chef les conducteurs qui imitent la faiblesse d’Aaron. C’est une triste, mais trop fréquente apologie, que de dire : Les autres sont plongés dans le mal, et moi qui devais les guider je les ai suivis, sans quoi on me reprocherait de manquer d’amour.
Seulement, prenons garde aussitôt à l’autre côté des choses, et ne manquons pas, effectivement, d’amour. Que de fois il y a véritablement de la dureté de coeur dans la façon dont nous traitons ceux qui tombent ! La chair veut corriger la chair, et faite sans amour, la répréhension ou la discipline ne produit que des fruits amers. Moïse censure Aaron avec colère, il humilie le peuple en lui faisant boire l’eau où il a mêlé la poudre de l’idole brûlée au feu, il appelle les Lévites à tirer l’épée contre leurs proches, mais en réalité il aimait le peuple bien autrement qu’Aaron se prêtant au mal. C’est le même Moïse qui «s’est tenu à la brèche» devant l’Éternel pour ces coupables, le même qui va, le lendemain, remonter vers Lui en s’offrant comme victime expiatoire pour eux. L’énergie de sa conduite à leur égard procède de son amour pour eux, qui sont le peuple de l’Éternel. À sa sainte indignation se joint une ardente douleur : il va se prosterner devant l’Éternel quarante jours et quarante nuits, en le suppliant «à cause du péché que vous avez commis», leur dira-t-il plus tard, et il intercède spécialement pour Aaron (Deut. 9:20, 25-29). Il fallait traiter le mal comme il le mérite mais Moïse en prend l’amertume sur lui. Méditons beaucoup cet exemple, de même que celui de Paul parlant aux Corinthiens le langage de l’amour sans hypocrisie. Mais bien davantage encore, pensons à Celui qui pleura sur la ville dont Il annonçait le jugement, et qui, lorsqu’Il proférait tant de «Malheur à vous» sur les chefs de la nation coupable était sur le point de mourir pour cette nation.
Un résultat est produit chez le peuple. Entendant la «parole fâcheuse» (33:4) que Dieu leur adresse, il se dépouille de ses ornements. Moïse reprend aussitôt son rôle de conducteur. Il y a espoir puisqu’il y a humiliation. Mais il ne servirait de rien de rester indéfiniment à se lamenter. Il faut se lever et partir. Or comment se remettre en route maintenant que le camp a été souillé ? La gloire de l’Éternel ne peut se trouver là où a été dressée l’idole. Il ne peut repartir de là avec le peuple. Et pourtant, il faut que les fidèles puissent se trouver en relation avec Lui, il faut un endroit où rencontrer Dieu. Ce ne peut être que hors du camp. Moïse alors tend la tente d’assignation, «pour lui, hors du camp, loin du camp». Ainsi, il ne suffit pas de dénoncer le mal, de le juger et d’en pleurer. Il faut s’en séparer, et rechercher la communion avec le Seigneur, et avec les fidèles, sur un terrain non souillé, hors du camp. Jésus est là, le vrai Moïse, «sortons vers Lui» (Héb. 13:13). Là nous attend la bénédiction.
Cette position prise, la marche est à poursuivre, «nous recherchons la cité qui est à venir» (id. 14). Il faut pour cela que Dieu aille avec son peuple, et nous avons déjà considéré Moïse intercédant en vue de cela, mais intercédant dans cette position de séparation et de bénédiction, où l’Éternel parle avec lui comme avec son ami. Il y a un but (33:1), mais il y a un chemin, celui de l’Éternel (13), et il y a l’Éternel allant avec son peuple dans ce chemin (16). La foi ne peut avancer autrement. Elle compte sur Dieu, mais avec la crainte qui est due à Celui qui agit avec support, en grâce, mais qui est «un feu consumant».
Aussi Moïse doit-il remonter sur la montagne. Il y reçoit cette merveilleuse révélation de l’Éternel passant tandis que lui est caché dans la fente du rocher, et puis il redescend une fois de plus vers le peuple, pour demeurer avec lui. Il lui rapporte la loi. Ce peuple l’avait déjà violée, aussi ce n’est plus : «Tout ce que l’Éternel a ordonné, nous le ferons». Le peuple n’a rien à exprimer. Comment promettrait-il quoi que ce soit ? Mais c’est Dieu qui a parlé : «Je ferai grâce à qui je ferai grâce...» Moïse ne peut que dire : «C’est un peuple de cou roide», mais à cause de cela il demande : «Seigneur, que le Seigneur marche, je te prie, au milieu de nous», ajoutant : «et pardonne nos iniquités, et nos péchés, et prends-nous pour héritage».
Mais ce peuple garderait-il la loi ? Incapable de le faire dans les conditions précédentes, celles de son engagement, il se montre incapable maintenant de supporter même le rayonnement de la face de Moïse, l’éclat de la gloire divine brillant en grâce, et en grâce donnant la loi. La loi demeure la loi et le peuple, hélas, reste ce qu’il est. L’âme sincère pouvait dire, mais sans pouvoir aller au delà : L’Éternel pardonne, Il continue à s’occuper de nous, sa grâce ne nous manquera pas ; mais comment garderai-je cette loi redoutable ? Elle était le ministère de la mort et de la condamnation parmi un peuple de cou roide. Le fidèle ne pouvait que le reconnaître, accepter sa condamnation comme pécheur, mais la manière glorieuse dont la loi était introduite donnait l’espérance à sa foi. Si Dieu n’avait été que le Dieu de la loi, Il ne serait pas monté avec le peuple, parce que «tu es un peuple de cou roide» (33:3), mais Il monte comme Dieu de la grâce pour cette même raison, parce que «c’est un peuple de cou roide» (34:9). Il est le Même, mais Il se révèle toujours davantage. Au temps convenable Il devait révéler sa justice dans l’Évangile, montrer que la loi était nécessaire pour faire resplendir la grâce : une fois le péché mis en évidence dans tout son caractère, Dieu montre qu’Il avait pourvu à son jugement définitif, de sorte que le pécheur soit justifié et le péché finalement ôté du monde. Jusque-là, un voile devait être placé sur la manifestation glorieuse mais passagère de cette grâce, le regard ne pouvait s’arrêter «sur la consommation de ce qui devait prendre fin». L’ardente supplication du fidèle devait être que ce voile fût ôté un jour.
Il l’a été. Ce n’est pas à un Moïse cachant le reflet d’une gloire dont nul ne pouvait supporter l’éclat que nous avons affaire. La gloire de Dieu brille dans la face de Christ et nous sommes appelés à «contempler à face découverte la gloire du Seigneur», pour être «transformés en la même image, de gloire en gloire, comme par le Seigneur en Esprit» (2 Cor. 3:18). L’Éternel était la gloire d’Israël, Christ celle de l’Église.
Cette gloire nous est-elle chère, et ceux sur qui elle repose nous sont-ils chers ? Nous ne sommes pas meilleurs que ces Israélites, et nous sommes plus responsables, appelés à marcher dans la lumière apportée par Christ. Dieu ne sacrifiera pas plus ses droits pour nous que pour eux, et ne permettra pas que son nom soit associé aux idoles de ce monde devant lesquelles nos coeurs s’inclineraient si aisément. Mais Dieu donne toujours à la foi les ressources répondant à la responsabilité. La foi possède maintenant un objet que Moïse ne pouvait entrevoir que confusément. Christ est tout : le vrai Moïse, intercesseur divin, — la vraie tente d’assignation où l’on rencontre Dieu, — et Il est le chemin, la vérité, la vie. Il n’est pas seulement le moyen d’aller au ciel, Il est le chemin sur la terre, et Il est «tous les jours» avec les siens.
Frères, soyons hommes, affermissons-nous. Si affligeant que soit l’état du peuple de Dieu, la place du fidèle est «à la brèche» , comme Moïse, comme Paul assiégé tous les jours par «la sollicitude pour toutes les assemblées». Les ressources de la foi sont les mêmes en tous temps. Usons-en comme eux, dans la séparation du mal, du monde, la défiance de nous-même, le sentiment que tout est grâce. Nous excuser sur notre faiblesse c’est abaisser le niveau divin, mais penser et agir comme si Dieu était désarmé par notre infidélité Lui est aussi une grave offense.